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9 782247137893 Loi relative à la consommation L’analyse des principales dispositions de la loi et ses difficultés de mise en œuvre Avec l’étroite collaboration d’Eric Chevrier Rédacteur en chef Droit des affaires, Éditeur du Code de commerce et du Code de la consommation Dalloz Mai 2014

Loi relative à la consommation - editions-dalloz.fr · En revanche, hors litige relatif à un contrat de consommation ou à une pratique anticoncurrentielle, l'action n'est pas ouverte

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Loi relative à la consommation

L’analyse des principales dispositions de la loiet ses difficultés de mise en œuvre

Avec l’étroite collaboration d’Eric ChevrierRédacteur en chef Droit des affaires,

Éditeur du Code de commerce et du Code de la consommation Dalloz

Mai 2014

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Avant-Propos

La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon », publiée au Journal officiel du 18 mars, constitue, sans conteste, une réforme majeure, tant à l’égard de la protection des consommateurs que des rapports entre professionnels, mais aussi eu égard au renforcement des pouvoirs d’enquête et à l’instauration de sanctions administratives.

Sur le renforcement des règles protectrices à l’égard des consommateurs désormais définis, citons, notamment, derrière l’emblématique action de groupe, l’amplification des informations précontractuelles, l’enrichissement de la réglementation des conditions générales des contrats, la transposition des dispositions sur la vente à distance et hors établissement, la mise en conformité du régime des pratiques commerciales déloyales avec le droit européen..., sans compter les nombreuses modifications sectorielles. Il est, à cet égard, révélateur d’observer que la loi du 17 mars 2014 entraîne la modification de plus de trente codes et lois.

Mais un autre aspect de la loi « consommation » doit également retenir l’attention. Celle-ci a également pour objectif de rééquilibrer les rapports entre professionnels et, plus précisément, entre fournisseurs et distributeurs, car la protection des consommateurs passe aussi par une concurrence saine et loyale. La loi réforme ainsi en profondeur le formalisme de la relation contractuelle, porte une attention accrue à l’exécution des contrats et stigmatise les abus, tout en donnant à l’administration les moyens pour lutter contre les dérives.

Une fois la loi votée et publiée, passé les foudres du Conseil constitutionnel (Cons. const. 13 mars 2014, n° 2014-69DC), reste à l’analyser pour permettre aux principaux intéressés, mais aussi et peut-être surtout à ceux chargés de l’appliquer, qu’ils soient avocats, magistrats, juristes d’entreprise, de banque, d’assurance ou du secteur associatif, de mesurer tous les impacts de cette législation nouvelle. C’est tout l’enjeu de ce « dossier spécial » que de rendre compte, au-delà d’une description précise des principales dispositions, des nombreuses difficultés de mise en œuvre auxquelles elles vont probablement se heurter.

Éric Chevrier Rédacteur en chef Droit des affaires, éditeur du Code de commerce et du Code de la consommation Dalloz

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► Vous consultez des extraits d’articles publiés au Recueil Dalloz (n° 15 du 17 avril 2014 et n° 16 du 1er mai 2014), à l’AJ Contrats d’affaires, Concurrence, Distribution (n° 1 - avril 2014) et à la RTD com. - Revue trimestrielle de droit commercial (janvier-mars 2014).

Action de groupe « La nouvelle action de groupe » ................................................................................................................. p.3

« L’exorbitance de l’action de groupe à la française » ........................................................................... p.5

Définition et information des consommateurs « Loi du 17 mars 2014 : nouvelles mesures protectrices du consommateur » .............................. p.8

Vente à distance « Loi du 17 mars 2014 : nouvelles mesures protectrices du consommateur » ............................ p.10

Nouvelles pratiques abusives « Loi du 17 mars 2014 relative à la consommation… et pour un encadrement renforcé des relations entre professionnels » ......................................... p.14

Négociation et formalisation des contrats d’affaires « La négociation des contrats d’affaires après la loi Hamon » ......................................................... p.15

Exécution et renégociation des contrats d’affaires « Le droit (substantiel) des pratiques restrictives de concurrence s’invite dans la loi consommation (1re partie)… » ................................................................................. p.18

Enquêtes et sanctions administratives « Analyse critique des dispositions relatives aux sanctions administratives » ............................. p.20

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ACTION DE GROUPE

« La nouvelle action de groupe »

► Extrait de l’article de Vincent Rebeyrol, paru au Recueil Dalloz, n° 16 du 1er mai 2014, pp. 942-943

[…]

I - La recevabilité de la nouvelle action de groupe

4 - Le législateur a doublement limité le champ d'application de la nouvelle action de groupe, en restreignant son domaine (A) et en réservant la qualité pour agir à certains acteurs précisément déterminés (B).

A - Le domaine de la nouvelle action de groupe

5 - Le nouveau mécanisme est avant tout limité à des actions en « réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs » (art. L. 423-1 c. consom.). Le texte ne vise donc que des actions en responsabilité civile concernant une catégorie de victimes bien identifiée, les consommateurs(1). Et seules certaines actions en responsabilité sont concernées, le texte prévoyant des limitations supplémentaires, tant au niveau du fait générateur qu'au niveau du préjudice réparable. 6 - S'agissant des limitations relatives au fait générateur, tout d'abord, le texte ne vise que deux fautes susceptibles de justifier l'introduction de l'action. Ce sera d'abord le cas en présence d'un manquement d'un ou plusieurs professionnels « à leurs obligations légales ou contractuelles à l'occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ». Ce texte vise donc clairement le cas de l'inexécution contractuelle, par le professionnel, d'un contrat de consom-mation(2), mais aussi plus généralement toutes les fautes pouvant être commises à l'occasion du processus contractuel (y compris pour inciter le

consommateur à contracter). En outre, dès lors qu'il ne distingue pas entre responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle, on peut penser que les consommateurs qui n'ont pas directement contracté avec le professionnel pourront bénéficier de l'action de groupe si le manquement contractuel leur a causé un dommage personnel, sur le fondement de la jurisprudence de la Cour de cassation(3). Ce sera ensuite le cas en présence, pour l'essentiel, d'une entente ou d'un abus de position dominante commis par le(s) professionnel(s). L'action de groupe sera alors ouverte aux consommateurs victimes de cette pratique anticoncurrentielle, mais cela nécessite que le manquement aux règles de concurrence ait été constaté par la décision d'une autorité ou juridiction compétente, nationale ou européenne, qui ne soit plus susceptible de recours (art. L. 423-17 c. consom.). C'est ce que l'on appelle le mécanisme du « follow-on ». En revanche, hors litige relatif à un contrat de consommation ou à une pratique anticoncurrentielle, l'action n'est pas ouverte dans d'autres domaines. Il est simplement prévu que, dans un délai de trente mois, le gouvernement remettra au Parlement un rapport envisageant « les évolutions possibles du champ d'application de l'action de groupe, en particulier son extension aux domaines de la santé et de l'environnement » (4). 7 - S'agissant ensuite des limitations relatives au dommage réparable, la loi énonce que « l'action de groupe ne peut porter que sur la réparation des préjudices patrimoniaux résultant des dommages

Mesure phare de la loi du 17 mars 2014, l’action de groupe fait désormais partie du paysage juridique français… non sans adaptation par rapport à la « class action ». Qu’elle ait été attendue ou qu’elle soit redoutée, il reste aujourd’hui à la mettre en œuvre : pour quoi ? pour qui ? comment ? Questions essentielles d’autant que cette nouvelle action ne correspond à aucun modèle existant, faisant naître d’importantes réserves.

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matériels subis par les consommateurs », étant précisé que ces consommateurs doivent être « placés dans une situation similaire ou identique ». Ces dispositions appellent trois observations. D'abord, la loi consacre explicitement une distinction proposée en doctrine, entre la notion de « dommage » (qui constitue l'atteinte matérielle subie) et celle de « préjudice » (qui correspond aux conséquences de cette atteinte, en termes physiques, économiques, moraux, pour la victime) (5). Ainsi rédigé, le texte présente l'avantage de la clarté, en excluant de l'action de groupe la réparation de toutes les conséquences (seraient-elles économiques) d'un dommage corporel. Mais il présente l'inconvénient de ne guère pouvoir être étendu, en l'état, à d'autres domaines comme celui de la santé (comment y exclure, en effet, le préjudice corporel ?). Cela montre d'ores et déjà que l'extension du champ de l'action, théoriquement envisagée à moyen terme, sera malheureusement bien difficile sans modifications substantielles. Ensuite, il résulte du texte que seuls les préjudices patrimoniaux, résultant de dommages non corporels, pourront être réparés. Cela vise essentiellement les « pertes subies » et les « gains manqués » (6). Cette solution peut se comprendre en matière de litiges de consommation et de concurrence, où l'enjeu est de fait principalement financier. Mais ici encore, on doute très clairement de sa pertinence en cas d'extension de l'action au domaine de la santé et de l'environnement (comment exclure, en particulier, le préjudice moral, voire écologique, dans le domaine environnemental ?). Enfin, la loi impose que les préjudices subis soient identiques ou similaires pour tous les consommateurs concernés par l'action. Là aussi, la solution est compréhensible en matière de consommation, lorsque ce sont des contrats d'adhésion identiques qui ont été conclus avec de nombreux consommateurs. Mais elle est déjà plus difficile à cerner en matière de concurrence et elle n'est guère extensible à d'autres domaines comme la santé ou l'environnement (où les préjudices subis par les propriétaires des terrains affectés par une même pollution, par exemple, pourront être très disparates). Le domaine de la nouvelle action de groupe, même s'il n'est pas réduit à portion congrue, est donc strictement limité. Surtout, les choix opérés sont regrettables car ils interdisent, de facto, d'envisager un élargissement simple du domaine de l'action sans modification substantielle des règles qui viennent d'être créées. Le choix du législateur en matière de qualité pour agir est également discutable.

B - La qualité pour initier la nouvelle action de groupe

8 - La loi pose un principe très clair : l'action de groupe ne peut être engagée que par « une action de défense des consommateurs représentative au niveau nationale et agréée » (art. L. 423-1 c. consom.). Dans les faits, cela ne concerne qu'une quinzaine d'associations, étant précisé que l'agrément a souvent été refusé ces dernières années(7). Cette situation est revendiquée par le pouvoir politique qui souligne la nécessité de resserrer « le paysage consumériste autour d'associations fortes, bien structurées, ayant une couverture territoriale équilibrée et complète » (8). La limitation de l'initiative de l'action, par l'encadrement de la qualité pour agir, est donc certaine. Deux précisions doivent être apportées à la règle posée. Tout d'abord, et c'est fondamental, l'exercice d'une action de groupe par une association laisse subsister la possibilité, pour tout consommateur intéressé, de ne pas se joindre au groupe et d'exercer lui-même une action en réparation de son préjudice personnel (art. L. 423-21 c. consom., prévoyant que les décisions rendues dans le cadre de l'action de groupe n'ont autorité de la chose jugée qu'à l'égard de chacun des membres du groupe). La solution est indispensable pour respecter le droit de chacun à l'accès à un tribunal. Ensuite, la loi semble prohiber qu'une même action de groupe soit exercée par plusieurs associations. La solution est très claire pour toute action qui serait intentée après le premier jugement sur l'action de groupe (art. L. 423-23 c. consom., qui permet d'opposer l'autorité de la chose jugée de ce jugement à d'autres associations, alors même qu'elles n'étaient pas parties à l'instance, ce qui déroge à l'art. 1351 c. civ. qui requiert, lui, une identité de parties(9)). La solution est sans doute la même pour toute action qui serait intentée avant même ce jugement. La loi ne prévoit, en effet, en cours de procédure, qu'une possibilité de « substitution dans les droits de l'association requérante, en cas de défaillance de cette dernière » (art. L. 423-24 c. consom.), et cette substitution encadrée semble bien exclure tout cumul. Cela nécessite à l'évidence que les autres associations soient informées de l'action de groupe intentée par l'une d'entre elles. On peut, à ce titre, imaginer sans difficulté que le professionnel défendeur se chargera d'en informer celles qui l'ignoreraient et entendraient intenter une nouvelle action. La solution se justifie sans doute par la volonté de simplifier la procédure, en imposant un interlocuteur unique au défendeur et au juge. 9 - Ce choix opéré par le législateur de réserver l'initiative de l'action de groupe aux plus grosses associations de consommateurs appelle de très importantes réserves. […]

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Notes :

1) A ce titre, c'est bien la formule la plus restrictive qui a été adoptée, puisque sont exclus du bénéfice de l'action non seulement les professionnels, mais aussi tous les « non-professionnels » qui ne répondent pas à la définition de « consommateur », en particulier les personnes morales ; V., sur ces notions, G. Paisant, Vers une définition générale du consommateur dans le code de la consommation, JCP 2013. Act. 589.

2) La loi précise, à ce titre, qu'« est réputée non écrite toute clause ayant pour objet ou effet d'interdire à un consommateur de participer à une action de groupe » (art. L. 423-25 c. consom.).

3) « Le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage », Cass., ass. plén., 6 oct. 2006, n° 05-13.255, Bull. ass. plén. n° 9, et jurisprudence constante ; D. 2006. 2484, obs. I. Gallmeister , 2825, note G. Viney , 2007. 1827, obs. L. Rozès , 2897, obs. P. Jourdain , et 2966, obs. B. Fauvarque-Cosson ; AJDI 2007. 295 , obs. N. Damas ; RDI 2006. 504, obs. P. Malinvaud ; RTD civ. 2007. 61, obs. P. Deumier , 115, obs. J. Mestre et B. Fages , et 123, obs. P. Jourdain.

4) Art. 2, VI, L. n° 2014-344, 17 mars 2014. 5) Sur cette distinction, V. L. Cadiet, Les métamorphoses du préjudice, in Les métamorphoses de la responsabilité, PUF, 1998, p. 37

s. La distinction est adoptée par de nombreux auteurs, par ex. : P. Brun, La responsabilité civile extracontractuelle, Litec, 2014 ; Y. Lambert-Faivre et S. Porchy-Simon, Droit du dommage corporel, Précis Dalloz, 2011 ; P. le Tourneau et alii, Droit de la responsabilité civile et des contrats, Dalloz Action, 2012.

6) Que l'on retrouve en substance à l'art. 1149 c. civ. 7) Cet agrément requiert en particulier que l'association ait acquis une réelle expérience dans le domaine de la consommation,

qu'elle soit indépendante de toutes formes d'activités professionnelles et qu'elle soit représentative (au moins 10 000 adhérents).

8) JOAN Q 21 janv. 2014, Rép. min. à QE n° 32684. 9) Exigence rappelée par Cass., ass. plén., 10 avr. 2009, n° 08-10.154, Bull. ass. plén. n° 4 ; D. 2009. 1138 , et 2010. 169, obs. N.

Fricero ; RTD com. 2010. 423, obs. A. Martin-Serf.

« L'exorbitance de l'action de groupe à la française »

► Extrait de l’article de Nicolas Molfessis, publié au Recueil Dalloz n° 16 du 1er mai 2014, pp. 948-950.

[…]

I - La structure de l'action de groupe de droit commun

6 - On sait qu'en matière d'« action de groupe », il existe différents modèles, aux mécanismes et aux effets clairement distincts. La loi relative à la consommation n'adhère à aucun modèle parfaitement ; elle crée, en effet, une action originale dont les traits sont inédits.

Dans le premier modèle, celui de la class action américaine ou du recours collectif québécois, une première phase a pour fonction d'examiner la recevabilité de l'action à un moment où le groupe n'est pas encore constitué ; la seconde vise ensuite à statuer sur la responsabilité et l'allocation de dommages-intérêts au profit des membres du groupe. Pour délimiter le groupe, il faudra alors choisir entre le mécanisme de l'opt out - sont considérées comme membres du groupe les

personnes qui ne se sont pas manifestées et celles qui ont expressément manifesté leur volonté d'agir dans le cadre de cette action de groupe, de sorte que seuls ne sont pas membres ceux qui ont expressément déclaré ne pas vouloir agir dans le cadre de cette action - et celui de l'opt in - selon lequel il faut un accord explicite pour faire partie du groupe (1).

Différemment, le second modèle repose sur une action en déclaration de responsabilité pour préjudice de masse. Le juge statue, dans une première phase, sur la responsabilité du professionnel dans la survenance de dommages touchant plusieurs consommateurs. Il sursoit, ensuite, à statuer sur la réparation afin de permettre aux victimes de se manifester. Dans une

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seconde phase, les consommateurs victimes doivent alors se faire connaître du tribunal et intervenir à l'instance, afin de permettre au juge de statuer sur chacune des demandes de dommages-intérêts.

7 - Comme l'avait souligné le rapport Béteille et Jung, il n'existe pas de position unanime ni même consensuelle, parmi les partisans de l'action de groupe, sur le bon modèle, sur le champ d'application de la procédure ou sur la qualité à agir pour introduire l'action. Toutefois, tous les systèmes connus reposent sur deux phases distinctes - phase de recevabilité, puis phase d'allocation de dommages-intérêts dans la class action ; phase de reconnaissance de responsabilité, puis phase d'allocation de dommages-intérêts dans l'action en déclaration de responsabilité - et convergent pour que le groupe qui bénéficiera du jugement soit déterminé avant que le juge ne se prononce sur les dommages-intérêts. Dans tous les cas, en effet, la victime devra avoir fait connaître son choix d'entrer dans l'action (opt in) ou son choix de s'en exclure (opt out) avant que le juge ne statue sur la réparation du préjudice, de telle sorte que la question des dommages-intérêts sera tranchée une fois le groupe parfaitement délimité, et que le jugement prononcé aura autorité de chose jugée à l'égard de l'ensemble des victimes composant le groupe.

8 - Au cas présent, l'action de groupe introduite par le législateur ne relève d'aucun modèle connu. Elle n'est pas une class action à l'américaine, faute de phase de certification au cours de laquelle le juge se contenterait de définir le groupe et de déclarer l'action recevable. Si elle ressemble au second modèle, celui de l'action en déclaration de responsabilité pour préjudice de masse, elle ne lui correspond toutefois pas : les phases de reconnaissance de responsabilité et de détermination du préjudice ne sont, en effet, pas séparées. La présente action ne comporte en réalité qu'une phase unique (« dans la même décision », énonce l'art. L. 423-3 c. consom.) au cours de laquelle le juge « constate que les conditions de recevabilité (...) sont réunies », « statue sur la responsabilité du professionnel », « définit le groupe des consommateurs », « détermine les préjudices susceptibles d'être réparés pour chaque consommateur ou chacune des catégories de consommateurs constituant le groupe qu'il a défini, ainsi que leur montant ou tous les éléments permettant l'évaluation de ces préjudices » (art. L. 423-3 c. consom.), « ordonne (...) les mesures adaptées pour informer (...) les consommateurs » (art. L. 423-4 c. consom.), « fixe le délai dont disposent les consommateurs pour

adhérer au groupe afin d'obtenir la réparation de leur préjudice » (art. L. 423-5 c. consom.) et « fixe le délai dans lequel doit intervenir la réparation des préjudices des consommateurs lésés, ainsi que celui ouvert, à cette échéance, pour le saisir (...) des demandes d'indemnisation auxquelles le professionnel n'a pas fait droit » (art. L. 423-7 c. consom.). La suite relève dès lors de l'exécution spontanée par le professionnel, le juge n'ayant plus vocation à intervenir que pour « trancher les difficultés qui s'élèvent à l'occasion de la mise en œuvre du jugement » (art. L. 423-12 c. consom.), et donc au titre, logiquement, de l'exécution de la décision rendue (V. d'ailleurs l'intitulé de la section IV : « Mise en œuvre du jugement, liquidation des préjudices et exécution »). Ce n'est qu'à ce stade que le professionnel pourra faire valoir ses arguments contre les consommateurs pris individuellement.

9 - Un tel système est particulièrement surprenant. La division des actions de groupe en deux phases est de l'essence du mécanisme (2). Plus généralement, quelle que soit la portée de la première phase - qui peut servir au seul examen de recevabilité de l'action ou inclure le jugement sur la responsabilité -, il doit nécessairement y avoir une seconde phase au procès consistant à examiner le bien-fondé des demandes. Au contraire, le système retenu conduit le consommateur à exercer son choix d'adhérer au groupe non pas avant mais après que le juge s'est prononcé sur la réparation du préjudice. L'adhésion permet au consommateur d'avoir le droit d'obtenir la réparation de son préjudice, selon l'article L. 423-5, alors même que le montant de l'indemnisation ou les éléments permettant l'évaluation du préjudice ont déjà été déterminés.

Or le moment auquel le consommateur choisit ou non d'adhérer au groupe est loin d'être neutre. D'abord, parce que le juge va se prononcer sur les dommages-intérêts à un moment où la composition du groupe n'est pas définitivement arrêtée, ce qui implique, pour le professionnel, de ne pas avoir connaissance de ses adversaires. Ensuite, parce que le consommateur va pouvoir choisir de recevoir l'indemnisation ordonnée ou d'exercer une action individuelle en réparation des préjudices subis. Dans les modèles connus, la victime doit naturellement faire le choix d'adhérer au groupe à l'issue de la première phase de la procédure, c'est-à-dire avant que le juge ne statue sur la réparation du préjudice. En adhérant à la procédure, elle perd la possibilité d'exercer une autre action et doit s'en remettre à la décision que le juge prendra.

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En comparaison, ici, tout est organisé comme si le résultat de l'action de groupe, qui s'impose au professionnel, demeurait facultatif pour le consommateur : alors que la décision constitue un jugement définitif pour le professionnel, elle n'est qu'une option pour le consommateur qui pourra lui préférer la voie individuelle, une fois les résultats de l'action de groupe connus(3).

Les règles relatives à la prescription introduites par la présente loi contribuent à renforcer cette impression. L'action de groupe est une cause de suspension de l'action individuelle du consommateur (art. L. 423-20 c. consom.), ce qui conforte l'idée d'option offerte au consommateur : celui-ci peut tranquillement attendre l'issue de l'action de groupe pour décider s'il souhaite en bénéficier, sans même risquer de voir son action individuelle prescrite entre-temps. La loi prévoit que, dans une telle hypothèse, « le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle, selon le cas, le jugement rendu en application des articles L. 423-3 ou L. 423-10 n'est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation ou de l'homologation prévue à l'article L. 423-16 ». Une telle rédaction n'est

d'ailleurs pas sans rappeler celle de l'article 2238 du code civil, qui suspend la prescription de l'action en justice en cas de recours à la médiation ou à la conciliation, et prévoit alors que « le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l'une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée » ! Elle permet alors de voir la vraie nature du système ici mis en place : l'action de groupe, dans laquelle le professionnel va devoir se défendre sans connaître ses adversaires, va conduire le juge à prononcer un jugement définitif et obligatoire à son encontre, tandis qu'elle n'est pour le consommateur pas davantage engageante qu'une simple médiation. Si le jugement rendu dans le cadre de l'action de groupe ne le satisfait pas, il pourra préférer introduire une action individuelle en responsabilité devant un autre tribunal. Le schéma proposé permet ainsi aux victimes potentielles de répudier le jugement si ce dernier ne leur sied pas(4).

[…]

Notes : 1) Le groupe ne sera constitué que de ceux qui ont expressément manifesté leur volonté d'être représentés à l'instance. L'action

repose sur un mandat exprès et le silence vaut refus. 2) Comme on l'a justement écrit, dans le contexte de la class action, « une scission du procès en deux phases apparaît de fait

inexorable : une première phase relative à la recevabilité de l'action, l'autre à l'examen de son bien-fondé » : G. Canivet, Des obstacles juridiques à l'action de groupe, colloque UFC-Que choisir, nov. 2005, p. 7. Les anciens projets visant à introduire les actions de groupe en droit français avaient d'ailleurs toujours veillé à dissocier ces deux phases, comme l'a montré J. Calais-Auloy, commentant le projet de la commission de refonte du droit de la consommation (J. Calais-Auloy, La class action et ses alternatives en droit de la consommation, LPA 10 juin 2005, p. 29 s). C'est pourquoi l'exigence selon laquelle les victimes participant au groupe doivent être identifiées au moment où le juge statue sur la réparation a toujours été mise en avant comme une condition de l'introduction de l'action de groupe en France : V. Groupe de travail présidé par G. Cerutti et M. Guillaume, Rapport sur l'action de groupe, remis le 16 déc. 2005 à T. Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et P. Clément, ministre de la justice, garde des Sceaux, p. 30. La Commission européenne insiste sur le fait que les victimes doivent avoir opté avant que le juge ne se prononce sur le préjudice : Recomm. Comm. CE, 11 juin 2013 relative à des principes communs applicables aux mécanismes de recours collectif en cessation et en réparation dans les Etats membres en cas de violation de droits conférés par le droit de l'Union, § 23.

3) V. L. Boré, Le projet d'action de groupe : action mort-née ou premier pas ?, Gaz. Pal. 16 mai 2013, p. 29 s. : « [Le jugement] constitue lui aussi une figure procédurale totalement inédite dans notre droit, que l'on pourrait appeler "une offre de jugement" (...). Cette indemnisation sera offerte aux victimes par voie de publicité. Si elles la jugent satisfaisante, elles demanderont à en bénéficier. Dans le cas contraire, elles demeureront entièrement libres d'exercer leur action individuelle ».

4) Sur cette faculté de répudiation, V. ce qu'en dit L. Boré, La défense des intérêts collectifs par les associations devant les juridictions administratives et judiciaires, LGDJ, 1997, n° 419.

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Définition et information des consommateurs

« Loi du 17 mars 2014 : nouvelles mesures protectrices du consommateur »

► Extraits de l’article de Carole Aubert de Vincelles et Natacha Sauphanor-Brouillaud, paru au Recueil Dalloz n° 15 du 17 avril 2014, pp. 880-884.

[…]

I - Définition du consommateur

4 - Vingt ans après sa promulgation, le code de la consommation comporte enfin une définition du consommateur, calquée sur le droit européen. Il est « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ». Le consommateur se caractérise par la finalité non professionnelle de l'acte qu'il accomplit et par un critère personnel, qui exclut la personne morale. Même si la Cour de cassation(1) s'était déjà conformée à cette conception stricte posée par la Cour de justice(2), l'existence d'une définition légale permet de gagner en sécurité juridique.

5 - Le législateur a cependant maintenu, ainsi que l'y autorise la directive de 2011, le nouveau bénéfice du dispositif conçu pour les contrats hors établissement issu de la transposition du texte européen au profit de certains professionnels. L'application de la protection est subordonnée à deux nouvelles conditions. L'une est liée à la taille du professionnel démarché, son nombre de salariés devant être inférieur ou égal à cinq, et l'autre tient à l'objet du contrat, qui ne doit pas « entrer dans le champ de (son) activité principale »(3). La volonté de protéger les petits entrepreneurs démarchés dans des domaines où ils ne sont pas compétents, tels que la création de portails internet ou l'insertion dans des annuaires professionnels, a été avancée par la commission économique pour justifier la suppression de la notion de rapport direct, laquelle était apparue

trop restrictive. C'est cependant un critère matériel objectif - le lien avec l'activité principale - qui a été retenu plutôt qu'un critère subjectif. Supprimé de la législation sur le démarchage, le « rapport direct » devrait donc être désactivé par le juge qui s'en était inspiré, notamment en matière de clauses abusives.

6 - Le législateur n'a pas souhaité définir le « non-professionnel », bénéficiaire, aux côtés du consommateur, d'un certain nombre de dispositions protectrices. La catégorie pourrait accueillir les personnes morales dépourvues d'activité professionnelle, qu'il s'agisse d'associations caritatives ou de syndicats de copro-priétaires (4). Enfin, il n'a pas jugé utile de régler le cas du contractant agissant pour un usage mixte - l'achat, par exemple, d'un véhicule pour un usage tant personnel que professionnel. Il suffit alors, en effet, de s'interroger sur le caractère principal ou accessoire de la finalité professionnelle de l'acte. Comme l'indique la directive, lorsque celle-ci est très limitée dans le contexte global du contrat, le contractant devrait être considéré comme un consommateur(5).

D’abord texte destiné à accroître la protection des consommateurs, la loi du 17 mars 2014 imprègne l’ensemble du code de la consommation à des degrés divers et dans des proportions plus ou moins grandes. C’est ainsi essentiellement les dispositions relatives à la formation et à l’exécution du contrat de consommation qui ont été profondément modifiées.

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II - Information des consommateurs

7 - L'article 5 de la directive de 2011 a introduit, pour la première fois, dans la politique européenne de protection des consommateurs, une obligation précontractuelle d'information commune à tous les contrats de vente et de services. Jusqu'alors, les directives n'imposaient des informations que de façon sectorielle. Notre droit interne connaissait une obligation générale précontractuelle d'information beaucoup moins détaillée que les huit catégories d'informations figurant dans le texte européen. Celles-ci avaient été fidèlement transcrites par l'avant-projet de loi, puis réduites, lors des navettes entre la DGCCRF et la direction des affaires civiles et du sceau, une partie d'entre elles devant, comme l'indiquait le projet de loi, faire l'objet d'un décret. Or le degré d'harmonisation minimale, contenu dans l'article 5, autorise une transposition au-delà mais non en deçà de la directive. Il convient donc d'attendre le décret pour confirmer, ce qui apparaît déjà dans l'ensemble, la conformité de la transposition. Lors de la navette parlementaire, le projet de loi a été étoffé d'informations répondant à une volonté nationale de favoriser les modes de consommation responsables. La réécriture des articles L. 111-1 à L. 111-4 du code de la consommation préserve toutefois l'architecture globale du dispositif antérieur. Aux informations communes aux contrats de vente et de services, issues de la directive (A), s'ajoutent des informations complémentaires pour les contrats de services et pour certains contrats de vente (B).

A - Les informations précontractuelles communes aux contrats de vente et de services

8 - Le nouvel article L. 111-1 impose à tous les professionnels, vendeurs de biens, meubles et immeubles, et prestataires de services, de communiquer cinq séries d'informations au consommateur avant la conclusion du contrat. Les classiques informations sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service, prévues à l'article L. 111-1, 1°, doivent désormais être communiquées « compte tenu du support de communication utilisé », lequel reste libre puisqu'aucune forme n'est imposée au titre de cette obligation générale. Lorsque le contrat porte sur un « contenu numérique », qu'il s'agisse par exemple de musique ou de programmes informatiques, le professionnel doit en préciser « les fonctionnalités » et, le cas échéant, « son interopérabilité ». Cette nouvelle obligation est

l'un des principaux apports de la directive, d'où il résulte qu'il convient d'informer sur « l'absence ou la présence de restrictions techniques, telles que la protection au moyen de la gestion des droits numériques » et sur la compatibilité du contenu numérique avec le « matériel et l'environnement logiciel », par exemple « le système d'exploitation » (6). Bien que figurant à l'article L. 111-1, 4°, aux côtés des informations sur la garantie (7), il s'agit là de caractéristiques essentielles d'un produit numérique, comme avait tenté de le faire valoir une association de consommateurs dans l'affaire du DVD Mulholland Drive, où l'impossibilité de réaliser une copie privée n'était pas mentionnée (8). Le législateur européen avait cependant, lui aussi, « isolé » les informations sur le contenu numérique, dans la logique de la place spécifique qu'il accorde au contrat portant sur ce type de bien.

9 - L'information sur le prix est désormais mentionnée dans la disposition générale et s'enrichit à l'article L. 113-1-1 d'éléments issus de la directive, tels que le mode de calcul lorsque le prix ne peut être fixé à l'avance. L'article L. 113-3 a été, quant à lui, rectifié pour effacer l'indication des limitations de la responsabilité contractuelle, laquelle était incompatible avec le caractère abusif de ce genre de stipulations(9). Les vendeurs pourront pratiquer à titre expérimental, pour un même produit, l'affichage d'un double prix : celui de vente et celui d'usage. La facturation de l'usage du service rendu par un produit s'inscrit dans la lignée des analyses montrant un affaiblissement du rôle de la propriété comme support des échanges et un essor de la commercialisation de l'accès à l'usage des choses (10). Enfin, la transposition de la directive permet de lutter contre les cases « pré-cochées ». Le consommateur pourra solliciter le remboursement des sommes versées au titre de ces paiements supplémentaires pour lesquels il n'aurait pas donné un consentement exprès (11).

10 - La loi Hamon introduit également une partie des informations qui, dans la directive, concernent l'exécution du contrat. S'agissant de la date d'exécution du contrat, l'article L. 111-1, 3°, prévoit qu'« en l'absence d'exécution immédiate du contrat », le professionnel informe le consommateur de « la date » ou « du délai » auquel il s'engage à livrer le bien ou exécuter le service. Le droit français reste attaché à l'obligation de s'engager à exécuter le contrat dans un délai précis et à la nécessité d'en informer précontractuellement le consommateur, comme le prévoyait l'ancien article L. 114-1. Le domaine

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d'application de cette exigence n'est plus limité aux opérations d'un montant supérieur à 500 €, ni, du fait de sa mention dans le texte général, aux biens meubles. Cependant, l'article L. 138-1 vient réduire le caractère contraignant de cette obligation d'information en autorisant implicitement le professionnel à s'en dispenser, dispense qui l'oblige alors à livrer ou exécuter la prestation au plus tard trente jours après la conclusion du contrat(12). S'agissant des indications prévues par la directive sur les modalités d'exécution du contrat, telles que les modalités de paiement, de livraison, ainsi que la durée du contrat, elles ont été effacées de l'avant-projet de loi et feront peut-être l'objet de précisions dans le décret. Certaines d'entre elles sont, en tout état de cause, déjà mentionnées en pratique au titre des « conditions particulières » de l'article L. 113-3. D'autres seront inutiles pour les transactions de la vie quotidienne exécutées dès leur conclusion, ainsi d'ailleurs que l'avait envisagé le législateur européen. Deux séries de renseignements concernent, dans la directive, l'exécution défectueuse du contrat. Les informations sur la garantie légale de conformité, l'existence d'un service après-vente et les garanties commerciales ont été transposées, indépendamment des modifications concernant

leur contenu(13). En revanche, l'obligation d'indiquer le traitement des réclamations n'apparaît pas. Certes, l'article L. 133-4 impose une information du consommateur sur le recours à une médiation, laquelle est amenée à se développer, du fait de la transposition en cours des textes européens sur le sujet(14). Cependant, le texte la limite au cas de « conclusion d'un contrat écrit », condition qui ne figure pas dans l'article 5 de la directive. Là encore, le décret permettra de s'assurer de la conformité du texte français.

11 - Enfin, les informations permettant l'identification du professionnel, qui n'étaient jusqu'alors exigées que pour les prestataires de services, le sont désormais indifféremment « pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ». Les débats parlementaires avaient, à cet égard, pointé le risque d'un surcoût de l'information pour les petits commerçants. […]

Vente à distance

[…]

IV - Les contrats réglementés

16 - Transposant la directive de 2011, la loi Hamon réforme l'ensemble de la réglementation qui était, jusqu'alors, applicable aux contrats conclus à distance et par démarchage, désormais désignés sous la qualification européenne de contrats hors établissement (A), et saisit l'occasion pour s'intéresser à d'autres contrats de consommation (B).

A - Les contrats conclus à distance et hors établissement

17 - L'appréhension de ces contrats est désormais commune par principe, même si quelques règles spécifiques demeurent. Le champ d'application matériel est identique et étendu à tous les contrats, y compris les contrats portant sur des contenus numériques sans support matériel (art. L. 121-16-2). Conformément à la directive, onze familles de contrats sont désormais exclues qui

reprennent les anciennes exclusions, sauf celle relative aux enchères publiques qui disparaît, et en ajoutent d'autres, principalement en raison de l'existence d'une réglementation spécifique déjà existante (contrats portant sur des services sociaux, des services de santé, des jeux d'argent, des services financiers, des services de transports, des forfaits touristiques ou l'utilisation de biens à temps partagé) ou d'un système de protection national (actes authentiques). Outre la différence quant aux parties contractantes déjà évoquée (15), la distinction de ces deux types de contrat se fait par la technique contractuelle utilisée. La nouvelle définition des contrats à distance reprend l'actuelle à deux précisions près : elle limite son champ, d'une part, aux seuls contrats s'inscrivant dans un « système organisé de vente ou de prestation de services à distance », c'est-à-dire lorsqu'existe une politique commerciale de développement par les techniques de communication à distance excluant

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les recours occasionnels, ce que prévoyait déjà la directive n° 97/7/CE mais qui n'avait pas été transposé, et, d'autre part, aux seuls contrats pour lesquels toute la phase de formation en plus de la conclusion s'est réalisée par une telle technique (art. L. 121-16, 1°). Le contrat hors établissement recouvre les deux situations actuelles que sont, d'une part, la conclusion du contrat en dehors du lieu où le professionnel exerce son activité habituellement (domicile, lieu de travail) et duquel semblent exclus désormais les vendeurs ambulants, et, d'autre part, la conclusion du contrat dans le lieu où le professionnel exerce son activité habituellement mais « immédiatement après » avoir été sollicité personnellement dans un lieu autre que l'établissement. Cette dernière hypothèse est plus restreinte qu'aujourd'hui car il est exigé non seulement que la conclusion du contrat se réalise dans un laps de temps très court après la sollicitation à domicile ou sur le lieu de travail, mais également que cette sollicitation se déroule en la présence physique et simultanée des parties, ce qui exclut de toute protection les hypothèses auparavant admises de sollicitations au moyen d'une communication à distance. S'ajoutent deux autres situations nouvelles : la conclusion d'un contrat au moyen d'une technique de communication à distance mais « immédiatement après » avoir été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu autre que l'établissement commercial du professionnel, et les contrats conclus « pendant une excursion organisée par le professionnel ayant pour but ou pour effet de promouvoir et de vendre des biens ou des services au consommateur » (art. L. 121-16, 2°). La protection des consommateurs est également renforcée dans le cadre des démarchages téléphoniques qui font une entrée remarquée dans le code de la consommation par l'introduction de deux nouvelles sections, l'une relative à la création et la gestion d'une liste d'opposition au démarchage téléphonique (art. L. 121-34 s.), et l'autre à l'interdiction de l'utilisation des numéros masqués (art. L. 121-34-2).

18 - Le régime spécifique de ces contrats concerne presque exclusivement des règles relatives à la formation du contrat. Des deux dispositions sur l'exécution du contrat à distance, il ne reste plus que la responsabilité de plein droit, propre au droit français et transférée à l'identique à l'article L. 121-19-4, celle relative à l'indisponibilité du bien ou du service commandé n'ayant pas été reprise dans la directive n° 2011/83/UE (16). Les règles communes concernent le contenu des informations précontractuelles (1) et le droit de rétractation (2).

1 - Les informations précontractuelles

19 - Si le contenu des informations pré-contractuelles est unifié pour les contrats à distance et hors établissement, les modalités de leur délivrance conservent pour chacun d'eux un formalisme spécifique.

20 - Les renseignements qui doivent être délivrés avant la conclusion d'un contrat à distance ou hors établissement illustrent trois évolutions européennes : la volonté de renforcer l'information du consommateur agissant à distance, renforcement qui, par « contagion », touche le contrat hors établissement ; la modification de la conception de la rétractation du fait de son extension aux services et la prise en compte du téléchargement. Aussi, l'article L. 121-17, I, impose-t-il au professionnel de communiquer avant la conclusion du contrat, outre tous les renseignements qui relèvent de l'obligation générale (17), une série d'éléments de nature à éclairer le consommateur sur les particularités liées au contexte contractuel, qu'il s'agisse des coûts de la technique utilisée - par exemple, les SMS dont le tarif est surtaxé -, des modes de règlement des litiges (18) et, surtout, du droit de rétractation. Lorsqu'il existe, le professionnel doit en informer le consommateur, faute de quoi il s'expose à une prorogation du délai de rétractation(19), et communiquer le formulaire en permettant l'exercice. Il doit indiquer que les conséquences de la rétractation peuvent avoir désormais un coût pour le consommateur, à savoir que ce dernier supportera, pour les biens, les frais de leur renvoi, et, pour les prestations de services, la valeur proportionnée à leur exécution partielle commencée avant la fin du délai de rétractation. La sanction du défaut d'information sur ces coûts est efficace, puisqu'elle consiste à dispenser le consommateur de leur paiement(20). Le professionnel doit également indiquer les cas où la rétractation est exclue, et ceux où elle est perdue, notamment lorsque le consommateur donne son accord pour bénéficier immédiatement d'un contrat de fourniture numérique par voie immatérielle.

21 - Les modalités de fourniture de ces informations diffèrent selon que le contrat est conclu à distance ou hors établissement. Lorsque le contrat est conclu hors établissement (art. L. 121-18), le professionnel doit, dans un premier temps, délivrer les obligations précontractuelles d'information, sur un support papier, ou, sous réserve de l'accord du consommateur, sur un

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support durable, dont la définition est transposée(21). Il est tenu, dans un second temps, de transmettre au consommateur un exemplaire du contrat, lequel reprend, à peine de nullité, les informations précontractuelles, qui sont donc délivrées deux fois au client. On retrouve ici la technique du formalisme informatif, avec deux nouveautés : l'introduction du support durable et la confirmation des informations, laquelle va au-delà des exigences de forme prévues par la directive(22), pourtant d'harmonisation maximale sur ce point. Le risque pris par le législateur français s'explique par la volonté d'assurer, aux deux étapes de la conclusion du contrat, l'information sur la rétractation. La conclusion du contrat à distance s'opère également en deux temps. Le premier temps est, là encore, celui de l'exécution de l'obligation précontractuelle d'information. Cependant, celle-ci ne s'opère plus par la voie de l'offre de contrat. Le professionnel peut choisir de transmettre l'information par tout moyen adapté à la technique de communication à distance ou par une simple mise à disposition qui suppose alors une démarche active du consommateur (23). Le processus informatif est adapté aux techniques de communication imposant des contraintes d'espace et de temps, afin d'éviter de pénaliser le commerce par les nouveaux canaux de distribution, tels que les smartphones(24). Il est, par ailleurs, renforcé pour le contrat conclu par voie électronique, afin d'éviter de tromper le consommateur quant à la nature payante de l'opération qu'il pourrait conclure. Le législateur impose alors le rappel, avant la commande, des informations les plus essentielles, ainsi que la mise en place d'un dispositif de nature à faire prendre conscience au consommateur de son obligation de payer (25). Le second temps, qui intervient après la conclusion du contrat, et au plus tard au moment de la livraison(26), est celui de la confirmation du contrat(27). Ce dernier ne doit rappeler les informations précontractuelles que dans l'hypothèse où elles n'auraient pas été fournies, auparavant, sur un support durable. Quel que soit le contexte contractuel, la confirmation du contrat permet de renouveler l'accord du consommateur à l'exécution anticipée d'un contrat de fourniture d'un contenu numérique par voie immatérielle, conduisant ainsi à la perte son droit de rétractation, qui demeure, dans les autres cas, au cœur du dispositif protecteur.

2 - Le droit de rétractation

22 - Constituant l'un des grands apports de la directive de 2011, le régime du droit de rétractation est désormais unifié et précisé pour les contrats à distance et hors établissement. Outre les exclusions générales concernant ces contrats, s'ajoutent treize exclusions spéciales qui recouvrent l'essentiel des exclusions existantes désormais communes (art. L. 121-21-8). Deux changements sont importants : l'extinction du droit de rétractation lorsque le service est pleinement exécuté, et non dès le commencement d'exécution, à la condition qu'un formalisme spécial ait été respecté avant le commencement d'exécution (accord préalable « exprès » et reconnaissance de la perte de son droit après l'exécution), et l'extinction du droit dès le commencement d'exécution d'un téléchargement numérique, à la condition également du respect d'un formalisme spécial préalable au début d'exécution (accord préalable « exprès » et renoncement « exprès » à son droit de rétractation).

23 - Le consommateur dispose désormais de quatorze jours calendaires pour se rétracter à compter soit du jour de la conclusion du contrat pour les services et les biens numériques dématérialisés, soit du jour de la réception du bien par le consommateur ou un tiers, autre que le transporteur et désigné par le consommateur, pour les ventes et les contrats de prestations de services incluant la livraison de biens (art. L. 121-21). Le consommateur est libre de la forme pour se rétracter sans être obligé d'utiliser le formulaire type de rétractation nécessairement fourni(28), mais devra veiller à en conserver une preuve en cas de contestation, preuve facilitée en cas de rétractation en ligne sur un formulaire type du professionnel alors obligé d'en accuser réception (art. L. 121-21-2).

24 - L'exécution du contrat pendant le délai de rétractation est désormais soumise à certaines règles particulières. D'abord, s'agissant uniquement des contrats hors établissement, le droit français a opté pour conserver la faculté que laisse la directive de 2011 d'interdire au consommateur d'exécuter le contrat, que la présente loi a limité aux sept premiers jours du délai de rétractation, malgré le rallongement du délai à quatorze jours (art. L. 121-18-2). La violation de cette interdiction est toujours pénalement sanctionnée, mais avec des peines considérablement alourdies (art. L. 121-23). Le

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professionnel, quant à lui, peut exécuter le contrat dès sa conclusion, même pour des services conclus hors établissement, contrairement au droit actuel. Cette exécution doit cependant respecter un certain formalisme pour les contrats de services et le téléchargement numérique, en raison des risques qu'elle fait peser sur la perte du droit de rétractation. Ainsi, avant toute exécution d'un contrat de services pendant le délai de rétractation, le professionnel doit « recueillir sa demande expresse sur papier ou sur support durable » (art. L. 121-21-5). Pour les contrats

portant sur un contenu numérique sans support matériel, l'exigence du formalisme s'induit des sanctions prévues en cas de manquement, obligeant également le professionnel à recueillir « son accord préalable exprès », ainsi que « la preuve de son renoncement à son droit de rétractation » (art. L. 121-21-6). A défaut du respect de ces formalismes, le professionnel sera déchu de son droit aux restitutions dans l'hypothèse de l'exercice par le consommateur de son droit de rétractation.

[…]

Notes :

1) Civ. 1re

, 15 mars 2005, n° 02-13.285, D. 2005. 1948 , note A. Boujeka , 887, obs. C. Rondey , et 2836, obs. S. Amrani-Mekki ; RTD civ. 2005. 393, obs. J. Mestre et B. Fages ; RTD com. 2005. 401, obs. D. Legeais , et 2006. 182, obs. B. Bouloc .

2) CJCE 22 nov. 2001, aff. C-541/99, Cape, D. 2002. 90 , obs. C. Rondey , et 2929, obs. J.-P. Pizzio ; RTD civ. 2002. 291, obs. J. Mestre et B. Fages , et 397, obs. J. Raynard ; RTD com. 2002. 404, obs. M. Luby .

3) Art. L. 121-16-1, III.

4) Pour une liste détaillée, V. N. Sauphanor-Brouillaud, E. Poillot, C. Aubert de Vincelles et G. Brunaux, Les contrats de

consommation - Règles communes, J. Ghestin (dir.), Traité de droit civil, LGDJ, 2012, nos

113 s.

5) Consid. 17.

6) Consid. 19.

7) V. infra, n° 10.

8) Civ. 1re

, 19 juin 2008, n° 07-14.277, D. 2008. 1824, et 2009. 1992, obs. J. Larrieu ; RTD com. 2008. 551, obs. F. Pollaud-Dulian.

9) Art. R. 132-1, 6°.

10) J. Rifkin, L'âge de l'accès : la nouvelle culture du capitalisme, trad. M. Saint-Upéry, La Découverte, Poche, Paris, 2005.

11) Art. L. 114-1.

12) V. infra, n° 33.

13) V. infra, n° 36.

14) Dir. n° 2013/11/UE, 21 mai 2013 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation ; Règl. n° 524/2013, 21 mai 2013 relatif au règlement en ligne des litiges de consommation.

15) V. supra, n° 5.

16) Anc. art. L. 121-20-3, al. 2 et 3.

17) V. supra, nos

7 s.

18) Sur lesquels, V. supra, n° 10.

19) Art. L. 121-21-1.

20) Art. L. 121-17, II, et L. 121-21-5, al. 3.

21) Tout instrument permettant de stocker des informations afin de pouvoir s'y reporter ultérieurement pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées et qui permet la reproduction à l'identique des informations stockées.

22) V. art. 7.2 qui prévoit la seule confirmation du contrat.

23) Art. L. 121-19.

24) Art. L. 121-19-1.

25) Art. L. 121-19-3.

26) Art. L. 121-19-2.

27) La confirmation du contrat devrait s'opérer sans démarche active du consommateur : CJUE 5 juill. 2012, aff. C-49/11, Content services, D. 2012. 1878 , et 2013. 945, obs. E. Poillot ; RTD eur. 2012. 666, obs. C. Aubert de Vincelles .

28) V. supra, n° 20.

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Nouvelles pratiques abusives

« Loi du 17 mars 2014 « relative à la consommation »... et pour un encadrement renforcé des relations entre professionnels »

► Extrait de l’article de Didier Ferrier, paru au Recueil Dalloz n° 15 du 17 avril 2014, pp. 889-890.

[…]

A - Les nouvelles pratiques abusives

De nouvelles pratiques se trouvent explicitement ou implicitement stigmatisées par la loi du 17 mars 2014.

Sont explicitement visées à l'article L. 442-6 du code de commerce plusieurs pratiques constatées au stade de l'exécution du contrat conclu entre professionnels. Ainsi :

- le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial « en cours d'exécution du contrat » et en réponse à une « demande supplémentaire » le « maintien ou l'accroissement abusif de ses marges ou de sa rentabilité » (art. L. 442-6, I, 1°) ; la pratique correspond à la « garantie de marge » exigée par un distributeur qui est amené à baisser le prix de revente pour écouler des produits et impute ainsi son risque commercial à son fournisseur. La référence au caractère abusif de la demande laisse cependant offerte la possibilité de formuler des demandes supplémentaires non abusives ;

- le fait de passer, régler ou facturer une commande de produits ou services à un prix différent du prix convenu tel qu'il ressort de l'application du barème des prix unitaires mentionné dans les conditions générales de vente ou de sa négociation (art. L. 442-6, I, 12°). Il en résulte que, pour les produits non soumis à un cycle de commercialisation particulier(1), le prix

convenu doit ainsi être appliqué au plus tard le 1er

mars.

Sont implicitement visés à l'article L. 441-6 du code de commerce certains abus tenant aux conditions de paiement. Ainsi :

- le délai de paiement des factures périodiques, désormais définies par référence à l'article 289, I, 3, du code général des impôts, comme celles correspondant à « plusieurs livraisons ou prestations distinctes réalisées au titre du même mois civil », et qui dérogent donc au principe de la facturation dès la réalisation de la vente ou de la prestation de services, est limité à « quarante-cinq jours à compter de la date d'émission de la facture » ; on observera qu'il n'en résultera pas nécessairement le raccourcissement des délais de paiement, recherché en droit européen et national, dès lors que les distributeurs seront incités à demander à être facturés à la fin du mois(2) ;

- afin d'assurer le respect de ces dispositions, la durée prévue pour « la procédure d'acceptation ou de vérification » des produits ou services fournis ne devra avoir pour effet ni d'augmenter, ni de décaler le point de départ du délai maximal de paiement » (art. L. 441-6, IV, contre la pratique des « délais de paiement cachés »). Tenant compte, cependant, des modalités d'appréciation et de

Comme l’exposé des motifs le laisse entendre, la loi du 17 mars 2014 ne s’intéresse pas qu’au droit de laconsommation. Elle réforme également en profondeur le droit applicable aux contrats d’affaires justifiant qu’un dossier spécial soit consacré à ce thème dans l’AJ Contrats d'affaires, Concurrence, Distribution. C'est d'abord sur le terrain des pratiques restrictives de concurrence qu'intervient la loi, par une nouvelle stigmatisation des abus.

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réception du droit commun de la vente (art. 1586 s. c. civ.) ou pratiquées dans les ventes internationales (V., en particulier, les « incoterms »), le législateur admet que les parties aménagent un contrôle des produits ou services « pourvu que cela ne constitue pas une clause ou une pratique abusive ». La réserve doit les conduire à justifier la procédure de contrôle par un usage professionnel ou par la nature du produit, ou encore par les modalités particulières de l'opération.

- afin de renforcer le contrôle des délais de paiement, la loi impose aux sociétés dont les comptes annuels sont certifiés par un commissaire

aux comptes l'obligation de publier des informations sur les délais de paiement, non seulement de leurs fournisseurs, mais également,

désormais, de leurs clients (art. L. 441-6-1, al. 1er

). Ces informations doivent faire l'objet d'une attestation du commissaire aux comptes, adressée au ministre chargé de l'économie lorsque la société concernée est une grande entreprise ou une entreprise de taille intermédiaire et que sont constatés des manquements répétés et significatifs aux exigences légales (art. L. 441-6-1, al. 2).

[…]

Notes : 1) Pour les produits soumis à un cycle de commercialisation particulier, V. infra, art. L. 441-7, 1°, c. com. 2) Par ex., une livraison avant le quinze du mois emportera ainsi un délai de paiement supérieur à soixante jours.

Négociation et formalisation des contrats d’affaires

« La négociation des contrats d'affaires après la loi Hamon »

► Extrait de l’article de Mélanie Comert et Élisabeth Flaicher-Maneval, publié à l’AJ Contrats d’affaires, Concurrence, Distribution n° 1 - avril 2014, pp. 16-17.

[…]

La loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 (1), dite « LME », ambitionnait un parfait rééquilibrage des relations commerciales interentreprises. Il faut croire que cet objectif n'a pas été complètement atteint ! C'est en tout cas ce qui semble ressortir de la « loi Hamon » du 17 mars 2014. À la faveur d'un texte dédié à la consommation, le législateur de 2014 a en effet décidé de s'intéresser à nouveau aux relations interentreprises pour en garantir une meilleure transparence. Cela se traduit par un encadrement renforcé de la négociation des contrats d'affaires tant en ce qui concerne le formalisme de cette dernière que son contenu proprement dit.

De nouvelles obligations de formalisme

Le renforcement du formalisme se manifeste spécialement au travers du calendrier de la négociation, mais aussi dans le contenu du contrat d'affaires.

Le calendrier de la négociation

C'est l'envoi des conditions générales de vente (CGV) du fournisseur, et lui seul, qui marque le point de départ, à la fois matériel et temporel, de

Le contrôle et le constat de tous ces abus sont alors facilités par la loi du 17 mars 2014 qui instaure denouvelles règles encadrant la négociation commerciale et le contenu de la convention la formalisant.

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la négociation commerciale. La loi nouvelle(2) inscrit en effet dans le texte de l’article L. 441-6 du code commerce que les CGV constituent le « socle unique de la négociation commerciale ».

L'ajout du terme « unique » à la rédaction issue de la LME traduit à l'évidence la volonté du législateur de réaffirmer la prééminence des CGV sur les conditions générales d'achat (CGA) et de condamner toute pratique consistant à écarter d'emblée, avant toute négociation, les CGV au profit des CGA (3). Ce qui n'a pas pour autant pour conséquence d'interdire aux partenaires commerciaux d'arriver, dès lors que cela résulte d'une véritable négociation commerciale, à des conditions contractuelles voisines des prévisions des CGA.

Le point de départ de la négociation commerciale et le rôle des CGV comme référentiel de cette négociation sont en outre strictement formalisés dans le cadre de l'article L. 441-7 du code de commerce applicable aux relations conclues entre un fournisseur et son distributeur. Dans sa nouvelle rédaction, ce texte prévoit, en effet, l'obligation pour le fournisseur de communiquer ses CGV au plus tard trois mois avant la date butoir du 1er mars, concrètement avant le 1er décembre de l'année n-1, ou, pour les produits ou services soumis à un cycle de commercialisation particulier, avant le point de départ de la période de commercialisation(4).

Dans le schéma envisagé par le législateur, aucune négociation commerciale ne devrait donc pouvoir démarrer après le 1er décembre. Surtout, le fournisseur devra à l'avenir prendre l'initiative de communiquer spontanément ses CGV, dans les délais impartis, alors que, jusqu'à présent, l'obligation de communication était limitée par l'article L. 441-6 à l'hypothèse d'une demande préalable du client distributeur.

En pratique, s'agissant des contrats de la grande distribution, il n'est pas certain que cette obligation nouvelle de communication et l'ajout du terme « unique » dans l'expression « socle unique de la négociation commerciale » modifient le déroulement des négociations. Il s'agit en effet

d'un usage respecté par tous les fournisseurs que d'adresser leurs CGV avant la fin de l'année. Par ailleurs, il est peu probable que les distributeurs renoncent à adresser à leurs fournisseurs des projets de convention commerciale (caractérisant le plus souvent des contrats d'adhésion) basés sur leurs propres conditions de référencement, pour adopter le processus préconisé par le législateur.

Avec la loi nouvelle c'est aussi la date de prise d'effet des résultats de la négociation qui se trouve spécifiquement encadrée. L'article L. 441-7, I, alinéa 7 nouveau prévoit à cet égard que le prix convenu à l'issue de la négociation commerciale s'applique au plus tard le 1er mars (date butoir de la conclusion de la convention unique) mais aussi que la date d'entrée en vigueur des clauses relatives aux obligations ayant concouru à la détermination du prix convenu ne peut être ni antérieure ni postérieure à la date d'effet de ce dernier.

Cette disposition fait suite à différents débats sur la possibilité de faire rétroagir la prise d'effet du contrat au 1er janvier alors que celui-ci a souvent été signé en cours d'année (en principe avant le 1er mars). En dépit de l'article L. 442-6, II, a) du code de commerce qui frappe de nullité les clauses ou contrats permettant de bénéficier de remises, ristournes ou accords de coopération commerciale rétroactifs, il s'agit effectivement d'un usage très répandu. Par souci de facilité, les entreprises préfèrent en effet asseoir les avantages (ristournes ou rémunération de services) sur le chiffre d'affaires de l'année civile concernée.

À la lettre, la nouvelle rédaction n'empêche pas une telle pratique : le texte ne dispose pas que la date de prise d'effet du contrat, et donc du prix convenu, doit être celle de sa signature. Cependant, on peut s'interroger sur la possibilité de prévoir une prise d'effet rétroactive des contreparties aux réductions de prix, lorsque ces contreparties sont qualitatives et n'étaient pas prévues dans la précédente convention. Dès lors que la prise d'effet du prix ne peut être antérieure à la prise d'effet de ces obligations, cela conduirait effectivement à devoir faire coïncider cette date avec celle de la signature du contrat.

Le formalisme de la convention unique

Pour les relations d'affaires incluses dans le champ d'application de l'article L. 441-7 du code de commerce (relations fournisseurs/distributeurs

donnant lieu à une négociation annuelle), la loi Hamon du 17 mars 2014(5) n'emporte pas à proprement parler de bouleversements majeurs s'agissant du contenu de la convention unique conclue par les opérateurs économiques, le principal changement étant le passage à un régime de sanctions administratives. Certains autres aménagements n'en sont toutefois pas moins

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importants.

Il est ainsi de l'obligation nouvelle d'indiquer dans le document contractuel annuel « le barème de prix tel qu'il a été préalablement communiqué par le fournisseur, avec ses conditions générales de vente, ou les modalités de consultation de ce barème dans la version ayant servi de base à la négociation ». Cette indication, délivrée à titre informatif, devrait permettre de savoir d'où sont exactement partis les cocontractants pour arriver, après négociation, au prix convenu. Compte tenu de la rédaction du texte, il est permis de penser que l'obligation ne s'étend pas à la référence des autres composantes des CGV.

La liste des mentions obligatoires appelées à figurer dans la convention unique est par ailleurs

allongée. À l'avenir, il conviendra d'indiquer, parmi les conditions de l'opération de vente des produits ou des prestations de service négociées, « les réductions de prix » (1°), ce qui semble implicitement condamner la pratique de la négociation de « prix nets ». Mais il s'agira aussi de mentionner, à propos des autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services (3°), « la rémunération ou la réduction de prix globale afférente à ces obligations ». Cette adjonction consacre opportunément la possibilité pour les obligations concernées d'être rémunérées sous forme de réductions de prix ou de constituer des services rémunérés sur facture du distributeur. Ce qui devrait mettre fin aux débats ayant suivi l'adoption de la LME sur la conformité de l'article L. 441-7 aux règles de facturation(6). […]

Notes :

1) L. no 2008-776 du 4 août 2008, art. 21 à 24. 2) L. n° 2014-344 du 17 mars 2014, art. 123. 3) Cette approche est du reste en phase avec la position adoptée en 2008 par la Commission d'examen des pratiques

commerciales (CEPC, avis no 08-06 du 19 déc. 2008), mais aussi celle récemment retenue par la cour d'appel de Paris (18 déc. 2013, no 12/00150, SA GALEC c/ Ministre de l'économie). Cette dernière vient en effet tout juste de considérer, dans un secteur perçu il est vrai comme intrinsèquement déséquilibré, celui de la grande distribution, que la clause prévoyant que les CGA du distributeur se substituaient aux CGV du fournisseur traduisait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties dans la mesure où les relations commerciales étaient établies à partir de l'offre du distributeur et non, comme l'impose la loi, de celles du fournisseur.

4) Art. 125 - C. com., nouv. art. L. 441-7, I, al. 7. Soulignons que l'occasion n'a toujours pas été saisie par le législateur de s'intéresser à la situation des relations commerciales initiées en cours d'année.

5) Art. 125-I. 6) On peut cependant regretter que la disposition à l'origine de ces débats, et selon laquelle « les obligations relevant des 1° et 3°

concourent à la détermination du prix convenu », n'ait pas été supprimée.

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Exécution et renégociation des contrats d’affaires

« Le droit (substantiel) des pratiques restrictives de concurrence s'invite dans la loi consommation (1

re partie)... (1) »

► Extrait de l’article de Muriel Chagny, paru à la RTD com., janvier-mars 2014, pp.74-77.

[…]

3 - Une attention accrue pour la phase d'exécution

Il était manifeste dès le projet de loi que le législateur entendait se soucier, davantage que par le passé, de l'exécution des contrats et des possibilités de renégociation de ceux-ci postérieurement à leur conclusion. L'exposé des motifs faisait état, en particulier, de la volonté « de permettre une meilleure prise en compte de la volatilité des cours des matières premières dans les contrats portant sur la vente des produits agricoles et alimentaires ». Si cet objectif s'est concrétisé par l'introduction d'un nouvel article L. 441-8 dans le code de commerce, la loi Consommation a également adopté d'autres mesures avec plus ou moins de bonheur selon les cas.

Étoffant encore davantage l'article L. 441-7 du code de commerce, applicable aux relations entre un fournisseur et un distributeur ou un prestataire de services, le législateur a finalement décidé d'intégrer le dispositif dit « de courtoisie » introduit par l'Assemblée nationale en seconde lecture. Obligation est faite, « sans préjudice des dispositions et des stipulations régissant les relations entre les parties », au distributeur ou au prestataire de services de « répondre de manière circonstanciée à toute demande écrite précise du fournisseur portant sur l'exécution de la convention dans un délai qui ne peut dépasser deux mois ». Précision est faite que « si la réponse fait apparaître une mauvaise application de la convention ou si le distributeur s'abstient de toute réponse, le fournisseur peut le signaler à l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation ». Il est permis d'être réservé sur

l'utilité et même l'opportunité de ce dispositif qui contribue en outre en transformer l'article L. 441-7 du code de commerce, auparavant consacré au formalisme contractuel, en « fourre-tout », nuisant ainsi à sa lisibilité. Avant tout, on regrettera l'asymétrie de la disposition qui semble n'envisager de « mauvaise application » que de la part des distributeurs et prestataires de services. Fallait-il stigmatiser ainsi une catégorie d'opérateurs économiques alors que la réalité est plus complexe ? Il suffit pour s'en convaincre de songer, entre autres, à la situation existant dans certains réseaux de distribution. Par ailleurs, comme cela a été évoqué par la Commission des affaires économiques du Sénat (Projet de loi de la

consommation, 2e lecture, n° 244, Amendement,

n° COM-98, 14 janv. 2014), ne peut-on craindre des effets pervers sous la forme d'« une multiplication exponentielle de courriers » ? Enfin, une telle obligation est-elle bien nécessaire et ce d'autant que n'étant pas assortie de sanction, sa portée normative laisse dubitatif. S'il est certes fait mention d'une faculté de signalement auprès de la DGCCRF, laquelle pourrait à cette occasion faire usage du pouvoir d'injonction dont elle est à présent investie, une telle possibilité de signalement n'existait-elle pas d'ores et déjà ?

La loi Consommation a également complété l'article L. 441-2-2 du code de commerce, applicable aux achats de fruits et légumes frais, aux termes duquel aucun rabais, remise ou ristourne ne peut être octroyé, afin d'autoriser

Au-delà de la formation du contrat, la loi du 17 mars 2014 s'attache, encore plus que par le passé, à la phase d'exécution des contrats d'affaires, notamment à leur renégociation.

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expressément une réfaction tarifaire en cas de non-conformité qualitative ou quantitative du produit livré à la commande. Cependant, et alors que la réfaction est communément admise en matière commerciale et pourrait être reconnue dans le code civil à la faveur de la réforme du droit des contrats envisagée à l'initiative de la Chancellerie (art. 131 de l'avant-projet de réforme du droit des obligations, 23 oct. 2013), le législateur en subordonne ici l'admission à la condition qu'un accord conclu par une organisation interprofessionnelle reconnue en ait précisé les conditions. En d'autres termes, plus qu'une exception à l'interdiction des réductions de prix, il s'agit d'une nouvelle dérogation, prévue pour certains produits, au régime de droit commun.

Bien que n'étant pas applicable de façon générale - puisqu'il concerne uniquement les produits énumérés à l'article L. 442-9 alinéa 2, ainsi que, le cas échéant, ceux mentionnés dans une liste faisant l'objet d'un décret, « dont les prix de production sont significativement affectés par les fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires » -, le nouvel article L. 441-8 inséré dans le code de commerce par la loi Hamon ne manquera pas de retenir l'attention.

Avant même d'évoquer cette disposition, on rappellera, ainsi qu'a tenu à le souligner la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, que celle-ci « ne fait pas obstacle à toute autre renégociation [offerte par le droit commun des contrats], dans le respect des articles L. 441-7 et L. 442-6 du code de commerce ». Cette précision, lorsqu'on la rapproche de l'article L. 442-6-I-12° nouveau faisant état de « la convention prévue à l'article L. 441-7, modifiée le cas échéant par voie d'avenant » (V. ci-après), confirme opportunément la possibilité d'apporter d'un commun accord, en cours d'année, des modifications à la convention unique requise par l'article L. 441-7 du code de commerce et donnant lieu à la rédaction d'un avenant.

Le nouvelle règle de l'article L. 441-8 du code de commerce impose d'introduire dans « les contrats d'une durée d'exécution supérieure à trois mois portant sur la vente » de ces produits une clause de renégociation de prix. Ce faisant, il s'agit de surmonter les conséquences attachées au principe de la force obligatoire des contrats et à l'absence d'admission en droit privé français des contrats de la révision pour imprévision interdisant de tenir compte de la volatilité des cours des matières premières, en l'absence d'accord des parties. Au regard de la précision, selon laquelle la clause doit

permettre de « prendre en compte ces fluctuations à la hausse comme à la baisse », la nouvelle disposition vise aussi à combattre, dans le domaine qui est le sien, la pratique mise à jour dans certains contrats et qui consiste à prévoir une clause de hardship dont les modalités varient selon qu'elle est appelée à jouer en cas de baisse ou de hausse des coûts des matières premières (V. not. T. com. Lille, 7 sept. 2011, nº 2009/05105 ; Paris, pôle 5, ch. 4, n° 11/17941, SAS Eurochan c/ min. de l'Économie ; V. aussi T. com. Meaux, 24 janv. 2012, n° 2009/02296, min. de l'Économie c/ E.M.C. et Paris, 4 juill. 2013, n° 12/07651). Cela étant, les exigences formulées par la disposition légale quant au contenu de la clause, dont la rédaction est laissée au soin des parties, ne semblent pas exclure toute différenciation dans la mise en œuvre selon qu'elle intervient au profit du fournisseur ou de l'acheteur. Il est seulement requis que la stipulation contractuelle indique « les conditions de déclenchement de la renégociation » et fasse « référence à un ou plusieurs indices publics des prix des produits agricoles ou alimentaires », en précisant à ce propos que les parties peuvent prendre appui, soit sur des accords interprofessionnels, soit sur l'Observatoire de la formation des prix et des marges. Doit également être précisé le délai dans lequel doit se dérouler la renégociation et qui ne doit pas excéder deux mois.

Le législateur rend également obligatoire, dans l'hypothèse où la clause est appelée à jouer, la rédaction d'un compte-rendu de la négociation, établi selon des modalités définies par décret.

La nouvelle disposition s'attache encore à apporter des précisions quant au déroulement de la renégociation et à son résultat. En plus d'être conduite de bonne foi, celle-ci doit se dérouler « dans le respect du secret en matière industrielle et commerciale et du secret des affaires ». Si elle n'apparaît pas pleinement au stade des conditions de mise en œuvre, l'exigence d'une réciprocité ressurgit nettement lorsqu'est évoqué le résultat de la renégociation dont il est indiqué qu'« elle tend à une répartition équitable entre les parties de l'accroissement ou de la réduction des coûts de production résultant des fluctuations ». Plus surprenante est assurément la nécessité de tenir compte « notamment de l'impact de ces fluctuations sur l'ensemble des acteurs de la chaîne d'approvisionnement », invitant, semble-t-il, à intégrer une appréciation d'ordre macro-économique dans une renégociation bilatérale. Si une sanction administrative a été prévue pour

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différents manquements à l'article L. 441-8 du code de commerce, cela ne concerne pas le résultat de la renégociation lui-même. Celui-ci peut en effet relever, à l'instar de l'importe quelle

modification apportée à un contrat, de la règle appréhendant le déséquilibre significatif.

[…]

Notes : 1) Les opinions exprimées sont propres à leur auteur et n'engagent pas l'institution à laquelle il appartient.

Enquêtes et sanctions administratives

« Analyse critique des dispositions relatives aux sanctions administratives »

► Extrait de l’article de Jean-Daniel Bretzner et Michaël Bendavid, publié à l’AJ Contrats d’affaires, Concurrence, Distribution n° 1 - avril 2014, pp. 19-20.

[…]

Les imperfections et questions relatives à la procédure de sanction instaurée par la loi 2014-344 du 17 mars 2014

Cinq questions méritent d'être examinées Vers une consécration du droit pour l'administration de tendre un piège afin d'administrer la preuve d'un comportement délictueux ?

Le nouvel article L. 450-3-2, du code de commerce autorise les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à « différer le moment où ils déclinent leur qualité au plus tard jusqu'à la notification à la personne contrôlée de la

constatation de l'infraction ». Sur internet, ils pourront même faire usage d'une « identité d'emprunt ». C'est la deuxième fois en l'espace de six mois que le législateur accorde à une autorité administrative pareille faculté(1), jusque-là réservée pour l'essentiel à la recherche d'infractions susceptibles d'affecter gravement les intérêts des mineurs.

Cette faculté ne pourra être utilisée que de façon exceptionnelle, lorsqu'elle constituera l'« unique »

Sans doute l’un des volets les plus novateurs – et également l’un des plus controversés – de la loi du 17 mars 2014, réside dans la création d’un pouvoir de sanction au profit de l’Administration pour assurer l’efficacité des nouvelles dispositions. Cela se traduit par le renforcement de l’emprise administrative sur les relations d’affaires, ce qui ne va pas sans poser de réelles difficultés.

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moyen d'administrer la preuve d'une infraction, ce qu'il appartiendra à l'administration de démontrer. En pratique, ce stratagème ne devrait pouvoir être mis en œuvre que si les autres moyens d'investigation offerts à l'administration présentent un caractère inopérant, étant observé que cette question devra à notre avis être examinée en se positionnant à la date à laquelle l'administration fera usage de la faculté offerte par l'article L. 450-3-2.

L'administration devra par ailleurs observer le principe de loyauté dans la recherche de la preuve, principe qui est consacré de longue date, tant en matière pénale (2) qu'en matière civile, et qui interdit de susciter un comportement délictueux (3) . Nous formulons le vœu que le juge administratif – qui statuera sur les recours formés à l'encontre des décisions de l'administration – se montre lui aussi sensible à ce principe.

La concentration (coupable ?), entre les mains de l'autorité administrative, des pouvoirs d'instruction, de poursuite et de jugement

Un cumul de pouvoirs considérables est consacré par les nouveaux articles L. 465-1 et L. 465-2 au profit de l'administration, qui peut tout à la fois rechercher la preuve d'un fait délictueux, formuler ensuite l'accusation puis… apprécier la pertinence de sa propre thèse, en infligeant une sanction… Ce cumul s'inscrit dans un mouvement désormais classique, qui consiste à « évincer » le juge au profit d'autorités administratives dont les membres offrent des garanties inférieures, notamment en termes d'indépendance. Prima facie, il est difficile de voir dans ce cumul un progrès… Certes, le Conseil constitutionnel a, conformément à sa propre jurisprudence, confirmé la constitutionnalité de ce cumul, dans la mesure où il est assorti de « mesures destinées à assurer la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis », notamment le principe des droits de la défense (4). Pour autant, cette analyse ne convainc guère car elle ne préserve pas le droit fondamental de tout citoyen de comparaître devant une juridiction impartiale, droit qui est également issu de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales.

La Cour de cassation exprime pour sa part avec fermeté son hostilité face à toute confusion susceptible d'intervenir entre le pouvoir d'instruire et le pouvoir de statuer. Elle a par exemple interdit toute présence du Rapporteur de l'ancien Conseil de la concurrence lors du délibéré

car ce dernier pouvait exercer une influence sur la décision du Conseil, alors même qu'il avait « procédé aux investigations utiles pour l'instruction des faits » (5). De son côté, le Conseil d'État a subordonné l'admission d'une voix délibérative au profit du rapporteur de l'ex-Conseil des marchés financiers à la démonstration de ce que ce dernier n'était pas : « […] à l'origine de la saisine, ne participe pas à la formulation des griefs ; qu'il n'a pas le pouvoir de classer l'affaire ou, au contraire, d'élargir le cadre de la saisine ; que les pouvoirs d'investigation dont il est investi ne l'habilitent pas à faire des perquisitions, des saisies ni à procéder à toute mesure de contrainte au cours de l'instruction »(6).

Les pouvoirs conférés à l'administration par les nouveaux articles L. 465-1 et L. 465-2 excèdent donc très largement ce qu'il nous paraît possible d'admettre au regard du droit positif. Certes, la circulaire en cours de préparation devrait veiller à opérer une « répartition » des agents, de telle sorte qu'une « séparation » soit instaurée entre ceux qui seront chargés d'instruire et ceux qui seront affectés à la mission consistant à juger. Une telle mesure de « répartition » paraît cependant bien mince, si ce n'est même insignifiante, lorsqu'il s'agit de préserver le droit pour tout justiciable de bénéficier d'un procès équitable.

L'introduction du principe de la contradiction au cours de la procédure de sanction administrative

Le nouvel article L. 465-2, IV, exprime le souci du législateur d'instaurer un débat contradictoire « avant toute décision ». Dans cette perspective, il opère une distinction entre deux phases : une première au cours de laquelle l'entreprise poursuivie pourra présenter « ses observations écrites » dans un délai de soixante jours (7), puis une seconde au cours de laquelle cette dernière pourra « le cas échéant » exposer oralement ses arguments.

La formulation ainsi adoptée indique que cette seconde phase présente un caractère facultatif. Dans quels cas aura-t-elle lieu ? L'entreprise poursuivie pourra-t-elle l'exiger, si l'administration ne l'organise pas spontanément, étant observé que le Conseil d'État considère que le droit à un procès équitable n'implique pas nécessairement que la personne contre laquelle un grief est formulé soit entendue par l'autorité administrative dotée du pouvoir de lui infliger une sanction(8)?

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Ces questions restent pour l'heure sans réponse… Quoi qu'il en soit, les entreprises hésiteront sans doute avant d'insister pour bénéficier d'un débat oral, dont l'intérêt leur paraîtra d'autant moins déterminant que l'administration concentre le pouvoir d'instruire l'affaire, de s'ériger en autorité de poursuite et de… juger…

L'incertitude autour de la nécessité ou non d'exécuter la décision de l'autorité administrative en cas de recours formé à l'encontre de cette même décision

Plusieurs amendements ont vainement cherché à confier au juge judiciaire le soin de statuer comme juridiction d'appel contre la décision de l'administration. Le législateur étant finalement demeuré muet sur la question, les recours devront (conformément au droit commun) être exercés devant le juge administratif, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision. Juridictions civiles, pénales et

administratives vont donc désormais se partager le contentieux des pratiques restrictives…

La saisine du juge administratif ne sera pas suspensive, de sorte que la décision de sanction devra être exécutée nonobstant le recours formé. Un amendement a certes supprimé du projet de loi initial la faculté pour l'administration d'émettre de façon automatique un titre exécutoire. L'administration pourra cependant user de cette faculté si la personne sanctionnée ne s'acquitte pas spontanément de sa dette et qu'aucune transaction n'intervient (laquelle est possible jusqu'à 76 000 € et même, sur intervention du ministre du Budget, jusqu'à 150 000 €).

Seule une procédure d'opposition introduite à l'encontre du titre exécutoire ou un référé suspension pourront le cas échéant permettre de faire échec au paiement avant que le juge administratif ne statue(9).

[…]

Notes :

1) C. mon. fin., art. L. 621-10-1 nouv. 2) Cass., ch. réun., 31 janv. 1888, S. 1889. I. 241. 3) Cass., ass. plén., n° 09-14.316, 7 janv. 2011, Bull. AP, n° 1. 4) Cons. const., 13 mars 2014, n° 2014-690, consid. n° 67 s. 5) Com. 5 oct. 1999, n° 97-15.617, Bull. civ. IV, n° 158. 6) CE 22 nov. 2000, n° 207697, Sté Crédit agricole Indosuez Chevreux, au Lebon avec les conclusions; AJDA 2000. 1069 ; ibid. 997, chron. M.

Guyomar et P. Collin ; D. 2001. 237, obs. M. Boizard ; ibid. 1609, obs. A. Reygrobellet ; RSC 2001. 598, obs. J. Riffault 7) Délai dont le point de départ n'est pas défini, pas plus d'ailleurs que le mode d'envoi de l'information relative à la sanction que

l'administration envisage de prononcer. 8) CE 23 avr. 2009, n° 314918, Cie Blue line, au Lebon ; AJDA 2009. 1453 9) Comp. par ex. CE 22 juin 2006, n° 293625, Sté Global Équities, D. 2007. 2418, obs. B. Le Bars et S. Thomasset-Pierre, et CE 9 mars 2006,

n° 290641, M. Parent.

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La sélection « loi Hamon » des produits Dalloz

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La loi relative à la consommation, dite loi Hamon, a été promulguée le 17 mars 2014 et publiée au Journal officiel le 18 mars 2014.

Le Code de la consommation 2014, commenté, est intégralement à jour de la loi Hamon. Quant au Code des assurances, Code de la mutualité 2014, plusieurs domaines ont été modifiés par la loi Hamon dont

l’information précontractuelle et la résiliation des contrats d’assurance.

A signaler également : la parution en août prochain du Code de commerce 2015, fortement impacté par le loi « Hamon ».

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