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16 MAÎTRE ème | | 238 | 4 trimestre 2016 Le temps n'est plus où l'activité de l'avocat, présenté comme un auxiliaire de justice, était cantonnée à l'exercice de la fonction de défense. p.16 p.17 p.19 p.22 p.23 p.26 LE DOSSIER Préface Jean-Pierre CORDELIER Avocat & mandataire en transactions immobilières Michel VAUTHIER Avocat & mandataire sportif Jim MICHEL-GABRIEL Avocat & mandataire d’artistes et d’auteurs Basile ADER L’avocat médiateur : une nouvelle dimension Laurent SAMAMA Le correspondant informatique et libertés : bilan et perspectives Alain BENSOUSSAN AVOCAT MAIS PAS SEULEMENT Cette noble fonction confère à l'avocat une place irremplaçable dans l'organisation et le fonction- nement d'une société démocratique. Mais l’avocat est devenu, ainsi que rappelé dans l’article 6 du Règlement intérieur national (RIN), « un acteur essentiel de la pratique universelle du droit » avec « vocation à intervenir à titre professionnel dans tous les domaines de la vie civile, économique et sociale, et ce dans le respect des principes essentiels régissant la profession. » Dans ce même article 6 du RIN sont énoncées les différentes missions de l’avocat qui se sont enrichies au fil du temps. En 1992, André DAMIEN écrivait « l’avocat libéral, grand seigneur tout puissant de la fin du ème XIX siècle est en voie de disparition. » Lui a succédé « l’avocat moderne » qui « fait du juridique, aide à la gestion des entreprises », « un spécialiste du droit des affaires. » Si sont toujours considérées comme incompatibles avec la profession d’avocat « toutes les activités de caractère commercial, qu’elles soient exercées directement ou par personnes interpo- sées » ou encore « les fonctions d’associés dans une société en nom collectif, d’associés commandités dans les sociétés en commandite simple ou par actions, de gérant dans une société à responsabilité limitée, de président du conseil d’administration, membre du directoire ou directeur général d’une société anonyme… » (art. 111 du décret du 27/11/1991), sont reconnues comme compatibles les activités dont il est fait la présentation dans les colonnes de ce magazine. La sécurité des relations professionnelles de l’avocat est assurée par sa déontologie, sa compé- tence et sa responsabilité. L’avocat est en particulier tenu de respecter « les principes d’honneur, de loyauté, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie » (art. 3 du décret du 12/07/2005). Dans sa préface de l’ouvrage, maintes fois édité, qui rassemble les « Règles de la profession d’avocat » (éd. DALLOZ), le Bâtonnier Henri ADER rappelle que tant que la profession « conservera sa déontologie et qu’elle la respectera, son âme, son enthousiasme et son dévouement raisonné à la chose publique ne changeraient pas. » Sa compétence relève d'un devoir que la Cour de cassation sanctionne s'il y est manqué (cf. Maître n° 196, août/septembre 2009, « Quand la déontologie s’en mêle », p.11). Quant à la responsabilité de l’avocat, elle est couverte par des garanties que l’article 27 de la loi du 31 décembre 1971 modifié, lui impose de souscrire (cf. Maître n° 157, octobre 2004, « La responsabi- lité professionnelle », p. 25). Les règles de la profession sont des atouts pour l’avocat là où il est en compétition avec d'autres professionnels. Jean-Pierre CORDELIER Avocat au Barreau de Paris Président d’Honneur Préface

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16 MAÎTRE ème| | 238 | 4 trimestre 2016

Le temps n'est plus où l'activité de l'avocat, présenté comme un

auxiliaire de justice, était cantonnée à l'exercice de la fonction de

défense.

p.16

p.17

p.19

p.22

p.23

p.26

LE DOSSIER

PréfaceJean-Pierre CORDELIER

Avocat & mandataire en transactions immobilièresMichel VAUTHIER

Avocat & mandataire sportifJim MICHEL-GABRIEL

Avocat & mandataire d’artistes et d’auteursBasile ADER

L’avocat médiateur : une nouvelle dimensionLaurent SAMAMA

Le correspondant informatique et libertés : bilan et perspectivesAlain BENSOUSSAN

AVOCAT MAIS

PAS SEULEMENT

Cette noble fonction confère à l'avocat une place irremplaçable dans l'organisation et le fonction-nement d'une société démocratique.

Mais l’avocat est devenu, ainsi que rappelé dans l’article 6 du Règlement intérieur national (RIN), « un acteur essentiel de la pratique universelle du droit » avec « vocation à intervenir à titre professionnel dans tous les domaines de la vie civile, économique et sociale, et ce dans le respect des principes essentiels régissant la profession. »

Dans ce même article 6 du RIN sont énoncées les différentes missions de l’avocat qui se sont enrichies au fil du temps.

En 1992, André DAMIEN écrivait « l’avocat libéral, grand seigneur tout puissant de la fin du èmeXIX siècle est en voie de disparition. » Lui a succédé « l’avocat moderne » qui « fait du juridique,

aide à la gestion des entreprises », « un spécialiste du droit des affaires. »

Si sont toujours considérées comme incompatibles avec la profession d’avocat « toutes les activités de caractère commercial, qu’elles soient exercées directement ou par personnes interpo-sées » ou encore « les fonctions d’associés dans une société en nom collectif, d’associés commandités dans les sociétés en commandite simple ou par actions, de gérant dans une société à responsabilité limitée, de président du conseil d’administration, membre du directoire ou directeur général d’une société anonyme… » (art. 111 du décret du 27/11/1991), sont reconnues comme compatibles les activités dont il est fait la présentation dans les colonnes de ce magazine.

La sécurité des relations professionnelles de l’avocat est assurée par sa déontologie, sa compé-tence et sa responsabilité. L’avocat est en particulier tenu de respecter « les principes d’honneur, de loyauté, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie » (art. 3 du décret du 12/07/2005).

Dans sa préface de l’ouvrage, maintes fois édité, qui rassemble les « Règles de la profession d’avocat » (éd. DALLOZ), le Bâtonnier Henri ADER rappelle que tant que la profession « conservera sa déontologie et qu’elle la respectera, son âme, son enthousiasme et son dévouement raisonné à la chose publique ne changeraient pas. »

Sa compétence relève d'un devoir que la Cour de cassation sanctionne s'il y est manqué (cf. Maître n° 196, août/septembre 2009, « Quand la déontologie s’en mêle », p.11).

Quant à la responsabilité de l’avocat, elle est couverte par des garanties que l’article 27 de la loi du 31 décembre 1971 modifié, lui impose de souscrire (cf. Maître n° 157, octobre 2004, « La responsabi-lité professionnelle », p. 25).

Les règles de la profession sont des atouts pour l’avocat là où il est en compétition avec d'autres professionnels.

Jean-Pierre CORDELIER

Avocat au Barreau de Paris

Président d’Honneur

Préface

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Ÿ conserver sa déontologie, ses valeurs et ses principes dans un secteur considéré comme « commercial » ;

Ÿ s’adapter aux mutations technologiques qui impactent non seulement le marché de la transaction immobilière, mais encore la profession d’avocat tout entière.

PANORAMA DES LOIS QUI RÉGLEMENTENT CETTE ACTIVITÉ

En ce qui concerne spécifiquement la transaction immobilière, dès 1970, la loi HOGUET, prévoyait en son article 2 que les avocats n’étaient pas soumis aux dispositions de ladite loi :

« En considération du contrôle dont leur activité professionnelle fait l’objet ainsi que des garanties financières qu’ils offrent pour l’exercice de cette activité. »

Ainsi, seules les règles spécifiques incombant aux avocats s’appliquent à cette activité :

Ÿ les dispositions réglementant l’activité générale des avocats sur lesquelles nous ne reviendrons pas ;

Ÿ les dispositions spécifiques d’ordre déonto-logique examinées ci-après.

C’est par décision des 5 et 6 février 2010 que le Conseil national des barreaux (CNB) autorisait les avocats des barreaux français à recevoir des mandats en transaction à la condition que cette activité soit exercée à titre accessoire.

Cela signifie qu’à titre principal l’avocat accompagne son client dans l’opération juri-dique envisagée et qu’à titre accessoire il reçoit un mandat de rechercher un cocontractant (acquéreur ou vendeur ou bailleur ou locataire).

La profession doit tout particulièrement remercier la Commission des règles et usages du CNB qui, présidée successivement par Pierre BERGER, Francis POIRIER et aujourd’hui Dominique PIAU, a élaboré au fil du temps des

Parler en quelques mots de l’avocat mandataire en transactions immobilières

nécessite de donner un maximum d’informations en peu de temps, ce qui justifie

le style concis de cet article qui se veut avant tout une première introduction à

cette nouvelle activité.

AVOCAT & MANDATAIRE EN TRANSACTIONS IMMOBILIÈRES

Michel VAUTHIER

Avocat au Barreau de Paris

Président de l’AAMTI

L’ACTIVITÉ D’AVOCAT MANDATAIRE EN TRANSACTIONS IMMOBILIÈRES

Pour illustrer rapidement cette activité de façon pragmatique, l’avocat se retrouve entre le notaire et l’agent immobilier, à intervenir sur les aspects juridiques de la transaction, d’un côté, et à réaliser la recherche de cocontractant pour la transaction souhaitée par son client, de l’autre.

À côté de l’accompagnement juridique, l’avocat communique ainsi sur le bien concerné (Internet, panneaux, etc.), le présente aux cocontractants susceptibles d’être intéressés et intervient aux côtés de son client dans la négocia-tion qui s’en suit.

Cette activité est actuellement pratiquée de façon très diversifiée par les avocats, selon la nature de leur clientèle, la nature des biens qu’ils proposent et le nombre de mandats qu’ils reçoivent.

Elle est généralement très appréciée de leurs clients qui voient en leur avocat l’interlocuteur unique qui les accompagne de A à Z dans leurs préoccupations immobilières, juridiques, voire judiciaires lorsque la transaction envisagée est la conséquence d’un procès ou lorsqu’elle nécessite une action en justice.

Les enjeux...

Ÿ Un positionnement de l’avocat capable d’accompagner son client sur l’ensemble de ses activités nécessitant des compétences juridiques ou judiciaires ;

Ÿ le développement de nouveaux marchés avec plusieurs centaines de millions d’euros d’honoraires à la clé pour les avocats de France.

... et les défis de cette nouvelle activité

Ÿ S’insérer économiquement dans un marché concurrentiel déjà occupé de longue date par des acteurs très présents (agents immobi-liers, notaires) ;

LE DOSSIERAVOCAT MAIS PAS SEULEMENT

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+ D’INFOS

Ÿ email : [email protected]

Ÿ téléphone : 01 46 22 52 20

Ÿ site web : avocat-immo.fr (via l’icône en haut à droite)

aides pratiques permettant aux avocats de déterminer avec précision ce qui leur était possible ou non dans ce nouveau champ d’activité.

C’est ainsi que le CNB publiait deux guides pratiques :

Ÿ le premier, dans une version arrêtée au 16 janvier 2012 ;

Ÿ le second, dans sa version actualisée d’octobre 2014, « L’activité de l’avocat mandataire en transaction : le mandat en transaction immobilière – Guide pratique ».

Un autre guide du CNB doit être aussi pris particulière-ment en compte, celui de janvier 2012 « Dissuader pour ne pas dénoncer ».

Enfin nous serions incomplets, si nous n’évoquions pas èmel’arrêt de la Cour de cassation – 2 Chambre civile – du 22 mai

2014 (13-20.035) dont l’attendu qui vient confirmer la décision d’appel est rédigé ainsi : « mais attendu qu’ayant relevé que le mandat de transaction immobilière faisait désormais partie des activités pouvant être exercées par un avocat, c’est à bon droit que (…). »

Ainsi, aujourd’hui, l’exercice de cette activité est déontolo-giquement bien encadré et sa légitimité reconnue par la Cour suprême.

PRÉSENTATION DE L’AAMTI

L’Association des avocats mandataires en transactions immobilières (AAMTI) s’est créée dès la fin 2009 pour permettre aux avocats de tous les barreaux de France de développer cette activité.

L’AAMTI est l’outil que les avocats se sont donnés à l’invitation de leurs instances pour agir et conquérir ensemble ce nouveau marché de la transaction immobilière.

L’activité de l’association s’est simultanément portée sur un certain nombre de points, tous indispensables à la réussite des avocats et particulièrement :

Ÿ une communication auprès des avocats et du grand public sur un positionnement clair, respectueux de la délicatesse et de la déontologie des avocats.

L’avocat n’est pas un marchand, il n’est ni un agent immobilier ni un notaire ;

Ÿ l’organisation de formations en adéquation avec les besoins des avocats.

L’AAMTI est désormais un acteur reconnu pour la qualité et l’utilité des formations qu’elle n’a cessé de dispenser et d’améliorer depuis sa création ;

Ÿ avocat-immo.fr, un site dédié aux avocats. Dès 2010, l’AAMTI affirmait la présence des avocats sur le Net avec le site avocat-immo.fr.

Cette présence n’a cessé d’être améliorée et l’association en est à sa troisième version de son site caractérisé par la performance de ses fonctionnalités, la qualité de l’interface et du support proposé au grand public ;

Ÿ des outils au service de la croissance de l’activité des avocats :

§ un espace adhérent proposant informations et échan-ges est réservé aux membres de l’association,

§ des moyens de communication (plaquettes, écran numérique, logo, outils divers de communication, etc.) permettant aux avocats de valoriser leur activité auprès de leurs clients,

§ un accès aux meilleures bases de données de doctrine et modèles d’actes, d’évaluation des biens, des contraintes d’urbanisme, à des prestataires sélectionnés pour leurs compétences et leur efficacité d’intervention (photo-graphes, diagnostiqueurs, etc.) et ce, de façon libre et autonome pour les avocats, selon un barème de cotisation accessible à tous dont le premier seuil est de 9,50 € par mois ;

Ÿ un réseau de plus de 600 avocats répartis sur toute la Métropole et la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Barthélemy, la Guyane, Papeete, La Réunion, etc. ;

Ÿ un système de multidiffusion d’annonces sur les sites commerciaux grand public, dont un panel de sites choisis parmi une cinquantaine de sites de diffusion d’annonces immobilières en France en fonction de la caractéristique des biens ;

Ÿ l’édition du « Vade-mecum de l’avocat mandataire en transactions immobilières » dont la première édition a vu le jour dès octobre 2011 et dont la seconde, considérable-

èmement augmentée, est parue en mai 2014 ; la 3 édition étant en cours de préparation ;

Ÿ une activité de séminaires/colloques en France et à l’international, destinée à perfectionner les connaissances des avocats et à leur permettre de développer leur réseau relationnel et d’affaires.

En guise de conclusion provisoire, car notre activité ne cesse de s’étendre, on peut retenir que l’activité d’avocat mandataire en transactions immobilières est une des activités les plus significatives en matière de nouveaux métiers par le nombre de confrères qui participent à son développement et par les défis de toutes natures qu’elle soulève.

L’expérience acquise démontre que le succès de l’avocat auprès de ses clients lui est apporté par la mise en valeur de ses compétences propres dans le respect de sa déontologie. Il s’agit d’un signe de confiance et d’optimisme pour l’avenir et la croissance de cette activité.

18 MAÎTRE ème| | 238 | 4 trimestre 2016

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Concrètement, cette réforme autorise l’avocat à assister, représenter et négocier au nom d’un joueur, d’un entraîneur, d’un club ou d’une organisation sportive, dans le cadre de la conclusion d’un contrat relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive.

Toutefois, l’activité de mandataire sportif ne se confond pas avec celle d’agent sportif même si l’avocat mandataire sportif est soumis à des obligations semblables. De plus, il présente des garanties non négligeables.

L’AVOCAT MANDATAIRE SPORTIF N’EST PAS UN AGENT SPORTIF…

Dans la précipitation, d’aucuns ont cru que l’avocat pouvait être agent sportif. Or, une telle interprétation méconnaît les principes fonda-mentaux de la profession d’avocat. En effet, l’article 6.4 du Règlement intérieur national de la profession d’avocat dispose : « il est interdit à l’avocat d’intervenir comme prête-nom et d’effectuer des opérations de courtage – toute activité à caractère commercial étant incompa-tible avec l’exercice de la profession. »

De même, l’article 111 du décret de 1991 évacue toute ambiguïté : « la profession d’avocat est incompatible : a) avec toutes les activités de caractère commercial, qu’elles soient exercées directement ou par personne interposée. »

En principe, en raison de l’activité de courtage propre à l’agent sportif, opération par nature commerciale, l’avocat mandataire sportif ne peut être un agent sportif. Il ne peut être rémunéré pour une mise en rapport de deux parties intéressées à la conclusion d’un contrat.

Il ne peut que représenter l’une d’elles et ne peut agir que comme mandataire et non comme

2courtier ou « family office », deux activités par nature commerciales.

Cependant, l’avocat mandataire sportif peut conserver un rôle d’intermédiaire. Deux recours s’offrent à lui : la pollicitation au titre du mandat et la théorie du mandat accessoire d’intérêt commun.

Puisqu’il s’agit d’un mandat, l’avocat mandataire sportif doit, au-delà d’une simple

Pendant longtemps, la question de savoir

si les avocats pouvaient être agents

sportifs s’est posée avec d’autant plus de

force que le sport est devenu une activité

à fortes retombées économiques et

échappait de fait à sa mission exempte

d’aspects mercantiles.

Dans un premier temps, la réponse a été

négative jusqu’au rapport DARROIS de

mars 2009 qui a préconisé une

modernisation de la profession d’avocat

mandataire sportif au motif que « si

certaines règles applicables à ces

fonctions, notamment en ce qui concerne

les rémunérations, pourraient ne pas être

compatibles avec les règles

déontologiques, l’opportunité d’écarter les

avocats au profit d’autres professionnels

dont l’éthique et le professionnalisme

sont parfois sujets à critiques est pour le 1moins discutable. »

Ainsi, le législateur est intervenu par une

loi du 28 mars 2011 n° 2011-331 dite de

modernisation des professions judiciaires

et juridiques, élargissant le champ

d’activité de l’avocat au mandat sportif,

aux termes de l’article 4 : « les avocats

peuvent, dans le cadre de la réglementa-

tion qui leur est propre, représenter en

qualité de mandataire, l’une des parties

intéressées à la conclusion de l’un des

contrats mentionnés au premier alinéa de

l’article L. 222-7 du Code du sport. »

L’article L. 222-7 du Code du sport, quant à

lui, cible les contrats qui consistent « à

mettre en rapport, contre rémunération,

les parties intéressées à la conclusion d’un

contrat soit relatif à l’exercice rémunéré

d’une activité sportive ou d’entrainement,

soit qui prévoit la conclusion d’un contrat

de travail ayant pour objet l’exercice

rémunéré d’une activité sportive ou

d’entrainement. »

AVOCAT & MANDATAIRE SPORTIF

Jim MICHEL-GABRIEL

Avocat au Barreau de Paris

Président de l’Association des Avocats Mandataires Sportifs

Avec la participation de François PRIZAC | Élève avocat

LE DOSSIERAVOCAT MAIS PAS SEULEMENT

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proposition de joueur auprès d’un club, proposer un contrat.

Plus qu’une simple offre, il s’agit d’une pollicitation détaillée et exhaustive incluant une description précise du sportif et de ses compétences.

De surcroit, l’avocat mandataire sportif peut appliquer la théorie du mandat accessoire d’intérêt commun. Pour cela, il doit répondre à deux conditions cumulatives.

Si l’intermédiation est l’accessoire d’une prestation juridique – rédaction d’actes juridiques par exemple – et si elle est d’intérêt commun, l’avocat mandataire sportif pourra exercer une activité de courtage. À charge pour lui de prouver qu’elle s’inscrit dans une

3« prestation juridique globale » et que le mandat sportif répond au critère du mandat d’intérêt commun, à savoir l’intuitu personae, le caractère écrit du mandat et l’intérêt réciproque des parties.

À titre d’exemple, le « mandat liant un agent sportif à un joueur de football, concernant la gestion et la défense des intérêts de ce dernier pour tout ce qui concerne directement ou indirectement sa carrière, et notamment la conclusion des différents contrats liés à

4sa carrière professionnelle. »

Ainsi, l’avocat mandataire sportif qui rédigera le contrat pour le compte de son client se verra opposer toutes les contraintes liées à son statut, c’est-à-dire que non seulement il sera lié par ses contraintes déontologi-ques mais encore par un devoir d’information et de conseils.

Un tel élargissement ne pouvait pas intervenir sans assujettir l’avocat mandataire sportif à plusieurs obligations.

… MAIS IL EST SOUMIS À DES OBLIGATIONS SEMBLABLES

Naturellement, cette ouverture du champ d’activité de l’avocat suppose un certain nombre d’obligations relatives à la transparence et au plafonnement de la rémunération, semblables à celles de l’agent sportif.

L’obligation de transparence

Tout d’abord, l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 impose au mandataire sportif la communication aux instances fédérales des contrats relatifs « à l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entrainement » ou ceux qui prévoient « la conclu-sion d’un contrat de travail ayant pour objet l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entrainement. »

Le contrat sportif rédigé par l’avocat est donc soumis à la même obligation de transparence que celui de l’agent sportif.

Il s’agit ici d’une exception à la déontologie de

l’avocat qui, par principe, est soumis au secret profes-sionnel, d’autant plus acceptée par l’avocat mandataire sportif qu’il est justifié par l’intérêt supérieur du sportif et que, par principe, les fédérations ou ligues profes-sionnelles ne procèdent à aucune divulgation des contrats.

Aussi, le mandat doit présenter un caractère écrit.

Par ailleurs, si l’avocat n’est pas soumis à la disci-pline de la fédération en revanche elle peut saisir le bâtonnier en cas de manquement de l’avocat manda-taire sportif à ses obligations professionnelles.

Enfin, l’avocat mandataire sportif s’expose aux mêmes sanctions pénales que l’agent sportif s’il ne respecte pas les dispositions du Code du sport. Ces sanctions prévues à l’article L. 222-20 du Code du sport sont lourdes : deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende – notamment en cas de rémunération dans l’hypothèse où le sportif serait mineur.

Le plafonnement de la rémunération

Par la loi n° 2010-626 du 9 juin 2010 encadrant la profession d’agent sportif, le législateur a voulu imposer des obligations relatives au blanchiment et au financement du terrorisme. Un plafond de 10 % a été fixé.

Ainsi, en élargissant le champ d’activité de l’avocat mandataire sportif, il a fallu logiquement soumettre ce dernier aux mêmes obligations.

C’est pourquoi l’article 4 de la loi du 28 mars 2011 a instauré un plafond de rémunération de l’avocat mandataire sportif en précisant que « dans le mandat donné à un avocat pour la conclusion de l’un des contrats mentionnés au premier alinéa de l’article L. 222-7 du Code du sport (contrat d’intermédiation), il est précisé le montant de ses honoraires, qui ne peuvent excéder 10 % du montant de ce contrat. Lorsque, pour la conclusion d’un tel contrat, plusieurs avocats interviennent ou un avocat intervient avec le concours d’un agent sportif, le montant total de leur rémunération ne peut excéder 10 % du montant de ce contrat. L’avocat agissant en qualité de mandataire de l’une des parties intéressées à la conclusion d’un tel contrat ne peut être rémunéré que par son client. »

Ceci étant, les honoraires de l’avocat peuvent être erdiminués puisqu’une loi n° 2012-158 du 1 février 2012

a modifié l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, afin d’octroyer aux fédérations la possibilité de minorer la rémunération du ou des avocats.

De plus, la rémunération d’un avocat pour un sportif mineur est interdite.

Ce plafonnement s’inscrit dans la logique de moralisation voulue par le Gouvernement qui contre-carre les règles déontologiques de rémunération de l’avocat : dignité, délicatesse, indépendance, modéra-

5tion et interdiction du pacte de quota litis .

20 MAÎTRE ème| | 238 | 4 trimestre 2016

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Désormais, l’avocat peut fixer ses honoraires en fonction du résultat de son intervention, à l’instar de l’agent sportif. Cependant, un taux maximal est imposé à 10 %.

Pour le reste, les robes noires demeurent soumises à la procédure ordinale en cas de contestations d’honoraires et débours sauf si elles ne respectent pas les termes du mandat sportif et qu’elles agissent en tant qu’agent sportif. Dans cette hypothèse, il s’agira d’un honoraire illicite susceptible d’entrainer une procédure disciplinaire.

Ces obligations semblables conjuguées à la déonto-logie de l’avocat forment des garanties pour le sportif de voir sa carrière et ses intérêts protégés.

L’AVOCAT MANDATAIRE SPORTIF, GARANT DES INTÉRÊTS DU SPORTIF

En pratique, l’agent n’est presque jamais un représentant juridique. Il n’est qu’un intermédiaire entre le club et le sportif.

À l’inverse, la représentation et le conseil juridique restent une activité propre à l’avocat.

Le conseil intervient alors au moment des négocia-tions, de la rédaction des documents contractuels, en plus de l’accompagnement classique d’un sportif. De plus, le mandataire prend part à la gestion des contrats de partenariat ou d’image – pour lesquels, la fixation des honoraires reste libre. L’avocat mandataire sportif est avant tout un professionnel du droit qui met directement ses compétences juridiques au profit de son client contrairement à l’agent qui aura recours à un juriste par la suite.

Par conséquent, dès le début de leur relation l’avocat mandataire sportif sécurise juridiquement son client alors que l’agent ne peut se targuer d’une telle compétence.

Par exemple, l’avocat pourra-t-il créer une société d’image afin d’encadrer la commercialisation de celle-ci.

Toutes ces prérogatives s’exerceront dans le cadre de la déontologie de l’avocat qui sera la principale garantie des intérêts du sportif.

En effet, étant indépendant, l’avocat mandataire sportif ne peut que défendre son client afin d’éviter les conflits d’intérêts.

À l’inverse, l’agent sportif, qui est en constante relation avec les clubs, n’aura aucun intérêt à abîmer sa relation avec ces derniers. Il cherchera en premier lieu à maintenir sa relation de confiance avec le club, parfois au détriment des intérêts du sportif.

6En fait, très attaché à sa déontologie , qui est l’essence même de sa profession, il existe peu de risque

que l’avocat mandataire sportif enfreigne les règles et qu’il dépasse les limites de ses missions. Ainsi, il ne nuira ni à son client ni à ses confrères, sauf à encourir de sanctions pénales et/ou disciplinaires.

Pour conclure, si au départ l’extension du champ d’activité de l’avocat dans le domaine sportif a eu pour objet de lutter contre « des professionnels dont l’éthique et le professionna-lisme sont parfois sujets à critique » et de contrer la réputation sulfureuse de certains agents en raison de leurs méthodes parfois peu orthodoxes, leur appât du gain personnel et le lucre, l’activité de mandataire sportif mérite encore d’être renforcée dans un contexte international de plus en plus exigeant où, par exemple, les avocats anglais sont de véritables agents sportifs.

Si le Brexit a introduit une véritable prise de conscience en Europe, gageons que sur le plan sportif la France saura emboîter le pas du pragmatisme anglais.

L’A.D.A.M.S. : L’ASSOCIATION DES AVOCATS MANDATAIRES SPORTIFS

L’Association des avocats mandataires sportifs (A.D.A.M.S.), créée en 2014, a pour but de rassembler les avocats mandataires sportifs afin qu’ils soient force de proposition dans les futures négociations relatives au monde sportif et participent à toutes les problémati-ques dans l’économie du sport.

L’A.D.A.M.S. est une entité intellectuelle, juridique et fédératrice afin que les avocats aient une place à part entière dans l’univers du sport et qu’ils jouent ainsi pleinement leur rôle de professionnel du droit.

+ D’INFOS

Ÿ email : [email protected]

Ÿ téléphone : 01 44 32 08 00

Ÿ adresse : 4 carrefour de l’Odéon | 75006 Paris

1. Rapport DARROIS, mars 2009, p. 47.

2. Appelé également « cocooning ».

3. « L’avocat mandataire sportif : un colosse aux pieds d’argile », Édouard DUHEN.

4. Cours d’appel d’Aix-en-Provence, 17 avril 2002, Association Proform Conseil c/ SOULOY.

5. Article 10, loi n° 71-1130, 31 décembre 1971 : « toute fixation d’honoraires, qui ne le serait qu’en fonction du résultat judiciaire, est interdite […] ».

6. « Les avocats mandataires sportifs proposent une véritable alternative éthique et déontologique aux acteurs du milieu sportif. À ce titre, les avocats mandataires sportifs assurent aux acteurs du monde sportif une totale indépendance et une parfaite transparence dans le maniement des fonds et dans la gestion de leurs différents contrats. » Communication de l’A.D.A.M.S., 3 juin 2015.

LE DOSSIERAVOCAT MAIS PAS SEULEMENT

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L’intervention au profit d’artistes et d’auteurs suppose de sérieuses compétences dans de nombreux domaines (droit de la propriété intellectuelle, droit du travail, droit à l’image, droit fiscal, droit des assurances, droit des transports, droit public lié aux aides culturelles et évidemment droit des contrats).

Qui, mieux qu’un avocat, peut en disposer ?

LA RÉMUNÉRATION

Si le principe de la rémunération à la commis-sion n’est pas autorisé pour les avocats, elle est possible dès lors qu’elle reste « l’accessoire » de son exercice professionnel, par analogie avec ce qui est autorisé aux mandataires en transactions immobilières. Cette rémunération peut donc partiellement être assise sur les gains acquis par l’artiste ou l’auteur représenté.

Il ne semble pas qu’il y ait de difficulté à ce que les sommes dues à l’avocat pour son inter-vention soient réglées, comme pour les agents, directement par les producteurs.

En effet, ce paiement correspond, en fait, à une part de la rémunération due à l’artiste. Et, il n’y aurait pas de difficulté – au regard des principes sur le conflit d’intérêts, car l’avocat a donc, en réalité, été payé par de l’argent de son client – de plaider éventuellement ensuite contre ce producteur.

Cette rémunération constitue un honoraire soumis, à ce titre, à toutes les règles touchant l’honoraire, notamment le recours à l’arbitrage du bâtonnier pour sa taxation ou sa contestation. Ces règles propres à l’avocat sont autant de garanties offertes aux artistes et auteurs qui ont recours à l’un d’entre eux.

L’activité d’agent d’artistes ayant essentiellement pour objet d’accompagner et

d’aider les artistes et les auteurs dans la négociation de leurs contrats, les

avocats ont évidemment vocation à exercer une telle activité.

Cette activité est désormais posée dans les textes du barreau de Paris, à côté de

celle des mandataires sportifs, des correspondants informatique et libertés, ou

des mandataires en transactions immobilières. Elle devrait l’être aussi très

prochainement, dans des termes comparables, par le Conseil national des

barreaux dans le Règlement intérieur national.

AVOCAT & MANDATAIRE D’ARTISTES ET D’AUTEURS

Basile ADER

Avocat au Barreau de Paris

Ancien Membre du Conseil de l’Ordre

Co-responsable de la Commission ouverte du Barreau sur les

mandataires d’artistes et d’auteurs

Le mandataire d’artistes est défini à l’article 6.2.0.5 du règlement intérieur du barreau de Paris, tel qu’adopté à la séance du Conseil de

erl’Ordre du 1 décembre 2015 (cf. LE BULLETIN DU BARREAU du 14/12/2015) dans les termes suivants :

Ÿ « l’avocat peut exercer l’activité de ‘‘manda-taire d’artistes et d’auteurs’’ » ;

Ÿ « l’avocat doit en faire la déclaration à l’Ordre, par lettre adressée au Bâtonnier. Cette activité doit être pratiquée aux termes d’un contrat ou avant-contrat qui constitue pour l’avocat une activité accessoire » ;

Ÿ « dans son activité de mandataire d’artistes et d’auteurs, l’avocat reste tenu de respecter les principes essentiels de sa profession, les règles sur le secret professionnel et les conflits d’intérêts ».

L’ACTIVITÉ

L’activité de mandataire d’artistes et d’auteurs porte essentiellement sur la négocia-tion et la rédaction des contrats de ces derniers.

La négociation est le plus souvent faite avec des personnes qui ne sont pas avocats. Il appartient donc à l’avocat de signaler à ses interlocuteurs, en vertu de nos principes, qu’ils ont la possibilité d’être eux-mêmes assistés d’un avocat. Et, il ne doit pas oublier, lorsqu’il ne correspond pas avec un confrère, que tous les échanges et pourparlers préalables à la conclu-sion des contrats ne sont donc pas couverts par la confidentialité.

Lorsqu’il rédige le contrat, l’avocat ne doit pas oublier non plus que cela emporte des obligations, notamment s’il s’agit ensuite de plaider sur l’interprétation de ce contrat.

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LE MANDAT

Comme indiqué par le texte, l’intervention de l’avocat mandataire d’artistes suppose un contrat ou avant-contrat.

L’usage qui veut qu’un artiste ou un auteur donne un mandat exclusif à un agent n’est pas incompatible avec les règles de l’avocat, dès lors que le principe de libre choix de ce dernier est respecté lorsque le contrat est passé.

À cette fin, il convient de conclure un contrat à durée indéterminée, que l’une ou l’autre des parties puisse rompre à tout moment, et ce, afin de ne pas conduire à mettre en échec ce principe du libre choix de son avocat par le client.

LE PLACEMENT D’ARTISTES

Le dernier pan de l’activité d’un agent est celui du placement, qui consiste à trouver des rôles et des engagements pour les artistes qu’il représente. La qualité de juriste n’est certes plus alors une condition néces-saire.

Rien n’interdit dans les textes, dès lors que les principes essentiels sont respectés, notamment ceux de dignité et de délicatesse, à un avocat d’effectuer cette partie du métier d’agent. Pas plus qu’il n’est interdit à un avocat manda-taire en transactions immobilières de faire visiter des appartements, on ne saurait prohiber à un avocat de trouver des rôles à ses clients.

En réalité, comme cela existe aux États-Unis, c’est là où les deux métiers méritent de coexister : aux avocats la négociation et la rédaction des actes juridiques, comme en sont chargés les entertainment lawyers, qui existent dans l’industrie du cinéma américain depuis les années vingt, et le placement des artistes aux agents. Il y a déjà, de fait, depuis plusieurs années quelques confrères dans la musique, le cinéma, les arts graphiques ou la littérature, qui ont une activité très proche de celle d’agent. Mais aujourd’hui, l’essentiel de cette activité reste encore réservé aux seuls agents traditionnels, alors que, comme on l’a vu, le noyau dur de leur intervention touche à l’exercice du droit. Il est temps que ça change !

« C’est une vraie interrogation que celle du succès mitigé de ce mode alternatif

de règlement des conflits qui apporte un peu d’humanité dans un déroulement

parfois kafkaïen des procédures alors même que l’ensemble des professionnels

de la justice s’accordent à en saluer les mérites. Le temps n’est donc plus à

discourir sur les mérites de la médiation, ni à en expliquer la technique. C’est

désormais vers l’action concrète que nous devons tendre nos efforts afin que la

médiation judiciaire devienne un mode habituel de règlement des conflits. »

L’AVOCAT MÉDIATEURUNE NOUVELLE DIMENSION

Laurent SAMAMA

Avocat au Barreau de Paris

Avocat Médiateur

Ancien Membre du Conseil de l’Ordre

Ancien Président de l’Association des Médiateurs Européens

Animateur du Centre ENADEP de Paris

C’est par ces mots que, le 11 février 2008, M. Jean-Claude MAGENDIE, alors Premier président de la cour d’appel de Paris, s’est adressé au groupe de travail sur la médiation qu’il a installé pour participer à l’élaboration d’un rapport très important qui a donné le tempo : « Célérité et qualités de la justice. La médiation : une autre voie ».

Plusieurs années après, en 2016, la détermi-nation de nombreux hauts magistrats, des bâtonniers et de nos confrères est clairement affichée : la médiation judiciaire ou convention-nelle ne doit plus se limiter à un « concept » ou à une idéologie, mais doit se manifester concrète-ment dans notre pratique au service de nos clients. Les avocats sont donc vivement encou-ragés à se former à la médiation, qu’ils souhai-tent simplement accompagner au mieux leurs clients ou qu’ils l’envisagent dans le cadre d’une nouvelle activité professionnelle.

UNE DÉFINITION

« La médiation consiste à confier à un tiers impartial, qualifié et sans pouvoir de décision sur le fond, ‘‘le médiateur’’, la mission d’entendre les parties en conflit et de confronter leurs points de vue au cours d’entretiens, contradictoires ou non, afin de les aider à rétablir une communication et à trouver elles-mêmes des accords mutuellement acceptables. »

Extrait du numéro HS, LA MÉDIATION, Cour de cassation.

DES DATES ET DES TEXTES ESSENTIELS

Ÿ Loi du 8 février 1995 instituant la médiation judiciaire et décret du 22 juillet 1996.

Ÿ 1995 : la chambre de commerce et d’industrie de Paris crée le centre de médiation et

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LE DOSSIERAVOCAT MAIS PAS SEULEMENT

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d’arbitrage de Paris (CMAP) en partenariat notamment avec le tribunal de commerce de Paris et l’Ordre des avocats au barreau de Paris.

Ÿ 1998 : sous l’impulsion du bâtonnier Dominique de LA GARANDERIE, le barreau de Paris en concertation avec les magistrats décide de mettre en place une formation à la média-tion : création de l’institut de formation à la médiation et à la négociation (IFOMENE) et de l ’ assoc iat ion des médiateurs européens (AME).

Ainsi, dès 1998, l’Ordre des avocats de Paris a voulu être le maître d’œuvre de la formation des avocats en médiation et veiller à un strict respect des règles déontologiques applicables en la matière.

De leur côté, les magistrats ont également pris l’initiative de créer le groupement européen des magis-trats pour la médiation (GEMME).

Ÿ Le 21 mai 2008, la directive du Parlement européen et du Conseil, sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, est adoptée. Son objectif est de faciliter l’accès à des procédures alternatives de résolution des litiges et de favoriser leur règlement amiable, en encourageant le recours à la médiation et en garantissant une articulation satisfaisante entre la médiation et les procédures judiciai-res.

Ÿ La loi du 17 juin 2008 modifie l’article 2238 du Code civil en disposant que la prescription après la survenance d’un litige est sus-pendue lorsque les parties convien-nent de recourir à la médiation, et ce, à compter du jour de la première réunion de médiation.

Ÿ Le 30 juin 2008, M. le Recteur Serge GUINCHARD remet au garde des Sceaux son rapport sur « L’ambition raisonnée d’une justice apaisée » qui se réfère également à la médiation.

La lettre de mission remise par le président de la République à la commission DARROIS expose que : « le recours au mode alternatif de

règlement des différends en matière commerciale ou familiale s’impose peu à peu comme un mode pacifié des règlements des litiges dans lequel l’assistance d’un conseil conduit à redéfinir ses missions. »

Ÿ Le décret du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable des différends établit un livre V intitulé « La résolution amiable des différends ».

Ÿ 2013 est déclarée année de la médiation pour le barreau de Paris par le bâtonnier Christiane FERAL-SCHUHL.

Ÿ Le décret du 11 mars 2015 relatif à la simplification de la procédure civile à la communication électronique et à la résolution amiable des différends modifie, entre autres, les articles 56 et 58 du Code de procédure civile.

Désormais, les parties sont forte-ment incitées à se rapprocher et, en cas d’échec justifiant l’introduction de leur procédure, de rapporter la preuve de leur tentative de règle-ment amiable du litige.

Ÿ L’ordonnance du 20 août 2015 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation et le décret du 30 octobre 2015 relatif à la médiation des litiges de la consom-

ermation : depuis le 1 janvier 2016, tout professionnel a l’obligation de proposer une procédure de média-tion en vue de la résolution amiable des litiges individuels de consomma-tion.

LA MÉDIATION, UN DEVOIR DE CONSEIL POUR L’AVOCAT

Il y a donc un devoir de conseil d’informer son client préalablement sur la possibilité d’une médiation.

Selon Michel BENICHOU, ancien président du CNB, « dans quelques années, on peut imaginer qu’il y aura des procès en responsabilité contre les avocats qui n’auront pas informé leur client qu’il existe une autre voie que celle des procès : la médiation. »

On affirme aujourd’hui comme un postulat que :

Ÿ les avocats ont tous intérêt à participer au processus de média-tion ;

Ÿ qu’ils ne doivent pas rester en dehors de la médiation ;

Ÿ que l’avocat doit être le meilleur prescripteur de la médiation.

Pourtant certaines réticences demeurent et l’on craint que son client reste perplexe sur cette proposition de médiation :

Ÿ d’abord, parce qu’il lui semble que l’avocat n’est pas dans son rôle originel ;

Ÿ que son avocat va déléguer son affaire à un tiers médiateur, qui de surcroit n’est même pas juge ;

Ÿ que son avocat « dépose les armes » ;

Ÿ alors qu’il a saisi un avocat pour engager une procédure contentieuse et de fait le protéger par le jeu de la représentation, voilà que ce même avocat lui demande de s’exposer en personne à la partie adverse en acceptant une médiation.

Cette problématique de la relation avocat-client dans le cadre d’une médiation est nécessairement à prendre en compte, que ce soit dans le cadre d’une médiation judicaire ou conventionnelle.

La médiation judiciaire

Du fait de l’encadrement législatif dont elle fait l’objet, la médiation judiciaire est devenue un mode de règlement alternatif des litiges, qui permet à un conflit engagé dans la voie du contentieux judiciaire d’être réorienté vers un traitement consensuel sous « l’égide du juge » pour la recherche d’une solution amiable choisie par la partie et non imposée par le juge ou la décision de justice.

Elle est pour le juge une « paren-thèse consensuelle » dans le cours du procès, puisqu’à défaut d’accord trouvé par les parties, c’est au juge qu’il reviendra de juger.

Elle est pour l’avocat l’une des solutions à offrir à son client dans l’étude d’un contentieux.

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Elle est proposée soit par le juge, s’il l’estime utile pour les parties, soit par l’un des avocats à tout moment au cours du déroulement de la procédure.

La médiation conventionnelle

Elle repose sur l’initiative et la volonté consensuelle des parties et peut s’appuyer sur une clause de médiation contractuelle.

Cette médiation s’inscrit en dehors de toute intervention au juge et est totalement consensuelle du début à la fin du processus.

LE RÔLE DE L’AVOCAT EN MÉDIATION, ACCOMPAGNATEUR DE SON CLIENT

Il est devenu urgent que les avocats acquièrent la pédagogie de la médiation et les bons réflexes de l’avocat accompa-gnateur de son client dans une média-tion.

Ainsi le client et son avocat doivent, dans le cadre d’une médiation, élaborer un véritable travail d’équipe avant, pendant et après la médiation.

Avant la médiation

Il est important que l’avocat et son client préparent les termes, la présenta-tion de leur affaire basée sur les intérêts en présence.

De la même façon, la répartition des rôles et tâches de chacun en médiation doit être claire pour le client qui sera davantage exposé.

Si le rôle de l’avocat est effacé au cours d’une partie du processus de médiation, il apparaît évident que sa présence est rassurante juridiquement et nécessaire pour prendre la réelle mesure du différend et des concessions qui seront accordées ou non à l’issue de la médiation.

Donc en amont, l’avocat devra expliquer le processus à son client, l’informer sur les règles et le rôle du médiateur, coordonner et déterminer le rôle de chacun.

Un travail d’équipe pendant la médiation

La présence de l’avocat à la média-tion est déterminante, même s’il devra adapter une posture différente :

Ÿ parce qu’il continue son rôle de conseil ;

Ÿ parce qu’il est garant du respect du droit ;

Ÿ parce qu’il préserve les intérêts du client ;

Ÿ parce que sa présence est nécessaire pour le client ;

Ÿ parce qu’il sera le rédacteur du protocole transactionnel.

Après la médiation

Plusieurs situations vont se présenter :

Ÿ soit l’obtention d’un accord et se posera alors la question de l’homolo-gation de l’accord et son exécution ;

Ÿ soit la médiation n’a pas permis de parvenir à un accord et va se poser alors la question de l’engagement ou de la poursuite du procès, considé-rant qu’après une médiation la poursuite d’un procès repart dans tous les cas sur des bases différentes.

DEVENIR MÉDIATEUR : UNE OPPORTUNITÉ LOGIQUE POUR L’AVOCAT SOUS LA CONDITION D’UNE FORMATION DE QUALITÉ RECONNUE

Pour garantir la qualité de ce mode de règlement alternatif des conflits et encourager son recours en toute sécurité, il importe que nos institutions professionnelles veillent à une forma-tion exigeante des médiateurs soucieuse de la déontologie des avocats.

La médiation présente pour l’avocat une opportunité d’ouvrir son champ d’activités sous la condition évidente de veiller scrupuleusement au risque d’un conflit d’intérêts.

Le médiateur doit agir en toute indépendance vis-à-vis de toute autorité, institution ou personne, qu’elle soit ou non concernée, directe-

ment ou indirectement, pour le cas qui lui est soumis.

Cela va de soi, mais il n’est pas inutile de rappeler que l’exercice parallèle du métier d’avocat avec des missions de médiateur oblige l’avocat à veiller scrupuleusement au risque de conflit d’intérêts : « la personne physique qui assure l’exécution de la mesure de médiation doit satisfaire aux condi-tions suivantes : présenter les garan-ties d’indépendance nécessaires à l’exercice de la médiation » (art. 131-5 du CPC).

La formation

Des centres et associations propo-sent des formations permettant d’acquérir les compétences nécessaires à la maîtrise du processus de médiation ou de devenir médiateur en parallèle de son activité d’avocat dans le strict respect de la déontologie.

Ÿ FNCM : fédération nationale des centres de médiation ;

Ÿ AME : association des médiateurs européens (barreau de Paris) ;

Ÿ CMAP : centre de médiation et d’arbitrage de Paris ;

Ÿ IFOMENE : institut de formation à la médiation et à la négociation ;

Ÿ EIMA : école internationale des modes de règlements alternatifs des litiges (EFB) ;

Ÿ ENADEP : école nationale droit et procédure du personnel des avocats (formation ENAPLAN médiation).

Aujourd’hui dans cet environnement législatif et social, plus rien ne s’oppose à ce que les avocats investissent ce nouveau champ d’activité professionnelle pour lequel ils réunissent toutes les qualités éthiques, juridiques et déontologiques pour la construction d’une nouvelle justice apaisée et d’une nouvelle génération d’avocats.

LE DOSSIERAVOCAT MAIS PAS SEULEMENT

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26 MAÎTRE ème| | 238 | 4 trimestre 2016

Le 20 octobre 2005 paraissait le décret d’application de la loi du 6 janvier

1978 autorisant la désignation d’un Correspondant informatique et

libertés (CIL), chargé de veiller au respect de la loi éponyme au sein des

structures publiques et privées. Dix ans plus tard, quel bilan tirer de

l’instauration de cette mission à l’heure où, sur fond de nouveau

règlement européen du 27 avril 2016 sur la Protection des données 1

personnelles , le CIL pourrait paradoxalement laisser la place à un nouvel

acteur, le délégué à la protection des données ?

LE CORRESPONDANT INFORMATIQUE ET LIBERTÉS : BILAN ET PERSPECTIVES

Alain BENSOUSSAN

Avocat au Barreau de Paris

Président d’Honneur

Il y a quelques mois, la Commission natio-nale de l’informatique et des libertés (CNIL), sous l’égide de sa présidente Madame Isabelle

è m eFALQUE-PIERROTIN, célébrait le 10 anniversaire du Correspondant informatique et libertés (CIL) instauré par un décret du 20

2octobre 2005 .

Dix ans après, le CIL – chargé de veiller au 3respect de la loi du 6 janvier 1978 au sein des

entreprises, groupements, associations, administration et collectivités locales et territoriales qui l’ont désigné – est incontesta-blement devenu un métier clé du paysage de la protection des données à caractère personnel.

LE CIL, PERSONNAGE INCONTOUR-NABLE DE LA DATA PROTECTION

Désigner un CIL, appelé à gérer les données personnelles qui lui sont confiées dans le respect des règles applicables, permet avant tout d’identifier un référent sur les questions de protection des données personnelles au sein de l’entreprise, réduisant les risques de conten-tieux contractuel, administratif, judiciaire et d’atteinte à l’image.

Les organismes qui ont désigné un corres-pondant bénéficient ainsi d’un régime de dérogation puisqu’ils ne sont plus tenus de déclarer auprès de la CNIL les traitements soumis au régime de la déclaration et, en quelque sorte, d’une présomption de conformité à la loi informatique et libertés.

Selon les chiffres de la CNIL, 16 300 organis-mes auraient déjà désigné des CIL, lesquels

4seraient aujourd’hui au nombre de 3 200 . Curieusement, 50 avocats seulement figure-raient parmi les CIL.

Un nombre décevant, que la présidente de la CNIL elle-même justifiait en 2012 devant le Conseil national des barreaux (CNB) par le fait que les avocats seraient encore frileux à embras-ser cette fonction, pour beaucoup perçue comme

5technique .

Ce n’est pourtant pas faute pour les instances de la profession – barreau de Paris et CNB en tête – d’avoir largement communiqué, parmi les nouveaux champs d’activité (avocat mandataire en transactions immobilières, avocat fiduciaire, avocat mandataire d’artistes et d’auteurs, de sportifs, etc.) qui s’offrent aux robes noires, sur l’intérêt de ce nouveau « marché ».

L’AVOCAT, ACTEUR DE LA MISE EN CONFORMITÉ « INFORMATIQUE ET LIBERTÉS » ?

Pourtant, le contenu juridique et le caractère indépendant par nature de la mission du CIL font incontestablement de l’avocat un interve-nant naturel, à l’évidence susceptible de prendre en charge une telle fonction de protection des données personnelles de ses clients.

Au plan déontologique, le CNB l’a bien compris et a modifié en juin 2009 le Règlement intérieur national de la profession d’avocat afin d’introduire ce métier dans les activités de

6l’avocat .

Il apparaît donc plus que jamais nécessaire d’informer et de former les avocats à cette fonction. Même si – nouveau règlement européen oblige – quelques zones d’ombres se font jour sur la coexistence du CIL avec un nouvel intervenant dans l’environnement de la Data protection : le délégué à la protection des données.

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LE DÉLÉGUÉ À LA PROTECTION DES DONNÉES : UN CIL RENFORCÉ

Le règlement européen Data protection du 27 avril 2016 précité crée en effet le délégué à la protection des données, nouvel acteur essentiel des données personnelles. Il s’agit plus précisé-ment du Data protection officer (DPO), traduit dans la version française du règlement par « délégué à la protection des données », lequel se voit doté de compétences élargies par rapport au CIL, sans qu’on sache encore très bien s’il se substitue à celui-ci ou coexiste avec.

Une chose est certaine, le nouveau règle-ment, directement applicable dans tous les États membres au printemps 2018, va profondément modifier les règles applicables à l’environ-nement digital des entreprises, dont celles-ci doivent très vite prendre la mesure au risque de se voir exposées à :

Ÿ des risques d’atteinte à leur réputation et de violation du secret des affaires ; leurs données personnelles, mais également celles de leurs partenaires et clients, pouvant être dérobées et divulguées ;

Ÿ des risques de condamnations civiles et même pénales, si notamment elles se trouvent associées, via leur réseau informa-tique, à toute sorte d’actions illégales.

En vertu du règlement, la désignation d’un délégué à la protection des données est impéra-tive, pour le responsable et le sous-traitant dans les situations suivantes :

Ÿ le traitement est effectué par une autorité publique ou un organisme public, à l’exception des juridictions agissant dans l’exercice de leur fonction juridictionnelle ;

Ÿ leurs activités de base consistent en des opérations de traitement qui, du fait de leur nature, de leur portée et/ou de leurs finalités, exigent un suivi régulier et systématique à grande échelle des personnes concernées ;

Ÿ ou leurs activités de base consistent en un traitement à grande échelle de données sensibles ou de données relatives aux condamnations pénales et aux infractions.

LE DÉLÉGUÉ À LA PROTECTION DES DONNÉES, NOUVEAU PILOTE DE LA CONFORMITÉ

Force est de constater que certains des critères de désignation visés ci-dessus demeu-rent flous et requièrent d’être précisés par les autorités de contrôle, et ce avant le 25 mai 2018, date d’application du règlement.

Ainsi, en l’état du projet de loi LEMAIRE pour une République numé-rique tel qu’arrêté par commission mixte paritaire fin juin 2016, le DPO ne serait obligatoire que pour les entités dont le personnel est supérieur à 250 salariés ou « dont les activités consistent en des traitements de données qui, en raison de leur nature, de leur portée ou de leur finalité, exigent un suivi régulier et systématique de personnes. »

Quoi qu’il en soit, le rôle confié au délégué à la protection des données prend de l’ampleur au regard de celui du CIL, notamment dans l’étendue des

7missions qui lui sont attribuées .

Ainsi, il sera chargé :

Ÿ d’informer et conseiller le responsable de traitement ou le sous-traitant sur les obligations qui lui incombent en matière de protection des données ;

Ÿ de contrôler le respect de la législation applicable en matière de protec-tion des données et des règles internes du responsable de traitement ou du sous-traitant en matière de protection des données à caractère personnel, y compris en ce qui concerne la répartition des responsabili-tés, la sensibilisation et la formation du personnel participant aux opérations de traitement, et les audits s’y rapportant ;

Ÿ de dispenser des conseils sur demande, en ce qui concerne l’analyse d’impact relative à la protection des données et vérifier l’exécution de celle-ci ;

Ÿ de coopérer avec l’autorité de contrôle ;

Ÿ de faire office de point de contact pour l’autorité de contrôle sur les questions relatives au traitement, y compris la consultation préalable, et mener des consultations, le cas échéant, sur tout autre sujet.

Le large spectre couvert par ses missions explique, alors, l’exigence du degré de compétences requis, puisque le délégué à la protection des données doit être doté de « connaissances spécialisées du droit et des pratiques en

8matière de protection des données », et doit disposer de « la capacité à accomplir les missions » qui lui sont attribuées.

Cela n’empêche pas, toutefois, le responsable de traitement ou le sous-traitant de recourir, soit à un membre du personnel, soit de faire appel à un prestataire externe pour l’exercice de cette mission ou, bien sûr, de faire

9appel à un avocat !

1. Règlement 2016/679 du 27-04-2016.

2. Décret n° 2005-1309.

3. Loi n° 78-17 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel.

4. https://www.cnil.fr/fr/cil-un-metier-davenir.

5. Intervention devant l’AGE du CNB : http://cnb.avocat.fr/Retour-sur-l-Assemblee-generale-extraordinaire-du-Conseil-national-des-barreaux-5-octobre-2012_a1353.html.

6. L’article 6.2.2.1 énonce que « dans son activité de correspondant à la protection des données personnelles, l’avocat reste tenu de respecter les principes essentiels et les règles du conflit d’intérêts ».

Il a également été prévu de rendre compatible ce métier avec le respect du secret professionnel et la gestion des conflits d’intérêts. Ainsi, l’article 6.2.2.2 énonce que « l’avocat correspondant à la protection des données personnelles doit mettre un terme à sa mission s’il estime ne pas pouvoir l’exercer, après avoir préalablement informé et effectué les démarches nécessaires auprès de la personne responsable des traitements ; en aucun cas il ne peut dénoncer son client ».

7. Règlement 2016/679 du 27-04-2016, article 39.

8. Règlement 2016/679 du 27-04-2016, article 37.5.

9. À la condition que l’ensemble des missions confiées au délégué à la protection des données puisse être exercé en toute indépendance : ainsi, le responsable de traitement et le sous-traitant devront veiller à ce que le délégué « ne reçoive aucune instruction en ce qui concerne l’exercice de ses missions ».

LE DOSSIERAVOCAT MAIS PAS SEULEMENT