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    SOCIT DES TUDES ROBESPIERRISTES

    IVRES COMPLTES DE ROBESPIERRE

    TOME VLES JOURNAUX

    LETTRESA SES COMMETTANSdition critique prpare

    parGustave LAURENT

    ODOuvrage publi avec le concours

    du Centre National de la Recherche ScientifiqueGap

    Imprimerie Louis-Jeanmocccclxi

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    L.5

    S0686!;

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    LETTRES DE MAXIMILIEN ROBESPIERREMembre de la Convention Nationale de France

    A SES COMMETTANS(1792-1793)

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    NOTE DES EDITEURS

    Lorsque parut, en 1939, l'dition critique du Dfenseur de laConstitution , on avait annonc la -publication prochaine du secondjournal de Robespierre, les Lettres ses commettans , qui consti-tuaient le tome V de ses uvres compltes . Comme le prcdent,cet ouvrage avait t prpar par Gustave Laurent. La guerre et lesdifficults conomiques qui suivirent, puis la mort de notre confrre,survenue en 1949 (1) contriburent en retarder l'impression. Il nousfallut attendre que le budget de la Socit des Etudes Robespierristespermt de fournir un apport financier suffisant, avant de dem,anderl'aide du Centre national de la Recherche scientifique.

    Cet organisme avait, entre temps, pris la charge de l'dition des Discours qui formaient les tomes VI X de la mme collection. Surles cinq, quatre ont dj vu le jour, dont le tome IX qui concerne lapriode voque dans les Lettres... . Le second journal de Robespierrese rapporte en effet au^ dbuts de la Convention, qu'il suit jusqu' lafin d'avril 1793, et l'auteur y a publi plusieurs de ses discours dontnotre tome IX reproduit le texte.

    Afin d'viter les redites, nous avons donc convenu d'amputer les Lettres des parties dj publies dans les Discours , auxquelsnous renvoyons le lecteur. Un semblable amnagement fut jug nces-saire pour les annotations, et le travail de Gustave Laurent a, de ce fait,subi une revision complte. Ses rfrences la rimpression du Moni-teur universel (Mon.) Laponneraye et E. Hamel ont t maintenues,m,ais les longs comm^entaires qu'il empruntait ces auteurs ont d tresupprims afin d'unifier l'dition.

    Aprs le dcs de Georges Lefebvre, qui avait confi cette revision Marc Bouloiseau et l'avait suivie de trs prs, d'autres concours furentncessaires pour achever la tche. Notre confrre R. Garmy, collabora-teur de l'Institut d'Histoire de la Rvolution, accepta de com,plter lesrfrences, dont celles aux Archives parlementaires ; M"" Y. Dusser,MM. G. Aubert, Cl, Barbier, M. Bouloiseau et A. Soboul corrigrent lespreuves. Enfin, M. H. Calvet a bien voulu relire l'ensemble du manus-crit et ses remarques nous ont t prcieuses.

    Ainsi, les tomes V et IX (Discours... 4 partie) de notre collection secompltent et s'clairent rciproquement. Les mmes abrviations ont(1) Voir Ed. Vellay, Un historien rmois : Gustave Laurent, dans Ann. hist.

    de la Rvol. fr. (1950, n 2). Ainsi s'explique le retard qu'on trouvera parfois dansles ouvrages cits en rfrences.

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    6t utilises dans les notes (2) . Quant au texte des Lettres... , il a tsoigneusement revu sur l'exemplaire (3) conserv la Bibliothque dela Sorbonne sou^ la cote H Fr 139.

    (2) Nous rappelons ici les principales :Annales historiques de la Rvolution franaise : A.h.R.f.Annales rvolutionnaires : Ann. rvol.Dfenseur de la Constitution : Dfenseur...Procs-Verbaux des sances de la Convention : P.-V. Conv.Moniteur universel (rimpression) : Mon.Archives parlementaires, 1'^ srie : Arch. pari.De plus lorsque nous nous rfrons l'ouvrage d'A. Aulard, ha Socit desJacobins (Paris, 1892, 6 vol., in-8), nous nous bornons indiquer le nom del'auteur, le tome et la page.(3) Voir propos de l'dition originale, l'Introduction de G. Laurent au Dfen-seur de la Constitution, p. XIX. Cette dition originale est devenue excessivement

    rare et atteint des prix levs.

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    COMPLEMENT D'INTRODUCTION

    L'introduction que nous avons donne, en tte de l'dition duDfenseur de la Constitution (1) sous le titre Robespierre journaliste ,concernait l'ensemble de ses journaux, aussi bien le Dfenseur de laConstitution que les Lettres ses Commettans. A ces dernires., nousconsacrions tout spcialement les pages XIX XXVII. Cependant cepassage demande tre complt et comment dans certaines de sesparties.Nous avons indiqu (p. XX) que, comme pour les ntmiros duDfenseur de la Constitution, ceux des Lettres (en deux sries, rappe-lons-le, de 12 et 10 livraisons) , ne sont pas dats; a\issi, d'aprs lesfaits et vnements relats dans chacim d'eux , nous leur avons assignvme date approximative. Or, l'exemplaire de la Bibliothque nationalequi nous a t communiqu et qui a servi la prsente dition (Lc^ 688)contient, sur chaque numro de la premire srie seulement, ime men-tion manuscrite de l'poque, porte sur la premire page et indiquantla date de publication.Cependant, ces mentions ne sont pas tout fait conformes, aumoins pour les deux premiers n, aux dates que notre raisonnementnous a permis d'tablir. A partir du n 3, la diffrence n'est plus trssensible (2).

    Ainsi, le n" 1 porte la date du 19 octobre 1792 au lieu du 30 sept,indiqu par nous, le n^ 2 celle du 26 oct. au lieu du 20, le n^ 3 celledu 2 nov. au lieu du 30 oct., le n 4, celle du 9 nov. alors que nousindiquions postrieur au 5 nov. , le n^ 5 celle du 16 nov. au lieu du15, le nO 6 ceUe du 23 nov. au lieu du 22, le n 7 celle du 30 nov. au lieudu 29 nov., le n^ 8 celle du 7 dc. au lieu du 6, le n^ 9 celle du 14 dc, presque aussitt le prcdent ; le n^ 11 celle du 28 dc. alors queau lieu du 13, le n 10 celle du 21 dc. alors que nous indiquions : presque aussitt le prcdent ; le n 11 celle du 28 dc. alors quenous indiquions : vers le 20 dc. , le n^ 12 celle du 4 janv. 1793, alorsque notis indiquions : vers le 31 dc. 1792 .En numrant (p. XX XXVI) les livraisons des deux sries des

    (1) uvres compltes de Maximilien Robespierre, t. IV (Edition de la Socitdes Etudes Robespierristes, 1939).(2) G. Walter, dans son Catalogue des journaux rvolutionnaires, la Biblio-thque nationale (Paris, 1943, in-8", 585 p.) donne galement une date de parution chacun de ces n"". Nous la reproduisons ci-aprs : V srie : n 1, 30 sept. 1792;n 2, 20 oct.; n" 3, 30 oct.; n 4, 8 nov.; n" 5, 15 nov.; n 6, 22 nov.; n" 7, 29 nov.;n" 8, 6 dc; n 9, 13 dc; n 10, 15 dc; n" 11, 20 dc; n" 12, 31 dc. 1792. 2"trie n" 1, 4 janv. 1793; n 2, 11 janv.; n" 3, 25 janv.; n 4, 30 janv.; n 5, 5 fvr.;n 6, 15 fvr.; n" 7, 28 fvr.; n" 8, 2 mars; n" 9, 8 avril; n 10, 25 avril 1793.

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    8 LETTRES A SES COMMETTANSLettres et en foiirnissant une analyse sommaire des principaux articles,nous avons peine fait allusion aux comptes rendus des travaux de laConvention que Robespierre qualifie de Tableau des oprations... ,et qu'il entreprend ds le premier nvunro.Ces comptes rendus commencent avec la premire sance de l'As-semble, le 21 septembre 1792; ils se poursuivent jusqu'au 5 fvrier1793 et figurent la fin des n* suivants :Pour la premire srie n^ 1 : du 21 au 25 sept; n^ 2 : des 25 et 26sept.; n 3 : 25 (partie omise) au 30 sept.; n^ 4 : suite du 30 sept; n^ 5 :30 sept. - 17 oct.; nO 6 : 18-30 oct.; n" 8 : 1-6 nov.; n^ 9 : s. d. (fin nov.-dbut dc.) ; n^ 11 : 10-13 dc.; n^ 12 : procs de Louis xvi, sa dfense(dc).Pour la deuxime srie ; n^ 1 : 31 dc. 1792 - 1" janv. 1793; n 3 :1-5 janv.; n^ 4 : 4-21 janv., jugement de Louis xvi; n^ 6 : 23 janv; nO 7 :23-28 janv. -5 fvr.Pour la rdaction de ces Tableaux , Robespierre eut peut-tredes collaborateurs, notamment le littrateur-journaliste Jean-CharlesTmEBAULT de Laveaux qui dirigeait, alors, le Journal de la Conventiono l'on retrouve quelques passages qu'emprunte le rdacteur des comp-tes rendus des Lettres de Robespierre (3) . Laveaux resta toujours fidle Maximilien qu'il continuait frquenter en 1793. Un autre personnage,le jeime agitateur Marie-Sbastien-Brimo de Lacroix, dont nous avonssignal la prsence, en 1792, lors de l'apparition du Dfendeur de laConstitution (4), semble avoir disparu de l'orbite de Robespierre; en1793, il se rapproche des Hbertistes et mme des Enrags; il est trs liavec Varlet.Pendant la priode de septembre 1792 fvrier 1793, les comptesrendus des sances de la Convention ne sont pas donns en entier;Robespierre ou ses collaborateurs font tm choix, passant sous silenceune grande partie des dbats; pour les parties retenues, ils utilisentsouvent le texte du Journal de la Convention, avons-nous dit; maisaussi et surtout du Moniteur. Cependant ils signalent parfois des faits,des incidents de sance qui ne fig\u-ent nulle part ailleurs; ils se livrent des commentaires, des apprciations personnelles fort intressantes.Frquemment aussi, Robespierre formule des critiques contre tellesou telles propositions de ses collgues; le 19 octobre, il dclare qu'iln'approuve pas les vhmentes attaques de Manuel contre le clerg,contre les vques en gnral; le mme jour, il ne partage pas les idesde Cambon et de Delacroix sur la rduction du traitement des magis-trats, ajoutant que l'Assemble Constituante avait agi sagement enaccordant aux juges et aux administrateurs des situations pcuniairesqui leur assuraient l'indpendance. Tout comme dans ses articles parti-culiers, il se dressera contre la proposition de Cambon, prsente aunom du Comit des Finances, de supprimer le budget des cultes (n^ 8,l"" srie), et il soutiendra Fabre d'Eglantine combattant le projet d'Eco-nomat national pour l'approvisionnement des armes, prpar parSieyes.

    (3) n s'agit du Premier journal de la Convention nationale ou le Point dujour que Laveaux dirigeait avec Roiisseau. Ce jovimal disparut la fin de juin1793, ses rdacteurs s'tant chargs de la publication du Journal de la Montagne.Sur Laveaux, voir ci-aprs, p. 357 et M. Reinbaro, Le Grand Carnot, t. I, p. 269.

    (4) Cf. Dfenseur ..., p. VHI, note.

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    COMPLMENT d'iNTRODUCTION

    Trois sujets importants de discussion dominent cette priode etfournissent Robespierre les lments de nombretix articles, discotirs,notes; arguments qu'il dveloppe et sur lesquels il revient sans cesse :La lutte contre la Gironde laquelle il consacre notamment sarponse l'accusation de Louvet (5 nov. 1792; n 4, 1" srie); celles Jrme Ption qui remplissent entirement les nP^ 7 et 10 (1" srie) ; salettre Vergniaud, Gensonn, Brissot et Guadet (n^ 1, 2* srie).Le procs de Louis xvi qu'il tudie, qu'il expose, dont il rechercheles rpercussions dans les n> 5, 8, 11, 12 (1'^ srie) et 3 (2* srie), dansses Tableaux des oprations de la Convention (nP 12, 1"* srie; 1, 42* srie). Les deux discours de Robespierre prononcs les 3 et 28dcembre 1792, imprims et distribus par ordre de la Convention un grand nombre d'exemplaires (5) sont insrs dans les n^ 8 et 12 dela V^ srie.Les troubles agraires de fvrier-mars 1793, les prils qu'ils sontsusceptibles de provoquer, et qui, aggravs par la guerre et la trahisonde Dumouriez arrivent constituer un vritable danger pour la Franceet la Rvolution; ces faits sont exposs par Robespierre dans les n"^ 4,5, 6, 7, 9 et surtout 10 de la 2' srie.Dans cette dernire Lettre, Robespierre, qui se dfie des gnraux,qui a pressenti et dvoil en 1793 les manuvres de Dumouriez commeil l'avait fait, l'anne prcdente, pour La Fayette, rattache cette tra-hison au vaste plan de conspirations trames contre la libert par lafaction girondine.

    Si la collaboration d'intimes de Robespierre comme Laveaux, lardaction de ses comptes rendus reste problmatique, on constate qu'ilinsre volontiers des articles, opinions, correspondances, comptes rendusde plusieurs de ses collgues l'Assemble.

    Ainsi, dans la premire srie : au n 9 : tm extrait de la Lettre de Dubois-Cranc ses commet-tants, lue la tribime de la Socit des Jacobins le 28 novembre 1792,et dans laquelle le dput des Ardennes prend la dfense de Robespierrecontre ses calomniateurs de la Gironde. au n 12, opinion de deux de ses adversaires : Gorsas dans le Courrier de 83 dpartemens , et Brissot dans le Patriote Franais propos du second discours prononc par lui la Convention le 28 dc.1792 sur le jugement de Louis xvi.

    Dans la deuxime srie : au n 2, Opinion de Camille Desmoulins sur la question del'appel au peuple dans le procs de l'ex-roi, smvie d'une note dePouLTiER sur le mme sujet. au n 3 : Opinion d'ANTHOiNE sur le jugement de Louis xvi. au n 5 : Observations de Fabre d'Eglantine sur le projet d'Eco-nomat national et sur les moyens d'approvisionner les armes, suiviesd'un amendement de Monestier (du Puy-de-Dme) au projet de Sieyes.

    Il accueille aussi et reproduit des lettres, adresses des socits,(5) Voir Discmirs..., A' partie, p. 121, n" 6, et p. 183, n" 4.

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    10 LETTRES A SES COMMETTANSgroupements, communes, envoyes pour la plupart la Convention etque l'Assemble n'a pas admises, qui ne figurent mme pas dans lesprocs-verbaux des sances, ou dans les comptes rendus de la pressequasi -officielle, comme le Moniteur, telles : Adresse des citoyens de la ville de Toulouse la Convention(n 3, 2^ srie). Adresse des Rpublicains d'Arras (mme n*). Lettre (ouverte) des rpublicains marseillais Charles Barba-roux, suivie des procs-verbaux de la Socit rpublicaine, ainsi que des20*, 21* et 22* sections de Marseille (n 7, 2" srie). Adresse des administrateurs composant le Conseil gnral dudpartement du Bas-Rhin la Convention du 11 mars 1793 (n*' 9, 2*srie)

    .

    Lettre aux Jacobins de Paris par les sans-culottes de Manosque,du 22 mars 1793, au sujet de l'attitude de certains dputs des Basses-Alpes dans le procs de Louis xvi (mme n). Lettre aux Jacobins de Paris par le Comit de correspondanceet de surveillance de Strasbourg, du 29 mars 1793, au sujet de l'acquit-tement de Dietrich, ancien maire de cette ville, poursuivi pour trahisondevant le tribunal criminel de Besanon (mme n*^).En diffusant ces documents provinciaux, tous dirigs contre la Gi-ronde, Robespierre entend prouver que le pays, que les patriotes ne sontdcidment plus d'accord avec la politique pratique par ce parti, aupouvoir depuis le dbut de la lgislature.

    D'ailleurs, la rdaction de certaines adresses insres dans les Let-tres a t confie Robespierre lui-mme; leur texte est de sa main;elles figurent donc normalement parmi ses uvres. Ainsi : Une Adresse des Jacobins de Paris aux socits affilies, du 2mars 1793 (n 8, 2* srie) dont la rdaction avait t confie Robes-pierre, sur les meutes de Paris du 25 fvrier.

    Enfin, son ami Anthoine apporte Robespierre, en fvrier 1793,deux lettres reues de son collgue en mission Merlin (de Thionville),dates des 4 et 10 du mois et fournissant d'intressants dtails sur lesoprations de l'arme du Rhin, menace par l'avance ennemie. Pourcombattre les fausses nouvelles apportes la Convention par le minis-tre girondin Beurnonville, Robespierre s'empresse de publier ces let-tres (no 6, 2^ srie).

    Quelques observations pour terminer. Alors que tous les nimirosont comme titre gnral : Lettre de Maximilien Robespierre, membrede la Convention nationale de France, ses commettans , le n^ 9 dela 2'^ srie porte simplement ces mots : Lettres aux Franais . D'autrepart, la dernire page des n^ 9 et 10 de cette 2^ srie, il est rappelque le journal sort des presses de l'Imprimerie Nicolas, dans la maisonmme de Robespierre (6). Voici cette mention : De l'imprimerie patrio-tique et rpublicaine, rue Saint Honor, n^ 355, vis--vis l'Assomption .Nous avons signal dans l'Introduction (7) les fantaisies ortho-graphiques du temps pratiques par Robespierre lui-mme, ajoutant quenous les avions respectes. A l'numration des noms propres dforms,

    (6) Dfenseur..., p. XI.(7) Id., p. XXXV

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    COMPLMENT d'iNTRODUCTION 11nous pourrions ajouter : Barrere pour Barre; Talien pour Tallien,Fermant pour Defermon; Billaut pour Billaud-Varenne; Rolland pourRoland, etc.. Pour Sieyes, Robespierre adopte une orthographe qui serapproche de celle recommande par Mathiez : Syes (8)

    .

    Une double rectification apporter dans le texte de la page xxvi del'Introduction, passage relatif au projet de Dclaration des Droits del'Homme, prsent par Robespierre, et reproduit par lui, dans le derniernumro de la 2* partie de ses Lettres : ce projet, tel qu'il est reproduit,ne contient que 30 articles et non 36 (ligne 6 du texte); et dans lanote 81, il convient de lire 31 et non 37 (ligne 31 de ladite note)

    .

    Enfin, contrairement ce que nous avons crit, le dernier nimirode la 2e srie (p. 475 526) ne contient pas le discours de Robespierredu 24 avril 1793 la Convention sur la proprit (9).

    t Gustave Laurent.

    (8) Mathiez crivait Sieys. Voir sur ce nom A.h.R.f., 1925, p. 487, 583 et 1933,p. 358.

    (9) Dfenseur..., p. XXVI.

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    PREMIRE SRIE

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    LETTRES DE MAXIMILIEN ROBESPIERREMEMBRE DE LA CONVENTION NATIONALE DE FRANCE

    A SES COMMETTANS^'^

    NMArticles contenus dans ce numro (2)48 pages (1 48)

    I dudocximent

    I. Expos des principes et but de cette publication 1 17n. Tableau des oprations de la Convention nationale depuisle premier moment de sa session (21-25 sept. 1792) 17 48

    Citoyens, (3)Les nouvelles fonctions que vous m'avez confies (4), m'imposent

    l'obligation de consacrer au bonheur de la patrie tous mes momens ettoute mon existence. J'ai mis au rang de mes premiers devoirs, celuide rendre compte, de tems autre, mes concitoyens de mes principes,de ma conduite et de la situation des affaires publiques.Les reprsentans du peuple franais appartiennent, en quelquesorte, tous les peuples. Chez eux toute foiblesse est un crime, et toutcrime un attentat contre l'hxmianit entire : ils lui doivent compte deleurs actions et de leurs penses; il leiir faut tme tribune plus acces-sible, plus leve que celle de la Convention nationale, d'o ils puissenttre entendus de l'univers. Je monterai quelquefois cette tribune

    (1) Note de Robespierre : J'entends par ce mot tous les Franais . Cf.Discours... 4 partie, 16 juin 1793, 4" intervent. Pour Robespierre comme pourRousseau, la souverainet tait inalinable et indivisible; par suite, chacim desdputs tait le mandataire du peuple tout entier.

    (2) Mention manuscrite : 19 octobre 1792.(3) Voir analyse de ce n dans E. Hamel, op. cit., U, 457-59; Laponneraye,

    op. cit., II, 86-87. Robespierre y expose ses ides sur la Constitution nouvelle quela Convention tait charge d'laborer, et qvii s'cartent sensiblement de cellesdes Girondins. Voir M. Bouloiseau, Robespierre, coll. Que sais-je ?, chap. IV.Cf. galement Discours... 3' partie, p. 416-20.

    (4) Il avait t lu premier dput de Paris, par 338 voix siu- 525 votants, le5 sept. 1792 (Discours... 3* partie, p. 461 et n" 2).

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    16 LETTRES A SES COMMETTANSouverte tous les hommes, et je tracerai le tableau fidle des oprationsde l'assemble qui doit rdiger les lois du peuple franais; j'exposerai vos yeux les ressorts de tous les grands vnemens qui doivent fixerla destine de la France et du monde; je vous ferai mme parcourir leDdale, o l'intrigue cherche, depuis trop long-tems, garer la libert.Je dfendrai sur-tout ces maximes immuables, ces principes fondamen-taux de l'ordre social, ternellement reconnus, et ternellement viols,que le charlatanisme ne cesse d'obscurcir, et que l'ambition s'efforced'effacer. J'oserai mme appeler quelquefois l'opinion publique et la postrit des funestes dcisions, qu'ils pourroient arracher l'erreurou aux prjugs.Les amis clairs du bien public cherchent, dans cette foule depapiers qui inondent les quatre-vingts-trois dpartemens, les principes,la raison, la vrit; et ils ne trouvent dans la plupart, que la passion,l'esprit de parti, des flagorneries temelles pour les idoles que l'on veutaccrditer, des calomnies intarissables contre tous les patriotes que l'onhait, ou que l'on redoute. Tous les bons citoyens dsirent de voir cloredes crits vridiques, qui puissent offrir le contrepoison de ces impos-tures priodiques. Peut-tre remplirai-je, en partie, leur vu.Je vous prsenterai aujoxu-d'hui quelques ides sur votre situationactuelle, sur les principes qui doivent guider vos reprsentans dans lacarrire o vous les appelez, et qui doivent vous diriger vous-mmesdans l'examen du pacte social qui sera soumis votre sanction.La royaut est anantie; la noblesse et le clerg ont disparu; etle rgne de l'galit commence. Ces grandes conqutes de la libertsont le prix de votre courage et de vos sacrifices, l'ouvrage des vertuset des vices, des lumires et de l'ignorance de vos premiers reprsen-tans, le rsultat des crimes et de l'impritie de vos tyrans. Les rois del'Europe tournent contre vous leurs armes sacrilges; mais ce n'estque pour vous prparer de nouveaux triomphes. Dj ils expient cetattentat de honteux revers; et si vos chefs savent tirer parti de votrepuissance et de votre entho\isiasme, il est impossible l'imaginationmme de mesurer l'tendue de la glorieuse carrire que le gnie del'himianit ouvre devant vous. Protgs par la force de vos armes,environns de vos vvix et de votre confiance, vos nouveaux repr-sentant peuvent vous donner, loisir, le plus heureux de tous les gou-vernemens; et cet ouvrage ne peut tre ni long, ni difficile.Depuis que la royaut est abolie, depuis que l'galit politique estrtablie, la constitution provisoire, purge de ces deux vices essentiels,vous lve dj au-dessvis de tous les peuples que les nations esclavesont appels libres. Telle est la solidit des fondemens sur lesquels reposece grand difice; telle est la beaut de plusieurs de ses parties demeuresintactes, qu'il reste peut-tre beaucoup moins faire qu'on ne pense,aux nouveaux architectes. Perfectionner, d'aprs des principes recon-nus, l'organisation et la distribution de quelques autorits constitues;temprer l'aristocratie reprsentative par un. petit nombre d'institutionsnouvelles, qui en imposent la corruption, et assurent le maintien desdroits du souverain; voil, peut-tre, le sexil mrite et la seule tchede la Convention nationale. Il me semble du moins que nous sommesdans une situation assez heureuse, pour pouvoir, dans l'espace de quel-ques mois, cimenter la libert de notre pays par un gouvernement juste,sans avoir mme le droit de prtendre au titre de sublimes politiques,ni de lgislateurs prodigieux.

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    PREMIRE SRIE - NUMRO 1 17Je conviens que, pour arriver ce terme, quelque prs de vous

    qu'il paroisse, vous avez viter quelques cueils dangereux. La libertn'est pas moins difficile conserver, qu' conqurir. Ceux qm affirmentque tous ses ennemis ont disparu avec la royaut sont au moins deshommes crdules. Le nom de rpublique ne suffit pas pour affermir sonempire. Qui de nous voudroit descendre de la hauteur des principesternels que nous avons proclams, au gouvernement de la rpubliquede Berne, par exemple, de celle de Venise ou de Hollande ? Qui vou-droit changer les sublimes institutions du peuple franais, contre laconstitution de ces Etats-Unis d'Amrique qui, fonds sur l'aristocratiedes richesses, dclinent dj, par une pente irrsistible, vers le despo-tisme monarchique ? (5)

    .

    Ce n'est point assez d'avoir renvers le trne; ce qui nous importe,c'est d'lever sur ses dbris la sainte galit et les droits imprescriptiblesde l'homme. Ce n'est point un vain mot qui constitue la rpublique, c'estle caractre des citoyens. L'me de la rpublique, c'est la vertu; c'est--dire, l'amour de la patrie, le dvouement magnanime qui confond tousles intrts privs dans l'intrt gnral. Les ennemis de la rpublique,ce sont les lches gostes, ce sont les hommes ambitieux et corrompus.Vous avez chass les rois : mais avez-vous chass les vices que leurfuneste domination a enfants parmi vous ? Vous tes, en masse, leplus gnreux, le plus moral de tous les peuples; et, la lgret prs,le plus digne de la libert : mais aussi, quel peuple nourrit, dans sonsein, une si grande multitude de frippons adroits et de charlatanspolitiques, habiles usurper, et trahir sa confiance.

    Citoyens, voulez-vous viter de nouvelles erreurs et de nouvellescalamits, commencez par reconnotre le changement que la dernirervolution a apport dans votre situation. Avant l'abolition de la noblesseet de la royaut, les intrigans, qui ne songeoient qu' lever leur for-tune sur les ruines de la cour, combattoient ct des amis de lalibert, et partageoient, avec eux, le titre de patriotes. De l, les diversesmtamorphoses de tant de personnages, dont la vertu civique expiroit,au moment o elle commenoit contrarier leurs spculations ambitieu-

    . ses. Alors la nation sembloit divise en deux partis, les royalistes et lesdfenseurs de la cause populaire. Aujourd'hui, que l'ennemi communest terrass, vous verrez ceux que l'on confondoit sous le nom de patrio-tes se diviser ncessairement en deux classes. Les uns voudront cons-tituer la rpublique pour eux-mmes, et les autres pour le peuple,suivant la nature des motifs qui avoit jusques-l excit levir zle rvo-lutionnaire. Les premiers s'appliqueront modifier la forme du gouver-nement, suivant les principes aristocratiques et l'intrt des riches etdes fonctionnaires publics : les autres chercheront la fonder sur lesprincipes de l'galit et sur l'intrt gnral (6). Vous verrez le partides premiers se grossir de tous ceux qui avoient arbor l'enseigne duroyalisme, de tous les mauvais citoyens, quelque rle qu'ils aient joujusques-l; celui des autres sera rduit aux hommes de bonne foi, quicherchoient dans la rvolution, la libert de leur pays et le bonheur de

    (5) Voir ci-aprs, p. 25.(6) Robespierre souligne ici les raisons profondes de l'antagonisme eritreMontagnards et Girondins. (A. Mathiez, La Rvolution franaise, coll. Colin, II,

    69). Il reprendra ces mmes ides dans ses discours de mars-avril 1793. (VoirDiscours... 4 partie, notamment, p. 376). De son ct, Couthon, le 21 sept, avaitmis la crainte de voir se former un triumvirat.

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    18 LETTRES A SES COMMETTANSl'humanit. Les intrigans dclareront ceux-ci une guerre plus cruelleque la cour et l'aristocratie elle-mme. Ils chercheront les perdrepar les mmes manuvres et par les mmes calomnies; d'autant plusredoutables, qu'ils voudront s'emparer de toutes les places et de toutel'autorit du gouvernement. Que seroit-ce, s'ils employoient tous cesmoyens corrompre ou garer l'opinion publique ?

    L'opinion publique aujourd'hui ne peut plus reconnotre les enne-mis de la libert, atix traits prononcs du royalisme et de l'aristocratie;il faut qu'elle les saisisse sous les formes plus dlicates de l'incivismeet de l'intrigue. Elle ne poiirroit que se tromper ou flotter dans imefuneste incertitude, si elle cherchoit encore classer les hommes, d'aprsles anciennes dnominations. Il n'existe plus que deux partis dans larpublique, celui des bons et des mauvais citoyens; c'est--dire, celuidu peuple franais et celui des hommes ambitieux et cupides.

    Il faut apprendre dsormais juger les uns et les autres, d'aprsleur fidlit observer les principes reconnus de l'ordre social et del'intrt public, qui doivent rallier tous les amis de la patrie.Je vais essayer de les rappeler, et dvelopper du moins ime vrit,que je regarde comme la base de toutes les institutions politiques.On a dit, il y a long-tems, que les hommes sont essentiellementlibres et gaux, et que le but de tout gouvernement est le maintien deleurs droits naturels et imprescriptibles. Comment peut-il atteindre cebut ? en protgeant le foible contre le fort. Or, ce qu'il y a de plus fortdans l'tat, c'est le gouvernement lui-mme, puisqu'il est arm detous contre chacun. Lorsqu'il dploie cette force, conformment lavolont gnrale, il assure la libert et le bonhevir public. En abuse-t-il ?Il n'est que le plus terrible de tous les instrumens d'oppression. Que con-clure de l ? que le principal objet des lois constitutionnelles doit trede dfendre la libert publique contre les usurpations de ceux quigouvernent (7).Parcourez l'histoire des nations, vous verrez par-tout le gouverne-ment dvorer la souverainet. La maladie mortelle du corps politique,ce n'est point l'anarchie, mais la tyrannie : si le peuple recouvre, pourquelques momens, son indpendance, ce n'est que dans les conjoncturesextraordinaires o il est enfin rveill par l'excs de l'oppression. Lacause de ces dangers, ou de ces dsordres, est dans la nature mme deschoses, et dans le cvu- humain.Le gouvernement est institu pour faire respecter la volont gn-rale, et ceux qui gouvernent ont une volont individuelle : ils tendentnaturellement leur intrt particulier; il faut donc que la loi lesramne sans cesse l'intrt commun, et qu'elle ait la force de confon-dre le magistrat avec la rpublique.Donner au gouvernement l'nergie ncessaire pour soumettre lesindividus l'empire de la volont gnrale, et cependant empcher qu'ilpuisse en abijser : tel est le grand problme que le lgislateur doitrsoudre. Cette solution est peut-tre le chef-d'uvre de la raisonhvunaine. Elle devient plus difficile, en proportion de l'tendue del'tat qu'on en veut constituer; car alors il faut, d'un ct, donner au

    (7) Voir Discours... 1" partie, p. 618-622 : Les gardes nationales ne peuventtre que la nation entire arme povu- dfendre, au besoin, ses droits ... Lescitoyens doivent tre arms pour tre prts dfendre leurs lois et leur libertcontre les usurpations du despotisme ... Les lois constitutionnelles tracent lesrgles qu'il faut observer pour tre libre, mais c'est la force publique qui novisrend libres en ass\arant l'excution des lois .

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    PREMIRE SRIE - NUMRO 1 19gouvernement une plus grande activit, et de l'autre, il est moins aisde rallier le peuple pour s'opposer ses entreprises.

    A peine a-t-elle t trouve ou mme recherche srieusement uneseule fois dans le monde. On diroit que les lgislateurs n'ont pens qu'la moiti du problme. Ils ne se sont occups que de la puissance dugouvernement et point du tout ou presque point des moyens de le rame-ner son institution. Ils n'ont vu le peuple que sous le rapport desujets et jamais sous celui de souverain. S'ils ont reconnu quelquefoisque les fonctionnaires publics n'toient que ses serviteurs, ils les onttraits en effet, comme ses dominateurs ou comme ses idoles. Cettemaxime toit dans leur bouche ou dans leurs livres, et non dans leurscurs. Quelle toit la cause de cette fatale erreur ? C'est que les lgis-lateurs toient des hommes qui prenoient conseil de lexirs passions oude leurs prjugs pour excuter l'ouvrage de la raison et de la vertu. Jene chercherai mes exemples ni dans les sicles passs, ni dans les paystrangers; je les trouve au milieu de vous, au sein mme de votrervolution.Voyez vos deux premires lgislatures. Avec quelle absurde con-fiance l'une btit le bizarre systme du gouvernement reprsentatifabsolu, sans aucun contre-poids dans la souverainet du peuple, et sansse douter qu'un tel gouvernement est le plus insupportable de tous lesdespotismes ? Avec quelle affection elle ne cesse de prcher im respectsuperstitieux pour les fonctionnaires publics corrompus; en mme-temsqu'elle avilit le peuple, l'gorg au nom d'une loi de sang (8) , et s'envi-ronne de la force arme pour le tyranniser avec plus de sciirit. Quevous dirai-je de la seconde qui n'a fait qu'enchrir sur les foiblesseset sur les fautes de ses devanciers ? Aussi, l'une a vu prir son ouvrage,et l'autre a pri elle-mme, avant le terme marqu son existence.La France est perdue, peut-tre, si la Convention nationale ne dploiepas un plus grand caractre, et si elle n'adopte pas des principes pluspurs et plus populaires. Elle les adoptera sans doute, et le portrait dulgislateur, qu'a trac le plus loquent de nos philosophes, ne doitpas nous effrayer. Il faudroit une intelligence suprieure, qui vttoutes les passions et qui n'en prouvt auciine, qui, dans le progrs destems, se mnageant une gloire loigne, pt travailler dans un sicle, etjouir dans un autre. Il faudroit des Dieiix pour donner des lois auxhommes (9) . Il faut au moins des philosophes galement clairs etintrpides, qui prouvent les passions des hommes : mais dont la pre-mire passion soit l'horreur de la tyrannie et l'amour de l'humanit;foulant a\ix pieds la vanit, l'envie, l'ambition et toutes les foiblessesdes petites mes, inexorables pour le crime arm du pouvoir, indulgenspour l'erreur, compatissans poiir la misre, tendres et respectueux pourle peuple.La premire chose que doit savoir le lgislateur, c'est que le peupleest bon : le premier sentiment qu'il doit prouver, c'est le besoin devenger ses injures et de lui rendre toute sa dignit (10). Mais, il fautl'avouer, de toutes les qualits, celle-ci est peut-tre la plus difficile acqurir parmi nous et parmi tous les peuples qui nous ressemblent.

    (8) La loi martiale.(9) Cf. J. J. Rousseau, Le Contrat social, d. Halbwachs, chap. VII, p. 179.(10) Voir Discours... V" partie, p. 625 : C'est le peuple qxii est bon, patient,gnreux... .

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    20 LETTRES A SES COMMETTANSEt, en vrit, nous ne devons ni nous en tonner, ni mme nous enirriter. Nos murs n'ont pu changer encore entirement avec nos ideset notre langage. L'ducation que nous avons reue sous le despotisme,avoit-elle un autre objet que de nous former l'gosme et la sottevanit ? Qu'toient nos institutions et nos usages, si ce n'est le codede l'impertinence et de la bassesse, ou le mpris des hommes toitsoxmiis tme espce de tarif et gradu, suivant des rgles aussi bizarresque multiplies ? Mpriser et tre mpriss, dominer et ramper tour tour, tel toit notre partage. Faut-il nous tonner, si tant de bourgeoisgostes conservent encore pour les artisans quelque chose de ce d-dain, que les nobles prodiguoient aux bourgeois eux-mmes ? Il estvrai qu'on parle quelquefois avec respect de la portion indigente et labo-rieuse de la socit, sur-tout dans les momens de crise et de rvolution :mais ce qui se passe, quand 1 calme rgne, et lorsqu'il s'agit de l'appli-cation, prouve assez bien que nos belles formules et nos pompeusesmaximes sont plutt dans notre mmoire ou dans notre imagination, quedans nos mes.En doutez-vous ? Observez avec quelle dfiance j'ai presque ditavec quel effroi, on envisage encore la partie la plus nombreuse descitoyens, et la plus pure, en dpit de l'ignorance et de l'orgueil. Obser-vez ce penchant ternel lier l'ide de sdition et de brigandage, aveccelle du peuple et de pauvret. Voyez d'un ct, combien il est difficile la loi d'atteindre les conspirateurs puissans; de l'autre, avec quellerapidit elle abat toutes les ttes des malheureux qui ont t plus foiblesque coupables. Voyez avec quelle fatale obstination les tratres, envi-ronns des avantages de l'ancien rgime, sont excuss, dfendus, pro-tgs; et s'il arrive tme fois, qu'au dfaut des juges prvaricateurs, lepeuple en immole quelqu'un au salut de la patrie, comparez la sensibilithypocrite qui verse des larmes sur sa tombe, qui fait retentir l'universdu bruit de cette horrible attentat, la froideur avec laquelle les mmeshommes entendent le rcit des crimes de la tyrannie et le massacre desplus gnreux dfenseurs de la libert. Plusieurs annes aprs, ils ferontencore retentir les tribunes de leurs perfides dclamations, pour fournir l'ambition et l'aristocratie le prtexte d'asservir et de dpouiller lepeuple. Voyez comme ils tendent toujours ce but, soit qu'ils lefltrissent par les dnominations magiques de factietix ou de brigands,soit qu'ils mconnoissent son vu, en le prsentant comme celui d'unesection du peuple, parce que le peuple ne peut s'assembler tout entier;soit qu'ils s'appliquent calomnier la portion qui les environne, parceque celle qui est loigne, ne peut se faire entendre. Il faut le dire,l'avistre vrit et l'nergie rpublicaine effarouchent encore notre pusil-lanimit. Pour former nos institutions politiques, il nous faudroit lesmurs qu'elles doivent nous donner un jour. Nous avons lev le templede la libert avec des mains encore fltries des fers du despotisme. Ila fallu le recontruire. Attendons-nous le voir s'crouler, aussi long-tems qu'il ne sera point lev sur les seuls fondemens de la justice etde l'galit.Ce grand ouvrage est rserv la Convention nationale. Je garan-tirois bien la puret de la majorit de ses membres. Puissent-ils treinaccessibles aux sductions de l'intrigue et de la calomnie ! Il n'estqu'un seul moyen de les viter, c'est de se rallier constamment auxprincipes. Elle remplira glorieusement la tche sublime dont elle estcharge, si elle ne perd jamais de vue cette vrit fondamentale : Que

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    PREMIRE SRIE - NUMRO 1 21le premier de ses soins doit tre de garantir les droits des citoyens et lasouverainet du peuple, contre le gouvernement mme qu'elle doit ta-blir. Il toit important de dvelopper ce principe; il seroit plus utileencore, non de le dclarer, mais de le raliser; la France sera heureuseet libre, lorsqu'il passera des prambules de nos orateurs, dans leursconclusions et dans nos dcrets. J'en tirerai ailleurs les consquencesfcondes; et je prsenterai, dans une autre lettre, mes ides sur lesmoyens de concilier avec la force ncessaire au gouvernement, poursoumettre les citoyens au joug de Za loi; la force ncessaire au peuple,pour conserver sa libert.

    Tableau des oprations de la Convention nationaledepuis le premier moment de sa session (11)Assez d'autres prsenteront au public le roman, ou le squelette de

    la Convention nationale : nous essaierons de la lui montrer vivante,avec son me et sa vritable physionomie.Le 25 septembre (12), les dputs la Convention nationale serunissent dans ce mme chteau des Thuileries (13), o Louis xvi etses complices tramoient, peu de tems auparavant, le massacre du peupleet la perte de la libert (14). Leur premire opration est de vrifierleurs pouvoirs respectifs. Ce principe est gnralement reconnu, que lepeuple avoit t le matre d'adopter, dans ses lections, les rgles qu'ilavoit juges convenables; en consquence, la vrification des pouvoirsse borne l'appel nominal des dputs et la lecture des extraits deprocs-verbaux des assembles lectorales (15).

    L'objection faite par un ou deux membres contre les dputs dudpartement de Paris, tire des arrts de l'assemble lectorale quiavoit expuls de son sein quelques lecteurs, ne fut point accueillie. Leprocs-verbal des sances de la Convention suppose qu'elle s'est dter-mine passer l'ordre du jour sur cet objet, parce qu'elle a trouv,dans le silence des assembles primaires, une approbation tacite dela conduite de l'assemble lectorale. La vrit exacte est que celle-cin'a fait que remplir le vu formel des assembles primaires, qui avoientarrt unanimement d'exclure de toutes les fonctions publiques tousles citoyens qui avoient t membres des clubs anti-civiques, et quiavoient sign des ptitions contre-rvolutionnaires (15''); on peut ajouter

    (11) On remarquera que, dans ce Tableau, Robespierre ne suit pas l'ordrerigoureux des dbats. Ses erreurs de dates sont frquentes car il se fie vraisem-blablement sa mmoire aide par quelques brves notes de sances. D'ailleursil importe davantage, pour lui, de souligner les tendances gnrales de la discus-sion, aussi ddaigne-t-il le dtail des affaires qui demeure du domaine des grandsjournaux d'information.

    (12) Pour 21. C'est le 20, 16 heures, que les dputs de la Conventionse runirent pour la premire fois, sur la convocation de Camus. (Voir Mon.,XIV, 5). Cette premire sance se termina une heure du matin.(13) Dans la salle des Cent Suisses.(14) Allusion au 10 aot.(15) Camus annona qu'il n'avait reu que 53 procs-verbaux et 63 extraits.D'autre part, on comptait 171 membres de plus que n'en prvoyait le dcret deconstitution de l'Assemble. Les 371 membres prsents dcidaient que la Conven-

    tion tait constitue. (.Mon., XIV, 5).(15 b) Allusion aux ptitions des 8 000 et des 20 000 contre les manifestants du20 juin 1792.

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    24 LETTRES A SES COMMETTANSMerlin de Thionville s'oppose cette crmonie du serment profa-ne par l'indigne abus qu'en ont fait les prcdentes lgislatures.L'assemble montra de la philosophie en adoptsint cette ide. Mais

    le serment de maintenir la libert et l'galit, ne mritoit-il pas uneexception ? Et cette formule qui renfermoit en deux mots tous les prin-cipes du bonheur des hommes, et tous les devoirs des lgislateurs, nepouvoit-elle pas tre regarde et comme un nouveau garant de leurfidlit la cause du peuple, et comme une expiation de tous les autressermens insignifians ou dangereux qui avoient t prodigus jusqu'l'poque de la dernire rvolution ?Couthon, dont les infirmits donnent un nouveau prix son patrio-tisme, propose l'assemble de consacrer ce principe de la souverainet,que la constitution, dont la Convention nationale tracera le plan, nepourra avoir force de loi, que lorsqu'elle aura t accepte par le peuplefranais dans ses assembles primaires.Danton, dont le talent est parfaitement second par la force de sonorgane, et par sa vigueur athltique, parot la tribune; il appuie cettemotion, qui avoit t combattue par Tallien. Il propose ensuite dedclarer que les proprits sont sous la sauvegarde du peuple fran-ais (28).L'une et l'autre proposition fut accueillie. La dernire surtoutexcita les plus vifs applaudissements. Kersaint (29) dans les transportsde son enthousiasme, s'lance de sa place, pour dclarer qu'il se repentd'avoir, le matin, appel Danton factieux dans la salle des Thuileries, etpour rendre un hommage public sa vertu. Nous ne croyons point pourcela que cette motion fut ncessaire pour le rassurer sur les principesde Danton. Il savoit, comime tous les hommes dous de quelque sens,que les plus courageiix dfenseurs de la libert ne sont point des insen-ss, et qu'ils n'ont jamais prch la loi agraire (30), Mais, quoique ladclaration propose ne ft aucunement ncessaire pour protger lesproprits qui toient dj sous la sauve-garde de la loi, et qui ne cou-roient aucun danger, il leur convenoit de la provoquer d'abord pourconfondre les calomnies de ceux qui n'avoient pas rougi de leur prterces opinions extravagantes, ensuite, pour rassurer les propritaires im-bciles qu'elles auroient pu alarmer.Sur la motion de Mathieu, l'assemble dclare ensuite que les loisnon abroges et les autorits en activit sont maintenues provisoire-ment (31)

    .

    CoUot-d'Herbois prend la parole, et prtend qu'il reste l'assembleun dcret porter, qu'elle ne peut diffrer d'un seul moment; c'toitl'aboUtion de la royaut. A ces mots, l'assemble se lve presqu'entire,en mlant ses acclamations celles du public.

    Le calme succdant ce premier mouvement, Quinette (32) essaiede combattre la motion de Collot. Il prtend que l'assemble n'a past envoye pour s'occuper de la royaut; mais de Louis xvi; la royaut.

    (28) Dclarons que toutes les proprits territoriales, individuelles et indus-trielles seront ternellement maintenues.

    (29) Voir Discours... A" partie, p. 13, n 3.(30) Cette accusation fut plusieurs reprises lance contre les Montagnards.

    Cf. Discours... 4 partie, p. 20, n 23.(31) Donc la (Z!ommune insurrectionnelle qui ne fut dissoute qu' la fin denovembre 1792. D'aprs le Mon. (p. 8) l'auteur de la motion serait Philippeaux.(32) Quinette se rangea bientt aux cts des Montagnards.

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    PREMIRE SRIE - NUMRO 1 25d'ailleurs, est un objet de si peu d'importance, que, sans daigner mmes'en occuper, il ne songe qu' donner la France la meilleure constitu-tion possible.Bazire fait de sages rflexions sur les dangers de l'enthousiasme :mais il en tire une consquence trop tendue, en demandant l'ajourne-ment de la question. Grgoire et quelques autres attaquent vivement laroyaut, que personne n'ose dfendre, et la royaut est abolie, au milieudes acclamations universelles de la Convention et des tribunes; ce quidt tonner un peu ceux qui nagure assuroient qu'une grande nationne pouvoit se passer de roi, et qui vouloient mme nous persuader quenous raffolions tous de la monarchie (33).Dans la sance du soir du mme jour (34), trois sections de Paris,celles du Mail, des Quatre-Nations et des Thuileries (35), viennent la barre dclarer leur adhsion au dcret qui abolit la royaut.Billaud-Varennes (36), envoy l'arme du centre par le conseilexcutif provisoire, rend compte de sa mission. Il dnonce une procla-mation affiche dans Chlons, et signe de Luckner, dont l'objet toitde retenir, dans leurs foyers, les volontaires nationaux.

    Clootz, le prussien (37), propose l'assemble d'envoyer une adres-se aux Etats-Unis d'Amrique; d'autres ajoutent, tous les peupleslibres, pour leur faire part du dcret qui abolit la royaut. O sont-ils,ces peuples libres ? En est-il un seul dans le monde, qui nous puis-sions donner ce titre, sans abjurer nos principes, et sans trahir la causede l'humanit ? (38)

    .

    Cette motion purile en amne une autre qui n'toit gure plussage. Dusault et Sergent veulent que l'assemble s'occupe d'lever desmonumens, pour consacrer la gloire de nos armes. Il faut vaincre tousses ennemis, s'crit Merlin de Thionville, avant de clbrer ses victoires;consacrons tous nos momens des lois bienfaisantes, et non de vainescrmonies . (39)

    .

    L'assemble carte toutes ces motions.Thouret paroit la barre (40), la tte du tribunal de cassation,povir rendre hommage la Convention nationale et la rpubliquenaissante. C'toit un grand sujet de rflexions pour les observateurs, devoir l'un des membres de ce comit de constitution, qui avoit sacrifisi complaisamment le peuple la cour, accourir les premiers, pour seprosterner aux pieds du berceau de la rpublique, dans ces mmes lieuxqui avoient retenti de tant d'anathmes contre tous ceux qu'on soup-onnoit de l'appeler ds-lors par des v\ix impuissans. (41).

    (33) Robespierre fait allusion l'attitude de Brissot la veille du 10 aot.Voir Discours... 3* partie, p. 423-24, sances des l*' et 5 aot 1792.(34) 21 septembre.

    (35) Arch. pari., LU, 78-79. Le Moniteur ne mentionne pas cette dernire qu'ilsignale dans la sance du 22 au soir (p. 24).(36) Sance du 22 septembre. Voir G. Laurent, Dobsen, l'homme du 31 mai.(37) Robespierre avait dj pris Cloots partie dans son discours du 2 jan-vier 1792. (Voir Discours... 3" partie, p. 84).(38) Cette motion avait t faite, selon le Moniteur (p. 24) au cours de lasance du 22 au soir. Voir Arch. pari., LII, 92.(39) Merlin aurait observ que le bronze ne devait tre employ qu' fairedes canons .(40) Sance du 22 au soir. (Mi., XIV, 25; Arch. pari, LU, 96).(41) Voir le rle de Thouret, la Constituante o il avait t dput par le

    bailliage de Rouen, et le discours qu'il pronona lors de la sparation de cetteAssemble, en rponse celui du roi (sance du 30 sept. 1791).

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    PREMIRE SRIE - NUIHRO 1 27tre paroit convaincu que la Convention nationale court les plus grandsdangers au milieu des citoyens de Paris; que des hommes, appels parla confiance universelle consolider la rvolution par de sages lois, nepeuvent se reposer de leur sret sur la force de ce mme peuple, quia dfendu et respect les deux premires lgislatures, malgr toutesleurs trahisons. Il pense que, dans le lieu mme o la libert vient detriompher, les fondateurs de la rpubUque doivent dployer autourd'eux un appareil plus terrible que leurs devanciers, environns descomplots de la cour et de l'aristocratie. Cette ide lui est si chre, qu'illa reproduit dans tous ses crits, et dans tous ses discours la Conven-tion nationale. Je me garderai bien de la combattre. J'aime mieux lalivrer aux rflexions du rainistre patriote (48)

    .

    Le gnral Montesquiou est dnonc l'assemble et destitu (49).24 septembre (50). L'assemble est informe de l'invasion de Mon-tesquiou, dans la Savoie. Elle nomme trois commissaires pour se trans-porter l'arme du midi, avec pouvoir de destituer les officiers suspectset de les remplacer, laissant leur prudence le choix du moment, o ladestitution du gnral pourroit tre utile (51).Luckner, mand Paris, par le Conseil excutif provisoire, crit l'assemble pour lui demander la permission de lui prsenter ses hom-mages. On dcrte qu'il sera mand la barre, et que pour prvenir lessubterfuges ordinaires qu'il avoit si souvent employs durant le coursde la lgislature, il sera tenu de dposer ses observations crites en lan-gue allemande (52)

    .

    Le prsident du tribunal criminel paroit la barre, et informe laConvention nationale que deux voleurs du garde-meuble, condamns parle tribimal, peuvent donner des claicissemens sur la complicit de cer-tains personnages importans; elle dcrte qu'il sera sursis l'excutiondu jugement (53).

    25 septembre. La sance du 25 (54) offre tme scne aussi bizarre parson objet, qu'imposante par ses dtails, propre sur-tout jeter imegrande lumire sur ce priode important de notre rvolution. Nousdevons la conserver l'histoire avec d'autant plus de fidlit, que l'es-prit de faction s'est attach la dnaturer avec une audace inouie.On lit une lettre effrayante du ministre Rolland. Des agitateurs ontjet dans Chlons une telle pouvante, que le procureur-syndic dudpartement de la Marne et le directeur des postes de Chlons ontpris la fuite.

    (48) Voir ci-aprs, sance du 15 octobre 1793, et discours sur l'tablissementd'une garde constitutionnelle (Discours... i" partie, p. 31-40).(49) Sur la proposition de Tallien, soutenu par Carra, Chabot, Chnier etDanton (Mon., XIV, 34; Arch. pari, LU, 111-112).(50) A partir de cette date, Robespierre suit avec plus de rigueur l'ordredes dbats.(51) Ces commissaires furent Dubois-Cranc, Lacombe-Saint-Michel et Gas-parin.(52) Luckner avait dj t dnonc par Billaud-Varenne, le 22. Le 24 Carrareprit ces accusations. Luckner, prtextant une maladie, ne se prsenta pasdevant la Convention, mais il lui adressa une lettre en allemand. (Voir textedans Mon., XIV, 63; et Arch. pari., LU, 119). Voir galement discours de Simondaux Jacobins (Aulard, IV, 304-7, 19 sept.).(53) Cette dmarche permit de retrouver un certain nombre d'objets pr-cieux cachs dans l'alle des Veuves, aux Champs-Elyses (Mon., XIV, 35; Arch.pari, LU, 119).(54) Sance du 24, d'aprs le Mon. et Arch. pari

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    28 LETTRES A SES COMMETTANSLe ministre ne dit pas si ces agitateurs sont pays par le peuple de

    Paris, ou par le conseil excutif, ou s'ils ont t pays par Brunswickpour troubler le repos de ce procureur-syndic d'un directoire connu, engnral, par son dvouement la cour et aux conspirateurs (55).Kersaint et Buzot, partent de ce texte, pour s'lever avec vh-mence, contre les agitateurs; ils voient dans Paris sur-tout, un complotterrible tram contre l'ordre et contre la loi; le comit de surveillance,le conseil gnral de la commune, tout leur parot infect, de je ne saisquel esprit d'efervescence et de fermentation, tendant au trouble, audsordre, et l'anarchie. Ils demandent que l'assemble rende sur-le-champ, une loi terrible contre les complots et contre les agitations (56).Aprs beaucoup de dbats et de tumulte, l'assemble rend le d-cret suivant :

    1. Il sera nomm six commissaires, pour rendre compte laConvention de la situation de la rpublique et de Paris. 2. Il sera faitun projet de loi contre les provocateurs au meurtre et l'assassinat.3. Il sera propos un mode, pour que la Convention nationale puisses'environner d'une force arme, choisie dans les quatre-vingt-troisdpartemens (57).L'Assemble qui cdoit la fois ses allarmes, et son zle pourle bien public, ne pouvoit tre encore assez initie dans la connoissancedes intrigues qui l'environnent, pour savoir qu'elle ne faisoit que sanc-tionner les projets d'une coalition ambitieuse, concerts dans un conci-liabule secret, dont Buzot lui-mme toit vraisemblablement la dupe etl'instrument aveugle.La scne qui occupa le reste de la sance, et qui avoit plus derapport, qu'on ne pense, avec ce qui venoit de se passer, ne fut pas pourelle, une nigme moins obscure.Merlin de Thionville avoit entendu Lasource dclamer selon sonusage, contre la dputation de Paris, qu'il accusoit d'aspirer la dic-tatiire; et il avait dclar qu'il le mettait dans la ncessit de s'expliquer,en prsence de l'assemble nationale.

    (55) Cette lettre fait allusion la fuite du procureur-gnral-syndic de laMarne. Robespierre semble croire qu'il s'agit du vritable titulaire, Jean-Evan-gliste Roze, nomm ce poste ds la formation du dpartement en 1790, roya-liste notoire qui s'tait compromis lors de la fuite Varennes en juin 1791, quele roi avait voulu nommer ministre de l'Intrieur en 1792 la place de Delessart,et qui, le 10 aot, avait qmtt Chlons pour rejoindre le corps des migrs. Ala suite de sa trahison, P. L. Prieur, alors membre du Directoire de la Marne etsubstitut du procureur-gnral-sjTidic, avait assum, seul ou presque seul,l'administration du dpartement et organis la dfense de son territoire, menacpar l'invasion trangre. Il avait, le 17 septembre, nomm au poste laiss vacantpar la fuite de Roze, un jeune dlgu de la commxme de Paris, Sbastien Brunode Lacroix, originaire de Chtillon-sur-Marne, envoy en mission, avec Ronsin,et qui venait d'arriver Chlons. Mais ds le lendemain Lacroix avait tenvoy Paris par le Conseil gnral de la commune de Chlons pour ladfendre, l'Assemble lgislative, contre les accusations de Billaud-Varenne,alors en mission, lui aussi, dans la Marne, avec deux autres envoys du pouvoirexcutif, Cellier et Varin. Furieux de cette intervention, ceux-ci avaient dnon-c Lacroix au ministre de l'Intrieur Roland, l'accusant d'avoir dsert sonposte devant les meutes provoques Chlons par l'approche de l'ennemi.

    (56) Chabot avait dj dnonc le 23, aux Jacobins, un article du journal deBrissot dans le lequel il soulignait que deux partis se partageaient la (Conventiondont un qui comprenait environ le tiers des membres, tait dsorganisateur .Brissot fut invit venir s'expliquer (Aulard, IV, 327).(57) Malgr le vote du dcret, la discussion reprit le 25. Voir texte dans

    Discours... 4* partie, p. 31-40.

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    30 LETTRES A SES COMMETTANS Nous tions Paris. On tramoit la conspiration patriotique qui

    a touff celle du tyran Louis xvi. On nous engagea venir chez Robes-pierre. On nous dit que, dans ce moment de crise, il falloit se rallier auxcitoyens dont le patriotisme toit ds long-tems prouv. Panis nousdsigna Robespierre comme l'homme vertueux, le plus digne de cettedictature. Mais nous lui rpondmes que jamais les marseillois ne cour-beroient la tte ni devant un roi, ni devant un dictateur. On vous dit :citoyens, que le projet de dictature n'existe pas ! et je vois, dans Paris,une commune dsorganisatrice, qui veut commander toutes les autrescom,munes, et cette commune crit toutes les autres de se confdreravec elle, d'approuver tout ce qu'elle fait ! On ne veut pas la dictature !Pourquoi donc s'opposer ce que la Convention dcrte, que les cito-yens de toits les dpartemens se runiront dans Paris pour sa sretet pour celle de Paris ?

    Huit cents marseillois sont en marche pour venir concourir votre dfense. Ce sont des hommes choisis parmi les hommes les pltsindpendans de tous besoins, des fils de famille, qui leurs parens ontdonn un sabre, un fusil, des pistolets, et un assignat de 1 000 ou de500 liv. Le discours de Barbaroux fut souvent interrompu par des applau-dissemens extraordinaires. On en demande l'impression avec trans-port (63).Vous voulez donc, s'crie Tallien, imprimer une calomnie ? et ilcommenoit rfuter les imputations qui concemoient la commune deParis... Les murmures qui couvrent sa voix ne lui permettent pasd'achever.Boileau (64), maire d'Avalon, prouve le projet de dictature par lercit d'une conversation qu'il eut Auxerre avec des commissEiires dupouvoir excutif, qui lui ont annonc que la commune de Paris s'toitempare de tous les pouvoirs.Cambon le prouve plus premptoirement encore, 1) par les critsde Marat, qu'il traite d'incendiaire, de sclrat...; 2) par les dnonciationsfaites par les membres de la commtzne, de quelques membres de lacommission des vingt-tm de l'assemble lgislative; 3) par l'appositiondes scells mis en son nom sur les papiers du sieur Dumas et de quelqueautres dputs suspects et sur-tout chez le sieur Amelot, trsorier del'extraordinaire (65).Un dput de IDouai, dont nous ignorons le nom (66) , enchrit surtous ces faits, en apprenant la Convention nationale qu'il a entendudes commissaires de la commune de Paris, depuis la journe du 10aot, tenir Douai des propos incendiaires, qui ont allum le courrouxpatriotique de l'accusateur public du Nord.

    Enfin, un dput de Seine et Marne (67) , surpassant en nergie tousles propinans, ne craint pas d'affirmer nettement que les miinicipesde Paris ne sont que des incendiaires, des voleurs et des assassins.

    (63) Voir E. Hamel, II, 453.(64) Boileau (Jacques) tait dput de l'Yonne la Convention.(65) Le 21 aot 1792 (voir Mon., XIII, 499).(66) Il semble que ce soit d'Aoust, ex-constituant, prsident du district deDouai en septembre 1792.(67) Bemier, avocat Meaux. Secrtaire de l'Assemble lectorale de Seine-et-Marne, au dbut de septembre 1792, lors des troubles et du passage desenvoys de la Commune de Paris : Ronsin et Lacroix, ce sont eux qu'il qua-

    lifie de voleurs, d'assassins et d'incendiaires.

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    PREMIRE SRIE - NUMRO 1 31Parmi les reproches qu'il leur adresse, on a distingu le fait qu'il

    a imput deux commissaires de cette commune, d'avoir dit publique-ment l'assemble lectorale de Meaux que le peuple toit souverain,d'avoir lectris Vassemhle qui l'avoit choisi, et de l'avoir conduited'inconsquence en inconsquence.Tous ces discours furent trs-applaudis par une partie de l'assem-ble.

    Panis attendoit depuis long-tems le moment de s'expliquer sur lepropos que Barbaroux lui avoit prt. Je vais rpondre l'imputation de Barbaroux. Je ne l'ai vu quedeux fois, et j'atteste, sur la patrie, que jamais je ne lui ai parl de

    dictature. Je me rappel qu'ayant besoin de lui pour engager le batail-lon de Marseille fixer sa demeure aux Cordeliers section du ThtreFranais, mesure qui paroissoit trs-importante la plupart despatriotes pour excuter la rvolution du 10, je m'adressai lui. J'toismembre de la municipalit et de l'administration de la police. Lescitoyens venoient chaque instant nous communiquer leurs craintes.Ils nous donnoient les preuves les plus claires des complots de la Cour.Ces preuves subsistent encore, et nous les produirons. Je regardois laligue des marseillois, avec la section du Thtre Franais, comme trs-utile pour les dconcerter; je dis Barbaroux, qui les voyait souvent depuis plusieurs jours, je n'ai pu dterminer encore vos compatriotes venir la cazerne des Cordeliers, section du Thtre Franais. C'estl qu'ils doivent tre, pour s'unir troitement cette section, qui, dansles momens de dangers, fut toujours le plus ferme appui de la libert.Aidez-moi dans ce projet. Quinze mille aristocrates sont prts nousgorger; nous sommes perdus, si nous ne nous htons de vuider lecheval de Troie ; (c'est ainsi que j'appelois le chteau des Thuileries).Tel fut l'unique objet de mes entretiens avec Barbaroux. J'tois instruitde tous les projets de la cour par plusieurs patriotes qui s'introduisoientau chteau; je savois que nous n'avions pas iin moment perdre. Nousnous runmes un petit nombre de bons citoyens, calomnis aujour-d'hui, par les lches, pour tramer patriotiquement le sige des Thui-leries.

    Prsident, continue l'orateur, en s'adressant Ption, vous tiezalors la mairie;, Vous devez vous rappeler que, dans les jours qui pr-cdrent la journe du 10, je vous disois : nous ne pouvons plus ytenir; il faut chasser du chteau l'arme des conjurs qui y est ras-semble; nous n'avons plus de salut, que dans une sainte insiirrection.Vous ne voultes pas me croire : vous pensiez que le parti aristocra-tique toit abattu; qu'il n'toit plus craindre. Nous fmes obligs denous sparer de vous, pour continuer nos oprations. Nous n'tions la mairie, que deux chauds patriotes. Sergent et moi, environns decommis d'aristocrates et d'espions. Nous rsolmes de former un comitsecret, pour recueillir les renseignemens que les bons citoyens venoientnous apporter (68). Les marseillois partageoient notre passion d'anan-tir la tyrannie; ils se rendirent la cazerne des cordeliers; ils vinrentds le lendemain, nous demander des cartouches; nous ne pouvionsleur en dlivrer sans votre signature, prsident-maire; mais nous crai-gnions de vous en parler; vous tiez trop confiant. Un jeune marseil-

    (68) Il s'agit du Comit de surveillance de la Commune dont Vergniaudvenait de dnoncer la circvilaire {Mon., XIV, 50; Arch. jKirl., LU, 136-137).

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    32 LETTRES A SES COMMETTANSlois, brlant de patriotisme, appuyant, en notre prsence, iin pistoletsur son front, s'cria, avec un accent qu'il est impossible de rendre : Si vous ne me donnez pas les moyens de dfendre ma patrie, je metue devant vous . Nos larmes coulrent, et nous signmes seuls l'ordrede dlivrer des cartouches.

    Quant Barbaroux, je jure la libert, que je n'ai eu d'entretienavec lui que relativement la translation des marseillois la cazernedes cordeliers; que je ne lui ai jamais dit un mot de dictature et deRobespierre. Je ne sais ce que je dois admirer le plus, ou de la lchet,ou de l'invraisemblance, ou de la faxisset de la dlation. Quelles sontles preuves qu'il vous a donnes ? Quels sont ses tmoins (69)

    .

    Moi, s'crie Rebecqui, en se frappant la poitrine des deux mains.Partis. Vous tes l'ami de Barbaroux, et de plus dnonciateur; et

    il est trange, comme dans la mme affaire, vous vous servez tour--tour de tmoin l'un l'autre. Si les marseillois qui ont combattu etvaincu aux Thuileries toient encore Paris, eux que j'ai vu souventet intimement, ils diroient si je levir ai jamais tenu de semblables dis-cours. Eh ! quel titre vous aurois-je choisi plutt pour confident ? Et qui persuadera-t-on que je pouvois concevoir le projet d'lever vmepuissance dictatoriale lorsque moi et tous les patriotes tions tous sousle couteau de la cour, et n'avions ni trop de forces, ni trop de tems,pour touffer l'horrible conspiration dont nous tions environns ? Quelmoment pour conjurer contre la libert de son pays, que celui o on estoccuper de l'arracher la fureur de ses tyrans ? Soutenez, si vousl'osez, vos calonmies; j'emploierai toutes mes facults faire triompherla vrit.

    Brissot. De quel droit avez-vous dcern des mandats d'arrt contredes dputs? (70).

    Partis. Du droit qu'avoit tout citoyen de sauver la patrie. Vousvoulez toujours confondre ces tems d'orages et de crise, avec les temsordinaires. Vous invoquez des lois impuissantes ou contraires lalibert, contre la loi suprme du salut public, qui seule pouvoit trecoute (71). Vous ne rougissez pas de dfendre les tratres qui ven-doient le peuple aux tyrans, et auxquels le peuple a fait grce, pourcalomnier et le peuple, et ceux mme qui les ont drobs sa justecolre. Oui, tel homme nous doit la vie, qui nous abreuve aujourd'huide dgots et de calomnies. Vous raisonnez, aprs la rvolution du10 et sous la rpublique, comme au tems de la puissance et des crimesde la cour de Louis XVI. Vous l'oubliez lui-mme, pour poursuivre lesmartyrs de la libert. Voil donc le sort destin aux citoyens qui l'ontfait triompher !

    La suite au prochain numro.

    (69) Voir E. Hamel, II, 452,3; et E. Vellay, Rjlexions sur le dmenti de Panis Barbaroux et Rhecqui (A.h.R.f., 1947, p. 353).(70) Un mandat de perquisition avait t dcern contre Brissot dans la nuitdu 2 au 3 septembre. Voir Discours... 3" partie, p. 458, n" 8, et 4* partie, p. 98,n" 43.(71) Robespierre reprit cette ide le 5 nov. 1793 (Discours... 4* partie, p. 89-

    90).

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    N" 2Articles contenus dans ce numro (1)

    48 pages (49 96)Pagesdudocument

    I Rcit de la sance des Jacobins du 14 octobre 1792 :rception du gnral Dumouriez 49 57

    II Sur la conduite de la Convention nationale envers legnral Dillon et sur les principes que les reprsentansde la nation doivent adopter dans la guerre actuelle 57 65m Sur l'institution d'une nouvelle garde pour la Conven-tion nationale 66 82

    IV Suite du tableau des oprations de la Convention natio-nale (25-26 sept.) 82 96

    Citoyens,Convaincu que l'iin des plus puissans moyens d'instruction publi-

    que, ce sont les exemples des hommes libres, je vais vous parler de lasance des jacobins du 14 octobre (2). Elle a prsent, mon avis, unspectacle digne de la rpublique franaise, et qui et honor les plusbeaux tems de la Grce et de Rome.Le gnral Dvunouriez, aprs avoir repouss les prussiens avantde partir pour aller punir l'Autriche et affranchir les belges, est venuvisiter ses frres les jacobins. Il fut accueilli avec cordialit : maispoint d'engouement, point d'enthousiasme, encore moins de flagor-nerie. Il put s'apercevoir que les murs rpublicaines ne seroient paslongtems trangres aux franais. Il eut mme le droit de penserd'abord qu'il exploit encore un peu les torts de ses devanciers, et queles patriotes se souvenoient d'avoir encens de coupables idoles. Cettedfiance inquite, aussi naturelle que ncessaire aux peuples libres,toit encore im peu motive par une erreur cruelle, o Dumouriezparot avoir t induit par l'im des officiers de son arme, et qui de-

    (1) Mention manuscrite : 26 octobre 1792.(2) A son entre dans la salle, Dumouriez, ayant aperu Robespierre, allavers lui et l'embrassa aux applaudissements de l'assemble (Aulard, IV, 384).

    Mais il se garda d'en parler dans ses Mmoires; on remarquera que Robes-pierre ne signale pas davantage le fait.

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    34 LETTRES A SES COMMETTANSvoit affliger particulirement les citoyens de Paris (3). Au reste, ilprouva par toute sa contenance et par ses discours, que la fiert rpu-blicaine ne lui dplaisoit pas. Il toit dj depuis quelque tems dans lasocit, lorsque le prsident la prvint que M. Dumouriez, oblig, parses importantes occupations, de se retirer, demandoit lui adresser laparole dans ce moment; mais, comme cette proposition parut faireombrage quelques membres, il demanda n'tre entendu qu'aprsla lecture de la correspondance.

    Il parla, avec modestie, des services que l'arme dont il toit le chefavoit rendus la patrie; il fit sa profession de foi politique svir lesprincipes de la libert et de l'galit; et annona qu'il se proposoit departir incessament potu* la raliser dans la belgique.

    Allez, lui rpondit Danton, prsident de la socit; allez effacer,par de nouveaux services, ceux que vous venez de rendre votrepays. Consolez-nous de n'avoir pu voir le despote de la Prusse amen,par vous, Paris. Que par-tout la pique du peuple brise le sceptredes rois, et que les trnes disparoissent devant le bonnet rouge dontcette socit vous a honor. Revenez ensuite au milieu de nous, et lesembrassemens fraternels de vos citoyens seront votre rcompense.

    Collot-d'Herbois parla ensuite (4), et, pour connotre quel pointla libert lve l'ame et le gnie des hommes, il suffiroit de comparerle discours improvis qu'il adressa au gnral, avec ceux que nos aca-dmiciens, par exemple, auroient prononc jadis, en pareille occasion. J'applaudis, disoit-il, aux loges que le prsident a donns ausoldat qui vient de quitter la tribime : mais c'est condition qu'il lespartagera avec ses camarades, et qu'il leur reportera lui-mme lestmoignages de notre estime et de notre reconnoissance,

    Pour toi, Dumouriez, tu as eu l'honneur de les commander; jedirai mme que tu t'en es montr digne jusqu' prsent. Avoue, gn-ral, qu'il est beau de commander une arme d'hommes libres. Avoueque les rois ne pouvoient te faire d'aussi beaux prsens que celui quetu tiens de la confiance du peuple franais. Comme les satellites du des-potisme sont foibles et timides devant les soldats de la patrie ! Avecquelle rapidit ils fuient, et se fondent leur aspect ! Comme la vieillegloire de ces capitaines, jadis renomms dans l'Europe, s'clipse devantles premiers exploits des gnraux de la rpublique; que ce Brunswick,tant vant, a paru petit auprs de toi ! Dumouriez, reconnois, danstout cela, la puissance et les miracles de la libert.

    La libert ne donne pas seulement la bravoure. La bravoure estime qualit vulgaire, qui n'est pas trangre, mme aux soldats de la(3) Note de Robespierre : Il est question ici de l'affaire des bataillons de

    Mauconseil et de la Rpublique qui ne sont que des victimes de l'aristocratiede Duchaseau. Dumouriez sera dtromp sans doute et il ne tardera pas rpa-rer son erreur . Il s'agit de deux bataillons de volontaires parisiens qui avaientt punis potir indiscipline. Le 16 octobre, au cours d'une rception offerte Dumouriez par Talma dans ses salons de la rue Chantereine, Marat, accompa-gn de Bentabole et Maribon-Montaut vint demander des explications au gn-ral qui lui tourna le dos. Le 18, la Convention prit des mesures contre ces'bataillons. Marat les dfendit; puis la suite d'un rapport de Vardon, au nomdu Comit militaire, l'Assemble les innocenta (Mon., XIV, 170, 238, 784-85; Arch.pari., LII, 562). Le lieutenant-gnral De Chazot dont parle Robespierre, et quicommandait la 2* division de l'arme des Ardennes, fut destitu le 7 avril 1793.Dcrt d'accusation, le Tribvmal rvolutionnaire l'acquitta le 19 juin. Mis la retraite, il se retira Mutrecy (Calvados) o il mourut le 19 octobre 1797.

    (4) Broch. in-8, 11 p. .N. LE* 717).

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    PREMIRE SRIE - NUMRO 2 35tyrannie; mais la patience hroque; mais l'amour gnreux de lapatrie; mais le dvouement magnanime la cause de l'humanit; voilles vertvis qui distinguent les soldats de la rpublique, qui ont immor-talis les citoyens de Lille et de Thionville, et qui assurent jamaisla supriorit de nos armes sur celles de tous les rois du monde.

    Gnral, comment le cur de tes perfides devanciers a-t-il tferm jusques ici ces passions sublimes ? Nous avons t souventtromps. Nous sommes dfians, ou nous devons l'tre. Mais tu ne noustromperas pas. La France entire t'observe; tu n'as choisir qu'entrel'immortalit et l'infamie, entre l'estime de l'vmivers et l'excration,les vengeances de l'humanit trompe. Tu ne saurois balancer. Tuas servi la patrie, tu la serviras mieux encore; tu sais bien qu'il n'y arien de grand auprs du titre de bienfaiteur de l'humanit et de fon-datevu- de la libert des peuples. Ta patrie ft-elle ingrate, tu trou-verois ta rcompense dans tes actions et dans ta gloire. Ne choisisque de grands modles. Regarde Thmistocle. Oblig de fuir le paysqu'il avoit sauv, il est rduit chercher vm asyle chez ceux qu'ilavoit vaincus. Mais on lui propose de conduire une arme contre sapatrie. Cette pe, dit-il, ne servira jamais les tyrans contre la libertde la Grce; et il la plonge dans son sein (5).

    Dfends-toi sur-tout des sductions de la prosprit, plus redou-tables que les tentations de l'adversit. Abjures toutes les foiblessesque nos anciens usages ont enfantes, et qu'ils semblent encore justi-fier. Souviens-toi que les gnraux de la rpublique ne doivent jamaistransiger avec les tyrans. Une guerre mort; voil les seuls traitsqu'elle puisse faire avec eux. Soutiens partout sa dignit, je ne diraipoint en romain : mais en franais. Ecoutes, tu seras, peut-tre assezexpos aux piges des flatteurs; et tu as fait d'assez belles choses, pourque tu puisses t'entendre rappeler \me faute. Tu conviendras toi-mme, que, dans tes procds avec Guillaume, tu t'es un peu tropressouvenu de nos anciens usages, et de notre ancien style; et que tuas reconduit le roi de Prusse, avec un peu trop de politesse (6). Mais l'Autriche paiera tout. Oh ! fais bien payer cette raceimpie, tous les outrages qu'elle a fait l'humanit. Tu vas Bruxelles,Dumouriez. Tu y arriveras bientt, je l'espre. Mais, avant tu doispasser par Courtrai. L, tu as expier les crimes du tratre Jarri.Rpars tous les maux qu'il a causs; et rconcilies les habitans decette ville infortune, avec le nom franais (7) . Dis leur : que leursdsastres sont l'ouvrage des satellites de la royaut; et que les sol-dats de la rpublique sont arrivs, pour les rparer. Prpares ainsi lesconqutes de la libert. Quant tu seras Bruxelles... Ici je n'ai rien te dire : la grandeur de ta mission t'inspirera tout ce que tu dois

    (5) Banni par les Athniens, Thmistocle se serait pass l'pe travers lecorps plutt que de commander, contre ses compatriotes, les troupes du roi desPerses Artaxerxs. Toutefois, d'aprs Plutarque, il se serait empoisonn (460av. J.-C).(6) Allusion aux lenteurs de Dvunouriez aprs Valmy. Voir Discours... 4" par-

    tie, p. 345 et 385.(7) Le gnral Jarry, commandant la place de Courtrai, fit incendier lesfaubourgs de la ville menace par les Autrichiens. Dnonc par des Belges etLigeois, il s'enfuit l'tranger le 19 juin 1792 et fut considr comme migr.Le 27 septembre, CoUot d'Herbois reprocha Luckner de ne pas l'avoir faitarrter. Ce dernier se justifia dans sa lettre du 29. Franois Jarry de Vrignyde la Villette tait colonel au service de la Prusse en 1790. Il entra dans l'armefranaise le 6 juillet 1791. (Voir Discours... 4" partie, p. 384, n" 31).

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    36 LETTRES A SES COMMETTANSfaire. Cependant le nom de Bruxelles me rappelle cette femme ex-crable qui y rgne (8) ; de cette autrichienne, qui vint jusques sous lesmurs de Lille repatre ses froces regards du spectacle des bouletsrouges, lancs sur cette malheureuse ville... Ah ! sans doute, elle net'attendra pas; elle aura fui ton approche. Mais si tu la trouvois,souviens-toi de ce qu'exige la justice des peuples opprims.

    Combien d'actes de bienfaisance vont s'offrir toi ! De quelsplaisirs divins tu vas jouir ! Quelle flicit peut galer celle d'un hommequi rend un peuple au bonheur et la libert ! Combien de larmesdlicieuses tu feras couler ! Combien tu en verseras toi-mme. Lesmres dirons, en te montrant leurs enfans, toi et tes frres d'armes : mon fils, voil ceux qui ont bris nos fers; les franais sont les bien-faiteurs de l'univers; mon fils, efforons-nous de leur ressembler .Les jeimes gens s'exciteront mutuellement vous imiter, et brigue-ront l'honneur de s'enrler sous nos drapeaux. Les filles couronne-ront, en rougissant, vos fronts victorieux, et avoueront, avec recon-noissance, que vous leur avez apport la plus belle de toutes les dots,en leur donnant une patrie. Citoyen gnral, remplis ta glorieuse car-rire; et reviens ensuite, au milieu de nous, jouir de la gloire et dubonheur de ton pays .Aprs ce discours, Dumouriez monta la tribime, et dit : l'lo-quent discoiirs que Collot-d'Herbois vient de prononcer, restera tou-jours grav dans mon me; il me servira de leons. Mais ce n'est pas moi seul qu'il doit tre utile, c'est la nation entire. Je demandequ'il soit imprim . L'impression fut arrte (9)

    .

    Westerman, qm accompagnoit ce gnral, fit l'offrande la socitd'un fusil pris sur les prussiens. Dumouriez sortit quelques momensaprs, et la socit reprit le cours de ses travaux.

    Sur la conduite de la Convention nationale envers le gnral Dillon,et sur les principes que les reprsentants de la nation

    doivent adopter dans la guerre actuelle (10)Si quelque chose peut prouver que nos mes ne sont point toujours

    la hauteur de nos principes, c'est, mon avis, la conduite que laConvention nationale vient de tenir envers le gnral Dillon.Aucvm des orateurs qui l'ont accus, n'a relev, ce me semble, toutce que la dmarche qu'on lui a reproche, renferme de contraire la dignit et aux intrts de la rpublique franaise. Il n'est pas unseul mot de sa lettre au Landgrave de Hesse (11) qui ne soit undmenti donn tous les principes de la rvolution. Il a la courtoisiede lui renvoyer un de ses officiers, en lui faisant observer que la nation

    (8) Marie-Christine, archiduchesse d'Autriche, sur de Marie-Antoinette,tait gouvernante des Pays-Bas. Elle dirigea le sige de Lille en 1792.

    (9) Voir E. Hamel, II, 468.(10) Robespierre commente une lettre du gnral Dillon au prince de Hesse,lue la Convention le 11 octobre, et dont le texte est publi dans le J*' desDbats et Dcrets in" 22, p. 401). Voir galement Mon., XIV, 182; Arch. pari,LU, 458, et E. Hamel, II, 470.(11) Guillaume, landgrave de Hesse-Cassel, major gnral prussien, s'taittoujours montr un ennemi irrductible de la France. Aprs son chec de sep-

    tembre 1792, il continua la lutte et reprit Francfort en dcembre. Il a laiss larputation d'un bon administratevir, mais d'esprit troit et d'une grande avarice.

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    PREMIRE SRIE - NUMRO 2 37franaise sait admirer la valeur, mme dans ses ennemis. Eh ! qu'im-porte la nation franaise la valeur d'un esclave du tyran hessois ?Sont-ce l les objets de son estime ou de son attention ? Je profitede cette occasion, pour donner son altesse des conseils que je croisutiles. J'ai l'honneur de lui observer que, comme prince, il doitpargner le sang de ses sujets; que, comme soldat, il doit appercevoirla situation prilleuse o il se trouve; il est entour .Est-ce l le langage d'un courtisan qui ose adresser son matredes reprsentations respectueuses ? ou celui du gnral de la rpu-blique qui parle un petit despote d'Allemagne assez audacieux, pourprofaner son territoire, et prsenter des fers au peuple franais ?Comment le chef d'une arme qui combat pour la souverainet dupeuple, a-t-il pu consacrer les principes du despotisme, en crivantle mot de sujets ? Qu'avoit-il dire xan homme qui a des sujets ?Quel intrt peut-il prendre ce marchand de chair humaine, cetyran mpris par les tyrans eux-mmes, avec qui il trafique du sangde ses concitoyens ?

    Dillon lui reprsente que les franais avoient droit de changer laforme de leur gouvernement. La nation franaise est-elle donc rduite cet tat de foiblesse, qu'elle doive se justifier devant xm prince deHesse ? C'est bien aux despotes qu'il faut prcher les principes de lalibert ! Il n'est pas question avec eux de dmontrer les droits desnations, mais de les raliser par des victoires. Ce n'est qu'en renver-sant les trnes, qu'il faut convertir les rois.Quant ceux qu'on appelle ses sujets, la vritable manire deplaider leur cause, n'est pas d'implorer son himianit; ce sera de lesaider un jour secouer son joug odieux. Maintenant quelles relationspeut-il y avoir entre nous et lui, si ce n'est de chtier son insolence,et de pimir ses forfaits ?

    Il n'est plus question des anciens prjugs. Cette guerre ne res-semble aucune autre. La rpublique ne peut voir dans les roisconjurs contre elle, des ennemis ordinaires, mais des assassins del'humanit, des brigands rvolts contre la souverainet des nations.La seule ngociation permise nos gnraiix, c'est de les battre. Ils'agit mme beaucoup moins de les vaincre que de les pimir; de lesforcer abandonner notre territoire, que de les amener la barre dela convention nationale, et devant le tribimal du peuple franais. Lesnat romain traitoit-il autrement avec les rois ? Rome ngocioit-elleavec Porsenna (12) et prioit-elle Pyrrhus (13) d'vacuer son terri-toire ? Cependant, dans ce parallle, c'est le peuple franais quej'abaisse. Quelle distance la raison et la vrit ne mettent-elles pasentre la grandeur d'une nation qui ne portoit que de nouveaux fers celles qu'elle avoit vaincues, et les hautes destines d'im peuple quine triomphe que pour tendre, par toute la terre, le rgne de la jus-tice et de la libert !

    Dillon propose au Landgrave de Hesse de se retirer, et lui prometde favoriser lui-mme sa retraite.Ce procd est si trange; et Dillon a rendu sa lettre publique(12) Porsenna, roi de Cliisium et d'Etrurie tenta de rtablir Rome lesTarquins, chasss par le peuple qui avait proclam la Rpublique, lutte illus-

    tre par quelques faits hroques clbres, tels que ceux d'Horatius Cods etMucius Scaevola.(13) Pyrrhus, roi d'Epire, aprs avoir conquis la Grce, avait menac Rome.

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    38 LETTRES A SES COMMETTANSavec vine telle bonhommie, que je n'ai pu apercevoir dans tout celaun dessein prmdit de trahir la nation. J'avouerai mme que toutce qu'on a dit cet gard contre lui la tribune de la conventionnationale, m'a paru exagr; j'ai vu dans la conduite de ce gnralbeaucoup plus d'tourderie que de perversit, beaucoup plus de pr-jugs que de mauvaises intentions. Mais ce n'toit point ces consid-rations qui doivent dterminer la convention nationale : elle ne devoitconsulter que la svrit des principes, que la nature et les cons-quences politiques de la dmarche de Dillon.

    Or, cette dmarche compromettoit videmment la dignit de larpublique : elle l'a blesse d'une manire d'autant plus fcheuse,que le prince de Hesse a pouss l'audace jiisqu' rejeter la propositionqui lui toit faite par Dillon (14). Elle compromettoit mme la puis-sance et les intrts de la nation; et si elle n'avoit pas la noirceur d'unetrahison, elle en avoit du moins les effets. Si, comme Dillon le ditformellement dans sa lettre, les hessois toient rduits la plus grandedtresse, s'il ne leur restoit d'autre salut que la retraite, la leur ouvrirtoit trahir videmment la cause de la rpublique. Si c'est un avan-tage de dlivrer le territoire franais des ennemis qui l'ont souill,c'en est un plus grand de les y ensevelir, et d'abattre en une campagnetoute la puissance des tyrans. Permettre que ceux qui ont port ausein de notre patrie le fer et la flamme pour la remettre sous le jougen soient quittes pour regagner paisiblement leur foyers, c'est le triom-phe de la tyrannie, c'est la honte du peuple franais. Au contraire,si les hessois toient assez forts pour rsister aux armes franaises,la dmarche de DiUon est une nigme inexplicable, considre commeune bravade, comme une ruse de guerre, elle tient de la folie. Enfin,le devoir de ce gnral toit de combattre nos ennemis, et non de tran-siger avec eux.La Convention nationale n'a pas eu la fermet de prononcer sursa conduite. Avant de prendre im parti sur les rsolutions vigoureusesque plusieurs de ses membres lui proposrent dans la sance du10 octobre (15), elle adopta la mesure foible et dilatoire de consulterle conseil excutif. Elle avoit dcrt que les ministres se runiroientpour lui donner les renseignemens qu'ils pouvoient avoir sur ces faits.Le ministre de la guerre par intrim (16) lui rpondit seul qu'il n'enavoit point d'autres, que la lettre mme de Dillon envoye l'assem-ble. Il l'invita demander des claircissemens sur cet objet au gn-ral Dumourier, qui devoit paroitre devant elle. Dumourier n'a ni jus-tifi, ni inculp Dillon; et ce n'est point lui qu'il faut blmer. Il arpondu en homme qui sembloit dire la Convention : Vous avezsous vos yeiix le titre de l'accusation. Ce n'est point moi que lepeuple a impos le devoir de ramener les gnraux aux principes;c'est vous de juger vous-mmes si Dillon les a viols .Cependant cette question importante fut carte, je ne sais pour-quoi; et les rsolutions de la veille parurent compltement oublies.J'ai cru mme apercevoir une trange affection de la part du bureau,

    (14) Voir rponse de l'aide de camp gnral du prince de Hesse (.Mon., XIV,182; Arch. pari, LU, 459).

    (15) Notamment Billaud-Varenne, Merlin (de Douai), Couthon, Baudot; alorsque Chabot, Kersaint demandaient le renvoi au Conseil excutif.(16) Le ministre des Affaires trangres, Lebrun exerait cet intrim

    depuis le 5 octobre, Pache ne fut nomm que le 19.

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    PREMIRE SRIE - NUMRO 2 39de lire certaines pices trangres cette discussion, et de petitesruses employes pour loigner de la tribune les orateurs qui vouloientla relever.

    Depuis cette poque, Dillon n'a point battu les hessois qu'il pei-gnoit dans sa lettre au prince de Hesse comme incapables de rsister.Le lendemain de la sance que je viens de rappeler, on informa l'as-semble qu'il toit entr dans Verdun aprs avoir propos et prisavec le commandant les mesures ncessaires pour assurer la retraitedes troupes prussiennes. Je ne m'expliquerai point ici sur cette conduitequi fut vivement inculpe. J'attendrai que le tems ait clairci lesfaits. Mais la victoire la plus complte chez im peuple libre n'auroitpu effacer des torts de la nature de ceux dont nous avons parl. Unmembre proposa de nouveau le dcret d'accusation. Choudieu (17)demanda que la Convention nationale dfendit aiix gnraux de con-clure aucunes ngociations avec les ennemis. Mais toutes ces propo-sitions fvirent cartes par le renvoi au comit.

    Il faut se hter de le dire, pour prvenir, s'il est possible, le plusdangereux de tous les abus. La premire rgle de la politique desreprsentans du peuple doit tre de surveiller, avec une juste svrit,la conduite des chefs de la force arme, et de les contenir dans lesvritables limites de leur pouvoir. Elle ne doit point perdre de vueque la puissance militaire fut toujours le plus redoutable cueil de lalibert (18). Rien n'a dshonor le corps lgislatif, comme la lchetavec laquelle il a courb un front servile devant les gnraux de cetems-l (19). Il n'est point craindre que la Convention descende cet excs d'avilissement. Mais la foiblesse seule conduit tous lesmalheurs et tous les crimes; elle peut rouvrir et envenimer toutes lesplaies de l'Etat. Le moindre des maux qu'elle lui causeroit, seroit defaire tomber la Convention une distance incommensurable, au-des-sous de ses devoirs et de l'opinion publique. Quand on peut avoirl'orgueil des reprsentans d'un grand peuple, des lgislateurs de l'Eu-rope, des librateurs du genre humain, comment se fait-il qu'on neveuille avoir que celui d'un bourgeois, d'un noble, d'un homme deloi, d'un municipal ? Combien de fois cependant l'histoire de notrervolution ne nous a-t-elle pas prsent ce phnomne ?

    Sur l'institution d'une nouvelle garde pour la Convention nationale[Suit le texte du discours prononc par Robespierre aux Jacobins,

    le 15 octobre 1792] (20).

    (17) La proposition de Choudieu, signale par Robespierre, ne figure pas auProcs-verbal.(18) Sans adopter les propositions de Merlin (de Douai) et de Couthon,Robespierre aurait voulu, du moins, qu'on censurt par un blme nergique laconduite du gnral. Ds la fin de 1790, il avait signal le danger d'une dicta-ture militaire. Voir Discours... 1" partie, Sur l'organisation des gardes natio-

    nales. De mme Djenseur de la Constitution (d. G. Laurent), n 7, p. 195.(19) Allusion Lafayette.(20) Texte reproduit dans Discours... 4* partie, p. 31-41.

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    40 LETTRES A SES COMMETTANSSuite du tableau des oprations de la Convention nationale

    25 septembre (21).Marat demande rpondre aux inculpations diriges contre lui.De violents murmures, des cris bas de la tribune s'lvent de toutesparts. Ce premier orage s'appaise. Marat commence (22).

    J'ai dans cette assemble un grand nombre d'ennemis person-nels . (Nous le sommes tous; oui, tous, s'crirent ensemble les troisquarts des membres de la Convention). Marat reprend, de l'air et duton le plus calme : J'ai dans cette assemble un grand nombred'ennemis personnels; j