L’Un, l’Unité, Le Un. Remarques Sur La Logique Du Concept de Nombre

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    L'UN, L'UNIT, LE UN. REMARQUES SUR LA LOGIQUE DU CONCEPTDE NOMBREHeinrich Rickert

    Presses Universitaires de France | Les tudes philosophiques

    2014/3 - n 110pages 393 455

    ISSN 0014-2166

    Article disponible en ligne l'adresse:

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-les-etudes-philosophiques-2014-3-page-393.htm

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    Pour citer cet article :

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Rickert Heinrich, L'un, l'unit, le un. Remarques sur la logique du concept de nombre ,

    Les tudes philosophiques, 2014/3 n 110, p. 393-455. DOI : 10.3917/leph.143.0393

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    Distribution lectronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France.

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    Les tudes philosophiques, n 3/2014, pp. 393-455

    II

    Idem non adaequatur sibi ipsi,Sed aequalitas diversum est.

    omas dA,

    De veritate questiones disputatae

    Aber do si ein sein in dem wesen,da einsein si niht geleich, wenn geleichtheitstet in unterschied.

    Matre E1

    La question des rapports entre logique et mathmatique est ancienne,et elle a t abondamment traite. Jusqu prsent, les limites de ces deux

    disciplines sont estompes. On peut entendre affirmer que les mathma-tiques sont une branche de la logique, ou mme que, du point de vue de leurnature, elles se confondent.

    De telles vues touchent une question spciale de la thorie de la science,et elles sont aussi de grande consquence en philosophie. Si lon suppose,en effet, que les mathmatiques produisent, de manire purement logique,des connaissances objectives et prcises quant leur contenu, on verra enelles lidal dune science de la raison thorique et on croira que les autresdisciplines ne pourraient rien faire de mieux que demployer une mthode

    confinant le plus possible celle des mathmatiques. La philosophie surtout,qui veut tre la science de la raison par excellence, prendra pour modle

    1. Mais quils [le Pre et le Fils] soient un [mme] tre selon leur essence, nimpliquepas que ntre quun les fasse identiques si lidentit rside dans la diffrence.

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    DU CONCEPT DE NOMBRE

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    la manire quon dit purement logique dont procdent les mathmaticiens.Quand on connat lhistoire de la philosophie, on sait quel rle considrable

    y ont jou les vues sur lessence des mathmatiques, et combien y fut discuteleur mthode. Ce nest pas difficile comprendre : le rapport entre logiqueet mathmatique comporte un problme qui est en fait dune importanceprimordiale pour la philosophie.

    La raison la plus gnrale qui fait qualors on se fourvoie trop facilementest obvie : les mathmatiques ont affaire des objets qui ne sont pas rels au sens dobjets physiques ou psychiques. Un nombre ou une droite enmathmatique ne sont pas rels comme la feuille de papier qui est le corpssur lequel ils sont tracs, pas non plus comme le processus psychique grceauquel nous percevons ce corps. Des formations mathmatiques ne peuventpas du tout tre ranges sous les rubriques de la ralit psycho-physique. Maisil faut galement qualifier dirrelen ce sens-l ce dont la logique soccupe,lorsque, par exemple, elle parle de formes de la pense et dautres chosesdu mme type. tant donn la grande incertitude qui rgne presque chaquefois que lon parle d irralit , tant donn surtout le manque de distinc-tions au sein dun domaine qui, dans sa spcificit, a t rcemment dcou-vert par si peu de gens et qui est encore si peu explor, il ny a rien dtonnant ce que lon ne distingue pas avec rigueur les diffrentes disciplines quinont pas affaire ce qui est rel du point de vue sensible, mais des objets

    non sensibles ou idels . Si lon ne tient pas compte de cela, logique etmathmatique telles quelles ont t jusque-l pratiques se recoupent de faiten partie. Si lon prend, par exemple, pour une problmatique logique lesreprsentations bien connues des grandeurs extensives des concepts par descercles, logique et mathmatique se confondent. Nanmoins, la confusiondes deux disciplines ne tient pas seulement de telles mprises qui peuventtre aisment dissipes.

    Cest pourquoi il est ncessaire de rflchir expressment sur leurs fron-tires, et, ce, tout particulirement dans lintrt de la logique. Entre alors

    en ligne de compte non pas simplement une partie de cette discipline, lalogique des mathmatiques, mais sa totalit. Cette discipline philosophiquea un intrt fondamental tablir avec exactitude ce qui relve de la logiqueet ce qui nen relve pas. On peut mme affirmer directement quil y va deson existence en tant que discipline particulire. Les disciplines particulirescontinuent de mener leur existence mme lorsquon a des vues errones surla structure logique des connaissances quelles produisent. Mais la logique estbranle dans ses fondements tant que rgne une obscurit sur ce quest sonobjet propre, le logique, donc tant que certains lments emprunts desdisciplines particulires y jouent un rle injustifi.

    Il semble heureusement que peu peu se fraye de nouveau une voie verslintelligence des tches spcifiquement logiques, du moins sous un certainangle. Nous nous affranchissons toujours davantage du psychologisme quifourvoie en voulant faire des rsultats dune science particulire du mondesensible la base dune thorie gnrale de la science, et mme si ceux qui

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    critiquent les chanes du psychologisme ne sont pas encore tous libres, telsmaints phnomnologues, on assiste tout de mme cet gard et chez les

    meilleurs une lutte pour sen affranchir. Un biologisme qui sous le nom depragmatisme a fait parfois beaucoup de bruit peut passer pour tre bnin ;nanmoins, il apparat trop clairement chez certains de ses tenants quils neveulent supprimer le savoir en sinspirant trs librement de la formule kan-tienne que pour mnager une place la superstition. De tels courants anti-logiques sont modernes au sens o ils sont certes la mode, et, commebien dautres aberrations de la mode, ils auront un temps ; mais ils ne par-viennent pas des problmes logiques, et ne doivent par consquent, pouremployer une formule bien connue de Lotze, pas mme tre transplants ausein de la science en y tant soigneusement combattus.

    En revanche, il faut prendre trs au srieux et considrer comme unemenace, au sens habituel du terme, pour lindpendance de la logique entant que thorie du logos, une orientation que lon pourrait appeler math-matisme logique dont ne se tiennent pas tout fait distance mme deslogiciens reconnus. Elle se fait jour sous diverses formes qui, pour une part,peuvent tre qualifies de rationalistes , mais qui, dautre part, conser-vent les traits dun antirationalisme dclar quand elles mettent laccent surlimmdiatet de la vision , et qui, malgr cela, comme la thorie de la vision de lessence , restent de manire unilatrale focalises sur les math-

    matiques. Il nest pas ncessaire de dfinir en dtail chacun de ces divers cou-rants ; seul ce qui leur est commun nous intresse. Ils ont certes bien comprisque, puisque la logique na pas affaire des objets rels ou des fragments dumonde sensible psychophysique, les problmes logiques ne sont ni dordrepsychologique ni ne relvent de la biologie. Mais ce qui est proprementlogique, en raison de la confusion avec ce qui est mathmatique, voit dumme coup menace sa spcificit bien des gards, et cest cette confusionqui doit surtout retenir lattention de la philosophie afin que devienne clairela diffrence entre les modalits selon lesquelles logique et mathmatiques

    expriment le logosqui est au principe de toute vie de la science.Nous posons donc la question suivante : comment se distingue ce qui estlogique, lorsquil apparat sous la forme de connaissances mathmatiques, dece qui est purement logique et qui est lobjet propre des recherches de lalogique ? En un sensplus largeles connaissances mathmatiques sont certai-nement logiques , comme, en gnral, toutes les connaissances purementthoriques. Mais il faut quil y ait quelque chose de particulier qui en ellessajoute au pur logos et qui constitue le logos spcifiquement mathmatique.Ou bien, comme beaucoup le croient, la ratio mathmatique concide-t-elleavec la ratio strictement logique ? La dmarche du mathmaticien nest-elle pas au contraire rationnelle en un sens tout fait spcial ?

    Les pages qui suivent sont une petite contribution la solution des pro-blmes qui dcoulent de ces questions. Nanmoins, cette tude ne va pas trai-ter lensemble des rapports entre logique et mathmatique, mais seulementun point particulier. Nous cherchons montrer en quoi le nombreest une

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    formation qui, bien quelle soit lmentaire du point de vue mathmatique,ne peut pas tre comprise dun point de vue purement logique ; et cette

    tche elle aussi obit aux limites dune orientation particulire. La questionprincipale reste le versant ngatif du problme, lanaturealogique du nombre ;en outre, il ne sagira pas de toutes les sortes de nombres. On nexamine queles nombres entiers, donc le un, le deux, le trois, etc. Seront laisss de ctles nombres dcimaux, les nombres ngatifs et les irrationnels, ainsi que lezro. On se contentera dvoquer tout au plus la distinction entre cardinauxet ordinaux, et nous nexaminerons pas du tout dautres objets quon pourraitle cas chant dcrire comme des nombres ; nous nous cantonnons auxnombres qui interviennent dans des noncs tels que 1 = 1 ou 1 + 1 = 2, donc des formations laide desquelles on peut calculeret qui, plus particuli-rement, entrent dans un rapport dgalit ou peuvent tre additionnes.

    Bien entendu, pareille recherche nest pas en mesure darrter unedcision quant lessence du nombre en gnral, mais elle sera nanmoinscapable sans doute dapporter des vues dont une thorie gnrale aurait tenir compte, et qui, par consquent, frayent du moins la voie une justeconception du nombre et des mathmatiques en gnral. Il ne faudrait pas,dans ce qui va suivre, perdre de vue ces rserves, ni encore moins oublierquon a ici vis un expos intelligible dun point de vue aussi gnral quepossible qui vite tout appareil rudit, ainsi que les controverses purement

    spcialises.En effet, cest aussi dans une autre perspective que la problmatique estspcialise. Qui sest jamais occup de logique sait que nombre des termesqui y sont invitablement employs souffrent dune perturbante polysmie,et que des erreurs peuvent tre dj vites si lon distingue les diffrentssens lis par un mme terme. Lexamen du concept de nombre se heurte luiaussi des difficults qui proviennent dune pluralit des dsignations lin-guistiques, et nous y ferons face de la meilleure manire en les prenant pourpoint de dpart.

    Tout nombre entier est soit une unit numrique soit une pluralit, etpuisque toute pluralit prsuppose la notion dunit numrique, le conceptdunit ou du chiffre unest dcisif pour la conception du nombre entier engnral. Le mot un ne dsigne pas toujours un nombre. Nous disons quily a l un arbre sans dire expressment par l quil ny en a quun et nonpas deux, par exemple. Nous parlons d une lettre par opposition uneautre, et, l encore, il ne sagit pas pour nous de lunit numrique de cettelettre. Il nest nullement vident que, lorsque nous parlons dune unit en lopposant une multiplicit, il soit ncessaire quon pense une unitnumrique, ou que lunit soit quelque chose de simple, car il existe ga-lement une unit de la multiplicit . Et mme quand on voque l uni-cit dun objet, par exemple celle de lunivers, on peut fort bien douter quecette notion puisse tre lquivalent de lunit numrique, car, lorsquil nepeut y avoir de pluralit, comme dans lexemple quon vient de donner, ilne convient peut-tre pas de parler encore dunit numrique.

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    En raison de ces circonstances quon pourrait aisment exposer plusen dtail, il convient de se demander ce qui constitue le concept dunit

    numrique ou du chiffre un lorsquon le considre en tenant compte de cesautres notions quon est habitu dsigner laide du terme un . De telsconcepts, en particulier lun et lunit, par exemple, peuvent-ils passer pourpurement logiques, et, si cest le cas, peut-on alors montrer quils ne sontpas des notions numriques et pour quelles raisons ? Par ce biais, on verraclairement sil est possible dacqurir le concept dunit numrique par-tir des notions purement logiques de lunit. Ce qui mettra ncessairementen lumire la nature logique du nombre. Cest pourquoi notre examen viseprincipalement les concepts de lun, de lunit et du chiffre un ou de lunitnumrique, pour montrer, partant de l, que le nombre nest pas une for-mation purement logique.

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    Avant de passer au traitement du problme, nous rajouterons seulementune remarque dordre gnral destine dterminer demble sous un autreangle la tendance des dveloppements qui vont suivre, et qui renvoie au

    contexte philosophique densemble o ces derniers pourront tre de quelqueimportance. On le sait, deux thories du nombre sopposent ; on croit sou-vent quelles forment une alternative. Nous les esquissons brivement pourdire ensuite dans quelle mesure nous ne pouvons nous rallier aucune. Ilsagit l dune opposition qui traverse toute lhistoire de la philosophie, etqui, de nos jours, na pas encore t dpasse.

    Il y a des logiciens qui placent le nombre dans une relation de nces-sit avec la ralit, et avec cette ralit empirique que nous connaissons touscomme un univers fait de choses qui agissent les unes sur les autres dans

    lespace et le temps donc avec la ralit psycho-physique. Selon cettedmarche, les termes qui dsignent les nombres ne sont pas autre chose quedes concepts abstraits que lon a forms loccasion de groupes de chosesou de processus rels, et qui se rvlent de ce simple fait distincts de lanotion dhomme ou de maison, et quils sont encore plus abstraits et plusuniversels que ces dernires. On peut qualifier de thorie empiriste dunombre cette conception pour disposer dun syntagme commode. Elle acomme on le sait les plus aventures des consquences. Stuart Mill pen-sait quon ne pouvait savoir avec certitude si, sur une autre plante, 2 + 2ntait pas gal 5. Il nest bien entendu pas question alors dune dductionpurement logique du nombre.

    Cette arithmtique des cailloux et des grains de poivre , comme labaptise Frege, semble aujourdhui, aux yeux de vastes cercles, dfinitivementrfute. On comprend quil ne sagit pas pour la logique de la manire donton parvient peu peu au concept de nombre, et quil nimporte pas de savoir

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    si nous avons besoin dobjets effectivement prsents dans le monde sensiblepour apprendrepar leur biais la numration et le calcul. De telles questions

    relvent de la psychologie. En logique, seule est loisible la question de savoirsi le concept de nombre peut tre form, quant sa teneur, seulement laidedu concept infr dobjets rels propres la ralit psycho-physique ; et, denos jours, on est enclin tout autant le nier. Les nombres, pense-t-on, cons-tituent un domaine idal propre ; ils obissent leurs propres lois, et il nestpas mme ncessaire que de telles lois sappliquent aussi des objets rels.

    Voil qui sera particulirement important pour lessence logique desmathmatiques. Lidalit des nombres, cest--dire leur indpendance tho-rique par rapport tous les composants du monde sensible commande lavalidit universelle et la ncessit ou le caractre a prioride la connaissancemathmatique, refuss toute connaissance des objets sensibles. La conjec-ture que, sur terre, 2 + 2 = 4, et quen revanche, sur Jupiter, le rsultat seraitpeut-tre 5, est tout fait absurde, car des conditions relles diffrentes selondiverses plantes ne peuvent rien avoir en commun avec des noncs sur desobjets idaux. Ce quenseignent les mathmatiques a une validit intempo-relle, indpendante de toute particularit spatiale et temporelle du mondeparce que leurs objets ne partagent rien avec les particularits spatiales ettemporelles des choses sensibles. Il appert donc quon ne peut soutenir lathorie empiriste , et, cest ce quon en dduira, les nombres doivent pour

    cette raison tre conus comme des formations purement logiques. Commentune connaissance a priori serait-elle possible autrement que sur une basestrictement logique ? Seule une thorie rationaliste , comme on dit ordi-nairement, sera capable de faire droit la nature de la connaissance math-matique. Lexprience ou bienla pense : il semble que ce soit lalternative.

    Face ces conceptions qui sopposent, il faut demble dfinir la tendancefondamentale qui commande nos dveloppements. Nous ne pouvons nousrattacher ni lune ni lautre de ces orientations ; nous cherchons au contraireun point de vue qui se situe par-del lempirisme et le rationalisme.

    Tant quil sagit seulement de la question de savoir si les nombres sontdes objets rels ou idaux, sensibles ou non sensibles, nous sommes effecti-vement face une alternative, et nous ne songeons pas du tout, lorsque nousne tenons pas les nombres pour purement logiques, dfendre la thorieempiriste ordinaire, cest--dire que nous ne contestons pas l idalit desnombres ni le caractre a prioride larithmtique qui en est corrlatif. AvecFrege, nous tenons pour purement et simplement absurde lide que lnonc2 + 2 = 4 aurait pu surgir, dabord par dressage naturel au cours de la luttepour la survie, de lnonc 2 + 2 = 5, et que, de la mme manire, cet noncpourrait continuer dvoluer vers 2 + 2 = 3 ; tout uniment nous affirmonsabsurde toute logique darwinienne ou pragmatiste. Une vrit digne dece nom nest jamais soumise au pouvoir de lvolution ou de la transfor-mation. Cest uniquement lorsquon reconnat une validit intemporelle la vrit de quelque chose quil y a un sens parler dobjets qui voluent ouse transforment ; et les nombres ne font pas partie des objets rels, dans le

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    registre sensible, qui se transforment et qui voluent. De ce point de vue,nous rejetons tout empirisme.

    Mais lorsquon affirme que, dans la mesure o, en raison de leur teneurthorique, les nombres existent indpendamment de la ralit effective dumonde sensible, ils devraient alors tre des formationspurementlogiques etne pourraient tre compris que de manire rationaliste , nous tenons pourfausse cette conclusion. Nous nadmettons pas lalternative entre exprience,sensible, ou pense, purement logique. Il existe un troisime domaine onous devons chercher des objets mathmatiques, une sphre qui nest ni relleempiriquement ni strictement logique ; une intelligence de sa nature doittre ici au moins esquisse en fixant les limites qui distinguent les nombresautant de la ralit psycho-physique que des formations purement logiques.Nous esprons ainsi dpasser lalternative prtendue entre deux thories dela connaissance, lempiriste et la rationaliste afin de contribuer un empi-risme transcendantal ; cest ainsi quon a appel le point de vue dfenduici.

    Mais la question que nous abordons maintenant importe davantage queles bannires des coles.

    III

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    Notre premire tche doit tre dacqurir un concept univoque, maniableau sein de notre problmatique, de ce qui est purement logique, par rapportauquel tout ce qui est alogique puisse tre distingu de telle sorte que sonessence alogique ressorte clairement. Si lon veut, dans la science et pourautant quelle est strictement thorique, dclarer que touty est logique ,grand bien nous fasse. Il ne sagit pas dune querelle de mots. Mais on prendalors le concept de logique dans une acception si large que la question

    de savoir si le nombre est strictement logique na plus de sens puisquil estde toute faon une formation scientifique dordre purement thorique. Neserait-ce que pour tre mme denvisager le nombre comme un problme,nous nen sortirions pas sans distinguer le logique de lalogique au sein mmede la sphre thorique ; il nous faut donc dfinir ce qui estpurementlogiquecomme unepartiedu domaine thorique2.

    Si lon entend par logique la thorie de la pense, et, sous le terme depense, une activit du sujet, on dira purement logique tout ce qui peut treport de manire exclusive au compte du sujet pensant, donc en cartant

    2. Il est invitable de reprendre ici quelques pages tires du premier volume de monSystme de la philosophie. Dans la premire dition de la prsente tude, ces ides furentpublies pour la premire fois. Par la suite, je les ai quelque peu remanies, et je les donne prsent, avec de lgres modifications, sous la forme quelles ont prises dans mon SystmeElles sont indispensables lintelligence des chapitres suivants ; cf.ma Fondation gnralede la philosophie , pp. 50 sq.

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    tout lment qui, de lextrieur, rencontrerait le sujet en tant tranger sapense. On laissera dabord de ct la question de savoir jusquo lon peut

    aller avec pareille dfinition subjective du logique comme produit parla pense et de lalogique comme tranger la pense . Seul est dembleclair ceci que le sujet pensant dont doit dpendre ce qui est logique ne peuttre simplement le sujet individuel, et quun moment supra-individuel vancessairement de pair avec le logique ; en outre, ce moment doit tre cher-ch non seulement dans lacte subjectif de pense, mais aussi dans ce quigrce lui est pens ou dans lobjetde la pense, tant entendu que sous leterme d objet nous entendons moins une chose relle ou un autreobjet concret, mais le quelque chose qui est pensen gnral et qui est distinctde lacte de la pense.

    vrai dire, ce quelque chose objectif nexistepour nousque dans lamesure o nous le pensons. Mais ce nest pas une raison pour considrer toutce qui est pens qui ainsi ne pourrait plus tre qualifi dtranger la pen-se comme tant demble un objet purement logique ; de plus, le lien ausujet ne nous empche pas de dcoupler conceptuellement lobjet de lactesubjectif qui le pense et de nous demander ce qui constitue en lui, tel quilexiste pour soi, llment purement logique. Peut-tre quune fois que nousaurons trouv ce qui est objectivement logique ou lobjet logique, la pensedu sujet pourra, partir de lui, tre dfinie comme pense logique , et que

    les expressions comme produit par la pense et tranger la pense acquerront un sens univoque. En effet, que lacte de pense soit pour nousce qui est premier est tout aussi certain quil a besoin dun logosindpendantde nous et qui se soutient lui-mme, logosgrce auquel seulement notre pen-se devient logique ou thorique, par le biais duquel les sujets parviennentchacun penser de manire objectivement logique.

    Quoi quil en soit, lorsque nous nous demandons de quoi est vrita-blement constitu lobjet purement logique ou, comme on peut aussi le dire,ce qui appartient au modle dun objet pens du point de vue thorique,

    nous accordons priorit non pas lacte de pense du sujet, mais lobjet decet acte. Cest ici particulirement ncessaire quand nous nous demandonsnon pas comment surgit grce la pense le concept de nombre, mais si lenombre lui-mme, dans sa teneur thorique, est un objet strictement logique.Au demeurant, nous navons pas lintention dexaminer rigoureusement cequi distingue la logique subjective de la logique objective, pour les qualifierrapidement ainsi, mais nous allons parler de lobjet comme de la pense delobjet au sens habituel.

    Une situation pernicieuse peut vrai dire apparatre dans la mesure olon pourrait avoir limpression que lobjet surgirait seulement de notre pen-se ou quil serait produit par elle. Pareille tournure a sans doute bel etbien un sens dans dautres contextes. Ici, il ne saurait en tre question ola problmatique concerne la teneur du nombre en tant quil est un objet.Nous pensons de manire logique seulement lorsque nous trouvonsquelquechose qui, en tant quobjet, existe indpendamment de notre pense. Le

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    dveloppement progressif de notre rflexion sur lobjet ne signifie pas unevolution de lobjet, mais llucidation conceptuelle croissante dun objet

    qui demble existe. Si nous nous en tenons fermement cette dmarchenous atteindrons coup sr notre but qui est de parvenir une conscienceexpresse de ce qui est ncessaire au fait de penser thoriquement ou logi-quement non pas tel ou tel objet, mais un objet en gnral . Nous tien-drons alors ce quest lobjet purement logique, cest--dire ce que doit tregalement le nombre sil est cens tre pens au sens strict.

    Ce qui doit dabord tre dfini comme purement logique, cest le quel-que chose qui est vide , cest--dire dont le contenu est indtermin, etqui est ncessairement pens ds quon pense quoi que ce soit. Avec la notionde ce quelque chose, nous avons un concept purement logique, du point devue objectif comme du point de vue subjectif, car qu il y ait quelque chose est un prsuppos strictement logique, de mme que la pense logique engnral a un objet ou quelle est la pense dun objet. Nous ne pouvons passaisir plus troitement ce qui est dordre logique.

    Nanmoins, on sera davis quavec le simple quelque chose nous navonstoujours pas atteint lultime ou lirrductible, pas davantage ce qui est pure-ment logique ou lobjet thorique en gnral. Dans chaque quelque chose,il est en effet possible de distinguerformeet contenu. Cest mme seulementlorsquon procde cette distinction que nous avons un concept de quelque

    chose, logique ou thorique, cest alors seulement que nous savons ce quenous pensons quand nous disons quelque chose , ou en quoi consistechaque quelque chose. La signification de termes si usits que forme etcontenu est, dans ce cas, claire. Penser quelque chose de manire logiquesignifie ceci : un contenu nest pens comme un objet que si cest uncontenuqui est pens ou exprim de manire objective ; un contenu revt ncessai-rement, en tant quobjet, la forme de lun. Si, lorsquon tient compte decette distinction entre forme et contenu, ne sensuit-il pas ncessairementque la forme de lobjet ou la simple objectivit en tant que telle ne sera pas

    considre comme ce qui est purement logique ? Ni que le contenu decette forme ne soit plus pris, face elle et en tant que cest quelque chosede particulier, comme faisant absolument partie de lobjet strictement lo-gique ou thorique, donc comme quelque chose dalogique qui viendraitdailleurs et serait tranger la pense ?

    La question est certes lgitime. Tout objet, partant tout quelque chosequel quil soit, doit, si nous le pensons, tre dcompos en forme et contenudune manire ou dune autre ; cest--dire que nous dcouvrons quil estconstitu dune forme et dun contenu, et si nous voulons dfinir commetant purement logique ou, pour employer une tournure subjective, commetant produite par la pense, seulementsa forme, alors tout objet et, par cons-quent, toute pense dun objet, donc tout quelque chose dordre logique outhorique, comportent demble une part dalogique. Cest une conceptionaussi simple que de grande porte, et nous y reviendrons. Mais, pour lins-tant, nous ne mettons pas en question le concept de lobjetpurement logique

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    ou thorique que nous voulons construire et dont nous avons besoin poursavoir si le nombre est un objet strictement logique. Prcisment parce que

    toutobjet est constitu par une forme et un contenu, ce qui est strictementlogique en tant quepureforme ne serait pas encore un objet, mais un simple moment de lobjet, et nous ne pourrions pas du tout parler dun objet purement logique ni dun objet quel quil soit qui serait toujours pensds quon pense quelque chose . Puisque de toute faon les nombres sontdes objets de la pense, leur caractre alogique serait alors demble arrt,et notre question naurait plus de sens. Cest pourquoi, nous nallons pascontinuer prendre en compte ce qui est purement logique en le considrantcomme pure forme conceptuellement isole et distincte de tout contenuen gnral. Pour lobjectif qui est le ntre, nous avons besoin du concept delobjet strictement logique qui, outre la forme, embrasse un contenu.

    Il est en outre dautant moins discutable quon puisse en parler commedune formation purement logique quil doit tre du mme coup qualifi de formel . En effet, on ny prend pas aussitt en compte un contenu de telleou telle composition, mais simplement un contenu quel quil soit qui nepeut pas faire dfaut sil doit y avoir un objet thorique en gnral. Ce contenuindtermin ne remplit pas la forme de telle manire que tel ou tel objetparticulier en surgirait. Le contenu en gnral nest donc pas synonyme dunalogique quant au contenu qui viendrait sadjoindre comme quelque chose

    de nouveau aux composantes formelles de lobjet en gnral pour en faireun objet dont le contenu serait alors dtermin, mais ce nest que le lieu logique pour lalogique, et ce lieu fait ncessairement partie de lobjectivitpurement logique ou de la forme de lobjet thorique en gnral.

    Or, prcisment parce quil est juste que toutobjet soit constitu duneforme et dun contenu, le contenu quel quil soit doit tre partie de lobjetpurement logique ou du modle de lobjet thorique en gnral, et doit trepris en compte en mme temps que sa forme. Faute de quoi, il ny auraitpas lieu de poser la question de savoir si le nombre est ou nest pas un objet

    strictement logique. Si nous voulons penser de manire logique ou thoriquequelque chose comme un objet, nous devons le faire comme un contenuinform. Sans ce prsuppos, il ne pourrait jamais tre un objet de la penselogique ou un objet logique, et cest le nombre qui doit galement nous diresil est un contenu inform dans la mesure o nous voulons penser le nombreen tant quobjet thorique en gnral. Cest seulement en fonction de cetteprsupposition quon peut se demander si le nombre, outre son contenu engnral, est aussi dot dun contenu particulier qui nappartient pas lobjeten gnral et qui est donc alogique.

    On peut donc dire dune manire qui sonne comme un paradoxe dansson expression mais qui est pertinente dans son contenu que nous ne quit-tons la sphre strictement logique et formelle de lobjet thorique en gnralqu partir du moment o nous passons du contenu quel quil soit au contenu dtermin quant son contenu , ou lorsque nous prenons ga-lement en compte dans lobjet, non seulement le rle formel dvolu au fait

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    davoir un contenu, mais aussi le contenu du contenu . Ce dernier quenous ne pouvons plus penser mais dont nous avons simplement un

    vcu ou une vision voire apprhender sur un quelconque mode alo-gique, nous le dsignons par des termes tels que grand , bleu , envie ,etc. Plus prcisment, nous le dsignons galementainsi, car cest unique-ment dans les significations particulires de ces mots que nous avons enfait de surcrot un lment alogique, outre les composantes formelles quifont partie de tout terme intelligible et constituent les contenus en objetsthoriques quels quils soient, cest--dire que nous avons le contenu mme,affect daucune forme, donc purement alogique, pour lequel, sil fallaitle considrer isolment, il ne se trouverait plus aucune dsignation adquate.En effet, toute dsignation, recevable du point de vue logique ou thorique,comporte demble une quelconque forme logique que nous ne tarderonspas connatre. Le contenu pur, compltement alogique est cet indicible quinaura jamais de nom logiquement intelligible.

    Cest sans doute pour cette raison que lobjection dj voque se fera denouveau entendre. Si nous appelons la forme de lobjet thorique en gnralou lobjectivit un mixte de forme et de contenu, nous avons dj pens uneforme etun contenu. Or, si nous pouvons penser isolment chacun de ceslments, ils seront aussi des objets, et, semble-t-il, des objets encore pluslmentaires du point de vue logique que la liaison dune forme et dun

    contenu. Il semblerait que le niveau ultime du registre thorique rside seu-lement dans les lmentsconstituant le premier objet thorique en gnral,sans que soit absente la pense thorique ou logique dun objet ; et parce quenon seulement la forme soppose au contenu quel quil soit, mais aussi parceque le contenu en gnral au sens ordinaire est galement uneforme la dif-frence du contenu du contenu, nous en reviendrions apparemment encoreune fois considrer la forme pure comme tant lobjet logique. Commentfaire ici le partage ?

    Il est en un certain sens exact, et il faut le souligner expressment, quavec

    la forme en soi et le contenu en soi, nous avons chaque fois un objet que lon peut penser du point de vue logique. Mais lexamen plus rigoureuxrvle illusoire quil puisse alors sagir de quelque chose qui logiquementserait encore plus lmentaireou de ce qui serait vraiment, dans la sphrelogique, lultime et le plus simple, ce qui seulement pourrait tre qualifi de purement logique. Or, en laborant le concept de contenu inform oude lunion de la forme et du contenu, nous tions dj parvenu ce quil ya dultime et de plus simple dans la sphre thorique. L ultime , que noussommes capables de penser nest pas un ultime mais ce que nous appelons telet dsignons donc au singulier, se rvle toujours, ds que nous en laboronsle concept, cest--dire ds que nous ne nous contentons pas de le dsignermais que nous le pensons du point de vue thorique, tre une multiplicitdlments ou, si nous le dnombrons, comme un pluriel. Cest ce que nousdevons dire quand nous cherchons exprimer ce que nous avons en ttedune manire intelligible par tout le monde.

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    Pour que les choses soient claires, si nous cherchons dabord pensercomme un objet la forme pure, affranchie dun contenu, il appert que mme

    avec elle nous avons dj un objet en tant que cest un quelque chose quinest pensable thoriquement que parce quil est constitu dune forme etdun contenu. Mme la forme en soi se compose ncessairement, commetous les objets, dune forme et dun contenu, ds quon la pense comme unobjet. Simplement, dans ce cas, la forme nest pas la forme en gnral, maisune forme dun genre particulier, savoir la forme qui est dfinir commeforme de la forme la diffrence de la forme en gnral qui, ici, apparatcomme contenu par rapport la forme de la forme. Avec la forme en soicomme objet, nous avons demble une forme de la forme unie une formecomme contenu, cest--dire de nouveau une diversit dlments.

    En outre, nous parvenons une formation logique spciale et diverselorsque nous cherchons penser en tant quobjet et en soi le versant formelde lobjet purement logique que nous appelons contenu quel quil soit paropposition au contenu du contenu. Nous avons tout dabord, comme contenude cet objet, de la mme manire et comme prcdemment, une forme, quiest forme de la forme, et, de surcrot, un contenu formel particulier, la formeparticulire que nous appelons contenu en gnral pour la distinguer, entant que forme, du contenu du contenu ou dun contenu pur qui ne peuttre pens isolment et ne peut surgir que dans un vcu ou une vision .

    Ainsi, sans que nous ayons besoin dexaminer plus en dtail des objets spcifiques qui surgissent lorsquon cherche penser des moments dans lobjet,il appert clairement, dun ct comme de lautre, que nous sommes parvenus,avec le quelque chose constitu dune forme et dun contenu en gnral, cequest lobjet purement logique ou au niveau minimalde ce qui est pensablethoriquement et qui ne peut tre dcompos plus avant en objets thoriquesplus lmentaires, mais seulement en moments de lobjet. vrai dire, commenous allons aussitt le voir plus prcisment, ce qui est purement logique,cest--dire lobjet thorique en gnral, nest pas absolument simple ; et

    que ce qui est ultime ne soit pas un mais pluriel semble assurment trange.Or cest pourtant bien ce que les explications prcdentes devaient tablirclairement : le singulier linguistique, que nous employons en parlant d unobjet , ne doit pas nous entraner tenir pour quelque chose de simple lamultiplicit quil recle. Tout objet que nous sommes en mesure de penserthoriquement est compos de plusieurs lments qui, en tant que tels, nesont pas dj des objets, mais simplement des moments dun objet, et, par-tant, titre de prsupposs logiques de lobjet, peuvent tre qualifis ausside pr-objets. Si on les pense comme des objets, ils consistent leur tour enlments dobjets pr-objectifs, et cessent ainsi dtre de simples lments oude simples pr-objets.

    Sans cette distinction entre objets et moments dobjet, on ne sauraitjamais exactement ce que lon pense logiquement, et ce qui vient sadjoindre lobjet purement logique de composantes alogiqueslorsque lon pense desobjets dune science particulire comme les mathmatiques.

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    Nanmoins, nous nen resterons pas ce concept quon vient dtablirde lobjet purement logique comme objet le plus simple que nous puissionspenser ds que nous pensons quelque chose. Nous poursuivons notre inter-rogation en nous demandant ce quest en particulier la spcificit de laformequi doit recevoir un contenu pour devenir objet thorique en gnral.

    Nous avons dj donn leurs noms. Ce qui est logiquement pensable,nous lavons dit, nest pas l un inspar ou simple ; au contraire, quandnous parlons de lun, nous avons en tte ce dont on peut dire quil est un contenu en gnral, donc, comme on doit le souligner expressment, uncontenu en gnral sous la forme de lun. Ce qui est encore plus simple, ouce qui est absolument simple nest pas encore un objet, mais un moment delobjet qui, nous le savons, ne peut pas tre pens isolment sans quon lepense de nouveau comme une forme et un contenu. Cest pourquoi, lobjetle plus simple ou le plus lmentaire que nous soyons capables de penser estncessairement la liaison de la forme simple de lun et de son contenu simple.Ou encore, si lon qualifie de logique seulement la forme, lun ou le quelquechose se rvle tre demble un ensemble constitu par la forme logique delun et par un contenu quel quil soit. Voil lexpression ncessairement ina-

    dquate du point de vue linguistique, et pourtant la plus adquate que nouspuissions trouver pour dire ce qui est purement logique. Toute expressionlinguistique restera inadquate parce que nous faisons aussitt un objet detout ce que nous dsignons dun mot, mme lorsque nous ne pensons quun moment dun objet. Il importe cependant que nous ne prenions pas mal-gr cela les lments de lobjet ou les pr-objets de quelque chose pour desobjets qui eux-mmes sont dj quel chose .

    Ce qui est purement logique, en tant que contenu sous la forme de lun,nous intresse aussi un autre titre particulier. Nous rencontrons avec

    lui une notion dsigne par le terme un et son rapport au conceptde lun doit donc tre clarifi. Lun, cest--dire le contenu sous la forme delun, est-il dj le chiffre un ? La forme purement logique de l un signifie-t-elle lunit numrique ? La dsignation linguistique elle seule ne nousfournit pas de raison pour ladmettre. Il faut donc dabord prvenir le risquedune confusion engendre par la terminologie. Le concept de lun, commenous lavons vu ds le dbut, est trs quivoque. Il rclame une dfinitionexacte de ce que nous entendons par ce terme, sil nest pas cens signifierautre chose que la forme que doit avoir un contenu pour devenir objet de lapense en tant qu un contenu quel quil soit.

    Au lieu de l un , on dit aussi un et mme ; ce qui indique quechaque objet, pour en tre un doit tre le mme objet, et il en est bienainsi. Cest la raison pour laquelle nous prfrons parler, lorsquune erreurpourrait se faire jour, de lidentique plutt que de lun, ou cest pourquoi nousnommons identitla forme de lun que tout contenu doit avoir pour devenir

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    objet thorique en gnral. Ce faisant, nous nexplicitons pas la question desavoir si ce nom est rserv uniquement la forme absolument universelle

    de lobjet en gnral, cest--dire la forme propre tout objet. Quoi quil ensoit, la forme de lidentit fait partie des prsupposs ou des lments de toutobjet logiquement pensable, et, partant, de ce qui est purement logique.

    Au minimum de forme que nous avons dans lidentit rpond le mini-mum de contenu, dj voqu, le contenu quel quil soit qui rside dans laforme de lidentit. Nous pouvons aussi lappeler quod (Was) pour le dis-tinguer du quelque chose (Etwas), la constitution ou la qualit propreau fait quun contenu soit dtermin. Cependant, il ne faut pas en parlantde qualit avoir en tte la table kantienne des catgories, et en particulier ladistinction davec la quantit, car un quale , au sens que nous entendonsici, cest bien ce que doit tre tout contenu quel quil soit, quil sagisse desqualits primaires ou des qualits secondaires . Le quantitatif commeobjet, cest--dire comme quantum est, nos yeux, tout aussi dtermin qualitativement que le qualitatif au sens restreint, par exemple une qua-lit sensorielle. Qualit ne signifie rien dautre ici que la constitution ducontenu dun objet en gnral ; et par consquent, le contenu sous la formede lun ou lobjet dot de la plus grande extension pensable, donc lobjetpurement logique, sont dsigns comme qualits identiques. La qualit nest purement logique que dans cette acception universelle, en tant que

    quodidentique ou qualeen gnral. Dans lacception de qualit sensible elleest mme plus loigne de ce qui est purement logique que le quantitatif.Dun autre point de vue, nous avons pourtant besoin, dune dfinition

    plus prcise de lobjet purement logique, et ce qui peut nous lindiquer cestla ncessit o nous sommes de penser constamment le quod comme unquelque chose, comme un quale identique, ou lobjet comme une liaison dela forme de lidentit avec un contenu en gnral.

    Dans le fait que les concepts de forme et de contenu comme lments detout objet font preuve dune exigencerciproque, cest--dire quil ny a pas

    dobjet qui soit ou bien seulementcontenu ou bien uniquementforme de lun(identit), mais quil est toujours les deux la fois, sexprime un principe uni-versel, qui est lui aussi purement logique, principe que nous ne sommes pasen droit de ngliger ici, dautant moins que, dans linterrogation sur la partalogique du nombre tout revient se demander si nous ne pensons pas troppeusous la notion de ce qui est purement logique. La rfrence rciproquespcifique qui lie forme et contenu constituant ensemble seulement lobjet,le quodidentique ou le quelque chose, signifie, si lon en cherche la justifi-cation, que nous pensons toujours lun comme ce qui se distingue de lautre,ou que nous ne pouvons penser lun que si nous le diffrencions ainsi dunautre. La forme de lun est, dans ce cas, en tant quobjet pour soi, objectiv,lun, et le contenu, pens comme objet, est lautre.

    Il convient de gnraliser ce qui apparat ici loccasion dun cas parti-culier. Nous pouvons donc dire : cest avec une ncessit logique que liden-tit exige la diversit, ou, comme nous prfrons le formuler, laltrit; de

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    mme que la forme exige comme son autre le contenu en des termes objec-tifs : le premier moment, lun, nexiste que dans le rapport ou la rfrence

    lautre moment. De manire subjective : avec lun on pose toujourslautre. Nous ne pouvons pas penser sans rfrence. Lobjet purement logiquelui aussi ne peut tre saisi dans sa totalit que comme une relatioentre relata,comme lun etlautre, comme forme et contenu.

    Il en ressort aussitt, pour notre propos, quel point jusqu prsent leconcept de lobjet purement logique tait encore insuffisamment dfini. Tantque nous disions quil consistait en un quodidentique ou en un contenu engnral dans la forme de lun, ce que nous pensions ainsi pouvait semblerplus indigent ou plus simple que ce quil en est. On pouvait mme croireque lun, lidentique, se suffisait en quelque manire lui-mme. Tout ce quiviendrait sy adjoindre ne serait plus porter au compte de nimporte quelobjet thorique en gnral, donc de ce qui est purement logique, mais seraitdordre alogique, et pas seulement au sens o lon peut qualifier dalogique lecontenu en gnral par rapport la forme pure. Ce serait alogique galementau sens o il se situerait hors de la sphre du strictement logique, de lobjetpurement logique fait dune forme et dun contenu, et o il constitueraitainsi un objet dont le contenu serait dfini de manire spciale. Or cestinexact. Outre lun, ncessairement identique, lautre fait galement partiede lobjet purement logique en gnral, ou encore : ce quil faut dsigner

    comme un minimum de lobjectivit strictement logique, ce nest pas lunpour soi qui nexiste pas en tant quobjet, mais uniquement lun et lautre.On peut le dire ainsi : la tautologiene nous est daucune aide pas mme

    dans le domaine de ce qui est strictement logique ou lorsquon pensequelque chose de thorique en gnral. Ds la dfinition de tout objetthorique que nous avons lintention de penser logiquement, lhtrologieest ncessaire. Mme lidentit ne peut tre dfinie en un objet indpendantpar un A pos seul, mais seulement par la formule A est A, donc par unautre A. Il ny a donc pas, an sens strict et dans une formulation tout fait

    adquate, un principe de lidentit. Identit et altrit sont ncessairementlies et interdpendantes.Nous constatons nouveau en quel sens ce qui est logiquement ultime

    nest pas absolument simple, et nous admettons demble la ncessit decette diversit . Or si la division en forme et contenu nest quun cas par-ticulier du principe htrologique, nous comprenons maintenant dautantmieux pourquoi nous ne pouvons pas penser comme un objet, isolment, laforme ou le contenu, mais seulement forme et contenu, lun et lautre.

    Afin que ce que nous pensons ne soit plus du tout ambigu, il faut ajouterune autre considration. Nous pouvons dire que lun est simplement tel dansla mesure o il nest pas lautre. Mais nous ne devons pas alors nous ima-giner que laltrit serait seulement ngationde lidentit, cest--dire simplenon-identit ou privation didentit qui serait synonyme du non-quelquechose ou du nant si lon tentait de la concrtiser ; nous ne devons pas nousimaginer quainsi rien de nouveau ne sajouterait lun du fait de lautre.

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    Il nous faut au contraire tenir le plus rigoureusement spares ngativit etaltrit, et, par consquent, distincts ce qui nest pas tautologique et ce qui

    est htrologique ; car il est certain que lun nest pas lautre et que laltrit,ou la diffrence, nest pas lidentit. Mais il serait erron de croire que le ne pas , comme simple ngation ou comme non annihilant au senspropre, suffirait pour faire surgir lautre de lun ou pour len dduire. Langation comme simple action de nier ou dannihiler na jamais t dotede pareille puissance magique, et, pour toute pense qui veut connatre sapropre nature, il est important de le raffirmer. Si nous pensons lautre delun comme le non-un et nanmoins, en quelque manire positivement,comme lautre, nous articulons toujours sur la ngation, qui supprime lun,quelque autre chose qui ne provient pas de la ngation. La ngation fait duquelque chose simplement le non-quelque chose ou le nant. Elle fait pourainsi dire disparatre lobjet en gnral ; de mme la non-identit ne peutjamais faire surgir laltrit ou la diffrence. Cela provient du fait que la nga-tion elle-mme, pense comme objet, prsuppose dj la diffrence davec laposition, donc prsuppose un autre, ou du fait que le nant dans son rapportau quelque chose nest quun cas spcial de lautre dans son rapport lun.Laltrit prend logiquement le pas sur la ngation. Du point de vue logique, ilest impossible de penser quelque chose qui serait plus originel que laltritqui appartient, outre lidentit, lobjet purement logique.

    Nous ferons donc bien de laisser tout fait de ct, dans un premiertemps, le concept de ngation lorsque nous abordons la sphre de lobjetstrictement logique. Loin de nous, quoi quil en soit, de juxtaposer ici auprincipe didentit quelque chose comme ce quon appelle le principe decontradiction . La contradiction reste dans tous les cas le rapport entre deuxjugementsdont lun nie ce que lautre affirme. Cette notion appartient unautre domaine de la logique et pas lobjet logique en gnral. Nous devonsdabord prendre en compte ceci : lautre est tout aussi positif que lun, ou,si lon veut viter pareille formulation, lautre originairement ou demble est

    aux cts de lun, ce qui, bien entendu, ne sentend pas dun point de vuetemporel, et il constitue un lment de lobjet purement logique et tho-rique en gnral, lment qui ncessairement fait partie de lun mais ne peuten tre dduit par quelque biais qui ne contiendrait pas dj de laltrit.Pour exprimer cette impossible dduction partirde lun comme la relationncessaire lun, nous parlons de l autre . Il ny a aucun terme qui seraitplus pertinent pour dsigner un tel rapport.

    Lide selon laquelle lautre serait simplement le non-un, et qui a conduit lapprciation largement rpandue mais fausse de la ngation dans la pensephilosophique en gnral, est aisment explicable et disparat ds quon prenden compte ce qui suit : chaque fois quil y a des alternatives, et quil ne restealors quun choix entre lun oulautre, cest--dire que tout ce quil y a outrelun est autre, la ngation nous renvoie lautre. Elle peut nous enseigner trouverlautre, mais elle ne fait, elle seule, pas avancer la rflexion dun pas.Lapparence quil en irait autrement surgit lorsquavec la ngation on pense

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    en mme temps de manire positive laltrit. Il faut particulirement mettreen garde, face cette apparence, contre toute philosophie dialectique . La

    ngation permet sans doute de dcouvrir lautre, mais jamais de le produire.Dans les termes de la logique subjective , nous pouvons dire que lathesis produit lun, lidentique, uniquement en tenant compte de la thesisde lautre. Pour viter ici aussi lillusion que nous venons dvoquer selonlaquelle il sagirait de la ngation, nous dfinirons cette autre thesis non pascomme antithsemais comme htrothse. Le versant logique qui est ainsiport la conscience comme ce qui appartient tout objet quel quil soit,nous le nommons selon une formulation subjective, le principe htroth-tique de la pense, et nous lopposons toute forme de dialectique antith-tique ou toute dynamique autonome des concepts fonde sur la simplengation.

    Sans doute lhtrothse est-elle aussi ce que Hegel pensait effectivementavec lantithse et davantage comme ngation simplement formelle .Pourtant, il ne sest pas bien compris lui-mme, car le principe htroth-tique est lennemi mortel de tout panlogisme et de toute dialectiquetaye par la contradiction. Lhtrothse est peut-tre aussi ce qui sexprimedans le Parmnidede Platon avec la distinction entre ouk onet m on. Maispareils problmes dinterprtation ne doivent pas intervenir ici ; notre pro-blmatique naura pas besoin de leur lumire pour sclairer. Lun et lautre se

    compltentrciproquement de manire positive et forment ensemble lenti-ret purement logique. La ngation ny joue aucun rle essentiel ; il ny a pasde ngation dans cette entiret purement logique tant quon lapprhendecomme un objet.

    En tout cas, nous ne sommes pas fonds prendre lun pour lui-mmecomme lamorce de la pense ni tenir lun pur et simple, lidentique, pourun objet de la pense logique auquel le langage pourrait nous conduire. Aucontraire, le commencement purement logique ou lorigine, donc ga-lement lobjet thorique en gnral doivent tre constitus par lun et lautre

    puisquil ny a pas dobjet logiquement pensable et que le sujet ne peut pascommencer penser logiquement sil ne pense pas ds le dbut, dun seulcoup , lun et tout la fois lautre. Mme lorsquil pense lidentique ,il pense lun et lautre, cest--dire un contenu sous la forme de lidentit.Pense isolment, lidentit nest pas un objet, mais un moment de lobjet.Les objets ne peuvent tre penss que sur un mode htrologique.

    Il faut comprendre cela de manire aussi radicale que possible afin defaire apparatre demble quelle impasse reprsentent certaines tendances monistes . Nous ne sommes pas non plus fonds croire que nousaurions dabord apprhend lun puis que nous y aurions accollautre. Il semble en tre ainsi uniquement si nous pensons lvolution,dans le temps, de nos rflexions sur lobjet purement logique et si nous lesconfondons avec lobjet pens. Nous avons au contraire demble affaire lun et lautre lorsque non seulement nous dsignons un objet quel quilsoit mais aussi le pensons, et seuls notre pense subjective, concrte, qui

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    se droule dans le temps et notre langage nous contraignent nommerdabord lun et ensuite lautre. Nous sommes dans la ncessit dnumrer

    ce qui ensemble, ds le dbut, constituelobjet. Cette tat de fait ne sera passans importance par la suite lorsque nous nous demanderons dans quellemesure il faut chercher le nombre dans la sphre de ce qui est purementlogique. Nous nous rendrons compte alors quil est indiffrent, au regardde cette question, que nous nommions lun aprs lautre les diffrents l-ments de ce qui est purement logique, et que pour dsigner leur succession,nous ayons utilis des nombres. Cest une forme de notre expos qui naaucun rapport avec la chose discute. Pour ce qui la concerne, il nous fautnous en tenir ceci : il ny a aucune priorit logiquede lun par rapport lautre ni de succession logique des lments constitutifs de lobjet pure-ment logique. Ils sont ncessairement lis et interdpendants, mais aussitout fait quivalents du point de vue logique.

    En termes subjectifs, nous dirions : le principe htrothtique est cequi dabord met la pense en mouvement . Une pense qui serait encoreplus pure , et qui demble ou toujours se dvelopperait sur un modestrictement thtique sous la forme de lidentit, voil qui nexiste que danslimagination de quelques logiciens. Lidentit elle aussi, prise isolment etconsidre comme objet, est penser comme forme de la forme, et lidenti-que est alors le contenu formel de cette forme de la forme. La limite ultime

    de ce que nous sommes capables de penser apparat toujours, cest du moinsce que nous avons vu jusqu prsent, comme une dualitsi nous tenons y appliquer les concepts numriques en gnral. Cest l que nous pouvonstrouver le sens de la proposition A est A. Mme lidentit est constitue,pense en tant quobjet, de lun et de lautre, et ne peut tre apprhendeque sur le mode htrologique. Par consquent, pour la formuler dans uneproposition, nous avons besoin non seulement dun A, mais aussi dun autreA que nous posons comme identique au premier en supprimant de nouveaulaltrit.

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    Nanmoins, nous navons, jusqu prsent, toujours pas dveloppentirement le concept apparemment simple de lobjet purement logiquedans sa varit, et cest prcisment la rflexion thse et htrothse quinous entrane de nouveau plus avant. La synthse appartient ncessairement la terminologie de la logique subjective. Cest en elle seulement que nousapprhendons en fait tout le commencement de la pense. Parler dedualit ntait donc que transitoire. se et htrothse, de par lanalysede la synthse dorigine, sont des moments conceptuellement isols dela pense logique ou de la saisie conceptuelle dun objet thorique quelquil soit. De mme quelles ignorent toute succession logique lune

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    par rapport lautre, elles ne prcdent pas non plus logiquement la syn-thse ; ou bien, pour le dire sur un mode objectif : si nous avons spars

    lun et lautre, comme cest concrtement ncessaire, ce que nous avonsdistingu apparat comme unitde lun et de lautre, ou comme lunit dece qui est logiquement divers, et nous pouvons parvenir lun et lautrecomme moments spars seulement en dcomposant cette unit dembleainsi structure dans son statut logique. La multiplicit de ses lments estunifiedans lunit synthtique de lobjet.

    Cette liaison rclame lattention la plus vive ne serait-ce que pour cetteraison quelle est son tour dsigne par un terme qui, dans notre contexte,est dimportance. Nous avons appel lun lidentique pour le distinguer ter-minologiquement du chiffre un. Maintenant, lunit ne signifie pas la mmechose que lidentit, cest--dire lindiffrenciation ou la simplicit, ce quiserait tout fait absurde quand il faut faire des distinctions destines treapprhendes ensemble ; au contraire lunit signifie le liensuprieur de lunetde lautre, et il nous faut donc soigneusement distinguer cette unit de lamultiplicit non seulement de lunit numrique mais aussi de lunit delidentit afin quelle napparaisse pas incompatible avec la multiplicit quona montre de tout objet. En tant quunit de la synthsede lun (lidentique)et de lautre, elle ne peut jamais signifier lunit comme indiffrenciation,elle exigeau contraire la diffrence ou laltrit, tout comme l unit de

    lidentit rejettela diffrence ou laltrit. Il faut toujours se demander quandon parle d unit si lon se rfre l unit identique comme indiff-renciation ou lunit synthtique de ce qui est diffrenci ; faute de quoi leterme dunit nous fourvoie puisquil dsigne deux concepts qui sexcluentlun de lautre ; ce terme nentrane pas seulement la pense sur la voie hau-tement douteuse du monisme , il rend tout fait impossible de clarifier enquelque manire la nature logique de lunit numrique. Lunit synthtiquenest pas simplement antimoniste, elle doit en outre tre rigoureusement dis-tingue de lunit propre au nombre.

    Quoi quil en soit, lunit synthtique du divers est porter galementau compte de lobjet logique en gnral. En effet, si nous la nommonsmain-tenant seulement au cours de la progressive clarification du concept dobjetlogique, elle y est de fait implique ds le dbut, car sans elle lun et lautreseraient privs de la moindre relation, ne seraient donc pas lun etlautre.Tant que nous ne rflchissons que sur lun comme momentde lobjet,nous sommes encore loin de lide quon y apprhende ensemble une diver-sit devenue unit synthtique. Si nous pouvions penser lun isolmentcomme objet, ce serait alors labsolument simple, et non plus quelque chosequi est structur comme lest un moment dans lobjet. Or lun etlautre oulobjet purement logique sont unit seulement comme unit du divers. Cetteunit-l, quand nous la mettons en rapport avec des nombres, nest jamais comprendre au singulier, mais toujours comme un pluriel. Unit synth-tique, elle spare comme elle runit. Le terme un ne doit pas en loccur-rence nous tromper.

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    Nous devons donc dire de lobjet purement logique en gnral quil estconstitu, dun ct, par lun, lidentique, et lautre, mais en mme temps

    pas seulementde lun et de lautre mais aussi par lunit de cette multiplicitou par lun etlautre, dont se distingue lun ou lidentique puisquil est lemoment simple, indcomposable mais qui nexiste plus isolment, de lobjet.Si nous tenons compte de cette ambigut du terme dunit qui laffecte tout fait indpendamment du concept dunit numrique, nous ne rencontreronsplus de contradiction, et nous le comprendrons, dans le fait que ce quelquechose qui est purement logique et semble au premier abord indiffrenci,devait invitablement se rvler au fur et mesure de son explicitation, dansun premier temps, comme un complexe comportant deuxmoments, et, fina-lement, comme une trinitde moments. Ainsi, travers diffrentes tapesdu dveloppement conceptuel et grce notre rflexion qui se dploie peu peu, avons-nous progress dune conception partielle un concept achev delobjet purement logique. Dans le complexe, que nous avons dsign aprsavoir dml la terminologie, form de trois moments dsigns successi-vement, dont aucun, considr isolment, na de statut logique autonomecar ils sont tous relis ensemble, cest--dire perdent leur sens ds quon lesdistingue plutt quon ne les relie, nous tenons lobjet thorique en gnral,aussi unitaire que divers et nanmoins dbarrass de contradiction, ou nousavons lobjet purement logique comme phnomne logique premier que

    nous pensons ds que nous pensons quoi que ce soit sur un mode thoriqueou logique. Lun comme forme, puis lautre comme contenu, pour finir le etcomme lien des deux ou lien de la forme en gnral et du contenu en gnral,voil les trois pr-objets dont est constitu lobjet le plus simple qui sepuisse penser ou lobjet purement logique, voil ses trois moments logiquesdont aucun nest autonome.

    Dans toute tentative de dfinir un objet quelconque, donc galementle nombre, objet scientifique, nous devons toujours nous en tenir ceci : ilne peut y avoir aucun objet, et on ne peut en penser aucun o lun de ces

    trois moments ferait dfaut. Lunit de lobjet que lon pouvait croire trela simplicit est en elle-mme le lien qui unit les deux autres moments, etelle exclut dans cette mesure-l lunit indiffrencie. Lunit comme nomdonn un tout ne peut tre que lunit dune multiplicit, relatiode relata.Quelque chose comme un objet nest pensable pour nous que sous la formedune unit de la multiplicit, donc jamais sous celle de lunit indiffrenciede lidentit. Mme si de nouveau nous partons de la diffrence entre formeet contenu comme cas spcial de lun et de lautre, indispensable au conceptde lobjet purement logique en gnral, ou lorsquon pense que tout objetthorique est constitu dune forme et dun contenu, la forme vaut alorsseulement pour lun, le contenu seulement pour lautre, et lobjet stric-tement logique ou le modle de lobjet thorique en gnral sont, en tantqu unit synthtique de la forme et du contenu, seulement lunit de lamultiplicit que sont lun et lautre, tandis que le mot et dsigne en tantque tel lunit pense isolment qui assure la multiplicit de lun et de lautre

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    autant quelle les maintient unis, et qui doit signifier les deux pour demeurerunit synthtique de lun et de lautre. Elle aussi, bien entendu, ne doit tre

    pense que comme un pr-objet lorsquelle semble objective par le terme et . Faute de quoi, un moment de lobjet, tels le contenu du contenu ou la forme de la forme , devient un objet qui devrait se prsupposer lui-mme . Il est ncessaire dviter ce contresens dans le cas de tousles lmentsde lobjet, donc aussi dans celui du et .

    Ainsi, la dtermination dfinitive de lobjet thorique en gnral ou duquelque chose qui est strictement logique, dont nous avions besoin pourmontrer ce que nous avons en tte pour penser quoi que ce soit de logique,cette dtermination a t acquise en en indiquant successivement les l-ments, et, cherchant une dtermination de ce qui est purement logique, nouspouvons nous en tenir cette dtermination de lobjetpensable. Il en rsultedj pour une part ce qui appartient toute pense logique subjective . Cequi, dans cette perspective, ne se laisse pas dduire des dterminations pro-duites nacquerra son sens quultrieurement, dans un autre contexte. Nousvoulions dabord connatre quel tait le modle de lobjet quel quil soit ou savoir quel tait le minimumdes composantes sans lesquelles la pensethorique de quoi que ce soit est impossible. Ce minimum que nous sommesmaintenant fonds considrer comme ce qui est purement logique, sestrvl tre une trinit de moments dont les deux premiers sont maintenus

    par le troisime de telle sorte quils forment un objet. Cela peut semblerparadoxal, mais ce que nous pensons doit tre clair.

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    Notre recherche sur la nature logique du nombre sinterroge maintenantsur le fait de savoir sil est possible dlaborer des objets tels que un, deux,

    trois, uniquement grce aux lments logiques de lobjet en gnral, ou biensi nous avons par principe besoin pour ce faire dautres composantes qui nepeuvent plus tre dfinies comme strictement logiques. On peut tre enclin croire que nous aurions dj implicitement acquis un concept du nombre, ense fondant sur notre dmonstration du fait que ce qui est purement logiqueprsente demble une multiplicit dlments. La multiplicit nest-elle pastoujours quantit ? Et la quantit ninclut-elle pas le nombre ?

    Paul Natorp, par exemple, a dvelopp de cette manire son argumen-tation pour montrer, partant de notre analyse, quel point le nombre taitune formation purement logique3. Le genre, cest--dire ce qui subsume lunet lautre se fonde sur la synthse de notre multiplicit, donc sur lunit delun et de lautre. Or le genre, dans la mesure o il comporte la multiplicit

    3. Cf. P. Natorp, Die logischen Grundlagen der exakten Wissenschaften, Leipzig/Berlin,Teubner, 1921, chap. III. (N. d. T.).

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    des espces (ici, lun et lautre) qui doivent tre au moins deux, devrait enmme temps assurer lhomognit comme condition dcisive de la quan-

    tit. Natorp se demande comment on pourrait parler dune multiplicit cest--dire pluralit selon lespce, pluralit des espces sous un genre etainsi dun genre subsumant autrement quen tablissant du mme coup unfondement pour le nombre ? Qui, comme nous, viserait non pas la simpletautologie mais lhtrologie devrait admettre les deux et tout la foisune kononia, une corrlation indpassable des deux, ce qui veut dire quela mme chose (respectivement) pourrait tre identique et diffrente tandisque, du point de vue du concept, lidentit nest assurment pas la diff-rence ni la diffrence, lidentit. Daprs ces prsupposs irrfragables, il neserait pas convenable de tenir la quantit pour moins logique que la qualitpuisque, de fait sans les deux prises ensemble, il ny aurait aucun logos niconcept, ni jugement, ni conclusion.

    Bref, la multiplicit logiqueou la pluralit logique de lun et de lautresont censes tre lquivalent de la multiplicit quantitativeou mathmatiquedes espces sous un genre subsumant, et, partant, le nombre serait la cons-quence immdiatement dduite de la multiplicit logique de lunit de lunet de lautre.

    quelle condition est-ce pertinent ? Si lon veut dduire le nombre dela multiplicit purement logique telle que nousla comprenons, il nous

    faudra admettre que lun, le un au sens de lunit numrique, y soit prsent.Faute de quoi, il sera impossible que notre multiplicit logique comportedj le nombre. En fait, on ne sera pas tir daffaire simplement avec le un,car le terme ne dsigne encore aucun nombre si lunit numrique ne peuttre distingue dune pluralit. Unit et pluralit numriques simpliquentlune lautre comme lidentit et laltrit. Pourtant, voil qui semble suffire la deuxime condition, celle qui conduit de lunit numrique la plura-lit, puisque nous avons, en effet, considr que lautre, distinct de lun, esttout autant purement logique ; et il en rsulte, comme on doit le croire, la

    possibilit de parvenir aussi la pluralit numrique sans ladjuvant dunlment alogique. Si lun est la seuleunit numrique, lautre estncessairement lautre unit numrique, le premier un exige lautre un, et,finalement, il nest besoin que dy ajouter le concept, lui aussi strictementlogique, de l unit de la multiplicit pour obtenir lunit du premier unet de lautre un sous la forme du deux. Elle aussi semble tre dduite de lamultiplicit de lun et de lautre ; ou, pour le dire autrement : de lunitde la multiplicit de lun et de lautre rsulte immdiatement lunit de lamultiplicit de la premire unit numrique et de lautre unit numrique,donc le deux.

    Or ds quon a acquis le deux, il nest plus difficile, partir de lui, depasser au trois et au reste des nombres sans recourir un lment alogique.Le pas qui conduit du deux au trois ne peut pas tre diffrent de celui quimne du un au deux. Ce dernier, en tant quil est un nombre, se retrouve face un autre nombre et, si cest le un, lunit du deux et du un donne le trois

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    tout comme lunit du un et de lautre un a produit le deux. Par le mmebiais, on peut dduire tout nombre entier quel quil soit, sans avoir recours,

    pour le formuler sur le plan subjectif, quelque chose dautre que la thse, leprincipe htrothtique et lunit synthtique de la pluralit. Unit et plura-lit numriques sont donnes dun coup dans lunit du un et de lautreou dans la multiplicit purement logique.

    Il semble alors que le problme logique du nombre entier, conditionque soit juste le concept prcdemment dvelopp du purement logiquecomme unit de la multiplicit de lun et de lautre, soit rsolu sur le planobjectif et sur le plan subjectif dans un sens strictement logique.

    Il suffit, pour le confirmer, dajouter que devient ainsi tout fait intelli-gible la manire de calculer avec des nombres qui sont des formations pure-ment logiques ; par exemple, les placer dans une galit ou les additionner.Lnonc 1 = 1 est ncessairement vrai, car silun est le nombre un et lautreun autre un, comment des objets dont chacun est le nombre un et qui sontinterchangeablespourraient-ils ne pas tre gaux ? De mme 1 + 1 = 2. Eneffet, 1 + 1 signifie simplement lunit raliser de lun et de lautre en tantquils sont deux units numriques, et doit donc tre pos comme quivalentau deux o cette unit est ralise. Il nest plus besoin de dduire explici-tement la proposition 2 + 1 = 3. Si 2 = 1 + 1 et si 3 est lunit ralise de 1+ 1 + 1, alors 2 + 1 = 1 + 1 + 1 = 3. On comprend laddition de nombres

    entiers et lgalit dune pluralit avec plusieurs units comme des processuspurement logiques, cest--dire comme une opration qui sapplique desobjets purement logiques.

    Voil qui peut suffire clarifier le principe laide duquel on croit pou-voir dduire de la multiplicit logique la multiplicit mathmatique. Si lesnombres doivent tre considrs comme purement logiques, ce ne sera pos-sible, pour autant quon ne fasse pas intervenir la pense dun sujet, qu lacondition de tenir lun logique pour une unit numrique et lautre logiquepour une autre unit, qui ensemble donneront le deux ; faute de quoi, le

    genre subsumant na plus aucune utilit.Au cours de la critique, on commencera par mettre de ct la dmarchesubjective, et on ne prendra position que sur laffirmation la plus gnraleselon laquelle, avec la multiplicit logique, on aurait dj atteint la mul-tiplicit mathmatique des nombres. Cest delle que manifestement toutdpend. La multiplicit logique est-elle une quantit telle quelle inclutles nombres ? Nous tenterons de montrer que, au vrai, dans la dduction,qui est en apparence si transparente et si convaincante, des concepts dfinisde manire analogue sont confondus, dont la distinction est dune impor-tance cruciale pour toute thorie logique des nombres entiers. Il sagitau fond, pour autant quon ne prenne en compte que le versant ngatifde laffaire, cest--dire le rejet dune dduction purement logique desnombres, uniquement de distinctions videntes. Mais cest prcismentparce quelles sont obvies quon ny prte gure attention, et quil est doncncessaire de les examiner en entrant quelque peu dans les dtails et en les

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    expliquant point par point tant les concepts lmentaires en question sonttroitement interdpendants.

    Il nest pas besoin de stendre longtemps sur lide sans doute videntepour la plupart que la nature purement logique du nombre rsulteraitdj du fait que nous serions capables dnumrer les diffrents lmentsde lobjet purement logique ou de dnombrersa multiplicit. Nous avonsde fait voqu dabord deux, puis trois lments qui, ensemble, consti-tuaient le minimum dun quelque chose qui soit logiquement pensable.Cela comporte-t-il dj une dduction logique du un, du deux et du trois ?Pareille conclusion serait trop htive. Que nous, qui possdons dj lesnombres, soyons capables de dnombrer aussi les lments dune multi-plicit purement logique ne prouve en rien quon trouveraitparmi ces l-ments les nombres comme objets. Pareille affirmation prsupposerait aucontraire ce qui doit dabord tre dmontr. Bien des choses peuvent trednombres qui ne sont pas des nombres par une rflexion qui se drouledans le temps ; et nous devons prcisment poser la question de savoir siune multiplicit purement logique, dont les lments peuvent tre dnom-brs par un sujet empirique, comportedj elle-mme les nombres en tantquobjets. Voil en quoi consiste notreproblme.

    Les dveloppements de Natorp le ngligent compltement. Commenten arriverions-nous admettre que sur la synthse de la multiplicit pure-

    ment logique se fonderait un genre qui, tel un genre dobjets du mondesensible, subsumerait ncessairement une pluralit mathmatique despces,ou bien quavec nimporte quel genre serait demble tabli le fondementdes nombres ? Pareil prsuppos comporte dj la ptition de principe quenous combattons. Nous ne voulons certes pas simplement la tautologie, maisbien lhtrologie. Mais si nous admettons les deux, nous navons pas besoindadmettre aussitt que lun et lautre reclent le premier un et lautre uncomme deuxime un. Cest au contraire ce qui exige dtre dmontr. Il resteau dpart tout fait indtermin que la multiplicit purement logique de

    lun et de lautre ait pour consquence immdiate la multiplicit mathma-tique du premier un et de lautre un comme deuxime un.En tentant de faire la clart sur ce point nous navancerons pas si nous

    opposons deux catgories telles quantit et qualit . Le problme descatgories ne saurait nous occuper ici. Bien sr, la quantit , comme laqualit, est une catgorie logique, mais nous devons mettre entre parenthsesce type de problmatiques si nous voulons savoir ce quest le nombre en tantquobjet, car les catgories ne sont pas des objets comme les nombres, maisdes formes, donc des moments des objets, et le fait que la catgorie de quan-tit est qualifier de logique dans la mesure o elle est un moment formeldun objet, ne dit pas la moindre chose sur le caractre logique du nombremme qui consiste en une forme et un contenu. En effet, nous ne sommespas du tout fonds, dans ce contexte, distinguer de la manire habituellequantit et qualit. Sous le quale nous nentendons rien dautre que la constitution , le quod du contenu ou lepathos, comme le dit Platon et

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    non lepoon distinct duposn4, et la constitution, lorsquy interviennent desdterminations part