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L'ÉVOLUTION DE L'ENSE PAR J. CRAMIER Quelle place le tennis tient-il au sein des enseignements sportifs au lycée ? CONSTATS Des raisons existent pour invo- quer le manque de développe- ment du tennis au collège et au lycée. Le manque d'installations adé- quates, hormis pour quelques établissements qui, voisins de celles de la municipalité, peu- vent les utiliser. Le manque de formation des enseignants d'EPS. On touche alors à un problème crucial, inhérent à la formation initiale donc à la place de ce sport dans les UFR Sciences du sport et à son corollaire : l'inscription du tennis aux épreuves du CAPEPS dans les choix pos- sibles offerts aux candidats. Le développement mondial du tennis a suivi celui de l'Empire britannique. Dans les années soixante-dix, l'apparition du pro- fessionnalisme constitue une vio- lente rupture dans les mentalités et donne pour le grand public, l'image d'une logique de gains faciles (rejetée par les ensei- gnants) et d'un certain élitisme. Dans les conditions matérielles traditionnelles, hormis pour quelques heureux qui ont la chance de réussir rapidement, l'apprentissage du tennis est très long et fastidieux. La moti- vation souffre parfois de la lenteur des progrès. C'est cer- tainement parce que tous en même temps, enseignants d'EPS, instituteurs, enseignants professionnels de tennis, initia- teurs et cadres fédéraux, se sont aperçus que des enfants de 7, 8, 9 ans jouaient sur le même terrain et avec les mêmes contraintes que les adultes, qu'est née une adaptation péda- gogique : le mini-tennis. DÉVELOPPEMENT DU MINI-TENNIS Le mini-tennis est, avant tout, un moyen pédagogique pour des enfants ou des débutants d'accéder au tennis en facili- tant, autant que faire se peut, les apprentissages moteurs. Pour cela, on ne peut faire l'économie des quelques consi- dérations émanant de l'analyse didactique du tennis. Joël Dugal Revue EP.S n°307 Mai-Juin 2004 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

L'ÉVOLUTION DE L'ENSEIGNEMENT

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L'ÉVOLUTION DE L'ENSEIGNEMENT PAR J. CRAMIER

Quelle place le tennis tient-il au sein des enseignements sportifs au lycée ?

CONSTATS

Des raisons existent pour invo­quer le manque de développe­ment du tennis au collège et au lycée. Le manque d'installations adé­quates, hormis pour quelques établissements qui, voisins de celles de la municipalité, peu­vent les utiliser. Le manque de formation des enseignants d'EPS. On touche alors à un problème crucial, inhérent à la formation initiale donc à la place de ce sport dans les UFR Sciences du sport et à son corollaire : l'inscription du tennis aux épreuves du CAPEPS dans les choix pos­sibles offerts aux candidats. Le développement mondial du

tennis a suivi celui de l'Empire britannique. Dans les années soixante-dix, l'apparition du pro­fessionnalisme constitue une vio­lente rupture dans les mentalités et donne pour le grand public, l'image d'une logique de gains faciles (rejetée par les ensei­gnants) et d'un certain élitisme. Dans les conditions matérielles traditionnelles, hormis pour quelques heureux qui ont la chance de réussir rapidement, l 'apprentissage du tennis est très long et fastidieux. La moti­vation souffre parfois de la lenteur des progrès. C'est cer­tainement parce que tous en même temps, enseignants d'EPS, instituteurs, enseignants professionnels de tennis, initia­

teurs et cadres fédéraux, se sont aperçus que des enfants de 7, 8, 9 ans jouaient sur le même terrain et avec les mêmes contraintes que les adultes, qu'est née une adaptation péda­gogique : le mini-tennis.

DÉVELOPPEMENT DU MINI-TENNIS

Le mini-tennis est, avant tout, un moyen pédagogique pour des enfants ou des débutants d'accéder au tennis en facili­tant, autant que faire se peut, les apprentissages moteurs. Pour cela, on ne peut faire l'économie des quelques consi­dérations émanant de l'analyse didactique du tennis. Joël Dugal

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propose les caractéristiques sui­vantes [1] : Le tennis est un sport : - de cibles, - d'affrontement médié par un filet, - d'interactions (successions de frappes et renvois). Dans chaque frappe on retrouve le risque de perdre ou de gagner le point, la défense de son camp et l'attaque de la cible adverse avec un cas particulier : le ser­vice. Pour schématiser, nous distinguerons pour l'apprenant plusieurs types de cible : - une cible de frappe (rencontre balle/raquette), - une cible de coup (le terrain adverse), - une cible de marque (créer la rupture en visant les zones libres).

Si, partant de là, nous considé­rons que jouer au tennis c'est produire des trajectoires, nous sommes confrontés aux para­mètres suivants : longueur, hau­teur, direction, vitesse, effets ; qui constituent les variables de cette trajectoire. Le mini-tennis peut être défini comme une série d'adaptations qui réduit chacune de ces variables tout en privilégiant les caractéristiques fondamentales de jeu évoquées plus haut : - hauteur du filet réduite, - vitesse de jeu réduite grâce à une balle moins rapide et moins bondissante, - longueur et largeur du terrain adaptables à volonté, - effets peu ou pas abordés. Exemple de progression contenue dans l'utilisation du matériel : - palette, balle mousse, terrain 12 x 6 m, filet à 0,50 m, - l r e raquette de mini-tennis, balle mousse, terrain de 12 x 6 m, filet à 0,50 m, - 2 e raquette de mini-tennis, balle souple de mini-tennis, ter­rain de 15 x 8 m, filet à 0,60 m, - raquette junior, balle souple de mini-tennis, terrain 18 x 9 m, filet à 0,70 m. La séance de mini-tennis néces­site des contenus. L'intérêt évi­dent est que dès les premières étapes de ce que l'on peut déjà appeler « tennis évolutif », on pratique dans la cour, en gym­

nase, sur un terrain de tennis avec des tracés perpendiculaires et un simple élastique servant de filet. C'est cette approche pédagogique qui, dès 1994, a attiré l'attention du ministère de l'Education nationale.

DU MINI-TENNIS À L'OPÉRATION « TENNIS SCOLAIRE »

En mai 1994, pendant le tour­noi de Ro land G a r r o s , le ministre de l'Éducation natio­nale et C. Bîmes, président de la FFT signaient un protocole simple afin de pouvoir « tra­vailler ensemble », sans pré­séance de l'un par rapport à l'autre. Les objectifs étaient les suivants :

Pour la FFT • Établir des contacts fructueux avec les enseignants. • Mieux faire connaître cette APS à l'école. • Susciter un intérêt qui per­mette à un plus grand nombre d 'enfants de découvrir le tennis.

Pour le MEN • Établir des relations sans équivoque avec le mouvement sportif. • Proposer aux maîtres des contenus d 'enseignement lisibles, compréhensibles per­mettant à un maître polyvalent de travailler avec sa classe. Cet accord a donné lieu à l'éla­boration de l'ouvrage « Tennis

Le tennis au collège et au lycée selon les instructions officielles (BO HS n°6 du 31 août 2000)

Finalités « Comme les autres disciplines, l'EPS participe aux missions définies pour le lycée : favoriser l'accès au patrimoine culturel et le développe­ment des capacités de jugement, viser l'acquisition de savoirs fonda­mentaux sans lesquels les lycéens ne pourraient devenir citoyens respon­sables et ouverts, susceptibles de s'intégrer dans une société démocra­tique ». [...]

Objectifs « L'apport de l'EPS à la formation glo­bale est particulier original et irrem­plaçable. Son enseignement fait vivre à tous les élèves des expériences corporelles collectives et individuelles qui [...] favorisent : - l'accès au patrimoine culturel consti­tué par la diversité des APSA et cer­taines de leurs formes sociales de pratique, - le développement des ressources afin de rechercher par la réussite l'ef­ficacité dans l'action individuelle et collective, la confiance et la réalisa­tion de soi, - l'acquisition des compétences et connaissances nécessaires à l'entre­tien de la vie physique et au dévelop­pement de la santé tout au long de la vie, - l'engagement dans une voie de spé­cialisation par l'approfondissement de la pratique des APSA ». Le tennis ne figurant pas dans le groupe des activités durables pour les programmes de lycée, nous pro­posons de nous référer à l'élaboration des connaissances pour le badmin­ton et le tennis de table et à leur mise en œuvre méthodologique.

FÉDÉRATION FRANÇAISE DE TENNIS

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à l 'école » dans la collection Essai de réponses aux éditions Revue ERS. Après plusieurs années de mise en place, l'opération est une réussite au niveau de l'école primaire. 25 avril 2002, une nouvelle convention quadripartite MEN, FFT, USEP, UNSS, est signée.

Les principales nouveautés de la convention nationale MEN/FFT • Le tennis peut être présent dans la totalité du cursus sco­laire de la maternelle au bacca­lauréat. • Il y est enseigné selon les prin­cipes pédagogiques du tennis évolutif développé par la FFT. • La possibilité est donnée à la FFT de diffuser des documents pédagogiques corédigés ou validés. • La FFT peut désigner des cadres techniques pour partici­per à des actions de formation ou d'informations sur les nou­velles méthodes d'enseigne­ment du tennis, auprès des enseignants de l'enseignement primaire et secondaire. • La notion de prêt de matériel et d'équipement se substitue à la notion de dotation. • La convention est cosignée par l'UNSS et l'USEP • Il y a adéquation totale entre les objectifs formulés par la FFT (inscrire le tennis dans le patrimoine culturel) et ceux développés par la convention et son annexe.

Objectifs et rôle de la FFT Après le renouvellement de la convention avec le MEN, voici les objectifs concernant le ten­nis dans le monde scolaire.

• Inscrire le tennis dans le patrimoine culturel des

jeunes. Démontrer que le

tennis s 'adapte à l'EPS dans les col-lèges et les lycées grâce au tennis évolutif. • Etablir des rela­tions privilégiées

avec les professeurs d 'éducat ion phy-

sique qui enseignent le tennis en EPS et

en AS.

Le rôle de la FFT est défini par le bureau fédéral et le comité de direction. Les actions mises en œuvre et coordonnées par le département Formation et enseignement de la DTN. consistent à : - suivre l'opération en faisant un bilan, avec l'EN, des statis­tiques sur le nombre et la nature des projets, - coordonner en regroupant les responsables régionaux chargés de ce dossier, - apporter une aide pédago­gique en élaborant des docu­ments écrits et audiovisuels, - réaliser un module de forma­tion continue spécifique pour les brevetés d'État, - mettre en vente des kits spéci­fiques tennis scolaire dans les catalogues de la centrale du club et de la CAMIF. Il est très clair que pour ensei­gner le tennis en collège ou en lycée, il faudra tenir compte : du projet pédagogique, du pro­jet EPS inséré dans celui-ci, des I.O. (exprimées particulière­ment en compétences) et d'une évaluation.

La section sportive scolaire (SSS) C'est une organisation interne à l'établissement scolaire ayant pour « vocation de favoriser au sein du système scolaire un champ de pratique approfondie d'activités sportives » (cf. cir­culaire MEN n°69-291 du 13.12.1996). La SSS procure donc « aux élèves volontaires la possibilité de bénéficier, après accord des familles, d 'un entraînement plus soutenu dans une seule discipline sportive de leur choix ». Et ce notamment à partir d'un aménagement (sans allègement) de l 'emploi du temps scolaire des sportifs

considéres favorisant une har­monie entre leur vie scolaire et leur projet sportif. Un tel projet peut impliquer la mise en œuvre par l'établisse­ment scolaire de moyens per­mettant le fonctionnement de la SSS (heures d'EPS aménagées, soutien scolaire, équipe péda­gogique). Si la création d'une SSS portant sur telle ou telle discipline spor­tive (ou plusieurs) trouve par­fois sa volonté première en interne à l'établissement, cette volonté initiale peut aussi être portée par une association spor­tive solliciteuse qui pourra construire sa présentation ini­tiale au chef d'établissement autour de quatre arguments, par ordre de priorité : - objectifs éducatifs poursuivis par l'association solliciteuse (le projet sportif des jeunes concer­nés, le profil et le recrutement de ceux-ci, la réponse de l'asso­ciation à leur projet, les contraintes que cela implique, la recherche d 'une réponse adaptée à leur double projet scolaire et sportif, le terme de ce projet), - intérêt pour l'établissement scolaire d'une collaboration avec l'association solliciteuse (dynamisme de leur AS, partici­pation des sportifs considérés à la vie de l'UNSS, recrutement de nouveaux élèves, etc.), - moyens apportés par l'asso­ciation solliciteuse : installa­tions, encadrement. Pour les jeunes publics visés directe­ment par le projet mais aussi plus ponctuellement et autant que possible et nécessaire pour d'autres élèves de réta­blissement, - moyens dont l'association sol­liciteuse souhaiterait en tout ou partie pouvoir disposer : amé­nagements d'emploi du temps, autorisations d 'absence en cohérence avec le programme de compétitions, complément de qualité entre heures d''EPS et entraînement quotidien, etc. Un tel projet de SSS, même suggéré par une association sportive fédérale, reste toujours un projet d 'é tabl issement nécessitant un avis favorable de son conseil d'administration, un avis positif de l'inspecteur pédagogique régional d'EPS et une décision définitive du rec­teur d'académie. Il induit dès

lors la mise en œuvre par l'EN de moyens venant se rajouter à ceux déployés par l'association solliciteuse. Mais des considé­rations régionales peuvent, malgré une volonté locale par­tagée par le chef d'établisse­ment et le président de l'asso­ciation solliciteuse, entraîner une décision de non ouverture de SSS.

Comment évaluer ? En plus du travail évoqué ci-après dans l'article de Luc Barbereau et Éric Lajugie, on peut retenir grâce à Céline Duvéré dans l'ouvrage « Ensei­gner le tennis à l'école » (cf. bibliographie) la réflexion sur l'évaluation, où la recherche de contenus est remarquable et déclinée suivant les différents types de compétences.

La transversalité Les itinéraires de découverte en collège, les travaux personnels encadrés en lycée ont mis tour à tour l'accent sur la possibilité d'interactions entre disciplines et la collaboration entre ensei­gnants au profit d'un projet transversal. Incontestablement le tennis a sa place dans ce domaine en cela qu'il se prête parfaite­ment à l 'applicat ion des principes de la physique de Newton ou autrement dit : « expliquer le fonctionnement de la machine humaine depuis les centres de décision jusqu'à la manifestation de mouve­ments complexes créés par les muscles actionneurs » [2]. Selon le même principe de transversalité, d'autres matières peuvent être abordées : français (étude de textes), mathéma­tiques (angles, bissectrice), his­toire (celle du 20 e siècle), géo­graphie (situation géographique des grands tournois), etc.

Jacques Cramier Professeur d'EPS,

Collège Clémenceau, Tulle (19), Groupe,

« tennis scolaire » de la FFT.

Bibliographie [ 1 ] Dugal J., « Analyse et traitement didac­tique des APS. exemple en tennis », Revue EP.S nc 230, juillet-août 1991. [2] Junqua A., Avant-propos dans Tennis à l'école, coll. Essai de réponse, éd. Revue EP.S.

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