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IUFM DE BOURGOGNE OCTOBON ROBERT Concours de recrutement Professeur Certifié __________________ L'utilisation des jeux dans l'apprentissage de l'Espagnol en classe de collège Discipline : Espagnol Année 2005 Sous la direction de Mmes Michelle Soumier et Marylène Lebel Numéro de dossier : 03090533A 1

L'utilisation des jeux dans l'apprentissage de l'Espagnol ... · a. l’âge des élèves et les problèmes d’autorité. b. L’effectif : comment gérer le bruit ? ... D’apparences

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IUFM DE BOURGOGNE OCTOBON ROBERT

Concours de recrutement Professeur Certifié

__________________

L'utilisation des jeux dans l'apprentissage de l'Espagnol en classe de collège

Discipline : EspagnolAnnée 2005Sous la direction de Mmes Michelle Soumier et Marylène LebelNuméro de dossier : 03090533A

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Introduction

I. Pourquoi ce choix

1. Le jeu, ses vertus attendues dans la pratique de l’enseignement de l’espagnol en collège.

a. A l’origine du sujet une expérience professionnelle. b. Ce que j’attends de cette pratique en collège c. Une expérience de transition : la correspondance. L’ouverture aux autres et la langue étrangère vécue comme moyen de communication.

d. Dans une activité plaisir, l’obstacle de la maîtrise de la langue peut justifier l’effort vers de nouvelles acquisitions.

2. Les obstacles à lever et les solutions appliquées pour les résoudre.

a. l’âge des élèves et les problèmes d’autorité.b. L’effectif : comment gérer le bruit ? Quelle évaluation du travail effectué par chacun ? La solution du jeu de plateau.

II. La mise en œuvre pédagogique

1. Un premier travail pour sortir de la classe : les correspondants.

a. Une perspective très dynamisante pour la classe b. Deux séances de travail autour de leur rédaction c. Remarque sur l’organisation de la séance : la correction. d. Bilan de ce travail dans la perspective de mon projet

2. Premier jeu : la solution du jeu de plateau

a. Préparation des pré requis pour le déroulement futur de la partie : trois « séances documentaires » à rendre attractives !

b. Organisation de la partie c. La difficile rédaction de la règle du jeu. Equilibre entre sa précision indispensable, son exhaustivité et sa concision souhaitable. d. Exemples de quelques clauses utiles e. Quelques remarques et les enseignements à tirer de cette première expérience

3. Une séance de travail autour de la règle du jeu

a. Un travail sur la rédaction et l’organisation des idéesb. Un résultat mitigé : une correction difficile

4. Deuxième jeu

a. Préparation des pré requis : le lexique du voyage et la manipulation de l’impératif. b. Un fâcheux contretemps c. Organisation d’une partie qui s’annonce difficile

d. Voici la règle du jeu e. Les difficultés rencontréesf. Nouvelles remarques

Pour conclureAnnexes (Uniquement sur la version papier)

Plateau de jeu du premier jeu• La règle du jeu réécrite par un élève• Plateau de jeu du deuxième jeu

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Introduction

Dans le cadre de mon mémoire IUFM j’ai envisagé de mener une réflexion sur le jeu, ou plutôt les jeux, c’est à dire les différentes activités qui se présentent aux élèves comme ludiques. Mon sujet pourrait s’intituler « l’utilisation des jeux dans l’apprentissage de l’espagnol en classe de collège ».

D’apparences gratuites, sous un vernis de pur divertissement, les jeux pourraient s’insérer dans une séquence de cours et servir différents objectifs tout au long d’une progression. Par exemple, après l’introduction d’un fait de langue nouveau après les phases d’observation et de repérage, puis une réflexion des élèves, le professeur choisit des exercices d’application. Cet accompagnement du professeur, par des exercices, qui peuvent aller de l’imitation à une émancipation de plus en plus grande par rapport au modèle, pourrait avantageusement se faire par le biais de jeux. Le jeu, dans cet exemple, remplirait la fonction dévolue aux exercices d’application. Bien d’autres situations sont envisageables et, à vrai dire, une difficulté majeure aura consisté à choisir à quels jeux j’allais m’intéresser dans ce travail tant les emplois sont vastes.

Des jeux, en effet, on peut bien en imaginer de toutes sortes et pour autant d’utilisations souhaitées. On peut s’entraîner dans les différentes compétences de communication à travailler en classe d’espagnol en passant par des activités ludiques. Les compétences écrites de compréhension ou de production, les compétences orales de compréhension, expression et interaction peuvent s’exercer à l’aide de jeux. On peut tout aussi bien choisir d’axer leur utilisation pour suivre des objectifs non communicationnels, purement lexicaux ou grammaticaux. De la même façon, l’objectif culturel est abordable par ce biais. La gamme est complète, les jeux sont envisageables à volonté, au gré des situations d’apprentissage.

J’ai donc eu à choisir, et j’ai élaboré deux jeux pour servir ma réflexion. Les choix se sont présentés au gré de ma progression. Mais, ce qui m’a guidé, mon seul cahier des charges, c’était de présenter « de vrais jeux » à mes élèves, immédiatement identifiables par eux comme activités gratuites et de pur plaisir. J’ai donc été attentif à la présentation du jeu, son aspect, et à la façon d’aborder cette séance.

Le premier jeu, un jeu de plateau avec des pions, un dé, des tickets de loterie à gagner et surtout une règle du jeu qui rendait les élèves autonomes, répondait à cette volonté ; qu’ils n’aillent pas penser qu’il s’agisse d’un prétexte ou d’un travestissement grossier pour faire passer une heure de cours ! Le jeu devait être vraiment plaisant et le seul objectif apparent pour l’élève devait être de se divertir en respectant la règle du jeu. A cette seule condition je remplissais mon objectif : faire de l’espagnol sans donner « un cours d’espagnol ». Nous verrons lors de la description de cette première séance qu’elle s’inscrivait cependant dans une progression de cinq séances de cours et adhérait aux objectifs culturels mais aussi grammaticaux de la progression. D’autre part, j’avais intégré dans la règle du jeu l’obligation que le déroulement de la partie se fasse en espagnol, nous verrons plus tard sous quelle contrainte.

Le second jeu, je l’ai élaboré aussi comme un jeu de plateau. Fort de l’expérience du premier, je gardais l’avantage de cette distribution ceci, en dépit du souvenir douloureux du temps nécessaire à la construction de ce type de jeu. La classe était ainsi organisée en équipe de deux contre deux autour d’un plateau de jeu. Six

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plateaux étant donc nécessaires pour mes 24 élèves. Cette organisation m’avait satisfait lors de la première expérience, Il me semble que j’avais évité par cette distribution bien des écueils que je redoutais.

Un chapitre intitulé « Les obstacles à lever » s’intéresse à mes doutes a priori. Je l’ai consacré au relevé de mes craintes et à l’exposé de mes ambitions. Nous y trouverons notamment ce problème d’organisation d’une classe de 24 élèves, avec les soucis de discipline afférant à ce type d’activité.

Comme je ne pouvais pas consacrer pendant mon année de stage trop de temps à une activité marginale dans l’enseignement de l’espagnol, je me suis limité à ces deux exemples pour nourrir ma réflexion. Néanmoins nous verrons qu’inscrites dans la progression, ces deux séances de jeux à proprement parler auront occupé en tout une huitaine d’heures de cours. Une autre raison à cette limite aura été l’énorme investissement en travail que représente l’élaboration d‘un jeu.

Après avoir rendu compte du déroulement de ces deux séquences, après avoir décrit les séances de jeu à proprement parler, je réfléchirai à cette mise en œuvre. Je livrerai les observations faites, les difficultés rencontrées, les attendus déçus ou au contraire confirmés. Il sera temps alors de tirer une réflexion d’une portée plus générale sur les avantages et inconvénients de cette pratique, l’influence de ces séquences sur le déroulement de l’année, leur contribution ou non à un climat de classe favorable.

J’ai décidé d’inclure à cette réflexion sur le jeu dans la pratique de l’enseignement de l’espagnol une observation sur un échange avec des correspondants d’une classe de « Tercero ESO ». Cet échange, apparemment sans rapport avec mon sujet, j’ai voulu l’envisager en poursuivant des objectifs similaires : mettre entre parenthèses le cadre étroit et artificiel de la salle de classe. Il visait également à motiver les élèves et il contribuait à cette ouverture sur une culture vivante. Il vient aussi comme une première activité « marginale » et si j’ai choisi de relater cette expérience, c’est que, dans le déroulement de l’année, début décembre, cette opportunité d’un échange fut comme une sorte d’acte d’affirmation par rapport à la classe et le moment où enfin j’ai ressenti la possibilité d’assumer mon projet. C’était une sorte d’essai pour me donner confiance et pour gagner la leur. Essentiellement, je les lie dans une même fonction : ce sont des « activités de pur plaisir ». Ce sera mon postulat : Dans une activité plaisir, l’obstacle rencontré de la maîtrise de la langue peut justifier l’effort vers de nouvelles acquisitions. Il redonne du sens au travail fourni en classe.

Mais il est temps d’entrer dans le sujet et dans un premier temps il me faut préciser les raisons de ce choix.

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I. Pourquoi ce choix

2. Le jeu, ses vertus attendues dans la pratique de l’enseignement de l’espagnol en collège.

Il faut écarter la première idée qui vient à l’esprit lorsqu’on parle de jeu, l’idée de facilité, d’économie du professeur. Un jeu, c’est un travail de préparation énorme et, au moment où j’écris, alors que débute ce travail, c’est ma seule certitude. La mise en place, le travail avec une classe de vingt-quatre élèves de collège, l’accueil qu’ils réserveront à un travail différent, j’y pense avec appréhension, je verrai plus tard.

a. l’origine du sujet une expérience professionnelle

Cette idée sur l’intérêt à passer par le jeu dans l’apprentissage m’est venue alors que j’enseignais l’espagnol avec un public d’adulte (école d’ingénieurs) et dans des conditions très différentes. Il s’agissait de travailler dans la détente, et le cadre s’y prêtait. L’apprentissage de la langue n’était pas ressenti comme une contrainte par les étudiants, l’espagnol était souvent une matière facultative. Dans ces conditions et pour motiver mes étudiants, j’ai développé des jeux correspondant à mes objectifs. Ce que j’ai remarqué alors c’est que les étudiants abandonnaient souvent leur réserve en se laissant prendre par le jeu. Un autre avantage était la bonne ambiance de travail que cette méthode aidait à installer.

Le transfert de cette pratique dans le cadre de classes de collège, j’y pensais pendant l’année de préparation au CAPES. Il me parut problématique. Mais je pensais que les activités ludiques pouvaient avoir des vertus, même dans ce contexte, et particulièrement celle de motiver les élèves et de les concerner différemment. Bien sûr, une fois en formation, j’ai rencontré d’autres priorités. En ce début de carrière il fallait intégrer tout ce qui nous venait de la formation. L’impression, parfois, était un peu celle de voler dans le brouillard avec des instruments de mesure indéchiffrables. A peine mes deux classes découvertes, une quatrième et une troisième, il me fallait retenir un sujet d’étude. Sur la foi du premier rapport de visite des formateurs, le contrat initial de formation, bien des thèmes auraient pu émerger : favoriser la prise de parole en suscitant l’interactivité, par exemple. J’ai décidé cependant de rester fidèle à ma première idée.

J’ai retenu, comme objet d’étude, d’observer l’emploi de jeux dans une classe de troisième. Plutôt que les jeux à proprement parler, c’est la recherche d’activités ludiques au service de l’apprentissage de la langue qui m’intéressait. Les raisons de cet intérêt pour les activités ludiques dans l’enseignement sont indépendantes d’un goût que j’aurais pour le jeu ; je ne suis pas joueur. C’est seulement dans le cadre d’une réflexion pédagogique que je me suis cantonné, j’ai prêté aux activités ludiques des avantages utiles pour notre enseignement. Voici un aperçu de ce que je pensais alors, au début de ma réflexion, en quelque sorte les hypothèses que je voulais vérifier :

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b. Ce que j’attends de cette pratique en collège

Il importe de créer dans la salle de classe un climat propice aux échanges afin de favoriser la prise de parole, les discussions et les interventions dans une langue la plus authentique possible. Seulement le cadre scolaire avec son cortège de compétitivité, notation, contraintes de discipline ne concourt pas à installer cette ambiance. Sur une vingtaine d’élèves, notre discipline ne peut pas faire l’unanimité. Soit la discipline, soit le professeur, soit l’école, il se trouvera toujours des éléments rebutants pour certains. Les intéresser, alors qu’à leur âge ils sont enclins à rejeter tout projet présenté par un adulte, c’est un pari difficile. Pourtant nous voulons que nos élèves acquièrent une compétence de communication, pratique, qui leur permette de s’exprimer en situation réelle. Si l’école est le lieu de cet apprentissage, ce lieu est souvent vécu comme contraignant. Mon souhait était de leur donner envie de partir à la rencontre d’une autre culture, de découvrir d’autres garçons et d’autres filles de leur âge souvent très proches d’eux. C’est cette envie de communiquer que je voulais favoriser par le jeu. Cette curiosité, cette ouverture vers d’autres jeunes est une excellente motivation dans notre discipline. On s’en aperçoit sitôt qu’on leur parle de la vie quotidienne des jeunes Espagnols par exemple. C’est dans cette perspective que j’avais envie d’inscrire ma réflexion : malgré la réalité de la classe comment les en faire sortir ? Notre discipline implique l’ouverture aux autres, la rencontre, le voyage, il ne peut donc pas s’agir simplement d’une acquisition scolaire avec comme seuls référents des critères de réussite ou d’échec. Ce climat de tolérance et de non compétitivité est favorisé par le jeu.

J’ai donc pensé au jeu comme un moyen d’entraînement utile et stimulant. Surtout, je voulais, l’espace d’une partie, éloigner la réalité de la classe, mettre la salle de classe entre parenthèses, avec ses hiérarchies établies, de bons et mauvais élèves, de « caïds » et de « fayots ». Dans la réalité, j’étais conscient que cela supposait l’installation d’un climat de respect et de confiance envers moi. Je me suis attelé, tout au long du premier trimestre, à gagner les élèves à ma cause. Imposer mon autorité pour qu’ils aient confiance en moi sans pour autant les rebuter et les rendre hostiles. J’y reviendrai dans une partie consacrée aux obstacles à lever.

Pour ouvrir la classe vers une autre culture, franchir le cadre étroit et artificiel de la salle de classe, les jeux permettent d’affronter des situations de communications différentes de celles habituellement rencontrées pendant le cours. Pendant une partie, comme nous le verrons, je tente d’inclure dans la règle du jeu l’obligation de s’exprimer en espagnol sous peine en cas de non observation de perdre la main par exemple. Les élèves sont donc obligés de se faire comprendre des autres avec les moyens du bord et la seule chose qui importe est que le partenaire les comprenne.

c. Une expérience de transition : la correspondance. L’ouverture aux autres et la langue étrangère vécue comme moyen de communication.

C’est d’ailleurs avec ce même souci d’ouverture de la classe, que j’ai pensé qu’une expérience de correspondance avec des élèves espagnols serait la bienvenue. Quel meilleur moyen d’ouvrir la classe vers une autre culture et de stimuler leur curiosité ?

Je commencerai par le récit de cette expérience et mes observations sur le déroulement de la séance. J’ai eu la chance de trouver une classe de « Tercero ESO » de Madrid, bien que sortant du cadre du jeu, je rapporterai brièvement cette expérience qui présentait des similitudes avec mon sujet. Cette opportunité m’aura

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surtout permis de glisser, de les conduire moins abruptement, vers des séances de cours différentes. C’est surtout à ce titre que je rapporterai plus bas cette activité. J’insisterai aussi sur les similitudes : dans les deux cas il s’agit d’ouvrir la classe, de faire de l’expression orale ou écrite, non pas une fin mais un moyen, de proposer une activité motivante pour le plus grand nombre.

C’est une des vertus que je prêtais au jeu, selon moi, je devais gagner en motivation, et je pensais que j’observerais l’adhésion d’éléments habituellement indifférents au cours. On verra que l’effet de surprise et la rupture de la monotonie a un effet très dynamisant sur la classe. Je comptais aussi capitaliser de la sympathie et obtenir un peu de gratitude de leur part au vu de l’investissement évident que représentait la mise en place d’un jeu, sans parler des risques. Quels effets auraient ces séances différentes sur l’ambiance de la classe ? Il est évident que dès l’annonce d’un échange avec des correspondants et ensuite après le premier jeu, les élèves dans leur majorité ont adopté une attitude plus réceptive. J’ai d’ailleurs fait un choix de texte un peu sadique pour mettre à l’épreuve ce nouveau capital de sympathie. Je leur ai proposé immédiatement après le premier jeu un texte de Juan Rulfo, très dépouillé juste pour user d’un nouvel atout confiance.

Je vais donc tester sur plusieurs séances des activités ludiques en pariant que, de la sorte, on peut motiver les élèves, les intéresser et faire en sorte que toute la classe se sente concernée même les élèves qui ont tendance à rester en marge.

J’aborderai brièvement un échange avec des correspondants d’un collège de Madrid. Puis j’ai prévu l’élaboration et la mise en place d’un jeu de plateau autour du thème de « las Fiestas Navideñas ». Enfin un deuxième jeu de plateau sera mis en place autour d’une histoire de voyage. L’objectif grammatical sera cette fois plus présent : la dynamique du jeu mettant en œuvre des défenses, des ordres et des phrases indirectes…

d. Dans une activité plaisir, l’obstacle de la maîtrise de la langue peut justifier l’effort vers de nouvelles acquisitions.

Mon fil directeur pour ces expériences pourrait être de faire prendre conscience aux élèves, sur quelques séances, qu’une langue étrangère c’est avant tout un moyen de communiquer. Par nécessité, dans nos cours, la priorité est donnée à l’étude de la langue, une langue qui est peut être trop vécue par les élèves comme un prétexte. Ils découvrent du sens, élaborent des stratégies de plus en plus efficaces pour comprendre un texte. L’oreille s’exerce, en écoutant mais aussi en parlant… Mais les élèves peuvent difficilement évaluer leurs progrès. Il me semble que, pour une majorité de nos élèves de collège, il est utile d’apporter, pendant ce long parcours d’apprentissage, un sens plus facilement compréhensible à leurs efforts. Que cette langue, encore très approximative puisse leur procurer un plaisir immédiat, et que pour une fois, dans la hiérarchie des valeurs en classe, on mette entre parenthèses l’effort et la réussite pour lui substituer l’envie, très naturelle, de jouer ou de communiquer avec d’autres. Ils goûteraient ainsi au plaisir d’échanger dans une langue étrangère. Evidemment, cette envie trouvera comme obstacle le défaut de maîtrise de la langue. C’est là où, la règle du jeu, mais c’est un jeu, remplacera le professeur dans la contrainte : il faut s’exprimer en espagnol pour mener son équipe à la victoire. Ou encore, c’est ici que l’envie de communiquer avec un jeune de Madrid justifie l’effort. Il n’y a pas de miracle, bien sûr, pour apprendre il faut en passer par le travail. Mais il n’est peut-être pas inutile de réserver quelques activités au seul plaisir nouveau d’échanger dans une langue étrangère, sans que travailler la langue

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soit la priorité. Ma démarche se situe dans une sorte de pause qu’on ferait, où les élèves goûteraient du fruit de leur travail. Une récolte intermédiaire en quelque sorte, simplement pour les motiver. Bien entendu, il ne peut s’agir que de quelques séances, le travail et l’effort reprendront leur place. Mais je suis convaincu, qu’habilement distillées, ces quelques séances de détente, parce qu’elles donnent du sens à leur apprentissage, peuvent avoir un effet très positif. Peut être alors que le travail à venir sera plus efficace et rencontrera un terreau plus fertile (encore que l’image de l’enseignement comme irrigation…).

Mais, l’enthousiasme n’est pas encore de mise, il est temps de passer en revue tous les écueils qui pourraient faire de mon projet une périlleuse odyssée.

2. Les obstacles à lever et les solutions appliquées pour les résoudre

Lorsque j’ai envisagé, c’était l’année dernière, la possibilité de ce sujet, d’autres batailles restaient à livrer, et mon idée était simplement de recycler une pratique qui avait fait ses preuves avec des adultes. Je ne devais pas en démordre, il me semblait qu’une réflexion pouvait être menée à bien sur cette démarche. Pourtant, je ne manquais pas de redouter bien des obstacles.

Enfin, l’horizon dégagé, j’appréhendais très vite les difficultés qui pourraient se poser avec ce nouveau public. Néanmoins le sujet me tenait à cœur. Voici un catalogue des réactions que je redoutais, des obstacles et autres difficultés qui se présentaient à mon esprit. Je tenterai de l’accompagner, point par point, de suggestions, de solutions que j’ai envisagé, lorsque j’ai eu le temps d’en élaborer. Mais parfois les problèmes qui se sont présentés n’avaient pas été envisagés, plus simplement alors je décrirai mes réactions.

a. l’âge des élèves et les problèmes d’autorité

Tout d’abord, parlons de l’âge des élèves. Une pratique mise en place avec un public adulte et volontaire devait être adaptée à ce nouveau public. C’était mon principal souci. Dés la rentrée, je pensais à la dose de fermeté et de sympathie, subtile mélange, que je devais distiller afin de les tenir suffisamment sans les rebuter. Mon projet supposait une classe qui coopère, qui adhère et donc me fasse confiance. Je ne suis pas certain d’avoir réussi cet alliage, en tout cas c’est dans cet effort que le travail avec des correspondants de Madrid m’a été d’un précieux soutien.

Après une attitude de début d’année un peu stricte pour imposer mon autorité (c’était d’autant plus une priorité que je pensais être peu autoritaire, l’habitude d’enseigner à des adultes étant ici pernicieuse) c’est vers le début du mois de décembre que j’ai réussi à m’adoucir, grâce à cette séance. Pour la première fois, je fédérais toutes les volontés autour d’un projet et les élèves n’ont pas boudé pas leur plaisir. Ce fut le premier signe de détente, il confirmait, à moi comme à eux, qu’on pouvait travailler et se faire plaisir. C’est la raison pour laquelle je reviendrai plus tard sur cette expérience. Tous les problèmes n’avaient pas disparu, loin s’en faut, mais la classe dans son ensemble me donnait le signal qu’elle adhérait à des projets pourvu

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qu’ils lui plaisent. C’était un pas important de franchi. L’autre versant de ce même problème était de ne pas sombrer dans la démagogie. Cette oscillation est bien sûr classique, mais il me fallait rester maître de ma classe et deux élèves contestaient cette autorité. Cette fronde de deux éléments était problématique parce que je pensais qu’elle gênait les autres élèves. Il fallait donc que j’affronte ces deux perturbateurs. Cette opération inévitable eut lieu. Un des deux élèves était vraiment difficile, il posait des problèmes à presque tous mes collègues. L’affrontement me permit, sans pour autant le neutraliser complètement, d’envoyer un message clair à la classe sur mon autorité.

Est-ce qu’aujourd’hui, au mois de mars, je suis satisfait de ma prise en main de la classe ? Pour répondre je dirais que, l’année prochaine, je resterai vigilant avec plus de constance. La classe de quatrième n’a jamais posé de problème, et je m’y suis tout de suite senti le maître incontesté. Souvent je me suis même demandé si je ne les impressionnais pas, me reprochant de n’avoir pas su être plus accessible. Les troisièmes sont restés plus dissipés. Mon souci, redoublé par mon projet, d’établir une bonne ambiance m’aurait-t-il joué des tours ?

b. L’effectif : comment gérer le bruit, quelle évaluation du travail effectuée par chacun : la solution du jeu de plateau.

Travailler une séance de jeu avec vingt-quatre élèves m’a posé d’autant plus de problèmes que mon expérience était fondée sur des classes peu nombreuses. Comment m’y prendre pour intéresser tout le monde ? Comment gérer le bruit ? Comment évaluer la séance de jeu ? Autant de problèmes à résoudre.

J’ai trouvé une réponse, dont je reste très satisfait, pour presque l’ensemble de ces problèmes. Il s’agit de les faire travailler en groupes. Pour moi, cela voulait dire construire exclusivement des jeux de plateaux. Autour de six plateaux de jeu, donc, j’ai organisé des groupes, de sorte que les élèves s’affrontent deux par deux. Cela me permettait d’associer dans une même équipe un bon élève et un moins bon de façon à ce qu’un déséquilibre trop flagrant entre adversaires ne démobilise pas une équipe. Poursuivant ce même objectif, j’ai ménagé dans les deux jeux une part de hasard (tirage du dé, cases désavantageuses) pour que le sort de la partie ne soit pas joué dés qu’une équipe arrivait à distancer l’autre. Toute cette dynamique du jeu à installer est l’essentiel de ce qui préside à sa construction et justifie le soin tout particulier apporté à la règle du jeu. On entrevoit peut-être mieux maintenant comment j’ai réussi à résoudre le problème de les faire tous travailler : en les associant dans un binôme préalablement décidé, en les motivant pour gagner et en gommant l’équation effort = réussite, le hasard prenant ici sa part.

Pour gérer le bruit et avoir une activité langagière intéressante en espagnol, l’astuce fut toute simple : l’équipe qui progressait devait communiquer exclusivement en espagnol. Le moindre mot français lui faisait perdre la main. Le contrôle ainsi se faisait naturellement par l’équipe adverse, dont l’intérêt était de reprendre la main. Ce système a très bien fonctionné.

Pour évaluer la séance de jeu, les questions et réponses des élèves devaient, avant d’être formulées à l’oral, être écrites. De la sorte, je pouvais aussi trancher en cas de litige. Mais tout cela nous reporte à la règle du jeu que nous verrons plus tard. Il faudra lors de sa lecture ne pas oublier son importance primordiale : elle dévoile, plus que ce petit paragraphe, les difficultés redoutées et les solutions envisagées.

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Je pense avoir rendu compte des principaux problèmes que j’entrevoyais a priori. D’autres se poseront que je n’avais pas soupçonnés, mais ils seront dévoilés lorsque j’aborderai la description des phases de jeux à proprement parler. Il est temps de passer à la mise en œuvre en commençant, dans l’ordre logique et chronologique, par les séances de rédaction de lettres en vue d’un échange avec des élèves de leur âge.

II. La mise en œuvre pédagogique

1. Un premier travail pour sortir de la classe : les correspondants.

Cette entrée en matière, inattendue au vu du sujet, trouve pourtant sa raison d’être à plus d’un titre. Je vais tenter de le montrer. Le recours que j’y ai trouvé pour mener à bien la suite suffirait cependant à en justifier la place : il me fallait maintenant trouver une activité motivante, je voulais apprivoiser la classe avant d’aborder des séances plus « risquées ».

a. Une perspective très dynamisante pour la classe

Je venais de finir un texte du manuel (Puerta del Sol), nous étions début décembre, (3 et 6 décembre) et le texte en question était un échange épistolaire entre deux anciennes camarades d’un collège de Madrid ; l’une d’entre elles ayant déménagé en Bolivie. Après l’étude de cette lettre, j’ai pensé que les élèves pourraient se présenter par courrier à un camarade d’une autre classe. C’était en tout cas ma première orientation.

Les structures grammaticales abordées avec ce texte étaient un rappel du futur, très succinct (j’avais juste besoin de le rappeler, et je me suis contenté de réveiller leur souvenir de 4éme sur sa formation). J’ai introduit surtout les premières phrases au subjonctif (el padre quiere que vaya a un colegio angloamericano…) l’emploi de ce mode devant se systématiser par la suite. J’ai réactivé également les structures pour exprimer l’habitude (révision de soler déjà vu cette année). Mais surtout j’ai insisté sur seguir + gérondif (¿siguen vendiendo castañas asadas ? Le champ lexical tournait largement autour de la correspondance (¿qué le cuenta ; dar noticias ; despedirse …) plus le vocabulaire afférant à la vie du collège.

Le soir, l’idée m’est venue d’appeler une amie professeur à Madrid. L’échange serait plus authentique que de les faire écrire à un camarade du même collège, comme j’en avais eu l’intention. Par chance, elle avait des élèves du même âge que les miens et ils étudiaient le français. J’ai donc mis en place cette correspondance. Elle venait très opportunément et semblait ravir les élèves. J’ai eu l’idée d’expérimenter de cette façon une autre façon de travailler avec eux. La séance qui a suivi l’étude du texte, je les ai fait travailler par binôme. Rien que de très banal mais je progressais dans le sens voulu : je m’approchais d’une organisation différente de la classe, j’ébauchais un travail en équipe et pour mon propos ce type d’expérience était indispensable.

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b. Deux séances de travail autour de leur rédaction

Le procédé fut de les inviter à émettre des idées pour cette lettre, puis de dégager un canevas où ranger leurs propositions. En premier lieu, ils devaient se présenter, puis présenter leur environnement, leur collège mais aussi leur région et plus précisément leur lieu d’habitation. Il était intéressant de les confronter à la nouveauté qu’ils représentaient, à plus d’un titre, pour leur futur correspondant : par la différence du pays, mais aussi par la différence ville / campagne. Ensuite nous avions retenu dans le canevas d’aborder leurs goûts (excellente révision de gustar, déjà vu à ce moment de l’année). De leur côté, ils étaient très curieux de confronter avec la réalité, les informations sur la vie des collégiens à Madrid découvertes dans leur manuel en début d’année : ils ne furent pas en reste pour poser des questions. Je fis un petit travail sur la façon d’écrire une adresse en Espagne, un rappel sur les deux « apellidos »… C’était un mardi, pour la séance suivante, le vendredi, ils devaient écrire les lettres en suivant le canevas laissé en trace écrite.

Je reproduis ci-dessous cette trace écrite du mardi. Les cinq paragraphes furent dégagés sur leur proposition. Les élèves, ensuite, devaient lister les thèmes abordables dans chacun d’eux. Pour cela ils disposaient d’un temps de concertation avec leur voisin. Pour chaque idée proposée les élèves formulaient des exemples de phrase. Ex : « me gustan las costumbres españolas… » Exemple que j’invente, parce que je n’ai pas gardé la trace écrite de ces phrases. Cette activité orale n’était pas fixée à l’écrit pour éviter que les élèves à la maison ne se contentent de faire du copier - coller. Avec cette grille ils devaient être en mesure de m’écrire leur lettre pour la séance suivante.

1. Presentarse : Nombre y apellidos ¿dónde vivo

¿de dónde soy?Mi dirección (¿cómo se escribe la dirección en España?)La edad, mi descripción física, mi carácter…

2. Presentar su entorno : La región, La ciudad (Dijon), La ciudad Mirebeau ou autre… El colegio, la clase… La familia

3. Hablar de su vida: - Durante el tiempo de ocio (de vacaciones, en fin de semana...)

- Hablar de su vida: En el colegio…

4. Me gusta, me encanta, me mola… ( viajes, música, deportes…)5. Lo que te interesa saber de su vida, las cosas que quiere preguntarle. ¿Por qué estudias francés, conoces Francia, tus aficiones …

Les documents précédemment étudiés suffisaient plus que de raison pour l’apport lexical. Je cite les plus utiles, dans l’ordre où ils ont été abordés :

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• « Horario de un colegial » (una historieta) ; • « El embrujo de Shanghaï », (fragmento de la película de F Trueba

donde los dos personajes principales se presentan, (presentarse descripción física, carácter…))

• « A las diez en casa » - P 15 – Puerta del Sol (texto del libro donde se describe la vida de los jóvenes madrileños. Además los chicos comparan sus costumbres con los jóvenes extranjeros cuyos padres son más severos : A ellos lo que les choca es que…)

• « Encuentros por internet » - P 41 – Puerta del Sol - una historieta sobre un hombre que chatea (citar, quedar con…) ;

• Una publicidad televisiva : “Trenes intercity” – Cassette du CRDP - (descubrir España, viajar) ;

• « Diciembre en Bolivia » - P 28 - Puerta del Sol (es la carta de una alumna a una compañera, la correspondencia…).

Voilà une liste, non exhaustive, des textes abordés à cette période de l’année. Les élèves avaient de quoi y trouver le lexique nécessaire.

Pour les points grammaticaux déjà abordés, qu’il me suffise de dire que soler, les tournures affectives (gustar, encantar, extrañar, molar….), étaient ressassés. Estar et seguir + gérondif ; les prépositions dans les déplacements (a, en, de, por) ; acabar de + infinitif et ir + a + infinitif ; étaient largement employés. Volver a + infinitif… Plus récemment, les verbes d’ordre, de volonté, de désir, l’opinion + la subordonnée au subjonctif… Pour ne citer que ce qui me vient à l’esprit.

Je les pensais armés, donc, pour qu’ils me rendent une production exploitable. La séance suivante va me contredire !

c. Remarque sur l’organisation de la séance : la correction.

A cette séance du vendredi tous se présentèrent avec une lettre. Dans la très grande majorité, le travail avait été fait sérieusement. Pourtant cette séance fut très mal employée. Ce travail je l’avais prévu sur la moitié de la séance, une demi heure, avec cinq dictionnaires qui tournaient. Je pensais qu’avec le canevas dégagé la fois précédente, il me resterait peu de retouches à faire. Très vite, je me suis retrouvé à aller des uns aux autres, sollicité de tous côté, débordé, et j’ai perdu le contrôle de la situation. Et pourtant ni leur travail ni leur bonne volonté n’étaient à mettre en cause. L’organisation de la classe n’était pas adaptée au travail de correction que je voulais faire, et le choix d’entreprendre cette correction en classe n’était probablement pas judicieux.

Premièrement, les fautes des élèves étaient plus nombreuses qu’escompté. Les élèves étaient passés par le français, la tentation de traduire l’avait emporté et les structures des phrases espagnoles s’en ressentaient. Mon canevas n’avait pas été le garde fou attendu.

La correction était très difficile à organiser collectivement, chaque travail étant différent des autres : ceci faisait une grande différence avec la correction d’un devoir.

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J’en tirais les leçons. La séance me permit tout de même de récupérer des lettres tout à fait satisfaisantes et je faisais le jour-même un envoi groupé de quinze lettres ; neuf élèves ne souhaitant pas de correspondant.

L’échange suivant, lors de la réponse aux lettres reçues, récemment, (le 07/03) j’ai collecté les lettres pour les corriger chez moi, sans organiser de séance de travail autour. Je me contentais d’indiquer les fautes, sans les corriger. Sauf les cas, rares, où la compréhension était vraiment rendue difficile.

Une autre idée aurait été de les contraindre plus. Avec des phrases d‘amorce, des tournures grammaticales imposées… J’aurais eu moins de traduction du français, et une correction collective aurait pu être envisageable. Seulement mon parti était pris, je voulais que cette expérience échappe à mon contrôle de professeur, qu’elle soit pour eux une première utilisation de l’espagnol à des fins de communication authentique, j’effaçais donc tout prétexte pédagogique : on sortait de la classe.

d. bilan de ce travail dans la perspective de mon projet

Mon propos, en incluant cette expérience à une réflexion sur le jeu, s’éclaire peut- être maintenant. C’était pour moi une façon de me mettre en confiance, je l’ai déjà dit, mais indépendamment de cet aspect, les objectifs convergeaient : encore une fois, il s’agissait, l’espace d’une séance, d’échapper à une pratique de la langue uniquement scolaire. A travers cet échange, ils prenaient conscience de l’intérêt de parler une langue étrangère. Ces séances motivèrent très largement les élèves, mais le plus marquant peut-être, c’est qu’elles réveillèrent, pour un instant seulement, même les plus blasés. Il est d’ailleurs remarquable que, ceux qui ne voulaient pas de correspondants apportèrent autant de soin à leur lettre que les autres. Cette « trouvaille » fit évoluer l’ambiance des cours d’espagnol. Elle créa une attente impatiente : celle d’une réponse… très attendue ! Qui finalement nous arriva juste avant les vacances de février. C’était l’épreuve d’une langue nouvelle, cette LV2 devenait propre à communiquer vraiment. J’espérais que cela apporterait au cours un intérêt nouveau.

J’ai choisi donc d’inclure cette séance à ma réflexion, en relevant les similitudes qu’elle présentait avec l’utilisation du jeu. Par bien des aspects on y retrouve des caractéristiques communes : nécessité d’une organisation de la classe spécifique ; utilisation de la langue étrangère hors du cadre scolaire, la langue employée devenant un moyen plutôt qu’une fin ; distribution différente des hiérarchies dans la classe, l’idée de bon et mauvais élève n’a plus cours, activité motivante… Ces activités, bien entendu, ne peuvent s’inscrire que ponctuellement dans notre travail. Elles contribuent à instaurer un bon climat de classe et permettent de motiver les élèves. Je ne prétends pas pour autant remplacer le travail par le jeu.

2. Premier jeu : la solution du jeu de plateau

Le premier jeu que j’ai mis en place, je l’ai fait à l’occasion des fêtes de Noël. Je voulais trouver un biais autre que le simple support informatif habituel pour aborder ce thème culturel. L’idée était de trouver une façon plus interactive de procéder. J’ai

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retenu huit dates pour aborder cette période en Espagne : le 8 décembre « fiesta de la Inmaculada Concepcion », le 22 décembre « día del Sorteo Extraordinario de Navidad » le 24 et le 25 décembre, le 28 décembre « el día de Los Inocentes », la « Nochevieja » le premier janvier et « el día de los Reyes Magos ». Nous avions travaillé sur ce thème pendant trois séances, une quatrième séance était réservée pour le jeu à proprement parler. J’avais eu le temps de méditer ce problème d’organisation de la classe, la solution pouvait être de les distribuer autour de plateau de jeu : c’est la piste que j’ai retenue. J’ai choisi ces huit dates pour les placer sur un plateau de jeu, dans le genre d’un jeu de l’oie, parcourant toute cette période, du 8 décembre au 6 janvier. Les huit dates signalées étaient illustrées, balisaient comme autant de stations. (cf en annexe photo du plateau de jeu et cartes).

a. préparation des pré requis pour le déroulement futur de la partie : trois « séances documentaires » à rendre attractives !

Pour préparer la séance de jeu les élèves devaient être informés, il fallait qu’ils apprennent ce que les Espagnols font pendant la période de Noël. C’était mon pré- requis, la condition pour que mon jeu soit possible : tout allait s’articuler autour de leurs capacités à formuler les bonnes questions et à y répondre dans un laps de temps restreint. Trois séances furent employées pour cet objectif essentiellement culturel. Je travaillais donc sur quatre séances, le jeu compris. En plus de l’objectif culturel, nous avons travaillé sur les formulations des différentes questions, nous avons employé le subjonctif présent pour les vœux de la nouvelle année, nous avons beaucoup utilisé « soler ».

J’ai eu l’idée, ensuite, d’intégrer une séance supplémentaire pour travailler sur la règle du jeu. Une idée opportune étant donné notre progression (subordonnée subjonctive). C’était un travail sur la nécessité (es necesario que…) et sur la hiérarchisation du discours (exprimer la succession des tâches, leur simultanéité, la condition d’une tâche antérieure… ce qui fait le corps d’une règle du jeu : l’occasion était trop belle !). Cela faisait donc cinq séances.

Le lundi 3 janvier j’ai ouvert la séquence « Las Fiestas Navideñas». J’ai commencé par distribuer deux courts textes informatifs sur le huit décembre et le 22 décembre (tous les textes se trouvent en annexe, ce sont les mêmes textes que j’exploite pendant le jeu, sous forme de cartes, les élèves formulent questions et réponses à partir de cette matière, ces textes sont extraits de sites Internet et je les ai adaptés). Le premier texte (le vocabulaire difficile était annoté comme reproduit en annexe) j’en ai fait la lecture et après une relecture des élèves je leur ai demandé de formuler des questions. Ces textes étant purement informatifs, les élèves n’ont eu aucun mal à trouver de nombreuses questions. Le premier qui levait la main choisissait d’adresser à un élève de son choix sa question. L’avantage de ce procédé est qu’il n’épargne pas les plus faibles vu qu’il se trouve toujours quelqu’un pour leur poser des questions à seule fin de les embarrasser. Ce procédé je l’ai gardé pour aborder l’ensemble des textes, et les huit dates ont été traitées de cette même façon. Certains élèves ont installé des « duels » et ont rendu leurs questions plus complexes pour embarrasser celui à qui elles s’adressaient. Bien sûr j’ai arbitré. Pour les séances du mardi et du vendredi les textes étaient lus en cours, on faisait le premier travail de compréhension, puis les questions étaient à préparer à la maison pour la fois suivante. De cette façon j’ai apporté aux élèves les informations nécessaires.

En plus des textes, pour agrémenter ce travail de documentation, durant ces trois séances, je me suis servi, à titre illustratif de séquences vidéos. Le lundi, pour

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aborder les dates du 8 et 22 décembre, les textes étaient accompagnés d’extraits vidéos. Les élèves ont pu suivre et commenter un documentaire sur « el sorteo de navidad » (deux passages). La séquence illustrait parfaitement le texte. Pour le 8 décembre je leur ai montré plusieurs processions. Malheureusement, comme je n’ai pas trouvé de reportage correspondant à cette date, je me suis servi d’une vidéo sur la procession de la Semana Santa, en précisant qu’en l’occurrence, il ne s’agissait pas d’une procession pour la Inmaculada Concepcion. La finalité était de commenter la ferveur religieuse encore bien présente en Espagne. Ce dernier reportage nous a permis aussi de prendre en compte les spécificités régionales. Pour célébrer une même date, différentes cérémonies étaient montrées, plus folkloriques les unes que les autres, suivant la région où se elles se célébraient. Pour illustrer le 24 décembre je leur ai fait écouter « un Villancico ». Pour la « Nochevieja » je leur passais une séquence de TVE ou on voit « los cuartos » et « las doce campanadas » sur la place de « la Puerta del Sol » de Madrid. Les nuits du 24 décembre et du 31 décembre étaient à comparer avec la tradition française, en plus des questions que les élèves avaient préparées.

Ainsi, sur les séances du lundi, mardi et vendredi la participation a été très bonne et surtout, des élèves habituellement peu enclins à participer se sont sentis concernés. Le thème les intéressait, la façon de l’aborder avait créé une émulation, ils voulaient tous poser des questions et ils faisaient un effort pour dégager du texte les informations les moins évidentes à trouver afin que la réponse n’en soit que plus dure pour le camarade qui répondrait. Pendant cette phase préparatoire, on le voit, plusieurs compétences ont été travaillées : la compréhension écrite et orale, la production écrite (préparation à la maison) et orale. Maintenant, les élèves étaient armés pour participer au jeu.

b. Organisation de la partie

J’avais donc prévu un jeu de plateau. Six jeux étaient nécessaires (cf. annexe), les élèves étant vingt-quatre : un jeu pour quatre élèves. J’opposais des équipes de deux. C’est moi qui avais décidé de la répartition des équipes (binôme), pour les équilibrer.

Le lundi la salle de classe a été préparée à l’avance. Les tables ont été disposées de façon à former six carrés accueillant chacun quatre élèves. Sur chaque table étaient disposés un plateau de jeu, un dé, deux pions (chacun matérialisant une équipe), seize cartes loterie (ces cartes récompensant une bonne réponse), huit cartes, correspondant aux dates retenues, avec dessus, les mêmes textes que ceux travaillés en cours. Quatre règles du jeu (telles que reproduites ci après) figuraient également devant chaque place. Chaque équipe de deux était composée d’un élève «fort » et d’un élève « moins fort », en face s’opposait une équipe adverse pareillement composée. Le nombre d’élèves était un handicap à prendre en compte, je redoutais qu’il soit un obstacle au bon déroulement du jeu. En fait cette crainte s’est avérée infondée. J’avais invité ma tutrice à venir observer la séance, et à m’apporter son soutien si besoin.

J’ai attendu les élèves à la porte de ma salle de classe j’ai fait l’appel équipe par équipe et je les ai placés au fur et à mesure. Les élèves étaient très intrigués. Ils ont été invités à lire la règle du jeu, j’en avais fait une par personne pour que la lecture puisse être individuelle. Puis je leur ai précisé oralement et en français des points de détail. Il a fallu environ cinq minutes pour ces préparatifs et ils ont pu commencer à

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jouer. Avec ma collègue nous avons supervisé le bon déroulement et j’ai répondu aux hésitations et incompréhensions.

c. La difficile rédaction de la règle du jeu. Equilibre entre sa précision indispensable, son exhaustivité et sa concision souhaitable.

La règle du jeu est primordiale. En quelque sorte elle doit remplacer le

professeur durant la partie. Elle est pleinement réussie si la partie peut se dérouler sans que le professeur n’ait à intervenir. Un peu comme pour une consigne de travail il faut être précis et exhaustif. Le problème est que nous disposons d’un temps très court pour la transmettre aux élèves. Si elle est trop succincte, on prend le risque de ne pas prendre en compte toutes les situations, mais si elle est trop détaillée, les élèves peuvent se lasser avant même d’avoir commencé. Une règle mal pensée et c’est le jeu qui risque de s’enliser.

d. Exemples de quelques clauses utiles

J’étais loin d’être pleinement satisfait de la formulation que j’allais proposer. C’est pourquoi j’avais prévu de procéder en deux temps : une lecture personnelle des élèves puis une relecture par mes soins, simplifiée et émaillée d’exemples. Je fus très agréablement surpris de la rapide autonomie acquise par rapport à la règle du jeu. Je redoutais une compréhension lente, et donc un démarrage difficile, il n’en fut rien. Je pense que les élèves étaient pressés de jouer et de s’affronter. Ils composèrent probablement avec une compréhension incomplète en se disant qu’on verrait bien à l’usage. En l’occurrence, c’était exactement le comportement empirique dont j’avais besoin. La règle la plus ingénieuse fut, sans nul doute, d’interdire aux élèves de l’équipe qui avançait toute phrase en français au risque, en cas de non observation, de perdre la main. Elle fut scrupuleusement suivie, les élèves adoptant des stratégies diverses pour en contourner la difficulté : certaines équipes parlaient peu et communiquaient par gestes ou mimiques, d’autres parlaient un espagnol d’urgence, sans trop se soucier de la grammaire, mais efficace pour la circonstance. Par ce règlement, les élèves de l’équipe adverse partageaient avec le professeur le souci que le jeu se déroule bien en espagnol. J’avais un intérêt commun avec la moitié de la classe. Je réduisais ainsi bien des dérives et atténuais le bruit. Une autre astuce de la règle du jeu était que les questions et les réponses soient préalablement rédigées. Ainsi les deux composantes du groupe s’associaient plus facilement (les paires étant hétérogènes, c’était certes un frein à la spontanéité, mais cela favorisait le travail en commun de rythmes et niveaux différents). De cette façon je pouvais aussi intervenir en cas de litiges (phrases incompréhensibles…). Enfin, le jeu fini, je pouvais ramasser leur production et évaluer sa qualité. Pour donner du rythme et préserver une certaine spontanéité, le temps imparti aux réponses comme aux questions était minuté. J’en fixais la durée après le démarrage de la partie pour pouvoir évaluer leurs besoins. Ainsi, obligation était faite à l’équipe qui avance de dire une phrase de son choix en moins d’une minute pour pouvoir conserver la main et retirer le dé. Pour poser et répondre aux questions, ils disposaient de deux minutes de réflexion, rédaction comprise. Un autre repère devait guider la règle du jeu, il fallait s’assurer qu’en toute occasion l’alternance entre les équipes se fasse naturellement. Cette fonction fut remplie par les cases barrées de rouge, mettant une part de hasard dans la partie. La

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règle condamnant l’équipe qui avait la main au cas où elle parlerait en français remplissait une fonction similaire.

Je reproduis ici la règle du jeu distribuée aux élèves :

1.Objetivo del juego : la meta. Les élèves jouent par équipe de deux, deux contre deux. Ils doivent, pour gagner (ganar), accumuler le plus grand nombre de « cartes loterie » (tarjetas lotería). On gagne une «carte loterie » (tarjetas lotería) à chaque fois qu’on répond juste alors qu’on se trouve sur une des huit cases (una casilla) illustrées (case avec un dessin).

2.Comienzo del juego : Pour avancer on se déplace avec un dé (un dado) en avant ou en arrière. On annonce avant de tirer le dé (lanzar el dado) si on a l’intention d’avancer ou de reculer. Le plus grand dé commence (el que logre el número más alto empieza). Pour démarrer, il faut répondre à la question correspondant à la première date, le 8 décembre.

Pendant la partie les élèves doivent parler espagnol. L’équipe (el équipo) qui a la main la perd si elle parle en français.

C’est l’équipe adverse qui pose les questions. Pour ce faire, elle prend la carte (tarjeta) qui correspond à cette première date : le 8 décembre et formule une question qu’elle écrit.. La réponse à cette question doit pouvoir se trouver avec la carte. L’équipe qui doit répondre lit aussi la carte et propose sa réponse. Elle l’écrit avant de la formuler à l’oral

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Si la réponse est la bonne elle gagne une « carte loterie » et continue en tirant le dé (tirando el dado). Dans le cas contraire elle passe son tour (espera el próximo turno) et c’est à son tour de poser une question.

3.Continuación del juego : • Les cases illustrées

Permettent de gagner une carte loterie. A chaque fois qu’une équipe tombe (cae) sur une case (una casilla) avec un dessin, elle prend la carte qui correspond à cette date et la lit. La carte lui apprend ce que font les Espagnols ce jour de l’année. L’équipe adverse lit aussi cette carte et avec les informations recueillies formule une question.

Les questions et les réponses doivent toujours être écrites au propre avant d’être posées à l’oral. Elles doivent être correctement formulées sinon elles ne sont pas valables. « Les cartes loterie » (tarjetas lotería) se gagnent uniquement en répondant juste (acertando) sur une case dont la date est illustrée.

• Les cases barrées de rougefont perdre la main. Une équipe garde la main tant qu’elle répond juste, sauf à tomber sur une case barrée de rouge. Lorsqu’elle perd la main, c’est à l’autre équipe de tirer le dé (tirar el dado) et d’avancer son pion (mover el peon) et c’est à elle de poser les questions.

• Les cases non illustréesVous gardez la main seulement si… A chaque fois qu’on tombe sur une case non

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illustrée, pour retirer le dé (volver a lanzar el dado) et continuer, l’équipe qui avance dispose d’une minute (l’équipe adverse chronomètre) pour faire une phrase de son choix, si elle échoue elle passe la main (espera su próximo turno). Cette bonne réponse ne donne cependant pas droit à une « carte loterie », elle permet seulement d’avancer.

En cas de désaccord entre les deux équipes (une question est incompréhensible, mal formulée…) le professeur est l’arbitre.

L’équipe qui à la fin de l’heure aura en sa possession le plus de cartes loterie (tarjetas loterías) aura gagné la partie .

A ti te toca

Toutes les questions - réponses se faisaient autour des informations contenues sur les huit cartes, une par date, les textes sur ces cartes étaient les mêmes que ceux qu’ils avaient travaillés en cours et sur lesquels ils s’étaient déjà exercés à poser des questions. Le jeu devait fonctionner comme un récapitulatif des trois dernières heures de cours. Ce système a très bien fonctionné. C’est aussi l’avis de ma collègue. Les règles ont été bien comprises dans l’ensemble. Une équipe, cependant, a mis une demi-heure avant de s’apercevoir qu’elle avait le droit de reculer pour tomber sur la bonne case. Lorsqu’un joueur laissait échapper un mot en français, La sanction a été systématiquement appliquée par l’équipe adverse. Je les ai découverts, pour une fois, très à cheval sur le règlement.

Le vocabulaire du jeu « el dado, a ti te toca, tirar el dado, el jugador, la partida… » était donné dans la règle du jeu, comme simple lexique. En une heure de temps, je ne pouvais pas donner une règle en espagnol. En aval, un travail de reconstruction de la règle du jeu était prévu, travail gardant les mêmes équipes, avec des objectifs grammaticaux précédemment introduits : le subjonctif essentiellement, la nécessité… Je vais y venir.

e. Quelques remarques et les enseignements à tirer de cette première expérience

D’abord la spécificité du jeu de plateau, choix retenu pour les deux jeux, la formule m’a semblé convaincante sur cette première expérience.

La particularité de ce type de jeu par rapport à d’autres est qu’il demande une organisation de la classe différente de d’habitude. Les élèves perdent leurs repères,

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leurs places changent, donc leur voisinage et c’est tout un équilibre du groupe avec ses rapports réglés qui se modifie. Ce remaniement momentané se fait, pour une fois, dans la bonne humeur, nous ne sommes pas dans le cadre de « déplacement sanction ». Les élèves ont en général leurs habitudes qu’ils ne changent pas volontiers : c’est là une occasion de les bousculer gentiment.

Il m’a semblé important de bien réfléchir aux équipes que j’allais créer et aux adversaires à leur opposer. Les élèves ne se seront pas doutés qu’au-delà de l’association de leurs compétences de niveaux différents, je me suis demandé quelle physionomie allait recouvrer ma classe. Il est très étonnant de s’apercevoir que dans une classe où on croit que les rapports, arrivés au deuxième trimestre, sont installés, le moindre bouleversement comme cette redistribution révèle un groupe inédit. On casse cette impression de « classe individu » avec une personnalité qui, si le courant passe mal, peut s’avérer impressionnante pour le professeur. Il devient évident ici que le groupe peut s’organiser suivant une infinité de variations. On retrouve les leaders, probablement les mêmes, ceux qui font avancer la classe et ceux qui la freinent mais la dynamique change. J’ai vraiment eu l’impression d’une classe différente. Un exemple, j’ai découvert une élève que je jugeais jusqu’alors comme très bonne à l’écrit mais inexistante à l’oral. Je l’avais estimée très timide, effacée et sa participation à l’oral demandait toujours une sollicitation de ma part. J’ai découvert un caractère bien trempé. Toute la partie elle s’est aventurée à parler un espagnol pas toujours orthodoxe et a bousculé son groupe avec autorité. Je l’ai regardée depuis de façon différente et la suite m’a confirmé qu’elle n’avait rien de la fille timorée que je m’étais figuré.

Il s’est avéré très intéressant de trouver une pratique où les élèves étaient bien disposés et répartis différemment. Je vois d’autres bénéfices à cette organisation. Des élèves qui, habituellement, se retranchent derrière un mutisme qu’ils veulent hostile à seule fin de décourager le professeur de les interroger sont, en la circonstance, obligés de participer. La différence est due à l’activité : on joue, mais aussi peut être à la responsabilité par rapport au coéquipier. Lorsqu’on dit une bêtise, la sanction vient de l’équipe adverse et le responsable engage son coéquipier. Mais c’est en toute intimité qu’ici on peut se tromper. Il n’y a pas le regard réprobateur du professeur ou les camarades qui ricanent… Mon attitude pendant la partie était de corriger si j’entendais ou lisais une erreur, mais mon intervention n’avait pas d’incidence, sur le déroulement de la partie. Je respectais le principe selon lequel c’était à l’équipe adverse de faire le tri.

L’autre composante qui change, c’est la vision que les élèves ont du professeur et de son rôle. Ce type d’activité vous éclaire d’un jour nouveau. Il y a, peut être, un risque. Ce peut être avantageux ou, au contraire, la confirmation que vous n’êtes pas « normal » ou carrément stagiaire. Pour ma part je m’étais beaucoup soucié de préparer le terrain pour pouvoir oser ensuite proposer quelque chose de différent. Cela supposait, comme je l’ai déjà exposé que, dans leur majorité, les élèves me fassent confiance. Le plus délicat était de savoir doser l’autorité et la gentillesse, maintenir cet équilibre sans se laisser entraîner d’un côté ou de l’autre. Au mois de décembre, j’avais opposé une attitude très ferme (c’est moi qui juge mais la volonté y était) avec les éléments les plus perturbateurs. Avec un élève il allait falloir composer, il resterait difficile. Ce sont là des problèmes de gestion de classe, difficiles à apprécier, j’ai simplement essayé d’imposer mon autorité face à cet élève pour rassurer les autres. L’élève pose toujours des problèmes mais à entendre mes collègues, je ne m’en sors pas si mal.

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3. Une séance de travail autour de la règle du jeu.

Grisé par ce succès, je me suis laissé séduire par l’idée d’une cinquième séance. J’ai déjà expliqué ce que je voulais en faire. C’était pour moi l’occasion de revenir sur des aspects que j’avais dû laisser de côté. La règle du jeu était une opportunité que je ne pouvais pas ne pas saisir. Son lexique, ses tournures, étaient intéressants, mais c’est surtout la hiérarchie du discours, l’emploi de connecteur logique qui m’intéressait. Seulement il faut se méfier des projets qui mêlent trop d’ambitions, et il faut encore plus se défier des évidences : le travail à suivre me semblait évident et je pêchais par une préparation qui aurait mérité plus d’attention. La raison de cette précipitation, est surtout d’ordre psychologique : le gros du travail passé j’ai relâché un peu mon attention : Voilà la suite.

a. Un travail sur la rédaction et l’organisation des idées.

Dans l’ensemble les élèves ont bien travaillé (cf un exemple de production des élèves en annexe) mais le résultat n’est pas exactement celui auquel je m’attendais. Le mardi, je voyais les 3émes en dernière heure, je prévoyais de les garder dans la même disposition, par groupe de quatre, et de leur faire rédiger la règle du jeu en espagnol. Ils avaient déjà tout le vocabulaire et l’expérience d’une heure de pratique du jeu. Mes objectifs étaient un réemploi du lexique, l’emploi de certaines tournures subjonctives (para que… es necesario que…) et au moins une prise de conscience des problèmes de priorités des tâches et l’effort d’organisation du texte que cela demandait. Une règle du jeu, comme tout règlement, est précisément articulée, elle a sa nomenclature. C’est surtout ce travail d’organisation des idées, de hiérarchisation du discours qu’il m’importait de retrouver. Nous travaillions, de cette façon, la compétence écrite. Par expérience, je savais que pour la très grande majorité des élèves, lors de la rédaction, les simples notions d’ordre chronologique posaient problème : antériorité et postériorité, c’était à peu près tout ce qu’on en tirait. L’ordre logique, a fortiori, restait problématique, un dur labeur nous attendait. Voilà comment j’ai procédé :

J’ai reformé les mêmes groupes, associant cette fois-ci les adversaires de la

veille afin de les faire travailler ensemble à cette rédaction. Pour ce travail, les élèves disposaient du lexique présent sur la règle distribuée la veille. Ce lexique, j’avais demandé à ce qu’ils le relèvent sur leur cahier. J’ai vérifié que ce travail était bien fait.

J’ai distribué alors à chaque groupe un canevas avec les différentes étapes à respecter :

La regla del juego

I. Descripción del juego

ComponerseHayUn tablero

II. Objetivo del juego : la meta

Para ganar21

Es necesario queLos jugadoresConseguir el número más alto de…

III, Regla del juego

1. Comienzo del juegoAl comenzar…Cada jugadorCada équipoColocarseConseguir el número más altoSeguir + gerundio. sigue lanzando el dado...Preguntar / contestar Acertar

2. Continuación del juegoCuando te tocaCuando te llegue el turno (cuando + subjonctif = quand + futur)Lanzar el dadoPoder / no poder hablar francésLa casilla / la casilla tachada de rojoAvanzar / hacer marcha atras

a. Si aciertas…b. Si fallas…

Avec cette grille et avec l’expérience d’une partie déjà jouée, j’attendais que les élèves me fassent un travail de rédaction. Le lexique introduit dans ce travail, je le traduisais au fur et à mesure de la lecture que je faisais du document en début d’heure. Je procédais comme d’habitude : lecture des mots nouveaux ¿qué significa componerse? ¿quién lo sabe ? el cuadro se compone de… ¿qué significa ? Si les élèves ne trouvent pas je traduis.

b. Un résultat mitigé : une correction difficile

Le reproche que j’adresse à cette séance n’est pas sans rappeler la séance de rédaction de lettres aux correspondants : canaliser leur rédaction avec un canevas est sûrement une façon de les contraindre dans la bonne voie mais cela n’empêche pas les tournures maladroites, issues le plus souvent d’un passage par le français. Néanmoins, j’ai obtenu des résultats satisfaisants que je reproduis en annexe. Un autre problème est dû à l’organisation en groupe, tous les élèves n’ont pas travaillé. A la différence de la correspondance, où chacun a quelque chose de personnel à dire, certains, ici, se sont laissés porter. Il faut dire que le créneau horaire du mardi soir (dernière heure) n’est pas fait pour favoriser la concentration, indispensable à ce type d’exercice difficile. Pour la correction, j’ai ramassé leur production en fin d’heure et j’ai fait une correction comme pour des copies mais il ne m’a pas été possible de revenir sur toutes les fautes, je n’ai pu corriger que les plus fréquentes et me concentrer sur les

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structures qui m’intéressaient. Le problème est que les rédactions étaient très disparates, même si le canevas les dirigeait. Une autre difficulté a tenu à ce que la production étant une mise en commun, il n’y avait qu’une copie pour quatre, je n’ai donc pas pu adresser une correction individualisée à chaque élève.

Quoi qu’il en soit, il me semble très important de ménager des séances pour ce travail de rédaction. C’était une opportunité que j’ai saisie pour leur apprendre à articuler leurs idées. Je consacrerai d’autres séances à ce type de travail (travail sur le style indirect à partir d’une bande dessinée, par exemple).

4. Deuxième jeu

a. Préparation des pré requis : le lexique du voyage et la manipulation de l’impératif.

Cette nouvelle séance de jeu s’inscrivait sur l’horizon du voyage et des vacances. Je devais la mettre en œuvre après l’étude de documents consacrés à ce thème. Tout à la fois, il me fallait entraîner les élèves à l’utilisation de l’impératif. Mon premier document était une bande dessinée de Mique Beltrán Marco Antonio (P 70 Nuevos Rumbos 1ère année). A travers ce document où un mystérieux client appelle la RENFE pour obtenir des informations de plus en plus précises, on abordait du lexique utile pour la suite : « tardar en llegar, el recorrido, las paradas, los ferrocarriles, los horarios, la velocidad, la rapidez, preguntar por la distancia entre, el tren sale a las diez, llega a las … ». Avec ce document, je continuais l’étude de l’impératif qui avait été introduit lors du thème précédent sur l’environnement. Les phylactères s’y prêtaient, ils étaient riches en emploi de l’impératif, à usted et tú, avec des enclises. Les séances du mardi 22 février et du vendredi 25 février ont été consacrées à cette bande dessinée. J’ai donné alors la chute de l’histoire où l’on découvre que le client est en fait un collégien qui a un problème de mathématique à résoudre. Le lundi j’ai travaillé des exercices sur l’impératif et la défense, en vue du contrôle prévu pour le mardi. J’expliquais la présence de l’accent lors de l’enclise. Le mardi 1 mars j’avais prévu un contrôle portant sur la bande dessinée et des conseils pour respecter l’environnement avec des impératifs (peu), des défenses, des phrases d’ordre et de défense indirectes « el cliente exige que la recepcionista sea mas precisa… ». Le vendredi 4 mars, j’ai corrigé le contrôle. Le lundi j’ai donné un exercice autour de la sécurité routière, j’employais des panneaux de signalisation pour travailler mes ordres et défenses et nous avons travaillé plus précisément l’enclise. Le Mardi 8 mars un autre contrôle était prévu : j’avais pris du retard sur les notes et leur conseil avait lieu la semaine suivante. Ce contrôle a porté plus spécifiquement sur l’impératif et quelques enclises.

b. Un fâcheux contretemps

Pour compléter ce thème du voyage, je voulais étudier un autre document : une publicité de la RENFE sur l’AVE (train à grande vitesse) reliant Madrid à Séville. Malheureusement je suis tombé malade et j’ai dû m’arrêter pour ne reprendre que le vendredi 18 mars. Le lundi 21 mars c’était la visite de la formatrice et il m’a fallu adapter ma progression à la circonstance : J’ai introduit un nouveau thème et j’ai abordé le futur qui avait déjà été évoqué en décembre. Ce lundi, le cours fit la part belle aux constructions subjonctives. Je relève, entre autres phrases dites par les élèves, « Carmen quiere que su marido la ayude en sus tareas domésticas ; la mujer le

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sugiere que aprenda a lavar la ropa… ». Pour le mardi, les élèves devaient repérer les futurs dans le texte. Nous avons fini ce document et il nous restait le temps de faire un exercice de conjugaison sur le futur. Cet exercice était à finir pour le vendredi 25 mars.

Ces précisions vous aideront à comprendre les points travaillés en vu de cette nouvelle séance de jeu. Comme lors de la précédente expérience, celle ci requérait une préparation des élèves afin de réduire leurs difficultés au moment de la partie. Pour jouer ils allaient devoir maîtriser l’impératif, la défense et les phrases complexes avec un ordre, une défense, une volonté, ou un conseil dans la principale et la subordonnée au subjonctif. Il leur faudrait aussi du vocabulaire pour organiser un voyage. Enfin il fallait revoir le futur.

c. Organisation d’une partie qui s’annonce difficile

Au fur et à mesure que j’avançais dans ce travail préparatoire j’ai pris conscience de la difficulté que pouvait représenter pour certains l’impératif. Une séance supplémentaire consacrée à des exercices aurait été souhaitable. Seulement, j’étais pris de court, le temps maintenant était compté puisque les mémoires étaient à rendre maintenant dans un délai très court ; impossible donc d’intercaler cette séance.

Le jeu était basé sur la rapidité et je maintenais malgré tout ce temps de trois minutes imparti pour construire les phrases, je voulais garder cette dynamique sans laquelle la partie aurait pris des allures de travail de rédaction. Il me restait le choix entre deux dates : le vendredi en première heure ou le mardi en dernière heure : j’écartais cette dernière solution ! Idéalement, j’avais pensé au créneau horaire du lundi, mais, ce lundi était jour férié.

J’ai gardé la même disposition que précédemment (photo de la salle en annexe) : les élèves allaient s’affronter deux contre deux. De cette façon je pouvais construire des équipes et associer les élèves les plus en difficulté avec d’autres plus forts. Le niveau requis par le jeu exigeait ce partenariat pour faire adhérer le plus grand nombre, d’autant qu’à ce moment de l’année, l’écart entre les meilleurs élèves et les plus faibles, s’était creusé ; certains élèves s’étaient découragés. Il est intéressant de noter au passage que, parmi ces derniers, la motivation pour écrire à leur correspondant était restée intacte, ils y attachaient même une grande importance (j’ai corrigé leurs lettres, certains parmi mes élèves en grande difficulté expliquent à leur correspondant leur motivation, souvent d’ordre familial, pour apprendre l’espagnol !). Mais si la rédaction d’une lettre leur laissait le choix de la formulation, s’ils pouvaient dans ce cas adapter l’ambition de leur échange à leur niveau de langue, mon projet, en revanche, allait leur imposer un niveau soutenu. Est-ce que ce seul partenariat avec un élève plus fort allait suffire à les encourager ?

Malgré cette difficulté du jeu, il fallait garantir une certaine adhésion. Pour ce faire, le jeu, dans sa conception, devait permettre même au plus faible de gagner. C’est toute l’importance de ménager dans le déroulement du jeu une part à la chance ! Sans cela, le profil de la partie se devine vite et les plus faible perdent espoir et donc leur motivation. Lors de la lecture de la règle du jeu (ci après), vous serez attentif à trois faces, sur les deux dés : les faces prioritaires, joker et stop. Elles introduisent dans la partie une fortune diverse. On pourrait comparer cette précaution avec l’exigence qu’il y a dans la construction d’un devoir de prévoir des exercices de différents niveaux pour pouvoir évaluer même l’élève le plus faible. La différence est qu’ici, ce dernier, avec un peu de chance, doit même pouvoir gagner. Et d’ailleurs parmi les deux équipes à avoir atteint la case finale à la fin de l’heure, l’une était

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menée par un très bon élève, l’autre, formée de deux élèves très moyens. La lecture des feuilles de notes m’a montré que cette dernière équipe avait effectivement eu la main heureuse, elle était tombée quatre fois sur le joker.

Pour les réflexions préalables à l’organisation de cette partie, on le voit, j’ai tiré largement partie de ma première expérience. J’ai adapté les mêmes ficelles : j’ai introduit une part de hasard pour rendre le jeu attractif pour tous ; j’ai gardé l’organisation du jeu précédent en opposant des équipes de deux contre deux ; j’ai composé ces équipes de niveaux mixtes, afin d’associer à la partie même les élèves les plus en difficulté ; j’ai conservé l’obligation pour l’équipe qui avance de parler en espagnol ; j’ai maintenu le passage par l’écrit avant la formulation à l’oral, de cette façon je pouvais intervenir en cas de désaccord et évaluer les parties jouées à la fin. Par rapport à la première séance, j’ai multiplié les possibilités d’alternance entre les équipes pendant le déroulement du jeu, j’ai, par contre, conservé un temps imparti pour faire les phrases. Cette partie allait demander plus d’attention aux élèves que la première, le jeu réclamait plus d’autonomie et la capacité de réemployer des structures en les adaptant à un contexte nouveau.

d. Voici la règle du jeu :

Regla del juegoComposición y descripción del juego : Le jeu se compose d’un plateau de jeu, de deux pions : un par équipe, et de deux dés différents. Le plateau est une succession de sept cases représentant chacune la progression des préparatifs d’un voyage. A chaque case correspond une situation. Pour chaque situation les joueurs devront formuler une phrase, afin de passer à la case suivante. Le premier dé (le petit) présente une personne par face : tú, usted, nosotros, vosotros, ustedes, la sixième face est un joker. Le deuxième dé (le plus gros) propose sur chacune de ses faces -1 un ordre (impératif) -2 une défense (no + subjonctif) -3 une volonté, -4 un conseil / un ordre indirect, -5 une face passe ton tour et enfin -6 une face « prioritaire ». Ces différentes faces sont symbolisées par des signalisations routières. Elles

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indiquent au joueur la phrase qu’il doit faire.

Objetivo del juego : la meta Les joueurs jouent par équipe, deux contre deux. Chaque équipe doit avancer dans les différentes étapes de la préparation de ses vacances. Elle doit franchir sept étapes pour enfin arriver sur le lieu de ses vacances.

Comienzo del juegoChaque équipe tire chacune son tour le gros dé, la première à tomber sur la face prioritaire commence. Le joueur qui commence jette alors premièrement le petit dé, il lui indique à qui il adressera sa phrase, puis il jette le gros dé qui lui indiquera quel type de phrase il devra formuler. Exemple : le premier dé tombe sur « usted » et le deuxième dé sur « conseil » il adressera alors un conseil à « usted » en tenant compte de la situation décrite dans la première case. Pour chaque situation, sur chaque case du plateau, la personne désignée par le gros dé est précisée. Pour la première case, par exemple, nous = « a ti mismo y a tu amigo », usted = « a un vecino de buen consejo ». L’équipe qui avance dispose alors de trois minutes pour faire une phrase. Dans notre exemple, elle adressera donc un conseil à « un vecino de buen consejo ». Exemple : « le aconsejo que nos deje en paz ». Si la phrase est correcte l’équipe avance d’une case.

• Le petit dé tombe sur joker : il est inutile de jeter l’autre dé, il suffit

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de donner n’importe quel ordre (impératif), même sans rapport avec le jeu, et les joueurs avancent d’une case. L’équipe garde alors la main, elle rejette les deux dés et dispose à nouveau de trois minutes pour faire une phrase.

• Le gros dé tombe sur stop : tu passes ton tour !

Le gros dé tombe sur prioritaire : tu as trois minutes pour faire la phrase de ton choix !

Toutes les phrases et leurs réponses doivent être rédigées.Continuación del juegoAprès votre phrase, l’équipe adverse dispose d’une minute pour répondre. Elle répondra comme si elle était la personne à qui vous vous adressez, obligatoirement avec un futur. Exemple : « le aconsejo que nos deje en paz » - « no os dejaré en paz ». Si la phrase est correcte, elle permet à l’équipe adverse de prendre la main : c’est maintenant à son tour de jeter les deux dés.

L’équipe qui avance doit parler espagnol sinon elle perd la main ! La première équipe qui arrive au palmier a gagné !

La partie s’est déroulée le vendredi 25 mars, le matin. Je préparai la salle de classe à l’avance. Les élèves ont été appelés dans le couloir, groupe par groupe, et invités à s’installer au fur et à mesure autour des tables disposées en six carrés. La règle du jeu a été distribuée à chaque élève, Je les ai invités à en faire la lecture. Puis j’en ai expliqué le principe. Elle me semblait plus simple que la première, pourtant il m’a fallu plus de temps pour la leur faire comprendre. Je crois que l’heure matinale

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explique ce démarrage plus lent. Pour débuter la partie, il leur suffisait de savoir comment déterminer le premier joueur, il fallait qu’ils comprennent la situation de départ (estás de vacaciones es hora de pensar en lo que quieres hacer te diriges a…), ils n’avaient plus qu’à jeter les deux dés, le premier indiquant à qui le joueur allait s’adresser et le deuxième quel type de phrase il devait faire. Ceci étant compris, je fis le tour des six groupes pour vérifier si le reste de la règle était clair. Il me fallut intervenir plus que lors de la première partie.

e. Les difficultés rencontrées

Pour une élève, tomber sur « tú » et « volonté » la phrase qu’elle proposait était « quiero ir de vacaciones » il m’a fallu lui faire comprendre que je voulais qu’elle s’adresse, dans ce cas, à « tu amigo ». Selon elle, c’est bien à lui qu’elle s’était adressée. J’ai dû lui expliquer la structure que je recherchais : « yo quiero que » (phrase principale) « tú vengas conmigo de vacaciones » (phrase subordonnée). Elle sembla sceptique. Pour plusieurs équipes j’ai dû repréciser que, pour reprendre la main, l’équipe adverse disposait d’une minute pour répondre au futur, « en répondant à la phrase de l’autre équipe comme si elle était la personne à qui elle était adressée ». Pour certaines situations, les élèves m’ont demandé de traduire (situation trois et quatre ; « burlarse », « no hacerle caso », « darse cuenta », n’étant pas connus des élèves). Mais le plus difficile aura été, pour les plus faibles, cette gymnastique qui consistait à élaborer tantôt un ordre direct, tantôt une phrase indirecte ; d’abord les impératifs continuaient à intimider les plus faibles, ensuite pour coller à la situation il leur manquait parfois du lexique, ce qui les gênait. C’est cet aspect, surtout, qui fait la difficulté de ce jeu par rapport au premier : il demande une certaine autonomie des élèves pour s’adapter à des situations nouvelles et formuler des phrases en conséquence. J’en étais conscient ! Je pense qu’une séance de préparation supplémentaire aurait suffi à aplanir nombre de ces difficultés.

f. Nouvelles remarques

Outre l’exigence de ce jeu, plus ambitieux, les remarques se rejoignent avec celles de la première partie. Le jeu s’est bien déroulée, les élèves étaient bien disposés mais pour les raisons déjà exposées j’ai noté chez deux élèves une attitude de découragement en début de partie. Les écarts de niveau à cette période de l’année sont aussi plus marqués, certains élèves se sont déjà recroquevillés dans une attitude de mauvaise foi. Il a fallu qu’ils en sortent : c’est tout l’intérêt de faire des équipes. Pour le reste, j’ai vérifié des observations que j’avais déjà eu l’occasion de faire lors du premier jeu, notamment sur la différence du profil de la classe lors de ces parties. Le fait le plus notable sur celle-ci, est que c’est mon élève le plus difficile qui s’est fait le garant du bon déroulement de la partie en veillant à rappeler à l’ordre les plus bruyants !

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Pour conclure

Dans l’ensemble les deux parties se sont donc bien déroulées. Je me rends compte maintenant qu’elles m’ont imposé un souci constant, sur l’ensemble de l’année, pour maintenir un bon contact avec la classe. Ce travail n’aurait pas été possible si la classe l’avait refusé, je n’en été que trop conscient dés le début. Ma principale crainte était que les élèves n’adhèrent pas, c’est de leur engagement que je tire ma plus grande fierté, je commence seulement à mesurer le stress que ce risque aura engendré.

Les jeux construits sont, bien entendu perfectibles, j’ai fait pour le mieux dans le temps qui m’était imparti. Ils ne valent ici, pas tant pour ce qu’ils sont en tant que jeu, que comme exemple d’une pratique pédagogique autour d’activités ludiques. Si je devais les réemployer bien des améliorations pourraient leur être apportées.

Ce que je voulais mettre en pratique et vérifier, c’était surtout l’opportunité de ce type d’activité dans une classe de collège, comment les élèves allaient réagir ? Est-ce que j’aurais des retours positifs en terme de motivation ? Il est, à ce stade de l’année, difficile de faire le trie entre la part qui revient strictement à ces séances de jeu dans la motivation de la classe. Je ne peux que confirmer que la perspective d’avoir des correspondants a très favorablement disposé les élèves et que les séances de jeu m’ont gagné la sympathie de la classe. Toute autre conclusion en terme de résultat serait hâtive.

Néanmoins, je voulais réserver des séances de cours où la langue redeviendrait un moyen de communication et non plus une finalité à travailler ; cet objectif a été atteint. Autant les séances de jeu que celles de correspondance auront été des moments où la contrainte aura été secondaire.

Mon pari est que ce rappel des priorités aura donné du sens à leur apprentissage et qu’en dépit de leur jeune âge, pour certains, apprendre une langue étrangère deviendra un jeu utile.

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