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Conservatoire National des Arts et Métiers Mémoire en vue de l'obtention de Master en sciences de gestion, mention Comptabilité, Contrôle et Audit L’utilisation des décotes dans les évaluations d’entreprises non cotées : Existe-t-il des pratiques communément reconnues? Elaboré par : Mademoiselle Laurence Bideau Directeur de mémoire : Madame Isabelle Chambost Date de soutenance : 10 février 2012

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Conservatoire National des Arts et Métiers

Mémoire en vue de l'obtention de Master en sciences de gestion, mention

Comptabilité, Contrôle et Audit

L’utilisation des décotes dans les évaluations

d’entreprises non cotées : Existe-t-il des pratiques

communément reconnues?

Elaboré par : Mademoiselle Laurence Bideau

Directeur de mémoire : Madame Isabelle Chambost

Date de soutenance : 10 février 2012

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Remerciements

Pour la rédaction de ce mémoire, je remercie ma directrice de mémoire Madame

Isabelle Chambost qui a su me guider dans l’organisation de mes idées et qui m’a fait

part de ses conseils et encouragements. Je souhaiterais également remercier tous les

professionnels qui ont bien voulu m’accorder de leur temps afin de répondre à mes

questions. Que tous trouvent ici l’assurance de mes pensées reconnaissantes.

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Table des sigles et abréviations

AFIC Association Française des Investisseurs en Capital

ANR Actif Net Réévalué

BVCA British Venture Capital Association

CMPC Coût Moyen Pondéré du Capital

DCF Discounted Cash-Flows

EVCA European Private Equity and Venture Capital Association

IFRS International Financial Reporting Standards

MEDAF Modèle d’Evaluation des Actifs Financiers

QMDM Quantitative Marketability Discount

SFEV Société Française des évaluateurs

TRI Taux de Rendement Interne

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Sommaire

Synthèse ___________________________________________________________________ 7

Introduction ________________________________________________________________ 9

I. - Théorie et revue de littérature: Une diversité d’approches ___________________ 12

1. Définition et fondement des primes et décotes _______________________________ 13

1.1. Première approche des primes et décotes _______________________________ 13

1.2. Concepts de base __________________________________________________ 16

2. Les ajustements liés à la taille et aux spécificités de la société: études empiriques et théories _________________________________________________________________ 20

2.1. La décote de taille _________________________________________________ 21

2.2. La décote pour homme clé __________________________________________ 24

3. Les ajustements liés au contrôle __________________________________________ 25

3.1. La prime de contrôle _______________________________________________ 25

3.2. La décote de minorité ______________________________________________ 26

3.3. Les valeurs de références : valeurs de majoritaire ou de minoritaire ? _________ 28

3.4. Droits de vote vs sans droits de vote ___________________________________ 30

4. Les ajustements liés à la liquidité : théories et études empiriques ________________ 31

4.1. La décote de non liquidité ___________________________________________ 32

4.2. Les facteurs affectant la décote d’illiquidité _____________________________ 50

4.3. La décote de non cessibilité et autres clauses statutaires ___________________ 55

5. Etudes empiriques effectuées sur les pratiques en matière d’évaluation d’entreprises non cotées ___________________________________________________________________ 56

5.1. Une étude de 2007 sur les pratiques en matière de sociétés de capital développement sur le marché suisse: ________________________________________ 57

5.2. Une étude de 2008 sur les pratiques des professionnels de l’évaluation au niveau international ___________________________________________________________ 58

Conclusion de la première partie : ____________________________________________ 60

II. - Analyse des pratiques : Emergence d’un consensus ? ________________________ 62

1. Méthodologie et grilles d’interprétation des entretiens _________________________ 62

1.1. Choix de la méthode _______________________________________________ 62

1.2. L’échantillon _____________________________________________________ 63

1.3. Guides et déroulement des entretiens __________________________________ 65

2. Les référentiels utilisés : Des conventions plus ou moins stabilisées ______________ 67

2.1. Des conventions plus informelles en Europe qu’aux Etats-Unis _____________ 68

2.2. L’évaluation : un art entaché de subjectivité _____________________________ 73

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2.3. L’existence d’un consensus de place ou émergence d’une convention ? _______ 74

3. Une rationalisation a posteriori de l’écart constaté entre prix et valeur ____________ 77

3.1. Les risques spécifiques et la décote de taille : deux notions étroitement liées ___ 78

3.2. Primes de contrôle et décote de minorité : Des notions pris avec prudence par les professionnels __________________________________________________________ 85

3.3. La décote d’illiquidité ______________________________________________ 92

3.4. Les décotes appliquées par les acteurs du capital-investissement ____________ 103

4. La contrainte légale : analyse juridique et fiscale ____________________________ 107

4.1. Les ajustements pour prendre en compte les spécificités de la société ________ 109

4.2. La liquidité des parts ______________________________________________ 109

4.3. Les restrictions juridiques __________________________________________ 111

4.4. Les participations minoritaires ______________________________________ 112

Conclusion de la seconde partie ______________________________________________ 114

Conclusion Générale _______________________________________________________ 116

Bibliographie _____________________________________________________________ 119

Annexe A – Schémas d’application des primes et décotes ________________________ 124

Annexe B – Modélisation de la méthode QMDM (TRI 25%) ______________________ 125

Annexe C – Modélisation de la méthode QMDM (TRI 15%) ______________________ 126

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Figures

Figure 1 - Etude des petites capitalisations de 1926 à 2006 (source : Pratt, 2009) .................... 22

Figure 2 - Calcul théorique de la décote de minorité (Pratt, 2008, p 17) .................................... 27

Figure 3 - Etudes sur les "Restricted stocks" (Source : Pratt, 2009) ........................................... 34

Figure 4- IPO study: Emory ........................................................................................................ 36

Figure 5 - IPO study: Willamette Management Associates ........................................................ 37

Figure 6 - Décotes observées par l'approche des transactions (Koeplin, 2000) .......................... 42

Figure 7 - Comparaison par pays des décotes observées (Dodel, 2008) ..................................... 44

Figure 8 - Résultats de Longstaff (1995) .................................................................................... 46

Figure 9 - Modèle quantitatif du calcul de la décote de non liquidité (QMDM) ........................ 48

Figure 10 - Tableau de synthèse des études empiriques sur les décotes d’illiquidité ................. 49

Figure 11 - Décote d’illiquidité : actionnaire majoritaire vs minoritaire .................................... 51

Figure 12 - Résultat de l'enquête sur les pratiques des sociétés de capital investissement suisses

(Jolidon, 2007) ............................................................................................................................ 57

Figure 13 - Echantillon des professionnels rencontrés ................................................................ 64

Figure 14 - Guide d’entretien n°1 ............................................................................................... 65

Figure 15 - Guide d’entretien n°2 ............................................................................................... 66

Figure 16 – Cas pratique ............................................................................................................. 67

Figure 17 - Schémas de détermination de la valeur (American Society of Appraisers) ............. 68

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Synthèse

Les primes et décotes sont la traduction des décalages observés entre la valeur

fondamentale d’une société telle qu’elle ressort en théorie des méthodes d’évaluation, et

son prix d’échange, rencontre entre une offre et une demande. Les primes et décotes

font ainsi partie intégrante de l’évaluation de l’entreprise et leurs déterminations est une

problématique connue des professionnels du secteur de l’évaluation et elles restent

encore sans solutions satisfaisantes.

L’objectif de ce mémoire est de savoir s’il existe une approche communément reconnue

pour la détermination et l’application des décotes dans les évaluations d’entreprises non

cotées. Notre recherche porte notamment sur la décote de minorité, de liquidité, de

taille, ainsi que sur les primes spécifiques.

La méthodologie consiste dans un premier temps, à analyser les études empiriques

anglo-saxonnes existantes sur ces primes et décotes afin de souligner la diversité des

approches et des résultats trouvés. Dans un second temps, seront analysées les pratiques

en termes d’évaluation de sociétés. Pour ce faire, nous avons interviewé vingt

praticiens, qui ont été invités à évoquer leur expérience concernant les primes et décotes

lors des évaluations de sociétés. Ces spécialistes, pour la majorité membre de la SFEV

(Société Française des Evaluateurs), travaillent pour des banques d’affaires (10%), des

sociétés de conseil en Fusions et Acquisitions (25%), des sociétés d’audit (40%), des

sociétés de capital investissement (15%), ou encore au sein de départements financiers

de sociétés cotées (10%).

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La confrontation entre les résultats des études empiriques et les pratiques des

professionnels est difficile. En effet, parce que l’évaluation d’une société nécessite de

prendre en compte une multitude de facteurs, l’application des décotes telles qu’elles

ressortent de ces études est souvent remise en cause. La question de la pertinence du

cumul des ajustements lors des évaluations de sociétés est également soulevée.

Enfin, si on observe une diversité d’approches et de résultats pour l’identification et

l’estimation les primes et décotes, et s’il existe des disparités quant à leur utilisation

parmi les professionnels de l’évaluation d’entreprises, on observe toutefois un

consensus ou encore des conventions qui constituent un repère et permettent d’orienter

le professionnel vers des tendances acceptables ou tout du moins acceptées. En effet, la

détermination des primes et décotes résulte ainsi d’un jugement propre à l’évaluateur et

est validé par un raisonnement construit et argumenté.

Dix mots clefs :

Décotes, primes, évaluation, société non cotée, liquidité, minorité, contrôle, valeur, prix,

méthodes.

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Introduction

Les crises financières sont le plus souvent engendrées par une mauvaise appréciation du

risque, à l’instar de la crise de 2007 dites des « subprimes », mais également à un

défaut de liquidité, principe qui sous-tend l’ensemble des justifications de l’efficacité

des marchés financiers. La détermination de la valeur fondamentale est au cœur des

préoccupations, et nombreux sont ceux qui réduisent les marchés boursiers à un rôle

strictement passif, à une simple retransmission d’une réalité économique préexistante.

Toutefois, il est essentiel d’appréhender au mieux la nature communicationnelle, à

savoir la liquidité des marchés qui joue un rôle de liaison entre le présent et le futur et

permet ainsi une représentation collective de l’avenir.

En l’absence d’une cotation régulière, ou de marché liquide, aucune synthèse des

opinions ne peut être produite et aucune évaluation de référence ne peut être proposée.

Pour ces marchés, chaque partie se construit sa propre estimation de la valeur de la

société, mais rien n’assure en effet, qu’ils partagent la même opinion sur la valeur

fondamentale. Seul le prix final de transaction, résultat d’un échange entre un acheteur

et un vendeur, fera état de la valeur réelle de la société.

Il en résulte une volonté de la part des évaluateurs et tout particulièrement pour

l’évaluation de sociétés non cotées, de se rapprocher au plus de la valeur réelle. Pour

cela, ils ont recours à des ajustements, dits de « primes / décotes », appliqués sur les

valeurs obtenues à partir des méthodes d’évaluation usuelles. Ces primes et décotes

jouent un rôle déterminant dans les évaluations d’entreprises et apparaissent de plus en

plus dans les évaluations effectuées pour les besoins d’offres publiques d’achat,

d’échange et de retrait, ainsi que lors de la détermination des parités de fusion, ou bien

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encore lors d’évaluations à caractère fiscal (ISF, droits d’enregistrement, droit de

mutation, …).

L’application des décotes peut considérablement réduire la valeur de l’entreprise telle

qu’elle ressort des méthodes usuelles. « Les évaluations d’entreprises, aussi

approfondies et précises soient-elles, se concluent souvent par l’application, quelque

peu brutale et forfaitaire, de primes et/ou décotes diverses, parfois si importantes

qu’elles peuvent quelque fois semer le doute sur la qualité des travaux de

l’évaluateur » (Nussenbaum, 1998).

En théorie comme en pratique, il existe de nombreuses catégories de primes et décotes.

Des auteurs parlent même de « création sans limites » pour évoquer la multitude de

décotes utilisées lors de certaines évaluations (Cheridito et Scheller, 2007).

Au vue de l’utilisation fréquente et grandissante des décotes et primes dans les

évaluations financières, il est donc intéressant de comprendre le raisonnement formulé

par la théorie financière et d’observer les pratiques à ce propos. L’objet de notre

recherche sera de savoir s’il existe des pratiques communément reconnues pour

l’application et la détermination des primes et décotes dans les évaluations

d’entreprises non cotées et si les professionnels du secteur se référent aux études

empiriques existantes sur le sujet.

Nous chercherons également à comprendre le phénomène des primes et décotes

observables sur les marchés du non cotés, en nous situant autant du côté du vendeur que

celui de l’acheteur afin d’avoir une appréhension de cette problématique la plus large

possible lors des négociations.

Les diverses décotes et primes étant interdépendantes, il est parfois difficile de les

identifier séparément. Nous restreindrons notre recherche aux primes et décotes liées à

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la liquidité, au contrôle, à la taille et à certaines spécificités de la société à évaluer.

L’évaluation d’entreprises non cotées fera principalement l’objet de notre recherche.

Notre mémoire se divise en deux parties, la première développe l’aspect théorique de

notre travail, la seconde l’étude du terrain et son analyse.

Dans la première partie, nous introduirons tout d’abord les concepts de primes et de

décotes. Nous présenterons ensuite des études empiriques, principalement d’origine

anglo-saxonne, qui tentent d’identifier et de quantifier les décotes observées sur les

marchés boursiers mais aussi lors des transactions d’actions non cotées. Nous

terminerons notre première partie par la présentation de deux études empiriques portant

sur les pratiques des professionnels de l’évaluation de sociétés non cotées.

La seconde partie de ce document sera consacrée à la présentation de notre

méthodologie et à l’analyse de nos résultats issus de données recueillies au cours de

vingt entretiens avec des professionnels du secteur de l’évaluation. Ces derniers, pour la

majorité membre de la SFEV (Société Française des Evaluateurs), travaillent pour des

banques d’affaires (10%), des sociétés de conseil en Fusions et Acquisitions (25%), des

sociétés d’audit (40%), des sociétés de capital investissement (15%), ou encore au sein

de départements financiers de sociétés cotées (10%).

La théorie fondamentale et la théorie des conventions nous permettront de dégager

certains facteurs déterminants pour le choix et l’estimation des primes et décotes.

Enfin, l’analyse des ajustements employés dans les contestations entre l’administration

et le contribuable viendra compléter notre étude.

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I. - Théorie et revue de littérature: Une diversité d’approches

Cette première partie présente les études empiriques qui ont pour objet d’identifier, de

caractériser et de quantifier les décotes observées sur les marchés boursiers. Ces études

font souvent références aux pratiques américaines observées lors de procès et sont

utilisées pour l’évaluation de sociétés non cotées ou des titres de sociétés cotées dont la

liquidité sur le marché est faible. Ces études sont toutefois fortement critiquées. Si

chacun s’accorde sur le fait qu’une société non cotée est décotée par rapport à son

concurrent, dont les titres peuvent s’échanger librement et facilement sur un marché, les

opinions divergent sur l’estimation de cette décote. En effet, les études observent une

décote liée à une multitude de caractéristiques telle que la taille, la personnalité du

dirigeant, le contrôle de la société, et la liquidité des actions. Tous ces facteurs

caractérisent le marché du non coté et la possibilité de cumuler ces décotes reste

problématique.

Chaque type d’ajustement sera présenté séparément. Tout d’abord, nous présenterons la

décote de taille et la décote pour homme clé, ensuite les ajustements relatifs au contrôle

pour finir sur la décote d’illiquidité qui est la plus reconnue et la plus utilisée par les

professionnels. Par ailleurs, nous verrons que cette dernière est en étroite relation avec

les notions de taille et de contrôle.

Nous terminerons enfin cette première partie par la présentation de deux études

empiriques sur l’utilisation des décotes par les professionnels de l’évaluation.

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1. Définition et fondement des primes et décotes

Cette sous-partie présentera les différents concepts financiers relatifs à la valeur afin de

comprendre au mieux le recours aux primes et décotes dans les évaluations de sociétés.

Nous attacherons notamment une grande importance à la détermination de la valeur de

référence, valeur de base à laquelle les divers ajustements viendront au final s’appliquer

à la hausse comme à la baisse.

1.1. Première approche des primes et décotes

Il faut, avant toute chose, distinguer deux sortes de décotes. Dans un premier temps, les

primes et décotes sont employées par les professionnels pour corriger les modèles

d’évaluation basés sur des référentiels boursiers. L’évaluation, dans ce cas-ci, consiste à

évaluer tout ou partie d’une entreprise en déterminant le prix le plus probable auquel

une transaction pourrait se conclure dans des conditions normales de marché. Dans un

second temps, les primes et décotes appliquées désignent la différence observée entre le

prix et la valeur lors d’une transaction, notions que nous développerons ci-dessous et

qui résulte d’une négociation entre un acheteur et un vendeur.

Bien que la valeur doive en théorie se rapprocher du prix, ces deux notions diffèrent. La

valeur déterminée lors d’une évaluation ne prend pas en compte la nature de l’acquéreur

ni le moyen de paiement, et autres variables, alors que le prix dépendra de la

confrontation stricte de l’offre et de la demande, difficilement appréciable par les

évaluateurs. En effet, selon les directives de l’OCDE, le prix auquel un évaluateur doit

aboutir est le « prix que serait prêt à payer un acheteur hypothétique moyen sans

avantage particulier à un vendeur indépendant de l’acheteur, tout aussi raisonnable et

banalisé et n’ayant pas à vendre en urgence ».

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1.1.1. Valeur contre prix – Les décotes une valeur subjective

La valeur est ce que vaut un objet susceptible d’être échangé, vendu, et, en particulier

son prix en argent. D’un point de vue économique, la valeur d’un bien est fonction de

son utilité, c'est-à-dire de la satisfaction des besoins de l’individu. Elle est également

fonction de sa rareté et de sa qualité.

Le prix est en étroite connexion avec la notion d’échange : l’appréciation du prix

découle d’une transaction entre au moins deux individus. Cette notion d’échange a une

valeur sociale en ce qu’elle mesure la valeur appréciée collectivement. A priori, il existe

généralement une déconnexion entre prix et valeur. Mais lorsqu’il y a échange, le prix

et la valeur coïncident. Les participants ont chacun indépendamment estimé la valeur du

bien et ont accepté un ajustement plus ou moins important pour converger vers un prix.

La différence entre le prix et la valeur est par ailleurs reprise par Walter et Brian

(2007) : « Il apparait que tout ce qui pourra influer dans un sens ou dans l’autre sur le

niveau de risque auquel s’expose l’investisseur aura une conséquence directe sur la

formation du prix de la transaction [garantie d’actif, de passif, règlement au comptant, à

terme, etc…]. On aura ainsi la valeur de marché estimée d’un titre et le prix présidant à

une transaction réelle incluant certaines modalités concrètes » (Walter et Brian, 2007, p

13).

Les néoclassiques se sont penchés sur les modèles d’évaluation permettant de

reproduire le comportement réel des cours. D’après la théorie de l’équilibre, le cours de

l’action est sensé refléter la valeur fondamentale du titre, ou du moins s’en rapprocher le

plus possible. « Toute différence entre les prédictions du modèle théorique et la série

étudiée sera nécessairement attribuée à une mauvaise compréhension du comportement

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des investisseurs par le modélisateur, puisque les investisseurs sont supposés

parfaitement rationnels » (Walter et Brian, 2007, p.45).

1.1.2. Le recours aux primes et décotes par les évaluateurs

Le recours aux primes et décotes permet aux évaluateurs d’ajuster la valeur. Cet

ajustement doit théoriquement refléter la différence entre les caractéristiques de la cible

et ceux des autres sociétés dites comparables. Ces différences de caractéristiques

engendrent des risques supplémentaires, que ces différences proviennent de passifs

latents, d’un manque de contrôle, d’une moindre liquidité, etc… Si la décote ou prime

est bien estimée, la différence de valeur qui en résulte doit refléter la différence de taux

de rendement qu’un investisseur est en droit d’exiger afin de compenser ces risques

(Pratt, 2001).

Ainsi, tous les risques identifiables et identifiés ont une conséquence sur la valeur

estimée de la société pour un investisseur.

Généralement, les primes et décotes se retrouvent à deux niveaux, celui de l’entité

(entity-level) et celui de la détention du titre (shareholder-level). Il est important de les

distinguer. La première s’applique à l’ensemble de l’entreprise alors que la seconde

concerne les risques propres à la détention des titres (Pratt, 2009). Les décotes pour

homme clé, pour risques environnementaux, et autres risques telles que la volatilité des

bénéfices ou encore la dépendance à un seul fournisseur sont tous des ajustements

effectués au niveau de l’entité. Les spécificités liées à un bloc d’actionnaires en

particulier reflètent les caractéristiques propres à la détention des titres. Les deux plus

importantes décotes sont celles liés au contrôle et à la liquidité.

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1.2. Concepts de base

1.2.1. Valeur globale contre valeur individuelle

La valeur d’une part du capital d’une entreprise ne correspond pas, en général, à la

valeur globale de celle ci divisée par le nombre des parts émises (Hirigoyen, 1988). Le

guide de l’administration fiscale précise en outre que « la valeur de tous les titres d’une

société n’est pas obligatoirement égale à la valeur globale de celle-ci1 » (DGI, 2007).

On observe un décalage, prime ou décote, qui est souvent due à l’existence de

particularités :

� Paquets d’actions minoritaires ou majoritaires ;

� Actions avec droit de vote ou participation aux bénéfices particuliers ;

� Restriction aux droits de cession.

Les évaluations de parts d’entreprises appellent donc à d’autres examens. Il faut même

examiner si, en pareil cas, la valeur globale de l’entreprise, peut servir de base. Le cas

échéant, seuls les dividendes escomptés ou le cours de bourse sont à prendre en

considération (Hirigoyen, 1988).

Malgré divers objectifs, une constante se dégage. Quelle que soit la phase de

développement, le secteur, le potentiel de croissance de la société, l’évaluation doit

permettre d’évaluer financièrement la somme que devrait verser une personne physique

ou morale pour acquérir la totalité du capital de la société. C’est seulement une fois

cette évaluation réalisée, que le prix est ajusté en fonction de l’objectif et des modalités

de la transaction (acquisition d’un bloc de titres offrant une minorité de blocage, cession

de parts représentant la majorité des droits de vote, etc..).

1 DGI 2007, L’évaluation des entreprises et des titres de sociétés

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Ainsi, comme le précise Walter et Brian (2007), le recours aux prime et décotes

nécessitent une bonne compréhension et un analyse fine de la situation donnée : « Il

s’agit ainsi d’apprécier et de quantifier les risques propres à la transaction envisagée.

[…]. Pour une introduction en bourse ou pour une prise de contrôle, qu’elle soit motivée

par des raisons industrielles ou financières, la question de la liquidité de

l’investissement correspondant ne se pose pas ou peu alors même que pour une prise de

participation minoritaire, sans pacte de sortie, elle sera au centre du processus

d’évaluation » (p 22).

1.2.2. Valeurs de base et valeurs de référence

Lorsque l’on évoque les décotes ou les primes, nous devons avant tout définir la valeur

à laquelle celles-ci s’appliquent. La SFEV (2008) s’est attardée sur la définition de cette

valeur de base et a publié une typologie des différentes notions de valeur. La sphère

financière différencie ainsi :

� La valeur fondamentale : correspond à la juste valeur de marché. La juste

valeur peut être définie comme « la somme estimée pouvoir être échangée entre un

acheteur consentant et un vendeur consentant en toute connaissance de cause »

(EVCA 2003, p 94). Dans la perspective d’une juste valeur de marché, l’acheteur et

le vendeur sont considérés comme hypothétiques, afin d’exclure l’impact potentiel

sur les motivations respectives de l’acheteur et du vendeur (Pratt 2001, p 13). Dans

la perspective d’une juste valeur, celle de l’entreprise ne peut pas être définie dans la

perspective d’un prix consenti pour une transaction en particulier (bien qu’en réalité,

ce soit très difficile d’établir une juste valeur). La juste valeur est la valeur standard

pour tous les cas juridiques (administration fiscale).

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� La valeur d’investissement : C’est la valeur du point de vue d’un vendeur ou

acheteur spécifique et non hypothétique. C’est pourquoi doit être incorporé à la

valeur d’investissement, les potentiels de synergies, supplément que l’acheteur est

prêt à débourser par rapport à la valeur de référence.

Une décote, quelle qu’elle soit doit être appliquée à une base de valeur définie. Ainsi, si

c’est la valeur d’investissement qui est retenue, on prendra comme hypothèse que la

prime de contrôle est déjà inclue dans les flux.

Généralement, pour apprécier la valeur d’une société non cotée, les analystes procèdent

à une approche multicritères, qui consiste en une moyenne entre les méthodes

intrinsèques et analogiques. Cette analyse constitue ainsi une valeur de référence, dite

fondamentale, non biaisée par les considérations particulières de telle ou telle partie.

Ainsi, seule la valeur fondamentale (valeur stand alone) constitue une référence et une

donnée commune à l’ensemble des investisseurs. Par conséquent, les primes et décotes

doivent s’y rattacher (SFEV, 2008, p 10).

1.2.3. Le lien entre les décotes et les méthode d’évaluation

Dans un univers parfait et un marché efficient, où toute l’information est disponible, la

valeur d’une société est théoriquement indépendante de la méthode d’évaluation

utilisée. Toutes les méthodes aboutiraient ainsi au même résultat, ce qui dans la réalité

n’est toutefois pas le cas. C’est pourquoi les analystes ont souvent recours à une

évaluation multicritères via la pondération des méthodes comme évoqué ci-dessus.

L’évaluation requiert à postériori la validation d’un certain nombre d’hypothèses et peut

donc très fortement différer d’un évaluateur à un autre.

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Dans une opération d’acquisition par exemple, les intérêts de la cible et les intérêts de

l’acquéreur sont généralement différents. Tandis que l’acquéreur ne veut pas surpayer,

la cible aura tendance à augmenter le prix. En résumé, l’évaluation est toujours plus

ou moins subjective dépendant des hypothèses prises par l’évaluateur. C’est pourquoi, il

n’existe pas une méthode parfaite, et le recours à plusieurs méthodes afin de recouper

les différentes valeurs trouvées est indispensable.

Comme la SFEV (Société Française des Evaluateurs) l’énonce dans son rapport de

2008 relatif aux primes et décotes, le principe de retenir telle ou telle décote pour les

PME qui ne seraient pas cotées est judicieux. Encore faut-il l’appliquer à bon escient en

fonction des méthodes utilisées.

La littérature financière sur l’évaluation d’entreprises, l’évaluation de titres mobiliers ou

tous autres actifs financiers est abondante et met à disposition des évaluateurs

professionnels de nombreuses méthodes. En règle générale, deux principales méthodes

sont utilisées et internationalement reconnues.

� Les méthodes d’évaluation intrinsèque : Elles consistent à déterminer la

valeur d’une société à partir de sa propre rentabilité et de son risque propre. La

méthode des flux de trésorerie actualisés (DCF2), basée sur les perspectives

d’avenir, est une méthode largement privilégiée par les professionnels. Bien que la

méthode des cash-flows apparaisse simple dans son principe, elle est souvent mise à

mal lors de son application, car elle requiert un certain nombre d’estimations basées

sur le futur. Il est en effet très difficile d’estimer non seulement les performances

futures d’une société année après année, mais également le coût du capital à retenir.

2 Discounted Cash Flow (DCF)

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� Les méthodes d’évaluation analogiques : Les professionnels désignent ces

approches en tant que « modèles de marché ». Assez simples à mettre en œuvre, les

méthodes analogiques sont largement utilisées par les professionnels de la finance.

Elles supposent toutefois un référentiel de comparaison pertinent. Parmi les

méthodes analogiques, on retrouve principalement la méthode des comparables

boursiers et celle des comparables de transaction.

Nous verrons plus bas dans la partie consacrée aux ajustements liés au contrôle, qu’il

existe plusieurs théories sur ce que chaque méthode produit comme valeur. En effet, si

certains affirment que la méthode par les flux produit une valeur de majoritaire, ou la

méthode par les multiples produit une valeur de minoritaire, d’autres soutiennent le

contraire (voir infra).

2. Les ajustements liés à la taille et aux spécificités de la société:

études empiriques et théories

Dans cette sous-partie, nous présenterons les effets liés à la taille et à la personnalité du

dirigeant, dit « d’homme clé », sur la valeur des actifs. L’effet taille a été un des

premiers facteurs à avoir été mis en avant par les professionnels et académiciens pour

expliquer les divergences de rendements observées sur les marchés boursiers. Nous

verrons plus bas que sa légitimité n’est pas pleinement reconnue car pour certains, elle

recouvre davantage l’aspect de l’illiquidité que celui de la taille.

Les études empiriques sur ces deux aspects ont été effectuées à partir des données de

sociétés cotées sur les marchés boursiers aux Etats-Unis.

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2.1. La décote de taille

En finance, le modèle du MEDAF3, qui explique le rendement par la prime de risque du

marché, est l’un des modèles d’évaluation les plus utilisés par la communauté

financière. Divers chercheurs ont toutefois critiqué le fait que le MEDAF est insuffisant

pour expliquer le rendement et que certains fondamentaux y jouent un rôle

complémentaire.

Certains chercheurs ont envisagé des modèles qui ne reposent pas exclusivement sur le

facteur de marché pour expliquer les rentabilités des actifs financiers. Banz (1981) a été

l’un des premier à avoir introduit le concept de l’effet taille. La plus connue des études

est toutefois celle conduite par Fama et French (1992, 1993).

En 1992 et 1993, Fama et French ont tenté d’expliquer les rendements observés sur les

marchés boursiers américains (NYSE, AMEX et NASDAQ) en fonction d’un facteur de

risque systématique, le beta, et de deux facteurs de risque spécifique, le ratio valeur

comptable sur valeur de marché, et la taille, mesurée par la capitalisation boursière4.

Ces études qui reposent sur des régressions en coupe transversale (1992), ou encore par

des régressions longitudinales chronologiques, plus traditionnelles (1993), démontrent

que la rentabilité attendue pour les entreprises de petite taille est plus élevée que pour

les sociétés plus importantes.

L’étude Ibbotson5 est souvent citée lorsque l’on parle de décote de taille. Les résultats

de celle-ci se basent sur l’analyse du marché boursier aux Etats-Unis. Depuis 1926, elle

3 Le Modèle d’Evaluation des Actifs Financiers (MEDAF) a été introduit par Sharpe en 1964 4 Fama et French (1992, 1993) et Banz (1981) ont choisi la variable de la capitalisation boursière pour représenter la taille. Toutefois, d’autres variables existent telle que la valeur comptable des actifs, le chiffre d’affaires ou bien encore l’effectif. 5 Morningstar, Inc. : SBBI Valuation Edition 2007 Yearbook, Chicago 2007

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compartimente les sociétés en dix groupes selon leurs tailles et analyse la différence de

rendement observée.

Le tableau ci-dessous montre les résultats de l’étude Ibbotson (Pratt, 2009).

Figure 1 - Etude des petites capitalisations

de 1926 à 2006 (source : Pratt, 2009)

Décile Capitalisation boursière en Millions USD

Décote

1 371 187 0,36

2 16 821 0,65

3 7 777 0,81

4 4 085 1,03

5 2 849 1,45

6 1 946 1,67

7 1 378 1,62

8 976 2,28

9 627 2,70

10 314 6,27

Groupe 6-8 1,76

Groupe 9-10 3,88

Généralement, parce que l’étude Ibbotson porte sur le marché américain, il est

nécessaire de retraiter les données pour les entreprises cibles européennes (Cheridito,

Schneller, 2008). Ainsi, si nous avons une société non cotée qui a été valorisée

préalablement à 600 millions d’euros, une prime de 2% est ajoutée au coût du capital

(les 2,70% sont généralement arrondis à 2% pour les marchés européens).

Parce que les petites entreprises sont difficilement comparables aux grandes sociétés

cotées, et que le taux d’actualisation découle de ce marché financier, la décote de taille

appliquée au niveau du taux d’actualisation est située entre 0 et 4% (PWC, 2008).

Garbowski et King (2007) ont également trouvé une nette corrélation entre la taille de

la société et son taux de rendement. Ils estiment la valeur de la décote à appliquer selon

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huit critères de taille (chiffre d’affaires annuel, nombre de salariés, valeur comptable par

action, et autres facteurs). Selon l’étude, les plus petites sociétés étudiées (avec un

bénéfice moyen de 47 millions de dollars) affichent un rendement annuel moyen de

13,6% supérieur au taux sans risque (bon de trésor américain), comparé à un rendement

supérieur de 5,9% au taux sans risque pour les sociétés beaucoup plus importantes (avec

un bénéfice moyen de 4,86 milliards de dollars). Les auteurs en concluent que les

investisseurs exigent une prime de risque annuelle d’environ 7,7% pour investir dans

des petites sociétés.

Nous pouvons également citer deux études françaises. Une effectuée par Eugène Grenas

datant de 2002 et la seconde effectuée par Fairness Finance en 2008 qui mettent toutes

deux en évidence une corrélation entre la taille et le rendement attendu des

investisseurs.

Les critiques sont cependant nombreuses et le débat concernant l’effet taille sur les

rendements des actifs est toujours d’actualité. Même en 1981 lorsque Rolf W. Banz a

mis en évidence dans son étude l’effet taille, il est resté prudent dans ses affirmations.

En effet, il n’a pas exclu le fait que la décote observée pouvait résulter d’autres facteurs

que du seul effet taille. En effet, l’effet taille pourrait être confondu avec d’autres

facteurs, sources de décotes, tels que, entre autres, la saisonnalité, le spread et les coûts

de transactions (Pratt, 2010).

L’agence Morningstar, après avoir passé en revue la plupart des critiques concernant cet

aspect, affirme finalement que la prime de taille existe bien. Avant d’appliquer cette

prime de taille, Pratt (2008) conseille de prendre en considération les fondamentaux qui

sont à la base de l’ajustement. Ceci permettra à l’analyste de savoir si oui ou non un

ajustement est nécessaire dans le cas spécifique.

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2.2. La décote pour homme clé

Beaucoup de sociétés sont dépendantes d’un dirigeant ou d’une équipe dirigeante. La

perte potentielle (décès, démission, etc.) d’une de ces personnes fragilise

considérablement la société. Ainsi les relations clients et fournisseurs, la loyauté des

employés, la vision stratégique de la société, la capacité d’innovation, la relation avec

les banques et autres investisseurs financiers peuvent sérieusement être remises en

cause. Aux Etats-Unis, des études empiriques ont été réalisées sur le sujet. Nous en

citerons les principales.

James A. Larson et Jeffrey P. Wright (1996) ont tenté de déterminer l’impact sur la

valeur d’une perte d’un dirigeant dans les sociétés de petite taille. En analysant les cours

des sociétés cotées à moins de cinq-cents employés, avant et après la perte d’une

personne importante dans la stratégie de la société, ils en concluent que la décote

observée en moyenne de 4 à 6% n’est pas systématique (observation d’une décote dans

moins de 50% des cas).

Steven Bolten et Yan Wang (1996) observèrent l’impact sur les cours boursiers d’un

changement de l’équipe dirigeante. L’étude porte sur l’observation de cent-une sociétés

du 1er août 1996 au 28 novembre 1996. Les résultats sont présentés selon la taille de la

capitalisation, ainsi que selon le nombre de dirigeants. Les conclusions qui en ressortent

sont bien plus concluantes que celles de l’étude de Larson et Wright (1996) décrite

précédemment. Le départ d’un dirigeant important et charismatique a un impact négatif

qui entraine en moyenne une baisse des cours de 8,65% pour les petites capitalisations

(inférieure à 280 millions de $) et une baisse de 4,83% pour les plus grandes

capitalisations.

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Les auteurs précisent toutefois que ces résultats sont à prendre avec une extrême

prudence car la décote de taille (analysée précédemment) inclut probablement ce risque.

3. Les ajustements liés au contrôle

Les ajustements liés au contrôle, notamment la décote de minorité, sont les plus

difficiles à appréhender. En effet, s’il est possible de mesurer les primes offertes sur le

cours des actions lors des offres publiques d’achat, aucune étude n’existe sur la décote

de minorité. Ainsi, certains auront tendance à amplifier d’un certain pourcentage la

décote d’illiquidité pour prendre en compte l’aspect minoritaire de la transaction.

3.1. La prime de contrôle

Généralement, des primes sont payées lors de l’acquisition de sociétés cotées afin de

détenir le contrôle. Le prix de ce contrôle est généralement justifié par les gains attendus

liés aux effets de synergie qui se matérialisent par des réductions de coûts ou par une

amélioration globale de la performance (Nath, 1997). Par ailleurs, le contrôle confère

également de nombreux autres avantages, dont la capacité d’influer sur la politique et la

stratégie de la société. Ainsi, l’acquéreur a la possibilité d’optimiser les résultats de la

société par une amélioration de la gestion.

Aux Etats-Unis, des sources statistiques alimentées chaque année depuis près de deux

décennies répertorient les primes de contrôle constatées lors des prises de contrôle de

sociétés cotées. Une base de données reconnue est celle élaborée par Mergerstat

Review. Ces études américaines font apparaitre des valeurs médianes de primes

variables selon les époques, comprises entre 30 et 40% (Pratt, 2009).

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Une étude de PWC6 est récemment parue. Les primes de contrôle observées ont été de

27% en moyenne. Cette étude porte sur des transactions de sociétés cotées en Europe de

l’Ouest entre le 1er janvier 2000 et le 31 mai 2011. Il en ressort que :

� les primes observées apparaissent fortement corrélées au pourcentage acquis.

En moyenne une prime de 20% en plus a été accordée pour l’acquisition de

blocs majoritaires (90% du capital) par rapport à des blocs minoritaires (moins

de 10%);

� les investisseurs industriels paient en moyenne une prime de 29% contre 22%

pour les investisseurs financiers ;

� la taille de la cible ne semble pas influer sur la taille de la prime payée ;

� enfin, la prime semble stable dans le temps.

Ainsi, l’étude de PWC observe qu’une prime de contrôle est payée par les investisseurs

financiers même s’ils ne bénéficient pas de synergies. Ce constat corrobore bien la

théorie de Mercer (1994) selon laquelle la prime payée lors des acquisitions intègre une

prime pour optimisation des résultats ainsi qu’une prime liée à la négociation et non pas

seulement la prime reflétant les effets de synergie prévus par l’acquéreur.

3.2. La décote de minorité

La décote de minorité, souvent considérée comme l’inverse de la prime de contrôle,

correspond à un ajustement à la baisse de la valeur des titres d’une société afin de

prendre en compte le fait que le détenteur des titres n’est pas majoritaire dans le capital

de la société. Le minoritaire ne peut influer sur la gestion de la société et contrôler de ce

fait les flux financiers et opérationnels de sa société.

6 Prime de contrôle, 2011, PricewaterhouseCoopers

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Le problème est qu’il n’existe pas de benchmark pour les décotes de minorité. La seule

possibilité théorique est de la calculer réciproquement à l’aide des primes de contrôle

(figure 2).

Figure 2 - Calcul théorique de la décote de minorité (Pratt, 2008, p 17)

Imaginons que la moyenne des primes de contrôle dans une industrie soit de 35%, et que nous voulions

calculer la décote de minorité correspondante :

Décote de minorité = 1 – (1/1 + Prime de contrôle)

Décote de minorité = 1 – (1/ 1 +0,35)

= 26%

Ainsi, grâce à cette formule, une prime de 35% correspondrait à une décote de minorité de 26%.

Cette solution n’est cependant pas possible, car la valeur du contrôle perçue entre un

minoritaire propriétaire d’une action cotée et un minoritaire propriétaire d’une action

non cotée est sensiblement différente. En effet, alors que pour les actionnaires

minoritaires de titres cotés, la liquidité compense le non-contrôle, les actionnaires de

sociétés non cotées perçoivent leur manque de contrôle de manière qualitative et

émotionnelle. Le contrôle dans les sociétés non cotées est un sujet de première

importance et généralement les participations minoritaires sont évitées avec soin (Nath,

1994 et Simpson, 1991).

En plus du fait que la notion de contrôle n’a pas la même signification selon les deux

catégories de minoritaires (cotées et non cotées), les primes observées lors des OPA sur

des sociétés cotées, signifient davantage que la seule volonté de contrôle. Les facteurs

tels que les effets de synergies, l’humeur des marchés, la personnalité des dirigeants, les

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impacts fiscaux, etc., sont propres aux OPA et viennent influencer le prix que l’acheteur

est prêt à débourser pour une société cotée (Nath, 1994).

3.3. Les valeurs de références : valeurs de majoritaire ou de

minoritaire ?

Une des principales questions développée dans la littérature financière relative aux

primes et décotes est la suivante : Les méthodes intrinsèques et analogiques reflètent-

elles des valeurs de minoritaires ou de majoritaires ? Une théorie voudrait que les

méthodes utilisant des données de marché, telles que les méthodes analogiques et

intrinsèques, reflètent une valeur de minoritaires et que par conséquent, pour

l’évaluation d’une participation de contrôle par exemple, une prime devrait être ajoutée.

En effet, le cours de bourse d’une société reflète l’échange entre actionnaires

minoritaires.

Cette théorie a cependant été contrecarrée par Nath (1990) qui soutient que les actions

sur le marché boursier reflètent leur valeur de contrôle. Son analyse débute de la

manière suivante : si les sociétés étaient contrôlées de manière optimale, il y aurait peu

d’intérêts à les contrôler. Afin de soutenir son idée, Nath (1990) émet quatre hypothèses

qui justifieraient l’observation des primes de contrôle lors des opérations d’acquisition:

� La société n’étant pas bien gérée ou sous-optimalisée, elle est sous-évaluée. Pour

un investisseur, une telle situation représente une opportunité de création de valeur ;

� La société est bien gérée, mais la direction communique mal les informations au

marché ;

� Un acquéreur attend de l’acquisition, de potentiels gains de synergies et des

gains liés à la diversification (nouveau marché, nouvelles technologies, …) ;

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� Enfin, certaines fois, des acquisitions sont également surpayées (dans cette

catégorie entre notamment le besoin de pouvoir des dirigeants, voir l’étude

d’Avery7).

En aparté, pour Nussenbaum (1998), les OPA sont davantage justifiées par la quatrième

hypothèse sous-entendue par Nath (1990), selon laquelle les primes de contrôle reflètent

souvent la volonté de pouvoir de l’acquéreur et moins les avantages dont bénéficiera la

société acquéreuse à la suite de la prise de contrôle.

Nath (1990) conclut que si une société cotée ne remplit pas au moins une de ces

conditions, il y a peu de raisons de suspecter une OPA. En effet, personne ne peut

mieux gérer la société, ni générer plus de profits ou de cash-flow et la valeur de l’action

est correctement valorisée (sous hypothèse d’un marché efficient). De plus, les

directions de sociétés cotées dépensent beaucoup de temps et d’argent dans les

opérations de restructurations afin d’éviter des OPA par l’élimination des primes de

contrôle potentielles. Si l’analyse décrite ci-dessus est correcte, alors la seule conclusion

qui en résulte est que chaque société cotée utilisée à titre de comparaison (qui n’est pas

cible d’une OPA), est considérée ne pas avoir de prime de contrôle, ou alors une petite

immatérielle.

Ces hypothèses énumérées ci-dessus ainsi que le constat que les prises de contrôle sont

relativement peu nombreuses et ne représentent que 4%8 des capitalisations boursières

totales, prouvent que les actions de sociétés cotées sont négociées pour une valeur

proche de leur valeur de contrôle (Nath 1990).

7 Nussenbaum, Revue de jurisprudence commerciale, la prise de contrôle d’une société, novembre 1998, qui cite en page 18, C. Avery, J.A. Chevalier & S. Schaffer, Why do managers undertake acquisitions ? An analysis of internal and external reward for acquisitions. The journal of Law Economics & Organization, Avril 1998, Vol 14, n°1, pp 24-43 8 Les 4% cités par Mercer sont relatifs à la période des années1990 sur le marché américain

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Nath (1990) ne dit pas d’emblée que les prix de marché sont des valeurs de contrôle, car

il est indéniable que les actions cotées sont négociées en tant qu’intérêts minoritaires.

Toutefois, parce que la liquidité des titres minoritaires de sociétés cotées compense le

fait qu’ils ne contrôlent pas la société, ces derniers peuvent se concentrer sur les

éléments strictement économiques à l’instar des investisseurs financiers contrôlants.

Cette théorie ne semble toutefois pas être suivie par tous, ce qui montre à quel point il

est difficile d’établir une valeur de base appropriée avant même que des ajustements

soient effectués.

3.4. Droits de vote contre sans droits de vote

Quelle prime devrait être attribuée aux droits de vote ? Damodaran (2007) énonce qu’il

est en effet possible de prendre les résultats d’études empiriques telle que celle effectuée

par Lease, McConnell et Mikkelson (1983)9 qui ont examiné vingt-six firmes qui

avaient deux classes d’actions ordinaires et ont conclu que les actions avec droits de

vote s’échangeaient avec une prime en moyenne de 5,44% par rapport aux actions

n’ayant pas de droit de vote. Damodaran (2007) souligne toutefois qu’il serait plus

pertinent de prendre en compte les spécificités de la société et de l’équipe dirigeante en

place. En effet, si la société n’est pas bien dirigée, la différence entre les actions avec et

sans droit de vote devrait refléter le gain lié à une meilleure gestion, mais si la société

est déjà bien gérée, alors la différence de valeur entre les deux classes d’actions est

négligeable.

Pour conclure, la valeur du contrôle est difficile à distinguer de la prime d’acquisition

qui comprend bien d’autres éléments non applicables dans le cas de l’acquisition d’une

9 Voir Lease, R.C., J.J. McConnell et W.H. Mikkelson, 1983, « The Market Value of Control in Publicly-Traded Corporations”, Journal of Financial Economics, Vol 11, 439-471

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société non cotée. Bien que la valeur de contrôle des entreprises cotées puisse être

isolée, elle ne s’appliquerait pas pour autant aux sociétés non cotées.

De plus, pour les sociétés cotées, la réglementation fait que finalement, la prime de

contrôle a une place assez limitée, parce que le rôle des organisations de contrôle de la

Bourse consiste à veiller à ce que le traitement soit égal. En effet, alors que sur un

marché liquide, tout actionnaire peut exprimer son désaccord en cédant ses titres, le

contrôle est subi de manière quasi absolue sur un marché illiquide ou pour une société

non cotée.

Nous verrons que si la décote de minorité est difficilement applicable telle que décrite

théoriquement, une distinction est souvent faite au niveau de la décote d’illiquidité par

les académiciens en fonction que celle-ci se réfère à des participations minoritaires ou

majoritaires.

4. Les ajustements liés à la liquidité : théories et études

empiriques

La décote d’illiquidité est celle qui a fait le plus l’objet d’études académiques. En effet,

son utilisation est la moins contestée, contrairement à la décote de taille ou encore la

décote de minorité. Pourtant son utilisation se heurte à des difficultés d’estimation et

d’évaluation.

Excepté le cas où il n’existe aucune possibilité de vente, l’illiquidité ou la liquidité

insuffisante se traduit par un coût qui pourrait en théorie correspondre au prix

d’acquisition d’une option de vente dont la valeur dépend du degré de certitude et de la

durée nécessaire pour vendre.

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Plusieurs études empiriques américaines ont tenté à travers diverses approches

d’identifier et de quantifier cette décote d’illiquidité, mais les résultats de ces dernières

se contredisent bien souvent entre elles et la liquidité semble être entremêlée à d’autres

facteurs de risques. Certaines de ces études, présentées ci-dessous, se basent sur le

comportement de certains marchés boursiers spécifiques tels que le marché des actions

subalternes, marché qui n’existe qu’aux Etats-Unis, ou encore le marché des

introductions en bourse. Face aux critiques qui mettaient en avant que la liquidité ne

peut être appréhendée par l’étude des marchés boursiers, d’autres approches ont été

envisagées, entre autres, les études sur les prix de transactions pour des sociétés non

cotées.

4.1. La décote de non liquidité

Pour Keynes, la liquidité correspond « au délai nécessaire pour qu’un investisseur

puisse acheter ou vendre un actif à son juste prix »10. Le manque de liquidité signifie

que la vente des titres ne peut s’effectuer rapidement (sous les trois jours), à l’instar

d’un titre coté. En effet, en permettant la négociabilité des titres, le marché financier

influence de manière décisive l’allocation du capital entre ses divers emplois. Les

investisseurs ont donc la possibilité sur un marché boursier, de réviser leur jugement et

de modifier leurs investissements avant que de nombreux événements aient eu le temps

de se passer (Keynes, 1936). Les investisseurs de sociétés non cotées, ou bien de

sociétés cotées à faible flottant, demandent ainsi un rendement supérieur en

compensation à ce risque supplémentaire.

Ainsi, les principaux cas où une décote d’illiquidité est appliquée sont soit pour

l’évaluation de sociétés non cotées, soit pour prendre en compte le blocage ou

10 KEYNES (1936), La théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, citation tiré de la page 160

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l’impossibilité de vendre temporairement les titres, et enfin, pour l’évaluation de titres

de sociétés cotées à faible flottant.

La littérature anglo-saxonne différencie deux composantes de la décote d’illiquidité :

� « Marketability discount » ou encore la décote d’incessibilité: droit de céder les

titres sur un marché efficient;

� « Liquidity discount » : Aptitude à convertir des titres en cash sans perte de

valeur dus aux coûts de transaction, ou prix plus faibles.

Si une différence existe en théorie entre « marketability » et « liquidity », dans les

études décrites ci-dessous, les auteurs font référence à la « marketability discount »

pour désigner la décote d’illiquidité en générale.

Pour les titres de sociétés non cotées, la théorie financière fait également généralement

la distinction suivant que la décote de liquidité se réfère à des participations minoritaires

ou des participations majoritaires.

4.1.1. Les approches traditionnelles

De nombreuses études ont tenté d’estimer la décote d’illiquidité. Les approches

traditionnelles sont les suivantes: l’approche par la classe d’actif restricted stocks, et

l’approche par les introductions en bourse (Pre-IPO approach).

� L’approche par la classe d’actif « Restricted Stocks »

Il existe aux Etats-Unis une classe d’actifs appelés « Restricted Stocks », que nous

nommerons dans la suite de ce mémoire les actions subalternes ou actions restreintes.

Ces dernières, émises à côté des titres ordinaires, ne sont pas enregistrées auprès de

l’autorité de régulation des marchés financiers américains (SEC). Ces actifs sont

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incessibles avant une certaine période de temps, mais peuvent s’échanger de gré à gré.

Ces actions sont généralement négociées avec une décote qui prend en compte ce

manque de liquidité par rapport aux actions de la même société mais négociables sur un

marché. Les décotes observées, sur la période des années 1960 aux années 1990, varient

entre 20 et 35%. On remarque toutefois, que la décote s’est réduite à partir des années

1990 pour n’atteindre que 13% en 1998. La raison principale liée à cette baisse est

qu’en 1997, la période de détention des actions subalternes s’est réduite à une année par

rapport à deux années auparavant. Depuis 2008, la période de détention s’est même

réduite à 6 mois. Ces actifs étant par définition des actions de sociétés cotées, dès la fin

de la période de détention obligatoire, soit 6 mois depuis 2008, ces actions subalternes

seront à leur tour également cotées sur le marché boursier.

Figure 3 - Etudes sur les "Restricted stocks"

(Source : Pratt, 2009)

Etudes Années Moyenne

Institutional Investor Study (SEC) 1966-69 25,8%

Gelman 1968-70 33,0%

Trout 1968-72 33,5%

Moroney ns 35,6%

Maher 1969-73 35,4%

Standard Research Consultants 1978-82 45,0%

Willamette Management Assoc. 1981-84 31,2%

Silber 1981-88 33,8%

Management Planning 1980-96 27,1%

Bruce Johnson 1991-95 20,0%

Columbia Financial Advisors 1996-97 21,0%

Columbia Financial Advisors 1997-98 13,0%

En 1991, Silber a relié ces décotes aux caractéristiques observables des firmes émettant

ce type d’actions. Il en ressort cette fonction : ln (Prix des actions subalternes / prix des

actions non subalternes) = 4,33 + 0,036 ln (Chiffre d’affaires en millions)- 0,142 ln

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(bloc des actions subalternes en pourcentage du total des actions en circulation) +

0,174 (DERN) + 0,0332 (DCUST) (Damodaron, 2007).

Avec DERN égal à 1 si les bénéfices sont positifs, sinon zéro, et DCUST égal à 1 si

l’investisseur auprès duquel le titre a été placé a une relation client avec la firme et zéro

si ce n’est pas le cas. Si l’entreprise est non cotée, le bloc des actions subalternes en

pourcentage du total des actions en circulation est égal à 100.

Ainsi, pour une entreprise non cotée qui fait 100 M d’euros de chiffre d’affaires et dont

les bénéfices sont positifs, la décote d’illiquidité selon cette équation s’établit à

44,53%11.

Même si les résultats de cette méthode sont contestés, elle est, selon Lance S. Hall

(2008) et Bajaj (2001), de loin la meilleure, car elle compare deux classes d’actifs d’une

même entreprise qui ne diffèrent que par leur liquidité.

Critiques :

La principale critique faite à cette méthode est qu’elle repose sur des moyennes et ne

permet pas de faire des corrélations avec d’autres critères spécifiques à l’entreprise à

évaluer (Hall, 2008). Bajaj (2001) cite par exemple la disparité des résultats obtenus par

la SEC, dont l’intervalle observé était de 15 à 80%, et a fait l’objet d’une analyse

approfondie par Silber. Il en conclut que les décotes observées varient en fonction des

caractéristiques de la société.

Enfin, un autre point important à relever est le fait que cette classe d’actif devient

liquide après une période aujourd’hui relativement courte (six mois).

11

Exp [4,33 + 0,036 ln(100) – 0,142 ln(100) + 0,174 (1) + 0,0332 (0) = 44,53%

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� Les études sur les introductions en bourse (« IPO studies »)

Une approche (« Initial Public Offering ») consiste à quantifier la décote de liquidité par

comparaison avec la valeur du titre avant et après l’introduction de la société en bourse.

Les principales études ont été effectuées par Emory et Willamette Management

Associates.

Emory fait la constatation d’une décote moyenne pour manque de liquidité de 45% en

comparant la valeur de transaction cinq mois avant l’opération, avec la valeur

d’introduction en bourse.

Figure 4- IPO study: Emory

Périodes Nombres de transactions Décotes moyennes

1980-1981 13 60%

1985-1986 21 43%

1987-1989 27 45%

1989-1990 23 45%

1990-1992 35 42%

1991-1993 54 45%

1994-1995 46 45%

1995-1997 91 43%

Les hypothèses prises par Willamette sont identiques à celles retenues par Emory, à

ceux-ci près, que l’échéance retenue avant l’introduction en bourse est de trois années.

Les résultats sont similaires à ceux trouvés par Emory.

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Figure 5 - IPO study: Willamette Management Associates

Périodes Nombres de transactions Décotes moyennes

1975-1978 31 55%

1979 17 63%

1980-1982 113 56%

1984 33 74%

1985 25 43%

1986 74 48%

1987 40 44%

1988 19 52%

1989 19 50%

1990 23 49%

1991 34 32%

1992 75 52%

Critiques :

Les critiques sont nombreuses. La décote observée semble inclure bien d’autres facteurs

que la seule décote pour non liquidité (Hall, 2008 et Bajaj, 2001). Afin de compenser

les personnes qui investissent dans ces entreprises avant cotation (risque de faillite,

services rendus, etc.), les actions leur sont vendues pour une valeur bien plus faible que

leur juste valeur (Hall, 2008). De plus, le constat que les décotes observées dans cette

approche soient largement supérieures à celles observées dans les études sur les actions

restreintes vient semer le doute sur la pertinence des résultats (Bajaj, 2001).

Cette approche présente également un autre biais : plus la société est performante, plus

elle a de chances de passer à la vitesse supérieure et réussir son introduction en bourse.

Ainsi, les sociétés prises en compte dans les études sont toutes des sociétés

performantes dont les prix d’introduction en bourse sont par nature très élevés,

augmentant de ce fait la décote observée entre le prix d’introduction en bourse et les

valeurs échangées de gré à gré avant la cotation. Prenons, pour illustrer ce biais,

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l’exemple développé par Bajaj (2001) : un investisseur prévoit que la valeur d’une

action sera soit de $20, soit de $0 avec la même probabilité. Si l’action vaut $20, la

société sera introduite en bourse. L’investisseur va donc estimer le prix de l’action à $10

(soit $20*50% + $0*50%). La société sera mise en cotation seulement si l’action vaut

$20, et l’analyste en déduira une décote pour illiquidité de 50%, même si en vérité,

celle-ci est nulle.

Enfin, comme Nussenbaum (2002) le fait remarquer, une telle méthode n’est pas

pertinente pour l’évaluation d’actionnaires minoritaires, car ces derniers n’ont aucun

pouvoir pour obliger les dirigeants à réaliser une introduction en bourse.

4.1.2. Les approches analytiques

L’approche analytique consiste à déterminer la décote d’illiquidité à partir de données

sur de nombreuses transactions privées. De nombreux auteurs ont adopté l’approche

analytique, Wruck (1989), Hertzel & Smith (1993), Bajaj (2001) et enfin Ashok &

Abbott (2006). Ces derniers comparent ainsi les prix de transaction des émissions

privées avec le prix coté des actions sur leur marché. Ces données sont ensuite

analysées statistiquement et font l’objet de régressions afin de déterminer les

composantes des décotes observées. Cette approche est similaire à celle des « restricted

stocks » décrite précédemment, mais ne se limite toutefois pas aux seules actions

restreintes, mais à toutes les transactions privées.

Pour comprendre la méthodologie poursuivie par ces auteurs américains, il est

nécessaire de rapidement décrire le marché des capitaux aux Etats-Unis qui diffère

quelque peu du fonctionnement des marchés européens.

En effet, aux Etats-Unis il existe la possibilité d’émettre des placements privés qui

constituent un moyen privilégié d’accès aux marchés de capitaux américains. Dispensés

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d’enregistrement auprès de la SEC, les placements privés de valeurs mobilières offrent

aux émetteurs l’avantage d’une plus grande flexibilité et d’un moindre coût par rapport

aux offres publiques de titres. L’émetteur a ainsi la possibilité d’éviter l’enregistrement

de ses titres.

L’inconvénient principal de ce dispositif est que la revente des titres est soumise à des

restrictions: l’investisseur s’engage à conserver les valeurs acquises pendant une

certaine durée, il ne peut les revendre que si les titres acquis sont enregistrés au moment

de la revente, ou s’il bénéficie d’une exemption prévue par la loi.

Les investisseurs sur le marché américain des placements privés sont presque

exclusivement des investisseurs institutionnels qui par cette procédure acquièrent les

titres facilement mais doivent en retour se plier aux contraintes liées à la revente des

titres.

Parmi les nombreux auteurs qui ont choisi d’adopter l’approche analytique, nous nous

pencherons plus particulièrement sur l’étude conduite en 2001 par Bajaj et al. qui repose

sur l’étude effectuée par Hertzel et Smith.

� L’approche analytique développée par Hertzel & Smith (1993)

Hertzel et Smith (1993), ont conduit une étude afin de quantifier la décote d’illiquidité

observée sur les placements privés. Ils ont émis l’hypothèse que les investissements

privés sont généralement émis par les sociétés à fort potentiel de croissance par le

développement de nouveaux produits, et dont la situation financière est vacante. Ces

sociétés ont ainsi tendance à lever des fonds, via des placements privés, à une décote

plus élevée que la normale afin de compenser les risques inhérents à leurs activités.

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Hertzel et Smith ont tenté d’isoler la liquidité aux autres facteurs de risques. Les auteurs

constatèrent une décote de 13,5% entre les placements privés de titres enregistrés et non

enregistrés qu’ils attribuèrent à la liquidité.

Les auteurs ont ainsi analysé cent-six placements privés sur la période de janvier 1980 à

mai 1987. Parmi les transactions analysées, quatre-vingt huit portent sur des titres

enregistrés et dix-huit sur des titres non enregistrés. Une régression statistique

comprenant sept variables a été effectuée. La décote moyenne observée pour les

placements privés est de 20,14%, dont 13,5% identifié comme imputable à la liquidité.

� L’approche analytique développée par Bajaj (2001)

Après avoir revu en détail les études empiriques existantes sur la décote de liquidité et

leurs limites, l’équipe de Bajaj et al. (2001) a effectué une étude sur les placements dits

« privés ». L’équipe tente de distinguer la décote pour faible liquidité du titre de la

décote générale observée lors des émissions privées.

Bajaj et al. (2001) étudient les prix de quatre-vingt huit transactions privées réalisées sur

la période du 1 janvier 1990 au 31 décembre 1995. La décote a été calculée par la

différence constatée entre le prix des émissions privées (enregistrées ou non auprès de la

SEC) par rapport aux prix de marché dix jours ouvrables après l’annonce.

Bajaj et al. (2001) constatent que les émissions privées sont réalisées avec une décote

moyenne de 22,21% par rapport aux actions cotées. Par contre, ces décotes diffèrent

selon que les actions soient enregistrées ou non auprès de Securities Exchange

Commission (SEC) :14,04% en moyenne pour la décote relative aux actions

enregistrées et 28,13% pour les actions non enregistrées. Cette constatation d’une

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décote sur les actions enregistrées librement échangeables, amène à la conclusion que la

décote observée n’est pas à imputer au seul facteur de la liquidité, mais aux diverses

caractéristiques liées à l’émission et à la société.

Dans un premier temps, la décote pour non liquidité a été constatée à 14,09% (soit

28,13% - 14,04%).

Dans un second temps, l’équipe classe les décotes selon trois catégories (faible,

moyenne et forte décote). Pour chacune de ces catégories, trois facteurs ont été mis en

évidence (la part du capital émise, la volatilité de rendement et le score reflétant la

viabilité de l’entreprise). L’étude met en évidence que plus ces facteurs sont élevés, plus

la décote observée va croissant. Ainsi, la décote observée au niveau des transactions

privées ne dépend non pas du seul facteur de liquidité, mais également de la santé de

l’entreprise, de la constance de ses bénéfices, et de la part du capital émise. L’article

conclut sur une décote pour non liquidité estimée à 7,2%, considérée comme plancher.

Critiques :

Cette étude a été sujette à de nombreuses critiques, notamment de la part de Shannon

Pratt (2009), Lance Hall (2008) et Christopher Mercer. Ces critiques sont relatives à la

méthodologie appliquée : problèmes d’échantillonnage, pertinence de la combinaison

entre les titres enregistrés et non enregistrés, la non prise en compte de la longueur de

détention des titres comme facteur déterminant, pertinence des variables de régression

choisies, et le manque de rigueur au niveau du modèle utilisé.

Cependant, l’approche analytique propose un degré d’analyse appréciable, par rapport

aux approches traditionnelles (« restricted stocks » et « IPO analyses »). Les auteurs se

concentrent sur des sociétés de plus petite taille, dont les titres sont échangés sur des

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marchés « over the counter », plus pertinents pour l’identification d’une décote

d’illiquidité que les sociétés cotées sur les principaux marchés.

4.1.3. Les approches par les comparables de transaction

Des auteurs tels que Koeplin (2000) tentent d’identifier la décote d’illiquidité en

comparant les prix observés lors de l’acquisition de sociétés non cotées avec les cours

de sociétés cotées comparables. A l’instar des études analytiques décrites ci-dessus,

cette approche tente d’identifier les diverses composantes des décotes observées sur les

sociétés non cotées. Enfin, nous présenteront une étude relativement récente de Dodel

(2008) effectuée sur les PME allemandes dites « Mittelstand » qui donne un aperçu

intéressant sur la variabilité des décotes observées selon le pays, le secteur et autres

facteurs.

� L’approche par les transactions développée par Koeplin et al. (2000)

Selon cette approche, la valeur de transaction observée sur des entreprises non cotées

d’un secteur spécifique est comparée aux valeurs de transactions observées sur les

entreprises cotées du même secteur et à la même année. Cette décote est ainsi

déterminée: 1- (multiple de la société non cotée/ multiple de la société cotée). Koeplin

et al. (2000) ont examiné quatre-vingt quatre acquisitions privées sur le marché

américain et cent-huit acquisitions privées hors du marché américain. Les résultats sont

les suivants :

Figure 6 - Décotes observées par l'approche des transactions (Koeplin, 2000)

Transactions marché US Transactions hors marché US

Moyenne Médiane Moyenne Médiane

EV/EBIT 28,26% 30,62% 43,87% 5,96%

EV/EBITDA 20,39% 18,14% 53,85% 23,49%

EV/Book Value 17,81% -7% 34,86% 19,64%

EV/Sales -2,28% 0,79% 42,70% 17,18%

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L’étude de Koeplin (2000) démontre que les sociétés non cotées se négocient à une

valeur moindre (20% pour les multiples d’EBITDA) que leur comparables cotées. Par

ailleurs, les décotes observées sur le marché domestique sont moindres que celles

observées sur le marché hors US.

Les auteurs considèrent ces décotes correspondant davantage à des décotes pour

entreprises privées où la liquidité n’est qu’un facteur parmi tant d’autres. Les sociétés

non cotées sont généralement de plus petite taille, avec des taux de croissance plus

élevés. De plus, ces entreprises privées ont une proximité avec leur dirigeant. Tous ces

facteurs influencent la décote d’entreprises non cotées.

Critiques :

Koelpin (2000) spécifie bien dans son article que les décotes observées sont attribuables

aux caractéristiques propres à la société et à la transaction, et que celle-ci doit être

considérée comme une limite supérieure de la décote d’illiquidité (« upper-bound »).

Toutefois, l’auteur s’arrête sur ces constatations et ne va pas plus loin dans l’analyse

afin de déterminer quels sont ces facteurs déterminants et éventuellement identifier la

décote d’illiquidité.

� Une étude empirique par les transactions effectuée par Dodel (2008)

Madame Kerstin Dodel12 dans le cadre de sa thèse de doctorat à l’université Saint-

Gall13, identifie les décotes observées lors de transactions portant sur des participations

majoritaires de sociétés allemandes dites « Mittelstand » sur la période de janvier 1997

12 Vice présidente de Duff & Phelps 13 Kodel, Thèse de doctorat, « Valuation of Mittelstand Companies », Université de Saint Gallen Kodel, Abschläge auf Unternehmenswerte nicht börsennotierter Gesellschaften – Nachweis und Implikation bei der Bewertung deutscher Privatunternehmen, p 2-9, Bewertungspraktiker, Nr 1/2008

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à décembre 2007. Ces sociétés ont comme spécificité, en outre leur petite taille, d’être

indépendantes et sont souvent des structures familiales.

L’étude révèle clairement à l’instar des études américaines, une différence d’évaluation

entre entreprises cotées et non cotées. Toutefois, les décotes sur le marché allemand

diffèrent de celles observées sur le marché américain. En effet, les décotes observées en

Europe et sur le marché allemand sont bien moindres que celles observées sur le marché

nord américain. Les décotes usuellement retenues lors des évaluations de sociétés non

cotées, soit une fourchette entre 20 et 30%, ne sont donc a priori pas fondées (Dodel,

2008). Le tableau ci-dessous récapitule les résultats de l’étude :

Figure 7 - Comparaison par pays des décotes observées (Dodel, 2008)

Multiples Allemagne US Europe

CP/CA 7,8% 30,2% 12,6%

VE/CA -3,5% 35,8% 12,4%

VE/EBITDA 8,3% 28,7% 10,4%

VE/EBITDA 4,6% 30,7% 12,4%

P/E 18,8% 28,3% 19,7%

En plus des facteurs de taille et de liquidité, l’étude fait apparaitre d’autres facteurs tout

aussi déterminants (la région, l’origine de l’investisseur, le moyen de paiement : titres

ou cash). Par conséquent, à l’instar de Bajaj et al. (voir supra), madame Dodel en arrive

à la conclusion que les décotes observées correspondent davantage à des limites

supérieures de décote de liquidité. En effet, ces décotes correspondraient à des décotes

pour entreprises privées (dont la liquidité en est un des facteurs parmi tant d’autres).

Les résultats de l’étude font ressortir les points suivants :

� La décote est plus élevée si l’entreprise est endettée

� La décote est plus élevée si la transaction est payée cash

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� La décote est plus élevée si l’acquéreur est un investisseur financier (private

equity) ou une entreprise cotée

� La décote est moins élevée si l’achat est effectué par un investisseur étranger

Plusieurs études montrent que si l’acheteur paye en cash, le vendeur est prêt à accepter

une remise sur le prix, donc une décote. Par ailleurs, si l’acquéreur est une entreprise

cotée, celui -ci évalue l’entreprise avec une décote moindre du fait de sa propre cotation

(Damodaran (1994)).

Environ 72% des transactions sur le marché allemand sont faites par des investisseurs

étrangers, dont l’intention peut s’élever à +30% de la valeur proposée par l’investisseur

allemand. Aux Etats-Unis ou en Europe, les investisseurs étrangers ne sont près qu’à

investir plus de 19% et 44% respectivement (Keller (2005)).

Par ailleurs, il est également fait une distinction entre les entreprises allemandes

« Mittelstand » et les autres entreprises non cotées (généralement des filiales d’un grand

groupe). Alors que les décotes observées sur les multiples d’EBITDA et d’EBIT font

ressortir une décote d’en moyenne 9% pour les entreprises allemandes non cotées, les

sociétés « Mittelstand » ont une décote de 26,1% et 17,8% respectivement.

4.1.4. Les autres approches

Dans les autres approches, nous avons identifié celle par les options de vente,

notamment développée par Longstaff (1995) qui propose de déterminer une décote de

liquidité maximale suivant la volatilité et la période de détention. Enfin, alors que toutes

approches décrites précédemment déterminent la décote d’illiquidité de façon indirecte,

Mercer (1997) propose un modèle afin de déterminer de façon directe la décote de

liquidité.

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� La méthode par les options de vente (Longstaff, 1995)

Longstaff (1995) a publié ses résultats sur la décote maximale qui selon lui peut être

attribuée à un actif non cessible. Pour Longstaff, le coût de l’incessibilité d’un actif peut

être assimilé à une option de vente, c'est-à-dire que détenir un actif liquide c’est la

possibilité de vendre à n’importe quel moment. A partir d’une formule dérivée de la

fonction de densité pour le maximum d’un processus brownien, Longstaff détermine la

décote maximale pour non liquidité en fonction de la période de détention et de la

volatilité de l’action.

Longstaff observe que la décote d’illiquidité peut être économiquement significative

même sur une courte période de temps. Le tableau ci-dessous reprend les résultats de

l’étude.

Figure 8 - Résultats de Longstaff (1995)

Durée Volatilité

10% 20% 30%

1 jour 0,4% 0,8% 1,3%

30 jours 2,3% 4,7% 7,1%

180 jours 5,8% 11,8% 18,1%

1 année 8,2% 17% 26,3%

5 ans 19,1% 41% 65,8%

Par ailleurs, ces résultats ont été corroborés avec les résultats sur les actions restreintes

présentées ci-dessus. Ainsi, en prenant comme hypothèse une période d’incessibilité de

deux ans (période d’incessibilité des actions subalternes dans les années 1970), et une

volatilité moyenne de 25-35% (volatilité moyenne des actions subalternes sur cette

période), la décote déterminée grâce au modèle de Longstaff est de 35 et 45%,

fourchette de décotes observée par les études sur les actions subalternes.

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Critiques :

Le modèle de Longstaff peut facilement se modéliser sur Excel, toutefois, il repose sur

des hypothèses relativement fortes, à savoir un investisseur avec une parfaite capacité

d’arbitrage. Par ailleurs, le modèle produit une limite supérieure de la décote

d’illiquidité sans rechercher ses facteurs déterminants. Enfin, avec une volatilité de

30%, le modèle produit une décote d’illiquidité élevée, alors que la plupart des petites

sociétés ont des volatilités supérieures à 50%.

� La méthode quantitative de Mercer (1997)

La méthode quantitative (QMDM)14 développée par Christopher Mercer (1997)15 a pour

objectif de déterminer une décote d’illiquidité à partir d’hypothèses fixées au préalable

par l’évaluateur. Ces hypothèses fixées au départ sont plus ou moins nombreuses : la

période de détention prévue par l’investisseur, le taux de distribution des dividendes, la

croissance future des dividendes et enfin le taux requis par l’investisseur potentiel. Le

modèle est assimilable à un modèle DCF mais légèrement modifié. On peut d’ores et

déjà remarquer que toute la difficulté de cette approche est la détermination de ces

hypothèses sensées être justifiées et pertinentes.

14

“Quantitative Marketability Discount Model” 15

Quantifying Marketability Discounts, Christopher Mercer, ASA, CFA, Peabody Publishing, LP, 1997

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Le tableau ci-dessous (Pratt, 2009) fournit une bonne appréciation du modèle développé

par Mercer.

Figure 9 - Modèle quantitatif du calcul de la décote de non liquidité (QMDM)

Données de l'investisseur Période de détention prévue 7 ans

Taux de distribution de dividendes 5%

Croissance des dividendes 0% Croissance dans la valeur du titre 2% 111 € Taux de rendement espéré 20% 109 € 108 € 106 € 105 € 103 € 102 € 100 € Distribution de dividendes 5 € 5 € 5 € 5 € 5 € 5 € 5 € 0 1 2 3 4 5 6 7 Coef d'actualisation des CF 1 2 3 4 5 6 7 Coef d'actualisation de la valeur de revente 0,83 0,69 0,58 0,48 0,40 0,33 0,28 Valeur non liquide de minoritaires CF 18 € 37% 4,17 € 3,47 € 2,89 € 2,41 € 2,01 € 1,67 € 1,40 € Valeur finale 31 € 63% 30,97 € valeur non liquide de minoritaire 49 € 100% Calcul de la décote de non liquidité Valeur de la société liquide 100 € Valeur non liquide 49 € Décote de liquidité 51%

Critiques :

Ce modèle a malheureusement la particularité d’être tautologique. En effet, il nécessite

la connaissance a priori de la décote d’illiquidité afin de déterminer le taux de

rendement attendu pour compenser l’investisseur du manque de liquidité de son

investissement.

De plus, le modèle est très sensible aux hypothèses. Ainsi, suivant les hypothèses

retenues, la décote découlant du modèle peut fortement varier.

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Par ailleurs, l’évaluateur devra justifier sa position, ce qui est un frein sérieux à

l’utilisation de cette méthode. En effet, comment justifier le taux de retour sur

investissement attendu par un investisseur, ou encore la période de détention de l’actif

avant sa cession ? Si l’évaluateur se réfère aux prévisions et estimations de la société,

son indépendance, ainsi que sa crédibilité peuvent être fortement remises en cause.

4.1.5. Résumé des études empiriques

Figure 10 - Tableau de synthèse des études empiriques sur les décotes d’illiquidité

Caractéristiques Méthodes Résultats Remarques

Etudes empiriques sur le marché

américain

Transactions minoritaires

Etudes sur les « Restricted

stock »

Décote de 13% à 35%

- Transactions effectuées en interne

- Actions qui seront négociables sur un marché réglementé au bout d'une certaine période de temps (6 mois à 2 ans)

Etudes sur les introductions

en bourse

Décote de 32% à 60%

- Biais, car seules les sociétés performantes et ayant réussi leur introduction en bourse sont prises en compte

- Les décotes reflètent les services prestés par l'investisseur

Transactions minoritaires

Etude de Hertzel &

Smith

Décote de 13,5%

- Les auteurs attribuent la décote constatée entre les actions enregistrées et non enregistrées lors de placements privés à la liquidité

Etude de Bajaj et al.

Décote de 7%

- Analyse fine permettant d'isoler le facteur de la liquidité de la décote générale constatée sur les placements privés

Transactions sur participations majoritaires

Etude sur les transactions

M&A

Décote de 17% à 35%

- Les décotes reflètent des différences entre les sociétés cotées et non cotées

Etude empirique sur le marché

allemand, européen et américain

Transactions sur participations majoritaires

Etude sur les transactions

M&A

- Décote d'environ 8% pour les sociétés non cotées allemandes

- Décote d'environ 10 - 12% pour les sociétés non cotées en Europe

- Décote d'environ 30% pour les sociétés non cotées aux Etats-Unis

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4.2. Les facteurs affectant la décote d’illiquidité

Les études empiriques présentées ci-dessus ne sont pas unanimes sur la décote

d’illiquidité à appliquer. Il n’existe donc pas de données fiables pour l’estimation de

cette décote, et en conséquence, plusieurs hypothèses sont faites sur les facteurs

affectant celle-ci. Un des premiers facteurs déterminant est la nature majoritaire ou

minoritaire d’une participation. Plusieurs autres facteurs décisifs pour l’estimation de

cette décote ont été exposés dans un arrêt de jurisprudence, l’arrêt Mandelbaum. Cet

arrêt fait référence lors des procès aux Etats-Unis, au même titre que les études sur les

« Restricted Stocks » (voir supra).

4.2.1. Une distinction entre participation majoritaire et

participation minoritaire

La littérature anglo-saxonne est unanime sur le fait que la décote d’illiquidité de parts

minoritaires est nécessaire. Au contraire, parce qu’il n’existe pas de référentiels

concernant la valeur de contrôle, certains considèrent opportun d’éviter de distinguer les

intérêts de contrôle en tant que « liquide » et « illiquide » (Pratt, 2009). Pourtant, la

décote d’illiquidité sur des intérêts majoritaires se justifie d’un point de vue

économique. Ainsi, comme Pratt (2008) le mentionne, les éléments suivants devront

être pris en compte pour l’évaluation de 100% d’une société non cotée :

� L’incertitude sur le délai d’attente avant l’aboutissement de la transaction

� Les coûts relatifs à la préparation et à l’exécution de la transaction

� Le risque de paiements différés

� L’impossibilité d’hypothéquer les titres

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Pour bien distinguer la liquidité entre intérêts majoritaires et minoritaire, on peut se

reporter au tableau ci-dessous élaboré par Nath (2001). Ce tableau montre les diverses

options de sortie suivant que l’actionnaire soit propriétaire majoritaire ou minoritaire de

la société.

Figure 11 - Décote d’illiquidité : actionnaire majoritaire vs minoritaire

Actionnaire majoritaire Actionnaire minoritaire

Les options de sortie Les options de sortie - Cotation en bourse - Vente à un investisseur externe - Vente M&A

- Vente à un investisseur interne

- Liquidation - Détention de l'action et perspectives de dividendes perpétuels, de dividendes pour une certaine période de détention avant cession finale

- Aucune option de sortie

Méthodes d'évaluation Méthodes d'évaluation - Comparables boursier Méthode directe

- Comparables de transactions - Actualisation des bénéfices futurs du minoritaire (dividendes + valeur de sortie) pour une période de temps donnée

- ANR / liquidation

- Transactions précédentes

- DCF Méthode indirecte

= Max de la valeur de contrôle - Application d'une décote pour minorité et illiquidité

Ainsi, l’actionnaire minoritaire est celui qui échange de l’argent contre le droit de

recevoir les flux de trésorerie future, mais n’a pas de contrôle sur les décisions

concernant la société. Un actionnaire contrôlant a le pouvoir sur les actifs de la société

et peut décider de la politique de distribution des dividendes. Toutefois, il n’y a pas de

véritables règles. L’option de sortie dépend essentiellement de la situation économique,

de la situation avec les partenaires économiques, les potentiels acheteurs, et enfin le

moyen de paiement mis en œuvre.

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4.2.2. Les facteurs pris en compte

Concernant les facteurs influençant la décote d’illiquidité et sa détermination, l’arrêt

Mandelbaum16 fait référence aux Etats-Unis. Les facteurs énumérés dans cet arrêt, ainsi

que l’analyse effectuée par le juge Laro, sont considérés par les évaluateurs anglo-

saxons comme une source d’informations et de réflexions pertinentes pour la

détermination de la décote d’illiquidité.

Les principaux facteurs de détermination de la décote d’illiquidité identifiés dans l’arrêt

Mandelbaum sont répartis selon deux catégories (Pratt, 2009).

o Facteurs relatifs aux caractéristiques de la société en générale

- Politique de dividendes future et passée

- Attrait de la société et de l’activité

- Nombre d’acheteurs potentiels

- Attributions des actionnaires majoritaires

- Accès et fiabilité de l’information

- Management

- Niveau du chiffre d’affaires et bénéfices

- Répartition du capital

- Nombre d’administrateurs indépendants

o Facteurs relatifs aux caractéristiques de la transaction

- Durée de la période d’incessibilité

- Durée de détention totale des titres prévue

- Perspectives économiques futures

- Durée qu’un investisseur doit attendre avant de faire un profit

substantiel

16

Mandelbaum Commission (1995)

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Par ailleurs, pour tenir compte de la liquidité plus ou moins restreinte des actifs

financiers, les décotes doivent être appliquées avec prudence, car leurs utilisations

peuvent parfois faire l’objet de contestations. En effet, la décote est sensée traduire la

plus faible liquidité des titres non cotés par rapport aux titres cotés. Or sur certaines

périodes, les sociétés comparables utilisées dans les méthodes par les comparables

peuvent déjà faire ressortir une faible liquidité.

De plus, suivant les secteurs, l’approche de la liquidité ne sera pas la même. En effet,

les entreprises performantes trouvent généralement très facilement preneur, ce qui réduit

la pertinence d’une décote de liquidité dans ces cas là. Il n’en va pas de même lorsque

l’entreprise est dans un secteur difficile ou lorsqu’elle obtient des résultats médiocres.

Dans de tels cas, il n’est pas inhabituel d’appliquer une décote d’environ 20 à 30%.

Entre autres, Sziklay (2001) et Bajaj (2001) ont identifié les facteurs suivants comme

déterminant de la décote d’illiquidité:

- Les distributions de dividendes lors de la période de détention ;

- Les perspectives de sortie : la longueur de la période de détention, les

perspectives d’une introduction en bourse (conditions du marché), les acheteurs

potentiels ;

- Les facteurs de risques affectant la société.

Selon Sziklay (2001), pour les participations minoritaires en particulier, les distributions

lors de la période de détention devraient réduire la décote de liquidité. C’est pourquoi

une politique de distribution plus ou moins régulière de dividendes réduit le risque pour

l’investisseur comparé à la situation de l’investisseur dont la seule source de revenus est

la valeur potentielle de sortie. Cela a été confirmé par les résultats d’études empiriques

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qui démontrent que « la décote moyenne varie entre 21% pour des distributions fortes et

de 35 à 40% en cas d’absence de distributions (Sziklay, 2001).

La perspective de liquidité est un facteur essentiel. Un important facteur qui est

déterminant pour l’amplitude de la décote de liquidité sont les perspectives de sortie.

Autrement dit, plus la période de détention est courte, et plus les perspectives de

transaction sont certaines, plus la décote est faible (Sziklay, 2001 p 157). Cela a

également été démontré par les études sur les restricted stocks. « […] lorsque les règles

changèrent en 1990, créant un marché plus liquide pour les actions subalternes, la

décote moyenne observée diminua pour n’atteindre que 20%. Finalement, en 1997,

lorsque la période de détention obligatoire fut réduite de deux années à une année, la

seule étude récente effectuée […] trouva une décote moyenne de 13% (Sziklay, 2001, p

157 et voir supra). Les autres importants facteurs déterminants pour la liquidité sont

l’efficience et la profondeur du marché et enfin la taille de la participation. En effet,

plus la participation est importante, plus elle est difficilement liquide à court terme

(Sziklay, 2001, p 158-160).

Les facteurs de risque associés à la société impactent également la décote de liquidité.

Le facteur de risque associé devrait théoriquement être pris en compte au niveau de la

société (entity level) et ne devrait donc pas avoir d’effets sur la décote d’illiquidité

(shareholder level). Néanmoins, les études empiriques ont mis en évidence que les

facteurs de risque ont un impact sur la décote de liquidité : « cela est compréhensible,

car le risque est accru par l’impossibilité de céder ses participations instantanément. Le

risque est reflété dans le taux d’actualisation dans la méthode des dcf et dans le multiple

dans l’approche par comparaison. Mais un risque fort rend également très difficile la

vente de la participation. C’est pourquoi, ce n’est pas prendre en compte deux fois le

risque que de considérer le risque spécifique comme un facteur d’illiquidité » (Sziklay,

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2001, p 160). Les facteurs de risques sont la volatilité des bénéfices ainsi que la taille de

la société.

4.3. La décote de non cessibilité et autres clauses statutaires

Le plus souvent, les managers et actionnaires ont recours à des pactes d’actionnaires,

mais parfois, afin d’assurer une plus grande sécurité juridique, ou bien une opposabilité

aux tiers et aux associés actuels et futurs, des clauses sont insérées aux statuts. Ces

clauses existent généralement dans le cadre d’opérations de capital investissement. Les

principales clauses sont présentées ci-dessous :

� Les clauses de sortie : ces dernières sont prévues par les investisseurs

généralement minoritaires afin d’éviter des situations de blocages durables.

Ainsi, la clause de « tag along » prévoit que le majoritaire s’engage à ne pas

céder ses titres sans donner aux minoritaires la possibilité d’en faire autant et

aux mêmes conditions. La clause de « drag-along » prévoit que les minoritaires

s’obligent à céder leurs actions au tiers cessionnaire choisi par les majoritaires. Il

existe également des clauses de cessions globales forcées, qui imposent aux

managers, en cas de survenance d’événements, de lancer un processus de

recherche d’un acquéreur, et à défaut de procéder à l’acquisition des parts des

investisseurs.

Il existe des clauses statutaires qui au contraire sont sources de décotes et se réfèrent à

la décote d’incessibilité. Ils viennent en effet accroitre le caractère illiquide des titres en

leur imposant des restrictions sur leur vente.

� Clause de préemption et d’agrément: Ces clauses d’incessibilité relative ont

pour objectif d’éviter l’entrée au capital d’un tiers indésirable. La clause

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d’agrément, reconnue par l’article L 228-23 du code commerce, prévoit que sous

peine de nullité, le cédant doit demander l’agrément à la société et lui notifier

l’identité du cessionnaire, le nombre des titres cédés et le prix offert. La clause

de préemption permet aux associés d’acquérir les actions par préférence à toute

autre personne.

Cette décote de non cessibilité ou de cessibilité restreinte a fait l’objet d’un livre qui

vise à quantifier la décote de non cessibilité dans les « management-packages » 17. Les

paniers Managers sont des options sur action offertes aux dirigeants et ont pour but de

faire converger leurs intérêts avec ceux des actionnaires. Ces options ont la particularité

d’être incessibles pour une certaine période de temps. Afin de valoriser ce coût

d’incessibilité, Bouvet et al. (2010) décrivent une panoplie de méthodes essentiellement

basées sur des méthodes optionnelles.

Les études empiriques sur les transactions pour la détermination des primes et décotes

sont nombreuses et les principales ont été présentées ci-dessus. Dans une dernière sous-

partie, nous nous intéresserons aux études sur les pratiques des professionnels en termes

d’évaluation de sociétés non cotées.

5. Etudes empiriques effectuées sur les pratiques en matière

d’évaluation d’entreprises non cotées

Deux études empiriques concernant les pratiques en termes de primes et décotes seront

ici présentées. Elles seront décrites de manière plus ou moins approfondie afin de

pouvoir confronter ultérieurement nos résultats à celles-ci.

17 Voir sur le sujet T. Bouvet et al, Motivation financière des dirigeants, Options et autres instruments, Economica, 2010

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5.1. Une étude de 2007 sur les pratiques en matière de sociétés

de capital développement sur le marché suisse:

Jolidon (2007) a conduit une étude auprès des sociétés de capital investissement suisses

concernant leurs pratiques en termes de décotes dans les évaluations de leurs

participations avec l’objectif de quantifier les minorations appliquées et de déterminer

les principaux facteurs pris en compte. Un questionnaire a été envoyé aux 174 membres

de la SECA18. Le taux de réponse a été de 17%. Trois décotes ont été mises en avant par

le chercheur, l’une pour liquidité restreinte, l’autre pour minorité, et enfin pour

« homme clé ». Les résultats de l’enquête sont présentés dans le tableau ci-dessous.

Figure 12 - Résultat de l'enquête sur les pratiques des sociétés de capital investissement suisses (Jolidon, 2007)

Décote d'illiquidité Décote de minorité Décote pour personne clé

min max min max min max

Moyenne 20,4% 35,4% 14,3% 25,0% 16,0% 29,0%

Moyenne 27,9% 19,6% 22,5%

Médiane 20,0% 35,0% 15,0% 30,0% 20,0% 30,0%

Ecart type 9,1% 9,7% 9,3% 7,6% 8,2% 13,4%

La décote pour non liquidité s’est révélée être en moyenne de 28%, taux plus faible

que la moyenne observée par les études américaines (35% et 41%), mais qui s’inscrit

dans les pratiques énoncées dans les divers guides du capital investissement (l’EVCA et

BVCA)19.

L’étude montre également que les répondants qui appliquent effectivement une décote

pour non liquidité, appliquent également une décote de minorité ainsi qu’une décote

18 La SECA (Swiss Private Equity & Corporate Finance Association) est l’entité représentative suisse des sociétés des investisseurs en capital pour les entreprises non cotées et de l’industrie de la finance d’entreprise (www.seca.ch/) 19 L’EVCA (European Private Equity and Venture Capital Association) préconise dans son guide, une décote pour non liquidité de 25%, et le guide du BVCA (British Venture Capital Association) donne un intervalle de 10 à 30% dans lequel la décote d’illiquidité devrait se situer.

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pour « homme clé ». La décote de minorité moyenne observée est de 20%, tandis que

la décote prenant en compte l’importance du ou des dirigeants de la société cible est

en moyenne de 22%.

Les facteurs influençant le plus les ajustements opérés sont les perspectives de sorties,

ainsi que les risques spécifiques de la société. En revanche, la politique de distribution

des dividendes n’apparait pas comme un facteur décisif, contrairement à ce qui est

énoncé par la théorie financière (voir supra).

5.2. Une étude de 2008 sur les pratiques des professionnels de

l’évaluation au niveau international

La société d’audit PricewaterhouseCoopers a conduit une étude en 2008 sur les primes

et décotes estimées par les professionnels pour l’évaluation d’entreprises non cotées.

220 institutions (banques, sociétés de capital investissement, cabinets de conseil) de

pays divers (25 pays et quatre continents) ont été interrogées au total.

Les répondants ont été invités à répondre à une série de cas pratiques mettant en avant

une société non cotée évaluée à 100M€ selon deux méthodes (la méthode des DCF et la

méthode par les multiples boursiers). Pour chacune de ces méthodes, les répondants ont

été questionnés sur les ajustements qu’ils effectueraient dans le cas d’une participation

minoritaire (30%), ainsi que dans le cas d’une participation majoritaire (100%).

L’étude a montré une disparité significative tant au niveau de la taille de l’ajustement

effectuée, que dans les hypothèses faites au départ. En effet, la plupart des répondants

ont fait des suppositions sur la valeur de base de l’évaluation. Ainsi, la méthode par les

DCF a été supposée donner une valeur de majoritaire et la méthode par les multiples,

une valeur de minoritaire.

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Les résultats concernant la décote d’illiquidité sont les suivantes :

� La décote pour non liquidité se situe en moyenne autour de 18 – 19% et ne

varie pas selon que la participation soit majoritaire (contrôle de 100% de la

société) ou minoritaire (30% de participation);

� 40% des répondants appliquent la décote pour illiquidité au niveau du taux

d’actualisation, tandis que les 60% restants, appliquent cette décote sur la valeur

des capitaux propres ;

Les résultats concernant la décote de minorité sont les suivantes:

� La décote pour manque de contrôle est en moyenne de 17% autant dans la

méthode par les DCF que dans la méthode par les comparables boursiers;

� L’ajustement est effectué dans 16% des cas au niveau du taux d’actualisation et

dans 84% des cas dans les flux ou au niveau de la valeur.

Les résultats concernant la prime de contrôle sont les suivants:

� La prime de contrôle utilisée pour ajuster la valeur de référence dérivant des

multiples boursiers pour l’évaluation de 100% d’une société est en moyenne de

19%;

� La prime de contrôle utilisée par certains dans la méthode des DCF est de 21%

en moyenne ;

Enfin, une décote de taille, en moyenne de 14%, est également appliquée. L’étude

évoque toutefois de larges disparités [0% - 35%], concernant cette décote.

En conclusion, l’étude souligne le fait que les décotes de minorité et de non liquidité

sont couramment appliquées. L’étude fait toutefois remarquer qu’une accumulation des

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décotes pour tenir compte du contrôle et de la liquidité de l’investissement pose le

risque d’un éventuel « double-counting ».

Conclusion de la première partie :

Nous avons pu nous rendre compte dans cette partie à quel point l’appréciation des

diverses décotes sont différentes d’une étude à une autre. La décote qui a fait le plus

l’objet de recherches académiques, est de loin la décote d’illiquidité (« marketability

discount »). Toutefois, cette décote d’illiquidité semble en réalité recouvrir bien plus

que le seul facteur de la liquidité, tel que la taille d’une participation, la taille de la

société, les particularités rattachées à la société, etc. Ainsi, il en ressort que les résultats

de toutes ces études ne doivent pas être prises telles quelles mais que l’application des

décotes suppose de comprendre d’un, la valeur de base sur laquelle les éventuelles

primes et décotes sont appliquées et de deux, la détermination de la valeur des décotes

nécessite un examen minutieux de la société, de son environnement, et des rapports de

forces entre les actionnaires.

Au travers des études empiriques, présentées ci-dessus, sur les pratiques des

professionnels lors des évaluations d’entreprises non cotées, nous avons constaté que le

recours aux primes et décotes est bien une pratique répandue et acceptée, aussi bien

d’un pays à un autre, que sur le plan transversal des différents métiers de l’évaluation.

Nous avons toutefois également pu nous apercevoir que si le recours dans l’absolu à des

ajustements est accepté, leur utilisation n’est pas uniforme. Des débats restent encore

entre les professionnels pour savoir si l’évaluation d’une société non cotée, nécessite

une décote d’illiquidité, ou bien une décote de taille, ou encore d’autres ajustements

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prenant en compte le caractère minoritaire d’une participation, et enfin si ces

différentes primes et décotes peuvent ou non se cumuler.

Ces problématiques seront développées ci-dessous en seconde partie, l’objectif étant de

comprendre les pratiques en opérant une analyse en profondeur à l’aide du recours à des

entretiens. La partie sera structurée à partir de deux questions de recherche :

- Les professionnels s’accordent t-ils sur la manière d’utiliser les primes et décotes

dans les évaluations d’entreprises non cotées ? Des divergences existent-elles en

termes de :

� Recours à un ajustement dans telle ou telle situation,

� Estimation de l’ajustement,

� Modalité dans l’application de l’ajustement (taux du capital, flux,

valeur d’entreprise).

- Les études empiriques servent-elles de référence aux professionnels de

l’évaluation ? Existe-il une différence de référentiel d’une place financière à une

autre, par exemple entre les Etats-Unis et la France ?

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II. - Analyse des pratiques : Emergence d’un consensus ?

Cette seconde partie a pour objectif de présenter d’un point de vue pratique le recours

aux primes et décotes dans les évaluations de sociétés non cotées. Notre méthodologie,

ainsi que les résultats issus de notre recherche seront analysés et plusieurs hypothèses

seront faites quant aux référentiels utilisés. Pour les pratiques françaises et européennes

tout du moins, un parallèle sera notamment effectué avec la théorie des conventions.

1. Méthodologie et grilles d’interprétation des entretiens

1.1. Choix de la méthode

Contrairement aux études présentées précédemment, qui sont basées sur l’envoi de

questionnaires fermés, il a été décidé de recourir à une méthode qualitative basée sur

des entretiens semi-directifs. Cette méthode qui permet d’apporter une richesse et une

précision plus grande des informations recueillies, notamment par l’interaction

interviewé et interviewer, a permis de peindre, autant que faire se peut, un portrait

représentatif de la pratique observée dans le domaine de l’évaluation d’entreprise.

L’envoi d’un questionnaire aurait certainement touché un échantillon plus large, mais la

richesse des données aurait été moindre.

Nous avons donc effectué une vingtaine d’entretiens semi-directifs auprès de

professionnels de l’évaluation. L’analyse de ces entretiens a donné lieu à la formation

de catégories articulées autour de courants théoriques. Enfin, nous avons collecté et

analysé, à titre complémentaire, certains arrêts récents de jurisprudence.

Le risque majeur inhérent à cette méthode est le fait que les pratiques soient

inconsciemment éloignées des discours. La diversité des situations et des sociétés qu’un

évaluateur peut être amené à rencontrer rend très difficile pour celui-ci la réalisation

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d’une description précise et exhaustive des pratiques et l’incite donc parfois à s’en

remettre à la théorie ou à l’interprétation de celle-ci.

1.2. L’échantillon

Nous avons cherché, à l’aide de vingt entretiens semi-directifs auprès de professionnels

travaillant pour le compte de sociétés de conseil, de banques d’affaires, de

commissariats aux comptes, d’experts indépendants, et de sociétés de capital

investissement, à répondre à notre question relative à l’existence d’une méthode

communément reconnue concernant la détermination et l’application des primes et

décotes dans les évaluations d’entreprises.

La difficulté a été de trouver les bons interlocuteurs en rapport direct avec le sujet. Pour

mener l’enquête, nous avons majoritairement visé les évaluateurs membres de la SFEV

(Société Française des Evaluateurs), ainsi que ceux de l’AFIC (Association française du

Capital Investissement).

La SFEV est une association ouverte à toutes les professions qui ont l’occasion de

procéder à des évaluations d’actifs ou de titres de manière régulière. L’objectif est de

réunir toutes les personnes intéressées par l’évaluation financière quelle que soit leur

profession, et de favoriser l’émergence et la reconnaissance des meilleures pratiques en

la matière. 33% des membres travaillent en cabinet d’audit et de conseil, 32% en

cabinets spécialisés en évaluation et en conseil, 18% en banques, 10% en entreprises et

enfin, 7% d’universitaires.

L’AFIC a pour but de promouvoir le capital investissement en France et regroupe un

large panel de structures en relation avec le capital investissement (sociétés de capital

risque, fonds d’investissements de proximité, sociétés de conseil, etc.).

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La diversité des interlocuteurs a ainsi permis de cerner le raisonnement propre à chaque

secteur.

Les non réponses ont été nombreuses, mais attribuables sans doute à la période chargée

des vacances d’été. Les relances ont été systématiques au début, puis abandonnées par

la suite.

Toutefois, nos interlocuteurs, une fois les entretiens passés, ont manifesté un vif intérêt

pour le sujet et par l’envoi du compte rendu final.

Echantillon des professionnels du capital investissement rencontrés

E 18 Société Private Equity Associé 22/07/2011

E 19 Société Private Equity Associé 07/09/2011

E 20 Société Private Equity Associé 19/09/2011

Figure 13 - Echantillon des professionnels rencontrés

Interlocuteurs Secteur Profession Dates

E 1 Cabinet de conseil financier Associé 29/06/2011

E 2 Cabinet conseil en F&A Directeur 04/07/2011

E 3 Banque d'affaires Associé Corporate 05/07/2011

E 4 Banque d'affaires Directeur Corporate 06/07/2011

E 5 Société cotées (secteur technologique) Directeur financier 08/07/2011

E 6 Société d'audit (Big Four) Directeur TS Senior 08/07/2011

E 7 Cabinet expertise indépendante Expert Indépendant 09/07/2011

E 8 Société de conseil en F&A Directeur 11/07/2011

E 9 Société cotée (secteur des services) Directeur Corporate 12/07/2011

E 10 Indépendant Expert indépendant 13/07/2011

E 11 Société d'avocat Responsable de l'évaluation 18/07/2011

E 12 Cabinet d'audit et expertises Expert comptable 19/07/2011

E 13 Indépendant Expert en évaluation de produits dérivés 20/07/2011

E 14 Expert comptable - CAC - Expert judiciaire Associé 21/07/2011

E 15 Cabinet conseil en F&A Directeur Général 02/08/2011

E 16 Cabinet d'audit et expertises Associé 09/08/2011

E17 Cabinet de conseil aux minoritaires Associé 19/08/2011

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1.3. Guides et déroulement des entretiens

Les entretiens d’une durée moyenne comprise entre une demi-heure et une heure se sont

généralement déroulés sur le lieu de travail des répondants, mais aussi dans des cafés ou

encore par téléphone. Tous ont été intégralement enregistrés et retranscrits.

L’objectif fut dans un premier temps, de collecter des réponses sur les pourcentages

appliqués en termes de primes et décotes. Nous avons donc construit un premier guide

d’entretien à l’instar de l’étude de 2008 de PWC (voir Figure 14).

Figure 14 - Guide d’entretien n°1

A quels ajustements procéderiez-vous dans le cas d’une société non cotée qui a été évaluée à 100M€ par

les méthodes suivantes :

- Méthode analogique

o Evaluation de la totalité des parts si l’acquéreur est une entité non cotée

o Evaluation de 30% des parts si l’acquéreur est une entité cotée

- Méthode discounted cash flow

o Evaluation de la totalité des parts si l’acquéreur est une entité non cotée

o Evaluation de 30% des parts si l’acquéreur est une entité cotée

Face au scepticisme et à l’agacement des interlocuteurs concernant ces cas, nous avons

changé notre approche et avons opté pour un entretien semi-directif articulé autour de

différents thèmes, à savoir dans le cas présent, les principales primes et décotes

rencontrées (Figure 15). Cet échec nous amène en aparté à questionner la validité de ce

type d’études quantitatives pour ce thème précis de primes et décotes. En effet, alors

que les répondants déclarent mettre une décote d’illiquidité de 18% par exemple dans le

cas d’une approche DCF (voir étude 2008 PWC), nos interlocuteurs ont été, sans

exception, dans l’incapacité à nous répondre de manière précise car tout dépend des

spécificités de la société à évaluer.

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Les entretiens ont débuté par des questions générales permettant d’introduire le sujet

des primes et décotes : « Comment procédez-vous pour évaluer une entreprise ? » et

« que pensez-vous des primes et décotes ? ». Les principales décotes ont été énoncées,

décote d’illiquidité, de taille et spécifique et enfin prime et décote de minorité. Les

interlocuteurs dans un premier temps, ont dû être orientés car les différents ajustements

ne leur sont pas venus spontanément à l’esprit. Passée cette étape, les entretiens se sont

déroulés plus facilement.

Figure 15 - Guide d’entretien n°2

- Comment procédez-vous pour évaluer une entreprise et dans quelles circonstances êtes-vous

amenez à évaluer une entreprise?

- Que pensez-vous des pratiques des primes et décotes ?

- Cas représentatifs

- En particulier :

o Décote pour risque spécifique

o Décote de taille

o Décote pour non liquidité

o Décote de minorité et primes de contrôle

Enfin, une étude de cas a été présentée aux interlocuteurs afin de confronter les diverses

méthodes employées par nos interlocuteurs face à une même problématique.

L’entreprise en question a comme particularité d’avoir des statuts très restreints (voir

Figure 16) limitant davantage la cessibilité d’une participation minoritaire de 30%. Les

réactions de nos interlocuteurs sont présentées dans la partie III (voir infra).

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Figure 16 – Cas pratique

Comment évaluerez-vous une participation minoritaire dans une société non cotée aux statuts particuliers,

sachant qu’une évaluation multicritère (DCF et multiples boursiers) a donné une valeur de 100 M€ avant

tout ajustement ?

Extrait des statuts de la société : « le président du directoire, ainsi que le président du conseil de

surveillance doivent appartenir à la famille fondatrice », de plus « des quotas sont imposés au sein des

instances de direction quant à l’appartenance à la famille fondatrice afin que cette dernière conserve des

voix ».

Les arrêts de jurisprudence ont été également analysés et sont présentés en partie IV de

cette seconde section. En effet, il nous a paru intéressant et nécessaire de compléter

notre recherche par une analyse jurisprudentielle et fiscale des primes et décotes,

sachant que l’administration fiscale s’intéresse de plus en plus à cette problématique et

que le recours à des experts en évaluation est de plus en plus courant, à l’instar des

Etats-Unis.

2. Les référentiels utilisés : Des conventions plus ou moins

stabilisées

Aux Etats-Unis, les études empiriques sur les primes et décotes sont systématiquement

utilisées lors des procès même si depuis quelques temps elles sont de plus en plus

remises en cause. Comme l’énonce Pratt (2009), les primes et décotes sont des « big

money issues ». Sur la base de ces études et des jurisprudences (notamment l’arrêt

Mandelbaum, voir supra), les évaluateurs américains déterminent les primes et décotes

à appliquer lors d’une évaluation d’entreprise. En France, faute de référentiels, la

problématique des primes et décotes est bien plus difficile à cerner. Les professionnels

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semblent s’en remettre davantage à leurs jugements encadrés par un consensus de place

ou par des conventions plus ou moins stabilisées.

2.1. Des conventions plus informelles en Europe qu’aux Etats-

Unis

Comme nous l’avons pu constater en première partie, le sujet des primes et décotes est

très peu développé dans la littérature française contrairement à la littérature anglo-

saxonne.

Dans le système anglo-saxon, beaucoup d’études sur le sujet ont été publiées et les

organismes regroupant les professionnels du secteur de l’évaluation donnent des

indications sur les ajustements à appliquer (exemple de l’American Society Appraisers :

voir figure 17 ci-dessous).

Figure 17 - Schémas de détermination de la valeur (American Society of Appraisers, Bolotzky)

Méthodes par les comparables - Méthode par les flux (flux minoritaires)

Valeur par les multiples d'acquisition / de marché - ANR - Méthode par les flux (flux

de contrôlant)

Peu ou pas de pouvoir Quasi ou total pouvoir

Décote pour prendre en compte la différence de

niveau de liquidité

Décote pour prendre en compte la différence de

niveau de liquidité et de contrôle

Valeur Minoritaire non liquide Valeur de Minoritaire non liquide

Peu ou pas de pouvoir - Liquidité très réduite

Peu ou pas de pouvoir - Liquidité très réduite

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Par ailleurs, l’évaluation aux Etats-Unis est très encadrée par les décisions de

jurisprudences qui font droit. Ainsi, les évaluateurs américains ont de multiples points

de repères auxquels se référer. Comme un évaluateur nous le confirme, « il faut savoir

que cette notion de primes et décotes, elle vient des Etats-Unis. Je suis évaluateur

certifié américain, donc je connais leurs aberrations à l’extrême. Leur manière de

vouloir tout justifier à la virgule près… Alors pourquoi ? Parce que beaucoup de ces

gens là-bas vont aller devant un tribunal, dans le cas d’un divorce par exemple. Dans

ce cas là, il y a un expert et un contre expert qui argumentent. Le juge devra alors se

baser sur les études statistiques et empiriques pour trancher » (E9).

En Europe, les référentiels sur le sujet sont assez rares et une plus grande flexibilité est

donnée à l’évaluateur : « Le fait qu’il n’y ait pas tant d’études académiques et

empiriques qu’aux Etats-Unis, ça laisse plus de liberté à l’évaluateur français pour

l’application des décotes. On laisse plus de marges de manœuvre et de la place au

jugement à un évaluateur français qu’aux Etats-Unis » (E 16).

Toutefois, nous le verrons un peu plus bas dans ce document, faute de référentiels

académiques ou statistiques, un consensus parmi les évaluateurs vient encadrer cette

flexibilité en termes de décotes à appliquer.

A notre connaissance, deux documents sur le sujet des primes et décotes font référence

en France, l’article de Nussenbaum, datant de 2002 paru dans Option Finance, qui

reprend succinctement les résultats des études américaines (« restricted stocks

studies »), et le document de travail élaboré par la Société Française des Evaluateurs,

datant de 2008.

L’Autorité des Marché Financiers (AMF) fixe des recommandations de bon sens sur

l’évaluation d’entreprise adressées aux experts indépendants et banques d’affaires. Ces

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recommandations s’inscrivent dans le cadre de la directive européenne sur les offres

publiques et tiennent également compte des normes IFRS qui donnent une place

centrale à la juste valeur. Toutefois, il n’est fait aucune mention de recommandations en

termes de primes et décotes et l’AMF s’en remet entièrement au jugement et à l’examen

critique de l’expert.

Enfin, les organismes européens regroupant les sociétés de capital investissement

(AFIC, EVCA, BVCA) ont publié un guide commun sur l’évaluation à l’usage du

capital Investissement et capital risque20. Ce guide vise à donner des recommandations

en termes d’évaluation des participations financières non cotées en portefeuille pour le

besoin du reporting annuel. Comme nous le verrons plus bas, il est fait référence à une

décote de négociabilité à appliquer à la valeur d’entreprise obtenue par la méthode des

multiples.

Il en ressort de nos entretiens, qu’une grande marge de manœuvre sur le sujet est

donnée aux évaluateurs. Le jugement ainsi que l’expérience semblent fortement

dominés. En effet, comme le fait remarquer Nussenbaum dans son traité de

jurisprudence (1998), il ne faut pas s’enfermer dans des schémas statistiques qui ne

représentent que des moyennes. Nous avons toutefois constaté que certains évaluateurs

se réfèrent à des études en guise de repères, comme le fait l’un d’entre eux en évoquant

l’étude d’Eric Eugène Grenas: « En plus de l’aspect empirique, je me réfère à son

tableau. Son étude est forcément datée, mais elle est utilisée par certains brokers et

c’est vrai que c’est une référence. Il y a des brokers qui justement ne savent pas de

façon empirique donner une certaine valeur et préfèrent se rattacher à une certaine

référence. Et on va dire que dans le domaine des décotes et primes, ce monsieur est

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Guide International d’Evaluation à l’Usage du capital Investissement et du Capital risque, AFIC, BVCA,

EVCA (2006)

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considéré comme ayant fait des études sérieuses dans le domaine. Ca fait toujours du

bien de se rattacher à ses travaux » (E2). L’interlocuteur démontre ainsi le besoin de se

reporter à un référentiel : « […] c’est purement académique, mais ça permet ne pas être

loin de la réalité » (E2).

Les études empiriques américaines décrites en première partie ne sont pas unanimement

utilisées, tout du moins de manière directe par la plupart des professionnels interrogés.

Ainsi, à la question sur la référence éventuelle à des études effectuées sur le marché

américain, un évaluateur répond: « On utilise peu les études empiriques car elles sont

d’abord datées et localisées. Aux US ce n’est pas la même chose qu’en France. On le

voit au Portugal et au Brésil, il y a des multiples qui pour des sociétés équivalentes,

sont plus élevées de 25% à 30%. Il est difficile de tirer des leçons directes à l’échelle

mondiale. Ce que l’on peut, c’est faire une étude sur un marché américain, en déduire

les niveaux de décotes qui sont appliqués, mais on ne peut pas comparer les multiples là

bas avec les nôtres » (E2).

Ainsi, pour ce même évaluateur, la liquidité n’est pas la même sur tous les marchés :

« Le marché là bas (Etats-Unis) est beaucoup plus fluide, et je pense qu’ils apportent

plus d’importance que nous à la liquidité, alors qu’en Europe on est assez habitué à

voir des titres peu liquides. Je pense qu’en France, on décote moins pour la liquidité

que les marchés très financiarisés comme les Etats-Unis. En Allemagne, vous avez

énormément de sociétés privées. Ils sont très habitués aux statuts de sociétés peu

liquides, donc ils ne les décotent pas ou très peu » (E2).

Un autre évaluateur fait remarquer : « Ces études empiriques sont bien gentilles, mais

dans la pratique, il y a un acheteur, un vendeur et un objet. Il faut qu’il y ait une

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transaction qui se fasse. Cela dépend de la situation du vendeur, de la situation de

l’acheteur » (E3).

Un autre professionnel de l’évaluation qui a travaillé en cabinet d’audit aux Etats-Unis

confirme la différence de pratiques et souligne la subjectivité accentuée en France : « La

difficulté est liée à la subjectivité de ces primes et décotes. On peut se baser sur des

études académiques, empiriques, tout ce que vous voulez, mais généralement ce sont

des études américaines, donc très bien, c’est valable pour les Etats-Unis, mais est-ce

valable en France ? A l’heure actuelle, c’est une question qui nous est souvent posée

par nos clients lorsque l’on procède à ces ajustements. Donc c’est vrai, c’est un peu la

limite des primes et décotes, car généralement, on a certaines fois du mal à les justifier.

On a beau se baser sur des articles, ça reste uniquement des études. La différence de

place fait que l’on a du mal à les retenir. […]. C’est beaucoup plus contesté qu’aux

Etats-Unis, où les études académiques font références. Les gens n’iront pas contester »

(E6).

Enfin, au contraire des Etats-Unis, rares sont les professionnels que nous avons

rencontrés qui se réfèrent aux arrêts de jurisprudence ou aux pratiques de

l’administration fiscale sur ce sujet des primes et décotes : « On ne regarde pas du tout

le guide de l’administration fiscale sauf si on a un client qui nous demande de faire une

évaluation à des fins fiscales, pour justifier un prix devant l’administration. Pour une

vraie évaluation, on ne regarde jamais l’administration fiscale car on considère qu’en

termes d’évaluation, les méthodes ne sont pas justifiées. Et puis, elle admet des

empilements de décotes, ce que nous ne jugeons pas correct. Ils sont utiles pour le

contribuable qui veut justifier quelque chose, mais qui en théorie ce n’est pas justifié »

(E16).

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2.2. L’évaluation : un art entaché de subjectivité

L’évaluation est un art et entachée de subjectivité. Les primes et décotes font appel au

jugement et à l’expérience de l’évaluateur. Il existera donc autant de fourchettes de

valeurs différentes pour une société donnée que de situations. Un évaluateur encourt à

cette comparaison imagée avec un expert en art: « C’est propre à l’évaluateur.

L’évaluateur c’est un expert. Si vous allez voir un expert en tableau et que vous lui

demandez la valeur du tableau, il peut dire « je l’estime à tant ». Quelle est sa

méthode ? Il ne va pas vous le dire. Parce qu’il a vu un certain nombre de tableaux

passés de cette taille, de cet artiste, de cette période qui a marqué une rupture dans le

style de l’artiste » (E2).

Ainsi, les évaluateurs sont très prudents et sont tous restés très vagues, refusant de nous

donner des taux précis de décotes : « Le concept des primes et décotes est extrêmement

subjectif […]. On ne peut raisonner qu’en termes de fourchettes. Il n’existe pas de

vérité et on est plutôt assez prudent. On est plus entre 15 et 20% plutôt que 5% ou

40%» (E4). Et celui-ci rajoute : « J’ai bien le sentiment de ne donner que des éléments

subjectifs, mais il n’y a pas de vérité » (E4). Un conseiller en F&A explique :

« Pourquoi tant de plus et tant de moins ? On est dans le domaine de la subjectivité.

S’il y a des débats et que les choses ne se passent pas bien, c’est justement que l’on a

des estimations indépendamment de la négociation pure. […] Celui qui commence à 16

pense sincèrement que ça vaut 16, et celui qui propose 14 pense sincèrement que ça

vaut 14 » (E2).

En effet, comme le résume Orléan (1989) la réalité de cette dimension subjective trouve

sa pleine expression dans le fait que deux investisseurs, parfaitement rationnels et

informés, peuvent adhérer à des évaluations financières divergentes, sans pour autant

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que soient transgressées leurs rationalités ou leurs informations, ce qui prouve sans

conteste que l’estimation financière ne se réduit ni à la seule rationalité, ni à la seule

information, mais contient un élément idiosyncrasique irréductible.

L’expérience de l’évaluateur est, pour beaucoup, le facteur qui justifie l’application de

telle ou telle décote. « C’est juste une question d’expérience, d’avoir vu les situations,

d’avoir vu des sociétés cotées, avec un cours de bourse qui évolue par rapport à la

valeur intrinsèque. Les décotes sont généralement assez contenues. En moyenne, une

décote ça n’excède rarement 40%. Je me base sur mon expérience et sur ce que mes

concurrents font » explique un évaluateur (E 12).

Un expert indépendant en évaluation d’entreprise nous affirme toutefois le contraire:

« On ne regarde pas ce que les concurrents font, vu que le niveau moyen des

concurrents en évaluation est faible. Que la plupart des gens qui utilisent des primes et

décotes, c’est de façon à refléter leur grande expérience en la matière, c'est-à-dire leur

absence de réflexion académique sur le sujet. On essaye plutôt de regarder les modèles

théoriques et de rapprocher ces modèles théoriques le plus possible de la réalité. Sur

les primes et décotes, il existe tout un tas de modèles et on essaye de regarder ça plutôt

qu’autre chose » (E1).

2.3. L’existence d’un consensus de place ou émergence d’une

convention ?

La recherche effectuée nous conduit à poser l’hypothèse d’une convention concernant le

recours aux primes et décotes. En effet, faute de référentiels précis, la théorie des

conventions ou consensus supposée au départ a été confirmée à la suite de notre

recherche. Les entretiens montrent que la plupart des évaluateurs se permettent une

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marge de manœuvre à l’intérieur d’un consensus à l’aide d’un raisonnement appelé le

faisceau d’indices.

Selon une définition de Wikipédia, « Un consensus est un accord général – tacite ou

manifeste – parmi les membres d’un groupe, pouvant permettre de prendre une décision

sans vote préalable. Bien que le consensus désigne un accord unanime, ou plutôt

l’absence d’opposition, l’usage récent en fait parfois l’opinion ou le sentiment d’une

forte majorité. Le consensus comme méthodologie de prise de décision cherche à mettre

l’accent sur la validité de l’opinion de chaque participant et se refuse à entériner un

choix qui n’aurait pas au moins l’accord de tous ».

Cette définition du consensus entretient certaines analogies avec la notion de

convention : « la convention consiste en un dispositif cognitif collectif » (O. Favereau,

1986, p 249-267) et « on appelle convention le système de règles dans lequel se situent

les acteurs lorsqu’ils ont à effectuer un choix. Elle permet de rendre raisonnable, c'est-à-

dire de donner une raison, un sens, aux choix individuels. Ce sens commun : c’est parce

que tout le monde est supposé rationaliser d’une certaine façon que chacun agit de la

sorte, ce qui confirme que tout le monde agit de la sorte […]. Les conventions et les

individus existent en même temps. Les individus ne peuvent décider que parce qu’il

existe des conventions et les conventions n’existent que parce que les individus les

adoptent » (P Y Gomez, 1997, p 67).

Par ailleurs, selon DK Lewis (1969), l’approche conventionnelle suppose la validation

de plusieurs points :

� La convention ne s’impose pas, elle est adoptée spontanément par chacun ;

� L’individu anticipe que la population adopte la convention ;

� L’individu a une préférence pour la conformité générale ;

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� Il existe bien évidemment des alternatives ;

� Chacun connait les pratiques des autres et sait que les autres les connaissent

également.

Toutefois, cette pratique collective n’est en aucun cas rigide. Au contraire, afin

d’exister, la convention doit convaincre. Elle se doit donc d’évoluer et peut même être

bannie si celle-ci ne rassemble plus l’adhésion de tous. En effet, afin d’éviter le chaos,

la convention ou encore le consensus coordonne les conduites sans toutefois interférer

dans le jugement propre à l’individu.

La convention est une sorte de repère auquel on se rattache afin de résoudre des conflits.

Elle suppose l’adhésion spontanée et s’auto-conforte par un effet de mimétisme.

Concernant les primes et décotes dans les évaluations de sociétés non cotées, nous

remarquons qu’avec tous les éléments cités ci-dessus, une sorte de conventions émerge

des pratiques observées et les professionnels l’admettent bien : « Pour tout ce qui est

décotes, elles sont tout de même « normées », c'est-à-dire que globalement il y a une

espèce de référence » (E11). Un autre interlocuteur spécifie : « Toujours dans cette

espèce de consensus mou » (E11), en spécifiant la taille des primes et décotes

appliquées.

Toutefois, comme le spécifie Nussenbaum (1998) dans son traité de jurisprudence, « il

faut […] se garder d’appliquer des primes et décotes standards tirées de références elles-

mêmes auto-référentes ». En effet, un évaluateur dénonce cette tendance : « C’est un

biais d’auto référencement. « Ca fait dix ans que je fait comme cela » » (E1).

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3. Une rationalisation a posteriori de l’écart constaté entre prix

et valeur

Dans la pratique, la plupart des professionnels procèdent à des ajustements afin

d’évaluer une société. Autant pour les méthodes analogiques que pour la méthode des

DCF, ces ajustements sont souvent effectués selon l’appréciation propre à l’évaluateur.

L’utilisation de primes et décotes en évaluation constitue la preuve que les méthodes

d’évaluation sont imparfaites (SFEV, 2008). Un expert indépendant précise : « Lorsque

l’on évalue un actif, on se met dans la position de la théorie financière. On suppose que

l’actif soit un bien échangé sur les marchés, donc on suppose que la température et

pression des marchés sont réunies, or elles ne le sont jamais, même pour des actifs

cotés sur un marché. Après, la question est de savoir comment on ajuste le modèle pour

refléter notre perception de la réalité par rapport au modèle économique» (E1).

Ainsi comme un évaluateur le fait remarquer, les primes et décotes sont donc utilisées

afin de corriger les méthodes d’évaluation : « On fait une évaluation par des flux de

cash-flows actualisées. Typiquement, on utilise une prime de risque du marché action

pour une société non cotée qui est relative à des actions cotées, donc cette prime de

risque, elle est basé sur des sociétés cotées, or on évalue une société non cotée, donc il

faut corriger ce biais par l’utilisation d’une prime » (E16).

En effectuant ces ajustements, les praticiens doivent considérer les questions suivantes :

� Quels sont les facteurs à considérer pour appliquer les décotes ?

� Quelle est la taille de l’ajustement appropriée ?

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L’évaluation d’entreprises intervient dans de multiples cas : reporting financier, lors des

transactions de fusions et acquisitions ou encore lors de transactions entre actionnaires.

Nous pouvons d’ores et déjà faire les constatations suivantes :

� La majorité des interlocuteurs appliquent effectivement des primes et décotes

lors des évaluations d’entreprises mais toujours avec une extrême prudence et

semblent reposer bien plus sur l’expérience de l’évaluateur que sur des

statistiques ou études empiriques;

� La décote pour risque spécifique appliquée sous forme de prime dans le coût du

capital n’est justifiée que si elle n’est pas intégrable dans les flux.

� Un consensus semble se former concernant un ajustement lié à la non cotation

de la société assimilable par certains à une décote d’illiquidité ou bien à une

décote de taille. L’ajustement est généralement de 20% appliqué aux multiples

et de 2% ajouté au coût du capital;

� La prime de contrôle, assimilable aux effets de synergies attendus par

l’acquéreur, est rarement issue de données statistiques mais se reflète plutôt dans

les flux ;

� La décote de minorité est sujette à controverse. Son application semble proscrite

pour des raisons d’éthique par certains évaluateurs ou bien réservée à des cas

bien spécifiques. Son constat est toutefois indéniable et résulte d’un rapport de

force entre minoritaires et majoritaires ;

3.1. Les risques spécifiques et la décote de taille : deux notions

étroitement liées

Parce que le beta utilisé dans le MEDAF (méthode des DCF) sous-estime le risque réel

associé aux sociétés de petites tailles, les professionnels ajustent le taux d’actualisation

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en conséquence. Ces risques sont, dans la plupart des cas, pris en compte par un

ajustement lié à la taille (décote de taille), et éventuellement par l’application d’une

prime de risque spécifique ajoutée au coût du capital.

3.1.1. Le risque spécifique à la société : une diversification des

risques dans le taux

Le risque spécifique prend en compte le risque non appréhendé dans le beta ou dans les

flux de la société. Ainsi, tous les risques non appréhendés dans le modèle, doivent être

pris en compte. On citera les principaux :

� Dépendance à un seul fournisseur et/ou client

� Dépendance à un management (décote d’homme clé)

� Dépendance à un seul produit

Il est également important de préciser que le risque spécifique est étroitement lié à la

taille de la société. En effet, les risques tels que l’illiquidité, un faible pouvoir de

négociation, le risque de crédit, le risque d’une insuffisance d’informations, un moindre

contrôle sur le produit et la demande, ainsi que des faiblesses face à la concurrence, sont

souvent associés aux sociétés de petites tailles.

La détermination d’une prime appropriée à l’égard des risques spécifiques nécessite une

connaissance approfondie de l’entreprise à évaluer et de son secteur d’activité. En effet,

il y a souvent des risques d’exploitation qui sont courants dans un secteur donné, de

sorte qu’ils ne sont pas vraiment spécifiques à l’entreprise à évaluer. Comme l’explique

un évaluateur, ces données sont déjà prises en compte dans le beta ou dans la prime

sectorielle : « Tout ce qui est risque spécifique ne doit pas être pris en compte dans les

autres facteurs. Si j’ai une industrie où tous les clients font 60% du CA, moi j’estime

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que le beta l’intègre déjà. C’est le problème de la prime spécifique qui ne s’applique

que sur des éléments qui ne seraient déjà pris en compte dans le taux d’actualisation de

base. Pour moi, il n’y a pas de méthodes scientifiques pour le décrire. Après on peut

avoir des faisceaux d’indices. Est-ce qu’un dirigeant important dans la société peut

avoir un impact sur la valeur ? On peut prendre des entreprises avec des dirigeants

charismatiques, on regarde les effets d’annonce par le cours de bourse, pour montrer

qu’il y en a un ou qu’il n’y en a pas. » (E9).

Il peut aussi arriver que certains risques d’entreprises soient déjà pris en compte dans la

prime de taille. C’est pourquoi, il peut être préférable de tenir compte des événements

prévisibles en appliquant une pondération probabiliste aux flux de trésorerie plutôt

qu’en augmentant le taux d’actualisation : « […] il faut être capable de prendre en

compte le risque dans les flux et non dans le taux. La notion de primes et décotes n’a

absolument aucun sens. Le risque spécifique c’est quelque chose que l’on traite dans les

flux financiers, c'est-à-dire dans le plan d’affaires prévisionnel » (E1).

Un autre évaluateur précise que la retranscription de ces risques dans le Business Plan

est toujours délicat et très subjectif: « Dans le merveilleux monde de « Oui-Oui », ce

sont des éléments que l’on traduit dans un Business Plan. Après, dans la vraie vie, on

ne peut pas tout traduire dans le BP et là entrent en jeux une bonne dose de jugements.

Il y a des risques qui peuvent survenir dans un BP, mais un risque, n’est pas une

survenance. Le problème de la prime de risque ce peut être un milliard de choses. Dans

une évaluation théorique, comment on traite un client qui fait 80% du CA ? On fait des

scénarios avec des probabilités. C’est du doigt mouillé. Dans la théorie pragmatique

d’une transaction, on modèle des éléments du prix sur des éléments de contrats, des

conditions, des contrats d’earn-out, […]» (E9).

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Comme l’explique ce même évaluateur, le recours à des pourcentages résultant d’études

statistiques pour quantifier un certain risque, tel que l’aspect mono-client, est aléatoire

et ne se justifie pas: « J’ai fait une étude sur cet aspect. On a pris l’exemple des

équipementiers automobiles. […]. On a comparé l’évolution des multiples boursiers au

regard de la moyenne de l’industrie et au regard de la dépendance au chiffre d’affaires

[…]. Il y avait un faisceau d’indices qui indiquait que tant que la croissance du client

n°1 était au delà de la moyenne, le multiple était en-dessous de la moyenne de

l’industrie. Ca c’est un faisceau d’indices. Si on peut en déduire que les sociétés qui ont

un client prépondérant par rapport à la moyenne de l’industrie, sont moins valorisées,

oui. Si pour autant on peut dire que c’est x%, non. Chacun prendra sa responsabilité.

On peut avoir certains éléments, des preuves statistiques, économétriques pour prouver

certaines présuppositions, mais de là à dire qu’il y a une formule pour déterminer un

chiffre, non. Je sais qu’il y a des gens qui le font, mais pour ma part, je pense que ça

relève plus du bon sens »(E9).

Ces propos sont confirmés par de nombreux autres professionnels : « On passe des

heures à justifier la prime spécifique. Mais la prime spécifique, elle est estimée selon le

risque spécifique que l’évaluateur estime. C’est là que ce ne sera jamais scientifique »

(E 2).

Ensuite, un second aspect a été évoqué par certains de nos interlocuteurs concernant la

prime de risque spécifique, à savoir la fiabilité de l’information. Comme l’évoque un

évaluateur : « Lorsque l’on n’est pas capable de retraiter les flux, on ajuste le taux. Il ne

faut pas confondre deux choses. Si le risque spécifique c’est pour dire que les prévisions

financières que l’on nous a transmises sont beaucoup trop optimistes, là c’est autre

chose. […]. C’est une manière d’abattre le flux en disant que c’est trop optimiste, donc

j’abats le flux de 10%-20% » (E1). En effet, un autre évaluateur spécifie : « Moi

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j’appellerai ça plutôt la prime du M&A. C'est-à-dire qu’en gros, le business plan est

faux, donc de toute façon, on rajoute une petite couche pour être sûr et avoir une

certaine marge de manœuvre » (E9).

La prime de risque spécifique se retrouve le plus souvent sous la forme d’une prime et

se situe en général entre 1 et 2% ajoutée au taux d’actualisation dans la méthode des

DCF. Dans la méthode des multiples boursiers, une décote (10 – 20%) est appliquée en

générale aux multiples.

En conclusion, la prime de risque spécifique, difficilement appréhendable, est rarement

évoquée dans les études empiriques. En première partie, nous avons présenté des études

relatives à la décote pour homme clé, estimant cette décote à environ 6 et 8%. Les

études empiriques sur les pratiques des professionnels telles que l’étude PWC (2008)

n’évoquent pas la décote pour prime spécifique. Jolidon (2007) au contraire, soulève

l’importance du dirigeant pour les investisseurs de capital-investissement, estimant cette

décote à 22%, bien plus élevée que les résultats des études empiriques effectuées sur les

marchés boursiers américains. Pourtant, suite à nos interviews, nous pouvons bien

affirmer que cet ajustement qui prend en compte des spécificités de la société à évaluer,

est reconnu par les praticiens. Sa détermination est toutefois propre au jugement de

l’évaluateur.

3.1.2. La décote de taille : une divergence d’opinions parmi les

praticiens

Comme vu en première partie, de nombreuses recherches ont démontré que le

rendement des sociétés cotées est plus élevé pour les petites sociétés que pour les

grandes. En effet, les petites sont plus risquées et moins liquides. C’est là que la décote

de taille rejoint étroitement la notion de risques spécifiques et de risques de liquidité.

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Cette décote, bien que assimilée à la taille par nos interlocuteurs, semble plutôt être liée

à une moindre liquidité pour d’autres.

Ainsi, deux avis s’affrontent. D’un coté, un évaluateur ne semble pas adhérer au

concept de l’effet taille et se réfère plus au concept de la liquidité : « les décotes de

taille que l’on voit très souvent nous choquent, car on considère que c’est déjà pris

dans les flux […]. Le fait que la société soit plus petite que les autres, est pris en compte

par le fait que ses flux soient plus faibles » (E16). D’un autre côté, un membre d’un

cabinet d’audit anglo-saxon fournit un raisonnement inverse: « On considère très

rarement une décote de liquidité, mais plutôt une décote de taille, sur le WACC dans la

méthode des DCF et au niveau des multiples dans l’approche par les comparables.

Pour cela on se base sur Ibbotson […], selon la market cap on va prendre une prime

entre 0,25 et 4% » (E6).

A l’instar de notre évaluateur E16, le groupe de travail de la SEFV ne semble pas non

plus être convaincu par la décote de taille. Dans son rapport de 2008, il énonce que c’est

finalement sur la décote de petite valeur, plutôt liée à une moindre liquidité, souvent

assimilée à la taille, qu’un consensus semble se dessiner. Il met par ailleurs en garde sur

le fait que le cumul des décotes d’illiquidité et de taille est un raisonnement erroné et

conduirait à des rabais excessifs puisque ces deux aspects sont le reflet d’une seule et

même réalité.

Toutefois, beaucoup reconnaissent qu’il existe un écart d’évaluation lié à la taille, qui

veut que le rendement exigé d’une société soit inversement proportionnel à sa taille.

L’effet taille dépend de plusieurs facteurs tels que le secteur et la croissance. Un

évaluateur explique : « Sur le marché boursier, si on compare les multiples payés avec

la taille de l’entreprise, on va voir une corrélation assez nette. Il faut toutefois que les

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sociétés soient comparables en termes de rentabilité et de croissance. Sur une

population homogène, couple rentabilité et croissance, on constate à peu près toujours

que plus les boites sont importantes, plus les multiples sont significatifs. Donc c’est sur

cette observation là que l’on détermine la décote de taille qui varie entre 20% et 30%»

(E2).

Un autre évaluateur rejoint cette opinion, mais précise que la taille est un critère à

prendre avec prudence en fonction des secteurs d’activités : « La taille joue, oui, dans

certaines activités, mais moins dans d’autres. En effet, on peut avoir des sociétés où la

petite taille fait qu’on a un multiple plus élevé que la grande taille » (E1).

Par ailleurs, si certains ont recours aux études statistiques, …: « Une décote de taille

moyenne devrait se situer entre 10 et 20%, après c’est très subjectif. On regarde

essentiellement le client. On utilise Ibbotson systématiquement, même si c’est

challengé » (E4). ...pour d’autres, la présence d’écarts importants dans les résultats de

ces études nuit à sa fiabilité : « On s’en remet plus à notre jugement, car Ibbotson n’est

pas assez établi » (E5).

La décote de taille, qui par ailleurs, est souvent assimilée à une décote de non liquidité

(voir infra), se retrouve sous la forme d’un pourcentage appliqué aux multiples

boursiers et sous forme d’une prime appliquée au coût du capital dans la méthode par

les flux de trésorerie actualisés.

En conclusion, la décote de taille n’est pas appliquée par les professionnels de façon

commune et uniforme. Les études empiriques sur cet aspect, présentées en première

partie, ont fait l’objet de nombreuses critiques notamment parce que la taille englobe

plusieurs autres facteurs, sources de décotes. Enfin, les résultats de l’étude de PWC

(2008) présentent des divergences dans l’application de la décote de taille par les

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professionnels, évoquant le risque d’une mauvaise compréhension des décotes par ces

derniers.

3.2. Primes de contrôle et décote de minorité : Des notions pris

avec prudence par les professionnels

3.2.1. La prime de contrôle : un ajustement indirect

La prime de contrôle est peu utilisée par les professionnels. En effet, dans le cadre d’une

évaluation lors d’une transaction majoritaire, l’évaluateur appréhende la prime de

contrôle dans les flux à l’aide du plan d’affaires intégrant les synergies que l’acquéreur

lui transmet : « S’il n’y a pas de synergies, il n’y a pas de prime de contrôle. Car ce qui

justifie la prime de contrôle, c’est la synergie […]. La décote/ prime de contrôle, c’est

un peu la tarte à la crème. Est-ce que l’on doit prendre en compte la prime de

contrôle ? On sait très bien que l’on peut estimer empiriquement la prime de contrôle.

On sait aussi pertinemment que retenir les études empiriques dans les primes de

contrôles c’est complètement idiot dans un cas pratique, parce que la prime de contrôle

est le reflet de la valeur du contrôle pour l’investisseur. Donc c’est typiquement quelque

chose qui se retrouve dans les flux financiers. Dans ce cas, tous les investisseurs qui se

retrouvent au contrôle ont tous une vision différente de leur business. C’est

complètement relié à l’activité, donc le fait de regarder quelqu’un qui fait de la

pharmacie, quelqu’un qui fait de l’industrie, du service, ça n’a pas de sens. La valeur

de contrôle n’est pas la même dans toutes ces activités là» (E1).

La prime de contrôle sert certaines fois à ajuster la valeur de base suivant les méthodes

d’évaluation utilisées, comme l’explique un évaluateur : « Je l’applique lorsque je fais

des comparaisons boursières. Lorsque vous faites des méthodes qui se réfèrent à des

multiples boursiers qui sont calculés sur la base d’un cours, et donc sur la base d’un

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cours de minoritaire, là j’applique une prime de majorité. Je dirais intuitivement entre

20% et 30% »(E11).

Il convient également d’appliquer une décote lorsque l’évaluation de l’entreprise est

fondée sur des comparables de transactions portant sur le contrôle. Comme le fait

remarquer la SFEV dans son rapport de 2008 : « il s’agit moins d’une décote de

minorité que de l’annulation de la prime de contrôle payée lors de la transaction ».

Enfin, la prime de contrôle est quelquefois appliquée pour prendre en compte la

structure actionnariale de la société. Ainsi, comme l’explique un évaluateur : « La prime

de contrôle on l’applique assez peu. Je l’applique par exemple sur une participation

minoritaire qui peut faire basculer une majorité. Je vais dire que finalement je n’ai pas

de décote de minorité, ce qui signifie implicitement que je vais avoir une prime »(E11).

3.2.2. Une décote de minorité marginalisée …

Les professionnels sont très sceptiques face à l’application de décotes de minorité, et

n’hésitent pas à souligner le caractère médiéval de celle-ci21. Le rapport de la SFEV est

également très clair en ce que la décote de minorité ne se justifie pas. Ainsi, la plupart

de nos interlocuteurs (membres de la SFEV par ailleurs), appliquent très rarement voir

quasiment pas de décote de minorité et ce pour plusieurs raisons :

� Le système de gouvernance veille désormais à l’égalité entre actionnaires

L’OCDE énonce dans son guide des principes de gouvernement d’entreprise, que tous

les actionnaires sont traités de façon équitable, y compris les actionnaires minoritaires et

21 Lettre Vernimmen, n°67, juillet-août 2008, Pascal Quiry et Yann Le Fur : « Notre expérience et les travaux conceptuels des chercheurs en finance d’entreprise nous ont convaincus depuis longtemps du caractère « médiéval » de celle-ci ».

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les étrangers. Tous les actionnaires doivent pouvoir obtenir la réparation effective de

toute violation de leurs droits22 .

Ainsi, l’avènement de la gouvernance d’entreprise est une préoccupation centrale des

investisseurs et des dirigeants, comme l’explique un évaluateur: « Ce n’est pas parce

qu’il y a une prime de contrôle, qu’il y a une décote de minorité. En tout cas, dans les

pays où il y a une protection du minoritaire, les bénéfices ça existe certes, mais on a

une très forte protection du minoritaire, donc ce n’est pas parce que je suis minoritaire

que forcément j’ai une valeur plus faible que le majoritaire » (E1).

Appliquer une décote en expliquant que le majoritaire ne peut pas accéder aux mêmes

flux de trésorerie que le majoritaire revient à supposer que celui-ci a la possibilité de

dériver des avantages particuliers, ce que les évaluateurs se refusent à soutenir.

La décote de minorité est absurde dans certains cas, comme le raconte un autre expert :

« […] j’ai eu le cas d’une entreprise par exemple, où ils étaient six associés, chacun

avait un sixième des parts et deux frères partaient à la retraite. Chacun voulait

pratiquer une décote de minorité. J’ai dit que dans la mesure où il n’y a pas de

majorité, à partir de là, si vous deviez tous partir, il faudrait décoter de 20% la société.

C'est-à-dire que l’entreprise vaudrait 20% de moins de ce qu’elle vaut. C’est même

assez absurde. On aboutit donc à des paradoxes qui n’ont pas de sens » (E12).

� La méthode des flux de trésorerie suppose une égalité dans le partage des

richesses

L’avènement de la méthode d’évaluation par les flux de trésorerie disponibles (en lieu et

place de l’actualisation des dividendes) montre que chaque actionnaire, quelle que soit

sa quote-part du capital, a droit à un quantum de flux de trésorerie disponibles

22 OCDE « principe de gouvernement d’entreprise », avril 2004

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proportionnel à sa participation au capital. Ainsi, comme le décrit un évaluateur:

« Dans la méthode des DCF, moi je n’applique pas de décote de minorité. Parce qu’en

fait, comme la méthode repose sur des distributions potentielles, il n’y a pas de

distinctions à faire entre ce dividende potentiel qui serait distribué à un majoritaire ou

bien à un minoritaire. C’est ma position, je n’applique pas de décote de minorité »

(E11).

� La méthode des multiples et la méthode des DCF sont basées sur des données de

marché et fournissent donc des valeurs de minoritaires

Le taux d’actualisation des flux étant calculé le plus souvent à partir du MEDAF, il se

base sur des cours de bourse, donc des transactions marginales et donc minoritaires. Il

en est de même pour l’évaluation par la méthode des multiples qui se réfère à des cours

de bourse. Un analyste explique ainsi : « La décote pour moi, ce n’est pas quelque

chose de systématique. En plus, lorsque l’on fait des évaluations par la méthode des

multiples, on se sert de références de sociétés cotées, et lorsque l’on fait ça, on fait des

évaluations de parts minoritaires » (E12). Et comme le précise un autre professionnel :

« Donc dans la mesure où les évaluations sont basées sur des parts minoritaires,

pratiquer une décote reviendrait à sous évaluer l’entreprise » (E4).

� L’existence d’une prime pour les minoritaires

Un élément supplémentaire qui vient décrédibiliser le recours à la décote de minorité et

qui est souvent mis en avant par les professionnels, est le fait que lorsqu’un groupe

majoritaire veut racheter les actions détenues par des actionnaires minoritaires, on

observe une prime accordée aux minoritaires. La prime moyenne appliquée en Europe

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est de 18%23. Un professionnel souligne le fait que cette prime n’est pas payée pour

acquérir le contrôle de la société, mais pour des raisons autres : « Ce n’est pas parce

que je suis minoritaire que forcément j’ai une valeur plus faible que le majoritaire.

Regardez les offres publiques en bourse, on voit même que le minoritaire arrive à sortir

avec des primes parfois supérieures aux majoritaires. Les majoritaires ont pourtant

déjà le contrôle. Ce qui peut avoir de la valeur c’est de sortir de bourse, car

effectivement ça coûte de l’argent » (E1).

� L’existence systématique d’un pacte d’actionnaire introduit par les acteurs du

capital investissement

On constate généralement que lorsque des sociétés de capital investissement figurent au

capital d’une société non cotée et pour une participation minoritaire, un pacte

d’actionnaire est systématiquement rédigé. Il est alors considéré que les droits des

actionnaires minoritaires sont sensiblement équivalents à ceux des actionnaires

majoritaires (Walter et Brian, 2007). Comme le spécifie un professionnel des fusions-

acquisitions : « Aujourd’hui, dans la plupart des cas, des pactes d’actionnaires existent.

Ce sont les sociétés de private equity qui ont amené la notion de pacte d’actionnaires.

Aujourd’hui, même lorsque tu es minoritaire, tu as les mêmes conditions de sortie qu’un

majoritaire, ça s’appelle une clause de drag along. C’est donc une ânerie de mettre une

décote de minorité! » (E15)

Finalement, comme le font remarquer Pasqual Quiry et Yann Le Fur24 , aujourd’hui, le

consensus veut que les experts évaluateurs (réunis dans la SFEV) ne parlent plus de

décote de minorité et ne prétendent plus que la méthode du DCF repose sur une valeur

de majoritaire.

23 Rapport SFEV 2008, p 25 24

Lettre Vernimmen n°67, juillet-Août 2008

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Les évaluateurs ne nient cependant pas l’existence d’un rapport de force entre

majoritaires et minoritaires qui peut mener à une minoration du prix de vente. Mais les

parties prenantes n’auront pas le droit d’habiller leur position de pure force d’arguments

rationnels.

Sur cette constatation, un évaluateur, qui en aparté ne fait pas partie de la SFEV, fait

part de son expérience de négociation avec des banques d’affaires : « On a négocié avec

des investisseurs qui étaient rentrés dans le capital d’une structure à hauteur de 9%.

Nous, nous représentions les intérêts du majoritaire. La banque d’affaires nous a dit

qu’elle n’appliquait pas de décote de minorité. On a dit que c’était très bien, et qu’ils

restaient donc avec leur 9% » (E11).

3.2.3. … mais qui subsiste dans certains cas

Le seul cas d’application d’une décote de minorité est celui d’actionnaires minoritaires

détenant non des actions ordinaires mais des actions à droits réduits par rapport au droit

commun (pas de droit de vote, dividendes minorés, …)25. Sur ce sujet, un évaluateur

développe : J’ai eu un cas où j’ai dû accumuler des décotes, mais c’était très spécifique,

parce que c’était des sociétés en commandites, qui ont des caractéristiques

extrêmement particulières, il n’y avait pas de droits de votes, pas de droits de

dividendes, etc., on avait donc globalisé tous ces inconvénients des actions

particulières, que l’on a évalué par une accumulation de décotes. Mais c’est la seule

fois » (E16).

Ainsi, c’est l’aspect juridique, l’étude des statuts, ainsi que la composition du capital qui

entreront en ligne de compte.

25

Lettre Vernimmen n°67, juillet-août 2008

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En conclusion, d’une part, les professionnels n’ont généralement pas recours à la prime

de contrôle car ces derniers travaillent à partir d’un business plan comprenant les effets

de synergies reflétant le contrôle. D’autre part, la décote de minorité n’est en réalité que

le résultat d’un rapport de force entre un vendeur et un acheteur. Si un actionnaire

minoritaire qui veut absolument vendre, et que le seul acheteur existant se sait le seul à

pouvoir acheter, et entend bien en profiter, une décote sera effectivement constatée.

Mais les professionnels ne mentionneront généralement jamais explicitement dans leur

rapport une décote de minorité. Certains admettent toutefois que la position d’un

minoritaire nécessitera un ajustement dans certains cas, mais l’assimileront le plus

souvent à une décote d’illiquidité plus élevée (voir infra). Enfin, comme l’évoque

Nussenbaum (2002), la décote de minorité n’a pas de sens quand le minoritaire ne veut

pas vendre et que le majoritaire veut acheter puisqu’au contraire on sera en présence de

primes26.

Ces résultats issus de nos entretiens divergent très fortement de ceux présentés dans

l’étude PWC (2008). En effet, cette étude présente la décote de minorité comme un

ajustement communément utilisé par les professionnels afin :

- d’ajuster la valeur obtenue par la méthode des DCF, considérée comme

produisant une valeur de majoritaire ;

- de prendre en compte le caractère minoritaire d’une participation de 30%.

Au contraire, la majorité de nos interlocuteurs ne considèrent pas la méthode des DCF

comme produisant une valeur de majoritaire. Enfin, la plupart de nos interlocuteurs ne

considèrent pas comme correct le fait d’appliquer une décote de minorité forfaitaire afin

26

Nussenbaum (2002) : « […] on peut aisément comprendre la situation stratégique favorable d’un actionnaire minoritaire détenant 2% des titres face à deux actionnaires détenant chacun 49% et en revanche l’absence de caractère stratégique d’une participation minoritaire de 25% s’il existe un majoritaire détenant 75% des titres ».

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de valoriser une participation de 30%, d’autant plus qu’il n’existe pas d’études

empiriques sur ce sujet.

3.3. La décote d’illiquidité

L’illiquidité est le coût de ne pas pouvoir revendre immédiatement ses titres. Comme

nous l’avons vu, la notion de liquidité se confond souvent avec l’effet taille et l’aspect

minoritaire d’une participation.

Le groupe de travail de la SFEV a clairement énoncé dans son rapport de 2008 que la

seule décote justifiée était une décote d’illiquidité et cet avis semble être partagé par un

bon nombre de nos interlocuteurs.

La décote d’illiquidité s’applique sous forme de prime ajoutée au taux d’actualisation, et

par l’application d’une décote au niveau des multiples: « On valorise effectivement la

société par rapport à des sociétés cotées qui peuvent revendre leurs titres. Quel est ce

coût ? C’est l’actualisation sur le temps d’attente de la valeur de la société avant

décote. Si je considère qu’il me faut un an pour trouver un acquéreur, il faut en gros

que ma décote fasse une année d’actualisation de ma valeur. Admettons que le taux

d’actualisation soit de 10%, on prend en général 20% par prudence, mais c’est vrai que

je pense que ce 20% est un peu surestimé » (E16).

Si l’application des 20% en général semble être acceptée, que cet ajustement soit

assimilé à la taille ou à la liquidité, la question est maintenant si ces 20% varient selon

les situations (taille du bloc par exemple). Les avis semblent être partagés. En effet,

pour certains, un ajustement supplémentaire n’est justifié que par des situations bien

spécifiques : « Après est-ce que ce 20% varie en fonction des caractéristiques de la

société ou de la transaction? Pour ma part, je n’ai jamais vu autrement que pour des

actions spécifiques avec des clauses de lock-out, actions que l’on ne pouvait pas céder.

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On est bloqué pendant 3 ans. On n’a pas le droit de vendre ses titres du fait d’un pacte

d’actionnaires » (E16).

Pour d’autres, la décote peut varier selon d’autres situations. En effet, il a été énoncé

précédemment que pour certains professionnels, la décote de minorité n’était en aucun

cas utilisée comme un argument de décote. D’autres au contraire, pour prendre en

compte la difficulté qu’un minoritaire d’une société non cotée aura parfois à vendre sa

participation, vont avoir recours à la décote d’illiquidité.

3.3.1. Une participation minoritaire dans une société non cotée :

résolution du cas pratique présenté aux interlocuteurs

Dans notre cas pratique, nous sommes dans le cas d’un minoritaire aux clauses

statutaires inhabituelles en ce qu’elles restreignent le pouvoir des actionnaires

minoritaires non familiaux27. Notre cas a posé un problème d’appréciation.

Comme le fait remarquer un de nos interlocuteurs, la nécessité de l’ajustement

s’assimile plus à du bricolage qu’à autre chose : « […] oui effectivement ça mérite une

décote. Quelle est-elle ? On évalue des sociétés en se mettant dans la peau d’un

investisseur lambda en considérant que l’on a un actif financier parfaitement liquide

sur le marché. Dans ce cas précis, on va devoir bricoler. Toutefois, il y a des limites au

bricolage. Le jour où la société est en difficulté, les statuts changeront. La situation ne

devient intéressante que le jour où il y a un problème. Tant qu’il n y a pas de problèmes

et que le vaisseau continue, […] ce ne peut qu’être subjectif. Il faut revenir à la base de

ce que sont nos modèles financiers, nos modèles théoriques. Et de les rapprocher le

27

« Le président du directoire, ainsi que le président du conseil de surveillance doivent appartenir à la famille fondatrice », de plus « des quotas sont imposés au sein des instances de direction quant à l’appartenance à la famille fondatrice afin que cette dernière conserve des voix ».

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plus possible de la réalité. Mais il y a un moment où on n’y arrive pas. On bricole

tellement le modèle qu’on n’est plus dans le modèle » (E1)

Il est à noter que les réponses à notre cas pratique ont été diverses et variées. Les

réponses de nos interlocuteurs peuvent être regroupées en trois catégories qui sont

présentées ci-dessous:

� Les clauses présentées ne nécessitent aucune décote particulière

Pour un de nos interlocuteurs, les clauses citées ci-dessus ne nécessitent aucune décote

particulière, au contraire d’une clause qui aurait limité la cessibilité des titres : « Là où

j’aurais mis une décote ce serait plutôt si la revente des titres était subordonnée à

l’accord de la famille. Là oui, il y a une véritable décote. Car là vous avez des chances

de ne jamais, jamais revendre vos titres (E16).

Que la société verse ou non des dividendes ne devrait pas avoir d’incidences, au

contraire : « Et si la société ne distribue pas de dividendes, ça veut dire qu’elle vaut

plus chère que si elle avait rapporté des dividendes »(E17).

L’ajustement appliqué par l’évaluateur se limite donc à une décote usuelle de 20% pour

illiquidité à titre de simple ajustement lié à la non cotation de la société.

� Application d’une décote de liquidité ajustée

Pour la majorité de nos interlocuteurs, les statuts présentés nécessitent effectivement

une décote. La décote d’illiquidité de 20% est ajustée à la hausse afin de prendre en

compte la spécificité des statuts, atteignant ainsi les 40% pour certains: « On est un peu

dans la même situation qu’une société en commandite par actions, où une famille a tout

pouvoir. On mettrait une décote dans le haut de la fourchette, de 40% au moins » (E2).

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� Recours à la méthode par les dividendes

Pour certains, la politique de distribution de dividendes est un facteur déterminant: « Je

suis totalement entre les mains de mes majoritaires. Comme c’est très noyauté,

j’actualiserais mes dividendes, en prenant une actualisation equity travaillant en

hypothèses, au niveau du « dividend pay out » » (E4).

Pour un autre interlocuteur, l’application de la méthode quantitative développée par

Mercer (QMDM)28 est appropriée dans ce cas-ci. Ainsi, « afin de valoriser la décote

liée aux clauses statutaires limitatives, je me mettrais à la place d’un investisseur dont

l’unique objectif serait de prendre une participation dans le Groupe afin d’en tirer un

Taux de Rendement Interne (TRI) satisfaisant, disons 25%, c’est-à-dire conforme à ce

qu’attend un fond de Private Equity lors d’une prise de participation » (E13).

Cependant, cette méthode est fortement dépendante des hypothèses retenues comme

nous l’avons évoqué plus-haut (voir supra). Ainsi, un autre évaluateur à qui ce point de

vue a été présenté répond de façon sceptique: « Se mettre dans la peau d’un investisseur

« private equity » ? Oui mais à quel taux ? Quel taux le fonds d’investissement réalise-

t-il ? Le taux, c’est le rendement avant ou après l’effet de levier ? Si c’est après effet de

levier, j’y crois, mais si c’est avant, je n’y crois pas. Et justement, il se trouve que les

fonds de capital risque investissent en fonds propres, ce qui exclut donc l’effet de

levier » (E1). Un autre professionnel rajoute : « 25% c’est impossible, c’est l’objectif,

mais ils demandent 20% et plutôt 15%. De plus, en France, je crois bien que la

rentabilité finale des sociétés de Private Equity, tous investissements confondus, n’est

que de 1% » (E16).

28

Quantitative Marketability Discount Model (QMDM) a été développé par Mercer (voir supra)

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Par curiosité et compte tenu des hypothèses présentées au départ (faible taux de

distribution des dividendes), nous avons mis en place la méthode QMDM de Mercer vu

en première partie. Nos résultats nous ont menés à une décote de 76% pour un TRI pris

à 25% et un taux de distribution de dividendes très bas de 0,1%. Avec un TRI de 15% et

toutes choses égales par ailleurs, le modèle aboutit sur une décote de 58% (voir tableaux

en annexe B et C).

3.3.2. Les facteurs pris en compte par les professionnels pour la

détermination de la décote d’illiquidité

Parmi les facteurs influençant la décote d’illiquidité pour une participation minoritaire,

et au vu de ce qui a été présenté plus haut, on retrouve les facteurs suivants.

- Taille du bloc

- Informations disponibles

- Distribution de dividendes

- Perspectives de sortie

- Cycles économiques

- La nature de l’acquéreur

Ces aspects évoqués par nos interlocuteurs sont développés ci-dessous. Il convient

toutefois de préciser que ces propos illustrent davantage la constatation d’un écart post-

transaction que l’aspect évaluation au sens propre :

� Taille du bloc

Alors que la liquidité des actions cotées rend le contrôle peu important aux yeux des

investisseurs minoritaires de sociétés cotées, le manque de liquidité dans des sociétés

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non cotées rend le manque de contrôle problématique. Comme le fait remarquer

Nussenbaum (2002), il convient de souligner que la dissymétrie entre actionnaires

contrôlants et non contrôlants est plus grande pour les sociétés non cotées que pour les

sociétés cotées. C’est pourquoi, avec la protection des minoritaires, il n’y a pas de

décote de minorité pour une entreprise cotée, mais se traduit par une décote d’illiquidité

dans une société non cotée. Un évaluateur admet qu’une part minoritaire peut se vendre

avec une décote surprenante lié au rapport de force et à la négociation entre vendeurs et

acheteurs : « Une minorité dans une société non cotée ça peut se vendre avec 50% de

décote. En effet, qui va l’acheter ? Il y a ce que vous avez envie de vendre, il y a ce que

vous avez besoin de vendre. Ou vous pouvez dire ma valeur intrinsèque, ma valeur

intrinsèque, mais vous la touchez quand votre valeur intrinsèque ? Peut-être jamais. En

plus, vous vous trouvez dans un cas où la première génération formidable, la deuxième

génération incapable. Si vous ne vendez pas maintenant avec 50% de décote, peut-être

que dans les années futures, le business coulera et entre temps vous n’aurez pas pu

vendre. Tout cela pour dire, c’est plus une analyse de bon sens de la situation, du

vendeur, de l’acheteur, de l’objet qui permet de savoir quelle décote va pouvoir être

pratiquée » (E3).

En résumé, un actionnaire minoritaire dans une société non cotée est dépendant des

décisions et de la compétence du majoritaire. C’est ainsi qu’un évaluateur explique :

« J’applique la théorie « petit minoritaire petit con, gros minoritaire gros con29 ». Je

29

« Un petit actionnaire minoritaire est un petit con, un gros actionnaire minoritaire est un gros con » est une phrase célèbre d’Albert Frère, industriel belge. Toutefois, il convient de comprendre le contexte dans lequel ces propos ont été dits. En effet, comme l’explique ce dernier quelques années plus tard : « Je ne renie pas mes propos, mais il faut toutefois les replacer dans leur contexte de l’époque. Dans les années 80, l’heure n’était pas à la mondialisation ; la philosophie était d’être majoritaire dans des groupes qui n’avaient pas la dimension d’aujourd’hui. Maintenant, je préfère être le deuxième à Rome que le premier dans mon village. En d’autres termes, il n’est plus question d’être majoritaire, compte tenu de la taille des entreprises et de l’importance des capitaux propres à mettre en œuvre » (Le Point - Publié le 08/02/2002).

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vais calculer une décote qui va être due au fait qu’effectivement c’est illiquide. Si je

veux vendre, il faut que je le fasse de gré à gré. A cause de cela il va falloir que je

calcule une décote d’illiquidité pour commencer, ensuite plus mon bloc est gros, plus

ma décote de liquidité va être forte » (E5).

� Les perspectives de rendement

Certains intérêts minoritaires de sociétés non cotées ne distribuant pas de dividendes

peuvent justifier d’une décote d’illiquidité de l’ordre de 90% car les actionnaires ne

peuvent pas modifier leur situation (Nussenbaum, 1998). En effet, la société n’ayant pas

d’obligation de distribuer un dividende, l’actionnaire peut se trouver propriétaire d’un

actif sans aucun rendement qui trouverait très difficilement acquéreur. Ce point est

illustré par un évaluateur : « Quels sont les revenus générés par l’actionnaire ? Qui

décide de la politique de dividende ? Est-ce que les actionnaires majoritaires ont besoin

également d’un dividende ? C’est du cas par cas » (E3).

Un autre évaluateur rejoint ce point de vue : « Si c’est un moulin à eau qui ne fait que

de l’électricité, le truc, il n’y a qu’à laisser de l’eau tomber […], une « utility », aucun

problème ! Je touche mes 30% de bénéfices et ça tourne 100 ans. C’est une boite peu ou

pas risquée, je l’achète pour ses revenus. Ca va valoir assez cher car ça tourne autour

de ses flux de dividendes. A ce moment là on va regarder comment est verrouillé le

contrat, est-ce que les gens au pouvoir vont pouvoir empêcher de payer des dividendes,

et se servir de l’argent pour investir dans autre chose. Ca va être ça la question. Ca ne

va pas être est-ce qu’ils ont du pouvoir ou pas, ça va être plutôt est-ce que les flux sont

verrouillés ou pas » (E5).

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� L’accès à l’information

L’illiquidité renforce les coûts de transaction à travers ce que les économistes appellent

les asymétries d’information. Ces asymétries génèrent des coûts de surveillance pour les

actionnaires minoritaires qui se traduisent par un élargissement des fourchettes de

cotation (Nussenbaum, 1998).

Même si nous avons expliqué plus haut, au détriment de la décote de minorité, que la

protection du minoritaire était une chose essentielle et respectée, tout du moins dans nos

pays dits « développés », l’accès à l’information semble être un élément d’appréciation

indéniable pour l’évaluation d’une participation minoritaire d’une société non cotée :

« Lorsque vous êtes un minoritaire, vous n’êtes même pas capable de mettre en place

les méthodes d’évaluation. Vous êtes actionnaire minoritaire, vous êtes au conseil

d’administration ou vous ne l’êtes pas. Vous avez des informations très parcellaires. Le

business plan vous n’y avez même certainement pas accès. […] Le business plan,

j’insiste, vous ne l’avez pas toujours, ils sont soit trop optimistes, soit trop pessimistes,

ils sont rarement bons » (E3). Ce même évaluateur insiste sur le fait que l’information

pour un actionnaire minoritaire d’une une société non cotée est fondamentale : « On

regarde les flux sous réserve qu’on a accès à l’information. En France, les droits d’un

actionnaire minoritaire sur la communication et l’information sont assez faibles. Après

on peut demander une expertise de gestion, mais comme la société n’est pas obligée

d’avoir un business plan … » (E3).

Comme le précise un autre professionnel, cet ajustement dépendra d’un certain nombre

de facteurs tels que la confiance en la gestion par le majoritaire. En effet, un minoritaire

n’a pas de droits de regard sur la gestion de la société non cotée par les majoritaires:

« […] j’ai vendu des actions avec 40% de décote par rapport à ce que je pensais que la

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société valait. Mais j’étais convaincu que l’héritier allait ruiner la boite, ce qui est vrai,

car huit ans après c’était en dépôt de bilan. Il faut vendre, car on ne touchera de toute

façon jamais l’argent. Aujourd’hui ça vaut 20, mais on risque de toucher 0, donc on

accepte 10 » (E3).

� Les perspectives de sortie

Les perspectives de sortie pour des actionnaires entrent indéniablement en ligne de

compte comme l’indique un évaluateur : « Une fois que vous avez fait tous les

ajustements en termes de taille ou illiquidité et autres, vous avez des chiffres, des

fourchettes, votre bon sens rentre en action. Ma société, qui peut l’acheter ? Ma

participation, qui peut l’acheter ? » (E3).

Un autre évaluateur illustre ce point à partir de notre cas pratique présenté plus haut, et

fait des hypothèses sur les perspectives de sortie: « Qui contrôle, qui est le patriarche ?

C’est monsieur X, qui a fondé sa société en 1960, qui a soixante ans, qui est un vrai

tyran, pour lui un sou est un sou, il met tout dans sa société, il refuse de distribuer des

dividendes. Pendant les quinze prochaines années, il ne se passera rien, mais à terme,

quand il vendra, la famille qui n’en pourra plus, voudra à tout prix vendre la société à

un fonds ou à un concurrent qui fait des offres au patriarche depuis dix ans. Et

d’ailleurs, je sais à quel prix les offres ont été faites. Parce que je connais le marché, je

sais que le concurrent a fait 140 euros par action, soit une prime de 40%. Là je vais me

dire, ok, je sortirais dans quinze ans. J’applique donc une prime d’environ 40%, qui

sera payée à la fois à la famille, mais aussi à moi, à une valeur multicritère que j’aurais

calculé et j’actualise enfin le tout. C’est du sur mesure » (E4).

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Les perspectives de sortie sont des éléments d’appréciations forts pour l’évaluation des

participations des fonds de capital-investissement lors du reporting annuel. Nous

verrons ce point plus en détail plus bas.

� Le cycle économique

La prise en compte des cycles et des périodes comme facteurs déterminants des décotes

est également fondamentale comme l’explique un évaluateur : « Je tiens compte des

précédents et également des cycles. Bon nombre de secteurs sont très cycliques, donc ce

n’est pas parce qu’à un instant donné, j’ai des décotes très fortes que cette valeur est

valable à cet instant. Il y a aussi une appréciation des précédents, dans le cycle. A quel

moment on se trouvait quand telle ou telle décote était pratiquée ? On est assez prudent

sur ce que l’on fait, l’historique a un rôle très important » (E 4).

Sur ce point, un autre expert développe : « La règle des 25% est valable en ce moment,

il y a des périodes de marchés difficiles, où l’on applique une décote supérieure.

Comment on définit ça ? C’est du feeling pur. C’est historique, et de plus, si c’est pour

faire une décote de 5% ça ne vaut pas vraiment la peine, et si c’est pour faire une

décote de 50%, on va dire que l’évaluation n’a plus vraiment de sens. On est donc entre

25% et 30% » (E 3).

En résumé, les évaluateurs se fixent un intervalle plus ou moins large qui se situe entre

15% et 30%, et celui-ci variera à la hausse ou à la baisse en fonction des cycles

économiques.

� La prise en compte de la nature de l’acquéreur

La décote d’illiquidté reflète les inconvénients subis du fait de la détention d’un actif

illiquide. Ainsi, le niveau de décote est fonction de la nature de l’acheteur. Nussenbaum

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(2002) évoque d’ailleurs ce point en précisant qu’une décote d’illiquidité n’est pas

applicable pour certains lorsqu’une société cotée rachète les titres d’une société non

cotée. En effet, par son acquisition, les actions de la société rachetée deviendraient

liquides.

A l’instar des conclusions fournies par l’étude de PWC présentées ci-dessus, nos

interlocuteurs ne prennent généralement pas en compte la nature de l’acquéreur, mais

admettent toutefois que celle-ci influence grandement la transaction.

Ainsi, comme un évaluateur explique : « On ne fait pas de différence entre la nature de

l’acquéreur. On en prend compte pour l’appréciation des synergies, donc la valeur

pour l’acquéreur » (E4). Pour un autre professionnel, c’est une question de stratégie de

la part de la société acquéreuse : « L’investisseur n’a pas d’impact sur la valeur.

L’entreprise cotée pourrait être prête à payer un peu plus cher et à payer une prime

pour pouvoir acheter l’entreprise non cotée. Ce n’est pas forcément parce qu’elle

valorise cette société beaucoup plus, c’est peut-être parce qu’elle a besoin d’acheter et

est prête à payer des primes pour croitre par exemple. Ce n’est pas forcément parce

qu’elle veut transformer du non liquide en du liquide » (E1).

Pourtant, un évaluateur n’omet pas le fait que la nature cotée d’un acquéreur peut avoir

une influence sur le résultat de la transaction : « La nature de l’acquéreur joue. En effet,

si l’acquéreur est coté, ça peut être dilutif pour lui si son PER est inférieur à celui de la

cible. A l’inverse, pour les sociétés cotées qui ont un PER de 14, ça peut être relutif si

elles achètent un PER à 8 » (E2). Ce raisonnement entre plutôt dans une stratégie

financière de la société cotée, qui décidera en fonction de sa politique, du prix offert

pour l’acquisition de la société non cotée.

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En conclusion, les facteurs pris en compte par les professionnels pour l’application de la

décote d’illiquidité sont similaires à ceux repris dans l’arrêt Mandelbaum (voir supra.).

Nous retrouvons l’importance de la politique de dividendes, la compétence du

management ainsi que l’accès et la fiabilité de l’information, notamment pour un

actionnaire minoritaire. Faute de référentiels précis, les professionnels s’en remettent à

une convention qui établit l’ajustement lié à l’illiquidité des titres d’une société non

cotée à 20%. Cette décote varie à la hausse comme à la baisse suivant les éléments cités

ci-dessus. L’étude de PWC (2008) constate également implicitement le même

phénomène. En effet, la décote pour illiquidité appliquée par les professionnels selon

l’étude est d’environ 18 -19%.

3.4. Les décotes appliquées par les acteurs du capital-

investissement

La profession du Private Equity s’est beaucoup professionnalisée depuis quelques

années et cherche à homogénéiser le plus possible les pratiques en matière d’évaluation.

La profession a pris en considération les évolutions des normes comptables

internationales édictées par l’IASB, à savoir l’intégration de la juste valeur dans les

comptes financiers selon la norme IAS 39. Nous présenterons ci-dessous le guide

d’évaluation d’investissement à l’attention des sociétés du Private Equity, dont le but est

justement d’établir des standards au niveau européen et mondial. Nous démontrerons

toutefois, qu’il reste encore de fortes disparités dans la profession et que le principe de

la prééminence du jugement, fonction notamment de l’expérience, est ici très présent.

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3.4.1. Les indications figurant dans les guides de capital

investissement

L’ « International Private Equity and Venture Capital Guidelines » a publié un guide

visant à donner des indications sur les décotes à appliquer pour les besoins du reporting

des fonds de capital investissement. Il est fait référence à une décote générale dite de

« négociabilité ». Selon le guide, cette décote, indépendamment du jugement de

l’évaluateur, devrait se situer dans un intervalle entre 10% et 30% compte tenu des

droits de votes, du degré d’influence et de la coopération des autres actionnaires.

Le guide précise bien que la notion de décote de négociabilité s’applique à

l’investissement plutôt qu’à l’entreprise sous-jacente et que le concept de juste valeur

suppose que la décote soit déterminée du point de vue des acteurs du marché, et non pas

de l’investisseur existant. La décote diminue à mesure que la réalisation de

l’investissement est proche et certaine, et à mesure que l’investisseur a une influence

assurée sur la réalisation de l’investissement. Les perspectives et risques de sortie sont

donc déterminants. Ainsi, les conditions économiques qui viendront impacter la cotation

ou cession finale de la participation sont prises en compte.

Le guide conclut que la détermination de la décote de négociabilité est propre au

jugement de l’évaluateur et qu’il est possible que dans certains cas, une telle décote ne

soit pas pertinente. Il précise qu’en règle générale, « la décote se situe selon les

circonstances dans une fourchette de 10% à 30% (par tranche de 5%) ». Une décote de

10% est ainsi recommandée si le fonds a la capacité juridique et la coopération des

autres actionnaires de mettre en œuvre sa stratégie de sortie. Si le fonds est minoritaire,

une décote de 30% est justifiée car il n’aura pas plein pouvoir sur sa stratégie de sortie

éventuelle. Enfin, une décote de 20% doit être appliquée si le fonds est minoritaire mais

que les autres actionnaires sont coopératifs.

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On retrouve ici les éléments d’appréciation d’une décote évoquée plus haut, à savoir les

perspectives de sortie dans le cadre d’un investissement de Private Equity.

3.4.2. Des disparités entre acteurs du Private Equity

En général, les pratiques des fonds d’investissement sont en ligne avec les autres acteurs

de l’évaluation de sociétés. Toutefois, on peut plus facilement relever les disparités

existantes entre les acteurs de ce secteur.

Ainsi, comme la SFEV l’a spécifié dans son rapport de 2008, bien que les divers guides

existants du capital investissement prévoient des décotes pour non liquidité ou des

décotes de négociabilité, l’évolution des pratiques du « private equity » tend vers une

application moins systématique des décotes. L’étude de Cédric Jolidon de 2008 (voir

supra) confirme ce point. En effet, seul 59% des répondants appliquent des décotes. En

effet, beaucoup les intègrent déjà implicitement dans les taux de rendement, qui incluent

le risque généré par l’illiquidité de l’investissement. Ainsi, alors que pour un

investissement de long terme, l’objectif de rentabilité est de l’ordre de 10%, on trouvera

selon les cas, pour des investissements dans des sociétés non cotées, des taux de l’ordre

de 15% pour des affaires bien établies et jusqu’à 25 - 30% pour des start-up (Walter,

Brian, 2007).

Un gérant d’un fonds de capital-investissement nous fait part de ses pratiques pour

l’évaluation de ses participations pour les besoins du reporting trimestriel: « Nous,

quand on fait nos rapports trimestriels pour nos investisseurs, on fait effectivement une

évaluation de toutes nos participations. On les passe en revue systématiquement »

(E18). Ce dernier explique que pour sa part, il évite l’application de décotes standards

préconisées par les instances réglementaires : « Alors ce qui est vrai, c’est que l’on a eu

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pendant très longtemps, une méthodologie, assez simpliste, on prenait une décote

d’illiquidité à chaque fois de 15% appliquée aux multiples. […] ».

Celui-ci explique que l’application de décotes par les gérants de Private Equity est

souvent stratégique : « Beaucoup prenaient donc des évaluations généralement

inférieures à ce qu’était la valeur réelle, pour pouvoir bien externaliser les plus-values

au moment où l’on vendait. On a fait ça pendant très longtemps et on ne se souciait pas

de savoir si les 15% avaient une matérialité ou si c’était un chiffre que l’on pouvait

prendre de manière transversale pour toutes les participations dans tous les secteurs ».

Ce dernier poursuit sur les pratiques de sa société d’investissement en insistant sur le

fait que les décotes ne sont plus utilisées systématiquement et que la valeur en

portefeuille est déterminée d’une manière beaucoup plus raisonnée et propre au

raisonnement des investisseurs du Private Equity : « Aujourd’hui, le marché s’est

beaucoup professionnalisé, et chacun veut avoir l’évaluation la plus juste possible.

Chacun tend à avoir sa méthode d’évaluation. Il y a des grandes règles fixées par

l’EVC qu’il faut suivre, et qui font standards de marché pour les investisseurs. […].

Pour notre part, tous les trimestres, on repasse en revue nos cinq participations et ça

prend deux journées On refait le Business Plan de la boite, pour savoir ce que l’on

pense combien la boite vaut, et la logique de dynamique des prochains mois » (E18).

En conclusion, les pratiques des professionnels du capital-investissement, en termes

d’évaluation d’entreprises, sont très spécifiques. En effet, comme le constate l’étude de

Jolidon (2007), les gérants de capital-investissement attachent une importance

particulière aux perspectives de sortie. Par ailleurs, beaucoup d’acteurs de ce secteur

n’appliquent pas de décote de manière explicite mais implicite en appliquant non pas un

coût du capital aux flux de trésorerie, mais un Taux de Rendement Interne (TRI).

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4. La contrainte légale : analyse juridique et fiscale

Le résultat des évaluations de titres sociaux amène parfois à contestation. Deux aspects

peuvent être dégagés de prime abord : d’une part, les contestations qui opposent des

associés à d’autres associés, à la société ou à des ex-associés, qui nécessitent le recours

à un expert selon l’article 1843-4 du Code-Civil et d’autre part, les contestations

opposant les associés et l’administration fiscale. Ces contestations portent généralement

sur des opérations de cessions, de donations, mais s’étendent de plus en plus aux

opérations de restructuration30.

Nous nous intéresserons dans cette partie plus particulièrement aux contestations,

impliquant l’administration fiscale, qui souvent mettent en avant le recours à des primes

et décotes diverses. Les deux principaux cas qui opposent l’administration aux

personnes physiques ou morales sont soit relatifs au calcul des droits d’enregistrement,

soit au calcul des impôts directs.

L’analyse de la jurisprudence amène à la conclusion que l’évaluation est considérée

comme une discipline à part entière. En effet, la diversité des situations, qu’il s’agisse

de la société ou des actionnaires, et la diversité des méthodes d’évaluation ouvrent la

voie à « des discussions sans fin de marchands de tapis31 ».

La valeur qui prime devant la justice et en matière fiscale est la valeur vénale (proche de

la valeur de référence définie en première partie) qui est « le prix qui pourrait être

obtenu du bien par le jeu de l’offre et de la demande dans un marché réel, compte

tenu de l’état dans lequel il se trouve avant la mutation32 ». Le critère d’évaluation

qui a en principe priorité, est celui du prix auquel ont été conclues d’autres transactions

30 Bulletin Joly Sociétés, 1er novembre 2001 n°11, p 1045 31 O. Fouquet, L’évaluation des titres non cotés, décembre 2009 32 Com. 23.10.84, B. n°275, p 224

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portant sur les titres de la même société et se présentant dans des conditions

équivalentes, à la condition que ces transactions aient été effectuées dans un délai

raisonnable.

L’administration en revanche, a une préférence pour des méthodes d’évaluation

classiques qui seront pondérées, si besoin est, pour apprécier la position minoritaire ou

majoritaire des participations à évaluer.

L’administration prête tout particulièrement attention à la différence entre le prix auquel

le bien a été cédé ou vendu et sa valeur vénale. Ainsi, tout écart entre le prix convenu et

la valeur vénale qui ne sera pas justifié sera considéré comme une libéralité. Toutefois il

y a lieu de tempérer ces propos. En effet, si le prix se situe à l’intérieur de la fourchette

d’évaluation qui est généralement large, celui-ci ne peut être qualifié de libéralité. Et

tant bien même le prix dépasse la fourchette haute de l’évaluation, la libéralité n’est

constituée que si l’écart avec la fourchette basse est significative. On comprend bien

l’importance de bien estimer la valeur vénale d’un bien et de comprendre quelles

décotes et primes peuvent être appliquées afin d’éviter toute contestation33.

Nous soulignons le fait que si d’un point de vue strictement économique,

l’accumulation des décotes (taille, illiquidité et minorité) est souvent incorrecte et non

justifiée, elle est possible et usuelle pour la détermination de la valeur de biens d’un

point de vue strictement fiscal. Ainsi, l’administration dans son guide fiscal de 2006,

l’admet et consacre même une sous-section à ce sujet.

Toutefois, l’administration maintient des pratiques de pondération de diverses méthodes

d’évaluation, pratiques totalement étrangères aux usages du marché. « Plus préoccupant

encore, elle établit une corrélation artificielle entre le choix des coefficients 33

Poirier Roland, Valorisation des titres de sociétés non cotés : l’inestimable contrôle du Conseil d’Etat sur la méthodologie, Revue de droit Fiscal, n°41, 8 octobre 2009

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pondérateurs et le caractère minoritaire/majoritaire des participations. Dans la mesure

où le jeu des pondérations semble exclusif de l’application de décotes, il contribue à

brouiller la position de l’administration sur la question des primes et décotes34. »

Nous analyserons ici les pratiques de l’administration fiscale et les arrêts de

jurisprudences récents, mais également les arrêts historiques qui font référence.

4.1. Les ajustements pour prendre en compte les spécificités de

la société

L’administration a recourt à des méthodes d’évaluation anciennes (patrimoniale et

revenus) qu’elle pondère selon les situations. Ces méthodes sont pour beaucoup

« obsolètes » et ne rendent pas compte des spécificités de la société, de ses perspectives

d’avenir qui se traduisent le plus souvent en plus-value. Elles ne prennent également pas

en compte les risques de moins values liés à la personnalité du dirigeant, dits décote

d’homme clé35. Ainsi, la cour de cassation a, au fil des années, émis une liste non

limitative des éléments à prendre en compte pour mieux appréhender la situation de la

société36.

4.2. La liquidité des parts

Position de l’administration fiscale : L’administration fiscale admet, dans son guide de

2006, une décote pour non liquidité pour les titres minoritaires de sociétés non cotées de

20 à 30% à appliquer soit sur les multiples boursiers, soit sous forme de prime à

appliquer dans le taux de capitalisation dans la méthode par les flux37.

34 Goetzinger, « Nouveau guide d’évaluation des entreprises de la DGI », Option Finance, 11/02/08, p 1 35

www.contentieuxfiscal.com/DocsFolder/1628_fichier.pdf 36

Clermont-Ferrand 6 décembre 1950, Ind. 7322-12 37 L’évaluation des entreprises et des titres de sociétés, DGI (2006)

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Par ailleurs, la décote pour non liquidité est minorée afin d’évaluer des titres

majoritaires de sociétés non cotées, car « s’ils sont moins liquides que des titres cotés,

ils emportent pouvoir de contrôle38 ». Toutefois, « lorsque le paquet d’actions non

cotées à valoriser emporte pouvoir de contrôle, la décote pour non liquidité peut se

compenser par l’application d’une prime de contrôle »39.

Position de la jurisprudence : En France la Cour de Cassation admet en général une

décote se situant entre 25 et 33% à titre d’illiquidité d’une société non cotée par rapport

aux titres cotés40.

Au niveau de la jurisprudence allemande, l’acceptation d’une décote d’illiquidité est

variable suivant les tribunaux des différents Länder. Pour la raison d’illustration, le

tribunal de Dortmund a refusé la décote d’illiquidité au titre que des titres d’une société

non cotée ne doivent pas être détenus pour des raisons spéculatives, et que donc la

revente instantanée des titres ne doit pas affecter leur valeur41.

Aux Etats-Unis, les juges se basent depuis longtemps sur les études empiriques

(restricted stocks studies). Toutefois, depuis quelques années, les juges semblent

insatisfaits par les moyennes et le manque de détails qui ressortent de ces études (Lance

Hall, 2008). En effet, pour reprendre ce qui a été énoncé plus haut, les études

empiriques sur les primes et décotes sont systématiquement utilisées par les juges

américains, au contraire des pratiques européennes où l’on fait davantage référence à

une convention afin de satisfaire les besoins informationnels.

38 Guide DGI, 2006, p 23 39

Guide DGI, 2006, p 23 40

Shiller, « l’évaluation de la préférence », revue des sociétés, 2006, p 703 41 LG Dortmund, 1 avril 2004, Az 18 AktE 2/03, Der Konzern (2004), p 496 - 502

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4.3. Les restrictions juridiques

Position de l’administration fiscale : L’administration prévoit le cas où les statuts

contiennent des clauses restreignant la libre cessibilité des parts à des tiers. Ainsi en se

référant à un arrêt de jurisprudence elle énonce qu’« il est possible pour les titres

affectés par la clause d’agrément de retenir un abattement de 10%42».

Toutefois, au contraire des clauses statutaires, « sauf cas particulier, l’existence de

pactes d’actionnaires, ou d’un engagement collectif de conservation qui relèvent d’un

contrat personnel n’ont d’effet qu’entre parties et ne justifient pas l’application d’un

abattement supplémentaire sur la valeur. Il ne faut pas perdre de vue en effet l’intérêt de

ces pactes pour les actionnaires qui les signent43 ».

En Suisse, l’application de décotes pour non liquidité est admise par l’administration

fiscale. Une déduction de 30% est prévue par la circulaire 28 de la conférence suisse des

impôts en cas de restriction dans la transmissibilité des parts. Les conventions entre

actionnaires par contre n’entrainent pas d’ajustements44.

Position de la jurisprudence : La jurisprudence distingue deux clauses statutaires, celles

fixant le prix de rachat des titres et celles limitant leur cessibilité.

La Cour de cassation a jugé que l’on devait prendre en considération autant les

avantages, que les inconvénients de la clause d’agrément afin d’apprécier son incidence

sur la valeur vénale des titres45.

42 Cour de cassation, 1er avril 1997, N°872 D, arrêt Marion, Guide DGI 2006, p 26 43

Guide DGI 2006, p 25 44

Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique, Franck Gerhard (2010) 45 Cour de cassation, 1er avril 1997, N°872 D, arrêt Marion

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Concernant les clauses de préemption, la Cour de cassation fixe ainsi la décote à 10%46.

Dans une autre affaire, la clause de préemption a un impact clairement négatif sur la

valeur du titre (décote fixée à 16%47).

Concernant les clauses limitant la libre cessibilité des parts, une décote de 15% a été

admise pour tenir compte de l’incessibilité des titres pendant deux années48.

La Cour de cassation a admis dans plusieurs décisions l’existence de décotes dues à

l’absence de liquidité du titre.

Dans un cas, le Conseil d’Etat a toutefois refusé l’abattement de 33% pour non liquidité

pour motif que les titres en question faisaient l’objet d’une clause de rachat

permanente49.

4.4. Les participations minoritaires

L’absence de pouvoir de décision entraîne inévitablement une décote d’un point de vue

juridique et fiscal, mais celle-ci est difficile à chiffrer comme on l’a fait remarquer en

première partie de ce document. La méthode de rentabilité a ainsi été considérée comme

appropriée dans ces cas-ci, ce qui diminue la valeur des titres de sociétés ne versant peu

ou pas de dividendes, seuls bénéfices d’un actionnaire minoritaire dépourvu de tout

autre droit.

Position de l’administration fiscale : L’administration fiscale française admet une

décote de minorité en précisant dans son guide, que la valeur de tous les titres d’une

société n’est pas obligatoirement égale à la valeur globale de celle-ci.

46 Com. 1er avr. 1997, n° 95-12.723, RJF 7/1997, n° 752; Bull. Joly 1997, § 231, p. 731. 47 Com. 8 juill. 1997, Bull. civ. IV, n° 226 ; RJF 12/1997, n° 1197. 48 Cass. com. 8 juill. 1997, Bull. civ. IV, n° 226, p. 196 ; RJF 12/1997, n° 1197 49 Conseil d’Etat, 3 juillet 2009, 301299

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On évoquera aussi l’administration fiscale suisse, qui selon la circulaire n°28, admet

une déduction forfaitaire de 30% sur une participation minoritaire seulement lorsque

l’actionnaire ne perçoit pas de dividendes50.

Position de la jurisprudence : La jurisprudence admet une décote de minorité de 15%51.

Mais quelle est la valeur par exemple, de titres qui n’apportent quasiment aucune

prérogative à leurs titulaires ? Un arrêt de cour de cassation a jugé que « la limite

apportée à la liberté de disposer des titres donnés n’affecte pas leur valeur vénale

réelle » 52. L’Arrêt Theron du 28 février 2001 a reconnu l’existence d’une décote de

minorité. Enfin, le Conseil d’Etat a reconnu en 1986 l’existence de la prime de contrôle.

Cas de refus : La jurisprudence, bien qu’elle admette une différence de valeur liée au

contrôle et à une minorité, dans un arrêt datant de 2009 relatif à un rachat de 100% des

parts d’une société, elle n’a pas admis la décote de minorité que l’administration avait

fixée à 20%, au titre que les minoritaires dans le cadre d’un rachat à 100% sont en

même situation de force qu’un majoritaire53.

50

Gerhard, « Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique, p 54 51 Cour de cassation, 6 mai 2003, 01 – 13118, décote de 15% acceptée pour des titres de SCI 52 Cour de cassation, 6 février 2007 53 Conseil d’Etat, 3 juillet 2009, n° 301299

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Conclusion de la seconde partie

Cette seconde partie avait pour objectif de dresser un tableau sur l’application réelle et

pratique des primes et décotes. Pour cela, des entretiens avec des professionnels de

l’évaluation, ainsi que certains arrêts de jurisprudence ont été décrits et analysés.

Les résultats des études empiriques présentées en première partie prouvent que les

primes décotes existent et que pour établir la juste valeur d’une société ou d’une

participation, il est nécessaire d’y recourir. Toutefois, pour la détermination de ces

ajustements, ces études ne donnent qu’un ordre de grandeur et aucune n’est en réalité

considérée comme applicable telle quelle par les professionnels de l’évaluation. L’étude

PWC (2008) démontre qu’il existe effectivement une disparité entre les praticiens

concernant l’application des primes et décotes.

Suite à nos entretiens, nous pouvons affirmer que faute de référentiels, le jugement

rentre en majeure partie en ligne de compte après une analyse approfondie de la

situation. Toutefois, nous avons constaté qu’il était laissé aux évaluateurs européens une

plus grande marge de manœuvre qu’à leurs confrères américains, dont les études

empiriques sur le sujet sont nombreuses et les arrêts de jurisprudences font office de

lois.

Dans cette partie nous remarquons également qu’au final, ce qui est important ce n’est

pas tant la décomposition de l’ajustement en telle ou telle décote (minorité, illiquidité,

taille ou encore spécifique), mais bien la valeur finale déterminée. En effet, un

évaluateur connait plus ou moins la valeur de la société du fait de sa propre appréciation

de celle-ci et de son expérience. Comme le fait remarquer un de nos interlocuteurs :

« L’avantage de la prime et décote, c’est que pour un évaluateur qui travaille à titre

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privé pour un client qui connait plus ou moins le résultat auquel il veut arriver, à

quelques pourcentages près, mettre une décote de 20% ou de 30%, va la faire se

rapprocher de sa propre estimation immatérielle de la chose. Tout évaluateur sait à peu

près combien vaut la société qu’il évalue avant de commencer l’évaluation. Et de

manière inconsciente, c’est sûr, on est plutôt amené à utiliser telle décote qui va faire

tendre à ce que l’on s’attend à arriver que telle autre. C’est pour ça qu’il n’y a pas de

primes et décotes à priori applicables » (E16).

Enfin, cet ajustement final semble être quelque peu normé et fait appel au consensus de

place ou à une certaine convention émergente au sein de la profession de l’évaluation:

« Moi je sais que dans mon cabinet, jamais on va signer un rapport où la décote sera

supérieure à 30%, c’est toujours entre 10 et 30%, et c’est très souvent à 20%. Est-ce

que c’est une pratique communément admise, ou est-ce que c’est tellement admis que ça

en devient presque une théorie, je ne sais pas ».

Ainsi, parce que l’évaluation résulte d’une certaine logique et d’une appréciation propre

au professionnel, le risque d’accumulation de décotes injustifiées semble, au vu de nos

entretiens, assez limité.

Finalement, les décotes appliquées sont un compromis de la décote d’illiquidité, de

taille, de minorité et primes spécifiques, car les études ont bien démontré que

l’accumulation des décotes n’est pas une solution.

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Conclusion Générale

Cette recherche avait pour but de comprendre les pratiques des professionnels de

l’évaluation et diffère donc d’une recherche quantitative post transaction.

Dans un premier temps, nous avons présenté une synthèse des études empiriques, en

majorité américaines, concernant les diverses décotes qui existent pour des sociétés non

cotées par rapport aux sociétés cotées. Et dans un deuxième temps, nous avons

finalement constaté que les résultats de ces études servaient davantage les intérêts des

experts judiciaires américains que les professionnels européens de l’évaluation.

Il faut également avoir en tête que les primes et décotes peuvent servir deux intérêts

différents. D’un coté, les experts les utilisent pour corriger certains effets qui n’auraient

pas été pris en compte dans une évaluation. D’un autre côté, elles peuvent servir à

justifier la différence constatée entre le prix et la valeur post transaction.

C’est pourquoi, finalement, dans l’application des primes et décotes en vue d’une

évaluation et non en vue d’une justification de prix, il existe un consensus entre

professionnels. Les évaluateurs sont donc assez contenus dans leur créativité concernant

l’application des primes et décotes.

Ainsi, bien que l’étude de 2008 réalisée par PWC (voir supra) montre une large

disparité concernant la taille de ces ajustements, nous remarquons que tout du moins sur

la place financière française, un consensus existe. Ce consensus, bien que contenu dans

des intervalles relativement larges, est reconnu par la majorité des praticiens. La

référence en la matière est sans aucun doute le rapport effectué en 2008 par le groupe de

travail de la SFEV.

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Le rapport de la SFEV mentionne d’ailleurs, que le taux le plus fréquemment utilisé

devrait être 20% à titre de décote d’illiquidité pour les sociétés non cotées. Cette décote

correspond aux résultats des dernières études sur les « restricted stocks » (voir supra) et

correspond également aux résultats de l’étude de PWC (2008), dont la décote pour

illiquidité était estimée en moyenne à 18-19%. Toutefois, il faudrait être prudent avec

cette convention des « 20% » comme le fait remarquer Dodel (2008) dans sa thèse. En

effet, Dodel démontre que pour les sociétés allemandes (voir supra), la décote pour

illiquidité est bien inférieure aux 20% usuels appliqués par les professionnels de

l’évaluation. Un de nos interlocuteurs (E16) estime également que la convention des

20% est parfois surestimée.

De plus, comme nous l’avons notifié en deuxième partie, la décote de minorité n’est pas

explicitement retenue comme ajustement par les professionnels, car elle sert davantage

une justification de prix, et donc un rapport de force dans une négociation entre

majoritaires et minoritaires, qu’un argument valable dans le but d’une évaluation. Ce

constat diverge des résultats issus des études effectuées par Jolidon (2007) et PWC

(2008), qui constatent en effet que la décote de minorité est communément utilisée par

les professionnels.

Des différences persistent cependant entre évaluateurs. Parce que chaque cas est

différent, les facteurs à prendre en compte dépendent des circonstances spécifiques à la

fois propres à la société, et propres au contexte dans lequel se situe l’évaluation. Les

décotes de tailles, les décotes d’« homme clé », et autres décotes pour risques

spécifiques sont appliquées en conséquence, par une augmentation ou une diminution

de la convention des 20% et ne correspondent pas nécessairement aux résultats des

études empiriques anglo-saxonnes présentées en première partie.

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Gén

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Les pratiques peuvent également différer entre les diverses professions qui ont recourt à

l’évaluation. En effet, si les experts indépendants ont une obligation d’équité, les

sociétés de conseil ou les banques d’affaires seront toujours du côté d’une partie à la

transaction. Enfin, les sociétés de capital investissement et les services « corporate »

des sociétés, étant davantage dans le marché, utiliserons les décotes de façon implicite.

La principale limite de cette recherche est d’ordre méthodologique. Notre recherche

s’est intéressée aux pratiques d’un large spectre d’acteurs de la profession de

l’évaluation et ne s’est donc pas limitée à une seule catégorie d’acteurs, telle que les

experts indépendants par exemple. Ceci a pour principal inconvénient de rester général

dans nos appréciations et donne davantage une vue d’ensemble qu’une analyse précise

et détaillée des pratiques. Une autre limite, déjà évoquée dans le corps du texte, est

relative à la subjectivité des propos rapportés par nos interlocuteurs.

Ainsi, plusieurs pistes de recherches supplémentaires peuvent être mentionnées en vue

d’approfondir le sujet. Ces recherches auront l’avantage d’être objectives par nature, car

elles se baseraient sur des éléments tangibles aisément comparables :

- s’intéresser aux pratiques des experts indépendants par l’analyse des rapports

d’expertises et comparer les diverses pratiques en termes de primes et décotes ;

- s’intéresser aux pratiques des sociétés de capital investissement par l’analyse des

pratiques en termes d’évaluation des participations non cotées figurant dans

leurs rapports annuels. A titre d’exemple, une étude sur cet aspect a été réalisée

en interne par un cabinet d’audit. Celui-ci a comparé les pratiques de six grandes

sociétés de Private Equity et a ainsi constaté des écarts en termes de décotes

utilisées.

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Bibliographie

Livres

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Articles

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NATH Eric, “How Public Guideline Companies Represent Control Value for a private

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NUSSENBAUM Maurice, « Prime de contrôle, décote de minorité et d’illiquidité »,

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NUSSENBAUM Maurice, « Evaluation d’entreprise : comment calculer les primes ou

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titres de sociétés »,123 pages.

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LANCE S HALL (2008), “Is There a “Best” Lack of Marketability Discount Model?”,

conférence prononcé à l’université de droit de San Diego, décembre, 13 pages.

PRICEWATERHOUSECOOPERS (2001), « Primes de contrôle », juillet, 32 pages.

PRICEWATERHOUSECOOPERS (2008), ”Valuation Methodology Survey 2007/08” ,

60 pages.

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pages.

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Mémoires et thèses

Mme DODEL Kerstin, Valuation of German “Mittelstand” Companies, thèse de

doctorat, Université de St Gallen, année 2009, 214 pages hors annexes.

Mr JOLIDON Cedric, The Application of the marketability discount in the valuation of

Swiss private companies, Memoire et rapport de Master (MBA), Open University,

année 2007, 30 pages hors annexes.

Page 124: L’utilisation des décotes dans les évaluations d ... · Conservatoire National des Arts et Métiers Mémoire en vue de l'obtention de Master en sciences de gestion, mention Comptabilité,

124

Annexe A – Schémas d’application des primes et décotes (Source: Shannon Pratt, 2009)

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Annexe B – Modélisation de la méthode QMDM (TRI 25%)

Tableau n°

Modèle quantitatif du calcul de la décote de non liquidité (QMDM)

Données de l'investisseur

Période de détention prévue 7 ans

Taux de distribution de dividendes 0,1%

Croissance des dividendes 0%

Croissance dans la valeur du titre 2% 111 €

Taux de rendement espéré 25% 109 €

108 €

106 €

105 €

103 €

102 €

100 €

Distribution de dividendes

0,1 € 0,1 € 0,1 € 0,1 € 0,1 € 0,1 € 0,1 €

0 1 2 3 4 5 6 7

Coef d'actualisation des CF 1 2 3 4 5 6 7

Coef d'actualisation de la valeur de revente 0,80 0,64 0,51 0,41 0,33 0,26 0,21

Valeur non liquide de minoritaires

CF 0 € 1% 0,08 € 0,06 € 0,05 € 0,04 € 0,03 € 0,03 € 0,02 €

Valeur finale 23 € 99% 23,28 €

valeur non liquide de minoritaire 24 € 100%

Calcul de la décote de non liquidité

Valeur de la société liquide 100 €

Valeur non liquide 24 €

Décote de liquidité 76%

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Annexe C – Modélisation de la méthode QMDM (TRI 15%)

Tableau n°

Modèle quantitatif du calcul de la décote de non liquidité (QMDM)

Données de l'investisseur

Période de détention prévue 7 ans

Taux de distribution de dividendes 0%

Croissance des dividendes 0%

Croissance dans la valeur du titre 2% 111 €

Taux de rendement espéré 15% 109 €

108 €

106 €

105 €

103 €

102 €

100 €

Distribution de dividendes

0,1 € 0,1 € 0,1 € 0,1 € 0,1 € 0,1 € 0,1 €

0 1 2 3 4 5 6 7

Coef d'actualisation des CF 1 2 3 4 5 6 7

Coef d'actualisation de la valeur de revente 0,87 0,76 0,66 0,57 0,50 0,43 0,38

Valeur non liquide de minoritaires

CF 0 € 1% 0,09 € 0,08 € 0,07 € 0,06 € 0,05 € 0,04 € 0,04 €

Valeur finale 42 € 99% 41,72 €

valeur non liquide de minoritaire 42 € 100%

Calcul de la décote de non liquidité

Valeur de la société liquide 100 €

Valeur non liquide 42 €

Décote de liquidité 58%

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Table des Matières

Introduction ________________________________________________________________ 9

I. - Théorie et revue de littérature ___________________________________________ 12

1. Définition et fondement des primes et décotes _______________________________ 13

1.1. Première approche des primes et décotes _______________________________ 13

1.2. Concepts de base __________________________________________________ 16

1.2.1. Valeur globale vs valeur individuelle ________________________________ 16

1.2.2. Valeurs de base et valeurs de référence ______________________________ 17

1.2.3. Le lien entre les décotes et les méthode d’évaluation ____________________ 18

2. Les ajustements liés à la taille et aux spécificités de la société: études empiriques et théories _________________________________________________________________ 20

2.1. La décote de taille _________________________________________________ 21

2.2. La décote pour homme clé __________________________________________ 24

3. Les ajustements liés au contrôle __________________________________________ 25

3.1. La prime de contrôle _______________________________________________ 25

3.2. La décote de minorité ______________________________________________ 26

3.3. Les valeurs de références : valeurs de majoritaire ou de minoritaire ? _________ 28

3.4. Droits de vote vs sans droits de vote ___________________________________ 30

4. Les ajustements liés à la liquidité : théories et études empiriques ________________ 31

4.1. La décote de non liquidité ___________________________________________ 32

4.1.1. Les approches traditionnelles ______________________________________ 33

4.1.2. Les approches analytiques _________________________________________ 38

4.1.3. Les approches par les comparables de transaction ______________________ 42

4.1.4. Les autres approches _____________________________________________ 45

4.1.5. Résumé des études empiriques _____________________________________ 49

4.2. Les facteurs affectant la décote d’illiquidité _____________________________ 50

4.2.1. Une distinction entre participation majoritaire et participation minoritaire ___ 50

4.2.2. Les facteurs pris en compte ________________________________________ 52

4.3. La décote de non cessibilité et autres clauses statutaires ___________________ 55

5. Etudes empiriques effectuées sur les pratiques en matière d’évaluation d’entreprises non cotées ___________________________________________________________________ 56

5.1. Une étude de 2007 sur les pratiques en matière de sociétés de capital développement sur le marché suisse: ________________________________________ 57

Page 128: L’utilisation des décotes dans les évaluations d ... · Conservatoire National des Arts et Métiers Mémoire en vue de l'obtention de Master en sciences de gestion, mention Comptabilité,

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5.2. Une étude de 2008 sur les pratiques des professionnels de l’évaluation au niveau international ___________________________________________________________ 58

Conclusion de la première partie : ____________________________________________ 60

II. - Méthodes communément reconnues : Analyse des pratiques __________________ 62

1. Méthodologie et grilles d’interprétation des entretiens _________________________ 62

1.1. Choix de la méthode _______________________________________________ 62

1.2. L’échantillon _____________________________________________________ 63

1.3. Guides et déroulement des entretiens __________________________________ 65

2. Les référentiels utilisés : Des conventions plus ou moins stabilisées ______________ 67

2.1. Des conventions plus informelles en Europe qu’aux Etats-Unis _____________ 68

2.2. L’évaluation : un art entaché de subjectivité _____________________________ 73

2.3. L’existence d’un consensus de place ou émergence d’une convention ? _______ 74

3. Une rationalisation a posteriori de l’écart constaté entre prix et valeur ____________ 77

3.1. Les risques spécifiques et la décote de taille : deux notions étroitement liées ___ 78

3.1.1. Le risque spécifique à la société : une diversification des risques dans le taux 79

3.1.2. La décote de taille : une divergence d’opinions parmi les praticiens ________ 82

3.2. Primes de contrôle et décote de minorité : Des notions pris avec prudence par les professionnels __________________________________________________________ 85

3.2.1. La prime de contrôle : un ajustement indirect __________________________ 85

3.2.2. Une décote de minorité marginalisée … ______________________________ 86

3.2.3. … mais qui subsiste dans certains cas ________________________________ 90

3.3. La décote d’illiquidité ______________________________________________ 92

3.3.1. Une participation minoritaire dans une société non cotée : résolution du cas pratique présenté aux interlocuteurs _________________________________________ 93

3.3.2. Les facteurs pris en compte par les professionnels pour la détermination de la décote d’illiquidité ______________________________________________________ 96

3.4. Les décotes appliquées par les acteurs du capital-investissement ____________ 103

3.4.1. Les indications figurant dans les guides de capital investissement _________ 104

3.4.2. Des disparités entre acteurs du Private Equity ________________________ 105

4. La contrainte légale : analyse juridique et fiscale ____________________________ 107

4.1. Les ajustements pour prendre en compte les spécificités de la société ________ 109

4.2. La liquidité des parts ______________________________________________ 109

4.3. Les restrictions juridiques __________________________________________ 111

4.4. Les participations minoritaires ______________________________________ 112

Conclusion de la seconde partie ______________________________________________ 114

Conclusion Générale _______________________________________________________ 116

Bibliographie _____________________________________________________________ 119

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Annexe A – Schémas d’application des primes et décotes ________________________ 124

Annexe B – Modélisation de la méthode QMDM (TRI 25%) ______________________ 125

Annexe C – Modélisation de la méthode QMDM (TRI 15%) ______________________ 126