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Making It L’industrie pour le développement 1er trimestre 2011 Le commerce : moteur de développement ? n L’empreinte pauvreté n Peter Sutherland n Transport maritime durable n Chine et Afrique n Timor oriental

Making It: l'industrie pour le développement (#5)

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Ce numéro de Making It: l’industrie pour le développement se concentre sur les évolutions récentes du commerce international. Dans l’article principal, Peter Sutherland, ancien Directeur général de l’Organisation mondiale du commerce, défend l’idée suivante : pour que tous les pays du monde puissent profiter des retombées positives du commerce international, il serait essentiel de conclure le cycle de Doha. Il souligne les liens entre la croissance des flux commerciaux et celle de l’économie mondiale, et incite les dirigeants du monde entier à renouveler leur engagement en faveur des échanges multilatéraux.

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MakingItL’industrie pour le développement

1er trimestre 2011

Lecommerce : moteur de

développement ?

n L’empreintepauvreté

n Peter Sutherlandn Transport maritime

durablen Chine et Afriquen Timor oriental

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Un magazine trimestriel.Stimulant, critique et constructif.Forum de discussion etd’échange au carrefour del’industrie et du développement.

Numéro 2, mai, 2010lAprès Copenhague » : Bianca Jagger appelle à des mesures immédiates pour éviter une catastropheclimatique lNobuo Tanaka de l’Agence internationale de l’énergie cherche à lancer la transitionénergétique de l’industrie l L’énergie pour tous » : Kandeh Yumkella et Leena Srivastava nous parlentdes mesures à prendre pour améliorer l’accès à l’énergie lCes femmes entrepreneuses quitransforment le Bangladesh lPartout sous le soleil » : le PDG de Suntech, Zhengrong Shi, nous parledu pouvoir de l’énergie solaire lSujet brûlant : les avantages et les inconvénients des biocarburants lPolitique en bref : le financement des énergies renouvelables, les prix de rachat garanti

Numéro 3, juillet 2010l L’impressionnant essor économique de la Chine : Entretien avec le ministre du commerce, Chen Deming l Jayati Ghosh au sujet de la politisation de la politique économique l« Vers undébat plus productif » – Ha-Joon Chang demande d’accepter l’idée que la politique industrielle peutfonctionner l Le président de la banque mondiale Robert Zoellick, au sujet de la modernisation dumultilatéralisme l« Écologisation de l’économie mexicaine » – Juan Rafael Elvira Quesada lSujet brûlant : La microfinance fonctionne-t-elle ? lPolitique en bref : Secteur privé etdéveloppement ; le pouvoir des capitaux patients

Numéro 4, Novembre 2010lRenforcer la capacité productive – Cheick Sidi Diarra soutient que les PMA doivent, et peuvent, produiredavantage de biens et de services de meilleure qualité lMilford Bateman nous parle des alternatives à lamicrofinance par la banque communautaire lKiribati, petit pays, grand sacrifice : entretien avec le présidentAnote Tong lUn défi au pas de la porte – Le conseil mondial des entreprises pour le développement durable Patricia Francis nous parle du changement climatique et du commerce lSujet brûlant : la pertinence del'entrepreneuriat pour le développement économique lPolitique en bref : Investissement dans les énergiesrenouvelables en Inde ; promotion des capacités d'innovation industrielle

Numéro 1, décembre, 2009lRwanda means business: interview with President Paul Kagame lHow I became an environmentalist:A small-town story with global implications by Phaedra Ellis-Lamkins, Green For All l ‘We must letnature inspire us’ – Gunter Pauli presents an alternative business model that is environmentally-friendlyand sustainable lOld computers – new business. Microsoft on sustainable solutions for tackling e-waster lGreen industry in Asia: Conference participants interviewed lHot Topic: Is it possible to haveprosperity without growth? Is ‘green growth’ really possible? lPolicy Brief: Greening industrial policy;Disclosing carbon emissions

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Ce numéro de Making It: l’industrie pour le développement se concentresur les évolutions récentes du commerce international.

Dans l’article principal, Peter Sutherland, ancien Directeur généralde l’Organisation mondiale du commerce, défend l’idée suivante :pour que tous les pays du monde puissent profiter des retombéespositives du commerce international, il serait essentiel de conclure lecycle de Doha. Il souligne les liens entre la croissance des fluxcommerciaux et celle de l’économie mondiale, et incite les dirigeantsdu monde entier à renouveler leur engagement en faveur deséchanges multilatéraux.

Xiao Ye se penche sur la forte croissance qu’ont récemment connules échanges commerciaux entre l’Afrique et la Chine. Elle note queles exportations des pays d’Afrique subsaharienne vers la Chineconcernent essentiellement des matières premières, tandis que laChine se tourne vers d’autres régions du monde pour satisfaire sesbesoins croissants en biens manufacturés, en équipements detransport et en machines-outils. Quand l’Afrique commencera-t-elleà produire les biens à forte valeur ajoutée qui représentent plus de 70 % des importations chinoises ? Les investissements chinoispourraient-ils devenir le moteur du processus d’industrialisation tantattendu de l’Afrique ?

Le professeur Colin McCarthy reste sur le sujet de l’Afrique pourcritiquer la gestion de l’intégration régionale. Il rappelle auxresponsables politiques un facteur à ne pas négliger : la nécessitépour les nations de développer leur capacité à produire des biens etdes services compétitifs. Sur un sujet complètement différent, àsavoir l’empreinte carbone des échanges commerciaux, desreprésentants des secteurs du fret et de l’aviation dressent un bilanoptimiste de leurs efforts pour réduire les émissions de CO2.

Vous trouverez également des articles sur le développement dansle respect du climat et sur la sortie du Cap-Vert du groupe des pays lesmoins avancés, un zoom sur le Timor oriental, et bien d’autres chosesencore.

Comme toujours, nous invitons nos lecteurs à utiliser le site webdu magazine – www.makingitmagazine.net – pour se joindre au débatet partager leur point de vue sur les sujets que nous abordons.

In MemoriamOle Lundby, l'un des principaux acteurs de la création et de la réalisation du magazine Making It,nous a quitté le 10 février 2011. Ole enrichissait le magazine d'innombrables idées héritées de salongue et admirable carrière en tant que diplomate et négociateur commercial pour le compte de laNorvège et, plus récemment, dans la fonction publique internationale. Il a façonné l'identité de notrepublication, qu'il voyait comme une plateforme cruciale pour étendre le débat sur les politiquesindustrielles mondiales à un large public, de façon accessible et stimulante. Il était toujours aucourant des débats de l'actualité, toujours prêt à essayer de nouvelles approches, et toujoursparfaitement clair sur son objectif final d'un développement économique qui profiterait aux pauvresdu monde entier. Ole était un collègue et un ami irremplaçable. Il va beaucoup nous manquer.

Éditorial

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Éditeur : Charles [email protected]é éditorial : Ralf Bredel, Tillmann Günther, Sarwar Hobohm,Kazuki Kitaoka, Ole Lundby, Wilfried Lütkenhorst (président),Cormac O’ReillySite Web et assistance : Lauren [email protected] de la couverture : Dave GranlundDesign : Smith+Bell, UK –www.smithplusbell.comMerci à Donna Coleman pour son aideImprimé par GutenbergPress Ltd, Malte –www.gutenberg.com.mt surun papier certifié FSC Pour consulter cette publication enligne et pour participer aux discussionsportant sur l’industrie pour ledéveloppement, rendez-vous surwww.makingitmagazine.netPour vous abonner et recevoir lesprochains numéros de Making It,veuillez envoyer un e-mail contenantvotre nom et votre adresse à[email protected] It: L’industrie pour ledéveloppement est publié parl’Organisation des Nations Unies pourle développement industriel (ONUDI),Vienna International Centre, P.O. Box 300, 1400 Vienne, AutricheTéléphone : (+43-1) 26026-0,Fax : (+43-1) 26926-69E-mail : [email protected] © 2011 The United NationsIndustrial Development Organization Aucun extrait de cette publication nepourra être utilisé ou reproduit sansl’accord préalable de l’éditeurISSN 2076-8508

Contenus

FORUM MONDIAL6 Lettres8 Développement compatible avec le climat– Comment éviter les conséquencesnégatives liées au changement climatique ?Article de Simon Maxwell10 Sujet brûlant – Les représentants dessecteurs du transport maritime et aériententent d’endiguer l’augmentation desniveaux de CO2

16 Affaires des affaires – Actualités ettendances

ARTICLES18 En route vers une prospérité mutuelle ? –Xiao Ye se penche sur le récent essor ducommerce entre l’Afrique subsaharienne etla Chine

22 Le marché du tapis afghan – CharlesArthur retrace le parcours du principalproduit d’exportation d’Afghanistan du lieude production au point de vente

MakingItL’industrie pour le développement

Les appellations employées et la présentationréalisée des contenus de ce magazinen’impliquent en aucun cas l’expressiond’opinions de la part du Secrétariat del’Organisation des Nations unies pour ledéveloppement industriel (ONUDI)concernant le statut légal de quelconque pays,territoire, ville, région ou de ses autorités, niconcernant la délimitation de ses frontièresou limites, ni concernant son systèmeéconomique ou son degré de développement.Les termes « développé », « industrialisé » et «en développement » sont utilisés pour desraisons de commodité statistique et n’exprimepas nécessairement de jugement sur le niveaude développement atteint par un pays ou unerégion en particulier. L’évocation de nomsd’entreprises ou de produits commerciaux neconstitue en aucun cas un soutien de la partde l’ONUDI. Les opinions, donnéesstatistiques et estimations contenues dans lesarticles signés relèvent de la seuleresponsabilité de l’auteur ou des auteurs, ycompris ceux qui sont membres ou employésde l’ONUDI. Vous ne devez donc pasconsidérer qu’elles reflètent les opinions ouqu’elles bénéficient du soutien de l’ONUDI.Ce document a été produit sans avoir étéofficiellement révisé par les Nations Unies.

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Numéro 5, 1er trimestre 2011

ARTICLE PRINCIPAL24 Une fenêtre d’opportunité pour lecommerce mondial ? – Face à la montée duprotectionnisme et aux frictions continuesdues aux taux de change, Peter Sutherlandévalue les possibilités de la conclusion d’unaccord commercial multilatéral

30 Cap-Vert : l’émancipation – Fátima Fialhoexplique comment son pays a quitté legroupe des pays les moins avancés etenvisage à présent son développement entant que pays à revenu intermédiaire32 Dépasser les frontières et supprimer lesobstacles – Colin McCarthy remet enquestion l’approche de l’intégrationrégionale en Afrique

34 Zoom sur un pays : Timororiental – De la dépendance àl’aide aux revenus des ressources– Entretien avec Son excellence leprésident José Ramos-Horta38 L’empreinte pauvreté – Mary Arnesenprésente un nouvel outil pour aider lesentreprises à comprendre comment leursactivités affectent les gens au sein de leurschaînes de valeur 40 Du statut de méchants à celui de visionnaires –Andy Wales explique que de nombreuses grandesentreprises considèrent désormais les questionsde responsabilité sociale, de philanthropie et derespect de l’environnement comme des élémentsde plus en plus importants pour la stratégied’entreprise

POLITIQUE EN BREF42 Utilisation des normes privées à votre avantage43 Une nouvelle approche de la croissance baséesur l’exportation44 La politique industrielle au centre de la scène

46 Le mot de la fin – Lucy Muchoki nous parle del’industrie agro-alimentaire en Afrique

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LETTRES

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Industrie verteFervent lecteur de Making Itdepuis son lancement, j’aitrouvé très intéressante la séried’articles dans laquelle voscorrespondants proposaientque les pays en développementprofitent des opportunitésqu’offrent les dernières avancéestechnologiques et évitent desuivre le même chemin dedéveloppement industriel quecelui de l’Europe et del’Amérique du Nord. Selonl’argument avancé, le concept de« leapfrogging » (sauter desétapes) – grâce aux énergiesrenouvelables et à des procédésindustriels plus efficaces etmoins polluants – permettraitaux pays en développementd’affermir la légitimité de «l’industrie verte », d’aspirer audéveloppement durable et departiciper à la lutte mondialecontre les changementsclimatiques, la pénurie decarburant et la pauvretéaggravée.

Cela paraît éminemmentsensé, voire même essentiel. J’aidonc été très surpris que dans ladernière édition, dont lecontenu était axé sur les pays lesmoins avancés, aucun des troisarticles principaux, dont le sujettraitait de la manière dont lesPMA peuvent progresser, nefassent référence au concept deleapfrogging. Ni lecorrespondant de la CNUCED,ni le Haut représentant del’ONU pour les PMA, pas plusque le gouverneur de la Banquecentrale du Nigeria, n’a jugénécessaire de mentionner ceconcept. Au contraire, ilssemblaient tous suggérer que,tout ce dont les PMA ont besoin,c’est de s’appliquer encore plus

à suivre les modèles établis, c’està dire développer leurscapacités de production,produire plus et vendre plus –sans considération pour lesproblèmes d’appauvrissementdes ressources naturelles, de picpétrolier, de surconsommation,de pollution, de changementsclimatiques, etc. Il semble quede trop nombreux décideurss’obstinent encore à ne pas voirla pertinence de l’industrieverte pour les pays endéveloppement.l Angela Sabas, reçu par courrierélectronique

Biodiversité –grande et petite« Biodiversité : défis politiquesdans un monde en mutation »(Making It, numéro 4) est unarticle très intéressant, mais ilme semble qu’un débat aussiimportant que celui de labiodiversité ne devrait pas secantonner à la survie del’humanité et la conservationdes écosystèmes – la formidablebiodiversité de notre planète

peut être également une voievers le développementéconomique.

Le Brésil en est un desmeilleurs exemples. Mon paysest le plus biodiversifié aumonde, puisqu’il possèdeenviron 15 à 20 % de toutes lesespèces de la planète, sanscompter toutes celles qui n’ontpas encore été cataloguées.Selon le professeur KjellAleklett de l’Universitéd’Uppsala, le Brésil – à l’imagede la Russie – est le pays lemieux préparé à affronter unmonde sans pétrole, grâce à sescapacités de productiond’énergie et de nourriture. Enoutre, notre potentiel derecherche et développement,fondé sur la biodiversité de nosressources, est colossal. Onestime que cela pourraitgénérer plus de 2 billions USDpar an, ce qui représente bienplus que notre PNB. End’autres termes, si le Brésil semet à investir dans cestechnologies, plutôt que d’êtredépendant du pétrole, ilpourrait devenir l’un desleaders dans les domaines de la

science et de la technologie etaméliorer tous les secteurséconomiques et la vie dechacun.l Diêgo Lôbo, blogueurenvironnemental, Salvador,Bahia, Brésil

L’article et l’interview sur lesKiribati, « les Kiribati : petitpays, grand sacrifice » (MakingIt, numéro 4), sont trèsintéressants et montrent lechoix crucial dans lequels’engage ce petit pays afind’intervenir efficacement surles problèmes de changementclimatique, et ce en dépit de sasituation économique. Ilsemble également que celaaille à l’encontre de la tendancegénérale des modèles dedéveloppement industriel detype « exploitation desressources », parfois proposéspar certaines organisationsinternationales.

Ce qu’a mis en place AnoteTong, le président des Kiribaticonstitue, très précisément, unmodèle pour le reste dumonde, aussi bien pour lespays industrialisés que pourceux en développement. Enfermant l’accès à leurs zones depêche afin de protégerl’environnement et deconserver la vie marine, lesKiribati ont franchit une étapevers la sauvegarde du futur deleur pays. Ceci estparticulièrement méritoire,étant donné que lesconférences des Nations Uniessur les changementsclimatiques des deux dernièresannées semblent incapables defaire quoique ce soit pour créerun accord qui changerasérieusement l’attitude del’humanité et les effets liés auxbouleversements climatiques.l Yves Loiseau, commentaire surle site Internet

La section « Forum Mondial » de Making It est un espace d’interaction et de discussions, danslequel nous invitons les lecteurs à proposer leurs réactions et leurs réponses à propos de tousles problèmes soulevés dans ce magazine. Les lettres destinées à la publication dans les pagesde Making It doivent comporter porter la mention « Pour publication » et doivent êtreenvoyées par courrier électronique à l’adresse : [email protected] ou par courrier à :The Editor, Making It, Room D2138, UNIDO, PO Box 300, 1400 Vienne, Autriche. (Les lettres oules courriers électroniques peuvent faire l’objet de modifications pour des raisons d’espace).

FORUM MONDIAL

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Gouvernement etentreprisesDans l’article « Secteur privé etdéveloppement » (Making It,numéro 3), Karen Ellis del'Institut de développementd'outre-mer (OverseasDevelopment Institute) insinueque : « l’époque est mûre pour unnouveau type de politiqueindustrielle » fondée sur desconsultations gouvernementalesde grande envergure auprès desentreprises.

Cette approche présentecependant un certain nombre defaiblesses. Premièrement, si cetembryonnaire secteuréconomique à forte croissancerepose sur une nouvelletechnologie perturbatrice, lesentreprises existantes aurontpeut être intérêt à restreindrel’accès au marché de cesnouveaux concurrents. De plus, ilest difficile de consulter desentreprises qui n’existent pasencore.

Deuxièmement, la propositionsouffre de la « critique duchameau » de Dani Rodrik’sconcernant les étudescommerciales. Si vous prenez auhasard un animal dans le désertpour discuter avec lui des défisenvironnementaux, voustomberez peut-être sur unchameau, et celui-ci neconsidérera pas forcément lemanque d’eau comme un déficrucial. De la même manière, lesentreprises existantes sont cellesqui ont trouvé le moyen desurmonter les principaux défisopérationnels. Une fois encore,on peut se demander si lesgouvernements doivent vraiments’entretenir avec des entreprisesqui n’existent pas encore.

Enfin, il n’est même pas certainque quiconque, y compris legouvernement, les entreprises ou

les hypothétiques entreprisespotentielles, puisse prédirent lesfuturs secteurs de croissance. Iln’est pas non plus évident qu’uneaccumulation de points de vueen soit capable. D’une manièregénérale, la croissance esthasardeuse et imprédictible.

La meilleure politiqueindustrielle serait peut-être derevenir à l’essentiel, j’ose le dire,du consensus de Washington :fournir un environnementmacroéconomique stable àtoutes les entreprises et à tous lessecteurs d’activités, et laisser lemarché déterminer où setrouvent les meilleursinvestissements. l Lee Crawfurd, RovingBandit.com

LeadershipMon livre, The Blue Sweater, a étésélectionné par un grandnombre d’universités aux États-Unis pour faire partie de leursouvrages de référence, ce quisignifie que tous les étudiants depremière année le lisent etl’utilisent pour leur instruction.J’ai ainsi eu le privilège de visiterde nombreux campusuniversitaires cet automne. Cequi m’impressionne, encore et

toujours, c’est de constater à quelpoint les jeunes gens sont avidesde se lancer dans des débatscompliqués en ce qui concernentles types de solutions nécessairesà un monde interconnecté – et àquel point ils ressentent lemanque d’infrastructures à ceteffet.

Nous voyons trop de nosdirigeants agir à partir decertitudes idéologiques, aumoment même où nous avonsbesoin de réfléchir ensemble,afin de mieux comprendrecomment, nous en tantqu’humanité, sommes parvenusà un monde aussi interconnecté,avec cependant un fossé entreriches et pauvres qui ne cesse des’agrandir. Notre monde exigede nouvelles solutions. Ellesconsistent d’abord, à déterminerles problèmes à portée de main,puis à utiliser nos nombreusesressources, y compris lesmarchés, y compris lesgouvernements et y compris lecapital patient et laphilanthropie, pour lesrésoudre. Ce mode d’actionnécessitera un leadership plusproactif, plus imaginatif et plusmoral.

Chez Acumen Fund, notreengagement à investir chez lesentrepreneurs, mais aussi chezles leaders et dans les idées, estplus fort que jamais. Il existe denombreux points spécifiques oùnous n’en sommes qu’aucommencement. Mais d’unpoint de vue général, nous avonsbesoin de vous pour nous aider àutiliser les idées du capitalpatient, de la dignité et del’interconnexion, afin d’étendrele mouvement des droits civils àchaque être humain de laplanète.

Le moment est venu de pensergrand.l Jacqueline Novogratz, AcumenFund, New York, États-Unis

MexiqueAyant été à la fois un entrepreneurmexicain et un employé duministère mexicain du commerce(Secretaría de Economía), j’aibeaucoup apprécié l’article, «Agissons – le point de vue d'unentrepreneur : Mexique » ;(Making It, numéro 1). Lestémoignages de créateursd’emplois directs, tels que celui deM. Maauad, sont très utiles.

Devenir entrepreneur auMexique est beaucoup plus aiséque par le passé, en particuliergrâce à un accès facilité au crédit,même si les taux d’intérêtpourraient être plus bas. Enrevanche, les formalitésadministratives demeurent pluslaborieuses que dans la plupartdes pays de l’OCDE, même si leschoses s’arrangent une foisinstallé. Il existe plusieursprogrammes gouvernementauxpour encourager la compétitivitédans les domaines de la rechercheet du développement, desexportations et de la productivité.Le gouvernement soutient lespolitiques environnementalesresponsables, qui sont en phaseavec celles des autres pays del’OCDE. l Alberto González, commentairesur le site Internet

Bon senséconomique ?Je m’inquiète que la rapide «consolidation fiscale » engagéepar les gouvernements européenstels que la Grande-Bretagne neprovoque une diminution de laproduction et de la demande, quientraînera ensuite un étouffementdu développement et de lacroissance. Qu’en pensent voslecteurs ?l Paul Miller, reçu par courrierélectronique

Pour toute discussion complémentairerelative aux sujets évoqués dansMaking It, veuillez accéder au site Web du magazine, à l’adressewww.makingitmagazine.net et à lapage Facebook du magazine. Leslecteurs sont invités à parcourir cessites et à participer aux discussions etaux débats en ligne à propos dusecteur pour le développement.

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Politiques, méfiez-vous ! Industriels, méfiez-vous ! Le changement climatique sera plusperturbant que vous ne l’imaginez, plusdifficile à gérer au niveau politique, et ilconstituera un défi sans précédent pour ledéveloppement durable. Ceci, non pour lesraisons évidentes – même si, oui il fera pluschaud et plus sec et/ou humide et oui il y auraplus de catastrophes naturelles qui détruirontles infrastructures critiques et démantèlerontdes moyens de subsistance âprement acquis.Le défi le plus important – le défi beaucoupplus important – à relever, est que lechangement climatique va conduire à unerestructuration de l’économie mondiale, dontpersonne ne sortira indemne. Il y aura denouveaux gagnants et de nouveaux perdants etce, à une échelle historique.

La rupture survient parce que le changementclimatique va affecter les relations entre lesintrants et les extrants, ainsi que les prix deceux-ci. Les effets en seront parfoispréjudiciables si, par exemple, la productivitéagricole venait à chuter et ébranler l’industrieagro-alimentaire. Cependant, ils seront parfoisbénéfiques si, par exemple, de nouvellesressources prenaient de la valeur, entraînantainsi le développement de nouvellesindustries.

Les stratégies de développement, qu’ellessoient privées ou publiques, ne peuvent resterindifférentes face à ces changements. Lesentreprises sont des expertes de l’innovation,aussi bien en termes de technologie que dedéveloppement de produits et de marchés.Elles ont constaté les bénéfices des économiesd’énergie et ont évolué rapidement vers

l’éolien, le solaire et les autres énergiesrenouvelables. Mais sont elles en mesure deréagir assez rapidement ? La fameuse formulede Schumpeter décrit le capitalisme commeétant sous l’emprise d’une « destructioncréatrice ». Sous l’influence du changementclimatique, la créativité l’emportera-t-elle surla destruction ?

Les gouvernements doivent également seconfronter à ce problème. Avec le retour envogue des politiques industrielles, lesgouvernements investissent dans lesinfrastructures matérielles et institutionnellesnécessaires pour mettre en valeur et soutenirl’émergence de nouveaux faisceaux industriels.Comment peuvent-il être certains que leursinvestissements favoriseront undéveloppement durable ?

L’expérience nous enseigne que lorsque lechangement est en route, il peut s’accélérer àune vitesse considérable. Le changementclimatique en lui-même est peut-être unphénomène dont les effets ne se feront sentirque dans des décennies, mais le changementéconomique peut avoir une incidence enquelques années simplement. Cela estparticulièrement vrai lorsque les moteurspolitiques, tels que les subventions et les lois,entrent en jeu. Les conséquences socialespeuvent être dramatiques : certains enprofiteront parce qu’ils possèdent lesressources adéquates, tandis que d’autres serontlaissés pour compte parce que les emploisauront évolué vers de nouveaux secteurs et denouvelles localisations. La mondialisation a euce type d’impact sur nos existences.

Il y a trois étapes à franchir si l’on veut éviterles conséquences négatives du changementclimatique et profiter des éventuels avantages.

Premièrement, il faut abandonner lediscours borné sur l’adaptation et la réduction

et évoluer vers un concept élargi de «développement compatible avec le climat ».Ceci afin d’éviter le risque de négliger lesquestions de développement dans le débat surle changement climatique ; mais surtout parceque l’attention focalisée sur l’adaptation et laréduction fait l’impasse sur les changementsstructurels de l’économie au sens largeinduits par les changements de la productivitéou des prix.

L’adaptation est importante, bienévidemment, mais dans une optique derenforcement des infrastructures etd’amélioration de la prévention descatastrophes. Parlez-en au Pakistan et àl’Australie, tous les deux victimes de terriblesinondations en 2010. Il en va de même pour laréduction, mais dans une optique dediminution des émissions, en valeur absoluepour les pays développés etproportionnellement pour la plupart des paysen développement. Parlez-en au Vietnam,dont la croissance est de 8 % par an et quiémet déjà deux tonnes de CO2 par personneet par an – la quantité maximum autorisée sil’on veut maintenir l’augmentation detempérature à 2 °C. En plus d’agir sur cesfronts, les pays doivent également surveiller etplanifier les grandes mutations économiques.Parlez-en à la Bolivie, qui est assise sur l’unedes plus importantes réserves mondiales delithium, un composant essentiel à la nouvellegénération de piles à basses émissions. Cen’est pas pour rien qu’on appelle ce pays,l’Arabie Saoudite du lithium. On ferait peut-être mieux de l’appeler l’Arabie Saoudite del’ère postpétrolière.

Deuxièmement, il est nécessaire d’élargirl’horizon et de passer d’une vision à courtterme vers une vision à long terme. Nombredes discussions sur le changement climatiquese focalisent sur l’adaptation immédiate, sansdoute inévitable lorsque des existences et desmoyens de subsistance sont en danger, maisfallacieuse lorsque les économies et lessociétés passent par des changements rapides.Telle économie rurale en 2010 deviendrapeut-être une économie urbaine en 2030. Telleéconomie agricole sera probablement sousl’emprise de l’industrie et des services. Telleéconomie avec peu de ressources pourra, avecde la chance, en obtenir plus. Les décideurspolitiques doivent s’interroger sur ce queserait la trajectoire à long terme d’un pays sanschangement climatique, et quels seraient les

Développementcompatible avec le climat

Comment éviter les conséquences négativesliées au changement climatique et profiteren même temps de ses avantages potentiels ?Article de Simon Maxwell

SIMON MAXWELL est président exécutif duCDKN, le réseau Climate and DevelopmentKnowledge Network

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FORUM MONDIAL

ajustements nécessaires en cas de changementclimatique. Augmenter ou réduire ledéveloppement le long du littoral ? Se fier ouse défier du commerce international ? Investirou non dans l’énergie hydroélectrique ?

Les incertitudes abondent et il est difficile derépondre aux questions fondamentales liéesaux modèles de développement. C’estpourquoi la planification de scénarios est unetechnique efficace pour soutenir laplanification d’un développement compatibleavec le changement climatique et un bonmoyen pour commencer à mettre en formedes futurs alternatifs et concevoir desinvestissements à faibles risques. L’Afrique duSud est un pays qui a utilisé cette approcheavec efficacité.

La troisième étape consiste à repenser lespolitiques depuis le commencement, à convierles parties concernées et à construire les basesd’un dialogue pour les multiples partiesprenantes. Ceci, parce que chaque élémentassocié au changement climatique et chaquedécision prise pour sécuriser ledéveloppement compatible avec le climat,entraînera inévitablement un débat politiquepassionnel. Dans les pays développés, les prisesde décisions, sont souvent paralysées, parceque les considérations climatiques se heurtentau mur des intérêts pétroliers et charbonniers,ou aux lobbies représentant les industriesénergivores traditionnelles. Les automobilisteset les transporteurs routiers se plaignent del’augmentation des prix du carburant, alorsque des prix encore plus élevés seraientnécessaires pour endiguer la consommation.Les militants contre la pauvreté se plaignentdu coût du chauffage au cours des hivers froidset de l’augmentation de la pauvretéénergétique. Route ou rails ? Un nouvelaéroport ou une nouvelle piste d’atterrissage ?Une protection contre les inondations ? Dessubventions pour les nouvelles industries oupour les anciennes ? Les élections se sontgagnées ou perdues en répondant à cesquestions.

Le dilemme des politiciens est que lessystèmes politiques enracinés dans les bataillesde partis et dans les cycles électoraux à courtterme sont notoirement nuisibles àl’établissement des structures politiques à longterme, nécessaires pour soutenir l’innovation.C’est pourquoi, nous avons besoin d’unvéritable engagement, qui permettrait deconstruire un consensus national sur le

développement compatible avec le climat, etqui impliquerait les responsables politiques,mais également le secteur privé et la sociétécivile. Les dirigeants doivent montrerl’exemple, à l’image de ceux du Rwanda et desMaldives. Mais le leadership n’est pas le seulfait du royaume politique. Les dirigeants desautres secteurs doivent jouer leur rôle.Soutenue par une analyse et un contrôleindépendant, l’élaboration de lois peutégalement aider, ainsi que le Royaume-Uni etl’Indonésie l’ont tous deux découvert.

Les politiques doivent encore se concentrersur les opportunités positives, ainsi que sur lesproblèmes et les contraintes. ConnieHedegaard, le commissaire européen encharge du climat, agit de la sorte. Elle souligne,par exemple, le potentiel de croissance etd’emploi que représentent les énergiesrenouvelables. Comme le faisait remarquerNapoléon, « un chef est un marchandd’espérance ». Le développement compatibleavec le climat n’est pas une tâche facile, mais ilmodèle la vision de notre avenir. n

Des fermiers au travail prèsd’une cimenterie dans levillage de Sai Son, àl’extérieur d’Hanoi, Vietnam.

« Le développementcompatible avec le climatcombine les notionsd’adaptation et de réductionavec celle de développementélargi : il s’agit d’un conceptqui met au défi les décideurspolitiques de continuer àréduire la pauvreté et àproposer un développementhumain, sans empirer lechangement climatique etsans se transformer envictimes d’un changementinéluctable. »

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FORUM MONDIAL

JACOB STERLING est responsable du serviceClimat et environnement de Maersk Line, la plusgrande société mondiale de marine marchande.La flotte comprend plus de 500 navires porte-conteneurs et la société a des bureaux dans plusde 125 pays. En 2010, Maersk Line a effectuéenviron 40 000 escales– soit approximativementune toutes les dix minutes.

Le changement climatique est un défi quinous concerne tous. Le transport maritimefait partie du problème – mais certainementaussi, partie de la solution parce qu’il a lepotentiel de fournir des services qui peuventaider au développement d’une économie àfaible empreinte carbone.

Ni le transport maritime, ni l’aviation nefont partie du Protocole de Kyoto, même sil’inclusion du transport maritime dans unnouvel accord mondial sur le changementclimatique était inscrite à l’agenda de laCOP15, ainsi qu’à celui de la COP16 deCancun, en décembre 2010. Avec uneempreinte CO2 supérieure à celle duterritoire allemand, il est évident que letransport maritime devrait être inclus dansun accord international sur le changementclimatique.

Maersk Line a vivement soutenu l’idée que,l’Organisation Maritime Internationale(OMI), l’agence spécialisée des Nations Unies,soit en charge de développer les régulationsconcernant les émissions de CO2 associéesau transport maritime. Cependant, lesdernières réunions du Comité de protectionenvironnementale maritime de l’OMI n’ont

guère été encourageantes. Manifestement,certains pays considèrent qu’il n’y a plusd’urgence à trouver un accord, et les autresattendent que la Convention Cadre desNations Unies sur les changementsclimatiques (CCNUCC) définisse unedirection globale, avant de prendre desdécisions fermes pour des secteursspécifiques tels que celui du transportmaritime.

Bien que l’accord obtenu au COP16 nementionne pas le transport maritime,l’espoir renaît que les négociations au sein del’OMI concernant ce mode de transportévoluent désormais plus rapidement. Cela estimportant parce qu’il existe un potentielsignificatif pour améliorer l’efficacité dutransport maritime. Ce qui est encore plusimportant, c’est qu’en l’absence de régulationsur le CO2 relative au transport maritime, lesecteur risque d’être considéré comme étantà la traîne, alors qu’il dispose d’un véritablepotentiel pour faciliter le développementd’une économie à faible empreinte carboneau travers de ses services de transport.

Quelques exemples du potentield’amélioration de l’efficacité du transportmaritime : l Maersk Line s’est fixé un objectifvolontaire de réduire de 25 % ses émissionsde CO2 par conteneur déplacé d’ici 2020 (parrapport à 2007) – et nous avons déjà réduit deplus de 10 % grâce à l’introduction du slowsteaming (réduction de la vitesse des navires)et d’autres mesures opérationnelles. Depuisson lancement en 2007, le slow steaming

Transport maritime durable

La mobilité croissante des personnes et des marchandises de part enpart de la planète, influe sur la demande en transport et les émissionsde gaz carbonique (CO²) qui y sont associées. Making It a demandé àdes représentants des secteurs du transport maritime et aérien – deuxmoyens de transport essentiels au commerce mondial – ce qu’ilsallaient entreprendre pour endiguer l’augmentation des niveaux deCO² responsables du changement climatique.

SUJET BRÛLANT

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permet de réaliser des économies decarburant de manière continue. Lorsqu’onréduit la vitesse de 20 %, la consommation decarburant baisse de 40 %. Afin de compenserla réduction de la vitesse moyenne, on ajouteun ou deux navires supplémentaires pourgarantir la même fréquence de service. l Les nouveaux navires que nous mettronten service en 2011, présentent un rendementénergétique 20 % supérieur à celui desnouveaux bâtiments similaires, ces dernierss’étant moins axés sur le rendementénergétique lors de la phase de conception. l Maersk Line démarre actuellement unprojet par lequel nous allons analyser lesnouvelles technologies susceptibles d’êtreajoutées a posteriori à nos navires afind’améliorer leur rendement énergétique etdiminuer leur impact sur l’environnement.Nous espérons que cela contribuera plusencore à la réduction de nos émissions deCO2.

En conséquence, nous encourageonsvivement, les pays participant aux réunionsde l’OMI et de la CCNUCC à faire tomber lesbarrières et à parvenir à un accord mondialsur le changement climatique lié autransport maritime, qui s’appliquera à toutesles compagnies maritimes, quelque soit ledrapeau sous lequel elles naviguent – sous laforme, par exemple, d’une taxe carbone surl’achat du carburant de soute. Un tel accordaugmenterait presque certainement le coûtopérationnel d’une liaison maritime, maistant que l’accord est conçu pour garantir unchamp d’action équitable pour chacun, nousy serons favorables.

Un défi et une opportunité Aborder le changement climatique est undéfi colossal – mais je crois que l’une desraisons pour lesquelles il est si difficile deparvenir à un accord mondial est que l’ons’attache trop à instaurer des limites et àimposer des réductions. Si on veut que lemonde ait un avenir prospère et à faibleempreinte carbone, il faut s’intéresserdavantage aux secteurs d’activités qui ontbesoin de croître et non de se ratatiner.

Les turbines éoliennes et les panneauxsolaires font évidemment partie de lasolution. Il en va de même des enzymes,capables de réduire l’utilisation deproduits chimiques et d’énergie dans de ‰

Un porte-conteneursMaersk Line quittantle port de HongKong.

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MakingIt12

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malgré nos temps de transit supérieurs, nouspouvons offrir la même prestation grâce ànos tous derniers conteneurs étanches,capables de conserver les fleurs auxtempératures appropriées.

De manière générale, Maersk Linesouhaiterait voir les compagnies maritimesdevenir plus compétitives en ce qui concerneleurs performances environnementales. Pourparvenir à cela, nous essayons de faire ensorte que nos clients puissent comparer lesprestations des compagnies maritimes nonseulement sur les questions traditionnellesde prix et de temps de transit, maiségalement sur les performancesenvironnementales. En octobre 2010, MaerskLine est devenue la première compagniemaritime à recevoir une vérificationindépendante de ses émissions de CO2–navire par navire. Ainsi, nous pouvonsdésormais donner à nos clients des donnéescrédibles d’émission de CO2. Un exemple surla manière dont nous allons mettre à profitces données, est notre nouvelle carted’émission de CO2 destinée aux principauxclients de Maersk Line. Cet outil permettra ànos clients d’avoir un suivi de leursémissions de CO2 avec Maersk Line et de lescomparer avec les moyennes du secteur.

« Déplacer le soleil »Certains considèrent qu’il serait plusjudicieux de stopper le commerce mondialdans son ensemble et de produire des bienslocalement, afin d’éviter les émissions liéesau transport.

Le rapport mentionné ci-dessus,Transformative Solution Leadership

(Leadership des solutions transformatives),et en particulier le paragraphe intitulé,Smart Goods Transport (Transport demarchandises intelligent) a une approchedifférente. Il recommande que les décideurspolitiques modifient leur point de vue sur lamanière dont le transport doit être réduit, etle recadrent sur la manière dont les services,qui sont nécessaires à la société, pourraientêtre produits avec le minimum d’émissionsde CO2. Qu’est-ce que cela signifie-t-il entermes simples ? Eh bien, un des servicesimportants dont la société a besoin estl’approvisionnement en nourriture. En 2050,on estime que la population mondiale serad’environ neuf milliards, ce qui signifie qu’ilfaudra produire – et transporter – beaucoupplus de nourriture.

L’argument fondamental de ce rapport estque les régions proches de l’équateurreçoivent plus de soleil et présentent doncde meilleures conditions pour la croissancedes végétaux, et qu’il serait donc judicieuxd’augmenter la production agroalimentairedans ces régions à fort potentiel, puistransporter la nourriture vers les points deconsommation avec des moyens à faibleempreinte carbone. Le rapport intitule ceconcept « déplacer le soleil ». Ce qui compte,ce n’est pas tant la distance parcourue pardes biens particuliers, mais la quantité totalede CO2 émise par la production et letransport de ces produits.

Cette approche nous semble parfaitementlogique et nous pensons que cela créera deréelles opportunités pour les économies endéveloppement dans les régions del’équateur qui pourront produire lanourriture pour le reste de la planète. Noussommes également enthousiastes quant auximplications que cela implique pour letransport maritime et pour Maersk Line.Grâce à nos conteneurs frigorifiques peuénergivores, nous assurons déjà desprestations de transport pour lesproducteurs alimentaires du monde entier,et c’est une activité que nous aimerionscertainement voir se développer à l’avenir.

C’est ce que nous allons faire, malgrél’absence de régulation mondiale sur le CO2,et nous espérons que cela inspirera lesdécideurs politiques qui se consacrent àtrouver un accord mondial sur lechangement climatique. n

nombreux processus de production. Lessolutions TIC peuvent également fairebaisser les besoins en transport aériens.Nous pensons que le transport maritimepeut aussi se développer en un secteurcapable de proposer des solutionstransformatives pour une économie à faibleempreinte carbone.

À ce jour, le transport maritime est de loinle moyen de transport de marchandises lemoins énergivore. Par exemple, le transportpar bateau d’une paire de chaussure depuisla Chine vers l’Europe du Nord émettra lemême volume de CO2 que de conduire deuxkilomètres dans une voiture standard. Etlorsque le fret est transporté par bateauplutôt que par avion, les émissions de CO2sont en général réduites de 90 % ou plus.

Cela signifie que plus on augmentera letransport maritime aux dépends dutransport routier et du fret aérien, plus onréduira les émissions mondiales de CO2. Un récent rapport publié par le Low-CarbonLeaders Project a mis en avant l’énormepotentiel de tels changements modaux. Il recommande, en particulier, que lesdécideurs politiques élargissent leur pointde vue actuel, et qu’au lieu de se focaliser surla réduction des « kilomètres alimentaires »,discutent plutôt de la manière depromouvoir ces changements modaux versdes moyens de transport efficaces.

Maersk Line souhaite vivement prendredes parts de marché chez les autres moyensde transport. Cela fait partie de notrestratégie commerciale et nous disposons denombreuses innovations pour y parvenir.Par exemple, nous avons développé, avec lasociété Aqualife, une méthode pourtransporter des homards vivants dans desconteneurs spéciaux – normalement leshomards vivants sont transportés par avionet leur transport par bateau réduitconsidérablement les émissions de CO2.

Il est même possible de transférer letransport de fleurs coupées de l’aérien aumaritime pour peu que les négociants enfleurs soient prêts à ajuster leur activité à desdélais de livraison un peu plus longs. Pourdemeurer fraîches, les fleurs devraientnormalement voyager par avion. Cependant,

SUJET BRÛLANT‰

« Nous pensons que letransport maritime peut sedévelopper en un secteursusceptible d'apporter dessolutions au développementd'une économie à faibleempreinte carbone. »

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Aviation –faire face auchangementclimatiquePAUL STEELE est le directeur exécutif du GroupeAir Transport Action Group (ATAG), ungroupement mondial réunissant des sociétés etdes associations du secteur du transport aérienqui s’emploient à promouvoir une capacitéaéronautique économiquement rentable et àdévelopper des améliorations structurelles, dansun cadre écologiquement responsable.

En avril 2008, lors du troisième sommetAviation et environnement, le secteur del’aéronautique est parvenu à un consensusrarement atteint, sauf sur des questions desécurité. Il a signé une déclaration quil’engage à prendre en compte les défis liés auchangement climatique.

Bien que nous soyons un élément essentielde l’activité économique, c’est à dire unintermédiaire de développementéconomique, de développement social, decommerce et de tourisme, nous sommesconcernés par les risques liés au changementclimatique et aux émissions de CO2produites par le secteur de l’aéronautique. Sile secteur persiste dans cette direction, nousallons assister à une augmentationsignificative des émissions de CO2.

Depuis cette déclaration, l’industrieaéronautique a effectué de nombreusesanalyses, et nous savons désormais très biendans quels domaines nous devons interveniret la manière dont nous devons intervenir.En 2009, nous avons défini trois objectifsambitieux pour aborder la question duchangement climatique.

Trois objectifsPremièrement, le secteur s’engage àaméliorer, entre 2010 et 2020, l’efficacité

Émissions parsecteur d’activité

en 2007CO2 (ne prend pas en

compte le changementd'utilisation des

terrains)

CO2 (en pourcentage dutotal des émissionsmondiales de CO2)

Électricité et chauffage(consommation

énergétique) 45 %

Fabrication etconstruction

(consommationénergétique) 19 %

Transport(consommation

énergétique) 19 %

Émissions fugitives(consommation énergétique) 1 %

Véhiculesutilitaires légers(Voitures, fourgonset camionnettes) 6 %

Fret terrestre(rails et route) 4 %Transport maritime 3 %Aviation 2 %

Autres consommations decombustible (consommation

énergétique) 11 %Processus Industriels 5 %

Émissions liées au transport

en 2009

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SUJET BRÛLANT

MakingIt14

FORUM MONDIAL

énergétique des carburants de 1,5 % par an.Cela peut paraître peu, mais celareprésentera néanmoins une amélioration de17 % d’ici 2020.

Deuxièmement, à compter de 2020, nousnous engageons à neutraliser la croissancedes émissions de gaz carbonique ; autrementdit, nous voulons établir un quota maximumd’émissions, tout en continuant à développeret accroître le secteur.

Et troisièmement, d’ici 2050, notre objectifest de réduire nos émissions totales de 50 %par rapport à leur niveau de 2005.

Ce sont des objectifs très ambitieux,auxquels le secteur adhère unanimement,chose rarement observée par le passé. Il existe une volonté collective très forte pourles atteindre.

Cependant, les objectifs seuls ne sont passuffisants. Nous devons établir un plan deroute qui définit les directions à prendrepour les remplir. Ayant annoncé ces objectifs,le moment viendra où nous serons tenuspour responsables de ce que nous avonsdéclaré vouloir réaliser. Nous savons que desopportunités d’améliorationstechnologiques, structurelles etopérationnelles sont à l’étude. Mais noussavons également, que pour relever le défi deneutraliser la croissance des émissions de gazcarbonique d’ici 2020 et pour parvenir àl’objectif à plus long terme de réduction deces émissions de moitié, nous devrons enfaire beaucoup plus en termes dedéveloppement technologique et derendement énergétique des carburants.

Chacun de ces objectifs demande unénorme engagement de la part du secteur.

Rendement énergétique des carburantsSi l’on considère l’objectif à court terme quiconsiste à améliorer l’efficacité énergétiquedes carburants de 1,5 % par an, cela se traduitpar la réduction de 728 millions de tonnes degaz carbonique entre aujourd’hui et 2020. Et cela signifie, que pour l’année 2020 seule,nous devrons réduire nos émissions de CO2d’environ 150 millions de tonnes. Grâce àtoutes les analyses que nous avons effectuées,nous savons désormais où se trouvent lespossibilités de réduction. Je crois que cela

vaut vraiment la peine de souligner quecertaines de ces possibilités, telles que lesinvestissements dans le renouvellement de laflotte, les améliorations de fonctionnement etles ajustements a posteriori, relèvententièrement du secteur. Mais dans certainsdomaines, en particulier celui desinfrastructures et celui de la gestion et de laconception de l’espace aérien, lesgouvernements ont un rôle important àjouer.

On nous pose très souvent cette question :« Est-ce que le secteur attend que lesgouvernements dépensent plus d’argent pourles systèmes de gestion du trafic aérien ? »Évidemment, ce n’est pas la seule solution. Ce n’est pas qu’une question d’argent. Il s’agitégalement d’une volonté politique. Il s’agit deprendre des décisions en ce qui concerne lagestion de l’espace aérien, les compromisentre les espaces aériens militaires et civils,etc. Et puis bien entendu, il y a les carburantsalternatifs qui sont très importants pourl’aviation, et en particulier les prometteursbiocarburants. Là encore, nous devons noustourner vers les gouvernements afin qu’ilsaident et soutiennent ce secteur d’activité,

afin qu’ils fassent décoller cette jeuneindustrie pour lui permettre d’alimenter lesbesoins en carburant de l’aviation civile.

Cet objectif d’améliorer le rendementénergétique des carburants de 1,5 % par an setraduit par un besoin de 12 000 avions neufsd’ici à 2020. Cinq mille en remplacement desavions existants et 7 000 pour approvisionnerles marchés à forte croissance que sont laChine, l’Inde, l’Afrique, l’Amérique Latine etle Moyen-Orient. Cela aura un coût de 1,3billion USD pour le secteur.

Neutraliser la croissance des émissionsde gaz carboniqueNotre second objectif – neutraliser lacroissance des émissions de gaz carbonique –est probablement le plus crucial, estprobablement le plus difficile et estcertainement le plus litigieux d’un point devue politique. Neutraliser la croissance desémissions de gaz carbonique signifiestabiliser le volume total de nos émissions àpartir de 2020. Mais pour y parvenir, nousdevons travailler sur tous les tableaux, encombinant des mesures technologiques (ycompris les carburants alternatifs, l’efficacitéopérationnelle et l’amélioration desinfrastructures) avec des mesureséconomiques, toutes deux en termesd’incitations financières et d’opportunitésusceptible de compenser certaines de cesémissions à moyen terme.

En étudiant à nouveau le plan de route eten regardant encore plus loin, nous avonsidentifié les carburants alternatifs, et enparticulier les biocarburants, comme uneréelle opportunité. Lorsqu’en 2008, nousavons signé cette déclaration, lesbiocarburants et les carburants alternatifsétaient de l’ordre du rêve. Ils sont aujourd’huidevenus réalité. Nous avons fait voler desavions, nous savons que les biocarburantsfonctionnent et nous savons que nouspouvons les utiliser pour faire baisser laconsommation. Le processus de certificationest en cours, et avant la fin du premiertrimestre 2011, ces carburants serontdisponibles pour l’aviation. Le défi concernedésormais la commercialisation et larentabilité.

Ne nous voilons pas la face ; c’est un déficolossal, c’est un défi gigantesque, mais c’estégalement une formidable opportunité. n

« À compter de 2020, nousnous engageons à neutraliserla croissance des émissions degaz carbonique ; autrementdit, nous voulons établir unquota maximum d'émissions,tout en continuant àdévelopper et accroître lesecteur. »

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Avion cargo en pleinchargement à l'aéroportinternational de Hong Kong.

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n De nombreux marchésémergents ont fortementrebondi après la criseéconomique mondiale, l’Asie enpremier lieu. L’Australasie etl’Asie (hors Japon) devraientpoursuivre leur croissance en2011, avec une croissance du PIBannoncée de 6,7 %. Une grandepartie de la région est cependant

Les exportations et laproduction industrielle del’Europe de l’Est, durementtouchée par la crise financière,rebondiront. Malgré cela,l’environnement commercial etla confiance des consommateursrestent fragiles, et la contagionde la zone euro et la hausse del’aversion au risque fragilisent

En République dominicaine, uneusine d’assemblage de vêtementsfait office de modèle et de test de cequi peut se produire lorsque lessalaires « vivent » et qu’uneorganisation syndicale estautorisée.

L’usine de fabrication d’AltaGracia, située dans la Zone delibre-échange dans la ville de VillaAltagracia, verse à ses 130travailleurs un « salaire desubsistance » (généralement définicomme la somme d’argentnécessaire pour bien nourrir etloger une famille) représentanttrois fois le salaire moyen destravailleurs textiles du pays.

Bien que d’autres usines etentreprises textiles plus favorablesaux travailleurs suivent cetexemple en garantissant dessalaires au dessus du minimum etdes conditions décentes, lesdirigeants restent globalementfrileux sur la question dessyndicats. Ce n’est pas le cas à AltaGracia, où le syndicat se développeet prend part à des réunions avec ladirection.

L’usine est une expérience enréponse aux longues campagnes

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Industrietextile : une nouvelleapproche

AFFAIRES DES AFFAIRES

aux prises avec l’inflationgalopante et les signes d’unralentissement naturel de lareprise récente orientée versl’exportation et les incitations, cequi complique les perspectiveséconomiques. La trajectoire dela croissance chinoise restecritique : l’EconomistIntelligence Unit prévoit un

ralentissement relativementlimité à 8,8 % en 2011, maisl’économie pourrait être volatilesi l’inflation ne cessed’augmenter.

L’Europe de l’Est, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord,ainsi que l’Afriquesubsaharienne verront leurcroissance s’accélérer en 2011.

d’étudiants et de militants visant àstopper le recours aux ateliers demisère par l’industrie textile. Elleest détenue par Knights Apparel,une société basée en Caroline duSud aux États-Unis, principalfournisseur des vêtementslicenciés des universités des États-Unis.

L’usine s’impose elle-même sonplus grand obstacle : commentrivaliser avec d’autres fabricants devêtements en versant des salairesbeaucoup plus élevés ? JosephBozich, le PDG de Knights, estoptimiste. « Nous espérons prouverqu’agir positivement peut être bonpour l’entreprise, que ce ne sont pas

deux choses antinomiques »,déclare-t-il.

Joseph Bozich explique que lecoût à la sortie de l’usines’élèvera à 4,80 USD pour un t-shirt, soit 80 cents ou 20 % deplus que si la société secontentait de verser le salaireminimum. Knights absorbera

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MakingIt 17

l’ensemble des marchésfinanciers.

L’augmentation légère de laproduction pétrolière (malgré laretenue continue de l’OPEP), lahausse des prix internationauxdu pétrole et les dépensesgouvernementales importantesseront bénéfiques à la croissanceéconomique du Moyen-Orient.En Afrique subsaharienne, lesproducteurs de matièrespremières continuerontparallèlement à tirer parti de lademande chinoise, augmentantnon seulement les recettes

d’exportation mais égalementles entrées d’investissement.(Economist Intelligence Unit)

n En 2010, l’Amérique latine avu sa pauvreté diminuer grâce àla solide reprise économiquedans la plupart des pays de larégion, selon un rapport de laCommission économique pourl’Amérique latine et les Caraïbes(CEPALC). Cependant, 32,1 % dela population devrait resterpauvre en 2010, soit 180 millionsde personnes au total, dont 72millions vivant dans une

extrême pauvreté.La hausse des revenus des

ménages pauvres et lestransferts publics visant àréduire l’impact de la crise ontréduit les inégalités dans larégion.

Selon la CEPALC, les sociétésplus égalitaires soutiennentgénéralement davantage laréussite scolaire etl’apprentissage de tous lesgroupes sociaux. Le rapportsouligne que l’éducation est l’undes principaux facteurs capablesd’annuler les inégalités

d’origine, qu’elles soientfamiliales ou territoriales, etd’offrir des chances égales pour lebien-être et la productivité de lasociété dans son ensemble.(CEPALC)

La plupart des supermarchésutilisent des réfrigérateurs et descongélateurs qui émettent degrandes quantités de gaz à effet deserre, et consomment égalementd’énormes quantités d’électricité.Mais il existe désormais unealternative écologique.

Dans la ville du Cap en Afriquedu Sud, la chaîne de magasins Pickn Pay a installé des congélateurs depointe respectueux du climat dansdeux de ses points de vente. Cesappareils remplacent lesréfrigérants synthétiquesstandards, tels que les CFC(chlorofluorocarbures) et HCFC(hydrochlorofluorocarbures), parle CO2 (dioxyde de carbone), unréfrigérant naturel beaucoupmoins nuisible à l’environnement.

Mais ce n’est pas tout. Commechacun le sait, le CO2 est un gaz àeffet de serre et un contributeurmajeur du réchauffementclimatique. On peut alors sedemander comment cechangement peut être considérécomme écologique.

L’utilisation du CO2 sembleparadoxale, mais les expertss’accordent à dire que le CO2 est lasolution pour une réfrigérationécologique dans les supermarchés.En effet, c’est un gaz naturel quipeut être « emprunté » au cycle ducarbone, il est donc neutre pour leclimat. Ainsi, les supermarchés quiutilisent le CO2 n’ajoutent pas de

gaz à effet de serre dansl’environnement.

Les fluorocarbures habituels, telsque les CFC, sont des moléculesconstruites pour réfrigérer, entreautres choses. Leur utilisation afortement contribué àl’appauvrissement de la couched’ozone. Suite à ce constatdéplorable, près de 200 pays ontsigné le Protocole de Montréal de1987, acceptant d’éliminerprogressivement la productiond’un certain nombre de substancesappauvrissant l’ozone, comme lesCFC et les HCFC. Toutefois, lesnations industrialisées ont éliminéles CFC et les HCFC pour lesremplacer par deshydrofluorocarbones (HFC), quimalgré leur innocuité pour lacouche d’ozone, n’en restent pasmoins de puissants gaz à effet deserre avec un potentiel deréchauffement global significatif.Néanmoins, ils restent la normedans les réfrigérateurs et lescongélateurs des supermarchés.

Les fuites constituent l’un desplus gros problèmes de cesréfrigérants. Pratiquement tous lessystèmes de refroidissementfuient, mais les HFC sont plussujets aux fuites que les CFC enraison de leur plus petite structuremoléculaire. Par ailleurs, lesréfrigérateurs utilisant le CO2peuvent résister à une pression degaz beaucoup plus forte que les

unités de réfrigérationtraditionnelles, et présentent doncbeaucoup moins de risques de fuir.

Outre le fait qu’ils nécessitentmoins de réfrigérants car ils fuientmoins, ces appareils sont aussiplus économes en énergie. Lescongélateurs au CO2 des magasinsPick n Pay du Cap utilisent 25 %d’énergie en moins que leursprédécesseurs.

Le seul inconvénient est le coûtde fabrication plus élevé, quisemble être le principal obstaclefreinant la généralisation de laréfrigération écologique. Tropnombreux sont les supermarchésrebutés par l’investissementrelativement élevé nécessaire poureffectuer la transition. (DeutscheWelle)

L’autre facette du CO2une marge bénéficiaire plusfaible que d’habitude, poursuit-il, sans reporter la différence surle prix de gros payé par lesdétaillants.

Cette proposition est risquée,mais Alta Gracia a déjà reçu descommandes de t-shirts et desweat-shirts pour les librairiesde 400 universités américaines,et les groupes militantssoutiennent activement notreprojet. United Students AgainstSweatshops, une organisationnationale de jeunes etd’étudiants, a distribué destracts dans les librairies desuniversités exhortant lesnouveaux étudiants à acheterles vêtements d’Alta Gracia, et leWorker Rights Consortium, ungroupe de 186 universitésincitant les usines quifabriquent les vêtementsdestinés aux universités à traiteréquitablement leurstravailleurs, a donné sonapprobation à la marque.

Ce projet fait une différencenotable sur le plan humain. Lestravailleurs sont en mesure deconstruire des maisons plusgrandes et plus solides, et denourrir correctement leurfamille. Les dépenses effectuéespar les ouvriers pour lesproduits de nécessitépermettent également àd’autres entreprises de sedévelopper dans le village.(Alternet)

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revenu faible et intermédiaire, la Chine est leleader de l’expansion des échanges Sud-Sud. Aucours d’une seule décennie (1999-2008), lecommerce entre la Chine et l’Afriquesubsaharienne est passé de 8 milliards USD à 86milliards USD, soit un taux de croissance annuelmoyen de 35 %, beaucoup plus élevé que les 17 %du taux de croissance moyen des échanges de laChine. Les statistiques du commerce peuventdifficilement suivre le rythme de croissance deséchanges commerciaux entre l’Afrique et laChine ! Selon le ministère chinois du commerce,l’ensemble des échanges entre la Chine etl’Afrique (Afrique du Nord comprise) devaitatteindre 110 milliards USD en 2010.

Pourtant, malgré ce taux de croissancefulgurant, les échanges commerciaux del’Afrique avec la Chine ne représententaujourd’hui que 15 % de l’ensemble de ses

échanges, soit un chiffre similaire à celui de lapart de l’Afrique subsaharienne dans l’ensemblede ses échanges avec les États-Unis. Lesinvestissements directs étrangers (IDE) chinoisen Afrique restent encore plus modestes. En2008, le stock d’IDE de la Chine en Afriquetotalisait 7,8 milliards USD alors que celui desÉtats-Unis s’élevait à 69 milliards USD.L’importante visibilité de la Chine en Afriquesemble refléter davantage la vitesse plutôt quel’ampleur de l’expansion de ses activitéscommerciales et d’investissement avec les paysde ce continent. Le commerce et lesinvestissements Nord-Sud continuent à dominerla scène africaine mais beaucoup moins qu’il y adix ans.

En routevers uneprospéritémutuelle ?

Afrique-Chine

XIAO YE est économiste à la Banque mondiale. Les opinions exprimées ici n'engagent que leur auteur et nereprésentent pas celles de la Banque mondiale. Cet article est une version abrégée et modifiée de « En routevers une prospérité mutuelle ? Les échanges et les investissements entre la Chine et l'Afrique », Setting theAgenda for Africa’s Economic Recovery and Long-Term Growth, (Banque Africaine de Développement, laCommission économique des Nations Unies pour l'Afrique, et le Programme des Nations Unies pour ledéveloppement, à paraître).

L’explosion du commerce entre les économiesémergentes et les pays de l’Afriquesubsaharienne est un phénomène marquant dela nouvelle tendance des échanges etinvestissements internationaux. En 1990, lecommerce entre les pays à revenu faible etintermédiaire et les pays de l’Afriquesubsaharienne ne représentait que 5 % del’ensemble du commerce en Afrique.Aujourd’hui, il en représente plus d’un quart. Sila tendance actuelle se poursuit, il est possibleque dans les 10 à 15 prochaines années, la part despays à revenu faible et intermédiaire dans lecommerce africain soit égale à celle des pays àrevenu élevé. Cette accélération des échangescommerciaux entre pays en développement estl’une des caractéristiques les plus significativesde l’économie mondiale actuelle.

En ayant récemment acquis le statut de pays à

Xiao Ye se penche sur le récent essor du commerce entrel’Afrique subsaharienne et la Chine et s’interroge sur lamanière dont les pays africains peuvent saisir les nouvellesopportunités qu’elle offre afin de faire progresser leurspropres programmes de développement.

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Modèles des exportations Si dans les années 1950, une poignée de pays del’Afrique subsaharienne exportaient vers laChine, aujourd’hui presque tous les pays ducontinent le font. L’entrée spectaculaire de laChine sur la scène internationale a permis auxpays africains de diversifier leurs partenairescommerciaux, réduisant ainsi leur vulnérabilitépar rapport aux chocs des prix des matièrespremières, et d’accroître la concurrence parmi lesimportateurs des exportations africaines. Un bonexemple pour illustrer cet aspect est l’impact dela récente crise financière mondiale.Actuellement, l’Afrique connaît une repriseéconomique solide, avec une croissance ayantrebondi de 1,7 % en 2009 à 4,7 % en 2010, soit une

évolution légèrement inférieure à son taux decroissance de 5 % avant la crise. Mais si les paysafricains continuaient de compter sur lesexportations vers les marchés des économiesdéveloppées, comme ils le faisaient, la repriseéconomique aurait été plus incertaine, comptetenu de la lente reprise aux États-Unis et de lacrise qui se poursuit en Europe.

Tous les pays d’Afrique subsaharienne nebénéficient pas de la même manière de l’essordes exportations de l’Afrique vers la Chine. Cinqpays exportateurs de pétrole, l’Angola, le Congo,la Guinée équatoriale, le Gabon et le Soudan,représentent deux tiers des exportations ducontinent vers la Chine. De plus, il faut noter quel’exportation du pétrole brut est à forte

Vuvuzelas : fabriqué en Chine – saisir l’esprit de laCoupe du monde et ses avantages. On dit que leslongues trompettes en plastique qui ont suscité tantde controverses pendant la Coupe du monde 2010 defootball en Afrique du Sud sont fabriquées selon lemodèle de la traditionnelle corne de koudou africaineutilisée pour alerter les villageois voisins. Lesvuvuzelas sont peut être le « son de l’Afrique » maisjusqu’à 90 % de ces instruments vendus pendant lacompétition ont été fabriqués en Chine. Wu Yijun,directeur de Jiying Plastic Products dans la provincedu Zhejiang, en Chine, a estimé que l’ensemble dumarché des vuvuzelas dépasserait les 20 millions USDen 2010.

Trade statistics can hardlykeep up with the pace oftrade growth betweenAfrica and China.

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intensité capitalistique et qu’elle ne profitegénéralement pas à l’ensemble de la populationdes pays exportateurs, en particulier si lesgouvernements imposent faiblement et gèrentmal les revenus pétroliers. S’il ne fait aucun douteque le pétrole brut domine les exportationsafricaines vers la Chine, cette concentration n’estpas unique et les exportations de l’Afrique vers lereste du monde suivent un schéma similaire.

L’analyse plus détaillée des exportations del’Afrique subsaharienne par produit confirme latendance générale d’une domination croissantedes exportations de matières premières. Audébut des années 1990, si les exportations dematières premières des pays africains (pétrole,minerais et métaux) vers la Chine nereprésentaient que 42 % du total desexportations, une décennie et demi plus tard, elles’élevaient à 87 %. On observe une tendancesimilaire des exportations vers le reste du monde,avec une proportion des exportations dematières premières passant de 56 % au début desannées 1990 à 67 % à la fin des années 2000. Ladépendance de l’Afrique par rapport auxexportations de matières premières est plusmarquée dans ses relations commerciales avecles États-Unis et la Chine tandis que sesexportations vers les pays de l’Union européennesont plus diversifiées.

Le modèle des exportations de la Chine versl’Afrique subsaharienne ressemble égalementbeaucoup au modèle de ses exportations vers lereste du monde. Les produits fabriqués de la Chine,à savoir, les produits manufacturés, les machines etles équipements de transport représentent environ90 % de l’ensemble de ses exportations à la fois versl’Afrique et le reste du monde.* Cependant, tandisque la part de l’ensemble des exportationschinoises vers l’Afrique représentées par lesproduits manufacturés restait élevée au cours des15 dernières années, la part des exportationschinoises vers le reste du monde a diminué de

façon significative. La Chine remonteapparemment la chaîne de valeur de sesexportations vers le reste du monde avec desexportations de machines et d’équipements detransport qui sont passées au cours des 15 dernièresannées de seulement 20 % à plus de 40 %.

Modèles des importations Les modèles des importations de l’Afriquesubsaharienne depuis la Chine et le reste dumonde sont similaires et complémentaires lesuns par rapport aux autres. Les pays africainsimportent presque exclusivement des produits àvaleur ajoutée, essentiellement des produitsmanufacturés, des machines et des équipementsde transport, de la nourriture et des produitschimiques. Tandis qu’une part importante desimportations de l’Afrique subsaharienne depuisla Chine sont des produits manufacturés, pour lereste du monde il s’agit de machines etd’équipements de transport. Cela confirme quela Chine est plus compétitive dans l’exportationde biens manufacturés, probablement surtoutpour le marché bas de gamme, tandis que le restedu monde est plus compétitif dans l’exportationd’équipement de transport et de machines.

Les modèles des importations de la Chinedepuis l’Afrique subsaharienne et le reste dumonde ne pouvaient toutefois pas être plusdifférents. De l’Afrique subsaharienne, la Chineimporte surtout des matières premières, tandisque, depuis les autres pays, elle importebeaucoup de produits manufacturés, demachines et d’équipements de transport ainsique des produits chimiques. Il est évident qu’enplus des matières premières, la Chine aégalement besoin de produits à valeur ajoutéequi représentent plus de 70 % du total de sesimportations. Mais l’Afrique subsaharienne n’apas encore été en mesure de capter ce marché.Ceci indique que le modèle des échanges sino-africains peut changer seulement si les pays del’Afrique subsaharienne obtiennent desavantages concurrentiels dans le secteur desproduits à valeur ajoutée sur le marchéinternational.

L’avantage comparatif de l’Afrique La question qui se pose est donc, pourquoi lespays de l’Afrique subsaharienne n’exportent-ilspas de produits manufacturés ou de produits àvaleur ajoutée vers le vaste marché chinois ?Simplement parce que les pays de l’Afriquesubsaharienne manquent de compétitivité enmatière de production de biens manufacturés àla fois sur les marchés intérieurs etinternationaux. Pour qu’un pays soit compétitif,il doit être capable d’utiliser son capital humainet ses ressources naturelles pour produire desbiens et des services à des prix concurrentiels.Chaque pays est doté de ressources différentes,qu’il s’agisse de ressources humaines ounaturelles. La Chine est un pays qui a réussi àtransformer son avantage comparatif, c’est à direune main d’œuvre bien formée ainsi que debonnes infrastructures afin de produire desbiens manufacturés pour le marchéinternational. Elle a également évité la

‰ « Pourquoi les pays del’Afrique subsahariennen’exportent-ils pas deproduits manufacturésou de produits à valeurajoutée vers le vastemarché chinois ? »

Les produitsfabriquésreprésentent desexportations de laChine vers l’Afrique

87%Les matièrespremièresreprésentent des exportations del’Afrique vers la Chine

90%

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concurrence frontale avec les produits existants.Par exemple, si la Chine fabrique les trois-quartsdes chaussures dans le monde, elle n’est pasparvenue à devenir concurrentielle sur le marchédes chaussures de luxe, qui est encore dominépar les fabricants de chaussures des paysdéveloppés. On observe le même phénomènepour les sacs à main et les vêtements. Enrevanche, selon l’indice de compétitivitémondiale du Forum économique mondial, lespays africains sont en retard dans un contexteglobal.

Il convient également de noter quel’augmentation des exportations de produitsmanufacturés n’est pas la seule réponse. Touteexportation à fort coefficient de main-d’œuvredevrait générer une croissance généralisée. Grâceà des terres agricoles vastes et un bon climat,plusieurs pays africains ont été en mesured’élargir leurs exportations à fort coefficient demain-d’œuvre, par exemple, le Mali et sesmangues, le café du Rwanda, le cacao du Ghana etl’horticulture au Kenya. Parmi les autresinitiatives qui ont transformé les avantagescomparatifs de l’Afrique en exportations, ontrouve le tourisme au Rwanda et au Cap-Vertainsi que le pôle de transport de Nairobi, auKenya.

Un avantage réciproqueIl ne fait aucun doute que l’essor économiquespectaculaire de la Chine bénéficie del’approvisionnement en matières premières del’Afrique mais dans le même temps, leséconomies des pays de l’Afrique subsaharienne,grâce à l’appétit de la Chine en matièrespremières, profitent également des prix élevésdes matières premières, et les consommateursafricains, du moins à court terme, profitent aussides produits manufacturés chinois bon marché.Avant que la Chine n’arrive sur la scèneinternationale, l’Afrique était souvent soumise

aux chocs des prix des matières premières etdevait importer la plupart de ses produitsmanufacturés en provenance des pays à revenuélevé à un prix supérieur. Ce n’est probablementpas le fruit du hasard si l’Afrique connaîtactuellement la plus longue période decroissance ininterrompue depuis les années1960. Entre 2000 et 2009, la période où leséchanges entre la Chine et l’Afrique se sontaccélérés, l’Afrique s’est maintenue avec unecroissance annuelle du PIB supérieure à 3 %.Plus impressionnant encore, tandis que lacroissance du PIB des économies avancées achuté à 0,5 % en 2008 et à -3,2 % en 2009,l’Afrique a enregistré une croissance de 5,2 % deson PIB en 2008 et de 1,7 % en 2009. Les paysafricains figurent parmi les pays les plus rapidesà se remettre de la crise financière mondiale et laBanque mondiale prédit que l’Afriquesubsaharienne rebondira rapidement vers lechemin de la croissance, avec un chiffresupérieur à 5 % en 2011 et 2012.

La question est de savoir comment l’Afriquesubsaharienne peut profiter davantage de sonlien avec la Chine, surtout en capturant le marchéchinois pour les produits à valeur ajoutée ?Depuis que la Chine s’efforce de remonter lachaîne de valeur sur le marché international, ils’agirait d’une relation « gagnant-gagnant » pourla Chine que de collaborer avec l’Afrique. En effet,cela faciliterait sa quête de l’industrialisation et lamènerait ainsi à une deuxième phase de sarenaissance, au profit de la majorité de sapopulation. Les pays de l’Afrique subsahariennedoivent toutefois jouer un rôle de premier planen insistant sur la part légitime des bénéfices quileur revient en raison de leurs liens commerciauxavec la Chine, avec d’autres économiesémergentes, ainsi qu’avec les pays développés. n*Tout au long de l’article, l’auteur utilise laClassification type pour le commerce international del’ONU.

2008

Taux de croissance moyende la Chine (1999–2008) :

Taux de croissance annuelmoyen des échanges entre laChine et l’Afrique (1999–2008) :

35%

17%

Les échanges entre l’Afrique subsaharienne et la Chine

1999milliards 8

86USD

milliards USD

« Il s’agirait d’une relation“ gagnant-gagnant ” pourla Chine que de collaboreravec l’Afrique en facilitantsa quête del’industrialisation. »

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Après l’agriculture, l’industrie du tapis est ledeuxième employeur d’Afghanistan. L’Afghanistancompte une population de plus de 25 millionsd’habitants, dont environ un million travaillentdans l’industrie du tapis. Les tapis et les fruitssecs se disputent la place de premier exportateurlégal du pays, la culture du pavot pour lafabrication illicite d’héroïne et d’opiumdemeurant l’activité économique la pluslucrative en Afghanistan.

L’Afghanistan ruralLa fabrication des tapis afghans est effectuée parun vaste réseau de tisserands à travers lescampagnes. La production a lieu en grandepartie dans les provinces du nord, mais aussidans la province occidentale d’Hérat et autourde la capitale Kaboul.

Les marchands de tapis fournissent lesmétiers autoportants, la laine et les patrons detapis aux tisserands, et près de 95 % de laproduction s’effectue à domicile. De 1996 à 2001,contraintes par le régime taliban, le tissage detapis à domicile était pour les femmes l’un desseuls moyens de subvenir à leurs besoins.

La taille, la qualité et les matériaux utilisésinfluencent les délais de production : parexemple, le tissage par une famille d’un tapis de10 m² de qualité supérieure nécessite dix moisenviron. Lorsque le tapis est achevé, le marchandrevient l’acheter. Le tisserand est payé enfonction du type de tapis, de 25 USD pour unpetit tapis simple à 300 USD pour un grand tapisde qualité supérieure comportant plus dedétails.

En raison de la situation géographiqueenclavée et montagneuse de l’Afghanistan, lestapis sont traditionnellement transportés versles marchés à dos de mulet, ou plus récemmentpar camion.

En 1922, le père de George Vartian créa sonentreprise de vente au détail de tapis à Vienne enAutriche. Son fils se remémore ses premiersvoyages de prospection en Afghanistan. « Dansles années 1960, j’accompagnais mon père sur lesmarchés de Kaboul. À cette époque, c’étaitvraiment le centre exportateur. »

Peshawar, PakistanLa production de tapis a évolué de manièresignificative au cours des 30 dernières années,avec la délocalisation d’une étape essentielle dela production de tapis faits mains. En effet, leprocessus de découpe et de lavage s’effectue

avant leur expédition par voie maritime, est deloin l’option la plus rentable ». La majorité destapis exportés sont expédiés vers les principauxmarchés d’Europe et d’Amérique du Norddepuis le port de Karachi au Pakistan.

Malgré l’impact de la récession mondiale surle commerce international de tapis, la demandeen tapis afghans de haute qualité semble s’êtremaintenue.

George Vartian affirme que les ventes sontrestées stables en Autriche, « Les Russes venus àvivre à Vienne ces dernières années sont de bonsclients, mais notre éventail de clients est varié ».

Aux États-Unis, les ventes d’Arzu sontrelativement saines. Selon Connie Duckworth, « Même si la croissance a été plus lente que nousl’aurions souhaité, nos ventes ont augmenté de16 % en 2009, et de 11 % en 2010 ».

Pour la communauté internationale,l’industrie du tapis est l’un des rares domainesde l’économie afghane ayant une croissancesignificative et un potentiel d’exportation. En2010, les départements américains de l’Intérieuret de la Défense ont attribué un contrat de 1 million USD à une société de conseilaméricaine afin d’élargir le marché des tapisafghans. La société a en premier lieu identifiédes fournisseurs afghans fiables, puis découverttrois voies de transport commercialementviables hors de l’Afghanistan. Son prochainobjectif consiste à attirer des acheteurspotentiels qui restent loin de la région déchiréepar la guerre vers un tout nouveau pôlecommercial international implanté à Istanbulen Turquie.

Encourager la production afghaneL’Agence des États-Unis pour le développementinternational a financé une nouvelle usine delavage et de finition de tapis qui a ouvert en 2009dans la province orientale de Nangarhar. Cettemême année, Arzu, qui traite directement avecles tisserands, a également commencé à explorerdes moyens de relancer le processus de finitionsur le sol afghan.

Connie Duckworth explique : « Le niveau deviolence et d’incertitude ayant augmenté, nousavons commencé à chercher des solutionslocales afghanes pour le lavage et la finition.Nous avons mis environ un an à identifier ettester à petite échelle les finisseurs locauxpouvant répondre à nos critères de qualitéstricts. Depuis 2010, tous nos tapis sontdésormais finis en Afghanistan ». n

Le marché du tapis afghanPendant des siècles, l’Afghanistan s’est positionné comme un producteur de tapis de premierplan au niveau international, mais son industrie du tissage de tapis a souffert des années deguerre et d’instabilité politique qui ont suivi. Charles Arthur retrace le parcours du tapisafghan du lieu de production au point de vente.

désormais au Pakistan voisin, notamment dansla ville de Peshawar et ses environs. Aujourd’hui,environ 80 % des tapis afghans sont « finis » auPakistan, puis expédiés à l’étranger avec uneétiquette « made in Pakistan » (fabriqué auPakistan).

Les décennies de guerre et d’instabilité d’unepart, et le manque d’accès aux terrains clairementtitrés et au crédit d’autre part, expliquent enpartie le manque d’investissement dans ledéveloppement des infrastructures afghanes dedécoupe et de lavage qui a entraîné ladélocalisation. Les revendeurs de tapis afghansconsidèrent que vendre des tapis non finis auxgrossistes pakistanais est moins risquéqu’investir à long terme dans une infrastructurede finition en Afghanistan.

Cette situation est préjudiciable auxproducteurs et négociants afghans, ainsi qu’àl’économie afghane dans son ensemble, enraison d’une perte importante de la valeurajoutée. En effet, les tisserands afghans touchentseulement 10 % environ des bénéfices réaliséspar les exportateurs pakistanais.

Les marchands qui ne délocalisent pas lafinition souffrent de l’hésitation des acheteursinternationaux à se rendre en Afghanistan, lecommerce ayant été dévasté par le long conflitmilitaire. George Vartian affirme : « Depuisquelque temps, il est plus facile et plus sûrd’acheter sur les marchés de Peshawar que de serendre en Afghanistan ».

Cependant, cette étape du commerce de tapisest elle aussi en danger suite aux événementsrécents dans la région frontalière. ConnieDuckworth, PDG du grossiste de tapis afghansbasé aux États-Unis, Arzu Studio Hope, explique :« Depuis un an ou deux, la montée del’insécurité le long de la frontière pakistanaisecomplique de plus en plus l’importation destapis depuis l’Afghanistan ».

Comment exporter ?La seule autre voie commerciale possible estaérienne et relie Kaboul à Dubaï, puis différentesdestinations à travers le monde. Cependant,seuls quelques producteurs de tapis afghansl’utilisent. Bien que le fret aérien semble l’optionthéorique la plus viable en raison des dangers etdes difficultés du transport routier, c’est enpratique un moyen de transport prohibitif à lapetite échelle de l’industrie du tapis afghan.

Comme Connie Duckworth l’explique, « Letransport par camion des tapis vers le Pakistan,

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Une fenêtred’opportunité pour lecommerce mondial ?

Le commerce est un puissant moteur de la croissanceéconomique, écrit Peter Sutherland, mais un cadremultilatéral pour les accords commerciaux estessentiel si tous les pays veulent en profiter. Face à lamontée du protectionnisme et aux frictions continuesdues aux taux de change, il évalue les possibilités de laconclusion d'un accord commercial multilatéral.

PETER SUTHERLAND occupe le posted’administrateur de Goldman Sachs International. Il est également ambassadeur de bonne volonté del’ONUDI. De 1993 à 1995, il a occupé le poste dedirecteur-général de l’Organisation Mondiale duCommerce, et de 1989 à 1993, il a été présidentd’Allied Irish Banks. Auparavant, il a occupé entre1985 et 1989 la fonction de Commissaire européenchargé de la concurrence, et entre 1981 et 1984, il aété Procureur général d’Irlande.

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L’année 2010 a été témoin d’une reprise attendue après leplongeon du commerce mondial suite à la crise financière etéconomique ; mais cette reprise aujourd’hui faiblit. Desmesures protectionnistes et des accords commerciauxbilatéraux continuent d’être mis en place dans le monde. Dansun contexte de tensions internationales croissantes concernantles déséquilibres des comptes courants et les taux de change,2011 offre l’opportunité de sortir les négociations de Doha del’impasse.

C’est une opportunité qui exige que le G20 et d’autresdirigeants mondiaux répondent aux tensions monétaires et à latourmente financière continue de façon calme et mesurée.L’aboutissement positif des négociations multilatérales enverraitun signal clair de l’engagement de la communautéinternationale en faveur des bénéfices du commerce pourl’économie mondiale. La perspective multilatérale est égalementun important antidote contre le nationalisme économiquecroissant qui a rendu le débat du G20 sur les déséquilibresinternationaux et les taux de change si improductif.

Commerce et crise économique mondialeLe commerce est un puissant moteur de la croissanceéconomique. Le volume des exportations a augmenté d’environ6 % par an entre 2000 et 2006, suite à une décennie de fortecroissance pendant les années 90. Un processus despécialisation croissante dans l’industrie de la fabrication, suivipar de plus en plus d’industries du secteur des services, ontpermis d’accélérer la productivité et la croissance. Lamondialisation, reflétée dans les chiffres du commerce et del’investissement international, a constitué une autre étape dansle partage du travail, identifié par Adam Smith comme étant laclé de la richesse des nations. La prospérité découle de notredépendance économique mutuelle.

Le processus peut toutefois être déstabilisant ; la croissancese traduit de façon abstraite par la création et la perte d’emploispour les entreprises individuelles et les employés. Ceux quiprônent la libéralisation du commerce sont parfaitementconscients du fait que les bénéfices et les coûts du changementsont ressentis différemment. Nous ne devons jamais ignorer lestensions et les coûts transitionnels qui en découlent. Mais tousles pays peuvent tirer des bénéfices du commerce, et un cadremultilatéral pour les accords commerciaux est la meilleurefaçon de garantir que ces bénéfices seront largement partagés.Un accord sous l’égide de l’Organisation Mondiale duCommerce (OMC) sera beaucoup plus efficace que n’importe

quel accord bilatéral et régional pour garantir que les pays lesplus pauvres en profitent.

L’urgence de la nécessité de progresser sur ce cadrecommercial multilatéral a été rendue évidente par la récentefragilité des échanges. L’irruption de la crise a entraîné uneréduction de 12 % du volume mondial des échanges en 2009. Ledéclin a été bien plus prononcé que celui qui s’était produit aucours des années 30. Heureusement, le niveau des échanges arebondi pour atteindre celui d’avant la crise (dû en grande partieà une solide croissance économique en Asie) mais le taux decroissance des importations et des exportations ralentit denouveau.

Les dernières projections du Fond Monétaire Internationalindiquent que la croissance mondiale du PIB faiblit et ralentiraprogressivement en 2011. La crise financière n’est clairement pasterminée comme le prouvent les événements de la zone Euro.En résumé, de nombreux pays développés ne pourront pascompter sur autre chose qu’une faible croissance pour l’année àvenir, pas suffisamment en tout cas pour réduire le chômage. Lafragilité de la reprise dans de nombreux pays a créé desconditions qui pourraient favoriser le protectionnisme.

La montée du protectionnisme La montée du protectionnisme au cours des deux dernièresannées ne doit pas être exagérée. Les principales économiescommerçantes du monde sont étroitement liées par desdécennies d’investissements et d’échanges transfrontaliers.L’OMC a conclu que seule une très petite proportion desimportations du G20 avait été affectée par des mesuresprotectionnistes.

Néanmoins, le nombre de nouvelles mesures introduites aété troublant, particulièrement si l’on tient compte despressions politiques pressantes dans certains grands payscommerçants. Comme l’a déclaré Pascal Lamy, directeur-général de l’OMC, dans le rapport annuel 2010 de l’organisation,même si le rythme auquel les nouvelles mesuresprotectionnistes sont introduites est plus lent aujourd’hui qu’en2009, il existe un risque que l’accumulation de telles mesuresperturbe de façon significative les échanges et lesinvestissements. Il a exhorté les gouvernements du G20 àsupprimer les mesures commerciales introduites en tant queréponse temporaire à la crise.

Une évaluation prudente de la progression duprotectionnisme a calculé qu’entre novembre 2008 et septembre2010, les gouvernements du G20 avaient introduit 395 mesures

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de restriction du commerce, avec une accélération dece rythme entre le sommet du G20 de Toronto en juin

2010 et celui de Séoul en novembre, bien que l’on soit passéde mesures de protection contre les importations à des

mesures de promotion des exportations. Mais cette tendance duG20 reste néfaste car ces mesures touchent les exportateurs àfaible revenu. Et un large éventail d’industries est concerné. Dèsle début de la crise, les pays se sont dépêchés de protéger leurssecteurs financiers mais de plus en plus d’entreprises du secteurdes équipements de transport, des produits agricoles, desproduits chimiques, de certains types de machines, et desmétaux, font partie de celles favorisées.

Puis il y a la progression continue, qui va en s’amplifiant, desaccords bilatéraux et régionaux. Environ 200 accords ont étésignalés à l’OMC fin octobre 2010, 100 autres accords sontactuellement en cours de négociation. La région la plus active aété l’Extrême Orient. L’OMC a évalué que bien que les accordscommerciaux régionaux libéralisaient le commerce entre lesparties, la libéralisation était souvent marginale, car les accordsavaient tendance à ne pas surmonter les intérêtsprotectionnistes acquis, et souvent à ne pas supprimer lesmesures de protection pour certains secteurs spécifiques. Lerapport annuel de l’OMC signale que de nombreux accordsrégionaux abordent des questions non couvertes par les règlesmultilatérales telles que les goulets d’étranglement de natureréglementaire, qui peuvent avoir un important impact sur lecommerce. Mais il dit également : « Étant donné les économiesd’échelle et d’envergure dans la réduction des barrièresréglementaires au commerce et à l’investissement, il est tempsque ces efforts soient appliqués au système d’échangemultilatéral. »

Il y a des signes encourageants dans le fait que de nombreuxpays n’appartenant pas au G20 se soient attachés à réduire lesdroits de douane sur les importations au cours des derniersmois, les réductions concernant principalement leséquipements, les pièces et les composants. Ces pays, près d’untiers des pays de l’Afrique subsaharienne ainsi qu’environ 20autres pays hors d’Afrique, reconnaissent les bénéfices ducommerce, notamment les importations, vitales pour ledéveloppement des industries domestiques.

D’un autre côté, certains observateurs dans les pays endéveloppement restent sceptiques face aux bénéfices potentielsde la participation à un nouvel accord ainsi que, selon eux, la

perte d’un important outil de politique industrielle si unplafond est fixé sur les droits de douane sur les importations.Toutefois, l’accès au marché est une question clé pour lesnégociateurs des pays développés s’ils veulent pouvoirrecommander des réductions sur les droits de douane. Cesimpasses dans les discussions sont trop familières. Les paysdoivent être capables de changer de position, si les perspectivesd’accords en 2011 devaient s’améliorer, aussi difficile que celasoit dans le contexte d’une croissance domestique faible dans lespays développés et des déséquilibres commerciaux mondiaux.

Commerce et « guerres des monnaies »La probabilité d’une avancée dans les pourparlers commerciauxest liée à la tension accrue lors des débats internationaux sur lesdéséquilibres commerciaux mondiaux et les taux de change.Avant le sommet du G20 à Séoul en novembre 2010, l’expression« guerre des monnaies » a pris de l’importance. Dans leséconomies faibles telles que les États-Unis et le Royaume-Uni,les politiques monétaires à assouplissement quantitatif visent àprévenir le retour de la récession, mais affaiblissentinévitablement leur monnaie. Leurs partenaires commerciaux,de l’autre côté, n’acceptent pas de modifier leurs proprespolitiques afin de corriger les larges déséquilibres entre les paysen déficit et ceux en excédent. Dans tous les cas, les pressionspolitiques domestiques rendent toute manœuvre difficile pourles politiciens.

Les économistes ont depuis longtemps mis en évidencel’existence d’un « trilemme » : entre un taux de change stable,une politique monétaire autonome et la libre circulationinternationale des capitaux, seuls deux objectifs sur trois

« Même si le rythme auquel de nouvellesmesures protectionnistes sont introduitesest plus lent qu’en 2009, il existe un risqueque l’accumulation de telles mesuresperturbe de façon significative leséchanges et les investissements. »

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peuvent être atteints. Si les pays ne coordonnent pas leurspolitiques monétaires et n’imposent pas de contrôles sur lescapitaux, alors le taux de change devra en supporter la pression.

Le choix auquel les pays à marché émergent sont confrontésest le suivant : laisser le taux de change s’apprécier, ce que laChine redoute car cela pourrait, selon elle, ralentir sa croissanceet être source de chômage ; résister à l’appréciation mais souffrirde la formation de bulles de prix des actifs ainsi que de lapression sur la taille de leur excédent commercial ; ou inverserles tendances vers des marchés de capitaux plus libres et ledéveloppement financier et économique en découlant. Pour lespays développés tels que les États-Unis, le « trilemme » est lesuivant : autoriser la dépréciation de la monnaie que lespartenaires commerciaux perçoivent comment étant de laconcurrence déloyale ; durcir la politique monétaire au risqued’affaiblir la croissance domestique ; ou accepter unevulnérabilité inévitable aux flux de capitaux internationaux.

Mais la politique commerciale est une autre arme dansl’arsenal de la diplomatie économique internationale. Il pourraitexister, avec le temps, la tentation d’éviter le « trilemme » enayant recours à la protection, en tant que moyen direct deréduire les déséquilibres des comptes courants. Lorsque lesÉtats-Unis ont récemment réclamé l’adoption d’objectifs pourl’équilibre des comptes courants, cela impliquait une politiquede gestion directe des flux commerciaux.

Que le protectionnisme continue ou non de progresser,l’environnement pour la conclusion d’un accord commercialmultilatéral sera amélioré si les pays du G20 avancent sur lacoordination de politiques macro-économiques. Sinon, outre latentation d’introduire des mesures de protection commerciales,des contrôles supplémentaires sur les capitaux imposés par les

pays en développement pourraient voir le jour, ainsi qu’unecertaine volatilité des taux de change, et une incertitudepermanente, tant que les déséquilibres mondiaux resteront telsqu’ils existent aujourd’hui.

Financement du commerceDes progrès ont été enregistrés sur une autre des frictionsaffectant le commerce international : le financement ducommerce. Pour les entreprises des grands pays développés,l’environnement du financement s’est continuellementamélioré depuis le paroxysme de la crise. Toutefois, les pays endéveloppement et les petites et moyennes entreprises affectéespar le resserrement du crédit dans les pays développés, trouventtoujours qu’il est bien trop coûteux d’accéder au financementcommercial, particulièrement pour les importations. On estimeque pour de nombreux pays pauvres, le coût du financement desimportations est largement supérieur à 10 %, avec des exigencesen termes de réserve de liquidités pouvant atteindre la moitié dela valeur nominale du prêt. Cela est presque impossible pour laplupart des importateurs.

La déclaration du G20 à Séoul exprimait le soutien desgouvernements en faveur de l’initiative de l’OMC et de laBanque Mondiale pour contrôler le risque que certains pays etentreprises soient exclus des principaux financements ducommerce. Les progrès à cet égard seront les bienvenus ;l’évaporation généralisée des financements du commerce en2009 a été l’une des raisons de l’effondrement du volume desimportations et exportations cette année-là. Les bénéfices ducommerce ne seront pas partagés de façon appropriée à moinsque les entreprises des pays en développement ne disposent desmoyens pratiques pour commercialiser leurs produits.

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Conclusion du cycle de Doha Le lien entre la croissance du commerce et la croissance del’économie mondiale, pour toute la période depuis l’adoptiond’un cadre multilatéral après la seconde guerre mondiale, parlede lui-même. Si les dirigeants mondiaux veulent vraiment voirune reprise de la croissance, il faudra certainement qu’ilsrenoncent à un protectionnisme débridé. Mais ce n’est passuffisant. Ils doivent renouveler leur engagement envers uncommerce multilatéral.

Il existe une opportunité au cours des prochains mois de lefaire, et de se retirer de cette « guerre des monnaies » etd’abandonner les politiques protectionnistes. En novembre 2010,les gouvernements britannique, allemand, indonésien et turc ontorganisé un groupe de travail, que j’ai dirigé avec le ProfesseurJagdish Bhagwati, pour examiner comment le commercemondial pouvait être stimulé. Nous ferons nosrecommandations sur les mesures à prendre pour libéraliser etencourager le commerce dès le début de l’année 2011.

Le prix potentielLa portée du prix potentiel d’un vaste accord multilatéral a étésoulignée par un récent atelier organisé par l’OMC. Leséconomistes ont estimé qu’un cycle de Doha abordant leproblème des subventions agricoles et de l’accès au marché pourtous les biens stimulerait l’économie mondiale entre 121milliards USD et 202 milliards USD. Ces chiffres ne donnent pastoute la dimension de l’importance du commerce pour ledynamisme de l’économie mondiale, et du processus continu despécialisation à la base de l’amélioration de la productivité et desniveaux de vie.

Apparemment, il existe toujours un engagement politique enfaveur d’un accord multilatéral. Le communiqué du G20 denovembre 2010 a exprimé une volonté de résister auprotectionnisme et a promis que toute nouvelle mesureprotectionniste serait repoussée. D’un autre côté, il n’est pasparvenu à un consensus sur une coordination des politiques afinde corriger les déséquilibres mondiaux.

Ernesto Zedillo, l’ancien président du Mexique, a récemmentdit des dirigeants du G20 qu’ils étaient « prisonniers dumercantilisme ». Il a écrit : « Le G20 a rendu le conflit plusprobable, non seulement en échouant sur le thème de la

coordination des politiques macro-économiques, maiségalement en ne menant pas à bien le cycle de Doha en 2010. Aulieu de terminer le travail – considérant 2011 comme « uneopportunité essentielle » – les dirigeants du G20 pourraient avoirfermé la porte à une conclusion réussie du cycle lorsque cela étaitle plus nécessaire. »

Le premier ministre britannique, David Cameron, a décritl’incapacité à conclure le cycle de négociations commercialescomme « un sujet d’embarras international ».

Je partage la déception que le G20 ne soit pas parvenu àconclure le cycle de Doha en 2010 ; mais la fenêtre d’opportunitéreste encore ouverte pendant quelques temps. C’est l’occasionrêvée de faire progresser les échanges et de favoriser ainsi lacroissance économique et la réduction de la pauvreté dans lespays en développement. C’est également une opportunité deraviver l’idée de bénéfice mutuel et de coopération dansl’économie mondiale.

Le nationalisme économique de l’esprit mercantiliste peutapporter des bénéfices à court terme à certains secteurs del’industrie, mais il sape les perspectives de croissance à longterme. Il a toujours été avéré que chaque pays pouvait bénéficierdes connaissances et des ressources d’autres pays. Échanger pourtirer profit de ces gains mutuels est l’une des constantes del’histoire de l’humanité. Dans les économies d’aujourd’huitechnologiquement avancées et basées sur la connaissance, notreinterdépendance est plus profondément et largement ancrée quejamais. Le cadre commercial et l’environnement du taux dechange sont nécessaires pour soutenir cette structure deproduction mondiale.

Bien sûr, les décisions politiques peuvent inverser la tendanceaprès-guerre. Mais nous savons quels en seraient les effets. Celas’est produit dans les années 30, une période également tenduepour l’économie mondiale après une longue période demondialisation. Le commerce s’est effondré et la croissance avec.Les dirigeants du G20 comprennent bien évidemment les leçonsde l’histoire et demeurent déterminés à conclure le cycle deDoha au cours des 12 prochains mois. Mais cette volonté seraplus facile à transformer en réalité s’ils s’engagent également àdiscuter des monnaies et des déséquilibres mondiaux. Dans uncas comme dans l’autre, 2011 devrait marquer un tournant décisifpour l’avenir du commerce, et l’avenir de l’économie mondiale. n

« C’est l’occasion rêvée de faire progresser leséchanges et ainsi de favoriser la croissanceéconomique et la réduction de la pauvreté dansles pays en développement. C’est également uneopportunité de raviver l’idée de bénéfice mutuelet de coopération dans l’économie mondiale. »

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FÁTIMA FIALHO a été nommée Ministre del’Économie, de la Croissance et de laCompétitivité en octobre 2008. En février 2010,ce ministère a été supprimé et Mme Fialho aété transférée au tout nouveau ministère del’Industrie, du Tourisme et de l’Énergie.

Peuplé de 530 000 habitants, le Cap-Vert est unarchipel volcanique aride, pauvre en ressourcesnaturelles et souffrant de sécheresseschroniques qui ne semble pas être le candidatidéal pour conduire le développement africain.C’est pourtant ainsi qu’il est salué. En effet, sestaux de pauvreté sont en baisse et l’archipelsemble être l’un des rares pays d’Afriquerépondant à l’ensemble des Objectifs duMillénaire pour le développement.

D’autres nations africaines, aussi peupléesque le Cap-Vert, n’ont pourtant pas réussi àsuivre l’exemple de ce pays qui progresse endépit de son manque de ressources. Malgré lesrevenus beaucoup plus élevés de ces pays,

principalement issus du pétrole, ils n’ont pasété en mesure d’utiliser d’importantes sommesd’argent au profit de leurs populations. Lorsd’une visite à Praia, la capitale, en avril 2010, lePrésident de la Banque africaine dedéveloppement, Donald Kaberuka, a déclaré : « Bénéficier de ressources naturelles riches estévidemment un avantage, mais le Cap-Vert nousprouve que le décollage est possible grâce à unebonne gouvernance, des institutions solides etun climat politique et social pacifique, celaquelles que soient les conditions initiales ».

En novembre 2007, le Cap-Vert a quitté laliste des pays les moins avancés (PMA) del’Organisation des Nations Unies, devenant

seulement le second pays à s’émanciper dugroupe depuis sa création en 1974(émancipation du Botswana en 1994). À la fin del’année 2007, le Cap-Vert a rejoint l’Organisationmondiale du commerce (OMC). Entre 2000 et2006, le PIB a atteint un taux moyen de 5,4 % etle pays a enregistré des indicateurs dedéveloppement humain sans précédent. SelonFátima Fialho, la Ministre du Tourisme, del’Industrie et de l’Énergie, ces réalisationsrésultent d’une politique gouvernementaledéterminée.

La Ministre affirme : « Malgré des ressourcesnaturelles pauvres, la réussite de notre pays a étérendue possible grâce à une série de mesuresgouvernementales visant à améliorerl’environnement commercial et permettre ausecteur privé de prospérer et de devenir lemoteur national du développementéconomique ».

Dès 1991, le Cap-Vert a mis en œuvre despolitiques économiques axées sur le marché quiont facilité les investissements étrangers, favoriséle secteur privé par des privatisations, et développéle tourisme, les industries de fabrication légère etla pêche. Le Cap-Vert s’est servi de sa bonnegouvernance comme d’un sésame, notammentpour sécuriser les investissements, les prêts et lesniveaux de sécurité accrus.

Cette stratégie a permis au Cap-Vertd’atteindre un taux d’investissement important,s’élevant à 48 % du PIB en 2008, et des niveauxélevés d’investissements directs étrangers (IDE),d’aide publique au développement (APD), etd’envois de fonds. En effet, plus d’un million deCap-verdiens expatriés envoient de l’argent àleurs familles vivant au Cap-Vert.

Fátima Fialho ajoute : « Entre 2002 et 2007, lepays a amélioré son environnementcommercial. Pendant ces cinq années, nousavons observé une croissance dynamique del’entrepreneuriat au niveau du nombred’entreprises, de l’emploi et du chiffre d’affaires.Plus précisément, le nombre d’entreprises aaugmenté de 32 %, le nombre d’employés de 60 %, et le chiffre d’affaires de 88 % ».

Fátima Fialho est persuadée que seul ledéveloppement d’un secteur privé dynamiquepeut soutenir la baisse récente des niveaux depauvreté (de 37 % en 2001 à 27 % en 2007).

La Ministre vante également les vertus ducommerce. « Le commerce a longtemps faitpartie de la stratégie de développement de notrepays. Notre adhésion récente à l’OMC feranaître un grand nombre d’emplois et faciliteranotre intégration à l’économie mondiale, nous

Cap-Vert :l’émancipationFátima Fialho, la Ministre du Tourisme, de l’Industrie et del’Énergie du Cap-Vert, explique à Making It comment son pays aquitté le groupe des pays les moins avancés et envisage à présentson développement en tant que pays à revenu intermédiaire.

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permettant ainsi d’éviter les difficultés liées à ladépendance au marché intérieur. Nous pensonsque rejoindre l’OMC offre à nos entreprisesl’accès à un vaste marché sur lequel ellespeuvent placer leurs produits sansdiscrimination ».

Fialho ajoute : « Nous évoluons clairementd’une économie dépendante des envois defonds et de l’aide extérieure, vers une économiedont les principales sources de devisesétrangères seront le commerce internationaldes services et les investissements directsétrangers axés sur les exportations ».

L’économie est actuellement dominée par lesecteur des services, principalement letourisme, le transport, le commerce et lesservices gouvernementaux. La part des servicesdans l’économie a augmenté suite au boom dutourisme et contribue à l’établissement du payscomme centre financier offshore.

« Le gouvernement est impliqué dans lesecteur des services dont les résultats ontcontribué de manière significative à laréduction du déficit extérieur actuel. Malgré lacrise mondiale récente, les exportations debiens et de services n’ont pas souffert de seseffets. Le secteur des services s’est développé etreprésente désormais 70 % du PIB national ».

Le tourisme Cap-Verdien a toujours étédominé par les italiens depuis la constructiondu premier aéroport du Cap-Vert sur l’île de Salen 1939 par le dictateur italien, BenitoMussolini. Aujourd’hui, quatre aéroportsinternationaux accueillent des vols charters enprovenance de toute l’Europe. Ils ont transportéla majorité des 330 000 touristes accueillis dansles hôtels tout-inclus de l’archipel en 2009.

Selon Fialho, le tourisme est récemmentdevenu un secteur économique stratégique pourle gouvernement. « Depuis 2001, l’exportation deservices s’est fortement développée, ainsi quel’entrée de devises étrangères via l’exportation deservices, plus récemment. Depuis 2006, lesrevenus du tourisme dépassent d’ailleurs lesenvois de fonds ».

« L’investissement public et le soutienstratégique du gouvernement au secteurtouristique ont permis un afflux continud’investissements directs étrangers dirigésessentiellement vers le secteur du tourisme etles activités liées au tourisme. Aujourd’hui, cesecteur reçoit plus de 90 % du total des IDE ».

La Ministre inclut également l’énergie dansson discours et se montre optimiste quant àl’extension de l’accès à l’énergie sur les îles moinsdéveloppées de l’archipel. « Un programme

d’électrification rurale a permis l’émergenced’opportunités commerciales à travers le pays,dynamisant l’entrepreneuriat dans toutes lesrégions, avec des impacts sur la croissanceéconomique et la réduction de la pauvreté ».

Malgré les sollicitations du gouvernementpour encourager les compagnies pétrolières àprospecter dans ses eaux territoriales, le Cap-Vert ne dispose pas de ressources en pétrole ouen gaz connues et importe la totalité de sesbesoins pétroliers.

Fialho tient à aborder cette vulnérabilité. « D’ici 2020, le Cap-Vert est déterminé àsatisfaire 50 % de ses besoins énergétiquesgrâce à des sources renouvelables. Celacontribuera à réduire la dépendance du paysvis-à-vis des combustibles fossiles, mais auraégalement un impact important sur la balancedes paiements, en libérant des ressources quipourraient ensuite être investies dans lesinfrastructures et la réduction de la pauvreté ».

« Investir dans les énergies renouvelables, enparticulier la micro-génération, est unestratégie efficace pour satisfaire la demande enénergie dans les petites communautés rurales.Ces investissements devraient permettre lacréation d’emplois et de revenus pour lesfamilles dans ces communautés ». n

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Depuis leur indépendance, les gouvernementsafricains se sont approprié les questionsd’intégration régionale et ont conclu un grandnombre d’accords d’intégration régionale (AIR).Cependant, le commerce inter-régional reste, encomparaison, relativement faible. Alors que lescauses de cet échec ont été étudiées en détail, laquestion de savoir si le paradigme sous-jacent àl’approche africaine de l’intégration est la bonnea reçu peu d’attention.

Les gouvernements africains suiventtypiquement le modèle linéaire d’intégrationrégionale, en commençant par un accord delibre-échange et en terminant par une unionéconomique et monétaire comme point fort.Toutefois, dire que cette approcherépond au besoin que les payséconomiquement marginalisés ontde dépasser les obstacles sur leurchemin pour rattraper le retard avecles autres pays développés estdiscutable (beaucoup étant dans lacatégorie des Pays les moins avancés(PMA) des Nations Unies).

Les limites des AIRUn AIR, sous la forme d’un accord de libre-échange réduit les coûts de transaction ducommerce en supprimant un obstacle à lafrontière, à savoir les droits de douanes. Cesderniers constituent indéniablement un freinimportant à la frontière, mais les preuves affluentet le sentiment d’exaspération aux frontièrespourrait suggérer un problème encore plus grave.Ceci peut être dû aux problèmes de gestion despostes frontière ou simplement au fait que ladocumentation et les procédures ne soient pasnormalisées. Pour les économies africainesenclavées, l’exaspération est d’autant plusimportante qu’il faut traverser plusieurs frontières.

Beaucoup de contraintes commerciales au-delà des frontières ne sont pas traitées par les AIRformels. Compte tenu de la faible disponibilitédes transports bon marché sur les voiesnavigables intérieures, les coûts logistiques ducommerce de biens sont élevés. Cette situationest aggravée par des systèmes de transports peudéveloppés, conçus pendant l’ère coloniale pourassurer le transport des biens vers les ports, ayantpour conséquence des réseaux inter-régionauxsous-développés et des coûts de transport parmiles plus élevés au monde.

De plus, les contrats commerciaux, même lesplus simples (ordres d’achat ou de vente),requièrent des informations de comparaison desprix et dépendent d’un accès rapide et bonmarché à des informations fiables sur le marché,y compris les informations sur la solvabilité desclients potentiels. Malgré cela, la plupart des paysd’Afrique subsaharienne n’ont ni lescompétences ni le capital pour établir et fairefonctionner des systèmes de communicationmodernes. La taille de leur marché n’est passuffisante pour permettre à des publicationséconomiques viables de représenter une sourced’informations sur les conditions du marché.Ces barrières empêchent d’ouvrir le marché aureste du monde, mais leur impact sur lecommerce régional est particulièrementpernicieux. Paradoxalement, les informationssur les marchés industrialisés sont plusfacilement récupérables que les informations surles opportunités économiques dans la région. Enconséquence, les entreprises sont dissuadées dese développer au-delà de l’entretien des relationscommerciales avec les fournisseurs et les clientsdans les économies développées.

Pertinence de l’intégration régionale

Un accord régional de libre-échangesupprime les taxes, la première étape formelleconforme à la directive de l’OrganisationMondiale du Commerce qui lance un processusd’intégration régionale. Mais l’expérience amontré que même cette étape est difficile etreprésente souvent un processus chronophage.

L’étape suivante du modèle linéaire, c’est-à-dire la mise en place d’une union douanière, faitnaître de nouveaux problèmes. La négociation etla mise en œuvre d’un tarif extérieur commun(TEC) est complexe, et d’autant plus compliquéequ’il est nécessaire de concevoir et mettre enplace les pratiques de gestion et les institutionssupranationales nécessaires pour gérer le TEC. Sila structure du tarif est simple, par exemple untarif à quatre niveaux, et que les catégories deslignes tarifaires dans ces niveaux sontcorrectement délimitées, la gestion des taxes del’union douanière pourrait ne pas être tropproblématique. Cependant, en Afriquesubsaharienne, les taxes commerciales sont uneimportante source de revenus ; par conséquent,la perception et la répartition des recettesdouanières pourrait devenir problématique. Deschangements difficiles doivent être réalisés, sans

COLIN MCCARTHY est un collaborateur du Centre deDroit Commercial pour l’Afrique Australe (Trade LawCentre for Southern Africa - TRALAC) et ProfesseurÉmérite à l'Université de Stellenbosch. Cet article estbasé sur « Reconsidering regional integration in sub-Sahara Africa », publié dans Supporting RegionalIntegration in East and Southern Africa – Review ofSelect Issues, TRALAC, 2010.

frontières et

Colin McCarthy remeten question l’approchede l’intégrationrégionale en Afrique

supprimer les

Dépasser les

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MakingIt 33

gain proportionnel venant de la baisse desbarrières commerciales.

Une autre limite vient du fait que les AIR enAfrique concernent les échanges de biens et, entant que tels, ne tiennent pas compte des services.Le commerce de services est devenu une partiesubstantielle du commerce international, et pourbeaucoup de pays en développement, une sourceimportante de recettes en devises étrangères.Mais les services facilitent également lecommerce de biens, qui ne peut pas exister sansl’appui de services commerciaux, financiers,professionnels, de transport et decommunication.

La pertinence d’un AIR et un engagementformel au modèle linéaire est de plus en plusdiscutables compte tenu de la faible capacitéd’une économie africaine typique à produire desbiens et des services qui peuvent être échangésdans la région. Soumettre une région auxdifférentes étapes d’une intégration régionalesans développer la capacité des pays participantsà produire des produits commercialisables serapeu utile. Et c’est vraiment le problème clé del’intégration régionale en Afrique, un problèmeévident dont personne ne reconnaît l’existence.

Repenser l’approche aux AIRRemettre en question le processus d’intégrationrégionale en Afrique n’est pas nier l’importancedu facteur régional dans le développementéconomique. Les ressources au sens large sonttrop rares et les défis économiques auxquels ungrand nombre de petits pays ou de pays enclavésfont face sont trop sérieux pour ignorer le besoind’une perspective régionale. Mais il fauts’inquiéter de l’architecture des AIR africains, quisont connus pour leur implémentation limitée deplannings ambitieux pour une intégrationapprofondie.

Après un certain temps, le manque de progrèsdevient sa propre contrainte. Toute la discussionet la planification du monde ne peuventempêcher le développement d’un cynisme sous-jacent qui entrave le progrès. Il n’est passurprenant qu’après 40 ans de rhétorique sur desgrands programmes d’intégration et desplannings ambitieux suivant un parcours linéairevers l’union économique, une intégration réellereste un but évanescent.

Cultiver un engagement à l’intégrationrégionale, basée sur des programmes quicontribueront au développement de la

compétitivité et des capacités du côté productiondes économies, demande une approche plusréaliste, caractérisée par du gradualisme, de lacoordination, et un effort et des politiques solidesde développement national. Une première étapeserait la suppression des obstacles au commerceintrarégional, mais en connaissance absolue dufait que les tarifs ne sont probablement qu’unfrein mineur au commerce régional. Ledéveloppement de réseaux de transport via desinvestissements coordonnés dans lesinfrastructures, dans les services decommunication, et dans la normalisation et lasimplification des procédures douanières auxfrontières, pourraient être le complément de lalibéralisation des taxes pour encourager lecommerce en réduisant les coûts de transaction.

Cependant, lorsque l’on cherche à supprimerles obstacles commerciaux, il est nécessaired’adopter une approche large qui inclut lecommerce de services autant que le commerce debiens. Avec la reconnaissance due au besoinnational de réguler les services financiers etprofessionnels, la croissance transfrontalière desflux de services n’est pas seulement importanteen tant que telle, mais également pour faciliter lecommerce de biens.

Enfin, un pays ne peut faire de commercedans la région, et dans le monde, que lorsqu’il a lacapacité de produire des biens et des services quipeuvent être vendus à des prix compétitifs. Lacroissance du commerce nécessite ainsi de seconcentrer sur les facteurs principaux quicontribuent à l’expansion de offre de l’activitééconomique.

Certainement, tous les gouvernementsrevendiquent de poursuivre ces objectifs àl’ancienne, mais dans le monde réel de politiqueet d’administration en pratique, beaucoup depays d’Afrique subsaharienne font peu de chosespour atteindre ces objectifs. Prendre lespremières vraies mesures d’un développementde la capacité de l’offre économique, et lescompléter par une suppression des obstacles aucommerce régional est important. Lacoordination régionale et des accordsd’intégration formels peuvent y contribuer, maisceux-ci devraient rester modestes de nature, etforts en engagements et en mise en œuvre. Leplus important, dans tout ceci, est de reconnaîtreque le développement commence chez soi.Étendre la frontière de la production d’uneéconomie doit, en premier lieu, être considérécomme un effort national, indépendant de toutaccord d’intégration régionale. Les exercicesd’intégration régionale ne peuvent se substitueraux initiatives concrètes de développementnational. n

The Ikidia Saving for Changegroup holds a weeklymeeting in Domba, Mali.

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La cour des douanes près du poste frontière àChirundu, à la frontière entre la Zambie et leZimbabwe. Chaque jour, des centaines de camionstentent de passer la frontière, mais les conducteursdoivent souvent passer des jours, voire dessemaines, à attendre l’autorisation des douanes.

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Ci-dessus : Lespartisans de Ramos-Horta scandent desslogans pendant lacampagne de l’électionprésidentielle de 2007.

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revenus des ressources

Lorsque le Timor oriental a obtenu sonindépendance en mai 2002, le pays faisait face àdes défis considérables en matière dedéveloppement so l’indépendance et l’arrivée descasques bleus internationaux, 75 % de lapopulation était déplacée et près de 70 % desbâtiments, maisons et écoles avaient été détruitspar une campagne de violence organisée,conduite par des milices.

Le pays vacillant luttait pour reconstruire sesinfrastructures, stabiliser l’économie et mettre enplace de solides institutions gouvernementales.Son produit intérieur brut (PIB) par habitantcomptait parmi les plus faibles au monde.Toutefois, depuis 2005, le Timor oriental estparvenu à se libérer de sa dépendance à l’aideinternationale pour tirer des richesses de sesressources : la production de pétrole dans la Merdu Timor, entre le Timor oriental et l’Australie,fournit au gouvernement les revenus nécessairespour assurer la reprise économique et répondreaux besoins les plus urgents.

On a vu apparaître en 2005 les premiers signesd’une timide reprise économique avecl’augmentation de 2,3 % du PIB réel, mais dès2006 l’économie ralentissait de nouveau sous lecoup d’importants troubles sociaux et politiques.L’économie a ensuite connu un fort rebond, lacroissance du PIB atteignant 7 % en 2007 puis12,8 % en 2008. Les revenus dérivés du pétroleont pratiquement doublé en 2008 pour s’élever à2,4 milliards USD (un chiffre à rapprocher du

PIB hors pétrole de 499 millions USD), etreprésentaient alors 95 % du total des revenus del’État. Grâce à l’explosion de ses revenus tirés dupétrole et du gaz, le Timor oriental est restérelativement protégé de la crise économiquemondiale de 2008-2009. Les hauts niveaux dedépense publique ont isolé l’économie du paysdes pires aspects de la crise, et son PIB acontinué de progresser : 7,5 % en 2009, 8 % en2010.

L’un des principaux résultats de la politique dugouvernement a été la mise en place d’un fondspétrolier, créé en 2005 pour contribuer à protégerl’avenir économique du pays en prévision del’épuisement des réserves de pétrole et de gaz. Cefonds, un programme d’épargne respectant les «bonnes pratiques internationales », est intégré aubudget ; les apports et les prélèvements sontsoumis à l’approbation du parlement. À la fin dumois de septembre 2010, le fonds pétrolieraffichait un solde de 6,6 milliards USD.

Le Timor oriental est avant tout une économieagricole faiblement productive. L’agriculturereprésente environ un tiers de l’économie et c’estégalement le principal employeur : environ 90 %de cette population d’un million de personnesdépend de l’agriculture et de l’économie desubsistance pour ses moyens d’existence. Selonl’Economist Intelligence Unit, le secteur agricolemanque gravement de nouveaux investissementsconséquents, notamment l’industrie du café quiest l’exportateur le plus lucratif du pays en dehors

du pétrole et du gaz, et va manifestement le resterpour encore longtemps. Il est indispensable deprocéder à des investissements dans lareplantation, les infrastructures, les transports etle marketing pour augmenter les rendements etréduire les coûts. Un tiers environ seulement des10 000 tonnes de café produites chaque année estconvenablement traité pour être vendu sur lemarché de niche du café biologique de qualitésupérieure. Et sur cette fraction, un tiersseulement est effectivement vendu en raison de larareté des acheteurs. Si la culture la plusimportante reste le café, il est également possiblede développer d’autres activités telles que le cacao,la noix de cajou et la vanille.

L’industrie reste sous-développée et lesproduits manufacturés n’apportent qu’unecontribution minime au PIB. Le potentiel dedéveloppement à moyen terme est limité par lafaiblesse des compétences et des liaisons detransport. L’essentiel de la fabrication estreprésentée par de petites structures et lesdomaines les plus actifs sont le tissu et lemobilier.

Le pays pourrait sans doute se développer entant que destination touristique en s’adressantnotamment au marché de niche de l’écotourisme.Le pays offre des étendues de nature préservéed’une grande beauté, ainsi que de très bellesplages et une vie marine riche. On ne compte quequelques établissements et complexes hôteliersmais le développement d’installationstouristiques suscite l’intérêt. Les prix restenttoutefois élevés dans le secteur du tourisme et desinquiétudes persistent quant à la sécurité de larégion.

Le principal défi de développement du Timororiental consiste à employer les revenusprovenant du gaz et du pétrole pour développer lecapital humain et physique nécessaire à lapromotion et au soutien de la croissance del’économie hors pétrole, de manière à absorberune main d’œuvre qui grossit rapidement. Endépit d’une reconstruction conséquente et d’uneréelle croissance du PIB au cours des dernièresannées, le Timor oriental reste le pays le pluspauvre de l’Asie, et la moitié de sa population vitsous le seuil de pauvreté. n

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Entretien Making It avec Son excellence le président José Ramos-Horta

Le Timor oriental a parcouru un long chemindepuis son indépendance en 2002 et le pays a faitde grands progrès dans la consolidation de l’Étatet la prise en charge de sa population. Lesdonnées récentes suggèrent qu’à de nombreuxégards, l’économie maintient ses bonnesperformances. Comment le Timor oriental est-ilparvenu à réaliser ces progrès ? La croissance économique robuste enregistréepar le Timor oriental depuis 2007-2008 est àmettre avant tout au crédit des investissementsconséquents réalisés par le gouvernement dansles infrastructures publiques, mais elle s’expliqueégalement par les allocations versées aux pluspauvres, aux personnes âgées, aux veuves, auxpersonnes handicapées et aux vétérans de larésistance. Nous avons aussi beaucoup investidans l’achat de tracteurs et autres équipementsagricoles, et nous essayons d’améliorer lessemences, d’étendre les terres cultivées etd’augmenter la productivité par hectare. C’estpour toutes ces raisons que l’économie s’estdéveloppée, et nous connaissons depuis trois ouquatre ans une croissance à deux chiffres. Quels enseignements les autres pays peuvent-ilstirer de l’expérience de développement du Timororiental ? Malheureusement, je ne peux pas dire que noussoyons un modèle de développement pour lesautres pays car nous sommes encore confrontés àde nombreux défis. Nous avons déjà connu descoups durs par le passé. De plus, nous sommestrès privilégiés car nos revenus issus du pétrole etdu gaz nous assurent un important flux deliquidités. Nous pouvons donc financer

la transparence dans les industries extractives,l’EITI, qui réunit des pays disposantd’importantes réserves minérales, des entreprisesdu secteur du pétrole et d’autres ressources, et desacteurs de la société civile. Nous sommes très fierset heureux que le Timor oriental soit à la premièreplace du classement de l’EITI en Asie pour sesperformances et pour sa gestion des ressourcespétrolières : c’est le troisième pays seulement àbénéficier du sceau de conformité de l’EITI. Nousallons donc continuer à utiliser nos revenus dupétrole et du gaz de façon prudente ettransparente, afin d’appuyer le développementdurable de notre pays avec une intégrité et unehonnêteté absolues. Existe-t-il des initiatives visant à diversifierl’économie et notamment à renforcer lescapacités de production du pays ? Nous sommes très conscients des risques quecourt le Timor oriental – ou tout autre pays dansune situation semblable – en dépendant del’exportation d’une seule marchandise, enl’occurrence le pétrole et le gaz, même si celle-cinous assure des revenus considérables. NotreFonds pétrolier dépasse aujourd’hui les 7 milliards USD, ce qui place le Timor orientalbien au-dessus du seuil des pays les moinsavancés en termes de capital par habitant. Nousnous efforçons de diversifier notre économie encommençant par investir dans l’agriculture afind’assurer notre sécurité alimentaire d’ici cinq àdix ans. Nous investissons également beaucoupdans les infrastructures, en améliorant le réseau

l’intégralité de nos besoins budgétaires. Nous nedépendons d’aucun soutien budgétaire externe.À cet égard, nous avons beaucoup de chance.Nous sommes dans une situation unique dans lamesure où, peu après notre indépendance en2002, nous avons commencé à percevoir desrevenus importants du pétrole et du gaz. Quels sont les principaux défis rencontrés par lepays dans son effort pour parvenir à undéveloppement durable ? Il nous reste beaucoup à faire pour atteindre lesObjectifs du millénaire et élever notre pays à unniveau de développement supérieur afin dequitter le groupe des pays les moins avancés pourrejoindre celui des pays à revenus moyens. Nousdevrons investir des millions de dollars dans laconstruction d’infrastructures et mettre un fortaccent sur l’éducation et la santé au cours des 20prochaines années. Les difficultés et les défisauxquels nous sommes confrontés touchent lesressources humaines : nous n’avons pas assez depersonnel qualifié et d’institutionsfonctionnelles pour délivrer les services ouexécuter le budget de manière juste et efficace. La prospérité future du Timor oriental dépendraimpérativement de sa capacité à optimiser lesbénéfices à long terme de l’exploitation de sesressources naturelles. Dans le contexte de ce quel’on appelle souvent la « malédiction desressources », en quoi l’expérience du Timororiental peut-elle être une source d’inspirationpour les autres pays en développement possédantd’importantes ressources naturelles ? Le Timor oriental est membre de l’Initiative pour

« Avant d’avoir une véritable industrie du tourisme, nous devons d’abord résoudre des problèmes de santé

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JOSÉ RAMOS-HORTA a été élu président du Timororiental en 2007. Il a auparavant occupé les postes dePremier ministre et de ministre de la Défense dejuillet 2006 à mai 2007, et de ministre des Affairesétrangères de 2002 à 2006. En 1996, il a reçu avecl'archevêque Carlos Belo le Prix Nobel de la Paix enreconnaissance de leurs efforts pour une solutionéquitable et pacifique au conflit du Timor oriental.

routier et en ajoutant un port et un aéroport,ainsi que dans l’énergie et lestélécommunications. Ce sont les fondementsd’une économie moderne et diversifiée.

Si nous voulons envisager sérieusement ledéveloppement de l’industrie touristique, nousdevons d’abord moderniser les transports et lescommunications, mais aussi nous attaquer auxproblèmes de santé publique en réduisant laprévalence de la malaria, de la dengue et d’autresmaladies. Il ne serait pas sage et encore moinspolitiquement correct de développer untourisme qui coexisterait avec une pauvretéextrême, la malaria et la dengue. Ces deux aspectssont tout simplement irréconciliables. Nousvoulons vraiment développer le tourisme etfaisons déjà des efforts en ce sens, mais avantd’avoir une véritable industrie touristique, nousdevons résoudre des problèmes de santépublique, en nettoyant nos villes et en faisantreculer la malaria et la dengue. Il nous reste enfinà trouver des sources d’eau potable mais aussid’énergie fiable et peu chère pour tout le pays –même si cette dernière question trouve assezrapidement réponse. Comme de nombreux pays comptant parmi lesmoins avancés, le Timor oriental a unepopulation jeune qui s’accroît rapidement. Quelavenir peut attendre cette portion de lapopulation en termes d’opportunitéséconomiques ?

L’un des plus grands défis du gouvernement – etc’est d’ailleurs l’une de ses grandes priorités –consiste à investir dans l’éducation. Legouvernement actuel a déjà fait la preuve de sonengagement pour la jeunesse et l’éducation enrenforçant le soutien apporté par le biais debourses dans les domaines des sciences ettechnologies, de l’administration publique et dela gestion d’entreprise, pour que nos jeunespuissent poursuivre leurs études au Timororiental ou à l’étranger. Nous offrons des dizainesde bourses pour envoyer nos étudiants enAustralie et ailleurs. Nous avons plus de 100étudiants aux Philippines et près de 800 autresqui étudient la médecine à Cuba ou ici, au Timororiental. Voilà la garantie qu’à l’avenir, le Timororiental sera riche d’une population jeune etéduquée, compétitive sur le plan régional commeinternational. La Quatrième Conférence des Nations Unies surles pays les moins avancés (LDC-IV) se dérouleraen Turquie en mai. En tant que membre dugroupe des pays les moins avancés, quels résultatsle Timor oriental en attend-il ? J’ai assisté au Sommet des Objectifs dumillénaire pour le développement à New York enseptembre 2010, et je dois dire que j’ai étéextrêmement déçu de son issue : aucunengagement réel, concret, spécifique, n’a été prispar les pays développés et les institutions

internationales pour tenir les promesses faitesprécédemment par les pays riches d’apporter uneaide au développement des pays les plus pauvres.À New York, tous les leaders des paysindustrialisés ont reconnu qu’ils n’avaient pasapporté l’aide promise. J’ai entendu beaucoupd’entre eux admettre cet échec de leur part, et j’aiégalement entendu qu’en dépit de la crisefinancière internationale, les pays riches nepénaliseraient pas les pays les plus pauvres parune réduction de l’aide au développement. Voilàce que j’ai entendu. Nous avons tous entendu cediscours sur les engagements à New York.Pourtant, dès que les feux des médias se sontdétournés, presque tous les pays développés ontcommencé à réduire l’aide au développement despays étrangers !

Alors je ne me fais pas d’illusion : la quatrièmeconférence sur les PMA en Turquie n’apporteraselon moi rien de plus que les sommets desNations Unies. Je n’envisage même pas de m’yrendre car nous avons déjà assisté à des dizainesde conférences internationales dans le mondeentier. Nous dépensons des sommes importantesen transport, en frais, en hébergement, mais pourquel résultat ? Je ne crois pas que nousobtiendrons de meilleurs résultats en Turquieque lors des précédentes conférencesinternationales sur le développement. n

publique en nettoyant nos villes, en faisant reculer la malaria... et en trouvant des sources d’eau potable... »

fication de notre économie »Timor oriental

ZOOM SUR UN PAYS

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MakingIt38

L’impact social des grandes entreprises est un sujetde plus en plus en vogue. Au fur et à mesure que lesentreprises externalisent une large gammed’activités et délocalisent leur production vers lespays en développement, l’attention que les médiaset les consommateurs portent à leur chaînelogistique augmente proportionnellement. Deplus, les pays en développement eux-mêmes sont àprésent considérés comme des marchésintéressants, et les autorisations d’y opérerqu’obtiennent les entreprises sont étroitementliées à leur impact et leur image, exactementcomme dans les pays développés. Les entreprisesont donc un intérêt réel à mieux comprendre leurimpact social. Elles sont aussi plus conscientes desrisques qu’elles courent à ne pas comprendre etaméliorer cet impact.

Au cours des dernières années, les problèmesdu développement durable sont devenus unepréoccupation commune. De nombreuses étudesdétaillées ont mené à la création de modèlessophistiqués mesurant la consommation encarbone et en eau, les « empreintes ». Mais l’analysesociale, notamment dans le domaine de la pauvretéet du développement, souffre toujours d’un retarden matière de méthodologies et d’indicateurssolides. Gerry Boyle, directeur des relationsentreprises d’Oxfam Grande-Bretagne, affirmeque « l’impact qu’ont les grandes entreprises sur ledéveloppement économique est souvent unmystère pour les entreprises elles-mêmes commepour les parties prenantes de leur activité. »

Oxfam, l’une des plus importantesorganisations de la société civile dédiées à la

réduction de la pauvreté, est convaincue de lanécessité d’indicateurs et de cadres de réflexioncohérents. Leur création est la prochaine étape duprocessus qui permettra aux entreprises decomprendre leur propre impact. De nombreusesentreprises suivent déjà l’impact de certaines deleurs décisions, comme par exemple laconstruction d’une usine ou l’ouverture d’unemine, et cherchent à limiter cet impact. Pourtant,au vu des nombreuses dimensions constitutives dela pauvreté comme des opérations multinationalesmodernes, il est bien plus compliqué de suivre etde gérer les effets plus généraux que peuvent avoirsur la pauvreté une entreprise et sa chaîne devaleur.

L’impact des entreprisesC’est pourquoi Oxfam a développé saméthodologie de « l’empreinte pauvreté ». Celle-civise à déterminer les principaux problèmes liés à lapauvreté, à créer un cadre de réflexion rigoureuxgrâce auquel une entreprise peut comprendrel’impact (positif comme négatif ) de ses activités, età fournir une structure assurant la transparence del’information sur cet impact. Il s’agit d’unprocessus collaboratif de recherche, conçu dansl’idée que ses résultats n’aideront pas seulement lesacteurs du secteur privé à améliorer leur impactsur les gens, mais augmenteront aussi l’efficacité deleurs activités et leur permettront d’imaginer dessolutions innovantes.

« Il faut réfléchir en profondeur aux causes de lapauvreté. Il arrive qu’une entreprise ne soit pas dutout consciente que certaines de ses activités ont un

impact important sur les populations pauvres. Eton ne peut évidemment pas gérer ces impacts si onne comprend ni leurs effets, ni leurs causes ! Notreméthodologie s’appuie sur une série d’outilsquantitatifs et qualitatifs qui concernent à la fois lanature de la pauvreté et les activités d’entreprise àétudier », explique Gerry Boyle.

Voici les principales caractéristiques de cetteméthodologie :l elle se concentre sur l’humain – le principe estd’observer les problèmes du point de vue des gensqui vivent dans la pauvreté ; l elle est construite autour d’une proposition devaleur spécifique (un domaine qui intéresse à la foisl’entreprise et les communautés impliquées)permettant de se concentrer sur les domainesd’impact stratégique ; et enfinl elle offre une image diversifiée de la pauvreté, enétudiant la façon dont différentes couchesd’activités s’empilent pour former une image pluslarge.

Au cœur de la méthodologie se trouve ledéveloppement d’une matrice qui permet dedéfinir le champ des recherches ultérieures. Cettematrice superpose cinq dimensions liées auxentreprises et cinq paramètres clés de la pauvreté.Elle aide ainsi à structurer l’éventail desnombreuses questions auxquelles il faut répondrepour comprendre la pauvreté sous ses multiplesformes.

Les problématiquesDes problématiques sont développées au sein dechacun des champs de la matrice. Elles

L’empreinte pauvreté

Mary Arnesen, chef de projet entreprises et marchés chez Oxfam Grande-Bretagne, présente unnouvel outil pour aider les entreprises à comprendre comment leurs activités affectent les gens ausein de leur chaîne de valeur, ainsi que les communautés et les pays dans lesquels elles opèrent.

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MakingIt 39

l Les chaînes de valeur (le processus deproduction et de livraison d’un produit etd’un service, y compris les conditions de

travail, les relations avec les fournisseurs,les réseaux de distribution, etc.)

l Les facteurs macroéconomiques (les impôts,les investissements publics et privés et la distribution

des dividendes aux actionnaires)

l Les institutions et la politique générale (l’impact despratiques commerciales sur les lois et lesréglementations, les politiques d’entreprise, les

groupes de pression et de défense des intérêts)

l Le développement des produits et le marketing(l’impact sur la culture et les institutionsculturelles)

l Les implications sociales des politiquesenvironnementales (les conséquences sur lasanté, la réduction des risques de catastrophenaturelle, et le changement climatique)

l La diversité etl'égalité entre lessexes (l'accès àl'égalité des droits et laprotection des identitésculturelles)

l Les moyens de subsistance(l'accès à l'emploi, aux marchés etau crédit)

l La santé et le bien-être (l'accèsaux soins et à l'éducation)

l L'autonomisation (le droitde s'organiser et de sesyndiquer)

l La stabilité et la sécurité(la capacité à gérer lescatastrophes personnelleset naturelles, la criminalitéet la violence)

Cinq dimensionsde la vie desentreprises

Cinq paramètresde la pauvreté

s’intéressent à la façon dont les activités del’entreprise favorisent le développement maispeuvent aussi créer des obstacles à celui-ci. KyleCahill, administrateur de programme senior encharge de l’empreinte pauvreté chez OxfamAmérique, commente à ce sujet : « Nous nousretrouvons à poser des questions qui vont de“Comment les marchés pourraient-ils améliorerl’équité entre les sexes, et augmenter l’implicationdes femmes dans les échanges et les bénéficesqu’elles en retirent ?” à “Comment les revenussont-ils distribués et partagés tout le long de lachaîne de valeur ?” “Comment l’entreprisecontribue-t-elle à fournir des services essentielsdans la région, et comment cela affecte-t-il lesservices publics ?”, mais aussi “Quels effets ledéveloppement de produits et les initiativesmarketing ont-ils sur l’environnement culturel etla santé des communautés ?” »

Le personnel de l’entreprise est associé de prèsaux études effectuées. Oxfam et l’entrepriseprofitent ainsi d’une occasion unique d’apprendrede leurs points de vue respectifs. Cettecomparaison permet d’obtenir une nouvellecompréhension des effets qu’ont les activités d’unesociété sur les individus et les communautés quil’entourent. L’implication du personnel del’entreprise garantit aussi que les personnes lesplus proches de l’activité sont en mesure d’aider àidentifier les solutions les plus pratiques.

UnileverEn 2005, Unilever, multinationale spécialiséedans les biens de consommation courante, a

collaboré avec Oxfam pour tester laméthodologie de l’empreinte pauvreté au sein desa chaîne logistique en Indonésie. L’étude a étémenée entre autres avec les agriculteurs et lescommerçants locaux, les ouvriers et lesresponsables des usines, et les communautéslocales. Parmi ces communautés, certainesdépendaient d’Unilever pour leurs emplois(directement ou indirectement), d’autres étaientles cibles des opérations publicitaires del’entreprise et d’autres encore bénéficiaient deson soutien philanthropique. L’étude anotamment révélé que l’entreprise faisait appel àdeux fois plus de personnes pour la distributionde ses produits que pour leur production, avecune proportion de travailleurs à temps partielplus élevée que l’entreprise ne le pensait. Cettedécouverte a permis à Unilever d’identifier desmoyens d’action clés pour augmenter la stabilitéfinancière dans cette population et améliorerainsi la productivité : l’implication et lasyndicalisation de la main d’œuvre par exemple,ou un meilleur accès au crédit.

Elle a également mis en lumière la complexitéde la lutte contre la pauvreté. Thomas Lingard,directeur monde des affaires extérieures chezUnilever, a ainsi confirmé : « En examinant lesemplois et la valeur créés aux différents endroitsde cette chaîne, nous avons beaucoup appris surles points précis où les entreprises peuvent avoirles impacts les plus positifs ou négatifs sur laréduction de la pauvreté. Mais la participation auxchaînes de valeur ne garantit pas à elle seule que lavie des populations pauvres va s’améliorer ;

d’autres institutions sociales et d’autres ressourcessont nécessaires pour cela. »

Le procédé de l’empreinte peut aussi aider lesentreprises à identifier des problèmes et descontraintes pour lesquels il existe des solutionsrelativement simples. La mise en place de cessolutions profiterait autant à l’entreprise qu’àceux avec qui elle interagit. Par exemple, au coursd’une étude menée avec une entreprise indienne,les recherches d’Oxfam ont montré que si lespetits cultivateurs de l’entreprise appréciaient lesservices d’information et de renforcement descapacités en général, ils n’étaient que 8 % àconnaître et utiliser les services d’informationque l’entreprise avait développé pour les aider.En reliant plus directement ses servicesd’information à la fonction d’achat, l’entreprise apu atteindre plus facilement ses agriculteurs etleur fournir des informations pour s’assurerqu’ils se concentraient sur les cultures les plusdemandées sur le marché, et pour améliorer laproductivité des petits cultivateurs.

En se concentrant à la fois sur lesdimensions clés de la pauvreté et sur lessecteurs d’activité clés les plus susceptiblesd’affecter celles-ci, l’empreinte pauvreté aide lesentreprises à comprendre dans quelle mesureet de quelles façons leurs activités ont unimpact sur les populations pauvres. Ellespeuvent aussi montrer à ces mêmes entreprisescomment leurs politiques et leurs pratiquespourraient être adaptées pour maximiser leurcontribution générale à la réduction de lapauvreté. n

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Le fait de percevoir les grandes entreprises comme« de grands méchants » dans les années 1980 et1990 s'est développé au moment où lesorganisations non gouvernementales (ONG)soulignaient les catastrophes environnementalescomme les marées noires, les atteintes aux droitsde l'homme ou encore le travail des enfants dansles chaînes d'approvisionnement en Asie. Bien sûr,nous sommes encore confrontés à des maréesnoires, notamment avec la récente catastrophe deBP dans le golfe du Mexique, et ces derniers mois,nous avons observé de nouvelles allégationsimpliquant des détaillants britanniques quis'approvisionnaient auprès d'entreprises utilisantle travail des enfants. Si vous lisez la presse, commela plupart des gens, vous pouvez penser que peu dechoses ont changé ces vingt dernières années.

Mais en réalité, beaucoup de choses ont évolué,surtout au cours des dix dernières années. BigBusiness, Big Responsibilities raconte l'histoire decinq nouvelles réalités qui impliquent que certainesgrandes entreprises mondiales sont aujourd'huiplus susceptibles de lancer des appels à la protectionde l'environnement plutôt que de laisser cettethématique derrière elles ; de promouvoir les droitsde l'homme plutôt que de les ignorer et de travailleren partenariat avec les ONG plutôt que de toujoursle faire en réaction à des campagnes.

Le partage des risques signifie le partage desresponsabilitésLes entreprises évoluent vers une philosophied'intérêt personnel éclairé consistant à

reconnaître qu'en tant qu'institution confrontéeà des risques partagés, elles partagent égalementdes responsabilités. Le 2030 Water ResourcesGroup, réunissant la Société financièreinternationale, McKinsey, Coca-Cola, Nestlé,SABMiller, Standard Chartered et d'autres, est unbon exemple d'un partenariat public / privémettant la barre haut pour s'attaquer au risquepartagé évident de la pénurie d'eau au niveaumondial. Ces entreprises sont impliquées parcequ'elles peuvent prévoir l'impact d'une pénuried'eau généralisée dans le monde entier sur desperspectives de croissance à moyen et longterme. Les entreprises apportent un angle de vuedifférent sur le problème en aidant lesgouvernements à comprendre que la pénuried'eau n'est pas seulement un problème dedéveloppement ou d'écologie mais aussi un défipour la croissance économique. Actuellement,les entreprises travaillent avec le Foruméconomique mondial et les gouvernementsnationaux et régionaux dans des pays clés,comme l'Inde et l'Afrique du Sud, pour aider àaméliorer la gestion des ressources en eau auniveau local au profit des collectivités, desentreprises et de l'environnement.

Surmonter les défis grâce à la collaborationLes partenariats philanthropiques entre lessociétés et les ONG existent depuis longtemps eton trouve aussi quelques collaborations sur leschaînes d'approvisionnement.

Pourtant, maintenant une approche

beaucoup plus systématique et généralisée auxpartenariats est en cours de développement, avecl'implication de toute une gamme d'entreprises,d'ONG et de gouvernements. À titre d'exemple,lorsque le rôle potentiel des sociétés Internet delimitation de la liberté d'expression et de la vieprivée avait d'abord suscité l'intérêt du public, laquestion fut présentée en termes généralementsimplistes : de grandes et puissantes entreprisesqui mettaient leurs propres intérêtscommerciaux devant les besoins, les droits et lesintérêts de leurs utilisateurs. Les sociétés Internetcomme Google, Yahoo! et Microsoft n'étaientplus présentées comme les pourvoyeurs de laliberté, ils étaient désormais les grands méchantsresponsables de la disparition de la liberté.Pourtant, ces mêmes entreprises ont uni leursefforts avec les principales ONG de défense desdroits de l'homme, les investisseurs et lesuniversitaires pour lancer une nouvelle coalition,le Global Network Initiative (GNI), conçu pouradopter une approche collaborative afin deprotéger la liberté d'expression et la vie privée enligne. Les principes du GNI et les directives demise en place proposent des orientationsprécieuses aux entreprises à travers l'ensembledu secteur des communications pour leurpermettre de savoir quelles mesures prendrelorsqu'elles sont confrontées à des demandesdifficiles de la part des gouvernements pouvantconduire à des violations des droits desutilisateurs, de la vie privée et de la libertéd'expression.

Andy Wales, co-auteur du livre récemment publié Big Business, Big Responsibilities, explique que de nombreuses grandes entreprises

considèrent désormais les questions de responsabilité sociale, dephilanthropie et de respect de l’environnement comme des

éléments de plus en plus importants pour la stratégie d’entreprise.

Du statut deméchantsàceluide visionnaires

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MakingIt 41

Avoir la confiance des autres n'a jamais étéaussi importantLorsque les entreprises sont exposées pour desaffaires de violations des droits de l'homme ouattaquées pour atteinte aux normesenvironnementales, cela s'en ressent au plushaut point en interne. La performance sociale etenvironnementale revêt une grande importancepour les employés des grandes entreprises. Elleimporte aussi pour les futurs employés. Lesenquêtes menées auprès de jeunes diplômésuniversitaires citent régulièrement laperception de la responsabilité sociale d'uneentreprise comme une raison majeure pourchoisir de travailler dans telle ou telleentreprise. Les consommateurs sont aussi deplus en plus pointilleux par rapport à leur visiondes grandes entreprises et de leurs marques, etcertaines entreprises telles que Unilever et Nikeaccélèrent ce phénomène en faisant de ladurabilité et de l'éthique un élément clé del'innovation. Une fois rassemblés, ces facteurssignifient que la communication proactive de laperformance est importante et que la perte deconfiance quand les choses vont mal devientplus problématique pour l'entreprise et lamarque.

Les changements de la politique publiqueLes changements dans les politiques publiquespour répondre aux défis de durabilité vont deplus en plus façonner l'environnement de travailde l'entreprise. L'action des gouvernements

consistant à relever les défis mondiauxcommence à remodeler le contexteréglementaire et commercial dans lequel lesentreprises opèrent, et malgré certains retardsdans la politique climatique, cette tendancedevrait s'accélérer à mesure que l'urgence desactions à entreprendre augmente. Lesentreprises de premier plan reconnaissent deplus en plus que si des mesures doivent êtreprises pour la viabilité, dans de nombreux cas,l'intervention d'une politique publique estégalement nécessaire. Le Groupe d'entreprisesleaders sur les changements climatiquesconstitue un exemple de la manière dont lesentreprises contribuent à soutenir l'actiongouvernementale et à définir le type depolitiques qui seront à la fois respectueuses del'environnement, crédibles et efficaceséconomiquement.

La durabilité comme opportunitéLes entreprises performantes de demainconsidèrent la durabilité comme uneopportunité d'innover et non comme un risque àatténuer. Il y a dix ans, relever les défis sociaux etenvironnementaux a souvent été considéré parles grandes entreprises uniquement comme unexercice de gestion des risques. Le contrasteentre cette approche d'atténuation des risques etl'approche novatrice adoptée par les entreprisesleader d'aujourd'hui est saisissant. Un exempleintéressant est celui de China Mobile, la plusgrande société de télécommunications en

nombre de clients (plus de 500 millions), entermes de taille du réseau et de capitalisationboursière. Lorsque le gouvernement chinois amis en priorité le développement économiquedans les zones rurales et la modernisation destechniques agricoles, China Mobile s'est mis àrechercher des moyens pour atteindre cesobjectifs de politique publique en proposant denouveaux produits et services. La société a mis enplace un réseau rural d'informations quideviendrait la première source d'informationsagricoles, commerciales et métier dans lescommunautés rurales et a établi de nouvellesstructures tarifaires abordables pour lescollectivités rurales tout en élargissant son réseauaux zones les plus reculées de la Chine. À cemoment, environ 50 % de ses nouveaux clientsvenaient des zones rurales et d'autres sociétésinternationales de télécommunications suivaientl'exemple.

Les grandes entreprises ont encore du cheminà parcourir. Pourtant, les cas présentés ci-dessusmontrent une approche et un engagement de lapart des grandes entreprises qui n'étaient pasévidents il y a dix ans et qui cherchent aujourd'huià résoudre certains de ces défis. Une bonne dosede scepticisme est toujours nécessaire, mais étantdonné la différence que les grandes entreprisespeuvent faire une fois qu'elles comprennentpourquoi la stratégie d'entreprise et les défisenvironnementaux et sociaux doivent êtrealignés, une approche optimiste ne sauraitempirer les choses.n

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s ANDY WALES est le Responsablemondial du développementdurable chez SABMiller. BigBusiness, Big Responsibilities:from ‘villains’ to ‘visionaries’, parAndy Wales, Matthew Gorman, etDunstan Hope, publié chezPalgrave Macmillan.

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POLITIQUE EN BREF

MakingIt42

Par MÜGE DOLUN BORA, responsable dudéveloppement industriel, ONUDI

Aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises despays en développement et des économiesémergentes deviennent des producteursinternationaux. La libéralisation des marchésde consommation offre à ces entreprises lapossibilité d’exporter leurs produits sur lesmarchés mondiaux, qui exigent de plus enplus fréquemment une conformité à des «normes privées », un phénomène qui a levent en poupe. Dans le contexte plus largedes valeurs, des normes, des codes, del’éthique, des pratiques, des directives, desprincipes et de la morale, les normes privéessont, dans le domaine du commerce,considérées comme un moyen depromouvoir le progrès social et ledéveloppement environnemental durable.

Il est important de souligner que lesnormes privées diffèrent desréglementations techniques et des standardsfacultatifs nationaux, régionaux etinternationaux que l’on peut rencontrer lorsd’échanges avec un partenaire commercial.Les normes privées traitent desproblématiques sociales, sécuritaires etenvironnementales, et ce sont les marques etles distributeurs qui les exigent de leursfournisseurs. Ces normes présentent unegrande diversité. Par exemple, les normesprivées n’ont pas toutes le même champd’application ni la même importance : ellesconcernent plus fréquemment la question dutravail dans le secteur du cuir et del’habillement, tandis que les exigences deconformité à certains critèresenvironnementaux sont plus courants dansle secteur du mobilier. De plus, les normespeuvent s’appliquer au site de productionet/ou au produit lui-même. Les codes deconduite des acheteurs font principalement

référence aux sites de production tandis queles certificats et les labels traduisent plussouvent le respect de critères relatifs au sitede production et au produit.

L’importance et l’influence croissantes desnormes privées s’expliquent assez aisément.Dans les économies développées, lesconsommateurs comme les organisations dela société civile se montrent de plus en plussoucieux des conditions sociales etenvironnementales en vigueur dans les paysimpliqués dans les chaînesd’approvisionnement des produits vendussur leurs marchés. Informés des cas deviolations graves des droits des travailleurs etdes droits humains et des dégradationsenvironnementales causées par l’activité desentreprises, les consommateurs perdentconfiance dans la conduite responsable desgrandes marques et des distributeurs. Dansle même temps, ces cas d’inconduitetraduisent souvent l’échec desgouvernements des pays en développement àfaire appliquer les normes etréglementations nationales etinternationales. En conséquence, il incombeaux entreprises qui exercent leurs activités àl’échelle internationale de relever le défi posépar ce manque de gouvernance.

D’autre part, avec la sensibilisationcroissante des consommateurs aux méthodesde production et aux habitudes deconsommation, les marques ressentent deplus en plus la nécessité de se différencier pardes critères sociaux et environnementaux surles marchés. Ce sont ces tendances qui ontcontribué à ce que les grandes marques et lesdistributeurs choisissent de définir etd’appliquer des normes plus strictes au seinde leur chaîne d’approvisionnement, afind’améliorer les performances sociales etécologiques des producteurs des pays endéveloppement, et ce sur toute la longueur de

Utilisation des normesprivées à votre avantage

« L’entreprise acquiert unavantage compétitif certain,renforce son efficacité et élargitsa base de clients. »

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POLITIQUE EN BREF

Par XAVIER CIRERA, chercheur membre del'équipe Mondialisation à l'Institute ofDevelopment Studies au Royaume-Uni

En septembre 2010, la Conférence desNations Unies sur le commerce et ledéveloppement (CNUCED) a publié leRapport sur le commerce et le développement2010 : Mondialisation et stratégies dedéveloppement. Le rapport alerte les pays endéveloppement qui s'appuient lourdementsur la croissance des exportations et les inciteà repenser leurs stratégies actuelles decroissance en mettant l'accent sur lerenforcement de la demande intérieure.

Le rapport souligne que les stratégiesbasées sur l'exportation ne peuvent êtreappliquées par tous les pays : certainesnations doivent nécessairement êtreconsommatrices nettes des produitsexportés. Ensuite, les marchés d'exportationmondiaux semblent destinés à croître bienplus lentement qu'avant la récessionmondiale, rendant ces stratégies de moins enmoins tenables. Enfin, s'appuyer sur unemain d'œuvre bon marché pour restercompétitif à l'exportation produit un effet de« nivellement par le bas » des salaires quis'avère contre-productif pour la réduction dela pauvreté comme pour la créationd'emplois.

Bien que ces arguments se tiennent, jedéfendrais pourtant l'idée que pour les payspetits et très pauvres, dont les Pays les moinsavancés (PMA), une croissance basée surl'exportation est inévitable. Dans le cas despays en développement plus grands,présentant une demande intérieurepotentielle suffisante, éviter les politiquesdéflationnaires peut être une bonne solution.Mais les pays pauvres sont limités par unedemande intérieure très faible. Les marchésnationaux étant trop restreints, ces pays ont

besoin des marchés extérieurs pour souteniret développer leur production, réaliser deséconomies d'échelle, améliorer la qualité deleurs produits et diversifier leursexportations, afin que celles-ci ne soient paslimitées aux seules ressources naturelles etmatières premières.

Dans le contexte actuel, le principal défi deséconomies les plus pauvres consiste àmaintenir l'augmentation des exportations etsurtout à les diversifier – autresmarchandises, produits manufacturés,services – afin de réduire leur vulnérabilitééconomique et soutenir leur croissance.

Actuellement, la diversification desexportations et leur degré de sophistication etde contenu technologique sont très limitésdans les pays en développement. L'expansiondes exportations observée au cours de ladernière décennie concernaitessentiellement les exportations existantes etnon de nouveaux produits. Les stratégies decroissance actuelles basées sur l'exportationsont insuffisantes pour une transition versdes activités à valeur ajoutée et pourl'introduction de nouveaux produits.

Le problème de la diversification desactivités est exacerbé par les prix élevés desmatières premières, ce qui incite lesinvestisseurs à poursuivre l'expansion de laproduction dans ces secteurs. En dépit d'unecroissance plus lente de la demande dans leséconomies industrialisées, certains coursvont vraisemblablement se maintenir à unhaut niveau, soutenus par la croissancechinoise.

Depuis les années 1960, les pays développésont tenté de stimuler les exportations desPMA en accordant des préférencescommerciales unilatérales telles que leSystème généralisé de préférences (SGP) et,plus récemment, le programme « Toutsauf les armes » (EBA) et la Loi sur la

Une nouvelle approchede la croissance basée surl’exportation

la chaîne. Pour synthétiser, de nombreusesmultinationales utilisent les normes privéescomme un outil de gestion de la chaîned’approvisionnement et comme unmécanisme pour acquérir un avantagemarketing par rapport à leurs concurrents.

Face à la nécessité de respecter des normesprivées, un fournisseur a deux options :l’approche réactive ou l’approche proactive.L’approche réactive implique pour lefournisseur de se conformer à de nouvellesexigences chaque fois qu’il noue unenouvelle relation commerciale. L’approcheproactive, quant à elle, est plus ambitieusepour le fournisseur. Elle consiste en effet àd’abord développer une vision et unengagement, puis à mettre en place etappliquer un ensemble de normes sociales etenvironnementales exigeantes, et enfin àfaire intervenir une vérificationindépendante afin d’authentifier lesnouvelles normes atteintes. En choisissantcette voie, l’entreprise acquiert un avantagecompétitif certain, renforce son efficacité etélargit sa base de clients, entre autresbénéfices.

Le guide de l’ONUDI Making PrivateStandards Work for You (« Utiliser les normesprivées à votre avantage ») s’adresse auxproducteurs des secteurs de l’habillement, dela chaussure et du mobilier désireux de faireaffaire avec de grandes marques etd’importants distributeurs et leur fournit desinformations sur le paysage complexe desnormes privées. Il apporte des conseilsstratégiques devant permettre auxfournisseurs des pays en développement detirer avantage des normes privées. Ce guidepeut également être utile aux exportateursd’autres secteurs. n

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MakingIt44

POLITIQUE EN BREF

croissance et les opportunités en Afrique(AGOA). Toutefois, ces initiatives semblentavoir une efficacité limitée et mêmenégligeable en ce qui concerne ladiversification des exportations. De plus, lesfaibles marges de préférence sur les produitsd'exportation clés, et notamment l'érosion despréférences existantes, limitent l'impactpositif potentiel que ces programmes peuventavoir à l'avenir.

Bien que la plupart des pays endéveloppement soient membres d'un ouplusieurs Accords de commerce préférentiel(PTA), l'intégration économique de ces paysreste faible en réalité, essentiellement enraison de la médiocrité de la mise en œuvredes accords existants et de la présence debarrières non tarifaires élevés. Renforcerl'intégration Sud-Sud peut permettred'exploiter les marges préférentielles et lefacteur de proximité et ainsi fournird'importantes opportunités d'expansion de lagamme des exportations, au-delà desmarchandises traditionnelles. Cela exigeratoutefois de renouveler les efforts de mise enœuvre des accords existants.

Le commerce des services peut égalementfournir de nouvelles opportunités aux PMA.Si l'on a, jusqu'à maintenant, mis l'accent surla protection des services nationaux vis-à-visdes concurrents étrangers, un effort delibéralisation des services dans les PTAexistants peut accroître considérablement lacompétitivité d'autres secteurs de l'économieet, dans le même temps, ouvrir de nouvellespossibilités d'exportation dans des activitésexigeant une importante main d'œuvre.

Enfin, il est nécessaire de mieux intégrer lespolitiques industrielles nationales auxprogrammes d'aide basés sur les échangescommerciaux actuellement en place, ens'attachant nettement à aider les entreprises àdiversifier leurs activités et leurs exportations.

En conclusion, plutôt que d'adopter despolitiques tournées vers l'économieintérieure comme le suggère le rapport de laCNUCED, c'est d'une autre politique decroissance basée sur l'exportation que lesPMA ont besoin. Cette nouvelle stratégie doitdonner la priorité aux échanges Sud-Sud, aucommerce des services et à des politiquespermettant aux entreprises d'investir denouveaux marchés et segments deproduction. n

Par MICHELE CLARA, responsable de gestionde programme, ONUDI

Le 28 octobre 2010, Antonio Tajani,Commissaire européen à l'industrie etl'entreprenariat, a dévoilé une initiative phareambitieuse et exhaustive visant à stimuler lacroissance et la création d'emplois en Europeen s'appuyant sur la solidité, la diversificationet la compétitivité de la base industrielle dansles 27 pays de l'Union européenne. IntituléeUne politique industrielle intégrée à l'ère de lamondialisation, ce document est un appel sanscompromis à l'industrie, qui peut jouer unrôle central dans la prise en charge desproblèmes rencontrés par l'humanité à l'aubede ce nouveau siècle.

Cette politique fait partie d'un programmeplus vaste, Europe 2020 – Stratégie pour unecroissance intelligente, durable et inclusive, quivise à assurer aux économies européennesune sortie rapide de la stagnation à courtterme et un retour vers une croissancesoutenue et durable dans le contexte d'uneéconomie toujours plus concurrentielle etmondialisée. Si ces objectifs semblentfamiliers, c'est sans doute parce qu'ils étaientdéjà au cœur d'une autre proposition toutaussi ambitieuse, émise par la Commissionen l'an 2000 et appelée « Stratégie deLisbonne » : une politique qui avaitcertainement ses mérites mais qui, comme laCommission l'a elle-même reconnu, n'est pasparvenue à atteindre ses objectifs.

Envoyant le signal bienvenu d'une réellevolonté de tirer les enseignements deserreurs passées, la Stratégie 2020 comme soninitiative phare Une politique industrielleintégrée à l'ère de la mondialisation prennent àbras-le-corps les défauts de la précédentestratégie et mettent en avant des mesuresvisant directement à les corriger. Cesprogrammes viennent à point nommé nousrappeler que l'élaboration de politiques, enparticulier dans le domaine dudéveloppement économique, ne peut se faire

qu'à partir d'un processus transparentconsistant à contrôler et évaluer les résultatspar rapport à des indicateurs définis, sous leregard du public.

À de nombreux égards, la politiqueindustrielle proposée par le CommissaireTajani est pionnière.

Elle s'attarde tout d'abord sur lathématique de la survie et de la croissance del'industrie, sujet qui revêt une importancestratégique pour tout gouvernement nationalquel qu'il soit. Il s'agit pourtant d'unepolitique émise par une entitésupranationale, l'Union européenne. Lelecteur sera donc certainement tenté decommencer sa lecture de ce document de 33pages par la toute dernière section, « Unenouvelle gouvernance de l'UE pour lapolitique industrielle », dans laquelle ildéveloppe des idées novatrices sur lacollaboration de différents niveaux degouvernements pour le succès de touteinitiative de développement.

Autre point très intéressant de cettepolitique, l'auteur tente de définir le champd'application de toute politique industrielle.En dehors de quelques opposants virulents,la plupart des commentateurs économiquesconviendraient aujourd'hui que l'État a unrôle à jouer dans des domaines tels que lesinfrastructures et l'éducation, qui ont toutdeux un puissant impact sur ledéveloppement économique. D'autre part,comme l'ont vivement souligné les travauxd'économistes comme Ha-Joon Chang etDani Rodrick, même les partisans les plustenaces de l'innovation dirigée par lesmarchés se sont confortablementaccommodés de généreux financementspublics en faveur de l'innovation, de larecherche et du développement. D'autresaspects de l'élaboration de politiquesindustrielles sont, tous en conviennent, pluscontroversés. Le Commissaire Tajani en apris son parti en les exposantsystématiquement, comme en témoigne le

‰ La politique industrielleau centre de la scène

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POLITIQUE EN BREF

sommaire de sa politique où une politique dela concurrence et de l'innovation côtoie desmesures visant à traiter les surcapacitésstructurelles, à améliorer l'efficacité carboneet à renforcer la responsabilité sociale desentreprises. Le document n'évite pas ce quel'on considère généralement comme le sujetle plus brûlant, celui des politiquessectorielles, et propose des pistes de réflexionintéressantes sur le rôle de l'industrie dans laprise en charge de grandes problématiquesde société comme le changement climatique,l'augmentation du coût de la santé au seindes populations vieillissantes, lasurpopulation des zones urbaines et l'accès àl'énergie.

Enfin, cette politique mérite que l'onsouligne son format, très digeste. Pourchaque thème, le document présente demanière très succincte les raisons qui sous-tendent la politique et ses objectifsprincipaux, puis une liste d'engagementsclairs accompagnés d'un échéancierdécrivant les tâches confiées à la

Commission mais aussi, souvent, aux états-membres et aux autres organismeseuropéens. La Commission prévoit, dans unavenir proche, d'assumer un mandat toutaussi ambitieux dans le domaine de lagestion des connaissances, notammentpour jouer le rôle de source d'informationssur les bonnes pratiques et lesenseignements auprès des états-membres.

En tout et pour tout, la Commissioneuropéenne a produit un document d'unegrande importance pour les citoyens del'Union européenne mais aussi pour lesprofessionnels de l'économie dudéveloppement. Comme toujours, sonmérite devra être évalué si et quand lesrésultats prévus seront atteints. Seul letemps nous le dira. Mais pour tous ceux quipensent que l'on accomplit de grandeschoses en commençant par se poser lesbonnes questions et apprendre de seserreurs, la Politique industrielle intégrée à l'èrede la mondialisation est une excellentelecture. n

« Une politique de laconcurrence et de l'innovationcôtoie des mesures visant àtraiter les surcapacitésstructurelles, à atteindre unemeilleure efficacité carbone età renforcer la responsabilitésociale des entreprises. »

Antonio Tajani, Vice présidentde la Commission européenne,Commissaire à l'industrie et àl'entreprenariat.

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LE MOT DE LA FIN

En guise de mise en bouche pour leprochain numéro dédié à l’industrie agro-alimentaire, Making It s’est entretenu avecLUCY MUCHOKI, PDG du Consortiumpanafricain de l’agrobusiness et de l’agro-industrie.

Pourquoi le développement de l’industrieagro-alimentaire est-il important pourl’Afrique ? L’agriculture est un secteur dominant enAfrique et est essentielle au développementéconomique. Elle emploie plus de 60 % de lamain-d’œuvre en Afrique, contribue à 17 %du PIB global et représente 40 % de laproduction économique totale. En outre, il aété révélé que la croissance du PIB généréepar l’agriculture était au moins deux foisplus efficace pour réduire la pauvreté que lacroissance du PIB dans d’autres secteurs.L’accélération de la croissance agricole estessentielle pour réduire la faim et lapauvreté, pour contribuer à l’autonomie desjeunes et des femmes ainsi que pourparvenir à un partenariat mondial pour ledéveloppement, soit les Objectifs duMillénaire pour le développement : un, troiset huit.

Dans le contexte d’une demandealimentaire croissante dans le monde,l’Organisation des Nations Unies pourl’alimentation et l’agriculture (FAO) estimeque six millions d’hectares supplémentairesdevront être mis en culture chaque année aucours des 30 prochaines années. On estimeque l’Afrique détient jusqu’à 60 % des terresrestant non cultivées dans le monde etadaptées à l’agriculture. En outre, le marchémondial des produits agricoles est en pleinessor, ouvrant de nouvelles possibilités pourla production africaine. Le potentiel del’agriculture en Afrique est très encourageantmais il est urgent de concentrer lesinvestissements dans l’agriculture en tant

que secteur d’activité à part entière.Sans une industrie agro-alimentaire

dynamique et axée sur la croissance, lapopulation rurale de l’Afriquesubsaharienne ne sera jamais capable de sefrayer son chemin hors de la pauvreté, nid’agir comme un moteur de croissanceéconomique plus large. Pourtant,aujourd’hui, l’Afrique est encore dominéedans la plupart des cas par l’agriculture àpetite échelle, par les agriculteurs quipratiquent une agriculture de subsistance.Quatre-vingt dix pour cent de la productionagricole en Afrique subsaharienne provientde petites exploitations. Un passage del’agriculture vivrière à une industrie agro-alimentaire est plus important que jamais.L’industrie agro-alimentaire a-t-elle unepertinence particulière pour les jeunes enAfrique ? Soixante pour cent de la population ruraleest constituée de jeunes hommes et dejeunes femmes âgés de 15 à 24 ans. Enfonction du regard que vous portez sur lasituation, il s’agit soit d’une opportunitépotentielle pour le producteur de demain,soit d’une bombe à retardement prête àexploser dans les zones urbaines. Les jeunesruraux sont occupés à migrer vers les zonesurbaines à la recherche d’emplois, absents dumarché. Aussi n’est-il peut-être passurprenant d’observer une augmentation dela criminalité dans les zones urbaines.

Dans le même temps, selon un rapport dela FAO, l’âge moyen de l’agriculteur africainest d’environ 60 ans. Cela signifie qu’il y a unénorme fossé générationnel qui doit êtrecomblé immédiatement. Investir dans lajeunesse rurale est un investissement pourl’avenir de l’industrie agro-alimentaire enAfrique. Les nouvelles technologies quis’éloignent des méthodes démodéess’appuyant sur le travail manuel etl’épuisement des sols, ne peuvent êtreintégrées que par les jeunes générationsmodernes ! Il est clair qu’un grand nombred’emplois peut être généré en développantl’industrie agro-alimentaire.Quels sont les principaux défis de l’industrieagro-alimentaire en Afrique ?À vrai dire, il y en a beaucoup, à commencerpar une faible productivité dans le secteuragricole due au manque d’intrants agricoles,comme les produits chimiques, les

Lucy Muchoki, PDG duConsortium panafricain del’agrobusiness et de l’agro-industrie (PanAAC).

L’industrie agro-alimentaire en Afrique

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LE MOT DE LA FIN

équipements, le fourrage, les semences,l’énergie, la technologie inadéquate ainsiqu’un mauvais stockage de la production.L’industrie agro-alimentaire elle-mêmesouffre d’un manque de financementabordable et d’accès au crédit et de sous-investissement dans les infrastructures.Davantage d’investissements doivent êtreinjectés pour la durabilité de l’eau, lestockage de la nourriture, l’informatique,les nouvelles sciences et une formationadaptée.

Alors que la mondialisation ouvre denouveaux marchés pour la productionafricaine, elle pose aussi une menacepotentielle pour l’industrie agro-alimentaire en Afrique, notamment avecla concurrence des marchés étrangershabituellement très protégés et biensubventionnés comme ceux de l’Unioneuropéenne et des États-Unis. Dans cesconditions, la concurrence peut être trèsdifficile pour la petite industrie agro-alimentaire en développement enAfrique. La Chine peut égalementprésenter une menace énorme sur lemarché pour les produits agricoles de larégion ainsi qu’en témoigne l’afflux denombreux produits d’exportations enAfrique, notamment en Angola, et dansune moindre mesure, au Mozambique.

Nous manquons également d’unecapacité à livrer des solutionsalimentaires sur l’ensemble de l’année, cequi pourrait être atteint en adoptant desméthodes avancées globalesd’approvisionnement et de logistique. Ilest également nécessaire de mieuxcomprendre les besoins et les exigencesfuturs concernant la présentation duproduit, la durabilité et la traçabilité, desorte que nous puissions les proposeravant nos concurrents et pratiquer desprix avantageux.

Enfin, les gouvernements africains nemettent pas en place de politiquesviables susceptibles de rendre l’industrieagro-alimentaire attractive pour lesinvestisseurs. L’importance del’industrie agro-alimentaire n’est passuffisamment soulignée, les allocationsbudgétaires à l’agriculture sontinadaptées et les cadres juridiques etréglementaires inappropriés conduisent

à des impôts multiples sur les intrants etles produits agricoles.

Il faut aussi noter que depuisl’indépendance, les pays africains ont, enpolitique, continué à poursuivre desprogrammes de libéralisation en vertudesquels ils ont réduit leur soutien àl’agriculture. Ce choix était fondé surl’hypothèse erronée que les forces dumarché récolteraient les mesuresd’incitation ainsi créées. L’espoir que lesforces du marché conduiraient à uneefficacité agricole n’aurait pas dû surgir.Selon moi, ceci est resté un grandproblème parce que le secteur privé, quiétait censé combler le vide laissé par legouvernement, n’était pas prêt.Que faudrait-il faire pour développer unsecteur agro-alimentaire privé efficace etconcurrentiel ? Les gouvernements doivent donner lapriorité à de bonnes politiques etaméliorer le climat pour l’investissementdans l’agro-industrie. Les investisseursprivés doivent disposer d’un bonenvironnement dans lequel opérer : uncadre transparent, des institutionssolides, et un environnementréglementaire clair et efficace. Nousdevons investir et construire desinfrastructures qui permettront depréparer l’industrie agro-alimentaire enAfrique à un avenir où elle sera enmesure de proposer des prix bas et d’êtreconcurrentielle sur les marchés desmatières premières où, par rapport à nosproducteurs, les producteurs d’autrespays ont un avantage certain en matièrede prix bas.

De nouveaux partenariats avec d’autresparties du monde permettraient àl’industrie agro-alimentaire africained’accéder et d’adopter de nouvellestechnologies, et de trouver de nouveauxmarchés ainsi que les investissementsfinanciers nécessaires.

Le secteur agro-alimentaire doit aussilibérer tout le potentiel des petites etmoyennes entreprises qui constituent lesocle du secteur privé africain.Reconnaître le plein potentiel des PMEest essentiel pour optimiser aumaximum la production du secteurprivé et la création d’emplois. n

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Bernstein, Ann – The Case for Business in DevelopingEconomies

Bowes, John (ed.) – The Fair Trade Revolution Cramer, Aron, and Karabell, Zachary – Sustainable

Excellence: The Future of Business in a Fast-Changing World

Halle, Mark – Crossing the Bridge to a carbon-neutralSociety

Hutchens, Anna – Changing Big Business: TheGlobalisation of the Fair Trade Movement

Ocampo, José Antonio – Global Economic Prospectsand the Developing World

Oxfam International – Better Jobs in Better SupplyChains

Reinert, Erik – How Rich Countries Got Rich… and Why Poor Countries Stay Poor

Rodrik, Dani – The Globalization Paradox: Democracyand the Future of the World Economy

Ryan, Orla – Chocolate Nations. Living and Dying forCocoa in West Africa

Stiglitz, Joseph and Charlton, Andrew – Fair Trade forAll: How Trade Can Promote Development

Traidcraft – Material Concerns: How responsiblesourcing can deliver the goods for business andworkers in the garment industry

Wales, Andy, Gorman, Matthew and Hope, Dunstan –Big Business, Big Responsibilities: From Villains toVisionaries: How Companies are Tackling theWorld's Greatest Challenges

http://ictsd.org – The International Centre for Trade andSustainable Development aims to influence theinternational trade system such that it advances thegoal of sustainable development.

http://sustainablecommodities.org – Discovering ways toensure that sustainable practices are adopted intocommodity production and trade to enhance social,environmental and economic welfare on a globalscale.

www.acici.org/aitic – The Agency for International Tradeand Cooperation assists less-advantaged countriesto effectively participate in the World TradeOrganization (WTO) and in the multilateral tradingsystem.

www.cdkn.org – The Climate and DevelopmentKnowledge Network supports developing countriesin tackling the challenges posed by climate change.

www.dw-world.de/dw/0,,13279,00.html – DeutscheWelle’s Ideas for a Cooler World

www.intracen.org – The International Trade Centrehelps developing and transition countries achievesustainable human development through exports.

www.maxhavelaar.ch/en – Fair trade with the MaxHavelaar Foundation.

www.panaac.org – A private sector platform promotingsustainable agribusiness and agro-industry in Africathrough enhanced productivity and competitivenessat national, regional and global levels.

www.shippingefficiency.org – A free-access, beta data-hub designed for ship owners, operators, ports,insurance companies, shipbrokers and otherstakeholders, to factor in vessel efficiencyinformation when making business decisions.

www.southsouth.info – A community of professionalsdedicated to South-South cooperation, knowledgeexchange and learning for development.

www.unido.org/index.php?id=o51261 – Trade capacitybuilding with UNIDO

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Un magazine trimestriel pourstimuler le débat sur les problèmesdu développement industriel global

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