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L’obligation de résultats en éducation : rendre compte ou se rendre compte Numéro 125 Novembre • Décembre 2002

L'obligation de résultats une obligation professionnalisante

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L’obligation de résultats en éducation :rendre compte ou se rendre compte

Numéro 125 Novembre • Décembre 2002

Page 2: L'obligation de résultats une obligation professionnalisante

2002sommairemot de la rédaction

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L’OBLIGATION DERÉSULTATS, DE MOYENSOU DE COMPÉTENCES :L’AFFAIRE DE TOUT LEMONDE OU L’AFFAIRE DE CHACUN?par Claude Lessard

17

ENSEIGNER ET RENDRECOMPTE DES RÉSULTATS :EST-CE MENAÇANT OUSTIMULANT?par Marthe Henripin

32

L’OBLIGATION DE RÉSULTATS EN ÉDUCATION :RENDRE COMPTE OU SE RENDRE COMPTELe concept d’obligation de résultats appliqué au domaine de l’éducation est certes un des thèmes les plus délicats et difficiles à traiter, compte tenu de sa complexité et des enjeux qu’il revêt aux yeux des différentsacteurs du système éducatif. Malgré cela, Vie pédagogique a choisi d’y consacrer le présent dossier afin d’offriraux diverses parties prenantes un ensemble de réflexions issues de l’expertise et de l’expérience de personnesqui se sont engagées dans la recherche de sens à donner à ce concept et dans son application dans le milieu scolaire.

dossier16

PARENTS ENGAGÉS :QUEL APPORT AURENOUVEAU?par Arthur MarsolaisCet article propose une lecture de la réforme en cours susceptibled’aider les parents à en saisirdavantage le sens et la portée et,conséquemment, pour le plus grandbénéfice des élèves, d’accroître leur désir d’engagement au regardde l’école.

8

À L’ÉCOLE SECONDAIRESIEUR-DE-COULONGE :UNE RÉFLEXIONCONCERTÉE ET UNEDÉMARCHE COLLECTIVEPOUR LA RÉUSSITE DESÉLÈVESpar Adèle Gourd

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LA RÉUSSITE SCOLAIRE ETLA TAILLE DES CLASSESpar Christian Neveu et Jean-Guy BlaisCet article résume les résultats derecherches traitant directement ouindirectement de l’effet de la tailledes classes sur la réussite scolaire.Les auteurs nous parlent aussi deseffets positifs de la réduction dunombre d’élèves par groupe sur ces derniers, sur le personnelenseignant et sur l’ensemble de la classe.

14

OBLIGATION POUR QUI?RÉSULTATS DE QUOI?par Jacques Henry

24

L’OBLIGATION DERÉSULTATS : UNEOBLIGATION « PROFES-SIONNALISANTE »(REGARD D’AILLEURS)Entrevue avec Mme Lise DemaillyPropos recueillis par Monique Boucher

28

DIRIGER ET RENDRE DESCOMPTES : STABILITÉ…TRANSPARENCE…COMPÉTENCES…par Mireille Jobin

36

À L’ÉCOLE LA SOURCE :LE PLAN DE RÉUSSITE ET L’OBLIGATION DERÉSULTATS, UNEDÉMARCHE QUOTIDIENNEpar Adèle Gourd

43

LE PLAN DE RÉUSSITEPOUR UNE ÉCOLE ENACTION!par Esther Lemieux et Denis Dion

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LA PERCEPTION NÉGATIVEDES CAMARADES DECLASSE À L’ÉGARD DESÉLÈVES PRÉSENTANT DES DIFFICULTÉS DECOMPORTEMENT : UNOBSTACLE AU SUCCÈS DENOS INTERVENTIONS?par Nadia Desbiens et Anne DesrosiersLes auteures de cet article réflé-chissent à la question de l’efficacitédes programmes de développementd’habiletés sociales offerts auxélèves en difficulté de comporte-ment, et ce, notamment en prenanten compte les effets de la perceptionnégative que maintiennent à leurendroit les autres élèves de la classe.

5

recherche en éducation

48

en abrégé

53

outils et techniques

55

AMÉLIORER SESRÉSULTATS, OUI, MAIS COMMENT?par Luce Brossard

40

Vie pédagogique, novembre-décembre

lus, vus et entendus

56

histoire de rire

58

Page 3: L'obligation de résultats une obligation professionnalisante

VIE4 2002Vie pédagogique 125, novembre-décembre

mot dela

rédac-tion

mot de la rédaction

OUI, MAIS SI…

Numéro 125Novembre-décembre 2002Revue québécoise de développement péda-gogique publiée par le Secteur de l’éducationpréscolaire et de l’enseignement primaire etsecondaire en collaboration avec la Directiondes communications et la Direction desressources matérielles.Secteur de l’éducation préscolaire et de l’enseignement primaire et secondaireMinistère de l’Éducation600, rue Fullum, 10e étageMontréal H2K 4L1Tél. : (514) 873-8095Télec. : (514) 864-2294Courrier électronique :[email protected] ADJOINTRobert BisaillonVie pédagogiqueDIRECTIONMonique BoucherCOMITÉ DE RÉDACTIONGhislaine BolducMonique BoucherGinette BriseboisRéjeanne CôtéYvon CôtéThérèse Des LierresCyrias FortinNicole GagnonArthur MarsolaisJoanne MunnMarc St-PierreManon SénécalMarthe Van NesteSECRÉTARIATJosée St-AmourCOORDINATION À LA PRODUCTIONMichel MartelDISTRIBUTIONLise L. DuchesneSUPERVISION DE LA RÉVISION LINGUISTIQUESuzanne VinetPHOTOCOMPOSITION TYPOGRAPHIQUE ETPHOTOGRAVUREComposition OrléansIMPRESSIONImprimerie L’ÉclaireurPHOTO DE LA PAGE COUVERTUREDenis GaronPUBLICITÉDonald BélangerTél. : (450) 974-3285Téléc. : (450) 974-7931Société canadienne des postesEnvois de publications canadiennesContrat de vente no 40062502Dépôt légal, bibliothèque nationale du QuébecISSN 0707-2511Les textes publiés dans Vie pédagogique sontindexés dans le Répertoire canadien surl’éducation et dans Repère.Les opinions émises dans les articles de cetterevue n’engagent que les auteurs et non le ministère de l’Éducation.Toute reproduction est interdite. Cependant, les étudiants et le personnel d’un établissementd’enseignement situé au Québec peuvent, à des fins personnelles ou d’enseignement,reproduire la totalité ou une partie des articlesfigurant dans la revue Vie pédagogique, à condition d’en citer la source, lorsqu’applica-ble. Toute autre reproduction, notamment à desfins commerciales, nécessite l’autorisation du titulaire de droit.On peut recevoir, gratuitement, au Québec,Vie pédagogique en écrivant à :DISTRIBUTION DE VIE PÉDAGOGIQUEService de la diffusionMinistère de l’Éducation3220, rue Watt, bureau 101Sainte-Foy (Québec) G1X 4Z798-0808

L a réalité des difficultés, de

l’échec et du désengagement

scolaires d’un trop grand

nombre de garçons est un sujet qui,

notamment ces derniers temps, fait

couler beaucoup d’encre et suscite

moult discussions et actions à

l’intérieur comme à l’extérieur de

l’école. Dans son numéro d’avril-

mai 2003, Vie pédagogique con-

sacrera aussi à la question l’atten-

tion qu’elle mérite. Mais, compte

tenu de l’importance de ses consé-

quences et malgré qu’elle dépasse

la seule responsabilité de l’école,

cette problématique presse le

milieu scolaire de s’engager, entre

autres choses, dans la recherche et

la mise en œuvre de modèles orga-

nisationnels et pédagogiques sus-

ceptibles de corriger ou, du moins,

d’améliorer la situation.

Certes, il y a urgence d’agir, et ce,

malgré qu’il s’agisse d’une question

tout aussi complexe que controver-

sée et donc porteuse d’une large

part d’incertitude.

Comme le rappelle d’ailleurs

M. Guy Bourgeault, professeur à

l’Université de Montréal, dans son

livre intitulé Éloge de l’incertitude,1

[…] Toutes les décisions seprennent dans l’incertitude.Autrement, on ne décide pas.On prend acte simplement,après coup, de ce qui estadvenu. […]

Aussi, bien qu’il soit légitime de

rêver d’avoir la bonne réponse

avant de passer à l’action, il faut, et

je n’apprendrai rien à personne en

disant cela, se méfier tout autant,

sinon encore davantage, de ce que

l’on croit être LA VÉRITÉ et savoir

apprécier l’apport dynamique de

l’incertitude dans nos prises de

décision.

En ce sens, je me permets en guise

de suite et fin de ce mot de la rédac-

tion, de partager avec vous un autre

extrait du livre de M. Bourgeault

que je citais précédemment.

[…] L’efficacité de l’action

et sa justesse, son à-propos,

on aurait dit autrefois sa

rectitude, exigent la loyale

prise en compte des incer-

titudes qui l’enserrent de

toutes parts en amont, dans

la décision prise sans qu’il

soit jamais possible d’avoir

en mains toutes les données

souhaitables; en son cœur

même, compte tenu de la

complexité des situations

dans lesquelles elle prend

place; en aval, dans ses con-

séquences non seulement

imprévues, mais imprévi-

sibles. Sans quoi, comme dit

l’adage, l’aveugle qui guide

l’aveugle court à sa propre

perte et l’y mène.

Avant l’action, lorsque se

prend la décision d’agir, et

de poser tel geste plutôt que

tel autre, de faire telle inter-

vention jugée préférable à

toute autre, la prise en

compte de l’incertitude se

fera effort de prévision en

même temps que de pré-

voyance, afin de réduire la

part de risque liée à l’action

à venir. Au cœur de l’action,

elle prendra place dans ce

qu’on appelait autrefois la

prudence, qui est souci cons-

tant de mesure en vue d’une

juste pondération du geste

posé et de ses effets, et

en temps utile, c’est-à-dire

avant qu’il ne soit trop tard,

les corrections de trajectoire

éventuellement requises.

Après l’action, la prise en

compte de l’incertitude

prendra la forme d’une vigi-

lance critique de qui sait que

son action, malgré les pré-

cautions prises, aura des

effets non prévus et donc

non voulus, certes, mais

néanmoins néfastes, et qui

se reconnaît malgré tout res-

ponsable des conséquences

des gestes posés ET respon-

sable aussi, surtout, de

prendre de nouvelles déci-

sions et d’entreprendre de

nouvelles actions pour, s’ils

ne peuvent être éliminés,

réduire l’importance des

effets négatifs de son action

antérieure. […]

Monique Boucher

1. BOURGEAULT, GUY.«Éloge de l’incertidude»,Montréal, Éditions Bellarmin, 1999.

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sources, seuls les élèves pourlesquels il est urgent d’intervenirsont formellement déclarés au mi-nistère de l’Éducation du Québec(Conseil supérieur de l’éducation,2001).Les enfants qui présentent des diffi-cultés de comportement éprouventune incapacité à s’adapter au con-texte scolaire. Ces élèves gênentconstamment le déroulement desclasses et respectent difficilementles normes scolaires. Leurs diffi-cultés se manifestent par des com-portements extériorisés, tels quel’agressivité, l’opposition, le refuspersistant d’encadrement et la per-turbation de l’ordre scolaire, ou pardes comportements intériorisés,tels que la passivité, la dépendanceet la dépression. Ces élèves viventégalement des relations sociales dif-ficiles et peu harmonieuses avecleurs camarades de classe et leursenseignants. Ils présentent égale-ment certaines lacunes sur le plansociocognitif, qui se traduisentnotamment par une difficulté àadopter la perspective d’autrui surles plans cognitif et affectif, une ten-dance à agir sans réfléchir et sansanticiper les conséquences de leursactions, une propension à attribuerdes intentions hostiles à autrui et àréagir en conséquence, un faibleraisonnement moral et des diffi-cultés à contrôler leurs émotionsnégatives (Dodge, 1993). Ces carac-téristiques personnelles amènentrapidement ces enfants à éprouverdes difficultés à l’école et à subir du rejet social. Le fait qu’ils ont peu d’habiletés sociales apparaîtd’ailleurs comme un élément parti-culièrement déterminant dans leursdifficultés à établir et à maintenirdes relations sociales positives avecles autres (Bullock, Gable et Ruther-ford, 1996). De nombreuses étudesmontrent en effet que les jeunesayant des difficultés de comporte-

ment ne possèdent pas les habiletéssociales leur permettant d’êtreacceptés à l’école ou ne savent pasquand ou comment les utiliser(Kauffman, 1997). De tous lesélèves en difficulté, ceux qui mani-festent des problèmes de comporte-ment sont les moins populaires(Desbiens et autres, 1998; 1999;Royer et autres, 1997).

ENSEIGNEMENT DESHABILETÉS SOCIALESEN MILIEU SCOLAIREChez les jeunes présentant desdifficultés de comportement, lesdéficiences observées dans leurshabiletés sociales constituent unevariable critique dans la réussite deleur intégration scolaire. Les habi-letés sociales sont habituellementdéfinies comme des comportementsappris qui sont socialement accep-tables et qui permettent à un jeuned’établir et de maintenir des rela-tions positives avec ses pairs et lesadultes. Elles peuvent être consi-dérées comme les ingrédients debase pour acquérir une compé-tence sociale (Desbiens et autres.,1998; Royer et autres., 1997; Walker,Colvin et Ramsey, 1995).C’est dans cette optique queplusieurs programmes d’interven-tion ont été conçus au cours desdeux dernières décennies. Ces pro-grammes visent essentiellement ledéveloppement de compétences chezles enfants et la réduction des com-portements inadéquats. Les interven-tions sont centrées sur la régulationdes émotions et sur l’acquisitiond’habiletés sociocognitives, de stra-tégies d’autocontrôle et de résolu-tion de problèmes (Cartledge etMilburn, 1995). L’entraînement auxhabiletés sociales vise donc à sus-citer les comportements associés àla coopération, aux habiletés decommunication (s’affirmer, négo-cier), aux habiletés de résolution

de problèmes (réagir à une pro-vocation, gérer la colère) et aurespect des normes relatives aufonctionnement à l’intérieur d’ungroupe donné. De même, l’ensei-gnement d’habiletés sociales parti-culières a pour but de diminuer lafréquence des comportements quinuisent aux relations interperson-nelles des enfants (hostilité, agres-sivité, anxiété, etc.).Plusieurs chercheurs ont évalué ce type de programmes (Mathur etRutherford, 1996). Dans l’ensemble,les résultats sont prometteurs etmontrent qu’un entraînement auxhabiletés sociales permet d’améliorersensiblement le répertoire compor-temental des enfants. Les habiletéset les comportements acquis ensituation d’entraînement ne se géné-ralisent toutefois pas toujours auxautres environnements et ne semaintiennent pas nécessairement àla suite de l’intervention.Dans l’optique d’augmenter l’effi-cacité de ce type de programmes,certains chercheurs ont souligné lanécessité de mettre en place desinterventions impliquant les agentssociaux (parents, enseignants, pairs)qui agissent directement sur la viede ces jeunes. Ainsi, il est recom-mandé d’évaluer dans quelle mesureces agents de socialisation peuventaméliorer le maintien et la générali-sation des apprentissages effectuésdans un programme d’entraînementaux habiletés sociales. Or, les pairsconstituent une source d’influencesociale très importante chez lesjeunes, et ce, dès les premièresannées de fréquentation scolaire.C’est ainsi que les chercheurs et lespraticiens ont eu recours à la par-ticipation des pairs pour améliorerla quantité et la qualité des interac-tions sociales chez les enfants endifficulté. Ce type d’intervention estfondé sur le postulat que l’enfant

PÉDAGOGIQUE5

2002Vie pédagogique 125, novembre-décembre

LLA PERCEPTION NÉGATIVE DES CAMARADES DECLASSE À L’ÉGARD DES ÉLÈVES PRÉSENTANT DESDIFFICULTÉS DE COMPORTEMENT : UN OBSTACLEAU SUCCÈS DE NOS INTERVENTIONS?par Nadia Desbiens et Annie Desrosiers

RÉSUMÉ

L e présent article fait le point sur l’efficacité desprogrammes d’entraînement

aux habiletés sociales destinés auxélèves du primaire qui présententdes difficultés de comportement. Laparticipation des camarades declasse à l’intervention comme agentsde renforcement y est présentéecomme une initiative intéressantepour augmenter le transfert et lagénéralisation des apprentissagessociaux. On y décrit le Programmede promotion des habiletés socialeset de coopération en classe, qui aété expérimenté dans six écoles1

primaires. Les résultats obtenusmontrent que, malgré un change-ment dans le comportement desélèves en difficulté, les perceptionsnégatives de la part des camaradesde classe persistent et ont des consé-quences négatives sur le programmed’intervention. La discussion portesur la mauvaise réputation desélèves qui présentent des difficultésde comportement et sur ses consé-quences au regard de nos interven-tions en classe.

INTRODUCTIONLa préoccupation du milieu scolaireà l’égard des élèves qui éprouventdes problèmes de comportement enclasse s’est accrue au cours desdernières années. Parmi les élémentsayant pu y contribuer, signalons lenombre sans cesse grandissant deces jeunes. Au primaire, le nombred’élèves ayant des difficultés decomportement a triplé au cours desquinze dernières années2, passantde 0,78 p. 100 en 1984-1985 à2,50 p. 100 en 1999-2000 (soit de4 170 à 14 145 en chiffres abso-lus). Or, ces statistiques ne reflètentque partiellement l’ampleur réelledu phénomène. Sur le terrain, lesmilieux scolaires confirment que,par manque de temps et de res-

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VIE6 2002Vie pédagogique 125, novembre-décembre

développe ses habiletés et apprendpar ses interactions sociales avecles pairs. La participation de pairssocialement compétents aux ateliersd’entraînement aux habiletés socialesfavoriserait l’apprentissage de com-portements sociaux adaptés tout enfournissant un environnement plusnaturel qui facilite le maintien et lagénéralisation des nouveaux com-portements (Carteldge et Milburn,1995; Mathur et Rutherford, 1996).

PROGRAMME DE PROMOTIONDES HABILETÉS SOCIALES ETDE COOPÉRATION EN CLASSENotre analyse nous permet d’esti-mer le bien-fondé des approchesvisant le développement des compé-tences sociales, comportementaleset cognitives chez les enfants pourprévenir les problèmes de com-portement. Si l’on s’attarde auxenfants à risque dans le contextescolaire, nous devons concevoir desinterventions qui leur permettent demieux gérer leurs émotions, d’ajus-ter leurs comportements en fonc-tion des demandes formulées à leurendroit, de résoudre pacifiquementleurs conflits et d’éviter le rejet parles pairs. Dans cette perspective, il nous apparaît primordial d’inter-venir directement auprès de cesjeunes, dans la classe, et de prévoirdes modalités d’intervention inci-tant les compagnons de classe àsoutenir et à renforcer le change-ment de comportement chez lesélèves qui présentent dès les pre-mières années du primaire cer-taines difficultés de comportement.Un programme de promotion deshabiletés sociales et de coopérationen classe a donc été expérimentéavec le concours de la Commissionscolaire de la Jeune-Lorette, dans larégion de Québec. Ce programmevisait l’amélioration du comporte-ment social des enfants ayant desdifficultés de comportement, demême qu’une meilleure intégrationsociale dans la classe.

PLAN DE RECHERCHEAvant d’amorcer le programme deprévention, nous avons commu-niqué avec six écoles de la régionde Québec situées dans un milieusocioéconomique moyen. Pour par-ticiper à la recherche, les directions

d’école devaient accepter une ré-partition des classes au hasard afinde respecter les impératifs du con-trôle méthodologique. Au total, neufclasses de troisième année du pri-maire ont été assignées aléatoi-rement à une des trois conditionsde l’étude, soit : condition I - pro-gramme d’entraînement aux habiletéssociales; condition II - programmed’entraînement aux habiletés socialeset activités pédagogiques coopéra-tives; condition III - groupe témoin.Au total, l’échantillon comprenait212 enfants (110 filles et 102 gar-çons). Les enfants présentant desdifficultés de comportement ontensuite été ciblés selon l’un oul’autre des critères suivants : 1) l’en-fant a officiellement été reconnupar l’école comme ayant des diffi-cultés de comportement lors de ladéclaration de clientèle au minis-tère de l’Éducation du Québec; 2) l’enfant a été reconnu comme telpar l’enseignant à partir d’uneprocédure de dépistage systéma-tique des difficultés de comporte-ment intériorisés et extériorisés,adaptée du Systematic Screeningfor Behavior Disorders (Walker etSeverson, 1994). Parmi les 212 en-fants de l’échantillon, 54 élèves ontété reconnus comme présentant desdifficultés de comportement, soit 21 filles et 33 garçons. Plusieursdonnées ont été recueillies avant lamise en œuvre du programme d’in-tervention, en novembre (pré-test),puis quelques semaines après la findu programme en juin (post-test).Les élèves ont été évalués par leurspairs et leur enseignant selon plu-sieurs aspects du fonctionnementsocial et scolaire. Des moyens per-mettant de mesurer l’acceptation etl’appréciation par les pairs, le niveaud’intégration sociale en classe, demême que le sentiment de com-pétence sociale ont également étéutilisés.

PROGRAMME PARCLe programme PARC3 (Potvin etautres, 1988) a été utilisé pour ensei-gner les habiletés sociales aux sixclasses correspondant aux con-ditions expérimentales I et II. Ceprogramme comprend une séried’activités permettant d’enseigner

aux élèves des techniques de réso-lution de problèmes, des habiletésinterpersonnelles et l’autocontrôle.Les ateliers, animés par des étu-diantes diplômées, étaient offerts àraison de deux heures par semaine(deux ateliers de 60 minutes cha-cun), et ce, pendant dix semaines.Les séances étaient intégrées à l’ho-raire de cours ordinaire et offertesdans la classe.Parallèlement aux ateliers d’ensei-gnement des habiletés sociales, lesclasses du groupe expérimental IIparticipaient également à des acti-vités pédagogiques coopératives avecdes pairs reconnus pour leurs com-portements prosociaux, à raisond’au moins deux heures par semaine(quatre activités de 30 minutes).Ces activités étaient structurées defaçon à regrouper les élèves, demanière hétérogène, selon leur cotede popularité et en tenant comptedes préférences des élèves ayant desdifficultés de comportement. Uneattention particulière a été accordéeau jumelage des élèves afin que lesjeunes en difficulté soient associés àdes pairs prosociaux partageant descaractéristiques communes aveceux sur le plan des champs d’inté-rêt, comme les sports pratiqués, ouayant des amis communs. Puisquece mode d’enseignement comporteun certain nombre de principes debase qu’il est préférable d’appli-quer avec rigueur, les enseignantsresponsables des groupes de cettecondition ont participé à une for-mation sur l’apprentissage coopé-ratif. Au cours de l’expérimentationdu programme, trois évaluationsont permis de vérifier la qualité etl’intégrité relatives à cette compo-sante. À cette fin, les observateursont effectué un retour sur les acti-vités avec l’enseignant, en discutantdes différents points à améliorer.

RÉSULTATSTout d’abord, nous nous sommesassurés que les élèves déclaréscomme présentant des difficultés decomportement montraient un profilde fonctionnement scolaire et socialdistinct de celui des élèves qui nemanifestaient pas de problèmescomportementaux (élèves ordi-naires). Nous avons ensuite effectué

une série d’analyses qui révèlentque les élèves ayant des difficultésde comportement se caractérisentpar un profil nettement plus négatif.Les analyses montrent que cesélèves sont peu appréciés par leurspairs et davantage rejetés. Cesjeunes sont perçus par les autresélèves comme ayant de moinsbonnes habiletés sociales, mani-festant plusieurs comportementssociaux inadaptés et ayant plus dedifficultés scolaires. Les résultatsindiquent aussi que ces élèves sontperçus par leurs compagnonscomme moins habiles sur le plansportif.L’évaluation faite par les enseignantssoulève aussi plusieurs différencesentre les deux groupes. Les élèvesprésentant des difficultés de com-portement sont perçus par leursenseignants comme ayant de plusfaibles compétences scolaires etsociales. Ils se distinguent aussi desélèves ordinaires par une conduitesociale marquée par l’agressivité etla turbulence en classe. Quant àl’évaluation faite par les élèves rela-tivement à leur sentiment de com-pétence personnelle, les résultatsn’indiquent aucune différence entrela perception des élèves ordinaireset celle des élèves en difficulté, cesderniers se percevant aussi compé-tents que les élèves ordinaires.Ensuite, nous avons procédé à l’ana-lyse de l’incidence du programmede prévention en comparant lesrésultats obtenus par les classes afind’évaluer l’efficacité du programmed’entraînement aux habiletéssociales et de vérifier dans quellemesure une stratégie impliquant lespairs augmente les effets de l’inter-vention. À notre grand étonnement,les résultats obtenus à la suite desanalyses statistiques n’indiquentaucune différence notoire entre lesgroupes, à la suite de l’applicationdu programme. Pourtant, aux diresdes enseignants, les jeunes ayantparticipé au programme avaient belet bien amélioré leurs compor-tements sociaux en classe. À cetégard, une analyse de portée del’effet (effect size) suggère effec-tivement que le programme d’inter-vention a permis une améliorationmodeste mais réelle chez les élèves

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PÉDAGOGIQUE7

2002Vie pédagogique 125, novembre-décembre

ayant des difficultés de comporte-ment. En effet, bien que les élèvesde l’échantillon ayant des difficultéssoient toujours perçus négativementpar les pairs et qu’ils présentent demoins bonnes habiletés sociales, ilsobtiennent tout de même plus denominations positives après le pro-gramme et leurs pairs estimentqu’ils ont amélioré leurs habiletésde coopération. Les enseignantsperçoivent également une améliora-tion sur le plan des compétencesscolaires et des habiletés proso-ciales. De même, les jeunes ayantparticipé au programme estimentqu’ils ont augmenté leur compé-tence scolaire et ont une meilleureperception d’eux-mêmes quant àleur compétence athlétique. Il fauttoutefois noter que ces résultats,bien qu’ils soient encourageants, neressortent pas dans une analyseévaluative traditionnelle.

DISCUSSIONDevons-nous en conclure que leprogramme mis en œuvre auprèsdes élèves présentant des difficultésde comportement est un échec? Est-ce à dire que ce type d’interventionest inefficace pour modifier le com-portement social des élèves visés?L’ambiguïté attenante au fait queleurs résultats n’indiquent pas dedifférences notoires entre les troisgroupes suscite de nombreusesinterrogations.Un certain nombre de considé-rations méthodologiques semblentnécessaires à la compréhension desrésultats obtenus. Dans le cadre decette recherche, nous avons estimél’incidence de l’intervention sur lecomportement des élèves en diffi-culté en mesurant les perceptionsde trois sources d’évaluation, soit

les pairs, les enseignants et lesélèves en difficulté eux-mêmes. Or,les perceptions d’une personne sontétroitement liées à ses sentiments età ses attitudes, qui fluctuent conti-nuellement selon les événements.Puisque les élèves qui manifestentdes difficultés de comportement setrouvent bien souvent en conflitavec les enseignants et les pairs, il est possible que la perception deces derniers à l’égard de ces élèvesse soit figée au point de rendre trèsdifficile tout changement de per-ception, et ce, en dépit d’un réelchangement de comportement del’enfant par l’entremise d’une inter-vention éducative.Le fonctionnement social de l’élèveest à l’origine de sa réputationsociale. De façon générale, on peutémettre l’hypothèse qu’après unecertaine période de temps la répu-tation pourrait devenir un facteurindépendant du comportement im-médiat de l’enfant. Ainsi, en dépitd’une amélioration du comporte-ment de l’élève en difficulté, laréputation établie contribuerait aumaintien des perceptions négativesà son endroit. À cet égard, certainesrecherches ont montré que les cama-rades de classe tendent à percevoirles comportements d’un compa-gnon et à y réagir différemmentselon qu’il a une réputation positiveou négative auprès du groupe.Lorsque la réputation d’un enfantest établie, un biais réputationnelinfluerait alors sur la perceptiondes pairs : le comportement négatifd’un élève aimé et apprécié par sespairs sera minimisé par ceux-ci etconsidéré comme une petite fautede parcours, alors qu’à l’inverse lespairs attribueront la responsabilitéet le blâme à l’élève peu aimé et peuapprécié qui adopte ce même com-portement.Dans un tel contexte, les élèves quiparticipent à un programme d’in-tervention axé sur le développementd’habiletés sociales semblent iné-vitablement assujettis aux jugementset aux attitudes négatives que lescamarades de classe entretiennent à leur égard. Ainsi, lorsque cesjeunes tentent de mettre en pratiqueles habiletés acquises lors d’ate-liers, ils risquent d’être forcés d’af-

fronter l’indifférence ou la méfiancede leurs pairs qui leur prêtent desintentions hostiles et leur imputentla responsabilité des actes qui per-turbent le fonctionnement de laclasse. Dans ces conditions, on nepeut obtenir l’effet d’enclenchement(entrapment effect) recherché parl’intervention. Alors que les nou-velles conduites sociales de l’élèveen difficulté devraient susciter desréactions positives dans l’entou-rage, ce qui, en retour, assure lerenforcement de ces comporte-ments, les pairs ne semblent pasenclins à réagir positivement auxefforts de l’élève en difficulté. Sansun accueil favorable de la part despairs, les nouveaux comportementssociaux ne peuvent se maintenir nise généraliser à d’autres contextes.Les résultats de cette étude montrentà quel point les camarades declasse doivent être considérés dansle processus d’intervention auprèsdes élèves présentant des difficultésde comportement. Associer lespairs à titre d’agents de renfor-cement semble être une stratégiepouvant s’avérer efficace. Toutefois,nos résultats indiquent que lesprocessus d’exclusion sociale à l’in-térieur des groupes-classes peuventavoir des effets négatifs sur l’effica-cité d’un programme d’entraîne-ment aux habiletés sociales. Pourdévelopper et maintenir les compé-tences sociales chez les jeunes endifficulté, la participation du groupe-classe et de pairs compétents nesuffit pas. Par conséquent, nousdevons raffiner les modalités d’in-tervention qui impliquent les pairset poursuivre nos recherches pourapprofondir nos connaissances surcette question. Les conclusions decette recherche soulèvent aussi lanécessité de diversifier les instru-ments utilisés pour évaluer les effetsdes programmes d’entraînementaux habiletés sociales (évaluationreposant généralement sur desmesures de perception des pairs etdes enseignants à l’égard des élèvesen difficulté) et sur l’importance de mettre sur pied des mesures plus fines fondées sur l’observationdirecte du comportement pourdéterminer exactement la nature del’effet que produisent les différentes

composantes d’une intervention surle comportement des jeunes.Malgré le fait que nous avons indé-niablement amélioré notre compré-hension des difficultés de compor-tement, beaucoup de chemin resteà faire en ce qui a trait à l’interven-tion. La problématique des jeunesayant des difficultés de comporte-ment est complexe, tout autant queles conditions nécessaires pour lesprévenir ou les atténuer. L’école apour mission d’instruire et de socia-liser les élèves. Pour certains jeunesqui présentent des difficultés decomportement, elle représente unechance unique de développer lescompétences nécessaires à leurréussite éducative. La mise enœuvre de projets éducatifs et deprogrammes d’intervention pourenseigner les comportements pro-sociaux, la résolution de problèmeset l’autocontrôle sont indispen-sables pour assurer la réussiteéducative de ces élèves. Maintenirces jeunes à l’école, leur enseignerdes stratégies d’adaptation et leurpermettre de développer des habi-letés fonctionnelles, notamment surle plan social, doit demeurer unepréoccupation constante des agentsd’éducation. Quant à la recherche,sa contribution est essentielle à lamise en œuvre d’une action con-certée dans les milieux scolaires.Les chercheurs doivent continuer àse préoccuper de créer, d’expéri-menter et d’évaluer des modèlesd’intervention adaptés à l’école afinque les jeunes présentant des diffi-cultés de comportement puissent yréussir.Mme Nadia Desbiens est profes-seure adjointe au Départementde psychopédagogie et d’andra-gogie de l’Université de Montréalet Mme Annie Desrosiers estassistante de recherche à laFaculté des sciences de l’éduca-tion de l’Université de Montréalet enseignante à l’école secon-daire des Patriotes, à la Com-mission scolaire de la Vallée-des-Tisserands.

Références bibliographiquesBULLOCK, L. M., R.A. GABLE et R.B.RUTHERFORD. Improving the Social Skillsof Children and Youth with Emotional/Behavioral Disorders, Reston, Virginia,Council for Exceptional Children, 1996.

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1. Les auteures tiennent à remercier M. Roger Delisle et M. Richard Tremblay,de la Commission scolaire de La Capitale(anciennement la Commission scolairede La Jeune-Lorette), de même que lesélèves et les enseignants des écoles de LaChanterelle, Château d’Eau, du Vignoble,Notre-Dame-de-Fatima, Notre-Dame-des-Neiges et Saint-Claude, qui ont accepté departiciper à cette recherche.

2. Ces renseignements sont tirés du docu-ment intitulé Déclaration des clientèlesscolaires 1999-2000 produit par laDirection de l’informatique du ministèrede l’Éducation du Québec.

3. Programme d’autocontrôle, de résolutionde problèmes et de compétence socialepour les élèves du primaire ayant des dif-ficultés de comportement.

D epuis 1971, les parentsvolontaires et désignés parleurs pairs ont la parole

dans l’école. Depuis très peu d’an-nées, des parents engagés sont aucœur d’un lieu décisionnel, le con-seil d’établissement. Le « décision-nel » est-il décisif? A-t-il de quoiséduire et motiver? Et en plus, dansla vaste conjoncture de réforme etde renouvellement actuels…Qu’est-ce que des parents d’élèvespeuvent faire, pour profiter de laréforme et en faire profiter le pluspossible les jeunes? Telle est laquestion centrale. Pour y répondre,il faut commencer par se familiari-ser avec la réforme et dépasser l’in-formation trop fragmentaire, cellequi laisse ambivalent. Que signifiela réforme pour un parent d’élèvequi participerait volontiers au con-seil d’établissement s’il avait l’in-formation lui montrant que sacontribution est particulière-ment intéressante et utile? Qu’enest-il, d’abord, pour l’école primaire?

1. GRANDS TRAITS D’UNERÉFORME EN MARCHEAU PRIMAIRE

Faire le tour des visées centrales dela réforme scolaire, c’est voir qu’ellemet l’accent sur des programmesplus ambitieux, sur une assimilationplus approfondie des connaissances,sur un suivi de la progression pluspatient et plus partagé et sur ungrand effort de réduction des échecs.Dans chaque cas, il y a des choses à décider et à entreprendre par les enseignants avec la directiond’école, et il y a d’autres choses àdécider là où les parents sont partieprenante à la décision, au conseild’établissement.

UN PROGRAMME D’ÉTUDES ÉTOFFÉ

La réforme propose des pro-grammes plus ambitieux. Con-sidérons d’abord la situation auprimaire. Le décollage de tous lesélèves en lecture devient une prio-

rité absolue du premier cycle (1re et2e années). La langue seconde a plusde place qu’avant, dans les écolesde langue française. L’enseignementde l’histoire et de la géographieouvre une fenêtre sur l’éducationcivique et politique. L’éducationtechnique émerge pour la premièrefois au primaire. Enfin, l’éducationscientifique est inspirée par un pro-gramme retravaillé à fond.Le programme d’études du pri-maire pris globalement est ambi-tieux à un deuxième titre : celuid’une contribution partagée et pla-nifiée des diverses matières à la for-mation dite personnelle et sociale.Cela était souhaité depuis les annéesquatre-vingt, mais sans plus. Leprogramme du primaire orchestremaintenant cet objectif, en posantdes domaines généraux de forma-tion (réalités de la santé, de lasociabilité, de la sécurité, du mas-culin et du féminin, des rapportsaux autres, des choix d’études et de carrières, d’usage intelligent des médias) auxquels les diversesmatières contribuent. Comme baseet amorce d’interdisciplinarité, ils’agit là d’un énorme pas en avant.

L’ATTENTION AUX FAÇONS

D’APPRENDRE

La réforme parie sur une assimi-lation plus approfondie desconnaissances. En cela, elle n’in-vente rien : elle rentabilise les résul-tats de la recherche en éducationobtenus au cours des quinze à vingtdernières années. Elle le fait à troistitres particuliers, que le vocabu-laire technique n’aide pas toujoursà comprendre. On est ici sur le ter-rain où se lient l’objet de l’appren-tissage, qui relève du programme,et la façon d’apprendre, d’ordrepédagogique.D’abord, la réforme réinvestit laconclusion suivante de la recherche :plus la façon de faire apprendresollicite, met en jeu ou fait s’ap-pliquer des capacités de travail

intellectuel relativement poussées(autrement dit, moins les tâchesscolaires s’accomplissent aisémentavec un peu de mémoire, un peu de soumission et beaucoup deroutines!), meilleurs sont les ap-prentissages. Qu’on apprenne lagéographie, la musique ou la mathé-matique, on apprend toujours pluset mieux si la façon d’apprendre faits’investir au mieux ce qu’on appelledes capacités intellectuelles « géné-riques » (c’est-à-dire non particu-lières à une matière). Cela se traduitpar ce que la réforme appelle lescompétences intellectuelles et mé-thodologiques. Elles sont qualifiéesde transversales parce que la pra-tique pédagogique peut les solliciterpartout.En deuxième lieu, toujours dans la ligne de recherches amplementreconnues, la réforme pousse, danschaque matière, à approfondirplutôt qu’à se disperser, etl’indice d’une excellente assimila-tion des connaissances est celui-ci :être capable de se servir de cesconnaissances et de les faire jouerdans une situation partiellementnouvelle qui appelle leur appli-cation. Il s’agit donc de pousser au-delà d’un simple rappel, au-delàde connaissances abstraites qu’onne saurait pas utiliser. C’est cela queveut dire, par exemple, un pro-gramme de mathématique axé surdes compétences mathématiques.Les programmes du primaire ontété retravaillés pour encourager àpousser jusqu’au niveau de la com-pétence, donc d’une capacité àmobiliser des connaissances, à lesréinvestir et à les appliquer dansune situation assez complexe pourqu’on ne puisse pas se contenterd’une réponse machinale. Il y adonc, d’une part, des compétencestransversales dont toutes les dis-ciplines sont le terrain de mise enjeu. Il y a, d’autre part, des savoirspropres aux disciplines qu’on veut

PARENTS ENGAGÉS :QUEL APPORT AU RENOUVEAU?par Arthur Marsolais

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approfondir jusqu’à un niveau decompétences disciplinaires. Levocabulaire est mêlant, mais le fondest très solide.Un troisième élément de la réformeest particulièrement intéressantpour le primaire. C’est une pistepédagogique qui contribue aussi àune assimilation plus approfondiedes savoirs. Il s’agit, pour l’ensei-gnante ou l’enseignant et pour laconduite de la classe, de consé-quences pratiques de deux convic-tions : apprendre exige une trans-formation et s’appuie sur uneinteraction. Apprendre du neuf cor-respond très souvent à réarranger, àre-trier ou à détruire partiellementce qu’on avait au préalable en tête.L’esprit de l’enfant n’est pas unetable rase, un lieu pour ainsi direvide : ce qu’il acquiert déplace etréarrange des représentations anté-rieures; c’est une construction etune reconstruction perpétuelles.D’autre part, dans l’esprit de laréforme, on sort d’une image trèsindividualiste et solitaire de ce qu’estapprendre. En fait, on apprend desautres, on apprend avec les autres.C’est l’interaction qui marque ladynamique de l’environnement sco-laire. C’est pourquoi il y a aussi descompétences transversales d’ordresocial : savoir coopérer avec d’autresest incontournable, et cela, pourapprendre plus et pour apprendremieux. Entre professionnels, ondira ici : s’appuyer sur une concep-tion socioconstructiviste de la con-naissance.

LA RÉFORME ENTRAÎNE UN SUIVI

DE LA PROGRESSION PLUS PATIENT

ET PLUS PARTAGÉ

Au primaire, elle change les tempsforts d’examen sérieux et systéma-tique des acquis. Puisqu’on travaillesur des compétences, on prend letemps de les assimiler vraiment.

C’est pourquoi on découpe le pri-maire en trois cycles de deux ans.Mais ce découpage n’est pas faitque pour structurer le programmeofficiel. Il est surtout fait pour quedes équipes d’éducateurs travaillantau même cycle s’occupent en-semble du suivi, de la détection desdifficultés qui se manifestent et des remèdes à y apporter.Le régime pédagogique prévoit quele groupe d’élèves qui a commencéson premier cycle au primaire enseptembre 2000 progressera vers lesecondaire sans redoublement, àl’exemple de ce que font les élèvesde pays comme la Norvège, laSuède, le Danemark, l’Autriche oula Grande-Bretagne. Pour les autresélèves, ceux qui ont débuté avantl’été 2000, la logique voudrait quel’on réduise au maximum le recoursau redoublement d’ici l’été 2007.C’est une mesure extrêmementdéfendable au vu de toutes lesrecherches pertinentes. Elle n’a paseu la publicité qu’elle aurait méritée.Le suivi plus partagé de la progres-sion concerne particulièrement lesenseignantes et les enseignants :collaboration entre spécialistes ettitulaires, liaison entre eux et lesintervenantes et les intervenants enmatière de grandes difficultés d’ap-prentissage, collaboration entre euxtous et la direction. La Loi sur l’ins-truction publique confie à l’école lesoin de choisir la meilleure façonde communiquer aux parents uneévaluation de la progression desélèves, aux étapes et en fin d’année.C’est une zone sensible. On a vu demultiples résistances à des nou-velles façons de faire en ce quiconcerne les bulletins d’étape. Desparents qui comprennent les ambi-tions de la réforme, et plus parti-culièrement les parents délégués auconseil d’établissement, ont intérêt

à laisser jouer la compétence del’équipe éducative de leur écolepour harmoniser les modes d’éva-luation avec les programmes et les pratiques pédagogiques. Les cir-constances se prêtent à échapper àun très vieux problème de l’école,soit celui de réduire la portée desapprentissages, de les banaliser enles alignant trop sur ce qui est trèsfacile à tester et à évaluer.

2. LE SENS D’UNENGAGEMENT, AU PRIMAIRECOMME AU SECONDAIRE

La réforme s’appuie sur trois anglesd’analyse et de conviction. Le pre-mier est un discernement social :nous vivons de plus en plus dansune société où la survie et l’épa-nouissement dépendent des con-naissances et des compétences. Cen’est plus un cas minoritaire, c’estde plus en plus une situation géné-rale, et cela doit se répercuter dansl’école. Le deuxième angle tient dudiagnostic, sur une base générale :nos écoles primaires, ou secon-daires, ont telle et telle faiblesses,les programmes de référence onttelle et telle carences, etc. Letroisième angle s’appuie non passur l’analyse critique, mais sur unevision du possible, une confiancedans un potentiel d’amélioration.Pour se mettre en marche sur leplan local, dans et autour de telleécole, on peut recourir dans desproportions très diverses à l’un oul’autre des trois axes de travail sui-vants. Un axe communautaire :comment faire mieux converger lesressources de l’école avec cellesdes familles et de ce milieu socialchaque fois particulier? Ou bien un axe de résolution de pro-blèmes : reconnaissant lucidementles forces et les faiblesses de notreécole, comment allons-nous lesattaquer? Ou, enfin, une démarchede consensus concret et opéra-tionnel en fonction d’un idéal, ense disant par exemple, entre éduca-teurs : « Ce n’est pas facile d’infuserlargement le souci de compétencesintellectuelles et celui du processusd’apprentissage et de l’habiletéméthodologique partout, mais c’est

extrêmement rentable pour lesélèves et c’est un beau défi pourune équipe d’enseignants. »La particularité de cette réforme estqu’elle ne se limite pas aux change-ments structurels et réglementairesqui relèvent d’un ministère. En effet,les changements seulement struc-turels ont souvent, dans l’expé-rience de trop d’États et de pays,échoué à provoquer des améliora-tions en profondeur à la base. Cetteréforme élargit l’espace profession-nel de responsabilité et l’espaceinstitutionnel de responsabilité. Ellerompt avec une représentationtechnicienne de l’enseignement, oùl’on se contenterait d’appliquersans plus des consignes. Cela faitque certaines écoles auront plus dedifficulté que d’autres à se mettreen mouvement. Le facteur dominantsera sans doute de l’ordre de laperception. Si on voit la réformecomme une panoplie d’outils pouravancer, dans la ligne de motiva-tions qui préexistent localement,c’est gagné. De toutes façons, queles motivations soient plutôt socialeset communautaires, ou plutôt detype résolution de problèmes, ouencore de type satisfaction et excel-lence professionnelles, elles con-vergent dans la même direction. Lesparents, et surtout les parentsdésignés dans un conseil d’éta-blissement, doivent sentir, appuyeret cultiver la dynamique particulièred’une école par laquelle celle-cis’approprie la réforme.Si, par contre, la réforme est perçuecomme une corvée, un fardeau sup-plémentaire, quelque chose quis’additionne à côté du travail au lieude l’inspirer de l’intérieur, leschances de la faire servir au béné-fice des enfants et des adolescentssont hypothéquées. Faire profiterles élèves de la réforme, ce n’estpas de tout repos : c’est exigeantpour les éducateurs. Mais le but dela réforme n’est pas de changerpour changer! Il faut s’immuniserjusqu’à un certain point contre lesréactions sceptiques ou carrémentdéfaitistes que suscite toujours etinévitablement un tel projet autourde lui.

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TRIPLE RÔLE D’UN PARENT DÉSIGNÉ

Une mère, un père de famille,souvent poussés et encouragés pard’autres parents, acceptent dedevenir membres d’un conseild’établissement. Ils acceptent doncd’avoir en tête le bien de tous lesélèves de l’école, au-delà de celuide leurs enfants. Comment se pré-sente leur contribution? Quellecouleur prend-elle dans le contextede la réforme?L’apport des parents qui siègent auconseil d’établissement est de troisordres, il me semble, dans des pro-portions variables. Le premier rôleest un apport de coopération età la fois de reconnaissance. Cesparents symbolisent la disposition àcollaborer de l’ensemble des pa-rents, leur aptitude à dire « notreécole », et non pas « votre école »aux éducateurs, comme si l’on étaitdans des camps distincts. Ces pa-rents sont les premiers témoins desprojets, des efforts et du dévoue-ment de l’équipe éducative et ont la capacité de reconnaître lesmembres de cette équipe, de s’yréférer et de les appuyer morale-ment. L’école ne recrute pas un « fan club », bien sûr, mais la pro-fession enseignante fait partie desprofessions d’aide, et l’éducationest un bien collectif qui ne relèvepas de la catégorie des biensmarchands. La qualité de l’éduca-tion scolaire repose en partie surl’engagement des éducateurs, unengagement qui mérite d’êtrereconnu. L’appui parental est unatout pour la vie institutionnelle.C’est donc un rôle symbolique,mais précieux, un rôle qui désa-morce les méfiances réciproques.Un second rôle consiste à légiti-mer des choses bien préparées.C’est à cet égard que le conseild’établissement ressemble le plus àun conseil d’administration. Lesdécisions d’une certaine enverguredoivent être soumises au conseild’établissement. Légalement, ellesdoivent être acceptées par le con-seil. Mais le trajet décisionnel com-mence ailleurs. La compétence desenseignants et de la direction ajoué. Concernant la grande majorité

des décisions d’ordre courant, lesparents du conseil d’établissementsont sollicités pour tester les actionsenvisagées. Celles-ci sont d’autantplus crédibles qu’un groupe mixte,tel le conseil d’établissement quiassocie parents et éducateurs, les abien accueillies.Le troisième rôle est le plus enga-geant et le plus passionnant : c’estla participation à quelquesdécisions cruciales d’orienta-tion et d’usage des moyens,décisions débattues mûrement, quiexigent souvent un arbitrage pourconcilier des points de vue et desintérêts divergents. C’est là ledomaine des priorités, des projetsparticuliers, la substance de cequ’on appelle le projet éducatif de l’établissement. Sur ce terrain,les parents désignés partagent unleadership avec les autres membresdu conseil d’établissement. Par laforce des choses, c’est sous cetaspect du rôle de parent désignéque les façons d’entrer dans laréforme en cours se présenterontsurtout.Beaucoup d’écoles ont déjà entre-pris des actions en suivant despistes proposées par la réforme,par l’usage occasionnel ou fréquentd’une pédagogie par projets, parune didactique de la lecture qui sortdu manuel scolaire, par des pra-tiques de pédagogie coopérative quiouvrent sur l’éducation à la citoyen-neté et sur le sens de la diversitéculturelle ou par des modes origi-naux de soutien pédagogique pourles élèves qui « ont de la misère »,qui se sentent perdre pied. La formedu processus de changement estéminemment locale. L’école quidécide d’entrer dans la réformeprioritairement par l’un de sesaspects trouve dans sa décision unecapacité de se mobiliser qui tiendrapour d’autres aspects qui viendrontsuccessivement. L’équipe éducativese fait confiance en s’approprianttel ou tel trait prometteur. Cetteconfiance, réaliste, pas forcémenteuphorique mais vaccinée contreles messages défaitistes, est l’indi-cateur numéro un de la capacité de changement. Les observateurs

savants parlent dans ce cas d’une « organisation apprenante », d’uncadre de travail où l’on progresseen apprenant, d’un environnementprofessionnel où une partie de lagratification vient de la consciencequ’on a d’avancer.Les parents désignés et volontairesau conseil d’établissement ne sontdonc pas des gens qui jugentcomme de l’extérieur, en positionde surplomb, la conformité ou lanon-conformité des pratiques del’école aux impératifs de la réforme.Pourquoi? Parce que la réformen’est pas conçue pour cela. Commel’écrivait récemment Claude Lessard,de l’Université de Montréal (« Letravail enseignant au quotidien »,Vie pédagogique, février-mars 2001,p. 8), la réforme ne propose pas unblueprint, le plan archi-détaillé dece qu’il faut faire; elle constitueplutôt un simple framework, uncadre indiquant les directions deprogression. On exécute un blue-print, on s’engage dans un frame-work avec sa créativité et sa compé-tence, en personne et en équipe.

UN PROCESSUS QUI POSTULE

DEUX AUTONOMIES

La réforme s’appuie sur deuxchamps de responsabilité et d’ini-tiative : celui de l’autonomie profes-sionnelle et celui de l’autonomieinstitutionnelle.Un suivi des élèves qui vise àréduire les risques d’échec, un cali-bre plus ambitieux de programmespoussant jusqu’aux compétencesdans les diverses matières, l’infu-sion dans l’ensemble des apprentis-sages d’une stimulation plus fermeet plus explicite du potentiel intel-lectuel ou la prise en charge par-tagée d’éléments de la formationpersonnelle et sociale sont amenés,dans la réforme, sur fond de recon-naissance de la compétence et del’initiative des enseignants. On neles épelle pas : on s’en tient à unframework, à un cadre de réfé-rence mobilisant.L’espace accru de l’autonomie insti-tutionnelle, pour sa part, trouve sonfondement dans des changementsrécents apportés à la Loi sur l’ins-truction publique, précisément ces

changements qui ont créé le conseild’établissement comme lieu dedécision. Ces changements législa-tifs ont ouvert un potentiel d’initia-tive qu’on n’a pas fini d’exploiter.Ils changent en particulier le rôledu directeur ou de la directriced’école de deux façons. La direc-tion, en premier lieu, campe moinsqu’avant sur le terrain adminis-tratif et organisationnel et plusqu’avant sur le terrain pédago-gique et professionnel. En secondlieu, le directeur ou la directricetrouvent moins qu’avant la légiti-mation de leurs décisions à la com-mission scolaire et, ultimement, auconseil des commissaires, maisplus qu’avant dans leur propreécole et dans leur conseil d’éta-blissement.Cette évolution du rôle est extrême-ment difficile. Les candidats et can-didates ne se pressent pas auxportes pour assumer une directiond’école, particulièrement au secon-daire. Le personnel de direction esthandicapé par la survivance d’an-ciennes façons de faire, par leshéritages de décennies de centra-lisation, en même temps qu’onsollicite de lui un rôle neuf. C’estpourquoi les parents participantaux conseils d’établissement doiventêtre sensibles à l’appui et à la con-fiance que requiert d’eux leur «agentprincipal », celui qu’on appelle enanglais chief executive. Si, une foisune décision prise malgré desdivergences ou des inquiétudes, on

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le harcèle constamment, on le con-duira directement à l’épuisementou au repli défensif. L’esprit critiqueconstructif est une richesse dansune équipe telle que le conseild’établissement; le réflexe critiquequi surfe sur la frustration et laméfiance est une plaie!

DU CONSULTATIF AU DÉCISIONNEL :CONTINUITÉS ET RUPTURES

Depuis une trentaine d’années,l’espace d’influence locale des ensei-gnants et des parents dans l’écoletenait de la consultation, en grandepartie obligatoire. Ceux et celles qui répondent à la consultation setrouvent dans une situation de mili-tants, de personnes qui exercentune pression pour que leurs con-victions et leurs idéaux se reflètentdavantage dans les décisions et les actions des autres. La réponse à une demande de consultation a trèssouvent comme caractéristique deremonter vers un plan plus généralde responsabilité : celle de l’école,soit d’insister auprès de la commis-sion scolaire pour obtenir des déci-sions favorables à cette école par-ticulière, mais aussi à toutes lesautres. Celle de « la base », soitd’inciter le ministère de l’Éducationet le gouvernement à agir dans lesens de tel idéal et de telles convic-tions. Accepter de passer d’un rôleconsultatif, de conseiller, à un rôlede décideur, de coresponsable dedécisions locales n’est pas facile. Il ya des gains et des pertes, des deuils.La principale différence réside dansle rapport aux contraintes. « Co-décider » avec des professeurs et ladirection, c’est investir le plus clairde son effort et de son intelligencedans l’espace de décision et d’ac-tion que délimitent les contraintes,les limites de ressources et les règlespréétablies. C’est souvent moinsmoralement satisfaisant que demiliter pour faire reculer les con-traintes et les limites. La réformefait reculer certaines contraintes,mais pas toutes.Nous venons à un conseil d’éta-blissement parce que des chosesnous tiennent à cœur, en tant queparents, et parce que nous pensonsque l’école peut contribuer, ou con-

tribuer mieux à répondre à cespréoccupations éducatives. Il y a làune intention d’influence, légitime,et naturellement alliée à la partici-pation à un conseil d’établissement.Mais la participation aux décisionsa une portée de contribution civiqueou citoyenne qui va au-delà de lapure et simple défense des convic-tions les plus respectables.L’école n’est pas un morceau del’État, elle est une institution socialesoutenue et orientée par l’État, et savitalité dépend en partie de la con-tribution de la société civile. La pré-sence parentale au conseil d’établis-sement est un élément important del’enracinement de l’école dans lasociété civile. Le corollaire de cela,c’est que le parent qui assume cetteparticipation dépasse le statut deporte-parole des parents commegroupe de pression en acceptant unrôle qui relève de la citoyenneté.Dans un organisme décisionnelcomme le conseil d’établissement,le parent participant, tout comme le professeur participant, accepted’appliquer son discernement à cequi est le meilleur pour les élèves et non pas pour ses commettants,parents ou enseignants.Il y a d’énormes gains potentielspour les élèves dans la décentrali-sation partielle des décisions versles écoles dans le système scolairepublic. Il y a aussi des gains pourles enseignants, dont le pouvoird’initiative gagne de la latitude.Cependant, il y a aussi un certaindeuil à faire, celui de la satisfactionmorale qu’il y a à revendiquer del’extérieur, en position antagoniste,sans se soucier des contraintes.L’articulation entre eux d’un rôle demilitance dans un groupe de pres-sion légitime et d’un rôle de parti-cipation citoyenne aux décisions est beaucoup plus difficile à fairepour des professeurs que pour desparents. En contexte difficile, il fautcertainement persévérer contrevents et marées. Les deuils ne sontpas éternels!

CONJUGUER L’EFFICACITÉ ET L’ÉQUITÉ

Dans certains environnements natio-naux et sociaux, on a volontiersassimilé l’école à tout autre type

d’organisation, commerciale ouindustrielle. Pour l’améliorer, larenouveler ou la réformer, on a tiréessentiellement parti de moyensrelevant de la gestion et de l’organi-sation. Le progrès se définit alors entermes d’efficacité individuelle. Lamesure de la réussite réside pure-ment et simplement dans le nombrede ceux qui réussissent, d’une part,et dans le degré qualitatif de leurréussite, d’autre part. L’appui surles facteurs typiques de toute ges-tion peut aller, dans certains Étatsaméricains, jusqu’à des primesfinancières au rendement pour lesprofesseurs et les directions d’écolesqui ont amélioré leur rang dans lespalmarès.Dans d’autres environnements na-tionaux et sociaux, on essaie deconjuguer deux visées : d’une partl’efficacité des apprentissages et,d’autre part, la réduction des écartsentre ceux qui apprennent plusaisément et les autres. Le meilleurtype d’école serait alors celui quin’accentue pas en cours de routel’effet des facteurs sociaux initiauxd’inégalité de performance, qui tra-vaille donc aussi dans une perspec-tive d’équité. On n’aura pas lesmêmes réformes selon qu’on s’entient à la première visée ou selonqu’on souhaite conjuguer efficacitéet équité.La première ligne de pensée s’ac-corde avec une sensibilité impré-gnée de libéralisme. À la limite, ellepousse les écoles à choisir leursélèves en attirant les familles partoutes sortes de projets particuliers.La seconde ligne de pensée relèved’une sensibilité social-démocrate.Elle appelle à comprendre que lestrès bons élèves ne profitentpas moins d’une école trèsattentive aux élèves faibles qued’une école plus indifférente àces derniers.Les positions de la réforme sur laprogression par cycles au primaire,sur l’absence de redoublement auprimaire ou sur la grande homogé-néité du curriculum au premiercycle du secondaire assortie d’unepédagogie fortement différenciéereposent sur cette conviction sous-

jacente. Il en va de même pourl’évolution inévitable des modesd’évaluation. La classe, déjà au pri-maire mais surtout au secondaire,sera de moins en moins le lieu oùchacun et chacune apprennentexactement la même chose enmême temps que tous les autres,serait-ce une toute petite chose! Ledéfi de la réussite pour tous, c’estque tout le monde progresse et que la distance entre ceux quiprogressent plus et ceux qui pro-gressent moins ne s’augmente pasdu fait de l’école; ce n’est pas quetous et chacun arrivent exactementau même point après 6, 9 ou 11 ansd’école!Ceci est crucial en particulier pourles écoles de milieux économi-quement défavorisés. Selon uneancienne conception, la justicevoulait que chaque école, chaqueclasse et chaque élève disposentexactement des mêmes moyens etressources, abstraction faite desparticularités et des besoins. Plusrécemment, l’on a accepté d’allouerplus de ressources scolaires dansdes zones et des quartiers moinsfavorisés : perspective d’équité,c’est-à-dire de justice plus propor-tionnée. La réforme, à la différencedes cadres de référence antérieurstrès uniformes, pousse à dévelop-per des pratiques d’encadrement etde soutien pédagogique qui relientla visée d’équité et la visée d’effica-cité. De ce fait, les parents étroite-ment associés à sa mise en œuvres’y trouveront d’autant plus à l’aisequ’ils n’adopteront pas une menta-lité de « consommateurs d’école »qui parie sur la comparaison et larivalité entre les écoles.

3. AU SECONDAIRE :L’HORIZON PROCHAIND’UNE RÉFORME

L’entrée dans le vif de la réforme estéchelonnée dans le temps. On y estdéjà au primaire. Pour le secon-daire, elle est un peu comme l’hori-zon vers lequel on s’avance. Il resteun répit préparatoire. Dans ce tempsd’apprivoisement, des parents ont-ilsquelque chose à apporter? S’il y alieu de bâtir déjà la capacité locale

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de prendre des virages importants,quelle sorte de contribution des pa-rents élus ou désignés par d’autresparents peuvent-ils apporter dans lecadre d’un conseil d’établissement?Au secondaire encore plus peut-être qu’au primaire, l’appropriationlocale de la réforme est exigeante et complexe. Les changementsréglementaires connus et les pro-grammes nouveaux à connaîtrerendront possibles des prioritésactuellement fort problématiques,mais ils ne les assureront pas defaçon magique. Le plus pressant, àcourt terme, pour les parents con-cernés, pourrait être la prise deconscience des lignes de progres-sion rendues possibles, pour accom-pagner et renforcer tout chemine-ment institutionnel préparatoire.Au secondaire, les traits caractéris-tiques de l’organisation scolairedéterminent et conditionnent beau-coup ce qui est possible et ce qui nel’est pas sur le plan pédagogique.Les choix structurels sont extrême-ment importants. Parfois on pensequ’ils sont entièrement prédéter-minés par trois ensembles derègles : celles qui s’appliquent aurégime pédagogique, celles quirégissent le financement et cellesrelatives aux conventions collectivesde travail. Si l’on croit cela sincère-ment, on se perçoit, dans la direc-tion d’école et dans l’enseignement,comme des personnes qui appliquentdes décisions prises ailleurs. Celaréduit l’intérêt de travailler à unconseil d’établissement. Or, il y a du

jeu. Les contraintes inscrites dansles règles limitent et balisent l’es-pace de la créativité et de la déci-sion locale. Elles ne le supprimentpas. La réforme qui se prépare élar-git l’espace de latitude locale,par le régime pédagogique et parles programmes en voie de prépa-ration. Du fait de la réforme, toutessortes d’initiatives très valablespour les élèves deviennent pos-sibles. Ce serait illusoire et naïf decroire qu’elles sont garanties. Ellesrequièrent, pour se réaliser, un cer-tain degré d’articulation dans ladémarche de changement d’uneécole auquel le conseil d’établisse-ment, avec ses parents, peut fortbien contribuer. Quelles sont lesgrandes lignes de progression quise dessinent à l’horizon pour lesecondaire? J’énumère sept lignesde progression parmi les plus évi-dentes, sans souci d’exhaustivité.Tout effort pour leur préparer leterrain, en 2003 et 2004, sera duplus haut intérêt.

1. UN PARI CONCERTÉ SUR LA

STIMULATION INTELLECTUELLE

L’âge scolaire où il est le plus ten-tant de se « mettre au neutre », des’investir très en-deçà de ses capa-cités comme élève, dans toutes lesécoles secondaires d’Amérique duNord, est celui de 14 à 16 ou 17 ans.Ce n’est pas particulier au Québec!Et la façon de plus en plus pra-tiquée de lutter contre la banalisa-tion des apprentissages et la rituali-sation et la superficialité du travailscolaire est de porter attention aux

compétences transversales d’ordreintellectuel. La capacité d’une intel-ligence adolescente à trouver l’in-formation, à la traiter, la trier, à dis-cerner le pertinent et le moinspertinent, la capacité à enchaînerles pourquoi des choses (doncexpliquer et comprendre, plutôtque simplement « savoir que ») etl’émergence d’une capacité critiqueet auto-critique sont toujours endanger d’être sous-sollicitées. C’estparticulièrement pour redonner ducorps, de l’étoffe, de la substance,du panache même faudrait-il dire,aux apprentissages du secondaireque les compétences transversalesd’ordre intellectuel et méthodolo-gique sont mises à l’honneur, commec’est le cas dans l’enseignementsecondaire et dans l’enseignementcollégial un peu partout en Occi-dent. À ceux et celles qui réus-sissent déjà, il s’agit de ne pas pro-poser un minimum banal et tropaisé : qu’on leur propose au con-traire un optimum, mobilisantparce qu’exigeant, un menu qui lesaide à repousser les frontières deleur potentiel.

2. UN ESPACE DE CHOIX RESTAURÉ

À la différence de la très grandemajorité des systèmes scolairesd’Occident, notre régime pédago-gique du secondaire avait réduitradicalement l’espace des coursoptionnels du deuxième cycle, audébut des années quatre-vingt. Laréforme renverse la vapeur. Elledouble pratiquement l’espace descours optionnels. Sur les deuxdernières années du secondaire, il yaura bientôt l’équivalent de presqueune année de cours optionnels.Mais le choix des élèves dépendentièrement de l’offre de cours del’école. Il y a ici un défi énormed’organisation scolaire et de mobi-lisation du personnel enseignant.Dans les cours obligatoires, il y atoujours le filet de sécurité d’uneclientèle captive. Dans les coursoptionnels, il faut de l’audace, unmarketing intelligent, la capacité defaire sentir à ses élèves que celacolle à soi (cours d’art, de languesvivantes, de sciences humaines, detechnologie, etc.) et que certains

cours optionnels sont un banc d’es-sai merveilleux pour des carrièrespossibles.Si l’on ne se prépare pas, l’offrenécessaire de cours optionnels con-sistera à boucher des trous auxcoûts moindres. Penser, planifier etpréparer une offre très valable decours optionnels devrait s’appuyersur les trois potentialités suivantes.1. La possibilité, d’abord, d’un

deuxième cycle du secondaireculturellement plus varié. Etdans les arts, et dans les médias,et dans la technologie, et dans lessciences de la vie, le modèleactuel très homogène des étudesdu deuxième cycle ne permet pasde pousser loin. Et que dire deslangues vivantes, où nous jouonsaux Américains, alors que nouspourrions nous inspirer desHollandais, des Français, desAllemands, des Anglais même!Bien des pays valorisent en effetun apprentissage des langues trèssérieux.

2. La possibilité et l’urgence d’undeuxième cycle du secondaire àtrès fort potentiel d’orienta-tion scolaire. Et il va de soi quele terrain des cours optionnels,où tout n’est pas perdu si lechoix s’avère décevant, à hautrisque d’échec, s’y prête plus que celui des cours obligatoirescommuns.

3. La possibilité, enfin, de dessinerun deuxième cycle du secon-daire moins exclusivementprécollégial. Actuellement, leniveau d’obtention du diplômed’études secondaires à l’âge nor-mal, soit vers 17 ans, plafonnedepuis des années à peu près auniveau d’accès aux études collé-giales (à peu de choses près, 60 à 65 p. 100 de chaque grouped’âge). Comment dessiner undeuxième cycle qu’une bonneportion des autres jeunes habi-terait avec profit et motivation,lorsqu’on décidera quellesoptions offrir? Le défi d’aug-menter la réussite que poursuitla réforme se joue principale-ment autour de ce sous-groupe,qui repart du secondaire sans

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diplôme dans la situation actuelle.Faut-il penser la cohabitationpacifique sous le même toit d’undeuxième cycle du secondairerelativement précollégial et d’undeuxième cycle secondaire rela-tivement préprofessionnel? Il fautrester à l’affût car, dans le sillagemême de la réforme, il reste descorollaires à explorer et à plani-fier à l’échelle de l’ensemble duréseau secondaire.

3. UNE ALLIANCE

INTERDISCIPLINAIRE POUR

LA MAÎTRISE DE LA LANGUE

On sait quels embarras, quels échecsaux études postsecondaires, quellesdifficultés dans la carrière aussi,engendre une capacité linguistiqueboiteuse, aussi bien dans l’expres-sion que dans la compréhension,rapide et fine, des sources écritesd’information les plus diverses, y compris celle de l’Internet. La réforme du secondaire introduitla perspective d’une alliance inter-disciplinaire articulée et soutenueautour de la progression dans lamaîtrise de la langue d’enseigne-ment, en faisant de celle-ci unecompétence transversale qui con-cerne tous les enseignants et toutesles matières. Ici aussi les études etles recherches confirment le bien-fondé de cette piste de changement :c’est dans tous les domaines qu’ilfaut passer d’apprendre à lire à lirepour apprendre et qu’il faut s’ha-bituer à rédiger pour s’approprierpersonnellement l’argumentation,l’explication, le débat critique.

4. UNE PRISE EN CHARGE

COLLECTIVE DE LA FORMATION

PERSONNELLE ET SOCIALE

Le métier d’élève, au secondaire,prépare déjà à une panoplie derôles sociaux dépassant de beau-coup celui de travailleur le plusqualifié possible : rôle de membred’un ménage ou d’une famille etresponsable de ses proches, rôle deconsommateur avisé, responsable àl’égard de l’environnement qu’onlèguera aux prochaines généra-tions, rôle de participant et d’acteurdans les choix collectifs et la viepolitique. Sur un plan plus person-

nel, l’école secondaire est un lieupour se découvrir, s’orienter en affi-nant ses goûts et en exerçant sestalents particuliers. La réforme, à l’égard de ces éléments plus per-sonnels et plus centrés sur l’éduca-tion que sur l’instruction commetelle, propose de ne plus les mar-ginaliser dans divers mini-coursspécifiques, mais de les intégrerdans l’entreprise d’instruire elle-même. Pour ce faire, elle cible trèsprécisément cinq facettes de l’édu-cation personnelle et sociale, des « domaines généraux d’éducation »,qui trouveront des points d’ancragedans les divers cours, dans uneperspective très nouvelle d’interdis-ciplinarité.Les domaines généraux d’éducationpeuvent fort bien inspirer toutessortes d’entreprises et d’événe-ments qui animent la vie scolaire etqui constituent un espace privilégiépour fraterniser et se solidariser.Ici, l’interdisciplinarité rejoint lesintervenantes et les intervenants desservices personnels, de l’animationsportive et culturelle et du champde l’animation spirituelle et de l’en-gagement communautaire. De même,dans l’esprit de la réforme, le soucid’assister les choix d’orientationscolaire et professionnelle doittraverser l’ensemble des enseigne-ments et de la vie scolaire.

5. ORIENTER ET AIDER

À S’ORIENTER AUTREMENT

Actuellement, le système scolaireincluant les universités, les cégepset les centres de formation profes-sionnelle munit moins de 50 p. 100des jeunes d’une qualification parti-culière en vue du marché du travailau sortir d’études poursuivies encontinuité. C’est pourquoi l’on ainclus dans les missions de l’écolecelle de qualifier, tout au moins deconduire plus naturellement à desformations qualifiantes, soit univer-sitaires, soit techniques, soit dansles métiers. Augmenter le tauxgénéral de qualification par lesétudes est un problème de systèmequi ne concerne pas seulementl’école secondaire, mais qui la con-cerne aussi.

À ce sujet, la mesure principalequ’amène la réforme au secondaireest la suivante : cesser d’homogé-néiser au maximum les apprentis-sages jusqu’à la fin du secondaire et centrer plutôt les apprentissagesessentiellement communs sur lesneuf premières années d’études.Cela signifie, au deuxième cycle, defavoriser des parcours d’étudesplus diversifiés. Cela voudra-t-ildire le maintien pur et simple dupassage d’un contingent de jeunes à la formation générale du secteurde l’éducation des adultes après 16 ans et le maintien de la possibi-lité de principe d’aller en formationprofessionnelle avec une partieseulement des unités de 4e secon-daire? Peut-être. Ce n’est pas clairencore. Mais on peut espérer pluset mieux dans le cadre de la 4e et dela 5e secondaire à l’école des jeunes,justement du fait d’un espace trèsélargi de cours optionnels. Aujour-d’hui, par défaut en quelque sorte,un très grand nombre de choixd’orientation se fixent en coursd’études collégiales. Ce serait aussirendre un grand service à ceux etcelles qui vont vers des étudeslongues que de les aider à choisirdavantage en connaissance de causeentre les divers programmes collé-giaux. Trop de détours finissent enimpasses.

6. QUELQUES COURS COMMUNS

TOUT À FAIT NEUFS

Le programme d’études du secon-daire ne s’étoffe pas seulement ducôté des cours optionnels. Plusieurscours communs sont neufs. Ainsi,l’ajout de six unités de français aupremier cycle ouvre certainement laporte à des ambitions plus élevées.Le choix d’élaborer un cours inté-gré de sciences et technologie surtout le premier cycle du secondaireest un atout à la fois pour la cohé-rence d’une année à l’autre et pourune initiation scientifique subs-tantielle. L’étude de l’histoire, alliéeà l’apprentissage de la citoyenneté,jouira d’une forte continuité qu’ellen’avait pas, débouchant en 5e secon-daire sur la connaissance dumonde contemporain. Bien sûr, ils’agit là de virages et de remanie-

ments qui sollicitent d’abord lacompétence professionnelle desenseignants, mais l’appui et l’avald’un conseil d’établissement n’estjamais mal venu!

7. MOINS RALENTIR LES ÉLÈVES

Les élèves qui n’obtiennent pas lediplôme d’études secondaires dansle régime pédagogique à l’anciennemanière sont surtout ceux qui ontdoublé une fois au primaire et une autre fois au premier cycle dusecondaire. La réforme met enavant deux pistes d’action interre-liées : un suivi plus collectif desélèves au fil d’un cycle comme lepremier cycle du secondaire, etl’évolution vers des pratiques péda-gogiques qui tiennent mieux comptedes décalages entre élèves pour cequi est des acquis scolaires. On aencore peu réfléchi à l’articulationde tout cela, mais ce n’en est pasmoins prioritaire. Là où il y a unecertaine concentration d’élèves àrisques encore plus qu’ailleurs…Pensons que, dans certaines zonesrésidentielles, on atteint difficile-ment le taux d’un sur deux pour cequi est de l’obtention du diplômed’études secondaires chez les gar-çons. Mais, ici comme ailleurs etpeut-être plus qu’ailleurs, la réformeoffre les grands traits d’un frame-work, d’un cadre de référence fortdéfendable. Où se traduira-t-il enblueprint, en plan d’action effi-cace? Entre autres, dans la chimiequi s’instaurera entre l’équipeéducative de l’école et son conseild’établissement.

BÂTIR SUR L’ACQUISIl y a dans le réseau des écolessecondaires de multiples pistes derenouvellement déjà opérantes,dont plusieurs rejoignent les préoc-cupations de la réforme : des pro-grammes déjà en grande partierepensés autour de quelques com-pétences clés; l’attention renouveléeà la qualité du processus d’appren-tissage grâce au courant de l’en-seignement stratégique; une percéecertaine du travail coopératif entreélèves, dans la ligne des compé-tences transversales d’ordre social,et beaucoup d’autres choses encore.

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LLA RÉUSSITE SCOLAIRE ET LA TAILLE DES CLASSESpar Christian Neveu et Jean-Guy Blais

INTRODUCTION

L es dernières négociationsentre le gouvernement duQuébec et les enseignants ont

abouti, selon plusieurs, à un règle-ment satisfaisant. Nous pouvionslire à ce sujet dans le quotidien LeDevoir que « …le gouvernement[embaucherait] davantage d’en-seignants et de professionnels et[accepterait] de diminuer sensi-blement le nombre d’élèves dansles classes pour les premièresannées du primaire » (22 dé-cembre 1999). Le 26 janvier 1998,le président américain Bill Clintonavait annoncé quant à lui que legouvernement fédéral allait investir1,2 milliard de dollars en sept ansdans l’embauche de trente milleenseignants et ainsi réduire la tailledes classes durant les premièresannées d’école (de la maternelle àla 3e année).La réduction de la taille des classeset son effet possible sur la réussitedes élèves font depuis longtempsl’objet de discussions entre diffé-rents acteurs du monde de l’éduca-tion. D’une part, les enseignants etles regroupements qui les repré-sentent considèrent qu’il est clairque les plus petites classes favo-risent la réussite scolaire des élèves.D’autre part, les gestionnaires af-firment que la réduction de la tailledes classes augmente considéra-blement les coûts sans qu’il y ait debénéfices substantiels démontrés(Hanushek, 1999). On affirme ainsique réduire la taille des classes à unnombre d’élèves variant entre 15 et20 apporterait une améliorationd’environ 2 p. 100 dans certainesmatières pour un accroissement dufinancement de 57 p. 100 (La voiede l’avenir, 1997).Mais, au-delà d’une rhétoriqueintuitive ou idéologique sur le sujet,quelles sont les évidences scien-tifiques auxquelles un gouverne-ment, une commission scolaire ouune école peuvent se référer pour

justifier la mise en place d’unemesure comme la réduction de lataille des classes en vue d’améliorerla qualité des apprentissages et defavoriser la réussite?

LA « PREUVE » SCIENTIFIQUELes études sur la relation entre lataille des classes et la qualité del’apprentissage ne datent pas d’hier.En effet, Blakes (1954), cité parPate-Bain et ses collaborateurs(1999a), a recensé plus de 267études antérieures à 1950. Dansune première analyse, il en a d’abordretenu 85 dont 35 étaient favorablesaux petites classes alors que 18 nel’étaient pas. Puis, il en a sélec-tionné 22 à valeur « scientifique »plus grande dont 18 favorisaient lespetites classes et 3 ne les favori-saient pas. Glass et Smith (1978)ont pour leur part recensé 80 étudeseffectuées entre 1892 et 1979 etleurs analyses ont permis d’illustrerla tendance selon laquelle la réduc-tion de la taille des classes, essentiel-lement en deçà de 15 ou 20 élèves,aurait des effets positifs sur la réus-site scolaire. En fait, les conclusionsdes travaux de Glass et Smith n’étantpas très précises quant au nombred’élèves, l’ordre de grandeur pré-senté ici n’est donc qu’approxi-matif. Ce qui est clair cependant,c’est que plus la réduction est grandeet moins il y a d’élèves, plus la réus-site semble favorisée.Entre 1985 et 1989, une étudeportant le nom de « projet STAR »(de l’acronyme Student TeacherAchievement Ratio) a été effectuéedans l’État du Tennessee. Conçuepar une pléiade d’experts désirantmettre en œuvre une rechercheexpérimentale d’envergure, cetteétude complète et bonifie lesrecherches précédentes à plusieurségards, c’est-à-dire en ce qui con-cerne le contrôle scientifique (attri-bution des élèves et des enseignantsau hasard), l’étendue de la recherche(étude touchant plus de 7 000 élèves,329 classes, d’une durée de 4 ans)

et la quantité de données accu-mulées.Les résultats observés dans la fouléedu projet STAR confirment que laréduction de la taille des classes àun rapport de quinze élèves parenseignant durant les premièresannées d’école favorise les appren-tissages et fait augmenter le taux deréussite scolaire (Finn et Achiles,1999). De plus, la réduction estencore plus bénéfique pour lesélèves des minorités ethniques oules élèves de milieux défavorisés.Enfin, une étude complémentairenommée Lasting Benefits Studies apermis de constater, d’une part, queces effets sont persistants et, d’autrepart, que les élèves qui ont béné-ficié des classes de petite tailledurant leurs premières années sco-laires suivent plus souvent descours enrichis et se rendent auxétudes supérieures dans une plusgrande proportion que les autresélèves, surtout ceux qui font partiedes minorités ethniques ou qui sontissus de milieux défavorisés.Le projet SAGE (Student AchievementGuarantee in Education) par ail-leurs, commencé depuis 1995 dansl’État du Wisconsin, est probable-ment le projet le plus importantactuellement en cours qui mettel’accent sur la réduction de la tailledes classes en vue de favoriser la réussite des élèves. Ce projetquinquennal implique aujourd’huiapproximativement 10 000 élèvesde 30 écoles. Semblable au projetSTAR quant à son étendue, le projetSAGE en diffère cependant quant àsa méthodologie et à ses méthodesd’évaluation. En effet, son objectifpremier est de faire augmenter letaux de réussite des élèves desmilieux défavorisés plutôt que defaire connaître l’effet de la réduc-tion de la taille des classes sur laréussite scolaire. Ce projet, parcequ’il n’a pas été possible d’attribuerau hasard les enseignants et lesélèves, de garder les groupes d’élèves

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La réforme ne disqualifie rien detout cela, elle s’appuie sur l’acquis.Dans les écoles où une forte dyna-mique d’autorenouvellement estdéjà en place, la présente réformeajoute des atouts dans le paysagesans rien interrompre.Pour donner localement toutes seschances à la réforme, il faut, commeparents, être attentifs à ce qu’elleapporte de valorisation à la pratiqueprofessionnelle. Pour apporter duneuf et du meilleur aux élèves, il faut qu’elle apporte du neufattrayant aux professeurs. La façonde travailler davantage en concerta-tion qu’appelle la réforme impliqueune transformation graduelle de laculture professionnelle qui n’a riend’aisé, mais qui fera d’autant mieuxson chemin qu’elle ne paraîtra pasmarginaliser la spécialisation disci-plinaire déjà acquise. Les perspec-tives interdisciplinaires ne sont pasune régression en-deçà de savoirsspécialisés consistants : ce sont desvoies de convergence qui enri-chissent les disciplines, qui les rap-prochent de la motivation et de lavie des élèves. La réforme n’écartepas, ne discrédite pas les pistes dedéveloppement déjà largement per-ceptibles : elle en systématise et enpousse un certain nombre. L’unedes façons les plus efficaces d’ali-menter le défaitisme serait de lareprésenter comme une opérationde « table rase » : « on oublie tout eton recommence »!

LA FORCE D’UNE ALLIANCEQui oserait dire encore des parentsassociés à un conseil d’établis-sement que leur rôle est décoratif?Se proposer pour un conseil d’éta-blissement ou encore ne pas sedéfiler quand d’autres parents vousy poussent, c’est fournir à toutessortes de titres de la lucidité et de la persévérance à une alliance quiva loin, une alliance nouée dansl’esprit d’une société qui veut lemeilleur pour ses enfants et pourses jeunes.M. Arthur Marsolais est membredu comité de rédaction de Viepédagogique.

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intacts d’année en année et de con-trôler systématiquement la taille desclasses, est considéré comme uneétude quasi expérimentale.Jusqu’à maintenant, les résultatspréliminaires de cette étude con-firment ceux des études précé-dentes selon lesquels la réductionde la taille des classes est avan-tageuse. De plus, dans le projetSAGE comme dans le projet STAR,les élèves des minorités ethniques(en majorité des Africains améri-cains) semblent avoir bénéficiédavantage de cette réduction.

LES EFFETS POSITIFSCONNEXESLes conclusions des trois études lesplus importantes, si différentes lesunes des autres quant à leur con-ception et à leur méthodologie eteffectuées à trois époques distinctes,convergent vers un même constat,soit que des classes de taille réduitefavorisent les apprentissages et laréussite scolaire.Mais, outre le fait de favoriser l’ap-prentissage et de faire augmenter letaux de réussite, la réduction de lataille des classes aurait d’autreseffets positifs. Glass et ses collabo-rateurs (1982) ont classé ces effetsen trois catégories : les effets surl’élève, les effets sur l’enseignant etles effets sur les pratiques d’ensei-gnement. Dans le rapport du projetSTAR, nous retrouvons deux de cescatégories d’effets positifs : les effetssur les élèves et les effets sur lesenseignants. Sans les avoir classés,les chercheurs du projet SAGE ontégalement relevé certains effets dela réduction de la taille des classes.Ainsi, dans les études consultées,on peut dire que les effets constatésont été sensiblement les mêmes etnous les avons répartis de la façonsuivante :• Les effets sur l’élève : son atten-

tion est plus soutenue; il a plus de

temps avec l’enseignant, plusd’occasions de participer; il a le sentiment d’être plus « repé-rable », il adopte donc des com-portements plus appropriés; son rythme d’apprentissage estrespecté.

• Les effets sur l’enseignant : il aplus de temps avec les élèves; il a l’occasion de répondre plusattentivement aux questions etaux besoins de ces derniers; il peut assurer un meilleur suivi;il a plus de temps pour enseignerla matière, plus de contacts per-sonnels avec l’élève; il a la possi-bilité d’utiliser différentes ap-proches pédagogiques.

• Les effets sur la classe : l’atmos-phère y est meilleure, l’ambianceplus amicale; les relations entreles élèves et l’enseignant sontmeilleures; plusieurs approchespédagogiques sont possibles.

Nombreux sont ceux qui s’en-tendent pour dire que ce n’est pasla réduction en soi qui favorise laréussite mais plutôt ce qui se passedans les classes. Glass et ses colla-borateurs (1982) ont avancé que lasuccession et la combinaison deseffets positifs observés chez lesenseignants, les élèves et dans l’en-vironnement scolaire pourraientêtre responsables d’un meilleurtaux de réussite. Ainsi, la réductiondu nombre d’élèves influence cequi se passe en classe, ce que l’en-seignant fait (son attitude avec lesélèves) et ce que font les élèves ouce qu’ils vont faire. Ce seraient doncces différents processus qui influen-ceraient à leur tour les apprentis-sages et les résultats scolaires. Pourd’autres chercheurs, c’est l’augmen-tation du temps d’enseignementindividualisé qui expliquerait lesrésultats observés (Molnar et autres,1999a et 1999b; Zahorik, 1999;Betts et Shkolnikm, 1999; Stasz etStecher, 2000).

CONCLUSIONLes recherches récentes menées surle sujet confirment que la réductionde la taille des classes lors des pre-mières années d’école (de la mater-nelle à la 3e année) favorise l’ap-prentissage et fait augmenter le tauxde réussite scolaire à court et à longterme, et ce, de façon plus accentuéeen ce qui concerne les élèves demilieux défavorisés ou de culturesminoritaires. De plus, cette mêmeréduction aurait des effets positifsnotables sur les enseignants (plusde temps pour répondre aux besoinsparticuliers des élèves, plus detemps pour approfondir la matière,plus de contacts personnels avecl’élève, possibilité d’utiliser diffé-rentes approches pédagogiques,moins de gestion de la discipline,etc.), les élèves (attention plus sou-tenue, plus de temps avec l’ensei-gnant, plus d’occasions de parti-ciper, respect de leur rythmed’apprentissage, etc.) et l’environ-nement scolaire (meilleure atmo-sphère, ambiance plus amicale,etc.).Les recherches évoquées ne nouspermettent cependant pas de sta-tuer sur le nombre exact d’élèvesque devrait compter une petite classe« idéale » (vingt élèves? quinzeélèves?). Elles ne permettent pasnon plus de conclure que la réduc-tion est plus avantageuse durant les premières années d’école quedurant les années subséquentes.En fait, nous savons que la réduc-tion de la taille des classes favoriseles apprentissages et la réussite sco-laire et qu’elle engendre des effetspositifs, à long terme de surcroît, etcela semble suffisamment pertinentet important pour que certains gou-vernements envisagent sérieuse-ment cette possibilité. Il ne faudraitcependant pas croire qu’elle est unremède infaillible à l’échec sco-laire, ni même qu’elle est la seulesolution pour favoriser la réussiteéducative. Il importe donc d’êtrevigilant et de mettre en œuvre tousles moyens possibles pour favorisercette dernière. La réduction de lataille des classes est un moyen nonnégligeable d’y arriver, mais ellen’est pas une fin en soi.

M. Christian Neveu est direc-teur adjoint du Centre d’inté-gration scolaire et M. Jean-GuyBlais est vice-doyen à la gestionet au développement de laFaculté des sciences de l’éduca-tion de l’Université de Montréal.

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matiques purement pédagogiquesqui lui sont habituelles et de consa-crer un dossier complet à un thèmeaussi complexe que controversé et,il faut bien l’avouer, extrêmementsensible pour les diverses partiesprenantes.La question est certes très légitimeet voici la réponse :• Parce que la gestion des organisa-

tions publiques et privées s’inscritde plus en plus dans une perspec-tive d’imputabilité et de redditionde comptes.

• Parce que l’autonomie profes-sionnelle du personnel ensei-gnant et la professionnalisationde l’enseignement ne peuvent seconjuguer qu’à travers une volon-té et une capacité d’analyse despratiques et des choix profession-nels ainsi que des résultats qui endécoulent. Dès lors, on voitémerger de manière plus évidenteles liens qui se tissent entre lareddition de compte – qu’elle soitcollective ou individuelle – etl’acte pédagogique.

• Enfin, parce que le conceptd’obligation de résultats en édu-cation n’est pas univoque, qu’ilest encore objet de vives contro-verses et que l’adoption et l’appli-cation d’une définition ou d’uneautre risquent de comporter despièges importants qui pourraientavoir des effets plus ou moinsnégatifs sur l’acte d’enseigne-ment/apprentissage.

Voilà ce qui a motivé le comité derédaction de la revue à vouloir ali-menter dès maintenant la réflexion

des lectrices et des lecteurs de Vie pédagogique sur ce sujet.À cet effet, les deux premiers articlesde la revue traitent : du conceptd’obligation de résultats lui-même,des effets de la pression de l’obliga-tion de résultats sur la productiondesdits résultats ainsi que des assiseslégales et des politiques en édu-cation qui s’inscrivent dans uneperspective de responsabilisationaccrue des écoles et du personnelenseignant.Un troisième article nous amène àjeter un coup d’œil à l’extérieur duQuébec pour voir un peu ce qui sevit ailleurs en matière d’obligation derésultats et de reddition de comptes.Le traitement d’un tel thème devaitégalement faire place aux points devue d’enseignantes et d’enseignantsainsi qu’à ceux de directrices et dedirecteurs d’écoles qui sont lesprincipales parties prenantes audossier. Vie pédagogique a doncdemandé à quelques-uns d’entreeux de réagir à la perspective d’uneapplication plus formelle du con-cept d’obligation de résultats enéducation.De plus, des personnes ou desgroupes de personnes engagées àdifférents titres dans l’expérimenta-tion, l’implantation ou le suivi d’unedémarche d’évaluation institution-nelle ont accepté de partager avecnous leur expérience, les conclu-sions qu’ils en dégagent et les pers-pectives d’avenir qu’ils entrevoient.Enfin, le dernier article du dossiertraite de la nature, de la fonction etde la démarche d’élaboration desplans de réussite et des plans straté-giques que les écoles et les commis-sions scolaires sont respectivementtenues de réaliser.Bonne lecture!Monique Boucher

1. Vous pouvez avoir accès aux textes desdiverses conférences prononcées sur lesujet dans le cadre du colloque ci-dessusmentionné en allant à l’adresse Internetsuivante : http://www.afides.qc.ca/COLLOQUES/EJC/CONFERENCES/conferences.html

Photo : Denis Garon

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dossier

A ppliquée au monde de l’édu-cation, l’obligation de résul-tats est certainement un des

thèmes les plus délicats et difficilesà traiter. D’ailleurs, si nous voyonsun peu plus aisément ce que ceconcept peut recouvrir quand onpense à la sphère des sciences de lanature ou à celle de la technologie,il en va tout autrement quand il s’agitde celle des sciences dites socialesauxquelles appartient l’éducation.Pourtant, depuis la fin des années 70,on voit sporadiquement émerger ce concept, mais avec chaque foisun peu plus d’emphase et d’insis-tance. En effet, dans la foulée de larecherche portant sur les modèlesde gestion des organisations et dessystèmes les plus efficaces et effi-cients, les chercheurs ont fait unconsensus certain sur le principede l’empowerment ou, dit autre-ment, sur l’importance de rappro-cher le pouvoir de décision du lieumême de l’action. Cela étant, oncomprendra que l’application d’un

tel principe a pour effet d’accroîtrel’imputabilité des acteurs concernés.Au Québec, dans le domaine del’éducation, cela s’est traduit par,entre autres choses, l’accroissementde l’autonomie et des pouvoirs desétablissements d’enseignement etdu personnel enseignant.Si, en principe, les différents acteursdu système éducatif sont d’accordavec l’équation « pouvoir + auto-nomie = imputabilité = obligationde résultats », la définition de cedernier concept et son applicabilitédans le domaine de l’éducation – etplus particulièrement dans celui del’enseignement – ne sont pas pourautant compris de manière univoque.C’est d’ailleurs une des conclusionsqui se dégageait des propos tenuspar l’ensemble des conférencièreset des conférenciers invités à par-ticiper à un colloque sur le sujet enoctobre 20001.D’aucuns se demanderont alorspeut-être pourquoi Vie pédago-gique a choisi de s’éloigner des thé-

L’OBLIGATION DE RÉSULTATS EN ÉDUCATION :

RENDRE COMPTE OU SE RENDRE COMPTE

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Ulablement fournies par le Ministère,ainsi qu’un plan d’améliorationspécifiant des cibles quantitativesprécises et un horizon temporeldéterminé (3 ans). Les plans deréussite sont la suite logique del’évaluation institutionnelle. Rap-pelons que dans le contexte desannées 90 et de celui des compres-sions budgétaires, bon nombred’établissements d’enseignements’étaient lancés dans des opérationsde planification stratégique et deréingénierie, souvent appuyées surdes processus d’évaluation insti-tutionnelle. Le Conseil supérieur del’éducation, dans son rapport an-nuel 1998-1999 consacré à l’évalua-tion institutionnelle en éducation,montre que des écoles, des commis-sions scolaires (C.S. des Sommets,

C.S. Val-des-Cerfs, C.S. de Montréal,C.S. Marie-Victorin, pour ne pas lesnommer) et un consortium d’éta-blissements anglophones avaientdes projets et des réalisations en cedomaine et que le milieu de l’édu-cation québécois n’avait pas attendula rentrée 2000 et l’annonce desplans de réussite pour se mettre enmouvement dans ce domaine.Si les organisations scolaires con-naissent depuis un bon moment laplanification stratégique et saventconstruire des plans de développe-ment, elles doivent dorénavant réa-liser ces opérations au grand jour,le grand jour des conseils d’établis-sement et des usagers en général, et celui des médias en particulier. Il est clair que cette transparencen’est pas toujours facile à vivre,

L’OBLIGATION DE RÉSULTATS, DE MOYENS OU DE COMPÉTENCES :L’AFFAIRE DE TOUT LE MONDE OU L’AFFAIRE DE CHACUN?par Claude Lessard

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INTRODUCTION

U n peu partout et de plus en plus, il est aujourd’huiquestion en matière de ser-

vices publics d’obligation de résul-tats. Cette expression charrie uncortège de « concepts » et d’outilsplus fréquemment utilisés dans lemonde des affaires qu’en éduca-tion : efficacité, efficience, rende-ment, productivité, gestion de laqualité, quête d’excellence, reddi-tion de comptes, imputabilité, éva-luation des institutions comme desacteurs, etc.Quel choc pour un milieu scolairetraditionnellement réfractaire àl’évaluation et à la reddition decomptes, et pour un système d’édu-cation dont la priorité au cours des40 dernières années a été l’accessi-bilité à l’éducation pour le plusgrand nombre! Car au-delà de larhétorique managériale et des stra-tégies mises en place – qui méritentà juste titre un véritable débat etune appréciation rigoureuse deseffets escomptés et des effets per-vers –, ce qui est en cause, c’est lacapacité du système éducatif dechanger de cap et de viser non plusuniquement l’accessibilité maisplutôt la qualité de la formation duplus grand nombre. Et, en ce sens,de se responsabiliser non plusseulement par rapport à l’offre deformation, mais aussi par rapport àses résultats.La forme récente de cette respon-sabilisation, au Québec commeailleurs, est le plan de réussite. Eneffet, le ministère de l’Éducation duQuébec demande depuis trois ans àtous les établissements primaires etsecondaires de lui soumettre unplan de réussite, sous la forme d’undocument comprenant une analysede la situation, construite à partird’indicateurs quantitatifs de rende-ment dont les valeurs ont été préa-

comme en témoignent les récentesexpériences avec les palmarèsd’établissements.Reconnaissons que l’éducationn’est pas seule à goûter à cettemédecine. Il s’agit en fait d’unvirage majeur de l’ensemble desinstitutions publiques, comme entémoigne la loi 82 sur l’administra-tion publique et sa modernisation.M. Lucien Bouchard, alors premierministre du Québec, a été on nepeut plus clair là-dessus dans le dis-cours inaugural de la 36e législaturede l’Assemblée nationale (3 mars1999).

« Toute la fonction publiquequébécoise sera appelée à seréinventer... Nous comptonslancer une profonde modernisa-tion de la fonction publique quimettra l’accent sur la qualité desservices aux citoyens et sur l’at-teinte de résultats mesurables.La réforme que nous proposonsdonnera davantage de libertéd’action à des gestionnairesimputables. »

M. Jacques Léonard, alors présidentdu Conseil du trésor et ministred’État à la fonction publique, souli-gnait pour sa part qu’« il est reconnuque la compétition qui résulte del’ouverture des marchés n’affecte pasuniquement les entreprises privées.Elle affecte également les gouverne-ments. Ainsi, le potentiel écono-mique d’un État ne dépend plusuniquement de son secteur privé. Il dépend également du coût et dela qualité des services publics. Il fautdonc porter une attention particu-lière à la contribution économiqueimputable au fonctionnement del’État ». Selon lui, le nouveau con-texte rend impérieux la mise en placed’un nouveau cadre de gestioncombinant « écoute des citoyens,qualité des services, recherche dela performance, transparence quant

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aux choix stratégiques et quant auxréalisations, responsabilisation,imputabilité devant les parlemen-taires », bref, un « changement deculture... d’une culture de gestiondes processus à une culture de ges-tion des résultats ».Dans le domaine de l’éducation, leSommet du Québec et de la jeu-nesse a permis d’établir un consen-sus sur l’objectif national consistantà atteindre une qualification de 100 p. 100 des jeunes, en fonctiondes choix et du potentiel de chacun.Pour atteindre cet objectif, les par-tenaires du Sommet se sont enten-dus sur la nécessité d’un plan deréussite, élaboré par chacun desétablissements d’enseignement, encollaboration avec les acteurslocaux et en fonction des caracté-ristiques socioéconomiques etculturelles du milieu.Alors ministre de l’Éducation, M. François Legault a clairementindiqué que les plans de réussiteconstituaient une priorité qu’on nepouvait ignorer, et ce, dans la formequ’il jugeait essentielle, c’est-à-direavec des cibles quantitatives et unestratégie triennale claire pour leverles principaux obstacles à la réus-site, cette stratégie devant êtrefondée sur une analyse serrée de lasituation de chaque établissement.Il a attribué, à la rentrée scolaire2000-2001, un budget supplémen-taire de 23 millions de dollars poursoutenir la mise en œuvre des plansde réussite. Son refus des premiersplans soumis par les collèges nelaissait aucun doute sur l’existenced’une réelle volonté politique devoir l’ensemble du système éducatifprendre les moyens efficaces mis àsa disposition pour accroître la per-sévérance scolaire et la diplomation.Des plans de réussite présentés parles commissions scolaires et accep-tés par le Ministre, il ressort que, sien l998-l999 le retard scolaire à lafin du primaire touchait 22,2 p. 100des enfants, soit plus d’un enfantsur cinq, « sur la base des plansreçus, les écoles se fixent l’objec-tif ambitieux de faire passer ce taux à 11 p. 100 seulement, d’ici 2002-2003, soit une réduction de50 p. 100. Par ailleurs, au secon-

daire, les écoles s’engagent à fairepasser le pourcentage de décro-cheurs de 26,9 p. 100 en l998-l999à 22,8 p. 100 en 2002-2003 »(meq.gouv.qc.ca/cpress/cpress2001, 26-10-2001). Quant aux col-lèges publics, le taux d’obtentiond’un diplôme passerait d’ici 2010de 61 p. 100 à 76 p. 100 (meq.gouv.qc.ca/cpress/cpress2001/c011005.htm, 26-10-2001).De leur côté, les syndicats d’en-seignants dénoncent « l’approcheétroite et compétitive adoptée par le plan Legault », une approche dite « affairiste », mais n’en acceptentpas moins les ingrédients essentielsde la démarche proposée par leMinistre. En effet, dans une fichediffusée auprès de ses membresvisant à soutenir les conseils d’éta-blissement dans l’élaboration d’unplan local de réussite, la CSQ accepte« de procéder à une analyse de lasituation de l’école relativement à laréussite éducative, à partir des don-nées qui seront jugées pertinentes;d’identifier des mesures suscep-tibles d’améliorer la réussite desélèves et de prévoir des modalitésd’évaluation de celles-ci; de fixerdes objectifs quantitatifs ou qualita-tifs, selon la mesure retenue; dedéposer un plan local à la commis-sion scolaire dans des délaisraisonnables et selon l’approcheretenue par le milieu » (csq.qc.net/educat/edusoc/conseils/plans.htm,26-10-2001). Toutefois, la CSQrefuse « de fixer a priori des ciblesmesurables en matière de non-retard scolaire et de taux de diplo-mation; de comparer la situation de notre école à celle des autresécoles; d’adopter une vision étroitede la réussite basée sur la seulemesure des taux de diplomation »(csq.qc.net/educat/edusoc/conseils/plans.htm, 26-10-2001). LaCSQ propose aussi un modèle d’unplan local de réussite et suggère, àpartir d’une liste de facteurs identi-fiés par la recherche comme liés àla réussite scolaire, un ensembled’objets pouvant être intégrés dansun plan de réussite. En somme, touten s’opposant à ce qui lui sembleêtre une approche réductrice del’éducation, la CSQ se dit prête à

collaborer à tout effort sérieuxd’amélioration de la réussite, celle-ci conçue d’une manière large.Je voudrais, dans les paragraphesqui suivent, réfléchir sur ce passagesouhaité en éducation d’un accentmis traditionnellement sur l’offre deformation à un accent plus pronon-cé sur la demande, des moyens auxrésultats, de l’entrée à la sortie dusystème, des ressources consentiesaux compétences produites, etc. À cette fin, je vais m’appuyer essen-tiellement sur des idées émises lorsdes derniers Entretiens Jacques-Cartier (automne 2000) portantsur l’obligation de résultats en édu-cation. Je voudrais suggérer deséléments de synthèse. J’ai doncorganisé mon propos autour dequatre pistes possibles. J’aborderaiensuite ce qui m’apparaît être leprincipal enjeu.

QUATRE PISTES POUR CERNERL’OBLIGATION DE RÉSULTATSEN ÉDUCATIONL’obligation de résultats peut êtredéfinie de plusieurs manières. Eneffet, elle peut être saisie :• en référence aux apprentissages

des élèves;• en tant que responsabilité d’un

collectif de travail;• en rapport avec les moyens, pro-

cessus ou procédures de travail;• en fonction de la compétence

d’un enseignant moyen, comptetenu de son expérience et de saformation.

Abordons chacune de ces pistes ou portes d’entrée. Acceptons audépart qu’aucune n’est pleinementsatisfaisante et à l’épreuve de toutecontestation. Ce qui est recherchéici est ce qu’il est raisonnable etjuste d’attendre de l’école et decelles et ceux qui la font. Ce qui suitne constitue pas une réflexiondéfinitive et fermée. C’est un maté-riau pour aider les uns et les autresà s’approprier un concept qui seprésente tout à la fois comme uneinjonction forte, une prescriptionprécise et une pression légitime surle système d’éducation, ses unités etses acteurs, et qui engendre chezplusieurs des réactions tout aussifortes de rejet, de défense et de pro-

tection, fondées sur des craintes etdes peurs qui ne sont pas toujoursfaciles à nommer et à rationnaliser.

L’OBLIGATION DE RÉSULTATSDÉFINIE PRIORITAIREMENTEN RÉFÉRENCE AUXAPPRENTISSAGES DES ÉLÈVESOU L’OBLIGATION DERÉSULTATS « PURE ET DURE »Ce point de vue possède trois carac-téristiques essentielles :1. Les apprentissages des élèves

sont mesurés par des tests, quan-tifiés et comparés dans le tempset dans l’espace.

2. Ces apprentissages sont aussiessentiellement d’ordre cognitif.

3. Les résultats souhaités sont défi-nis d’avance, en général d’unemanière positive : tant de diplô-més, X taux de réussite ou depassage à l’ordre d’enseignementsuivant. Le consensus peut aussise formuler d’une manière néga-tive : il n’est pas acceptable que lesécoles laissent partir tant d’élèves,que les collèges échappent tantd’étudiants au cours du premiersemestre ou que les universitésdiplôment si peu de leurs étu-diants inscrits au premier cycle.Il importe donc d’agir afin decorriger cette situation.

Dans sa forme la plus courante,cette obligation de résultats estsoutenue par la diffusion publiquedes résultats des uns et des autres.Elle se matérialise souvent dans despalmarès d’établissements secon-daires, collégiaux ou universitaires,de commissions scolaires, de sys-tèmes éducatifs provinciaux oud’États nationaux. Sur le plan admi-nistratif, elle peut être encouragéepar des schèmes classificatoiresd’établissements (Chicago, l995),des plans de réussite approuvés etfinancièrement soutenus et diverssystèmes d’incitatifs à la perfor-mance, comme on en trouve auxÉtats-Unis et en Grande-Bretagne.Poussée à l’extrême, il peut s’agird’une pure obligation de résultatsqui laisse dans le flou les moyensmis en place ou les processusactivés, ou qui estime que tous lesmoyens sont bons pourvu que « ça

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marche » et que les résultats atten-dus soient au rendez-vous.Trois critiques sont souvent formu-lées en réaction à cette centrationexclusive sur des résultats scolairesmesurés et quantifiés :1. Il s’agit d’une vision réductrice

de l’école et des conséquencessouhaitées de la scolarisation. Lamission de l’école ne peut êtreuniquement assimilée à assurerla réussite du plus grand nombreà des épreuves uniques. L’écoleexiste certes pour faire apprendreles instruments de base et unepartie du patrimoine culturel del’humanité, mais elle est aussi un lieu de développement d’unecitoyenneté éclairée, critique etengagée; aussi, plusieurs finalitésde l’école, y compris des compé-tences intellectuelles supérieuresou transversales, se mesurentmal quantitativement ou ne semanifestent pleinement qu’à longterme ou tardivement, aprèsl’étape de la scolarisation donton cherche à connaître les effetstrop immédiats.

2. Cette vision risque d’entraînerplusieurs dérives inquiétantes(Demailly, 2000 : 8) :– des dérives éthiques : si la

pression sur les résultats esttrop forte et perçue commeinjuste, ou que les consé-quences d’un échec appa-raissent difficiles à supporter,alors les acteurs seront tentésd’adopter diverses stratégiesdéviantes. Le monde commer-cialisé du sport professionnelet des Jeux olympiques cons-titue un bel exemple de cettedérive : les enjeux économiqueset politiques y sont tels, lapression sur les athlètes est àce point forte, que la tentationde tricher, de se doper est dif-ficile à combattre. En éduca-tion, on constate déjà ici et là àtravers le monde, des compor-tements de ce type : des écolesinventent des moyens de se « débarrasser » d’élèves faibles,adoptent des pratiques de clas-sement et d’orientation « sansrisque », empêchent quelquesélèves de se présenter aux

épreuves uniques afin de nepas faire baisser la moyennede l’ensemble ou d’accroîtrele taux d’échec, ou, au con-traire, investissent beaucoupd’énergie à « doper » pourl’examen les élèves « moyens »qui peuvent faire une diffé-rence dans la réussite moyennede l’établissement, tout en lais-sant les plus « faibles » à eux-mêmes, etc.

– des dérives concurrentiellesentre des établissements, desclasses, des professeurs et desélèves : dans un système deplus en plus compétitif, il est àcraindre que les « meilleursétablissements » s’améliore-ront, écrémant toujours davan-tage les « meilleurs » élèves,alors que les autres établisse-ments pâtiront, incapables deconserver leur part de « bons »élèves et de « bons » profes-seurs; ainsi, les écarts entrescolairement « riches » et sco-lairement « pauvres » s’ac-croîtront inévitablement. AuQuébec, il est à craindre quecette fracture recouvre à peuprès complètement la distinc-tion public-privé au secon-daire et qu’elle soit donc, pourune part très importante,essentiellement de naturesocioéconomique. À l’échelledu système éducatif, on peut

aussi craindre une perte desolidarité et d’esprit de corps,car la guerre de tous contretous pour les meilleurs élèves,les meilleurs professeurs et lesmeilleurs cadres scolairesaccroîtra la méfiance, la dis-tance et le secret entre lesacteurs, sans oublier la ran-cune des perdants et des lais-sés pour compte par ce jeuimpitoyable.

– Des dérives curriculaires(qu’exprime bien l’expressionanglo-américaine « teach thetest ») et pédagogiques (cer-tains besoins d’effectifs parti-culiers risquent de ne pas êtrecomblés, parce que les pren-dre en compte n’est l’objetd’aucune reconnaissance spé-cifique). Il est tout à fait prévi-sible et parfaitement rationnelque les écoles accordent dansun avenir rapproché – là oùce n’est pas encore déjà bieninstallé –, de plus en plus detemps et de soin à la prépa-ration de leurs élèves pour lasituation d’examen, le typed’examen et les contenus quirisquent de caractériser lesépreuves nationales. Cela sepasse couramment dans lespays et provinces anglo-saxonnes, là où l’obligation derésultats est plus forte et où laculture de compétition est

davantage acceptée et valo-risée. Certes, on observe, dumoins à court terme, une aug-mentation des rendements,mais cela ne révèle-t-il passurtout que les élèves ontappris à gérer la situation del’examen, le type de questionposée et le répertoire deréponses désirées, et quel’école est totalement absor-bée par cette logique dedémonstration des apprentis-sages faits?

Lorsque les palmarès placenttout en bas de leur échelle dumérite des écoles à vocation par-ticulière – l’École Vanguard, parexemple, au Québec, ou les écolespour décrocheurs –, ou ignorentcertaines sous-populations au seind’autres écoles secondaires –comme les élèves sourds del’Ouest du Québec regroupés àl’école Lucien-Pagé, ou les 13 classes d’accueil du début dusecondaire à l’école Saint-Luc,etc. –, il est clair que les besoinsde ces effectifs scolaires sont ainsinon reconnus et que le servicepublic qui leur est destiné n’estpas valorisé.

3. L’obligation de résultats ne peutpas fonctionner sans obligationde moyens :– dans la classe, tous les moyens

ne sont pas bons pour qu’unjeune apprenne quelque chose :éduquer et instruire sont destâches d’ordre éthique aussiprofondément que d’ordrecognitif. L’acte d’enseignercomporte une éthique de larelation (comment traiterl’autre?) et une éthique de laconnaissance (comment par-ler en construisant de lavérité?) (Demailly, 2000 : 9).

– sur le plan d’un système édu-catif, la notion de service pu-blic impose des contraintes àla poursuite de l’efficacité etde l’efficience.

Plus fondamentalement, et au-delàde ces trois critiques, une questionse pose. Elle est ainsi formulée parPerrenoud (2000 : 4) : « Est-il pos-sible et légitime d’exiger des résul-tats définis d’avance dans un métier

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donné? » Sa réponse peut êtrerésumée en ces termes :Oui, il est possible et légitime d’exi-ger des résultats définis d’avance, àcondition que :1- le problème à résoudre soit

purement technique, que lesfinalités de l’action soient par-faitement claires et que les pro-fessionnels n’aient d’autre tâcheque de chercher les meilleursmoyens d’atteindre des objectifssans équivoque;

2- l’action des professionnels nedépende que marginalement dela coopération ou de la mobilisa-tion de personnes ou de groupesindépendants de l’organisationqui les mandate;

3- l’état des savoirs savants et pro-fessionnels rende possible uneaction efficace dans la plupartdes situations rencontrées;

4- les situations qu’affrontent lesprofessionnels de même niveaude qualification soient sinonidentiques, du moins relative-ment comparables.

En éducation, on s’en doute, cesconditions ne sont pas véritable-ment remplies, du moins si lesrésultats sont jaugés à l’aune d’unenorme standard, indépendante ducontexte et identique pour tous lesétablissements et pour tous lespraticiens. En effet, en éducation,les finalités et les objectifs sontnombreux, ambigus et contradic-toires; aussi, comme le rappellentconstamment les pédagogues, l’ap-prentissage ne se décrète pas; enfin,les savoirs savants et professionnelsne sont pas « consistants » et lessituations sont fort variées.Suivant cette analyse, il faudraitalors renoncer à toute vision techno-cratique de l’obligation de résultats,qui assignerait à chaque professeur(ou à chaque établissement) desrésultats attendus, définis a priori,avant même que l’année et la for-mation commencent, standardisésou du moins calculables en fonc-tion d’un certain nombre de para-mètres imposés ou convenus. Ou àtout le moins, il faudrait recon-naître le caractère un peu magiqueet gratuit voire arbitraire de toutedétermination et assignation de

cibles quantitatives préétablies(Perrenoud, 2000 : 5).Mais convenir de cela revient-il àdire et à accepter que toutes lespratiques et tous les professeurs (ettous les établissements) se valent? Lesrecherches sur l’effet-établissement1

(Cousin, l993, l998; Reynolds etCreemers et autres, l996; Grégoire,l990; Grisay, l989; Scheerens, 1992;Gewirtz, 1998; Gibson et Asthana,1998) et sur l’effet-maître (Wendell,2000) sont concluantes et ne peuventêtre ignorées. D’ailleurs, elles con-firment à la fois le sens commun etaussi une sagesse éducative sécu-laire : certains établissements réus-sissent à faire une différence dans lavie de leurs élèves; dans certainscas, la cohérence et la chimie y sontplus grandes et avec des effets décu-plés sur l’apprentissage; de même,certains enseignants ont une inci-dence réelle, plus importante qued’autres; il en est de même de cer-taines directions et de certains cadresscolaires. La recherche montre aussique cet effet n’est pas uniquementle fait de caractéristiques person-nelles, mais aussi et d’abord del’action professionnelle de l’ensei-gnant et de l’administrateur.On ne peut donc faire complète-ment abstraction des apprentissagesdes élèves et refuser de s’intéresserà l’efficacité pédagogique d’un éta-blissement et d’un enseignant. Onpeut par ailleurs tenter de répondreaux questions suivantes :Dans les conditions de travail qu’ilavait, avec des élèves qui étaient lessiens, cet enseignant a-t-il fait, cetteannée-là, ce qu’il était possible defaire dans l’état de l’art et de lascience de l’enseignement et del’apprentissage? (Perrenoud, 2000 :5-6)Dans les conditions dont il a hérité,avec les enseignants de son école etle personnel non enseignant à sadisposition, cette année-là, ou aucours de son mandat, ce directeurou cette directrice d’école a-t-il oua-t-elle fait ce qu’il était possible de faire dans l’état de l’art et de lascience de l’administration et de la gestion?Dans l’élaboration d’un jugementlucide, circonstancié, partagé, ni

arbitraire ni complaisant, on peutdonc prendre en compte raisonna-blement les résultats, « comme don-nées pertinentes dans un tableauclinique brossé par un expert capa-ble de “ faire la part des choses ”,de ne pas appliquer mécanique-ment des “ normes de production ”,mais d’assumer tranquillement lefait que les enseignants ne sont pasinterchangeables et que certainsposent en moyenne des gestes plusjustes et efficaces que d’autres »(Perrenoud, 2000 : 6-7).

L’OBLIGATION DE RÉSULTATS :UNE RESPONSABILITÉCOLLECTIVE, ET NON PASINDIVIDUELLELe collectif peut être l’équipe desprofesseurs, l’équipe de direction,l’établissement dans son ensemble,un regroupement d’écoles, la com-mission scolaire ou toute autre par-tie du système éducatif. La questionici posée est celle de la responsabi-lité relative des unités d’un systèmedans leur effort pour atteindre lesobjectifs visés.Ainsi, il y a actuellement une grandeinsistance sur la coopération pro-fessionnelle et le collectif de tra-vail enseignant : l’introduction del’approche-programme dans lescollèges, celle des cycles d’appren-tissage dans les écoles primaires etsecondaires dans le cadre de laréforme curriculaire, la diffusion

du discours pédagogique sur lescompétences transversales et l’in-terdisciplinarité, l’importance accor-dée aux partenariats communau-taires, tout cela requiert davantagede concertation, de coordination etd’intégration des actions indivi-duelles et d’unités diverses. Lesmesures de décentralisation admi-nistrative cherchent à faire del’établissement un acteur plusautonome de son propre projetéducatif, ce qui suppose qu’il déve-loppe sa propre capacité de fédérerles énergies des uns et des autresautour de priorités d’action con-venues et mobilisatrices. Dans lemême ordre d’idées, le Conseilsupérieur de l’éducation prônedepuis plusieurs années, pour lesenseignants, un « professionnalismecollectif ».La Centrale des syndicats du Québecadhère à cette conception du pro-fessionnalisme, tout comme, ainsiqu’on l’a vu précédemment, ellereconnaît la valeur d’une certaineforme d’évaluation institutionnelle.C’est l’évaluation du rendement dechaque enseignant que celle-cirefuse et craint, notamment à causedu risque d’arbitraire et du pouvoirqu’elle donnerait à la direction. Ouià une certaine responsabilisationcollective et institutionnelle, maisnon à son pendant individuel,semble-t-elle prendre comme posi-tion dans ce débat.

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Ici, deux remarques s’imposent :1. Si le tout est potentiellement plus

que la somme des parties, il n’estjamais indépendant des parties.Il importe donc d’évaluer le tra-vail des individus, notammentsous l’angle de sa contributionau projet d’ensemble, de sadimension collective, tant dans leregistre relationnel que dans le registre plus technique de la coordination des actions(Perrenoud,). Il en va de mêmedes directions, des établisse-ments (écoles et collèges), desregroupements d’écoles ou decollèges, des commissions sco-laires.

2. Il faut aussi réfléchir à la part deresponsabilité qui incombe auxautorités supérieures – le mi-nistère de l’Éducation –, auxpouvoirs organisateurs intermé-diaires – les commissions sco-laires –, aux établissements priscomme entités autonomes, etenfin, aux enseignants en tantque professionnels. On pourraitajouter les parents et les élèves.N’a-t-on pas vu récemment desécoles américaines transmettreaux parents un bulletin de leurparticipation à l’encadrementscolaire de leur enfant? S’il appa-raît évident que les divers paliersdu système éducatif ne sont pasresponsables et éventuellementimputables des mêmes dimen-sions de l’action éducative – parexemple, les programmes sco-laires ne sont pas pour l’essentielle fruit de décisions prises parl’établissement –, il n’en demeurepas moins que ce que chaquepalier contrôle a des effets (pastoujours prévus ni voulus!) surl’activité des autres paliers etqu’il importe donc de distinguerla part d’autonomie relative –et donc de responsabilité – auregard du fonctionnement quitient à l’intégration à un systèmepiloté par une autorité.

S’il y a lieu de mieux circonscrire lanature et l’extension de l’obligationde résultats, et donc la limite de la responsabilité des enseignantsdans la réussite des élèves (Tardif,

2000), cela apparaît néanmoinsproblématique : il n’est pas certainque nous puissions éliminer touteambiguïté et toute difficulté en cettematière. En bonne partie, parce quecette question est inextricablementreliée à des rapports de pouvoir et àdes logiques contradictoires.

NON À L’OBLIGATIONDE RÉSULTATS, OUI ÀL’OBLIGATION DE MOYENS, DEPROCESSUS OU DE PROCÉDURECette conception de l’obligationprofessionnelle se trouve en généraldans les professions où une seuleerreur peut avoir des conséquencesincalculables et où, donc, il fautréduire au minimum les risques,par exemple en médecine. On yarrive en standardisant les pra-tiques, celles-ci étant en quelquesorte normalisées dans des proto-coles précis et relativement rigides.Et si on déroge au protocole ou sion le modifie, il faut être en mesurede se justifier devant ses pairs et sessupérieurs et assumer les consé-quences de ses actes, car les erreursou les écarts injustifiés sont sanc-tionnés. Normalement, les proto-coles ne sont modifiés que lorsquedes données de recherche incon-testables fondent le changement etque la solution de remplacement a été éprouvée cliniquement. Lesprotocoles dont il est ici question,toutes choses étant égales, sont cen-sés incarner l’état des connais-sances et de la recherche; ils incor-porent les meilleures pratiques (« best practices »).Dans le cas de la médecine, si lepatient meurt, le médecin ne seramis en cause que si une faute pro-fessionnelle a été commise. Lanotion de faute renvoie à un man-quement sur le plan des processusde diagnostic et de traitement.D’ailleurs, du moins dans uneAmérique du Nord friande de pour-suites judiciaires et de résolutiondes conflits par le canal judiciaire,cette crainte de la faute profession-nelle donne lieu à une médecineprécautionneuse, les médecinsappuyant leur diagnostic sur destests de plus en plus nombreux et

sur une technologie médicale deplus en plus complexe. Une partiede la croissance des coûts de lasanté est probablement due à cettesuspension du jugement médicalautonome et à sa forte dépendanced’outils « indiscutables ».Dans l’enseignement, la situationest différente : s’il est possible dedéfinir la faute professionnelle, iln’est pas toujours aisé d’en démon-trer les effets, leur importance etleur caractère permanent. C’estd’ailleurs là la grande difficulté àlaquelle doit faire face ces années-ci le Conseil pédagogique inter-disciplinaire du Québec dans satentative de convaincre les instancesgouvernementales appropriées ainsique le Conseil interprofessionnel dela nécessité de mettre sur pied unordre professionnel pour les ensei-gnants, les ordres ayant dans la loi,pour principale raison d’être, ladéfense du public contre l’incom-pétence et les abus professionnels.Or la question se pose : Quels dan-gers graves courent des élèves à seretrouver avec un ou des enseignants« incompétents »?Comme C. Gauthier (2000) le sou-tient, l’incompétence pédagogique adavantage à voir avec des « pat-terns » de comportements, deserreurs répétées et une incapacité à se corriger, qu’avec une fauteprécise et non répétée, dont lesconséquences peuvent être drama-tiques pour les élèves. L’erreur pé-dagogique n’a donc pas en généralles mêmes conséquences qu’enmédecine ou qu’en cour criminelle.Dan C. Lortie (l975) aimait répéter,dans son analyse du faible statut del’enseignement, que personne à saconnaissance n’était mort de ne passavoir tel infinitif de tel verbe à telâge!Historiquement, en éducation, l’obli-gation de moyens a prévalu surl’obligation de résultats, comme entémoignent les rapports d’inspec-tion d’autrefois, les consignes pré-cises données aux enseignants, lesmanuels standardisés et les sys-tèmes de sanctions homogènes.Aujourd’hui, cette obligation demoyens peut prendre deux formes :

1. Une forme étroite et bureaucra-tique, une ritualisation des com-portements des enseignants. Parexemple, à l’université, celapourrait se traduire ainsi : j’airemis un plan de cours à mesétudiants et discuté avec euxclairement des travaux exigés, je suis en classe les heures pres-crites, j’accorde X heures detutorat par semaine, je procèdeen cours de semestre à une oudeux sessions d’évaluation for-mative, je remets les travaux des étudiants dans des délaisraisonnables (disons 10 joursouvrables), etc. Il faudraitajouter : je participe à quelquesréunions de concertation avecmes collègues dans le cadred’une approche-programme et,lorsque cela est nécessaire, jemets l’épaule à la roue pour desréformes de programmes. Pourl’enseignement primaire et secon-daire, le cahier de charges desenseignants ainsi qu’un coded’éthique pourraient répondre àcette obligation traduite en com-portements et en règles de con-duite. Que ces comportementssoient appropriés et nécessairesest évident, mais épuisent-ils laquestion? Surtout, libèrent-ilsl’établissement et l’enseignant du« reste »? Il me semble que poserla question, c’est y répondre…

On peut transposer sans trop de dif-ficultés ce type de raisonnement à ladirection des établissements et auxcadres scolaires.Cette forme d’obligation de moyensest pour l’essentiel une stratégiedéfensive et protectrice. Paradoxa-lement, elle mène à un contrôlebureaucratique, réduit le métier àune forme d’exécution de procé-dures et de soumission à des règles,plus ou moins négociées. Les dan-gers liés à cette approche sont bienconnus : irresponsabilité, routine,report de la faute sur l’autre(l’élève), impossibilité d’une res-ponsabilité collective et partagée;régression de l’enseignement versla prolétarisation et la dépendanceà l’égard de règles prédéfinies.

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2. Une forme d’obligation de moyensplus large et « professionnali-sante » : il s’agit alors de l’obliga-tion de se donner les moyensd’une action pédagogique réus-sie, tous les moyens, ceux quirelèvent des règles, méthodes ettechniques connues lorsqu’ellessont efficaces, et ceux qui passentpar une stratégie originale etinventive, voire déviante, lorsqueles démarches standards sontsans effet.

On aboutit ainsi à la quatrième etdernière entrée de l’obligation derésultats :

L’OBLIGATION DE RÉSULTATSCONÇUE COMME OBLIGATIONDE COMPÉTENCES, CELLEQU’ON PEUT ATTENDRE D’UNENSEIGNANT MOYEN, COMPTETENU DE SON EXPÉRIENCE ETDE SA FORMATION DE MÊMEQUE CELLE QU’ON PEUTATTENDRE D’UNE DIRECTIONET D’UN CADRE SOUCIEUXD’ATTEINDRE LES OBJECTIFSDE L’ÉTABLISSEMENT.La compétence apparaît ici commele fruit du développement dans l’ac-tion d’une capacité de résoudre lesproblèmes de la pratique, en fonc-tion de l’état des connaissances etdes expériences tentées et connues.Étroitement liée au développementprofessionnel, elle comporte lescapacités d’analyser avec rigueurdes situations complexes, d’iden-tifier des solutions pertinentes,réalistes et conformes à l’état desconnaissances et des expériences,de les mettre en œuvre, de les éva-luer et de les modifier.Par exemple, pourrait être ainsiconsidérée comme « compétente »l’équipe du collège X qui décide des’attaquer au « syndrome du pre-mier trimestre », qui analyse rigou-reusement la situation, se mobilise,implante et évalue diverses solu-tions, ou celle de l’école secondairequi dépiste ses élèves à risque dedécrochage, qui met sur pied uneou des cliniques pour des élèves enpasse d’abandonner leurs études, etqui utilise, entre autres stratégies,l’enseignement par les pairs comme

outil de rattrapage dans certainesmatières.Dans l’évaluation des différentescatégories de personnel comme desentités, l’obligation de résultatsimplique qu’on s’intéresse au choixavisé des moyens et à l’analyse faitedu fonctionnement et du travaileffectué. Cette approche impliqueaussi qu’on procède à des bilans de compétences, en cherchant àrépondre aux questions suivantes :Dans les situations rencontrées, mesuis-je donné des moyens suffisants,adéquats de résoudre le problème,de faire face à l’obstacle? De façonplus générale, dans quel registre de savoirs savants, experts ou per-sonnels, dans quel ensemble de res-sources, avec quelle prise de risque,quelle ouverture à des apportsexternes, quelle méthode, quelleénergie et persévérance ai-je cher-ché les moyens d’affronter un pro-blème professionnel? (Perrenoud,2000 : 14).Un pédagogue ne devient compétent– ou véritablement pédagogue, caren définitive, il s’agit-là d’une ques-tion d’identité – que s’il est attentifet s’interroge sur ce qu’il fait et surles effets de ses actions sur sesétudiants, leur apprentissage (con-naissance) et leur développement(habitus et valeurs). En ce sens, lapédagogie, avant d’être une réponsepratique, des procédés ou dessavoir-faire, est un souci et une cen-tration sur l’apprentissage et ledéveloppement, ou dit autrement,sur les effets réels, anticipés ounon, de l’enseignement dispensé. Il s’agit là d’une disposition fonda-mentale, d’une orientation de base,d’une valeur essentielle. Elle com-mande à l’enseignant un devoir delucidité et de détachement par rap-port à ses actions et à ses inter-ventions, typique du professionnel.Le praticien réflexif chevronné pos-sède cette intelligence de l’action, àla fois émotionnelle et cérébrale,cette capacité de lire une situationfloue et mouvante, là où sont sesétudiants et là où il peut les meneravec énergie et doigté. Il sait recon-naître ses bons coups et ses erreursou échecs, ne dramatise pas outremesure ces derniers et sait en tirer

les leçons qui s’imposent. Il recon-naît que toute analyse de la situationl’inclut en tant que personne etagent scolaire, qu’il ne peut s’enextraire, comme si les étudiantshabitaient un monde – la classe –dont il serait absent. Les élèves etles étudiants pardonnent beaucoupde maladresses et d’erreurs à unenseignant chez qui ils sentent l’au-thenticité de l’engagement propre-ment pédagogique.Ce souci pédagogique, on l’auracompris, est à la fois éthique et pra-gmatique. Il suppose que l’ensei-gnement puisse être l’objet d’uneforme de rationalisation, celle quiest propre aux métiers de l’humain(Tardif et Lessard, l999). L’obliga-tion de résultats en éducation estdonc en définitive fortement asso-ciée à un devoir de lucidité et derégulation raisonnée de la pratique(Perrenoud, 2000). En ce sens,l’obligation de compétences estintrinsèquement liée à la profes-sionnalisation des métiers de l’édu-cation.En somme, pour les enseignants,l’obligation de compétences com-porte un devoir d’attention aux effetsdes comportements pédagogiques :pour reprendre le titre d’un ouvrage,la question se pose, à savoir : J’en-seigne, mais eux, apprennent-ils?L’obligation de compétences im-plique aussi la reconnaissanced’une responsabilité individuellepar rapport à ce qui se passe immé-diatement dans l’acte éducatif,comme processus dans la classe etl’établissement (même si les autresont aussi une part de responsabi-lité). Elle comporte aussi l’obliga-tion de chercher la solution la plusappropriée ou de nouvelles façonsde faire quand les effets de l’actionsont non désirables, ainsi qu’unepart prise dans les responsabilitéscollectives (au niveau de l’établisse-ment) et de l’évolution du systèmeéducatif.

CONCLUSION :UN PEU DE RUSEEn somme, l’obligation de résultatsen éducation ne peut évacuer tota-lement les apprentissages effectuéspar les élèves; elle est à la fois col-

lective et individuelle, elle ne peutse réduire à des moyens, mais doitplutôt se concevoir comme l’obli-gation de construire et de bonifierconstamment sa compétence àenseigner, en collégialité et en con-certation avec les autres inter-venants de l’école. Cela implique lesouci des effets de son enseigne-ment sur les élèves, le devoir derechercher les meilleurs moyens etstratégies disponibles, efficaces etraisonnablement applicables, ainsique le partage avec les collèguesdes bons coups comme des moinsbons coups.L’obligation de compétences soulèvetoute la question des référentiels decompétences, de leur construction,de leur reconnaissance et de l’éva-luation des compétences profession-nelles. C’est une piste intéressantepour quiconque a à cœur la profes-sionnalisation de l’enseignement; il me semble qu’elle pourrait per-mettre de dépasser le couplemoyens-résultats, en engageantl’enseignant à assumer la respon-sabilité des processus les plus sus-ceptibles d’assurer l’apprentissageet la réussite éducative de tous.Dans cette vision des choses, l’en-seignant est considéré comme unspécialiste de l’intervention éduca-tive qui a le souci de la réussite deces élèves : il doit, à ce titre, êtreformé aux processus d’enseigne-ment/apprentissage que la rechercheconsidère de nature à contribuer demanière significative à la réussiteéducative de tous.Cela exige de faire évoluer desnormes et des cultures profession-nelles, celle de l’administrationcomme celle des enseignants, desorte que la responsabilité du déve-loppement professionnel et unepratique plus réflexive et partagéedeviennent des ingrédients courantsdu métier et des leviers de sa pro-fessionnalisation.Cependant, il n’est pas certain queles orientations ici proposées soientcompatibles avec la pression actuellesur les résultats, l’impatience dupublic à l’endroit de l’école pu-blique et le besoin de rendementsimmédiatement améliorés, auxquelsprétendent répondre les approches

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managériales « affairistes » criti-quées par la CSQ. Il y a des tensionsréelles entre l’accent mis sur descibles quantitatives et une approchequalitative de la réussite scolaire etéducative, entre une vision réduc-trice et une définition large de lamission de l’école, entre les plansde réussite et la réforme curricu-laire en cours, entre l’accroisse-ment souhaité du rendement desunités et la perte anticipée d’effi-cience publique du système dansson ensemble, et entre la redditionde comptes et la professionnalisa-tion de l’enseignement. Ces couplessont en tension dans un champ deforces structuré.Dans pareille situation, je croisqu’il est alors nécessaire que lespédagogues et les administrateursscolaires rusent avec certainesformes que prend ou que peutprendre cette obligation. Car lesdangers qu’une transposition tropmécanique d’une culture d’entre-prise dans le monde de l’éducationfait courir sont réels, tout comme lesrisques de fracture sociale liés auxeffets de palmarès mal construits.Un conflit, une forte contradictionentre une logique administrative del’efficience et les caractéristiques etles exigences d’un milieu véritable-ment éducatif, est certainement aucoin de la rue, tout comme la pres-sion pour des rendements rapide-ment améliorés est en contradictionavec un souci de réformes et d’in-novations pédagogiques dans lesens d’une plus grande variété despratiques d’enseignement! Un scé-nario tout à fait plausible est que lalogique « industrielle » réduise àune peau de chagrin toute innova-tion et toute transformation signi-ficatives et qu’au bout du compte,les inégalités scolaires et, par exten-sion, sociales et culturelles, s’ac-centuent. Pour celles et ceux quiont à cœur autre chose que le ren-dement à court terme des écoles oule retour de l’école inégalitaired’autrefois, s’impose donc la ruse,c’est-à-dire des actions stratégiquesqui, tout en composant avec l’iné-vitable reddition de comptes,cherchent à sauvegarder desespaces et des projets pédagogiques

prometteurs et axés sur la réussiteéducative de tous. Cela, je crois, estpossible, d’autant que les contratsde réussite laissent une place à undiagnostic local et permettent doncaux établissements de construireleur propre définition de la situa-tion, de définir leurs propres fina-lités et objectifs ainsi que les actionsqu’ils estiment les plus en mesured’améliorer la qualité de l’éduca-tion dispensée. La ruse ici consisteà lire les contrats de réussite commeun cadre, certes structurant, maisrelativement ouvert, et non pascomme des prêts-à-porter rigides etuniformes, et de s’en servir commeun outil de développement de sonétablissement, en partenariat avecles parents et les instances commu-nautaires. Cela est possible, maisexige un leadership qui relève lepari de l’autonomie de l’établisse-ment et des enseignants qui s’auto-risent (empowerment) à « prendrele pouvoir » qui leur revient pourdévelopper leur compétence à con-tribuer à la réussite du plus grandnombre.M. Claude Lessard est titulairede la chaire de recherche duCanada sur le personnel et lesmétiers de l’éducation à laFaculté des sciences de l’éduca-tion de l’Université de Montréal.P.S. : Même s’il n’en constitue pas

une synthèse exhaustive, cetexte est largement tributairedes échanges de vues ayant eu

lieu au colloque sur l’obli-gation de résultats, tenu àl’automne 2000, à Montréal,dans le cadre des EntretiensJacques Cartier. Je remercieles collègues dont les idées ontcontribué à la synthèse par-tielle présentée ici et dont j’as-sume l’entière responsabilité.

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1. Entendons par effet d’établissement uneincidence dont la cause est à chercherdans la capacité de l’institution, et desacteurs qui la composent, à se construireet à se mobiliser comme une entité col-lective, et non plus comme une juxtapo-sition de classes, d’heures de coursindépendants et d’individus plus oumoins isolés. Il est donc le fruit d’uneaction ou d’une coordination volontaired’un établissement qui n’est pas que leproduit d’effets de contexte et d’effets decomposition.

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A dressée aux écoles, l’obliga-tion, relativement récente,de se doter d’un plan de

réussite et d’en quantifier les prin-cipaux paramètres a non seulementprovoqué bien des remous dans lesmilieux scolaires, mais elle a crééun véritable choc culturel. Pour lapremière fois, les écoles se trou-vaient confrontées à des conceptshérités en droite ligne du monde del’entreprise : taux de productivité,plan de croissance, contrôle dequalité, reddition de comptes et…obligation de résultats.Avant d’essayer de juger des mériteset des limites de l’opération « plansde réussite», il est sans doute utile deprendre conscience des changementsculturels qu’exige cette nouvelleobligation de résultats pour mieuxcomprendre les résistances qu’ellepeut susciter ainsi que les dérivesauxquelles elle peut donner lieu.Au-delà des difficultés métrolo-giques que peut poser la quantifica-tion des résultats lorsque ceux-cireposent sur des processus com-plexes, au-delà de la difficulté dedépartager les obligations lorsqueces dernières concernent des insti-tutions et non pas des individus, ilfaut d’abord se convaincre de lalégitimité et de la praticabilitédes visées ministérielles si l’on veutque les investissements considé-rables d’énergie qu’elles exigentdonnent, précisément, des résultats.Cette obligation formelle de résul-tats constitue une étape décisive dece qu’il n’est pas exagéré d’appelerune « désacralisation » de l’école.Ce processus n’est pas nouveau,mais il est maintenant sur la placepublique. On ose alors dire que :• L’école coûte cher; en un temps

de resserrement des ressources,elle n’est plus une dépense fixe,incompressible et immuable : ellefait désormais partie de la margede manœuvre économique d’unesociété qui veut en avoir pour sonargent et qui demeure libre demoduler ses investissements dansce domaine;

• Le savoir n’est plus un objet sacréauquel on accède par initiationcodifiée et ritualisée; c’est uneconstruction humaine, faillible etperfectible, c’est un processusbien davantage qu’un résultat;

• L’école est directement liée à lasociété : elle est au service decette dernière avant d’être au ser-vice du savoir. Il s’ensuit : l’ouver-ture de l’école à des influencesextérieures à elle-même (princi-palement socioéconomiques); laparticipation de ces influencesextérieures à la définition et à la production des résultats del’école; une « collectivisation »des résultats, des responsabilitéset donc des obligations.

Ainsi désacralisées, relativisées,recentrées sur leur milieu socio-économique, les écoles ne peuventêtre toutes égales entre elles du seulfait de l’identité du curriculum et duprofessionnalisme de leurs ensei-gnantes et de leurs enseignants. Lediscours égalitaire est depuis long-temps un mythe remis en questiondans les faits (il n’y a qu’à considé-rer les critères auxquels se réfèrentles parents quand il s’agit de choisirune école pour leur enfant ou lesenseignants à l’époque des affecta-tions); on officialise maintenant lefait qu’il existe de bonnes et demoins bonnes écoles, comme il enva de tout projet humain.Il ne s’agit donc plus, comme dansle passé, de s’interroger sur l’étatgénéral de l’école québécoise. Cetteréflexion collective, enclenchéeavec les États généraux sur l’éduca-tion, se termine avec l’implantationde la réforme du curriculum. Ils’agit maintenant de savoir quellesécoles fonctionnent bien, lesquelleséprouvent des difficultés et com-ment faire pour que les premièrescontinuent et pour que les secondess’améliorent. Bref, tout comme enmédecine, c’est une question dediagnostic, de prévention et de trai-tement. Ironiquement, à l’époqueoù l’évaluation des apprentissagesindividuels devient critérielle, leregard porté sur les établissements

eux-mêmes devient différencié,sélectif, comparatif.Cette visée nous apparaît légitime etréaliste. Elle s’inscrit dans uneapproche responsabilisante de lagestion des ressources communeset fait appel au professionnalismedu personnel enseignant et desdirections d’école, dans la mesureoù le professionnalisme peut sedéfinir par le degré aigu de cons-cience et de contrôle du profes-sionnel sur son acte en fonctiond’une finalité qu’il ne lui appartientpas de définir, mais qui est inhé-rente à l’exercice même de sa pro-fession et que l’on trouve habituel-lement précisée dans un code dedéontologie. Or, l’absence actuelled’un tel code de déontologie enéducation n’est pas le moindreobstacle à la clarification des obli-gations de l’école.Si le projet est légitime, est-il réali-sable? En fonction de quels critèrespeut-on porter un jugement sur un établissement scolaire? Quellevaleur et quelle portée a ce juge-ment? À quelles responsabilités (et donc à quelles obligations)renvoie-t-il? Dans quelle mesurepeut-il servir de levier à un pro-cessus d’amélioration et de dynami-sation des pratiques?

L’OBLIGATION DE RÉSULTATSUne entreprise est jugée d’après sesprofits, un joueur de baseball,d’après sa moyenne au bâton et uneéquipe de hockey, par son nombrede victoires. Bref, dans tous ces cas, on juge d’après les résultats,puisque ce sont les raisons d’êtrerespectives de l’entreprise, du frap-peur et de l’équipe de hockey. Il esttrès tentant d’appliquer ce raison-nement à l’école, et de la juger, elleaussi, selon ses résultats (qui en sontréduits à la réussite de ses élèves,exprimée en nombre d’échecs, en taux de persévérance ou enmoyenne aux examens).L’ennui, c’est que si la « moyenneau bâton » renvoie directement à laperformance du frappeur et lesbénéfices, directement à la perfor-

mance de l’entreprise, la réussitedes élèves ne renvoie pas directe-ment à la performance de l’école.Pas plus que l’état de santé despatients d’un hôpital ne renvoiedirectement à la performance desmédecins. Dans ces deux cas, cesindicateurs renvoient à la perfor-mance des élèves ou des malades.Et ce n’est surtout pas à ceux-ciqu’on fera une « obligation derésultats », et pour cause! Alors,dans ce cas, obligation pour qui?La réussite scolaire d’un élève estbien un résultat, mais le résultatcomplexe d’un ensemble de variables(la motivation de l’élève, l’influencede la famille, l’environnementsocioéducatif et tutti quanti) par-mi lesquelles l’influence de l’école(et particulièrement celle de l’en-seignant) ne figure que comme uneparmi d’autres, dont elle n’est pasnécessairement la plus détermi-nante. Ces indicateurs de la réussitescolaire des élèves ne peuvent pasêtre confondus avec les résultats del’école : ils peuvent servir à éclairerun jugement porté sur l’école (etdonc une obligation conséquentedestinée à ses artisans), mais ils nepeuvent en aucun cas en poser lesfondements.On voit donc qu’il est périlleux dejuger d’une école sur la base durendement de ses élèves. Le périls’accroît quand on regarde la qua-lité des résultats des élèves surlesquels on prétendrait fonder untel jugement : résultats vieux deplusieurs années; résultats d’exa-mens par objectifs alors qu’on pré-tend développer des compétences;résultats qui, à l’exception desquelques programmes soumis àune épreuve unique, proviennentd’instruments de mesure divers etpas toujours comparables; résultatsprovenant, dans leur expression, dujugement de ceux qui sont juste-ment payés pour les produire. Et ensupposant même que l’on puisseaméliorer la qualité des instrumentsde mesure en allant jusqu’à leurconférer une validité objective(c’était le rêve behavioriste qui a

OBLIGATION POUR QUI? RÉSULTATS DE QUOI?par Jacques Henry

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guidé les efforts des spécialistes dela mesure en éducation pendant desdécennies), on se heurte toujours àla barrière du principe d’incerti-tude : on ne peut être vraiment sûrque de ce qui n’est pas très impor-tant. On se souviendra plaisammentde la réponse de Binet, créateur despremiers tests de Q.I., à qui l’ondemandait une définition de l’intel-ligence : « L’intelligence, c’est ceque mon test mesure », répondait-il. Qu’est-ce que la réussite sco-laire? N’avons-nous qu’une réponseà la Binet à proposer? Oui, si l’onpoursuit dans cette voie, à notreavis sans issue, qui consiste àréduire la nécessaire imputabilitéde l’école aux seules statistiques quipermettent d’établir des palmarès.Une « moyenne au bâton » ou desétats financiers ne sont que l’ex-pression normalisée de coups decircuit sonnants ou d’espècestrébuchantes, dont la réalité estfacile à constater. La réussite d’unélève n’entre pas dans la mêmecatégorie et ne s’exprime pas de lamême façon.Il est d’ailleurs frappant de cons-tater à quel point le système sco-laire se méfie, comme consomma-teur, des résultats scolaires dont ilest pourtant producteur. Sur le seulaspect de la maîtrise du françaisque l’on exige des nouveaux ensei-gnants, cette maîtrise supposémentvalidée par l’obtention du diplômed’études secondaires n’est pasreconnue par les cégeps, qui im-posent leur propre test de françaiscomme condition d’obtention duDEC, test qui est ensuite totalementignoré par les départements des

sciences de l’éducation des univer-sités, qui imposent à leur tour leurpropre test. Ce test universitaire est ensuite disqualifié par lescommissions scolaires qui, à titred’employeurs, imposent d’office laréussite de l’examen du Centred’évaluation du rendement en fran-çais (CEFRANC) comme conditiond’embauche, alors que ce sont cesmêmes commissions scolaires quiont vérifié, en 5e secondaire, lacompétence en français de ces can-didats! Voilà pour la valeur de ces « résultats »…Est-ce à dire que les indicateursquantitatifs de réussite des élèvesaux examens ne sont d’aucune uti-lité? Certainement pas. Ils sontutiles comme signaux d’alerte,comme un élément, parmi d’autres,du regard que l’on porte sur la réa-lité scolaire, comme facteurs psy-chologiques de motivation. Mais il faut y renoncer, à notre avis,comme moteurs premiers desefforts d’amélioration de l’école etdes pratiques professionnelles.

LES BUTS ET LES OBJECTIFSIl est essentiel ici de faire une nettedistinction, même si elle est subtile,entre les buts d’une organisationtelle que l’école et ses objectifs.Un but est ce vers quoi tend l’effortde l’organisation, sans qu’elle encontrôle tous les paramètres. Ainsi,un corps de police peut avoir pourbut de réduire le nombre de crimesou d’accidents (but quantitatif) oud’accroître le sentiment de sécuritédes citoyens (but qualitatif). On levoit, ce n’est pas la fameuse distinc-tion « quantitatif-qualitatif » (qui apourtant alimenté tant de discus-sions à l’occasion des plans deréussite) qui permet de dissiper laconfusion entre fins et moyens, butset objectifs, processus et résultats;elle n’a, somme toute, qu’uneimportance instrumentale.Alors qu’un but est formulé pourmobiliser l’action, un objectif estformulé pour être atteint. Ainsi, uncorps de police peut se fixer desobjectifs, tels que réduire le délaid’intervention après un appel d’ur-gence, accroître la fréquence despatrouilles ou informatiser sesfichiers criminels. Poser une inten-

tion en termes d’objectifs supposeque l’on dispose de tous les moyenspour l’atteindre et que l’on contrôleles déterminants essentiels à saréalisation. Sur cette base, on peuts’engager à atteindre un objectif, onpeut se rendre responsable de sonatteinte et on peut se faire deman-der des comptes sur la progressiondes moyens vers l’atteinte de cetobjectif. Un but, en revanche, qu’ilsoit quantitatif ou qualitatif, on nepeut que le viser, le souhaiter, tra-vailler et contribuer à son atteinte.Il ne peut légitimer ni responsabi-lité, ni engagement ni donc obli-gation.Alors, qu’en est-il de la réussite sco-laire dans une école? On aura com-pris qu’il s’agit d’un but et non d’unobjectif. Son utilité mobilisatrice estévidente et la progression de l’éta-blissement vers le but se traduit, dèslors, en résultats scolaires. Ce quinous semble manquer cruellementà la logique sous-jacente aux plansde réussite, ce sont de véritablesobjectifs, au sens où nous venonsd’en définir les termes. On ne ledira jamais assez : une école nepeut contracter d’engagements etd’obligations (et ne peut donc êtreévaluée) que sur la base d’objectifs,et non de buts. Or les résultats sco-laires, fer de lance de l’opérationministérielle, relèvent hélas desbuts et non des objectifs.Ces résultats scolaires sont l’outilde désespoir sur lequel se rabattrelorsque l’on a renoncé à avoir uneprise, ou même de simples infor-mations, sur les processus. Parconséquent, puisque l’école est unlieu de production de processusbien davantage qu’un lieu de pro-duction de résultats scolaires, il fautcentrer ses obligations sur les pro-cessus, à moins de redéfinir les « résultats de l’école » comme dif-férents des résultats scolaires de sesélèves. Et dans ce cas, ce sont lesrésultats de quoi?

L’OBLIGATION DE PROCESSUSOn ne demande pas à un médecinde guérir ses patients, mais de lessoigner; on ne demande pas à unavocat d’obtenir l’acquittement deson client, mais de lui assurer unedéfense pleine et entière. L’obliga-

tion de processus (et non de résul-tat) fait partie intégrante de la déon-tologie de toute profession fondéesur des heuristiques (les stratégies)plutôt que sur des algorithmes (lesprocédures). Constatons que c’estclairement le cas en éducation.Toutefois, l’analogie médicale oujuridique ne tient pas sur toute laligne. Les actes du médecin ou del’avocat, tout professionnels qu’ilssoient, sont hautement codifiés parla pratique de la profession, aupoint de devenir souvent des proto-coles. Ils sont, en effet, constam-ment soumis aux tests de réalité queconstituent, respectivement, l’étatobjectif du patient ou le verdict dutribunal. Rien de tel en éducation,où la confusion est institutionna-lisée entre la fonction de prestationdes services et celle d’évaluationdes résultats : ces deux fonctionssont en effet confiées à la mêmepersonne : l’enseignant. Ajoutons,pour faire bonne mesure, que lemédecin fait cause commune avecson patient et l’avocat, avec sonclient. On ne saurait en dire autantde l’enseignant envers ses élèves : àcause précisément de la fonctiond’évaluation (et, ne nous le cachonspas, malgré le discours officiel, àcause des besoins de sélection dusystème scolaire et des employeurs),une distance doit être maintenuepar rapport à l’élève à cause du faitque l’enseignant est à la fois juge(de la réussite scolaire de l’élève)et partie (du processus éducatif quifavorise ou non cette réussite). Toutle processus éducatif souffre decette ambiguïté, culturelle plus questructurelle, mais trop profondé-ment enracinée sans doute pourqu’il soit réaliste d’espérer y opérerquelque changement.Finalement, signalons que, contrai-rement au médecin ou à l’avocat,dont les processus soigneusementconsignés au dossier médical ou au procès-verbal s’effectuent dans une « cage de verre », une certaineculture professionnelle a rendu lesenseignants réticents à rendrecompte de leurs processus. C’est lesyndrome de la « fenêtre givrée ».Désolons-nous que le système sco-laire, les médias et le public en

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général leur fassent l’injustice deles juger sur les résultats de leursélèves; mais reconnaissons dumême souffle que c’est souvent laseule chose qu’ils laissent sortir dela salle de classe… Faute d’objec-tifs, on se rabat sur les buts.Les processus éducatifs (les façonsde faire), puisque c’est sur eux etsur eux seulement que pourraporter toute obligation que l’onvoudra imposer à l’école, ont unurgent besoin d’être précisés, clari-fiés et posés en termes d’objectifs àatteindre, selon le sens que nousleur avons donné ci-dessus; nousnous inquiétons de voir que lesefforts actuels sur le plan dudéveloppement institutionnel desétablissements portent souvent biendavantage sur les buts que sur lesobjectifs; que les redditions decomptes et les rapports annuelsdevenus plus fréquents adoptentplutôt le mode descriptif du rapportd’activités que le mode critique dudiagnostic et du jugement; et queles référentiels soient, dans les faits,si peu contraignants. Nous y revien-drons dans un instant.Mais il faut d’abord établir que lacompétence de l’éducateur (etcelle de l’apprenant, tout aussibien) comporte, au-delà de lacapacité d’accomplir des tâchescomplexes, une composante essen-tielle qui relève de la conscience :la conscience que l’on a de laportée et des limites de sa compé-tence est une condition sine quanon de l’exercice même de cettecompétence et de l’amélioration decelle-ci, seule garantie de la qualitédes processus que cette compé-tence contrôle ensuite. Cette méta-compétence, si l’on peut dire, abesoin de trois conditions pour sedévelopper : l’analyse réflexive, leregard de l’autre et des référentielsreconnus. C’est maintenant bienconnu dans le domaine de l’ap-prentissage, et le nouveau Pro-gramme de formation de l’écolequébécoise a précisément été cons-truit sur ces bases pour l’élève. Ontarde cependant à transférer ceparadigme à l’enseignement et àl’éducation. C’est là que, à notreavis, le bât blesse et c’est ce à quoi

il nous semble urgent et fécond des’atteler.Obligation de quoi? De résultats? Ce sont des feuilles. De processus?Ce sont des branches. De compé-tence? Nous arrivons au tronc. Deconscience? Voilà la racine.

L’OBLIGATION DE CONSCIENCECOMME BASE DELA COMPÉTENCEJeter sur soi-même un regard cri-tique et sans complaisance est sansdoute l’un des exercices des plusexigeants, mais aussi des plusféconds. Cette métacognition detype socratique est la conditionmême de la compétence et du pro-grès professionnel, tout comme ellel’est de l’apprentissage. Qu’elleprenne la forme d’une analyseréflexive des pratiques quand ils’agit des individus ou d’une évalua-tion institutionnelle quand il s’agitd’un établissement, c’est ce qui per-met de dépasser le simple fonction-nement pour assurer le développe-ment, entendu comme le maintiendes acquis, la correction des lacuneset l’amélioration continue.Force est de constater que cetteconscience de soi-même en action,bien qu’elle commence à être encou-ragée chez les élèves en apprentis-sage, est loin d’être répandue chezles enseignants en exercice. Onpasse beaucoup plus de temps, lorsdes journées pédagogiques, parexemple, à planifier ce que l’on vafaire qu’à évaluer ce que l’on a fait :ne nous étonnons plus que la pra-tique professionnelle générale soitdavantage caractérisée par l’acti-

visme que par la réflexion. Il esturgent, croyons-nous, de dégagerdes espaces de réflexion où les indi-vidus, les équipes et les établisse-ments auraient l’obligation, puisquec’est d’obligations qu’il est questionici, de s’autoévaluer et de porter unjugement critique et diagnostiquesur leur propre action. À quand,par exemple, un portfolio profes-sionnel pour les enseignants et les directions des établissements? À quand le processus d’une authen-tique supervision axé sur le dévelop-pement d’une conscience réflexivedavantage que sur des préoccu-pations de gestion administrative? À quand des politiques de perfec-tionnement qui obligeraient à faireprécéder tout perfectionnementd’une analyse de besoins? À quanddes redditions de comptes dépas-sant le simple rapport d’activités? À quand des plans d’action néces-sairement appuyés sur un diagnos-tic préalable?Malgré ses limites et son réduction-nisme quantitatif, il faut reconnaîtreque l’opération « plans de réussite »est un pas dans la bonne directionen créant précisément, pour lesécoles, un tel espace de réflexion. Il est cependant à craindre, au vude ce qui s’est passé pendant leurélaboration en catastrophe lors del’automne 2000, que cette phaseessentielle d’analyse réflexive neporte que sur les résultats scolaires;et il est très clair que le suivi minis-tériel de ces plans de réussite nes’attachera qu’aux cibles quantita-tives, c’est-à-dire encore une foisaux seuls résultats scolaires. L’effort

ne porte pas sur le bon objet. Laquestion « Dans quelle mesure est-ceque je juge satisfaisante ma gestionde classe? », par exemple, est plusprofonde que « Dans quelle mesurele comportement des élèves de maclasse est-il satisfaisant? ». La ques-tion « Dans quelle mesure est-ceque je favorise la réussite de mesélèves? » est beaucoup plus inter-pellante que « Dans quelle mesuremes élèves réussissent-ils? » Et l’onse pose beaucoup plus facilementcelle-ci que celle-là, hélas!À se centrer sur des résultats qui nesont pas le produit exclusif de nosseuls processus, on retombe dansla même ornière : la tentation defocaliser toute son attention sur lesresponsabilités des autres, soitcelles des élèves qui ne font pasd’efforts, des parents qui ne colla-borent pas, de la direction qui « nemet pas ses culottes » et du MEQqui ne finance pas suffisamment lesservices nécessaires aux élèves. Cen’est qu’en renonçant à l’obsessiondes résultats scolaires que l’onpourra se recentrer sur les proces-sus que l’on contrôle, les seuls qu’ilsoit possible d’améliorer.

L’OBLIGATION DU REGARDDE L’AUTRELorsque l’on est soi-même à la foisobservateur et objet d’observation,l’image perçue n’est jamais par-faitement fidèle. En effet, à cause dela charge affective qui accompagnecette observation, l’image obtenuecomporte nécessairement des zonesaveugles, des « angles morts » quine peuvent être corrigés ou cou-verts que par un miroir ou unregard extérieur. C’est le « test de réalité » qui vient compléter,enrichir, éclairer, corriger ou vali-der le regard réflexif. Tout commela vision binoculaire est la condi-tion de la stéréoscopie (la capacitéde voir les objets en profondeur),c’est l’interaction du regard réflexifet du regard externe qui permet une perception juste des pratiquesprofessionnelles. Cette interactionféconde ne peut s’effectuer enmilieu professionnel, selon nous,que dans le cadre d’un processusde supervision. Nous en sommesfort loin dans nos écoles.

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Pour des raisons qui relèvent prin-cipalement, mais pas seulement, dela culture des relations de travail, leconcept de supervision a perdu sonvéritable sens depuis des annéesdans nos milieux scolaires : on l’aconfondu avec des actions d’éva-luation administrative et de gestionde personnel ou alors avec unerelation d’aide de type quasi théra-peutique. Tant qu’on ne percevrapas la supervision comme le lieuprivilégié d’exercice de la cons-cience réflexive du professionnel etcomme la condition nécessaire dudéveloppement de sa compétence,il faudra faire le deuil d’une authen-tique amélioration responsable despratiques.Cette prise de conscience suppose,assurément, une évolution significa-tive des mentalités. Pour les ensei-gnants, ce sera de parvenir enfin àdépasser le réflexe syndical défensifqu’il est normal d’avoir devant ceque l’on perçoit, même si c’est faux,comme une ingérence ou uneagression; pour les superviseurs, cesera de se donner le temps, lecourage et les outils pour à la foisdépasser les considérations poli-tiques et garantir le sérieux, la séré-nité et la crédibilité du processus.C’est ici, notamment, que la priseen compte de faits, d’observations,de données statistiques (et de…résultats!) permet de compléter lasimple perception et de fonder unjugement éclairé, tant chez lesuperviseur que chez le supervisé.On le voit, ce n’est pas que les sta-tistiques de résultats scolaires, parexemple, « ne veulent rien dire ».Dans la mesure où celles-ci sontrécentes, pertinentes et qu’elles ontété obtenues de façon fiable, lesdonnées quantitatives ont toutesleur utilité, à la condition, cepen-dant, qu’elles ne constituent pas etne remplacent pas le jugement(sur le mode rétrospectif) et lesobjectifs (sur le mode prospectif).Sur le plan de l’apprentissage, on afait beaucoup d’efforts (dans le dis-cours tout au moins) pour fairecomprendre aux enseignants quel’examen ne doit pas constituer lejugement de l’enseignant, maisseulement l’éclairer (même si, dans

la pratique, c’est une autre his-toire). En fait, il faut arriver à tenirun discours similaire quant au juge-ment que l’on porte sur les éta-blissements et sur les enseignants etle faire suivre de pratiques desupervision conséquentes.

L’OBLIGATION DE RÉFÉRENTIELSLa vision binoculaire ne fournit uneimage utilisable que si les donnéessont interprétées à l’aide d’unréférentiel unique. Le référentiel est le fondement de toute action,puisqu’il définit ce qui est son objetet sa finalité, tandis que le plan n’endéfinit que les modalités. Il fautrevaloriser les référentiels dansnotre pratique scolaire, réaffirmerla primauté du quoi et du pourquoisur le comment, subordonner l’effi-cacité à l’efficience.Sur le plan national, le Programmede formation est évidemment, enmatière d’apprentissage, le référen-tiel par excellence. Les effortsdoivent viser non seulement sa con-naissance et son appropriation partous les enseignants, mais aussi etsurtout son omniprésence dans lesopérations d’évaluation et de plani-fication. Ici, il faudra être vigilantpour que les outils du comment(les manuels scolaires et les fameux« projets ») ne viennent pas court-circuiter la fonction référentielle duProgramme de formation de l’écolequébécoise. Il est d’ailleurs curieuxde noter, parmi les obligations faitesà l’enseignant par l’article 22 de la Loi sur l’instruction publique,l’absence ô combien significative de l’obligation de respecter leProgramme.Pour ce qui est de l’établissement,c’est évidemment le projet éducatifqui constitue le référentiel majeur(mais pas exclusif, puisque despolitiques locales jouent aussi unrôle référentiel). Malgré les effortsfaits récemment par de nombreuxétablissements (les écoles pri-maires davantage que les écolessecondaires, toutefois) pour sedonner un véritable projet éducatif,il faut constater que plusieursécoles fonctionnent encore avec unersatz de projet éducatif (à saveurpublicitaire, fondé sur des valeurset tenant davantage du vœu pieux

que du document de référence) etne semblent pas voir l’urgenced’agir. De plus, même correct danssa forme et dans son processusd’élaboration, le projet éducatif nepeut jouer son rôle que s’il estensuite mis en œuvre et si on s’yréfère régulièrement dans lesopérations d’évaluation institution-nelle et dans l’élaboration de leursplans d’action annuels. À cet égard,c’est clairement aux établissementsqu’il incombe de se mettre àl’œuvre. En incluant, dans la Loi del’instruction publique, l’obligationpour le conseil d’établissement devoir à l’élaboration du projet édu-catif et d’évaluer sa mise en œuvre(articles 37 et 74) et en faisant à l’enseignant l’obligation de lerespecter (article 22 – 7), le Minis-tère a fait sa part et peut difficile-ment aller plus loin.Finalement, sur le plan individuel,la supervision professionnelle nepeut pas s’installer sur le modeintuitif, pas plus qu’elle ne peut sefaire de façon ponctuelle. Elle doitaussi s’effectuer au regard d’unréférentiel reconnu. Ce référentiel,ce serait clairement un profil decompétence de l’enseignant débou-chant sur un code de déontologie.Le Ministère établit clairement(L.I.P., article 22 – 6) l’obligationpour l’enseignant « de prendre desmesures appropriées qui lui per-mettent d’atteindre et de conserverun haut degré de compétence pro-fessionnelle ». L’ennui, c’est quecette compétence n’est définie nullepart de façon officielle : une obliga-tion ainsi privée d’objet demeurealors un vœu pieux sans effets con-crets. Entre les obligations trèsgénérales de l’article 22 de la Loi(on n’y inclut même pas l’obliga-tion d’évaluer les apprentissages!)et le paramétrage presque tatillondes conventions collectives, il y a unespace actuellement vide qui pour-rait accueillir utilement une défini-tion d’authentiques normes de com-pétence professionnelle. Autour deces normes pourraient s’articuler,en amont, de meilleurs programmesuniversitaires de formation d’en-seignants et, en aval, des objectifsréels de perfectionnement et de

développement des compétencesainsi que des critères d’évaluationdes actes professionnels. Signalonsd’ailleurs que le besoin est le mêmeen ce qui concerne les autres caté-gories de personnel des établis-sements et, au premier titre, lesdirections d’école.Ce ne sont pas les travaux quimanquent en matière de profils decompétence. L’élément manquantdemeure l’officialisation d’un telréférentiel; or ce besoin, seul leMinistère, en concertation avec lessyndicats d’enseignants et les com-missions scolaires, peut le combler.Cette visée nous ramène au vieuxprojet de création d’un ordre pro-fessionnel des enseignants et d’uncode de déontologie. Il serait urgent,à notre avis, que le Ministère réac-tive ce dossier : on ne peut pas faireappel au professionnalisme desenseignants sans la reconnaissanceofficielle de ce statut professionnel,assorti des droits et des respon-sabilités qui en découlent.

L’OBLIGATIONTout au long de ce texte, il a étéquestion d’obligation. Ce terme estmaintenant culturellement connotéet évoque la perspective déplaisanted’être astreint à quelque chosecontre son gré. Il serait plus inspi-rant de revenir à la significationétymologique du mot, c’est-à-direla création d’un lien. Étymo-logiquement, le mot appartient à lamême famille que « intelligence », « relation » et « diligence ». Cetteobligation de compétence (et, aupréalable, de conscience) pourlaquelle nous plaidons ne doit doncpas s’inscrire dans le climat frileuxet défensif de recherche de torts etde décrets administratifs, mais aucontraire découler d’une approcheprofessionnelle responsabilisante, àla mesure de l’engagement d’uneécole envers ses élèves et sa com-munauté, d’une part, mais aussienvers ses référentiels et ses objec-tifs, d’autre part.C’est la seule obligation, moraleavant que d’être légale, qui puisseavoir un sens et donner, peut-être,des résultats.M. Jacques Henry est consultanten gestion de l’éducation.

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Mme Lise Demailly est pro-fesseure de sociologie àl’Université de Lille 1. Elle

a été associée à plusieurs travaux de recherche sur l’évaluation depolitiques éducatives et a publiéplusieurs ouvrages sur l’évaluationdes établissements scolaires ainsique sur la formation continue desenseignantes et des enseignants. Il ya deux ans, elle participait à uncolloque organisé à Montréal parLABRIPROF de l’Université deMontréal et l’Association franco-phone internationale des directeursd’établissements scolaires (AFIDES).Ce colloque proposait trois joursd’échange d’idées et de réflexionsur le thème de – l’obligation derésultats en éducation –, thème nonseulement polysémique mais égale-ment des plus polémiques.Lors de cet événement, Mme Demaillya généreusement partagé sa lecturedes enjeux et des limites de cettenouvelle régulation normative àpartir des observations qu’elle a pufaire sur le terrain de l’Académie deLille où elle a été associée, à titre dechercheure, à l’examen des effetsde l’application de la nouvelle poli-tique éducative concernant leszones d’enseignement prioritaire(milieux socialement et économi-quement défavorisés) dans cetterégion de la France.De plus, elle a accepté, pour le plusgrand bénéfice de nos lectrices et de nos lecteurs, de répondre àquelques-unes des nombreusesquestions que soulève ce thèmeparticulièrement complexe et sen-sible sur lequel Vie pédagogique achoisi de commencer à réfléchirdans le cadre du présent dossier.Vie pédagogique — D’entréede jeu, pourriez-vous résumerl’objectif et le contexte deréalisation du projet auquelvous avez été invitée à colla-borer ainsi que le rôle quevous y avez joué?

Lise Demailly — J’ai participé à une expérience d’audits de l’en-semble des établissements secon-daires de l’Académie de Lille (512établissements). On m’a demandéde porter un « regard extérieur »sur cette expérience, pour aider enquelque sorte l’Académie à effec-tuer son autoévaluation.V.P. — Le concept d’auditsappliqué au monde de l’édu-cation est assez méconnu auQuébec, vous serait-il pos-sible de nous le préciserdavantage et de nous fairepart, dans leurs grandeslignes, des conclusions ou dessuites de cette expérience?L.D. — Le mot « audit » n’est pas àprendre avec une signification trèsparticulière. Il avait été employépour éviter le mot évaluation quifaisait peur aux chefs d’établisse-ments scolaires. La philosophie enétait de renvoyer à l’établissementune image la plus précise possiblede ses dynamiques, de ses faiblesses,de ses réussites, dans l’ensembledes domaines qui concernent la viede l’établissement : pilotage, com-munication, vie scolaire, résultatsscolaires, qualité de la pédagogie etde la prise en charge des élèves,citoyenneté. Quatre auditeurs destatut différent (chef d’établisse-ment, cadre, inspecteur) étudientd’abord toute une série de docu-ments envoyés par l’établissement.Les enseignants sont « inspectés »individuellement dans leur classeou en équipe lors d’une réunion.Les auditeurs préparent des ques-tions qu’ils se posent à propos del’établissement. Puis la journée « d’audit sur place » consiste en unesérie d’entretiens avec le chefd’établissement, l’équipe de direc-tion, les enseignants, des élèves, lesmembres du personnel éducatif,administratif et de service ainsi quedes parents d’élèves. Les quatreauditeurs rédigent ensemble unrapport d’une vingtaine de pages,

présenté en privé au chef d’éta-blissement, puis en public au conseild’administration ou à la commis-sion permanente.Tous les établissements de l’Acadé-mie ont été ainsi audités sur quatreans. Cette expérience est aujour-d’hui reprise, après une pause, carelle est coûteuse en temps, en éner-gie et en frais de déplacement.L’expérience a été particulièrementintéressante pour les chefs d’éta-blissement auditeurs qui y ont trouvéune vraie « formation ».Plus récemment, j’ai travaillé sur le management de la relance desZones d’éducation prioritaires (ZEP)(112 zones dans cette grosse aca-démie assez défavorisée sur le plansocial). Il s’agissait de voir si l’ac-tion de l’administration scolaireétait efficace, c’est-à-dire compriseà la base dans les établissements etpertinente par rapport aux pro-blèmes de l’éducation prioritaire.Cette « relance » comprenait unimportant appel au développementde l’obligation de résultats et descapacités d’autoévaluation des éta-blissements scolaires.Mon premier rapport a été asseznégatif car l’Académie avait déve-loppé une évaluation-contrôle bu-reaucratique qui braquait leséquipes pédagogiques contre leprojet et ne les aidait pas.Mon second rapport est beaucoupplus positif au regard de l’action del’Académie considérant que cettedernière a mis en place des formes

d’aide-accompagnement des établis-sements, y compris en matière d’aideà l’autoévaluation. Les enseignants-coordonnateurs de ZEP1 ont étéamenés à participer à l’écriture ducanevas d’évaluation et d’autoéva-luation des ZEP. Tout cela est assezinnovant et intéressant. En revanche,en ce qui concerne les Zones elles-mêmes, les capacités de pilotagelocal restent faibles, surtout sur leplan pédagogique.V.P. — Pourriez-vous nousdonner quelques exemplesdes formes d’aide qui ont étéoffertes aux établissements?L.D. — Il s’agit, entre autres, devisites d’aide, durant une demi-journée, effectuées par deuxmembres du Groupe de pilotageacadémique, à la demande desétablissements scolaires. La discus-sion réunit en général le Directoiredu REP (huit personnes environ)ou un groupe plus large; elle portesur le contenu du contrat de réus-site et sa mise en œuvre, à partir,d’une part, d’une demande formu-lée à l’avance par l’établissement et,d’autre part, à partir des questionsque se pose le groupe de pilotage àla lecture du contrat de réussite etdes bilans d’étape.Ces réunions au style non hiérar-chique ont été appréciées et, à monavis, ont été positives pour les éta-blissements.V.P. — Par ailleurs, à quoiattribuez-vous le fait que,malgré ce qui semble être unenette amélioration du pro-cessus d’autoévaluation desétablissements scolaires, lescapacités de pilotage localrestent encore faibles, et ce,surtout sur le plan péda-gogique?L.D. — Ces deux faits ne sont pascontradictoires. L’autoévaluation,elle aussi, a besoin d’être impulséede l’extérieur. Elle n’est pas spon-tanée. Il faut que ce soit l’académiequi demande aux établissements de

L’OBLIGATION DE RÉSULTATS : UNE OBLIGATION « PROFESSIONNALISANTE » (REGARD D’AILLEURS)Entrevue avec Mme Lise DemaillyPropos recueillis par Monique Boucher

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réaliser une autoévaluation, quivienne les aider à la faire ou leurpropose des outils à cette fin, qui endiscute avec eux après, etc. Sansl’intervention d’un regard extérieur,l’établissement laissé à lui-même nese donne pas le temps de ce genred’action (il y a toujours plus urgentà faire) et les réunions de pilotagedemeurent consacrées à la gestion,aux finances et à l’organisation,plutôt qu’à la pédagogie et à l’auto-évaluation des actions en cours.V.P. — Partant de vos observa-tions sur le terrain, l’obli-gation de résultats appliquéea l’école contribue-t-elle réel-lement à l’accroissement dela réussite des élèves?L.D. — Dans bon nombre d’éta-blissements, l’obligation de résultatsne fonctionne pas comme culturevivante. Une majorité d’enseignantset de chefs d’établissement restenten effet attachés à l’obligation demoyens, par exemple, employer les« bonnes pratiques » qui ont étéprescrites. Et donc, après, la fauterevient à l’élève paresseux ou malélevé, ou à l’État qui a mal prescrit,si le but n’est pas atteint.C’est un système de pensée trèsautoprotecteur pour les enseignantset les chefs d’établissement : il leurpermet de diminuer le stress et laculpabilité devant le problème del’échec scolaire.Je pense que dans les établisse-ments où l’obligation de résultatsfonctionne comme culture vivante,on observe une amélioration effec-tive de la qualité de l’action éduca-tive : plus d’innovation, plus demobilisation, un meilleur accordentre adultes pour lutter contre laviolence adolescente, s’il y a lieu,une réaction beaucoup plus rapidedevant les problèmes. Cette actionne se traduit pas forcément par desrésultats scolaires en français et enmathématiques (c’est ce qui estmesuré en France), mais elle pro-duit des améliorations globales durapport des enfants au savoir sco-laire (moins d’ennui, plus decuriosité) et à la vie scolaire (plusde plaisir, moins d’incivilités).V.P. — L’obligation de résul-tats peut-elle être portée parchaque enseignant indivi-

duellement ou est-ce une obli-gation qui doit être assuméepar l’ensemble d’une équipe-école?L.D — Les deux, évidemment.V.P. — Qu’est-ce qui fait que l’obligation de résultatspuisse être un facteur de dé-professionnalisation de lafonction d’enseignant ou, aucontraire, qu’elle puisse êtresource de développement per-sonnel et professionnel chezles enseignants?L.D. — Si l’obligation de résultatsest conçue comme incitative, sil’obligation de résultats ne se limitepas aux résultats scolaires, si enfinla construction des outils d’appré-ciation de l’action est confiée auxéquipes de pédagogues (avec l’aided’un regard extérieur), dans ce cas,l’obligation de résultats devient unoutil de professionnalisation.Elle a les effets inverses de dépro-fessionnalisation si elle donne lieu aun contrôle bureaucratique, ou àune appréciation externe décul-turée (faite par un cabinet de con-sultants privés, par exemple), et sielle ne porte que sur des résultats àdes épreuves standardisées au lieude porter sur l’ensemble des objec-tifs de l’action éducative.V.P. — Croyez-vous qu’il soitsouhaitable, mais aussi pos-sible, que l’obligation derésultats et, conséquemment,celle de l’évaluation des ser-vices offerts aux élèves s’ins-crivent progressivement dansla culture de l’école? Sinon,pourquoi? Si oui, pourquoi età quelles conditions?L.D. — Je refuse le terme de « ser-vices offerts ». La relation éducativen’est pas une relation de services.Ce terme convient pour la relationd’affaires avec un coiffeur ou avec ungaragiste. L’élève n’est pas un clientni un consommateur (il ne devraiten aucun cas être un client ou unconsommateur). Il devrait être uncoproducteur de l’action éducative,il a sa place. L’éducation relève del’action publique (même si elle estassurée par des acteurs privés, quidevraient être contrôlés de près parla nation, sous la responsabilité duparlement, par exemple). L’enfant

est l’« usager » d’un service publicsous la responsabilité démocratiquede la nation. Je sais, c’est très « français » cette façon de définirl’école dans des termes civiques.Mais c’est une chose à laquelle jetiens.Je rectifie donc votre question ainsi :« Croyez-vous qu’il soit souhaitable,mais aussi possible, que l’obligationde résultats et, conséquemment,celle de l’évaluation de l’actionéducative en direction des élèvess’inscrivent progressivement dans laculture de l’école? »Oui, sans aucun doute, un profes-sionnel de l’éducation devrait enpermanence analyser les effets deson action, effets à court terme, àmoyen terme, à long terme. Laréflexion à long terme est néces-sairement collective et impliquel’engagement de l’État ou de lanation (fabriquons-nous des chô-meurs? des adultes infantiles? desadultes intolérants? des illettrés ennombre inacceptable? etc.).La réflexion à moyen terme (étudesde cohortes sur plusieurs années)relève de l’établissement commecollectivité et de la hiérarchie situéejuste au-dessus.Le court terme (de une heure à unan, pour aller vite) relève de l’en-seignant seul ou des équipes péda-gogiques restreintes.L’attention aux effets de l’actiondemeure une dimension essentiellede la compétence.Ce système exige de nombreusesconditions :A) Probablement une certaine mo-

dification de la formation ini-tiale des enseignants et des chefsd’établissement. Une réflexionapprofondie sur leur formationcontinue.

B) Un renforcement (chez nous, enFrance) du nombre d’inspec-teurs (ou de personnels équi-valents) et de leurs missionsd’évaluation formative (certainsenseignants ne sont visités enFrance que tous les sept ans) etd’accompagnement d’équipes,plutôt que de contrôle. Ce quiveut dire aussi une certainetransformation de la formationde ces inspecteurs ou person-nels équivalents (qui étaient,

jusqu’ici, surtout des contrô-leurs de l’application de l’obli-gation de moyens, tâche qui nedoit pas disparaître, mais qui nepeut plus suffire à assurer larégulation du système scolaire).Je ne pense pas que l’obligationde résultats puisse se dévelop-per sans une action d’accompa-gnement des établissements, deséquipes et des enseignants surune base individuelle.

C) Il ne sert à rien, en effet, de par-ler d’obligation de résultats sion ne dispose pas d’outils statis-tiques et informatiques correctsqui permettent d’objectiver unpeu ce qui se passe sociolo-giquement, financièrement etpédagogiquement (sans les féti-chiser ensuite, car l’évaluationest indissolublement quantitativeet qualitative). Naturellement,cela passe par une certainebonne volonté et une certainerigueur des chefs d’établisse-ment qui devront réunir ettransmettre les données.

V.P. — Pourriez-vous nousdonner quelques exemplesdes outils à la disposition desécoles françaises pour lesaider à objectiver ce qui sepasse sur les plans socio-logique, financier et péda-gogique?L.D. — L’IPES (indicateurs pour le pilotage de l’établissement sco-laire) : c’est une batterie assezlourde d’indicateurs pour chaqueétablissement et pour la Franceentière. Quelques indicateurs seule-ment sont rendus publics, les autresétant à la disposition des établisse-ments ou des autorités.On peut signaler aussi les évalua-tions « de masse » en français et enmathématiques qui concernent latotalité des élèves à deux reprisesau cours de leur scolarité et bientôtà trois reprises. Ces outils natio-naux sont présentés sur le site duministère de l’Éducation nationale.Enfin, chaque région construit sestableaux de bord.V.P. — Le Québec dispose luiaussi d’outils favorisant unelecture de la réussite scolairedes élèves qui prend encompte leur origine sociale et

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géographique, mais commevous le dites si bien, cela nesuffit pas : il faut aussi pré-voir un accompagnement desétablissements, des équipes etdes enseignants.L.D. — Exactement. Il faut prévoiraussi d’autres modes de descriptionplus qualitatifs et plus diversifiés,car la qualité d’un établissement nese réduit pas à la qualité des résul-tats scolaires de ses élèves.V.P. — Merci beaucoup,Madame, de nous avoir accor-dé cette entrevue un peuspéciale puisqu’elle s’est entiè-rement déroulée par voieélectronique. C’était une pre-mière pour Vie pédagogique.L.D. — C’était également ma pre-mière expérience du genre. Je vousremercie de m’avoir donné la « parole ».

Les personnes intéressées à poursuivre leurréflexion dans ce dossier trouveront ci-aprèsune liste de certains des ouvrages de Mme Demailly sur le sujet.« L’évaluation et l’autoévaluation des éta-blissements : un enjeu collectif. Le cas desaudits d’établissements scolaires de l’Aca-démie de Lille », Politique et managementpublic, avril 1999.« L’évaluation au cœur des luttes socio-poli-tiques », Revue Tocqueville, vol. XX, no 2,Paris, 1999.« Management et évaluation des établisse-ments », L’école, l’état des savoirs, sous ladirection de A. Van Zanten, Paris, éd. LaDécouverte, 2000.Évaluer les établissements scolaires : enjeux,expériences, débats, Paris, Éd. L’Harmattan,1998.« Enjeux et limites de l’obligation de résul-tats : quelques réflexions à partir de la poli-tique d’éducation prioritaire en France »,Allocution présentée lors du colloque L’obli-gation des résultats en éducation, organiséà Montréal du 4 au 6 octobre 2000 dans lecadre des Entretiens Jacques Cartier 2000par le LABRIPROF de l’Université de Montréalet l’Association francophone internationaledes directeurs d’établissements scolaires(AFIDES).

1. Un coordonnateur de ZEP est un ensei-gnant déchargé à mi-temps pour exercerun rôle d’animation de projets dans leRéseau d’éducation prioritaire, qui com-prend en général un établissement d’en-seignement secondaire et une dizained’écoles élémentaires. Il peut être issu dupremier ou du second degré.

S ix enseignants du primaire etdu secondaire ont acceptécourageusement de « plon-

ger » pour traiter de cette questiondélicate et controversée encore peuintégrée dans notre culture et nospratiques scolaires. Ces enseignantsviennent de différentes régions duQuébec et leurs écoles sont situéesdans divers milieux : moyen, défa-vorisé, très multiethnique, petiteville francophone. Leur expérienced’enseignement va de 5 à 35 ans.L’objectif de la journée était simple-ment de réfléchir ensemble, à partirde l’expérience de chacun et cha-cune, sur ce que peut signifier, pourdes enseignants, « rendre descomptes » et « être imputables de laréussite des élèves ».Bilan des discussions : les enseignantsprésents acceptent pleinement leurresponsabilité individuelle dans la réussite de leurs élèves et con-viennent de la nécessité de rendredes comptes à ce sujet. Commeprofessionnels, ils croient qu’il est de leur responsabilité d’utiliser les stratégies d’enseignement et lesmoyens les plus adéquats possibleet disent avoir à rendre des comptesd’abord à eux-mêmes en réfléchis-sant sur leurs pratiques, avec la col-laboration de leurs pairs et de ladirection de l’école. Ils se recon-naissent également à la fois laresponsabilité de trouver des moyensd’inciter les parents à collaborerdavantage à la réussite de leursenfants et celle d’amener les élèveseux-mêmes à une plus grande auto-nomie dans leurs propres appren-tissages.De même, incités par la réforme àcollaborer à l’intérieur d’un cycle,les participants se montrent trèssensibilisés au fait qu’ils ne peuventplus travailler en vase clos et que laréussite des élèves constitue aussiune responsabilité d’équipe. Tant

au primaire qu’au secondaire, ilsconsidèrent que l’équipe-école aégalement une part de responsabi-lité dans les apprentissages faits parchacun des élèves et que les direc-tions ont un leadership à assumer àcet égard.Le problème qui se pose, selon lesenseignants présents, ce n’est pastant d’avoir à rendre des comptes,mais c’est plutôt la façon dont lareddition de comptes s’articule.Certaines démarches utilisées dansune école ou au sein d’une commis-sion scolaire peuvent rendre mena-çante et improductive cette « obli-gation de résultats » qui pourraitpourtant mener à plus de créativitésur le plan professionnel.La position globale des participantsétant résumée, l’examen du dérou-lement de la journée permettra desuivre et d’illustrer le cheminementde leur réflexion pour démystifier lareddition de comptes, un objet decrainte pour plusieurs enseignantsdu Québec.

AU DÉPART : PLUS DEQUESTIONS QUE DE RÉPONSESDès les premières opinions émises,les questions fusent : l’obligation derésultats s’adresse-t-elle seulementaux enseignants dans leur classe?Comment l’interpréter quand, dansun groupe, une bonne proportiondes élèves présentent des difficultésd’apprentissage? Comment sontétablis les standards pour juger desrésultats? Si chaque école définit sespropres standards, un même élèvepourrait-il réussir dans une école et ne pas réussir dans une autre?Va-t-on tenir compte uniquementdu rendement scolaire ou égale-ment des autres composantes de lamission de l’école ainsi que desefforts et des progrès des élèves? Auprimaire, dans certaines écoles, les

professeurs de 6e année seront-ilstenus responsables de problèmesnon résolus, pour certains élèves,depuis la maternelle?Ces questions et beaucoup d’autresont été débattues au cours de lajournée. Pour bien situer le débatau départ, l’animatrice rappelle auxparticipants qu’au Québec, la Loisur l’instruction publique a étémodifiée dans la foulée des nou-velles connaissances sur la gestiondes organisations selon lesquellescelles-ci obtiennent de meilleursrésultats lorsque le pouvoir dedécision est situé près du lieu del’action. La loi donne maintenantdavantage d’autonomie et de res-ponsabilités aux écoles de mêmequ’aux enseignants. Puis, pouramorcer la réflexion, l’animatricedemande aux participants de réagirà l’équation suivante :Autonomie professionnelle =responsabilisation = imputabilitéou obligation de rendre descomptes

UN ACCORD GLOBAL :LES ENSEIGNANTS ONT ÀRENDRE DES COMPTES SURLES RÉSULTATS DE LEURTRAVAIL PROFESSIONNELCette équation semble à tous «accep-table et pertinente, en général et enprincipe », car « elle peut accentuerle professionnalisme des prati-ciens ». « Que je sois un superen-seignant ou un enseignant moyen,je suis responsable du résultat demes élèves. » Cependant, il fauttenir compte de la réalité de chaquemilieu et de tous les éléments du contexte interne et externe del’école, car ils influent sur l’acted’enseigner et l’acte d’apprendre etposent certaines limites à l’actiondu professionnel, et donc à saresponsabilité.

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ENSEIGNER ET RENDRE COMPTE DES RÉSULTATS :EST-CE MENAÇANT OU STIMULANT?par Marthe Henripin

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IMPUTABILITÉ INDIVIDUELLEDANS UNE PERSPECTIVE DERESPONSABILITÉ DE CYCLEET D’ÉQUIPE-ÉCOLELes enseignants présents consi-dèrent qu’ils ont à prendre lesmeilleurs moyens pour aller le plusloin possible avec les élèves quisont les leurs cette année-là. Pour yparvenir, il leur faut bien connaîtreles forces et les faiblesses de chaqueenfant et le niveau réel des élèvesclassés dans telle année ou dans telprogramme (mathématiques 436,physique 416). Car « ce portrait dedépart permet de bien définir ceque chacun a à faire en classe et ildevrait être connu par l’équipe-école afin d’être pris en considé-ration lors de l’attribution desressources et de la reddition decomptes ». Ce portrait permet aussià l’enseignant de bien doser sesexigences.Les participants soulignent égale-ment l’importance de la pratiqueréflexive qui leur permet d’allerchercher de l’aide auprès de leurspairs ou de la direction. « La pre-

mière personne à qui j’ai à rendredes comptes, c’est à moi-même.C’est d’abord moi que j’examine,c’est moi-même que j’interpelle etensuite viennent les rencontres avecles collègues pour discuter tel ou telpoint. » En effet, dans la mesure oùelle engendre une réflexion sur lespratiques, l’obligation de résultatspeut être « un levier et non unmarteau », ainsi que l’explique un participant. « L’an passé, voyantles résultats médiocres dans mamatière, j’ai pensé : “ La matière estimposante, mais peut-être que jem’y suis mal pris. ” Je suis allé voirun de mes collègues qui m’a sug-géré d’essayer quelque chose denouveau et, à la deuxième étape, lesrésultats ont été meilleurs. Rendredes comptes à soi-même est essen-tiel dans le processus d’améliora-tion et nous force à aller vers l’autrechercher de l’aide. »Après avoir reconnu que « les ensei-gnants sont responsables de leursgestes professionnels, tout commeles médecins ou les ingénieurs »,les participants soulignent que cetteresponsabilité ne peut être seule-

ment individuelle et ils précisentqui sont ceux et celles qui la par-tagent avec eux.

D’ABORD, IL FAUT UNEÉQUIPE-ÉCOLE QUI SE TIENNESelon les participants, l’idéal, pourla réussite, est que toute l’équipe deprofesseurs entourant chaqueenfant se sente responsable. « Cetteannée, on s’est donné un projetd’équipe qui consiste à encadrerdavantage les élèves, et cela se faitdans toutes les classes de l’école.Sécher les cours ou entrer “ gelé ”dans la classe le matin, ce n’est plustoléré et, ensemble, on a mis aupoint une procédure très rapide :les appels sont faits, les rencontresavec les parents ont lieu rapidementet, déjà, après deux mois, on cons-tate une nette amélioration. » Dansune école primaire, l’équipe aucomplet s’est aussi donné commemoyen d’action, avec la collabora-tion des parents, de ne rien laisserpasser. Cette décision, qui a étéprise collectivement, est plus facileà maintenir que s’il s’agissait d’unedécision prise individuellement

LES DIRECTIONS ONTUNE RESPONSABILITÉDE LEADERSHIP ETD’ACCOMPAGNEMENTLes enseignants présents apprécientd’avoir à rendre des comptes à leur direction sur le rendement del’ensemble de leurs élèves et sur les résultats obtenus à la suite desmoyens mis en place pour aider ceuxqui ont des difficultés. « On regardeensemble si d’autres moyens pour-raient être utilisés. » Ils attendent,de la part de la direction, leader-ship, écoute et soutien pour amé-liorer les choses. « Quand la moitiédes profs veut aller dans tel sens etque l’autre moitié ne veut pasbouger parce qu’elle a d’autresvaleurs, on vit dans l’école uneconfrontation d’idées, de visions,d’opinions et un déchirement. C’estlà qu’on a besoin d’un directeurpour nous aider à décider. » Et si auprimaire, « un enseignant ne faitpas correctement sa préparation enlecture, il faut que quelqu’un inter-vienne pour le lui dire : “ Ta façon detravailler était correcte il y a vingtans, mais avec ce qu’on a découvertdepuis, il faudrait que tu modifieston approche. ” » Cette supervisionpédagogique est une tâche desdirections, mais « certaines n’ontpas le temps de venir s’asseoir pourte regarder travailler, te conseillersur les choses à modifier et t’outil-ler. Elles sont occupées dans leurbureau avec leur budget et plein dechoses à faire et on ne les voit passouvent. Par contre, sans venir dansnos classes, car certains enseignantsne sont pas prêts à cela, plusieursdirections sont à l’écoute et saventcomment on fonctionne, juste parles conversations qu’on a avec elles.C’est une chance d’avoir une direc-tion qui se préoccupe de chaqueélève et à qui je peux dire : “ j’ai faitceci et cela et maintenant, j’ai besoind’aide. ” »

LES PARENTS ONT EUX AUSSIUNE PART DE RESPONSABILITÉDANS LA RÉUSSITE SCOLAIREDE LEURS ENFANTSLes responsabilités des parentsdoivent être clarifiées par rapport à

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CAROLE JOSEPHÉCOLE PRIMAIRE MGR-MILOT

COMMISSION SCOLAIRE DES BOIS-FRANCS

MARIE-JOSÉE MORINÉCOLE FLEUR-DES-NEIGES

COMMISSION SCOLAIRE DESLAURENTIDES

LORRAINE LORANGER-BOUCHARDÉCOLE PRIMAIRE LÉONARD-DE-VINCI

COMMISSION SCOLAIRE DEMONTRÉAL

LORI PARALOVOÉCOLE SECONDAIRE HENRI-

BOURASSA, COMMISSION SCOLAIREDE LA POINTE-DE-L’ÎLE

PIERRE GIRARDÉCOLE PRIMAIRE LA SOURCECOMMISSION SCOLAIRE DES

DRAVEURS

GHISLAIN HOTTEÉCOLE LOUIS-JOSEPH-PAPINEAU

COMMISSION SCOLAIRE AU-CŒUR-DES-VALLÉES

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celles de l’enseignant. Au primaire,« les parents ont à regarder si leursenfants font leur travail le soir et lefont bien, et s’ils ont leurs livres le matin pour que moi, je puissetravailler en classe ». Les partici-pants énumèrent différents moyensqu’ils utilisent pour entrer en con-tact avec les parents et les amener àcollaborer à la réussite des appren-tissages, car cela ne va pas de soi, etun bon nombre d’entre eux ontbesoin d’incitation et de soutien.L’un des enseignants dira, parexemple : « La présentation à sonparent, par l’élève lui-même, de sonportfolio, puis de son bulletin est unmoment privilégié où je mets leschoses sur la table et, dans le face-à-face à trois, les choses se clari-fient tout de suite. » Un autreajoutera : « Lorsqu’un enfant a desdifficultés sérieuses, une rencontreest organisée avec ses parents bienavant la fin de la première étape envue d’examiner d’autres façons defonctionner. » Un participant ex-prime sa préoccupation d’amenerparents et enfants à discuter del’école à la maison : « En débutd’année, j’inscris dans leur agenda,chaque semaine, des questionstouchant l’école : ton père et tamère aimaient-ils l’école? Jusqu’enquelle année y sont-ils allés? Com-ment était la discipline?, etc. Et lesélèves doivent me rapporter lesréponses en classe. » Certaineséquipes-écoles vont chercher del’aide extérieure pour joindre lesparents. « Par les intervenants duCLSC qui, eux, peuvent entrer chezles familles démunies et inciter leparent à s’impliquer, on a réussicette année à aller un peu plus loinque l’an passé avec certains pa-rents. »

LES ÉLÈVES EUX-MÊMES ONTUNE PART DE RESPONSABILITÉQUANT À LEURS PROPRESRÉSULTATSLes participants constatent que « res-ponsabiliser les élèves n’est pasévident, car ils sont habitués à rece-voir, à copier, à faire le minimum :c’est tout un paradigme à renverser.Je leur demande : si tu es là, c’estpourquoi? L’école devrait apprendre

à les interpeller là où ils ont leursintérêts ». On souligne égalementl’importance de la gestion de classepour la réussite des élèves. Aveccertains groupes, la dynamique dela classe est facile à établir : « Lesélèves se communiquent de l’éner-gie et une espèce de joie d’ap-prendre, ils se tiennent, s’entraidentet s’encouragent tellement qu’ilspeuvent aller beaucoup plus loin etcela joue sur leur réussite. » Parcontre, dans d’autres classes où ilest difficile d’établir une dynamiquede groupe, la gestion de classevisant à amener les élèves à se res-ponsabiliser est plus ardue, « carceux-ci ont à faire tout un appren-tissage à l’entraide et au travail col-lectif qui exige de l’enseignant ledéveloppement de compétencesnouvelles ».

QUELQUES EXIGENCESCONCERNANT L’IMPUTABILITÉINDIVIDUELLE ET COLLECTIVEDES ENSEIGNANTSSelon les participants, la premièreexigence est d’apprendre à se par-ler entre enseignants au bénéficedes enfants, ce qui suppose « unehumilité, de la confiance dans lespersonnes et de la confiance dansses moyens ». Deux exemples par-ticuliers sont illustrés. Dans uneécole secondaire, deux professeursqui enseignent des disciplines dif-férentes ont établi une telle commu-nication. Ces enseignants ont parléde leurs pratiques, de leurs élèves,et ils ont déterminé à quel momentchacun donnerait telle partie de lamatière afin d’éviter les redites etles pertes de temps. « Ma collèguede français voyait la structure argu-mentative en mars, trop tard pouroutiller mes élèves pour la rédac-tion de leurs rapports de labo ensciences. Elle a accepté de voir cettematière en début d’année scolaire.Puis, nous avons travaillé conjointe-ment sur le rapport de labo etmaintenant, chacun peut corrigerles mêmes rapports sous deuxaspects différents. Les sciences ontainsi fourni au français du sens etune possibilité d’application con-crète et utile. » Les participantscitent d’autres exemples de collabo-

ration avec des professeurs demusique ou d’éducation physique,ce qui permet de « valoriser cesmatières qui passent toujours aprèset de mobiliser les élèves, car le tra-vail scolaire prend alors un senspour eux ». Dans une école pri-maire, on a voulu parler des enfantsentre enseignants des trois cycles.Par exemple, les professeurs de 5e année ont demandé à ceux du 1er et du 2e cycle d’échanger aveceux pour avoir un aperçu du chemi-nement fait antérieurement avec telou tel élève actuellement en 5e etpour savoir quelles actions avaientété tentées en 2e ou en 3e année. « Cela a amené des discussions avecdes enseignants des autres classessur nos choix pédagogiques et surdes façons de donner à temps à cer-tains élèves le bon coup de pouce etla joie des petits succès. »Une deuxième exigence est la stabi-lité de l’équipe-école qui permet dedévelopper une vision commune dubut à atteindre et des moyens d’yparvenir. « Il y a quelques années,j’étais dans une école extraordi-naire où l’équipe avait une visioncommune qui était connue autantdes enfants que des enseignants.Puis il y a eu fusion. Alors cela a étéle choc de deux cultures : il y a euun flottement que les enfants ontsenti aussi, et après trois ans, on apu rebâtir quelque chose de com-mun. » La stabilité d’une équipepermet aussi une continuité dansles moyens. Par exemple, « uneentente sur les fiches de lecturefaite avec le prof de 5e est tombée,parce que cette année c’est un autreenseignant qui est responsable decette classe ».Le soutien à la gestion de classe estla troisième exigence. Les parti-cipants soulignent qu’une fois lediagnostic de départ posé, plusieursenseignants auraient besoin d’aidepour arriver à nommer et à expli-quer ce qu’ils ont fait, pour « mettredes mots sur les stratégies utilisées,pour en parler aux autres sans se sentir “ moches ” et “ pas bons ”et pour être capables de dire pour-quoi cela a marché ou n’a pasmarché ».

En quatrième lieu, il faut considérerla structure et l’organisation mêmesde l’école, car celles-ci ont unimpact majeur sur l’enseignementet sur l’apprentissage. Les partici-pants citent des exemples d’écolesoù des changements dans l’orga-nisation ont été à l’origine d’unenette amélioration des résultats desélèves après deux ou trois ansseulement.La cinquième exigence : une écoleimputable devrait revoir la gestionde ses ressources en fonction del’analyse des besoins de tous lesélèves présents dans l’école. Certainsdes participants ont été associés àl’élaboration de plans de réussite à partir des besoins énoncés à lafois par les enseignants et les pa-rents consultés par questionnaire età partir des besoins des élèves ren-contrés dans les classes. L’une desécoles en est à son deuxième plande réussite élaboré après une revuedes résultats du premier, « car onvoulait une continuité ». Dans unepetite école qui n’a pas de plan deréussite, on a fait preuve de flexibi-lité : « On a agi autrement, répartiles tâches et les sous autrement.Certains élèves ont été retirés tem-porairement de leur groupe pourun enseignement d’appoint sur cer-taines matières, et sont restés dansleur classe pour le reste. Pour lesenfants ayant des difficultés d’ap-prentissage, on souligne que, malgréune amélioration certaine de l’ac-cès à des services complémentairesdans plusieurs écoles désignées, il ya encore trop de milieux où l’onconstate un saupoudrage insuffisantdes ressources. » Et certains enfants,pour lesquels le soutien orthopéda-gogique ne donne pas de résultat,auraient besoin d’une aide supplé-mentaire et ne l’obtiennent pas,malgré les demandes répétées,d’année en année, de leurs parentset de leurs professeurs. Si ces enfantscontinuent à monter de classechaque année sans une aide mieuxadaptée, « ils ne pourront jamaisavoir un moment de satisfaction ou une petite gloire personnelle à l’école ». Les participants se montrent également préoccupéspar les élèves « vites sur leurs

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patins » qui auraient besoin de plusde défis. Un effet pervers de l’obli-gation de résultats ne serait-il pasque l’école tendrait à laisser tomberces enfants en se centrant princi-palement sur ceux qui ont des diffi-cultés d’apprentissage?Enfin, les participants se ques-tionnent beaucoup sur le pouvoirréel des directions d’école à l’égarddes enseignants qui ne veulent pasou ne peuvent pas se remettre enquestion ou encore qui ne veulentrien faire pour améliorer leschoses : « À quoi bon parler d’im-putabilité s’il n’y a pas de consé-quences pour les enseignants, tantpositives que négatives? »Les participants se questionnentaussi sur le fait qu’en éducation iln’existe pas, comme pour d’autresprofessions, un ordre professionnelayant le mandat de protéger lesclients. « Un tel ordre pourraitinciter la population à nous consi-dérer davantage comme des pro-fessionnels. »

DEVOIR RENDRE DES COMPTESSUR LES RÉSULTATS DESÉLÈVES, EST-CE MENAÇANTPOUR LES ENSEIGNANTS?Les participants sont unanimes surplusieurs points. Une certaine pro-portion d’enseignants se sententmenacés. Craignant d’être jugésnégativement, ils hésitent à recon-naître que plusieurs élèves de leurclasse ne réussissent pas : « Si tun’es pas trop sûr de tes moyens etque ton estime de soi est chambran-lante, cela peut t’empêcher d’enparler. » Avoir à rendre compte desrésultats est menaçant aussi pourles enseignants qui ont une certainerigidité et pour qui enseigner con-siste à suivre le manuel de façon àarriver à telle page, à telle date.Mais pour l’ensemble des pro-fesseurs, trois points principauxsuscitent l’inquiétude.a) Il ne faudrait pas se contenter de

la statistique brute qui engendrela comparaison. « Un tableaunous arrive comparant les résul-tats des élèves de 3e et de 6e année des écoles de la régionayant le même profil, et on

entend les comparaisons et lescommentaires, par exemple :c’est une telle qui enseigne danscette classe cette année et elle n’apas réussi. »Les enseignants s’attendent à ceque les caractéristiques d’unmilieu donné soient prises encompte, faute de quoi un ensei-gnant risque d’être à tort jugéincompétent. Par exemple, ex-plique l’un des participants, « dans la région administrativeoù se trouve mon école, les sta-tistiques révèlent un taux dedécrochage épouvantable. Maisc’est aussi une région où beau-coup d’emplois sont offerts dansles services et où le taux de chô-mage est faible, ce qui fait proba-blement partie des causes dudécrochage. Si le jeune savaitqu’en décrochant il ne trouveraitpas d’emploi, il resterait peut-être à l’école et se forcerait unpeu plus ».Les enseignants voudraient aussique l’on tienne compte du retardimportant de plusieurs enfants. « Dans la classe de mon fils, il n’ya pas d’élèves moyens, maisseulement un groupe d’élèvesforts et un groupe importantd’élèves très faibles. L’ensei-gnante va-t-elle être imputable dene pas avoir su les amener tous àla réussite? » Et une participanteajoute : « Si l’an passé, j’étaisconsidérée comme un superprofparce que j’avais un super-groupe, est-ce que je vais êtrevue comme un moins bon profcette année parce qu’une partiede mes élèves de 3e est de niveau1re année alors que j’ai fait toutce que j’ai pu? »L’obligation de résultats devraittenir compte des progrès faitspar certains enfants. « Les chiffresfinaux seuls ne traduisent pas laréalité du groupe. L’élève deniveau 1re année que j’ai reçu en3e et que j’ai amené au niveau finde 2e a fait des progrès et je suisfière de lui, mais cela n’est pasmarqué sur le papier. Si je neregarde que les statistiques, cetenfant est un boulet dans ma

classe, alors que dans les faits, ila progressé. »De plus, il ne faudrait pas mesu-rer uniquement les résultats « scolaires ». « Car lorsqu’ungroupe vit beaucoup de conflits,l’enseignant a pu utiliser beau-coup d’énergie et de stratégiesjuste pour les amener à s’en-tendre et à travailler, avec commeaboutissement des résultats“ scolaires ” moyens. Et si cesefforts de l’enseignant ne sontpas mesurés, il risque de voir sacote descendre. »

b)L’obligation de résultats doits’inscrire à l’intérieur d’unedémarche planifiée et organiséeoù des cibles ont été fixées avecchaque professeur. « Si la reddi-tion de comptes se fait quelquesmois après le début de l’année aucours d’une rencontre avec ladirection dans le but de trouverensemble des moyens, je ne voisrien de menaçant à admettre quej’ai de la difficulté avec certainsélèves. Mais si l’on nous sort desstatistiques seulement en find’année en disant : “ voici tafeuille de résultats, tu as tantd’élèves qui échouent ”, c’estmenaçant et c’est souvent injuste,parce qu’on a seulement le résul-tat final et que tout le processusd’amélioration quotidienne de laréussite est mis de côté. » Lesparticipants refusent donc avecinsistance une reddition decomptes qui serait faite « avecl’œil du superviseur qui cherche,à la fin, des poux toujours facilesà trouver et qui se contente dedire : “ vous êtes en deçà desmoyennes, vous n’avez pas réussitelle chose, pas fait tellechose ” ». Le quand et le com-ment ont une grande importance.

c) Il faudrait que la reddition decomptes porte aussi sur lesrésultats positifs et non passeulement sur le pourcentaged’échecs et le nombre de décro-cheurs. « L’an passé, pour lapremière fois, j’ai reçu de madirection une lettre de félicita-tions pour les bons résultats demes élèves à l’examen du MEQ. »

L’OBLIGATION DE RÉSULTATS,DE MOYENS, DE COMPÉTENCEPEUT-ELLE PROFITER AUXENSEIGNANTS?Les participants sont d’accord surle fait que même si cette obligationest menaçante, le personnel ensei-gnant peut en tirer les bénéficessuivants.L’obligation de résultats permet auxenseignants d’élargir et d’affiner laperception qu’ils ont de leurs élèves.« Cela nous oblige à les considérercomme des individus, ce qui n’étaitpeut-être pas évident avant. Noussommes amenés à nous parler desenfants et de ce qui se passe poureux dans leur vie et pas seulement àl’école. »Elle stimule l’école et chaque ensei-gnant à se donner un portrait clairdu niveau scolaire réel des enfantsqu’ils reçoivent. Chacun peut alorsse fixer des objectifs réalistes con-nus de tous, ce qui est sécurisant.Elle oblige à s’arrêter, à réfléchir, àréévaluer le travail fait et à ne pastenir pour acquis que la façon d’en-seigner d’une autre époque peutperdurer.Elle est une occasion, pour les ensei-gnants, de mieux préciser leursstratégies d’enseignement et ellepeut être « un outil et un levierexceptionnels pour plus de créa-tivité ».Elle provoque et incite à se dépas-ser, « car l’obligation de résultatsnous force à nous poser des ques-tions et, le cas échéant, à admettrequ’on a pu se tromper et à accepterautre chose ».Elle peut être également « un mo-teur pour la formation continue àlaquelle un pourcentage relative-ment élevé d’enseignants résistent;parfois, elle incite à la formationpar les pairs ».Enfin, elle peut aider à rentabiliserau maximum « l’utilisation du peude sous qu’on a ».

MISES EN GARDE ETAMÉLIORATIONS PROPOSÉESAfin que l’obligation de résultatssoit une occasion de progrès pourles élèves qui sont dans les classes,les participants à la table ronde font

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certaines mises en garde et pro-posent quelques pistes d’améliora-tion à l’intention de ceux qui l’ontconçue et qui veulent la mettre enœuvre.On souhaite pouvoir y aller pro-gressivement afin que les différentesfacettes de la réforme en cours, quiest majeure, soient mieux intégréeset mieux coordonnées : « Le nou-veau curriculum, la nouvelle éva-luation, les cycles, les plans deréussite, c’est tout un programme! »Les participants souhaitent que les dirigeants du système éducatifviennent voir sur place « dansquelles conditions et à quels coûts,pas seulement financiers, tout celaest mis en œuvre ».Des informations supplémentairesseraient nécessaires sur cette obli-gation de résultats qui apparaîtencore un peu vague actuellement.Par exemple, seul le volet « ins-truire » semble faire l’objet d’unregard critique et d’une obligation,comme si l’on n’avait pas à rendrede comptes sur la socialisation.Pourtant, « aider les élèves de tousâges à sortir des conflits et à avoirdes comportements pacifiques peutêtre une partie essentielle d’un plande réussite ».Beaucoup d’écoute, d’appui etd’encadrement sont nécessairespour que les enseignants, et mêmeles directions d’école, ne se sententpas menacés par la reddition decomptes. Car « l’obligation ne seraprofitable que si l’on sait encou-rager les efforts de celui qui fait unpetit pas, puis un autre, et maintenircette flamme ».Les normes administratives etsyndicales, souvent paralysantes,devraient laisser plus d’espace à la créativité des enseignants quicherchent des moyens d’améliorerles résultats. On souligne aussi unproblème de ratio qui empêched’innover, surtout lorsqu’un groupecomprend beaucoup d’élèvesfaibles, par exemple. Les équipes-écoles devraient pouvoir choisirleurs moyens en fonction de leursituation.Il serait important de financer de la recherche du type recherche-

action, pour que les résultats « ga-gnants » d’un bon nombre de réali-sations faites dans les écoles et dansles classes soient utiles pour d’autresqui vivent les mêmes situationsproblématiques. On devrait diffuserpartout les « petites » expériencespositives tentées dans les classes.Enfin, une réflexion de fond sur le sens du mot « réussite » restenécessaire, si l’on veut s’en donnerune interprétation commune.

CONCLUSIONLes six enseignants présents, quiont manifesté une grande maturitéet une conception très profession-nelle de leur fonction, vivent déjà laculture de la réussite, comme c’estcertainement le cas de bien d’autresenseignants au Québec. Ils ontretroussé leurs manches pourmettre en pratique avec des col-lègues de leur école, au bénéficedes enfants, des modes de fonction-nement plus collectifs parfoisinsécurisants. La table ronde se ter-mine par trois rappels pressants deleur part :Nous aimerions que l’on n’oubliejamais que les enfants sont les pre-miers bénéficiaires de toutes cesinitiatives.Nous soulignons que l’obligation derésultats est également une obli-gation pour les intervenants del’ensemble de la structure scolaire.Nous sommes d’accord pour que lesenseignants rendent des comptes,mais il faut aussi que les respon-sables des autres paliers du systèmed’éducation fassent de même àl’égard des responsabilités qui leurincombent.Se centrer sur les résultats et plusseulement sur les objectifs, c’estune culture nouvelle qu’il fautacquérir. Et un changement de cul-ture est une démarche qui demandede la souplesse, un ajustement desexigences, et surtout du temps.« Parce que la réussite, ce n’est pasquelque chose de fini une fois pourtoutes, mais c’est quelque chose quiest toujours en mouvement. »Mme Marthe Henripin est consul-tante en éducation.

D ans la foulée des préoccu-pations qui caractérisent lamise en œuvre des change-

ments dans différents secteurs del’administration publique, il sembleque se profile à l’horizon des insti-tutions scolaires québécoises uneorientation de la gestion que l’ondésigne par l’expression « obliga-tion de résultats en éducation ».Bien qu’aucune définition officiellen’en ait à ce jour précisé la natureet le déroulement, il y a intensifica-tion de certains signes démontrantl’opportunité d’entreprendre unepremière réflexion au regard decette thématique à la fois complexeet délicate.En donnant la parole à sept directionsd’écoles francophones et anglophonesdu primaire et du secondaire ainsique des secteurs public et privé, Vie pédagogique a voulu créer unesituation privilégiée de communica-tion où chacun et chacune mettenten commun ce que leur inspire unetelle perspective et répondent auxquestions de la rédaction.

QUELS SONT LESCOMMENTAIRES ETINTERROGATIONS QUESUGGÈRE SPONTANÉMENTLA GESTION PAR RÉSULTATS?D’entrée de jeu, Mme FrancinePelletier affirme qu’elle ne sauraitconcevoir un modèle de gestioncentré sur l’obligation de résultatssans l’associer à une politique d’éva-luation et l’intégrer à un processusde reddition de comptes. S’il s’agis-sait de l’orientation retenue par le ministère de l’Éducation, elleprécise que l’obligation de rendre

compte ne saurait concerner le seulpersonnel d’encadrement : « La red-dition de comptes doit être portéepar une équipe-école à l’intérieurde laquelle la participation desenseignantes et enseignants estjugée prioritaire. »L’obligation de résultats évoqueaussi pour certains une démarched’évaluation institutionnelle : si leministère de l’Éducation l’inscrivaitformellement dans une telle pers-pective, on considère qu’il s’agiraitlà encore d’une pratique qui exi-gerait d’être élaborée et mise enœuvre avec la participation indis-pensable du personnel enseignant.La table des directions soulève deuxinterrogations de fond quant àl’émergence d’un nouveau conceptd’obligation de résultats :• À qui faudra-t-il rendre des

comptes?• Quels seront les objets ou les cibles

de cette reddition de comptes?

LES ASSISES DU QUESTIONNEMENT

M. Robert Céré souligne que le con-texte de la décentralisation et del’accroissement des pouvoirs etresponsabilités confiés aux écolespeut servir d’assise à notre ques-tionnement, laissant ainsi entrevoirla problématique de l’imputabilité :« Puisque la décentralisation rap-proche la prise de décision dupalier local, la personne qui prendles décisions est la personne impu-table. Décentralisation et redditionde comptes procèdent donc d’unemême logique de gestion; ainsi,l’enseignante ou l’enseignant qui ala possibilité de choisir son maté-riel, ses méthodes et approches ou

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DIRIGER ET RENDRE DES COMPTES :STABILITÉ…TRANSPARENCE…COMPÉTENCES…TABLE RONDE DE DIRECTIONS D’ÉCOLE SUR L’« OBLIGATION DE RÉSULTATS EN ÉDUCATION »par Mireille Jobin

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ses façons d’évaluer est aussi im-putable. »Pour Mme Sylvie Chénier, l’obligationde résultats sonne plutôt comme unappel à la recherche d’un coupableà qui attribuer une faute. Par con-séquent, elle craint qu’il ne s’agissed’une stratégie antipédagogiquesusceptible de générer une démoti-vation plutôt qu’une adhésion auxobjectifs de réussite du plus grandnombre d’élèves : « Il y aurait avan-tage à parler plutôt de corespon-sabilité au regard des moyens àmettre en place dans chaque école,compte tenu du projet éducatif etdes caractéristiques de la popula-tion scolaire locale. À ce propos,

puisque la mission éducative est deconduire chaque élève vers le déve-loppement optimal de ses potentia-lités, est-il cohérent que le Ministèrene semble s’intéresser qu’à lamesure quantitative des résultatsdes élèves? »

LES CIBLES DE LA REDDITION

DE COMPTES

Au sujet de ce questionnement, lamajorité des participants perçoit eneffet que le ministère de l’Éducationévalue le réseau des écoles par leseul aspect du rendement des élèves.M. Robert Labbé s’interroge quantaux nouvelles données qu’il seraitpossible de recueillir par l’utilisa-tion d’un type de gestion axé sur

l’obligation de résultats : « Actuelle-ment, plusieurs indicateurs tradition-nels sont disponibles : les résultatsdes élèves en pourcentage; les tauxde réussite aux épreuves uniques; la diplomation par commission sco-laire et par école, après 5, 6 ou 7 ans d’études au secondaire; lesretards accumulés en 1re secon-daire (donc des données se rappor-tant aux élèves du primaire); lenombre de sorties sans diplôme; lesindices socioéconomiques, etc.Quelles seraient donc les cibles de lareddition de comptes dans le cadred’une obligation de résultats? »Et tous de s’interroger égalementsur ce que l’instance à qui l’on ren-

dra des comptes ferait de ce nou-veau contenu.Pour la plupart des directionsd’école, les objectifs fixés en avantpar le Ministère sont clairs. Defaçon très succincte, il s’agit d’amé-liorer la qualité des apprentissageset d’augmenter la persévérance sco-laire et la diplomation, bref d’assu-rer la réussite éducative du plusgrand nombre de jeunes. Rendredes comptes n’est pas nouveau : laplanification annuelle, les plansd’action sur la réussite éducative,l’attribution d’allocations spéci-fiques, la mise en œuvre de poli-tiques d’évaluation ou d’apprécia-tion du rendement du personnel

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ROBERT CÉRÉÉCOLE SECONDAIRE MARIE-ANNE

COMMISSION SCOLAIRE DEMONTRÉAL

SYLVIE CHÉNIERÉCOLE DE L’ESCALADE

COMMISSION SCOLAIRE DES DRAVEURS

FRANCINE PELLETIERÉCOLE PRIMAIRE NOTRE-DAME-DES-VICTOIRES, COMMISSION

SCOLAIRE DE MONTRÉAL

MARIE ROBERTÉCOLE SECONDAIRE SACRÉ-CŒUR

COMMISSION SCOLAIRE VAL-DES-CERFS

CLAUDE POTVINACADÉMIE LAFONTAINE

PATRICIA MOFFAÉCOLE SECONDAIRE LESTER-B.

PEARSON, COMMISSION SCOLAIREENGLISH-MONTREAL

ROBERT LABBÉCENTRE ÉDUCATIF SAINT-AUBIN

COMMISSION SCOLAIRE DECHARLEVOIX

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comportent cette obligation et ontpermis le développement des habi-letés relatives à ce processus.

ET L’ASPECT QUALITATIF?Comme plusieurs de ses collègues,Mme Marie Robert déplore le faitque les conventions collectives et lastructure financière des écoles neviennent pas appuyer la logique dela décentralisation et de la respon-sabilisation; de façon générale, onsouhaite l’émergence d’indicateurs,de moyens et d’outils de naturequalitative qui serviraient à d’autresfins qu’à comparer les écoles entreelles ou à publier un palmarès desécoles dites performantes.Somme toute, les participantes etparticipants se disent d’accord avecla reddition de comptes, mais pas àn’importe quel prix : il faut éviterque la gestion par résultats ne viennecompromettre l’esprit d’équipelaborieusement construit dans cer-tains milieux compte tenu des nom-breux départs à la retraite, de lamobilité du personnel, etc.) et sur-tout, à la suggestion de Mme Robert,« …que le Ministère n’évalue pastoutes les écoles sur une même basede réussite, tenant compte ainsi dela diversité des clientèles et desmandats pédagogiques de chacundes milieux; mentionnons, parexemple, la scolarisation des élèvesen ISPJ et leur intégration réussieau monde du travail qui ne faitl’objet d’aucune attention spéci-fique alors que le calcul du tauxd’obtention d’un diplôme des élèvesdu secondaire régulier est large-ment publié et commenté ».La direction d’école est la seuleinstance qui puisse donner du sensà toutes les dimensions de l’évalua-tion de son milieu, mais elle ne peutêtre considérée comme le seulintervenant concerné par la reddi-tion de comptes, étant donné lecadre légal réglementaire actuel etl’éventuelle professionnalisation del’enseignement.

QU’EST-CE QUI RESSORTDE VOS EXPÉRIENCESPERSONNELLES RELATIVEMENTÀ LA GESTION PAR RÉSULTATS?En réponse à cette question, plu-sieurs participants disent éprouver

un profond malaise. Selon M. Labbé,« le réseau scolaire fait l’objet depratiques statistiques qui découlentdes approches normatives tradition-nelles, alors que les milieux con-sacrent de plus en plus d’efforts àl’adoption de mesures critériellesd’évaluation ». D’autres ont remar-qué qu’il y a souvent, au secon-daire, de grandes variations dansles caractéristiques des cohortesd’élèves d’une année à l’autre; cesdifférences sont à ce point sensiblesque, de l’avis de M. Céré on peutd’ores et déjà formuler une pre-mière condition à l’implantationd’un mode de gestion par résultats :les cibles de l’évaluation doiventêtre étalées dans le temps.Au primaire, on souhaite égalementque le temps et d’autres facteursparticuliers soient pris en consi-dération. À ce propos, Mme Chéniers’interroge sur le fait que lesépreuves uniques continuent d’êtreadministrées dans les écoles quisont au tout début de la phase d’im-plantation de la réforme.

QUELQUES FAUSSES NOTES…Les données statistiques tracentsouvent des portraits de la situationdont on peut douter du réalisme oudont on déplore les effets sur lesparents. Par exemple, un établisse-ment d’enseignement privé scola-risant plus de mille élèves est classéau dernier rang d’une région don-née : son taux de réussite est de 97 p. 100, alors que l’école quiobtient le premier rang, dans cemême réseau, affiche un taux de100 p. 100 pour une populationd’environ 150 élèves. En analysantles causes de cet écart de 3 p. 100,les intervenants ont cerné l’échec dedeux élèves à une épreuve unique.Pourtant, l’école avait porté publi-quement durant une année un clas-sement provincial qui ne rendaitpas compte des succès réels desjeunes qui la fréquentaient.On signale aussi que les résultatsdes élèves d’une école primaireclassée l’an dernier parmi les plusperformantes ont chuté de 20 p. 100pour l’année en cours. Hypothèsed’interprétation : l’école est deve-nue un lieu où sont concentrés les

services adaptés aux élèves en dif-ficulté.Dans une autre école secondaire depremier cycle, la statistique minis-térielle a fait état de 100 p. 100d’élèves décrocheurs. La direction arevendiqué la possibilité de s’ap-puyer sur ses propres statistiquespour produire son plan de réussiteéducative, alléguant que la métho-dologie utilisée (l’âge des élèves enl’occurrence) ne pouvait être leseul facteur à considérer dansl’analyse du rendement des élèvesde son milieu.Mais il peut arriver aussi que l’on seréjouisse d’un scénario dans lequelune école secondaire, à cause d’unelégère variation de ses résultats, aitgagné plus de 250 places dans lepalmarès provincial…Les expériences de chacun et dechacune témoignent de l’obligationde constituer ses propres statis-tiques plutôt que de se fier aux don-nées issues des instances supérieures.Cet état de fait renforce la sugges-tion précédente de M. Céré selonlaquelle l’engagement des écolesdans le choix des cibles de l’évalua-tion devrait être encouragé de mêmeque l’étalement dans le temps dessessions de mesure statistique, pourautant que l’on maintienne l’utilisa-tion des outils actuels. Enfin, lesdirections croient à la nécessité dedévelopper des instruments quiportent sur les aspects qualitatifs de la réussite des jeunes et quiprendraient en compte les diversfacteurs qui conditionnent leursuccès.

AU DÉBUT DE NOTREENTRETIEN, VOUS AVEZ FAITALLUSION À LA PARTICIPATIONINDISPENSABLE DESENSEIGNANTS AU PROCESSUSDE REDDITION DE COMPTES.DOIT-ON COMPRENDRE QUEVOUS PRIVILÉGIEZ UNEIMPUTABILITÉ D’ÉQUIPE?CELLE-CI PEUT-ELLE SECONCEVOIR AUTREMENTQU’INDIVIDUELLEMENT?De l’avis de M. Claude Potvin, « … que ce soit par le truchementde la supervision pédagogique, de

la politique d’appréciation du ren-dement du personnel ou des plansd’action sur la réussite éducative,les enseignants s’expliquent déjàquant aux moyens, outils, approcheset stratégies qu’ils et elles utilisentquotidiennement. » Au primaire,cependant, on peut difficilementparler de reddition de comptesportant sur les résultats des élèvescomme tels, particulièrement dansle contexte de la mise en œuvred’une réforme. Cependant, tousconviennent que l’analyse des résul-tats des élèves et la reddition decomptes se sont développées et sepratiquent davantage en adaptationscolaire.Au secondaire, plusieurs affirmentavoir les instruments nécessairespour obtenir auprès des enseignantsles explications relatives au rende-ment de leurs groupes d’élèves.Dans ces cas, il existe, selon M. Céré,des conditions facilitantes : le titu-lariat, la constitution d’équipes deniveau, etc. Au primaire, les équipes-cycles issues de la réforme offrentdéjà des perspectives intéressantes.Mme Pelletier les considère commeune mini-instance devant regroupernon seulement les enseignants maisaussi les professionnels des serviceséducatifs et complémentaires.M. Labbé signale les difficultés quepose le libellé de la tâche des ensei-gnants dans la convention collectiveactuelle : « La formulation qu’on yretrouve inscrit les attributions dansun cadre trop rigide, laissant ainsipeu de latitude à la responsabilisa-tion et à la professionnalisation dela fonction. »Selon M. Potvin, il est plus difficilede responsabiliser une équipe quedes individus au regard de leursmatières, de leurs groupes et desrésultats de leurs élèves : « L’impu-tabilité se conçoit individuellementet la reddition de comptes devraits’actualiser essentiellement auprèsde la direction pédagogique del’école et non auprès du conseild’établissement. »

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QUELLES SERAIENT LESCARACTÉRISTIQUES D’UNPROCESSUS DE REDDITIONDE COMPTES « CORRECT »,C’EST-À-DIRE QUIRESPECTERAIT À LA FOISL’OBLIGATION DU MINISTÈREDE SUIVRE L’ÉVOLUTION DUSYSTÈME SCOLAIRE, LE RÔLEDES COMMISSIONS SCOLAIRES,LES POUVOIRS CONFIÉS AUXÉCOLES ET L’AUTONOMIEPROFESSIONNELLE DESENSEIGNANTS?De l’avis des participants, la pre-mière étape d’un processus « cor-rect », au sens éthique du terme,c’est de s’assurer qu’il résulte d’unengagement des personnes concer-nées dès le stade de son élaborationet tout au long de sa mise en œuvre.À ce propos, M. Labbé suggère quele ministre de l’Éducation pourraitse doter d’une table multipartiteregroupant des représentants desgroupes concernés par l’obligationde résultats : « Il faudra surtoutéviter de développer un concepthors du lieu de son actualisation. »Ce nouveau concept doit être arti-culé de façon claire, prévoir pourles intervenants la possibilité dechoisir des cibles, comporter desbalises d’interprétation et, à l’issuede son déroulement, éviter touteréférence à l’ordre des sanctionsdécoulant des résultats obtenus.Devant la complexité d’un tel pro-jet, il s’agit de ne pas tirer danstoutes les directions à la fois, d’oùl’importance du choix des cibles dela reddition de comptes et desdélais à consentir pour atteindre lesrésultats anticipés (facteur temps),tel que mentionné précédemment.En résumé, la table des directionsreconnaît au ministre le droit d’im-poser des orientations. « Pour cefaire, il nous suffit d’évoquer que leministre de l’Éducation est lui-mêmeimputable des activités éducativesdu réseau scolaire québécois auprèsde la population qui l’a élu et auprèsdu parti qui lui a confié la directiond’un ministère », rappelle M. Potvin.Toutes et tous insistent sur l’impor-tance de ne pas succomber à unsentiment d’urgence. Nous serions

dès lors autorisés à penser que lamise en œuvre de la gestion parrésultats obéit à des considérationspolitiques plutôt que pédagogiques.

L’OBLIGATION DE MOYENS

PAR RAPPORT À L’OBLIGATION

DE RÉSULTATS

En ce qui a trait aux pouvoirs desécoles, plusieurs directions sou-haitent que l’on réfléchisse à l’obli-gation de moyens plutôt qu’àl’obligation de résultats et que l’ondésigne des personnes qui exami-neront le concept de responsabilitécollective dans le milieu éducatif.Cette recommandation formuléepar Mme Chénier se justifie par le faitque certaines directions estimentêtre davantage responsables de « tout mettre en œuvre » pour assu-rer la réussite des élèves, eu égardaux ressources humaines et finan-cières dont elles disposent et auxbalises que constituent les conven-tions collectives. Tous les partici-pants conviennent que la redditionde comptes des cadres scolaires nepeut englober tous les facteurs quiconditionnent les résultats desélèves.Enfin, selon Mme Pelletier, « un pro-cessus de reddition de comptes doitpouvoir s’appuyer sur le profes-sionnalisme des enseignants quidémontrent un intérêt certain pouraméliorer les résultats de leursélèves, qui tiennent leurs connais-sances à jour et qui assument indi-viduellement leur développementprofessionnel au moyen de la for-mation continue ».

EXISTE-T-IL UNE « CULTUREDE L’ÉVALUATION » CHEZLES ENSEIGNANTES ETENSEIGNANTS DEVOTRE MILIEU?Si, par culture de l’évaluation, onentend le fait d’examiner en équipeles résultats des élèves, de s’inter-roger sur les facteurs qui les ontconditionnés, de formuler deshypothèses d’action, de les réa-juster en cours de route et même dedégager de cette activité systéma-tique ses propres besoins de per-fectionnement, de telles opérationsprennent place dans leur école,mais il ne s’agit pas d’un automa-

tisme. Ces tâches sont habituelle-ment assumées par la direction del’école qui les porte à l’attention desenseignants en fonction d’un calen-drier annuel de gestion qui varied’un milieu à l’autre. Ce constatn’exclut pas le fait que certainsenseignants démontrent un grandintérêt pour ce type de préoccu-pation et entreprennent indivi-duellement de telles activités. Tousaffirment qu’on doit tendre vers cetobjectif et que la réforme peut êtrevue comme un moyen privilégié d’yparvenir.Plusieurs participants souhaitentque chaque école se dote d’unestructure propre pour examiner lesproblèmes, mais à leur avis, elle nedevrait pas se limiter aux résultatsdes élèves. « L’ensemble de la vie del’école doit être considéré, notam-ment sa mission de socialisation »,ajoute Mme Robert. Pour d’autres,les journées pédagogiques offrentd’intéressantes occasions d’échangeavec les enseignants lorsque leurdéroulement est planifié par niveau.Quelques-uns privilégient égalementces rencontres non seulement à lafin des étapes mais à tous les cyclesde 9 jours ou moins, selon le cas.Au primaire, on constate en généralque le fait, pour l’enseignant, des’interroger sur les performancesde l’élève, de planifier et d’évaluersa pratique pédagogique est systé-matique lors du passage primaire-secondaire (élèves de 6e année) etpour les EHDAA (élèves handicapésou en difficulté d’adaptation oud’apprentissage). Les approchesretenues à l’égard des EHDAA (dansla Loi sur l’instruction publique etdans les règlements de chaque com-mission scolaire) ciblent chaquejeune individuellement.

LE CHEF DE GROUPE : UN ATOUT

« Au secondaire, l’émergence d’uneculture de l’évaluation au sein deséquipes-écoles pourrait être faci-litée, par exemple, par le retour deressources telles que les chefs degroupe », propose M. Céré. Cesenseignants, dont l’expertise péda-gogique a été dans le passé et pour-rait être encore aujourd’hui recon-nue par les pairs, pourraient mettreleur expertise au service de leurs

collègues et contribueraient assuré-ment à introduire les nouvellesstratégies et approches qui serontofficiellement mises en œuvre parla réforme, vers 2003. Outre le faitque cette tâche constitue en soi unepréparation pertinente à la fonctionde direction d’école (où le pro-blème de relève se pose déjà), tra-vailler en sous-équipe à la planifi-cation de l’évaluation et à l’analysedes résultats des élèves, et ce, avecun pair chef de groupe, est consi-déré comme étant moins menaçantet plus professionnalisant au regardd’une obligation de résultats.D’autres moyens pourraient êtredéterminants dans l’émergenced’une culture de l’évaluation favo-risant ce nouveau type de gestion :la formation de groupes d’élèvesfixes, le titulariat, l’attribution deplus d’une matière aux enseignanteset enseignants du secondaire, l’éta-blissement de sous-équipes, etc. « Dans ce dernier cas, il peut sem-bler qu’il soit plus facile d’assurerla cohérence de l’action, avec detels groupes, mais la prudence estde mise, car ils peuvent générerparfois une dilution des respon-sabilités individuelles », rappelle M. Potvin.

QUEL SERAIT LE PROFILD’UNE DIRECTION D’ÉCOLEAPPLIQUANT UN PROCESSUSEFFICACE DE REDDITION DECOMPTES DANS LE CADRED’UN TYPE DE GESTION AXÉSUR L’OBLIGATION DERÉSULTATS?Plusieurs préféreront interpréter laquestion sous l’aspect de « condi-tions gagnantes » ou facilitantes.Ainsi, quelques caractéristiques defonctionnement ou encore certainescibles d’action de la direction sontperçues comme des moyens defavoriser et de soutenir le déve-loppement d’une culture de respon-sabilisation dans leur milieu.Selon Mme Chénier, « certains de cesmoyens peuvent donner de bonsrésultats dans une école donnée etne pas être efficaces dans une autre,chaque établissement ayant, luiaussi, sa propre “ culture ” organisa-tionnelle ou collective ».

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Voici les principales idées mises enrelief par les participants et lesparticipantes au cours de cette tableronde :• Favoriser les projets qui contri-

buent à créer une identité forte et à développer un sentimentd’appartenance à l’école : soirée-hommage aux élèves scolarisésantérieurement; affichage de pho-tos des enseignants ou des diplô-més de telle ou telle décennie;dîner-causerie dont le conféren-cier ou la conférencière serait unpersonnage public ayant fréquen-té l’école, etc.

• Privilégier un mode de gestionqui responsabilise de petitesunités sur des objets précis dereddition de comptes (une écoledans l’école).

• Encourager et négocier au besoinla stabilité des équipes de direc-tion et des équipes-cycles chez lesenseignantes et enseignants.

• Avoir une vision claire de sesobjectifs et s’assurer de l’adhé-sion et de la complicité de celleset ceux qui s’efforcent de lesatteindre.

• Comprendre le rôle des instanceset le valoriser auprès des ensei-gnantes et enseignants.

• Jouer son rôle : indiquer la direc-tion à suivre.

• Prendre position, se tenir debout.• Avoir des valeurs et des croyances,

et en témoigner par ses gestes etson discours.

• Être constant, équitable, acces-sible, ouvert.

• Avoir une santé de fer et le sensde l’humour.

• Faire preuve de leadership et detransparence, savoir prendre durecul et savoir dire non.

• Connaître ses élèves, son milieu,ses dossiers, les problématiquesde sa région.

• Mettre à jour ses compétences.La rédaction remercie les directionsd’école qui se sont volontiersprêtées à cet exercice d’anticipationet souhaite que leurs réflexionssuscitent des discussions aussiéclairantes dans tout le réseau sco-laire québécois.Mme Mireille Jobin est consul-tante en éducation.

P ourquoi pas en acceptant,tout d’abord, de jeter unregard sur son milieu afin

d’en cerner les forces et les fai-blesses, comme le font les nom-breuses écoles qui participent auprojet d’évaluation de l’environ-nement socioéducatif des écolesprimaires et secondaires proposépar une équipe de recherche del’Université de Montréal? L’objectifde cette équipe, précise M. MichelJanosz, directeur du projet1, pro-fesseur à l’École de psychoéduca-tion de l’Université de Montréal etdirecteur scientifique du Centre derecherche et d’intervention sur laréussite scolaire (CRIRES), est deconstruire et de valider, en associa-tion avec le milieu scolaire, deuxversions (une pour le primaire etune autre pour le secondaire) d’unquestionnaire qui permettrait àl’équipe-école d’évaluer « le poten-tiel éducatif de l’environnementscolaire », autrement dit de voir si le climat qui règne à l’école estfavorable aux apprentissages sco-laires et sociaux des élèves.Nous ne connaissons pas le but visépar chacune des dix-huit écoles pri-maires et de la centaine d’écolessecondaires engagées dans ce pro-jet, mais nous croyons que pourcertaines d’entre elles, répondre auquestionnaire pourrait bien cons-tituer le premier pas d’une démarched’amélioration continue. C’est dumoins ce que nous avons perçudans les propos des personnes de laCommission scolaire Marguerite-Bourgeoys que nous avons eu leplaisir de rencontrer en compagniede M. Janosz. Il s’agit de Mme VivianeO’Neill, directrice de l’école pri-maire Paul-Jarry, à Lachine, de M. Robert Daigle, directeur del’école secondaire Saint-Germain-de-Saint-Laurent, de M. Jean Cardin,enseignant à l’école secondaireÉmile-Legault, ainsi que de M. DenisLeclerc, psychoéducateur à l’écoleÉmile-Legault et responsable de la

mise en œuvre du projet dansl’ensemble de la Commission sco-laire.

UN QUESTIONNAIRECONSTRUIT AVEC RIGUEURAnimée par la préoccupation d’of-frir aux écoles un instrument d’éva-luation de qualité qui les aiderait àprévenir les problèmes qui ont uneincidence sur la réussite des élèves(violence, absentéisme, drogue,indiscipline, etc.) et à intervenir àbon escient, l’équipe de recherche aretenu trois composantes de l’envi-ronnement socioéducatif de l’école :le climat scolaire, les pratiqueséducatives, les problèmes scolaireset sociaux. Le climat scolaire estexaminé sous cinq aspects : le cli-mat relationnel, le climat éducatif,le climat de sécurité, le climat dejustice et le climat d’appartenance.Plusieurs catégories de pratiqueséducatives sont explorées dont l’en-cadrement des élèves, l’accent missur la réussite des élèves, le systèmede reconnaissance, la qualité del’enseignement, le temps qu’on yconsacre, les occasions d’investis-sement scolaire et parascolaire, laparticipation des parents et le lea-dership éducatif de même que lestyle de gestion de la direction. Lequestionnaire permet d’explorerdeux types de problèmes, ceux quirelèvent de la scolarisation propre-ment dite : indiscipline, motivationet rendement, et ceux qui touchentla socialisation en général : violenceentre élèves, entre élèves et ensei-gnants, entre élèves d’ethnies diffé-rentes, consommation et vente depsychotropes2.Au secondaire, tous les élèvesrépondent au questionnaire et lesrésultats sont disponibles par éche-lon, alors qu’au primaire, seuls les élèves de 4e, 5e et 6e année yrépondent et les résultats remis àl’école sont ceux de l’ensemble desélèves seulement. Tous les adultesde toutes les catégories de person-

nel répondent au questionnaire.Soixante-quinze pour cent des ques-tions sont les mêmes que celles quisont posées aux élèves. L’informa-tion collectée porte sur les percep-tions des personnes par rapportaux diverses composantes de l’en-vironnement socioéducatif ainsi que sur l’agir. Les faits permettentde pondérer les perceptions. Parexemple, les élèves peuvent consi-dérer qu’il y a beaucoup de vio-lence à leur école, alors que lesfaits montrent qu’il y a très peu devictimes. Modifier la perception desélèves en ce qui concerne la sécu-rité à l’école n’entraîne pas lemême type d’actions que s’il y avaitvraiment beaucoup de victimes etqu’il fallait renforcer les mesuresde sécurité.L’analyse des réponses fournit unportrait de l’environnement socio-éducatif avec ses zones de force etde vulnérabilité, ainsi que des pistesd’action. Le questionnaire sert àévaluer la situation; il n’est pas unoutil d’intervention à proprementparler, mais il peut susciter desréflexions et même des actions. Il peut être le point de départ d’unprocessus; il appartient à chaqueécole d’utiliser ou non l’informa-tion obtenue.Pensé d’abord pour le secondaire, leprojet de recherche a débuté en 1999.À l’automne 2001, 65 000 élèves et adultes d’une centaine d’écolessecondaires de différentes régionsdu Québec avaient été rejoints. Laversion pour le secondaire est main-tenant définitive, alors que celle quia été adaptée pour le primaire a étémise à l’essai en 2000-2001 dansdix-huit écoles de deux régions duQuébec. La validation des question-naires se poursuit cette année dansune centaine d’écoles primaires dediverses régions. Subventionné parle Centre national de prévention ducrime, ce projet bénéficie égale-ment du soutien du ministère del’Éducation, de la Direction de la

AMÉLIORER SES RÉSULTATS, OUI. MAIS COMMENT?par Luce Brossard

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santé publique de la Montérégie etde celle de Montréal-Centre ainsique d’autres organismes qui sepréoccupent du développementsocial des jeunes3.

DES ÉCOLES QUI PRENNENTLE RISQUE DE SE REGARDERQu’est-ce qui peut motiver des écolesà participer à un projet d’évaluationde ce type? À la Commission scolaireMarguerite-Bourgeoys, quatorzeécoles secondaires sur dix-sept etsix écoles primaires l’ont fait libre-ment. Ont-elles été séduites par lespropos convaincants des concep-teurs du projet ou y ont-elles vu uneoccasion de développement à nepas rater? Pour sa part, M. Daigleaffirme qu’il a été immédiatementintéressé par la démarche lorsqu’ellea été présentée aux directeurs etdirectrices d’école au cours d’unede leurs réunions. Occupant depuisà peine un an le poste de directeurde l’école secondaire Saint-Germain-de-Saint-Laurent, il s’était fait uneidée de l’école, mais il n’était pascertain que tous partageaient saperception et il jugeait qu’il seraitavantageux que tous les adultes del’école fassent une même lecture dela réalité. Sa seule inquiétude por-tait sur la confidentialité des résul-tats. Pour rien au monde, il n’auraitvoulu se retrouver devant un nou-veau palmarès des écoles. Sa petiteécole, qui reçoit environ 425 élèvesde 1re et de 2e secondaire, est situéedans un milieu fortement multicul-turel. Cette inquiétude était d’ailleurspartagée par Mme O’Neill, qui dirigeune école en milieu défavorisé. Lesgaranties de confidentialité qu’onleur a données les ont satisfaits. Eneffet, comme l’indique M. Leclerc, àpart lui, à sa commission scolaire,personne n’a en main les résultatsde toutes les écoles participantes.Lorsqu’il reçoit la compilation desrésultats, il en fait l’analyse et pré-sente à chaque école les donnéesqui la concernent. Chaque école adésigné un ou une responsable,généralement une professionnelleou un professionnel non enseignant,pour coordonner l’opération, lequelou laquelle a reçu une formationd’une journée ou deux. La plupart

des écoles ont aussi formé uncomité de travail auquel participeun membre de chaque catégorie depersonnel et parfois même un ouune élève.L’idée de voir ses perceptions con-firmées ou infirmées par un moyenobjectif plaisait à Mme O’Neill. Ayantun service de garde à son école, elleappréciait grandement le fait quel’enquête touche toutes les catégo-ries de personnel. De plus, l’évalua-tion de l’environnement socioédu-catif pouvait favoriser la réalisationd’un autre projet auquel quatreécoles de Lachine, dont la sienne,participent, puisque les quatreécoles en question ont décidé derépondre au questionnaire.Quant à l’école secondaire Émile-Legault, qui reçoit les élèves de 3e,4e et 5e secondaire, M. Jean Cardinremarque que le projet arrivait àpoint puisqu’elle était justementdans une période de remise enquestion. En effet, l’équipe-écoleréfléchissait depuis quelquesannées sur sa façon de créer unmeilleur climat éducatif, de sorteque l’offre de tracer un portrait del’école a été très bien reçue par lepersonnel réuni en assemblée géné-rale. On y a vu un outil qui pourraitpeut-être fournir des pistes pouraméliorer la qualité de l’environ-nement.Dans les deux écoles secondaires,les enseignants et les enseignantesont répondu au questionnaire aucours d’une assemblée générale etl’ont fait remplir par leurs élèves enclasse. À l’école primaire, pour évi-ter de créer des situations tenduesou d’influencer les élèves, les ensei-gnants et les enseignantes n’ont pasfait passer le questionnaire à leurspropres élèves; ils ont changé declasse. Quant à eux, ils y ont répon-du à l’école, une journée où ladirectrice était absente et où la plu-part des membres du personnelétaient présents; les autres l’ont faitchez eux. L’équipe de recherchesouhaitait que, dans la mesure dupossible, le personnel réponde enmême temps au questionnaire.Dans les trois écoles, les membresdu personnel ont bien perçu larigueur et le sérieux avec lesquels

l’opération était menée, ce qui nepouvait que favoriser l’acceptationsans réticences des résultats.

DES RETOMBÉES CONCRÈTESNous nous attardons ici à ce quis’est passé dans les deux écolessecondaires parce que, au momentde notre rencontre, le comité del’école de Mme O’Neill venait toutjuste de recevoir les résultats ets’interrogeait sur la meilleure façonde les présenter à l’ensemble dupersonnel. Il faut dire que l’infor-mation qui ressort de l’enquête estabondante et qu’il importe d’éviterde submerger l’équipe de donnéeséparses. Ce ne sont pas nécessaire-ment les résultats isolés qui sontintéressants, mais les schèmes quis’en dégagent.À l’école secondaire Saint-Germain-de-Saint-Laurent, élèves et person-nel ont répondu au questionnaireen février 2000. Les résultats sontarrivés en mai et, immédiatement,le comité composé d’un représen-tant de chaque catégorie de person-nel a été formé et a insisté pourprésenter sans tarder les résultats àl’ensemble du personnel. La déci-sion a alors été prise d’établir despriorités d’action avant la fin del’année. Aussi, en juin, le personneldivisé en équipes a-t-il déterminéles pistes qu’il voulait explorer enaoût. L’équipe-école a choisi de tra-vailler à améliorer le climat desécurité à l’école et a élaboré à ceteffet, au mois d’août, un plan d’ac-tion qui précisait des interventionscollectives pour améliorer la percep-tion que les élèves ont de la sécuritéen général, améliorer la sécuritédans les lieux les plus probléma-tiques et faire en sorte que l’élèvesente que l’adulte s’impose en toutecirconstance. De plus, chaquemembre du personnel était invité ày ajouter des actions individuelles.À la fin de l’année 2000-2001,l’équipe a évalué l’effet de ses inter-ventions et en a établi un bilan positif.Constatant les progrès accomplis,l’équipe-école a voulu maintenir lecap sur l’amélioration du climat desécurité pour ne pas perdre les ac-quis en ajoutant, pour 2001-2002,des actions pour augmenter le sen-

timent d’appartenance. Selon RobertDaigle, « le fait d’agir rapidementaprès la réception des résultats adonné à l’équipe-école une erred’aller qu’elle n’a pas perduedepuis ».À l’école secondaire Émile-Legault,c’est plutôt l’amélioration du senti-ment d’appartenance qui a été rete-nue comme priorité. Aussi a-t-oncréé un comité « qualité de vie »formé de représentants de tous lesgroupes de l’école. Ce comité sepréoccupe de bonifier l’environ-nement sur plusieurs plans afin queles élèves se sentent bien accueillisà l’école et qu’ils la perçoiventcomme leur école. On a ensuite misen place un système de reconnais-sance et de valorisation des bonscoups des élèves. Ainsi, chaque mois,les enseignants et les enseignantesdoivent s’arrêter, jeter un regardsur tous leurs élèves pour désignerceux et celles qui se sont démar-qués par leurs efforts, leur cons-tance au travail, leurs résultats ouleurs progrès. Les critères retenussont nombreux parce qu’on veutsouligner le travail d’un grandnombre d’élèves. Les élèves choi-sis sont invités à rencontrer lesmembres de la direction qui ontainsi la chance de reconnaître lesélèves pour ce qu’ils font de bien etnon seulement pour leurs compor-tements inappropriés.Toujours dans l’optique de créer unsentiment d’appartenance, l’écoleÉmile-Legault, en collaboration avecles Fonds Jeunesse, ouvre ses portesde 15 h 30 à 17 h et offre des coursde natation, d’animation de terrainde jeux, de premiers soins, de danse,etc. Et ce n’est pas fini, parcequ’après avoir effectué un sondageauprès des élèves, l’école entendleur offrir des activités parascolairespendant la semaine de relâche et lesjournées pédagogiques. Plus encore,elle se propose d’inviter les élèvesde 5e et de 6e année du primaire àvenir pendant les journées péda-gogiques participer à des activitésanimées par les jeunes de 4e et 5e secondaire inscrits aux coursd’animation de terrain de jeux; elleoffre ainsi à ces derniers une occa-sion de réinvestir leurs acquis et

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espère également modifier la per-ception quelque peu négative que lemilieu a de l’école secondaire.Pour ces deux écoles secondaires,les retombées du projet d’évalua-tion de l’environnement socioédu-catif sont évidentes. La démarcheest bien engagée. Va-t-elle se pour-suivre? Et comment se situe-t-ellepar rapport à l’ensemble desdemandes adressées à l’école?

S’INSCRIRE DANSLA LONGUE DURÉERobert Daigle croit que la démarcheentreprise dans son école va conti-nuer parce que les progrès sontvisibles et que le sentiment d’avan-cer est bien présent. L’équipe-écoleconstate qu’elle a tout à gagner enélaborant un plan d’action. Il necraint pas d’affirmer que cettedémarche l’a même aidé, lui, commedirecteur, à mieux travailler à l’ap-propriation de la réforme parceque le chemin tracé par le travailcollectif effectué pour bâtir un pland’action a ouvert la voie et établiune façon d’aborder la réforme.Actuellement, un comité de pilotagede la réforme constitué sur le mo-dèle du comité du projet prépare leterrain, représente les membres dupersonnel et soumet le contenu àl’assemblée générale. De plus, si leprojet éducatif devait être réécrit,divers éléments des plans d’actionen feraient partie.Jean Cardin et Denis Leclerc, eux,sont convaincus que l’école ne peutplus reculer après ce qui a étéaccompli. Il est possible qu’aprèscinq ou six ans, les gens ne sesouviennent plus de l’origine detout ce qui a été mis en place, maisles acquis sont là pour rester,affirment-ils.Tant mieux si la démarche continueet si tous les aspects de l’environ-nement socioéducatif de l’écoles’en trouvent améliorés. Cependant,comment situer les actions visantl’amélioration du climat de sécuritéou du sentiment d’appartenancedans le paysage de l’obligation derésultats? Vont-elles augmenter laréussite de l’élève? Pour RobertDaigle, « le climat, c’est le bouillondans lequel tout mijote »; si le

bouillon est bon, le plan a deschances d’être meilleur. Jean Cardinconsidère qu’un meilleur climat nepeut que favoriser la réussite desélèves. Lorsque ses élèves de l’adap-tation scolaire arrivent en classeperturbés par un conflit qui a eulieu à la récréation, il ne peut pasles mettre immédiatement au tra-vail. Il doit prendre le temps de dis-cuter des événements avec eux.Il est difficile de mesurer l’effet duclimat de l’école sur la réussite desélèves, mais les acteurs de l’écolesemblent certains que son amélio-ration ne peut qu’être profitable enclasse. D’ailleurs, le fait que lesplans de réussite demandés auxécoles retiennent des indicateurs defin de parcours comme les résultatsscolaires ou le taux de décrochagerend souvent difficile l’établisse-ment de liens entre ces plans et ladémarche d’évaluation de l’environ-nement socioéducatif. Mais pourViviane O’Neill, ces liens doiventexister parce que son école, commed’autres, participent à plusieurs pro-grammes de soutien dont celui àl’école montréalaise, ce qui supposede nombreux plans d’action. Le pro-jet éducatif, les plans de réussite, leprogramme de soutien à l’écolemontréalaise, les programmes pourcontrer la violence, bref, toutes lesactions menées à l’école doiventêtre cohérentes. Il en est de mêmedes actions qui découleront del’évaluation de l’environnementsocioéducatif de l’école.

FAIRE UN PREMIERPAS ENSEMBLENous avons demandé à nos inter-locuteurs et interlocutrices s’ilsconsidéraient le questionnaire quileur a été soumis comme un outilutile. Oui, ont-ils affirmé, parce quece questionnaire leur fournit desrenseignements dont l’école a tou-jours besoin pour confirmer ouinfirmer des perceptions ou pourévaluer des actions. Par exemple,Viviane O’Neill a pu constater queles actions pour contrer la violencemises en œuvre à son école depuisquelques années n’avaient pas don-né tous les résultats escomptés. Lesenseignants et les enseignantes qui

croyaient que le sentiment d’appar-tenance était fort parce que leurécole est petite se sont aperçus quela réalité était quelque peu dif-férente. Même si, au dire de MichelJanosz, de façon générale les résul-tats ne suscitent pas de grandes sur-prises, il arrive que l’on fasse desdécouvertes étonnantes, commel’ont montré les réponses des élèvesqui trouvaient qu’on ne leur deman-dait pas assez de travail.De plus, le questionnaire est utileparce que, n’étant pas menaçantpour le personnel enseignant, ilfavorise une évaluation sereine.Personne n’est pointé du doigt, saufla direction qui doit être particu-lièrement solide pour accepter des’engager dans la démarche. Lecaractère confidentiel des résultatsassure que l’école ne sera ni com-parée ni classée. Comme le ditMichel Janosz, « l’humiliation pu-blique n’a jamais fait progresserpersonne ». On aime rappeler cettevérité lorsque les écoles ou le per-sonnel enseignant sont en cause,mais il serait bon de garder présentà l’esprit le fait qu’elle s’appliqueaussi aux élèves.Le questionnaire est également utilenon seulement parce qu’il permetd’intervenir pour redresser dessituations problématiques, maisaussi parce qu’il contribue à pré-venir une détérioration du climat.Par exemple, si un élève pense qu’ily a beaucoup de violence à l’écoleet que plusieurs jeunes possèdentdes armes, il risque de vouloir enapporter une pour se défendre, cequi ne fait qu’envenimer la situation.Enfin, et surtout, le questionnaireest utile parce qu’il permet àl’équipe-école de faire un premierpas ensemble sur un chemin quin’est pas tout tracé, mais qui peutdéboucher sur une volonté dechanger la situation.Cela dit, cet outil est-il différent detous ceux élaborés depuis la vagued’évaluation institutionnelle qui amarqué les années 70 jusqu’à laconstruction de l’Instrument d’au-toanalyse pour favoriser la réus-site à l’école secondaire qui acouronné les travaux sur les bonnesécoles des années 90. Oui et non.

Oui, en ce sens qu’il touche à la foisle primaire et le secondaire, et que,signe des temps sans doute, il metdavantage l’accent sur le diagnosticde problèmes graves : violence,drogue, etc. Non, parce que commeles autres instruments d’évaluation,il vise à tracer un portrait de la réa-lité qui peut être le point de départd’une démarche collective d’amé-lioration. Or, quel que soit l’aspectsur lequel une équipe-école choisitde travailler, une telle démarche nepeut qu’être bénéfique si elle sepoursuit assez longtemps.Nous savons toutefois que peud’écoles ont utilisé les outils mis àleur disposition dans le passé. Laconjoncture a-t-elle suffisammentchangé pour que, cette fois, tous lesacteurs de l’école acceptent de sepencher sur l’environnement socio-éducatif qu’ils offrent aux jeunes etcherchent ensemble la façon dontils pourraient le rendre meilleur? Il faut le croire puisque, comme onl’a vu, un grand nombre d’écolesont bien voulu faire le premier pasqui consiste à examiner sa situa-tion. Or, ne dit-on pas que c’est lepremier pas qui coûte le plus? Danstous les milieux, et peut-être à l’école plus qu’ailleurs, s’engagerdans une démarche de changementde ses pratiques requiert ce quePhilippe Meirieu a si justementnommé « le courage des commen-cements »4.Mme Luce Brossard est rédac-trice pigiste.

1. Le projet Questionnaire sur l’évaluationde l’environnement socioéducatif desécoles primaires et secondaires (QES)est codirigé par M. François Bowen avecla participation de M. Roch Chouinard etde Mme Nadia Desbiens, tous trois pro-fesseurs au Département de psychopéda-gogie et d’andragogie de l’Université deMontréal et membres du CRIRES.

2. Le modèle théorique sur lequel s’appuiele projet a été exposé par les chercheursdans un article publié en 1998 : JANOSZMichel, Patricia GEORGES et SophiePARENT. « L’environnement socioéducatifà l’école secondaire : un modèle théoriquepour guider l’évaluation du milieu »,Revue canadienne de psychoéducation,vol. 27, no 2, 1998, p. 285-306.

3. Pour plus de renseignements sur le pro-jet, vous pouvez communiquer avec lacoordonnatrice de l’équipe de recherche,Mme Christiane Bouthillier, par courriel([email protected]).

4. MEIRIEU, Philippe. La pédagogie entre ledire et le faire, Paris, ESF éditeur, 1995.

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I l suffit d’entrer dans l’école LaSource, de la Commission sco-laire des Draveurs, d’échanger

avec quelques intervenants et d’as-sister à diverses activités pour vitese rendre compte que l’engagementdes enseignants et enseignantes, la détermination et le soutien del’équipe de direction et l’implica-tion du conseil d’établissement sontles premiers indicateurs de l’actua-lisation d’une démarche pour laplus grande réussite de ses quelque515 élèves.C’est d’ailleurs dans un climatd’équipe que Monique Beaudoin,directrice, Denis Brazeau, Marie LeBourdais et Pierre Girard, ensei-gnants, Chantal Guérin, technicienneau centre d’aide, Danièle Côté,orthopédagogue ainsi que RachelleLaporte, parent, ont présenté, toutau long de l’entrevue, une démarcheconcrète ramenant à l’avant-scènele vécu pédagogique de l’école.À la lecture du plan de réussite del’école La Source, on a nettementl’impression que chaque élève quientre dans cette école y trouve, parle biais des diverses activités, uneforme de garantie de plein dévelop-pement, pour lequel toute l’équipe-école sert de filet de sécurité! Cetteorganisation pédagogique a été miseen œuvre pour satisfaire à l’obliga-tion de résultats inscrite dans leplan de réussite du ministère.Mme Beaudoin souligne que le planétabli pour 2001-2002 se définissaiten très grande partie par la recon-duction des mesures mises en placela première année. Il faut noter quel’équipe de direction de l’école LaSource a été complètement renou-velée. Pour cette nouvelle équipe,l’élaboration du plan de réussiteétait en quelque sorte une coursecontre la montre dont Mme Beaudoinrappelle les principales étapes :présenter le processus d’élabora-tion du plan au conseil des ensei-gnants; recueillir des commentairesauprès de l’ensemble des membres

de l’équipe-école; mettre en placeun comité ad hoc pour l’élabora-tion du nouveau plan de réussite àpartir de l’évaluation de chaquemesure du plan de l’année pré-cédente; soumettre la version préli-minaire du plan pour commen-taires au conseil d’établissement, aucomité des partenaires ainsi qu’auxmembres de l’équipe-école; enfin,rencontrer l’équipe et effectuerquelques dernières corrections avantde soumettre le plan pour obtenirl’approbation officielle du conseild’établissement et du comité despartenaires.

UNE ÉVALUATION INTÉGRÉEMme Beaudoin précise que si lescritères quantitatifs mesurent bienles cibles et les taux, en ce qui con-cerne plusieurs des mesures, il fauttoutefois s’appuyer sur l’observa-tion et le vécu. Elle ajoute qu’il y aégalement dans le plan de réussitedes objectifs à plus long terme etque tout n’est pas quantifiable. Ellesouligne que ce qui la rassure est lefait qu’on se réajuste régulièrementen corrigeant ce qui ne va pas.L’évaluation se fait au quotidien, ense demandant si l’on a observéquelque chose de particulier et sil’on doit se réajuster. Cette façon defaire permet de constater les pro-grès des élèves. Mme Danièle Côté,orthopédagogue, particulièrementpréoccupée par la situation des

élèves en difficulté, souligne qu’ilfaut se donner le temps de s’appro-prier le plan de réussite, de prendrele temps de le vivre et de permettreaux mesures de rapporter les divi-dendes. Selon Mme Beaudoin, il estimportant de faire de la régulationproactive, interactive et rétroactiveet, tout comme il faut respecter lerythme de l’élève, il faut aussi tenircompte de la cadence d’implanta-tion des mesures.

UNE PERSPECTIVE« PROFESSIONNALISANTE »Selon Denis Brazeau, le fait de mettrepar écrit les objectifs, les moyens et quelques indicateurs de perfor-mance, est utile pour évaluer ladémarche et l’atteinte des objectifsproposés. Plusieurs de ces objectifset moyens étaient présents aupara-vant, mais ils étaient moins bienstructurés. Selon Pierre Girard, lastructure du plan de réussite vientaider à préciser ce que l’on faitdéjà. Quant à Marie Le Bourdais,elle voit également le plan de réus-site comme un outil qui permet deconstater qu’on devient de plus enplus compétent à différencier notrepédagogie pour aider nos élèves.Pour Denis, Pierre et Marie, la forcedu plan de réussite de l’école LaSource, c’est d’être « leur plan »,dans lequel ils se sentent vraimentsoutenus par la direction et lesparents du conseil d’établissement.

À L’ÉCOLE LA SOURCE : LE PLAN DE RÉUSSITE ET L’OBLIGATION DE RÉSULTATS, UNE DÉMARCHE QUOTIDIENNEpar Adèle Gourd

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DE GAUCHE À DROITE : DENIS BRAZEAU, MARIE LE BOURDAIS, DANIÈLE CÔTÉ, CHANTAL GUÉRIN, RACHELLE LAPORTE ET PIERRE GIRARD.

À L’AVANT : MONIQUE BEAUDOIN ET CÉLINE LACROIX

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À MI-CHEMIN DE LA DEUXIÈMEANNÉE : DES RETOMBÉES DANSLA PRATIQUE PÉDAGOGIQUE!Les enseignantes et les enseignantsnous disent que les liens directsentre le plan de réussite et leur pra-tique ne sont pas très évidents, maisils mentionnent que c’est davantagela prise de conscience plus accruedes besoins de réussite des jeunesqui les rend plus alertes face aux apprentissages de leurs élèves. « Nous croyons être plus auxaguets tant de la réussite de nosélèves que d’une réelle pratiqueréflexive. » Il est également pos-sible de faire quelques liens, neserait-ce qu’à partir de la motiva-tion des élèves dans les ateliersinscrits à la marge de manœuvre,ou encore, selon Pierre Girard, parl’intégration de la perspective duprojet de l’école orientante et par laconsolidation de la formation ac-quise en enseignement stratégique.

DES MESURES VARIÉESConsciente de la quantité, de la diversité et de la richesse desactivités offertes à l’école La Source, Mme Beaudoin souligne que l’écoleperçoit l’élève dans sa globalité etque les différentes mesures tiennentcompte à la fois de son développe-ment intellectuel, personnel, socialet physique. L’impact des mesuressuivantes est en effet réel sur lamotivation et le sentiment d’appar-tenance des élèves à l’école et à lacommunauté :• les petits déjeuners servis tous les

matins;• le projet des grandes sœurs et

grands frères jumelés aux élèvesayant des carences affectives oudes problèmes d’adaptation;

• le programme acti-récré, qui per-met à quelque seize jeunes dedévelopper le leadership, l’estimede soi, le sens des responsabilités etun fort sentiment d’appartenance;

• la mise en place du Comité despartenaires (CLSC, CHSLD, Ado-jeune, St-Vincent-de-Paul, école

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Le Progrès, Caisse populaire,policier éducateur, conseillermunicipal, etc.) qui se préoccupedes problématiques de quartierautant durant les heures de classequ’à l’extérieur de l’école;

• le développement d’un centre dela petite enfance;

• le club des devoirs, animé pardeux intervenantes d’Adojeune,après les heures de classe;

• le club des Petits Débrouillards.Mme Beaudoin reconnaît le carac-tère essentiel de toutes ces activitésqui concourent à créer un milieu devie dynamisant pour l’élève, maiselle ajoute que certaines mesuresdevraient avoir des incidences plusmarquées à l’égard de la probléma-tique du retard scolaire, notammentl’organisation des services auxélèves en difficulté.Danièle Côté et Chantal Guérin nousexpliquent comment sont organisésces services. Au départ, on a consti-tué une équipe de base regroupantla directrice, l’orthopédagogue, latechnicienne du centre d’aide et lapsychologue. Cette équipe a tenu,en début d’année, des rencontresavec chaque enseignante ou ensei-gnant afin d’identifier les élèves quiavaient des besoins particuliers etd’élaborer pour chacun de cesderniers un plan d’intervention.C’est dans la foulée des nouvellesorientations des services aux élèvesen difficulté que de telles équipesont été mises en place et structuréesen fonction de la philosophie dechacune des écoles de la Com-mission scolaire des Draveurs, enseptembre 2000. À l’école LaSource, pour faire suite à l’élabora-tion du plan d’intervention, chaquemembre de l’équipe de base etchaque enseignant concerné doitélaborer son propre plan d’action,lequel est révisé aux huit semaines.Cette démarche représente, pourchaque membre de l’équipe debase, quelque 170 plans d’interven-tion et 170 plans d’action. PourDanièle Côté, le plan d’action ainsirevu et ajusté régulièrement n’estpas statique mais dynamique. Ceprocessus de suivi des plans est uneidée de Mme Céline Lacroix, direc-trice ajointe de l’école. L’effort en

vaut-il la peine? Oui, nous disent lesenseignants! « Le plan d’action estun outil qui nous permet de mieuxcerner et évaluer notre intervention.Nos plans d’action, revus aux huitsemaines, nous permettent de suivreles progrès de nos élèves et de révi-ser nos modes d’intervention. »Comme le souligne Mme Beaudoin,le fait de constater un progrès repré-sente un levier pour poursuivre versla réussite. Le suivi régulier, le sou-tien à l’enseignant et à l’élève, lacollaboration et la communicationentre les membres de l’équipe et lesenseignants sont certes les élémentsclés de la réussite de cette mesure. Pour la direction, compte tenu queles élèves à risque représentent 30 p. 100 de l’effectif scolaire, cettemesure s’avère un bon outil et unprocessus très riche, car on peutvoir de mois en mois et d’une annéeà l’autre les acquis et les progrèsdes élèves ainsi que l’aide reçue,tout en offrant une information con-tinue aux parents. Mme Beaudoininsiste également sur l’orientationdu centre d’aide, qui est d’inter-venir autant auprès des famillesqu’auprès des élèves.

L’ENGAGEMENT DU CONSEILD’ÉTABLISSEMENTMme Rachelle Laporte, parent sié-geant au conseil d’établissement,mentionne que plusieurs activitésqui découlent du plan de réussiteainsi que l’organisation particulièredes classes à aires ouvertes aug-mentent la motivation, le partenariatainsi que le sentiment d’apparte-nance des élèves. Mme Laporte sou-ligne le travail important effectuépar les parents bénévoles lors despetits déjeuners et des levées defonds. Elle ajoute également quedes mesures du plan de réussitetelles que l’utilisation de la margede manœuvre en ateliers ou encorele volet « team leader » de l’acti-récré favorisent l’engagement desparents. Selon Mme Beaudoin, l’écoledevra toujours faire un travail d’in-formation auprès des parents pourles sécuriser et favoriser, pour laplus grande réussite des élèves, la concertation entre l’école et lacommunauté.

DES MESURES QUIRAPPORTENTSelon Mme Beaudoin et les ensei-gnants, trois mesures ont certesun effet observable sur la motiva-tion des élèves. La première est l’uti-lisation de la marge de manœuvrepar cycle, soit l’équivalent d’uneheure, chaque semaine ou toutesles deux semaines. Mis en place enseptembre 2001, cet aménagementdu temps sous forme d’ateliersfavorise le transfert des connais-sances dans différentes situationsd’apprentissage. Les projets, aux-quels participent également les spé-cialistes, peuvent s’étendre sur unesemaine, un mois ou encore deuxmois. L’aménagement des ateliersrelève entièrement de l’équipe-cycle.Ainsi, orchestré par les 29 ensei-gnants et enseignantes de l’école LaSource, cet aménagement péda-gogique du temps apparaît déjàcomme une source de motivationpour l’ensemble des élèves, tout enpermettant d’introduire la notiondes compétences transversales autroisième cycle.La deuxième mesure est le projetacti-récré. Comme nous l’expliqueM. Santo Mazzoleni, éducateur phy-sique à l’école, ce projet vise ledéveloppement des compétencesliées au leadership et à la coopéra-tion. De plus, il s’agit d’offrir auxenfants la possibilité de développerun rapport dynamique avec leurmilieu en devenant acteurs et nonseulement spectateurs. À l’école La Source, seize élèves de la fin du2e cycle et du 3e cycle ont déjà reçuune formation spéciale leur permet-tant d’animer des activités lors desrécréations. Au moment de mavisite à l’école, j’ai d’ailleurs eul’occasion d’assister à une acti-récré, tout comme j’ai eu le plaisird’échanger avec Michael Dallaire etFrancis Sabourin, élèves du 2e et du3e cycles, tous les deux « teamleader », animant un groupe d’élèvesdu premier cycle... des compétencestransversales en plein développe-ment et une situation d’apprentis-sage des plus signifiantes... c’est lemoins qu’on puisse dire.

Enfin, la troisième mesure qui donnede bons résultats est la révision desPIA aux huit semaines. Plusieursélèves utilisent déjà des stratégiesde dépannage plus efficaces; d’autresont réussi à développer des atti-tudes et des comportements pluspositifs, ce qui accroît leur motiva-tion et multiplie leurs chances desuccès.

L’AMÉNAGEMENT DESCLASSES À AIRES OUVERTESHuit enseignants et enseignantes dupremier et du troisième cycle pré-conisent une approche qui permetà une équipe de deux, trois ouquatre enseignants de partager lestâches auprès de deux ou troisgroupes d’élèves. Lors de ma visite,j’ai eu l’occasion d’assister à uneactivité où trois enseignantes et unenseignant du premier cycle, soitSylvie Blais, Sophie Sauvé, JoséeBazinet et Denis Brazeau, se par-tageaient l’enseignement à troisgroupes multi-niveaux (au total, 72 élèves). Denis Brazeau soulignequelques points forts de cet aména-gement, dont la possibilité d’offriraux élèves différents modèles d’en-seignants et personnes significativeset aux élèves à risque de deuxièmeannée de s’intégrer aux élèves depremière pour une leçon, ou l’in-verse. Selon Sophie Sauvé, d’autresavantages sont le temps gagné à la préparation, l’élaboration desprojets en équipe, la richesse deséchanges pédagogiques et le sou-tien de l’équipe, mais particulière-ment la plus grande motivation desélèves. Mme Beaudoin croit que labeauté de ce projet, c’est que deuxdes enseignants peuvent travailler àtemps plein avec les élèves en diffi-culté et en même temps laisser filerles élèves plus rapides et compé-tents avec le troisième enseignant,tout en respectant le rythme de cha-cun. L’équipe de la direction de l’é-cole La Source estime donc queplus les modèles pédagogiques per-mettent de répondre aux besoins dechaque élève, le mieux on con-tribue à la réussite de tous.Mme Adèle Gourd est consul-tante en éducation.

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C’EST À PARTIR DE LA NOTIOND’OBLIGATION DE RÉSULTATSQUE L’ÉCOLE SECONDAIRESIEUR-DE-COULONGE A PRIS, IL Y A DÉJÀ DIX ANS,L’ENGAGEMENT OFFICIELD’ASSURER UNE PLUS GRANDERÉUSSITE À TOUS SES ÉLÈVES

E n effet, certaines écoles ontélaboré un plan de réussite à partir de constats et de

caractéristiques propres bien avantla mise en place des plans de réus-site du MEQ. C’est le cas de l’écolesecondaire Sieur-de-Coulonge, de la Commission scolaire des Hauts-Bois-de-l’Outaouais, où quelque465 élèves et 33 enseignantes etenseignants semblent bien avoirquelques longueurs d’avance dansla mise en œuvre de leur plan deréussite. Comme nous l’explique ledirecteur, M. Jacques Rivest, lespiètres résultats obtenus dans sonécole au début des années 90, etcela malgré les efforts des interve-nants, ont sonné l’alarme et suscitéune réflexion qui a mené l’équipe àse questionner et à chercher despistes qui permettraient d’améliorerla réussite scolaire de l’ensembledes élèves.Aujourd’hui, les résultats aux exa-mens du Ministère ainsi que lecheminement scolaire des élèves de l’école secondaire Sieur-de-Coulonge pourraient faire l’envie denombreuses écoles secondaires.Cette école, auparavant classéeparmi les dernières de la province,se retrouve maintenant dans lepeloton de tête des écoles pu-bliques. Toutefois, M. Rivest s’em-presse de nous dire que, même sibien des choses ont été accomplies,il reste encore beaucoup à faire. Il ne faut surtout pas se contenterde ces résultats et il faut être cons-tamment aux aguets, car les élèveschangent d’une année à l’autre, tout

comme leurs besoins. La tâchedemeure exigeante et l’on doitrester vigilants, mais c’est particu-lièrement cette conscience de laréussite au quotidien chez les ensei-gnants qui fait la force de l’école.Se défendant bien d’avoir une écolemodèle, Jacques Rivest nous dirasimplement que c’est en cherchantdes pistes pour améliorer la réus-site de ses élèves qu’il a trouvé sonpremier déclencheur, lors d’un ate-lier de formation sur la supervisionpédagogique et le projet éducatifoffert par la firme DISCAS. Le déclen-cheur s’appelait Jacques Henry,lequel par la suite s’engagea dans laformation de toute l’équipe-école.Cette équipe, déjà en démarche deréflexion, a d’abord revu son moded’évaluation dans le but d’obtenirun meilleur équilibre entre l’évalua-tion formative et l’évaluation som-mative. De cet exercice, M. Rivestnous le soulignera, a émergé toutun projet d’école, commun à tousles enseignants. On brisait l’isole-ment et on éliminait une démarched’évaluation qui mettait plus defrein que d’élan. On venait de créerune équipe d’enseignants autourd’un projet. Dans cet engouementde renouveau, l’équipe, conscientede l’importance de responsabiliserl’élève à l’égard de sa réussite, a ini-

tié la mise en place de mesures luipermettant d’assumer cette respon-sabilité.

DES MESURES DAVANTAGECENTRÉES SUR L’ENCADREMENTDE L’ÉLÈVE QUE SUR LESAPPROCHES PÉDAGOGIQUESÀ l’école secondaire Sieur-de-Coulonge, les mesures implantées il y a dix ans sont toujours en place.Il va de soi, nous dit Yvon Patry,conseiller pédagogique, qu’ellessont évaluées à la fin de chaqueannée et ajustées au fil de l’expé-rience des enseignants et ensei-gnantes de l’école. La mesure la plusimportante est certes la périodede récupération : une périodeobligatoire, chaque jour, avant ledîner, à tous les niveaux et pourtous les élèves assignés par leursenseignants. Comme l’explique M. Rivest, durant cette période, onoffre un encadrement aux élèveslorsqu’ils font leurs devoirs ouqu’ils ont besoin de consolider unapprentissage ou de rattraper unretard dans les matières de base,soit le français, les mathématiqueset les sciences. Quant aux élèvesplus forts, cette période leur permetde préparer un examen ou d’ef-fectuer une recherche. M. Rivest necache pas que cette activité ne faitpas la joie de tous les élèves, mais

c’est un devoir que l’équipe-écoles’impose afin d’amener les jeunes à prendre leurs responsabilités àl’égard de leur réussite. Il y a ainsiun engagement officiel de la part del’élève et le parent est égalementinformé si l’élève ne fournit pas l’ef-fort attendu. Lors des périodes derécupération, l’enseignant est làpour l’élève. Selon M. Rivest, cetteattention particulière qui lui estaccordée est très signifiante etreprésente en quelque sorte l’assu-rance d’un accompagnement verssa réussite. Quant aux enseignants,leur présence à tour de rôle auxpériodes de récupération témoignede leur engagement à la réussite desélèves. De l’avis de toute l’équipe-école, ce système assez élaboré etexigeant de récupération scolaireest assurément l’une des clés de labonne performance des élèves del’école.L’école a également établi un réelclimat d’étude lors de la ses-sion d’examens du MEQ, en juin.M. Rivest explique que les ensei-gnants étaient les premiers à dire :« Nous avons passé l’année entièreà les rendre responsables de leurréussite, nous avons investi toutesnos énergies à les aider dans leursapprentissages, et dans les deuxdernières semaines parmi les plusimportantes, l’école devient unlieu de pique-nique plutôt qu’unlieu d’apprentissage. » L’école adonc mis en place une organisationqui souligne le caractère sérieux dela session d’examens. D’une part,on tente de faire venir les élèvesmoins souvent, mais pour desdurées plus longues. Par exemple,l’élève de première secondaire quia un examen le matin, en auraégalement un l’après-midi. Tout entenant compte des dates d’examensdu ministère, les enseignants etenseignantes utilisent toutes lespériodes entre les examens pourfaire la révision de la matière de

À L’ÉCOLE SECONDAIRE SIEUR-DE-COULONGE :UNE RÉFLEXION CONCERTÉE ET UNE DÉMARCHE COLLECTIVE POUR LA RÉUSSITE DES ÉLÈVESpar Adèle Gourd

DE GAUCHE À DROITE : LINDA PAQUETTE, CLAIRE CARLE, DENIS ROSSIGNOL, LINDA GAUTHIER, YVON PATRY.

À L’AVANT : JACQUES RIVEST, DIRECTEUR

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l’année ou encore pour mieux pré-parer les examens à venir. Descours d’été sont aussi offerts, à tousles niveaux, en français et en mathé-matiques.De plus, un encadrement parti-culier est offert aux élèves depremière secondaire, où pourfaciliter le passage du primaire ausecondaire, on fait en sorte que lesélèves aient moins d’enseignants àrencontrer. En effet, les trois ensei-gnants qui se partagent cette tâchementionnent que, pour l’élève, il y a ainsi un meilleur lien entre lesmatières. Pour Linda Gauthier,enseignante d’anglais et de géogra-phie, ceci lui permet de rencontrerses élèves huit jours sur neuf et parconséquent de les connaître mieux.« Cela devient plus facile pourmoi d’avoir un suivi dans lesdeux matières que j’enseigne et de faire l’intégration de cesmatières », ajoutera-t-elle. Un autreavantage, nous mentionnera LindaPaquette, enseignante de français etde FPS, « c’est que l’on peut mieuxcibler les problèmes et intervenirplus rapidement ».Enfin, M. Rivest trouve important dementionner quelques autres mesures,dont un meilleur contrôle desabsences, des activités cultu-relles et sportives, le midi etaprès les cours, et le projet desentraidants, où douze élèves choi-sis par leurs pairs deviennent despersonnes significatives à qui lesjeunes peuvent se référer.

UN PROJET DE RÉUSSITEPARTAGÉ PAR TOUTEUNE ÉQUIPEM. Rivest s’empresse de dire que leleadership pédagogique de sonécole est une entreprise bicéphale,qu’il orchestre avec Yvon Patry, son conseiller pédagogique. PourJacques Rivest, chacun a des forceset il faut les maximiser. Il insisteparticulièrement sur sa superéquipe d’enseignantes et d’ensei-gnants, dont le travail incroyable etl’engagement dans les mesures duplan de réussite en font le succès. Il y a dans l’école un grand sen-timent d’appartenance à l’équipe.M. Rivest croit que la réussite du

projet collectif repose en bonnepartie sur la stabilité de son équipe.Lui-même est d’ailleurs entré danscette école en 1971 à titre d’en-seignant et y est directeur depuis1986. Trois enseignantes et unenseignant, soit Linda Paquette,Linda Gauthier, Claire Carle et DenisRossignol, soulignent que lesmesures mises en place il y a déjàdix ans ont apporté essentiellementune meilleure communication, plusde concertation ainsi qu’un plusgrand respect entre les enseignants.Toutefois, le plus gros changement,selon une des enseignantes, est le fait que toutes les personnes qui enseignent à un même élève separlent davantage, et cela est le fruitde la planification de la récupéra-tion à chaque niveau, qui a exigéque les enseignants se rassemblentet planifient la récupération néces-saire pour chacun des élèves. Lesenseignants font aussi valoir lesavantages d’une petite école, où toutel’équipe connaît presque chaqueélève et la plupart des parents.Tout comme les enseignants, lesparents du conseil d’établissementparticipent au projet de réussite de leur école. C’est d’ailleurs à lademande du conseil que l’écolepublie et distribue à tous les élèveset aux parents une brochure quidécrit les services offerts et lesactivités, mettant particulièrementl’accent sur la formation et le milieude vie attrayant. Cette brochuredonne autant aux élèves qu’à leursparents le goût et l’assurance de laréussite scolaire. Il faut croire quel’école jouit d’une bonne réputa-tion, puisque 30 p. 100 de l’effectifscolaire, éligible à l’enseignementen anglais, préfère l’école fran-cophone Sieur-de-Coulonge. SelonM. Rivest, il est évident que cettesituation illustre l’intérêt des pa-rents pour une scolarisation enfrançais, mais on croit que le climatscolaire et parascolaire, la vie étu-diante et l’engagement des ensei-gnants y sont pour quelque chose.

L’APPORT DU PLAN DERÉUSSITE DU MINISTÈREL’avènement du plan de réussite duMinistère en 2000-2001 s’inscrivait

tout à fait dans une démarche déjàen place et en mouvement. Ces orien-tations se sont simplement juxta-posées à la philosophie existante duprojet éducatif de l’école et lesmoyens qu’elle emploie pour amé-liorer la réussite de ses élèves, etinversement. Le plan du MEQ lui apermis d’intégrer le tout dans undocument plus structuré, contenantdes données plus précises. Lesmesures mises en place durant lesannées 90 et ajustées régulièrementont été maintenues. M. Rivest sou-ligne toutefois que l’apport positifde la mise en œuvre du plan deréussite du Ministère a certaine-ment été de permettre d’obteniravec plus de précision et de facilitéle portrait du cheminement desélèves. Le directeur reconnaît égale-ment que le plan les a amenés àréfléchir de nouveau et à faire l’exa-men de la situation. Dans les faits,les données du MEQ ont suscité un questionnement au sujet des 20 p. 100 d’élèves qui ne réus-sissent pas. D ’ailleurs, c’est parti-culièrement à partir de ces donnéesque la direction de l’école et sonéquipe se sont donné le mandat demieux exploiter les plans d’inter-vention pour les élèves en difficulté.Selon Yvon Patry, le travail est déjàamorcé et, à bien des égards, on estallé plus loin dans la démarchecette année que lors des annéesantérieures. On est plus structuré eton fixe des rencontres pour défnirle soutien que l’on peut apporter àces élèves et surtout pour voirjusqu’où on peut amener chacund’entre eux. Selon M. Rivest, c’estparticulièrement dans ce nouveaucontexte de réflexion que le projetde l’école orientante a été tout àfait intégré au plan de réussite del’école, tout en représentant uneporte d’entrée sur la réforme.

PERSPECTIVES D’AVENIR :TROUVER DES SOLUTIONS POURAIDER LES 20 P. 100 D’ÉLÈVESQUI NE RÉUSSISSENTTOUJOURS PASL’école Sieur-de-Coulonge a depuisplusieurs années mis en place desmesures adaptées à ces élèves, maisil faut faire plus. L’une des mesures

destinée aux décrocheurs potentielsoffre aux élèves un plan d’orienta-tion personnalisé respectant leurscapacités. Cette mesure permet demaintenir les élèves plus à risques àl’intérieur d’une organisation mo-dulaire et d’un encadrement parti-culier, où se retrouvent deux groupesd’élèves âgés de 15 à 18 ans qui ontdeux ans de retard. À ce jour, les 35 élèves qui y cheminent annuel-lement ont obtenu des résultatspositifs. Ces élèves réussissent géné-ralement leur troisième secondaire,certains obtiennent un DES etd’autres sont admissibles aux pro-grammes de la formation profes-sionnelle. Ce que l’on veut, c’est deles amener le plus loin possible etles qualifier pour qu’ils entrent surle marché du travail avec des outilsen poche. La préoccupation de la réussite deces 20 p. 100 d’élèves amène l’écoleà réexaminer la formule de typeinsertion sociale et professionnelledes jeunes (ISPJ) pour certainsd’entre eux. La valorisation du sec-teur de la formation professionnelleet des métiers semi-spécialisés,porte d’entrée sur la réussite édu-cative pour plusieurs des élèves,doit être intégrée au projet d’écoleorientante.Selon M. Rivest, la troisième secon-daire constitue une étape cruciale.C’est l’année baromètre, et pour les20 p. 100 d’élèves plus vulnérables,on peut dire que c’est là que çapasse ou ça casse. Il est importantde trouver un aménagement parti-culier qui permettrait de tenircompte de cette réalité de l’écolesecondaire. En troisième année, il faut que les mailles du filet soientplus serrées, car pour plusieursd’entre eux, c’est un moment où ilspeuvent décrocher. Il faut abso-lument garder ces élèves qui netrouvent plus de sens et d’intérêt àdemeurer à l’école. M. Rivest croitqu’il y aurait un avantage, tant pourl’élève que pour la société, à émettreà la fin de la troisième secondaireun certificat attestant les capacitésde base de chacun des élèves, touten permettant la poursuite desétudes pour l’obtention d’un DESou d’un DEP.

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Dpour créer des conditions favo-rables à la réussite éducative : lesélèves eux-mêmes, les parents, lesgroupes communautaires, le milieudes affaires, les municipalités, etc.L’expertise du personnel travaillantauprès des jeunes et, dans certainscas, de chercheurs spécialisés enéducation, constitue sûrement unatout dans la réussite de l’entre-prise.La cohérence des plans et la cohé-sion des actions sont certainementd’autres gages de succès : cohé-rence avec le projet éducatif del’école et le plan stratégique de lacommission scolaire et cohésiondes interventions à tous les niveaux.Des mesures de soutien appro-priées pourront aussi faciliter l’éla-boration et la réalisation des plansde réussite. La commission scolairea un rôle de première ligne à jouerà cet égard. Et le ministère de l’Édu-cation offrira du soutien aux com-missions scolaires pour la mise enœuvre de leur plan stratégique etdes plans de réussite de leurs éta-blissements.Ainsi, du plus haut niveau d’enca-drement jusque dans la classe, lesoutien à la réussite éducative pren-dra la forme de projets éducatifsambitieux et de plans de réussiteefficaces. Tout cela pour donner àl’élève les moyens de réussir.Mme Esther Lemieux est coordon-natrice des plans de réussite etM. Denis Dion est conseiller encommunication au secteur del’éducation préscolaire et del’enseignement primaire etsecondaire du ministère del’Éducation.

LE PLAN DE RÉUSSITE POUR UNE ÉCOLE EN ACTION!par Esther Lemieux et Denis Dion

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D epuis maintenant deux ans,les écoles du Québec éla-borent des plans de réus-

site et se donnent un outil supplé-mentaire pour réaliser une missionque l’on pourrait résumer ainsi :créer les conditions favorables à laréussite de chacun des élèves, selonleur potentiel. Dans la foulée destravaux que mènent en ce momentle ministère de l’Éducation et sespartenaires du réseau, le plan deréussite est appelé à devenir uninstrument d’intervention qui pré-cise des objectifs clairs et intègredifférentes mesures visant la réus-site éducative des jeunes.

UN VOLET IMPORTANT DANSUNE DÉMARCHE GLOBALELa démarche d’une école est glo-bale, en ce que les différents aspectsde son activité concourent à l’at-teinte d’un objectif principal : lesuccès des élèves.Il est donc évident que le plan deréussite de l’école sera en cohé-rence avec son projet éducatif,lequel incarne sa mission et reflètesa situation particulière. Dans l’éla-boration et la mise à jour du projetéducatif, l’équipe-école analyse « l’état des lieux » en ce qui con-cerne, par exemple, la réussite desélèves et leur situation familiale,ainsi que les caractéristiques del’école elle-même et celles de la com-munauté qui l’entoure. On dégagealors les forces des pratiques localeset les pistes d’amélioration.Cette analyse de situation est tra-duite dans des intentions généralesvisant à orienter l’action à entre-prendre. Ces orientations sont parailleurs concrétisées dans un plande réussite comprenant des objec-tifs et intégrant les mesures rete-nues pour permettre au plus grand

nombre d’élèves d’entreprendre etde réussir leur parcours scolaire.Le plan de réussite demeurera per-tinent et au diapason des besoins de l’école grâce à une évaluationcontinue, toujours en rapport avecl’évolution du projet éducatif del’école. Le plan de réussite sera doncmis à jour annuellement en fonc-tion du cheminement de l’école,lequel sera notamment évalué grâceà des indicateurs qualitatifs et quan-titatifs déterminés par l’école et liésà la mission de l’établissement. Decette façon, l’école pourrait tra-vailler dans les champs d’interven-tion prioritaires et mettre en placeles améliorations souhaitées.

ÉLABORER ET METTRE ENŒUVRE UN PLAN DE RÉUSSITELa mobilisation de l’équipe-école etl’engagement de tous ses parte-naires sont des « ingrédients debase » importants dans l’élabora-tion et la mise en œuvre du plan deréussite.La direction de l’école exerce unrôle de premier plan dans l’élabo-ration, la réalisation et l’évaluationdu plan. Elle devrait coordonnerl’analyse de la situation et établirdes liens entre le plan de réussite etla révision périodique du projetéducatif. Cette démarche solliciteévidemment la participation du per-sonnel de l’école, notamment lesenseignantes et les enseignants et lepersonnel professionnel, ainsi quedes parents. Par ailleurs, puisqu’ellegère au quotidien les activités del’école, la direction devrait coor-donner l’élaboration, la réalisationet la mise à jour annuelle du plande réussite.Que devrait contenir un plan deréussite? Puisqu’il doit être encohérence avec le projet éducatif,

il devrait fixer clairement les résul-tats d’amélioration recherchés pourfavoriser la réussite des élèves, parexemple sur un horizon de troisans. Ces objectifs sont accompagnésd’un ensemble de mesures et demoyens susceptibles de lever lesobstacles et de créer les conditionsfavorables à la réussite éducative de tous les élèves. Dans un espritd’évaluation continue, le plan deréussite devrait aussi contenir desmesures d’évaluation de l’atteintede ses objectifs.Par ailleurs, nous l’avons vu, lesplans de réussite s’inscrivent dansune démarche d’ensemble. À cetégard, leur contenu sera arrimé auplan stratégique de la commissionscolaire, puisque ce dernier doittenir compte des attentes du milieuet des besoins des élèves.Pour sa part, le ministère de l’Édu-cation fera une mise à jour annuelledes indicateurs nationaux, en plusde participer à l’encadrement de la démarche globale de mise enœuvre des plans de réussite, dans le respect des grandes politiquesnationales en éducation.

POUR LA RÉUSSITE… DU PLAN DE RÉUSSITEY a-t-il des conditions de succèsd’un plan de réussite? La mobilisa-tion en est certainement une. Laparticipation active du personnel del’école et des membres de la com-munauté environnante permettra eneffet de maximiser l’efficacité desmoyens déployés. Et placé au centrede toute cette effervescence autourde sa réussite, l’élève n’en sera queplus stimulé.Dans cet esprit, le plan de réussitefera appel à la contribution de tousles partenaires potentiels de lacommission scolaire et de l’école

UN PLAN DE RÉUSSITEINTÉGRÉ AU PROJET ÉDUCATIFPour Jacques Rivest, l’objectif duplan de réussite, qui est en mêmetemps le projet éducatif de l’école,

« c’est que l’école se donne lemandat d’assurer à chaque élèveune voie qui lui ouvrira une portesur le marché du travail ». M. Rivestajoute que tous les moyens serontpris pour que l’école soit prête à

entrer de plein pied dans la réforme.En continuité avec les valeurs duprojet éducatif et conformémentaux principes qui sous-tendent laréforme, l’équipe-école devra con-tinuer à travailler pour que l’élève

soit au cœur de ses apprentissageset se sente de plus en plus respon-sable de ceux-ci.Mme Adèle Gourd est consul-tante en éducation.

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rechercheen éducation

LA RECHERCHE COLLABORATIVE EN MILIEU SCOLAIRE : LES CONDITIONS DU SUCCÈS!par Pierre Lapointe et Pierre Pagé

L a recherche trouve difficile-ment sa place dans les écoles.D’une part, les résultats des

études en éducation semblent avoirsouvent peu d’incidence sur lespratiques d’enseignement. D’autrepart, aux yeux de plusieurs ensei-gnants, les chercheurs universi-taires apparaissent déconnectés dela réalité scolaire. Alors que notresociété se préoccupe grandementde la réussite scolaire, il y a lieud’examiner comment les culturesde la recherche et de la pratiquepourraient mieux s’arrimer en vuede former les citoyens de demain.La question du développement de larecherche collaborative en milieuscolaire a fait l’objet de plusieursdébats durant la dernière décennie.Comme le souligne Desgagné (2001),elle implique un échange de ser-vices entre des participants venantde cultures différentes et qui n’ontpas à répondre aux mêmes finalités.La culture scolaire se préoccupesurtout du développement profes-

sionnel, alors que la culture scien-tifique s’active essentiellement àproduire de nouvelles connais-sances. La collaboration impliquenécessairement qu’un terrain com-mun soit négocié afin de répondre àces attentes respectives.Plusieurs organismes nationauxd’aide à la recherche ont conçu des programmes de subventions à l’intention des chercheurs et des praticiens intéressés à faire desrecherches en milieu scolaire surdes problématiques jugées priori-taires par la société civile. Ces condi-tions structurantes visent notammentà soutenir davantage les chercheursparticipant à des travaux portantsur le développement et l’évaluationdes programmes d’intervention enmilieu scolaire. Grâce à cette aide,ils peuvent expérimenter de nou-veaux moyens pour assurer untransfert efficace des connaissancesauprès des intervenants directs. Demême, ces initiatives permettentd’établir des réseaux d’échanges

d’expériences et d’idées entre prati-ciens du monde scolaire et cher-cheurs universitaires. Ces effortsinstitutionnels visent ainsi, d’unepart, à combler le fossé entre lathéorie (savoir savant) et la pratique(savoir d’action) afin de créer denouvelles connaissances et, d’autrepart, à favoriser le développementprofessionnel des enseignants.En mai 2001, au Congrès de l’Asso-ciation canadienne-française pourl’avancement des sciences (ACFAS),un colloque d’une journée a étéorganisé pour faire état des déve-loppements récents en recherchecollaborative au Québec. À cetteoccasion, des chercheurs ont pré-senté les résultats de travaux menésdans le domaine de l’interventionéducative auprès des jeunes del’éducation préscolaire et du pri-maire. La discussion entre les par-ticipants a ciblé notamment le rôlede la recherche dans l’innovationpédagogique et les conditions de

collaboration entre les chercheurset les enseignants.Un résumé de quatre communica-tions offertes durant cette journéevous est présenté ci-après. Enfin,les principales conclusions desparticipants à la réunion plénièrede ce colloque sont discutées afinde définir les conditions de réussitede la recherche collaborative enmilieu scolaire.M. Pierre Lapointe est profes-seur au Département d’étudesen éducation et d’administra-tion en éducation de l’Univer-sité de Montréal et M. PierrePagé est professeur-chercheurau Département d’études surl’enseignement et l’apprentis-sage de l’Université Laval.

RéférenceDESGAGNÉ, S. et autres. « L’approche colla-borative de recherche en éducation : un nou-veau rapport à établir entre recherche etformation. » Revue des sciences de l’édu-cation, vol. 27, no 1, 2001.

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recherche en éducation

LES COLLABORATIONS DE RECHERCHE EN ÉDUCATION :NÉCESSITÉ POUR LA RECHERCHE ET POUR L’ÉDUCATIONpar Manon Théorêt

O n caricature parfois la rela-tion entre la recherche uni-versitaire et son utilisation

par les praticiens de l’éducationdans un rapport « trop–pas assez ».De part et d’autre, on relève ainsiles torts de chaque camp en cestermes : la recherche universitaireest trop abstraite, elle dure troplongtemps, elle arrive trop tard; lecadre de référence des praticiensn’est pas assez développé, leurschoix et leurs décisions ne sont pasassez appuyés et leur applicationdes résultats des recherches n’estpas assez rigoureuse. Cependant,

comme dans toute caricature, cer-tains de ces traits tracent des con-tours reconnaissables du paysagede la recherche et de la pratique enéducation et mettent en lumière lesbesoins réels des deux partenaires.Avant d’aborder le terrain de la col-laboration, encore faut-il d’abordreconnaître que la recherche toutcomme la pratique enseignante sontmultiformes, que l’on peut effectuerune recherche en présence de pra-ticiens sans collaborer ou collabo-rer avec eux sans qu’une démarchede recherche en soit l’enjeu, commedans une formation, par exemple.

Le terme collaboration impliqueune participation, à divers degrés,certes, à la démarche de recherche,participation radicalement diffé-rente du consentement à devenirobjet de recherche ou à permettrel’accès à des sujets de recherche.Ainsi, la recherche dite collabora-tive se présente comme une alterna-tive à une recherche plus tradition-nelle, quoiqu’elle prenne aussi desallures fort différentes selon lescontextes. Pour cette raison, onpréférera le terme d’approche col-laborative de recherche à celui demodèle de recherche collaborative,

car il s’agit selon nous de manièresde faire la recherche plutôt qued’un type propre de recherche,manières qui doivent autant à laculture du domaine, à l’épistémolo-gie des sciences de l’éducation qu’àla méthodologie scientifique. Noussoutenons du même souffle que plu-sieurs types de recherche peuventêtre menés de manière collabora-tive. L’approche collaborative n’ap-partient donc à aucun modèle parti-culier de recherche.Trois expériences de rechercherécente alimentent notre réflexionsur les approches collaboratives.

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La première expérience a permisd’effectuer une recherche évaluativesur les effets d’une intervention de mentorat qui visait à prévenirl’abandon scolaire (Théorêt, Garonet Hrimech, 2000). La rechercheévaluative en collaboration est uneapproche de recherche qui vise àaugmenter l’utilisation des résultatsde l’évaluation par les clients(Brandon, 1998). Ici, l’évaluationdes effets du mentorat, précédéepar une évaluation des besoins etpar une évaluation de la mise enœuvre de ce type de mentorat, a étémenée à l’instigation du groupecommunautaire qui a entrepris l’in-tervention. Elle mettait en relationtrois principaux acteurs : le groupecommunautaire et ses mentorsbénévoles, les écoles et leurs élèves,les chercheurs universitaires. Touspartagent le même but en matièrede prévention de l’abandon sco-laire. La définition des objectifs derecherche, l’élaboration du devisquasi expérimental, le choix desmesures convenant à ce type d’in-tervention, présentés par les cher-cheurs, sont discutés et négociésentre les acteurs, jusqu’à l’obten-tion d’un consensus. La répartitiondes différents mandats de recherche,de formation des mentors et de leurjumelage avec les élèves à risque,les rencontres régulières entre lesacteurs, l’interdépendance des ob-jectifs de production de connais-sances pour l’université, de résolu-tion d’un problème pour les écoles,de légitimation pour le groupecommunautaire et le partage desbénéfices d’une telle rechercherendent l’entreprise collaborative.La deuxième expérience est unerecherche descriptive collaborativesur les conditions scolaires favo-rables au développement des com-pétences en lecture chez les élèvesdu secondaire (Van Grunderbeeck,Théorêt, Cartier et Chouinard, 1999).Ce type de recherche vise à décrireen intégrant le point de vue desacteurs en cause, les relations quiexistent entre les dimensions d’unphénomène de la manière la pluscomplète possible (Legendre, 1995).

L’incitation provient ici d’une con-certation ministérielle, par l’inter-médiaire d’organismes subvention-naires mais non du milieu scolaire,bien que ce dernier partage la pré-occupation. Cette recherche des-criptive nécessite un grand nombrede rencontres avec les directionsd’école, les conseillers pédagogiques,les enseignants de même que larencontre d’un grand nombred’élèves. Les acteurs sont les écoles,une commission scolaire et leschercheurs universitaires. Le pointde vue des acteurs est réinvesti dansla production d’outils utiles auxpraticiens.La troisième expérience est unerecherche-action collaborative quiporte sur l’appropriation par desenseignants de la compétence « lirepour apprendre » (Théorêt etCartier, 2001; Cartier et Théorêt,2001). Ici, on parle d’une démarchede recherche qui permet aux ensei-gnants d’améliorer le processusenseignement-apprentissage tout encontribuant au développement deleur profession (Sagor, 1992). Lademande provient des directionsd’école et met en scène des groupesd’enseignants et des membres de ladirection ainsi que des chercheursuniversitaires. Elle s’articule autourdes rencontres de travail assiduesoù les enseignants interagissentavec les chercheurs afin d’amélio-rer leur pratique professionnelle ence qui a trait à la compétence cibléeet d’en faire profiter leurs élèves.Un certain nombre de constatationsémergent de la synthèse de ces troiscas. On relève d’abord que les deuxpremières expériences sont centréessur le développement des élèves,alors que la dernière porte autantsur ce dernier que sur le dévelop-pement professionnel des ensei-gnants. À l’exception de la premièrerecherche incitée par les bénéfi-ciaires, les deux autres demandessont extérieures aux principauxacteurs. Finalement, on comprendque les bénéfices pour les ensei-gnants sont plus évidents dans lesdeux derniers cas, avec cependantun investissement plus grand de

leur part. Le statut des praticiensdans ces collaborations de recherchesemble aussi influencé par le typede recherche menée. La collabora-tion n’implique pas que les ensei-gnants deviennent des agents derecherche. Mais, dans la mesure oùle type de recherche, lui-mêmedéterminé par la question posée,exige des compétences méthodolo-giques complexes, la collaborationne permet aux enseignants d’inter-venir qu’à la mesure de leur exper-tise méthodologique, tout commece devrait être le cas pour les cher-cheurs qui interviendraient dans lapratique. Plutôt que de prétendreque plus la part de compétencesméthodologiques est grande, moinsla collaboration est possible, noustendons à penser que peu importela complexité des compétencesméthodologiques nécessaires pourrépondre à la question de recherche,la définition des tâches dévoluesaux acteurs dans un tel cadre exigetoujours une concertation. Les troisdémarches illustrées prennent encompte le point de vue des prati-ciens et mènent à l’adaptation desenjeux de la recherche, mais à desfins différentes selon la question derecherche posée, qui oriente soitvers l’explication, par la preuved’efficacité d’une solution, soit versla description, soit vers un change-ment des pratiques. Sans minimiserl’importance de la collaboration, on voit bien ici que le type derecherche a autant d’importance quela manière de mener cette recherche.Cependant, imprégnée de l’idée de collaboration, l’intention derecherche se trouve modifiée dès ledébut du processus. Que la recherchecollaborative mène plus facilementau développement professionneldes enseignants, améliore leur pra-tique et favorise les retombées posi-tives sur l’apprentissage des élèves,sont des conséquences très favo-rables qui impriment peut-être des orientations nécessaires pourl’éducation, mais ne rendent pascaduques les autres approches derecherche.

Il demeure que le grand intérêt des approches collaboratives derecherche en éducation se justifiesans doute sur le plan de la validitéet de l’utilité. Dans des questions derecherche axées plus directementsur les problèmes signifiants, enmatière d’amélioration des cons-truits à l’étude par la participationdes praticiens, d’amélioration derésultats parlants, de réduction desdélais de transfert des connais-sances vers la pratique de mêmequ’en matière de la réduction destensions entre les deux grandspartenaires, les approches collabo-ratives nous semblent une néces-sité, tant pour la recherche quepour l’éducation. Mais plus encore,ces approches contribuent à cons-truire des rapports plus fructueuxentre la recherche et la pratique,rapports dont devraient bénéficierles principaux intéressés, c’est-à-dire les élèves.Mme Manon Théorêt est profes-seure à la Faculté des sciencesde l’éducation de l’Universitéde Montréal.

RéférencesBRANDON, P.R. « Stakeholder Participationfor the Purpose of Helping Ensure EvaluationValidity : Bridging the Gap BetweenCollaborative and Non-CollaborativeEvaluations », American Journal ofEvaluation, no 19, 1998, p. 325-337.CARTIER, S. et M. THÉORÊT. Lire pourapprendre : une compétence à maîtriserau secondaire. Rapport de recherche pré-senté au ministère de l’Éducation : Soutien àl’école montréalaise, 2001.SAGOR, R. How to Conduct CollaborativeAction Research. Association for Supervisionand Curriculum Development, 1992.THÉORÊT, M. et S. CARTIER. Lire pour ap-prendre : processus de changement chezles enseignants et enseignantes. Rapportde recherche présenté au ministère de l’Édu-cation : Soutien à l’école montréalaise, 2001.THÉORÊT, M., R. GARON et M. HRIMECH. « Évaluation d’une intervention de mentoratvisant à réduire le risque d’abandon sco-laire », Revue canadienne de psycho-éducation, no 9, 2000, p. 65-86.VAN GRUNDERBEECK, N. et autres. Étudelongitudinale et transversale des condi-tions favorables à la lecture au secondaire,Projet de recherche, Document interne,Faculté des sciences de l’éducation, Univer-sité de Montréal, 1999.

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DÉFINITION DES PROFILS D’ADAPTATION SCOLAIRE DES ENFANTSDE LA MATERNELLE ET PLANIFICATION DES SERVICES ÉDUCATIFSpar Pierre Lapointe et Richard E. Tremblay

L a majorité des intervenantsen éducation reconnaissentque la qualité des appren-

tissages de l’élève, dès son entrée àl’école, constitue un facteur déter-minant dans la prédiction de sonsuccès scolaire. Malheureusement,il n’existe pas d’instrument dont l’uti-lisation simple et générale pourraitmesurer les habiletés des enfants del’éducation préscolaire. L’utilisationsystématique d’un tel outil d’évalua-tion faciliterait la détermination descaractéristiques des clientèles viséeset donnerait aux milieux scolairesla possibilité de mieux adapterleurs services éducatifs aux besoinsde ces élèves.En collaboration avec les écolesintéressées, le Conseil scolaire del’île de Montréal s’est associé auGroupe de recherche sur l’inadap-tation psychosociale chez l’enfantde l’Université de Montréal (GRIP)pour réaliser un tel projet. Cetterecherche avait pour objet : 1) d’ex-périmenter un instrument pouvantévaluer les habiletés et les compé-tences des enfants de l’éducationpréscolaire; 2) de déterminer lescaractéristiques des effectifs desécoles des milieux défavorisés del’île de Montréal; 3) d’expérimenteravec les écoles touchées l’utilisationde cet instrument de mesure dansune démarche d’organisation etd’évaluation des services éducatifs.Cette recherche collaborative estmenée auprès de 1 482 enfants dematernelle cinq ans dans 56 écolesde l’île de Montréal. L’instrument demesure vise à évaluer les princi-pales sphères du développementpersonnel de l’enfant pour juger dela qualité de sa préparation géné-rale à entreprendre le programmed’études du primaire. Les résultatsde cette évaluation effectuée par lesenseignantes et les enseignants per-mettent de distinguer trois dimen-sions principales dans le profild’adaptation scolaire de l’enfant

de la maternelle. À la dimensionDispositions personnelles, lesfacteurs Santé et bien-être per-mettent d’évaluer l’intégrité du déve-loppement physique de l’enfant etson degré de disponibilité dans laréalisation des activités de classe.La dimension Habiletés scolairesrecoupe quatre domaines de com-pétences ou de connaissances del’enfant liés aux apprentissages sco-laires. Le facteur Communicationprécise le degré de maîtrise de lalangue parlée à l’école. Le facteurFrançais ou Anglais mesure, selonla langue d’enseignement de l’éta-blissement, le degré de maîtrise despréalables à la lecture et à l’écri-ture. Le facteur Mathématiquesprécise le degré d’habileté dans cedomaine de connaissances; le fac-teur Talents permet de vérifier sil’enfant montre des habiletés parti-culières dans des activités com-plémentaires, telles que le sport, la musique et le dessin. Enfin, ladimension Compétences socialesrecouvre aussi quatre facteurs liés àla mesure de la qualité de l’intégra-tion sociale de l’enfant dans sonmilieu scolaire. Ainsi, le facteurCoopératif permet de juger dudegré d’adaptation générale de l’en-fant aux règles et aux routines de laclasse. Le facteur Sociable précisesi l’enfant montre des comporte-ments de soutien et d’aide à l’égarddes élèves de la classe dans des situa-tions de vie quotidienne. Le facteurTurbulent sert à mesurer la capa-cité d’attention, le degré d’agitationmotrice et la fréquence de manifes-tation de comportements d’agres-sion physique chez l’enfant. Enfin,le facteur Anxieux permet à l’en-seignant de préciser si l’enfantmanifeste des émotions négativesou adopte des comportements deretrait social.L’analyse des résultats de l’éva-luation permet de différencier desprofils d’adaptation particuliers en

fonction de certaines caractéris-tiques personnelles ou sociales desélèves. Par exemple, on constategénéralement que le profil d’adap-tation scolaire des filles se distinguenettement de celui des garçons. Eneffet, les enseignants jugent que lesfilles sont en meilleure santé phy-sique que les garçons, elles montrentun plus haut niveau d’habiletés sco-laires selon la mesure des facteursCommunication, Français et Ta-lents et elles sont jugées plus com-pétentes que les garçons selonl’évaluation des facteurs Coopéra-tif, Sociable et Turbulent. L’analysecomparative des élèves « jeunes »(de 5 ans à 5,5 ans) et des élèves « âgés » (de 5,5 ans à 6 ans) montreque les élèves plus vieux présententun meilleur profil d’adaptation sco-laire que les élèves plus jeunes. Eneffet, les élèves « âgés » ont desscores moyens qui sont nettementplus élevés que ceux des élèves « jeunes » à toutes les mesures de l’évaluation, sauf au facteurTurbulent. Ces résultats montrentque les enseignants constatent desdifférences notables dans la qualitéde l’adaptation scolaire des enfantsselon leur âge chronologique. Parailleurs, l’analyse des donnéesindique aussi que le degré d’habi-letés et de connaissances des enfantsde l’éducation préscolaire varie enfonction de leur langue maternelleet du degré de défavorisation del’école. D’une part, les élèves allo-phones apparaissent plus en diffi-culté que les élèves francophones;d’autre part, les élèves des milieuxdéfavorisés obtiennent en généraldes résultats plus faibles que leurspairs des milieux moins défavorisés,et ce, aux trois dimensions del’évaluation.L’évaluation des enfants de la mater-nelle vise principalement à établirle portrait général de leurs forces etde leurs faiblesses pour chaqueécole, soit un « portrait-école ».

Ainsi, les résultats de tous les élèvesde l’école aux dix facteurs de l’éva-luation sont comparés aux résultatsmoyens de tous les élèves des écolesparticipantes. L’évaluation systéma-tique des élèves des 56 écoles sélec-tionnées, répartis dans 148 groupes-classes, fournit des critères deréférence communs selon lesquelsil est possible de comparer lescaractéristiques des différents effec-tifs du réseau scolaire de l’île deMontréal. Ainsi, par rapport auxélèves des autres écoles du réseau,on peut évaluer si les élèves d’uneécole particulière sont plus ou moinsbien préparés à entreprendre leurprogramme d’études du primaire.Un rapport de recherche a étéremis aux directions et au per-sonnel enseignant de chaque écoleparticipante pour présenter lesportraits-écoles et les faits saillantsde l’expérimentation. De plus, uneréunion d’information a été orga-nisée avec le Conseil scolaire del’île de Montréal pour discuter deces résultats avec les enseignanteset les enseignants de même qu’avecles responsables des services édu-catifs des commissions scolaires dela région. Au cours de cette ren-contre, ces intervenants ont été invi-tés à poursuivre leur collaborationavec les chercheurs pour examinercomment les données du portrait-école peuvent être exploitées dansune démarche d’organisation etd’évaluation des services éducatifs.En effet, il est important de jugerdans quelle mesure la disponibilitéde ces informations peut contribuerà réduire la complexité du dépis-tage des élèves à risque, de la déter-mination des priorités éducativesdu milieu et de l’amélioration de laqualité de la réussite scolaire.En conclusion, il a été possible demettre au point un instrument d’éva-luation des enfants de la maternellequi est adapté aux réalités des écolesde Montréal, et ce, en collaboration

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LES EFFETS DES MESURES D’ÉDUCATION PRÉSCOLAIRE SUR LES COMPÉTENCESPSYCHOSOCIALES ET LE RENDEMENT SCOLAIRE DES ENFANTS DE MILIEUX DÉFAVORISÉSDE MONTRÉAL – UNE APPROCHE LONGITUDINALE-EXPÉRIMENTALEpar Linda Pagani

C e programme de recherche,mis en œuvre en 1997, portesur l’évaluation du pro-

gramme de l’éducation préscolaire,c’est-à-dire des services de pré-maternelle à demi-temps et dematernelle à plein temps, offertsaux enfants venant des milieux défa-vorisés de Montréal. Des cher-cheurs (Richard E. Tremblay, PierreLapointe et Robbie Case), des étu-diantes (Julie Jalbert et Marie-JoséeGauvin), des professionnelles(Hélène Beaumont et MurielRorive) et plusieurs enseignantes etenseignants ont participé à cetteexpérimentation. En collaborationavec la Commission scolaire deMontréal et la Commission scolairede la Pointe-de-l’Île, nous avonsévalué plus de deux mille enfantsissus de familles pauvres de la régionmontréalaise. Les objectifs de cetterecherche étaient : (1) d’assurer un suivi annuel auprès de quatrecohortes d’élèves pour étudier ledéveloppement des enfants; (2) dedéterminer les facteurs de risque etde protection liés à l’acquisition descompétences scolaires et socialeschez l’enfant; (3) d’étudier les rela-tions entre l’école et la famille; (4) d’expérimenter un programmed’acquisition des préalables auxhabiletés mathématiques en vued’améliorer la qualité du rende-ment de l’enfant dans ce domaineau primaire. Ce dernier objectif aété poursuivi grâce à une collabora-tion étroite entre les chercheurs etle personnel enseignant.Au cours de la collecte de données,les enseignantes et les enseignantsparticipant à l’étude ont expriméleurs inquiétudes relativement aunombre considérable d’élèves venant

de familles immigrantes, à statutmonoparental et à très faible reve-nu. En réponse à cette préoccupa-tion, nous avons évalué, de manièreplus spécifique, les effets du pro-gramme sur les enfants dont lalangue maternelle est autre que lefrançais, dont la famille est mono-parentale et qui sont reconnusparmi les plus pauvres. Les résultatsde ces analyses permettent dedéterminer les caractéristiques desenfants qui bénéficient le plus duprogramme et d’évaluer commentles effets de ce programme varientselon les caractéristiques pédago-giques de l’enseignant.Dès leur entrée en classe de pré-maternelle, les enfants non franco-phones démontraient des résultatsinférieurs à ceux des élèves fran-cophones, en mathématiques et à la mesure des habiletés verbales. À ce moment de l’évaluation, la plu-part d’entre eux parlaient à peinefrançais. Les premiers résultats dusuivi annuel des cohortes d’élèvesmontrent que :Les enfants non francophones sesont grandement améliorés au coursde l’année scolaire. En fait, ils ontcomblé le retard qu’ils avaient parrapport à leurs camarades de classefrancophones.Les enseignantes et les enseignantssont plus enclins à utiliser des stra-tégies pédagogiques innovatrices età offrir un soutien pédagogique auxélèves non francophones présentantun retard d’acquisition des compé-tences verbales.En situation d’apprentissage, l’utili-sation d’une marionnette (pourfavoriser les discussions, négocieren groupe et enseigner des concepts)et l’utilisation de la démarche

réflexive (poser le problème, trou-ver des solutions, choisir la solution,faire un retour sur l’action) sontassociées à un meilleur rendementdes enfants en mathématiques.Les enfants non francophonessemblent mieux adaptés sur le plancomportemental dans les classes oùl’enseignant a recours au travail enpetits groupes comme stratégied’enseignement (sauf lorsque lesenfants sont jugés très actifs ouagressifs). Ainsi, il est évident queles enseignants adaptent leurs stra-tégies d’enseignement pour amélio-rer la qualité des apprentissages.Le facteur « participation paren-tale » est étroitement lié à l’amélio-ration des compétences verbalesdes enfants non francophones.Les enfants de familles monopa-rentales qui entreprennent le pro-gramme de prématernelle semblentprésenter davantage de problèmesde comportement. Cependant, cescomportements perturbateurs dimi-nuent sensiblement au cours del’année. De même, on observe chezces enfants une amélioration notablede leurs résultats en mathéma-tiques. Enfin, on note que, pour lesenfants de ce groupe, l’utilisationd’un cahier individuel dans lequelsont consignés les acquis obtenus etles défis relevés, de même que letravail en petits groupes contribuentà un meilleur rendement individuelà la fin de la maternelle.Les enfants des familles moinspauvres bénéficient davantage del’ensemble du programme de l’édu-cation préscolaire que les enfantsdes familles plus pauvres. Il appa-raît clair qu’il faut intervenir sur leplan comportemental auprès desenfants les plus pauvres pour être

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avec les professionnels de ce réseauscolaire. Les renseignements four-nis par le personnel de l’éducationpréscolaire, à l’aide de cet outild’évaluation, devraient permettre à

M. Pierre Lapointe est profes-seur au Département d’étudesen éducation et d’administra-tion en éducation et M. RichardE. Tremblay, M.R.S.C., est titu-

laire de la Chaire de recherchedu Canada sur le développe-ment de l’enfant et professeur àl’Université de Montréal.

l’ensemble des agentes et agentsd’éducation de mieux reconnaîtreles besoins des élèves et, ainsi,d’être en mesure d’agir le plus tôtpossible.

en mesure d’améliorer la qualité deleurs apprentissages.Puisque le programme de l’éduca-tion préscolaire favorise principale-ment le développement des compé-tences verbales chez l’enfant, nousavons expérimenté, en collaborationavec les enseignantes et les ensei-gnants de maternelle, un programmed’enrichissement en mathématiquesintitulé Bon départ. De plus, unecomposante complémentaire de ceprogramme a aussi été mise aupoint et expérimentée auprès desparents. De même, nous faisonsl’expérimentation de ce programmeauprès des enfants de prématernelleen tenant compte de la réforme del’éducation en cours.Durant cette expérimentation, nousavons pris différentes initiatives afinde faciliter la collaboration avec lesenseignantes et enseignants parti-cipants. La disponibilité des cher-cheurs a été assurée aussi biendurant la formation des interve-nants qu’au moment de la collectedes données. Nous avons invité lepersonnel enseignant à des sessionsd’information et à des mises à joursur le développement des conceptsmathématiques chez l’enfant. Deplus, nous avons constitué un comitéconsultatif, formé d’intervenantsdirects, en vue d’assurer l’élabora-tion des programmes ainsi que lechoix du matériel didactique et desinstruments de mesure.Voilà autant d’éléments qui peuventfaciliter les collaborations entre leschercheurs et le personnel ensei-gnant engagé dans ce type derecherche. Notre étude avait pourobjet de mesurer plusieurs facteursliés à la qualité de l’apprentissagedes élèves; aussi était-il nécessaire

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« JE PEUX RÉSOUDRE DES PROBLÈMES », UN PROGRAMME D’ÉDUCATION SOCIOCOGNITIVE À LA MATERNELLE : LE DIALOGUE CHERCHEUR-ENSEIGNANT COMME CONDITION ESSENTIELLE DE SUCCÈSpar France Gravel et Pierre Pagé

D ans le contexte d’une ap-proche collaborative, l’im-plantation du programme

d’éducation sociocognitive à larésolution de problèmes interper-sonnels « Je peux résoudre desproblèmes » (JPRP) est autant uneactivité de recherche qu’une acti-vité de formation (Desgagné, 1997).En conséquence, deux ensemblesd’objectifs sont visés, soit ceux quisont liés aux activités de produc-tion de connaissances et ceux quiciblent le développement des pra-tiques éducatives des participants.Le programme JPRP a été mis enœuvre et évalué en 1998 et en 1999dans 19 classes de maternelle de larégion de Québec (Pagé et Gravel,1998; 1999). L’une des idées cen-trales de ce programme consiste àpromouvoir l’acquisition par lesenfants d’un répertoire de stratégiesdiversifiées pour résoudre les pro-blèmes relationnels auxquels ilsdoivent faire face dans leur vie quo-tidienne. Ainsi, pour guider lesenfants dans l’apprentissage duprocessus de résolution de pro-blèmes, il ne s’agit pas de leur direQUOI faire en leur expliquantpourquoi, mais plutôt de leurapprendre COMMENT réfléchir, afinqu’ils puissent décider par eux-mêmes quoi faire ou ne pas faire et pourquoi (Shure, 1992). Pouratteindre cet objectif, le programmemise sur la technique de l’étayagecomme principe orientant les dia-logues adulte-enfant. Cette techniqueimplique que l’adulte dirige le dia-logue de façon à favoriser l’intério-risation par l’enfant des étapesnécessaires au processus de réso-lution de problèmes. Au cours de

cette démarche de constructionconjointe des significations qui sontassociées à la résolution des pro-blèmes relationnels, l’enfant acquiertgraduellement la capacité de ré-soudre lui-même les problèmes quelui posent ses relations sociales. Ceprincipe, issu du socioconstruc-tivisme, propose une vision dudéveloppement et de l’apprentis-sage qui éclaire et oriente l’actionéducative vers des pratiques péda-gogiques particulières (Vygostky,1978; Wertsch, 1991). Il accordeune grande importance au dialogue,à ce dialogue qui ne va pas seule-ment de celui qui sait à celui quidoit apprendre, mais qui est aussiengagé par l’élève, qui est co-élaboré (Boisclair et Pagé, 1996).La compréhension qu’ont les ensei-gnants de l’esprit socioconstructi-viste du programme et le fait qu’ils yadhèrent impliquent l’adoption depratiques éducatives démocratiques,ce qui est tout aussi important pourle succès du programme que lesactivités particulières qui y sontproposées. À cet effet, une attentionparticulière doit être portée à laqualité des liens collaboratifs tissésentre les chercheurs et le personnelenseignant durant la formation et le processus de mise en œuvre. En effet, comme le succès du pro-gramme est basé sur l’intériorisa-tion par l’enfant de stratégies et devaleurs transmises par son dialogueavec l’adulte, le développement despratiques éducatives des adultes estau cœur même de la collaborationchercheurs-praticiens.Nous traitons ici deux questions :1. Est-ce que l’expérimentation du

programme influe sur les pra-

tiques éducatives des enseignanteset des enseignants, notammenten ce qui concerne le contrôledu comportement et la sensibilitéaux besoins des enfants? Lesrésultats suggèrent que la miseen œuvre du programme sembleavoir augmenté la sensibilité desenseignantes et des enseignantsqui ont expérimenté le pro-gramme par rapport à celles et à ceux qui ne l’ont pas expéri-menté. L’importance accordée audialogue avec l’enfant a vraisem-blablement eu un effet sur cettedimension, puisque pour dialo-guer adéquatement avec l’enfant,il faut être attentif à ce qu’ilpense et à ce qu’il ressent.

2. Peut-on établir une relation entreles styles de pratiques éducativesdes enseignantes et des ensei-gnants qui mettent en œuvre leprogramme et leur évaluationdes caractéristiques psychoso-ciales des enfants?

Les résultats suggèrent que les éva-luations varient en fonction du typede pratique éducative. Ainsi, lesenseignantes et les enseignants destyle démocratique (un mélangeéquilibré de contrôle et de sensibi-lité) évaluent plus positivement lesenfants à la fin de la mise en œuvredu programme. En revanche, lesenseignantes et les enseignants destyle permissif (un accent sur lasensibilité au détriment du con-trôle) voient moins de problèmesextériorisés (agressivité, dérange-ment, manque d’autocontrôle, etc.)avec le temps et les enseignantes etles enseignants de style autoritaire(un accent sur le contrôle au détri-ment de la sensibilité) relèvent plus

souvent ce type de problème. Onpeut donc penser que le programmen’a pas la même incidence selon le style de pratique éducative desenseignantes et des enseignants.L’expérience à laquelle a donné lieucette recherche suggère que l’éla-boration d’une action concertéerepose sur un dialogue entre leschercheurs et les enseignantes etenseignants qui favorise l’élabo-ration conjointe des significationsrelatives aux objectifs d’éducationet d’apprentissage visés par le pro-gramme JPRP.Mme France Gravel est pro-fesseure au Département dessciences de l’éducation à l’Uni-versité du Québec à Rimouskiet M. Pierre Pagé est profes-seur au Département d’étudessur l’enseignement et l’appren-tissage à l’Université Laval.

Références bibliographiquesBOISCLAIR, A. et P. PAGÉ. « ClassroomDialogue », Applying Research to theClassroom, vol. 14, no 3, 1996, p. 12-17.DESGAGNÉ, S. « Le concept de recherchecollaborative : l’idée d’un rapprochemententre chercheurs universitaires et praticiensenseignants », Revue des sciences de l’édu-cation, vol. 23, no 92, 1997, p. 371-393.PAGÉ, P. et F. GRAVEL. Je peux résoudre des problèmes : Volet maternelles. Manueld’éducation sociocognitive à la résolutiondes problèmes interpersonnels pour lesenseignantes d’élèves de maternelle, Uni-versité Laval, (Adaptation et traduction nonpubliée de Shure, M.B. [2e version, 1999; 1re version, 1998]).SHURE, M.B. I Can Problem Solve (ICPS) :An Interpersonal Cognitive Problem SolvingProgram (Kindergarten/Primary Grades),Champaign, IL : Resarch Press, 1992.VYGOTSKY, L.S. Mind and Society, Cambridge,MA : Harvard University Press, 1978.WERTSCH, J.V. Voices of the Mind : ASociocultural Approach to MediatedAction. Cambridge, MA : Harvard UniversityPress, 1991.

de bénéficier de l’expertise péda-gogique des enseignants. Ainsi, l’en-gagement du personnel enseignantdans cette recherche longitudinale

des sciences, à l’École de psy-choéducation de l’Université deMontréal et chercheure titu-

laire au Centre de recherche del’Hôpital Sainte-Justine.

fut une condition essentielle à saréalisation.Mme Linda Pagani est profes-seure à la Faculté des arts et

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enabré-géPÉDAGOGIQUE53

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CONCLUSIONS DU COLLOQUEpar Pierre Lapointe et Pierre Pagé

L e programme du colloquevisait non seulement à pré-senter les résultats d’initia-

tives récentes dans le domaine de larecherche collaborative, mais aussià cerner les conditions nécessairesà la réussite de ce type de démarche,et ce, tant du point de vue scien-tifique que de celui de la formationprofessionnelle. Les participants ontoffert des exemples concrets d’ex-périences collaboratives entre cher-cheurs et praticiens. Selon l’avis dela majorité des participants, l’amé-lioration de la réussite des élèvesconstitue un objet majeur qui, à luiseul, justifie l’établissement d’unecollaboration entre les chercheurset les enseignants.Comment concilier la recherche etl’enseignement? Voilà un défi detaille pour les écoles. Tout d’abord,selon plusieurs, le ministère del’Éducation et les établissementsscolaires doivent démontrer demanière plus évidente l’importancequ’ils accordent à la recherche enéducation. Concrètement, il s’agitde mettre en œuvre les conditionsnécessaires à l’établissement d’unevéritable culture de recherche enmilieu scolaire, et cela, afin d’offrirun soutien continu aux chercheurset aux praticiens intéressés à colla-borer dans le but d’accroître la pro-duction des connaissances et d’amé-liorer la formation des enseignants.Dans cette perspective, les établis-sements scolaires doivent souteniret valoriser la poursuite des étudesde 2e et 3e cycle chez les membresde leur personnel. De plus, ilsdoivent accorder une reconnais-sance plus formelle à la formationuniversitaire et professionnelle deleurs enseignants. Parallèlement,les programmes de formation con-tinue, développés en collaborationavec le Ministère, doivent êtredavantage axés sur une mise encommun des expertises entre cher-cheurs et praticiens pour l’avance-

ment de la recherche en éducation.Enfin, les commissions scolairesdoivent réserver une place de choixà ces enseignants experts dont laprincipale fonction devrait êtred’assurer le développement des ser-vices éducatifs. Sans la manifesta-tion de cette volonté, les écoles sontcondamnées à perdre cette exper-tise au profit des universités dont lemandat principal n’est pas toujoursd’assurer l’innovation pédagogique.Par ailleurs, la contribution deschercheurs apparaît cruciale en cequi concerne l’évaluation de l’im-pact des interventions éducativessur la réussite des élèves. En effet,tous conviennent de la nécessitépour les établissements scolaires defaire appel à une expertise externe,c’est-à-dire celle des chercheurs,dans leur démarche de reddition decomptes auprès de la population.Dans un esprit de collaboration, leschercheurs pourraient ainsi parti-ciper plus activement à la réflexiondes enseignants sur leurs pratiquespédagogiques et s’engager davan-tage dans leur démarche de forma-tion continue.Afin que cette culture de recherchedemeure vivante, il faut créer desévénements qui permettent auxchercheurs et aux enseignants de serencontrer. Ainsi, l’organisationconjointe d’activités permettant leséchanges et la concertation demeureune avenue à privilégier. En ce sens,les participants ont discuté de dif-férents projets tels que la créationd’un centre de recherche collabo-rative en éducation formé de repré-sentants des organismes partenaires,l’établissement d’un observatoirenational de recherche en éducation,l’organisation de colloques théma-tiques, la mise en œuvre de pro-grammes de subventions spéci-fiques, etc.Dans une perspective différente,plusieurs participants rappellentque l’avancement des travaux de

recherche sur le développement de l’enfant d’âge scolaire est néces-sairement lié à l’ouverture desmilieux de pratique, puisque l’écoleconstitue le lieu principal d’activitépour tous les enfants. Comment les établissements d’enseignementpeuvent-ils contribuer davantage àl’avancement de ces connaissances?Notamment par une participationplus active des enseignants auxdébats en cours sur la nature dudéveloppement de l’enfant, et cela,à partir de leurs expériences pro-fessionnelles et de leur capacité àtenir compte de la complexité ducomportement humain dans lessituations d’apprentissage scolaire.Durant la présentation des différentescommunications de ce colloque, les

participants ont reconnu la néces-sité de bien définir les rôles com-muns, mais aussi les rôles exclusifsimpartis à chacun des partenairesdans la réalisation des projets derecherche. En effet, la reconnais-sance des fonctions et des finalitéspropres au chercheur et au prati-cien constitue une condition essen-tielle à la réussite des recherchescollaboratives.M. Pierre Lapointe est profes-seur au Département d’étudesen éducation et d’administra-tion en éducation de l’Univer-sité de Montréal et M. PierrePagé est professeur-chercheurau Département d’études surl’enseignement et l’apprentis-sage de l’Université Laval.

en abrégé

PRATIQUE PROFESSIONNELLE ET APPORTS DE LA RECHERCHEpar Arthur Marsolais

L a recherche en éducationtrouve-t-elle sa voie vers lavie de l’école et vers ce qui se

passe dans la classe? Peut-elleéclairer la pratique? La consolider?La confirmer? L’aider à progresser?La faire changer de façon nette?Peut-elle la rendre féconde, évolutiveet inspirée de telle sorte qu’une car-rière d’enseignement, débouchantparfois sur un rôle de conseil péda-gogique ou de direction d’école,soit par excellence un trajet où l’onn’a jamais fini d’apprendre et oùl’on jouit d’apprendre? Est-ce uto-pique de croire que l’apport de larecherche peut dépasser l’ordredes petits bonheurs que l’on trouvedans des moments de ressource-ment collectif, journées pédago-

giques, congrès, conférences oulectures diverses, pour étayer unejoie de communiquer qui doitquelque chose au fait d’« intuition-ner », au-delà de pratiques maîtri-sées, leur « pourquoi »?Une belle journée d’exposés etd’échanges d’idées tenue au congrèsannuel de l’Association canadienne-française pour l’avancement dessciences (ACFAS) (le 15 mai 2002,à l’Université Laval) s’est dérouléesur le thème de cette jonction, loin d’être aisée, entre pratique etrecherche. Elle était organisée con-jointement par M. Maurice Tardif,de l’Université de Montréal, et M. Ahmed Zourhlal, de l’UniversitéLaval. Le titre de la session, oùchaque mot est pesé, montre le

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sique et conduits de concert, surplusieurs années, avec des parte-naires de différentes écoles. Elle asouligné diverses conditions de réus-site d’un partenariat en recherche.La plus importante consiste proba-blement en une diversité de tâchesconcrètes bien assumées, qui res-pecte à la fois les attentes des pra-ticiens et celles des chercheurs. Du point de vue du rayonnement de ces recherches, la participation des praticiens est certainement unatout, et Mme Desrosiers a soulignéle rôle de relais tout à fait privilégiéde l’association professionnellepropre au secteur de l’éducationphysique.De son côté, M. Arthur Gélinas, del’Université du Québec à Rimouski,s’est arrêté moins à la diffusion desrésultats de la recherche qu’à la dif-fusion de la recherche elle-même,de la démarche de questionnementcomme telle dans des contextes depratique. La perspective mise enœuvre dans son cas est construc-tiviste. Il s’agit moins de changer àpartir d’un consensus reçu plus oumoins passivement d’une recherchevenue d’ailleurs, que de faire émer-ger, d’exprimer, d’articuler le sensdes pratiques. Le changement, s’il ya lieu, viendra en plus. La démarcheproposée et expérimentée par M. Gélinas évite soigneusement lapolémique. Réduire la diversité des convictions n’est pas un objec-tif; ce serait peut-être même unappauvrissement. Dans ce que l’onappelle l’entretien constructiviste,un pont s’établit de l’implicite àl’explicite. Quatre modalités d’ana-lyse entrent en jeu : description despratiques, objectivation, analyseinterprétative et, enfin, analyse depertinence ou contextualisation.Qu’en est-il de la diffusion? En fait, il s’agit de la diffusion d’unedémarche de recherche dans lescontextes de pratique. Il n’y a pasde conclusion universellement trans-posable. Et le pluralisme n’est pasun facteur d’immobilisme ou deparalysie pour peu que la confron-

tation ou la démarche méthodiqued’analyse n’ait plus tant lieu entrethéories rivales mais entre l’acquisde départ peu explicite, la pratiqueet la construction d’un éclairageplus étoffé pour la pratique.

LES ATTENTES ETLES INTERMÉDIAIRESLa journée tenue à l’ACFAS sur ladissémination de la recherche aaussi permis de mettre en communles premiers résultats partiels d’unerecherche du Centre de rechercheinteruniversitaire sur la formation etla profession enseignante (CRIFPE)menée précisément sur ce thème.Elle a donné lieu à une enquête sys-tématique menée auprès de diversgroupes d’usagers de la recherche.Mme Monica Cividini a d’abord pré-senté des réponses fournies par leministère de l’Éducation, le Comitéd’agrément des programmes de for-mation professionnelle en enseigne-ment, le Conseil supérieur de l’édu-cation et de l’Association des cadresscolaires. Mme Valérie Macaviney,pour sa part, a présenté le point devue des associations profession-nelles et M. Ahmed Zourhlal, celuides universitaires.Il y a beaucoup de convergencedans le discernement des difficultéset des obstacles. Manque de tempsdéploré et propension faible à lalecture; image d’un fossé entredeux mondes, entre des langagestrop différents; familiarité déficientedes universitaires avec les milieuxde la pratique; raréfaction déplo-rée, en milieu scolaire, de conseil-lers et de conseillères pédagogiquesqui savent faire le pont entre larecherche et sa reprise en actuali-sation professionnelle ou en pra-tiques inspirées et mieux fondées.La journée de discussion s’est ter-minée par une table ronde où lesparticipants et les participantes par-taient de l’expérience de revuesconnues pour traiter le sujet : larevue Spectre de l’Association desprofesseurs de sciences du Québec,la Revue préscolaire de l’Asso-ciation d’éducation préscolaire du

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souci à l’origine de la réflexion :« La dissémination des connais-sances issues de la recherche surl’enseignement : perspectives mul-tiples et négociations entre les ac-teurs. » Pour faire brièvement échoau travail exploratoire de cette jour-née, nous nous arrêterons à lanouvelle figure de la recherche uni-versitaire, à des modalités originalesde participation à la recherche et,enfin, à l’analyse des attentes dumilieu et des rôles des intermé-diaires.

LA FIN D’UN UNILATÉRALISMEIl y a à peine dix ou quinze ans, larecherche éducative au Québecobéissait encore au schéma do-minant du travail universitaire :un professeur-chercheur isolé, quicache soigneusement ses hypo-thèses et ses données pour éviter lapiraterie, donne de temps en tempsau milieu de ses collègues, dansl’une ou l’autre revue savante, desconclusions qu’il resterait au prati-cien à appliquer, conclusions aussiuniversellement valables et décon-textualisées qu’une découverte dechimie. Quand, à la fin des années 60,on a choisi de ne pas restructurer laformation des maîtres en écolesprofessionnelles à l’université, maisplutôt en départements et facultéscomme ceux d’histoire, de mathéma-tique ou de sociologie, par exemple,c’était sans doute par économie,car les écoles professionnelles netolèrent que très peu les amphi-théâtres de centaines d’étudiants.Cependant, ce faisant, on poussaitles professeurs dans la voie de cetterecherche détachée, en surplomb,en quête non pas de partenaires etd’interlocuteurs, mais de discipleset d’applicateurs.Avant toutefois de déprécier unedécennie quasi perdue pour larecherche, celle des années 70,rappelons que ce fut, dans l’histoirescolaire, une décennie d’intransi-geance et d’allégeance. On ne recon-naissait, dans le camp qu’avait séduitla ligne idéologique de l’école cen-sément au service de la classe domi-

nante, que les travaux sociologiqueshyperfonctionnalistes à la façon deBourdieu. Ces travaux avaient l’in-convénient de traiter les enseignantscomme des marionnettes incons-cientes du sens vrai de leur action,que seuls les intellectuels critiquespouvaient détecter pour les clouerau poteau d’infamie! Dans le campopposé, humaniste, imprégné depédagogie active et coopérative, onprêtait peu attention aux recherchesqui ne confirmaient pas les convic-tions de départ, il me semble. Larecherche universitaire, très imbuede quantification à l’américaine de microphénomènes observables,continuait son petit bonhomme dechemin. La revue Vie pédagogiquea connu un incident qui témoignebien de cette ère de recherche tropdétachée. Ayant appris la conclu-sion d’une recherche largementsubventionnée sur les difficultés enmatière de mathématique des élèvesd’écoles de milieux sociaux pauvres,au début des années 80, et fort dési-reuse de diffuser ses résultats, elles’était fait répondre par le professeur-chercheur, pourtant déjà permanent :« Ces résultats paraîtront dans unegrande revue américaine d’éduca-tion ou bien nulle part! »La recherche n’est plus ce qu’elle a été. Elle est affaire d’équipes, de projets d’envergure, de liaisonsétroites avec les praticiens. Les résul-tats de la recherche se présententaujourd’hui comme une contribu-tion à la démarche de « praticiensréflexifs » qui analysent et repensentleur pratique. En plus, la guerreentre factions est à peu près éteinte,le pluralisme ayant de plus en plusdroit d’être en éducation.

DES RECHERCHES COMMUNESDeux ateliers ont mis en lumière desstratégies de recherche qui relientorganiquement les rôles des spé-cialistes universitaires de la rechercheet des éducateurs engagés au quoti-dien dans les écoles. Mme PaulineDesrosiers, de l’Université Laval, aprésenté les conclusions de deuxprojets relatifs à l’éducation phy-

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outilstech-ni-ques

L es enseignants jouent un rôleprimordial dans la vie deleurs élèves en raison de l’in-

fluence qu’ils exercent sur eux quantaux matières étudiées et au choix de carrière. Et depuis longtemps,les professionnels de l’ingénierieappuient leurs efforts. Ainsi, afind’encourager les élèves du secon-daire à étudier les mathématiqueset les sciences pour éventuellementfaire carrière en génie, ils ont déci-dé de mettre en œuvre un projetreposant sur le programme d’étudesen sciences. Ce projet, intituléGénération-i - Une nouvelle èred’ingénieurs (Generation-E – A New Brand of Engineer), fournitaux enseignants de la 3e à la 5e secon-daire une source de documentationdirectement liée au programmed’études en sciences de chaqueprovince ou territoire.Cette initiative vise à orienter unplus grand nombre de jeunes versdes études en génie. Les élèves quis’intéressent à une carrière dans cedomaine doivent bien sûr être fortsen mathématiques et en sciences,mais ils doivent également démon-trer un penchant pour la recherchescientifique, une passion pour larésolution de problèmes, un res-pect pour les méthodes variées, un enthousiasme pour le travaild’équipe et des aptitudes pour laprise de parole en public. La raisond’être de cette campagne reposesur la nature de plus en plus com-plexe et profonde des défis que notresociété est maintenant appelée àrelever.La documentation conçue à l’inten-tion des enseignants comprend :• une lettre d’introduction;• un aperçu du projet Généra-

tion – i, décrivant les étapessimples à suivre par l’enseignantet sa classe pour intégrer les acti-

vités proposées au programmed’études;

• des affiches présentant tous lesrenseignements et toutes les direc-tives nécessaires permettant à laclasse ou à une équipe d’entre-prendre un projet donné à l’in-térieur d’un programme d’étudesparticulier;

• la grille du programme d’études,qui énonce clairement les objec-tifs d’apprentissage, les groupesd’âge visés et le bien-fondé d’unprogramme d’études individuelou intégré;

• des feuilles de gestion de projet, àl’intention des élèves, pour assu-rer le suivi de certains projetsdéfinis et complets en soi.

Voici un exemple d’un de ces pro-jets : une équipe d’élèves doit con-cevoir, construire et mettre à l’essaiun contenant capable de recevoirun œuf et de le protéger d’unechute d’au moins deux mètres surune surface dure. La forme du con-tenant est au choix des élèves, maisses dimensions ne doivent pasdépasser 10 cm x 10 cm x 15 cm.Les élèves peuvent utiliser lesmatériaux de leur choix, mais leseul matériau de renfort externepermis est le ruban-cache. La trousseprésente quatre autres projets toutaussi stimulants.

GÉNÉRATION-I : UNE NOUVELLE ÈRE D’INGÉNIEURS

outils et techniques

PÉDAGOGIQUE55

2002Vie pédagogique 125, novembre-décembre

Québec, la revue Québec françaiset la revue Vie pédagogique. Cespublications entretiennent certaine-ment l’intérêt de leurs lecteurs pourle champ de la recherche. Ellesmontrent la voie vers une porositébeaucoup plus grande, organique etorchestrée entre milieux de pra-tique professionnelle et milieux derecherche. Comme ces revues s’ali-mentent en particulier dans les con-grès d’associations professionnelles,on a souligné que les chercheursuniversitaires gagneraient à y par-ticiper beaucoup plus systématique-ment. On a aussi mentionné que, encours de formation professionnelleen vue de l’obtention du baccalau-réat, les futurs enseignants et ensei-gnantes pourraient développer deshabitudes de lecture du côté des mé-dias et de revues qui présentent cou-ramment des sources de recherchecontemporaine hautement pertinentepour la pratique.La journée a fortement véhiculé laperception d’un rapprochementpotentiel entre enseignement etrecherche. De vieilles barrières trèssubstantielles sont tombées. La pro-fessionnalisation qui reconnaît l’en-seignement comme pratique réflexivea tué la vieille disjonction théorie-pratique. Cependant, pour qu’unealliance solide succède à des con-tacts épisodiques ou trop localisés,il reste de grands pas à faire. Unvéritable système de communi-cation robuste et fiable requiert,comme le proposait le titre du col-loque, une aptitude à négocier avecdes partenaires, en dehors de toutschéma vertical d’information des-cendante.M. Arthur Marsolais est consul-tant en éducation.

Tout le matériel du projet Géné-ration-i sera offert gratuitement àpartir de l’automne 2002. Les ensei-gnants peuvent entre-temps consulterle site Internet (www.generation-i.ca)et envoyer un courriel aux organi-sateurs pour recevoir le guide desorateurs.Le comité directeur du projet secompose d’un grand nombre de col-laborateurs des secteurs du génie,de l’enseignement, de l’orientationprofessionnelle, de la conceptionde produits de carrière et desaffaires étudiantes. Parmi les orga-nismes représentés au sein ducomité directeur, mentionnons l’As-sociation des ingénieurs-conseilsdu Canada, le Conseil canadien desingénieurs, Développement desressources humaines Canada, leConsortium canadien des carrières,la Coalition canadienne des femmesen génie, en sciences et en tech-nologie, la Fédération canadiennedes étudiants et étudiantes en génie,l’école secondaire de Fredericton,la firme Golder Associates, le GroupeSNC-Lavalin inc., la firme GiffelsAssociates Limited et la Faculté d’édu-cation de l’Université d’Ottawa.

LES CENTRES JEAN LAPOINTE POUR ADOLESCENTS ET ADOLESCENTESpar Carole Champagne

L es Centres Jean-Lapointepour adolescentes et adoles-cents sont des centres qui

viennent en aide à des jeunes toxi-comanes âgés de 12 à 18 ans. Troiscentres sont maintenant ouverts au Québec afin de répondre auxbesoins de plus en plus grandis-sants en matière de toxicomanie.

Une thérapie au Centre dure enmoyenne de huit à dix semaines. Le jeune est logé et nourri gratui-tement tout au long de son séjour.Les parents n’assurent que sesdépenses personnelles.Des thérapies de groupe et indi-viduelles, des ateliers et plusieursactivités sont organisées dans le but

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lus, vuset entendus

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d’aider le jeune à mieux se com-prendre et à cesser toute consom-mation de drogues et d’alcool. Uneéquipe multidisciplinaire qualifiéeest là pour l’aider à cheminer toutau long de sa thérapie.Les commissions scolaires deMontréal, de la Capitale (Québec) etdu Chemin-du-Roy (Trois-Rivières)offrent le programme scolaire qui

BARTH, BRITT-MARI.L’APPRENTISSAGE DEL’ABSTRACTION, PARIS,ÉDITIONS RETZ, 2001, 255 PAGES.La nouvelle édition revue et aug-mentée de cet ouvrage, jugé « sti-mulant », « fondamental », « essen-tiel » par les pédagogues qui l’ontrecensé au moment de sa parutionen 1987, arrive à point nommé. Eneffet, la démarche pédagogiqueproposée par Britt-Mari Barth pouraider les élèves à construire desconcepts cadre parfaitement avec laréforme en cours qui vise, entreautres, à rendre les élèves plus ac-tifs sur le plan intellectuel et à leurfaire acquérir un savoir durable.Rappelant une réflexion de Piaget :« Ce ne sont pas les matières qu’onleur enseigne que les élèves necomprennent pas, mais les leçonsqu’on leur donne », l’auteure aélaboré une démarche efficacepour assister les élèves dans l’ap-prentissage de l’abstraction. Fondéesur les travaux de Jérôme Bruner,psychologue américain renommé,la démarche requiert une prépa-ration minutieuse pour « rendre lesavoir transmissible » et mise surune interaction constante entrel’enseignant et les élèves. Elle com-porte trois phases : 1) observation,exploration; 2) clarification, vérifi-cation; 3) abstraction, généralisa-tion. Après avoir établi l’existenced’un problème à résoudre (trouverl’idée que l’enseignant a en tête,c’est-à-dire le concept) et précisé la

lus, vus et entendustâche à accomplir, l’enseignantassure les élèves de leur droit àl’erreur. Puis, il les guide dans ladécouverte des attributs essentielsdu concept en question, à l’aided’exemples et de contre-exemplesvariés ainsi que de questions élu-cidantes. Cette démarche essen-tiellement socioconstructiviste estdécrite simplement et abondammentillustrée. Les exemples vont d’unconcept imaginé pour les besoinsde la cause (une figure arbitraire) àun concept grammatical que lesélèves doivent apprendre : l’attributdu sujet. En annexe, l’auteuredonne des exemples et des contre-exemples pour illustrer les conceptsd’objectivité, d’opinion et de paral-lélisme.Britt Mari-Barth ne cherche nulle-ment à esquiver les difficultés liéesau choix du vocabulaire approprié,au rythme des élèves, au dosage dela directivité ou à l’évaluation desapprentissages. Tout au long del’ouvrage, elle donne des réponsesà des questions pratiques sans né-gliger les solides fondements théo-riques sur lesquels elle s’appuie.Elle offre aux enseignants et auxenseignantes une démarche rigou-reuse et féconde qui favorise unvéritable travail intellectuel chez les élèves, les amène à construireensemble le savoir, fait ressortirl’importance du processus dansl’apprentissage, met en œuvre uneconception du savoir fort éloignéede la simple reproduction et tientcompte des découvertes de la psy-

chologie cognitive et des neuro-sciences sur la façon dont une per-sonne apprend ou dont le cerveaufonctionne.Les pédagogues qui, comme l’au-teure, se demandent comment ame-ner les élèves à trouver du sensdans les contenus à apprendre, às’engager à fond dans leurs appren-tissages et à acquérir des savoirspour la vie entière plutôt qu’à cher-cher à donner la bonne réponse àl’école trouveront leur profit à lalecture de cet ouvrage riche à plusd’un titre.Luce Brossard

MERCIER, BENOIT ET ANDRÉ

DUHAMEL. LA DÉMOCRATIE :SES FONDEMENTS, SONHISTOIRE ET SES PRATIQUES,QUÉBEC, LE DIRECTEUR GÉNÉRAL

DES ÉLECTIONS DU QUÉBEC, 2000,166 P.Pareille synthèse de l’évolution dela démocratie de l’Antiquité à nosjours n’avait pas encore été écrite.Pas du moins dans une perspectiveéducative. Il fallait, jusqu’à la venuede cet ouvrage, puiser toutes cesinformations ici et là, pour lesassembler avec plus ou moins debonheur.Bien que ce livre ait été conçu audépart pour les cours de philo-sophie au collégial, les besoinsauxquels il peut répondre sont pluslarges, couvrant des disciplinescomme l’histoire, la science poli-tique et l’éducation à la citoyennetéet pouvant joindre autant les jeunes

scolaire est de raccrocher chaquejeune à l’école et surtout de luiredonner la confiance qu’il avaitperdue en consommant drogues etalcool.Les Centres Jean-Lapointe existentpour redonner goût à la vie et pourque les jeunes se sentent bien dansleur peau sans consommer.Pour plus de renseignements :

CENTRE JEAN-LAPOINTE950, rue de Louvain Est, bloc CMontréal (Québec) H2M 2E8Téléphone :

Montréal : (514) 381-1218Québec : (418) 523-1218Mauricie : (819) 229-2018

Mme Carole Champagne est ensei-gnante au Centre Jean-Lapointede Montréal.

est donné quotidiennement aucentre. On y enseigne les trois ma-tières de base (français, mathéma-tique, anglais) durant trois heureschaque matin. Les élèves travaillentseuls et bénéficient d’un suivi indi-vidualisé et ils poursuivent leur sco-larité là où ils sont rendus. Les cinqclasses du secondaire sont offertes.Le but principal du programme

du deuxième cycle du secondaireque les étudiants de l’université etmême le grand public. Le langageest accessible tout en étant rigou-reux. La présentation est à la foisagréable et utilitaire, avec plus d’unecinquantaine d’images d’archives,d’extraits de documents historiqueset de nombreux encarts.Le volume est divisé en quatre par-ties et traite notamment des sujetssuivants :1. Une définition de la démocratie,

une classification des régimespolitiques ainsi que les princi-pales caractéristiques des démo-craties occidentales.

2. Les fondements et l’histoire de ladémocratie occidentale, depuisSocrate. Ici, en plus de chercherà comprendre la pensée philo-sophique derrière le concept, on décrit, schémas à l’appui, lesdifférentes traditions démocra-tiques actuelles (parlementaireet présidentielle) et les valeursqui les sous-tendent. Cette partie,riche en extraits historiques,constitue à elle seule la moitié dulivre.

3. Les pratiques démocratiquesactuelles. On y traite du systèmeélectoral, du mode de scrutin,des partis politiques, des son-dages, de la démocratie munici-pale, du syndicalisme, des débatspublics, etc.

4. L’avenir de la démocratie et lesproblèmes actuels, notammentdans un contexte de mondiali-sation.

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PÉDAGOGIQUE57

2002Vie pédagogique 125, novembre-décembre

Chacun de ces quatre chapitres estponctué de tableaux récapitulatifs et d’exercices de synthèse qui faci-litent l’alimentation de discussionsou de débats. Sont regroupées à lafin les dates importantes de l’his-toire de la démocratie au Canada etau Québec. Ce livre de référence,qui est distribué depuis peu dansles librairies par les Publications duQuébec, peut être considéré commeun incontournable pour qui s’inté-resse (et veut intéresser les autres)à la démocratie et à l’éducation à lacitoyenneté.Michel Leclerc

JADOULLE, JEAN-LOUIS ET

MATHIEU BOUHON (DIR.).DÉVELOPPER DES COMPÉTENCES

EN CLASSE D’HISTOIRE. LOUVAIN-LA-NEUVE,UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN

ET MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION, DE

LA RECHERCHE ET DE LA FORMATION

DE BELGIQUE, 2001, 264 P.Les publications sur l’enseignementde l’histoire sont rares et celles quisont consacrées au développementd’une approche par compétencesdans ce domaine le sont encoredavantage. Il faut donc, d’entrée dejeu, souligner la parution de cetouvrage publié par l’Unité de didac-tique de l’histoire de l’Universitécatholique de Louvain.Rappelons d’abord que la Belgique,on l’aura deviné, est aussi à réfor-mer son curriculum d’histoire, quele ministère de l’Éducation souhaiteloger à l’enseigne d’une approchepar compétences. Aussi les auteursproposent-ils aux enseignants deleur pays un ouvrage de réflexionpour les soutenir dans l’appropria-tion de ces nouvelles orientations.Le volume est divisé en trois sec-tions : la première, consacrée auxrecherches sur la question, met àcontribution Jean-Marie De Ketele,à qui nous devons quelques ouvragessur les compétences, Britt-MariBarth, dont les travaux sur la cons-truction des savoirs et le dévelop-pement des concepts sont bienconnus et les deux auteurs en titredu volume, qui tentent de faireressortir les possibilités offertes parcette nouvelle orientation didactique,

mais aussi les questions qu’elle sus-cite. La deuxième section présentecinq scénarios didactiques élaboréspar des chercheurs et des ensei-gnants membres du Groupe derecherche sur les objectifs et l’éva-luation en classe d’histoire et qui ontété expérimentés dans des classes.La troisième section décrit diversoutils pédagogiques (pour la plani-fication, l’évaluation ou d’autresdocuments) susceptibles d’accompa-gner l’enseignant dans sa démarched’appropriation.Après avoir fait ressortir que lessavoirs essentiels construits en classed’histoire doivent être « non seule-ment connus mais surtout mobiliséset restés mobilisables », De Keteleinvite les enseignants à identifierdes familles de « situations pro-blèmes » dans lesquelles les élèvespeuvent mobiliser des connais-sances historiques et en dégager lescaractéristiques principales afin depouvoir élaborer des scénariosd’enseignement-apprentissage pro-ductifs. De son côté, Britt-Mari Barth,réfléchissant sur le rôle central desconcepts dans l’enseignement del’histoire, propose une approchepédagogique « qui conduit à coor-donner mentalement le mot, lessituations contextualisées et la défi-nition abstraite ». En travaillant avecles élèves des « situations exemples »du concept et en leur permettantd’en dégager les attributs essentiels,l’enseignant amène les élèves àconstruire eux-mêmes ces outils dela pensée en s’en servant, donc enmobilisant les connaissances quileur sont associées. Le contenu lié à l’histoire devient ainsi, sous lalunette des concepts, non plus la finalité du cours mais le moyenpour mettre en œuvre les compé-tences visées. Conséquemment,conclut Barth, « le rôle traditionnelde l’enseignant change, de touteévidence, et la relation pédagogiqueégalement. Plutôt que d’exposer lesavoir pour qu’il soit mémorisé, ils’agit de le rendre accessible auxélèves et de les outiller – en lesaccompagnant – pour qu’ils sachents’en servir. » De la même façon, lerôle de l’apprenant est aussi appeléà changer :

« Il n’est plus un récepteur passifqui prend des notes en silence pourles mémoriser par la suite. Il devientun membre actif d’un groupe d’ap-prenants où il assume certainesresponsabilités : il adhère au projet;il participe; il exprime ses interpré-tations; il apporte sa pierre à larecherche commune; il écoute lesautres; il accepte qu’on questionneses arguments et qu’on les vérifie àla source […] Il s’agit d’apprendreensemble, de vivre ensemble, de secomporter en citoyens solidaires oùchacun participe à la résolutiond’un problème commun. »Belle façon de saisir la dimensionsociale de l’apprentissage et l’im-portante fonction de l’histoire dansl’éducation à la citoyenneté…Dans leur texte sur les chances etles interrogations de l’apprentissagede l’histoire à l’heure des com-pétences, après avoir pris acte ducaractère souvent éphémère desacquisitions scolaires et de la fai-blesse des fondations de ces connais-sances, Jadoulle et Bouhon formu-lent trois questions éminemmentdidactiques : Comment amenerl’élève à découvrir que les connais-sances apprises en classe d’histoireconstituent de véritables outils pourcomprendre le passé et le présent?Comment l’aider à établir des liensentre ce qu’il apprend et la sociétédans laquelle il sera amené à agir?Quels points de repère se donner,dans le concret de la classe d’his-toire, pour outiller le jeune dans sa compréhension du monde ac-tuel? Tentant d’opérationnaliserl’approche par compétences, aprèsavoir rappelé que « savoir, c’estaussi mettre en œuvre une dé-marche… pour savoir », ils s’ap-pliquent à définir ce que peut êtreune situation d’exercice d’une com-pétence en histoire : « La complexi-té de la tâche ne réside ni dans un savoir à redire […] ni dans unsavoir-faire ou un savoir à appliquer[…] mais bien dans la nécessitépour l’élève d’identifier puis demobiliser les ressources qui con-viennent pour réaliser la tâchedemandée. » Ce qui les conduit àénoncer les caractéristiques sui-

vantes d’une situation d’exerciced’une compétence : « elle est com-plexe, vise l’intégration des acquis,est significative, appartient à unefamille de situations, est discipli-naire et vise l’autonomie ». Afin queles élèves puissent découvrir puisintégrer les démarches appartenantaux diverses familles de situationsdans laquelle s’exercent les compé-tences, elles doivent être cohérenteset facilement reconnaissables parceux-ci.Au regard des compétences histo-riques à faire construire par lesélèves, les choix du curriculumbelge n’étant pas ceux du ministèrede l’Éducation du Québec et la tra-dition de l’enseignement de l’his-toire étant aussi très différente dansles deux pays, il est difficile d’ap-précier l’approche proposée àtravers les exemples de scénariosd’enseignement. On peut par ailleursavancer deux commentaires. D’unepart, et les auteurs l’admettent eux-mêmes, on a peine à voir, commecela est présenté, comment les élèvespeuvent transposer ces « compé-tences » dans la lecture du réelsocial actuel et ainsi atteindre l’im-portante finalité d’éducation à lacitoyenneté. D’autre part, alors quela maîtrise d’une démarche de pen-sée historique constitue une com-pétence mobilisatrice de savoirspour lire la réalité sociale passée etprésente, sa fragmentation, tellequ’elle est proposée, en quatre « compétences » distinctes (se poserdes questions, critiquer, synthétiser,communiquer), qui sont, à notreavis, des habiletés intellectuellesgénériques, enlève beaucoup designifiance, de pertinence et decohérence au travail de la penséeen classe d’histoire. Les considéra-tions introduites sur l’importancedéterminante de l’évaluation dans lecontexte d’une approche par com-pétences y sont par ailleurs fortpertinents. Soulignons d’ailleursque le même groupe de rechercheannonce la publication prochained’un ouvrage sur l’évaluation descompétences dans le domaine del’histoire.Robert Martineau

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58 2002Vie pédagogique 125, novembre-décembre

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