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Document 1111 Ii 1111111 111111 il Ili 111 1H 0000005451470 1 j;Cnàee7e L'AFFAIRE SAINT-ANGE M II'1SOflE DE LA VIE DE BLAISE PASCAL A ROUEN (1647) 11 y avait environ deux ans que Biaise Pascal s'était, commeon (lisait, converti, et que, du même coup, entraî- nant toute sa famille à sa suite, il avait embrassé le jansénisme dont Jean Guillebert, curé de Rouville, lui avait enseigné la doctrine, lorsqu'il se présenta pour lui une occasion de manifester avec éclat l'ardeur de son zèle religieux, et, (lisons-le aussi, l'âpreté de son caractère. Je veut parler de l'affaire Saint-Ange dont M. Cousin a publié le dossier, une première fois, dans la Bibliothèque de l'Ecote des Chartes, en 1843, une seconde fois, clans ses Etudes surBlaisePaseal(l). n'ai point la. prétention de refaire le travail d'un aussi hal,iile écrivain, il me paraîtaussi sans utilité de repro- duire les documents dont nous lui devons la connais- sance. Je me bornerai à résumer quelques notes que j'ai pu recueillir sur les personnes qui ont joué un rôle dans cette affaire, indifférente en elle-môme, mais (t) Œuvres de M. Cousin, 4 è série, t. II.

M II1SOflE DE LA DE BLAISE PASCAL A ROUEN

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1111 Ii 1111111 111111 il Ili 111 1H0000005451470

1 j;Cnàee7e

L'AFFAIRE SAINT-ANGEM

II'1SOflE DE LA VIE DE BLAISE PASCAL A ROUEN (1647)

11 y avait environ deux ans que Biaise Pascal s'était,commeon (lisait, converti, et que, du même coup, entraî-nant toute sa famille à sa suite, il avait embrassé lejansénisme dont Jean Guillebert, curé de Rouville, luiavait enseigné la doctrine, lorsqu'il se présenta pourlui une occasion de manifester avec éclat l'ardeur deson zèle religieux, et, (lisons-le aussi, l'âpreté de soncaractère. Je veut parler de l'affaire Saint-Ange dontM. Cousin a publié le dossier, une première fois, dansla Bibliothèque de l'Ecote des Chartes, en 1843, uneseconde fois, clans ses Etudes surBlaisePaseal(l). Jén'ai point la. prétention de refaire le travail d'un aussihal,iile écrivain, il me paraîtaussi sans utilité de repro-duire les documents dont nous lui devons la connais-sance. Je me bornerai à résumer quelques notes quej'ai pu recueillir sur les personnes qui ont joué unrôle dans cette affaire, indifférente en elle-môme, mais

(t) Œuvres de M. Cousin, 4è série, t. II.

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intéressante en ce qu'elle jette du jour sur l'état d'es-prit de Biaise Pascal et qu'elle faisait pressentir ce qu'ilpourrait un jour entreprendre dans le domaine de lareligion.

Voici le fait tel que le rapporte W" Périer, qui n'ya rien vu que de très honorable pour la mémoire ticson frère.-- -

« Dieu lui donna clés ce terps-1à (1647), une occa-sion de faire paroître le zèle qu'il avoit pourla religion.Il estoit alors à Rouen où mon père Soit employé pourle service du Roi; et ily avoit aussi, en ce même temps,un homme qui enseignoit une nouvelle philosophie quiattiroit tous les curieux. Mon frère ayant été pressé d'yaller par deux jeunes hommes de ses amis, y fut aveceux; mais ils furent bien surpris dans l'entretien qu'ilseurent avec cet homme qu'en leur débitant les prin-cipes de sa philosophie il en tiroit des conséquences surdes points de foy contraires aux décisions (le l'Eglise.JI prouvoit, par ses raisonnements, que le corps deJésus-Christ n'êstoit pas formé du sang de la sainteVierge, mais d'une autre matière créée exprès, et pl'u-sieurs autres choses semblables. Ils voulurent le con-tredire, mais il demeura ferme dans ce sentiment. Desorte qu'ayant considéré entre eux. lé danger qu'il yavoit de laisser instruire la jeunesse à un homme qui

voit des sentiments erronés, ils résolurent de l'avertirpremièrement, et puis de le dénoncer; s'il résistoit ô.l'avis qu'on lui donnoit. La chose arriva ainsi, car ilméprisa cet avis, de sorte qu'ils crurent qu'il estoit (leleur debvoir de le dénoncer à M.. du Bellay qui faisoit

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pour lors les fonctions épiscopales dans le diocèse deRouen par commission de M. l'Archevêque. M. deBellay envoya quérir cet homme, et l'ayant .interrogé,il fut trompé par une confession de foy équivoque qu'illui écrivit et signa de sa main, faisant d'ailleurs peu decas d'un avis de cette importance qui lui estoit donnépar trois jeunes hommes. Cependant, aussitôt qu'ilsvirent cette confession de foy, ils connurent ce défaut,ce qui les obligea d'aller trouver à Gaillon M. l'Arche-vêque de Rouen, qui, ayant examiné toutes ces choses,les trouva si importantes qu'il écrivit une patente à sonConseil et donna un ordre exprès à M. du Bellay de fairerétracter cet homme sur tous les points dont il estoitaccusé et de ne recevoir rien de lui que par la commu-nication de ceux qui l'avoient dénoncé. La chose futexécutée ainsi, et il comparut dans le: Conseil deM. l'Archevêque et renonça à tous ses sentiments. »

Saint-Ange, originaire du Mans, avait été profès auxcouvents des Capucins de Rouen et de Paris.

Son nom de famille était Jacques Forton.Les pièces qui forment le dossier de l'affaire ne pré-

sentent pas les choses d'une manière aussi avantageusepour l'accusatiôn; et je ne trouve pas surprenant qu'àRouen, dans le public, on eût pris parti en faveur del'accusé. Parlons d'abord de celui-ci et rappelons dequelle manière il se trouva engagé dans une contro-verse qui eut pour lui de si fâcheuses, conséquences.

Je ne saurais dire pour quelle raison il avait aban-donné les Capucins et était entré dans les rangs duclergé séculier. Il s'y était fait une certaine réputation

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par la publication, de quelques ouvrages théologiques.aujourd'hui complètement oubliés, où il est à croirequ'on n'avait eu à signaler aucune erreur dogmatique.Il parait avoir été, à Parié, en relations avec MM. Hal-lier et Hercent, dont les noms étaient en honneur auChapitre de Rouen. 11- s'annonçait d'ailleurs, commedocteur en théologie, et ce grade, qu'on n'obtenait pasalois sans de longues études, le recommandait légiti-mement à l'estime du public.

Contrairement à ce que raconte M'°' Perrier, rienn'indique que, pendant le séjour qu'il fit à Rouen, enl'hôtel de Ni. Cburtin, procureur général au Parle-ment (I), ridée lui fût venue de se poser en prédicateurd'une nouvelle doctrine, pas plus que d'exercer quelqueinfluence sur l'esprit de la jeunesse. Avrai dire, Pascalet ses deux- compagnons n'eurent avec lui que deuxentrevues, l'une et l'autre de pure politesse, provoquéespar eux, et qu'il leur accorda dans des maisons parti-culières, -

La première eut lieu le W février 1847 en l'hôtel deM. Hallé, Maitre des Requêtes, où Saint-Ange s'était

(1) Louis Corirtin avait été nommé à cette l'onction le 1juin 1645, surla résignation de François 'I)tr Fossé. li était auparavant prociireul' généralà la Cou' des Aides du Dauphiné. Je ne sais cc qu'il 'était à MarieCour-tin, lemme de René de Souvré, sieur de Itenouard, dont la tille,Marie-Arme de Sorrvé, était novice à l'abbaye de Saint-Arnaud débuterale 14 mars 1640 tin François Courtin, sieur de Bruxelles, était MaurerIes Requêtes de l'hôtel du Roi en 4640. Un nuire Corrrtin, du prénom deJean, fut doyén de la collégiale de Saint-Arnable de 810m, et se fit 'e-nartirler par l'ardeur de ses opinions dans la société janséniste de Cler-mont, à laquelle appartenait la famille Pascal.

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empressé de se rendre quand il eut été informé qu'undes fils de -ce haut fonctionnaire, M. du Mesnil, avaitexprimé le désir de faire sa connaissance. « Le sieurdu Mesuil, averti de sa venue, le fit monter dans unesalle où il se trouva avec M. Auzouit, qui lui témoignale plaisir qu'il avait à se rencontrer avec une personnede son mérite. Après quelques discours de civilité, laconversation tomba sur des matières de théologie. »Au bout de quelques instants, B. Pascal entra dans lasalle, et enten'dit la suite de la discussion à laquelle ilne put manquer de prendre part. La seconde entrevueeut lieu le 5 du même mois, dans la chambre de Saiht-A nge, chez le procureur général. Il n'y eut à s'y-trouverque les mêmes MM. du Mesn il, Auzoult et Pascal, aux-quels s'était adjoint l'archidiacre Robert Le Cornier (1) àqui on avait donné avis qu'il pourrait trouver à re-prendre dans les discours de Saint-Ange. Pour tous,

(4) Robert Le Cornier, (loden!' r,' théologie de la Faculté de Paris,chanoine de Rouen, fut successivement Trésorier du Chapitre et grandarchidiacre. Il fui aussi vicaire général sede vacante, 1651, et, de flou-vu. di' 45 juillet 4652 au 2 décembre 1661. Il avait pour frùres JaequesLe Cornier •le Sainte-Hélène, conseiller ail Parlement, et ican Le Cor-nier, Maint des Comptes, qui entretenait, comme érudit, un commerce delettres avec lin savant feuillant du nom de Jean de Saint-Paul. B. Pom-rneraye, dans sonhistoire de la cathédrale de Boum, fait de Le Cor-nier le pins grand éloge Il faisoil, dit cet auteur, la fonction de sescharges en homme apostolique. C'est faire justice à son mé rite que dedire qu'il se trouvera peu d'ecclésiastiques qui aient eu à ta Ibis tan deriches talents pour servir l'Eglise et pu s'en acquitassent avec plus ilezèle que luy; il travailla à relever la confrérie de Sainle-Cécile qui esloitpresque abattue et eu fut prince en 4660, » Il fut inhumé eu l'égliseprieurale de Saint-LA de Itouca, le 13 octobre 1661. Il était chanoinehonoraire depuis -le 19 octobre 1658.

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l'impression fut loin d'être favorable, et si l'on s'en rap-porte ai' témoignage de M"° Périer, Pascal et sesamis, fortement scandalisés de ce qu'ils avaiententendu, crurent de leur devoir d'informer Saint-Angè de ce qu'ils, avaient remarqué d'hétérodoxedans les propositions qu'il avait soutenues devant eux.Mais comme celui-ci ne tint aucun compte de leur avis,n'attribuant sans doute qu'une minime importance aujugement dejeunes gens, étrangers parleurs études auxquestions théologiques, ils se décidèrent'à le dénonceràMgr Camus, évêque de Belley (1). 0e dernier a rem-plissait alors les fonctions de vicaire général in jionti-ficalibus pour l'archevêque François de Harla y , dont larésidence habituelle était le château de Gaillon, où iltrouvait une retraite agréable, au milieu de ses livreset dans une société choisie de gens lettrés. Gommel'évêque de Belley ne prenait pas feu pour les dénon-ciateurs, ainsi qu'ils s' y étaient attendus, comme ilparaissait, au contraire, disposé à la temporisation et àl'indulgence, ils prirent le parti de se rendre auprès del'archevêque et de lui exposer eux-mômes de vive voix

(L) Jean - Pierre Cai,, itt, évêque de Belley, a bl,é eon,u,en datai "e O 'A ulu av.habita Rnt,en paradant r i lusieut's aimées et reraaplaça l'archevêque en qua-lité de son vicaire gétni'al in spit'ituâtibus de 164f, a 11140. lI prit unepart active, s'il 'acta PcI pas le principal instigateur, à la tulle, extrême-leu t tive, que l'archevêque et les curés c'a gagèrent coutre louis les régir-tiers, Et cotnlmsa un grand nombre tic liv,'es '(InnÉ plusieurs seraI dirigéscontre les moines. Le rneitleui' est l'Esprit de saint Pa'ariçnis de Sales,heureusement inspiré par l'atl'ection et l'atlrniralion ttui'iI avait, pour engrand évêque: Il était ocacle de Charles taurour qùi fut, après lui, abbéd'Aulnay, et a qui il arriva d'e,acourir la disgr".\ee de la Coin' pou' 5ê1 rapermis d'attaquer, clans un sermon, le confesseur de la raide. -

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les singulières erreurs qu'ils avaient entendu professerâ Saint-Ange.

A la suite de cette visite, Mgr de Harlay écrivit âI'évêqie de Belley pour lui préscrire de donner unesuite sérieuse à la dénonciation qu'il avait reçue. « Cen'est pas, lui écrivait-il, une affaire ô étourdir. . L'onen est venu trop aflnt elle pourroit bien envelopperM. le Procureur général qui protègel'liomme déféré.En ce temps le Conseil de Conscience et la Bastille vontbien loin; c'est pourquoi, tant pour eux quepour nous,et plus pour Dieu et son Eglise... tenons la balancehaute et égale. Le sieur de Saint-Ange est parti (1)avec M. l3aclielet qui l'assiste de la part de M. le Pro-cureur général. Messieurs Pascal le jeune, de Mont-flavier (lisez Mouflaines) et Auzoult, qui l'ont suivi,maintiennent que loti vous a imposé et à M. le Procu-reur général. Je les ait fait résoudre de le voir pour l'in-former, en présence dudit sieur de Saint-Ange, de tousles faits.., et aviser au moyen de satisfaire )'Eglisescandalisée de ce bruit, sinon de faire [faire] la dècla-.ration devant vous en mon Conseil, »

L'entrevue avec le Procureur général n'eut pas lieu,ou ne donna pas le résultat espéré. B. Pascal et sescompagnons se crurent, en conséquence, autorisés hvenir, devant le Conseil de l'archevêque, déposer unedéclaration en règle, « non, disaient-ils, pour se rendreparties on dénonçant, n'estant telle chose de l'office ni

(n Cette rédaction prouve que Saint-Ange s'était (le SOfl côté renduGaillon.

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de ]'intérst d'aucun d'eux, mais seulement eu qualitéde tesmoins, pour rendre à la gloire de Dieu et à la vé-rité le tesmoignage'qui lui est du ». Le Conseil composédetrois membres, que présidaitl'évêquede 13eIley, reutcette déclaration, ainsi que les réponses de Saint-Ange.Celui-ci n'avait cru pouvoir mieux faire que de mettreen regard de chacune des propositions incriminées cer-tains passages de ses livres qui les contredisaientabsolument.

Cette sorte de justification, tirée non de phraseséchappées dans une conversation rapide, mais d'écritsmûrement étudiés, avait paru suffisante à l'évêque deBelley. Dans la lettre qu'il adressa à l'archevêque, illui exprimait sa pleine satisfaction d'être enfin tiréd'embarras et de voir heureusement terminée « unealtercation si fâcheuse, de laquelle, à son avis, ne pou-vait sortir aucune édification ».

Mais B. Pascal et ses compagnons n'étaient pashommes à se contenter à si bon marché. Etait.-ce sim-lement, de leur part, zèle pour la défense de la vérité,

ou plutôt leur amour propre n'était-il pas intéressé à cequ'il ne subsistât aucun doute sur l'exactitude de leurrécit et sur le bien-fondé de leur dénonciation? Toujoursest-il qu'ils s'adressèrent de nouveau à l'archevêqueils lui firent craindre 'quelque subterfuge, et obtinrentde lui qu'il serait procédé ànne plus ample information,dont furent chargés, de concert avec l'évêque de Belley,un ecclésiastique que l'archevêque appelle « son véné-

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rable prédicateur » (1), et le sieur Claude (2), l'un deses grands vicaires (21 mars 1647).

En agissant (le la sorte, Mgr de J:iarlay comprenaitbien qu'il paraîtrait étrange, dans le publie, qu'en ma-ti&e de foi, desjeunes gens (le plus âgé, Auzoult, avaitvingt—cinq ans): se montrassent pins sévères qu'unévêque, coi nu par de nombreux écrits, et qui avait étéhonoré de l'amitié du pieùx évêque de Genève. Aussiessayait-il de se justifier en faisant observer à MgrCamus que la théologie parlementaire u'étaitpas l'apos-tolique, que jamais l'apôtre ne ferma la bouche.à ceuxqui cricient au loup; qu'il y avoit bien de la dfiérenceentre les affaires de particuliers à particuliers et 1esaffaires publiques. « Les prêtres aujourd'hui, ajoutait—il, pallient tout, et parce que lés laïcs approfondissent,contre tout ordre ils sont les maîtres. »

Il eût semblé naturel que Robert Le Cornier, quiavait assisté A la seconde entrevue, fît cause communeavec B. Pascal et ses amis. Son âge, sa capacité univer-sellement reconnue, le crédit dont il jouissait dans le

(I) Nicolas Le Naisire, docteur en Iltéologie de la maison de Sorbonne,pr&Iiealeur du Roi. vicaire général de l'archevêque de Bouert, de 16414650 il avait prêché le carême en la cathédrale l'année précédente.

(2) Claude d'Ailly, du (lioeèse de 'loti!, licencié en droit Canon, avaitété chanoine de Notre-Dame d'Andely (ut plus lard archidiacre d'Eu etsyndic (lit clergé du diocèse. C'était tin des familiers - cl, lies commensauxde l'archevêque. II niouruth Rouen en janvier 1664. Parmi ses meubleson signale n 'ni grand tableau » où est leportrait de Jeanne la Pucelle(Arch. de la S,-Tnf. G. 3438), Elisaheth d'AiIiy, sa soeur et sen héri-tière, avait épousé Jean Le Picard, 5r de Pinitaine, douncilié à Moi,ligny,Clans la prévMé de Vaucouleurs (Ibideni).

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clergé, lui assuraient une autorité à laquelle ils' nepouvaient prétendre et leur faisaient souhaiter vive-ment son appui. -

11 est aisé pourtant de juger que, sans blâmer leurzèle, et tout en trouvant fausses les propositions pareux incriminées ) il aurait voulu, par prudence ou parcharité, épargner àSaint-Arge la honte d'une condam-nation trop éclatante. Il avait laissé deviner, si mêmeil ne l'avait pas exprimé nettement, son sentiment àcetégard. Aussi lorsqu'on avait appris,qu'au cours despoursuites. il s'était rendu à Paris, la pensée étaitvenue d'attribuer son absence de Rouen à ce qu'il luirépugnait de préndre part à des mesures rigoureusesqu'au fond de son coeur il désapprouvait. B. Pascal etses amis en conçurent quelque ombrage. Auzouit luiécrivit même à ce sujet. II obtint de lui une réponse oùLe. Cornier expliquait que son voyage tenait à desmotifs sans le moindre rapport avec l'affaire Saint-Ange. L'archidiacre rendait hommage à la pureté deleurs intentions, mais en même temps il les conjurait« de disposer les choses plutôt à la doucur qu'à larigueur et de relâcher plutôt quelque chose de cequ'ils avaint droit d'exiger pour leur intérêt quede ne pas contribuer à terminer cette affaire le plusdoucement qu'il se pourroit. « Je le souhaite, ainsitermine-t-il sa lettre, de toutes mes affections, outre queje vois ]e tout en très bon chemin,vu que j'apprendsque M. de Saint-Ange a donné un désaveu de toutes sespropositions: c'est la plus importante partie de tout ceque l'on peut espérer de lu'i » (22 mars 1647).

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Ce désaveu se trouve eprimé de ht manière la pluspositive et la plus authentique dans un acte du3avril 1647, intitulé « Déclaration sur les proposi-tions ci-dessous (il y cri avait 12), présentées à Mgr l'il-lustrissime archevêque de Rouen, primat deNormandie,par Jacques Forton Saint-Ange, prêtre. »

Cette déclaration fut reçue par l'évêque de Belley.B. Pascal et ses amis se tinrent pour satisfaits; ils sechargèrent de remettre à l'archevêque une lèttre deMgr Camus par laquelle il le priait de considérer lacause com'me finieet de n'en point exiger davantage.

Mais Mgr de Harlay, ne fut qu'à demi content de lanégociation de-son collègue. Il ne. se préoccupait plus desdispositions de B. Pascal eide ses amis. C'était EtiennePascal le père, qu'il redoutait, Etienne Pascal, dontl'évêque de Belle y avait sollicité i'interventiôn auprèsde l'archevêque pour lui faire accepter l'accommode-ment conclu 'avec Saint-Ange. « ii pourroit bien, luidisait-il, vous faire trouver quelque chose à réformerà votre calendrier. Je men remets à ce que vouspourrez lui faire dire. »

Ce fut peut-être pour donner à ce dernier, qui jus-que-là s'était tenu à l'écart, une entière satisfaction, quel'archevêque prit le parti d'adresser au chanoine deRouen un mandement où il leur faisait connaître cequ'il y avait de contraire à la foi « da n «s les conférencesque Saint-Ange avait eues avec personnes capables,vertueuses et studieuses », et les « rétractations suffi-santes qu'il en avait faites. » -.

C'était flatteur pour B. Pascal et pour ses amis; mais

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l'archevêque ne s'en tint pas là. Des mesures furentprises pour assurer le souvenir de cette affaire que

- que rien ne distingue de tarit d'autres, si ce n'est lerang social des accusateurs auxquels il n'est que tropévident que Mgr de Harlay tenait à faire honneur. « Le8avril, M. d'Ailly. . ., présentait sur le Bureau duChapitre la déclaration faîte par hn nommé Saint-Ange ayant voulu dogmatiser surquelquesIpihts de lafoy et de la religion, et la révocation sortons les pointsinsérés dans la. dite déclaration signée dudit Saint-Angeentre les mains de Mgr l'archevesque à Gaillon, et qu'iladressait à sou église, comme à son épouse, et renvoyaitle dit Saint-Ange à son Conseil pour y rectifier ce qu'ila signé en sa déclaration, dont M. Le Prévost est priéde dresser une lettre pour remerciements à Mgr l'ar-chevesque, et M. d'Ailly prié, allant à Gaillon, leremercier de vive voix (1). »

Plus tard, l'affaire étant définitivement terminée, ilfut dresé un ç récit de deux conférences ou entre-tiens particuliers tenus les vendredi premier et mardycinquième février 1647 », suivant toute vraisemblance,rédigé par 13. Pascal. Il fut signé le dernier avril 1647par lui, par Raoul Hallé et par Adrien Àuzoult, bienque Raoul Hailé n'eût assisté qu'à la seconde'confé-retice. Robert Le Cornier certifia, le 13 mai 1647,la vérité du récit de la seconde conférence, la seule

(1) Areh. de la S-lut. 2190, Le Prevosl prit son temps pùir la rédac-tion de cette lettre. Elle nètait pas encore transmise, à la 'date du18 avril, puisque p.c oui--li, le doyen au Chapitre. après en.avoir entendula lecture, faisait opposition ùce qu'on V lraiLàtl'arclteveqiie de grandeur.

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à laquelle il eut assisté. Il est S àrernarquer que M. durvlesnil, frére de Raoul HaUé, bien qu'ayant été présenth l'une et à l'autre, n'en signa aucune; probablementparce qu'il se jugeait incompétent dans les matièresthéologiques.-

Je suis très porté à supposer que c'est ce récit quifut, sous le titre del'fldrésie démasquée, offert au Cha'pitre de Rouen par le chanoine Le Prevost, pour êtredéposé dans la Bibliothèque capituLtire dont il avait ladirection (1).

Ce n'est point â propos de Sant-knge qu'il pourraitm'être permis de rappeler les principaux traits d'unevie aussi parfaitement connue que l'est celle de B. Pas-cal. Mais j'imagine qu'on pourra trouver quelque inté-rêt dans ce qui me reste à dire àes .deux personnagesqui lurent ses associés dans cette affaire, je veux ' parlerd'Adrien Anzoult et de Raoul I-Tallé.

Adrien Anzoult, l'un des trois principaux acteursdans l'affaire Saint-Ange, n'est autre qu'Adrien Auzouit,l'un des plus savants mathématiciens français de la findu xvii 0 siècle.

Il est fait mention de lui dans deux lettres que, Jac-queliue Pascal écrivait à sa soeur M Perrier, pour lorsà Clermont, une première fois le 25 septembre 1647« Dis à M. Ausoult que, selon sa lettre, mon père écri-vit au P. Marsenne l'autre jour » ; et, une autre fois

(1) Le las. en sertit je ne sais quand niconiment. lirait partie mai menant,ainsi que te dossier, transmis an Chapitie par M. de Harlay, de la Bibliothèquenationale, oit ces documents sont classés sous les n o ' 42449 et 20945du Fonds français.

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« Dis à M. Dumesnil (nous avons rencontré plus hautce personnage), si tu le Vois, qu'une personne qui n'estplus mathématicien, et d'autre quine l'ont jamais été,baisent les mains à un qui l'est tout le nouveau ».- Est-ce trop donner à la conjecture que de supposerqu'Auzoult était le mathématicien tout de nouveau,et que celui qui ne l'était plus, ou qui, du moins, décla-rait ne plus vouloir l'être, n'était autre que BiaisePascal, qui dès lors s'adonnait aux études religieusesavec une ferveur de néophyte.

li doit nous paraître tout naturel qu'Etienne Pascalait attiré chez lui;autant pour satisfaire ses goûts per-sonnels, que pour favoriser ceux de son fils, un honim6aussi distingué, en tout genre, qu'était Adrien Auzoult.« Etienne Pascàl, ainsi que l'a écrit M. Cousin; étaitun homme. de beaucoup de mérite. Outre sa capacitécomme Intendant de province, il était instruit et même

• savant. Il recevait chez lui des mathématiciens et par-ticipait à leurs travaux ».

Disons-le en passant, M. Cousin se trompe, ainsi quebeaucoup d'autres, en qualifiant Mienne Pascal d'in-tendant de Iwovince. A ma connaissance, il n'en pritjamais le titre. En réalité, il ne fut jamais que commis-saire du Roi, adjoint aux deux Intendants, d'abord àGlande Paris, ensuite à Dyel de Miromesnil, pour desaffaires, généralement des affaires de finances, exacte-ment déterminées dans ses lettres de commission (J).-

(1) OEilvi,m de n: Cousin, 4me sèrie, t. ii, P. r.(2)Les ordonnances où ligure le ri oin ilEtienne P. commencera en général

(le cefle manière 011 d'une manière ù pein près semblable t Claude de

s-

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Mais ces affaires ne laissaient pas que d'être des plusimportantes et des plus ardues; elles mettaient EtiennePascal, considéré à Rouen comme une créature depouvoir royal, en perpétuel conflit avec les ancienscorps constitués, le Parlement, la Cour. des Aides, leBureau des finances, sans compter les villes et les par-ticuliers dont il contrôlait les privilèges et inquiétaitles intérêts. Ce qui ajoutait singulièrement aux dif-ficultés de la situation, c'est que, contrairement à cequi a lieu pour les administrateurs de tout ordre denotre temps, il n'avait trouvé, dans la ville où il étaitvenu exercer des fonctions, assez niai définies, et dontla nouveauté paraissait suspecte, ni bureau organisé, nipersonnel subalterne, prêt à se soumettre h ses i ustruc-tions pas plus qu'en état de faciliter sa tâche. Si je •neme trompe, Adrien Auzoùlt fut, pour lui, plus qu'unhomme de société ;igrèabie: ce dut être une sorte desecrétaire ou de collaborateur pour les travaux admi-nistratifs (lu fonctionnaire. La lettre dont nous avons

Paris, conseiller du foi en ses Conseils, intendant de justice, police etfinances de la province et armée de Norniandie, Généralité de lloiien, etMienne Pascal, conseiller du Roi, Président cii la Cotir tics Aides d'Âii-vergpe, commissaires généraux dépulés par S. M. pour les départementset assiette des surlrsistances du Présent quartier d'hiver et tailles del'année prochaine 1643. Borren, 25 février 4643. L'ennui dè reproduiredes qualications aussi longues excuse sullisainniruit ceux quu, air pré-judice d'trne scrupuleuse exactitude, ont (tonné u Elienne Pascal le titred'intendant. Plaise Pascal, dans le procès-verbal des entrevues qu'il eutavec, Saint-Ange, s'exprime très exactement en qualiliunt son père deconseiller du Roi en ses conseils dEtat et privé, commissaire dépuré parS. N. en la Haute-Normandie pour Ii un posÉ et levée (les tailles. Bib Ho -

,thèqne de t'Ecole des Chartes, t. IV. P. 415.

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rapporté un extrait, la présence, en 1647, d ' Auzoult àClermont, où il avait suivi la 'famille Pascal, le. rôlejoué par lui dans l'affaire Saint-Ange indiquent, à n'enpas douter, des relations d'intimité qui durent survivrek l'exercice des fonctions administratives qui en avaientété l'occasion.

Il est singulier que ce nom d'Adrien d'Auzoult n'ait• point attiré l'attention de M. Cousin. il ne s'agit point,

en effet, d'un homme ordinaire, mais d'un savant d'un'rare mérite et que la ville de Rouen, qui l'a trop oublié,est en droit de réclamer comme l'une de ses illustra-tions pour la partie des sciences. Dans l'intérêt de sa

• réputation; il mourut trop tôt pour que Fontenelle, soncompatriote, fût amené à faire son éloge en le compre-nint dans cette galerie des membres de l'Académie desSciences dont il a si parfaitement retracé les travaux.Toutes les biographies ( l ue j'ai consultées s'accordentà faire naître Auzoult à Rouen, mais dans aucune jen'ai trouvé la date de sa naissance.-

- Après de longues recherches je suis parvenu à décou-vrir qu'Adrien Auzoult, fils d'Adrien Auzoult, procu-reur au bailliage et vicomté de Rouen, et de JeannePiédelièvre, fut baptisé vit l'église Saint-Patrice- deRoueii-, le 28 janvier 1322; qu'il eut pour parrain JeanPiédelièvre, curé le l3ardouvilie (probablement sononcle maternel) et, pour marraine, Marguerite Piêd-lièvre. Sou père s'était marié en 1618 les bans, pourson mariage, se fit-eut le 3 novembre de cette année. limourut cli 1693 et fut inhumé en l'église de Saint-Patrice devant le crucifix, auti'ement dit, devant l'en-

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trée du choeur, le 12 novembre 1643. Il avait eu, deson mariage, outre Adrien, Nicolas, né en 1626, Anne,née en 1628, Jacques, né en 1631,1631, Charles, né en 1632,Catherine, née en 1636, Elisabeth; née en 1642 (1).

Nicolas acheta la charge importante de greffier aubailliage et siège présidial de Rouen, et, h raison de sesfonctions, il dut être en relations suivies avec le lieute-nant général Pierre Le- Pesant de I3oisguilbert, qu'ilassista dans un nombre infini d'actes de tutelle ou(l'inventaire après décès (2). Il mourut au mois denovembre 1699. lI avait été trésorier de la paroisseSaint-Patrice, de Pâques 1678 à Pâques 1680 (3)..

Son frère Adrien fut un des sept premiers membresde l'Académie des Sciences de Paris. Il inventa, en1667, les micromètre, à fils mobiles, pour sem'sir àmesurer le diamètre apparent des corps célestes, etappliqua un télescope au corps du cercle astronomique.Ce fut lui qui provoqua la fondation de l'Observatoire.On peut voir l'indication de ses ouvrages dans laffio-graphie universelle et dans l'Astronomie populaire,d'Arago. On n'en trouvera aucun qui ne soit relatif auxsciences. il semble s'être interdit scrupuleusementd'écrire sur les matières religieuses qui passionnèrentun Si grand nombre de ses conteinpirains; k ce pointque, si ce n'est dans cette affaire Saint-Ange, on nesaisit aucune trace de relations quil aurait continuéd'entretenir avec Biaise Pascal.

(1) 4r'ch. de l'EtaI civil.() Arcli. (le la S.'luf. F. du llailli:ige de Bouen.(3) IÙUhWI, G. 7485.

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Daniel Huet, dans ses mémoires fait en ces termesl'éloge (le l'étendue et de la profondeur des connais-iances d'Âuzoult. Nec proeterire decet AdrianuniAuzutium, varia' /lon4inenz. et laie diffusa' peromùes disciplinas eruditionis, nam et liberalibusariibus ac mat IzeYnaticis. proecipuc erai apprirneinstructus, nec mulla ta9nen. doctrince suce ediditspecirnina; ai qua' exdiderunt ci et accurationemipsius et diligenliam ac iingu lare acurnen tes-tantur(1). -

On sait, par d'autres témoignages, qu'Auzoult n'étaitpas seulement excellent mathématicien, ruais qu'il avaitfait une étude approfondie S des auteurs latins et qu'ilconnaissait et appréciait les monuments dé l'antiquité.11 se proposait de donner au public tin commentaire de'Vitruve qui n'eût pas manqué, ainsi que l'écrit Ban-delot de Dairval, « d'ajouter beaucoup de lumière aux.lettres ». « Le mérite et la réputation de ce savanthomme, ajoute cet auteur, sont des garants de ma con-jecture et de mes espérances (2). »

La comète de 1665; qui donna lieu à tant d'observa-tions et à une polémique très ardente (3), ne pouvaitlaisser Auzoult indifférent, li est question de la paitqu'il prit à cette querelle théologique et scientifiquedans la Correspondance de Chapelain (Lettre â Hein-sius, président des Provinces-Unies, en Suède, 27 mai1666) « M. Flevélius m'a escrit la mesme chose qu'à

(4) D. IJ,tejii. (2ov,menturi,,s de ,'eb,,s wd eu,n pertinenUbus, p. 320.(2) De FUtiUtd des Voyages, édition de 1121, t. 1,p. 364.(l) Journal des Savants du 26 janvier 1665.

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vous touchant M. Auzoultet ses objections. Les Angloisse sont précipitez dans le jugement qu'ils ont renducontre luy sur cette matière, et ils s'en seroient pu- -passer jusqu'à ce qu'ils eussent yen ses défenses. Cesont des docteurs décisifs et tranchans ». Lettre àDaniel fluet, 31 juillet 1665 « Vous aurés veu lalettre de M. Auzoult à l'abbé Charles et y aurés trouvé4e la hardiesse, et de la profondeur. Il se signala entrenos astronomes et nos observateurs, et je voy presquele combat engagé entre luy et M. Hevelius touchant lecours de la comète qui a tant exercé depuis six moisnos philosophes et nos mathématiciens (1). »

Adrien Auzouit mourut en Italie le 12janvier 1691.Deux lignes d'une autre lettre de Chapelain i Daniel

Huet font comprendre la différence de caractère qu'il yavait entre lui et Biaise Pasàal « M. Auzouit défenddu décret de l'Inquisition le mouvement de la terre etl'immobilité du soleil, mais avec beaucoup de respect etde modestie chrétienne (2). »

D'Âuzouit je passe à flallé qui n'a droit à notreattention qu'à raison de ses relations avec B. Pascal.

Raoul Raflé avait été baptisé en l'église de Notre-Dame-de-la-Ronde de Rouen, le 3 mars 1624. lI étaitfils de Jean Hallé, seigneir de Mo.ufiaines, conseillerde Roi en ses Conseils d'Etat et Privé, Maître desRequêtes ordinaires de son Hôtel, et de MargueriteGroulart, fille lu Premier Pi'ésident Claude Grouiart;

(1) Lettres de Jean Chapelain publiées par M. Tamizey (le Larroque.t. 2, p. 400, 406.

(2) Ibid. p, M.

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petit-fils de Jean ilallé, seigneur de Moufiaines et Mes-nu-sous-Travailles, conseiller au Parlement de Nor-mandie. Par sa naissance il tenait aux premièresfamilles de la magistrature du pays.

Son père résidait habituellement â Rouen, dan un- hôtel situé sur la paroisse Saint-Laurent.

•Celui-ci, comme haut fonctionnaire, s'était lié avec• Etienne Pascal, ainsi que lui, homme de confiance du

gouvertiernent. 11 fut parrain, en l'église Sainte-Croix-Saint-Ouen, de Marie Perrier, fille de Gilberte Pascal,et petite-fille d'Etienne Pascal, le 26 décembre 1647

Raoul Etallé fut destiné â l'état ecclésiastique quiavait procuré à plusieurs de ses parents des dignitésconsidérables et nue légitime considération. Il n'estpas douteux qu'il avait fini depuis plusieurs années sesétudes théologiques lorsque survint l'affaire Saint-Ange. Il ne s'engagea pourtant que très tard dans lesordres. li n'est qualifié que clerc de Rouen dans leslettres par lesquelles l'archevêque Mgr de Harlay lenomme à un canonicat en l'église de Rouen ; il s'y litrecevoir le 4 novembre 152(1).

Le Chapitre lui permit de recevoir l'ordre de sous-diacre, le 21 décembre suivant.

Il est certain que plus tard il parvint au diaconat;mais il s'en tint là, et n'arriva point à la prêtrise, ce queje serais tenté (t'expliquer par lejansénisme dont il fai-sait profession etque Saint-Ange, ainsi qu'il résulte durécit dès deux conférences, ne parait pas avoir admis.

(I) ce cniotiical élaU vaeanl par le décès de Lo,iis Sansc'n.

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Car il est à noter que dans les questions que les troisjeunes théologiens posèrent à Saint-Ange, ils ne nian-quèreiit pas de l'amener sur la doctrine de Jansénius.

Quoi qu'il ensuit, Raoul Hallé ne me parait avoir étéchanoine que pourla forme et afin de se donner un rangdans la. société. On ne voit, en effet, que très rarementson nom inscrit, en tête des assemblées capitulaires. Unjour, le 29 juillet 1658 le Chapitre eut à prendre unedélibération importante il s'agissait d'émettre un avissur l'établissement proposé par le P. Eudes d'un sémi-flaire à l'usage des ordinands. La pensée d'astreindre lesclercs à une retraite de quelques jtuts pour' les prépareraux ordinations est loin de nous paraître présentementune prétention exorbitante. Tous, du haut en bas del'échelle sociale, àquelque classe que nous appartenions,nous sommes habitdés à subir, sinon saris peine, dumoins sans réclamation, uneinterruptio'n plus longue etplus fâcheuse de notre liberté. Mais alors, pour tous lavie était plus libre, et l'on admettait plus difficilementl'idée d'un internement forcé. Le Chapitre fit oppositionair Raoul Hallé, présent par, exception, donnal'appui de son suffrage aux opposants (1).

Peu de temps après il résignait soir pourcause de permutation avec Charles Roichapelle de Saint-Eustache à Notre-Dampersonat de Bretteville, deux bénéflcrevenu, mais qui, étant sans charge d'â,npar cela même à un ecclésiastique qui s'du diaconat.

(t) Arcli. (le la 5.-mU. G 2194.

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II voulut cependant être chanoine honoraire, et cettefaveur lui fut accordée sans difficulté. Il en témoignasa reconnaissance au Chapitre, comme on le voit par ladélibération suivante « 19 octobre 1658. S'est présentéà la barre Mons' l-Tallé, sieur de Mouflaines, ci-devantchanoine prébendé en ceste église, lequel dit qu'ayantappris que la compagnie lui avoit accordé les draps ethabit de l'église, lsque M. Romé prist possession dela prébende qu'il avoit résignée en sa faveur, il estoitvenu exprès en ceste ville, uivantla parole qu'en avoitdonnée le s l Romépour en rendre ses actions de grâcesà la compagnie. » La délibération énonçait qu'il pour-rait porter les draps de l'église, assister au service etmarcher au rang de ceux auxquels la même faveur avaitété accordée..

Vers 1663, .il obtint le prieuré de Saint-Gilles dePont-Audemer qu'il garda peu de temps. En juillet 1866,ce prieuré était donné à Alexandre Bigot, qui y intro-duisit la réforme le 26 mars 1671;

Je vois par un acte dû 3 août 1668 qu'à cette époqueRaoul Hallé demeurait ordinairement eu sa terre deMoufiaines dont il était devenu propriétaire par la mortde sou père. Sa fortune s'était accrue, en outre, de

1. l'héritage de Barthélemy Hallé, ancien capitaine devalerie au régiment de Broglie.

tait domicilié, dans les dernières années de sa vie,paroisse de Saint-Nicaise de Rouen, et ce fut là)urutle 28 janvier 1678.

'-te d'inhumation estai nsi conçu: «Le samedy 29

f»er 1678) Raoul de Halay, abbé de Mojiflaities,

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nagé de 54 ans ou environ a esté inhumé densl'église deS. Nicaiseen présence de Messieurs ses parents et arnyssoubsignez, ledicdeffunct honoraire de la cathédrallede Rouen. » Signé Puchot, du Mesuil-Costé, Fauvel avecchacun un paraphe.

Les frais funéraires (le ce temps-là con trasteni parleur modicité avec ce qu'ils sont de nos jours, et mêmeavec ce qu'ils étaient au dernier siècle. Le compte dla Fabrique deSaint-Nicaise mentionne une recette de10 livres « pour l'inhumation de M. l'abbé de Mont-flaines ».

Dans son intéressante étude, M. Cousin qualifie Jeanliallé de seigneur de Montfiavier. Le manuscrit qu'il nconsulté l'a induit en erreur. On ne connaît pas enNormandie de seigneurie de Montfiavier. Jl y a unefaute de lecture, comme il arrive si fréquemment d'eucommettre, quand les textes sont mal écrits et que lesnoms de lieu ne sont pas connus. La seigneurie de Mon-fiaines dont le nom s'adjoignit au nom patronymiquedes ilallé était un demi-fief situé en la paroisse de Mou-flaines, aujourd'hui commune de l'arrondissement desAndelys, lequel avant d'appartenir aux liallé avait étéla propriété d'une famille de Lèvemont, et qui aprèseux devint la propriété de Robert Fauve!, Maître desComptes à Rouen.

M me Perrier, qui rapporte l'affaire Saint-Ange commeune preuve du zèle de Blaise Pascal pour la défense dela vraie doctrine chrétienne, ne peut se défendre pour-tant de faire l'éloge de l'ecclésiastique condamné, « Onpeut dire, écrit-elle, qu'il renonça sincèrement à ses

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sentiments. Car il n'a jamais témoigné de fiel contreceux qui lui avoient causé cette affaire, ce qui faitcroire qu'il étoit lui-mèsrne trompe par les fausses con-clusions qu'il tiroit de faux principes. »

Une soumission aussi parfaite, après des poursuitesaussi passionnées, est un fait assez rare pour que nous

• donnions, en finissant ce mémoire, un tMnoignage desympathie à Fortoii.

Dans le temps même où il était déféré à la juridictionde l'archevêque sur la dénonciation de Blaise Pascal etde ses amis, il avait été nommé (S mars 1647) à la curede Saint-Pierre de Crosville, petite paroisse du doyennéde Basqueville. Il est à remarquer qu'il avait été pré-senté à ce bénéfice par Jacques Charton, docteur enthklogie, pénitencier de la cathédrale (le Paris, agis-sant en cette circonstance comme vicaire général del'abbé de Saint-Ouen (le Rouen, Amador-Jean de Vui-gnerod de Pontcourlay, petit neveu du cardinal deRichelieu. Charton faisait parlie du Conseil de Cons-cience établi par Aune d'Autriche, et il ,v comptait pourcollègues Mazarin, Monsieur Vincent (notre saint Vin-cent de Paul), et François de Ilarlay, qui devint, plustard et successivement, archevêque de Rouen et deParis.

Sa condamnation, à laquelle on avait donné toutl'éclat possible,- était , de nature à rendre-sa positionassez difficile dans le diocèse de Rouen. Le 21 décembre1647, on voit qu'étant à Paris, il donna procurationpour résigner; et; son nom, la cure de Crosville en faveurd'Antoine Moreau, pour cause de permutation de cette

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cure contre celle de Certrouville ou Sartrouville, audiocèse de Paris, dans le doyenné de Montmorency.

Pour un motif que j 'ignore, la permutation ne fut pasautorisée. On trouve, en effet, dans un des registres dusecrétariat de l'archevêché de Rouen, des lettres deprovision délivrées par Louis de Roncherolles, vicairegénéral de Mgr de Harlay, lequel visant une signatureapostolique, nomma Alexandre Miron à la cure deCrosville, indiquée comme vacante par la pràfessionreligieuse, dans l'ordre des Capucins, de Jacques Forton.L'acte est daté du 18 juillet 1648. Ainsi il est prouvéque celui—ci s'était fait admettre à nouveau dans lamaison réligiense d'où, pour son malheur, il était sorti.Dégoûté pour toujours des vaines controverses, il ycacha si bien sa vie et jusqu'à son îiom qu'on ne sauraitdire ce qu'il y devint ni quand il y mourut.

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