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Livret communications - Calenda

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PrésentationPrésentationPrésentationPrésentation Ce colloque a été conçu comme l'aboutissement de trois journées d'études qui ont rassemblé historiens et littéraires autour de la question suivante : comment l'écriture de comment l'écriture de comment l'écriture de comment l'écriture de l'histoire organisel'histoire organisel'histoire organisel'histoire organise----tttt----elle son matériauelle son matériauelle son matériauelle son matériau, entre les contraintes liées au genre littéraire qu'impose le travail d'écriture ou de réécriture et la nécessité de recourir aux documents, indispensables à la dimension référentielle du discours ? La question se pose avec une particulière acuité pour l'historiographie médiévale, où la notion de document fait problème. La réflexion va donc s'ordonner autour de trois notions clefs, remploi, référence et autorité. Remploi, car il s'agit d'étudier les modalités de la présence des documents, ou d'une réalité documentaire, dans le récit. Référence, car cette insertion vient dans certains cas au moins renforcer la fonction référentielle du langage. Autorité enfin, car cet usage d'hypotextes autorise le scripteur. Comité scientifiqueComité scientifiqueComité scientifiqueComité scientifique

Étienne ANHEIM (Histoire médiévale, UVSQ / ESR / LAMOP)

Pierre CHASTANG (Histoire médiévale, UVSQ / ESR) Catherine CROIZY-NAQUET (Littérature médiévale,

Université de Paris 3 / CERAM) Laurent FELLER (Histoire médiévale, Université de Paris 1 /

LAMOP) Francine MORA (Littérature médiévale, UVSQ / ESR) Michel ZINK (Littérature médiévale, Collège de France)

Partenaires de lPartenaires de lPartenaires de lPartenaires de l’’’’événementévénementévénementévénement

La Communauté d’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines (CASQY)

L’Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle Le LAMOP L’Institut Universitaire de France (IUF) L’Institut d’études culturelles et internationales (IECI)

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guerre franco-anglaise. Sa seule source narrative explicite est avouée dès le prologue. Froissart en reprend l'idée principale ainsi que la trame chronologique et événementielle. Pourtant, le texte de Le Bel n'est pas copié à la lettre. Bien au contraire, il est soumis à des modifications de façon à doter le récit de nouveaux sens souhaités. Cet effort apparaît d'autant plus clairement au regard de la volonté constante de Froissart de revenir à son histoire racontée, comme le signale l'existence de trois, voire quatre rédactions du premier livre. Il est donc nécessaire de suivre systématiquement non seulement quel rapport l'auteur entretient avec son texte-source et comment il le remodèle en fonction de ses propres perspectives, mais aussi comment il manipule ses propres écrits. L'enjeu en est essentiellement double. L'analyse détaillée nous amène en effet à constater que le travail de remaniement de son modèle consiste presque exclusivement en des découpages ou amplifications, mais très rarement en la mise en question de sa véracité. Or, cela surprend notamment dans les passages où l'auteur pourrait puiser davantage dans ses propres expériences, si bien que son vécu, sa mémoire subjective, n'ont qu'une influence limitée sur la structuration du récit. Il convient donc premièrement d'étudier quelles sont les modalités de la présence de l'auteur-narrateur dans le texte, par rapport à sa source. Le deuxième axe du questionnement doit porter sur l'usage que Froissart fait de son modèle textuel par rapport aux sources orales sur lesquelles se base la suite de son œuvre historiographique, afin de comprendre s'il existe, dans sa conception, une différence entre le témoignage couché par écrit et celui qui ne l'est pas. Il s'agit donc non seulement de vérifier le rôle d'un genre particulier, qui est la « chronique historiée », en tant que force formative et organisationnelle du récit, mais aussi de soulever le problème de l'autorité que l'on attribue généralement au texte. Nous croyons qu'une telle étude permettra de dégager les influences multiples qui participent de manière générale de sa narration et ainsi d'approfondir la recherche sur la compréhension froissartienne de l'histoire.

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pensée chrétienne, enrichie et revisitée, elle s'étoffe selon des modèles épiques et hagiographiques dans l'optique de fonder une « légende » de la première croisade. Cette écriture de l'Histoire se propose de créer une figure héroïque inouïe afin d'exalter un nouvel idéal de vie et d'inciter les Occidentaux à se croiser. Luigi RUSSOLuigi RUSSOLuigi RUSSOLuigi RUSSO Université Européenne de RomeUniversité Européenne de RomeUniversité Européenne de RomeUniversité Européenne de Rome « ‘Réinventer' la croisade dans le XVe s. : sur l'originalité de la réécriture de l'histoire » Dans ma communication j'analyserai deux réécritures de l'histoire de la croisade : l'Historia Gotefridi de Benedetto Accolti (1415-1464) et l'Historia Jerusalemitana de Thomas Ebendorfer (1388-1464). Le but de ce travail est de montrer la modalité des discours appelant au combat contre les infidèles sans utiliser l'argument religieux, mais celui historiographique. Repenser au passé au moyen de la réécriture d'un texte : c'est le problème affronté par les deux auteurs en question. Donc, je suivrai leurs argumentations et les modifications des sources employées (particulièrement les histoires de la première croisade), pour montrer que l'acte de réécriture peut représenter une façon originale de penser à la croisade au XVe siècle et dans la lutte contre les Turcs. Vera VEJRYCHOVAVera VEJRYCHOVAVera VEJRYCHOVAVera VEJRYCHOVA Université Charles de Prague / Université de ParisUniversité Charles de Prague / Université de ParisUniversité Charles de Prague / Université de ParisUniversité Charles de Prague / Université de Paris 4444 « La réécriture de l'histoire chez Jean Froissart. Le chroniqueur face à ses sources » Les Chroniques de Jean Froissart ont fait maintes fois l'objet d'études fort savantes, portant sur la question de son écriture historiographique (P. Ainsworth, 1990 ; M. Zink, 1998 ; J.-M. Moeglin, 2006 ; A. Varvaro, 2011). Il est de notoriété incontestable que le chroniqueur hennuyer s'est basé sur le récit de Jean Le Bel, pour présenter les débuts de la grande

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Olivier Olivier Olivier Olivier SZERWINIACKSZERWINIACKSZERWINIACKSZERWINIACK Université de PicardieUniversité de PicardieUniversité de PicardieUniversité de Picardie « Le rôle des documents dans l'écriture de l'Histoire ecclésiastique du peuple anglais de Bède le Vénérable » L'Histoire ecclésiastique du peuple anglais contient de très nombreux documents écrits : des extraits de vies de saints, des lettres de Grégoire le Grand et d'autres papes, le Libellus

responsionum, des extraits du livre sur les lieux saints d'Adomnan, des épitaphes, etc. En fait on pourrait presque dire que tous ces documents constituent la trame sur laquelle Bède tisse le fil de chaîne de son récit. La communication établira la liste des documents présents dans l'HEPA, puis tentera de montrer comment ces documents sont insérés dans le récit historique, avec quelle réécriture éventuelle, à quelle place, selon quel ordre et dans quel but. Bref, il s'agira d'analyser comment Bède est parvenu à écrire la première histoire de l'Angleterre à partir des documents écrits et oraux dont il disposait. Chantal SENSÉBYChantal SENSÉBYChantal SENSÉBYChantal SENSÉBY Université d'OrléansUniversité d'OrléansUniversité d'OrléansUniversité d'Orléans « Écrire l'histoire à Saint-Aubin d'Angers au XIIe s. Métamorphoses et fonctions des documents d'archives dans la production historiographique » Vers 1150 à Saint-Aubin d'Angers, les moines bénédictins se sont illustrés par une production hagiographique et historiographique soutenue comme l'indiquent les témoins conservés. Outre des chroniques et des annales subsistent deux œuvres réalisées peu après 1150 : une Vie de Girard, moine-ermite de l'abbaye mort en 1151, et une Chronique dite de Méron (Chronica vel sermo de rapinis, injusticiis et malis

consuetudinibus a Giraudo de Mosteriolo exactis et de

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eversione castri ejus a Gaufrido comite), qui relève à la fois du genre hagiographique et historiographique. Leurs deux auteurs, demeurés anonymes, sont contemporains des événements narrés. À l'évidence, ils ont exploité les archives de leur établissement car le lecteur, familier du chartrier et du cartulaire de Saint-Aubin, repère dans ces récits les documents sollicités, ces hypotextes dont les deux moines ne retiennent souvent que quelques éléments fréquemment infléchis. Tout en définissant finement le contexte de production des deux récits, le propos sera d'observer et de comparer les techniques littéraires mises en œuvre : simple remploi à l'ampleur variable ? Référence explicite à un titre du chartrier ? Réécriture de documents d'archives ou de passages de ceux-ci, impliquant une métamorphose notable ou légère de chartes ou de notices, soumises aux règles même assouplies de la diplomatique ? Modes d'insertion de ces éléments importés ? Il sera alors opportun de s'interroger sur le lien entre les options techniques suivies et les projets respectifs des deux moines. La biographie spirituelle de Girard à visée surtout parénétique appelle-t-elle les mêmes solutions que la Chronique de Méron ? La connaissance des procédés littéraires utilisés sur certaines pancartes du fonds de Saint-Aubin, la prise en compte des exercices scolaires pratiqués dans les écoles monastiques et l'analyse des artes dictaminis pourraient apporter un éclairage complémentaire. Julian FÜHRERJulian FÜHRERJulian FÜHRERJulian FÜHRER Institut Historique AllemandInstitut Historique AllemandInstitut Historique AllemandInstitut Historique Allemand « Documentation et écriture de l'histoire chez l'abbé Suger » Les écrits de l'abbé Suger (1122-1151) se prêtent particulièrement bien à un examen des questions suscitées par l'argumentaire du colloque. La communication proposée veut étudier ceux-ci en trois temps.

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Magali JANETMagali JANETMagali JANETMagali JANET Université de Paris Est Université de Paris Est Université de Paris Est Université de Paris Est –––– MarMarMarMarnenenene----lalalala----ValléeValléeValléeVallée « L'écriture de la première croisade : la fin de Renaut Porcet dans les récits des XIIe-XIIIe s. » Les œuvres de la première croisade présentent la particularité de relater l'histoire de la communauté franque en Terre sainte peu de temps après la conquête effective de Jérusalem. Or, ces premières relations latines puis françaises se développent du XIe au XIIIe siècle alors même que le genre historiographique se construit en se tournant vers l'épopée et l'hagiographie. L'écriture de cette histoire récente est, de surcroît, contemporaine de nouvelles entreprises militaires pour consolider les états francs de Terre sainte (deuxième et troisième croisade notamment). Partant, l'historiographie se manifeste comme un processus dans lequel les facteurs linguistiques, les emprunts génériques et l'influence de l'idéologie de la croisade sont déterminants. Confronter les différents récits d'un même épisode – l'ultime combat de Renaud Porcet lors de la prise d'Antioche – dans plusieurs œuvres des XIIe et XIIIe siècles, permet de saisir comment se façonne l'Histoire de la première croisade. Les faits d'armes du chevalier et sa mort cruelle connaissent une amplification narrative continue à partir d'une allusion originelle, en latin, dans la chronique occidentale primaire composée par Tudebode. Repris en langue romane, l'épisode subit une mise en scène : les discours rapportés de Renaud Porcet donnent corps au personnage, les exploits guerriers du croisé sont célébrés et sa mort en martyr magnifiée. La Chanson d'Antioche s'appuie sur des modèles narratifs éprouvés, l'épopée et l'hagiographie, afin de susciter un combattant-martyr, c'est-à-dire un protagoniste en adéquation avec l'idéologie de la croisade. Des œuvres aussi diverses que l'Estoire de Jérusalem et d'Antioche, que le poème imité de Baudri de Bourgueil et la Gran Conquista de Ultramar ajoutent une fin miraculeuse à l'épisode. Un rire joyeux ou une colombe s'échappe de la tête tranchée de Renaud Porcet. Les œuvres se livrent ainsi à une fictionnalisation de l'histoire en sanctifiant le chevalier franc. Par conséquent, au fil des œuvres, la première donnée historique est travaillée par une

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grégorienne, n'avait rien d'évident en contexte dionysien, et ce, tout au long du XIIe siècle. À l'empereur « chef d'Église », l'abbaye semble bien préférer le rhinocéros jugulé par ses soins. Irène FABRYIrène FABRYIrène FABRYIrène FABRY----TEHRANCHITEHRANCHITEHRANCHITEHRANCHI Université de ReadingUniversité de ReadingUniversité de ReadingUniversité de Reading « Écrire l'histoire de Stonehenge : narration historique et fiction romanesque (XIIe-XVe s.) » Je souhaiterais étudier l'écriture de l'histoire à travers l'épisode de la construction de Stonehenge et ses remaniements, de l'Historia Regum Britanniae de Geoffroy de Monmouth au Brut de Wace et à leurs adaptations dans le Brut et en prose et l'Histoire des Bretons. Cet épisode met en scène la figure de Merlin, prophète doté de capacités extraordinaires, qu'il utilise pour déplacer les pierres d'Irlande en Grande Bretagne, et interroge l'inclusion de la « merveille » dans des récits à caractère historique. Le passage apparaît également dans le Roman de Merlin, mais y a-t-il vraiment un hiatus entre textes de fiction et chroniques ? La matière arthurienne et les enchantements de Merlin se prêtent à des développements propres à interroger la relation entre acceptation de la merveille et rationalisation et christianisation de cette dernière. L'autorité du prophète contribue aussi paradoxalement à renforcer la crédibilité historique d'un récit étiologique concernant ce monument doté d'une fonction à la fois mémorielle et funéraire. Stonehenge constitue par son existence même un signe extraordinaire propre à susciter des explications intégrant une part de surnaturel, mais différentes stratégies permettent de mettre en sourdine cet élément.

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1) Remploi : Suger est un utilisateur raffiné de la documentation écrite lors du processus d'écriture. Nous découvrons ainsi un parallélisme étroit entre la documentation administrative et le texte historiographique dans les épisodes concernant le monastère d'Argenteuil et la menace d'attaque de l'empereur Henri V, mais avec des accents différents en fonction de l'intention de l'auteur. Suger écrivain de l'histoire organise son matériau d'une autre façon que lorsqu'il fait office de rédacteur de chartes. Suger est très conscient de la valeur du document historique. 2) Référence : Suger évoque assez souvent (et bien plus souvent que l'édition critique ne le laisse entrevoir) des autorités antiques ou sacrées comme la Bible, Lucain, Horace ou encore des proverbes. Nous mettrons en rapport ces références avec l'intention de l'auteur, ces citations ayant des occurences très inégalement réparties sur l'ensemble du texte de la Vie de Louis VI. 3) Autorité : Suger doit être considéré comme modernisateur de la biographie royale ; il évite la contrainte générique et restera très influent pour l'écriture historique française médiévale basée sur la vision dionysienne de l'histoire. Suger ne se réfère ni à Eginhard pour la narration ni au texte de Helgaud de Fleury sur le Capétien Robert le Pieux, mais conçoit une nouvelle manière d'écrire la biographie d'un roi qui est plus proche des épopées de son temps. La communication mettra en valeur ces rapports avec la littérature en langue vernaculaire. À cet effet nous étudierons de plus près les délibérations du roi avec ses proches et l'usage du discours direct dans la Vie de Louis VI.

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Françoise LAURENTFrançoise LAURENTFrançoise LAURENTFrançoise LAURENT Université Blaise Pascal (ClermontUniversité Blaise Pascal (ClermontUniversité Blaise Pascal (ClermontUniversité Blaise Pascal (Clermont----FerrandFerrandFerrandFerrand 2)2)2)2) « Influence des sources documentaires dans l'historiographie anglo-normande du XIIe s. » Il peut sembler paradoxal de ne parler que d'« influence » pour analyser la présence et le rôle des sources documentaires dans des ouvrages qui, s'inspirant de textes latins dûment identifiés, relèvent d'une écriture de seconde main, conformément à la pratique de la translatio. Pourtant, le Roman de Rou de Wace et l'Histoire des ducs de Normandie de Benoît de Sainte–Maure offrent respectivement l'exemple d'une exploitation des sources où la fidélité et l'originalité se conjuguent sans pour autant se contredire. Si le De moribus et actis primorum Normanniae ducum de Dudon de Saint-Quentin et les Gesta normannorum ducum de Guillaume de Jumièges, que vont poursuivre Orderic Vital et Robert de Torigni, infléchissent les deux réécritures romanes qui épousent, pour l'une, leur style, pour l'autre, leurs traits génériques, leur présence et leur utilisation justifient aussi les libertés qu'ont prises les deux auteurs et qui témoignent de leur capacité de comprendre les documents utilisés et d'en saisir profondément la lettre et l'esprit. Elena ABRAMOVAElena ABRAMOVAElena ABRAMOVAElena ABRAMOVA----LEMAIRELEMAIRELEMAIRELEMAIRE LAMOP / Université de ParisLAMOP / Université de ParisLAMOP / Université de ParisLAMOP / Université de Paris 1111 « Les documents juridiques, les textes narratifs et autres témoignages dans l'Histoire des comtes de Guines de Lambert d'Ardres (fin XIIe s.) : sélection des sources » L'Histoire des comtes de Guines présente un exemple intéressant de l'historiographie médiévale dans lequel on trouve un travail important sur la recherche, la sélection et l'emploi des sources déjà existantes. Dans le Prologue, Lambert d'Ardres donne quelques renseignements sur ces

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à Saint-Germain-des-Prés à la fin du XIIe siècle comme modèle final de compilation historiographique, délaissant en grande partie pour ce faire ses propres essais. Ce manuscrit mis au point à Saint-Germain et adopté par Saint-Denis sélectionne pour retracer la période carolingienne et la geste de Charlemagne en particulier les Annales regni

Francorum et la Vita Ludovici Pii de l'Astronome, qu'il interpole et amende. Dans ce premier essai, on ne trouve donc pas la Vita Karoli d'Eginhard, et la Chronique du Pseudo-

Turpin n'y sera jamais ajoutée, alors que ces deux textes s'intègreront dans les recueils réalisés sur le modèle de celui-ci à Saint-Denis au début du XIIIe siècle. Or, si l'on se rapporte à l'histoire manuscrite de la Vita Karoli, à Saint-Denis, Saint-Germain-des-Prés et au-delà, avant et pendant le XIIe siècle, il apparaît que l'attelage Annales regni Francorum / Vita

Ludovici Pii de l'Astronome, écartant donc la Vita Karoli, est surprenant. C'est ce que nous apprennent les dernières recherches effectuées sur l'histoire des manuscrits. Il est certes difficile de postuler qu'un véritable choix fut à l'origine d'un tel regroupement de textes autour du personnage de Charlemagne. Il reste que l'histoire matérielle des textes et la constitution du patrimoine historiographique dionysien révèlent une difficile et surtout très spécifique intégration de la geste carolingienne. Plus précisément, c'est à une forme de réticence (volontaire ou non) à intégrer la geste carolingienne dans son versant « éginhardien » que nous avons affaire dans ces hauts lieux de production d'un discours ecclésiastique autorisé. Sans prétendre donner aux travaux historiographiques des abbayes une signification univoque, nous avons donc poursuivi l'histoire des manuscrits en recourant à l'analyse topique et générique des sources sélectionnées ou rejetées. Contrairement à ce que les premières chansons de geste en langue romane pourraient faire croire, et conformément à ce que suggère l'histoire matérielle des textes, une telle analyse semble confirmer à quel point l'entrée en scène de Charlemagne dans une Histoire dévolue aux combats bien plus hauts en valeur du « système d'Église » (Y. Congar) issu de la Réforme

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cas) si certains actes ont été privilégiés pour chaque abbé, et si l'on peut distinguer les logiques qui ont été à l'œuvre dans ce processus de sélection. On ajoutera que d'autres types de textes, comme le corpus hagiographique dédié à sainte Foy, servent également de références dans les Gesta abbatum de Conques. Ainsi, il apparaît que la stratégie d'autorité historique déployée par leur auteur est complexe, et ne se résume pas à s'appuyer seulement sur les actes de la pratique. Dans cette perspective, on se montrera particulièrement sensible aux silences du moine de Conques et aux erreurs qu'il a commises, mis en évidence quand on confronte les Gesta abbatum à d'autres sources. De la sorte, on pourra dégager les objectifs poursuivis par notre historiographe et la façon dont il a construit son discours historique afin de faire autorité. Éléonore ANDRIEUÉléonore ANDRIEUÉléonore ANDRIEUÉléonore ANDRIEU Université de BordeauxUniversité de BordeauxUniversité de BordeauxUniversité de Bordeaux 3333 « Le personnage de Charlemagne à l'abbaye de Saint-Denis (XIIe s.) : le rhinocéros jugulé ? » Le travail historiographique de Saint-Denis s'appuie sur un corpus de textes réunis dans des « manuscrits recueils » successifs, depuis le XIe siècle, à Saint-Germain-des-Prés et à Saint-Denis qui emprunta à Saint-Germain ses essais. Ce corpus représente les croniques latines que Primat prétend traduire dans son prologue aux dites Grandes Chroniques de France, afin d'élaborer en français son propre roman des rois. On trouve d'abord, au début de l'histoire de ces croniques, des textes produits et/ou collectés à Saint-Germain-des-Prés, sans doute entre le milieu du XIe siècle (1070 ?) et le milieu du XIIe siècle, et dont on ne saurait plus dire aujourd'hui, depuis les analyses de Pascale Bourgain, qu'ils proviennent forcément de l'abbaye de Fleury. C'est ainsi que se trouve constitué le premier des « manuscrits recueils » de l'aventure historiographique commune aux deux abbayes : le manuscrit de la Bibliothèque Nationale Latin 12711, qui sera continué à la fin du XIIe siècle. C'est ce manuscrit que Saint-Denis emprunte

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sources comme par exemple les Chroniques de Flandre et de Boulogne. Certains emprunts sont faciles à détecter, les autres sont plus discrets. Parmi ces derniers, on trouve le texte du Cartulaire de l'abbaye de Saint-Bertin et quelques chartes sur l'église d'Ardres. L'auteur oppose les textes écrits à la tradition orale. Toutefois un tiers de son ouvrage est « sacrifié » à une narration de Gautier de Cloud sur l'histoire d'Ardres, seigneurie faisant partie du comté de Guînes. Parfois on voit que l'auteur n'est pas d'accord avec la ligne générale des comtes à laquelle il doit s'adapter, surtout s'il s'agit des droits de son église à Ardres. Même si certains historiens remettent en question tout ou partie de l'authenticité de l'ouvrage, celui-ci reste un témoignage unique sur les conditions de travail des auteurs au Moyen Âge en fonction des contraintes génériques et des contraintes documentaires de l'époque.

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MichMichMichMichèle GUÉRETèle GUÉRETèle GUÉRETèle GUÉRET----LAFERTÉLAFERTÉLAFERTÉLAFERTÉ Université de RouenUniversité de RouenUniversité de RouenUniversité de Rouen « L'Histoire des Lombards de Paul Diacre, modèle de l'Ystoire de li Normant d'Aimé du Mont-Cassin : imitations et emprunts, écarts et distorsions » Dans sa préface-dédicace à l'abbé Didier, Aimé du Mont-Cassin se recommande explicitement de l'exemple de Paul Diacre pour justifier son entreprise historiographique. Dans quelle mesure le modèle a-t-il exercé une influence déterminante sur l'écriture de l'histoire pratiquée par le moine et sur sa façon de mettre en forme son matériau documentaire ? C'est ce que nous nous appliquerons à mettre en évidence en examinant en particulier le découpage en livres et en chapitres, les procédés de datation, la progression du récit, le rôle des anecdotes… Mais c'est aussi les différences qu'il conviendra de prendre en compte afin d'apprécier comment Aimé s'affranchit du modèle. En outre, comme le seul texte qui nous soit parvenu de cet ouvrage est la traduction qui fut faite en français au XIVe siècle dans le milieu des Angevins de Naples, nous examinerons dans un second moment la manière dont le traducteur se comporte vis-à-vis de ce document et considère l'auteur et son travail. Florent COSTEFlorent COSTEFlorent COSTEFlorent COSTE Université de LorraineUniversité de LorraineUniversité de LorraineUniversité de Lorraine

« La Légende dorée de Jacques de Voragine et les écritures de l'histoire : montages manuscrits, (dis)continuités génériques et domestication du temps » La Légende dorée de Jacques de Voragine présente le paradoxe d'être à la fois trop et trop peu connue. Il n'est pas toujours aisé de mesurer l'ampleur de la rupture qu'elle représenta tant dans le genre hagiographique, dans les pratiques pastorales (au sein et par-delà les cercles

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Gesta, fragmentaire et peut-être autographe, et à ses annotations au ton assez surprenant livrera d'ailleurs quelques indices sur la réception du récit dans le milieu canonial cambrésien du XIe siècle. Sébastien FRAYSébastien FRAYSébastien FRAYSébastien FRAY Université de ParisUniversité de ParisUniversité de ParisUniversité de Paris 4444 « Intertextualité et stratégies d'autorité dans les Gesta abbatum de Conques (XIIe s.) » Improprement désignés comme chronique par l'érudition moderne, les Gesta abbatum de Conques constituent un cas d'œuvre historiographique assez brève (quelques folios), dont la rédaction peut être datée des environs de 1100. Cet ouvrage rédigé par un moine de Conques resté anonyme se compose d'une série de notices correspondant à la succession des abbés ayant régi le monastère patronné par sainte Foy. Frédéric de Gournay a d'ores et déjà fait remarquer les liens intertextuels que ces Gesta entretiennent avec le cartulaire de Conques, alors en cours d'élaboration. Il faut toutefois faire remarquer qu'en réalité, le cartulaire n'est pas la seule référence sur laquelle se fondent les Gesta : ils se réfèrent également à un acte (d'ailleurs faux) non copié dans le cartulaire, le pseudo précepte du roi Pépin d'Aquitaine. Aussi, il convient de réinterroger les liens entre les Gesta et le cartulaire : en prêtant une attention particulière aux formes toponymiques, on se demandera si les actes résumés par les Gesta le sont réellement d'après le cartulaire, ou si les notices n'ont pas plutôt été construites d'après les originaux qui étaient encore présents dans le chartrier à cette date. On ne peut d'ailleurs se contenter de noter que l'auteur des Gesta s'inspire d'actes de la pratique ; il faut également se demander quelle signification revêt pour lui et pour son public cette manière de procéder. À cet égard, il convient de se demander si chaque notice constitue une synthèse de la documentation qui était disponible, ou bien (ce qui semble le

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série considérable de récits à caractère hagiographique ou historiographique. Probablement rédigés entre 1023 et 1025, les Gesta

episcoporum Cameracensium participent pleinement à cette stratégie de restauration de l'autorité épiscopale. S'adressant à une audience régionale, Gérard s'y livre à un important exercice de révision du passé diocésain, des origines de la cité à son propre épiscopat. Il cherche à s'y profiler comme l'héritier direct de ses plus prestigieux prédécesseurs – et en particulier des saints évêques Vaast et Géry –, à inscrire ses interventions dans le droit fil des leurs, et donc, indirectement, à s'y présenter comme l'incarnation terrestre du pasteur vertueux vanté par la Regula pastoralis, qui a considérablement guidé sa réflexion. La production des Gesta a imposé à son auteur de collecter, d'ordonner et de réinterpréter une documentation éparse mêlant diplômes carolingiens et ottoniens, Vitae de saints régionaux, chroniques locales et citations scripturaires. L'objectif de cette communication sera de déterminer comment, dans un but éminemment politique, Gérard et ses collaborateurs ont mis en œuvre ces documents et narrations en leur conférant un sens nouveau. À cette fin, il s'agira tout d'abord d'identifier la documentation sur laquelle l'évêque Gérard a souhaité bâtir son œuvre. Il conviendra ensuite de définir comment le prélat et son entourage ont choisi d'intégrer ces hypotextes à la narration, tantôt en les insérant tels quels – encore que… – à son récit, tantôt en les retravaillant et en gommant toute trace de reprise. Ce sera l'occasion de se pencher sur certaines des méthodes de travail de l'auteur, notamment lorsqu'il se trouve confronté à des informations visiblement contradictoires. Enfin, on s'efforcera de déterminer comment la sélection, l'ordonnancement et la mise en récit des hypotextes par Gérard et son entourage ont pu contribuer à renforcer symboliquement l'autorité de l'évêque sur ses contemporains. On touchera ici à la fois aux questions de composition et de réception de l'œuvre. Le recours au plus ancien manuscrit des

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mendiants), que dans les pratiques laïques de dévotion et du livre. On souhaiterait se focaliser ici sur la dimension innovante de cette compilation en montrant qu'elle fonctionne comme un instrument de domestication du temps, pour le compilateur, le prédicateur et le lecteur du légendier. Le tour de force de cette compilation, qui fit à la fois sa marque de fabrique et la clé de son succès, fut sans doute d'inscrire et de tresser une pluralité d'écritures de l'histoire au sein d'une organisation (ordinatio) calendaire, à haut rendement symbolique : l'écriture encomiastique de l'hagiographie (sanctoral), branchée sur l'hypertexte évangélique (temporal), se laisse baliser par les séquences des quatre temps, tandis que l'écriture de la chronique (à travers le chapitre de saint Pélage) se mêle aux différentes explications doctrinales sur la liturgie. Le tout, introduit par un chapitre de l'Avent qui dépeint un Jugement dernier, forme une fresque qui superpose, emboîte et encastre histoire sacrée et histoire profane, histoire de l'humanité et histoire de quelques hommes, temps de l'année et temps de la journée, et enfin passé, présent et futur. Dès lors, il peut paraître réducteur de se livrer à une lecture strictement documentaire ou strictement littéraire de cet écrit polyvalent qui ne relève pas à proprement parler de l'historiographie et qui échappe à des découpages génériques qui ne sont peut-être que les nôtres. Fondée sur le remploi, la réécriture et l'assemblage de « sources » hétérogènes, la Légende adopte une construction à la fois continue et discontinue, segmentaire et modulaire, linéaire et circulaire. Elle se dote suffisamment de robustesse et de souplesse, pour que, de manière raisonnée et contrôlée, les sources deviennent, pour le lecteur, des ressources et des instruments de pensée à même de prendre en charge la temporalité de sa propre existence. Pour rendre compte de cette inextricable complexité des écritures de l'histoire, il semble judicieux de revenir au manuscrit lui-même, compris moins comme dépôt, que comme montage socialement actif, dynamique et connecté à ses usages spécifiques, parfois

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contingents et circonstanciés. On isolera un corpus de quelques manuscrits qui greffent aux côtés de la Légende

dorée des sources relevant, d'une manière ou d'une autre, d'une écriture de l'histoire. L'écriture de l'histoire qui se déploie et se diffracte dans la Légende constitue en effet une matrice pour des écritures plus ou moins sauvages, plus ou moins calibrées en périphérie du texte hagiographique : chroniques des papes (Tours, BM, 1010 ; Paris, BnF, lat. 9730 ; Paris, BnF, lat. 17001) ; inscriptions de chronologies (Paris, BSG, 549 ; Reims, BM, 1385), notations d'événements historiques anecdotiques ou d'importance (Arras, BM, 872), voire notice autobiographique du possesseur du manuscrit (Vatican, BAV, Reg. lat. 534). L'examen de ces quelques manuscrits révèlera que l'écriture est une activité secourable qui répond, de manière solidaire et presque indiscernable, au besoin de mettre en récit et à celui d'archiver, bref à la nécessité de domestiquer le temps. Denis GABRIELDenis GABRIELDenis GABRIELDenis GABRIEL Université d'AixUniversité d'AixUniversité d'AixUniversité d'Aix----enenenen----ProvenceProvenceProvenceProvence « L'écriture d'une histoire : rapporter les faits dans un procès. L'affaire opposant la Sorbonne au chapitre de Saint-Benoît (1274-1281) » Dans le premier chapitre de son ouvrage Histoire et culture

historique dans l'Occident médiéval, B. Guénée montrait les rapports entre le droit et l'histoire, par les retombées historiennes que pouvait avoir l'étude des cartulaires à des fins de défense foncière. Le cas de la Sorbonne et du cartulaire compilé au début du XIVe nous offre un exemple supplémentaire. En effet, pour les sorbonnistes de l'époque moderne comme Claude Hémeré, le cartulaire a été, au même titre que d'autres documents de la pratique des membres de la maison, une source pour l'histoire de l'institution. Dans ces documents médiévaux, on peut s'apercevoir que le droit pouvait permettre un certain type d'histoire. En effet,

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Nulle recherche de neutralité ou d'objectivité dans l'écriture de l'histoire au XIIIe siècle avec la Chanson de la Croisade

albigeoise, ce qui intéresse le récit (son commanditaire et son public donc) c'est le témoignage individuel d'un témoin de premier ordre. Se dessine là un triptyque : pouvoir, histoire et mémoire. Car l'histoire tant en tant que genre littéraire de l'estoria que comme récit d'un historien (médiéval s'entend) apparaît comme un travail de mémoire placé au service du pouvoir. Nicolas RUFFININicolas RUFFININicolas RUFFININicolas RUFFINI----RORORORONZANINZANINZANINZANI Université de NamurUniversité de NamurUniversité de NamurUniversité de Namur « Une histoire à usage politique : les Gesta episcoporum de l'évêque Gérard de Cambrai († 1051) et la construction d'un passé diocésain » Sis au carrefour des aires de domination française, flamande et germanique, Cambrai constitue à la fois le siège de l'immense diocèse double d'Arras-Cambrai et le centre névralgique d'un petit comté gouverné depuis 1007 par des évêques-comtes soumis aux empereurs. De 1012 à 1051, la charge pastorale y est détenue par Gérard Ier de Florennes, un prélat issu de l'une des plus puissantes familles lotharingiennes, dont la formation s'est partagée entre Reims et Aix. Bénéficiant de droits étendus, jouissant conjointement de l'auctoritas et de la potestas, soutenu par de puissants réseaux de fidélité, l'évêque dispose à Cambrai de nombreux atouts pour imposer son pouvoir dans une région à l'intérêt géostratégique évident. Et pourtant, à en croire le témoignage des sources contemporaines aux évènements, ses décisions s'avèrent régulièrement contestées par une aristocratie rétive à son pouvoir et par des bénédictins désireux de s'émanciper de la tutelle épiscopale. Afin de remédier à la mise à mal de son autorité sacrée, Gérard adopte dès les années 1020 une stratégie fondée sur le recours à l'écrit : s'appuyant sur les meilleures plumes de son entourage, il projette, entre autres, une restauration littéraire de l'autorité épiscopale en supervisant la production d'une

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questions articulées autour de la notion de pouvoir qui accompagne la mise en récit. En effet, l'écriture de la geste romane face aux chroniques latines de parti opposé implique un mécénat puissant au service duquel l'auteur place son talent poétique, comme ses qualités d'observateur, et, écrire l'histoire de cette guerre albigeoise, c'est donner une cohérence historique aux événements, en offrant un texte fondateur aux populations méridionales dans lequel elles pourront éventuellement puiser leur légitimité. Dans ce texte à l'engagement idéologique très fort – tant religieux que politique – se manifeste clairement une double légitimation des auteurs : l'une est liée à leurs qualités de poètes, l'autre dépend de leur statut de témoins oculaires et de proches des dirigeants de la guerre ; ces deux caractéristiques sont considérées comme strictement nécessaires pour la validité du récit auprès du public. Pour la Chanson, point de sources écrites, et l'histoire s'écrit par auto-référencement des auteurs et du texte. La question des sources est celle d'une oralité rapportée qui permit aux auteurs de compléter – selon leurs dires – leurs propres constats de visu. De façon intéressante, l'auteur-témoin est sa propre source, et le texte qui restitue une histoire devient référent commun à l'auteur et son public. Auteur et texte acquérant ainsi une autorité propre en matière d'histoire de la croisade albigeoise. Par ailleurs, nul n'attend de ces auteurs autre chose qu'un engagement partisan envers ceux dont ils défendent la cause et au service desquels ils placent leur poésie ; puisque le public médiéval de cette estoria épique la reconnaît comme récit historique des hauts faits des ancêtres. On sait par ailleurs que cette dimension d'historicité de la chronique pourtant fondamentalement épique lui est pleinement accordée par deux remanieurs distincts qui fondent sur la Chanson la rédaction de deux chroniques languedociennes au XVe puis XVIe siècles ; de même que par l'historiographie contemporaine qui considère la Chanson comme un témoin de premier ordre.

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l'homme de droit rapporte des événements, des faits en les puisant dans les documents dans lesquels ils sont consignés. Il existe donc un type de récit dans le droit, le récit juridique. Le juriste fait une certaine histoire en se basant sur des documents et en les respectant scrupuleusement. Cette rigueur ou peut-être même rigidité documentaire est un élément à prendre en considération car il est possible que les mêmes écrivent les deux genres de récits, juridique et historique. Les hommes du Moyen Âge sont capables de faire un récit circonstancié sur des faits en se basant sur des documents... La question que l'on ne traitera pas est celle de la raison pour laquelle l'outillage technique du droit n'est pas employé en Histoire. L'homme du Moyen Âge ne manque pas de techniques ; c'est un choix délibéré de faire de l'histoire sans appliquer celles du récit juridique. Pour reprendre les termes de B. Guénée dans l'argumentaire du colloque, si les historiens du Moyen Âge pesaient des témoins, les notaires rapportaient les faits à partir des documents. L'exposé envisagé veut mettre en évidence que l'homme de Droit du Moyen Âge (qui est passé par une formation en « arts » avant de faire son Droit) a les outils pour être précis et peut-être aussi, dans une certaine mesure, peut-il faire preuve d'objectivité. Ce sont les mêmes personnages - ou au moins sont-ils formés aux mêmes techniques - à qui l'on enseigne les techniques du droit, le la philosophie ou de la théologie, et ces techniques sont encore proches au XIIIe siècle. Réfléchir sur les modalités du « récit juridique », c'est rechercher les techniques utilisées en Droit mais aussi entamer la compréhension de l'élaboration du récit historique à la même époque. Le cartulaire de Sorbonne permet de suivre plusieurs affaires judiciaires parmi lesquelles celle qui l'opposa au chapitre de Saint-Benoît entre 1274 et 1281. Robert de Sorbon dès 1271 a légué à la maison et à Geoffroy de Bar, chanoine de Notre-Dame, la totalité des biens dont il avait hérité ou qu'il avait acquis. La complexité de la notion de propriété à cette époque entraîne une contestation rapide de cette dévolution

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des biens. Ainsi commencent au moins deux affaires dont le cartulaire rapporte plusieurs actes avec le chapitre de Saint-Benoît et avec la communauté de Sainte-Geneviève. Proche du pape depuis les démarches entreprises par Robert de Sorbon, la Sorbonne entre en procès et fait appel au souverain pontife. Dans ce cadre, plusieurs actes racontent les faits qui sont contenus dans d'autres documents fournis aussi par l'édition du cartulaire par P. Glorieux. Il s'agira de comprendre comment se construit le récit dans le cadre juridique, le contexte documentaire permettant de consulter une partie des sources et le récit final. Vincent CHALLETVincent CHALLETVincent CHALLETVincent CHALLET Université de MontpellierUniversité de MontpellierUniversité de MontpellierUniversité de Montpellier 3333 « Une reconstruction mémorielle : écritures et réécritures du “Petit Thalamus“ de Montpellier » L'un des principaux intérêts de la chronique urbaine de Montpellier est qu'elle a été conservée dans différents manuscrits et dans différents états qui attestent de son écriture et de sa recomposition entre le XIIe siècle et le XIVe siècle. Elle offre en conséquence une occasion unique d'analyse et de regard sur le phénomène de la reconstruction mémorielle opérée par l'histoire officielle en fonctions de contingences politiques, recomposition qui ne manque pas de révéler un certain nombre d'hésitations dans la définition à donner de la communauté urbaine et de nombreuses difficultés à susciter véritablement la naissance d'une identité civique. Ville dépourvue de tout passé romain, ce qui la rend libre d'opérer ses propres choix quant à la manière de narrer et ses origines et son histoire et dans l'option de la langue vernaculaire de préférence au latin, ville également dépourvue de toute autorité comtale ou épiscopale, Montpellier ne fonde pas son identité sur la mémoire seigneuriale des Guilhem qui glisse petit à petit dans l'oubli. Certes, quelques-uns des glorieux rois d'Aragon peuvent lui offrir des figures de substitution, notamment Jacques d'Aragon natif de Montpellier, mais une telle mémoire est fragile et se révèle

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restera pour longtemps « l'histoire sacrée des Bibles », tout comme l'histoire propre commencera à Moïse, en continuant avec la chute de Troie et la fondation de Rome, sans faire la différence entre mythe et réalité, surtout parce que le mythe est encore vu comme le « document » le plus vrai et légitimant. C'est sur ce point que notre étude tente d'analyser comment ces références et auctoritas se mélangent, jusqu'à ne plus faire exactement la différence entre les sources livresques et les modèles canoniques, entre réalité et légende. Contraints par des normes formelles ou déontologiques qu'ils respectent très consciencieusement, les chroniqueurs gardent toujours le respect absolu de l'idée d'attestation documentaire, mais ils la mettent en pratique de manière différente d'une chronique à l'autre. Une deuxième finalité de notre recherche sera de déceler aussi les multiples acceptions du document, les

attributs qu'il doit avoir pour être considéré comme compétent et persuasif et les solutions que les chroniqueurs

trouvent pour l'intégrer dans leur narration. Marjolaine RAGUINMarjolaine RAGUINMarjolaine RAGUINMarjolaine RAGUIN Université Blaise Université Blaise Université Blaise Université Blaise Pascal (ClermontPascal (ClermontPascal (ClermontPascal (Clermont----FerrandFerrandFerrandFerrand 2)2)2)2) « Écriture de l'histoire au XIIIe s. : le cas d'une chronique historico-épique (la Chanson de la Croisade albigeoise) » La question de l'écriture de l'histoire au XIIIe siècle peut être envisagée à travers le cas spécifique de la Chanson de la Croisade albigeoise. Ce texte couramment désigné comme « chronique historico-épique » apparaît bien de nos jours au critique comme le récit engagé des prouesses (réelles) des ancêtres glorieux ; d'où sa double filiation ambivalente à la geste et à l'histoire. L'histoire est, chacun le sait, un genre littéraire et l'on notera que le texte biparti est qualifié de « canso », « gesta » et « estoria » par son premier auteur ; le second s'abstenant de nommer cette œuvre composite aux qualités littéraires certaines. S'interroger sur ce qui fait l'histoire dans le cas de ce genre hybride qu'est la chronique historico-épique pose plusieurs

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Laura LAZAR ZAVALEANULaura LAZAR ZAVALEANULaura LAZAR ZAVALEANULaura LAZAR ZAVALEANU Université de ClujUniversité de ClujUniversité de ClujUniversité de Cluj----NapocaNapocaNapocaNapoca

« Auctoritas et références dans les chroniques roumaines du Moyen Âge : entre légende et attestation documentaire » Toujours en lutte pour défendre leurs territoires contre les voisins turques, russes, austro-hongrois ou polonais très désireux de s'en emparer, les Roumains du Moyen Âge ont commencé à écrire leurs chroniques avec cette même attitude de combattants, qui doivent défendre leurs origines et surtout légitimer leurs droits territoriaux aussi dans une « lutte pour la patrie, sur les champs de bataille de l'histoire ». Les armes sont diverses – documents d'archive, légendes, vestiges archéologiques – et là où l'on manque de sources propres, on les remplace, de manière ingénieuse et encore plus difficilement contestable, par l'exploitation des sources étrangères : « celui qui vaincra ses ennemis avec leurs propres armes sera d'autant plus heureux ». C'est pour cela que, dans les chroniques roumaines du Moyen Âge, la vérité prouvée par des documents ou par des sources livresques est devenue une sorte d'obsession. On n'écrit presque rien sans s'appuyer sur une référence invoquée comme preuve ou sur une autorité qui puisse légitimer la démarche de l'auteur. C'est pour cette raison, par exemple, que l'on trouve, dans le même texte, de très sérieuses listes d'historiens cités (certains plus ou moins légendaires) et des listes canoniques où figurent en même temps Moïse, Homère, Aristote, Plutarque et Tite Live. À la recherche de la source la plus véridique et la plus exhaustive, les chroniqueurs arrivent à insister, sur un ton presque dramatique, sur la question déontologique de la difficile sélection des sources crédibles « pour que l'histoire authentique se distingue des fictions, tout comme le bon grain se sépare de l'ivraie, tout comme cela se serait passé lors de la confusion des langues de la tour de Babel ». À la métaphore de la Tour de Babel s'en ajoute une autre très suggestive, celle du labyrinthe de livres et de sources. Ces deux métaphores illustrent l'angoisse provoquée par la prise de conscience de la relativité et de la subjectivité de l'histoire et c'est pour cela que le modèle exemplaire, le canon absolu,

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maladroite dès lors que le roi de France impose sa tutelle en Languedoc, tant et si bien qu'elle s'avère incapable de créer une identité civique adéquate. En définitive, ce dont témoignent ces constantes réécritures d'un passé plus ou moins lointain, plus ou moins proche, c'est bien que le seul fondement de l'identité civique réside dans le consulat lui-même qui utilise, afin de la matérialiser, l'ecclesia matrix que constitue Notre-Dame-des-Tables, le grand sceau du consulat et, à partir du début du XIIIe siècle, une reconstruction mémorielle dont la pierre de touche n'est autre que l'élaboration de cette chronique urbaine connue sous le nom de « Petit Thalamus ». GildGildGildGilda CAÏTIa CAÏTIa CAÏTIa CAÏTI----RUSSO et Marco GRIMALDIRUSSO et Marco GRIMALDIRUSSO et Marco GRIMALDIRUSSO et Marco GRIMALDI Université de MontpellierUniversité de MontpellierUniversité de MontpellierUniversité de Montpellier 3333 « La complexité documentaire à l'épreuve de la TEI : les enjeux d'une édition électronique des Annales occitanes de Montpellier » La tradition manuscrite des Annales Occitanes de Montpellier, dont la complexité a été bien simplifiée par les archivistes du XIXe siècle, demande aujourd'hui une approche philologique nouvelle en vue d'une édition à la mesure du progrès des connaissances. Si la remise en cause de la philologie traditionnelle depuis la fin des années quatre-vingt a permis de repenser la textualité médiévale sur des nouvelles bases, le protocole international de la TEI – Texte Encoding Initiative – a mis progressivement l'informatique au service de la pertinence scientifique des Sciences Humaines. De fait, l'édition électronique en TEI permet la restitution d'une textualité matérielle, non-linéaire, impossible dans le cadre de la philologie classique. Dans le cas des Annales Occitanes, le code scripturaire, reconstitué par le balisage électronique des codices, devient révélateur du paradigme conceptuel et visuel des scribes et par là même de l'engendrement progressif du sens.

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Raquel ALONSO ALVAREZRaquel ALONSO ALVAREZRaquel ALONSO ALVAREZRaquel ALONSO ALVAREZ Université d'OviedoUniversité d'OviedoUniversité d'OviedoUniversité d'Oviedo « Le Liber testamentorum ecclesiae ouetensis (XIIe s.). L'utilisation des sources pour la rédaction des narrations historiques du cartulaire »

Je propose comme sujet d'étude le Liber testamentorum

ecclesiae ouetensis, un somptueux cartulaire gardé dans les archives de la cathédrale d'Oviedo (ms. 1), et daté vers 1120. Ce cartulaire a été rédigé, comme bien d'autres, en répondant à quelques dangers qui menaçaient le siège d'Oviedo. D'un côté, on doit remarquer comment l'avance de la reconquête avait déplacé l'ancienne capitale du royaume des Asturies loin des nouveaux centres du pouvoir politique. De l'autre, la récupération par les chrétiens des sièges de Braga et Toledo, plus anciens que celui d'Oviedo, menaçait son indépendance. Le cartulaire fait partie d'une vaste opération propagandistique menée, d'abord, par l'évêque Arias (ca. 1072-1093). À son époque, le roi Alfonso VI visita Oviedo pour assister à l'ouverture de l'Arca Santa, une boîte contenant une collection de reliques provenant, selon la légende, de Jérusalem par l'intermédiaire de Toledo. Tout de suite, le roi commanda l'éblouissant reliquaire conservé à la Cámara Santa de la Catedral d'Oviedo. L'évêque Pelayo (1089-1153) poursuivit et développa les stratégies initiées par Arias. Pour y parvenir, il rédigea un ensemble littéraire composé par un corpus historique et le cartulaire dont nous nous occupons. Le Liber testamentorum recueille une collection documentaire parfois falsifiée ou interpolée. À côté de ces pièces, on peut trouver aussi un ensemble historique que le promoteur a utilisé pour donner de la crédibilité à quelques narrations douteuses: la légende de l'Arca Santa, l'antiquité du diocèse d'Oviedo et la liaison spéciale entre les rois et le territoire asturien. Pour atteindre cet objectif, l'évêque utilisa comme pièces à conviction quelques sources de nature variée : des transcriptions épigraphiques (puisqu'on conserve les originales, on peut constater l'authenticité de quelques-unes),

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Les Mémoires de Philippe de Novare se fondent sur le témoignage de l'auteur, observateur et acteur des événements qu'il rapporte. Son récit, qui revêt la forme de la chronique et s'exempte en apparence de référence documentaire, se modèle en réalité par endroits sur des genres tant poétiques - comme la chanson d'aube, le sirventès - que narratifs, comme une branche du Roman de Renart. Les insertions versifiées deviennent garantes d'authenticité car Philippe leur assigne le statut de pièces créées sur le vif, contemporaines des événements narrés avec plus de distance par la prose. Le souvenir de la forme littéraire dans laquelle se moule l'événement historique en oriente aussi le sens, nourrissant la visée idéologique de cette histoire chypriote. Philippe affiche son parti-pris pour le camp des Ibelins et l'appuie sur l'affirmation de leur bon droit : la narration des faits trouve son autorité dans son savoir de jurisconsulte. Cette maîtrise s'enracine dans des sources documentaires qui ont pour particularité d'être originellement orales, liées au droit coutumier de Chypre et de Jérusalem. Il s'agira d'interroger les modalités du remploi de telles réalités documentaires, dont la trace s'impose dans l'œuvre par l'intermédiaire et le filtre de la mémoire de l'auteur, et de jauger leur influence sur le récit de l'Histoire.

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premiers écrits historiographiques français utilisent la référence à une source extérieure, fréquente, comme un moyen de différenciation vis-à-vis des fables et mensonges des conteurs, si souvent fustigés (cf. P. Damian-Grint, The new historians of the XIIth century renaissance. Inventing vernacular authority, Rochester, Boydell, 1999). Cette intervention d'autorité est particulièrement prisée des historiens des XIIe-XIIIesiècles, car elle fait référence à une vérité extérieure à l'écrit produit, et s'oppose ainsi à l'auto-référentialité et à la vérité de sens clamée par les premiers romanciers à partir de Chrétien de Troyes. Elles sont donc à considérer comme un élément central de la démarche historique, c'est à dire des moyens par lesquels les historiens médiévaux, en l'absence d'un métier d'historien ou d'une matière universitaire historique, doivent construire leur crédibilité et se différencier des autres littératures d'oïl. Nous nous proposons d'étudier cette démarche dans la Chronique rimée de Philippe Mousket. Cet auteur, souvent considéré par la critique moderne comme un historien de peu de sérieux, construit pourtant soigneusement l'historicité de son récit par l'utilisation de références externes. Celles-ci sont parfois mensongères, parfois de simples postures ; ailleurs, elles se révèlent d'une exactitude surprenante, ancêtres de nos notes en bas de page. Outre la fonction de ces références dans la construction de l'historicité, deux autres questions guideront notre présentation. Quels sont les différents moyens d'exprimer une référence, et quelles nuances indiquent-ils ? À quel endroit de son récit un historien médiéval ressent-il le besoin de faire référence à une source extérieure, réelle ou imaginaire ? La réponse à ces questions dévoilera une part de la démarche historique médiévale, si différente de la nôtre. Florence TANNIOFlorence TANNIOFlorence TANNIOFlorence TANNIOUUUU Université de Paris Ouest Université de Paris Ouest Université de Paris Ouest Université de Paris Ouest –––– Nanterre Nanterre Nanterre Nanterre –––– La DéfenseLa DéfenseLa DéfenseLa Défense « Mémoire des lettres et des lois : modalités d'insertion et interprétation des traces documentaires dans les Mémoires de Philippe de Novare »

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certains objets artistiques anciens conservés à la cathédrale, soumis à quelques changements de sens, et aussi quelques sources historiques utilisées comme toile de fond pour rendre vraisemblables leurs créations. Hélène SIRANTOINEHélène SIRANTOINEHélène SIRANTOINEHélène SIRANTOINE CNRSCNRSCNRSCNRS----CESCM, PoitiersCESCM, PoitiersCESCM, PoitiersCESCM, Poitiers « L'acte diplomatique comme ‘preuve' dans l'écriture de l'histoire au travers de deux cas hispaniques : l'Historia Compostellana et le Corpus Pelagianum (première moitié du XIIe s.) » Dans cette communication, on abordera la question de la valeur donnée à l'acte diplomatique au regard de l'écriture historiographique à partir de deux exemples hispaniques, tous deux composés durant la première moitié du XIIe siècle. Les textes étudiés sont d'une part l'Historia Compostellana, narration historique relative au siège épiscopal de Saint-Jacques-de-Compostelle, et plus précisément aux actions menées par son évêque puis archevêque Diego Gelmírez († 1140), commanditaire de l'œuvre ; et d'autre part le Corpus

Pelagianum, vaste compilation historiographique réalisée par et/ou à la demande de Pélage, évêque d'Oviedo († 1153), embrassant une histoire du monde depuis ses origines bibliques puis une histoire de la péninsule ibérique depuis l'époque des invasions germaniques jusqu'au règne d'Alphonse VI (1065-1109) sur la Castille et le León. Dans le contexte de lutte entre les diocèses hispaniques pour la primatie et l'exemption caractéristique de la période dite de « Reconquête » des XIe-XIIe siècles, Diego Gelmírez et Pélage sont des figures par bien des points comparables. Ils ont en effet été tous deux des prélats particulièrement actifs et ils ont, de manière concomitante, mis leur plume et les ressources de leurs scriptoria au service de l'exaltation de leur église respective. La comparaison va encore plus loin puisque, parmi d'autres productions écrites, c'est au genre

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historiographique qu'ils ont tous deux sacrifié, en démontrant par ailleurs une même attention particulière à l'usage de la documentation diplomatique dans la composition de leur œuvre. Au-delà de ces éléments de rapprochement, l'identification (nombre, typologie), l'origine, les modalités d'insertion dans la structure narrative, la question de l'authenticité des actes employés, dénotent cependant une conception assez différente du statut et du rôle du document d'archive dans l'écriture historiographique, qu'on entend mettre en relief. Est-ce à dire néanmoins que ce document a une valeur différente dans l'un et l'autre cas ? On s'interrogera ainsi sur le sens à donner à la notion de « preuve ». Anne ROCHEBOUETAnne ROCHEBOUETAnne ROCHEBOUETAnne ROCHEBOUET UUUUniversité de Versailles Saintniversité de Versailles Saintniversité de Versailles Saintniversité de Versailles Saint----QuentinQuentinQuentinQuentin----enenenen----YvelinesYvelinesYvelinesYvelines « La présence de réalités documentaires dans les récits de la chute de Troie : entre l'insertion encyclopédique autorisante et l'effet de réel » Pour aborder l'histoire antique, qui tient une place de choix dans les connaissances des lettrés au Moyen Âge, les documents sur lesquels l'auteur médiéval peut s'appuyer sont, du fait de la période historique envisagée, uniquement des textes considérés alors comme des autorités, et ce quel que soit le statut générique qu'on leur attribue aujourd'hui. Dans l'Histoire ancienne jusqu'à César par exemple, première compilation historique rédigée directement en français au tout début du XIIIe siècle, l'auteur-compilateur s'est aussi bien basé sur Orose et Eusèbe-Jérôme que sur Le Roman de

Thèbes. Les raisons du choix, par les auteurs médiévaux, d'un ou de plusieurs hypotextes plutôt qu'un autre pour relater une période antique donnée ont ainsi déjà fait l'objet de questionnements, la plupart du temps en terme de signes d'appartenance générique (à l'histoire ou au roman). En revanche, on a peu étudié la présence de réalités

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documentaires dans ces récits, sinon sous l'angle de la digression d'origine encyclopédique. On voudrait ici envisager cette question plus particulièrement à partir du récit de la chute de Troie, considérée par les médiévaux comme une réalité historique. Il a en effet connu au Moyen Âge une diffusion extrêmement importante, irriguant durablement la création littéraire à partir du Roman

de Troie de Benoît de Sainte-Maure mais trouvant aussi sa place dans des compilations historiques variées, en premier lieu des histoires universelles commençant à la Création du monde. On retrouve dans ces textes, du poème de Benoît et de ses mises en prose à l'Histoire ancienne jusqu'à César, des indications géographiques dressant la carte du théâtre des événements, des lettres envoyées par les protagonistes, des notations sur la faune et la flore locale ou sur des pierres précieuses aux pouvoirs notables, ou encore des épitaphes, transcription d'une réalité monumentale. Il s'agira donc de s'interroger sur les modalités de cette présence de réalités de type documentaire et sur leur signification suivant leur contexte, restreint (la page manuscrite) et élargi (l'économie du texte), d'insertion. Pierre COURPierre COURPierre COURPierre COURROUXROUXROUXROUX Université de PoitiersUniversité de PoitiersUniversité de PoitiersUniversité de Poitiers « “Si com jou truis el livre escrit” : les références externes dans la Chronique rimée de Philippe Mousket » Nombre de chroniques de langue française, surtout dans les premiers siècles de l'écriture historique francophone, sont des adaptations plus ou moins fidèles d'un ou plusieurs textes latins antérieurs. Pourtant, lorsque les auteurs de ces mêmes chroniques font référence à leurs sources, les choses paraissent bien moins simples. Les références erronées ou présentes comme de simples trompe-l'œil, sont fréquentes ; ailleurs, un chroniqueur taira sa vraie source sans raison apparente. Sont-ce là des attitudes qui témoignent d'une influence romanesque ? Non, car dès le XIIe siècle, les