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Article original L’opération de Heller sans système anti-reflux. À propos de 123 cas Heller’s myotomy without fundoplication: a series of 123 patients M. Raiss *, A. Hrora, M. Menfaa, S. Al Baroudi, M. Ahallat, K. Hosni, A. Halhal, A. Tounsi Clinique chirurgicale C, hôpital Ibn Sina, Rabat, Maroc Reçu le 19 juillet 2001; accepté le 11 septembre 2002 Résumé Introduction : Le traitement chirurgical de l’achalasie du sphincter inférieur de l’oesophage est la myotomie de Heller, habituellement associée à un système anti-reflux (SAR), du fait d’un risque élevé de reflux gastro-oesophagien postopératoire. L’intérêt de ce SAR est discuté. Le but de ce travail était d’évaluer rétrospectivement les résultats de la myotomie de Heller sans SAR mais réalisée selon une technique adaptée afin de prévenir le reflux postopératoire. Patients et méthodes : Entre 1975 et 1999, 123 patients ont eu une intervention de Heller pour achalasie, sans adjonction systématique d’un SAR. Le diagnostic d’achalasie de l’oesophage était porté cliniquement et confirmé par les explorations paracliniques (transit baryté, fibroscopie et manométrie). La myotomie a été faite par voie abdominale chez 116 (94 %) patients. La dissection respectait les moyens de fixité oesophagienne, notamment le méso-oesophage postérieur. La myotomie portait sur l’oesophage et ne descendait pas sous le niveau du cardia. Une fundoplicature postérieure a été associée chez deux patients. Résultats : Un patient (0,8 %) est décédé d’une inhalation massive. La morbidité (1,6 %) était représentée par une péritonite et une occlusion postopératoire. À distance (recul moyen = 5 ans ; extrêmes : 1–20), les résultats fonctionnels étaient satisfaisants (excellents et bons) chez 112 (92 %) patients. Sept patients (6 %) ont développé un RGO postopératoire, dont un seul a nécessité un traitement chirurgical. La dysphagie a persisté chez trois patients (2 %) qui ont du être réopérés. Conclusion : Les résultats de cette série montrent que l’adjonction systématique d’un SAR n’est pas nécessaire dans l’intervention de Heller pour achalasie du sphincter inférieur de l’oesophage. © 2002 E ´ ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Introduction: Surgical treatment of achalasia of lower oesophageal sphincter is Heller’s myotomy, usually associated with a fundoplication due to an high risk of postoperative gastro-oesophageal reflux. The value of this fundoplication is discussed. The aim of this study was to evaluate retrospectively the results of Heller’s myotomy without fundoplication but performed according to a precise technique preventing postoperative reflux. Patients and Methods: Between 1975 and 1999, 123 patients underwent Heller’s myotomy without systematic fundoplication. Diagnosis of achalasia was performed clinically and confirmed by investigations: baryum meal, fibroscopy and manometry. Myotomy was performed through an abdominal approach in 117 (95%) patients. Dissection preserved fixity of abdominal oesophagus in all cases, particularly its posterior meso. Myotomy was performed on abdominal oesophagus but not below the cardia. Posterior fundoplication was associated in 2 patients. Results: One patient (0,8%) died from massive aspiration. Morbidity (1,6%) consisted in one peritonitis and one postoperative occlusion. At follow-up (mean = 5 years; range: 1–20), functional results were satisfying (excellent and good) in 112 (92%) patients. Seven patients (6%) developed postoperative reflux, including one who need surgical treatment. Dysphagia persisted in 3 patients (2%) who had to be reoperated. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Raiss). Annales de Chirurgie 127 (2002) 771–775 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. PII: S 0 0 0 3 - 3 9 4 4 ( 0 2 ) 0 0 8 7 6 - 3

L’opération de Heller sans système anti-reflux. À propos de 123 cas

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L’opération de Heller sans système anti-reflux. À propos de 123 cas

Heller’s myotomy without fundoplication: a series of 123 patientsM. Raiss *, A. Hrora, M. Menfaa, S. Al Baroudi, M. Ahallat, K. Hosni, A. Halhal, A. Tounsi

Clinique chirurgicale C, hôpital Ibn Sina, Rabat, Maroc

Reçu le 19 juillet 2001; accepté le 11 septembre 2002

Résumé

Introduction : Le traitement chirurgical de l’achalasie du sphincter inférieur de l’œsophage est la myotomie de Heller, habituellementassociée à un système anti-reflux (SAR), du fait d’un risque élevé de reflux gastro-œsophagien postopératoire. L’intérêt de ce SAR estdiscuté. Le but de ce travail était d’évaluer rétrospectivement les résultats de la myotomie de Heller sans SAR mais réalisée selon unetechnique adaptée afin de prévenir le reflux postopératoire.

Patients et méthodes : Entre 1975 et 1999, 123 patients ont eu une intervention de Heller pour achalasie, sans adjonction systématiqued’un SAR. Le diagnostic d’achalasie de l’œsophage était porté cliniquement et confirmé par les explorations paracliniques (transit baryté,fibroscopie et manométrie). La myotomie a été faite par voie abdominale chez 116 (94 %) patients. La dissection respectait les moyens defixité œsophagienne, notamment le méso-œsophage postérieur. La myotomie portait sur l’œsophage et ne descendait pas sous le niveau ducardia. Une fundoplicature postérieure a été associée chez deux patients.

Résultats : Un patient (0,8 %) est décédé d’une inhalation massive. La morbidité (1,6 %) était représentée par une péritonite et uneocclusion postopératoire. À distance (recul moyen = 5 ans ; extrêmes : 1–20), les résultats fonctionnels étaient satisfaisants (excellents etbons) chez 112 (92 %) patients. Sept patients (6 %) ont développé un RGO postopératoire, dont un seul a nécessité un traitement chirurgical.La dysphagie a persisté chez trois patients (2 %) qui ont du être réopérés.

Conclusion : Les résultats de cette série montrent que l’adjonction systématique d’un SAR n’est pas nécessaire dans l’intervention deHeller pour achalasie du sphincter inférieur de l’œsophage. © 2002 E´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Introduction: Surgical treatment of achalasia of lower oesophageal sphincter is Heller’s myotomy, usually associated with afundoplication due to an high risk of postoperative gastro-oesophageal reflux. The value of this fundoplication is discussed. The aim of thisstudy was to evaluate retrospectively the results of Heller’s myotomy without fundoplication but performed according to a precise techniquepreventing postoperative reflux.

Patients and Methods: Between 1975 and 1999, 123 patients underwent Heller’s myotomy without systematic fundoplication. Diagnosisof achalasia was performed clinically and confirmed by investigations: baryum meal, fibroscopy and manometry. Myotomy was performedthrough an abdominal approach in 117 (95%) patients. Dissection preserved fixity of abdominal oesophagus in all cases, particularly itsposterior meso. Myotomy was performed on abdominal oesophagus but not below the cardia. Posterior fundoplication was associated in2 patients.

Results: One patient (0,8%) died from massive aspiration. Morbidity (1,6%) consisted in one peritonitis and one postoperative occlusion.At follow-up (mean = 5 years; range: 1–20), functional results were satisfying (excellent and good) in 112 (92%) patients. Seven patients(6%) developed postoperative reflux, including one who need surgical treatment. Dysphagia persisted in 3 patients (2%) who had to bereoperated.

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (M. Raiss).

Annales de Chirurgie 127 (2002) 771–775

© 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.PII: S 0 0 0 3 - 3 9 4 4 ( 0 2 ) 0 0 8 7 6 - 3

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Conclusion: Results of this series show that systematic fundoplication is not necessary in Heller’s myotomy for achalasia of loweroesophageal sphincter. © 2002 Editions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved.

Mots clés: Œsophage; Achalasie; Opération de Heller; Reflux gastro-œsophagien

Keywords: Oesophagus; Achalasia; Heller’s operation; Gastro-oesophageal reflux

1. Introduction

L’œsocardiomyotomie a été décrite la première fois dansle traitement de l’achalasie œsophagienne ou méga-œsophage idiopathique en 1913 par Heller [1], qui a réaliséune double myotomie antérieure et postérieure étendue sur8 cm. Depuis, plusieurs modifications ont été apportées à latechnique princeps pour aboutir à l’opération de Helleractuelle, qui est limitée à une myotomie sur la faceantérieure de l’œsophage plus ou moins étendue sur l’esto-mac [2-4].

Les résultats satisfaisants de cette opération ont cepen-dant été entachés d’une morbidité liée essentiellement aureflux gastro-œsophagien (RGO) postopératoire avec uneincidence qui varie de 4 à 50 % [5]. Pour prévenir cettecomplication, l’adjonction d’un système anti-reflux (SAR)est devenue quasi-systématique pour beaucoup d’auteurs[5-9]. Cependant, l’ intérêt d’un SAR systématique estcontesté par certains, en particulier par les auteurs prônantl’utilisation d’un abord thoracique [10].

Le but de ce travail a été d’analyser rétrospectivement,sur une période de 25 ans, les résultats de l’ intervention deHeller sans adjonction systématique de SAR.

2. Patients et méthodes

Les dossiers de 123 patients (67 femmes et 56 hommes),âgés en moyenne de 36 ans (extrêmes : 13–73 ans), ayant euune opération de Heller pour achalasie du sphincter infé-rieur de l’œsophage entre 1975 et 1999, ont été étudiésrétrospectivement.

Sur le plan clinique, le délai entre l’apparition destroubles et la consultation était très variable, compris entre2 mois et 10 ans (délai moyen : 5 ans). La dysphagie étaitconstante, responsable d’un amaigrissement chez 86 pa-tients (70 %). Il existait des régurgitations chez 55 patients(45 %), des douleurs thoraciques chez 41 (33 %) et unpyrosis chez 3 patients (2 %).

Le diagnostic d’achalasie suspecté cliniquement étaitconfirmé par le bilan paraclinique. La manométrie œsopha-gienne n’ayant été introduite dans notre hôpital qu’à partirde 1988, ce bilan a compris un transit œsogastroduodénal(TOGD) réalisé systématiquement, une fibroscopie œsogas-trique (n = 65 ; 53 %) et une manométrie (n = 37 ; 30 %).

Le TOGD a objectivé un aspect caractéristique en queue deradis chez 55 % des malades, un aspect en queue de radisassocié à une dilatation de l’œsophage chez 34 % et unaspect dilaté et sinueux chez 11 %. La fibroscopie, surtoutindiquée pour éliminer une lésion tumorale ou une sténosepeptique, a objectivé un aspect d’œsophagite exulcérativechez 6 malades (10 %). La manométrie a constammentmontré l’absence de propagation des ondes péristaltiquesprimaires.

Tous les patients ont eu une intervention de Heller. Unelaparotomie a été utilisée dans 116 cas (94 %). À partir de1998, 6 patients (5 %) ont été opérés par un abord cœlios-copique. La voie thoracique n’a été utilisée que chez unpatient (1 %) préalablement opéré pour achalasie par voieabdominale.

L’opération était débutée par l’abord de la région hiatale.La face antérieure de l’œsophage abdominal et de la partieinférieure de l’œsophage thoracique étaient disséquées. Lamanœuvre de passage de la main ou d’un lac derrièrel’œsophage, pour permettre son abaissement, était proscritepour ne pas détruire le méso-œsophage postérieur. Les nerfsvagues étaient repérés et au besoin écartés pour ne pas êtretraumatisés lors de la myotomie. Cette dernière était enta-mée sur le bas œsophage, puis étendue vers le haut sur 5 à8 cm. Vers le bas, elle était prolongée jusqu’au cardia repérépar son cercle vasculaire, par la limite inférieure des fibrescirculaires de la muqueuse œsophagienne et par l’existenced’une adhérence à la musculeuse. Nous utilisions, commeartifice technique remplaçant le billot constitué par la mainpassée derrière l’œsophage, une sonde de Blakemore dont leballonnet œsophagien était gonflé pour étaler les fibresmusculaires circulaires résiduelles. Les berges de la myo-tomie étaient ensuite fixées au pilier diaphragmatique àdroite et à la grosse tubérosité gastrique à gauche, afind’éviter leur coalescence.

Chez 12 malades (10 %), nous avons associé à lamyotomie une apposition antérieure de la grosse tubérositénon pas dans un but anti-reflux, mais pour protéger lamuqueuse œsophagienne ouverte ou fragilisée, anormale-ment amincie, lors de la myotomie. Deux patients seulementont eu un geste anti-reflux associé (fundoplicature posté-rieure de type Toupet) en raison d’une malposition cardio-tubérositaire constatée en peropératoire.

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Les patients étaient alimentés au 3e jour postopératoire etla sortie était généralement autorisée au 5e jour postopéra-toire.

Nous avons adopté, pour apprécier les résultats fonction-nels, les critères d’Ellis [10], qui considère les résultatscomme excellents chez les patients asymptomatiques ; bonschez les patients ayant de rares signes de dysphagie lorsd’un stress ou d’alimentation rapide ; moyens lorsqu’ il yavait une nette amélioration des symptômes préopératoiresavec persistance d’une dysphagie résiduelle, ou lorsque ladysphagie était complètement soulagée, avec cependantl’existence d’un RGO documenté qui requérait un traite-ment médical ; et mauvais lorsqu’ il n’y avait aucune amé-lioration ou si, étaient apparus de nouveaux symptômesavec une grande gêne fonctionnelle.

3. Résultats

La mortalité opératoire était constituée par un décès(0,8 %) survenu au premier jour postopératoire par détresserespiratoire, secondaire àune inhalation massive. Six effrac-tions muqueuses ont été décelées et réparées en préopéra-toire sans complication ultérieure. La morbidité (n = 2 ;2 %) était représentée par une effraction muqueuse dans lazone de myotomie révélée par une péritonite généralisée au4e jour postopératoire et par une occlusion au 5e jourpostopératoire par invagination de l’ intestin grêle sur unesonde de jéjunostomie d’alimentation, cette dernière ayantété confectionnée dans le même temps que la myotomie deHeller en raison d’une dénutrition sévère.

À distance de l’ intervention (n = 122), le suivi moyenétait de 5 années (extrêmes : 1–20). Les résultats étaientconsidérés comme excellents chez 89 % des patients(n = 108), bons chez 3 % (n = 4), moyens chez 6 % (n = 7)et mauvais chez 2 % (n = 3). Une dysphagie occasionnelle(résultats « bons ») observée chez quatre malades (3 %) atoujours été transitoire.

En revanche, les résultats moyens et mauvais sont restésconstants. Sept patients (6 %) ont développé des signescliniques de RGO confirmépar la pHmétrie dès 24 h ; parmices sept patients, six ont été bien soulagés par le traitementmédical (anti-histaminiques-2, 5 fois et inhibiteurs de lapompe à protons une fois) et un patient a du être opéré pourréaliser une diversion duodénale. Trois patients n’ont pas étéaméliorés par l’ intervention de Heller (résultats mauvais).Chez ces trois malades, la manométrie de contrôle a montréla persistance d’une hypertonie au niveau du SIO signantpar conséquent le caractère insuffisant de la myotomie.Deux malades ont alors subi une intervention itérative deHeller avec extension de la myotomie sur les versantsœsophagien et gastrique, avec un bon résultat. Le derniermalade a eu une deuxième intervention de Heller avec un

mauvais résultat et a finalement subi une résection œsogas-trique.

Chez les 107 patients qui ont eu une intervention deHeller sans SAR pratiquée par voie abdominale, six patients(6 %) ont eu un résultat moyen avec RGO documenté ayantbien répondu au traitement médical, sauf chez le patient quia dû être réopéré pour diversion duodénale. À long terme,deux patients ont présenté, à 5 et 8 ans, après l’opérationune réapparition de la dysphagie sans retentissement généralet sans lésion organique à la fibroscopie. Au total, dans cesous-groupe, le résultat fonctionnel était satisfaisant (excel-lent ou bon) chez 99 patients (93 %).

4. Discussion

Le RGO postopératoire est l’une des principales compli-cations de l’ intervention de Heller. Sa fréquence est trèsvariable selon les séries, puisque comprise entre 4 et 50 %[5]. De ce fait, la plupart des auteurs proposent l’adjonctionsystématique d’un SAR qui ne permet cependant pas desupprimer complètement le risque de RGO [6-9,11-13].

Le RGO après myotomie de Heller résulte de facteursessentiellement techniques aggravés par la maladie elle-même. La réalisation de la myotomie mène souvent à lamobilisation de la région rétro-œsophagienne et entraîneune destruction de la membrane phréno-œsophagienne,principal moyen de fixité de l’œsophage abdominal. Parailleurs, l’extension de la myotomie à l’estomac entraîne uneffondrement de la pression du SIO et supprime toutepossibilité de gradient de pression gastro-oesophagien[11,14]. Ces deux facteurs techniques sont aggravés parl’apéristaltisme œsophagien qui est responsable d’une mau-vaise clairance et d’une œsophagite de stase. Ainsi, enl’absence de SAR, la prévention du RGO nécessite unedissection limitée à la face antérieure de l’œsophage sansaucune mobilisation des attaches latérales et postérieures del’œsophage et une myotomie suffisamment longue pourtraiter le cardiospasme mais insuffisante pour altérer totale-ment la continence du SIO. Plusieurs auteurs [10,15,16] ontutilisé la voie thoracique pour éviter la mobilisation œso-phagienne et ses conséquences. Dans une série de 179patients, Ellis [10] a démontré l’ inutilité du SAR lorsqu’onréalise une myotomie par voie thoracique et Jordan [17] n’apas trouvé de différence significative entre les résultats del’opération de Heller réalisée sans SAR par voie thoraciqueet la même intervention faite par voie abdominale etassociée à un SAR. Cependant, la voie thoracique a pourprincipal inconvénient la difficulté de localiser précisémentla jonction œso-gastrique et donc de réaliser une myotomiecomplète. Dans le travail de Patti et al. [12], le taux demyotomie incomplète était de 26 % (9/35) chez les patients

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opérés par thoracoscopie et de 2 % (2/133) chez les patientsopérés par laparoscopie.

Pour notre part, l’adjonction d’un SAR doit être réservéeaux patients ayant un RGO documentéassocié àl’achalasie,RGO dont le diagnostic est difficile à établir en préopéra-toire et nécessite en règle des constatations objectivesendoscopiques ou pH-métriques et chez les patients ayantun cardia mobile. Ce SAR devrait être en cas de nécessitéune fundoplicature partielle et non une fundoplicaturetotale, afin de diminuer le risque de dysphagie secondaire àla création d’une hypertonie trop importante au niveau de lajonction œso-gastrique devenant gênante du fait de l’apé-ristaltisme œsophagien [12]. Parmi les fundoplicatures par-tielles, la réalisation d’une hémivalve antérieure recouvrantla zone de myotomie représente probablement le procédé lemieux validé actuellement [12].

D’autres auteurs suggèrent comme nous que la myotomieseule sans SAR, par voie abdominale, est l’opération àréaliser préférentiellement [13,18,19]. Parmi ces auteurs,certains associent une fundoplicature antérieure davantagepour protéger une muqueuse œsophagienne dénudée quecomme moyen antireflux [18]. Les résultats de notre sériesuggèrent, malgré l’absence d’exploration pH-métrique sys-tématique, que le RGO ne complique que moins de 10 %des interventions de Heller sans SAR avec un recul moyende 5 ans. Ce résultat est superposable à ceux de trois sériesimportantes, qui montraient que la prévalence du RGO étaitde 5 % (n = 179, recul moyen = 9 ans) [10], 15 % (n = 45,recul moyen = 5 ans) [4] et 17 % (n = 129, recul moyen = 8ans) [20].

Enfin, l’opération de Heller, telle que nous la réalisons(dissection œsophagienne limitée à sa face antérieure etmyotomie de 8 cm sur l’œsophage, limitée au cardia surl’estomac) est une technique reproductible par chirurgievidéo-assistée. En effet, plusieurs séries ont démontré lafaisabilitéet l’efficacitéde la laparoscopie dans le traitementde l’achalasie, avec un très bon accès à la région œsocar-diotubérositaire, un séjour hospitalier court et des résultatsfonctionnels similaires à la laparotomie [12-14,18,19,21,22]. L’abord laparoscopique est donc récem-ment devenu l’abord préférentiellement utilisé dans lachirurgie du méga-œsophage.

En conclusion, les résultats de cette série montrent quel’adjonction systématique d’un SAR n’est pas nécessairedans l’ intervention de Heller pour achalasie du sphincterinférieur de l’œsophage. L’ intervention de Heller sans SARpermet d’obtenir de bons résultats à distance dans 90 % descas avec taux de RGO postopératoire inférieur à 10 % àcondition de préserver les moyens anatomiques de fixité del’œsophage abdominal et de réaliser une myotomie courtene dépassant pas le cardia vers le bas.

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