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ajoliques italiennes de la enaissance F B

Majoliques italiennes de la Renaissance. Collection Paul Gillet

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“Majoliques italiennes de la Renaissance. Collection Paul Gillet”, Fondation Bemberg, 2015. Exhibition catalogue, 25 June - 27 September 2015 [Coordination and graphic design: Miriam Sainz de la Maza and Alfonso Meléndez]. © Fondation Bemberg / the authors

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Majoliques italiennesde la Renaissance COLLECTION

PAUL GILLET

FONDATION BEMBERG

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Majoliques italiennesde la Renaissance

musée des arts décoratifs de lyon

COLLECTIONPAUL GILLET

FONDATION BEMBERG

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Majoliques italiennes de la Renaissancecollection paul gillet

du 25 juin au 27 septembre 2015

FONDATION BEMBERGHôtel d’Assézat - Place d’Assézat31000 Toulousetél.: 33 (0)5 61 12 06 89 · fax: 33 (0)5 61 12 34 [email protected] · www.fondation-bemberg.fr

Horaires d’ouvertures:La Fondation est ouverte du Mardi au Dimanche, de 10h à 12h30et de 13h30 à 18 h. Le Jeudi de 10h à 12h30 et de 13h30 à 20h30.

La Fondation Bembergaimerait remerciertrès particulièrementmonsieur Maximilien Durand, directeur du MTMAD de Lyonet l’équipe dumusée des Arts décoratifs de Lyon

Cette exposition a été organiséeen partenariat avec le musée des Arts décoratifs de Lyon

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S O M M A I R E

La Collection Paul Gillet à la Fondation Bembergpar guillermo de osma

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La majolique : un art et une techniquepar philippe cros

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L’Attribution des majoliquesistoriato de la Renaissance

par timothy wilson9

Les centres de productionde la majolique italienne de la Renaissance

par philippe cros27

Catalogue des œuvresNotices par mesdames carola fiocco,

gabriella gherardi et liliane sfeir fakhri67

Bibliographie255

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La Collection Paul Gillet à la Fondation Bemberg

La Fondation Bemberg a ouvert ses portes à Toulouse il y a vingt ans, au cœur de l’un des plus magnifiquesbâtiments de la Renaissance française, l’Hôtel d’Assézat. Afin de commémorer cet anniversaire, nousprésentons, du 25 juin au 27 septembre, une sélection de 85 pièces appartenant à l’extraordinaire collec-

tion de majoliques de la Renaissance, qu’a rassemblée, tout au long de sa vie, Paul Gillet (1874-1971), importantindustriel de la ville de Lyon. Cet ensemble, qui regroupe plus de deux cent pièces, constitue l’un des plusprécieux au monde, accumulé par un seul collectionneur. P. Gillet a fait don de sa collection au Musée des Artsdécoratifs de Lyon, où ces pièces sont montrées parmi ses trésors les plus inestimables et qui, maintenant,nous les prête de manière tout à fait exceptionnelle.

À travers cette exposition nous souhaitons également rendre hommage à Georges Bemberg (1916-2011),créateur de la Fondation et grand collectionneur. Vrai cosmopolite, né en Argentine, il a partagé sa vie entreParis, New York et Buenos Aires. Homme de profonde culture, pianiste, compositeur, écrivain, financier et in-dustriel, G. Bemberg a consacré une grande partie de son énergie, de sa passion et de ses connaissances — sansoublier sa fortune — à créer sa collection. Ensemble éclectique et encyclopédique, qui regroupe bronzes, pein-ture ancienne — de Cranach à Guardi —, mobilier, majoliques, porcelaines, horloges, orfèvrerie, reliures,tapisseries et autres objets artistiques datant du xv e jusqu’au début du xx e siècle, avec un ensemble importantde tableaux impressionnistes et post-impressionnistes, couronné par une trentaine d’œuvres de Bonnard.

La Collection Paul Gillet dialogue parfaitement avec la Collection Bemberg, qui présente aussi certaines majo-liques hors pair d’une des périodes favorites de son créateur : la Renaissance. Nous aimerions que cet événementouvre une série d’expositions annuelles consacrées à une grande collection particulière. Une collection qui soitconservée dans la demeure de son propriétaire ou qui ait trouvé sa place définitive dans une fondation ou dansles salles d’un musée, souvent le destin des collections privées, comme celles de P. Gillet et de G. Bemberg.

Le collectionneur est un personnage atypique — curieux, passionné, libre, indépendant, sagace, connais-seur, capable de prendre des risques et de miser sur ce qu’il aime —, entouré très souvent d’un halo de mytheet de légende, mais qui ne reçoit pas, en général, le prestige qu’il mérite. Le collectionneur est une figurecentrale dans l’Histoire de l’Art. Grâce à ces expositions — toujours accompagnées d’un important catalogue,documenté et illustré —, nous désirons rendre hommage et analyser le personnage du collectionneur danstoute sa complexité et la fascination qu’il exerce. Parallèlement, nous souhaitons également faire découvrirà un large public — spécialistes, mais aussi amateurs et curieux — des collections inédites ou méconnues.

Collectionner est un acte fascinant, personnel et créatif mais aussi insolite, car il consiste pour l’essentiel às’approprier de certains objets pour les regrouper dans un nouveau contexte. Collectionner n’est pas seulementune façon de comprendre le monde, mais de vouloir créer un univers propre, un microcosme marqué par lapersonnalité du collectionneur et, en même temps, révélateur de cette personnalité. Comme le disaient les frèresGoncourt, c’est la collection, et non les objets, qui doit être signée du nom du collectionneur. C’est le cas, incon-testablement, des collections Gillet et Bemberg, constituées par deux personnes discrètes qui, de façon silen-cieuse et élégante mais animées de la même passion, du plaisir que confère l’aventure de la recherche et du goûtde la possession qui anime tout collectionneur, ont réussi à créer leurs univers personnels et enrichissants,éléments indissociables de leurs vies.

Ces deux collectionneurs en sont arrivés à vivre leurs aventures comme un destin à vocation publique,notamment en raison d’un désir de postérité — ni P. Gillet ni G. Bemberg n’avaient de descendant direct —, alliésans aucun doute à une volonté sincère et généreuse de partager avec la société cet univers de beauté, deconnaissance et d’excellence qui est la clé de toute collection.

Guillermo de Osma President de la Fondation Bemberg

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Le choix d’accueillir une grande partie de la collection de majoliques italiennes du musée des Artsdécoratifs de Lyon, de loin l’une des plus importantes conservées en France, est en résonnanceprofonde avec l’âme même de notre musée. En effet, parmi les ensembles constitués par M. Bemberg,

la collection de majoliques italiennes est importante car, à l’image de la collection de bronzes, elle présenteun tour d’horizon des différents ateliers de la Renaissance, les mêmes ateliers richement représentés dans lacollection amoureusement constituée par Paul Gillet. Le visiteur curieux pourra ainsi confronter la collectiondu musée à l’éventail plus large des œuvres de Lyon. Si peu de néophytes savent que le terme de majoliquedésigne la faïence italienne de la Renaissance, cette exposition, à la fois didactique et immédiate de par la fraicheurcolorée des œuvres et l’immédiateté des scènes représentées, permettra au public de découvrir un véritablephénomène culturel propre à la Renaissance Italienne. Les centres de production des majoliques étaient surtoutsitués dans la partie nord de l’Italie. Les plus importants étaient notamment Faenza, Urbino et Deruta, maison en produisait également à en Toscane ou à Venise. Le nom de majolique donné par les Italiens, provienten fait de la déformation du nom de l’île de Majorque par où transitaient les céramiques lustrées d’Espagne,dites « hispano-mauresques ». Techniquement les faïences se caractérisent par une glaçure opacifiée à l’oxyded’étain permettant d’obtenir une surface blanche parfaitement adaptée à un décor peint. Plus précisément,la pâte argileuse est recouverte d’un émail composé de silice et d’oxyde de plomb et rendu opaque et blancgrâce à l’oxyde d’étain. Sur ce revêtement vient se poser le décor peint à l’aide d’oxydes métalliques. La majoliquesubit plusieurs cuissons. La première (vers 1000-1100° C), permet la rigidité de l’objet pour faciliter sa manipulation.La majolique est ensuite recouverte de l’émail sur lequel le peintre peint le décor à partir d’oxydes colorants :rouge de fer, jaune d’antimoine bleu de cobalt, vert de cuivre, brun et violet de manganèse essentiellement.L’opération interdit tout repentir car la terre encore poreuse absorbe les oxydes. Une seconde cuisson, à températureun peu plus basse, fixe le décor en vitrifiant l’émail désormais brillant et imperméable. Un décor de « lustre »peut éventuellement être ensuite appliqué sur la pièce. Il s’agit d’un mélange de particules de cuivre et d’argentqui, suite à une troisième cuisson, se fixe à la surface de la majolique et donne à cette dernière, grâce à des reflets

La majolique :un a

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rt et une techniqueargentés ou dorés, l’éclat des pièces métalliques. Cette troisième cuisson à basse température (autour de 600° C)a lieu dans un four maintenu en atmosphère « réductrice », empêchant, contrairement aux deux cuissonsprécédentes faites en atmosphère oxydante, l’oxygène d’entrer cette fois ci dans le four. Durant la premièremoitié du xve siècle, le passage de la céramique émaillée au plomb, caractérisant le Moyen Âge, à l’utilisa-tion de l’émail stannifère typique de la majolique fut progressif. Encore aujourd’hui, on connaît mal le rôleexact joué aux origines par les différents centres, mais il est certain que le répertoire de la majolique italiennedu xve siècle présente à la fois des formes déjà utilisées auparavant et de nouvelles formes répondant aux exigen-ces de la société contemporaine. Aux origines de la majolique, on retrouve l’influence moyen-orientale et lesmotifs gothiques tardifs. Les décors somptueux se diversifièrent rapidement, grâce surtout à la variété de couleursofferte par l’utilisation de l’émail stannifère. Les exemplaires conservés du xve siècle permettent de comprendrecomment, à l’origine, la majolique italienne puisa dans la tradition gothique tardive et adopta des décors d’origineislamique, tout en assimilant progressivement les thèmes ornementaux liés au répertoire humaniste. Ces thèmesrécurrents, notamment ceux inspirés des produits manufacturés orientaux, rencontrèrent un succès dura-ble. Si nombre d’œuvres révèlent les liens intenses entre le répertoire arabe et la majolique italienne, l’originemême de l’albarello, forme dont on conserve de nombreux exemples dans les musées, nous apporteconfirmation de cette influence. Conçu en Orient pour contenir les épices, il fut adopté par les apothicai-res de la Renaissance, car il permettait une bonne conservation des médicaments. Déjà à la fin du xve siècle,cette faïence da farmacia, mieux conservée et en plus grande quantité que celle de table, conjuguait les culturesarabe et humaniste. Enfin, durant tout le xvi e siècle, les cours se transformèrent en ateliers de recherche inté-ressés par tous les domaines du savoir humain. Dans cette optique, les potiers italiens utilisèrent la surfaceblanche de la majolique comme support pour un décor de scènes historiées peintes, créant un genre ori-ginal : l’istoriato. Ce genre devait se développer au début du xvie siècle à Urbino et dans les Marches. C’estdonc dans ce contexte mêlant l’utilitaire et l’ostentation qu’on doit considérer les majoliques qui, souvent,nous éclairent sur des aspects essentiels de la culture de la Renaissance.

Philippe CrosDirecteur de la Fondation Bemberg

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Le type de majolique italienne connue sous le nom d’istoriato (quoique le terme plusen usage au seizième siècle ait été figurato) se développa durant les annéesprécédant le début du xvie siècle dans plusieurs centres de production céramiques

du centre-nord de l’Italie. L’istoriato devint pendant près de cent ans le plus prestigieuxtype de production majolique de la Renaissance, et ses mécènes furent parmi les hommeset les femmes des plus érudits et raffinés de l’époque. Lorsqu’ils sont peints de sujetshistoriés, les assiettes, bols, ou pichets en majolique sont une expression à part entièrede la peinture de la Renaissance composée d’un large faisceau iconographique et plas-tique allant de la fresque et de la peinture de chevalet, à la décoration de mobilier, detissus, de verrerie, ainsi qu’aux estampes. Si un panneau de cassone du quinzième siècleest à la fois un meuble, revêtant une fonction sociale et domestique, mais aussi un exem-ple de la maitrise du peintre; c’est aussi le cas pour une assiette istoriato.

La majolique mérite amplement l’intérêt de ceux qui s’intéressent à la Renaissanceitalienne. Elle fait partie des rares formes de l’art de la Renaissance dans lesquelles lacouleur nous est parvenue telle qu’elle était lorsqu’elle quitta l’atelier, sans altérationaucune. La majeure partie de la majolique dépeint le monde de l’Antiquité classique ourelate des scènes de la vie contemporaine ou de la littérature, et nous offre ainsi un desplus grands ensembles de sujets profanes de l’art du seizième siècle. Cet art domestique,dans lequel les femmes étaient souvent actives en tant que mécènes, commanditaires,ou simplement destinatrices de cadeaux, nous fait « toucher du doigt » la vie de la Renais-sance de façon plus intime et quotidienne que la plupart des autres formes d’art. De plus,un grand nombre de ces délicates céramiques ont survécu, malgré leur fragilité; j’estimeque plus de dix mille spécimens istoriato du seizième siècle nous sont parvenus.

Lorsqu’on se penche sur la question de l’istoriato il faut garder deux choses présentesà l’esprit. Premièrement, l’istoriato n’a jamais représenté plus qu’une toute petite part dela production de chaque centre de production des majoliques de la Renaissance. Mêmepour des villes célèbres pour leur istoriato telles que Faenza, Urbino ou Pesaro, les fouilleset les découvertes fortuites révèlent pour un simple fragment d’istoriato des centainesde fragments peints d’ornementations plus rudimentaires. Cipriano Piccolpasso de CastelDurante, dans son ouvrage Trois livres de l’art du potier écrit vers 1557, c’est à dire à la findes « jours fastes » de la peinture istoriato, ne voyait guère matière à s’intéresser au sujet.A cet égard, les collections de majolique des plus grands musées du monde: de Londresà New York, de Saint Petersbourg à Florence, de Paris à Lyon, riches d’istoriato, rassem-blés au cours des siècles tels des trésors, sont trompeuses.

Timothy WilsonAshmolean Museum,University of Oxford

L’Attributiondes majoliques istoriato

de la Renaissance

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Deuxièmement, le fait que les céramiques aient survécu en plus grandes quantitésque d’autres objets d’art plus fragiles, ou dont la valeur du matériau justifiait une réuti-lisation, peut nous induire à surestimer leur importance et leur valeur aux yeux desanciens. C’est en fait le cas pour la céramique grecque. Les ‘vases’ antiques ont pendantlongtemps été et sont toujours, collectionnés avec passion en Europe et ailleurs. Cepen-dant, dans un livre aussi éloquent que polémique publié en 1994, Artful Crafts, MichaelVickers et David Gill ont proposé que la céramique grecque antique n’avait qu’une faiblevaleur financière et n’était guère qu’un substitut aux objets en métal précieux. Ils avan-cèrent que considérer sérieusement les vases comme des œuvres d’art, ou dépensertemps et énergie intellectuelle pour leur classification stylistique, comme le fit notam-ment pendant des décennies le chercheur d’Oxford Sir John Beazley, revenait à ne pascomprendre le rôle de la céramique dans le monde antique1.

Dans l’Italie du seizième siècle de même, les objets en métal précieux étaient bienplus chers que la majolique. En 1530, l’envoyé de Federico, duc de Mantoue, pouvait ache-ter près de 100 pièces de majolique istoriato Urbino pour 25 écus2. En 1525-1526, unesalière argentée conçue par Giulio Romano pour Federico revenait à 31 ducats pour lesmatériaux et à 20 ducats pour le travail de l’orfèvre (sans compter la rémunération deGiulio)3. Puisque un ducat et un écu avaient approximativement la même valeur, unesalière argentée — bien que réalisée en modèle unique et conçue par un artiste presti-gieux — représentait en valeur presque l’équivalent de 200 pièces de majolique istoriatode belle qualité.

Peu de temps avant, à l’automne de 1524, la mère de Federico, Isabelle d’Este, marquisede Mantoue, reçut de sa fille, Eleonore, duchessse d’Urbino, un service en majoliquequ’Eleonore avait commandé à Urbino. Eleonore écrit : « J’ai fait faire un service (credenza)en céramique (...) parce que les maestri de notre région ont une réputation pour le travailbien fait. Je serais heureuse si votre excellence l’appréciait et que vous en fassiez bonusage à Porto, puisque cela sied bien à une villa ( per essere cosa da villa )... »4.

Nous ne possédons pas de témoignages documentaires quant au nombre de piècesque comprenait ce service, mais les 24 pièces qui ont survécu [cliché 1] en font le pluscélèbre des services en majolique connu.

Eleonora s’attendait à ce que sa mère utilise le service dans sa villa suburbaine dePorto Mantovano, aux alentours de Mantoue. A la cour, à Mantoue, en tant qu’épousede chef d’état, Isabella se devait selon l’étiquette de manger dans des assiettes d’argentou d’or. Dans sa villa à la campagne, loin du protocole, et en compagnie d’amies, de musi-ciens, et de lettrés, les assiettes étaient extraites du vaisselier (le mot credenza désignaità la fois le service en poterie et le meuble sur lequel il était présenté) où l’on pouvait lesimaginer disposées à la vue de tous et prêtes à être posées sur la table. Les personnagesdes Métamorphoses d’Ovide et autres sujets, devenaient prétextes à conversation entregens cultivés. Le fait que la majolique coûta moins que l’argent n’implique cependantpas que cette cosa da villa ne fut, dans le contexte raffiné de Porto, l’objet d’attention etd’intérêt de la part d’Isabelle.

Eleonore ne mentionne pas le nom du peintre en majolique qui dans son esprit devaitêtre un artisan de talent plutôt qu’un artiste de ‘renom’. Il semblerait qu’il n’y ait aucundocument du seizième siècle qui insiste, comme le font les contrats pour des oeuvresde peinture de grande taille, pour que le travail soit effectué par un maître lui-même,propria manu. Quoiqu’il en soit, alors que l’istoriato se développait après 1500, les pein-

10 l’attribution des majoliques «istoriato» de la renaissance · timothy wilson

1. Vickers et Gill 1994.2. Mallet 1981, p. 167.3. Ferrari 1992, I, pp. 109, 112.4. La lettre fut découverte

par Mariarosa PalvariniGobio Casali. Pour lesrenseignements récentssur le service d’Isabelle etla documentation, voirThornton et Wilson 2009,pp. 229-34; Ecouen 2011,pp. 64-7; Wilson et Mallet2012, no. 49. Pour unereproduction moderne,Ferrari et Palvarini GobioCasali 2014.

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5. Mallet 2007B est un pointde vue personnel sur laquestion de l’attributiondes majoliques.

6. Bernard Rackham écrivait(1943, p. 12) « Il est aussiraisonnable de peindre uneimage sur une forme enterre cuite que sur unefresque murale ou sur uncarré de toile. Mais, sur unsimple pot j’ai quelquefoisun sentiment de culpabili-té ». Cette angoissereflète l’esthétisme nor-matif des mouvementsArts and Crafts et Moder-niste auxquels Rackhamété mêlé.

tres de majoliques se mirent à signer et à dater leur travail de plus en plus fréquem-ment. Quels qu’aient pu être les avantages d’une telle publicité, cela laisse tout de mêmeentrevoir chez les peintres de majoliques l’émergence d’une conscience artistique gran-dissante, ainsi qu’une aspiration à jouir un peu du nouveau statut de notoriété atteint àl’époque par certains peintres tels que Raphael.

Même si l’on accepte pleinement les arguments de Vickers et Gill sur la faible valeuret la moindre importance de la poterie dans le monde grec antique (ce que tous les eruditsn’acceptent pas) et même si ce point s’appliquait à l’Italie du seizième siècle (ce quin’est pas le cas), je ne pense pas qu’il s’ensuivrait que des érudits tels que Beazley, oumon ami et mentor John Mallet5, ou Carola Fiocco et Gabriella Gherardi, les éminentsauteurs des notices de ce catalogue, qui se sont consacrés pendant des années de labeurà trouver à qui attribuer quoi parmi les peintres et les ateliers, aient perdu leur temps. Lesmusées montrent au public de riches collections de majolique istoriato et beaucoup depersonnes trouvent délectation et connaissance dans cette section de l’art de la Renais-sance. Peu sont assez fortunés pour en constituer des collections. Les conservateurs demusée tels que moi se doivent rédiger les cartels de musée. Je n’abdiquerai pas mon pointde vue selon lequel la tentative de donner des attributions précises aux majoliques seraitune démarche d’érudition méritant d’être approfondie6.

cliché 1: Assiette, Orphée et Eurydice,armes et devises d’Isabelle d’Este, de Nicola

da Urbino (Nicola di Gabriele), Urbino, 1524Diam. 39 cm. MUSÉE DU LOUVRE, OA12207 © RMN

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Cecineveutpasdirequejepensequelesapprochestaxonomiquessoientlesseulesvoiespour étudier la majolique de la Renaissance, ni même les plus éclairantes. Quiconque s’in-téresse à la céramique de la Renaissance doit suivre les nombreux travaux archéologiques,officiels ou non, qui se déroulent en Italie. L’histoire du développement de la cuisine ou desrituels de table dans les différentes couches sociales nous fournit des cadres pour compren-dre les services de majolique et les formes de leurs composants. Les archives des villesitaliennes, et plus spécialement les très grandes archives notariales, nous offrent la matièrenécessaire pour l’étude de l’économie industrielle: les prix, l’organisation du travail, le rôledes corporations, la législation corporatiste, ainsi que l’émergence de systèmes ‘proto-capi-talistes’ de financement de la production, nous sont révélés de manière toute à fait satis-faisanteparcesarchives.Lesétudesscientifiquesdesargilesetdesémauxpeuventserévélerfructueuses, bien que les résultats n’aient pas toujours été aussi révélateurs que souhaité,en partie parce que les argiles destinées aux artisans — comme l’a noté Cipriano Piccol-passo7 aux environs de 1557 — étaient transportées sur de longues distances depuis leurlieu d’extraction jusqu’aux ateliers où elles étaient utilisées.

Inévitablement, il existe un certain degré de subjectivité lorsque l’on attribue de l’is-toriato à un peintre donné; on peut lui attribuer un nom grâce à une signature ou à des

l’attribution des majoliques «istoriato» de la renaissance · timothy wilson

7. Piccolpasso 2007, Livre I,p. 48, remarquant, parexemple que: « Venisetravaille l’argile deRavenne et de Rimini etcelui de Pesaro pour lesmeilleures réalisations ».

cliché 2: Assiette lustrée. Atelierde Maestro Giorgio, Gubbio, 1518.Diam. 29.5 cm. BRITISH MUSEUM,

PE1855,1201.69 © BRITISH MUSEUM

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documents archives, ou bien il reçoit un « nom de convention » de la part des chercheursmodernes. A différents moments de par le passé, on a tenté de créer une science del’attribution. Cette approche, souvent associée au nom de Giovanni Morelli, peut êtresujette à sarcasmes si l’on songe qu’elle peut aller jusqu’à l’étude de la façon dont lesartistes peignaient les ongles de la main. Certes, la manière dont les différents peintrespeignaient les ongles peut servir d’indicateur utile pour trancher dans des attributions,mais la chose ne saurait égaler un œil expérimenté ayant vu — et manipulé — une grandequantité de majolique. Les observations concrètes et objectives sont alors épaulées parl’instinct ainsi développé.

Trois aspects compliquent le processus d’attribution de l’istoriato aux différents pein-tres et ateliers: la collaboration entre artistes, la mobilité de ces derniers, et l’utilisationde sources graphiques.

Le cliché 2 nous montre une assiette datée de 1518 fabriquée dans l’atelier du maîtreGiorgio de Gubbio. Sur l’aile, sur la droite près du centre, il y a le mot « Azuro » [cliché 3].Le peintre principal, semble-t-il, esquissa les traits et, ensuite, confia l’assiette à un assis-tant afin que ce dernier peigne le fond en bleu. L’assistant utilisa hélas un bleu trop pâle,laissant ainsi le mot à la vue de tous8.

Ce genre de collaboration entre l’artiste principal et un artiste moins adroit est un destypes de collaboration possibles dans le cadre de la peinture de majolique; cependant,on peut en imaginer d’autres tout, particulièrement dans un grand atelier en pleineactivité. Le propriétaire de l’atelier pouvait être lui-même peintre en majolique, mais ilpouvait également confier l’œuvre à peindre à des employés ou à des peintres extérieursappelés ponctuellement à effectuer des tâches particulières. Un témoignage d’archivesde Castel Durante de 1606 nous révèle une situation hybride assez typique: un peintreemployé par un atelier mentionne un autre peintre « qui vient quelquefois travailler danscet atelier »9, et qui s’était plaint que quelqu’un avait utilisé ses pinceaux. Il se peut quecertains peintres aient été spécialiste en bordures ornementales, d’autre en istoriato,alors que d’autres l’étaient en paysages, d’autres en silhouettes et d’autres en armoiries.Il se peut que certains peintres n’aient su ni lire ni écrire, donc les mots au dos des assiettesétaient souvent inscrits par le chef d’atelier ou par un spécialiste en calligraphie. Il y ad’ailleurs des cas où, sur une même assiette, on relève deux écritures10.

8. Thornton et Wilson 2009,no. 295.

9. Mallet 2004, p. 190.10. Wilson 1996, no. 112, pour

les plats de l’atelier deGuido di Merlino, avecdeux écritures distinctessur chaque pièce.

cliché 3: Détaildu cliché 2, avecinscription « Azuro »

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14 l’attribution des majoliques «istoriato» de la renaissance · timothy wilson

La maitrise d’exécution des assiettes conservées du service d’Isabella est dela plus haute qualité, et ce uniformément, aussi le style est-il homogène. Silecliché 1est comparé à un fragment du Louvre [clichés 4et 5] , nous seronstous d’accord pour admettre que le peintre était le même. Le fragment duLouvre possède un monogramme qui, observé attentivement, permetde lire nicola suivi des mots da Urbino. Grâce aux découvertes faitesen examinant les archives d’Urbino, Nicola da Urbino a pu être identi-fié comme étant le peintre et propriétaire d’atelier Nicola di GabrieleSbraghe, mentionné en 1520 et qui mourut pendant l’hiver 1537-1538. L’at-mosphère lyrique et poétique qu’il a su recréer, empruntée aux Métamor-phoses d’Ovide, demeure inégalée.

Nous pouvons être certains que le monogramme de « Nicola » est bien, surce fragment, celui du peintre et non celui du propriétaire d’atelier; le grand plat[clichés 6 et 7] peint d’un motif à sujet biblique tiré de l’Ancien testament, La Découvertede la Coupe dans le Sac de Benjamin , comporte également les mots Io niChola pinsitt « Moi,Nicola, ai peint ceci ». Cette assiette et le fragment sont peints de la même main, cellede Nicola.

cliché 4: Fragment d’assiette,Apollon et les Muses de Nicolada Urbino, Urbino, vers 1525Diam. 14 cm. MUSÉE DU LOUVRE,

OA1244. © RMN

cliché 5: Revers du cliché 4

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11. Mallet 1981, p. 166.12. Thornton et Wilson 2009,

no. 148.

Pendant une grande partie du vingtième siècle,le service d’Isabelle fut à juste titre attribué à Nicola,quoique souvent daté sans aucune raison valable,aux alentours de 1519. En 1981, Mallet fit une étudede style basée avant tout sur les travaux datés, et proposapour le service une date située « aux alentours de 1525 »11.Peu de temps après fut publiée pour la première fois, à partirdes archives de Mantoue, la lettre d’Eleonore prouvant que le service était livré en novem-bre 1524. La chose constitue le parfait exemple d’une hypothèse formulée à partir d’uneanalyse de style, et confirmée par des découvertes faites grâce aux archives!

Une assiette du British Museum [clichés 8 et 9]12 portant la même écriture manuscritesur le revers est signée « Nicola da. V ». Bien que fasse défaut la grâce d’exécution duservice d’Isabelle et qu’il appartienne sans doute à une date un peu plus tardive, le styleest sans aucun doute comparable. Mallet soutint pendant des années qu’à cette assiettemanquait la fluidité et le sens de l’espace de Nicola, et il croit, malgré ce qui semblebien être une signature au dos, que cette assiette avait été en grande partie, voire complè-tement, peinte par un assistant. Mais comment distinguer dans ce genre de cas de figure,

cliché 6: Grand plat,La Découverte de la Coupedans le Sac de Benjamin,

de Nicola da Urbino, Urbino,vers 1525-30

Diam. 42 cm. MUSEODIOCESANO, REGGIO EMILIA

(DE L’ÉGLISE DE NOVELLARA)

cliché 7: Revers du cliché 6

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le travail d’un assistant du travail du maître qui aurait été souffrant, ouvieux, ou qui aurait bu un verre de vin de trop ? Ceci reviendrait grossomodo à vouloir distinguer quelles parties d’une œuvre de l’atelier deRubens seraient de lui et quelles seraient celles revenant à ses assistants.Dans les deux cas, des yeux experts peuvent conduire à des conclusions diffé-rentes. Personnellement, je pense que cette assiette a été peinte, soit partielle-ment soit totalement par Nicola. Mallet et moi avons été amicalement en désaccord surce point pendant plus de trente ans.

Le cliché 10 nous montre une autre assiette où Mallet et moi sommes en désaccord.J’ai déclaré dans une publication que je considérais que Nicola et un assistant avaientdû collaborer, et je pense que le Cupidon dans les nuages est de la main de Nicola13. Malletm’a dit qu’il refusait l’idée que la moindre partie de l’assiette puisse faire partie de l’œu-vre de Nicola14.

La belle et délicate assiette de la Fondation Bemberg [clichés 11 et 12], représentantCésar en Égypte ainsi qu’une magnifique cité fortifiée représentée dans le fond est, selonmoi, une œuvre autographe de Nicola. La composition est dérivée d’une petite gravuresur bois tirée d’une édition en italien de l’historien romain Dion Cassius publiée à Veniseen 1533 [cliché 13]15. L’assiette ne peut donc être d’une date antérieure.

l’attribution des majoliques «istoriato» de la renaissance · timothy wilson

13. Darr,Simons et

Wilson 2013, no. 14. Il n’y apas d’inscription au dos.

14. Mallet m’écrit, le 28 Mars2015: « l’assiette me sembleen tous points attribuable àun seul peintre, celui quipeignit au moins une grandepartie du ServiceMontmorency ».

15. Dione Historico Delle Guerre &Fatti de Romani, Venice 1533,début du Livre 41. Le voyagede César n’était pas en faiten l’Egypte.

cliché 8: Assiette, LesAthéniens sacrifient à Diane.Probablement entièrement oupartiellement peint par Nicolada Urbino, vers 1535Diam. 26 cm. BRITISH MUSEUM,

PE1855,0313.23 © BRITISH MUSEUM

cliché 9: Revers du cliché 8

Page 21: Majoliques italiennes de la Renaissance. Collection Paul Gillet

17

cliché 11: Assiette, César en Egypte.Ici attribuée à Nicola da Urbino,Urbino, vers 1533-1535Diam. 26.7 cm. FONDATIONBEMBERG, NO. 4003

© FONDATION BEMBERG et RMN

cliché 12: Revers du cliché 11

cliché 10: Assiette, Hercule etOmphale. Peut-être de Nicola da

Urbino et un collaborateurDiam. 25.7 cm. DETROIT INSTITUTE

OF ARTS, DON PROMIS DE

MR. AND MRS. R. BRODIE

© DETROIT INSTITUTE OF ARTS

Page 22: Majoliques italiennes de la Renaissance. Collection Paul Gillet

18

Une autre version, de semblable composition,avec la même inscription écrite au dos (sans doutede la main de Nicola) se trouve au Victoria and AlbertMuseum de Londres [clichés 14 et 15]16. Dans le ca-talogue de 1940 de ce musée, Bernard Rackhaml’attribua avec des réserves à Nicola. Je pense pourma part que c’est une réplique d’atelier réalisée parun assistant ayant eu sous les yeux soit un dessinabouti, soit l’assiette « Bemberg »; cette pièce portel’inscription de Nicola en tant que chef d’atelier17.Un groupe similaire de silhouettes équestres seretrouve sur une assiette d’un service peint peut être

par Nicola lui-même, sans la moindre assistance, pour Federico de Gonzague, duc deMantoue et sa femme Margherita Paléologue18; ils s’étaient mariés en 1531 mais si,comme cela semble être le cas, les silhouettes proviennent bien de la gravure sur boisde 1533, alors, une partie ou même toutes les majoliques armoriées, que Nicola éxécutapour eux, ne peuvent être antérieures à 1533.

16. Rackham 1940, no. 576; Mallet2007, no. 123, comme « inscritpar Nicola mais soit complète-ment soit partiellement peintpar une autre main ».

17. Une possibilité est quel’assistant en question ait étéle jeune Sforza diMarcantonio, un peintre deCastel Durante, qui plus tardalla travailler à Pesaro; voirFiocco et Gherardi 1996.

18. Liverani 1939, p. 14; voirThornton et Wilson 2009,no. 147; Boutin 2011.

l’attribution des majoliques «istoriato» de la renaissance · timothy wilson

cliché 13: Page de DioneHistorico Delle Guerre & Fattide Romani, Venise, 1533,début du Livre 41

cliché 14: Assiette, Césaren Egypte. Probablementréplique d’atelier du cliché 11,par un peintre de l’atelier deNicola da Urbino (peut-êtreSforza di Marcantonio),vers 1533-1535Diam. 25.5 cm. VICTORIAAND ALBERT MUSEUM,

LONDRES, C.2255-1910

© VICTORIA AND ALBERT MUSEUM

cliché 15: Revers du cliché 14

Page 23: Majoliques italiennes de la Renaissance. Collection Paul Gillet

19

Plus avancent les recherches d’archives effectuées sur la majolique italienne de laRenaissance plus il devient clair que les potiers et les peintres en majolique, chacun avecun savoir bien spécifique, voyageaient loin pour œuvrer durant de courtes périodes, puisallaient s’établir dans de nouveaux endroits.

Francesco di Berardino, connu sous le nom de Francesco Durantino, d’après la villed’où il était originaire, Castel Durante, et où il avait probablement été formé, est un exem-ple particulièrement bien documenté d’une telle mobilité. Les clichés 16 et 17 nous révè-lent un grand plat peint avec une représentation ambitieuse de La Chute des Géants 19.Elle est signée par Francesco et porte une inscription le présentant comme travaillant en1543 dans un atelier d’Urbino dont le propriétaire était Guido di Merlino. Il y a tout lieude croire que Francesco avait travaillé auparavant pour un atelier concurrent d’Urbino,celui de Guido Durantino20.

Le sujet de cette assiette est tiré d’une gravure d’après Perino del Vega. La compositiond’une pièce istoriato pouvait être soit originale, soit inspirée par l’illustration d’un livre(comme le Dion Cassio illustré ci-dessus), soit basée plus ou moins fidèlement sur undessin. En fait, plus un peintre était fidèle à un modèle précis, plus sa spécificité artistiquedevenait opaque. Dans ce cas, malgré la fidélité à la gravure, le dessin de la silhouettevigoureuse est sans le moindre doute caractéristique et attribuable à Francesco.

Les clichés 18 et 19 montrent une assiette récemment acquise par le Musée nationalde la Renaissance d’Ecouen. Le monogramme peut être lu comme étant celui de Francesco,et de fait son attribution est convaincante sur le plan stylistique. Dans la mesure où elleest datée de 1543, il se peut que l’assiette ait été peinte dans l’atelier de Guido di Merlino;n’oublions pas qu’il est également possible que des peintres de talent comme Fran-

19. Wilson 2001, pp. 214-5.20. Pesante 2012, p. 10.

cliché 16: Grand plat,La Chute des Géants, de FrancescoDurantino, réalisé dans l’atelier de

Guido di Merlino, Urbino, 1543Diam. 45.8 cm. M A K VIENNE, KE6699

© MAKKATRIN WISSKIRCHEN

cliché 17: Revers du cliché 16

Page 24: Majoliques italiennes de la Renaissance. Collection Paul Gillet

20 l’attribution des majoliques «istoriato» de la renaissance · timothy wilson

21. Thornton et Wilson2009, no. 247.

22. Wilson 2002; Balzani etCutini 2013.

23. Pesante 2012.

cesco aient travaillé pendant des périodes plus ou moins courtes pourdifférents propriétaires d’atelier.

La coupe représentée sur les clichés 20 et 21 est datée de 1547 et porte lamarque d’une exécution à Monte Bagnolo, petit village aux alentours dePérouse21. Grâce aux documents d’archives, nous savons que Francesco démé-nagea d’Urbino en 1547 pour reprendre une fabrique située à Monte Bagnolo, etcette coupe est sans doute l’une des premières fabrications en ce lieu22. Bien que sonstyle soit reconnaissable, la touche picturale et l’inscription dénotent des signes d’untravail un peu hâtif. Il est possible que Francesco, ayant à gérer sa propre affaire pour lapremière fois, n’eût que peu de temps à consacrer à son art. Quoiqu’il en soit, si la coupen’avait pas eu une marque, nous n’aurions pu trancher si elle avait été fabriquée à Urbinoou à Monte Bagnolo.

Les recherches documentaires récentes nous permettent de suivre Francesco dansses déplacements constants à travers l’Italie, parfois d’ailleurs pour échapper des dettes23.On le voit à Nazzano, petite ville au nord de Rome, puis à Rome et ensuite à Turin, puisde nouveau à Nazzano. L’assiette desclichés 22et 23 n’est pas signée mais annotée commeayant été fabriquée à Nazzano le 1er août 1583. La décoration de la face est tout à fait diffé-rente de celle du travail istoriato de Francesco; mais une fois découvert, grâce aux

cliché 18: Coupe, Alphée andArethuse. De FrancescoDurantino, probablementréalisé dans l’atelier de Guidodi Merlino, Urbino, 1543Diam. 28 cm. MUSÉE NATIONALDE LA RENAISSANCE, © RMN

cliché 19: Revers du cliché 18,avec monogrammede « Francesco »

Page 25: Majoliques italiennes de la Renaissance. Collection Paul Gillet

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cliché 20: Coupe, L’Écorchement deMarsyas. De Francesco Durantino,Monte Bagnolo, 1547Diam. 25.5 cm. BRITISH MUSEUM,

PE1895,1220.2 © BRITISH MUSEUM

cliché 21: Revers du cliché 20

cliché 22: Assiette avecarmoiries, par FrancescoDurantino, Nazzano, 1583Diam. 27.4 cm. FITZWILLIAM

MUSEUM, CAMBRIDGE, C.1-2000

© THE FITZWILLIAM MUSEUM,

CAMBRIDGE

cliché 23: Revers du cliché 22

Page 26: Majoliques italiennes de la Renaissance. Collection Paul Gillet

24. Ceci est également vrai pourun bol percé du PalazzoMadama de Turin, marquécomme étant fabriqué àTurin le 12 septembre 1577(Pesante 2012, p. 15). C’estun objet de type bianco diFaenza, mais puisque noussavons que Francescotravaillait à Turin à peu prèsà la même époque, il estpossible de reconnaîtrel’inscription comme, trèsvraisemblablement, écrite desa main. Le style de lasilhouette est différent dutravail istoriato antérieur deFrancesco tel que nous leconnaissons, mais mesemble pouvoircorrespondre audéveloppement stylistiqueéventuel d’un peintre, dans

22

recherches documentaires, que Francesco travaillait à Nazzano en 1583, il fut facilede reconnaître son écriture sur le dos24. Les archives, l’analyse de style, les inscriptionset les autres indices se complètent et s’éclairent mutuellement.

L’atelier le plus prolifique à Castel Durante (aujourd’hui appelée Urbania) au milieudu seizième siècle était sans doute l’atelier dirigé par Ludovico et Angelo Picchi25. En1562, les deux frères reçurent, en compagnie de deux autres potiers locaux, la commandede 307 vases de pharmacie pour un client génois résident à Palerme, un certain AndreaBoerio. La plupart devait être figurati ou istoriati (les deux termes se trouvent dans lesdocuments) alors que d’autres devaient être décorés de trofei. Les deux frères Picchi nepurent livrer ces vases à la date requise et furent mis en procès par Boerio. Les documentsdu procés sont éloquents: Boerio déclara à la cour que Ludovico et Angelo étaient « géné-reux en promesses et réticents à la livraison »26. Les frères durent payer des compensa-tions, puis se virent obligés de fermer leur atelier et déménagèrent à Rome.

Plus de cinquante vases de pharmacie portant les armes de Boerio ont survécu, et cesderniers devaient faire partie de cette commande. Deux albarelli portent la marque defabrique de l’atelier de Ludovico Picchi27, mais il n’est cependant pas évident de distin-guer ceux fabriqués par Picchi de ceux fabriqués par d’autre potiers impliqués: PompeoCresce et Baldo dalla Murcia.

l’attribution des majoliques «istoriato» de la renaissance · timothy wilson

cliché 25: Coupe godronnée,Apollon et Marsyas,Castel Durante, vers 1550-1563,peut-être de « Andrea daNegroponte », peut-êtrede l’atelier de Ludovicoet Angelo PicchiDiam. 24.8 cm. MUSEONAZIONALE D’ARTE MEDIEVALE

E MODERNA, AREZZO, no. 14614

cliché 26: Revers du cliché 25

cliché 24: Albarello, La Profanation du Cadavredu Père, armes de Boerio. Castel Durante, 1562-1563,peut-être de « Andrea da Negroponte », peut-être del’atelier de Ludovico et Angelo Picchi. H 24.5 cm.ASHMOLEAN MUSEUM, OXFORD,

OFFERT PAR LA FAMILIE ROYER, WA2006.178

Page 27: Majoliques italiennes de la Renaissance. Collection Paul Gillet

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Un de ces vases [cliché 24]28 est peint et représente trois frères impies en train detirer à l’arc sur le corps de leur défunt père. Il s’agit d’une fable moralisatrice du talmudbabylonien popularisée dans l’Europe médiévale et de la Renaissance29. Ce style pictu-ral preste et fluide est reconnaissable et se retrouve sur nombre de bols et plats istoriato.Un de ceux-ci [clichés 25et 26]30, conservé au musée d’Arezzo, porte inscrit au dos andreada negroponto. En 1979, Johanna Lessmann31 attira notre attention en proposant quecet Andrea (Negroponte est le nom italien de l’île grecque d’Eubée, possession véni-tienne, et il se peut qu’Andrea ait été un immigrant grec ou vénitien) fut le peintre de toutun groupe de majoliques apparentées pour des raisons stylistiques. J’ai demandé au grandspécialiste des archives de Castel Durante, feu Don Corrado Leonardi, s’il existait unequelconque trace de « Andrea da Negroponte » dans les archives de Castel Durante. Ilme répondit qu’il n’avait jamais rencontré ce nom. Comme il me semblait peu probablequ’un homme qui avait été un peintre très important à Castel Durante pendant plus d’unedécennie n’ait laissé aucune trace dans les archives, je doutaide l’identification et je proposai donc la possibilité que« Andrea da Negroponte » ait été le commanditaireet non le peintre de l’œuvre. Tout récemment, uneassiette de ce style a réapparu et elle porte lesinitiales A et B [clichés 27 et 28], apparemment

cliché 27: Assiette, LaProfanation du Cadavre du Père,Castel Durante, vers 1550-1563,peut-être de « Andrea daNegroponte ». Peut-être del’atelier de Ludovico et AngeloPicchi. Diam. 28 cm. COLLECTIONPRIVÉE, PHOTOGRAPHIE DE JUSTIN

RACCANELLO

cliché 28: Revers du cliché 27,avec initiales « A B »

les vingt années suivant ladernière œuvre signé.

25. Wilson 2002, pp. 143-149;Leonardi et Moretti 2002,pp. 35-67.

26. Leonardi et Moretti 2002,p. 49: larghi al promettereet all’attendere parchi.

27. Biscontini Ugolini 1997,no. 19. Wilson 2002,figs. 33a et 33b; Celuipublié là provenant d’unecollection privée, futvendu à FinarteSemenzato, Florence,le 19 décembre 2002,lot 172. On peut discuterle fait que ces exemplesmarqués soient de« Andrea da Negroponte ».

28. Wilson 2002, p. 145,figs. 37, 38; Wilson 2007.

29. Wilson 2014.30. Fuchs 1993, no. 217;

Wilson 2002, pp. 137-138.31. Lessmann 1979, p. 148.

Page 28: Majoliques italiennes de la Renaissance. Collection Paul Gillet

24 l’attribution des majoliques «istoriato» de la renaissance · timothy wilson

les initiales de l’artiste. Il est possible que A soit la première lettre d’Andrea et que B soitcelle d’un nom de famille encore non identifié. Ceci renforce la proposition de Lessmanncomme quoi Andrea da Negroponte était le nom du peintre. Il est probable, mais pascertain, qu’il ait travaillé soit totalement soit ponctuellement pour les frères Picchi.

J’ai récemment eut l’occasion d’examiner l’assiette AB avec l’albarello de l’Ashmo-lean Museum. Ils sont du même sujet et la chose facilite la comparaison. La premièreimpression que j’avais était qu’ils venaient d’un seul et même peintre. Cependant, il y ades détails qui sèment le doute. Par exemple, les joints au mortier sur les briques sontdépeints avec deux traits verticaux, alors que l’albarello ne nous montre que de simplescoups de pinceaux. Ici l’étude Morellienne sur le détail le plus subtil et l’impression immé-

cliché 29: Fiasque, armes ducomte et de la comtesse deLemos, Atelier de FrancescoPatanazzi, Urbino, 1599-1600H. 27.2 cm. FONDATIONBEMBERG, no. 4051© FONDATION BEMBERG

cliché 30: Vue latéraledu cliché 29

Page 29: Majoliques italiennes de la Renaissance. Collection Paul Gillet

diate donnée par le style général semblent hélas conduire dans deux directions oppo-sées. Sommes-nous confrontés à un seul peintre, peut-être au travers d’œuvres séparéespar quelques années, ou en face de deux peintres travaillant côte à côte développant ainsiensemble un « style maison » très semblable? Les briques furent-elles confiées pour êtrepeintes par un apprenti? Ma conclusion est que les deux ouvrages sont dans leur inté-gralité du même peintre, mais la discussion reste ouverte.

La fiasque de la Fondation Bemberg [clichés 29et 30], porte les armoiries de FernandoRuiz de Castro Andrade y Portugal, comte de Lemos et de son épouse; c’est l’une desquatre pièces connues d’un groupe d’œuvres portant les mêmes armoiries32. En 1599,ce grand d’Espagne avait reçu la charge de vice-roi de Naples. Des documents ont ré-cemment révélé que ces quatre pièces sont tout ce qui reste d’un très grand service de377 pièces qui fut commandé auprès de Francesco Patanazzi par Isabelle, sœur du ducd’Urbino et épouse du prince de Bisignano en tant que cadeau diplomatique pour l’épousedu vice-roi. Il se peut que la fiasque de la Fondation Bemberg soit l’une des trois fiaschidi bella forma con fondo historiato et il resto grottesco (« fiasques de belle forme avec fondistoriato et le reste décoré à grotesque ») répertoriées par Francesco Patanazzi lors del’enregistrement de la commande en 159933. Les pièces subsistantes de ce service serventdonc de points de départ quant à l’identification et à la datation des produits de cet atelier,le plus important des ateliers d’Urbino au seizième siècle.

« Connoisseurship », « L’art de la connaissance », est cette dimension de l’histoirede l’art qui tente de découvrir, après l’examen des styles et des techniques, l’auteur et ladate d’une œuvre d’art, et par la même occasion de dépister les faux. Cette activité estquelquefois critiquée de nos jours, comme étant trop subjective, ou peu scientifique, ouencore un peu trop étroitement liée aux intérêts du marché de l’art. Dans les universitésbritanniques, il y a, et ce de manière alarmante, trop peu d’historiens d’art ayant pourobjectif principal de « débrouiller » les œuvres et leurs auteurs, quel que soit d’ailleursla discipline artistique, ou pour qui l’élaboration de catalogues raisonnés soit unepréoccupation principale. Mais n’oublions pas que si les objets sont mal attribués ou maldatés, les conclusions qui en découlent s’avèrent alors non fiables. Dans l’étude de lamajolique l’istoriato, la détermination du style en liaison avec les témoignages archivis-tiques, archéologiques, scientifiques, héraldiques, et autres n’en demeure pas moinsl’approche essentielle pour la connaissance approfondie de cette remarquable branchede l’art de la céramique peinte. Cette dernière dont la collection Gillet nous offre unesélection si intéressante.

remerciements: Victoria Avery, Françoise Barbe, Lynda Clark, Thierry Crépin-Leblond, Philippe Cros,Judith Crouch, Alan Darr, Carola Fiocco, Rainald Franz, Gabriella Gherardi, John Mallet, Marino Marini,Cristina Maritano, Thomas Matyk, Luca Pesante, Justin Raccanello, Megan Reddicks.

25

32. Pour les pièces du BritishMuseum, Saint Louis etBraunschweig, voirThornton et Wilson2009, p. 412.

33. Negroni 1998, p. 115. Leservice était une versionagrandie du servicequ’Isabelle avaitcommandé auprès dumême atelier pour êtreun cadeau remis àl’épouse du vice-roiprécédent, Juan deZuňiga, comte deMiranda; voir Wilson2004B, p. 207. Negroniest prudent lorsqu’ils’agit d’identifier la« Principessa diBisignano » mentionnée,mais il est probable quela référence désigneIsabella Della Rovere.

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27

Point de rencontre entre l’Orient et l’Occident, Venise occupa au xvie siècle unrôle politique et culturel de premier plan. A l’époque, la Cité des Doges connais-sait un véritable bouillonnement culturel, favorisé par les commandes artistiques

des familles patriciennes et des confréries religieuses. Dans le domaine de la majolique,Venise commença dès le début du xvie siècle à jouir d’une grande renommée, au pointqu’en 1518 la marquise de Mantoue, Isabelle d’Este Gonzague, une des femmes les plusimportantedelaRenaissanceitalienneetfigureàlafoisculturelleetpolitiquedetoutpremierplan, commanda une série d’assiettes aux ateliers vénitiens. Deux ans plus tard, c’est sonfrère Alphonse Ier d’Este, protecteur des Arts et des Lettres, qui commanda à Venise, parl’intermédiaire du Titien, des vases pour sa pharmacie. Si l’on se penche sur la chronologie,le xvie siècle commence pour la majolique vénitienne par une interrogation sur le pave-ment de la chapelle Lando à San Sebastiano(la chapelle est à gauche du maître-autel).Cetteéglise est située dans le quartier de Dorsoduro, et construite à partir de 1506 par Fran-cesco da Castiglione sur les plans d’Antonio Scarpagnino. On ne sait si ce pavement datéde 1510 et composé de plaques aux dessins très variés comportant monogrammes et armoi-ries, est l’œuvre d’artisans vénitiens ou s’il a au contraire été importé de Pesaro.

A partir de la seconde décennie du xvie siècle, en revanche, on peut de manière moinsaléatoire, attribuer à Venise des services commandés à l’occasion de mariages et portantles armes de familles d’Allemagne du sud, principalement d’Augsbourg et de Nurem-berg. Peut-être est-il d’ailleurs nécessaire de rappeler l’influence de Venise sur Nurem-berg, les deux villes ayant eu à cette période des contacts importants, tant marchandsqu’intellectuels. Preuve s’il en est, Dürer séjourne à Venise en 1506. C’est là qu’il apprità manier le clair-obscur et en rapporta son dramatique Crucifiement du musée deDresde. Enrichis de motifs végétaux stylisés inspirés de la porcelaine chinoise, cesservices de mariages sont décorés alla porcellana.

Période riche en échanges, la Renaissance vénitienne a aussi vu s’intensifier les rapportsentre l’Orient et l’Occident. Le rapprochement des Majoliques de la Sérénissime avecles porcelaines chinoises permet d’illustrer les liens entre ces foyers culturels. En effet,tout comme les aires chrétienne et ottomane de l’Europe n’ont jamais cessé d’échangerou de commercer, il en a été de même entre Venise et la Chine. Ces décors alla porcellanaont été tout d’abord uniquement en bleu et blanc, puis à partir de 1550 décorés d’autrescouleurs. Cette adaptation au gout « contemporain » nous rappelle que le succès prin-cipal des majoliques vénitiennes de cette époque tenait à ses décors de fruits, de fleurset de feuilles.

Philippe CrosDirecteur de la

Fondation Bemberg

La majoliqueitalienne et ses centres

de production

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Un peu avant cette multiplication des couleurs était apparue une variante de ces décorsalla porcellana, là encore en blanc et bleu, mais posé cette fois ci sur un fond délicate-ment bleuté. Nous disposons encore de quelques belles pièces de ce style, réalisées pardes artistes tels que maître Lodovico, installé à San Paolo, ou Maître Giacomo de Pesaro,installé quant à lui dans le quartier de San Barnaba. Dans ces œuvres, les motifs déco-ratifs s’éloignent de l’influence chinoise pour privilégier un répertoire plus étroitementlié aux éléments décoratifs de la Renaissance, tels que grotesques et trophées.

Une seule majolique de la collection Gillet est attribuée avec certitude à la produc-tion vénitienne. Il s’agit d’une assiette du xvie siècle exécutée d’après une gravure deMatteo Pagani et représentant trois membres de la cour dogale. Cette œuvre remar-quable est caractéristique du genre de la céramique historiée, dite istoriato. En effet, autournant de 1500, les peintres sur majolique s’étaient emparés des thèmesiconographiques mis en valeur par les artistes et les humanistes de laseconde moitié du xve siècle. Ils s’appuyaient sur les sources graphiquescontemporaines, en l’occurrence les livres illustrés et les gravures. L’as-siette en question allie dans un paysage pittoresque, la solennité des atti-tudes à une remarquable vivacité des expressions. Elle témoignemagistralement de la grande qualité de la majolique vénitienne de cetteépoque, même si notre connaissance demeure très lacunaire. En effet, outrele fait que les pièces signées étaient très rares, des fabricants de majoliquevenus d’autres centres culturels travaillaient à Venise depuis la fin du siècleprécédent, et ce avec des habitudes décoratives propres à leurs ateliers d’ori-gine. On conserve, par exemple, des pièces de typologie caractéristiqued’Urbino bien qu’une inscription au revers atteste une origine vénitienne.De même, on sait que certains maîtres tels que le dénommé Mazo, furentprobablement formés à Urbino avant d’aller travailler à Venise. L’érudit Cipriano Piccol-passo évoque d’ailleurs la présence à Venise d’artisans provenant du duché d’Urbino, etdécrit notamment avec admiration les dimensions gigantesques du four vénitien dupotier Francesco de Casteldurante. Rappelons que Piccolpasso avait composé en 1548,à Casteldurante, le plus ancien traité européen de technique céramique, où il révélaiten particulier les secrets des maîtres de l’art de la majolique. Il expliquait d’ailleurs sonpropos par de nombreux dessins, illustrant les outils et les scènes du métier. Pour la petitehistoire, son ouvrage resta oublié pendant trois siècles avant d’être acquis et ainsi redé-couvert par le Victoria & Albert Museum de Londres. Ces peintres exilés évoqués parPiccolpasso travaillaient bien évidement à la manière de leur terroir, et de cette situa-tion découle bien sur nombre d’incertitudes. Les attributions évoluent au gré des décou-vertes d’un centre à un autre.

Sur un plan stylistique, l’assiette Gillet est caractéristique du décor dit istoriato. Entreles années 1480 et le tournant de 1500, l’art de la majolique s’oriente vers un univers réso-lument nouveau lié à l’invention récente de la gravure et de l’imprimerie, puis atteint sonapogée dans les années 1520. Cette période voit l’apparition et le développement de cesmajoliques historiées (istoriato). Les décors ornementaux à motifs antiques de grotesquesou géométriques sont remplacés peu à peu, sans pour autant complètement disparaître,par des représentations figurées de scènes de l’Antiquité, de la mythologie ou de la Bible,ainsi que des allégories ou des contes et satires en tous genres. A ce titre, leur infinie variétéd’inspiration témoigne avec éclat de la large culture de leurs commanditaires.

Assiette. Venise,maître Domenico,vers 1560-1570[det. cat. no. 1]

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Domenico (ou « Domenego »), l’auteur de l’assiette Gillet, dont les œuvres signéespeuvent être datées entre 1562 et 1568 est, à n’en pas douter, le plus créatif des peintresvénitiens d’istoriati mais on ne sait hélas que fort peu de chose sur son statut. Qualifiépar un document de 1547 de « peintre en vases » (il n’est donc pas à priori uniquementpotier), on ignore à ce jour s’il exerçait la peinture sur majolique en profession libérale(on peut aussi d’ailleurs imaginer qu’il peignait aussi sur toile) ou si, de manière plus orga-nisée, il était propriétaire d’un atelier à proprement parler.

Les assiettes historiées de Domenico sont généralement extrêmement élaborées maisil ne s’est pas borné à cette typologie d’objet, loin de là. Ses vases de pharmacie étendi-rent d’ailleurs sa réputation bien au-delà de Venise lorsqu’il exécuta pour l’hôpital deMessine, en Sicile (commande entre 1562 et 1568), un ensemble de majoliques de ce type.Ces réalisations, généralement sphériques, sont agrémentées de médaillons représentantde manière enlevée bustes et profils enrichis de couronnes végétales (dites a fiori et frutti )aux couleurs vibrantes évoquant irrésistiblement les grands peintres vénitiens. Elles ontindubitablement influencé la majolique du sud de l’Italie, tant sur le continent qu’enCalabre.

C’est dans la période de production de Domenico que triomphe largement l’istoriatomais, du fait de la maîtrise artistique qu’il exige, en l’occurrence un vrai talent de pein-tre, il demeure onéreux. Seules les plus nobles et surtout les plus riches familles comman-dent ces objets délicats, plus pour la délectation que pour un usage pratique, en engarnissant des crédences conçues à cet effet (le terme credenza identifierait en fait leservice lui-même plutôt que le meuble).

Si Domenico est le plus brillant représentant du style istoriato (d’ailleurs, on pensemaintenant que certains istoriati, jadis attribués à Pesaro ou à Urbino, pourraient enréalité être vénitiens et potentiellement de lui), il est aussi, sur un plan chronologique,l’ultime grand maître de la majolique vénitienne. Au siècle suivant, la production perdura,mais elle se banalisa au point d’avoir perdu beaucoup de ses particularismes. Elle finirapar se fondre stylistiquement dans la production d’autres centres.

On aura compris que l’attribution des majoliques est souvent incertaine. Celaest en grande partie dû non seulement aux rares signatures, mais aussi auxmouvements continus des artisans, d’un centre à un autre. Exemple typique

de cette science en perpétuelle évolution qu’est l’étude de la majolique italienne, si l’im-portance de Faenza en Emilie-Romagne, n’est pas à l’heure actuelle vraiment remiseen cause, sa prédominance et l’antériorité de sa production sont en revanche sérieuse-ment discutés; tandis que les créations de la cité voisine de Forli sont à nouveau misesen lumière. Quoiqu’il en soit, cette tradition de la majolique de Faenza est née d’uneheureuse convergence de situations favorables: un terrain riche en argile, la permanencedans les siècles de rapports politiques et commerciaux avec la voisine Toscane (en parti-culier avec Florence), et enfin une indéniable sensibilité pour cette forme d’art.

Au pied des premières collines Subapennine, Faenza est entouré par une région agri-cole faite de collines et de plaines fertiles. Le nom, datant des Romains qui ont développéce centre sous le nom de « Faventia », est devenu synonyme de la céramique en plusieurslangues dont le français avec le mot faïence. Dès la seconde moitié du 1er siècle aprèsJésus Christ la ville a prospéré considérablement, en raison du contexte agricole privi-légié et du développement des activités artisanales telles que la production de poterie.

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Carte des centres de production

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Après une période de décadence, Faenza a pleinement retrouvé sa prospérité autour del’an 1000, avec le gouvernement des évêques, pour atteindre ensuite son apogée entermes de richesse et d’expansion sous le règne de la famille Manfredi. Rappelons qu’aprèsla conquête par César Borgia, Faenza devint une partie des États pontificaux.

Une production céramique est mentionnée à Faenza à la fin de 1142, dans un docu-ment citant un obscur Petrus Orzolarius. Mais c’est seulement après 1350 que se déve-loppe la majolique à usage domestique dite « archaïque », reconnaissable à ses décorsgothiques ou orientaux, et généralement peinte dans une palette brune et verte. Un peuplus tard, dans la première moitié du siècle suivant, non seulement Faenza améliore laqualité de son émail, mais elle ajoute aussi au répertoire ornemental de nouveaux décorsd’influence islamique. Les échanges d’ornements étaient alors fréquents et le rappro-chement des majoliques italiennes (parfois plus inspirées d’ailleurs des tissus que de lacéramique d’importation) et des céramiques ottomanes, permet d’illustrer les apportsréciproques de ces foyers culturels. En effet, les interactions complexes entre les aireschrétienne et ottomane de l’Europe se firent en partie par l’Espagne mauresque. Commeon le sait, l’île de Majorque par où transitait une partie de la production espagnole àdestination de l’Italie fut un intermédiaire capital. La technique de la faïence, inventéeau viiie siècle de notre ère près de Bagdad, gagna la péninsule ibérique, puis les potiersitaliens. Au premier chef ceux de Faenza, assimilèrent dès le xiie siècle la technique d’unemajolique archaïque, même si, on le verra plus avant, ils ne percèrent le secret de « lafaïence lustrée » qu’au début du xvie siècle.

Se distinguant avant tout par leur caractère essentiellement décoratif, les pièces dudeuxième quart du xve comprennent de magnifiques vases de style encore oriental envert sur fond d’émail blanc laiteux, dits « à feuilles de chêne ». A ces couleurs s’ajou-tent bientôt le bleu, le brun de manganèse et le jaune. Les typologies sont alors diteszaffera a relievo ou italo-moresche, témoignages sans ambiguïté des influences orientalessubies. En termes de formes, à côté des vases (formes les plus courantes), apparaissentdes tasses, des albarelli, de petites coupes et, moins fréquemment, des écuelles et desplats. Au milieu du xve siècle s’imposent largement les séduisants motifs du gothiquefleuri, (Il s’agit du gothique appartenant au dernier âge de l’architecture ogivale, où lesornements et les découpures sont multipliés à l’excès) dans lequel les associations decouleurs se font plus vibrantes. La classification des pièces par les spécialistes en« familles » montre la diversité décorative des productions du moment: « famille à œilde plume de paon », « famille à palmette persane », etc... En synthèse, on retiendra qu’àpartir de la fin du xve siècle, la technique s’affine, et le décor et la palette s’enrichissent.D’autre part, les formes se font plus recherchées, tandis que des motifs ornementaux,plumes de paons, spirales, zigzags, lignes sinueuses, remplissent les fonds.

C’est dans le dernier quart du xve siècle que le répertoire de la Renaissance commen-ça, sous forme de besants, de perles, de guirlandes, ou d’une foule d’autres motifs pleinsde fantaisie, à pénétrer la majolique faentine. Dans un premier temps, ces motifs s’al-lièrent aux décors antérieurs, comme sur le pavement Vaselli, exécuté entre 1492 et 1497en l’église San Petronio de Bologne. Un atelier faentin avait reçu commande d’un pave-ment en faïence pour un notable Bolonais, le chanoine Vaselli. Ce pavement était destinéà une chapelle de l’église de San Petronio, (la plus importante de la ville après la cathé-drale Saint Pietro, dont le chanoine avait obtenu le ius patronatus (patronage). Un telprivilège permettait au dédicataire de vouer la chapelle à son propre saint protecteur, d’y

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célébrer des messes privées ou d’y enterrer ses propres morts sous le pavement ou dansdes enfeus pratiqués dans les murs. Pour l’obtention d’un tel privilège, le dédicatairepayait et s’appliquait généralement à décorer les lieux avec le plus grand faste. Le chanoineVaselli ne lésina pas, quant à lui, sur les dépenses. Ayant obtenu le ius patronatus le 3 avril1489, il décida de dédier la chapelle à San Sebastiano, invoqué pour lutter contreles épidémies de peste. Pour le pavement en faïence, parfaite illustration durépertoire décoratif faentin, il s’adressa donc aux ateliers de Faenza. Onconnaît au moins l’un des auteurs ce pavement, un certain Pietro Andreade Faenza (dont le nom latinisé en Petrus Andrea de Favencia apparaîtsur un carreau).

Jusqu’à la fin du premier quart du xvie siècle, période de transitionstylistique, répertoire gothique et motifs de la Renaissance coexistentencore. Des motifs dérivant de l’architecture classique sont juxtapo-sés à des variantes à l’infinie fantaisie de la « palmette persane ». Cedécor raffiné d’origine orientale était utilisé depuis la fin du xve siècle.Le motif, inspiré des feuilles en éventail du palmier ou bien du lys, estformé d’une tige verticale ornée de feuilles à huit pétales. La fleur peut êtrearrondie, en bouton, ou bien entièrement épanouie avec les pétales en éven-tail. Elle se prête en tout cas toujours admirablement aux formes souples etsinueuses de la majolique.

Dans le même temps, des pièces à peu près contemporaines affichent quant à ellesdes éléments uniquement renaissants. En effet, l’art italien au Quattrocento s’était nourride constantes références à l’Antiquité, modèle revendiqué pour parvenir à un nouvel Aged’or. Cette démarche artistique était en fait issue d’une connaissance régénérée par l’édi-tion de textes illustrés. Cette floraison éditoriale, liée au renouvellement économique etsocial de la société italienne, fut rendue possible par le milieu humaniste et stimuléepar une clientèle de plus en plus aisée et nombreuse.

Donc, au tournant du xvi e siècle, si la production évolue, c’est pour prendre unedimension particulière en se faisant l’écho des préoccupations humanistes. Sur lesprécieuses faïences apparaissent figures humaines et sujets narratifs. Sur lecat. no. 3, ondécouvre un profil de femme agrémenté sur l’aile d’un motif à grotesques. Le grotesqueest un style d’ornement découvert à la Renaissance et le mot vient en fait qualifier lesornements de la « Domus Aurea » construite par Néron dont les murs étaient couvertsde tels motifs. On rappellera qu’à la fin du xve siècle, un jeune Romain tomba dans untrou sur les pentes de l’Oppius et se retrouva dans une sorte de grotte couverte de pein-tures surprenantes, d’où l’attribution du nom de grotesques que l’on donna à ces pein-tures. En réalité, il s’agissait de la « Domus Aurea », ensevelie.

Le développement du motif de grotesque sur la majolique de Faenza n’est sans doutepas étranger à l’influence locale de la famille d’artistes Aspertini, et notamment à AmicoAspertini. Élève de Francia à Bologne (Giacomo Raibolini dit Giacomo Francia: Bologne,1484-1557), Aspertini tenta d’assimiler le style de Pérugin et de Pinturicchio durant le séjourqu’il fit à Rome de 1500 à 1503. Finalement c’est là, surtout, qu’il étudia les motifs degrotesques qui nous intéressent. Aspertini a d’ailleurs laissé plusieurs carnets de dessins quirévèlent son intérêt pour les monuments et les sculptures antiques. Cependant, si les objetsde fouilles du musée de Faenza, démontrent indubitablement que cette production demotifs à grotesques sur fond orangé était bien courante à Faenza, ce type de décor était

Plat. Faenza,début du xvie siècle[det. cat. no. 3]

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traditionnellement attribué aux ateliers Siennois. Grâce à des recherches plus poussées, onexplique aujourd’hui le fait qu’on rencontre également à Sienne ce type précis de grotesquespar la présence dans cette ville d’artisans faentins venus là pour tenter leur chance.

Parallèlement se développe à Faenza dans la première moitié du xve siècle l’istoriato.Le terme istoriato, auquel nous avons déjà fait allusion, désigne dans le vocabulaire dela Renaissance un type particulier de décor consistant à représenter sur la surface de lamajolique de vraies histoires avec un sujet, des personnages, et un environnement. Ils’agit donc d’une véritable peinture sur céramique. Ces majoliques (assiettes et coupes)évoquent les thèmes issus de l’histoire biblique, romaine, ou même contemporaine. Lamythologie avec les amours et métamorphoses des dieux, les épisodes de la guerre deTroie, de l’Énéide ou les légendes de la fondation de Rome y sont aussi représentés. Onrencontre aussi des fables, des histoires populaires ou bien souvent des sujets allégo-riques qui nous sont devenus difficilement intelligibles.

Ces sujets sont parfois repris des carnets de dessins qui circulent dans les ateliers ouplus souvent des gravures allemandes ou nordiques. La production graphique allemande,dans la première moitié du xvie siècle, atteint une richesse d’invention et une qualitétechnique rarement égalées. Siècle de la Réforme, époque de grandes transformationspolitiques et économiques, le xvie siècle allemand est en fait un véritable Age d’or pourla gravure. Profondément influencés par Albrecht Dürer, le plus grand artiste de sontemps, de nombreux graveurs élaborent à Nuremberg, en Bavière, en Suisse ou en Fran-

conie, un art nouveau et original par le graphisme et le choix trèslibre des sujets. Ces gravures illustrent soit des thèmes profanes,soit des épisodes bibliques et mythologiques. On citera parmi lesplus connus Lucas de Leyde, Dürer ou Schongauer; mais aussiAlbrecht Altdorfer, premier graveur à avoir adopté des formatsminuscules et principal représentant de l’école du Danube. Pourle nord de l’Allemagne, on peut évoquer Heinrich Aldegrever,artiste complexe hésitant entre trois esthétiques: le maniérismeflamand, le naturalisme local et les formes de la Renaissanceitalienne. Cependant, dès le second quart du siècle, cet engoue-ment très vif pour les gravures allemandes, s’estompe au profitdes gravures italiennes, jugées d’un goût plus « moderne ».

Parmi ces gravures reflétant les grands décors contemporains,particulièrement ceux de l’atelier de Raphaël, on citera surtout lesgravures de Marc-Antoine Raimondi. Né à Bologne, Raimondi estl’élève de Francia qui lui apprend l’art de la gravure. Si ses premièresœuvres sont marquées par son premier maître mais aussi par l’art

de Florence et de Padoue, il subit aussi l’influence de Lucas de Leyde, preuve s’il en fallaitdes nombreuses interactions artistiques à l’époque entre le Nord et le Sud. En 1506, lorsd’un séjour à Venise, Raimondi étudie Dürer, mais c’est à Rome en 1510, qu’il se lieavec Raphaël qu’il interprète désormais avec ferveur. L’influence de ce classicismedélicat inspiré de Raphaël transparait dans le plat [cat. no. 9] représentant Diane et Actéon,peut-être une œuvre de jeunesse du peintre d’histoire faentin Baldassare Manara. Ruinépar le sac de Rome (1527) au cours duquel son atelier est dévasté Raimondi se réfugie àBologne, où il meurt dans la misère. Ses cuivres seront volés par ses élèves ou par seséditeurs, mais ils auront le mérite de diffuser la manière de Raphaël dans le domaine des

Plat d’apparat.Faenza, vers 1520[det. cat. no. 9]

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arts mineurs, et au premier chef dans celui de la majolique. On nomme d’ailleurs « araffaelesche » le style assez courant inspiré du décor créé par Raphaël et son équipeautour de 1510 pour les loges du Vatican, (à la suite des fresques réalisées vers 1480 dansles mêmes lieux par Pinturicchio). C’est donc essentiellement dans la peinture muralecontemporaine, probablement diffusée par des dessins et rapidement par la gravure, queles peintres de majolique puisent leur inspiration.

Dès les années 1520, l’apogée était atteint; et nombre d’istoriati sur émail berettinosont des exemples admirables de cette connaissance de l’art de Raphaël. S’affirmantsoudainement à partir de 1520 à côté de la production à fond blanc, le décor « a be-rettino » consiste en fait en des décors ornementaux sur émail bleuté (l’émail devientazuré par l’adjonction d’un peu de cobalt). La pièce est plongée dans un émail teinté enbleu clair, et les motifs (grotesques et rinceaux) sont réservés par rapport au fond bleuposé au pinceau et rechampis de blanc. Il y avait alors à Faenza plusieurs fabriques renom-mées, notamment celle des frères Piroti, (la célèbre Casa Pirota), celle des Bergantini,ou l’atelier de Virgiliotto Calamelli, sur lequel des témoignages existent dès 1531. Oncitera aussi Viani ou Baldassare Manara, le plus classique des peintres d’histoire faen-tins, se démarquant ainsi de l’expressionnisme ambiant inspiré d’Aspertini. On leur doitdes istoriati « a berettino », véritables tableaux sur faïence d’une extraordinaire virtuo-sité, peints sur un fond délicatement teinté en bleu au cobalt. L’émail à fond berettinoest surement une des typologies les plus séduisantes de la majolique faentine qui seprolongera jusqu’aux alentours de 1540. la dominante azurée crée des équilibres subtilset confère aux couleurs une grande harmonie. Sur ces istoriati, parmi les plus beauxjamais peints, Le décor foisonne de trophées, de grotesques et d’arabesques. On citerale plat tardif (cat. no. 10) représentant la Mort d’Orphée, dans un paysage faentin typiquequi épouse la forme circulaire de l’objet de manière idéale. Après avoir dérogé aux condi-tions imposées par les Dieux pour retrouver Eurydice, Orphée pleurait sa bien-aimée.Alors qu’il ne prêtait guère attention aux ménades, jalouses d’un tel amour, celles-ci ledéchiquetèrent et jetèrent les morceaux de son corps dans différents fleuves. Ceparoxysme est bien évoqué par la violence anguleuse des mouvements entrecroisés etdes draperies. Au fond berettino participent souvent des touches d’un rouge cinabreflamboyant que Picolpasso atteste avoir vu dans les ateliers faentins, comme ici sur l’aileà grotesques sinueux sur fond jaune citron.

Des services berettino entiers sont produits, le plus souvent armoriés, mais les crucheset bouteilles sont plus rares que les assiettes, les coupes ou les plats. Les blasons desgrandes familles florentines apparaissent souvent, et ces commandes toscanes fréquentesdénotent une véritable mode surement lié à la présence en Romagne de l’homme d’Etatet historien humaniste Francesco Guicciardini (marié à Maria Salviati). Entre mai 1524et janvier 1526, Guicciardini administra la Romagne pour le compte du pape et résida àFaenza. Sont conservées des pièces d’un magnifique service de table réalisé par le pein-tre de la coupe Bergantini soit pour le couple, soit pour Maria Salviati elle-même. Lescomparaisons entre différents services armoriés comprenant des fiasques, des salières,des aiguières, des coupes et des assiettes de différentes formes, réalisés à Faenza dansles années 1520 et 1530, tendent à prouver que les patriciennes florentines appréciaientbeaucoup ces objets, qu’elles recevaient comme cadeaux ou dont elles étaient comman-ditaires. Ces services étaient probablement destinés à être exposés ou à servir occa-sionnellement et constituaient dans un intérieur une décoration érudite et sophistiquée.

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Les spécialistes se divisent cependant toujours sur l’usage des istoriati. En effet, la présenced’un service entier de majoliques exposé sur un dressoir, dans une salle d’apparat, commeil était de coutume pour les pièces d’orfèvrerie, n’est attestée par aucun témoignage mais,sans être trop tranché, il semblerait que leur utilisation se limitait aux grandes occasions.Cet usage parcimonieux est en fait induit par le décor même de certaines pièces, à prioridestinées à se « répondre ». Quoi qu’il en soit, comme dans le cas de l’orfèvrerie d’ap-parat, la présence de majoliques d’usage n’implique pas que les pièces soient réellementutilisées.

A la suite de cette magnifique production « a berettino », se développe dans les années1530-1550 le style que l’historien d’art Gaetano Ballardini a nommé le « Stilefiorito ». Lestyle se caractérise par le décor « a quartieri »: des pièces de forme souvent mouve-mentée (les coupes godronnées reproduisent des modèles en métal précieux) sontcouvertes de fonds de couleurs alternées (bleu, vert, jaune ou orange) portant des rinceaux

et entourant un motif du type a istoriato. Les motifs, souventconstitués de grotesques ou d’éléments végétaux d’une richepolychromie, se détachent désormais sur ces champs decouleurs vives. Ce fastueux décor est souvent associé à desscènes historiées, des portraits ou des allégories. Au-delà de labeauté de ces décors « a quartieri », dans la nouveauté quimarque les formes du support, l’habileté de l’artisan s’impose,notamment dans la production des coupes godronnées et àbord festonné (« crespina ») inspirées des pièces de métal.Autour du médaillon central bombé portant un sujet allégo-rique ou un putto, le décor de rinceaux et de feuillages stylisésdisposés dans des compartiments à fonds de couleurs alter-nées transforme l’argile en l’équivalent du métal le plus noble.

Mais à partir de 1535, au moment même où travaillait le bril-lant Baldassare Manara, l’habitude de copier des gravures fit que peu à peu, la produc-tion de Faenza perdit un peu de son originalité, se confondant avec celle d’Urbino.Cependant, à la même époque, certains potiers de Faenza, tel Virgiliotto Calamelli (atelierconnu de 1550 à 1570), mirent à la mode la faïence blanche (« bianchi ») simplementdécorée de quelques touches de jaune et de bleu. Ce décor, aussi dit « à compendiaro »et qui fut imitée en Italie et dans tout le reste de l’Europe, joue sur la matière de l’émailqui couvre l’objet. La décoration se compose de couronnes de feuilles et de fleurs, deputti, d’armoiries, de petites figures caractérisées par une facture rapide et concise rehaus-sée de quelque touche de bleu de jaune et de vert (cela explique l’adoption du terme« compendiario » pour ce genre de peinture sur majolique: venant de l’italien, « compen-diare » qui veut dire résumer). Comme s’il s’agissait d’une ébauche avec peu de couleurs,l’objet est décoré de quelques simples traits de pinceau. Le décor « à compendiario » estle plus souvent appliqué sur des objets aux formes mouvementées: assiettes aux bordsfestonnés, plats godronnés, objets de forme bombée avec application d’ornements enronde bosse s’inspirant largement de l’orfèvrerie. Les potiers profitent de la surfaceblanche (l’émail d’un aspect laiteux doit sa couleur à une quantité importante d’étain)pour mettre en valeur la forme complexe de ces majoliques. Ce renouvellement et cetteplus grande valorisation des formes des objets (les surfaces sont plus riches et plus sculp-turales), explique sans doute le succès, jusqu’au milieu du xviie siècle, de ces faïences

Plat. Faenza, 1540[det. cat. no. 10]

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de Faenza peintes sur émail blanc. Ce style se répandit très vite dans toute l’Italie (Cescéramiques seront vite imitées dans d’autres centres tels que Montelupo, Urbino ouDeruta, et des familles comme les Médicis commanderont à Faenza de fastueux servicesbianchi), la France, la Hollande et dans l’Europe de l’Est, où la réputation des « blancs »de Faenza prit une grande ampleur. Pour la France, le mot « faïence » qui apparaît notam-ment à Nevers au début du xviie siècle désigne alors les « bianchi di Faenza ». De manièreplus large, au xviie siècle, la production de la majolique européenne donnera souventaux pièces émaillées le nom de « Faenza ». Malgré cette vague européenne d’imitation,la majolique de Faenza prospéra encore longtemps et ne fut à vrai dire supplantée quepar l’énorme production de Delft, mise à la mode par le gout orientalisant introduit parla compagnie des Indes. Dans l’attente de ce terme, les potiers faentins savaient en faitflatter les aspirations des commanditaires de la Renaissance en suivant le goût décora-tif du raphaëlisme tardif, inspiré alors du synthétisme de la peinture romaine dus BasEmpire. Ce goût avait été adopté par l’école de Vasari, et principalement par MarcoMarchetti dit Marco da Faenza (vers 1528-1588). Marchetti se spécialisa en fait dans l’exé-cution de grotesques. Il travailla d’abord pour les Médicis au Palazzo Vecchio de Florence,en compagnie de Giorgio Vasari qui le décrit comme inégalé en ce domaine. Dans lesannées 1570 il travailla à Rome pour le Pape Grégoire XIII. Après la mort de Sabbatini en1576, il supervisa toute la décoration de grotesques de la Loggia et des Stanze du Vati-can. Pour revenir à Faenza, sa production évolue donc après 1550 vers des formes pluscomplexes. Ses créations originales et exubérantes, composées d’éléments divers etproposant plusieurs lectures de l’objet, transposent sur le plan décoratif l’infinie fantai-sie du maniérisme, ainsi que son attrait pour la métamorphose.

Une curieuse anecdote porte témoignage de la popularité de la faïence de Faenza àtravers les âges. En Août 2006, le premier ministre du Québec annonça que les archéo-logues canadiens avaient découvert l’emplacement précis de la première colonie duCanada: Charlesbourg. Un fragment d’une plaque ciselée décorative fabriquée à Faenzaentre 1540 et 1550 avait été trouvé sur les lieux, vestige des biens d’un membre de l’aris-tocratie française dans la colonie...

Après la chute de Rome, la Toscane fut occupée dans la seconde moitié du ve sièclepar les Lombards, puis les carolingiens s’y installèrent à partir de 774. La région

prit alors le nom de Toscane avec Lucques comme capitale. A la mort de Boni-face II en 1052, le pouvoir passa à sa femme, Béatrice de Lorraine, puis à sa fille Mathilde,la Grande Comtesse. Avant sa mort en 1115, la comtesse Mathilde céda toutes ses posses-sions à l’Église, engendrant une série de revendications de la part des Empereurs du SaintEmpire Romain Germanique. L’Empire envoya en Toscane une série de ses représen-tants mais à cette époque, de nombreuses villes toscanes prirent position contre les deux« contendenti », le Pape et l’Empereur, puis se déclarèrent indépendantes et commen-cèrent à résister. C’est ainsi que naquirent les Communes toscanes comme Florence,Sienne, Pise ou Lucques, devenues ensuite de véritables États. Ce sont elles qui firent lavéritable histoire de la Toscane, jusqu’à la seconde restauration des Médicis en 1530.

Dans le domaine de la céramique, à partir du xiiie siècle, les somptueuses produc-tions lustrées des ateliers espagnols de Valence se diffusèrent dans plusieurs lieux de laPéninsule dont la Toscane. Elle devint au xve siècle, l’un des centres les plus créatifs dansla technique de la majolique. Après un premier style de céramique à émail stannifère, la

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Toscane se distingua par la suite par une production plus personnelle. En effet, dans unpremier temps, à l’époque médiévale, presque toute la région fabriquait une majoliqueverte et brune. D’autre part, l’influence de l’Espagne, grande source d’approvisionne-ment de la faïence, s’imposa longtemps, notamment dans la forme de bassins. En effet,ces derniers ne sont pas sans rappeler fortement les grands plats creux à fond plat, à marlipresque vertical et aile droite, que l’on rencontre dans la production de Manises, prèsde Valence. Ces bassins étaient d’ailleurs eux-mêmes inspirés des bassins de cuivre dits« de Damas ».

Ala fin du xive siècle, une production de majolique décorée et plus élégante seconcentre alors dans quelques centres tels que Florence, qui adoptent denouveaux styles décoratifs inspirés du gothique tardif et de la Renaissance.

Florence, en particulier, attire de nombreux céramistes des environs. On pourrait citerBartolo di Piero (de Serravalle Pistoiese) et Domenico di Cecco (de Montelupo), mais onretiendra au premier chef Tugio di Giunta (vers 1382-1450), venu de Bacchereto, qui signasa production. Si on le considère comme le potier florentin le plus important de sonépoque, sa réputation est en fait en partie due à l’immense commande qu’il reçut auxalentours de 1430. L’Hôpital Santa Maria Nuova avait commandé près d’un millier depots à pharmacie, dont plusieurs nous sont parvenus. Dès 1426, l’Hôpital, avait demandéà un potier de la ville 588 pièces de vaisselle de type « damascène », et quelques exem-plaires portant sur leurs anses l’emblème de l’hôpital ont là aussi subsisté. Il convientde rappeler que les premières céramiques italiennes destinées à rivaliser commerciale-ment et artistiquement avec les céramiques étrangères furent produites en série pour lespharmacies et les hôpitaux, alors commanditaires importants de récipients opaques,étanches et à propriétés isothermes. Il s’agissait de grands vases à panse ovoïde, parfoismunie de deux anses, ou d’albarelli. A noter que l’albarello florentin conserve la formeclassique de ses lointains modèles orientaux. Il présente un profil cylindrique, légère-ment cintré pour faciliter la préhension, et son col à bourrelet permet la ligature d’uncouvercle en parchemin. Jusque dans le premier quart du xve siècle, quand il s’agissaitd’une commande importante, les Italiens, se tournaient semble-t-il plutôt vers Malaga.En 1424, l’inventaire d’une pharmacie florentine fait mention d’une grande jarre à épicesvenue de Damas ou de Malaga. Ainsi en 1420, un marchand milanais commande à unpotier de Manises 720 jarres « damascènes » en lustre doré, probablement pour appro-visionner un hôpital. Enfin, quoique plus rarement, les Italiens se tournaient même versle Proche-Orient musulman.

Les céramiques produites en série pour les pharmacies et les hôpitaux, représententla production produite à Florence la plus connue de cette première moitié du xve siècle.Ces majoliques s’identifient au type appelé par l’historien d’art Ballardini « zaffera inrilievo »: des vases pharmaceutiques à deux anses plates (parfois aussi des objets à usagede la table, ou même des pièces d’apparat) ornées de feuilles de chêne, d’animaux et defigures humaines, exécutés en bleu de cobalt en relief (« rilievo ») épais et dont le Louvrepossède plusieurs exemples. Si le « bleu et blanc » des ateliers florentins était appelé« zaffera », le mot désignait en fait la pigmentation donnée par le cobalt asiatique. Commeil avait tendance à couler pendant la cuisson, les Florentins l’entouraient d’un trait demanganèse violacé assez semblable au trait noir avec lequel les Syriens cernaient le leur.Dans les pièces d’apparat se donnait libre cours le goût pour les riches ornements. Le

Cruche (boccale).Florence, atelier

de Giunta di Tugio?,première moitié

du xve siècle[det. cat. no. 14]

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motif « à la bryone » était un emprunt direct aux potiers valenciens. Ces derniers l’avaientintroduit dans leurs productions à partir du milieu du xve siècle, en compagnie d’autresmotifs s’éloignant volontairement du répertoire musulman tel que l’avait transmis lesateliers de Malaga. Cette étape inaugurait une nouvelle phase dans l’art de la céra-mique hispano-mauresque qui se fondait de plus en plus dans le répertoire gothique,comme dans le nord de toute l’Italie centrale. C’est ce motif « à la bryone » que recueil-lit la céramique florentine, car il composait un fond idéal pour de grands motifs tels quepar exemple les armoiries des familles patriciennes. Mais outre ces motifs héraldiques,étaient particulièrement prisés pour les pièces d’apparat les motifs zoomorphes et végé-taux, tendant dans une sorte d’horreur du vide à remplir tout l’espace.

Il faudra cependant attendre la seconde moitié du xve siècle pour voir les faïenciers,grâce à leur maîtrise des techniques de cuisson, produire une polychromie de grand feuplus large. Rappelons en marge de notre sujet, qu’au xve siècle, à Florence, le procédéde la majolique fut copié par Luca della Robbia (vers 1400-1482) qui l’appliqua, commeses descendants, à l’architecture avec de grandes sculptures religieuses en bas-relief.Pour en revenir à notre sujet premier, il convient d’être néanmoins prudent sur les prove-nances. Si les cruches et les jarres à feuilles de chêne bleues en relief du xv e siècle(empreintes d’une nette influence islamique métissée par l’apport des motifs du gothiquetardif ), sont généralement attribuées à Florence, des tessons similaires ont égalementété trouvés lors de fouilles à Montelupo, bourgade proche de Florence, dont il convientde parler en détail.

Cité construite au milieu du xive siècle,Montelupoa été l’un des plus importantscentres de production de céramique de la Renaissance, tant au niveau italienqu’européen. Son abondante production est désormais bien connue grâce aux

découvertes archéologiques. Dès la fin du xiiie siècle, la région produisait des piècesd’inspiration hispano-mauresque aux motifs bleus tirant sur le vert, puis les fours necessèrent de se multiplier. La production se développa largement à partir des modèlesvert et brun purement utilitaires du Moyen Âge, vers des modèles plus élaborés. CommeDeruta l’avait été pour Pérouse, Montelupo devint peu à peu le « four » de Florence. Àla fin du xve siècle, on comptait en fait plus de 50 unités. Le niveau de production estd’ailleurs tel qu’il nécessita un édit du maire pour interdire de déverser dans la rivièrePesa les énormes quantités de déchets produits par les faïenceries. Au milieu du xve

siècle, le site de Montelupo, déjà le plus important centre céramique de la région, étaitdevenu l’un des protagonistes du phénomène de circulation des techniques et des connais-sances qui caractérise cette période de la Renaissance. Les artistes de Montelupo allè-rent alors travailler à Faenza et Cafaggiolo.

Les archives s’avèrent fort précieuses. Ainsi, le contrat passé en 1490 par un richenégociant de Florence, Francesco Antinori, témoigne de la vitalité de la production deMontelupo à son heure de gloire. Antinori réservait la production de vingt-trois potierspour trois années, et s’engageait à l’acheter à un prix forfaitaire fixé par avance.

Mais à cette époque, Florence allait une fois de plus être rattrapée par la politique. Sil’élection d’un Médicis au Trône Papal avait renforcé le pouvoir de la famille à Florence,lorsque les Florentins apprirent en 1527 le sac de Rome, ils se rebellèrent et chassèrentencore une fois les Médicis, affirmant ainsi leur liberté. Ce fut la dernière tentative pourremettre en place le gouvernement républicain et, en août 1530, à l’issue d’un siège de

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onze mois, les troupes de l’empereur et du Pape entrèrent ensemble dans Florence. L’an-née suivante, par concession impériale, Alexandre de Médicis fut déclaré « chef dugouvernement et de l’Etat ». Il installa alors une tyrannie et toutes les institutions qu’ilcréa furent entièrement sous son contrôle.

Ces événements eurent leur incidence sur les ateliers. Après le siège de 1530, à la foispar la crainte des incendies mais aussi par l’intérêt d’installer les fours à proximité desmatières premières, Florence ne semble pas avoir conservé de fours dans le centre de laville. Ce fut au profit de Montelupo où la concentration devait de fait être très impor-tante.

Sur le plan des communications, la proximité du port de Pise facilitait les échanges,notamment avec l’Espagne, ce qui explique l’imitation au cours du xve siècle de la typo-logie hispano-mauresque. Au xie siècle comme à l’époque romaine, Pise était déjà uneimportante base navale, mais elle intensifia encore le commerce en Méditerranée, jusqu’àdisposer d’une puissance militaire qui lui permit de nombreuses victoires sur les musul-mans. Elle profita ensuite des croisades pour étendre son trafic commercial en Médi-terranée orientale et, bien vite, le long des côtes africaines où des colonies pisanes furentfondées. Après une brève domination sur la ville rivale de Lucques (1341-1368), Pise futconquise par Florence en 1406. L’imitation de la typologie hispano-mauresque s’exprimesur les majoliques en des décors ornées d’arabesques bleues et blanches portant quelquestouches de jaune ou dans des orangés monochromes imitant le lustre métallique. Concer-nant ce lustre métallique, Turcs et Européens ont longtemps et vainement tenté de percerle mystère de la confection de la porcelaine de Chine. A défaut d’avoir découvert la tech-nique qui permet de confectionner une vaisselle blanche, sonore et translucide, les cher-cheurs des productions islamiques et espagnoles voire italiennes, (Deruta devait, commeon le verra plus loin, devenir célèbre dans ce domaine) mirent au point des techniquestout aussi intéressantes comme celle des reflets métalliques du lustre, imité ici à Monte-lupo de manière encore empirique. Vers la fin du xve siècle, une importante production,destinée à l’usage de la table ou de la pharmacie et, il faut bien l’avouer de qualité moyenne,est en grande partie réservée à l’exportation. Outre les emblèmes monastiques et lesarmoiries, on y trouve comme motifs, et ce jusque dans le courant du xvi e siècle, lapalmette persane, l’œil de plume de paon, mais aussi des feuilles de style gothique.

Même si la production est très abondante, c’est justement au cours du xvie siècle quel’inspiration des ateliers de Montelupo semble marquer le pas, à travers des décors moinsspontanés et des formes tendant à devenir plus conventionnelles, même si les couleursse diversifient avec l’introduction d’un beau rouge. Devenant un des éléments carac-téristiques de la production locale, ce beau rouge n’est pas sans rappeler le bol d’Armé-nie. Connu depuis l’Antiquité, le bol d’Arménie est un type d’argile très fin, oxyde de ferrouge, qui permet notamment l’adhérence des feuilles d’or. Aux typologies élaborées auxve siècle s’ajoutent de nouveaux motifs géométriques en bleu champlevé dit « a graf-fito ». C’est dans les majoliques de la période précédente que ce mode de décor « agraffito » était le plus fréquent. Il consistait à « gratter » les lignes du dessin en réser-vant les motifs ornementaux, ou à découper de petites surfaces dans l’épaisseur d’unecouche de terre superficielle, dont on avait préalablement recouvert le corps de la pote-rie. Le tout était enrichi de rehauts de couleurs vert, jaune, brun et enduit d’un vernisplombifère transparent. Ce procédé, très pratiqué au xve et donc encore au xvie siècle,se maintint en fait dans le nord de l’Italie jusqu’au xviie siècle.

Albarello. Montelupo,fin du xve - début

du xvie siècle[det. cat. no. 16]

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Le décor « alla porcellana » peint en bleu et blanc, devient aussi très courant et révèletoute l’attrait que l’extrême orient exerce alors sur la céramique occidentale. Les motifsornementaux d’arabesques se détachant en bleu sur le fond blanc relevant de cette typo-logie de décor, témoignent de l’influence de la porcelaine chinoise, importée en quan-tité de plus en plus importante au début du siècle. Elle devient alors la céramique la plusrecherchée à la cour des Médicis. Dans seconde moitié du xvie siècle à Montelupo, périodede déclin, la production dénote un net appauvrissement des couleurs et même de laqualité de l’émail. Les potiers se bornent désormais à répéter inlassablement le réper-toire de formes préexistant. D’ailleurs, dès cette période et dans les premières décenniesdu siècle suivant, afin de préserver une production en crise les commandes publiquesse multiplient, comme vers 1520-1530 celle de vases appelés à compléter la pharmaciede Santa Maria Novella de Florence. La dernière production originale est celle de grandsplats ornés de figures comiques. Ce déclin s’explique en partie par la concurrence de laproduction de Faenza, alors à son zénith. L’influence nette de ce centre est notabledans des œuvres utilisant la disposition « a quartieri » ou s’inspirant clairement des« bianchi ». Les motifs de grotesques sur fond blanc inspirés de Raphaël trahissent l’imi-tation des modèles de Casteldurante ou d’Urbino, alors que des éléments strictementdécoratifs dénotent l’influence du répertoire vénitien. Les dernières réalisations de pres-tige de Montelupo seront le fait de commandes d’état, telles que le pavement en majo-lique de la salle du Poêle au Palais Pitti ou des bouteilles réalisées pour des noces princières,celles de Ferdinand Ier et de Christine de Lorraine, ou celles de Corne II Médicis et deMarie-Madeleine d’Autriche. C’est à la fin du xviie siècle, après que fut achevée la produc-tion des superbes albarelli destinés aux pharmacies florentines des dominicains de SanMarco et de Santa Maria Novella, que commença le déclin lent mais inexorable de laproduction de céramique à Montelupo. Ce n’est en fait que dans la production de vasesles plus humbles que la technique vivota au cours des xviiie et xixe siècles. La mémoirede la splendide céramique Renaissance de Montelupo fut cependant perdue. Ce maté-riel, désormais exposé dans le musée de la céramique de la ville, dont il forme le noyauprincipal, permet une bonne connaissance des typologies de Montelupo.

Aussi incroyable que la chose puisse paraître, des fragments de poteries de Monte-lupo ont été trouvés sur des sites archéologiques d’Amérique centrale, liés à la premièrecolonisation européenne, ainsi que dans les Philippines et en Écosse. Cependant, exceptéles plats figurés du xviie siècle, la quasi-totalité de la production de Montelupo, est cepen-dant restée totalement dans l’ombre. La découverte dans les années 1970, par les béné-voles du « Groupe archéologique de Montelupo Fiorentino », à l’intérieur du châteausurplombant le village médiéval, de l’entrée d’une grande fosse (jadis un lavoir), rempliede matériaux de décharge venant des fours de l’époque de la Renaissance, changera cela.

Si la collection Gillet ne comprend hélas aucune pièce que l’on puisse attribuer demanière sure à Caffagiolo, cette manufacture prestigieuse du xvie siècle, méritetout de même d’être évoquée. En effet, le nom de « Caffagiolo », qui apparaît sur

des faïences du début du xvie siècle, prouve l’existence d’ateliers de potiers dans cettepetite ville des environs de Florence. Les Médicis, qui en avaient fait une de leurs rési-dences préférées, durent favoriser le développement d’une production luxueuse prochede celle de Faenza. A l’origine, à la fin du xve siècle Lorenzo di Pierfrancesco de Médi-cis, le propriétaire de la villa de Cafaggiolo, fit venir des potiers de Montelupo. Parmi

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ces derniers, on citera Piero et Stefano di Filippo qui marquèrent leur production dumonogramme « sp » et dont les descendants furent appelés Fattorini. On sait que lesfours étaient primitivement situés près des écuries de la villa. Au commencement, laproduction reflétait certains modèles contemporains de Montelupo dans le répertoiredécoratif typique de la fin du xve siècle et du début du suivant, notamment la typologiede décor « alla porcellana ». Les motifs ornementaux d’arabesques se détachant en bleusur le fond blanc sont en effet attestés dans la production de Cafaggiolo dès la premièredécennie du xvie siècle. Ils témoignent là encore de l’influence de la porcelaine chinoise,importée en quantité de plus en plus importante au début du siècle. Les plus belles piècesde Caffagiolo appartiennent au premier tiers de ce siècle.

Avec le retour des Médicis à Florence et la création du Duché, Cafaggiolo se consa-cra presque exclusivement aux commandes du gouvernement, souvent pour de grandesmajoliques d’apparat. Il s’agit de céramiques le plus souvent présentées en expositioncomme c’était le cas pour l’argenterie la plus élaborée, et elles avaient en commun lafonction de décorer la salle à manger et de révéler aux invités la richesse de l’hôte.

Rivales en politique comme en matière commerciale, les communes toscanes eten particulier Florence, Pise, Venise et Sienne se livrèrent une « guerre artisti-

que » qui prit en fait la forme d’une émulation passionnée. Sienne, vaincue parFlorence au xive, siècle devint au siècle suivant un grand centre artistique dans la conti-nuité de Florence, ville qui devait conserver malgré tout sa prééminence. Nous avonsdéjà souligné le fait que c’est d’Orient qu’est venu le premier essor de la majolique, parl’intermédiaire de la Perse et de l’Espagne musulmane. Parmi les plus anciens spéci-mens de poteries italiennes du moyen âge, figure un important groupe de plats et de vasestrouvés à Sienne dont le décor peint en vert et en violet de manganèse rappelle nette-ment la fabrication musulmane de Paterna (province de Valence).

Après une période médiévale très prospère, Sienne continua de produire un nombreimportant de majoliques inspirées du gothique tardif. Au xve siècle, la ville entretenaitd’excellentes relations avec Montelupo et cette relation fut certainement favorable audéveloppement accru de la majolique. Les potiers siennois se firent de plus en plusnombreux, au point que, dans la seconde moitié du siècle, ils répondaient non seulementaux besoins de la cité, mais aussi à ceux de la région avoisinante. C’est probablementcette surabondance de main d’œuvre qui amena certains d’entre eux à chercher du travaildans les villes à l’est des Apennins. Par exemple, on sait qu’en 1462, le potier Ventura diMaestro Simone de’ Piccolomini quitta Sienne pour s’établir à Pesaro. Ce serait d’ailleursà cette époque que l’usage de l’émail stannifère aurait été importé à Pesaro, peut-êtrepar ce dernier. Cette émigration partielle n’ayant guère atténué la rigueur de la concur-rence, les potiers siennois cherchèrent en 1476 à y remédier en sollicitant par une péti-tion la protection de la Seigneurie contre la concurrence étrangère. On apprend ainsi quela ville comprenait seize ateliers (en 1483 ils peuplaient une rue tout entière) capablesde fournir beaucoup plus de majoliques que n’en nécessitait la demande de Sienne etdes villes alentours. Les maîtres potiers siennois demandèrent alors qu’à la seule excep-tion des poteries métalliques de Valence et de Malaga, on imposât lourdement toutespoteries entrant dans la ville. La pétition reçut satisfaction, et il fut stipulé que quiconqueméconnaîtrait cette mesure verrait ses marchandises détruites et paierait qui plus estdouble taxe. Ainsi protégés, les ateliers siennois prospérèrent d’autant plus.

Albarello. Sienne,première moitié

du xvie siècle[det. cat. no. 19]

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Dans ces années 1480, avant l’arrivée de potiers étrangers dans leur ville, les arti-sans locaux produisaient déjà des œuvres remarquables. Le beau pavage de l’Oratoirede sainte Catherine fut réalisé alors et, en 1488, deux Siennois, Pietro et Niccolo di LorenzoMazzaburroni exécutaient un autre pavage parmi les plus beaux de la Renaissanceitalienne (on admire encore dans la chapelle Bichi à San Agostino). Ces Mazzaburroniétaient en fait actifs depuis le milieu du xve siècle, et c’est dans leur atelier qu’avait étéégalement exécuté vers 1475, le pavement Docci en l’église San Francesco. Leur tech-nique raffinée et d’une qualité décorative remarquable éclate dans les belles armoirieset les élégants feuillages gothique. Cette période est la grande période de la majoliquede Sienne.

De même que certains potiers Siennois émigrés avaient fait connaître leur art dansles villes de l’Italie orientale, Sienne accueillit par la suite des artisans venus de Faenzaet d’Urbino. L’influence de Faenza est clairement sensible sur les majoliques siennoises.Dans les archives, nous relevons notamment à partir de 1503 le nom d’un certain Maes-tro Benedetto, de Faenza. Il possédait un atelier-magasin près de l’église Santa Lucia,quartier où vécurent et travaillèrent des générations d’artistes céramistes. Hélas, Bene-detto n’a apposé sa signature que sur un unique plat, traité en monochromie azurée surfond blanc, et dont l’aile est ornée d’une guirlande de feuilles « alla porcellana ». Ce platest conservé au Victoria and Albert Museum de Londres et représente saint Jérôme péni-tent. La stylisation des albarelli siennois rappelle fortement les décors à grotesques surfond bleu ou orangé courants à cette époque à Faenza, des fragments de fouilles de Faenzafaisant foi. La présence de Benedetto, explique certainement cette influence, à tel pointqu’on peut hésiter sur l’attribution de certaines pièces entre Sienne et Faenza.

Outre celle de Faenza, d’autres influences sont également sensible sur les majoliquessiennoises, comme nous allons le voir. En fait, dans l’attente de découvertes archéolo-giques qui révéleront ou confirmeront l’existence attestée par les archives, des innom-brables ateliers, la production historiée précoce de Sienne n’a pas encore dévoilé tous sessecrets. Les spécialistes mettent aujourd’hui l’accent sur la complexité des réseaux d’in-fluence entre ces ateliers due notamment à l’itinérance des peintres. En effet, la colla-boration d’un même peintre à différents ateliers, y compris dans des zones géographiqueséloignées, est désormais un point communément admis.

Sur un plan stylistique, les potiers siennois, dans les premières années du xvie siècle,abandonnent peu à peu le répertoire gothique pour assimiler comme partout ailleurscelui la Renaissance. Ce basculement fut favorisée par la venue à Sienne, en 1502, dupeintre Bernardino di Pinturicchio (1454-1513). Ce dernier étudia avec Le Pérugin etdevint son collaborateur pour la décoration de la Sixtine. Devenu le peintre favori del’aristocratie pontificale, Alexandre VI lui commande les fameux appartements Borgiadu Vatican. Fidèle au style du xve siècle, Pinturicchio refusait les multiples innovationsartistiques des années 1500, et réalisa sa dernière grande réalisation à Sienne, la Biblio-thèque Piccolomini dont le contrat fut signé en 1502. Les grotesques qui prolifèrent alorssur la majolique siennoise sont à l’image de celles peintes dans la Bibliothèque Piccolo-mini. On citera pour exemple les beaux albarelli décorés en registres où, entre des bandescouverts de grotesques sur fond bleu foncé ou orangé, comptant perles, guirlandes,dauphins, bucranes têtes d’anges ou cornes d’abondance, s’étire un cartouche sur lequelon lit le nom du médicament. Sur un plan chromatique, dans le premier quart du xvie

siècle, le jaune atteint à Sienne une pureté et un éclat inégalés, avec des décors de

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grotesques, de chimères, de masques se détachant sur un fond noir ou jaune. Pinturic-chio revint à Rome en 1507, pour décorer pour Jules II le chœur de Santa Maria del Popolo,puis il regagna Sienne où il travailla jusqu’à sa mort, y peignant plusieurs fresques, notam-ment pour la cathédrale. En 1507 fut installé dans la Bibliothèque Piccolomini le beaupavement à triangles décorés de l’emblème des Piccolomini (des croissants) puis, vers1513, le pavement de chapelle Piccolomini à l’église San Francesco. Par la suite, la majo-lique siennoise devait peu à peu se réduire à une production plus médiocre et résolumentrépétitive.

C’est à Deruta, ville de l’Ombrie septentrionale proche de Pérouse, et dont lacollection Gillet conserve de nombreuses majoliques qu’on attribue toute uneriche vaisselle à reflets métalliques. À la fin du xiiie siècle est attestée dans cette

bourgade une production de majoliques vertes et brunes. Rappelons qu’à l’époque mé-diévale, l’Ombrie comme la Toscane fabriquait uniformément une majolique verte etbrune. Moins célèbre que celle d’Orvieto, la production de Deruta était cependant des-tinée aussi bien aux besoins locaux qu’à l’exportation vers les autres centres de l’Ombrie,tels qu’Assise et Pérouse. D’ailleurs, par la suite, nombre de céramiste de Deruta devaientposséder un atelier à Deruta mais aussi un autre à Pérouse, achetant la citoyenneté dePérouse pour vendre plus facilement leurs produits.

La production de majoliques du Moyen Age tardif se caractérise à Deruta par un décortrèssimpleconstituéd’ornementsgéométriquesetvégétaux,commedanslesautrescentresde l’Ombrie, à l’exemple de Pérouse. Ce type de production perdurera jusque dans lapremière moitié du xve siècle, à coté de nombre de majoliques à décor « a graffito ». Surces pièces, en grattant les lignes du dessin ou en découpant de petites surfaces dans l’épais-seurdelacouchedeterre,onobtenaitundécordesurfacepleindevigueur.Cen’estqu’après1450 qu’on assiste à un renouveau complet des typologies au moment où Deruta s’affirmeen tant que centre céramique au détriment de Pérouse, comme l’avait fait Montelupo vis àvis de Florence. Une grande quantité de documents et de fragments de fouilles font revi-vre la production de la seconde moitié du xvesiècle dans de la cité, alors pleinement spécia-lisée dans la majolique. Parmi les typologies du gothique tardif, on citera non seulementnombre de récipients pharmaceutiques: Albarelli à anses, vases globulaires souvent pour-vus d’anses torsadées et imitant des modèles espagnols, mais aussi de beaux plats d’appa-rat dont le revers percé au talon trahit l’usage purement décoratif.

Période de transition, la fin du siècle est comme dans la plupart des autres centresune période de mutation rapide vers la nouvelle esthétique de la Renaissance. Celle-civoit un renouvellement non seulement des formes et des décors, avec des motifs enbandes géométriques de style résolument renaissant, mais aussi des techniques. À Derutarègne alors une émulation culturelle liée en partie à l’expansion de la famille des Masci,et d’autre part à l’apparition artistes propres à stimuler la production, comme NicolaFrancioli, identifié comme le peintre qui signait « Co » au revers de plusieurs majoliques.Il était l’oncle du peintre Giacomo Mancini, dit El Frate, un des maîtres des grands platsd’apparats. On voit à cette époque s’imposer rapidement tout le répertoire classiquecomposé de guirlandes, de trophées et de grotesques empruntés à l’Antiquité. A cemoment apparaît la typologie dénommée « petal-back » dans la mesure où le revers descoupes et assiettes est décoré d’un motif à pétales. Les éléments décoratifs de cette typo-logie, d’une grande richesse de couleurs, se caractérisent par une volonté de stylisation.

Albarello. Deruta,vers 1507

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C’est à ce moment-là qu’est mise au point la technique du lustre métallique, permet-tant d’obtenir sur la céramique des effets de métallisation essentiellement dorés. A sesdébuts, ce lustre était à Deruta d’un rouge cuivré mais il prit par la suite un ton jaune doré.C’est lui qui jusqu’à la fin du xviie siècle fera la renommée de Deruta. Ce décor, dont l’undes objectifs est d’apporter à la céramique l’éclat de l’orfèvrerie, produit des refletsmétallescents de couleur argentée ou dorée, mais aussi rouge ou brune selon laproportion de sels de cuivre et d’argent et la température de cuisson. Sur le plantechnique, après une première cuisson les pièces étaient émaillées, puis déco-rées avant de subir une seconde cuisson à environ 940° C. Le peintre laissait enblanc les parties destinées à accueillir le mélange d’oxydes métalliques mêlésà des pigments (ocre rouge ou jaune, etc.). Le mélange était ensuite peint surl’œuvre. Une fois appliqué sur la pièce, ce « lustre », mélange donc de nano-particules de cuivre et d’argent, avait la particularité de se fixer à la surface dela céramique lors d’une troisième cuisson. La chose se faisait à basse température(vers 600° C environ) dans un four spécialement conçu à cet effet, dit moufle, et dansune atmosphère dite réductrice, c’est-à-dire en présence de fumée. La fumée empê-chait l’oxygène d’entrer dans le four, contrairement aux deux cuissons précédentes faitesen atmosphère oxydante. Durant cette troisième cuisson, les oxydes retournaient à l’étatmétallique et se déposaient sur la surface émaillée en de beaux effets colorés, variantselon les proportions des composants.

Cette technique d’origine islamique, d’aspect à la fois luxueux et décoratif, était enfait utilisée depuis la fin du ixe siècle en Mésopotamie. Plus précisément, le début de laproduction de la céramique à reflets métalliques ou « lustrée » se situe à l’époque de ladynastie abbasside, dans sa capitale de Samarra au ixe siècle. L’invasion arabe la diffusaen Espagne où elle fut produite aux xiiie et xive siècles dans la ville de Malaga. Ce lustresi décoratif valut à la céramique espagnole de l’époque un engouement dans toute l’Eu-rope et avant tout en Italie. Destinée en majorité à l’exportation, cette production luxueuseconnut alors un développement extraordinaire. La réputation décorative de ces faïencesse prolongea d’ailleurs, en perdant peu à peu de sa qualité, jusqu’au xviie siècle. Aprèsavoir été expérimentée après 1450 dans des centres tels que Pesaro ou Faenza, c’est néan-moins à Deruta et à Gubbio que la technique du lustre métallique devint une spécialité.Soulignons que cette technique coûteuse et complexe nécessitait une grande habilité etune parfaite connaissance des transformations des pigments sous l’effet de la cuisson.

En ce qui concerne le processus de production, les fouilles d’anciens fours ont révéléque les mêmes ateliers et les mêmes décorateurs exécutaient aussi bien les pièces poly-chromes que les pièces au beau lustre métallique d’un jaune cuivré; En grande partie desvases de pharmacie et des plats d’apparat. Les motifs étaient pour la plupart égalementcommuns aux pièces à lustre et à celles traitées en polychromie. Le compartimentagede l’aile des plats était également commun aux deux techniques. Il évoquait les métopeset les triglyphes de l’antique frise dorique. Etait enfin également était fréquent dans lesdeux techniques l’usage d’entourer le décor principal, qu’il s’agisse de portraits en bustede « belle donne » ou de héros de l’Antiquité dans une guirlande enrubannée. Preuvesupplémentaire s’il en fallait, des pièces signées de la même main et de forme iden-tique nous sont parvenues aussi bien polychromes que décorées à lustre.

Dans la première moitié du siècle, suivant le goût du Pérugin ou du Pinturrichio l’exé-cution des pièces, souvent à lustre métallique, est délicate. Troués au talon afin d’être

Plat d’apparat.Maître del Pavimentodi san Francesco,vers 1524 (NicolaFrancioli detto Co?)[det. cat. no. 33]

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suspendus, les grands plats d’apparat à aile large sont la plus haute expression de la produc-tion de Deruta, et ils sont souvent ornés de sujets prestigieux, notamment de décors d’ar-moiries. L’héraldique demeure à la Renaissance comme au Moyen Age l’élément le plusuniversel pour affirmer l’identité d’une personne, qu’elle soit noble, roturier ou prélat.En effet, l’apparition puis la rapide diffusion des armoiries au Moyen Age avait concernétoutes les classes sociales et tous les pays européens. L’usage des armoiries n’était pasréservé à la noblesse et pouvait concerner une famille bourgeoise, aussi bien d’ailleursqu’une institution ecclésiastique. L’omniprésence de l’héraldique en Italie, pays où lanoblesse ancienne ou de hiérarchie élevée était rare (seuls l’empereur et le pape pouvaientconférer des titres de noblesse), était exacerbée par les perpétuelles rivalités entre lesfamilles aussi bien qu’entre les cités. En effet, avec des villes connaissant presque toutesun régime politique oligarchique, les armoiries tenaient une place prépondérante en tantqu’affirmation de l’identité.

Par la présence de la couleur, la majolique se prêtait particulièrement, à la reproduc-tion d’armoiries et d’emblèmes. L’héraldique s’insérait avec beaucoup d’à-propos dansle décor ornemental « all’antica » comme dans les décors de grotesques diffusés tout aulong du xvie siècle d’après les modèles créés par Raphaël et son atelier. Les plats d’ap-

parat de Deruta destinés à l’ostentation, dits « piatti da pompa » en sont souventpourvus, aussi bien sous la forme de l’écu complet que de l’insertion des

« meubles » (éléments) et des « émaux » (couleurs) qui le composent, accom-pagné généralement d’une devise. Car à ce caractère presque systématiquede l’emploi des armoiries l’Italie s’ajoute un goût prononcé pour une modevenue au quattrocento de France et d’Angleterre: celle de « l’emblème ».Alliant aux couleurs d’une famille une image (animal, objet ou personnage..)et un « mot » ou « motto », l’ensemble constituait la devise (souvent très

codée) et reflétait en fait la dimension morale de la famille qui l’avait adop-tée.

Si la majolique est considérée à l’époque comme une œuvre d’art, rappe-lons qu’elle a aussi servi de support aux débats intellectuels et aux savants jeux d’es-

prit d’une élite humaniste. Au-delà de Deruta, dans toute l’Italie, des familles excellaientà cette pratique: Les Médicis à Florence, mais également les Gonzague de Mantoue, courd’ailleurs très influencée par celles de France et Angleterre. Le goût pour le décor héral-dique se maintint dans la majolique tout au long du xvie siècle, y compris dans des réali-sations destinées à des personnalités étrangères: Princes français et espagnols aussi bienque marchands allemands.

Ces plats d’apparat de Deruta ne parlent pas que d’héraldique mais célèbrent aussiles Belles dames. Dans son « Livre du courtisan », Baldassare Castiglione a souligné àmaintes reprises, dans le cadre de la cour d’Urbino, le rôle des femmes dans les cerclesintellectuels. A travers les « belle donne »: la majolique historiée pourrait en être enquelque sorte le symbole. Le constat selon lequel plusieurs services historiés sont liés àdes commanditaires ou des destinataires féminins, a d’ailleurs conduit certains spécia-listes à considérer la majolique comme un objet souvent féminin. Accompagnées d’unebanderole à leur nom ou parfois portant une devise, ces Belles dames dont le poèteAdriano da Concole dressa dans une de ses dissertations poétiques une liste destinée aufaiseur de vase de Deruta, sont traitées de façon résolument stylisée, à la manière de lapeinture ombrienne.

Plat d’apparat.Deruta, deuxième

moitié du xvie siècle[det. cat. no. 41]

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Les grands plats d’apparat de Deruta présentent également souvent des héros et dessaints. Dans ces années-là, la mythologie gréco-romaine constituait alors la source d’ins-piration majeure des peintres sur majolique de Deruta, devant les thèmes historiques,religieux ou allégoriques. Le mélange des genres, mythologie et récits de la guerre de Troie,est cependant permanent et la frontière est mince en matière d’inspiration entre « histo-ria » et « fabula ». Les sources littéraires classiques sont d’ailleurs celles des écri-vains tels que Virgile et Ovide et non celles des historiens.

Les thèmes religieux, historiques ou contemporains, ne sont cependantpas en reste, et on note la présence de saints récurrents comme saint Fran-çois d’Assise et saint Jérôme. De même qu’au Moyen Age, l’iconographiede l’Ancien et du Nouveau Testament est souvent en concordance, souli-gnant qu’un épisode de l’Ancien Testament est en fait la préfiguration d’unépisode du Nouveau. L’érudition facilite par ailleurs l’association des hérosbibliques à ceux tirés d’épisodes de l’histoire antique.

Aux alentours de 1540, s’impose comme peintre d’istoriati la personnalitéd’un membre de la famille Mancini: Giacomo dit « il Frate », que nous avonsévoqué plus haut. Il exécute vers le milieu de cette décennie une suite de piècesd’après des gravures dont au premier chef celles de Raimondi, ou s’inspirant des illus-trations du « Roland furieux » de Gabriele Giolito de Ferraris (vers 1508-1578). Impri-meur et éditeur actif à Venise, ce dernier fut un des premiers éditeurs majeurs de lalittérature en langue vernaculaire italienne. Ces pièces du « Frate » d’un tracé rapide etd’une grande expressivité présentent des couleurs éclatantes. Se différenciant en celade la tradition de Deruta, Il Frate reprenait la gravure telle qu’elle mais prenait néan-moins soin de « l’enchâsser » dans le paysage traditionnel présentant montagnes etédifices typiques. Dépassant le milieu du siècle, sa production, outre potentiellementune production anonyme incluant plaques et plats d’apparat métallique et polychromes,comprend pour ce que l’on sait actuellement trois beaux pavements ornés de grotesques,échelonnés entre 1563 et la fin de la décennie.

Après 1550, à la différence des pièces de la première moitié du siècle, l’usage du lustrese fait plus rare à Deruta. T tandis que les couleurs se font plus vives et que le traitementest moins soigné. Les personnages représentés, surtout des représentations de chasseurs,de cavaliers, et de joueurs, ont désormais de grosses trognes et des membres courts etrebondis. Nonobstant le grand nombre de potiers nommément cités dans les archives,la production demeure alors presque entièrement anonyme. Ainsi pour désigner certainsartistes se distinguant par leur style ou la qualité de leur travail, les historiens d’art onteu recours à des appellations. Le cas le plus fameux est celui du « peintre du Pavementde San Francesco » (son chef-d’œuvre daté de 1524, date de sa réalisation ou de son inau-guration) auquel reviennent notamment des plats d’apparat de grande beauté. Prenantune grande liberté avec ses modèles iconographiques et à l’image de nombres d’ar-tistes de Deruta, dans ses plats il retire les figures de leur contexte premier, et les « colle »de manière assez bidimensionnelle sur un paysage Ombrien aux couleurs froides tout àfait typique. Ses sources iconographiques, outre les gravures déjà évoquées, incluentles soi-disant « Tarots de Mantegna », de la fin du xve siècle. Chefs-d’œuvre de l’art del’estampe, ces cartes sont l’un des premiers grands exemples de gravure. Elles furentcréées vers 1460, peut-être à Ferrare, par un artiste anonyme de l’école de Francesco delCossa. Quant au projet iconographique du jeu, il doit certainement être attribué à un

Plat d’apparat.Deruta, deuxièmemoitié du xvie siècle[det. cat. no. 42]

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grand lettré de l’époque. Il est sans doute lié au cercle de l’humaniste Guarino Guarini,qui travailla longtemps pour Lionello d’Este, Seigneur de Ferrare, imaginant des cyclespicturaux semblables en certains aspects aux « Tarot de Mantegna ». Ces cartes appa-raissent en fait comme une synthèse de l’encyclopédisme médiéval. De manière concise,il s’agit d’un microcosme contenant cinq « classes » de figures, correspondant à la réalitésociale de la fin du Moyen-âge, à ses dimensions intellectuelles et ses mondes spirituels.On y découvre tour à tour: Le groupe des Conditions humaines, le groupe d’Apollon etles Muses, les Arts et Sciences, le groupe des Génies et Vertus et enfin, le groupe desPlanètes et Sphères célestes. Outre cette manne iconographique pour les peintre en majo-lique, on citera également comme autre source l’influence de la peinture ombrienne(Pérugin, Pinturrichio), mais aussi celle de Raphaël, d’un classicisme plus ancré dans lexvie siècle, et enfin celle des sculptures antiques, familiarisées par les gravures de Marc-Antoine Raimondi.

Le xviie siècle devait être encore pour Deruta une période prospérité avec une produc-tion évoluant à partir des caractéristiques du xvie siècle, mais conservant une grandeséduction de décor. En revanche, encore en activité au xviiie siècle, les ateliers de Derutaimitaient désormais plutôt les faïences françaises.

Belle ville riche de monuments qui témoignent de son glorieux passé, Gubbioest une des plus anciennes cités de l’Ombrie. Au xi e siècle, elle devint unecommune indépendante, puis intégra le duché d’Urbino au xive siècle. Cette

période marqua la période l’apogée de la ville. Depuis les époques les plus reculées,Gubbio fut un centre céramique connu. On a d’ailleurs retrouvé des restes de fours antiquespour la production de briques et de vaisselle dans les alentours. Il est évident que la qualitédes argiles locales était particulièrement excellente. On recense dès le xiiie siècle lespremiers documents écrits sur l’art ancestral de la céramique. On y découvre que lespotiers de Gubbio produisaient des objets de qualité qui étaient commercialisés, nonseulement sur place, mais encore dans les villes de l’Ombrie et des Marches. La premièreproduction céramique qui nous intéresse remonte sans doute à cette époque. Elle estconforme à la typologie archaïque du bas Moyen Âge, à savoir verte et brune, comme ona pu la découvrir dans d’autres centres à la même époque. Les oxydes colorants étaienten fait surtout le manganèse et le cuivre qui donnaient une coloration marron ou verte.Au xve siècle, en revanche, les fouilles ont révélé des pièces de haute qualité représen-tatives du gothique tardif et proches de celles de Faenza, de Pesaro et de Deruta. Dansl’attente de nouvelles découvertes archéologiques, comme celle de Deruta, la produc-tion historiée précoce de Gubbio n’a pas encore dévoilé tous ses secrets. Là commeailleurs, il faut prendre en compte la complexité des influences entre les ateliers, duenotamment à l’itinérance des peintres. A vrai dire, la production de Gubbio sort de l’ano-nymat seulement avec l’arrivée de Giorgio Andreoli.

Giorgio Andreoli, appelé « Mastro Giorgio », né entre 1465 et 1470 à Intra sur le lacMajeur et décédé à Gubbio en 1555, est considéré comme un des artistes les plus impor-tants de la majolique italienne. Il exerça sa longue activité de potier uniquement à Gubbiooù il s’était installé avec ses frères en 1490, après avoir habité Pavie. En 1492, Giorgio etson frère Salimbene s’unissent à un céramiste de Borgo San Sepolcro, Francesco diGiovanni. Entre 1495 et 1501, les deux frères s’associent au maître Giacomo di Paoluc-cio de Gubbio, pour la production d’objets à lustre métallique. En 1497, l’abondance de

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travail fut telle que pour s’agrandir, Giorgio et ses frères acquirent terrains, maisons etfonds de commerce dans le quartier de St Andrea. C’est de là que pourrait dériver, d’aprèsl’historien Giuseppe Mazzatinti, le nom de famille Andreoli, qui n’apparaît dans aucunregistre avant 1523. L’année suivante, en 1498, Mastro Giorgio demanda et obtint pourlui et ses frères Salimbene et Giovanni, le droit d’être citoyens de Gubbio pour 20 ans. Leprivilège leur fut renouvelé à vie en 1519 par le Pape Léon X « en vertu de l’art de la faïencedans lequel il excelle sans pareil et pour le prestige apporté aux habitants, au Seigneuret à la ville de Gubbio ou la vente des vases issus de son atelier a apporté profit et droitsde douane ». La première phase de l’activité artistique de Mastro Giorgio nous est incon-nue, et l’œuvre la plus ancienne connue à ce jour, est un plat daté de 1515, décoré avecun lustrage rouge rubis et conservé au Victoria and Albert Muséum de Londres. D’au-tres pièces reconnues sont datées de 1518. Plus ou moins après la mort de Giacomo diPaoluccio survenue avant 1519, Giorgio, travaillant encore au nom des frères, commenceà utiliser pour sigle ses propres initiales. En 1525, Giorgio s’associe à Giovanni Luca, pein-tre de Casteldurante, afin que celui-ci peigne les majoliques sur lesquels il appliqueraitensuite le « lustre ». En effet, la renommée de Mastro Giorgio, dépassant les limites dela ville, s’identifie avant tout à l’usage d’un lustre métallique rouge rubis, spécialité del’atelier. Par le biais de ce lustre métallique rubis, Giorgio rend ainsi les majoliques plusraffinées, faisant alterner cette couleur avec des zones plus larges rehaussées d’un lustremétallique jaune évoquant le vieil or. On ignore à ce jour si, comme on le pensait jadisde manière unanime, Mastro Giorgio a apporté la technique du lustre métallique de Pavie,ou s’il l’a découverte à Gubbio de céramistes venus de Deruta. Quoi qu’il en soit, toutcomme dans la ville voisine de Deruta, le lustre devait certainement être connu à Gubbiodepuis la fin du xve siècle. Sa grande habileté technique l’enrichit très vite et il devientl’un des habitants les plus respectés de Gubbio. En 1536, Giorgio se sépare des héritiersde ses frères (Salimbene est décédé avant 1523, Giovanni vers 1535) et à partir de cettedate, l’activité est reprise par ses fils Vincenzo (Cencio) et Ubaldo, même s’il ne cesse letravail qu’aux alentours de 1541. En 1547, les deux frères s’associent pour exercer l’artdans l’atelier paternel. Cencio s’occupe de la fabrication de tous les types de vases, etUbaldo, les peint et les fait peindre, notamment avec le beau rouge rubis de Mastro Gior-gio. C’est pourquoi, on trouve souvent sur la même œuvre autant la signature de l’artistequi peignait, que celle du maître qui apposait sur l’œuvre la couche de lustre. Cependant,on ne peut rigoureusement affirmer que Giorgio a inventé de nouvelles compositionsdécoratives. Les majoliques sorties de son atelier appartiennent presque toutes aux typo-logies en usage dans le duché d’Urbino, et bien sûr au premier chef à Gubbio notam-ment. Giorgio eut en outre pour habitude d’embaucher des décorateurs venus d’ailleurs,et qui travaillaient selon leurs traditions. Dans un premier temps, son atelier suit lesdessins rayonnants en usage à Deruta; puis vers 1525 les schémas ornementaux de Faenzaet les grotesques de Casteldurante, enfin vers 1530 les décors d’Urbino. Mais ces décorsse distinguent avant tout par la légèreté et la finesse de leur pâte, et par la perfection etl’éclat de leur lustre métallique. Après 1530 prévalent les coupes avec des ornements enrelief caractéristiques. Maître Giorgio meurt en 1555 et ses fils continuent quelque tempsson œuvre, mais la belle époque des faïences lustrées reste malgré tout la première moitiédu xvie siècle. Le testament de Vincenzo porte la date de 1573, époque à laquelle la modedu lustre métallique disparaît lentement. Par la suite, les potiers de Gubbio, comme deuxde Deruta, se contentèrent de copier des gravures.

Plat d’apparat.Gubbio ?, premièremoitié ou premier

quart du xvie siècle[det. cat. no. 43]

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La notoriété de Mastro Giorgio ne s’altéra cependant pas avec le temps, si bien qu’en1911, un collectionneur anglais paya plus de 2500 livres sterling pour un plat daté et signéde 1522.

Urbino, Casteldurante, Pesaro et d’autres villes des Marches produisirent du-rant le xvie siècle quelques-unes des plus belles majoliques de la Renaissance,se distinguant de Faenza et d’autres centres de productions italiens par

un décor caractéristique et par la finesse des istoriati. Après avoir vu passer lesRomains, les Grecs (à qui revient la fondation d’Ancône), les tribus gauloisesdes Sénons, les Sarrazins puis les Goths, la région des Marches, sans unitéhistorique réelle, fut au Moyen Âge, le théâtre des affrontements desmaisons seigneuriales: les Malatesta de Rimini et les Montefeltro d’Ur-bino, qui créèrent un duché resté longtemps la plus forte entité politiquede la région, tandis qu’au xii e siècle se constituèrent de nombreusescommunes libres. Plusieurs cités et seigneuries s’y affirment: Celle desSforza à Pesaro (1445-1500 puis 1503-1512) avec une interruption due à labrève domination de César Borgia.

La région constituée d’états aux orientations politiques divergentes, subit parailleurs les luttes intestines entre les Gibelins et les Guelfes. A noter que les Marchesfirent partie des Etats pontificaux à partir de 1532, ce qui avait déjà été théoriquement lecas jusqu’à la fin de la domination franque. Lorsque le pape Eugène IV confère en 1443 auxMontefeltro le titre de ducs d’Urbino, ceux-ci régnaient de facto sur la ville et ses environsdepuis la fin du xiie siècle. On citera, outre la capitale, les villes de Casteldurante, Gubbio,Cagli, ainsi que d’autres localités plus petites. Commence alors une période faste, avec l’ar-rivéeaupouvoiraumilieudusiècledeFedericoIIdaMontefeltro,quientrepritunecampagnede reconstruction de la ville. Les remparts furent reconstruits selon les dessins de Léonardde Vinci. Le nouveau palais ducal (tout comme le palais ducal de Gubbio) fut l’œuvre deLucianoLauranaetdeFrancescodiGiorgioMartini.Lepalaisdevintlenoyaudutissuurbainet sa conception fut le modèle des nouveaux édifices de style Renaissance érigés par lesfamilles nobles de la cour ducale. Cette dernière accueillit alors les plus brillants artistes etérudits de l’époque, dont Piero della Francesca. À Frédéric succéda son fils Guidobaldo,dernier des Montefeltro. A la mort de Guidobaldo en 1508, Urbino passa aux mains de lafamille Della Rovere qui entre temps avait annexé Pesaro. Mais c’était sans compter sur lepape Léon X Medici qui contraignit Francesco Maria Della Rovere à quitter son trône pourlaisser sa place au neveu du Pape, Lorenzino. La mort de Léon X en 1521 permit à FrancescoMaria de rentrer en possession de ses domaines pour y gouverner sereinement. Son succes-seur, Guidobaldo II, fit de Pesaro sa résidence favorite mais, sans héritier, il laissa son duchéà l’Église à sa mort en 1631. Quatre grands centres ont joué dans l’orbite d’Urbino un rôlecapital dans le domaine de la majolique: Pesaro, Casteldurante, Urbino et enfin Gubbio,déjà en Ombrie et qu’à ce titre nous avons étudié avant les marches.

La production de Pesaro, dont la notoriété dans le domaine de la majolique est rela-tivement récente, fut réévalué depuis les années 1980 par le biais des découvertesarchéologiques; en l’occurrence celles d’une production des xiiie et xive siècles,

l’une des plus raffinées de l’Italie centrale et jusqu’alors ignorée car assimilée à celle deFaenza. Cette production Imprégnée des modèles décoratifs du gothique tardif et stimu-

Coupe. Gubbio,atelier de MaîtreGiorgio Andreoli,vers 1530-1550[det. cat. no. 46]

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lée par la présence de la cour des Sforza, semble particulièrement en pointe à la fin duxve siècle et produit des pièces de grande qualité. On y trouve quantité de belle vais-selle décorée de motifs aussi élégants que variés, tels que l’œil de plume de paon, la feuillegothique recoquillée, ou des carreaux de pavement.

Les potiers de Pesaro, réputés et aptes à répondre aux désirs de commanditaires issusdes élites, reçoivent à cette époque plusieurs commandes majeures: Citons aux alen-tours de 1460-1470 le magnifique pavement du couvent San Paolo de Parme, puis leservice de table destiné au roi de Hongrie Matthias Corvin et à sa femme Béatrice d’Ara-gon, peut-être à l’occasion de leur mariage en 1476. A ce stade, il convient d’évoquerl’amitié des Sforza, suzerains de Pesaro, et des Aragon de Naples. En effet, AlexandreSforza combattit victorieusement en 1460 les angevins aux cotés de Ferdinand d’Ara-gon, et celui-ci concéda à son fils Costanzo le privilège d’ajouter le nom d’Aragon au sien.C’est ce même Costanzo, qui épousa en 1483 la propre nièce de Ferdinand, Camilla, filledu duc de Sessa. Ces rapports entre les cours de Naples et de Pesaro durent stimulerdes influences réciproques dans le domaine de la majolique, ce qui peut expliquer l’ana-logie troublante, tant en matière de formes que de décors entre les albarelli de Pesaro etceux de Naples à la fin du xve siècle.

Citons enfin l’ensemble de carreaux de pavement ornés d’armoiries et de devisesdestiné au marquis François II Gonzague et à son épouse Isabelle d’Este, fille du duc deFerrare, pour le studiolo de Mantoue. Commandé à la fin du siècle à l’atelier des Fedeli,ce pavement illustrant des exploits familiaux est aujourd’hui malheureusement dispersé.

La période confuse du début du xvie siècle tout comme l’invasion des Borgia paraitavoir ralenti pour un temps la production majolique de Pesaro. Il est en effet délicat d’iden-tifier clairement les œuvres du premier tiers du siècle. Pesaro perd son rôle prépondé-rant au début du xvie siècle au profit de Casteldurante et d’Urbino. Ces derniers ont uneproduction précoce malheureusement mal connue et difficile à distinguer même si elleest attestée très tôt dans les archives. En revanche, la production prospère sous le règnede Guidobaldo II, duc d’Urbino de 1538 à 1574. Grand amateur de majoliques, le ducaimait à séjourner là avec sa cour.

Les premiers istoriati marqués datent de la fin de la première moitié du siècle et leurstyle est très proche de celui d’Urbino. Sur un plan iconographique, plusieurs grands plats

attribués à Pesaro, dont l’un porte la date fort précoce de 1498,illustrent la fortune artistique remarquable de l’« Ovidio Meta-morphoseos vulgare », dans la traduction écrite au xive siècle parGiovanni de’ Bonsignori, et popularisée par l’édition illustréepubliée en 1497 à Venise. Le principal atelier de Pesaro à cetteépoque est celui de la famille Lanfranco dalle Gabicce (En l’oc-currence Girolamo, qui travaillait avec son fils Giacomo) qui pourembellir certaines pièces avait certainement recours au lustremétallique. Girolamo nous est connu comme actif dès 1526. Onsait qu’en 1539 il est propriétaire d’un atelier où il exécute un platconservé au British Muséum et daté de 1544. Il meurt onze ansavant son fils, en 1578.

Si des recherches récentes ont permis de définir la productionde plusieurs autres peintres d’istoriati à Pesaro, ils restent néan-moins anonymes et ils ont dû recevoir des appellations de conven-

Coupe. Pesaro Nicolòda Fano (Peintre de laplanète Vénus), 1543

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tion telles que: « Peintre de Zénobie », « Peintre de Sforza », « Peintre de la PlanèteVénus », « Peintre d’Argus » etc.

Dans la seconde moitié du siècle, cette seconde grande période de Pesaro dans ledomaine de la majolique semble s’être lentement étiolée, en attendant des jours meil-leurs qui ne devaient arriver qu’au xviiie siècle.

L’actuelle Urbania, près d’Urbino, s’appelait à l’origine Castel delle Ripe mais,commune guelfe, elle fut détruite en 1277 par les gibelins d’Urbino. La nou-velle ville fut reconstruite grâce au gouverneur de la Romagne dont en son

honneur elle prit le nom: Casteldurante. Par la suite la cité tomba sous la dominationd’Urbino. C’est le pape Urbain VIII Barberini qui devait à partir de 1636 la rebaptiser ànouveau Urbania. Aucune étude approfondie n’existe malheureusement à ce jour surCasteldurante, et les attributions demeurent assez aléatoires, basées avant tout sur desanalogies stylistiques que ne viennent étayer aucunes fouilles approfondies. La consé-quence en est qu’on attribue un peu trop généreusement à Casteldurante des majoliquesproduites très certainement ailleurs, et notamment Urbino et à Pesaro, puisque des ty-pologies jadis couramment considérées comme caractéristiques de Casteldurante ontété découvertes dans les fouilles effectuées à Pesaro. Il n’est qu’à prendre pour exempleles coupes ornées de « Belle donne », genre apparu vers 1520, et ayant persisté au-delàde 1550. Ces dames (et de façon plus rare d’hommes ou de couples) sont peintes à mibuste, de face ou de profil. Elles sont entourées de banderoles portant le nom de la jeunefemme accompagné du mot Bella. Exécutées généralement sur des coupes à pied bas,elles devaient être des gages d’amour, commandés par les jeunes gens de la noblesse.Ces représentations n’étaient que rarement des portraits à proprement parler, les arti-sans disposant de modèles à partir desquels ils changeaient simplement le nom et quelquesornements.

On a longtemps considéré ces portraits en buste de femmes comme une spécialitédes artistes de Casteldurante, alors qu’ils devaient probablement être produits dans toutle duché y compris à Gubbio, par Giorgio Andreoli, dont nous avons eu l’occasion deparler. Il employait des peintres venus d’Urbino et de Casteldurante, avant d’enrichirleurs œuvres de lustre métallique. Seuls quelques tessons de fouilles attestent réellementla présence de « Belle » à Casteldurante mais sans plus. En fait, c’est l’appartenanceerronée de Nicola da Urbino à Casteldurante qui avait fait attribuer nombre de « Belle »à cette ville, car on les croyait peintes par lui. La conséquence en est qu’il faut toujoursprendre en considération les autres centres, et notamment Urbino et Pesaro, puisque destypologies jadis couramment considérées comme caractéristiques de Casteldurante ontété découvertes lors de fouilles effectuées dans ces dernières villes. Autre exemple del’attribution jadis un peu trop généreuse à Casteldurante de majoliques (produites certai-nement ailleurs), on découvre sur des tessons de fouilles trouvés aussi bien à Pesaro qu’àCasteldurante des putti similaires, laissant imaginer que ce décor se rencontrait iden-tique dans différents centres de la région.

Quoi qu’il en soit, il y avait à l’époque dans la ville plus de 40 fours pour satisfaire lescommandes de bien des cours d’Europe, et on a recensé pour alors plus de 150 spécia-listes modeleurs et décorateurs tels que, Simone da Colonello, les Dolci, les Fontana etc.Dès 1510-1520, les peintres de Casteldurante rivalisaient avec ceux de Faenza dans l’exé-cution de somptueux services destinés aux princes.

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Cet essor de très haut niveau du point de vue de la qualité était nourri par la leçon deRaphaël et stimulé par les peintres, les poètes et les humanistes de la cour ducale. Castel-durante est aussi célèbre dans l’histoire de la majolique pour avoir été la ville natale del’unique théoricien de la faïence italienne de la Renaissance, auteur du Traité des « Troislivres de l’art du potier » écrit vers 1548: Cipriano Piccolpasso, dans ce traité dont nousavons déjà eu l’occasion de parler et actuellement conservé au Victoria and Albert museumde Londres, énonce les secrets et les règles de la fabrication de la faïence. Dans l’éditionde 1568 de la « Vie de Battista Franco », Vasari rapporte que le duc d’Urbino GuidobaldoII, insatisfait des ouvrages qu’il avait demandé à Battista Franco pour la cathédrale d’Ur-

bino, lui proposa de se « racheter » en donnant aux ateliers de majoliques deCasteldurante une série de dessins. Mais citons Vasari lui-même: « Effecti-

vement, Battista n’avait pas son pareil pour faire un bon dessin et, dansce domaine, était un artiste de grande valeur. Le duc s’en rendit compte

et pensa que ces dessins donneraient d’excellents résultats s’ils étaientutilisés par les artisans qui fabriquaient de merveilleux vases de terreà Castel Durante et qui s’étaient déjà servi de gravures de Raphaëlet d’autres bons artistes; il en fit faire à Battista une quantité; peintssur cette excellente terre, la meilleure d’Italie, ils donnèrent demerveilleux résultats. On fabriqua tant de ces vases, et de tant de

sortes, qu’ils auraient pu suffire à orner la crédence l’un roi; les pein-tures qui les décoraient n’auraient pas été plus belles peintes à l’huile

par de très bons maîtres ». Ce texte précieux a permis d’attribuer àBattista Franco un certain nombre de dessins réalisés spécialement pour

la majolique. Guidobaldo offrira d’ailleurs à de grands personnages desservices exécutés à partir de ces dessins. Vasari relate également que le duc avait

envoyé une « double crédence à l’empereur Charles Quint, et une à son beau-frère, lecardinal Farnèse ».

A la même époque, plusieurs maîtres potiers quittent Casteldurante pour aller diffu-ser leur art en Italie (rappelons également qu’à Venise le décor istoriato fut importé notam-ment par les artisans de Casteldurante et d’Urbino) et en Europe du Nord. Vers 1510notamment, le potier Guido Andries dit « Guido di Savino », s’était installé à Anvers oùil forma des disciples, qui gagnèrent les Pays-Bas du Nord et du Sud et l’Angleterre.Malheureusement, on ne conserve que de rares exemples qui puissent être rendus aveccertitude à Casteldurante; dont une coupe de la collection Lehman du MetropolitanMuseum of Art de New York, datée de 1508, portant l’inscription « Casteldurat » [sic]et signée de Zoan Maria. On considère parfois que ce Zoan Maria en est l’auteur, maispeut être l’a-t-il seulement signée en tant que propriétaire de l’atelier, preuve à nouveaude la fragilité des connaissances actuelles sur le centre de production de Casteldurante.De manière tout aussi aléatoire, on suppose qu’il pourrait ne faire qu’un avec Giovan-maria di Mariano, connu plus tard sous le nom de Viviani auquel on attribue au moinsdeux coupes.

Autre exemple de productions propres à être rendues sans trop de doute à Casteldu-rante: deux vases de pharmacie à grotesques (l’un daté de 1519) attribués à Sebastianodi Marforio et conservés à Londres. Très proche chromatiquement et stylistiquement,de Sebastiano di Marforio et actif autour de 1524 à 1526, on citera celui qu’on appellegénéralement le « Peintre de Casteldurante » dans la mesure où son nom ne nous est

Plat. Casteldurante(Urbania) ouUrbino, 1572

[det. cat. no. 60]

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pas parvenu. Ce remarquable peintre d’istoriati tirait ses modèles de gravures, essen-tiellement de Raphaël, via Marc-Antoine Raimondi, le plus habile des graveurs à repro-duire les dessins du maître. Si le « Peintre de Casteldurante » transpose ces modèlesavec une certaine raideur, rappelons que le potier, lorsqu’il utilise des gravures, en tiredes poncifs, dessins dont les contours sont perforés et que l’on pose sur l’émail encorecru. Lorsque la poudre de carbone est appliquée au tampon, elle laisse sur cetémail, au niveau des trous, une trace qui guidera le pinceau. Détail précieux,le « Peintre de Casteldurante » est le seul à inscrire en jaune au reversde ses majoliques la date et le lieu d’exécution.

Au-delà de ces exemples, de manière plus générale, l’istoriatoa dû connaitre une grande popularité à Casteldurante. Désor-mais, contrairement à ce qui prévalait jadis, les spécialistes s’ac-cordent à penser que l’istoriato est en fait apparu au mêmemoment en plusieurs lieux d’Italie centrale; mais son dévelop-pement s’est par la suite concentré dans quelques centres bienprécis, dont bien sur Urbino mais aussi Casteldurante. Rappe-lons d’ailleurs que le terme istoriato fut inventé par le durantinPicolpasso dans son traité déjà cité, et a peut-être été choisi parréférence aux discussions de Léon Battista Alberti sur la peintured’histoire. Ces objets raffinés ne faisaient certainement pas partie dela production quotidienne des ateliers de poterie, et les peintres les plusdoués devaient travailler « à la pièce », se déplaçant d’un atelier à l’autre.Cette prolifération sur la majolique, au tournant du xvie siècle, de la figure humaineet de sujets proprement narratifs, liés à des sources littéraires et des modèles graphiquesqui les ont inspirés (la diffusion massive du livre et de l’image imprimée et le dévelop-pement de l’istoriato sont en parfaite simultanéité), suscite de grandes interrogations surla place que tint la majolique au sein de la culture humaniste en Italie. Le rôle joué aprèsle premier quart du xvie siècle par Casteldurante dans la production et la diffusion del’istoriato dans la région dut être considérable, et dut au premier chef influencer Urbino.Nombre d’artistes ont dû apprendre à Casteldurante l’art de peindre les istoriati. De cetteville étaient en fait originaires le plus célèbre des chefs d’ateliers d’Urbino: Guido Fontanamais aussi le peintre Francesco Durantino et Sforza di Marcantonio de Julianis qui, bienqu’il ait travaillait à Urbino et à Pesaro venait lui aussi de Casteldurante.

Mais si l’on veut rétablir l’équilibre, force est d’avouer que la réputation de Casteldu-rante dans l’istoriato repose hélas aussi partiellement sur une terrible erreur, à savoir l’as-similation du célèbre Nicola da Urbino, peut être le meilleur des maîtres de l’istoriatoau père de Guido Durantino-Fontana: Nicole Pellipario. Une telle assimilation révéle-rait en fait des incohérences dans les déplacements de Pellipario et, désormais, les cher-cheurs ont démontré cette erreur d’identification. En fait, le père de Guido, NicoloPellipario, était sans doute marchand de fourrures et n’avait rien à voir avec Nicola daUrbino. Force est donc de retirer à la gloire de Casteldurante ce grand artiste...

Néanmoins, même si Nicola da Urbino doit être retiré du panthéon des artistes deCasteldurante, il faut reconnaître qu’aux alentours de 1450, la production durantine,connaît un développement extraordinaire, avec une production destinée en grande partieà l’exportation. Parmi nombre de modeleurs et de décorateurs exceptionnels, on citeraSimone da Colonello et Ludovico Picchi, mais aussi le peintre d’istoriati qu’on appelle

Coupe. Casteldurante,vers 1510-1520[det. cat. no. 61]

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par convention, en raison du nom inscrit au revers d’une coupe conservée à Arezzo,« Andréa da Negroponte », même s’il pourrait s’agir seulement du nom du commandi-taire. Les œuvres attribuées à Andréa da Negroponte sont nombreuses et datables de1550 à 1565. Des similitudes stylistiques avec la crespina, coupe signée Andrea da Negro-ponte conservée à Arezzo, et un plat aujourd’hui au Victoria and Albert Museum montrentune technique rapide et puissante, un goût pour la disposition horizontale par le traite-ment du ciel et de l’eau en lignes parallèles, pour des rochers accumulés encadrant souventla scène, et pour un positionnement des personnages en frise. La comparaison du reversdes coupes est également significative, avec une calligraphie identique, et des filets carac-téristiques entourant les godrons. Quoi qu’il en soit, le dit « Andréa da Negroponte » estle seul artiste majeur dont la présence au milieu du xve siècle à Casteldurante soit indu-bitable.

Cette production de Casteldurante, destinée comme nous l’avons souligné en grandepartie à l’exportation, se composait d’albarelli et de vases variés à usage pharmaceutique,très colorés, historiés ou enrichis de décors de grotesques inscrits dans des compartimentsa quartieri. Notons que le répertoire décoratif classique à Casteldurante est composé detrophées peints en brun sur fond azur incluant des accessoires martiaux et des blasons. Cesdécors sont dans un premier temps très minutieux, puis à partir de 1450 deviennent plusrapidement brossés. Ces trophées courant sur l’aile des assiettes sont animés par des rubansondulants, tandis que le centre de l’assiette est fréquemment décoré de putti.

Les ateliers de Castel-Durante restèrent en activité jusqu’à assez tard, mais à partirdu milieu du xvie siècle, leurs œuvres ne se distinguent plus guère de celles d’Urbino.En définitive, au regard de ce que nous venons d’évoquer, il apparaît donc difficileaujourd’hui de définir avec certitude les « contours » de la production céramique deCasteldurante, les recherches ne permettent pas en effet de tirer des conclusions suffi-samment claires.

Nous avons vu qu’annexé en 1513 au duché d’Urbino, Pesaro avait perdu son rôleprépondérant au début du xvie siècle au profit de Casteldurante et d’Urbino.D’ailleurs, en ce qui concerne cette dernière, les premiers ateliers de potiers

n’apparaissent qu’aux environs de 1500, fondés en majeure partie par les artisans venusde Faenza ou de Casteldurante. La commande passée en mai 1501 au potier FrancescoGarducci d’un ensemble de 91 pièces pour le cardinal Ludovico Podocatario et la célè-bre coupe aux armes du pape Jules II Della Rovere datée 1508 (Metropolitan Museum ofArt, New York) témoignent du succès précoce des potiers d’Urbino au service des grands.C’est à partir des années 1520 (grâce sans doute au retour de Francesco Maria DellaRovere et à la présence dans la ville d’une cour érudite) que leur production prend sonessor et connaît un succès considérable. A ce moment, l’industrie croît si rapidement quedès le milieu du xvie siècle, l’influence d’Urbino s’imposait à toute l’Italie. Pratiquanttous les genres, les ateliers les plus prestigieux se spécialisent dans l’istoriato, qui devaitfaire la gloire d’Urbino. Tentant de rivaliser avec la peinture contemporaine et subor-donnant souvent la forme au décor, les artistes utilisent alors une riche palette où prévautle jaune-orangé. En remplaçant les compositions originales par la copie des gravuresles plus diffusées, en particulier celles de Raimondi et de l’école de Raphaël, mais aussiles illustrations de tous les ouvrages à leur portée, le style s’unifie, faisant de la céramiqueun reflet transposé de l’art des grands maîtres de l’époque.

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Les grandes familles commandent alors d’amples services de majoliques, mais davan-tage pour la contemplation que pour l’usage. La passion que portait aux arts la marquisede Mantoue, Isabelle d’Este, la « prima donna del mondo », et en tout cas la plus célè-bre des femmes mécènes de la Renaissance italienne, ne pouvait négliger la majolique.Cependant on ignore la genèse de la credenza dont sa fille Eléonore, duchesse d’Urbino,lui annonce l’envoi dans une lettre datée du 15 novembre 1524. La présence des armes,devise et emblèmes d’Isabelle unifie les pièces très différentes et à la thématique variée,constituant l’exceptionnel service d’apparat, service qui comptait certainement davan-tage de pièces que les vingt-trois assiettes et plats parvenus jusqu’à nous. De ce service,dont la diversité du programme témoigne de la culture des commanditaires de la Renais-sance, certains pensent qu’il était en totalité l’œuvre de Nicola da Urbino...

A San Paolo, le grand quartier des ateliers de céramique au sud du palais ducal d’Ur-bino, certains des maîtres parmi les plus fameux étaient natifs de Casteldurante (C’estle cas du « Durantino », de son vrai nom Guido di Nicolo Schippe). En revanche, nombred’autres étaient bien d’Urbino. On citera notamment Guido di Merlino, mentionné en1523 en tant que patron d’un atelier dans une liste de potiers devant exécuter pour leduc d’Urbino des carreaux de céramique.

Nicola di Gabriele Sbraghe est également originaire d’Urbino, et sa première mentiondansdes documents datede 1520, alors qu’il est déjà maître et patrond’unimportant atelier.On l’a longtemps confondu avec Nicola Pellipario Schippe, de Casteldurante, le père deGuido, mais cette erreur a été corrigée par les chercheurs en 1985. Par la suite, il apparaîtdans d’autres documents comme jouissant visiblement d’une certaine célébrité, justifiéepar la qualité exceptionnelle de sa peinture. L’œuvre de peintre de Nicola est en fait iden-tifiable grâce à cinq pièces marquées sur le revers, de son nom en toutes lettres ou sous laforme d’un monogramme: une coupe à l’Ermitage (premier repère sûr daté de 1521), unfragment de plat au Louvre, un grand plat au Bargello (qu’il exécute et signe en 1528 dansl’atelier de Guido Durantino), un grand plat dans l’église Santo Stefano à Novellara, dontl’inscription démontre que Nicola n’était pas seulement propriétaire d’un atelier de pote-rie mais également peintre, et enfin une assiette au British Muséum. C’est sur la base de cespièces que le développement et la cohérence stylistique de l’œuvre de Nicola sont fondés.

Peintre raffiné, Nicola s’inspire dans des couleurs pastel de gravures qu’il réinter-prète avec lyrisme mais d’une manière classicisante prouvant qu’il avait correctementassimilé l’art de Raphaël. Il montre une grande maitrise du dessin et excelle dans laperspective de ses paysages arcadiens remarquablement profonds et habités de person-nages aux gestes fluides. A Nicola revint en fait le mérite de fonder la notoriété dustyle classique de l’istoriato d’Urbino. Comme nous l’avons évoqué un peu plus haut,on attribue à Nicola de grands services dont aucun n’est hélas daté ou signé. C’est le casdu magnifique service aux tons azurés du musée Correr de Venise (Le plus grand servicede table de majolique du xvie siècle à être resté réuni: non moins dix-sept assiettes etcoupes), peint selon les spécialistes vers 1520-1523. En 1524, Nicola se voit confier unecommande prestigieuse: La credenza que la duchesse Eléonore veut offrir à sa mère,Isabelle d’Este. Vient ensuite, parmi d’autres commandes, le service aux armes desCalini de Brescia. Vers 1533, Nicola da Urbino est encore suffisamment apprécié pourrecevoir une commande du fils d’Isabelle d’Este, le duc Federico de Mantoue. Ce serviceporte le blason d’alliance de Federico et de Marguerite Paléologue mais, dans ce travailempreint de moins de lyrisme, Nicola da Urbino s’est sans doute fait aider en grande

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partie par des assistants Après la mort de Nicola au cours de l’hiver 1537-1538, sa veuveGirolama loue l’atelier et le matériel de son mari à Vincenzo Andreoli, fils de MaestroGiorgio de Gubbio.

Dans le domaine de la majolique, un autre artiste majeur habitait Urbino à cetteépoque. Il s’agit de Guido Durantino, autrement dit « Guido de Castel Durante », maison le trouve en 1553 portant le nom de Fontana. Ayant épousé une fille d’Urbino, il estétabli dans la ville comme potier dès 1519. Fils d’un peaussier, c’est peu après la mort deson père, aux alentours de 1515, que Guido s’était probablement établi à Urbino, où sononcle Simone avait un négoce de peaux. Guido devait effectuer toute sa carrière danscette ville, carrière qui se révéla fort longue puisqu’il mourut en 1576. Guido avait trois

fils, Nicolò Fontana (mort en 1565), Camillo Fontana (mort en 1589), et en fin Orazio,mais ce dernier est le seul de l’atelier paternel, entre 1541 et 1544, à parfois signer ses isto-riati d’un monogramme enfermé dans un rond. Ainsi secondé, Guido Durantino est unefigure centrale de l’histoire de la majolique d’Urbino. Cependant il pourrait ne pas avoirété peintre, car, contrairement à Nicola da Urbino, il n’a pas été possible d’établir si Guidoétait autre chose que fabricant de vases. En effet, le propriétaire d’un atelier pouvaitêtre lui-même peintre en majolique, où il pouvait également confier l’œuvre à peindreà des employés. Mais on sait en revanche que Guido a bien été chef d’entreprise et dirigéun atelier qui produisit dès les années 1520 et durant la première moitié du-siècle desistoriati de très haute qualité. L’atelier était alors un des plus recherchés dans sa spécia-lité, exécutant de beaux services pour l’exportation et notamment pour la France, desti-nés à des personnages aussi prestigieux que le cardinal Duprat, Chancelier de France,et Légat du Pape, ou le connétable Anne de Montmorency.

Le propriétaire d’un atelier pouvait confier des œuvres à décorer à des peintres exté-rieurs, appelés ponctuellement à effectuer des tâches particulières, et il est évident queGuido devait embaucher du personnel suivant les fluctuations des commandes. Malheu-reusement, il est impossible d’identifier les artistes ayant œuvré pour lui, même si lesœuvres portent au revers le nom de l’atelier. Un de ses décorateur particulièrement douéavait adopté avec intelligence la manière de rendre paysages et architectures de Nicolada Urbino. Rappelons que Guido était voisin de ce dernier et parfois en affaires avec lui.Devenu un homme d’affaires prospère, Guido Durantino était en 1530 signataire d’un

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Plat. Urbino, atelier deNicola de Urbino

(Francesco XantoAvelli?), vers 1530[det. cat. no. 64]

Coup. Urbino, Peintrede l’Epsilon-phi

(Francesco XantoAvelli da Rovigo),

vers 1528-1530[det. cat. no. 66]

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accord entre les propriétaires d’atelier importants pour s’opposer aux réclamations sala-riales d’un groupe d’artisans. D’autre part, dans les années 1540, il était devenu prieurd’une confrérie de la ville.

• • •

Né à Rovigo en Vénétie à la fin des années 1480 et contemporain de Nicola da Urbino etde Guido Durantino, Xanto Avelli est l’un des plus illustres artistes de la majoliqueitalienne. De son vrai nom Santi ou Santini, il s’établit à Urbino vers 1530, année où ilcommença à écrire le nom de cette ville sur ses œuvres lustrées (« in Urbino »). Cepen-dant, durant les années précédentes, il pouvait déjà se trouver dans le duché, notam-ment à Gubbio dans l’atelier de Giorgio Andreoli, comme des indices le laissent supposerdans ses œuvres. Avant les années 1530, il n’utilisait pas encore son nom en entier, ce quia par le passé favorisé des attributions incertaines. Un conflit commercial pourrait en faitavoir incité l’artiste à signer ses assiettes avec son nom complet. Selon les documentsd’archives, Xanto décorateur indépendant et passant d’un atelier à un autre (dont parexemple celui de Francesco di Silvano) fit partie avec d’autres salariés des contestatairesqui, comme nous venons de le voir, réclamaient des salaires plus élevés. En réponse, lespropriétaires d’ateliers résistèrent aux demandes des salariés et Xanto pourrait avoirtenté de garder une plus grande maîtrise sur ses œuvres en les signant. On ignore si parla suite Xanto Avelli eut jamais son propre atelier mais, grâce à cette pratique de signer,on connaît plus d’œuvres signées, datées et inscrites de Xanto Avelli que de n’importequel autre peintre en majoliques.

Pour l’istoriato, utilisant très tôt un style et une palette très proches de ceux des artistesd’Urbino et de Casteldurante et ayant souvent recours à l’usage du lustre, il a privilégié desscènes de la littérature classique et contemporaine. Il les adaptait souvent d’une manièreoriginale pour les plier à ses compositions. Mais il a aussi dépeint des événements contem-porains, tels que le Sac de Rome ou sur une assiette peinte en 1541, un exploit de CharlesQuint. Xanto semble avoir été un homme accompli, aux talents multiples et plus érudit quela plupart de ses pairs. Outre ses majoliques, Xanto a écrit une série de sonnets à la gloiredu Duc d’Urbino, Francesco Maria Della Rovere, sous les auspices duquel sa carrière avaitpu s’affirmer. Malheureusement, il devient après 1535 impossible de suivre la carrière deXanto et de lui attribuer d’autres œuvres. Le dernier témoignage connu sur lui date de 1542.Autour d’Avelli gravita tout un groupe de peintres disciples s’inspirant des mêmes gravures,imitant sa manière et ayant eux aussi souvent recours à l’usage du lustre.

Durant la seconde moitié du xvie siècle, alors que des figures comme Xanto Avelliont disparu mais que d’autres maîtres tels que Guido Durantino travaillent encore, laproduction de majolique continue à Urbino. Les artisans réalisent encore de beauxservices en istoriato, style alors dominant. Au tournant des années quarante, c’est désor-mais l’atelier de Guido di Merlino qui parait avoir été le plus prospère, avec de nombreuxpeintres ne signant pas mais notant au revers le nom de l’atelier.

Un nom demeure cependant, celui du très doué Francesco Durantino réalisant descompositions « atmosphériques », affranchies des contraintes linéaires et influencéespar le style de Dosso Dossi à la Villa Impériale de Pesaro. A noter qu’à partir de 1565,Orazio Fontana dont nous avons déjà eu l’occasion de parler au travers de son père, semit à son compte.

Coupe. Urbino,Francesco XantoAvelli, 1541[det. cat. no. 69]

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C’est vers 1560 que, souvent associées aux istoriati, les grotesques sur fond blanccommencent à apparaitre dans la majolique d’Urbino. Outre les services à décor « a isto-riato », Urbino est également alors le centre de production de grands services ornés degrotesques sur toute leur surface. Véritable phénomène artistique, le genre décoratif desgrotesques était, comme nous l’avons vu, repris des compositions de Raphaël pour lesLoges du Vatican, compositions elles-mêmes inspirées des fresques antiques décou-vertes au xve siècle à Rome dans la « Maison dorée » de Néron. Largement diffusé dansles arts décoratifs, ce décor est utilisé dans les ateliers d’Urbino à partir du début desannées 1560, et particulièrement dans le dernier grand atelier d’Urbino, celui de la famillePatanazzi.

Actifs à Urbino entre 1570 et 1620, Les Patanazzi ont été la dernière des grandesfamilles d’artisans italiens impliquées dans la création et le développement d’ateliersde majolique au xvie siècle. Très actifs, ils ont d’abord continué le décor « a istoriato »puis ont privilégié le style « grotesque ». Les formes produites par la fabrique des Pata-nazzi sont souvent baroques, enrichies de moulures épaisses, de masques, de partiesde corps hybrides. Les Patanazzi et les Fontana étaient en fait parents et, dans la secondemoitié du xvie siècle, ils avaient à Urbino le monopole de la céramique. Ils recouraientà cette date aux mêmes sources iconographiques et aux mêmes formes élaborées et enri-chies d’applications. Ils utilisaient aussi le même type de décor à médaillons historiésornés de grotesques sur fond blanc. Les compositions, purement ornementale, sontsouvent constituées d’une combinaison de figures chimériques, d’animaux fabuleux, derinceaux et de termes harmonieusement répartis, exubérance qui ne renonce néanmoinsjamais à la symétrie de part et d’autre d’un motif central. Par une inépuisable variété dedétails et une abondance de motifs, l’artiste majolique témoigne alors d’une évidentecapacité d’invention. Les Patanazzi succédèrent d’ailleurs aux Fontana dans la commandedes vases de pharmacie du couvent de Lorette, et les pièces les plus tardives du servicedoivent leur être attribuées. C’est cependant avec les Patanazzi que s’achève au débutdu xviie siècle, la belle histoire de l’istoriato d’Urbino.

Située au pied du massif montagneux du Grand Sasso, Castelli d’Abruzzo riva-lisa au xvie siècle avec la production des meilleurs centres de majoliques italiennes.La ville fut fondée à l’époque carolingienne, dans la phase de fortification des

centres urbains qui caractérise cette époque. L’installation des moines bénédictins dansl’Abbaye de San Salvatore remonte aux alentours de l’An Mil. Castelli fut d’abord le fiefdes comtes de Pagliara puis à partir de 1340 de la famille Orsini. En 1526, par volonté del’Empereur Charles Quint, Castelli passa dans le patrimoine des marquis de Mendozaqui l’administrèrent longtemps. Quant à la production la plus ancienne de Castelli, etce au moins jusqu’au xve siècle, seule la découverte de matériel de fouilles nous renseignesur elle. Les recherches en archives, secondées par les études typo-chronologiques et parles analyses géochimiques des tessons provenant des fouilles d’ateliers et de dépotoirsde potiers permettront à l’avenir de dresser une meilleure synthèse des productions dela ville, entre le xve et le xviie siècle. On espère que les résultats des fouilles feront mieuxentrevoir l’organisation des ateliers, les structures de production et les évolutions tech-niques qui ont pu se manifester au sein de ces ateliers. Datés par les sources textuelleset les données archéométriques effectuées sur les restes de fours, les témoignages archéo-

Plat. Urbino,vers 1560-1570[det. cat. no. 73]

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logiques fourniront peut être des instantanés de production incontestables, qui remet-tront en perspective l’identification des ateliers de la ville dont l’historiographie est encorecontroversée. Par le passé, on pensait par exemple que la période faste de la majoliquede Castelli avait commencé au xvii e siècle avec les typologies « acompendiario » et « a istoriati » mais, depuis, toute une productioninsoupçonnée et de très haute valeur a été rendue à ce centre.

Les archives avaient déjà révélé la grande prospérité au xviesiècle desPompei, puissante famille locale de fabricants de majoliques, mais ce n’estque récemment qu’un type précis de céramique put être rendu à l’un deses membres: Orazio. Il s’agit d’un type de vases de pharmacie appelé« Orsini-Colonna » et que l’on attribuait par le passé à Faenza ou à laToscane. En fait, des fouilles effectuées dans les années 1980 à Castelliont été publiées et étudiées lors d’un colloque, et ont permis de prouverla parenté stylistique des tessons de fouilles avec le plafond de l’Eglise SanDonato de Castelli. Cette église fut d’ailleurs définie par Carlo Levi comme« la Chapelle Sixtine de la majolique italienne » ! Le premier plafond del’église, aujourd’hui conservé en partie au musée municipal de la ville,avait été remplacé au xviie siècle par un nouveau. Le premier plafond,daté de 1551, porte le monogramme « oro », qui fut interprété comme lasignature d’Orazio Pompéi (1516-1596), peintre dans l’atelier éponyme.D’autre part, depuis l’époque de l’historien d’art Fortnum, les spécialistesavaient donc désigné cet ensemble de pièces d’apothicairerie (toutes deforme fermée, sauf un plat et une coupe) sous l’appellation Orsini Colonnaen se basant sur un vase et sur une médaille conservés au British Museum. Sur une facede cette dernière, un décor représente l’ours des Orsini tenant dans ses pattes la colonnedes Colonna, et symbolise l’alliance des deux familles romaines rivales. Selon l’historiend’art Gaetano Ballardini, les emblèmes de ces deux familles rivales de Rome pourraientcorrespondre à une commande des Orsini sans que l’on puisse définir de façon certaine sicette production commémorait une quelconque alliance des deux familles. Néanmoins,cette alliance fut bien matérialisée en 1552 par le mariage d’un Colonna avec une Orsini.

Si l’on suit l’analyse stylistique, ces majoliques Orsini-Colonna durent être réaliséesà Castelli vers le milieu du siècle, donc bien à l’époque d’Orazio Pompei. Elles se carac-térisent par un style aux ornements d’une grande variété, basé sur des formes origi-nales (notamment des vases à anses). On note d’autre part dans ces majoliquesOrsini-Colonna de puissants décors maniéristes (Anses torsadées, becs en forme dedragon) caractérisés par une recherche du grotesque et un goût prononcé pour l’ironiedans la réalisation de ces expressions outrées. Ces décors comprennent des bustes, maisaussi des personnages en pied aux vêtements évoquant notamment ceux des portraitsde Bronzino, des animaux, des armoiries et diverses scènes mythologiques, historiquesou allégoriques. Un cartouche porte généralement dans la partie inférieure le nom de lapréparation médicinale.

Le succès remporté par la typologie Orsini-Colonna entraîna une production assezabondante dans laquelle on peut distinguer des qualités variables de décor. A base debleu, de vert et d’orangé, les couleurs sont vibrantes et l’émail est resplendissant. Mêmesi par le passé la chronologie de la typologie Orsini-Colonna a pu être sujette à caution,il est admis aujourd’hui que cette dernière appartient à une seule période de l’atelier des

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Bouteille. Castellid’Abruzzo, atelierd’Orazio Pompei,vers 1550-1560[det. cat. no. 78]

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Pompei. Si une partie de la décoration peut paraître parfois un peu démodée, c’est qu’ilfaut certainement y voir la participation d’assistants au style très individualisé.

Après la typologie Orsini-Colonna, la majolique de Castelli s’inspira de Faenza enadoptant les décors sur fond bleu intense « a compendiario ». Ces décors parfois rehaus-sés de jaune apparaissent aussi bien dans le pavement de l’église Santa Maria della Spinaque dans le service réalisé pour le cardinal Farnèse. Les pièces réalisées à Castelli étaientd’ailleurs très recherchées par les grandes familles non seulement italiennes mais aussiEuropéennes, qui commandaient alors de vastes ensembles de vaisselles destinés à célé-brer des événements privés ou politiques importants. Les ateliers de Castelli ont produitalors des majoliques décorées sur toute leur surface de scènes istoriato élaborées souventd’après des textes littéraires, mais aussi décorées de scènes bibliques, de héros de l’his-toire romaine, ou encore de portraits d’hommes et de femmes.

Au xviie siècle, la majolique de Castelli continue d’utiliser sur un fond blanc le décor« a compendiario » associé à des décors de groupes de bergers ou d’animaux entourés

d’élégantes guirlandes. C’est justement à cette époque qu’est installé le secondplafond de San Donato, que nous avons déjà évoqué. Avec Francesco Grue

(1618-1673), on assiste à un renouvellement complet du décor avec l’is-toriato baroque. Francesco Grue se fit une spécialité des sujets mili-

taires: Triomphes et autres combats encadrés de bordures àtrophées. Francesco goûtait en effet particulièrement les thèmes

mythologiques ou héroïques alors diffusés par la gravure, commeceux traités par Annibal Carrache dans les fresques de la gale-rie Farnèse. Le répertoire à trophée d’armes est donc typiquede la production de cet artisan, fondateur d’une dynastie demajolicaires qui allait devenir célèbre au-delà de Castelli, à

Naples et en Campanie. L’iconographie de ses plats consiste doncen scènes mythologiques et religieuses le plus souvent encadrées

de rinceaux ou de trophées généralement rehaussés d’or. Sa paletteest variée et ses compositions sont riches et touffues, avec souvent

de nombreux personnages présentés en gros plan. L’un des chefs-d’œu-vre de Francesco Grue est le retable qu’il réalisa en 1647 à Castelli, pour

l’église de San Donato.Contrairement à ce qui se passait dans le reste de l’Italie, la production de poterie de

Castelli continua de croître au cours des siècles suivants, tant en qualité qu’en quantitégrâce au talent des autres membres de la famille Grue. Au xviiie siècle, un nouveau stylede peinture se développa qui utilisait une gamme de couleurs pâles, proche de l’aqua-relle et qui contrastait avec les majoliques richement colorées de la période Renaissance.La variété des sujets représentés devait alors être enrichie par des scènes de la vie quoti-dienne, des paysages animés et harmonieux et des ruines à l’antique.

Alphonse V d’Aragon profita des querelles familiales des Anjou pour s’emparerde Naples en 1442 et se proclamer Roi des Deux Siciles. Ses successeurs immé-

diats entreprirent d’importants travaux et soutinrent les arts et les sciences.Naples devint alors la capitale d’un nouvel empire maritime étendu de Barcelone àPalerme. Elle se montra accueillante aux artistes et aux humanistes de la Renaissanceitalienne, qui devait inspirer par son intermédiaire la première Renaissance française, à

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Assiette. Castellid’Abruzzo, probablement

Berardino Gentili ilVecchio dans l’atelier de

de Francesco Grue,années 1670-1680[det. cat. no. 81]

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la suite de l’occupation de la ville par les troupes de Charles VIII (1495) et de Louis XII(1501-1503). Se multiplia alors la production des fameux « riggiole », ces carreaux napo-litains représentant un des secteurs les plus riche et fascinant de la création majoliquede Naples. Ces « riggiole » qui venaient concurrencer l’importation de leurs rivaux espa-gnols, les azulejos. Ce sont en fait les Arabes qui avaient apporté en Europe cet art del’Orient. Le premier usage de carreaux émaillés avait été constitué d’assemblages géomé-triques de morceaux de carreaux découpés, technique dont on peut encore voir de magni-fiques exemples toujours en place à l’Alhambra de Grenade. Les principaux centres deproduction espagnols concurrençant Naples étaient alors essentiellement Malaga, Séville,Valence (Manises et Paterna), et Talavera de la Reina.

L’un des premiers pavements probablement exécuté par des artisans napolitains futcelui de la chapelle des Caracciolo del Sole, en l’église San Giovanni a Carbonara. Laconstruction de l’église remonte au xive siècle: Aux alentours de 1340, le riche patriciennapolitain Gualtiero Galeota avait fait don à l’ordre des Augustins de terres hors les mursde la cité, pour y construire un complexe religieux. Au début du xve siècle, le roi Ladis-las souhaita que l’église accueille sa sépulture. C’est finalement sa sœur, la nouvelle reineJeanne qui devait mener à bien son dessein, en faisant construire un tombeau monu-mental dans l’abside de l’église. L’amant de la reine Jeanne, Sergianni Caracciolo, décidaen 1427 d’être lui aussi enterré dans l’église. Il souhaita faire construire une nouvellechapelle. Longtemps considéré comme d’origine toscane, le pavement de la chapelleaux coloris bleutés dénote en fait nettement l’influence des majoliques hispano-mauresques. On situe ce pavement après 1440, date à laquelle le fils de Sergianni Carac-ciolo réalisa le souhait de son père, mort assassiné.

D’autres pavements napolitains un peu plus tardifs révèlent dans des coloris très vifsle répertoire gothique finissant, tel qu’il était alors diffusé par les centres de productionde majolique du centre et du nord de l’Italie. On citera le pavement de la chapelle Bran-caccio de l’église Sant’Angelo a Nilo, chapelle tenant son nom du cardinal qui la fitconstruire à la fin du xive siècle. Le tombeau de ce dernier, achevé en 1427 par les floren-tins Michelozzo et Donatello, est d’ailleurs l’une des premières œuvres de la Renaissancenapolitaine. De ce pavement, réalisé dans la seconde moitié du xve siècle par celui qu’ona appelé le « Maître de la chapelle Brancaccio », subsistent hélas seulement quelquescarreaux, tracés dans des couleurs vives grâce à un dessin épuré et un peu naïf. Cesderniers de forme assez classique, avec un carré cantonné de quatre hexagones, présen-tent, outre des décors armoiries, des lièvres courant, différents motifs végétaux et desprofils en buste. Ce style clairement reconnaissable du « Maître de la chapelle Brancac-cio », apparait également dans une série de vases à usage pharmaceutique, dont certainspeuvent être chronologiquement mis en relation avec le mariage en 1465 d’Ippolita Sforzaet du duc de Calabre. Ippolita était la fille de Francesco II Sforza, duc de Milan, et sonépoux Alphonse d’Aragon, duc de Calabre devait être roi de Naples sous le nom d’Al-phonse II. Les vases en relation avec le dit mariage, peut être destinés à l’apothicaireriedu palais, présentent des bustes souvent proches de ceux des pavements, pour la plupartde profil. Ces bustes copiés de médailles ou de miniatures représenteraient les portraitsde personnages de la cour de Naples. Mais en dehors du cadre de ces pavements ou devases à usage pharmaceutique, la majolique triomphait aussi largement dans le décordes intérieurs napolitains, au point de rivaliser avec l’orfèvrerie dans le domaine de lavaisselle.

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Albarello. Naples,Maître de la Chapelle

Brancaccio, fin du xve –début du xvie siècle[det. cat. no. 83]

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A cette époque, la guerre civile menée par les barons favorisa la conquête de Naplespar Charles VIII de France. Par la suite, l’opposition de la population à l’occupation fran-çaise permit la mainmise de l’Espagne sur Naples. Durant deux siècles de 1503 à 1707,le royaume de Naples devait être dirigé par des vice-rois Espagnols. Ce changement poli-tique priva la ville d’une cour brillante, comme l’avait été celle d’Aragon, mais stimulaen revanche les échanges culturels et artistiques avec l’Espagne. La production de« riggiole » concurrença de plus belle les carreaux espagnols. En ce qui concerne cesriches échanges, rappelons que c’est un italien (même s’il n’est pas napolitain mais pisan),Francesco Niculoso, dit « Niculoso Pisano », qui en 1498 s’établit à Séville et introdui-sit en Espagne la technique de la majolique, pour l’appliquer brillamment à l’azulejo.

Beaucoup de grands décors, et notamment de pavements sont alors mis en place,comme au palais ducal de Palma Campania, ou en l’église de l’Annonciation à Vallemaio,près de San Giorgio al Liri (pavement daté de 1576). Si les portraits, les motifs végétauxou zoomorphes sont monnaie courante dans la production napolitaine de l’époque, il està noter que istoriato, ne semble avoir eu la faveur des commanditaires, puisque quasi-ment aucun exemple ne nous est parvenu. Si les noms de quelques maîtres nous sontparvenus, bien d’autres restent hélas anonymes. C’est le cas d’un artiste ayant travaillépour les Capece, l’une des principales familles nobles du royaume de Naples, divisée ende nombreuses branches dont les Capece Galeota. Dans la chapelle des Capece Galeotade la cathédrale de Naples subsiste un pavement à trophées du xvie siècle, réalisé par cetartiste anonyme qui travailla plus tard pour la même famille Capece Galeota dans uncouvent proche de Nola.

Les quelques pavements en majolique conservés de cette époque nous révèlent toutun répertoire de personnages de profil, de motifs héraldiques et de divers motifs géomé-triques. L’expression revêche des personnages peints sur les carreaux de l’un de ces pave-ments a fait baptiser un maître anonyme actif aux alentours de 1550 le « Maître des profilscourroucés ». Ces visages se retrouvent entourés de feuillages sur plusieurs albarelli etquelques vases de pharmacie à panse globulaire conservés dans différents musées. C’està partir d’un pavement de la région de Naples (plus précisément de Castellabate, ausud sur le littoral) qu’on attribue désormais à la région ce type de décor du « Maître desprofils courroucés » jadis attribué à laSicile. La confusion était en fait aisée dans la mesureoù, les échanges commerciaux entre Naples et la Sicile étant très intenses (comme d’ail-leurs entre l’Ile et les autres centres italiens tels que Faenza, Venise et Casteldurante),les artisans siciliens devaient imiter de manière assez systématique les productions conti-nentales. Il faut dire que la production des artisans siciliens ne devait atteindre un niveaude qualité honorable qu’au xviie siècle, s’inspirant néanmoins toujours des principalestypologies italiennes, et c’est à ce moment que brillèrent les grands centres tels queTrapani, Caltagirone ou Sciacca.

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CATALOGUE DE S œU VRE S

Notices par mesdames carola fiocco,gabriella gherardi

et liliane sfeir fakhri

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1. AssietteVenise, maître Domenico, vers 1560-1570

H. 2,8 / D. 24,4 / D. talon 9,8 • Inv. 1974COUL.: Bleu, vert, jaune, orange, bistre, violet, noir, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Facture soignée; picots; revers: émail grisâtre irrégulier. Intègre.PROV.: Coll. Baron Gustave de Rothschild; Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1943, no. 106, p. 77; Giacomotti, 1962, p. 45, repr. p. 43, fig. 28.

L’assiette représente trois vieillards à barbe blanche, sur fond de paysage. Lesdeux premiers semblent parler, suivis d’un troisième qui brandit une épée.Ces trois personnages de la suite du doge de Venise, deux ambassadeurs et un

porteur d’estoc, dérivent d’une gravure de Matteo Pagani représentant le Cortège ducal,éditée à Venise en 1550 et conservée au musée Correr. Le céramiste a isolé les figures etmodifié le fond. Revers orné de quatre bandes concentriques jaunes.

On attribue cette assiette à Maestro Domenico, peintre de céramique que l’on peutprobablement identifier au domenego depentor over bochalor –peintre et aussi potier–,bénéficiaire du testament du peintre vénitien Zoan Maria, rédigé en 15471. Le termedepentor dénote une appréciation particulière pour l’art de Domenico; par l’ampleur desformes et le sens de la couleur, intense et rehaussée de blanc, son style est en effet prochede la peinture, en particulier de celle de Véronèse.

Même si les archives témoignent de l’activité de Domenico depuis la fin des années1540, c’est seulement à partir de 1562 que nous trouvons ses oeuvres datées. Cette année-là, il signe en effet un vase de pharmacie du service de l’Ospedale Grande de Messine, quilui avait été commissionné2. Une grande partie de sa production est en fait consacréeaux vases de pharmacie, essentiellement des albarelli et des vases sphériques; ils sontornés de bustes masculins et féminins à l’intérieur de médaillons entourés d’une richevégétation fleurie dont les couleurs vives ressortent sur un fond d’un bleu intense. Cettetypologie rencontra un tel succès qu’elle fut imitée, d’une façon plus grossière toute-fois, par des ateliers de Sicile et de Calabre. Si l’on tient compte des oeuvres signées etdatées, l’activité du maître semble se prolonger jusque vers 15683. Celui-ci travaillaitdans un atelier qu’il gérait probablement lui-même, situé près de l’église de San Polo.

Une assiette très proche, ornée seulement de deux personnages et datée par Rackhamdes années 1550-60, est conservée au Victo-ria and Albert Museum à Londres4. AlveràBortolotto la situe cependant plus tard, vers1560-70, période qui semble mieux s’accor-der aux couleurs lumineuses et à la rapiditédu trait qui la caractérisent5.

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Matteo Pagani, Cortège ducal (dètail), Venise,Musée Correr [ CLICHÈ MESDAMES C. FIOCCO ET G. GHERARDI ]

1. Concina, 1975, p. 136. Lapremière référence relativeau maître remonte àquelques annéesantérieures, 1544, quandcelui-ci est mentionné dansle testament d’un autrefaïencier, Maître Giacomo dePesaro, dont il avait épouséla fille (Alverà Bortolotto,1988, pp. 24 et 97-98).

2. Pavone, pp. 60-61. Leservice est au muséenational de Messine.

3. Il s’agit de trois assiettes de1568. Deux d’entre elles,décorées, l’une deMoïsedevant le pharaon et l’autredeMiriam qui se souvient del’épisode de la Mer Rouge,sont à l’Herzog AntonUlrich-Museum deBrunswick (inv. 1154 et 628,repr. in Lessmann, 1979,nos. 737 et 738); latroisième, illustrant lePassage de la Mer Rouge etl’Histoire de Joseph setrouve au muséeinternational desCéramiques de Faenza (inv.21149, in Bojani et al. , 1985,no. 805). Un albarelloportant la même date, estpar ailleurs conservé auMuseum fürKunsthandwerk deFrancfort (AlveràBortolotto, 1988, pl. XC).

4. Inv. C. 2252-1910, inRackham, 1940, no. 974,attribué à Venise, vers 1550-60.

5. Alverà Bortolotto, 1988, pl.XCVIII (sans indication depage).

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2. AlbarelloFaenza, vers 1510

H. 23 / D. base 13,4 / D. col. 12, 6 • Inv. 1373COUL.: Bleu, jaune, orangé, rehauts de brun.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Intérieur émaillé, léger talon brut et base émaillée, lèvre plate brute; sillonsde tournassage apparents. Intègre.PROV.: Paul Gillet, don 1938.

L’albarello, d’usage pharmaceutique, porte une bande médiane chargée de l’ins-cription de la drogue, Diapenidion (à base de pénides ou sucre d’orge). Lasurface restante de la panse est ornée du motif de la grenade ou de la palmette

persane d’inspiration orientale, dans une de ses variantes faentines. Ici, la palmetten’est pas associée à la rosette aux pétales circulaires, ce qui est souvent le cas, mais à unefleur stylisée caractéristique de la famille dite alla Porcellana qui dérive des porcelaineschinoises blanches et bleues de la période Ming ou de leur imitation moyen-orientale.

Pour cette raison et compte tenu des nuances pâles des couleurs qui animent le champde la surface du vase, blanc dans les exemplaires de la fin du xve siècle, nous penchonspour une datation plus tardive, vers 1510. Pour des analogies, voir par exemple un alba-rello du musée du Louvre1 et un autre dans une collection privée2. Le contenu de l’albarelloest un looch, c’est-à-dire une préparation de consistance sirupeuse dense, à base de sucred’orge, aux propriétés émollientes3.

1. Inv. OA 6992, in Giacomotti,1974, no. 137.

2. Cf. Gardelli,1999, pp. 86-87,no. 41.

3. Saladin d’Ascole, inl’Interrogatorio agli speziali,définit le diapenidion « lenisconfectio, quia habet pectuset guttur lenire, undepenidia, id est lenificantesguttur, pectus, etpulmonem » (Mesuae,1558, II, 288 v).

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3. PlatFaenza, début du xvie siècle

H. 4,4 / D. 27,2 • Inv. 1986COUL.: Bleu, vert, jaune, dominante brun-roux.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Accidenté, complet (nombreux fragments), restaurationancienne; émail tressaillé.PROV.: Coll. Alfred Pringsheim (vente Londres, II, 19 juillet 1939, no. 251); Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Falke, 1914, II, repr. no. 168 (attr. Faenza, vers 1520); Damiron, 1943, no. 51, p. 37;Giacomotti, 1962, p. 32, repr. p. 35; Fiocco-Gherardi, 2004, fig. 1, p. 199.

Plat à bassin très profond (tondino). Au centre, en médaillon, le buste d’une femmede profil à gauche. Autour, zones concentriques d’arcatures en blanc fixe (biancosopra bianco). Sur l’aile, décor à grotesques où alternent des sphinges et de grands

masques ailés. Au revers, des filets concentriques bleus et deux filets orange.L’attribution de ce plat à un centre a été problématique: Falke le donnait à Faenza,

Damiron et Giacomotti à Sienne. Toutefois son revers, analogue à celui du plat no. 4 ducatalogue, dont l’attribution n’est généralement pas mise en doute, semble typique deFaenza. A notre sens, les fragments de fouilles du sous-sol faentin conservés au muséede Faenza1, ornés pour certains de grotesques très semblables, permettent de l’attribuerde façon certaine. Le profil peint au centre d’un plat de la collection Emaldi de Faenza,exposé au Palais ducal d’Urbania en 19822, nous semble être de la même main. Toute-fois ce dernier exemplaire est légèrement antérieur car il présente sur l’aile un décor detype gothique.

1. Les fragments sontconservés dans les « caissesdidactiques » du musée.

2. Leonardi, 1982, p. 26, fig. 4.

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4. AssietteFaenza, première moitié du xvie siècle

H. 3,5 / D. 24 • Inv. 1954COUL.: Bleu, vert, jaune, orange.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Fond bleu avec motifs en champlevé (a graffito). Accidenté, complet(douze fragments), restauration ancienne de qualité exceptionnelle.PROV.: Coll. Richard Zschille (vente Londres, 1-2 juin 1899); Alfred Pringsheim (vente Londres, II,20 juillet 1939, no. 369); Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Falke, 1899, pl. 16, no. 9; Falke, 1914, II, repr. pl. 90, no. 169; Damiron, 1943, no. 45, p. 32;Giacomotti, 1962, p. 26, repr. p. 27, fig. 7; Norman, 1976, p. 121; Ravanelli Guidotti, 1998, p. 294.

L’assiette est ornée sur toute sa surface d’un décor alambiqué de grotesques.Au centre, une sphynge ailée et, tout autour, des oiseaux et des dauphinsdisposés au milieu de rameaux et d’inflorescences. Au revers, plusieurs filets

concentriques bleus, et deux orangés.Un fragment de plat1 orné de motifs semblables de trophées et de volutes sur fond

bleu, trouvé à Faenza, est à l’origine de l’attribution que confirme le décor du revers. Typi-quement faentin, ce décor est très bien « documenté » sur place.Des exemplaires similaires sont conservés dans de nombreuxmusées (Faenza2, Wallace Collection3, Victoria and AlbertMuseum4) ainsi que dans les anciennes collections Damiron5,Weinberger6 et Spitzer7.

1965, no. 46, attribué àCafaggiolo, et in RavanelliGuidotti, 1998, no. 65,pp. 294-295.

3. Inv. III C 107, in Norman,1976, no. C52, pp. 120-121,attribué probablement àFaenza, vers 1530.

4. Inv. 1670-1855, in Rackham,1940, no. 247, attribué àFaenza.

5. Damiron, vente 1938, no. 28.6. Chompret, 1949, II, fig. 72,

attribué à l’atelier de ZoanMaria de Casteldurante.

7. Spitzer, vente 1893, pl. 34,no. 1067.

1. Argnani, 1898, II, pl. XXXI,fig. XVII. Le fragment a étédonné au Louvre (inv. OA569480, in Giacomotti, 1974,no. 231).

2. Inv. 17597, de l’ancienne coll.du comte de Harewood(repr. in vente Harewood,

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5. PlatFaenza, 1517

H. 4,8 / D. 29 • Inv. 2007COUL.: Bleu, vert, jaune, orange, marron.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Face: motifs en champlevé (a graffito), trois traces de pernettes dans lebassin; revers: un retrait important révèle une sous-couche jaunâtre; picots. Accidenté, complet (troisfragments), ancienne réparation; fêlure (19 h); égrenures sur le bord.PROV.: Coll. Pasolini, Faenza; Coll. Bellegarde; Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Frati, 1852, p. 11, no. 13, p. 12; Chompret, 1949, I, p. 26, repr. II, p. 10, fig. 70 (avec attribution àGiovanni Maria de Casteldurante); Damiron, 1956, no. 70, p. 62; Giacomotti, 1962, p. 28, repr. p. 35;Rasmussen, 1989, pp. 42-43; Ravanelli Guidotti, 1998, p. 295; reproduit dans « Il mito della ceramica enei cofanetti in pastiglia a Brixiantiquaria », CeramicAntica, anno XV, no. 10, novembre 2005, p. 55.

Un décor à grotesques, chargé, est disposé symétriquement de part et d’autred’un axe sur lequel se détache le voile de sainte Véronique avec la Sainte Face(la Véronique) soutenu par deux monstres ailés et sommé d’une coquille, d’un

bucrane et d’un oiseau ventru aux ailes déployées. Au-dessous, un orgue et un trophéed’instruments de musique. Un cartel, en bas à gauche, porte la date de 1517. Au dos, autourd’un astérisque central, se développe un décor rayonnant de pétales striés transversale-ment.

L’attribution à Faenza est confirmée par le décor du revers et la stylisation desgrotesques, l’oiseau aux ailes déployées en est un exemple caractéristique, que l’onretrouve sur de nombreux tessons de fouilles locales1.

Le plat présente une étroite analogie avec un exemplaire de la collection Lehman,au Metropolitan Museum of Art de New-York2. Un autre exemplaire semblable, peut-être de la même main ou du même atelier, est conservé à la Wallace Collection3.Rackam l’a d’abord attribué au peintre C I 4, avant de le donnerà l’auteur d’une coupe à signification amoureuse et d’un alba-rello, tous deux au British Museum5. Le revers du plat Wallaceprésente les mêmes pétales striés que le plat Gillet et porte enson centre le ballon barré d’une croix, fréquent dans la produc-tion faentine de la première moitié du xvi e siècle.

1. Cf. par ex. deux plats dedéblai de l’ex-palais Rossi àFaenza, inv. 7797, 7798, inRavanelli Guidotti, 1998, pp.298-299.

2. Rasmussen, 1989, p. 42, no.26, avance prudemment uneattribution faentine baséesur une certaineressemblance avec leséléments floraux et lescouleurs des exemplairessur émail bleu (berettino)autrefois attribués à la CasaPirota. Ce plat présente desaffinités avec le plat Gilletmais Rasmussen a parerreur noté la date de 1537au lieu de 1517 et le situe parconséquent aux environs de1530. Les autres raisonsproposées pour uneattribution à Faenza sont la

ressemblance du plat aveccelui du Jugement de Pâris,autrefois dans la collectionDamiron, aujourd’hui aumusée de Faenza, et avecles putti au revers d’unplat représentant l’Agonieau Jardin des Oliviers, datéde 1538 (MetropolitanMuseum).

3. Inv. III C 115, repr. inNorman, 1976, no. C44, pp.103-108. Norman l’attribuesans hésitation à Faenza,le datant des environs de1520. Le plat porte aucentre un jeune hommeassis, et sur l’aile, un motifà grotesques sur fondbleu, où se détachent deséléments que l’on retrouvesur l’aile du plat Gillet, parexemple les inflorescencesrondes à l’extrémité d’unetige en spirale et quatreoiseaux aux ailesdéployées semblables àceux déjà mentionnés.

4. Le peintre marque ainsi unplat ex-Basilewskiaujourd’hui à l’Ermitage deSt Pétersbourg, cf.Rackham, 1952, note p. 21.

5. Respectivement inv. MLA78, 12-30, 411 et MLA 57,8-4, 33. Cette dernièrehypothèse d’attributionest reprise dans Norman,1976, p. 104, et se base surune lettre conservée à laWallace Collection.

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6. AssietteFaenza, vers 1525-1530

H. 3,8 / D. 23,6 / D. base 6,6 • Inv. 1987COUL.: Camaïeu bleu sur fond berettino, vert, jaune, orange, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Facture soignée; trois marques de pernettes sur la face; au verso, quelquespicots. Intègre, légères égrenures en bordure.PROV.: Coll. A. Imbert; Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1943, no. 57, p. 42.

Assiette à bassin profond et à aile large (tondino). Elle porte au centre un blasond’alliance non identifié, encadré d’un rang de perles et d’une bande d’inflores-

cences tracées en blanc sur fond bleu. L’aile est parcourue d’un motif à grotesquessur fond bleu sombre, sur lequel se détachent des dauphins unis par la queue, des têtesd’anges, des livres et des rinceaux se terminant par des volutes. Sur le revers, une guir-lande de petites feuilles alla porcellana interrompue par quatre grosses fleurs rondes; surla base, des filets concentriques.

Ce plat est particulièrement représentatif d’une typologie très commune à Faenzaentre 1525 et 1535. Le décor à grotesques y apparait en réserve, en bleu clair sur un fondbleu intense, rehaussé de blanc et caractérisé par des dauphins affrontés ou adossés, desmascarons, des cornes d’abondance, des livres et de jolies petites têtes d’anges. L’emploide l’émail berettino, encore utilisé pour les majoliques historiées, s’affirme à Faenza àpartir de 1520 environ et perdure jusqu’en 1540.

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7. AssietteFaenza, vers 1525-1535

H. 4,5 / D. 24 / D. base 7 • Inv. 1990COUL.: Bleu sur fond berettino, vert, orange, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Bel émail; trois marques de pernettes sur le marli; gauchie.Intègre; deux égrenures, une sur l’avers (5 h), une sur le revers (1 h).PROV.: Coll. A. Imbert; Murray; Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1943, no. 58, p. 42; Chompret, 1949, I, p. 72, repr. II, p. 60, fig. 471;Taburet, 1981, repr. p. 77; Rondot, 1993, pl. 5; Blazy, 1998, repr. p. 74.EXP.: Paris, 1911, no. 143.

Cette assiette au bassin profond et à aile large (tondino) porte au centre l’allé-gorie de la Justice, représentée sous les traits d’une femme tenant de ses mainsl’épée et la balance; elle est cernée d’une frise concentrique d’inflorescences

tracées en blanc sur fond bleu (berettino) et de galons de perles. Sur l’aile, un motif àgrotesques où se détachent des dauphins, des inflorescences et des rinceaux, sur fondbleu foncé posé au pinceau. Au revers, des bandes et des filets concentriques se termi-nent par un cercle sous la base.

Ce plat entre dans la même typologie que le précédent. Des figures féminines de cetype, dans lesquelles on voit couramment des allégories ou des personnages historiques,bibliques ou mythologiques, apparaissent souvent sur la production a berettino de Faenza.

Sur un plat très semblable, autrefois dans la collection Pringsheim1, la même figureporte une épée et une tête coupée (Judith), tandis que sur un autre plat du musée inter-national des Céramiques de Faenza, elle porte une colonne (La Force)2.

1. Falke, 1914, no. 176.2. Inv. 21136/C, in Bojani et al. ,

1985, no. 106, p. 56. Cf. aussiChompret, 1949, no. 471.

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8. GourdeFaenza, 1535

H. (sans bouchon) 26,5 / L. max. 22,5 / Ép. 14,5 // Piédouche: L. 9,8 / Ép. 6,8 • Inv. 1991COUL.: Bleu sur fond berettino, vert, jaune, orangé, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Deux fentes pratiquées sur le piédouche pour permettrele passage d’une cordelette; corps intègre; coulants restaurés et haut du col remplacépar un goulot en argent et un bouchon ciselé en argent.PROV.: Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1956, no. 30, p. 25; Giacomotti, 1962, p. 25, repr. p. 26, fig. 5; Norman, 1976,p. 128; Poole, 1995, p. 251; Ravanelli Guidotti, 1998, repr. p. 290, fig. 22.

Gourde piriforme sur pied bas, pourvue de deux anses verticales, d’un bouchond’argent ciselé, et peinte sur émail berettino. Sur les deux faces, au centre, deuxmédaillons représentant respectivement Tobie (un vieillard avec un livre ouvert

et une banderole sur laquelle est écrit TOBIA.P.) et Nabuchodonosor (un vieillard tenantune tablette écrite et le nom NABUC dans une banderole semblable à la précédente). Audessus des médaillons, la date de 1535. Tout autour, des motifs à grotesques où se déta-chent des dauphins affectant la forme d’une virgule, des coquillages, des mascarons ailéset des rinceaux en volutes.

Le P qui suit le nom de Tobie pourrait être l’initiale de Prophète, bien qu’en réalité ilne l’ait jamais été. Le livre que tient Tobie est en effet un livre deutérocanonique de laBible qui n’existe pas dans la version hébraïque, alors que sa figure a toujours été trèspopulaire dans la littérature et l’art figuratif du monde chrétien1. Nabuchodonosor étaitle fils de Nabopolassar, fondateur de l’empire néo-babylonien2. Sa présence en vêtementde sage, une main sur une tablette gravée, en pendant de Tobie, ne s’explique pas par soncontexte historique mais plutôt par la célébrité biblique dont il jouissait, au même titreque Tobie. Il est possible que la captivité babylonienne soit lelien entre les deux images. Les représentations à mi-buste deprophètes ou de sages anciens sont fréquentes dans la majo-lique faentine du xvie siècle, souvent accompagnées du nom,mais parfois anonymes3. La présence du turban se rapportantà un personnage de la période pré-islamique est due à l’im-mense considération dont jouissaient les savants arabes, enparticulier les commentateurs d’Aristote et les auteurs de trai-tés médicaux. Dans la production a berettino de Faenza, lesformes fermées sont rares et il ne peut s’agir que de gourdesde pélerins4.

à celles de cette gourde,aussi sur émail berettino,daté de 1524 (MLA 1855, 12-1, 68, in Wilson, 1987a, no.112), et celui identique duKunstgewerbemuseum deCologne, sur lequel estreprésenté le prophèteDaniel, lui aussi avec unturban (inv. E 1596, inKlesse, 1966, no. 227).L’inscription est la suivante,P(ro)feta daniel.

4. Une cruche, datée de 1536,ornée à grotesques avectrois médaillons, dont l’unreprésente le prophèteElisée avec un livre à lamain, se trouve au muséePaul Getty de Malibu(inv. 84. DE. 115, in Hesse,1988, no. 28); une aiguière,dans la collection Lehman,Metropolitan Museum deNew York (inv. 1975. 1. 1053,in Rasmussen, 1989, no. 25);une autre au Victoria andAlbert Museum (inv. C 2123-1910, daté de 1531, inRackham, 1940, no. 290).Dans le même musée setrouvent deux albarelli (inv.C 2108 et 2107-1910, ibid. ,nos. 303 et 304), alors qu’unautre est dans unecollection privée de Faenza(Ravanelli Guidotti, 1988a, pl.II). Enfin, une coupe avec lesarmes des Salviati deFlorence appartient aumuséeUmeleckoprumysloveho dePrague (Vydrová, 1973, cat.no. 38).

1. Tobie était un hébreu exilé,qui vivait à Ninive. LeSeigneur vint à son secourset fit en sorte qu’il fûtrécompensé. Son filsrecouvra une grossecréance de Raguel, dont ilépousa la fille Sara, guéritson père de la cécité. Uncantique de reconnaissanceet le récit de la mort sereinedu vieillard terminent lelivre.

2. Devenu roi de Babylone en604 av. J. C. , il soumit laPalestine et s’empara à deuxreprises de Jérusalem, en596 et 586, mettant fin aurègne de Juda. Le prophèteDaniel vécut à sa cour.

3. Cf. par ex. le plat du BritishMuseum de Londres avecdes grotesques semblables

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9. Plat d’apparatFaenza, vers 1520

H. 8,5 / D. 38,4 • Inv. 1983COUL.: Bleu, vert, jaune, brun / roux.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Face très soignée; trois traces de pernettes dans le bassin; revers:fond et talon bruts; coulures d’émail et picots. Intègre, égrenures et léger manque sur le bord.PROV.: Coll. Pasolini di Faenza (?); Coll. Heugel; Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Frati, 1852, p. 12, no. 12 (?); Damiron, 1956, p. 32, no. 37; Giacomotti, 1962, p. 22, repr. p. 25, fig. 3;Ravanelli Guidotti, 1996, p. 36, repr. fig. 4 a-b; Casati, 2004, p. 52; CeramicAntica, « Mostra –Mercato »,novembre 2005, repr. p. 55.

Dans le fond du bassin, l’histoire du chasseur Actéon qui surprit Diane tandisqu’elle se baignait avec ses servantes et qui, pour punition, fut changé encerf avant d’être dévoré par ses propres chiens1. Sur l’aile, une large frise de

losanges entrelacés. Le revers du marli est émaillé en blanc, le reste sans revêtement.Deux trous pratiqués sur le talon avant la cuisson indiquent la fonction de pompe oud’apparat du plat, destiné à être accroché.

Le sujet dérive, avec quelque modification, de la xylographie du maître I B à l’oiseau;la figure de Diane en particulier en est proche. Le platn’étant pas daté, il serait utile de connaître la dateexacte de la xylographie et d’avoir ainsi un point dedépart. Malheureusement, les œuvres de I B ne sontpas datables avec précision. Elles auraient été exécu-tées au cours d’une période qui s’étend de 1500 envi-ron à 1510-15162. Le plat serait probablement un peupostérieur, vers 1520, et provient certainement deFaenza. Le motif décoratif de l’aile figure sur denombreux fragments de fouilles de Faenza. Du pointde vue stylistique, il nous semble correct de rattacherle plat Gillet au peintre de majoliques de FaenzaBaldassare Manara, peut-être dans sa première pé-riode3, lorsqu’il ne signait pas encore l’ensemble deses œuvres.

1. Ovide, Les Métamorphoses,III, 131.

2. Bartsch, 1984, p. 155.3. Ravanelli Guidotti, 1996,

p. 36.

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IB dall’Ucello (peut être GiovanniBattista Palumba) Diane et Actéon

[ CLICHÈ MESDAMES C. FIOCCO ET G. GHERARDI ]

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10. PlatFaenza, 1540

H. 4,2 / D. 45,5 • Inv. 1696COUL.: Bleu, vert, jaune, orange, brun, rouge de fer, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: La face est d’une exécution parfaitement soignée; le revers l’est moins:nombreux retraits d’émail à la cuisson; traces de pernettes sur l’aile. Intègre; un trou pratiqué aprèsla cuisson pour suspendre le plat; égrenures sur le pourtour.PROV.: Coll. Pasolini, Faenza; Baron Gustave de Rothschild; Paul Gillet, don 1955.BIBL.: Frati 1852, p. 17, no. 89; Damiron, 1943, no. 64, p. 47; Rondot, 1993, repr. en couverture; CasatiMigliorini, 2004, pp. 41 et 52.

Dans le fond du plat, représentation de la Mort d’Orphée fustigé par les Ménadeslorsque, après la mort de son épouse Eurydice, il méprisait et repoussait toutcontact féminin (Ovide, Métamorphoses, xi, 1-66). En arrière plan, un paysage

où coule un fleuve et, dans le lointain, un bourg fortifié et la montagne. Sur l’aile du platse déploie sur fond jaune un motif à grotesques où l’on remarque des sphinges ailées,des monstres quadrupèdes affrontés, des mascarons, des vases et des inflorescences.Sous la base, la date de 1540 se lit au milieu d’une rosace entourée d’inflorescences dispo-sées en guirlandes concentriques sur tout le revers.

La scène semble utiliser assez librement une gravure anonyme de Ferrara de la secondemoitié du xve siècle, inspirée de Mantegna, dans laquelle les Ménades ne sont que deux1,ainsi qu’une gravure de Giovanni Antonio de Brescia représentant quatre femmes entrain de danser. Deux d’entre elles semblent avoir servi de modèle pour le plat.

Ce plat est inhabituel. Il est d’une grande importance dans le panorama faentin où,dans les années quarante, la grande période du berettino était désormais terminée et oùl’on recommençait à peindre sur émail blanc. C’est alors l’époque des fameux Bianchidécorés en style compendiario, auxquels toutefois s’adjoint toute une production trèscolorée, décorée surtout a quartieri, dans une manière que Ballardini qualifiait de stilefiorito.

L’auteur du plat Gillet n’est pas nouveau, il avait peint auparavant sur émail be-rettino.

Sa main est en effet reconnaissable dans un groupe de plats historiés, parmi les plusbeaux de la majolique faentine, généralement attribués autrefois au Maître vert (Maes-tro verde), appelé ainsi pour l’effet qu’il obtenait en posant du jaune sur l’émail de basecouleur azur. Citons Diane et Actéon, du musée Herzog Anton Ulrich de Brunswick2 etdu musée international des Céramiques de Faenza3, Eros et Léandre du Paul GettyMuseum de Malibu en Californie4, deux Jugement de Pâris, tous deux au musée de laRenaissance d’Ecouen5, et un troisième au Victoria et Albert Museum de Londres6.

Ces exemplaires, tous sur émail berettino, présentent en outre une aile ornée degrotesques de même type que dans les fiches précédentes avec des têtes de putti, desdauphins affrontés, des mascarons et des cornes d’abondance. Les revers, excepté celuidu plat du musée de Faenza, sont décorés de façon complexe, avec des cercles de petitesfeuilles alla porcellana et des rosaces entourées de rinceaux. Dans deux cas, sous la base,un volatile est peint au centre (Getty et Herzog Anton Ulrich). Sur le plat daté d’Ecouenfigurent des serpentins autour d’un cercle barré en croix portant l’inscription et la date;

1. Cette gravure d’aprèsMantegna, non retrouvée, aégalement servi de modèle àun dessin de Durer(Kunsthalle de Hambourg, cf.Panofsky, 1979, pp. 44-45).

2. Inv. no. 1155, in Lessmann,1979, no. 19.

3. Inv. 25009, in RavanelliGuidotti, 1990a, no. 146.

4. Inv. 84. DE. 113, in Hess,1988, no. 26, pp. 85-87.

5. Inv. Cluny 2438 et 2436 (ledeuxième daté de 1532), inGiacomotti, 1974, nos. 336et 335.

6. Inv. C. 2110-1910, in Rackam,1940, no. 297. . . /. .

7. Carte 207.

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sur celui de Londres, qui est antérieur, la date de 1527 inscrite sur un cartel sous la baseest accolée à deux cercles barrés en croix et soulignés d’un signe en forme de croissant,ce qui est souvent le cas pour cette marque célèbre. Sans doute le peintre avait-il travaillédans l’atelier autrefois identifié à tort comme la Casa Pirota, et aujourd’hui considérécomme inconnu.

Le plat Gillet, tout en étant peint sur émail blanc, reprend les manières et le schémadécoratifs des exemplaires cités, en entourant la scène d’une grotesque minutieuse quiévoque, dans les monstres quadrupèdes affrontés et dans les écus en demi-lune occupéspar des profils humains, la grotesque utilisée par le peintre de la coupe Bergantini. Ilconserve aussi la complexité du revers que l’on peut confronter notamment, en dépitde couleurs différentes, au plat du Jugement de Pâris d’Ecouen (Inv. 2438) qui présentedes graphismes similaires.

Le rouge vif qui anime la gamme et apparaît sous le jaune des grotesques n’est pasune nouveauté dans la céramique faentine, il y est présent depuis les années 1520. Lecitant, Piccolpasso dit l’avoir vu, beau comme un cinabre, dans l’atelier de Virgiliotto deFaenza7, mais ce rouge était certainement produit dans d’autres ateliers de la ville.

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7. Carte 207.

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11. CoupeFaenza, milieu du xvie siècle

H. 7,4 / D. 29,8 / D. piédouche 14 • Inv. 1371COUL.: Bleu, vert, jaune, orange, noir.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Très bel émail; cinq traces de pernettes sur la face. Intègre.PROV.: Paul Gillet, don 1938.BIBL.: Rondot, 1993, pl. 6; Blazy, 1998, repr. p. 76.

Coupe sur pied bas à bord découpé en coquilles (crespina). Au centre, dans unmédaillon convexe, Vénus, une longue flèche dans la main droite, et Eros, assisdevant elle, lui offrant un cœur. Tout autour, un décor à feuillages, découpé dans

des quartieri alternativement verts, bleus et orange. Au revers, contour souligné en bleuet jaune.

L’iconographie du xvie siècle représente parfois Vénus armée, parfois Vénus victo-rieuse, puisqu’elle était aussi, selon la tradition, vénérée à Sparte1. Ici, la scène a un sensamoureux et une fonction avant tout décorative.

La coupe galbée, ou crespina, façonnée par estampage, devient d’un usage courant àFaenza vers le milieu du xvie siècle, parallèlement à la diffusion des bianchi. A la diffé-rence du compendiario, cet exemplaire est orné a quartieri, selon la définition de Piccol-passo, c’est-à-dire de compartiments de formes variées, avec un fond de couleurs alternéesdans lequel s’ordonnent des feuilles ou des éléments à grotesques2.

De nombreux fragments de fouilles confirment l’origine faentine du plat Gillet3. Ladate est généralement fixée vers les années 1540-1545 par analogie décorative avec certainsgrands vases reconnus et datés, ornés a quartieri et en tout point semblables4.

Analogues à la coupe Gillet et proches par la forme, des exemplaires de cette typolo-gie, qui a été largement diffusée, sont conservés au Louvre5, au musée national de laCéramique de Sèvres6, au Herzog Anton Ulrich-Museum de Brunswick7. Des figurinesarmées au centre de crespine a quartieri chantournées diversement, existent aux muséesdes Arts décoratifs de Berlin8 et de Cologne9.

1. Selon Cartari, qui citeLattanzio et Ausonio, latradition remonterait àl’épisode dans lequel lesSpartiates défendirentseules la ville contre lesMesséniens (Cartari, 1556,CXV). Vénus est représentéearmée dans une gravureanonyme, traitée parMarcantonio Raimondi, avecVénus et Eros, in Bartsch,1978, vol. 26, no. 260, p. 253.

2. Piccolpasso appelle ce typede décoration Le Quartiereiet en reproduit un exempledans une de ses planches(Piccolpasso, 1980, vol. I,livre troisième, pl. 70r).

3. Cf. par ex. au Louvre, OA5694 (57, 58, 60), inGiacomotti, 1974, nos. 943-945, acquis en 1902,provenant de la collectionArgnani composée defragments provenant dusous-sol faentin.

4. Cf. par ex. les vases aquartieri dans les collectionsdu Louvre OA 6330, inGiacomotti, 1974, no. 959 etau Kunstgewerbemuseumde Cologne, inv. E. 512, inKlesse, II, 1966, no. 281, tousles deux datés de 1548.

5. Inv. R 963 et R 964, inGiacomotti, 1974, nos. 937-938.

6. Inv. 23106, ibid. , no. 939.7. Inv. 739, 797, 798, in

Lessmann, 1979, nos. 21-23.8. Inv. 97129, in Hausmann,

1972, no. 132.9. Inv. E 1597, in Klesse, 1966,

no. 279.

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12. ChevretteFaenza, milieu du xvie siècle

H. 22,9 / D. panse 15,6 / D. base 10 / D. col 9 • Inv. 2395COUL.: Bleu, vert, jaune, brun / roux.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Intérieur émaillé (émail très maigre), très usé. Accidentée, complète;anciennes restaurations au col, au bec et au pied.PROV.: Coll. Paul Gillet; Mme Paul Gillet, don 1973.BIBL.: Damiron, 1943, no. 112, p. 81.

La chevrette possède un bec tubulaire et, à l’opposé, une anse verticale. La chevretteest décorée de feuillages, de dauphins et d’inflorescences répartis dans desquartieri alternativement verts, bleus et orange. Son contenu — Syº. de. liquiri-

fia — est écrit en cursive gothique dans un cartouche situé sous l’anse. Il s’agit de siropde réglisse, glycirrhiza glabra, employé pour ses propriétés adoucissantes servant à cal-mer la toux et les maux d’estomac. Pour le décor a quartieri, voir la notice précédente.

Le musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg 1 conserve une chevrette semblableportant l’inscription OL. DE. AMADOL D (huile d’amandes douces).

1. Inv. F 2081, in Kube, 1976,no. 19.

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13. AlbarelloFaenza, milieu du xvie siècle

H. 22,5 / D. panse 19,8 / D. base 15,2 / D. col 15,4 • Inv. 2396COUL.: Bleu, vert, jaune, brun / roux.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Bel émail; deux imperfections sur le corps; intérieur émaillé; base brute.Deux fêlures, l’une partant à la verticale du fond jusqu’au haut du pot, l’autre allant du haut jusqu’àla carène supérieure; égrenures au col et au pied; gros manque en bas à gauche de l’inscription.Fond percé après cuisson.PROV.: Coll. Paul Gillet; Mme Paul Gillet, don 1973.BIBL.: Damiron, 1956, no. 11, p. 9.

L’albarello, cylindrique, est orné de rinceaux de fleurs et de feuilles découpées. Aucentre, se déroule un cartouche portant l’inscription Ireos en lettres gothiques.Avec sa forme trapue et plutôt trop large en regard de sa hauteur, l’albarello était

probablement destiné à recevoir des pilules ou des trochisques d’iris obtenus à partirdu rhizome de cette fleur, desséché et réduit en poudre. Expectorants à faible dose, ilssont vomitifs à dose plus élevée.

Le décor, caractéristique de la production de Faenza vers le milieu du xvie siècle, serencontre également, souvent enfermé dans des quartieri. Exportée en grande quantitéen Sicile, cette typologie décorative fut fréquemment confondue avec la production sici-lienne. Elle fut effectivement imitée au siècle suivant dans les ateliers de Palerme et deSciacca. De grands vases de pharmacie de réalisation faentine1, en partie datés de 1569et portant l’inscription IN FAENCIA, confirment de façon certaine l’attribution de notrealbarello à Faenza. L’auteur en serait Emiliano Capra, dit Saladin2. Un albarello de lacollection Strozzi-Sacrati avec l’inscription CURCUMA est également assez proche, tantpar sa forme que par certaines bandes décoratives3.

1. Voir par ex. le vase avec leprophète Jonas (Sèvres,musée national de laCéramique, inv. 5078,Giacomotti, 1974, no. 965); ilprésente aux épaulementset au pied des motifsétroitement analogues et lemême type d’écrituregothique sur le cartelpharmaceutique, mais porteen plus sur le revers unécriteau avec l’inscription« Joane castru fecitt / fieriin F… Ma / stro milianosalatino ». Voir aussi le vaseavec le Christ devant Pilate,du même musée, inv. 18666,ibid. , no. 964, daté 1569,avec l’inscription « IN.FA/ENCIA ».

2. Cf. Ravanelli Guidotti, 1993,pp. 36-38. Maître MilianoSaladin figure dans un actenotarié des Archives d’Etatde Faenza de 1570 commefigulo faven (potier de terre),c’est-à-dire potier faentin.

3. Bojani-Vossila, 1998, p. 39,no. 8.

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14. Cruche (boccale)Florence, atelier de Giunta di Tugio ?, première moitié du xve siècle

H. 17 / D. panse 14 / D. base 9,8 • Inv. 1978COUL.: Bleu intense (zaffera in rilievo), violet.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Émail beige, très irrégulier, rugueux; base brute; à l’intérieur,mince couche d’émail laissant de nombreuses zones sans revêtement. A l’ouverture, vers l’anse,fracturé (trois petits fragments), réparation ancienne; manques au bord; usures sur l’anse;à l’intérieur, fêlures en étoile dans le fond.PROV.: Coll. A. Imbert; Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1943, no. 5, p. 4.EXP.: Paris, 1911, no. 52.

Cruche à bec trilobé, ornée de sarments de feuilles de chêne et d’une frise debaies autour du col, peints en brun de manganèse et en bleu de cobalt mis enépaisseur. Un astérisque est tracé sous l’anse. Sur cette typologie décorative

dite zaffera in rilievo, et sur l’astérisque qui serait probablement la marque de l’atelierde Giunta di Tugio. Le motif du rameau à feuilles de chêne, tracé avec autant de finesse,apparaît plus souvent sur des vases à deux anses que sur des cruches, moins courantesdans la production toscane 1. Bien que Cora attribue la marque de l’astérisque à laproduction de Florence, des fragments portant ce même motif ont été trouvés dansles fouilles de Montelupo2, et Berti vient d’attribuer à ce centre une cruche très sembla-ble à celle de la collection Gillet3. Une cruche très semblable se trouve aussi au KunstIndustri Museet de Copenhagen, elle aussi attribuée à Giunta di Tugio4.

1. Cf. par ex. des rameauxsemblables sur un vase àdeux anses au MuséeNational de Florence, inv.Maioliche 511, in Francovich,1989, p. 52, no. 17, et aussisur celui du Louvre, inv. OA8236, in Giacomotti, 1974,pp. 13-14, no. 36.

2. Berti, 1997, figs. 22-23.3. Ibid. , figs. 29-30.4. Houkjaer 2005, no. 108,

p. 126.

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15. VaseZone florentine ou Montelupo, première moitié du xve siècle

H. 16,5 / D. panse 13,2 / D. base 8,6 / D. col 8 • Inv. 1977COUL.: Sur un fond d’émail laiteux à l’ancienne, bleu (zaffera diluée), violet.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Émail beige, base brute; sur la panse, point de contact (enfournementserré); à l’intérieur, mince couche d’émail. Gros manque à l’une des anses; sur la panse, manquesd’émail et cratère dû à une particule de calcium non résorbée à la cuisson.PROV.: Coll. A. Imbert; Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1943, no. 4, p. 4.EXP.: Paris, 1911, no. 62.

Vase à deux anses, orné à zaffera diluita, de part et d’autre de la panse, d’une rosaceformée d’un fleuron central et de quatre feuilles de chêne dessinant une croix deSaint-André. Zigzag ponctué autour du col et sur les anses plates. La zaffera diluita

est une variante de celle en relief, le bleu n’a pas la même densité et ne présente pasd’épaisseur. Des cruches à deux anses de ce type (groupe VI de Cora) sont habituelle-ment données à Florence ou à la région florentine, et datées de la première moitiédu xve siècle1. De récentes trouvailles ont cependant prouvé qu’elles étaient produitesen abondance à Montelupo2. Un exemplaire très semblable au vase Gillet, tant par laforme que par le motif décoratif, est conservé dans une collection privée de Rimini3.

1. Cora, 1973, pl. 97-100.2. Berti, 1986, p. 23.3. Fiocco-Gherardi, 1996b,

pp. 26-27.

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16. AlbarelloMontelupo, fin du xve - début du xvie siècle

H. 27 / D. base 10,6 / D. col 10,2 • Inv. 1958/2COUL.: Bleu, vert, jaune, orange, violet.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Émail beige rosé; coulée d’émail sur la base brute. Accidenté: fracturecirculaire restaurée au-dessous de l’épaulement supérieur et au col; plusieurs manques au pied.PROV.: Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1956, no. 19, p. 15.

L’albarello, cylindrique, légèrement cintré, aux épaulements arrondis, est orné demotifs en oeils de plume de paon entourés de rinceaux de feuilles recoquilléesde style gothique. L’intérieur est émaillé d’un émail blanc laiteux. L’oeil de plume

de paon appartient au répertoire décoratif du gothique tardif d’influence moyen-orien-tale, il est fréquent dans les arts appliqués, notamment dans les tissus. Il se répand dansla majolique à partir du milieu du xve siècle, et Ballardini attribue cette appellation àun groupe entier ou famille. Dans la production toscane, il est plus tardif, en général d’as-pect géométrique et souvent combiné avec des motifs végétaux ou floraux bleus detype mauresque.

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17. AlbarelloMontelupo, début du xvie siècle

H. 19,8 / D. pied 8,4 / D. col 8,6 • Inv. 1717/1COUL.: Bleu, vert, jaune orange, rouge.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Un point de contact en haut de la panse (manque d’émail dû à unenfournement serré); à l’intérieur, émail incomplet, zones brutes, très usé. Intègre; un trou aprèscuisson au centre de la base; usures aux arêtes, lèvre érodée.PROV.: Paul Gillet, don 1956.BIBL.: Damiron, 1943, no. 75, p. 55; Ravanelli Guidotti, 1990a, p. 59.

Albarello, aux épaulements carénés, rétréci au centre, orné de deux médaillonsopposés, cernés de guirlandes, dans lesquels s’inscrit en caractères gothiques le

monogramme du Christ Bernardin. Entre ces médaillons, motif floral à la palmettepersane. Des bandes et des filets ceinturent le col et le pied.

Vénéré par saint Bernardin, le monogramme grec du nom de Jésus est l’un dessymboles sacrés les plus usités dans les armoiries des ordres et congrégations religieux.L’albarello faisait donc probablement partie de l’équipement d’une pharmacie monas-tique1. Des albarelli semblables et provenant du même ensemble, en dehors d’autresexemplaires de la collection Gillet (cf. Fiocco et alii, 2001, nos. 33-34), sont conservés aumusée international des Céramiques de Faenza2 et au Victoria and Albert Museum deLondres3.

Le musée de Faenza possède une cruche portant sous l’anse la lettre P, avec le mêmedécor et le même emblème4 qui apparaissent également sur des fragments de fouillesde Montelupo5. Il peut s’agir là d’une partie du sigle de l’atelier auteur de l’ensemble. Lapalmette persane utilisée en remplissage entre les médaillons est plus large et aplatie dansla version toscane que faentine (cf. cat. nos. 2-3). Ce motif, lié au décor moyen-orientalet à la grenade (melograno) sur les tapis et les brocarts, se répandit dès la fin du xv e

siècle dans la céramique de Montelupo. Il y perdura avec succès, alors qu’il semblaitailleurs être en pleine décadence6.

1. On pourrait émettrel’hypothèse d’une pharmaciegérée par les Jésuates, quiaurait pour emblème lemonogramme bernardin.Cette congrégationreligieuse fut fondée en1360 à San GiovanniColombini de Sienne,approuvée en 1367, et prit,en 1492, le nom desJésuates de saint Jérômesur ordre d’Alexandre VI.Durant environ deux siècles,les Jésuates furentrigoureusement laïcs,malgré les trois vœux, etc’est seulement en 1606qu’ils purent accéder ausacerdoce (ils s’appelèrentensuite ClercsApostoliques). L’Ordre futdissout en 1668 par le papeClément IX.

2. Inv. 21099 et 24870, repr. inBojani et al. , 1985, no. 487,et in Ravanelli Guidotti,1990a, no. 24.

3. Inv. C. 80-1911, repr. inRackham, 1940, no. 355.

4. Inv. 21070, repr. in Bojani etal. ,1985, no. 488.

5. Cf. par ex. la cruchereprésentée in Berti -Pasquinelli, 1984, p. 38.

6. Les derniers exemples,privés du rouge et avec lecontour des palmettes enmanganèse, perdurèrentjusqu’au début du XVIIe

siècle (cf. Berti, 1990,p. 106).

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18. PlatMontelupo, fin du xvie - début du xviie siècle

H. 4,5 / D. 34,2 / D. base 14,8 • Inv. 1368COUL.: Bleu, vert, jaune, orangé, noir.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Émail irrégulier; revers à fond blanc rosé: grand retrait, base brute àressaut (3 mm) partiellement émaillée; bordure brute apparente au revers. Accidenté; de face:restauration sur le quart supérieur gauche (9 h / 12 h); au revers: restauration (8 h / 12 h); un trou desuspension a été percé dans l’aile après cuisson. Sur la base, inscription en noir, à froid: A-II (ou n).PROV.: Paul Gillet, don 1938.

Au centre, dans un médaillon cerné d’une bande hachurée, une tête d’ange porteune corbeille de fruits. L’aile à bord déversé est cernée d’une moulure saillante.

Autour du médaillon, décor a quartieri de compartiments rayonnants sur fondalternativement bleu, vert, jaune et orange, parcourus par des rinceaux terminés encrosses et entourés d’une frise d’arcatures portant chacune une fleur. Au revers de l’aile,trois filets concentriques bleus et espacés.

Le décor a quartieri, ainsi appelé par Picolpasso1, s’affirma à Faenza dans les années1540-1560 (cf. cat. no. 21). Il fut également utilisé par les potiers de Montelupo en vuesans doute d’imiter les modèles faentins, dans des versions généralement simplifiées,cependant parfois, très proches des originaux2. Les datations sont postérieures, du dernierquart du xvie siècle et de la première moitié du siècle suivant.

1. Cf. feuille 70 r. du manuscritreproduit en fac-similé parR. Lightbown et A. Caiger-Smith (Picolpasso, 1980,vol. I).

2. Cf. , par ex. , les exemplairesdu musée international desCéramiques, inv. 21338,21506 et 21502.

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19. AlbarelloSienne, première moitié du xvie siècle

H. 34,2 / D. max. 28,5 / D. base 16 / D. col 16,2 • Inv. 1993COUL.: Bleu, vert, jaune, orange.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Émail incomplet: zones brutes aux épaulements, aux anses, autourde la base; intérieur à glaçure plombifère. Egrenures sur le pourtour, à l’épaulement supérieuret à l’anse gauche; restauration au col; à la base, l’émail s’écaille et laisse voir une pâte rosée.PROV.: Coll. Alfred Pringsheim (vente Londres, II, 20 juillet 1939, no. 334,repr. p. 100); Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Falke, 1914, repr. II, pl. 89, no. 167; Damiron, 1943, no. 40, p. 29; Giacomotti, 1962, p. 25, repr. p. 38,fig. 17; Thornton-Wilson, 2009, I, p. 184; Luccarelli - Migliori Luccarelli, 2012, p. 90, note 57; Poole,1995, p. 151 (mentionné par rapport à un albarello semblable).

L’albarello cylindrique, à épaulements carénés et col court à rebord évasé, est munide deux anses verticales formées de trois colombins accolés terminés en pointeretroussée. Une frise de motifs alla porcellana orne les épaulements supérieur et

inférieur. Sur la face principale, décor à grotesques sur fond bleu avec sphynge, dauphinset ibis affrontés. En-dessous, un écriteau à fond blanc porte l’inscription pharmaceutiqueSASSAFINA. Sur l’arrière, où se prolonge l’écriteau qui ceinture complètement le corps,figure un blason désormais illisible.

On connaît d’autres albarelli de la même série, conservés au Fitzwilliam Museum deCambridge1, au British Museum2 et au Victoria and Albert Museum de Londres3, auKunstgewerbmuseum de Leipzig4, au musée civique de Massa Marittima5, et dans unecollection privée6. Ils ont à peu près tous les mêmes forme et distribution décorative,avec des variantes notamment en ce qui concerne la présence, ou non, d’un médaillonreprésenté au centre de la grotesque.

Une incertitude plane sur leur origine. L’attribution faentine des plus anciens cata-logues est désormais dépassée, faute d’une quelconque confrontation; Wilson attribueavec le bénéfice du doute l’albarello du British Museum à Montelupo Fiorentino en raisonde ses affinités, sur le plan du décor, avec une cruche à grotesques provenant du puitsdes lavoirs 7, la plus importante fouille de Montelupo. Poole, à propos de l’exemplaire duFitzwilliam, préfère parler plus généralement de Toscane, soulignant que les analysesfaites en 1991 par le département de recherche scientifique du British Museum n’ontdonné aucune indication certaine. Luccarelli, en revanche, penche fortement pour uneattribution à Sienne, et il nous semble avoir raison. Par exemple, l’analogie des formesentre ce groupe d’albarelli et celui de l’ensemble de l’hôpital de la Scala de Sienne8 estsignificative. En outre, les exemplaires du musée civique de Massa Marittima provien-nent, selon des informations recueillies sur place, du couvent local de S. Chiara; la proxi-mité de Massa et de Sienne rend probable une commande à des artisans de Sienne qui,dans la première moitié du xvie siècle, étaient parfaitement en mesure de produire dela céramique décorée de très haut niveau. Dans le catalogue du British Museum, éditéen 2009, Dora Thornton et Timothy Wilson semblent pencher eux aussi pour une attri-bution à Siena, avec quelque réserve cependant9. Le contenu est probablement à inter-préter comme SAL SABINA, Sel de Sabine, sel obtenu du Juniperus Sabina L., conifèredont on récolte les feuilles; on utilise le suc de ses jeunes pousses pour ses vertus médi-cinales, emménagogue, antihémorragique et diurétique.

1. Inv. C. 185-1991, repr. inPoole, 1995, p. 151, no. 215.

2. Inv. MLA 1885, 5-8, 23, inWilson, 1987a, no. 109(attribué dubitativement àMontelupo, c. 1510-40).Thornton- Wilson 2009, I,no. 117, pp. 183-184.

3. Inv. 7840-1861, in Rackham,1940, no. 248 (attribué àFaenza, c. 1530).

4. Gaude, 1986, no. 62.5. Repr. in Luccarelli, 1990a,

pp. 370-371, pl. IX-X.6. Hotel Drouot, Paris, 29 juin

1977, no. 11.7. Repr. in Berti-Pasquinelli,

1984, p. 108.8. Luccarelli, 1990a, pp. 366-

370, pl. II et VIII. Luccarelli -Migliori Luccarelli, 2012,p. 39, figs. 21-23.

9. Thornton-Wilson 2009,p. 184.

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20. AlbarelloSienne, début du xvie siècle

H. 24,6 / D. base 11,6 / D. col 11,2 • Inv. 1916COUL.: Bleu, vert, jaune, orange, violet, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Picots et bulles; intérieur émaillé, irrégulier, nombreuses zones brutes,pâte rosée; lèvre et base brutes. Accidenté, complet (un fragment au col, cinq fragments à la base),restauration ancienne. Sous la base, étiquette de marchand, rectangulaire, imprimée doré sur fondblanc: « GARANTI ANCIEN / Jean Nicolier / 72 rue de Seine, PARIS ».PROV.: Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1943, no. 73, p. 54; Fiocco - Gherardi, 2004, p. 204, fig. 12.

Albarello à épaulements anguleux, légèrement rétréci en son milieu, au col courtà lèvre évasée. Le corps est orné d’une large bande circulaire à grotesques

composées de vases d’où sortent inflorescences et serpents affrontés. A la partiesupérieure, un cartouche horizontal porte l’inscription en majuscules S. YO. DI’. Z OPPI-LATI. DO (sciroppo deoppilativo diarhodon de Mésué). Autour des épaulements, deuxbandes superposées de carrés barrés par deux diagonales.

Dans la production contemporaine de Sienne et de Faenza, l’alternance du fondbleu et orangé des motifs végétaux et des grotesques est fréquente.

Le contenu pourrait être le sirop désopilatif diarhodon de Mésué à base de rose, de sucreet de vinaigre, qui, selon Calestani, ouvre l’opilation, c’est-à-dire l’occlusion du foie etde la rate1.

1. Calestani, 1575, pp. 44-45.

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21. PlatSienne, début du xvie siècle

H. 6 / D. 30,2 / D. talon 10,5 • Inv. 1922COUL.: Bleu, vert, jaune, orangé, violet.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Revers émaillé blanc; talon et base bruts; deux trous de suspensionpratiqués avant cuisson; balafre sous la base. Accidenté, entier (onze fragments), restaurationancienne; traces d’usure sur le bord.PROV.: Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Fiocco - Gherardi, 2004, p. 211, fig. 30.

Au centre du plat creux, le blason de la noble famille siennoise Mazzacorni dell’In-contri (partie gauche; d’argent à l’aigle au vol de rouge terni, couronné d’or, sortant

de la partition; partie droite: gradins échelonnés d’azur et d’or surmonté d’unetête d’angelot1.

L’aile est ornée en bleu sur fond orangé, d’un motif à grotesques composé d’inflores-cences flanquées de dauphins affrontés et de cornes d’abondance. Revers uni.

Ce plat appartient à la production de Sienne du début du xvie siècle qui développe lethème de la grotesque dans le goût répandu du Pinturicchio et de ses ateliers, et qui trouveses meilleurs exemples dans le pavement de l’Oratorio de Santa Caterina à Fontebran-da (1504-1505) et dans celui du palais Petrucci (1509). Cette production présente degrandes affinités avec celle de Faenza, au point de créer souvent des confusions. Cela estdû à la présence de céramistes de Faenza immigrés, dont le fameux maître Benedetto,qui semblent être les protagonistes de la première période de la Renaissance de la majo-lique de Sienne. Les pavements de la fin du xve siècle, le Docci à San Francesco (vers1475) et le Bicchi à San Agostino (1488), exécutés par l’atelier de Mazzaburroni à Sienne,sont en fait fondamentalement différents, bien que le second montre déjà un goûtprononcé pour le fond orangé.

1. Archive de l’Etat deFlorence, armoiries desfamilles toscanes décritesdans le Recueil CeramelliPapiani fascicule 7020.Parce que le céramisten’était pas en mesure dereproduire exactement lacouleur rouge de l’aigle, il autilisé à la place le brun demanganèse.

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22. Plaque votiveToscane ?, début xviie siècle

H. 26,3 / L. 25,7 / Ep. 1,5 • Inv. 1973COUL.: Bleu, vert, jaune, orange, rouge, noir, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Revers brut, coulées d’émail. Accidentée, complète, fracture diagonale(trois fragments) de l’angle supérieur gauche à l’angle inférieur droit; réparation ancienne.PROV.: Coll. Heugel; Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1956, no. 38, p. 33.

La plaque, presque carrée, a un bord en relief. Elle représente la Vierge portant surle bras l’Enfant Jésus qui se penche pour embrasser le petit Jean-Baptiste;derrière lui, sur la gauche, saint Pierre, reconnaissable à ses clés. Fond de pay-

sage de montagnes et, sur la droite, un arbre au tronc tourmenté. L’image semble adap-tée librement d’une gravure de Nicolas Béatrizet, elle-même inspirée de GirolamoMuziano1.

L’attribution est incertaine; les couleurs, en parti-culier la présence du rouge et la tonalité du vert,semblent indiquer une production toscane du xvie

siècle tardif. Des plaques votives furent produites tantà Montelupo que dans d’autres centres de la Toscaneméridionale. Il s’agit toutefois d’un sujet encore peuétudié et les références sont rares.

1. Surnommé le Beatricetto(Lunéville 1515? - après1565), dessinateur etgraveur, il travailla à Romede 1548 à 1553 où il grava denombreuses œuvresinspirées aussi bien del’antiquité que de sonépoque, en particulierRaphaël. De même Muziano,peintre et graveur(Acquafredda, Brescia, 1528- Rome, 1592), s’établit àRome en 1548 où il travaillaprincipalement pour la courpontificale.

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Nicolas Beatrizet, La Sainte Familleet saint Jean Baptiste enfant

[ CLICHÈ MESDAMES C. FIOCCO ET G. GHERARDI ]

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23. AlbarelloDeruta, début du xvie siècle

H. 23,5 / D. base 10,7 / D. col 10 • Inv. 1962COUL.: bleu, vert, jaune, brun / roux.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Intérieur à glaçure plombifère jaunâtre et terne; deux points decontact sur la face arrière (enfournement serré); base brute. Email tressaillé; fêlure à droite de lacouronne, deux égrenures (l’une au col, l’autre sous le médaillon); réparations dont le portrait.PROV.: Coll. Robert Kahn; Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1943, no. 115, p. 84.

Albarello à épaulements carénés, à peine rétréci dans sa partie centrale, au colcylindrique à lèvre évasée. Dans une guirlande de feuilles et de fruits liée de lacs

s’échappant vers l’arrière, un cartouche rectangulaire divise en deux le décor.Il porte l’inscription en capitales romaines ZVRºBºGºLºSSATO (Zucchero buglossato,saccharum buglossatum de Mésué, fleurs de buglosse confites au sucre, coloré en rougepar l’alkanna); la buglosse ou bourrache était autrefois très recherchée pour soigner lesaffections cardiaques et celles du système urinaire. Au-dessus du cartouche dans unmédaillon ovale feuillu, profil de femme en vêtements « à l’antique ». Au-dessous, blasonnon identifié, flanqué de deux cornes d’abondance, symboles de prospérité.

L’attribution à Deruta se fonde sur la forme et la distribution décorative. La guir-lande liée de lacs et l’espace interne divisé en deux par le cartouche sont caractéris-tiques de la production de Deruta. Les couleurs à base d’ocre, de jaune clair, de bleunoirâtre et de vert émeraude, du type dénommé petal-back, autorisent une datationdu début du xvi e siècle.

Pour l’analogie, voir un exemplaire du Victoria and Albert Museum de Londres, attri-bué par Rackham à Deruta, vers 15151. Sur un plan stylistique, un albarello semblabledaté de 1499, et d’importance car il constitue une référence chronologique, se trouvedans une collection privée2.

1. Inv. C. 367-1889, inRackham, 1940, no. 420.

2. In Luzi et al. , 1991, no. 27/C,p. 133.

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24. AlbarelloDeruta, début du xvie siècle

H. 22 / D. base 10,2 / D. col 10,6 • Inv. 2012/2COUL.: Bleu, vert, jaune, orangé.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Col gauchi; intérieur à glaçure plombifère de couleur bistre; sillonsde tournassage apparents; dessous du pied brut avec des signes gravés après cuisson: L N 3 X;inscription à froid, tracée à l’encre blanche: 6846. Intègre; tressaillures dans l’émail.PROV.: Don Paul Gillet, 1960.BIBL.: Damiron, 1943, no. 44, p. 31; Giacomotti, 1974, p. 115, no. 419; Blazy, 1998, repr. p. 72.

Albarello à épaulements anguleux, légèrement rétréci dans sa partie médiane,au col très court à lèvre évasée. Dans une guirlande de feuilles et de fruits liée

par des rubans se prolongeant vers l’arrière, buste d’un empereur de profil àgauche. Devant lui, banderole verticale avec l’inscription IVSTINO.I.PERADºR. (JustinoImperator: l’empereur Justin). Il s’agit de l’un des rares cas où le décor est en rapport avecle contenu, un électuaire appelé ainsi du nom de l’empereur d’Orient Justin1, son inven-teur. Ce remède était conseillé dans les cas de calculs et de maladies urinaires2.

Un exemplaire semblable est dans la collection Gillet3, un autre se trouvait dans lacollection Beckerath4. On peut aussi le comparer, pour la stylisation de sa guirlande, àun exemplaire daté de 1499 dans une collection privée5, avec un autre daté de 1503 aumusée des Céramiques de Faenza6 et à un fragment portant la même date provenant dela décharge du couvent Sainte-Anne à Foligno7, pièces qui fournissent un point de réfé-rence chronologique bien qu’elles n’appartiennent pas au même ensemble8.

1. Justin vécut de 450 à 527,et fut l’oncle de Justinien.

2. Parmi les 24 substances quile composaient, il y avaitencore du saxifrage.

3. Fiocco et al. , 2001, no. 504. Chompret, 1949, no. 3295. Luzi et al. , 1991, no. 27/C,

p. 1336. Fiocco - Gherardi, 1988,

no. 181, p. 2667. Busti-Cocchi, 1995, pl. IV,

fig. 98. Toutefois quelques albarelli

datés de 1543 avecguirlande semblable fontsupposer que ce type aperduré longtemps (Finarte,1964, no. 68).

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25. AlbarelloDeruta, vers 1507

H. 21 / D. base 11 / D. col 10,2 • Inv. 1969COUL.: Bleu, vert, jaune, orangé.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Émail bleuté; à l´arrière, grosses lacunes d´émail (retraits de cuisson);intérieur à glaVure plombifère; au col, deux manques avant cuisson; base brute avec inscriptionsgravées après cuisson, et une inscription peinte à l´encre noire: 320; à l´intérieur étiquette rondeet festonnée: DOUANE / CENTRALE / PARIS. Intègre; ébréchures au col.PROV.: Coll. Verdé Delisle; Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1943, no. 116, p. 84.

Albarello à épaulements carénés, légèrement rétréci en son milieu, au col trèscourt à lèvre évasée. Au milieu d’une guirlande de feuilles et de fruits liée de rubans

qui se prolongent à l’arrière jusqu’à se toucher, buste d’empereur de profil àgauche et couronné de lauriers, dans un médaillon encadré de motifs à palmettes. Sousle médaillon, un cartouche porte, en caractères romains, l’inscription VNGº. CO CAPHºFA(onguent à base de camphre, substance aromatique extraite de la cinnamone, à odeuraromatique caractéristique, utilisée comme stimulant des centres nerveux).

La forme, les couleurs, la distribution décorative et la stylisation de cet albarellopermettent de l’inclure dans un groupe homogène d’exemplaires dont certains, datés de1507, sont conservés au musée des Céramiques à Faenza, au Kunstgewerbemuseum deCologne et au Geementemuseum de La Haye1. Ce groupe est aux couleurs du petal-back(cf. cat. no. 28); son iconographie est inspirée des Tarots de Mantegna. Sur cet exem-plaire de la collection Gillet le profil est en revanche probablement issu d’une monnaieou d’une médaille romaine, ou bien d’un dessin la représentant. Un albarello très sembla-ble, portant un profil couronné de lauriers identique, était conservé dans une collectionprivée de Rimini2 et faisait sans doute partie du même ensemble.

1. Reproduits in Fiocco -Gherardi, 1994, nos. 58-60.

2. Reproduit in Leonardi, 1982,p. 133, fig. 142; l’inscriptionpharmaceutique « VGO. DE.COTI. CASTANNIO » esttracée avec des caractèreset des abréviationssimilaires.

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26. AlbarelloDeruta, vers 1507

H. 23 / D. base 11,8 / D. col 10,8 • Inv. 1967COUL.: bleu, vert, jaune, orangé.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Émaillage incomplet; intérieur à glaçure plombifére. Accidenté,complet (partie haute cassée en plusieurs fragments), réparation ancienne; point de choc à droitede l´inscription d´où partent trois fêlures.PROV.: Coll. Alfred Pringsheim (vente Londres, 8 juin 1939, no. 142); Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Falke, 1914, I, repr. pl. 60, no. 106; Damiron, 1943, no. 29, p. 22; Giacomotti, 1962, p. 32, repr.p. 41, fig. 19; Giacomotti, 1974, p. 113; Drey, 1978, repr. p. 39, fig. 11C; Ibid. , 1984, repr. p. 24, fig. 46;Fiocco - Gherardi, 1994a, repr. p. 189, no. 64; Busti-Cocchi, 2004, fig. 4, p. 31.

Albarello légèrement cintré, à épaulements carénés, à col court et bord évasé. Surla face, un cartouche médian porte l’inscription gothique: ELLE. CONTRA. PESTA

(électuaire contre la peste). Au-dessus, saint Roch, entre deux cornes d’abon-dance, montre le bubon de la peste sur sa cuisse. Au-dessous de l’écriteau, un grouped’enfants dont l’un est ailé, joue avec un chien monstrueux. Le tout s’inscrit dans uneguirlande de rubans entrelacés, liés à leur base, qui s’échappent et se rejoignent vers l’ar-rière. Là encore l’illustration a été choisie en fonction du contenu, saint Roch étant lepatron des pestiférés. La figure du saint s’inspire, avec quelques petites variantes, d’unefresque attribuée au Pérugin1 (Pietro Vannucci, dit le), représentant Dieu, saint Romainet saint Roch (1477-1478), autrefois dans l’église San Francesco à Deruta et qui estaujourd’hui conservée à la pinacothèque. Cet albarello appartient a une série de formeplutôt souple, aux épaulements biseautés et au col très court, orné de figures grotesques(souvent des personnages intentionnellement exagérés etmonstrueux) dans une guirlande composée de gros fruitsproches des poires ou des coings. Les couleurs sont cellesdu petal-back. Là encore, l’ancienne attribution à Sienne aété rectifiée par Rakham au profit de Deruta. Très courante,cette typologie comprend aussi des chevrettes à corpsovoïde sur pied haut dont le goulot est relié au col par unetresse. Des exemplaires semblables sont conservés dansde nombreux musées parmi lesquels la Corcoran ArtGallery de Washington, le Metropolitan Museum de NewYork, le Victoria and Albert Museum, le Louvre, le Muséenational de la céramique de Sévres et l’Ermitage à Saint-Pétersbourg.

1. La fresque était autrefoisattribuée à Florenzo diLorenzo, malgré laressemblance de la figure desaint Roch avec celle d’undes Rois mages del’Adoration attribuée auPérugin (Galerie nationale del’Ombrie). La représentationde la ville dans son aspectmédiéval, avant la démolitiondes tours et desfortifications, est d’un grandintérêt documentaire (cf.Mancini, 1980, p. 42).

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Le Pérugin, L’Eternel avec saintRomain et saint Roch, Deruta,Pinacothéque [ CLICHÈ MESDAMES C.

FIOCCO ET G. GHERARDI ]

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27. ChevretteDeruta, début du xvie siècle

H. 23 / D. pied 11,4 / D. col 10 / D. panse 17,2 • Inv. 1917/2COUL.: Bleu, vert, jaune, jaune / orangé.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Émail maigre rosé; à l’intérieur, glaçure plombifère; sur la lèvre,dépression provoquée avant cuisson; sur le Y de l’inscription, gros pois de contact (enfournementserré). Le dessous du pied brut porte des signes gravés après cuisson: H L 3 S 1 0. Manquesrestaurés au bec et au pied; lien restauré; fêlure à la base.PROV.: Coll. John Edward Taylor (vente Londres, juillet 1912, no. 115); Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1943, no. 67, p. 50; Giacomotti, 1962, p. 32, repr. p. 38, fig. 18; Ibid. , 1974, p. 114;Drey, 1978, p. 41, fig. 12C; Ibid. , 1984, p. 24, fig. 49.EXP.: Nice, 1990, no. 5.

Chevrette à panse globulaire étirée vers le bas simulant un piédouche, sur fondplat évasé, avec col cylindrique à lèvre retroussée et goulot retenu par un lien;l’anse, coudée et verticale, porte deux cannelures. Le décor à registres s’inscrit

dans une guirlande de feuilles et de fruits liée de rubans se prolongeant vers l’arrière.Au centre, un cartouche horizontal porte l’inscription en caractères latins SY.DE.ABSENZO(sirop d’absinthe employé pour réguler le suc gastrique et en tant que digestif). Au-dessousfigure l’emblème non identifié de la pharmacie commanditaire et, au-dessus, un décorde chimères ailées, affrontées et des motifs en champlevé (graffito).

La forme épouse à peu près celle des chevrettes de l’ensemble précédent dont plusieursexemplaires sont datés de 15071. Les couleurs fondées sur l’ocre et le bleu noirâtre, iden-tiques à celles du petal back, sont également caractéristiques des vases pharmaceutiquesde Deruta du premier quart du xvie siècle.

1. Fiocco - Gherardi, 1994a,no. 66.

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28. PlatDeruta, fin du xvie - début du xvie siècle

H. 6,5 / D. 39 / D. base 20 • Inv. 1693COUL.: Bleu, vert, jaune, jaune orangé.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Gauchissement très prononcé; léger manque sur le bord (10 h),produit avant cuisson. Tressaillures dans l’émail. Accidenté, complet (cinq fragments),restaurations importantes.PROV.: Coll. Ponche d’Abbeville; Paul Gillet, don 1955.BIBL.: Damiron, 1943, no. 22, p. 17; Giacomotti, 1962, repr. p. 32, fig. 11; Fiocco-Gherardi, 1994,repr. p. 168, fig. 34.

Au centre du plat, dans un médaillon bordé d’une rangée de festons et de pointes,un guerrier en buste, de profil à gauche, devant une branche de fleurs de tour-

nesol. L’aile du plat est divisée en compartiments où alternent inflorescences etimbrications. Le revers est orné de grands pétales striés en forme de gouttes avec desastérisques, formant un décor rayonnant.

Ce plat appartient à la typologie que Rackam a appelée petal-back en se référant audécor des revers de ce type. Il en définit les caractéristiques et le rattache à la produc-tion de Deruta dans un article fameux publié en 1915 par le Burlington Magazine1.

Le pétale dérive probablement de l’oeil de plume de paon, motif qui appartient aurépertoire gothique tardif. Cependant le petal-back représente la première typologie véri-tablement Renaissance de la majolique de Deruta, que caractérisent les ornementsgéométriques et végétaux à base d’ovales, d’imbrications et de guirlandes disposés demanière rigoureuse en compartiments ou en bandes concentriques, et surtout la repré-sentation fréquente de profils classiques de guerriers et d’empereurs dans des médaillons.

Sur le plan chronologique, si l’on se réfère aux pièces datées ou que l’on peut dater2,en corrélation avec la diffusion à Deruta du lustre métallique et la suprématie exercéepar famille Masci au sein des fabricants de majoliques dérutins3, ce plat se situe vers lafin du xve siècle et les débuts du xvie.

Les plats et les coupes de type petal-back sont généralement très soignés et légers.Ils portent parfois sous la base une lettre paraphée, vraisemblablement la marque del’atelier. Les couleurs de base — jaune ocré, jaune froid, bleu noirâtre, vert émeraude —caractérisent aussi la majeure partie des pots de pharmacie produits à Deruta dans cesannées-là.

1. Rackam, 1915, pp. 28-35;pour une synthèse, cf.Fiocco - Gherardi, pp. 43-45.

2. Par ex. le service depharmacie à emblème de latête de maure (cf. cat. no.62) daté de 1501 et 1502, leplat de la Wallace Collectionportant le blason épiscopalde Christophe Bourbon dePetrella, évêque de Cortonede 1477 à 1502, et le petitplat du Victoria and AlbertMuseum orné des armesd’alliance des Getani et desMinerbetti mariés en 1493(cf. Fiocco-Gherardi, 1994a,figs. 52-57, 31 et 33).

3. Biganti, 1987, pp. 214-220.

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29. CoupeDeruta, début du xvie siècle

H. 17,5 / D. 26 / D. pied 14,4 • Inv. 1699COUL.: Bleu; reflets métalliques dorés.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Décor mixte obtenu par deux cuissons après celle « de dégourdi »:décor de grand feu complété par un décor de petit feu conduit en réduction. Revers du piédoucheémaillé blanc; imperfections techniques, picots. Accidentée, complète (coupe en six fragments,piédouche intègre), réparation ancienne. Ebréchures sur le pourtour.PROV.: Paul Gillet, don 1955.BIBL.: Damiron, 1943, no. 90, p. 66.

Coupe de forme circulaire, sur piédouche haut, à paroi cintrée et à bord galbé.Dans le fond et au centre, en médaillon, un oriental en buste de profil à gauchedevant un rameau de fleurs de tournesol; tout autour, alternance de dents de

loup et d’inflorescences ovales. A l’extérieur du corps, une frise d’inflorescences iden-tiques et, à la partie inférieure, des godrons obliques; sur le pied, une frise de feuillesdécoupées rayonnantes.

Dans la première moitié du xvie siècle, des coupes de ce genre, avec un profil cylin-drique néanmoins plus trapu, se rencontrent fréquemment à Deruta1. Le profil d’homme,que caractérisent la netteté du dessin du sourcil et une certaine dureté, se retrouve presqueà l’identique, non seulement sur des exemplaires à lustre généralement datés du débutdu siècle2, mais aussi sur des majoliques polychromes de type petal-back 3. Ils ont doncété exécutés à Deruta, dans un atelier actif au début du xvie siècle4.

1. D’autres coupes ornées aucentre d’un profil entouré dedents de loup, de formecependant cylindrique, sontconservées au Louvre (inv.OA 1662 et 1674, repr. inGiacomotti, 1974, nos. 550-551) et au musée Adrien -Dubouché de Limoges (inv.5 444, repr. , ibid. , no. 552).

2. Cf. par ex. la coupe du PetitPalais à Paris, inv. Dutuit1119, in Join-Dieterle, 1984,no. 25, pp. 98-99, et le petitplat du musée municipal dela Céramique à Deruta, inOmaggio a Deruta, 1986,no. 25, p. 98.

3. Cf. par ex. la coupe duLouvre inv. OA 7573, inGiacomotti, 1974, no. 455, p.132, et le fragment defouilles de Deruta in Fiocco-Gherardi,1988, p. 37, pl. IXa.

4. La manière de peindre decet artiste rappelle celle duPainter of the Diruta Plate,appelé ainsi par Rackham enraison de l’inscription Fato inDiruta d’un plat du Victoriaand Albert Museum (inv.C. 2156-1910), in Fiocco-Gherardi, 1994a, fig. no. 133,p. 237).

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30. VaseDeruta, première moitié du xvie siècle

H. 24,2 / D. panse 18,6 / D. col 12,6 / D. pied 10,6 • Inv. 1935COUL.: bleu; reflets métalliques dorés.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Décor mixte obtenu par deux cuissons après celle « de dégourdi »:décor de grand feu complété par un décor de petit feu conduit en réduction. Lustre métalliquediscret; surface rugueuse à certains endroits; intérieur émaillé blanc grisâtre; sous l’anse, sur lapanse, retraits d’émail; sur le piédouche, une fêlure provoquée à la cuisson; base brute. Troistraces de réparations: le fel au col, sur la paroi de la coupe et à la jonction du piédouche.PROV.: Coll. Lafontaine; Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1943, no. 91, p. 67; Poole, 1995, p. 173 (cité en relation avec un exemplaire analogue).

Vase en forme de bulbe sur piédouche haut et conique, avec col à bord mouluréet deux anses verticales recourbées Deux grandes inflorescences opposées, unefrise médiane et de larges godrons peints à la partie inférieure et sur le pied consti-

tuent le décor.Cette forme de vase est l’une des plus communes à Deruta au xvie siècle, qu’il s’agisse

de majoliques à lustre ou polychromes. Elles étaient dotées d’un couvercle conique munid’un bouton de préhension. La cruche à bec en gouttière et à une seule anse en consti-tue une variante. Ces vases reposaient vraisemblablement au centre d’un bassin à ombi-lic, genre également très commun à Deruta. A notre connaissance, la corrélation avancéen’a cependant jamais été prouvée. Largement diffusés, de nombreux vases similairessubsistent, notamment dans les collections publiques (Louvre1 et Petit Palais2 à Paris,musée régional de la céramique d’Ombrie3, musée national d’art médiéval à Arezzo4,Metropolitan Museum de New-York5 et Fitzwilliam Museum à Cambridge6).

1. Inv. OA 1832, OA 1831, R 221,R 222, OA 1657, OA 6999,OA 7000, R 220, R 219, inGiacomotti, 1974, nos. 626-634.

2. Inv. S. 2446 et S. 2447, inJoin-Dieterle, 1984, nos. 26-27, pp. 100-103.

3. In Omaggio a Deruta,Florence, 1986, no. 27, p. 51.

4. InMaioliche umbre decoratea lustro, 1982, no. 33, p. 114.

5. Ibid. , no. 34, p. 115.6. Inv. C. 53-1927, in Poole,

1995, no. 244, pp. 172-173.

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31. CoupeDeruta, vers 1520-1530

H. 4,6 / D. 30 / D. pied 12 • Inv. 1946COUL.: Bleu; reflets métalliques dorés.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Décor mixte obtenu par deux cuissons après celle « de dégourdi »:décor de grand feu complété par un décor de petit feu conduit en réduction. Trois traces depernettes sur le portrait; revers émaillé; imperfections techniques sur la surface. Fêlure (3 h);usures sur le pourtour; manque au pied; réparations anciennes d’un fragment (1 h / 3 h) et de deuxéclats d’émail sur le médaillon central.PROV.: Coll. Alfred Pringsheim (vente Londres, II, 19 juillet 1939, no. 320); Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1956, no. 50, p. 45; Falke, 1994, vol. III, pl. CLXXX.

Coupe sur pied bas ornée au centre d’un profil de guerrier en buste, vêtu d’unhabit et coiffé d’un casque de type classique, se détachant sur un fond de paysageanimé de petites collines pointues. Sur l’aile, frise de motifs rayonnants à

arabesques. Le revers est émaillé en blanc.Un certain nombre d’estampes imprimées à Florence par un florentin du cercle de

Baccio Baldini, actif vers 1470, présentent des profils masculins coiffés de casques fantas-tiques que le peintre de cette coupe aurait pu interpréter. La gravure Roma, du Maître IBcon l’uccello, plus proche encore par le casque à plumet, le drapé de la tunique et la figure,a également pu l’inspirer.

Le décorateur aurait utilisé la tête seule, en la modifiant légèrement, comme ce futle cas pour le plat du Maître du pavement de San Francesco conservé au Louvre1. Cettecoupe paraît du reste très proche du style de l’atelier, qui a produit ce pavement. Bien quenotre majolique soit d’une exécution moins raffinée, on y retrouve certains éléments, telle paysage stylisé qui présente en fond des montagnes coniques sur lesquelles se dres-sent des tours, telle l’ombre bleue qui crée une zone autour du profil, tel enfin le dallageà carreaux.

Il est rare que le motif à arabesque encercle un figure centrale; pour une dispositionsimilaire, on pourra se référer par exemple au plat d’apparat du château d’Ecouen, décoréau centre de deux chiens attrapant un lièvre de leurs crocs, dont l’exécution est égale-ment très proche du pavement de San Francesco2.

1. Inv. OA 1545, in Giacomotti,1974, no. 538.

2. Inv. Cluny 2454, Ibid. ,no. 642.

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32. Plat d’apparatDeruta, Maître du pavement de San Francesco,(Nicola Francioli dit Co?), vers 1524

H. 9,5 / D. 42,5 / D. talon 14 • Inv. 1945COUL.: Bleu, vert; reflets métalliques dorés et rehauts de rouge métallique.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Décor mixte obtenu par deux cuissons après celle « de dégourdi »:décor de grand feu complété par un décor de petit feu conduit en réduction. Nombreux défautsdans l’émail; sillons de tournassage apparents. Accidenté, complet (cassé en deux dans sahauteur, plus quatre fragments de part et d’autre de la cassure centrale, sur l’aile), réparationsanciennes.PROV.: Coll. Heilbronner; Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1956, no. 41, p. 36.

Plat sur talon, à bassin profond et à aile large. Au centre et sur fond de paysage,saint Paul tient le livre et l’épée devant deux inflorescences. Sur l’aile divisée encompartiments de largeurs inégales, appelés métopes et triglyphes, alternent fleu-

rons et imbrications. Le revers est recouvert d’un vernis jaunâtre. Deux trous percés autalon avant cuisson indique qu’il s’agit là d’un plat d’apparat destiné à être suspendu.

Bien que l’aile porte un motif des plus communs, ce plat n’appartient certainementpas à une série. L’image même de saint Paul est rare sur les plats d’apparat de Deruta, etnous avons là une pièce vraisemblablement réalisée sur commande. Le contraste dudécor assez grossier de la bordure et de celui du centre, qui se distingue par l’extraordi-naire qualité de son trait, apparaît très clairement.

Ce plat serait attribué au plus raffiné des peintres ayant décoré le pavement de SanFrancesco, chef-d’œuvre de la majolique de Deruta daté de 1524, probablement NicolaFrancioli dit « Co » faute de documentation 1. Hormis le tracé de la figure du saint,l’arrière-plan composé d’une ville riche en tours et en campaniles, les inflorescences,sont autant d’éléments communs au pavement et au plat. Ce dernier devrait donc daterde la même époque. Un plat orné d’un profil féminin, également sur fond de paysage,est attribué à la même main (ancienne coll. Charles Damiron)2.

1. Sur le pavement et sabibliographie, cf. Fiocco-Gherardi, 1984, 3-4, pp.183-188; Ibid, 1994a, pp. 50-51, fig. 138; Busti-Cocchi,2004b.

2. Chompret, 1949, II, p. 29,fig. 209.

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33. Plat d’apparatMaître du pavement de San Francesco,(Nicola Francioli dit Co?), vers 1524

H. 9 / D. 42 / D. base 12,2 • Inv. 1937COUL.: Bleu (deux tons, dont un intense); reflets métalliques dorés.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Décor mixte obtenu par deux cuissons après celle « de dégourdi »:décor de grand feu, complété par un décor de petit feu conduit en réduction. Irrégularités de laglaçure: coulures, picots, balafres. Usures et manque d’émail sur le pourtour extérieur et l’arêteinterne. Bon état de conservation. Porte un cachet de cire rouge.PROV.: Coll. Baron Gustave de Rotschild; Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1943, no. 63, p. 46; Giacomotti, 1962, repr. p. 44, fig. 29; Wilson, 1993a, p. 149 (citéen relation avec un autre exemplaire portant la lettre N couronnée). Casati Migliorini, 2004 p. 45;Anversa, 2014, p. 90

Plat à talon, à bassin profond et à aile large. Au centre et sur fond de rameaux fleu-ris, buste de face d’un jeune homme coiffé d’un casque ailé et vêtu d’une armureélégante; à son côté, lettre N en majuscule, surmontée d’une couronne. Sur l’aile,

guirlande d’inflorescences à calices et à feuilles découpées. Le revers est recouvert d’unvernis vert clair. Deux trous percés au talon avant cuis-son indiquent que ce plat était destiné à être suspendu.

L’attitude du visage, la forme du couvre-chef et del’armure s’inspirent sans doute d’un dessin perdu duPérugin. La lettre N couronnée est difficile à interpré-ter. Elle apparaît en effet auprès de personnages trèsdifférents les uns des autres. Elle est associée par exem-ple à la jeune femme de profil ornant un bassin àgrotesques en relief de la collection Lehman, que l’onpourrait peut-être attribuer au maître du pavement deSan Francesco 1; elle accompagne également la têted’empereur lauré qui figure sur un plat d’apparat de laNational Gallery de Washington2. Cette lettre ne peutdonc se référer au personnage lui-même.

1. New York, MetropolitanMuseum of Art, inv. 1975. 1.1032, in Rasmussen, 1989,no. 44, p. 76.

2. Inv. 1942. 9. 320, in Wilson,1993a, pp. 147-149.

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Le Pérugin, L’Eternel avec desprophètes et des sibylles

(dètail) Pérouse Collegio del Cambio[ CLICHÈ MESDAMES C. FIOCCO ET G. GHERARDI ]

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34. Plat d’apparatDeruta, première moitié du xvie siècle

H. 7 / D. 44,4 / D. talon 13,3 • Inv. 1704COUL.: Bleu; reflets métalliques dorés.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Décor mixte obtenu par deux cuissons après celle « de dégourdi »:décor de grand feu complété par un décor de petit feu conduit en réduction. Très voilé; nombreuxpicots et défauts sur l’ensemble du plat. Intègre; usure sur l’arête interne; léger manque sur lebord, visible au revers. Etiquette: « Coll. A. Chevet ».PROV.: Coll. A. Chevet (vente Paris, 5-6 nov. 1951, no. 171); Paul Gillet, don 1955.BIBL.: Damiron, 1956, no. 43, p. 38; Tortolani, 2013, p. 14, fig. 9b.

Plat à bassin profond et à aile large dont le bord est taillé en biseau. Au centre,l’écu à rubans de la famille Baglioni. Sur l’aile, compartiments rayonnants de diffé-rentes largeurs où alternent inflorescences et imbrications. Le revers est revêtu

d’un vernis jaunâtre. Deux trous pratiqués au talon avant la cuisson indiquent l’utilisa-tion décorative de ce plat destiné à être suspendu.

Les armoiries des Baglioni se rencontrent souvent dans la majolique de Derutajusqu’aux environs de 15401, en hommage à cette famille qui régnait sur Pérouse queprotégeait Deruta, son bourg fortifié. En effet, un plat d’apparat orné d’un blason flan-qué de cornes d’abondance et portant l’inscription VIVA LA BAGLIONA CHE P.TVTTO...est d’une importance capitale car il confirme irréfutablement cette attribution. Ce platest conservé au John Mable Ringling Museum of Art de Sarasota (USA)2.

1. Jusqu’à la guerre du sel quicausa la ruine de la familleBaglioni. A la la mort dePaul III, celle-ci se relevatoutefois et certainsBaglioni occupèrent ànouveau de hautes fonctionsdans la ville. Un plat del’atelier du Frate, des années1560, est l’exemple le plustardif que nous connaissonsde majoliques portant leursarmoiries (cf. Fiocco-Gherardi, 1995b, pl. I).

2. S. N. 7045, in Ladis, 1989,no. 10.

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35. Plat d’apparatDeruta, première moitié du xvie siècle

H. 9,2 / D. 43,8 / D. base 8,2 • Inv. 1707COUL.: Bleu; reflets métalliques dorés.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Décor mixte obtenu par deux cuissons après celle « de dégourdi »:décor de grand feu complété par un décor de petit feu conduit en réduction. Pièce gauchie; troistraces de pernettes; plusieurs défauts: picots et tressaillures. Revers rugueux par endroits,inclusions, balafres et fente dans le talon. Usures sur l’arête interne, égrenures et écaillures sur labordure; fond: fêlure et trois réparations (sur deux zones de l’aile, puis sur le bras gauche et lebuste), sans aucune fracture, cette réparation de 6 cm de diamètre s’expliquerait par unproblème d’adhésion de l’émail.PROV.: Coll. Parpart (Hünegg); Hermann Emden (vente Berlin, 3-7 novembre 1908, no. 74, repr. pl.6); Heilbronner; Paul Gillet, don 1955.BIBL.: Damiron, 1956, no. 46, p. 41.

Plat au bassin profond et à aile large dont le bord est biseauté. Au centre, une jeunefemme à mi-buste, de profil à gauche, tient une branche fleurie. Devant elle,une banderole porte l’inscription NEMO/SVASOR/ TE. CHONTEN/TVS

(personne n’est satisfait de son propre destin). L’aile est divisée en métopes et triglyphes,compartiments rayonnants de différentes largeurs où alternent inflorescences et imbri-cations. Le revers est recouvert d’un vernis jaunâtre. Sur le talon, deux trous percés avantcuisson indiquent la fonction d’apparat du plat, destiné à être suspendu. L’inscription estsans doute tirée du poète latin Horace qui exprime ce concept dans la première partiedes Satires 1.

L’illustration est à la manière de la peinture ombrienne de la fin du xv e et du débutdu xvi e siècle, en particulier celle du Pérugin et du Pinturicchio. Le plat est certaine-ment postérieur, il peut être daté des années 1520-1530, époque où la bordure à métopeset triglyphes est au goût du jour. Les majolicaires de Deruta restèrent toutefois long-temps attachés à cette manière, après même qu’elle ait cessé d’être significative dudéveloppement de l’art italien. On a souvent souligné les rapports étroits de Deruta avecPinturicchio. Son influence stylistique émane probablement des dessins et des cartonsqui circulaient dans les ateliers artisanaux. Après avoir été utilisés pour des œuvres deplus grande importance, ces dessins et ces cartons servirent longtemps aux peintres enmajolique.

Ce profil de jeune femme apparaît sur d’autres plats d’apparat, le plus souvent tournéà gauche - parfois à droite comme il advient lorsque le potier retourne le poncif utilisépour calquer le dessin. L’image est fréquemment accompagnée d’une banderole portantun proverbe ou le nom d’une femme suivi de l’appellation Bella 2. Les céramistes utili-saient le plus possible le même modèle, variaient l’inscription et personnalisaient le platselon les exigences du client.

1. Sermonum liber prior, I, v. 1-3: Qui fit, Maecenas, utnemo, quam sibi sortem /seu ratio dederit seu forsobiecerit, illa / contentusvivat, laudat diversasequentis.

2. D’autres plats d’apparat àlustre métallique présentantune jeune femme analoguesont conservés auMetropolitan Museum deNew-York (repr. inMaiolicheumbre decorate a lustro,1982, no. 5, p. 94), auVictoria and Albert Museum(Rackam, 1940, nos. 475-478), au Louvre et à Ecouen(Giacomotti, 1974, nos. 582-583), au Fitzwilliam Museumde Cambridge (inv. C. 24-1932, in Poole, 1995, no.237), et au musée municipalde Pesaro (in Mancini DellaChiara, 1979, nos. 165et 167).

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36. Plat d’apparatDeruta, première moitié du xvie siècle

H. 8,9 / D. 41,5 / D. base 13 • Inv. 1941COUL.: Bleu; reflets métalliques dorés.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Décor mixte obtenu par deux cuissons après celle « de dégourdi »:décor de grand feu complété par un décor de petit feu conduit en réduction. Quelquesimperfections techniques: pièce voilée; émail rugueux; retrait sur le bord laissant la terreapparente; au revers de l’aile, une zone brute. Usure de l’arête interne; deux ébréchures sur lebord postérieur. Intègre.PROV.: Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1956, no. 59, p. 52; Wilson, 1993a, p. 154 (cité en relation avec un autre exemplaireportant la même inscription).

Plat à bassin profond et à aile large. Au centre, une jeune femme à mi-buste, deprofil à droite, tient une branche fleurie. Devant elle se déroule une banderoleportant l’inscription CHI / BE. G / VIDA. SUA. BACA / ESEPR / E.IPOR / TO

(Celui qui dirige bien sa barque est en sécurité comme s’il était encore au port). L’aileest divisée en métopes et triglyphes, compartiments de différentes largeurs dans lesquelsalternent inflorescences et imbrications. Le revers est revêtu d’un engobe vernissé. Deuxtrous pratiqués dans le talon avant cuisson indiquent l’utilisation décorative de ce platdestiné à être suspendu. Ce type d’illustration associée à des inscriptions diverses, pourla plupart des proverbes et des sentences moralisantes1, apparaît souvent sur les platsd’apparat. Le proverbe lui-même, qui invite à la prudence, se rencontre très fréquem-ment dans le répertoire de Deruta2.

1. Cf. par ex. l’exemplaire dumusée national de Ravenne,inv. 1855, in Zurli-Jannucci,1982, no. 7, pp. 65-66.

2. Cf. Wilson, Op. cit. , pp. 152-4, en particulier la note 5 oùsont énumérés différentsexemplaires portant lamême maxime.

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37. Plat d’apparatDeruta, première moitié du xvie siècle

H. 8,5 / D. 41,6 / D. base 12,5 • Inv. 1942COUL.: Bleu; reflets métalliques dorés.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Décor mixte obtenu par deux cuissons après celle « de dégourdi »:décor de grand feu, complété par un décor de petit feu conduit en réduction. Retrait d’émail sur labordure; guillochages sur le revers de l’aile (défauts provoqués par le tournassin); trois fentesdans l’épaisseur du talon. Intègre.PROV.: Coll. Mme Mathilde de Rothschild; Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1943, no. 62, p. 45; Rondot, 1993, pl. 2; Blazy, 1998, repr. p. 72.

Plat à bassin profond et à aile large au bord biseauté. Au centre, une jeune femmede face à mi-buste, portant de longues tresses nouées sur la poitrine; derrière ellese déploie une banderole qui porte l’inscription GIROLIMA. BE / LLA. PVL / ITA.

Sur l’aile, métopes et triglyphes, compartiments rayonnants de différentes largeurs où alter-nent inflorescences et imbrications. Le revers est revêtu d’un vernis jaunâtre sur lequelest tracée une ligne bleue. Deux trous percés dans l’épaisseur du talon avant cuissonattestent le rôle décoratif de ce plat qui veut être un hommage à une femme prénomméeGirolima.

Les artisans de Deruta étaient si célèbres pour leurs plats d’hommage aux « belles »qu’un poète de Todi, Adriano da Concole, dans une oeuvre intitulée Au potier de Deruta,dresse une longue liste de femmes dignes selon lui de cet honneur1. Ce portrait, quecaractérisent les tresses nouées sur la poitrine, a été souvent repris sur des plats d’appa-rat à lustre métallique ou polychromes, accompagnés de noms divers ou de proverbes2.L’inscription à lustre métallique est en revanche inhabituelle. Elle indique que le plataurait été cuit en deuxième cuisson avec un phylactère vide, et complété sur commandeà la troisième cuisson.

1. Briganti, 1903, pp. 13-15.2. Cf. par ex. le plat d’apparat

polychrome avec aile àcontours fleuris del’ancienne collection Adda:un portrait de femmeidentique est accompagnéd’une banderole portant leproverbe Chi ben guida suabarca e sempre in porto (quimène bien sa barque revienttoujours au port), inRackham, 1959, pl. 166 A,no. 380) et celui du Victoriaand Albert Museum, inRackham, 1940, no. 749, inv.84. 1901.

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38. Plat d’apparatDeruta, Giacomo Mancini dit Il Frate ?, vers 1540-1550

H. 8,1 / D. 42,2 / D. base 14 • Inv. 1947COUL.: Bleu; reflets métalliques dorés et rehauts de rouge métallique.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Décor mixte obtenu par deux cuissons après celle « de dégourdi »:décor de grand feu, complété par un décor de petit feu conduit en réduction. Pièce voilée; lelustre doré est discret; nombreux défauts et picots dans l’émail; au revers, sur l’émail grisâtre etirrégulier, une marque peinte en bleu. Usures sur le bord et l’arête interne. Intègre.PROV.: Coll. F. W. Lippmann; Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1943, no. 20, p. 15; Giacomotti, 1962, p. 32, repr. p. 35; Fiocco-Gherardi, 1994, repr.p. 222, fig. 113.

Plat à bassin profond et à aile large. Décor en plein représentant le Christ en croix.La croix se dresse sur un pavement quadrillé tandis que des édifices occupentl’arrière-plan. Aux pieds du Christ, le monogramme bernardin IHS tracé en

grandes lettres gothiques. De part et d’autre, saint Jérôme se battant la poitrine d’uncaillou, son chapeau cardinalice et le lion devant lui, et saint François en prière. Le reversest revêtu d’émail blanc. Deux trous pratiqués sur le talon avant cuisson indiquent quece plat d’apparat était destiné à être exposé.

On retrouve l’image centrale, bien que d’une autre une main, sur un plat d’apparatavec aile à compartiments (anciennes collections Buchan Hepburn et Bolognesi de Milan)vendu par Sotheby’s en 19971. L’iconographie a probablement été inspirée par l’illustra-tion d’un livre sacré. La gravure qui introduit le Plenarium 2 d’Augsbourg, le 7 mai 1478,en est particulièrement proche bien que le monogramme surmonté du crucifix soit entourédes symboles des quatre évangélistes3. La représentation de saint Jérôme a sans douteété empruntée à la gravure du Maître PW de Cologne. Elle est semblable aussi dans lerendu de l’ombre de l’anatomie. L’exécution, rigide et quelque peu archaïsante, évoquele style de Giacomo Mancini dit Il Frate des années 1545, époque où il réalise la série inspi-rée du Roland Furieux, et rappelle également le bassin représentant le mythe d’Erysich-thon du musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg4.

1. Sotheby’s, 1997, no. 375.2. Le Plenarium est un ouvrage

rassemblant des textesrelatifs à un même sujet. Leplus commun était leMisselPlenarium qui contenaittoutes les prières de lamesse.

3. Bartsch, 1981, II, p. 114,no. 82.

4. Fiocco-Gherardi, 1994a,pp. 54-55, figs. 158-164.

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39. Plat d’apparatDeruta, vers 1520-30

H. 9 / D. 40 / D. base 13. 5 • Inv. 1700COUL.: Bleu, vert, jaune orangé.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Légèrement voilé; glaVure plombifère terne; défauts. Accidenté:cassé en deux (12 h / 5 h), fragmenté à droite (six pièces), réparation ancienne.PROV.: Paul Gillet, don 1955.BIBL.: Damiron, 1943, no. 135, p. 96; Fiocco-Gherardi, 1990a, p. 35; Wilson, 1993a, p. 158 (danschacun de ses ouvrages, le plat est mis en rapport avec un exemplaire similaire).

Plat à bassin profond et à aile large. Au centre, sur fond de paysage, Vierge à l’En-fant. Sur l’aile s’enroulent des rinceaux fleuris. Le revers, recouvert d’un vernisjaune verdâtre, est orné de deux spirales peintes en bleu sombre. Deux trous de

suspension pratiqués sur le talon avant cuisson indiquent la destination d’apparat du plat.Cette représentation, courante dans la majolique de Deruta sur des plaques ou sur

des plats d’apparat1, dérive sans doute d’un dessin du Pérugin. Certaines de ses Madonessont en effet très proches. Citons par exemple celle du Gonfalon de la Justice (Pérouse,Galerie nationale d’Ombrie), la madone exécutée sur fresque pour la chapelle San Biagio,datée de 1521 et déposée à l’église Santa Maria Maggiore de Spello, ou encore la madonesur fresque de l’église de l’Annunziata à Fontignano, postérieure d’une année et qui enreprend l’iconographie. Le motif de rinceaux fleuris autour de l’aile se rencontre aussidans les détails décoratifs des marqueteries du chœur du dôme et du collège du Changede Pérouse; il appartient au répertoire décoratif renaissant de l’Ombrie2.

1. Cf. par exemple le platd’apparat à lustre métalliqueavec aile à imbrications de laNational Gallery of Art deWashington D. C. , inv. 1942.9. 325, où l’image estaccompagnée d’uneinscription. AVE/ SANTI /SSIMA MA/RIA. MATE/ R DEI.REG/ INA. CELI (in Wilson,1993a, pp. 156-158); le platd’apparat à lustre métalliqueavec aile à compartimentsdu Musée National deFlorence (inv. maioliche no.96, in Fiocco-Gherardi,1990a, no. 15, p. 34; le platd’apparat avec aile àcompartiments du RoyalScottish Museum avecl’inscription SANTA MARIAORA PRONOBIS (in Curnow,1992a, no. 29); la plaqueautrefois dans lescollections Murray etDamiron, vendue chezSotheby’s, à Londres, le 28avril 1954, no. 131.

2. Cf. Fiocco-Gherardi, 1988,pp. 67-68.

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40. Plat d’apparatDeruta, première moitié du xvie siècle

H. 9 / D. 41,5 / D. talon 13 • Inv. 1703COUL.: Bleu, vert, jaune, orangé.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Gauchissement très prononcé; manques au talon;défauts, inclusions, revers à glaçure plombifère moutarde. Accidenté, haut latéraldroit (quatre fragments), restauration ancienne; fêlure.PROV.: Coll. Heilbronner; Paul Gillet, don 1955.BIBL.: Damiron, 1956, no. 44, p. 39.

Plat à bassin profond et aile large. Au centre, une jeune femme à mi-buste, au seindénudé et aux longs cheveux noués. A sa droite, une banderole portant l’ins-cription P.SERVIRE. SE. RVE. SEN / PER (per servire serve sempre: « Servir sert

toujours »)1. Sur l’aile, dans des compartiments de différentes largeurs alternent inflo-rescences et imbrications. Le revers est recouvert d’un vernis jaunâtre sur lequel est tracéeen bleu une spirale. Deux trous de suspension pratiqués sur le talon avant cuisson indi-quent l’usage d’apparat du plat.

Cette représentation est récurrente sur les plats de Deruta2, qu’ils soient polychromesou à lustre métallique.

1. Cette devise est légèrementmodifiée (Per servireseserve sempre) sur un platdu Victoria and AlbertMuseum (inv. C. 2169-1910,in Rackham, 1940, nos. 479-480); également associée àun visage de femme, elle estainsi interprétée parRackham: Servir les autres,c’est toujours se servir soi-même.

2. Cf. par ex. les plats duLouvre, inv. OA 1433, inGiacomotti, 1974, no. 588,du Victoria and AlbertMuseum, in Rackham, 1940,no. 479, du musée municipalmédiéval d’Arezzo, in DeMauri, 1924, pl. XLI, duKunstgewerbemuseum deBerlin, inv. no. K 1697, inHausmann, 1972, nos. 154-155, de la Walters ArtGallery de Baltimore (USA),in Erdberg-Ross, 1952, pl. 11,no. 16 et des coll. Mannheim(in Chompret, 1949, II, fig.201) et Adda (Rackham,1959, no. 353).

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41. Plat d’apparatDeruta, deuxième moitié du xvie siècle

H. 7,3 / 7,8 / D. 40 / D. base 13,5 • Inv. 1702COUL.: Bleu, vert, jaune, orangé.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Très voilé; sur le bord, deux éraflures avant cuisson; revers: émailirrégulier (coulures et manques), criblé de picots, tressaillures. Bon état de conservation, légermanque et quatre réparations au bord.PROV.: Paul Gillet, don 1955.BIBL.: Damiron, 1943, no. 149, p. 107.

Plat à bassin profond et à aile large. Au centre, sur fond de paysage, un jeunehomme coiffé d’un chapeau à plume tient de la main gauche un violon et de l’au-tre un archet. Sur l’aile sont disposées des inflorescences à calice alternant avec

des feuillages. Revers émaillé de blanc. Deux trous de suspension pratiqués dans l’épais-seur du talon avant la cuisson indiquent qu’il s’agit là d’un plat décoratif.

Ce plat est exécuté d’une manière hâtive et dans un genre quelque peu populaire,deux caractères de la céramique de Deruta après le milieu du xvi e siècle qui semblentvouloir vulgariser l’œuvre de Giacomo Mancini dit Il Frate de Deruta. En réalité, afinde maintenir sa production à un haut niveau de qualité, Giacomo en vint à certainesstylisations spécifiques que l’on reconnaît par la suite sur de nombreux plats d’appa-rat du type de celui-ci, constituant désormais des séries, et exécutés sans doute dansson atelier.

La comparaison avec un plat du Museum für Kunst und Gewerbe de Hambourg1

portant sur l’aile une ornementation identique et au centre les armoiries de Jules III(Giovanni Ciocchi del Monte), pape de 1550 à 1555, confirme une datation tardive.

1. Inv. no. 1905. 59, inRasmussen, Hambourg,1984, no. 113, pp. 153-154.

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42. Plat d’apparatDeruta, deuxième moitié du xvie siècle

H. 7,6 / 8,1 / D. 41 / D. base 12,5 • Inv. 1934COUL.: Bleu, vert, jaune, orange intense, brun, noir.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Très gauchi; nombreux picots. Réseau de tressaillures dans l´émail;accidenté, trois fragments (7 h / 12 h; sur l´aile (1 h / 3 h), restauration habile; deux grandes fêlures.PROV.: Coll. C. H. (Heilbronner ?); Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1956, no. 42, p. 37.

Plat à bassin profond et aile large. Au centre, sur un fond de paysage, un jeunehomme coiffé d’un chapeau à plume emporte au galop sur sa monture une femmeassise en croupe. L’aile est ornée de neuf arcs brisés dans lesquels s’entremêlent

des feuilles dentelées. Revers émaillé en blanc. Deux trous de suspension faits dansl’épaisseur du talon avant cuisson indiquent l’usage d’apparat du plat.

Sur le plan stylistique, ce plat est proche du plat no.41 du catalogue; tous deux datentde cette période où la manière des céramistes de Deruta, tout en devenant plus vive etexpressive, perdait de son élégance.

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43. Plat d’apparatGubbio ?, première moitié ou premier quart du xvie siècle

H. 9,5 / D. 42,2 / D. talon 16 • Inv. 2394COUL.: Bleu, vert, jaune, orange, ocre.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Émail irrégulier, marques et défauts; deux petits retraits sur la face;au revers: glaçure plombifère jaunâtre, fond et talon bruts. Accidenté, deux fragments (9 h / 3 h),fracture transversale horizontale, réparation ancienne.PROV.: Coll. Paul Gillet; Mme Paul Gillet, don 1973.BIBL.: Damiron, 1956, no. 53, p. 47.

Plat à bassin profond et à aile large. Au centre, un centaure enturbanné bran-dissant un cimeterre porte sur le dos une jeune femme à demi nue. L’aile estdivisée en compartiments de différentes largeurs alternativement ornés d’inflo-

rescences à calices, d’œils de plumes de paon et de rinceaux fleuris. Revers vernissé avecdeux trous de suspension au talon indiquant l’usage d’apparat du plat.

La scène semble représenter un épisode du mythe d’Hercule, l’enlèvement de safemme Déjanire par le centaure Nessus. On s’étonne toutefois que le héros Hercule n’yfigure pas et que le centaure soit fastueusement coiffé à l’orientale. Si la forme du plat etla répartition du décor permettent de penser à une production de Deruta, plusieursanomalies rendent cependant cette attribution incertaine. Par exemple, l’allure et le typedes inflorescences qui constituent le décor alla porcellana rappellent la majolique d’Ur-bino du début du xvie siècle; par ailleurs les personnages, plus sculptés et à l’anatomielourdement dessinée, présentent de notables ressemblances avec le saint Sébastien duplat Gillet (Fiocco et alii 2001, no. 95 )1. L’hésitation entre les typologies de Deruta etcelles des Marches caractérise la production du début du xvie siècle de Gubbio, centremarqué par ces deux influences en raison de sa situation géographique et politique. Dansl’état actuel des recherches, on attribue plutôt à Gubbio ce plat tout à fait inhabituel.

1. Par ailleurs, le visage ducentaure sembles’apparenter au saint Ubalddu plat de pompe du muséede Faenza, inv. 24930,attribué par Ravanelli àDeruta (1990a, pp. 172-173)mais que nous pensons deGubbio.

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44. Plat d’apparatGubbio ?, début xvie siècle

H. 8 / D. 44,4 / D. talon 14 • Inv. 1694COUL.: Bleu, vert, brun / roux, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Pièce gauchie; émail criblé de picots, rugueux, six éraflures;revers à glaçure plombifère, retrait sous l’aile, fond brut. Accidenté, un fragment (11 h / 4 h),fêlure dans le prolongement de la fracture; au revers, traces d’agrafes supprimées.PROV.: Coll. Alfred Pringsheim (vente Londres, 19 juillet 1939, no. 237,repr. II, p. 73); Paul Gillet, don 1955.BIBL.: Frati, 1844, no. 190, p. 37; Falke, 1924, II, repr. pl. 120, no. 232; Damiron, 1943, no. 55, p. 40;Chompret, 1949, I, p. 42, repr. II, p. 26, fig. 189; Giacomotti, 1962, repr. p. 37, fig. 13; Giacomotti,1974, p. 138 (cité en rapport avec le plat du Louvre); Rondot, 1993, pl. 3; Blazy, 1998, p. 69; Piccini,2000, repr. p. 30, fig. 20; Gardelli, 2001, repr. p. 54, fig. 12; Casati Migliorini, 2004, pp. 47 et 54.EXP.: Manderen, 1998, no. 6.

Plat à bassin profond et à aile large. Au centre, sur un fond bleu intense, un petitamour ailé, un jeune homme et une jeune femme jouent respectivement de lacymbale, du violon et de la cithare. L’homme est assis sous un arbre dépouillé

auquel est suspendu un cartouche portant les lettres B. P. C. R. L’aile est ornée de trophéesd’armes et de musique sur fond orangé parmi lesquels on distingue des écus, des armures,des tambours et des flûtes. Le revers est recouvert d’une glaçure blanchâtre présentantdes traces d’émail. Cinq trous percés sous le pied avant cuisson indiquent que ce platétait destiné à être présenté comme plat d’apparat.

Une scène identique, peut-être du même peintre, figure sur un fond de plat du Louvre1.La dame en est cependant absente, remplacée par un cerf et un lapereau, tandis que lecartouche qui pend à droite de l’arbre porte les lettres S. B. R. C. La présence d’animauxsur ce fragment permet de penser que la scène représente Orphée charmant les animauxde sa musique. La femme peinte sur le plat de la collection Gillet pourrait donc être sonépouse Eurydice.

Sa forme et le fait que de tels plats sont typiques de la production de Deruta onttraditionnellement fait attribuer ce plat à Deruta. Cependant, les trophées d’armes quiornent l’aile sont beaucoup plus fréquents sur la majolique du duché d’Urbino. Certainséléments permettent par ailleurs de supposer que Gubbio, qui faisait partie de ce duché,a exécuté au début du xvie siècle des typologies proches de celles de Deruta.

Bien qu’ accentuées par leurs grandes dimensions, les figures ressemblent, par la rigi-dité des profils classiques et la raideur du mouvement, à celles d’une coupe de la collec-tion Lehmann2 ornée d’un épisode amoureux du Roland Furieux, coupe datée de 1528,et à celles d’une autre conservée à Brunswick illustrant l’histoire de Joseph et de la femmede Putiphar, datée de 15243. Ce plat paraît cependant plus archaïsant et d’une exécu-tion antérieure.

1. Inv. OA 1629, in Giacomotti,1974, no. 473.

2. New-York,MetropolitanMuseum of Art, inv. 1975. 1.1088, in Rasmussen, 1989,no. 69.

3. Herzog Anton Ulrich-Museum, inv. H33(1771-1806), in Lessmann,1979, no. 173, p. 191.

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45. AssietteGubbio, atelier de Maître Giorgio Andreoli, vers 1526-36

H. 5 / D. 25,5 / D. base 7,2 • Inv. 1914COUL.: Bleu, vert, jaune; reflets métalliques rouges et dorés.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Décor mixte obtenu par deux cuissons après celle « de dégourdi »:décor de grand feu, complété par un décor de petit feu conduit en réduction pour l’application dulustre métallique. Les motifs de l’aile sont champlevés (a graffito), les parties évidées étantensuite coloriées. Accidentée, complète (deux fragments), réparation ancienne; bord érodé.PROV.: Coll. Goldschmitt; Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1956, no. 65, p. 57.

Sur le médaillon central, un amour ailé, debout, s’appuie sur un bâton recourbé.L’aile est ornée d’un motif de palmettes classiques. Le revers, émaillé de blanc, estsillonné de bandes et de filets en lustre métallique rouge. Parmi les plus diffu-

sés de la Renaissance, le décor à palmettes dans sa version de Gubbio provient de l’ate-lier de Maitre Giorgio, principalement dans les années 1526-1528; on en retrouvetoutefois des exemples en 1536. Ce décor orne certains des plus célèbres services exécu-tés a Gubbio, tel celui des Saracinelli d’Orvieto (1526-1528 environ) ou celui de NiccolòII Vitelli de Città di Castello, exécuté en 1527. Des putti ailés sont souvent représen-tés au centre des assiettes dans des attitudes variées, jouant avec des ballons, desarmes, des instruments de musique ou de petits chevaux de bois. Peut-etre ces décorsfont-ils allusion à une signification symbolique, bien qu’elle soit sans doute vague,ou alchimique (ludus puerorum / jeu d’enfant).

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46. CoupeGubbio, atelier de Maître Giorgio Andreoli, vers 1530-1550

H. 5,4 / D. 18,6 / H. pied 1 / D. pied 9,4 • Inv. 1907COUL.: Bleu; reflets métalliques rouges et dorés.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Pièce façonnée par estampage à l’aide d’un moule; décor mixteobtenu par deux cuissons après celle « de dégourdi »: décor de grand feu, complété par un décorde petit feu, ce dernier conduit en réduction pour l’application du lustre métallique. Bel aspect;légèrement voilée; un trou de suspension dans le talon avant la cuisson qui détermine sa fonctiond’apparat. Bon état de conservation; fêlure (3 h); éraflures; manque au talon; légères réparationsen bordure, sur la face interne.PROV.: Coll. Norzy (vente 1860, no. 45); Henry Oppenheimer Esq. , Londres (vente Londres, 15 juillet1936, no. 29, repr.); Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1943, no. 102, p. 75; Fiocco-Gherardi, 1991, p. 34 (cité en rapport avec un exemplairesemblable); Rondot, 1993, pl. 8; Blazy, 1998, repr. p. 68.

Coupe sur pied bas. Au centre, dans un médaillon cerné d’une moulure saillante,deux mains surmontées d’une couronne s’étreignent au-dessus d’un feu. Autour,des godrons obliques, légèrement en creux, alternent avec des bourgeons. Au

revers, six bandes concentriques à lustre métallique cuivré.L’iconographie possède une signification amoureuse. Elle symbolise la foi consacrée

par l’engagement nuptial et entretenue par le feu de la passion. La couronne fait proba-blement allusion à une issue heureuse1. On rencontre souvent cette iconographie sur lamajolique à partir de la fin du xve siècle, tandis que se diffusent les symboliques amou-reuses liées à la vulgarisation des thèmes néoplatoniciens2.

A partir de 1530 environ jusqu’au-delà de 1550, cette typologie de coupe est prépon-dérante dans l’atelier de Maître Giorgio de Gubbio. Il s’agit d’une production de série,rarement datée. Son exécution sommaire est compensée par la brillance des lustresmétalliques. D’autres coupes, dont l’iconographie représente les mains étreintes, parfoissous un cœur blessé ou sous deux yeux en pleurs, sont conservées au musée national deFlorence3, au Louvre4 au musée Vivenel à Compiegne5 et au musée de la Renaissanceà Ecouen6. Une autre, avec la couronne, appartient à une collection privée de Foligno7.

1. La présence de cettereprésentation sur unpavement de la secondemoitié du XVe siècleprovenant du couvent S.Paolo à Parme, aujourd’hui àla pinacothèque locale, faitsupposer qu’elle pourraitêtre aussi interprétée dansun contexte religieux(Fornari Schiandi, 1988). Cessymboles se rencontrentaussi sur des assiettesd’accouchée (Ladis, 1989,p. 70)

2. Fiocco-Gherardi, 1981,pp. 68-77.

3. Inv. majoliques no. 192, inFiocco-Gherardi, 1991, no. 3,p. 32.

4. Inv. R 962, in Giacomotti,1974, no. 724.

5. Blanchegorge-Lécuyer, 2011,no. 17, pp. 50-51

6. Inv. Cluny 7520, Ibid. ,no. 725.

7. Galeazzi-Valentini, 1975,p. 88.

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47. CoupeGubbio, atelier de Giorgio Andreoli, vers 1530-1550

H. 5,5 / D. 19,2 / H. pied 1,2 / D. pied 9,6 • Inv. 1732COUL.: Bleu, vert; reflets métalliques rouges et dorés.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Pièce façonnée par estampage à l’aide d’un moule; décor mixteobtenu par deux cuissons après celle « de dégourdi »: décor de grand feu, complété par un décorde petit feu, ce dernier conduit en réduction pour l’application du lustre métallique. Empreintes dumoule très visibles. Réparations sommaires: accidentée sur l’aile (deux fragments: 4 h et 9 h) etau bord (12 h / 6 h et 9 h / 11 h); manque au pied.PROV.: Paul Gillet, don 1956.BIBL.: Damiron, 1956, no. 60, p. 53.

Coupe sur pied bas présentant au centre, dans un médaillon convexe entouréd’une moulure saillante, saint Jean-Baptiste enfant marchant dans un pré, à côtéd’un arbre, une croix à la main. Autour, alternance de pins et de bourgeons avec

des feuilles découpées, le tout en relief. Le revers est émaillé en blanc. Pour la typologiede cette coupe, cf. cat. no. 46.

Associée à des contours divers, cette même iconographie apparaît souvent sur descoupes de Gubbio. Ces pièces portent parfois au revers le sigle N, probablement le mono-gramme de Vicenzo, fils de Giorgio Andreoli1.

1. Cf. par ex. les deux coupesdu musée de la Renaissanceà Ecouen, inv. Cluny 1152 et7521, et celle du muséeAdrien-Dubouché deLimoges, inv. 5455, inGiacomotti, 1974, nos. 712,731, et 713 (la première estmarquée du N, la troisièmedu P attribué à Vittorio, dit IlPrestino); d’autresexemplaires, au musée duPetit-Palais à Paris (inv. S.2434, in Join - Dieterle, 1984,no. 65), au Victoria andAlbert Museum (inv. 36 -1923, in Rackham, 1940,no. 708) et à la Walters ArtGallery de Baltimore (inv. 48.1355, in Erdberg - Ross,1952, pl. 23, no. 35). Unfragment portant la lettre Nest conservé au musée deFaenza (inv. 9490, in Fiocco-Gherardi, 1989, no. 373).

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48. ChevrettePesaro ? (ou Deruta), fin du xve siècle

H. 26,5 / D. panse 19,5 / D. base 13 / D. col 10,2 • Inv. 1980COUL.: Bleu, vert, orange, brun / roux, violet.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Retraits d’émail, notamment à l’anse; base brute;intérieur à glaçure plombifère de couleur jaune. Quelques manques au col, ébréchuresà la base; bec verseur refait sur 2,5 cm, avec un profil non conforme.PROV.: Coll. Alfred Pringsheim (vente Londres, 7 juin 1939, no. 21, repr.);Sigismond Bardac; Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Leman, 1913, pl. 15, repr.; Falke, 1914, repr. p. 29, no. 44 a-b; Damiron, 1943, no. 26, p. 20;Chompret, 1946, I, p. 64, repr. pl. 20, fig. 60; Giacomotti, 1962, p. 22, repr. pp. 33 et 36; Drey, 1978,repr. p. 45, fig. 16B; Blazy, 1998, repr. p. 71; Casati Migliorini, 2004, p. 40; Ceramic Antica no. 3, annoIV, mars 1994, couverture et p. 3.

Chevrette ovoïde sur base évasée, col cylindrique, bec à goulot recourbé tenupar un lien plat. Sous le bec, banderole avec inscription pharmaceutique enminuscules gothiques, SY. DE ASIENTIO, surmontée d’une croix patriarcale.

Au-dessous, monogramme dans un cercle. Sur les côtés, face à face, des profils d’hommeet de femme sur un fond fleuri. Au col, courant de feuilles vertes entre des bandes et desfilets.

La chevrette était destinée à contenir du sirop d’absinthe (Artemisia Absinthium),plante médicinale très amère dont les feuilles et les fleurs produisent une huile essen-tielle utilisée pour stimuler l’appétit par la sécrétion des sucs gastriques et de la bile, ainsique pour soigner les troubles digestifs et les coliques intestinales.

En 1914, Falke attribua la chevrette à Sienne, la datant des environs de 1470. Si l’onpeut s’accorder sur cette période puisque le décor est encore lié aux canons du gothiquetardif, une connaissance plus approfondie de la majolique d’Italie centrale permetactuellement d’écarter cette attribution à la Toscane et de la reporter sur la région del’Ombrie et des Marches. Même si la forme n’a pas d’antécédent précis, les caractèresdécoratifs et la blancheur de l’émail semblent indiquer une production de Pesaro de lafin du xve siècle. Dans le sous-sol de cette ville, on a en effet mis au jour de nombreuxfragments portant des motifs à rosettes, ou fleurs de bryone, et un courant de feuillagesidentique à celui qui cerne le col de l’exemplaire Gillet, mais toujours peint en bleu, jamaisen vert1. De telles caractéristiques se retrouvent toutefois, et assez semblables, dans laproduction polychrome de Deruta qui présente, dans le dernier quart du xve siècle, defortes analogies avec celle de Pesaro. Tout cela n’autorise donc pas une attribution défi-nitive, d’autant que le bec recourbé existe en effet sur certaines chevrettes de Derutadont la forme est dans l’ensemble cependant différente2.

1. Berardi, 1984, p. 254,figs. 31-32; voir aussil’albarello du BritishMuseum inv. 1885,5-8,21,repr. Ibid. , fig. 34.

2. Il s’agit de celles quiappartiennent au service à« la tête de Maure »; pourleur typologie, cf. Thornton-Wilson, 2009, no. 249,p. 426 et no. 266, p. 453.

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49. ChevrettePesaro, fin du xve siècle

H. 28 / D. panse 19 / D. base 12,8 / D. col 10,4 • Inv. 1982.COUL.: Email bleuté; bleu, vert, orange, violet.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Intérieur émaillé blanc. Réparations au pied, au col et au bec; manque au col.PROV.: Coll. Alfred Pringsheim (vente Londres, I, 4 juin 1939, no. 4); Paul Gillet, don 1960. BIBL.: Falke,1914, I, repr. p. 14, no. 21; Damiron, 1943, no. 21, p. 16; Giacomotti, 1962, repr. p. 23; Rondot, 1993, pl. 4;Ravanelli Guidotti, 1994, I, p. 24 (une provenance de la coll. Bardac y est signalée).

Chevrette à panse ovoïde étirée vers la base, évasée et à fond plat, à col cylin-drique, bec en goulot et anse verticale plate. Sous le bec, dans une réseve qui ensuit le contour, oiseau de profil à gauche. A l’arrière, sous l’anse, un cartouche

avec l’inscription Mele. rosato en minuscules gothiques. Fond d’élégants rinceaux defeuilles recoquillées. Autour du col, une rangée de serpentins sur fond de hachures. Surl’anse, trois rosaces superposées. Cette chevrette était destinée à contenir du miel Rosatdans lequel avaient macéré des pétales de roses. Il était recommandé en cas d’hémor-ragie et de diarrhée et contribuait à guérir la tuberculose. En infusion, il était utilisé contreles inflammations de la bouche et de la gorge.

Les motifs décoratifs offrent des caractéristiques de Pesaro, en particulier les serpen-tins striés autour du col et l’enroulement en forme de gouttes des feuilles recoquillées1.L’oiseau se détachant sur une réserve, stylisé à l’identique, figure également sur un arba-rello orné de feuilles recoquillées, avec arête de poisson au col et au pied, très probable-ment de Pesaro (ancienne collection Bardac)2.

1. Berardi, 1984, pp. 262-263,figs. 44 et 46.

2. Leman, 1913, pl. 11. L’albarelloest ensuite passé dans lescollections Boy et Schiff.

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50. AlbarelloNaples ou Pesaro , deuxième moitié du xve siècle

H. 32,7 / D. pied 11,4 / D. col 10,2 • Inv. 1692COUL.: Bleu, orange violet.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Émail rugueux; les zones peintes au manganèse sont bullées,nombreu picots; intérieur émaillé maigre; manipulation peu soignée; point de contact(enfournement serré); lèvre et base brutes. Intègre; deux fêlures croisées à la base.PROV.: Coll. M. X***, Mme X (vente Paris, 9 mai 1927, no. 37, repr. pl. VIII); G. Blumenthal (vente Paris,4 avril 1933, no. 26); Coll. Fernandez; Paul Gillet, don 1955.BIBL.: Damiron, 1943, no. 18, p. 13; Chompret, 1949, I, pp. 62-63, II, p. 49, fig. 367; Donatone, 2013, p. 31.

Albarello très élancé, légèrement cintré, aux épaulements carénés et au col courtévasé. Le décor est disposé en trois registres horizontaux qui ceinturent le vase.

Sur la bande centrale, des rinceaux ondulants à fleurs rondes; au dessus et au-dessous, suite de grandes feuilles recoquillées de type gothique alternant avec des inflo-rescences. A l’épaulement, une frise de lignes obliques, dessinant des S et une sorte dechaînette, entre plusieurs filets et bandes concentriques. La disposition du décor enbandes parallèles est semblable à celle de l’albarello précédent.

En ce qui concerne l’attribution, on peut trouver des analogies de décor sur des frag-ments de fouilles de Pesaro, par exemple avec le motif à fleurs, marguerites ou bryones,de type italo-mauresque 1 et les feuilles recourbées en spirales, appelées par Berardi sequen-ziali monomorfe ou séquencielles monomorphes2.

Il faut toutefois tenir compte d’un groupe généralement attribués à Naples3, albarellide forme presque identique et vases globulaires ornés de feuilles recoquillées de mêmestylisation, qu’accompagne souvent aussi une frise de S, en chaînette, autour de l’épau-lement. Ce groupe est en fait orné de ce qu’on pense être les armoiries et les profils dessouverains aragonais, apparemment de la même main que les décors des pavementsde la chapelle Brancaccio à Sant’Angelo de Nilo ou de la chapelle du Crucifix à San Pietrode Maiella, qui datent de la deuxième moitié du xve siècle4.

En l’état actuel des recherches, il est donc impossible, pour les nombreux albarellide ce type, de proposer une attribution précise à l’un des deux centres. Les spécialisteseux-mêmes ne peuvent se prononcer5. L’identification est d’autant plus difficile que,dans la seconde moitié du xve siècle, d’étroits rapports liaient politiquement les Sforza,seigneurs de Pesaro, à Ferdinand d’Aragon, roi de Naples.

1. Berardi, 1984, p. 254, fig. 31e, f, h.

2. Ibid. , p. 258, fig. 37.3. Cf. par ex. l’albarello du

Fitzwilliam Museum deCambridge, inv. C. 54-1927,in Poole, 1995, no. 461, p.428; celui de l’ancienne coll.Sacker, repr. in Donatone,1993, pl. 43.

4. Ibid. , pl. 7.5. L’exemple du Bargello est

valable pour tous, avechéron et feuillesrecoquillées de stylegothique d’où sortent desœils de plume de paon, pièceattribuée sans hésitation àNaples par Donatone (1993,pl. 150) et à Pesaro parBerardi (1984, p. 261, figs.42-43). Il reste donc às’émerveiller de l’affinité deproduction contemporaineentre deux centres aussiéloignés dont les échangesréciproques furent peut-être stimulés par le mariagede Camilla d’Aragon et deCostanzo Sforza, seigneurde Pesaro.

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51. CoupePesaro Nicolò da Fano (Peintre de la planète Vénus), 1543

D. 27,4 • Inv. 1926COUL.: Bleu, vert, jaune orange, brun, noir, violet, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Quatre traces de pernettes sur la face; quelquesretraits et picots; pâteclaire. Piédouche coupé.PROV.: Coll. Pasolini, Faenza; Coll. Baron Gustave de Rotschild; Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Frati, 1852, p. 18, no. 97; Damiron, 1943, no. 93, p. 69; Casati Migliorini,2004, pp. 55-56; Mallet, 2010, p. 182.

La coupe, pourvue à l’origine d’un pied bas, possède une paroi concave et un borddéversé. Galatée est représentée en plein, debout sur une conque traînée par desdauphins, et entourée de nymphes, de tritons et de petits amours. Le revers, orné

de deux filets concentriques jaunes, porte en caractères cursifs bleus et enfermée dansun cartel rectangulaire, l’inscription La Galatea suivie de la date 1543.

L’iconographie a été conçue par Raphaël pour la villa Farnèse à Rome. Cependant, lepeintre en majolique s’est sans doute directement inspiré de la gravure de Marc-AntoineRaimondi. Galatée, nymphe marine fille de Nérée et de Doride, fut aimée en vain par lecyclope Polyphème qui tua Acis par jalousie et fut ensuite, par la volonté divine, trans-formé en fumée1.

Sur le plan stylistique, notamment dans la façon de traiter le paysage, la coupe estassez proche d’un plat du musée municipal de Padoue représentant Latone changeant lespaysans en grenouilles, daté aussi de 15432. Sa calligraphie concorde parfaitement, demême que la date également inscrite dans un cartel rectangulaire. Le plat de Padoueest généralement attribué à un artiste appelé, sur la suggestion de Mallet, le peintre de laplanète Vénus. On doit cette appellation au décor d’une autre coupe exécutée par lui InPesaro 1544, conservée au Castello Sforzesco à Milan3. Le peintre était précédemmentdit Peintre de César et Cicéron, d’après une coupe du British Museum représentant Cicé-ron et César législateurs. Comme l’indique l’inscription du revers, cette dernière est datéede 1541 ou 1542 et fut exécutée à Pesaro dans l’ate-lier de Girolamo dalle Gabicce. On a reconnu lamême main dans nombre d’autres œuvres au pointd’en constituer une liste abondante4. En 2010Mallet est revenu sur le sujet, en identifiant le« Peintre de la Planète Vénus » à Nicolò de Fano,actif à Pesaro dans les années 1540- 1544 dans l’ate-lier du maître Girolamo dalle Gabicce. Il partitensuite pour Faenza où il signa dans l’atelier deVirgiliotto Calamelli un plat avec Apollon etMarsias5.

1. Ovide,Métamorphoses, XIII,750-727.

2. Padoue, Musée Municipal,inv. 177, daté de 1543.

3. Mallet, 1980, p. 154.4. Une liste exhaustive se

trouve dans Mallet, 2010,pp. 182-183.

5. Fiocco - Gherardi, 2007,fiche no. 122, pp. 182-6;Mallet, 2010.

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Marc-AntoineRaimondi, Galatée

[ CLICHÈ MESDAMES C. FIOCCO

ET G. GHERARDI ]

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Il s’agit d’un peintre aux couleurs vives qui stylise ses personnages d’une manièrecaractéristique, visages arrondis, membres musclés mis bien en évidence, tandis que lepaysage, offrant une perspective profonde, s’agrémente souvent de petits ponts en dosd’âne à trois arches ou plus. Les inscriptions au revers sont parfois accompagnées d’unesorte de ligne ondulée verticale, très mince, qui pourrait être la marque du peintre. Onsait qu’il est actif à Pesaro aux alentours des années 1542-1545, puis on en perd la trace.Il est possible qu’il ait été un temps potier à Urbino, et qu’il se soit absenté à une certainepériode de l’atelier de Girolamo. Pour sa part, Berardi pensait qu’il pouvait s’agir d’unautodidacte local et soulignait la essemblance stylistique avec le peintre Giacomo, supposéêtre fils de Girolamo, qui a signé une coupe du musée municipal de Bologne représen-tant le Bain de Psyché, datée de 15426.

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6. Inv. 1003, cf. Berardi, 1984,p. 184.

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52. PlatPesaro, Peintre de Zénobie, milieu du xvie siècle

H. 4,5 / D. 27,6 / D. base 8,6 • Inv. 1891COUL.: Bleu, vert, jaune, orange, violet, brun, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: trois marques de pernettes sur la face. Intègre; légère fêlure (4 h);bordérodé.PROV.: Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1956, no. 92, p. 75.

Plat au bassin profond, décoré en plein d’une légende concernant le roi Phala-ris, tyran d’Agrigente entre 570 et 554 av. J.C. (Pline, 34, 89) et, plus précisément,le sculpteur athénien Perillos. Ce dernier présenta au roi un taureau en airin qu’il

avait exécuté afin de faire périr par le feu, à l’intérieur de la sculpture, les coupables ducrime de lèse-majesté. Les cris des condamnés devaient se transformer en meuglementsparfaits. Hélas pour lui, Perillos fut le premier à expérimenter son invention. Sur la gauchedu plat, le tyran, assis sur un trône, ordonne le supplice. Sur la droite, Perillos est empoi-gné pour être introduit de force, par une trappe ouverte, dans le taureau sous lequel ungrand feu a été allumé. La légende, célèbre, a été reprise par Dante (Enfer, xxvii, vers 7et suiv.). Au revers du plat, l’inscription De Perillo au entre de deux cercles concentriquesjaunes.

Le même thème, à l’iconographie semblable, figure sur un plat de la Galerie natio-nale d’art antique, au Palais Barberini à Rome. Ce plat est attribué au Peintre de Zéno-bie 1, appelé ainsi d’après un plat du Victoria and Albert Museum, daté de 1552, quireprésente un épisode se rapportant à l’histoire de la reine de Palmyre2. L’écriture mêmesemble identique. On ignore tout de ce peintre qui, selon Berardi, est assez peu « pesa-rien ». Sa manière de distribuer les personnages et de dessiner la perspective serait plusproche de celle d’Urbino. Ses peintures sont remplies de personnages disposés sur unebande médiane transversale, tracés rapidement, bien modelés et expressifs3. Auteurprolifique, ses œuvres se rencontrent dans les principaux musées, notamment le HerzogAnton Ulrich-Museum de Brunswick qui conserve un groupe significatif 4.

1. Inv. 172-187, in Gresta, 1991,p. 79, fig. 10.

2. Inv. C 47-1970, repr. inSotheby’s, Londres 3novembre 1970, no. 20.

3. Berardi, 1984, pp. 186-187.4. Lessmann, 1979,

pp. 335-344.

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53. AssiettePesaro, atelier du Peintre de Zénobie, vers 1550

H. 4,7 / D. 23 / D. talon 6,6 • Inv. 1324COUL.: Bleu, vert, jaune, orange, noir, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Très belle qualité; sur la face, vert de cuivre métallisé, picots; aurevers, vert fusé, un cratère dû à une particule de CaCO3, carbonate de calcium (conduite dela cuisson). Au revers, trois zones de restauration; égrenures sur le pourtour.PROV.: Paul Gillet, don 1935.

Assiette à bassin creux, figurant la scène biblique de la rencontre de Tobie avecl’ange Raphaël, qui le guidera jusqu’en Médie. Tobit, le père de Tobie, envoie son

fils récupérer de l’argent en dépôt chez Gabaël de Raguès, en Médie. Il chargeRaphaël, qui s’est présenté sous une fausse apparence, de l’accompagner (Tobie, 5, 1-23).Au revers, l’inscription Tubia en lettres cursives bleues, suivie d’un trait de plume ressem-blant à un serpentin vertical1. Il s’agit d’une signature (cf. cat. no. 52) souvent utiliséepar le Peintre de Zénobie que l’on reconnaît aussi à certains éléments stylistiques.

Sur le plan de l’iconographie, cette assiette est semblable à une autre conservée auHerzog Anton Ulrich-Museum de Brunswick portant l’inscription tubia quando a/parvelangole. Cette assiette, également marquée du serpentin, est attribuée par J. Lessmannà l’atelier des peintres de Zénobie 2 à Pesaro.

1. Il s’agit d’une ligne sinueusedifférente de celle duPeintre de la planète Vénus(cat. no. 119), plus courte etlarge.

2. Inv. 404, in Lessmann, 1979,no. 482.

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54. CoupePesaro, atelier du Peintre de Zénobie ?, vers 1550

H. 5,5 / D. 22,4 / D. pied 10,2 • Inv. 1736COUL.: Bleu, vert, jaune, orange, violet, noir, légers rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Émail irrégulier; retrait. Fêlure apparente au revers (1 h);restauration d’un manque (12 h / 1 h); bord ébréché.PROV.: Paul Gillet, don 1956.BIBL.: Damiron, 1956, no. 88, p. 72.

Coupe sur pied bas représentant une scène difficile à identifier. Un ange indiquela route à un voyageur qui se dirige vers un édifice circulaire, peut-être l’angeRaphaël guidant Tobie vers la Médie (cf. no. précédent). Le revers est émaillé

en blanc. La stylisation des figures et surtout la musculature, ainsi que plusieurs aspectsdu paysage, rappellent la manière du Peintre de Zénobie (cf. cat. no. 52).

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55. PlatDuché d’Urbino (Pesaro ou Casteldurante), vers 1510-1520

H. 2,2 / D. 22,6 • Inv. 1984COUL.: Bleu, vert, jaune, orange, marron, violet, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Au revers de l’aile, sur la moitié de sa largeur, zone concentriqued’émail mince (terre rosée); sillons de tournassage apparents. Usures du bord; fêlure (7 h /centre de l’assiette); réparé sur la face.PROV.: Coll. Alessandro Castellani (vente Paris, 27-29 mai 1878, no. 246); Spitzer (vente Paris,17 avril - 16 juin 1893, no. 1043); Coll. Steinkopf (vente Londres, 1935); Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Piot, 1881, p. 385 (repr. graphiquement); Molinier, 1892, no. 8, p. 20, repr. pl. IV; Damiron,1943, no. 46, p. 32; Giacomotti, 1962, p. 28, repr. p. 29; Wilson, 1993a, p. 133; Piccioli, 2000,pp. 65- 68; Thornton-Wilson, 2009, pp. 363 et 367

Au centre, sur un fond de paysage, un jeune homme est assis sur un escabeau, occupéà jouer du luth. Sur l’aile du plat, des trophées de musique, un mascaron accosté

de dauphins, deux putti ailés et une tête de chérubin au-dessus d’un cartel portantle sigle S.P.Q.R., se détachent sur un fond bleu sombre orné de rubans tracés en cham-plevé (graffito). Le revers du marli est décoré d’un rinceau de fleurs et de petites feuillesrecourbées bleues alla porcellana.

Par les couleurs, le style et la décoration du revers, l’objet présente une affinité nota-ble avec un groupe de plats portant des putti en train de jouer. L’Ashmolean Museum àOxford1, la National Gallery of Art de Washington2, le Getty Museum à Malibu3 et leVictoria and Albert Museum4 en conservent chacun un exemplaire. On peut y ajouterdeux assiettes du British Museum5, une assiette (tagliere) d’une collection privée véni-tienne présentant au centre une vieille fileuse et qui porte, comme l’un des plats du British,une spirale sous le fond, enfin, un plat de la collection Altomani avec, au centre, unereprésentation de Leda et du cygne. Cette typologie était attribuée à Zoan Maria Vasarode Casteldurante, auteur de la coupe du Metropolitan Museum aux armes de Jules II,datée de 15086. Cette attribution n’a plus cours aujourd’hui, le groupe est généralementconsidéré comme provenant du duché d’Urbino, ou même d’origine vénitienne en raisondes couleurs azurées et de la guirlande alla porcellana du revers7. L’hypothèse de ParideBerardi, qui penche pour une production de Pesaro, nous paraît vraisemblable; le décoret les couleurs rappellent en effet plusieurs fragments de fouilles et, d’autre part, laguirlande du revers alla porcellana ainsi stylisée, si elle figure sur des objets vénitiens, serencontre également à Pesaro8.

1. Repr. in Wilson, 1989, p. 26,no. 9.

2. Inv. 1942. 9. 313 (C38), inWilson, 1993a, pp. 130-133.

3. Hess, 1988, no. 29.4. Rackam, 1940, no. 529.5. Thornton-Wilson, 2009,

nos. 214 et 215, pp. 363-367.6. Cf. Rackam, 1928, pp. 88-

92. Sur une possibleidentification à Zoan Mariaavec Giovanmaria diMariano, connu par la suitesous le surnom de Viviani,ou avec Zoan Maria,fabricant de pots du ducd’Urbino, présent à Veniseen 1523, cf. la synthèse inFiocco - Gherardi, 1997,p. 16.

7. Wilson, 1987b, p. 186; cf.également Wilson, 1989,no. 9, p. 26.

8. Berardi, 1984, p. 185.

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56. CoupeCasteldurante (Urbania), 1525

H. 4 / D. 22,6 / D. piédouche 11 • Inv. 1995COUL.: Bleu, vert, jaune, orange, grisaille, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Émail rosé. Accidentée, complète (7 fragments),restauration ancienne; bordure entièrement reprise.PROV.: Coll. Pringsheim (vente Londres, II, 20 juillet 1939, no. 397); Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Falke,1914, II, no. 160, pl. LXXXV (repr.); Damiron, 1943, no. 16, p. 12;Giacomotti, 1962, p. 28, repr. p. 35.

Coupe sur pied bas, décorée d’un motif à grotesque disposé a candelieri. L’axecentral est formé d’un mascaron, d’un médaillon avec l’aigle des Montefeltro1

et d’une tête d’angelot, surmontés d’un cartouche aux lettres SPQR (SenatusPopulus que Romanus) et d’un trophée. Disposés symétriquement de chaque côté, destrophées d’armes, des perles d’ambre enfilées, des cornes d’abondance sur un fondbleu foncé orné de nombreux lacs sinueux gravés en champlevé (graffito). Sur la droite,un cartel porte la date de 1525.

Cette coupe fait partie d’un important ensemble de pièces, comprenant aussi des platset des assiettes, caractérisées par une gamme chromatique où dominent l’ambre et lebleu noirâtre et par une décoration à grotesques semblable, où alternent trophées, puttiet mascarons. Rackham attribuait ces pièces à Zoan Maria de Casteldurante du fait qu’unecoupe signée de cet ensemble est ornée dans ce style2. Il s’agit toutefois d’un groupeplutôt diversifié, qui ne participe pas de la suprême élégance et de la culture picturaledu peintre de Casteldurante. Cet ensemble émane sans doute de plusieurs mains etateliers3. En outre, cette typologie a probablement été exécutée dans de nombreux centresde l’état d’Urbino, bien que l’on persiste à l’attribuer traditionnellement à Casteldurantedans la plupart des catalogues. L’aigle des Montefeltro contenu dans le médaillon, quel’on retrouve sur de nombreux fragments de fouilles dans une stylisation identique,confirme l’ attribution de l’exemplaire Gillet.

1. L’aigle apparaît deux fois surl’écu des Montefeltro,seigneurs d’Urbino jusqu’en1508. A la mort deGuidobaldo I en 1508, leduché passa aux DellaRovere qui unirent leursarmoiries.

2. Inv. 1975. 1. 1015, inRasmussen, 1987, no. 62, p.100. Pour l’attribution dugroupe à Zoan Maria, cf.Rackham, 1928, pp. 433-445; Rackham, 1929, pp.88-92. Pour uneidentification éventuelle deZoan Maria à Giovanmaria diMariano, cité par la suiteavec le nom de Viviani, ouavec Zoan Maria, fabricantde cruches du duc d’Urbino,présent à Venise en 1523, cf.Fiocco-Gherardi, 1997, p. 16.

3. Le plat du FitzwilliamMuseum nous paraîtparticulièrement proche,par la stylisation de la têted’ange et la relativesimplicité de la marque (inv.EC. 19-1939, in Poole, 1995,no. 364, p. 293).

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57. PlatCasteldurante (Urbania), 1533

H. 3 / D. 28 • Inv. 2003COUL.: Bleu, grisaille, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Émail rugueux; revers: émail uni beige rosé, nombreux défauts demanipulation. Fracture de l’aile (un fragment, 10 h / 1 h); fêlure; ébréchures sur le pourtour; repeintssur toute l’arête du marli; réparations éparses.PROV.: Coll. du Theil; Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1943, no. 113, p. 82; Giacomotti, 1962, p. 28, repr. p. 31, fig. 9.

Plat au bassin profond, orné d’une grotesque en grisaille sur un fond bleu parseméde rubans en champlevé (graffito), disposée a candeliere. Le décor axial est consti-tué d’un mascaron, d’une tête monstrueuse, d’un vase et d’une tête d’ange qui,

à son tour, supporte un autre vase débordant de fruits. De part et d’autre, deux sphinxailés, l’un mâle et l’autre femelle, deux oiseaux et deux cornes d’abondance. La date de1533 est inscrite sur deux cartels, l’un sous le mascaron, l’autre sur la gauche.

Ce plat présente une étroite analogie de couleurs et de décor, spécialement dans lafigure de harpie et la tête d’ange ailé, avec un exemplaire du musée municipal médiévalde Bologne, daté de 1528 et attribué à Casteldurante1.

Deux autres plats eux aussi à grotesques disposées a candeliere, datés de 1529 et 1533,se trouvent au British Museum de Londres2. L’ attribution traditionnelle à Casteldurantede ces grotesques, avec monstres et mascaron en grisaille, vient de ce qu’on les rencon-tre sur deux grands vases de pharmacie conservés, l’un au Victoria and Albert Museum,l’autre au British Museum, et qui furent exécutés en 1519 dans l’atelier durantin de Sebas-tiano di Marforio3. De très petits fragments de ce type de grotesques en grisaille à mons-tres et fruits, provenant de fouilles locales, figurent par ailleurs dans les collections duPalais ducal d’Urbania.

1. Inv. 981, in Ravanelli Guidotti,1985, no. 90, p. 114.

2. Thornton-Wilson, 2009, no.217, p. 370 et no. 220, p. 374.

3. Le vase qui porte le nom del’atelier et la date est auBritish Museum (Thornton-Wilson, 2009, no. 216, pp.367-369), l’autre se trouveau Victoria and AlbertMuseum (in Rackham, 1940,no. 618). Surl’argumentation, cf. aussiFiocco-Gherardi, p. 18.

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58. AssietteDuché d’Urbino (Casteldurante ?), vers 1540

H. 4 / D. 24 • Inv. 1724COUL.: Fond bleu, grisaille, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Bel émail; quatre pernettes sur la face; picots. Intègre;usures sur l’arête interne et ébréchures en bordure.PROV.: Paul Gillet, don 1956. Inv. 1724.BIBL.: Damiron, 1943, no. 128, p. 91.

Assiette au bassin profond ornée d’un trophée central entouré de trophées d’armeset d’instruments de musique, en grisaille sur fond bleu. Revers émaillé en blanc.

Inspirés de la décoration antique, les trophées constituent l’un des motifs lesplus diffusés de la Renaissance. Particulièrement répandus dans le duché d’Urbino, ilsy furent utilisés plus que partout ailleurs1, soit en association avec des grotesques et desspirales, soit seuls, comme c’est le cas ici. Ils sont entourés de fins rubans tracés en cham-plevé (graffito) sur le bleu du fond. D’abord de couleur azurée ou en grisaille sur fondbleu, ils furent par la suite, dans la seconde moitié du xvie siècle, d’un ton marron brûlé.

Même s’ils sont traditionnellement attribués à Casteldurante, il est désormais certainqu’ils furent également produits dans cette même typologie, à Urbino, à Pesaro et dansles centres avoisinants. Deux exemplaires portant des trophées exécutés de manièreidentique, conservés, l’un au musée de la Renaissance à Ecouen, l’autre au musée natio-nal de la Céramique de Sèvres2, appartiennent à la même série que ce plat Gillet. Un platanalogue du musée d’Ecouen, daté de 15393, permet de situer le nôtre autour de 1540.

1. Piccolpasso, 1980, vol. I,livre III, c. 66r.

2. Inv. Cluny 15044 et 2477, inGiacomotti, 1974, nos. 768-769.

3. Inv. Cluny 1991, repr. , Ibid. ,no. 767.

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59. AssietteCasteldurante (Urbania) ou Fabriano, 1530

H. 4 / D. 25 / D. talon 7 • Inv. 1996COUL.: Bleu, vert, jaune, orange, camaïeu bistre.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Trois traces de pernettes sur la face; retraits sur l’aile et au revers; nuageverdâtre déposé par la volatilisation de CuO durant la cuisson. Intègre; sur la face, une écaillure,usure de l’arête interne, égrenures et écaillures sur le pourtour.PROV.: Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1956, no. 71, p. 63, no. 71; Mezzanotte Meloni-Incerti Senigagliesi, 1997, repr. , pl. XII;Fiocco-Gherardi, 1997, p. 60; cat. exp. Fabriano, église de San Domenico, 15 juin - 20 juillet, 1997, repr.

Assiette au bassin profond portant, au centre, les armes de Nicolo Agostini deFabriano flanquées de rubans et des lettres N et A. L’aile à fond bleu foncé est

ornée de rubans gravés en champlevé (graffito) et de huit groupes de trophéesd’armes, dont l’un porte la date de 1530. Revers émaillé de blanc uni.

Cette assiette fait partie d’un service complet portant ces mêmes armes. D’autrespièces en sont conservées à l’Ermitage, au Kunstgewerbemuseum de Berlin, au Wad-sworth Atheneum de Hartford (Connecticut), et dans la collection Bellini à Florence1.Le blason figure dans la pierre ou le bois de plusieurs palais de Fabriano, autrefois propriétédes Agostini, noble famille de la cité. Il est également reproduit en majolique polychrome,en tous points semblable à celui des assiettes, au-dessus de la porte cochère de l’un deces palais. Par sa typologie de trophées, le service Agostini est traditionnellement attri-bué à Casteldurante ou plus généralement au duché d’Urbino. Il est cependant très proba-ble qu’il s’agisse d’une production de Fabriano, par l’un des ateliers de faïenciers attestésà la Renaissance et qui étaient capables eux aussi d’exécuter des istoriati2.

1. Tous les exemplaires et leurdocumentation sontreproduits in Meloni-Senigagliesi, 1997, pl. VIII-XI.

2. Voir par ex. le plat del’Ermitage, de très hautequalité, avec la Présentationde la Vierge au Temple(?),portant au revers le nom dela cité (le débat est soulevéin Meloni-Senigagliesi, 1997,sans indication de page).

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60. PlatCasteldurante (Urbania) ou Urbino, 1572

H. 4,3 / D. 33 / D. talon 18 * Inv. 1733COUL.: Bleu, vert, jaune, orange, brun, violet, grisaille, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Retraits d’émail sur la face et au verso. Revers émaillé blanc orné aupourtour de plusieurs moulures; bande brute masquée par un repeint; fêlure sur le bord; légèreréparation sur l’aile (4 h); étiquette dorée avec inscriptions E. ALLAIN …PROV.: Paul Gillet, don 1956.BIBL.: Damiron, 1956, no. 69, p. 61; Giacomotti, 1962, p. 28, repr. p. 31, fig. 10.

Plat à bassin creux, à bord déversé. Au centre, dans un médaillon entouré d’uneguirlande de lauriers, sur un tertre de verdure, un Amour, les yeux bandés, estattaché à un arbre mort; à l’arrière plan, un paysage de montagne. Tout autour de

l’aile se déploie un décor à trophées d’armes et d’instruments de musique, peints en brunsur fond bleu. Sur l’un d’eux, à gauche, un écriteau porte, renversée, la date de 1572. Lerevers est émaillé blanc.

Le putto représente Cupidon qui, depuis la Renaissance, prit l’aspect du puer alatusclassique. La présence du bandeau s’associe, selon le néoplatonisme, à la forme unique-ment sensuelle et profane de l’amour, par opposition à une forme plus élevée. Cupidondans les fers devint cependant symbole de chasteté, après avoir pris ce sens dans leTriomphe de la Pudeur de Pétrarque. Puni par son adversaire, l’amour pur, un Cupidonaux yeux bandés attaché à un arbre avec ses armes brisées, orne le frontispice du traitéde J.B.Fulgosus, intitulé Anteros1.

Les trophées sont stylisés à la manière de Casteldurante ou du duché d’Urbino. Dansles collections du musée de Sèvres2, la date de 1572 et un décor analogue à guirlandes ettrophées figurent sur une assiette ornée en son centre d’un Cupidon dansant.

1. Sur le sujet, cf. Panofsky,1975, chap. IV, « Cupidocieco ».

2. Inv. 21053, in Giacomotti,1974, no. 973, avec l’attribu-tion à Casteldurante.

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61. CoupeCasteldurante, vers 1510-1520

H. 4 / D. 21,4 / D. piédouche 10 • Inv. 1718COUL.: Bleu, vert, jaune, orange, violet, grisaille, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Facture de grande qualité; 3 picots et un léger retrait de face;revers mouluré près du bord. Bonne conservation; léger manque au pied; une écaillure sur lebord; cassée (2 petits fragments latéraux: 2 h / 5 h, restaurée sur la manche).PROV.: Coll. Alfred Pringsheim (vente Londres, II, 20 juillet 1939, no. 300); Paul Gillet, don 1956.BIBL.: Falke 1914, II, no. 211, repr. pl. 110; Liverani, G. , 1942, pp. 3-8, repr. pl. I; Damiron, 1943, no.81, p. 59; Chompret, 1949, I, p. 32, repr. II, p. 19, fig. 140; Giacomotti, 1962, p. 28, repr. p. 35;Rasmussen, 1989, p. 104, repr. p. 244, no. 63. 3; Ravanelli Guidotti, 1989, repr. fig. 32; Rondot,1993, pl. 9; Blazy, 1998, repr. p. 70; Casati Migliorini, 2004, pp. 4 et 54; Thornton-Wilson, 2009,p. 347; Majolique, 2011, no. 36, p. 81.

La coupe représente un homme de guerre, casqué, de profil à gauche; derrière lui,une banderole porte l’inscription SCANDERBECH. Il s’agit de Giorgio Castriotacanderbeg, héros de l’indépendance de l’Albanie lors de la lutte contre les turcs,

au xve siècle. A la suite de la défaite de son père, Giorgio est envoyé en otage à la courdu sultan. Il s’y convertit à l’Islam, prend le nom d’Alexandre (Iscander) et le titre de« Beg ». Il sert alors dans l’armée turque, qu’il abandonne en 1443, tirant profit de la vic-toire de Giovanni Hunyadi à Nicée. Il revient à la foi chrétienne et, pendant plus de 20ans, combat l’empire ottoman. A la tête de la ligue des peuples albanais, il obtient l’aidede la République de Venise et d’Alphonse le Magnanime, roi de Naples. En 1459, lorsd’une courte trêve avec les turcs, il vient en Italie porter secours au roi de Naples Ferdi-nand d’Aragon, en lutte contre le prétendant au trône Giovanni di Angiò. Débarqué àTrani, il combat à Bari et à Ursara et contribue à la victoire de Ferdinand qui, pour le ré-compenser, lui cède Trani, Monte Gragano et San Giovanni Rotondo. Scanderbeg re-tourne ensuite dans son pays et repart en guerre contre les turcs. Il meurt à Alessio en1468. Avec lui prend fin la résistance albanaise. Nombre de ses compatriotes partents’installer en Italie méridionale afin d’établir des rapports satisfaisants entre l’Albanieet la royauté de Naples; ces liens sont par ailleurs renforcés par le mariage d’Irène Cas-triota, fille de Scanderbeg, et du prince de Bisignano.Dans l’imaginaire italien, Scanderbeg demeure unhéros analogue à ceux de la mythologie et de l’anti-quité.

Le profil de la coupe n’est pas un portrait de notrehéros. Il diffère entièrement de la xylographie qui illus-tre l’œuvre de Barletius1 et a servi de modèle à plusieursbiographies successives. Il s’agit en revanche d’uneversion commune à plusieurs autres coupes de mêmetypologie2.

1. Barletius, 1508, carte AA, auverso. Une copie réduite setrouve dans la biographie deDemetrio Franco, Glillustriet gloriosi gesti et vittorioseimprese fatte contra Turchidal. . Giorgio Castriotto dettoScanderbeg, Venise,Altobello Salicato, 1584,alors qu’une copie libreillustre plusieurs traductionsallemandes de Barlezio (cf.Zappella, 1988, p. 81).

2. En particulier, cf. lePolidamas du BritishMuseum (MLA 1878, 12-30,423, in Wilson, 1987a,no. 228.

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Gravure représentantGiorgio Castriota

dit « Scanderberg »,tirée de la biographiede M. Barlezio, 1508[ CLICHÈ MESDAMES C. FIOCCO

ET G. GHERARDI ]

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Sur le plan céramique, la coupe appartient en effet à un groupe d’exemplaires simi-laires réalisés à notre sens par la même main. Ils sont ornés de bustes de profil, d’hommeset de femmes illustres de l’histoire et de la mythologie3, modelés en grisaille ou azur surfond bleu et accompagnés d’une banderole qui se déploie et porte leur nom. En raisonde sa qualité exceptionnelle, ce groupe avait été attribué à l’un des plus fameux décora-teurs sur majolique, Nicola da Urbino4. Alors qu’on s’attache aujourd’hui à une révisiongénérale des attributions traditionnelles, souvent dénuées de bases solides, cette opinionn’a plus guère de crédit. Rasmussen propose en revanche une attribution à Zoan MariaVasaro, auteur d’une célèbre coupe aux armes du pape Jules II, datée de 1508 et exécu-tée à Casteldurante5. Il se fonde sur les analogies entre cette dernière et la coupe Caren-dina, de la série de Scanderbech. Le spécialiste allemand a pu les confronter puisqu’ellessont toutes deux au Metropolitan Museum of Art de New York, dans la collection Lehmandont il a rédigé le catalogue. Son attribution s’appuie donc sur des bases sérieuses, bienqu’uniquement stylistiques. On doit alors restituer tout l’ensemble aux années 1510-1520, bien que de nombreuses autres coupes de typologie similaire, mais de mains diffé-rentes, sont considérées comme plus tardives. Aucune d’entre elles ne porte une dateantérieure à 15226. Ajoutons que les majoliques lustrées par Maestro Giorgio ne l’ont pasété avant 1530.

L’attribution traditionnelle de ces coupes à Casteldurante dépend probablement deleur attribution à Nicola da Urbino que l’on croyait alors de Casteldurante. Bien que lesous-sol durantin ait effectivement livré des tessons qui témoignent d’une telle produc-tion, et que certaines coupes semblent appartenir à l’In Casteldurante Painter7, il est toute-fois pratiquement certain que beaucoup d’autres furent exécutées à Gubbio et sans douteaussi à Urbino.

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3. Pour une liste exhaustive,cf. Thornton-Wilson, 2009,p. 347.

4. Falke, 1917; Rackham, 1959,pp. 112-113.

5. New York, MetropolitanMuseum of Art, LehmanColl. , inv. 1975. 1. 1015.

6. Comme le rappelleRasmussen, l’exemplaireconnu à ce jour commeétant le plus ancien daté(1522) est la Faustina dumusée municipal de Pesaro.

7. Sur le peintre, cf. Fiocco-Gherardi, 1997, pp. 19-23.

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62. PlatCasteldurante, Atelier de Ludovicoet Angelo Picchi (Andrea de Negroponte?), vers 1550-1560

H. 3,8 / D. 27,8 • Inv. 1905COUL.: Bleu, vert, orange, brun, noir, violet, grisaille, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Trois traces de pernettes sur la face; au revers, rugosités de l’émailprovoquées par la cuisson. Intègre, quelques ébréchures sur le pourtour et au talon.PROV.: Don Paul Gillet, 1960.BIBL.: Damiron, 1956, no. 101, p. 82.

Plat au bassin profond, illustrant la légende de Marcus Curtius qui se sacrifie pourla patrie. Le jeune patricien, en armes et à cheval, paraît prêt à se jeter dans legouffre qui, selon les augures, se refermera seulement lorsqu’un Romain s’y jettera

avec ce qu’il a de plus précieux, c’est-à-dire ses armes et son courage. L’épisode (362 av.J.C), se déroula dans le forum de Rome. L’abîme, refermé sur le héros, fut ensuite nommélacus curtius (les traces du lac furent découvertes dans le Forum en 1904). En revanchesur le plat, la scène se déroule en plein air, entre des arbres, face à un bras de mer au-delàduquel on entrevoit une ville. Au revers, en bleu et en lettres cursives, on peut lire l’ins-cription Curzio romano.

La manière incomparable, très vive et queque peu naïve, avec laquelle est exécutéela scène, est typique du peintre appelé conventionnellement Andrea da Negroponte. Cenom figure au revers d’une coupe godronnée du musée national d’art médiéval etmoderne d’Arezzo, représentant la Lutte entre Apollon et Mars peinte par la même main1.Le nom d’Andrea Negroponte venant tout de suite après l’argument, ou explication de lascène représentée, pourrait donc être celui du peintre. On ne peut toutefois exclurequ’il s’agisse du nom du commanditaire. C’est là l’opinion de Wilson qui attribue cesoeuvres à l’atelier de Ludovico et Angelo Picchi, peut être de la main d’un des frères2.Cependant à notre avis on ne peut en effet exclure qu’Andrea en soit l’auteur, et il n’estpas significatif jusquà ce jour, que son nom n’ait pas été retrouvé dans des documents.

Le catalogue de Negroponte est assez riche en œuvres et porte des dates s’échelon-nant entre 1551 et 1563. Outre la collection du musée d’Arezzo3, un autre ensemble impor-tant est conservé au Herzog Anton Ulrich-Museum de Brunswick4. Negroponte aégalement décoré des albarelli et des vases sur lesquels apparaît le nom de Casteldu-rante, nous permettant ainsi de rattacher à ce centre son activité. Ce service de phar-macie, orné de grotesques, trophées et istoriati, fut exécuté dans les premières annéesde la décennie de 1560, probablement dans les ateliers desPicchi, d’Ubaldo della Murcia et de Simone da Colonello5. Cesnoms nous sont révélés par les archives durantines, mais jusqu’à

4. Lessmann, 1979, nos. 102-121 (cf. aussi p. 148 une listedes œuvres principales dansles musées).

5. On y distingue en particulierdeux services, l’un estmarqué d’un blason avec unlion rampant accosté desinitiales G et F, auquelappartient l’exemplaire dumusée international desCéramiques de Faenza, inv.24875, daté de 1562 etexécuté dans l’atelier demaître Simono (Simone daColonello?), un autremarqué d’un blason avecune tour et un taureau(Boerio) dont plusieursexemplaires sont datés de1563, exécutés chezLudovico Picchi selonl’indication portée sur unalbarello de la coll. Bayer(Biscontini Ugolini, 1997, no.19, pp. 80-83). Tous cesvases ne sont pasattribuables à la main deNegroponte, mais ceux quiprésentent des scènesentières historiées semblentêtre de lui. Cf. sur le sujet,Ragona, 1976, pp. 106-109;Drey, 1985, pp. 5-12 (enparticulier p. 12 où est donnél’avis de Mallet soulignantl’erreur de lecture de la date1541 sur un albarello duLouvre de la série Boerio,qui serait plutôt 1562 ou1563, et la conviction qu’ilfaut voir dans ce type devaisselle la main d’Andrea daNegroponte) et Drey, 1987,pp. 195-200. Pour unesynthèse, cf. Wilson, 2002,pp. 139-147.

1. Fuchs, 1993, no. 217, p. 233.2. On doit à Wilson

l’identification des armoiriesd’ Andrea Boerio sur uncélèbre ustensilepharmaceutique réalisé chezles Picchi dans les années1562-63: Wilson, 2002, pp.138-147; Thornton-Wilson,2012, p. 383.

3. Ibid. , nos. 217-231, selon lesattributions de Fuchs.

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présent aucune trace d’Andrea n’a été trouvée. S’agit-il d’un décorateur qui travaillaitpour l’un de ces ateliers ? Andrea a peint un grand nombre d’assiettes et de coupes go-dronnées ornées de scènes tirées de la Bible, des Métamorphoses et de l’Histoire romaine,mais aussi de grands plats avec des scènes complexes, ainsi celle d’Alexandre et Diogèneau Castello Sforzesco de Milan6 ou encore deux autres avec Marcus Curtius au muséede la Renaissance d’Ecouen7. Cette dernière histoire revient souvent dans sa produc-tion, notamment sur une coupe godronnée du musée national d’art médiéval et moderned’Arezzo8, sur un plat, une coupe et une petite cruche du musée Herzog Anton Ulrichde Brunswick9 et sur une coupe du musée Adrien-Dubouché de Limoges10. Enfin, Negro-ponte est l’auteur de services entiers, tel le SAPIENS DOMINABITUR ASTRIS, appeléainsi en raison de la formule qui le distingue et qui est accompagnée d’armoiries nonidentifiées, et dont deux plats portent la date de 155111. Un autre de ses services porte desarmoiries tronquées dans lesquelles figurent un corbeau et trois rosettes12.

198

6. Inv. 121.7. Giacomotti, 1974,

nos. 1041-1042.8. Inv. Fraternita dei Laici

14704, in Fuchs 1993,no. 232.

9. Inv. 565, inv. 889, inv. 553,in Lessmann, 1979,nos. 102, 113 et 115.

10. Inv. 5406, in Giacomotti,1974, no. 1169.

11. Fiocco-Gherardi, 1997,p. 48.

12. Un exemplaire, la Récoltede la Manne, est conservé àla Walters Arts Gallery deBaltimore Erdberg-Ross,1952, no. 63, pl. 41), unautre, Sinon conduit devantPriam est au Louvre(Giacomotti, 1974, no. 1022).

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63. CoupeCasteldurante, atelier de Ludovicoet Angelo Picchi (Andrea da Negroponte?) vers 1550-1560

H. 4,5 / D. 25,6 / D. piédouche 11,3 • Inv. 1737COUL.: Bleu, vert, jaune, orange, noir, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Belle facture; revers orné d’un cercle jaune au piédouche. Accidentée,anciennement restaurée (de face, 10 h / 1 h), trois fragments en bordure;une fêlure à l’horizontale au-dessus de la scène, apparente au revers (7 h /11 h).PROV.: Paul Gillet, don 1956.BIBL.: Damiron, 1956, no. 93, p. 76.

Coupe à ombilic, à bord festonné et sur pied bas, dont la paroi est sillonnée degodrons rayonnants. Cette forme de coupe est communément appelée crespina.La scène représente le péché originel (Genèse, III, 1-3). Sous le regard d’Eve à

genoux, le démon, ayant revêtu l’apparence d’un serpent au corps de femme, présenteà Adam le fruit défendu de l’Arbre de vie. Au fond, le paradis terrestre qu’animent desmontagnes et un bras de mer. Au revers, bord festonné avec des arcs qui en soulignentla forme. Sous la base, en cursive et en bleu, l’inscription Adam et Heua.

Les caractères stylistiques, la forme, ainsi que le décor au revers, sont typiques d’unpeintre appelé conventionnellement Andrea da Negroponte (cf. cat. no. 62).

Le Royal Scottish Museum d’Edimbourg conserve une coupe identique par la formeet le sujet, avec la même inscription, qui pourrait être de Negroponte1. Une assiette dumusée de la Renaissance à Ecouen2 en reprend également le thème.

1. Inv. 1882. 8. 9, in Curnow,1992, no. 61, p. 59.

2. Inv. Cluny 10988, inGiacomotti, 1974, no. 1060,pp. 348-349.

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64. PlatUrbino, atelier de Nicola de Urbino (Francesco Xanto Avelli?), vers 1530

H. 3 / D. 30,6 • Inv. 1892COUL.: Bleu, vert, jaune, orange, brun, noir, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Accidenté à la partie inférieure de l’illustration;fracture (3 h - 6 h, deux fragments), ancienne restauration dégradée.PROV.: Coll. Heugel; Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1956, no. 1, p. 1; Giacomotti, 1962, repr. p. 43, fig. 26; Brody, 2007, p. 102.

Plat au bassin creux et à aile large représentant l’allégorie de la Charité, figuréepar une femme tenant un enfant par la main et en serrant un autre sur son cœur.Elle avance dans une niche dont la base porte le mot CARITAS. V. Au revers, filets

et bandes concentriques jaunes et, en cursive bleue, l’inscription Per vera Charita aquista/ il cielo.

La scène est tirée d’une gravure de Marc-Antoine Raimondi, de la série des Sept vertus.La calligraphie au revers, soignée et ordonnée, identique à celle qui apparaît sur les œuvressignées de Nicola d’Urbino1, permet de penser que ce plat devrait avoir été peint dansson atelier. L’exécution même est en harmonie avec le style de Nicola vers 1530. Il estainsi possible de le comparer au plat du musée national de Florence, daté de 1528 (Martyrede sainte Cécile), et à celui du musée municipal médiéval de Bologne, daté de 1532 (Présen-tation de la vierge au Temple)2. Le style de Nicola était alors assez proche de celui d’Avellià ses débuts, quand ce dernier signait encore FR. C’est à Avelli en fait, même si il s’agitde l’atelier de Nicola, que Brody attribue le plat (voir la bibliographie).Collègue et amide Guido Durantino, patron d’atelier et lui-même auteur d’un grand nombre d’œuvres3,Nicola di Gabriele Sbraghe est considéré comme l’un des plus grands maîtres du styleistoriato d’Urbino. Sa pièce la plus ancienne porte la date de 15214.Vers cette même période, on lui attribue le service Ridolfi ou Correr.Aux alentours de 1525 il aurait exécuté pour Isabelle de Gonzaguemarquise de Mantoue, belle-mère du duc d’Urbino, le servicehabituellement appelé Este-Gonzague.

On a tendance aujourd’hui à être plus prudent quant aux attri-butions à Nicola, autrefois trop généreuses, mais celles-ci n’ontpas encore été révisées de façon systématique. La véritable iden-tité du peintre, un moment confondu avec Nicoló PelliparioSchippe, père de Guido, lui a été rendue grâce aux recherches deNegroni5. Ce dernier nous apprend son nom complet et la date desa mort qui se situe aux environs de 1538. C’est à cette date que saveuve loua son atelier à Vincenzo, fils de Maître Giorgio Andreolide Gubbio.

1. Cf. par ex. le fond du plat duLouvre représentant LeParnasse, inv. OA1244, inGiacomotti, 1974, no. 829 etle revers du plat deNovellara avec L’histoire deJoseph, repr. in Liverani,1991, pp. 46-50, fig. 3, p. 49.

2. Lustré par Maestro GiorgioAndreoli de Gubbio etautrefois attribué d’uncommun accord à Nicola; ontend maintenant àl’attribuer à un peintre voisinqui lui est proche, travaillantpeut-être dans son atelier(cf. Lessman, 1991, p. 27).

3. L’autographe de Nicola dansles œuvres qui lui sontattribuées se déduit du faitque le plat cité plus haut,signé par lui, du Bargello deFlorence a cependant étéexécuté dans l’atelier deGuido Durantino commel’indique l’inscription aurevers. C’est donc un casbien différent de celui dumême Guido ou de Giorgiode Gubbio, dont on ne saitpas avec certitude s’ilspeignaient personnellement,et qu’on peut encore moinsdistinguer leur propre mainde celle des peintres qu’ilsembauchaient pour décorer.

4. Saint-Pétersbourg,Ermitage, inv. F363, in Kube,1976, no. 58.

5. La confusion d’identité entreNicola et Pellipario avait déjàété mise en doute par BurrWallen (Wallen, 1968, pp.92-105). L’essai concluant deFranco Negroni, au titresignificatif de « NicolóPellipario ceramistafantasma », a été publié inNotizie da Palazzo Albani, 1,1985, p. 17.

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Marc-AntoineRaimondi, La Force

[ CLICHÈ MESDAMES C. FIOCCO

ET G. GHERARDI ]

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65. CoupeUrbino, Le peintre de Marsyas de Milan, vers 1525-1530

H. 4,2 / D. 26 H. pied 2 / D. pied 12 • Inv. 1890COUL.: Bleu, vert, jaune, orangé, brun, noir.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Picots dont un important sur la patte du lion.Intègre; écaillures sur le bord.PROV.: Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1956, no. 3, p. 3; Giacomotti, 1962, repr. p. 43, fig. 25.

Coupe sur pied bas, à paroi légèrement incurvée. Elle présente, sur fond depaysage montagneux, une jeune femme tenant un lion en laisse et avançantvers un feu. Il s’agit de l’allégorie de la Force, une des quatre vertus cardinales,

d’après une gravure de Marc-Antoine Raimondi, elle-même inspirée de Raphaël et deJules Romain.

D’après son style, on peut attribuer cette coupe à un peintre d’istoriati dont le nomnous est toujours inconnu. Il était en activité à Urbino de1525 à 1535. Conventionnellement, il fut appelé le peintrede Marsyas de Milan d’après un plat peint par lui, figu-rant la guerre entre Apollon et Mars, conservé au CastelloSforzesco de Milan1. Fortement influencé par Nicola, dontil tire la plus grande partie de ses stylisations et le typede ses physionomies, il en diffère cependant par une habi-lité moindre2. En effet, ses personnages ne sont pas aussiexpressifs et variés dans leurs attitudes, et les paysagesn’ont pas sa profondeur. On considère qu’il est l’auteurd’une partie du service orné d’un blason avec trois crois-sants, deux en pointe et un au sommet3.

1. Mallet, 1988, pp. 70-73.2. Cf. cat. no. 64.3. Rasmussen, 1989, pp. 126-

127; Fiocco-Gherardi, 1998a,p. 21.

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Marc-Antoine Raimondi, La Force[ CLICHÈ MESDAMES C. FIOCCO ET G. GHERARDI ]

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66. CoupeUrbino, Peintre de l’Epsilon-phi(Francesco Xanto Avelli da Rovigo), vers 1528-1530

H. 3,6 / D. 27,6 • Inv. 1897COUL.: Bleu, jaune, orange, brun, noir, violet, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Lèvre déversée, au revers et en bordure du marli,quatre moulures très accentuées; quatre traces de pernettes sur la face;nombreux picots. Intègre; manque au bord, apparent au revers.PROV.: Coll. Hermann Emden (vente Berlin, 3-7 novembre 1908, no. 45,repr. pl. 10); Robert Kahn; Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1943, no. 133, p. 94; Cioci, 1995, p. 246; Fiocco-Gherardi, 2002, pp. 117-118,fig. 1; Mallet, 2007, p. 34; Sani, 2007, no. 68, p. 192; Cioci, 2012, p. 10, figs. 1-2.

Coupe ornée d’une représentation allégorique de l’empereur Charles Quint arméà la manière des anciens romains, avec l’aigle bicéphale sur le cimier. D’un airdécidé, il se dirige vers un ange assis sur un tronc coupé. Celui-ci, alarmé, se

tourne vers lui. De sa main, il protège la sphère surmontée de la Croix, symbole dumonde chrétien. Au revers, l’inscription Cerco la monarchia per punir molti; immagi-natione y. L’allégorie fait allusion aux troubles qui affectèrent l’Italie dans les années1527-1530 et culminèrent avec le sac de Rome, l’empereur s’étant affronté au papeMédicis Clément VII.

Francesco Xanto Avelli, l’auteur de la coupe, fit sa carrière sous la protection du ducd’Urbino, Francesco Maria Della Rovere, à qui il dédia même un poème, Il Rovere Vitto-rioso (Rovere victorieux). Le duc était un farouche adversaire du pape et de sa famille,d’autant qu’il avait été déchu par Léon X en faveur de Laurent de Médicis. Il fut réhabi-lité en 1523 grâce à Adrien VI d’Utrecht. Bien qu’adhérant à la ligue de Cognac, il ne s’étaitjamais vraiment engagé dans la lutte contre les armées impériales et avait peu fait pouréviter le sac de Rome. Dans de nombreuses majoliques historiées, Avelli épouse le partide son protecteur. Il manifeste des sentiments violemment impérialistes et anti-papistes,démontrant que le sac était une juste punition pour Rome, devenue dès lors la grandeprostituée de l’Apocalypse. Il s’exprime dans des allégories complexes dont le sens n’estpas toujours aisé à comprendre aujourd’hui.

Avelli est pratiquement un cas unique parmi les peintres de majoliques qui préféraienten général s’en tenir à l’antiquité, à la mythologie ou à la religion. Sur notre coupe, l’angesymbolise la papauté qui tient d’une main ferme ses pouvoirs spirituel et temporel et serefuse à les céder à l’empereur. Il n’est pas exclu que la nef sur le fond représente la nacellede saint Pierre. Le commentaire du revers exprime le désir de l’auteur que Charles Quintvenge les torts subis par son seigneur.

Le terme immaginatione qui achève la phrase transporte le tout sur le plan de l’ima-ginaire. Il correspond au terme fabula utilisé ailleurs1. La terminaison en volute, quiressemble à l’epsilon ou au phi grec et qui a valu à l’auteur le surnom de Maître de l’epsi-lon-phi, est interprétée de façons diverses, mais jamais de manière convaincante. SelonMallet, il s’agit d’une volute quelconque, d’une sorte de remplissage2, tandis que Rasmus-sen y voit un C paraphé qui signifierait et cetera3. Ce signe apparaît aussi après la signa-ture d’Avelli et a été considéré comme sa marque. Il l’utilisait également avant 1530, annéeoù il commença à signer ses œuvres de son nom entier.

1. Les autres termes employéssont « nota » et « historia »,avec la référence à des faitsmythiques désormaislointains.

2. Mallet, 1988, pp. 67-69.3. Rasmussen, 1989, p. 130.

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Avelli est l’un des plus célèbres décorateurs de la majolique italienne. Natif de Rovigo,en Vénétie, il est cependant actif dans le duché d’Urbino, pour une production entière-ment vouée à l’istoriato. Un document de 1530 nous révèle qu’il s’appelait en réalité Santiou Santini, et qu’il voulut probablement valoriser son nom en le modifiant en Xanto,l’un des fleuves de la plaine de Troie, y ajoutant Avelli quand sa carrière commença àdécoller sous les auspices du duc. Le même document le présente aussi comme déco-rateur libéral. Il est cependant probable qu’il ait acquis par la suite son propre atelier;après 1530, il semble en effet n’avoir travaillé qu’une seule fois pour d’autres.

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67. AssietteUrbino, Francesco Xanto Avelli, 1531

H. 4,5 / D. 26,5 • Inv. 1901COUL.: Bleu, vert, jaune, orangé, brun, noir, touches de violet, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Bel aspect; quelques picots; émail verdi par la volatilisation ducuivre. Accidenté, complet (plusieurs fragments), on en compte neuf sur le fond postérieur,masqués par une ancienne réparation.PROV.: Coll. Wilfred Buckley (vente Londres, 1922); Alfred Pringsheim (vente Londres, I, 8 juin1939, no. 183); Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Falke, 1914, II, pl. CXXXII, no. 257; Ballardini, 1938a, no. 40, p. 20, fig. 37; Damiron, 1943,no. 84, p. 61; Giacomotti 1962, p. 44, repr. p. 1 de couverture; Holcroft, 1988, no. 51, p. 233,note 61; Join-Dieterle, 1984, p. 220, no. 72; Kube, 1976, notes 77- 78; Rackham, 1977, p. 211;Rasmussen, 1984, p. 178; Ravanelli Guidotti, 1990a, p. 224; Watson, 1986, p. 130, note 1;Wilson, 1993b, p. 31, note 15; Rondot, 1994, pp. 22-29, no. 1, repr. p. 23, figs. 1a-1b; Sani, 2007,p. 194, no. 155; Thornton-Wilson, 2009, p. 269.

L’assiette, décorée en plein, représente la Mort de Cléopâtre. A droite sur l’aile, lareine d’Egypte est à demi étendue, la tête penchée, l’aspic enroulé autour du bras.A ses pieds un amour, son carquois à terre, pleure désespéré, tandis qu’un autre

en vol disperse une guirlande de fleurs. Sur la gauche, une femme et un homme accabléspleurent. Un enfant se prend la tête dans les mains en signe de douleur. La scène se dé-roule dans une salle Renaissance, au plafond à caissons. Au centre de l’assiette, dans unefenêtre à riche corniche s’encadre un blason, non identifié, représentant Hercule tuantle lion de Némée. Au revers, l’inscription: 1532. / Morto ch’ Antonio / fu morir vols io / NelXL. L. a Trogo / pompeio. /.fra: Xato.A. da / Rovigo, i / Urbino. Elle se réfère ainsi à l’œu-vre de Trogue Pompée, Historiae Philippicae, connue au xvie siècle à travers l’épitoméde Marco Giuniano Giustino, Epitoma Historiarum Philippicarum Pompei Trogi, tra-duite en italien à Venise en 1477 par Girolamo Squarciafico, et gravée à plusieurs reprises1.Elle ne parle cependant pas de façon spécifique de la mort de Cléopâtre mais seule-ment de la fin de la dynastie des Ptolémée.

L’assiette est signée en entier par Avelli,établi à Urbino depuis 1530. Elle fait partied’un service dont le commanditaire n’a pasété identifié. Le blason ressemble en réalitéà celui des Squarzoni de Ferrare maisprésente des couleurs différentes2. Il n’estpas certain d’ailleurs qu’il s’agisse d’ar-moiries véritables ou même d’un emblème.Selon Cioci, il pourrait symboliser le conflitqui opposait Francesco Maria Della Rovere,duc d’Urbino, au leone feroce (lion féroce)le pape Léon X, comme l’écrit Avelli au vers13 du chant xiv de son poème Il RovereVittorioso (Rovere Victorieux)3.

1. Rondot, 1994, p. 24.2. Watson, 1986, p. 130. Le

blason des Squarzoni estdécrit dans Crollalanza,1886-90, III, p. 295.

3. Cioci, 1987, p. 127.

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Agostino Veneziano,Mort de Cléopâtre[ CLICHÈ MESDAMES C. FIOCCO ET G. GHERARDI ]

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On connaît huit autres pièces du service4, dont quatre datées de 1531 et deux de 1532.Leurs sujets ne sont pas homogènes mais embrassent histoire et légende. Comme à l’ha-bitude, Avelli a utilisé toute une série de gravures dont il a séparé les personnages pourles réunir ensuite dans une composition originale. Cléopâtre et le petit amour en pleurssont tirés de gravures d’Agostino Veneziano sur le même sujet, l’amour voltigeant quiéparpille des fleurs, du Parnasse de Marc-Antoine Raimondi, tandis que les trois person-nages à gauche sont inspirés du martyre de sainte Cécile du même Raimondi. La gravurede la mort de Cléopâtre a été réutilisée plusieurs fois par Avelli avec des variantes dansle contexte, ainsi pour le plat à lustre métallique du Museum für Kunst und Gewerbe deHambourg, daté de 15385, pour celui de la Colombus Gallery of Fine Arts6 ou encore labouteille du musée Correr de Venise, datée de 15317.

Sur le service d’Hercule tuant le lion, le style d’Avelli se manifeste désormais dans saplénitude, riche de personnages puissants, cernés d’un trait épais, aux couleurs écla-tantes.

4. Pour une liste exhaustive,cf. Thornton-Wilson, 2009,p. 269.

5. Inv. 1900. 160, inRasmussen, 1984, no. 124,où l’auteur fournit une listeexhaustive des autresexemplaires qui ont utiliséla même gravure.

6. Inv. 31. 31, in Cole, 1977,no. 16, p. 44, daté de 1540.

7. Rondot, 1994, p. 27.

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Marc-Antoine Raimondi,Martyre de saint Cécile(dètail) [ CLICHÈ MESDAMES C. FIOCCO ET G. GHERARDI ]

Marc-Antoine Raimondi, Le Parnasse(dètail) [ CLICHÈ MESDAMES C. FIOCCO ET G. GHERARDI ]

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68. AssietteUrbino, Francesco Xanto Avelli, 1533

H. 2,7 / D. 25,6 • Inv. 1904.COUL.: Bleu, vert, jaune, orangé, noir, rehauts de blanc; reflets métalliques rouges et dorés.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Décor mixte obtenu par deux cuissons après celle « de dégourdi »:décor de grand feu, complété par un décor de petit feu, ce dernier conduit en réduction pourl’application du lustre métallique. Sur la face, cinq traces de pernettes. Accidentée, complète(neuf fragments), très habilement restaurée.PROV.: Coll. Duc de Dino; Duchesse de Dino (vente Paris, 8 mai 1894, no. 42); Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1956, no. 67, p. 59; Lessmann, 1990, p. 349; Norman, 1976, p. 179; Triolo, 1988,p. 275; Watson, 1986, p. 134, note 8; Wilson, 1993b, p. 31, note 15; Rondot, 1994, no. 3,pp. 32-37, repr. p. 32, figs. 8a-8b; Poole, 1995, p. 344; Sani, 2007, p. 196, no. 220.

Le plat raconte la destruction, lors d’une tempête, de la flotte de Séleucos II, roi deSyrie. Les navires coulent au milieu des rafales de vent et des nuages. Les marinssont en proie à la panique. Au premier plan, un cadavre flotte sur une planche

de bois. A gauche, un personnage fuit, peut-être Séleucos lui-même qui seul survécut aunaufrage. Grâce à cette flotte, le roi espérait mater la rébellion survenue après l’assassi-nat de sa belle-sœur, sœur de Ptolémée d’Egypte, et de ses fils. Les dieux en décidèrentautrement. Au revers du plat, au milieu d’une riche décoration à lustre métallique for-mée d’arcatures et de losanges, l’inscription tracée en bleu et en caractères cursifs .1533./ Seleuco sol della sua / Classe seluo. / Nel.XXVII. Lite de Justino His: / .ff: Xanto. A. / daRovigo, i / no. Un rameau en lustre métallique précédé des lettres F.P., tracé aussi enlustre métallique, se superpose à la signature de l’auteur. Le sujet fait là encore référenceà l’œuvre de Giustino de Trogue Pompée (cf. numéro précédent) et l’inscription, in-complète en raison d’une restauration, peut être transcrite comme Seleuco solo della suaflotta salvo.

Les sources graphiques, ponctuellement identifiées par Rondot, sont, selon l’usage,multiples. De chacune, Avelli tire ses personnages et les réunit de manière autonome.Il emprunte à la Bataille au coutelas de Raimondi la figure de Seleucos et celle du per-sonnage étendu, au Martyre de saint Laurent, du même artiste, le marin debout; desNoces d’Alexandre et Roxane de Caraglio, il tire l’homme à la barbe blanche qui s’agrippeau grand mât, du Martyre de sainte Cécile de Raimondi, le marin de profil qui tente de

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Marc-Antoine Raimondi,La Bataille au coutelas (dètail)[ CLICHÈ MESDAMES C. FIOCCO

ET G. GHERARDI ]

Gian Giacomo Caraglio,Les Noces d’Alexandreet Roxane [ CLICHÈ MESDAMES

C. FIOCCO ET G. GHERARDI ]

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manœuvrer le gouvernail. Enfin, le personnage de dos, au centre, reproduit inversé,l’Apollon de Georg Pencz. C’est donc un vrai puzzle que réalise ici Avelli à partir d’em-punts, comme il en est pour un plat du Fitzwilliam Museum à Cambridge, illustrant lemême sujet et portant la même date1.

L’assiette a été complétée par le lustre doré et rouge caractéristique de l’atelier demaître Giorgio de Gubbio (cf. cat. nos. 96 à 107 et 164). Avelli utilise souvent le lustremétallique. Ses rapports avec l’atelier de Giorgio commencent assez tôt, avant même1530. En effet, de nombreuses œuvres à lustre métallique sont attribuées à l’artiste aumonogramme FR que l’on croit être Avelli dans sa première phase, et également cellessignées de l’Y-phi2 (par exemple, la coupe figurant Hercule et Déjanire du musée muni-cipal d’art médiéval et moderne d’Arezzo et le plat figurant Pico et Canente du musée dupalais des Consoli à Gubbio, tous deux datés de 1528).

Selon nous Avelli aurait travaillé pendant quelques années dans l’atelier de Gubbioqui engageait en premier lieu des décorateurs venus d’ailleurs. A partir de 1530 –aprèsson établissement à Urbino et ses débuts de carrière sous la protection de FrancescoMaria della Rovere– Avelli continua à faire appliquer le lustre métallique sur ses istoriati,mettant cependant bien en relief sa propre signature et la légende In Urbino. A propos deses œuvres exécutées entre 1530 et 1533, dont cette assiette Gillet fait partie, Mallet noteque le lustre métallique semblerait vouloir presque couvrir la signature de l’auteur, commesi Giorgio n’appréciait pas ce signe d’indépendance3. Cela devait cesser par la suite; onvoit de plus en plus souvent apparaître, en lustre métallique, le sigle N qu’on suppose êtrecelui de Vicenzo, le fils de Giorgio qui travailla durant une certaine période à Urbino. Enrevanche, il ne ressort pas qu’il ait jamais apposé le sigle FP, indication probable del’artisan ou de l’atelier qui appliquait le lustre.

Le décor « à losanges » du revers est par ailleurs proche, bien que différent, de celuid’une coupe du musée municipal de Pesaro, datée de 1533 et attribuée à Francesco Urbi-ni4, et de celui d’une assiette plus ancienne, datée de 1519 de la collection Lehman deNew-York5.

216

1. Inv. C. 87-1961, Poole, 1995,no. 393, pp. 342-344.

2. Pour ce sigle, cf. lesnos. 151- 152.

3. Mallet, 1988, pp. 68-69.4. Ballardini, 1938a, no. 81,

264 R.5. Rasmussen, 1989, p. 183,

no. 110.

Marc-Antoine Raimondi,Martyre de saintCécile (dètail)[ CLICHÈ MESDAMES C. FIOCCO

ET G. GHERARDI ]

Georg Pencz, Apollon[ CLICHÈ MESDAMES C. FIOCCO

ET G. GHERARDI ]

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69. CoupeUrbino, Francesco Xanto Avelli, 1541

H. 6 / D. 27,8 / H. pied 2 / D. pied 14,4 • Inv. 1896COUL.: Bleu, vert, jaune, brun, bistre, violet, noir, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Gauchissement; exécution parfaitement soignée. Fêlure sur lemarli (6 h); plusieurs éclats et ébréchures sur le pourtour de la coupe et au bord du pied.PROV.: Coll. Baron Gustave de Rotschild; Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1943, no. 96, p. 72; Giacomotti, 1962, p. 44; Rondot, 1994, no. 6, pp. 44-47, repr.p. 44, fig. 18a et p. 45, fig. 18b; Blazy, 1998, repr. p. 73; Sani, 2007, no. 394, p. 200.

Coupe sur pied bas représentant une scène de l’Enéide de Virgile (ix, 25 et suiv.);Turnus, roi des Rotules, allié du roi latin, combat Enée et les exilés troyens quise sont établis dans le Latium. Turnus figure à gauche de la coupe, à cheval, se

lançant avec deux hommes d’armes à l’assaut des bastions de la « Nouvelle Troie », c’est-à-dire le camp fortifié ennemi avec ses défenseurs. Au revers, sous la base, inscriptionen cursives bleues .1541./ Turno d’intorno / alla nouella Troia. / X.

Pour représenter le camp troyen, Avelli a eu recours à une gravure de Marco Dente,la Prise de Carthage d’après le dessin de Jules Romain. Pour un grand plat représentant laPrise de la Goulette en Tunisie par l’Empereur Charles-Quint, Avelli s’est inspiré, la mêmeannée, de cette même gravure. Ce sont là les dernières œuvres connues d’Avelli puisqu’onperd sa trace l’année suivante.

Le plat illustré de la prise de La Goulette futexécuté, selon l’inscription au revers, dans l’atelierde Francesco di Silvano. Si cette collaboration n’a pasété occasionnelle1 et si Avelli a bénéficié cette année-là d’une place stable dans cet atelier, il n’est pasimpossible qu’il soit également l’auteur de la coupeGillet.

1. Comme le fut, par exemple,celle de Nicola di GabrieleSbraghe dans l’atelier deGuido Durantino en 1528pour l’assiette du Bargelloreprésentant le martyre desainte Cécile.

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Marco Dente, la Prise de Carthage [ CLICHÈ MESDAMES C. FIOCCO ET G. GHERARDI ]

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70. AssietteUrbino, atelier de Guido Durantino, vers 1540-1550

H. 4. 5 / D. 26. 6 / D. talon 9. 6 • Inv. 1931COUL.: Bleu, vert, jaune, orange, ocre, noir, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: De face, sur l’aile, cinq traces de pernettes; au revers: trois filetsjaunes; émail irrégulier; plages vertes dues à la migration du cuivre d’une autre pièce de lafournée. Intègre; ébréchures et léger manque sur le pourtour.PROV.: Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1956, no. 86, p. 71; Crépin Leblond-Ennès, 1995, p. 50; Anversa, 2007, p. 40;Thornton-Wilson, 2009, p. 310.

Ce plat creux illustre la métamorphose des compagnes de Proserpine en sirènes.Bouleversées de douleur par le rapt de Proserpine, l’ayant cherchée sur la terreentière, les jeunes filles émirent le vœu d’avoir des ailes pour voler sur les flots.

Satisfaites, elles devinrent oiseaux, conservant toutefois figure et voix humaines1. L’au-teur de l’assiette n’a pas suivi Ovide à la lettre. Les sirènes ont pris des queues de pois-son et sont sur le point de se jeter à l’eau. On peut voir, sous la base, un écu avec deuxtêtes de maures (Lanciarini de Rome) autour duquel s’ordonne l’inscription Le cho / pagnie/ d proserpi / na che / se muto / rne in sene (les compagnes de Proserpine qui se transfor-ment en sirènes).

La même scène, représentée de façon similaire et avec la répétition de la figure centrale,se retrouve sur un plat du musée municipal de Pesaro2. On connaît de nombreux autresexemplaires du service, mais qui ne sont pas tous du même peintre3.

Le traitement stylistique du peintre se rapproche de celui du service Nordi. On peutsans doute identifier le peintre à l’auteur de certaines chevrettes et de deux vases àlarge ouverture de la pharmacie du sanctuaire de Lorette4, bien que ceux-ci semblentappartenir à une période postérieure en raison de la monumentalité des figures et dutrait plus abrégé. Le service Lanciarini est donc attribué au cercle de l’atelier de GuidoDurantino où travaillait encore son fils Orazio, vers la fin des années quarante.

1. Ovide, Métamorphoses, v,551-554.

2. Mancini Della Chiara, 1979,no. 257.

3. Pour une liste exaustive,cf. Thornton-Wilson, 2009,p. 310-311.

4. Grimaldi, 1977, nos. 425-470.

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71. PlatUrbino, atelier de Guido Durantino, vers 1540-1550

H. 3,3 / D. 26,5 • Inv. 1933COUL.: Bleu, vert, jaune, orange, brun, noir, violet, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Cinq traces de pernettes sur la face; picots sur l´ensemble de lapièce, trace de contact sur l’aile; au revers, saillie au-dessus de l’inscription. Accidentédans la partie haute de l’illustration, complet (trois fragments en bordure), restauré.PROV.: Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Taburet, 1981, repr. p. 17.

Le plat, au bassin profond, représente une scène de bataille, l’épisode au coursduquel Hannibal, combattant les Romains, fait tomber de cheval PubliusCornelius Scipion. Autour de lui, des groupes de guerriers se battent tandis que

les étendards se déploient au vent. Au revers, en cursives bleues, l’inscription Come Han-nibale Combate / do co li Romani li / ruppi, et Preso publio / Cornelio, Patre de / Scipioneafricano (Comment Hannibal, combattant contre les Romains, bat et capture PubliusCornelius, père de Scipion l’Africain). Il s’agit de la bataille du Tessin en septembre 218av. J.C., au cours de laquelle Publius, à la tête de deux légions, affronta Hannibal. Il futbattu et gravement blessé. Seule l’intervention de son fils de dix-sept ans lui sauva lavie. Il leva donc rapidement le camp et mit ses hommes à l’abri vers Piacenza.

La scène est tirée, avec quelques variantes, d’une gravure de Barthel Beham (Nurem-berg, 1502-1540) représentant un combat de nus et sur laquelle il est écrit Titus Gracchus.De la même gravure dérivent également l’ornement extérieur d’une coupe de la Galle-ria Estense de Modène1, et en partie celui d’un plat du Victoria and Albert Museum deLondres2. A partir des années quarante, de grands plats portant des scènes de batailles,avec des personnages vêtus à l’antique, furent exécutés dans l’atelier de Guido Duran-tino. La plupart de ces représentations sont tirées de gravures inspirées directementdes dessins de Raphaël et Jules Romain pour la Chambre de Constantin au Vatican3. Lespeintres travaillant dans cet atelier avaient habituellement recours aux gravures de petitsmaîtres de Nuremberg, en particulier à celles du frère de Barthel, Hans Sebald4.

Les plats au monogramme d’Orazio5, fils de Guido, qui travailla auprès de son pèrejusqu’en 1565, offrent des affinités avec l’assiette Gillet. Les scènes de batailles y sont trèsproches, au moins dans la manière de traiter le paysage et l’anatomie des chevaux. Unlien stylistique étroit existe également avec un plat de service Nordi du musée Boymansvan Beuningen de Rotterdam, représentant la Bataille entre Philippe de Macédoine et desEtoliens. On peut donc supposer que le plat Gillet a été exécuté chez Guido et Orazio,probablement au début des années quarante.

1. Inv. 2018, in Liverani, 1979,no. 17, pp. 61-65.

2. Inv. 1679-1855, in Rackham,1940, no. 922.

3. Massari, 1993, pp. 40, 53et 60.

4. Cf. cat. nos. 173, 1755. Cf. par ex. le plat daté

de 1543 de la coll. GhigiSaracini à Sienne (inRavanelli Guidotti, 1992,no. 13), et Liverani, 1957,pp. 131-134.

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Barthel Beham,Titus Gracchus (Combat de nus)[ CLICHÈ MESDAMES C. FIOCCO ET G. GHERARDI ]

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72. AssietteUrbino, atelier de Guido di Merlino ?, vers 1540-1550

H. 4 / D. 24,4 / D. pied 6,5 • Inv. 1927COUL.: Bleu, vert, jaune, orange, brun, noir, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Au revers, émail verdâtre dû à la migration du cuivre d’une autrepièce de la fournée. Intègre; nombreuses égrenures en bordure. Au revers, étiquette:15 from the Brookman Collection, Sotheby’s 1946…PROV.: Coll. Beit; coll. Brookman (vente Londres, 1946, no. 15); Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1956, no. 85, p. 70.

Assiette au bassin profond, représentant une scène mythologique non identifiée(l’Age d’or ?). Au devant d’arbres et d’édifices, un jeune homme, au premier plan,

se penche en avant. Autour de lui, des personnages nus et en partie drapés l’ob-servent. Dans le fond, un homme et une femme sont assis côte à côte, une main poséesur un vase. Le revers est émaillé de blanc.

Le peintre, inconnu, présente plusieurs traits caractéristiques qui se répètent dansson œuvre et le font reconnaître, tels les yeux en demi-lune donnant un regard étonné,l’anatomie musclée, les genoux ronds et empâtés, les doigts soulignés à la base d’un traitqui les sépare presque du reste de la main. Les fonds d’architecture sont caractériséspar des perspectives bizarres, sillonnés d’arcades voûtées, et couronnés de rotondes àcoupoles.

Ce peintre, déjà introduit dans le domaine de la production de Pesaro sous le nomde Peintre de Samson et les Philistins1, semble toutefois être l’auteur d’un bassin récem-ment acquis par le musée national de la Céramique de Sèvres, et représentant Orphéejouant au milieu de bêtes féroces. Il est écrit au revers qu’il fut exécuté en 1542 dans l’ate-lier de Guido di Merlino2, fils de maître Benedetto di Merlino, et l’un des plus importantsfaïenciers du xvie siècle à Urbino. En 1523, quand il est mentionné pour la première foisdans les documents, il dirige déjà son propre atelier3. En 1530 il fait partie des patronsqui s’accordent pour tempérer les prétentions des travailleurs sous contrat, au nombredesquels figure Avelli4. En 1536 il embauche comme peintre de majoliques Caesar CareCarii de Faenza. En outre, en 1543, Francesco Durantino, Luca di Bartolomeo de Castel-durante et Fedele di Giovanni s’engagent à peindre chez lui5. Guido avait donc l’habi-tude d’embaucher par contrat des peintres pour des périodes plus ou moins longues. Ilest certain que l’auteur de notre plat en faisait partie. Au rang des nombreuses œuvresqu’il semble avoir exécutées, à côté du bassin représentant Orphée dont il a été parlé plushaut, citons le plat du musée Gadagne à Lyon avec sa scène politico-allégorique (Le disgra-zie d’Italia), « La disgrâce d’Italie »6, deux coupes de la Wallace Collection, Le Sacrificede Noé 7 et les filles de Minyas durant la célébration de la fête en l’honneur de Bacchus (cettedernière œuvre, à lustre métallique, datée de 1543, avec les armoiries Bocchi de Bologne)8,le plat représentant Proserpine et ses compagnes du musée Herzog Anton Ulrich de Bruns-wick9, deux plats du Louvre, Apollon et Mars et Apollon et Pan10, un plat de l’Indianapo-lis Museum of Art, l’Enlèvement de Ganymède11, un plat de la Walters Arts Gallery deBaltimore, Samson tuant les Philistins12, un autre de même sujet au musée municipal dePadoue 13, un autre encore, Le meurtre de Tarpée, au musée du Vatican 14. Parmi les

1. Bonal-Gresta, 1987, pp. 76et sqq. L’attribution dupeintre à Pesaro se basesur l’identification de celui-ci avec l’auteur d’une coupedu Louvre représentantSamson combattant lesPhilistins (Giacomotti, 1974,no. 913), derrière laquelleest écrit 1540… fatta iPesaro.

2. Mallet, 1996, figs. 9 -10. Aurevers, on note l’inscriptionsuivante fate in botega / deguido de mertigno / vasaroda urbino/ in sanpolo adi 30/ de marzo 1542.

3. Mallet, 1987, p. 287.4. Pungileoni, 1879, p. 337,

note 8.5. Scatassa, 1908, p. 168.6. Inv. 42397.7. Inv. III E 200, in Norman,

1976, no. C 134 (l’inscriptionau revers est Schrefizi).

8. Inv. IIIA41, ibid. , no. C 134(l’inscription au revers estFabulatrice de baccho).

9. Inv. 748, in Lessmann, 1979,no. 504.

10. Inv. OA 1556 et MR 2240, inGiacomotti, 1974, nos. 996et 1024.

11. Inv. 59. 34, in Cole, 1977,no. 33, p. 72.

12. Inv. 48. 1325, Erdberg-Ross,1952, no. 59.

13. Inv. 164, in Bonali et Gresta,op. cit. , p. 77.

14. Inv. 2245, in Morello, 1993,no. 11, p. 250.

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nombreuses œuvres inédites, mentionnons celle du musée international des Céramiquesde Faenza, L’Histoire de Coriolan15, une autre dans une collection privée de Novare, Cléo-bis et Biton et une dernière dans une collection privée de Hambourg, avec des traces d’unlustre métallique ayant subi une cuisson manquée. Il s’agit donc d’un peintre travaillantà Urbino au début des années 40, sûrement aussi dans l’atelier de Guido di Merlino, quiutilisait sporadiquement le lustre rouge de Gubbio. Sa production, assez abondante, estconstituée de préférence de thèmes mythologiques ou bibliques. Sur le plat du muséeGadagne, le peintre a toutefois traité un thème que l’on rencontre rarement, exceptédans la production d’Avelli, celui de l’allégorie politique contemporaine.

15. Inv. 9854.

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73. PlatUrbino, vers 1560-1570

H. 4,5 / D. 28,6 • Inv. 1894COUL.: Camaïeu bleu, plusieurs verts, jaune, orange, brun, noir, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Émail irrégulier, rugueux à certains endroits; au revers retraitapparent au niveau du marli, trois filets jaunes, l’un soulignant le talon, sur fond d’émail beige.Intègre, deux manques au talon, quelques égrenures sur le contour.PROV.: Paul Gillet, don.BIBL.: Damiron, 1956, no. 99, p. 80.

Plat au bassin profond représentant, en plein, la scène biblique du Sacrifice d’Abra-ham (Genèse, 22, 1-14). Dieu voulant mettre à l’épreuve Abraham lui ordonnede sacrifier son fils unique. Abraham conduit alors Isaac sur la montagne et s’ap-

prête à l’égorger quand il est arrêté par l’ange du Seigneur. Un peu plus loin, il aperçoitun bélier et l’offre en sacrifice à la place de son fils. Dans le fond, on peut voir le feu préparépour le sacrifice, une ville et des chaînes de montagnes. Au revers, en cursive bleue, l’ins-cription Abram.

L´iconographie semble tirée, en dépit de quelques variantes, notamment dans la posi-tion du garçon, de l´illustration de Hans Sebald Beham pour les Biblisch Historien (Franc-fort, 1533), très proche elle-même d’une gravure au burin de Benedetto Montagna.

Par son style, le plat appartient à la productiond’Urbino, peu après le milieu du xvi e siècle. Les colo-ris, la façon de faire les nuages en forme d’escargots,le paysage du fond qui présente des montagnesazurées de forme arrondies, et les édifices en sont lessignes distinctifs1. Le fait que ces caractères soientcommuns à tous les ateliers rend difficile l’attribu-tion précise du plat à l’un d’entre eux.

1. Une comparaison peutêtre faite avec deuxgourdes de l’HerzogAnton Ulrich-Museum deBrunswick, qui montrentdes éléments semblablesdans le paysage et laforme des nuages,et qui sont attribuées àl’atelier Fontana (inv. 29-30, in Lessmann,1979, nos. 189 -190).

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Hans Sebald Beham, Le Sacrifice d’Abraham, (Biblish Historien, 1533)[ CLICHÈ MESDAMES C. FIOCCO ET G. GHERARDI ]

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74. GourdeUrbino, atelier des Fontana, vers 1550-1570

H. (sans bouchon) 30 / L. max. 23,3 / L. 13 • Inv. 1889/2COUL.: Bleu, vert, jaune, orange, brun, violet, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Pièce de forme. Le bouchon manque, il a été remplaçé par uncouvercle en argent, gravé de rinceaux; le piédouche est entouré à sa base d’une monture àoves en bronze doré, d’époque postérieure. Restaurations au pied et sur les mascarons desanses; manque d’émail sur une anse; blason refait.PROV.: Coll. Baron Gustave de Rotschild; Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1943, no. 114, p. 83; Blazy, 1998, repr. p. 75.

Gourde plate, à haut col, sur pied évasé avec deux fentes symétriques, flanquéede deux anses en relief formées des cornes enroulées de deux masque de satyres.Le décor historié se développe sur toute la surface. Un côté de la gourde présente

Joseph que ses frères viennent de jeter dans un puits (Genèse, 37, 23-24). Informés de sessonges prophétiques et comprenant que Joseph deviendra très puissant, ses frères déci-dent par jalousie de le vendre comme esclave aux Ismaélites qui l’emmènent en Egypte.Esclave dans le palais de Putiphar, calomnié par la femme de ce dernier puis emprisonné,Joseph rentre en grâce et, pour avoir su expliquer au pharaon les songes qui le hantent,devient vice-roi d’Egypte. C’est en cette qualité qu’il reçoit ses frères qui ne le recon-naissent pas. Voulant d’abord les punir, il les met à l’épreuve, puis leur accorde son pardon.Sur l’autre côté de la gourde, Joseph présente ses cinq frères au pharaon qui leur permetde demeurer en Egypte, dans la région de Gochen (Genèse, 47, 1-6). Sur le col de la gourde,un petit blason surmonté d’un heaume empanaché sur lequel sont disposées trois tortueset un écriteau avec la devise BRADYTES, en caractères grecs. Les deux scènes bibliquessont tirées de gravures sur bois d’Hans Sebald Beham publiées pour la première fois dansles Biblisch Historien (Francfort-sur-le-Main, 1533).

Cette même iconographie se retrouve sur deux grandes amphores de la pharmaciedu sanctuaire de Lorette1, dans des scènes analogues exécutées probablement par lamême main. La scène de Joseph dans le puits figure aussi sur un plat de la Wallace Collec-tion2 qui fait partie d’un service ayant pour emblème un phénix.

1. Grimaldi, 1977, nos. 294-295.

2. Inv. III D 138, in Norman,1969, no. C141, p. 279.

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Hans Sebald Beham, Josephet ses frères devant le Pharaon,(Biblish Historien, 1533)[ CLICHÈ MESDAMES C. FIOCCO

ET G. GHERARDI ]

Hans Sebald Beham,Joseph dans le puits,(Biblish Historien, 1533)[ CLICHÈ MESDAMES C. FIOCCO

ET G. GHERARDI ]

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75. GourdeUrbino, atelier des Fontana, vers 1560-1570

H. sans bouchon 25 / H. avec bouchon / 31 Panse 26,2 / L. 13,2 / Pied 11,5 / l. 10 • Inv. 1923COUL.: Bleu, vert, jaune, orange, noir, brun.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: La ligne de jonction de la partie haute du col avec le restant de colest apparente; au piédouche, deux fentes pratiquées avant cuisson pour le passage d’un liensouple. Intègre; quelques égrenures aux anses et au bouchon restaurés.PROV.: Coll. Gustave de Rothschild; Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1943, no. 108, p. 79.

Gourde sur pied évasé, avec deux anses à passant en forme de dragon, col hautet bouchon à vis, qui représente une version raffinée du type dit gourde de pèle-rin. Sur une face, dans un cadre ovale, Hercule combat un centaure, tandis qu’à

côté un homme armé, accablé, s’accroche à une colonne. Une bataille de cavaliers décorel’autre face. Sur la surface restante de la panse et autour du col, grotesques sur fond blancdites aussi raphaélesques.

Des formes semblables se rencontrent encore dans la majolique d’Urbino du milieudu siècle, par exemple dans le service exécuté pour le connétable de Montmorency en1535 dans l’atelier de Guido Durantino1. Cependant la présence de la grotesque sur fondblanc, qui semble faire son apparition dans la majolique d’Urbino après l’exécution duService espagnol (1560-1562) nous conduit à en retarder la datation. Une gourde de formesemblable, représentant La chasse au sanglier calédonien2, est conservée à la Walters ArtGallery de Baltimore.

1. Turin, Musée Municipal,inv. 2756C, reproduite inRasmussen, 1989, p. 260,fig. 91. 13.

2. Inv. 48. 1372, in Erdberg-Ross, 1952, pl. 37, no. 58.

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76. SalièreUrbino, atelier des Patanazzi, vers 1580-1590

H. totale 17 / H. du corps 12,7 / L. 24,8 / l. 15 • Inv. 1726COUL.: Bleu, vert, jaune, orangé, brun, noir, blanc fixe.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Pièce de forme façonnée au moyen d’un moule. Les grotesquessont peintes sur une couche de blanc fixe qui couvre l’émail de base. Gros problèmesd’adhésion de l’émail. Accidentée, (7 fragments), une tête de bouc est recollée, quelquesmanques et nombreuses écaillures. Deux trous percés après cuisson, au centre, dans l’axe.PROV.: Baron Gustave de Rothschild; Paul Gillet, don 1956.BIBL.: Damiron, 1943, no. 142, p. 102.

Salière ovale modelée de têtes de bouc et de mascarons à têtes de lion, portéepar une tête de monstre. A l’intérieur de la vasque, un cupidon ailé tend son arc.A l’extérieur, ornementation de grotesques sur fond blanc (raphaélesques). Les

grotesques sont peintes sur un fond bianco sopra bianco posé au pinceau sur l’émail debase avant cuisson.

Des exemplaires de modelés analogues sont conservés au Musée Correr de Venise1,au Musée national de Stockholm2, et à l’Herzog Anton Ulrich-Museum de Brunswick3.L’exemplaire de Brunswick est particulièrement important quant à la chronologie de cegenre d’objets; il porte les armes de Fernando Ruiz de Castro et la croix de l’Ordre deCalatrava auquel appartint ce haut personnage à partir de 1578, ce qui fournit une dated’exécution post quem. Une salière assez semblable du British Museum de Londres4

contribue de la même manière à sa datation. Elle appartient au service Ardet Aeternum,attribué à Antonio Patanazzi et lié au mariage du duc de Ferrare Alphonse II et de Margue-rite Gonzague célébré en 1579. Comme la précédente, la salière Gillet appartient doncà la production de la fin du xvi e siècle d’Urbino et, plus précisément, à l’atelier desPatanazzi.

1. Papagni, 1981, pl. 75.2. Dahlback Lutteman, 1981,

no. 28, p. 133, attribué auxPatanazzi.

3. Inv. Z. L. V. 7264, inLehmann, 1979, no. 254.

4. In Thornton-Wilson, 2009,no. 241, p. 411.

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77. BouteilleCastelli d’Abruzzo, atelier d’Orazio Pompei, vers 1550-1560

H. 42 / D. panse 24 / D. base 18,2 / D. col 11 • Inv. 2019COUL.: Bleu, vert, jaune, orange, brun.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Surface parfois rugueuse; intérieur émaillé blanc. Restaurations aucol, autour du pied et sur la panse en quatre endroits; ébréchures au col. Dessous, étiquetteportant les inscriptions FAENZA, PHARMACY BOTTLE, 1520 [date manuscrite], Coll. of Lord deTabley, Tabley House, Krutsford, Cheshire, Art Treasures Exhibition, Manchester, 1857.PROV.: Coll. Lord de Tabley; Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Cat. exp. Manchester, 1857; Damiron, 1956, no. 33, p. 28; cat. exp. Pescara, 1989,repr. p. C 59 et C 160, no. 448; Casturà, 2000, pl. VIII, no. 450, repr.EXP.: Manchester, Art Treasures in the United Kingdom, 1857.

Bouteille à corps piriforme, à haut col galbé et pied légèrement saillant. Sur laface, dans un espace ovale délimité par une bande ornée de motifs fleuris envolutes, champlevés graffito sur le fond bleu, un jeune berger dans un pré, appuyé

sur une houlette, offre une miche à son chien. En dessous, écriteau avec, en lettresgothiques, l’inscription pharmaceutique A.d.ordminis (Aqua hordeum, eau d’orge, ou bienAqua de Salvia Horminum eau de sauge hormin); préparée principalement à partir desfeuilles, la sauge hormin est employée comme aphrodisiaque et détersif. Au revers,branches recourbées en spirales sommairement esquissées en bleu.

Cette bouteille appartient au groupe appelé Orsini-Colonna et est produite à Castellid’Abruzzo dans l’atelier d’Orazio Pompei vers le milieu du xvie siècle1. Un personnagedans une attitude similaire (David avec la tête de Goliath) orne une bouteille autrefoisdans la collection Pringsheim2 et une autre se trouvant dans une collection privée àFlorence3. Le peintre a donc dû prendre comme modèle une gravure, qui reste non iden-tifiée ainsi qu’il en est pour la plupart des vases Orsini Colonna. De même, il est impos-sible de dire si l’ovale subdivisé en losanges à la hauteur du col, qui apparaît sur d’autresexemplaires4, définit un ensemble pharmaceutique ou s’il constitue seulement, commeil est plus probable, un motif décoratif.

1. Fiocco-Gherardi 1985e 2002a.

2. Attribué à la secondepériode du « groupe II »datable, selon les auteurs,entre 1540 et 1560.

3. Cat. exp. Pescara, 1989,no. 449.

4. Ibid. , no. 432.5. Ibid. , nos. 434, 435, 454

et 469.

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78. BouteilleCastelli d’Abruzzo, atelier d’Orazio Pompei, vers 1550-1560

H. 36,8 / D. panse 21 / D. base 14,8 / D. col 10 • Inv. 2016COUL.: Bleu, vert, jaune, orangé, rehauts de blanc.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Base et lèvre brutes; un point de contact, de face, derrière lafigure; petit cratère dû à une particule de CaCO3 (conduite de la cuisson); salissures demanipulation malhabile. Intègre; ébréchures à la base, légère fêlure au col; couvercleaccidenté, trois manques sur le bord et le bouton de préhension. Dessous, une étiquetteportant les inscriptions « FAENZA, PHARMACY BOTTLE, 1520 [date manuscrite], Coll. of Lordde Tabley, Tabley House, Krutsford, Cheshire, Art Treasures Exhibition, Manchester, 1857 ».PROV.: Coll. Lord de Tabley; Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Cat. exp. Manchester, 1857; Damiron, 1956, p. 24; cat. exp. Pescara, 1989,repr. p. C 54 et C 163, no. 502.1

EXP.: Manchester, Art Treasures of the United Kingdom, 1857.

Bouteille à corps piriforme et à haut col, à bord galbé avec ressaut; deux ansesverticales cannelées et retroussées aux extrémités, un couvercle à coupole. Surla face, dans un compartiment ovale entouré d’une bande de motifs alla por-

cellana tracés en bleu sur fond jaune, une dame nue assise sur un rocher, dans une atti-tude méditative. A la partie inférieure, dans un écriteau, l’inscription de pharmacieen caractères gothiques A. fumisterre (eau de fumeterre). Au revers, un rameau defeuilles en volutes, sommairement tracé. La bouteille appartient au groupe appeléOrsini-Colonna et est produite à Castelli d’Abruzzo dans l’atelier d’Orazio Pompei versle milieu du xvi e siècle2.

Le fumeterre ou fumaria officinalis contient un alcaloïde (la fumarine) et agit surles muscles lisses, favorisant la digestion; il a, en outre, des effets diurétiques et chola-gogues.

1. Attribué à la seconde phasedu groupe dit « groupe II »datable, de l’avis desauteurs, entre 1540 et 1560.

2. Fiocco-Gherardi, 1985 et2002a.

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79. Chevrette (versatore)Castelli d’Abruzzo, atelier d’Orazio Pompei, vers 1550-1560

H. 23,8 / D. panse 18 / D. base 11 / D. col 11,8 • Inv. 2013COUL.: Bleu, vert, jaune, orangé.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Surface rugueuse; lèvre plate et brute, base brute,tachée d’émail; intérieur émaillé blanc (émail maigre). Intègre.PROV.: Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1956, no. 23, p. 18; cat. exp. Pescara, 1989, repr. p. C 42et C 153, no. 3551; Casati Migliorini, 2004, p. 39.

Cruche à panse globulaire, à col évasé et goulot à bec galbé en forme de dragon,et anse côtelée. Sur la face, dans une réserve lobée entourée de motifs alla porcel-lana, très fragmentés et tracés en bleu sur fond jaune, deux têtes de vieillards

barbus, de part et d’autre du bec et légèrement tournées vers lui. Dans le bas, écriteauavec l’inscription pharmaceutique en lettres gothiques Oleo.de.manule.do (huile d’amandedouce). A l’arrière, esquissés, des motifs végétaux en volutes très stylisés.

Cette cruche appartient au groupe appelé Orsini-Colonna et est produite à Castellid’Abruzzo dans l’atelier d’Orazio Pompei vers le milieu du xvie siècle2.

Les deux têtes de vieillard offrent de fortes analogies avec celles peintes sur plusieurscarreaux du premier plafond de l’église San Donato à Castelli, exécuté lui aussi dans lecercle de l’atelier d’Orazio Pompei3. Ceci confirme les origines de la vaisselle.

Le contenu, l’huile d’amande douce, a des propriétés laxatives; en usage externe, elleétait utilisée comme émollient et pour protéger la peau.

1. Attribué au groupedénommé « groupe I »datable, selon l’opinion desauteurs, entre 1530 et 1550.

2. Fiocco-Gherardi, 1985 et2002a

3. Cat. exp. Pescara, 1989,p. C 14, nos. 1-3.

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80. VaseCastelli d’Abruzzo, atelier d’Orazio Pompei, vers 1550-1560

H. 18,5 / D. piédouche 10,8 / D. col 11,2 / D. max. 19 (anses comprises) • Inv. 1950/1COUL.: Bleu, vert, jaune, orange.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Retrait d’émail au col; picots; marque de contactsur la panse; revers piédouche brut. Sur la panse: plusieurs fêlures provoquéespar un choc; col très usé; réparation à l’anse.PROV.: Coll. Hermann Emden (vente Berlin, 3-7 novembre 1908, no. 79,repr. pl. 12); Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1943, no. 50, p. 36; Chompret, 1949, I, pp. 67-68, repr. II, p. 58, fig. 441;Montagut, 1987, repr. p. 22, no. 7; cat. exp. Pescara, 1989, repr. pp. C 80 et C 149, no. 319.1

Vase globulaire et trapu, au col évasé, à pied haut, avec deux anses verticales torsa-dées, retroussées aux extrémités. Sur la face, dans un espace délimité sur lescôtés par des bandes à décor de losanges, un homme barbu à mi-buste, de profil.

Au-dessous, dans l’écriteau, l’inscription pharmaceutique STOMATICº GALEN (Stoma-tico di Galeno), en capitales romaines. A l’arrière, un rameau de feuillages sommaire-ment esquissé en bleu.

Ce vase appartient au groupe appelé Orsini-Colonna et est produite à Castelli d’Abruzzodans l’atelier d’Orazio Pompei vers le milieu du xvie siècle2.

Pour analogie, voir l’exemplaire muni d’un couvercle de la collection Lehman duMetropolitan Museum de New-York3.

Le vase contenait peut-être le cérat stomachique de Galien inventé par le médecincélèbre de Pergame (131-210 av. JC) et considéré comme la panacée pour tous lesproblèmes d’estomac4. Les cérats étaient préparés comme des emplâtres, mais étaientplus durs, de consistance cireuse, d’où leur nom.

1. Attribué au groupedénommé « groupe III »datable, selon les auteurs,entre 1551 et 1570-80.

2. Fiocco-Gherardi, 1985 et2002a

3. Inv. 1975. [1. 1115 et 1975. 1.1114], in Rasmussen, 1987,nos. 60-61.

4. Il était fait avec des roses,du mastic, de l’absinthe, dunard, de la cire et de l’huilerosée et, selon Calestani,guérit tous les maux del’estomac quelles qu’ensoient les causes, soulage lefoie, incite à l’appétit, facilitela digestion et assainit lescouleurs de tous ces organes(Calestani, 1575, p. 379).Souvent dans les anciennespharmacopées on ne faitpas la différence entrestomatite (pour la bouche)et stomachique (pourl’estomac).

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81. AssietteCastelli d’Abruzzo, probablement Berardino Gentili il Vecchiodans l’atelier de de Francesco Grue, années 1670-80

H. 2,4 / D. 24,4 • Inv. 1975COUL.: Tonalités douces de bleu, vert, jaune, orange et rehauts d’or.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Technique mixte: l’or appliqué sur un décorde grand feu déjà cuit, avec une cuisson au petit feu. De face, facture très soignée;au revers, grosses irrégularités de l’émail. Intègre.PROV.: Coll. Baron Gustave de Rothschild; Paul Gillet, don 1961.BIBL.: Damiron, 1943, no. 103, p. 76.

Assiette peu profonde, à bord déversé, représentant une scène de pêche; sur unebarque au premier plan, deux pêcheurs rament, un troisième pêche avec un trident.

On voit dans le fond une autre barque et les bâtiments d’une cité. Autour del’aile se développent des rameaux fleuris sur lesquels perchent des oiseaux. Le revers estémaillé de blanc.

La scène est tirée des Venations (Chasses) d’Antonio Tempesta éditées à Rome en16021. Par ses ressemblances stylistiques, l’assiette rentre dans la production de Berar-dino di Giacomo di Intino, dit Il Vecchio (1635-1683). A partir de 1663 il prit le nom de« Gentili », qu’il transmit à ses fils. On ne connait de lui que deux œuvres signées, detype folklorique, à partir desquelles il est pourtant possible de retrouver les caracté-ristiques de son style, qui se situent dans des œuvres bien plus raffinées et provenantd’impressions complexes. Sur une base stylistique, on peut lui attribuer des majoliquesréalisées dans l’atelier de Francesco Grue, avec qui il était apparenté, autour des années1670-16802.

L’assiette Gillet doit être rapprochée, en raison deson étroite ressemblance (stylisation des ornementset utilisation de gravures de Tempesta), de plusieursassiettes aux armes Alarcon y Mendoza du musée deSan Martino à Naples. Egalement en partie rehaus-sées d’or, ces pièces sont attribuées à la pleine matu-rité de Grue3.

1. Venationes Ferarum, Auium,Piscium / Pvgnae /Bestiarorium et mutuaeBestiarum / delineatae /AbAntonio Tempesta… JoannesOrlandus Formis, Rome,1602, repr. in Bartsch, 1983,p. 340.

2. Pour cette attribution, etpour la bibliographie qui s’yrapporte cf. Fiocco-Gherardi-Matricardi, 2012,pp. 122-123 )

3. Fittipaldi, 1992, II, pp. 12-13,nos. 8-12, et I, pp. 55-56.

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Antonio Tempesta, Les Vénations [ CLICHÈ MESDAMES C. FIOCCO ET G. GHERARDI ]

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82. AlbarelloNaples, Maître de la chapelle Brancaccio, xve siècle, vers 1475-1476

H. 32,6 / D. base 11 / D. col 10,6 • Inv. 1956COUL.: Bleu, vert, orange, violet.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Lèvre et base brutes; fond troué après cuisson; intérieur émailléblanc. Conservation passable; tressaillures dans l’émail; deux fêlures: l’une, très importantepart de la base et l’autre du haut; légères réparations sur le visage.PROV.: Coll. Charles Damiron (vente Londres, 16 juin 1938, no. 18); Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1943, no. 9, p. 7; Giacomotti, 1962, repr. p. 22, fig. 2; Giacomotti, 1974, p. 30,no. 98; Donatone, 1993, repr. pl. 26-27; Donatone, 2013, pp. 57-58 et pl. 16 a, b.

Albarello cylindrique à épaulements carénés, très légèrement rétréci au centre.Sur la face, de profil à gauche dans un cadre, une femme couronnée. La surface

restante est occupée par des feuilles recoquillées de style gothique qui se déve-loppent de façon symétrique par rapport à une inflorescence. Déjà identifié par De Ricciet Borenius, le groupe auquel appartient cet albarello est caractérisé par une forme similaireet par des profils masculins et féminins, parfois accompagnés d’un cartouche vertical conte-nant un nom. Par ailleurs dans la partie postérieure, on peut trouver à côté des feuilles reco-quillées, de grandes fleurs à clochettes ou d’autres éléments végétaux et géométriques.

Dans l’incertitude, l’albarello a été attribué successivement à la Toscane, à Faenzaet à Rome1. Toutefois Borenius se réfère à Leverton Harris qui disait que la majeure partiede ces albarelli provenait d’une pharmacie de Caltagirone, en Sicile, qu’ils avait été ache-tés par M. Canessa qui les avait ensuite revendus en Amérique. En 1903 le Louvre acquitde Roger Firino trois exemplaires qui portent encore un sceau de cire avec l’inscriptionSigillo del Convento di Palermo2. L’un d’eux présente les armoiries d’Alphonse II d’Aragonet de son épouse Hyppolite Sforza, ce qui permet de situer les albarelli entre 1465, datede leur mariage, et 1484, date de la mort d’Hyppolite3.

Le musée national de Capodimonte à Naples conserve d’autres exemplaires portantles mêmes armoiries, et qui proviennent également de Sicile4. Malgré cela, Governaleest le seul à les attribuer aux ateliers siciliens de Sciacca5. A l’heure actuelle on privilé-gie la thèse de Donatone qui les attribue à des ateliers napolitains, notamment celui dela chapelle Brancaccio de San Angelo à Nilo (aujourd’hui au musée de l’Institut d’ArtPalizzi) et celui de la chapelle du Crucifix, ou des Campaniles, puis des Altemps, dansl’église de S.Pietro à Maiella, donnés au même peintre et tous deux de la seconde moitiédu xvie siècle6. Les profils ont été comparés à ceux des seigneurs aragonais apparaissantsur des médailles et des bas-reliefs7. Donatone formule l’hypothèse que l’albarello Gilletreprésenterait Béatrice ou Jeanne d’Aragon, épouses du roi Ferrante (cf. bibl.). Dansune publication plus récente (2013), le studieux napolitain y reconnut en revancheGiovanna, sœur de Ferdinand le catholique, que Ferrante d’Aragon roi de Naples épousaen secondes noces en 1477.

Après avoir abdiqué en 1495 en faveur de Ferrandino, Alphonse II partit pour la Sicileavec quatre embarcations chargées d’objets précieux et se retira dans un couvent deMonreale. Parmi les objets arrivés dans l’île, peut-être se trouvait-il des vases. Ceci explique-raitlaprovenancesiciliennedesalbarelliquifurentsansdouteacheminésparlasuitejusqu’aucouvent de San Giovanni des Ermites dépendant des Bénédictins de Monreale (1524)8.

1. De Ricci, 1927, nos. 39-47,attribués dans le doute à laToscane. Ils provenaient dela collection de Miss WalterCacciola, à Taormina, etétaient ensuite passés dansla collection Canessa;Borenius, 1931, pl. VIII, A, B,et p. 5.

2. Inv. OA 5880, 5881, 5882,repr. in Giacomotti, 1974,nos. 96- 98.

3. Il s’agit du no. 97, voirVasselot, 1903, pp. 338-343.

4. Naples, Musée National deCapodimonte, collection DeCiccio inv. 6139, avec lesarmoiries d’Alphonsed’Aragon, provenant deSicile, et inv. 6144,provenant lui aussi de Sicile.

5. Governale, 1995, nos. 308-309, pp. 296-297 et no. 314,p. 301.

6. Donatone, 1993, pl. 6-7,24-35.

7. Ibid. , figs. 9 et 10.8. Ibid. , p. 35.

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83. AlbarelloNaples, Maître de la Chapelle Brancaccio, fin du xve - début du xvie siècle

H. 36,5 / D. base 21,8 / D. col 21 • Inv. 1960/1COUL.: Bleu, vert, jaune, orange, violet.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Fin réseau de tressaillures dans l’émail;intérieur à glaçure plombifèreopaque de couleur beige / rosé; traces concentriques de tournassagedont un sillon médian très marqué; pied brut; gros point de contact.PROV.: Coll. Richard von Kaufmann (vente Berlin, 25 novembre - 2 décembre 1917,no. 520, repr. pl. 85); Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1956, no. 16, p. 13; Donatone, 2013, p. 31 et pl. 27 a, c.

Albarello de forme cylindrique à épaulements carénés, très légèrement cintré enson milieu. Dans un cadre, au premier plan, un homme en buste de profil à gauche,

barbu, auréolé et vêtu à l’antique, devant un écriteau vertical qui porte l’ins-cription DIVO. PETRUS en capitales romaines. A l’arrière, branches de feuilles reco-quillées disposées symétriquement par rapport à un axe horizontal. Le personnagereprésente saint Pierre, le chef des apôtres.

L’albarello est à rapprocher d’un vase sphérique de la Morawska Galerie de Brno1 ornésur la face d’un oiseau des marais dans une guirlande et, à l’arrière, des motifs à la feuillerecoquillée. Ils sont exécutés de façon très semblable, y compris le nœud particulierformé de deux pistils entrelacés2, l’un jaune et l’autre vert. Le vase de Brno a été attribuépar Donatone à la production napolitaine de la dernière décennie du xvie siècle, et plusprécisément au Maître de la chapelle Brancaccio3. Cette attribution trouve une basesolide dans la manière particulière d’interpréter le sol et la pelouse. En vertu de ce rappro-chement, on peut proposer pour cet albarello une origine napolitaine. Récemment l’al-barello a été réexaminé par Donatone et confronté à un exemplaire similaire d’unecollection privée qui portait dans le cartel l’inscription « Agricano » (personnage de l’Or-lando amoureux de Bojardo et contre lequel se battit Sacripan, et donc probablement dela même série). L’attribution de Donatone revient encore au napolitain Maître du revê-tement au sol de la chapelle Brancaccio. Ce revêtement, un temps dans l’église de Sant’Angelo a Nilo, se trouve aujourd’hui en grande partie, au musée Palizzi de Naples.

1. Inv. B 1514, Vydrová, 1955,no. 3, p. 48.

2. Un motif semblable existeaussi sur un vase de formesimilaire, avec un félin, dansune collection privée, repr. inGovernale, 1995, p. 317,fig. 327.

3. Donatone, 1993, pl. 151-152.

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84. AlbarelloNaples ?, début du xvie siècle

H. 36,2 / D. base 19,2 / D. col 20,3 • Inv. 1960/2COUL.: Bleu, vert, jaune, orange, violet.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Émail bullé, rugueux; lèvre et base brute; intérieur à glaçure plombifèreopaque. Conservation assez bonne; ébréchures, éclats au col; léger manque au pied.PROV.: Coll. Richard von Kaufmann (vente Berlin, 25 novembre - 2 décembre 1917, no. 519, repr. pl. 85);Paul Gillet, don 1960.BIBL.: Damiron, 1956, no. 15, p. 12; Donatone, 2013, p. 31 et tav. 27 b, d.

Albarello de forme cylindrique à épaulements carénés, très légèrement cintré enson milieu. Sur la face et dans un cadre, le profil à droite d’un homme en buste,

barbu, avec heaume et armure. Devant lui, un écriteau vertical porte l’inscrip-tion SACHRIPARDO en capitales romaines. Au revers, une branche de feuilles reco-quillées de style gothique disposées symétriquement, sur laquelle s’épanouissent desoeils de plume de paon.

L’homme en buste représente Sacripant, roi de Circassie, héros de poèmes de cheva-lerie italiens, en particulier du Roland amoureux de Bojardo dans lequel, pour l’amourd’Angélique, il combat Agricane, roi de Tartarie1. La forme et la stylisation du feuillagerecoquillé indiquent que cet albarello peut être rattaché au précédent dont il partage lesréférences et probablement l’origine.

1. Le chapitre XI du livre I dupoème contient les exploitssurhumains du guerrier, quel’on trouve également dansle chant I du Roland furieuxde l’Arioste.

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85. AlbarelloOrigine indéterminée, xvie siècle

H. 30 / D. base 11 / D. col 11 • Inv. 1691COUL.: Bleu, bleu zaffera, vert, jaune, orange, violet.NOTES TECHNIQUES ET CONSERVATION: Émail irrégulier, zones brutes; intérieur émaillé, émail maigre;picots; col gauchi. Conservation assez bonne; fin réseau de tressaillures dans l’émail; légèreréparation à la base; égrenures à l’arête et à la base.PROV.: Paul Gillet, don 1955.BIBL.: Damiron, 1943, no. 17, p. 13; Drey, 1978, repr. pp. 46-47, pl. 17D; Ibid. , 1984, repr. p. 29, no. 67.

L’albarello, aux épaulements carénés et légèrement cintré, représente une jeunefemme de profil à droite dans un médaillon ovale. Au-dessous, une banderoleporte, en caractères gothiques, l’inscription pharmaceutique S.de.Limonibus (sirop

de citrons; il était utilisé comme cordial, rafraîchissant et comme remède contre lescorbut). La surface restante est ornée de palmettes persanes entremêlées de rinceauxet de volutes.

L’albarello présente des caractères étroits avec la majolique italienne du xvie siècle,mais il est difficile de déterminer sa provenance. Il est impossible en effet de l’inclurede manière convaincante dans quelque production connue, et cela malgré les nombreuxcentres référencés.

La forme et certains éléments de l’ornementation secondaire, notamment au col etau pied, rappellent des exemplaires napolitains1, bien que la palmette persane ne semblepas y être présente. La palmette est en outre stylisée différemment en Toscane et à Faenza.Il pourrait peut-être s’agir d’un centre encore non étudié ou d’une production réaliséehors d’Italie sur des modèles italiens, ainsi qu’il en était en France et dans la Flandre aucours du xvie siècle.

1. Donatone, 1993, pl. 144.

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266 b i b l i o g r a p h i e

bibliographie pharmaceutique utilisée, mais non citée dans le texte

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© Fondation Bemberg, 2015© Textes: les auteurs, 2015

© Photographiemusée des Arts décoratifs de Lyon - Sylvain Pretto:

cat. nos. 1, 3-7, 9-11, 18, 21-22, 28, 31-47, 51-73

musée des Arts décoratifs de Lyon - Pierre Verrier:cat. nos. 2, 8, 12-17, 19-20, 23-27, 29-30, 48-50, 74-85

coordination et mise en page:Miriam Sainz de la Maza et Alfonso Meléndez

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MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS DE LYON