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Making It L’industrie pour le développement 2e trimestre 2011 de la ferme L’agribusiness : à la table n Les solutions à la coca n Nestlé : la création de valeur partagée n Efficacité énergétique n Vandana Shiva n Éthiopie

Making It: l'industrie pour le développement (#6)

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Ce numéro de Making It : l’industrie pour le développement examine certains aspects du vaste concept d’agribusiness, souvent défini comme l’ensemble des activités de la ferme à la table, mais qui comprend également le traitement des matières premières en vue de la production de nombreux produits non alimentaires tels que le textile, le papier et le biocarburant. Le terme d’agribusiness recouvre l’approvisionnement en intrants agricoles, la production et le traitement de produits agricoles ainsi que leur distribution auprès du consommateur. L’agribusiness est un secteur qui compte de grandes sociétés comme les géants Cargill, Archer Daniels Midland (ADM) et Bunge, mais également de petites entreprises comme cet exploitant indien qui fait sécher le riz à l’aide de sa mobylette.

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MakingItL’industrie pour le développement

2e trimestre 2011

de la ferme L’agribusiness :

à la table

n Les solutions à la coca

n Nestlé : la création de valeur partagée

n Efficacité énergétiquen Vandana Shivan Éthiopie

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Un magazine trimestriel. Stimulant, critique etconstructif. Forum de discussion et d’échange aucarrefour de l’industrie et du développement.

Numéro 2, avril, 2010lAprès Copenhague » : Bianca Jagger appelle à des mesures immédiates pour éviter une catastropheclimatique lNobuo Tanaka de l’Agence internationale de l’énergie cherche à lancer la transitionénergétique de l’industrie l L’énergie pour tous » : Kandeh Yumkella et Leena Srivastava nous parlentdes mesures à prendre pour améliorer l’accès à l’énergie lCes femmes entrepreneuses quitransforment le Bangladesh lPartout sous le soleil » : le PDG de Suntech, Zhengrong Shi, nous parledu pouvoir de l’énergie solaire lSujet brûlant : les avantages et les inconvénients des biocarburants lPolitique en bref : le financement des énergies renouvelables, les prix de rachat garanti

Numéro 3, juillet 2010l L’impressionnant essor économique de la Chine : Entretien avec le ministre du commerce, Chen Deming l Jayati Ghosh au sujet de la politisation de la politique économique l« Vers undébat plus productif » – Ha-Joon Chang demande d’accepter l’idée que la politique industrielle peutfonctionner l Le président de la banque mondiale Robert Zoellick, au sujet de la modernisation dumultilatéralisme l« Écologisation de l’économie mexicaine » – Juan Rafael Elvira Quesada lSujet brûlant : La microfinance fonctionne-t-elle ? lPolitique en bref : Secteur privé etdéveloppement ; le pouvoir des capitaux patients

Numéro 4, novembre 2010lRenforcer la capacité productive – Cheick Sidi Diarra soutient que les PMA doivent, et peuvent, produiredavantage de biens et de services de meilleure qualité lMilford Bateman nous parle des alternatives à lamicrofinance par la banque communautaire lKiribati, petit pays, grand sacrifice : entretien avec le présidentAnote Tong lUn défi au pas de la porte – Le conseil mondial des entreprises pour le développement durable Patricia Francis nous parle du changement climatique et du commerce lSujet brûlant : la pertinence del'entrepreneuriat pour le développement économique lPolitique en bref : Investissement dans les énergiesrenouvelables en Inde ; promotion des capacités d'innovation industrielle

Numéro 5, février 2011lUne fenêtre d’opportunité pour le commerce mondial ? – Peter Sutherland évalue les possibilités de la conclusiond’un accord commercial multilatéral lEn route vers une prospérité mutuelle – Xiao Ye se penche sur les échangesentre l’Afrique subsaharienne et la Chine lDéveloppement compatible avec le climat – Comment éviter lesconséquences négatives liées au changement climatique ? Article de Simon Maxwell lTimor oriental – De ladépendance à l’aide aux revenus des ressources – Entretien avec Son excellence le président José Ramos-Horta lColin McCarthy remet en question l’approche de l’intégration régionale en Afrique lSujet brûlant : Lesreprésentants des secteurs du transport maritime et aérien tentent d’endiguer l’augmentation des niveaux de CO2 lPolitique en bref : les normes privées ; une nouvelle approche de la croissance basée sur l’exportation ; la politiqueindustrielle de l’UE

Numéro 1, décembre, 2009lRwanda means business: interview with President Paul Kagame lHow I became an environmentalist:A small-town story with global implications by Phaedra Ellis-Lamkins, Green For All l ‘We must letnature inspire us’ – Gunter Pauli presents an alternative business model that is environmentally-friendlyand sustainable lOld computers – new business. Microsoft on sustainable solutions for tackling e-waster lGreen industry in Asia: Conference participants interviewed lHot Topic: Is it possible to haveprosperity without growth? Is ‘green growth’ really possible? lPolicy Brief: Greening industrial policy;Disclosing carbon emissions

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Ce numéro de Making It : l’industrie pour le développement examine certainsaspects du vaste concept d’agribusiness, souvent défini comme l’ensemble desactivités de la ferme à la table, mais qui comprend également le traitement desmatières premières en vue de la production de nombreux produits nonalimentaires tels que le textile, le papier et le biocarburant. Le termed’agribusiness recouvre l’approvisionnement en intrants agricoles, laproduction et le traitement de produits agricoles ainsi que leur distributionauprès du consommateur. L’agribusiness est un secteur qui compte degrandes sociétés comme les géants Cargill, Archer Daniels Midland (ADM) etBunge, mais également de petites entreprises comme cet exploitant indien quifait sécher le riz à l’aide de sa mobylette dans la photo ci-dessous.

Comme l’a souligné Kanayo Nwanze, l’agribusiness est la solution à deuxgrands défis de notre époque : réduire la pauvreté chez les petits agriculteurset nourrir la population croissante du monde. L’agribusiness représentel’espace crucial entre les 500 millions de petites exploitations agricoles et lessept milliards d’humains qui ont faim. Patrick Kormawa aborde ce thèmedans le cadre de l’Afrique subsaharienne et expose un nouveau cadre deréférence stratégique pour le développement de l’agribusiness capable destimuler la croissance et de réduire la pauvreté sur le continent.

Cependant, le secteur agro-industriel, s’étant développé au cours desdernières décennies, peut-il continuer à exister dans un monde de plus enplus préoccupé par les émissions de gaz carbonique, la pénurie d’eau et lesmenaces qui pèsent sur la biodiversité ? Dans ce numéro également,l’Égyptien Helmy Abouleish et l’Indienne Vandana Shiva mettent en avant lesmérites des intrants de l’agriculture biologique ; Paul Bulcke, PDG de la plusgrande entreprise agroalimentaire au monde, explique comment Nestléparticipe à toutes les étapes de la chaîne de valeur agricole ; Guillermo Garcíadévoile comment les produits agro-industriels peuvent représenter unesolution viable à la coca en Colombie ; enfin, Johanna Sorrell se demande si laproduction d’huile de palme, en forte hausse, peut être durable.

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Éditorial

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Éditeur : Charles [email protected]é éditorial : Ralf Bredel, Tillmann Günther, Sarwar Hobohm,Kazuki Kitaoka, Wilfried Lütkenhorst(président), Cormac O’Reilly et JoRoetzer-SweetlandSite Web et assistance : Lauren [email protected] de la couverture : Dave GranlundDesign : Smith+Bell, UK –www.smithplusbell.comMerci à Donna Coleman pour son aideImprimé parGutenberg PressLtd, Malte –www.gutenberg.com.mtsur un papier certifié FSC Pour consulter cette publication en ligneet pour participer aux discussionsportant sur l’industrie pour ledéveloppement, rendez-vous surwww.makingitmagazine.netPour vous abonner et recevoir lesprochains numéros de Making It,veuillez envoyer un e-mail contenantvotre nom et votre adresse à[email protected] It: L’industrie pour ledéveloppement est publié parl’Organisation des Nations Unies pourle développement industriel (ONUDI),Vienna International Centre, P.O. Box 300, 1400 Vienne, AutricheTéléphone : (+43-1) 26026-0,Fax : (+43-1) 26926-69E-mail : [email protected] © 2011 The United NationsIndustrial Development Organization Aucun extrait de cette publication nepourra être utilisé ou reproduit sansl’accord préalable de l’éditeurISSN 2076-8508

Sommaire

FORUM MONDIAL6 Lettres8 Un printemps arabe pour les femmes ? Lina Abou-Habib se demande si lesrévolutions du Moyen-Orient et d’Afrique duNord peuvent permettre l’émancipationéconomique des femmes ou si le patriarcatmaintiendra son emprise 10 Sujet brûlant : l’efficacité énergétiqueentraîne-elle une augmentation de laconsommation d’énergie ? Jesse Jenkins etHarry Saunders décrivent l’importance del’effet rebond, tandis que Marianne Moscoso-Osterkorn avance l’idée que les mesures visantà améliorer l’efficacité énergétique sonttoujours justifiées

16Affaires des affaires– Actualités et tendances

ARTICLES18 Le secteur agroalimentaire : un moyen pourl’Afrique de sortir de la pauvreté – PatrickKormawa soutient que pour réduire lapauvreté, il est essentiel de passer à un modèlede croissance fondé sur le développement dusecteur agroalimentaire

MakingItL’industrie pour le développement

Les appellations employées et la présentationréalisée des contenus de ce magazinen’impliquent en aucun cas l’expressiond’opinions de la part du Secrétariat del’Organisation des Nations unies pour ledéveloppement industriel (ONUDI)concernant le statut légal de quelconque pays,territoire, ville, région ou de ses autorités, niconcernant la délimitation de ses frontières oulimites, ni concernant son systèmeéconomique ou son degré de développement.Les termes « développé », « industrialisé » et «en développement » sont utilisés pour desraisons de commodité statistique et n’exprimepas nécessairement de jugement sur le niveaude développement atteint par un pays ou unerégion en particulier. L’évocation de nomsd’entreprises ou de produits commerciaux neconstitue en aucun cas un soutien de la part del’ONUDI. Les opinions, données statistiques etestimations contenues dans les articles signésrelèvent de la seule responsabilité de l’auteur oudes auteurs, y compris ceux qui sont membresou employés de l’ONUDI. Vous ne devez doncpas considérer qu’elles reflètent les opinions ouqu’elles bénéficient du soutien de l’ONUDI. Cedocument a été produit sans avoir étéofficiellement révisé par les Nations Unies.

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Numéro 6, 2e trimestre 2011

22 Comment décrocher de la coca – Guillermo Garcíaexplique comment le passage à une agricultureindustrielle peut aider les paysans colombiens àabandonner la culture de la coca pour se tourner versdes activités légales et plus sûres

ARTICLE PRINCIPAL24 Nourrir un monde surpeuplé – Selon KanayoNwanze, il faut offrir aux petits exploitants agricolesl’opportunité d’agir en tant qu’entrepreneurs plutôtqu’en simples spectateurs dans les nouveaux marchéspotentiellement fructueux qui se développent

30 ‘Création de Valeur Partagée’ pour la société et lesactionnaires – Le PDG de Nestlé, Paul Bulcke,reconnaît que le succès de l’entreprise dépend de lacréation d’une valeur ajoutée pour toutes lespersonnes concernées32 Une agriculture pour l’avenir – Pour HelmyAbouleish, directeur général du groupe SEKEMd’Égypte, l’agriculture biodynamique est la seulefaçon de parvenir à une compétitivité à long terme

34 Zoom sur un pays : Éthiopie – En passede tracer sa propre voie Il y a, selon Peter Gill, de véritables raisonsd’être optimiste, et le Premier ministreMeles Zenawi fait part de sa vision dudéveloppement durable en Éthiopie38 L’huile de palme peut-elle être durable ?– Johanna Sorrell examine les différentesoptions de l’industrie de l’huile de palme40 Rester en vie – Entretien avec VandanaShiva, militante pour l’environnement

POLITIQUE EN BREF42 Crises alimentaires : on recherche desarchitectes43 Le conditionnement : la solution pourplus de nourriture et pour un plus granddéveloppement économique44 Biocarburants : éthique et politique

46 Le mot de la fin – Andy Sumner parledu « nouveau milliard d’en bas »

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LETTRES

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La prospéritépour qui ?Dans le numéro 5, LucyMuchoki explique quel’industrie agroalimentaireafricaine est menacée par « laconcurrence des marchésétrangers qui sontgénéralement puissammentprotégés et subventionnés ».Elle relate également quel’agroalimentaire africain doit« concurrencer, sur le marchédes produits de base à basprix, les producteurs d’autrespays qui ont acquis en termesde coût un fort avantage surnos producteurs locaux. »

Cette situation est lerésultat direct du cadrerégissant le commerceinternational que PeterSutherland tente avec tantd’énergie de préserver. PourSutherland, « la prospéritédécoule de notre dépendanceéconomique mutuelle ». Laprospérité pour qui ?l Janice Jones, Banjul, Gambie

Timor oriental L’entretien avec le présidentRamos-Horta est excellente.C’est inhabituel et original devoir un leader politiques’exprimer aussifranchement. Tous mes vœuxvont au président et auTimor oriental. J’espère quele pays pourra continuer àincarner la façon dont lesrevenus du pétrole et du gazpeuvent être mis au servicede l’intérêt de toute lapopulation. l Jane Godwin, reçu parcourrier électronique

Une nouvelleapprocheJ’ai aimé le bref article intitulé «Industrie textile : une nouvelleapproche » (Making It, numéro 5)au sujet de l’usine d’Alta Graciaen République dominicaine, oùles travailleurs ont le droit de sesyndiquer et reçoivent un salairequi leur permet de vivre. J’ai étéparticulièrement frappé par lesdernières lignes de l’article quiindiquent que les autresentreprises du village prospèrentparce que les travailleurs del’usine d’Alta Gracia gagnentsuffisamment d’argent pour qu’ilen reste une fois les nécessités debase couvertes. Ils dépensent leurargent et les autres entreprises enprofitent.

Il semble évident que leversement de salaires décents aitdes répercussions bénéfiques sur

l’économie à un niveau supérieur,mais cette idée n’a manifestementjamais fait son chemin chez les «experts » de la Banque mondialeet du FMI qui continuent de fairepression sur des pays commeHaïti pour qu’ils maintiennentles salaires au niveau le plus baspossible afin d’attirerl’exploitation étrangère... pardon,l’investissement étranger. l Jean-Baptiste Jean, Montréal,Canada

Le juste équilibreJ’ai toujours un grand plaisir àlire les articles du magazineMaking It ainsi que ceux quisemblent être exclusivementpubliés sur le site. J’apprécienotamment l’équilibre entre lesrecherches et les rapportsprésentés dans les articles d’unepart, et les auteurs de haut niveauque vous choisissez d’autre part,

équilibre qui rend l’informationaccessible aux personnes commemoi. Je pense que votredémarche consistant à publierun large éventail de points devue sur un même sujet permetvraiment au lecteur de se forgersa propre opinion. Je suisimpatiente de découvrir leprochain numéro surl’agribusiness et notamment delire des articles sur l’impact decette industrie sur la populationet ses moyens d’existence. l Émile Potolsky, reçu par courrierélectronique

Moins cher, plusrapide, plus sûr Je suis choqué de lire que les «verts » britanniques, en dépit dela catastrophe survenue auJapon, maintiennent quel’énergie nucléaire est la seulealternative aux combustiblesfossiles (site web du magazineMaking It). Ils devraient relire lespropos d’Amory Lovins, vétérande l’écologie et analysteénergétique : « Les centralesnucléaires sont si longues etcoûteuses à construire qu’ellesréduisent et retardent laprotection du climat. Je vousexplique. Chaque dollar dépensédans un nouveau réacteur achète2 à 10 fois moins d’économiescarbone, et 20 à 40 fois pluslentement, que le même dollardépensé dans une solutionmoins chère, plus rapide et plussûre qui rend l’énergie nucléaireà la fois inutile et contraire àl’intérêt économique : cettesolution peut être une utilisationplus efficace de l’électricité, laproduction de chaleur etd’électricité dans des usines oudes bâtiments (cogénération) etles énergies renouvelables. » l Şemseddin Sami, commentairesur le site Internet

La section « Forum Mondial » de Making It est un espace d’interaction et de discussions, dans lequelnous invitons les lecteurs à proposer leurs réactions et leurs réponses à propos de tous lesproblèmes soulevés dans ce magazine. Les lettres destinées à la publication dans les pages deMaking It doivent comporter porter la mention « Pour publication » et doivent être envoyées parcourrier électronique à l’adresse : [email protected] ou par courrier à : The Editor,Making It, Room D2138, UNIDO, PO Box 300, 1400 Vienne, Autriche. (Les lettres ou les courriersélectroniques peuvent faire l’objet de modifications pour des raisons d’espace).

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Ramos-Horta, présidentdu Timor oriental : « il estoriginal de voir un leaderpolitique s’exprimer aussifranchement. »

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Un vent demalheurJ’ai récemment parcouru lenuméro 2 de votre magazine («Le vent du changement ») et j’aitrouvé que c’était un excellentcomplément au débat sur lafaçon de, selon vos proprestermes, « favoriser les activitésproductives en alimentant lesoutils, les machines et lesprocessus de fabrication par desmoyens ayant un impactmoindre, ou nul idéalement, surnotre environnement ».

Le terrible tremblement deterre et le tsunami qui ont frappéle Japon en mars sont unpuissant témoignage de la forceextraordinaire de la nature. Lescauses des tremblements deterre sont sans rapport avecl’intervention humaine, maisnous savons que leréchauffement climatiqueaccroît la fréquence desévénements météorologiquesextrêmes et donc les probabilitésde subir de nouvellescatastrophes, à l’image de cellesqui ont touché Haïti, le Chili, laNouvelle-Zélande et maintenantle Japon.

Il me semble que lacatastrophe nucléaireprovoquée par le tsunami à lacentrale de Fukushima au Japonest la preuve que nous devonsremettre en question notredépendance toujours plusgrande vis-à-vis du nucléairedans la réduction des émissionsde CO2. Voilà de possibles «vents du changement » qui medonnent tant d’émotions.Lorsque le président japonaisNaoto Kan a annoncé que sonpays allait abandonner lesprojets d’extension del’industrie nucléaire, la nouvellea évidemment été bienaccueillie. Il a déclaré : « ...il est

nécessaire de s’orienter vers lapromotion des énergiesnaturelles et renouvelablestelles que le vent, le solaire et labiomasse ».l Steven Sedgley, Nottingham,Royaume-Uni

Making doJ’ai le plaisir d’annoncer lapublication de mon livregratuit, Making Do: Innovation inKenya’s Informal Economy, quitente d’approfondir notrecompréhension des systèmesd’innovation entourant lesingénieurs-entrepreneurs depetite échelle en Afrique. Cettecompréhension peut nouspermettre de mieux collaborerpour l’industrialisation du Sud

et améliorer nos proprestravaux ici au Nord – unmessage qui, je le pense,trouvera un écho favorable ausein des communautés deMaking It et de l’ONUDI.

C’est le premier ouvrageconsacré à l’innovation localeen Afrique en plus de 15 ans etj’espère atteindre un public leplus large possible afin deprovoquer le débat et ded’encourager l’action parmi lescommunautés de la conception,de l’entreprise et dudéveloppement. C’est pour celaque Making Do est disponiblegratuitement en ligne :http://analoguedigital.com/makingdo l Steve Daniels, New York, États-Unis

En ligneJe prends depuis longtempsplaisir à lire Making It et àm’informer des dernièresproblématiques dudéveloppement industriel. J’airécemment remarqué que lemagazine était égalementdisponible sous formenumérique sur le site web. Au vudes efforts visant à réduirel’utilisation de papier pour lebien de l’environnement, jesouhaiterais contribuer en lisantle magazine en ligne plutôt quedans sa version imprimée. Jesouhaiterais donc demander larésiliation de mon abonnementau magazine papier.l Dr Antonis Gitsas, Vienne,Autriche

EauL’eau est une problématique depremier plan et je suis surprisqu’elle n’ait pas encore étémentionnée dans une édition deMaking It. Quelle place cetteressource épuisable occupe-t-elledans le développementindustriel durable ? D’aprèsl’Organisation mondiale de lasanté, le problème empire avec lacroissance des villes et despopulations ainsi que laconsommation toujours plusimportante de l’agriculture et del’industrie.

Continuer d’utiliser sanscompter cette ressource et biend’autres au nom de la croissanceéconomique revient à mordre lamain qui nous nourrit. Je croisque Making It pourrait lancer undébat pertinent sur la questionde l’utilisation et de l’abus desressources ainsi que sur lessolutions pour remédier à unsystème qui encourage cesattitudes. l Peter Lund, reçu par courrierélectronique

Pour toute discussion complémentairerelative aux sujets évoqués dansMaking It, veuillez accéder au site Web du magazine, à l’adressewww.makingitmagazine.net et à la pageFacebook du magazine. Les lecteurssont invités à parcourir ces sites et àparticiper aux discussions et aux débatsen ligne à propos du secteur pour ledéveloppement.

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Au cours des derniers mois, le spectacle desrévolutions populaires en marche au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MOAN) a étéune expérience à la fois passionnante etsurréaliste. En effet, au fil des jours et dessemaines, nombre de mes prévisions etprédictions se sont avérées fausses. Dans lecas de la Tunisie, j’étais véritablementconvaincue que le soulèvement n’entraîneraitaucun changement radical et qu’en l’absenced’alternative viable, Ben Ali et ses sbiresconserveraient le pouvoir. J’avais tort... et c’estla même chose en Égypte. Qui aurait puimaginer que l’oligarque tout-puissant et safamille abandonneraient le pouvoir ? Lesévénements ont effectivement pris un tour àla fois passionnant et surréaliste.

Toutefois, ce qui m’a plus frappée encoreest ce qu’une amie féministe d’Égypte a décritcomme « des changements sociaux radicauxet profonds ». Comme beaucoup d’autres, elleaffirmait que « les femmes sont

omniprésentes » et « [qu’]il n’y a absolumentaucun incident de harcèlement sexuel sur laplace Tahrir ». Les médias du monde entieront filmé et acclamé la participation visibledes femmes dans toutes les manifestationsde la révolution égyptienne. Pendant uninstant de l’histoire, la société a parudépasser la violence sexiste, les préjugés et ladiscrimination à l’égard des femmes.Pendant un instant de l’histoire, denombreuses femmes d’Égypte ont faitl’expérience de l’égalité, du leadershipcollectif et de la participation pleine etentière à la vie publique et politique. Pendantcet instant, leurs voix et leurs gestes ontcompté.

Certaines organisations de femmes ontcherché à saisir cet instant. Dans un passépeu éloigné de nous, les femmes qui avaientparticipé aux mouvements de libération et delutte contre les forces coloniales ont étérapidement oubliées et remises à leur place, à

la maison... Une autre collègue féministe m’adit qu’elles s’efforçaient, de manièresystématique, de « prendre des photos,recueillir des témoignages et documenteravec force détails ce que les femmes avaientfait pour rendre cette révolution possible...pour ne pas oublier ». Mais nous avonsoublié.

L’activité politique qui a suivi lerenversement du dictateur est apparuepresque entièrement conduite par leshommes. Lors de la Journée internationaledes droits de la femme, le 8 mars, descentaines de femmes se sont rassembléesplace Tahrir pour réclamer un rôle plusimportant dans la construction de leurnouveau pays. Elles ont été attaquées par deshommes furieux qui leur ont crié de rentrerchez elles. Quels que soient les responsableset les raisons qui les ont motivés à commettredes actes aussi haineux, ce fut un triste rappelque l’égalité entre les sexes et les droits desfemmes ne sont en rien garantis. Au-delà desdifférentes analyses de ces incidents et deleurs causes, beaucoup d’entre nous ontchoisi de les interpréter comme un rappelviolent que les femmes ne doivent pas et nepeuvent pas occuper la sphère publique.

Si la simple présence des femmes dans lasphère publique n’est ni acceptée ni toléréepar certains et qu’elle n’est ni protégée nidéfendue par beaucoup d’autres qui ontcombattu pour la révolution, le changementet la transformation, alors quel avenir attendles femmes dans l’ère post-révolution ?

La participation des femmes dans la régionMOAN a toujours été extrêmement faible, enparticulier au niveau de la vie politique mais

Un printemps arabepour les femmes ?

Lina Abou-Habib se demande si les révolutions du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord peuventpermettre l’émancipation économique des femmesou si le patriarcat maintiendra son emprise.

LINA ABOU-HABIB est la fondatrice et ladirectrice du Collective for Research andTraining on Development-Action (Collectif pourla recherche et la formation sur l’action pour ledéveloppement) (CRTDA), basée à Beyrouth ettravaille dans tout le monde arabe. Elle est laprésidente de l’Association pour les droits de lafemme et le développement (AWID).

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aussi dans le secteur économique formel. Lesinstitutions sociales patriarcales et lesvaleurs, les pratiques et même le cadre légalqu’elles véhiculent sont des instrumentsefficaces et puissants pour le maintien desfemmes dans une position de dépendance etde subordination. En dépit des diversesréformes et pseudo-réformes appliquées cesdix à vingt dernières années, les tribunauxreligieux qui traitent les affaires familiales nereconnaissent et ne codifient toujours pas leconcept d’égalité. Le foyer est invariablementconsidéré comme une institution sacro-sainte et intouchable ; dans la plupart des caset pratiquement partout, cela signifie quetoutes les formes de discrimination à l’égardde femmes et de violation de leurs droitspeuvent avoir lieu dans une impunité quasitotale. Les institutions économiques de larégion MOAN sont loin d’être égalitaires etd’offrir un accès égal aux femmes et auxhommes. Inégalité des salaires,discrimination sur le lieu de travail, plafondsde verre, harcèlement sexuel, pénalisationdes rôles maternels et familiaux des femmes,travail de sape ancestral vis-à-vis duleadership féminin... tous ces facteurscontribuent à l’exclusion des femmes de lasphère économique.

En Égypte par exemple, les femmes sontprincipalement représentées dans le secteuragricole, fort peu réglementé, où le travail desfemmes est souvent confondu,inconsciemment ou non, avec leurs autrestâches domestiques, non négociables et nonreconnues. Dans les secteurs plus prospèreset mieux payés des services, de l’industrie etdu commerce, la participation des femmesest de moins de 13 % et elles sont peu visiblesdans les échelons supérieurs de direction. La participation des femmes au sein dusecteur informel, non réglementé et souventassimilable à de l’exploitation, atteint 46 % enÉgypte, ce qui renforce l’invisibilité desfemmes. En Tunisie, malgré une meilleureréputation en matière d’égalité entre lessexes, le sort des femmes n’est pas bienmeilleur : elles constituent 55 % de la main-d’œuvre dans l’agriculture mais sont moinsde 22 % dans le secteur des services !

Si l’exclusion et la discrimination à l’égarddes femmes dans la région MOAN, commedans bien d’autres régions, constituent unphénomène établi et institutionnalisé qui se

manifeste autant dans le foyer que dans lesinstitutions sociales plus vastes, y compriscelles de l’État, alors quel changement lesrévolutions apportent-elles aux femmes ?

La question la plus cruciale qui vient àl’esprit est sans doute la suivante : le ventnouveau du changement qui continue desouffler sur la région MOAN est-il porteurd’un véritable projet, d’une volonté sincère,d’un engagement vis-à-vis de l’égalité entreles sexes ? En d’autres termes, les révolutionsremettent-elles en question le caractèreprétendument sacré de la sphère privée ?Est-ce qu’elles reconnaissent les femmescomme des citoyennes à part entière, quelque soit l’endroit où elles se trouvent, à lamaison, au travail ou dans la sphèrepublique ? Les inégalités continueront-ellesd’être protégées par l’impunité ou seront-elles combattues ? Et dans ce dernier cas,comment ? Allons-nous vers l’intériorisation,l’appropriation et la pratique d’unecitoyenneté inclusive ? La diversité sera-t-ellerespectée et défendue ? Les droits sexuels etle droit des femmes sur leur propre corpsdeviendront-ils une réalité ?

Pour résumé, comment, et sur quellebase, les nouveaux États émergents vont-ilsreconstruire des institutions sociales quine soient pas patriarcales ? Comment lesinstitutions sociales de la région MOANseront-elles tenues pour responsables del’égalité des sexes, surtout dans un contexteoù le simple concept de responsabilité del’État vis-à-vis des citoyennes et descitoyens est, en soi, une nouveauté ?

À ce moment de l’histoire, cinq moisaprès le début de la « Révolution de jasmin» en Tunisie et son effet de contagion danstoute la région, il est impossible deregarder dans une boule de cristal et deprédire si ces bouleversementsapporteront plus ou moins d’opportunités,d’emplois, de liberté et d’émancipation auxfemmes et aux filles. Toutefois, on peut diresans crainte que si l’on ne pose pas cesquestions difficiles, et sans une volontésincère de remettre en question, detransformer et de contrôler les institutionspatriarcales, l’égalité entre les sexes nerestera qu’un rêve lointain pour lesfemmes de la région MOAN. n

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JESSE JENKINS est le directeur de laPolitique énergie et climat du BreakthroughInstitute et l’auteure principale, aux côtés deTed Nordhaus et de Michael Shellenberger,de Energy Emergence: Rebound andBackfire as Emergent Phenomena(Émergence énergétique : le phénomèneémergent du rebond et du retour deflamme). HARRY SAUNDERS est le directeurexécutif de Decisions ProcessesIncorporated, cabinet de conseil spécialisédans la gestion d’entreprise et la prise dedécision, et c’est un membre éminent duBreakthrough Institute.

L’efficacité énergétique est largementconsidérée comme un moyen peu coûteuxde réduire la consommation d’énergie etles émissions mondiales de gaz à effet deserre. Les politiques d’efficacité

énergétique figurent en bonne place dansles boîtes à outils de nombreuxgouvernements nationaux, d’agencesinternationales de développement etd’ONG. L’Agence internationale del’énergie (AIE) comme le Groupeintergouvernemental d’étude deschangements du climat (GIECC) estimentque ce sont les mesures d’efficacitéénergétique qui donneront les meilleursrésultats dans l’effort de réduction desémissions, nécessaire pour stabiliser leclimat mondial. C’est surtout dans leséconomies émergentes que l’on metl’accent sur l’efficacité, car obtenir unmeilleur rendement énergétique endiminuant la consommation semble, dansces pays, la meilleure voie vers unecroissance durable et la réduction durisque climatique.

L’efficacité énergétiqueentraîne-t-elle uneaugmentation de laconsommation d’énergie ?

En février 2011, le BreakthroughInstitute a publié un examen complet desétudes existantes et des preuves d’un effetde rebond, étude qui a conclu qu’unegrande partie des économies d’énergieissues de gains d’efficacité énergétique àmoindre coût est érodée par un effet derebond de la demande. Dans certains cas,le rebond dépasse l’économie réalisée, sibien que le gain d’efficacité entraîne uneaugmentation de la consommationd’énergie dans un effet de retour deflamme.

JESSE JENKINS et HARRY SAUNDERSdécrivent l’importance de cet effet derebond. En réponse à cela, MARIANNEMOSCOSO-OSTERKORN, directricegénérale du Renewable Energy andEnergy Efficiency Partnership (Partenariatpour l’énergie renouvelable et l’efficacitéénergétique) (REEEP) avance l’idée quel’efficacité énergétique offre des avantagesconsidérables sur le plan économique etsur celui de la sécurité énergétique, et quedes mesures visant à l’améliorer sonttoujours justifiées.

SUJET BRÛLANT

Repenser le rebond etl’efficacité

Plus efficace

Moins efficace

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Toutefois, de récentes recherches et denouveaux rapports rédigés par chacund’entre nous mettent en avant unphénomène économique puissant maislargement négligé, qui exige de repenserglobalement l’efficacité énergétique et sonrôle dans les stratégies d’atténuation duchangement climatique et de développementdurable : l’effet de rebond.

Des mesures véritablement rentablesd’efficacité énergétique ont pour effet debaisser le prix de revient des services dérivésde la consommation de carburant (chauffage,climatisation, transports, processusindustriels, etc.), ce qui entraîne une haussede la demande chez les consommateurs et lesindustriels. On observe d’autres effetsindirects sur l’ensemble de l’économie : lesconsommateurs dépensent l’argentéconomisé grâce à l’efficacité énergétique en

achetant d’autres produits et servicesconsommateurs d’énergie, les secteursindustriels s’adaptent aux changements duprix relatif des produits finaux etintermédiaires, si bien qu’une productivitéénergétique accrue stimule la croissanceéconomique dans son ensemble. Priscollectivement, ces mécanismeséconomiques entraînent un rebond de lademande en services énergétique. Et cerebond peut éroder une bonne partie, quandce n’est pas la totalité, des réductionsattendues de la consommation d’énergie etsurtout des indispensables diminutions desémissions de gaz à effet de serre.

De plus, les effets de rebond sont souventplus prononcés dans les secteurs productifsde l’économie comme l’industrie etl’agriculture, et dans les économiesémergentes du monde.

Tout sauf linéaire et directCes effets de rebond vont à l’encontre d’unehypothèse fondamentale de l’analyse et desprévisions conventionnelles en matièred’énergie et de climat : l’idée qu’uneamélioration de l’efficacité énergétiqueentraîne une réduction linéaire, directe, « unpour un » de la consommation globale del’énergie.

Les estimations des réductions de laconsommation d’énergie et des émissionsrendues possibles par un gain d’efficacitésont généralement dérivées de modèlesd’ingénierie verticaux et de la déterminationdes opportunités de gain d’efficacitédisponibles dans chaque secteuréconomique. Les analystes additionnentensuite les mesures d’efficacité disponiblesdans chaque secteur pour déterminer lesgains possibles pour l’économie dans son ‰

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On trouve aujourd’hui des indicationsde score d’efficacité énergétique dansde nombreux bâtiments neufs ainsique sur les appareils électroménagerset électroniques.

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moins dans l’atelier. Pourtant, encore unefois, une productivité accrue de la main-d’œuvre réduit le coût de production,augmente la demande pour les produitsconcernés et ouvre de nouveaux marchés peurentables auparavant. Elle libère de l’argentqui peut être réinvesti dans d’autresdomaines de production et crée de nouveauxemplois dans d’autres secteurs d’activités.Toutes ces dynamiques entraîne un rebondde la demande de main-d’œuvre.

Au niveau macroéconomique, on sait quel’amélioration de la productivité de la main-d’œuvre est un moteur de croissanceéconomique, qu’elle crée de nouvellesmanières rentables d’utiliser le travail etqu’elle augmente le nombre d’emplois globalplutôt qu’elle ne le réduit. En dépit deshypothèses simplifiées qui caractérisent lesprévisions et les analyses énergétiques, laréalité est que l’énergie ne se comporte pasdifféremment de la main-d’œuvre, desmatières premières ou du capital.

Le rebond sera sans doute plus puissantdans les régions où on l’étudie le moinsDes dizaines d’études universitaires ontexaminé les données empiriques, réalisé desenquêtes de modélisation et évalué l’échelledes effets de rebond. L’ampleur de l’effet derebond varie selon le type d’amélioration del’efficacité énergétique et le secteuréconomique concerné. Il semble toutefoisque les cas ayant fait l’objet des recherches lesplus intenses soient précisément ceux danslesquels le rebond était le plus faible :l’amélioration de l’efficacité dans les servicesénergétiques destinés aux consommateursfinaux, dans les économies riches etdéveloppées. Cela inclut les gains d’efficacitédans le transport des personnes, le chauffageet la climatisation des logements ainsi que lesappareils électriques domestiques. Dans ceséconomies, des consommateurs relativementriches bénéficient déjà pleinement de laplupart des services énergétiques ou n’ensont pas loin. Un consommateur n’a pasvraiment avantage à chauffer son logementau-delà d’une température ambianteconfortable, même si l’efficacité du chauffages’améliore.

L’augmentation directe de la demandepour ces services énergétiques, due à la baissede leur prix apparent, est donc relativement

modeste et n’érode généralement que 10 à 30% de l’économie d’énergie d’origine, voiremoins.

En prenant en compte les effets indirects etmacroéconomiques supplémentaires, lerebond total de la demande en énergie peutéroder 25 % à 33 % des économies d’énergieissues des mesures d’efficacité destinées auxutilisateurs finaux dans les pays développés.

Toutefois, la consommation de services àdestination des utilisateurs finaux dans lesnations les plus riches du monde est loind’être symptomatique des tendances del’économie globale. En fait, c’est ailleurs quel’on trouve les effets de rebond les plusimportants : dans les secteurs productifs del’économie qui consomment la majeurepartie de l’énergie quel que soit le pays, etdans les économies émergentes quiabriteront l’essentiel de la future croissancede la demande énergétique.

Les économies émergentesÀ l’opposé de la situation des pays les plusriches, la demande en services énergétiques

ensemble, puis soustraient ces gainsd’efficacité à des prévisions deconsommation d’énergie basées sur lemaintien des activités à l’identique. Cetteméthode de base est au cœur des stratégieslargement répandues de McKinsey andCompany, de l’AIE et du GIECC.

Le plus grave est que ces études n’envisageaucun effet des gains d’efficacité énergétiquesur l’activité économique ou la demande enservices énergétiques. De cette façon, onconsidère qu’un pourcentage donné de gaind’efficacité entraîne simplement etdirectement une réduction de laconsommation totale d’énergie selon unpourcentage équivalent et égal. Pourtant, enréalité, l’économie est tout sauf directe,linéaire et simple, surtout lorsqu’elle réagit àdes variations dans les prix relatifs desproduits et des services.

Lorsqu’un produit, un service ou un intrantde production voit son prix diminuer, lesconsommateurs et les entreprises enutilisent plus, lui trouvent de nouveauxusages rentables et, surtout, réinvestissent leséconomies réalisées dans d’autres activitésproductives. Dans le même temps, touteamélioration nette de la productivitéénergétique contribue à la croissanceéconomique.

Il n’y a pas de paradoxeSouvent appelé « paradoxe de Jevons »d’après l’économiste britannique qui a, lepremier, observé ce mécanisme dans untraité de 1865, l’effet de rebond est en fait leproduit de principes économiques bienconnus : l’élasticité de la demande, lasubstitution et la contribution de laproductivité à la croissance économique.

Les économistes n’avanceraient jamais, parexemple, qu’une amélioration de 10 % de laproductivité de la main-d’œuvre aurait poureffet de réduire la demande globale en main-d’œuvre de 10 % dans l’ensemble del’économie.

À l’échelle d’une usine ou d’une chaîned’assemblage, l’amélioration de laproductivité de la main-d’œuvre peutéventuellement permettre au site defonctionner avec quelques employés en

SUJET BRÛLANT‰

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est loin d’être saturée dans le monde endéveloppement. Il faut rappeler qu’environun tiers de la population mondiale nedispose pas d’un accès suffisant aux servicesénergétiques modernes de base.

Dans les économies émergentes, le coût etla disponibilité des services énergétiques estsouvent le principal frein à leur utilisation.La demande est donc bien plus élastique(réactive aux variations de prix) et les effets derebond ont une ampleur bien plus grandeque dans les économies développées. Toutcela explique l’envergure de l’effet de rebond.

Très peu d’études ont soigneusementexaminé les dynamiques de rebond dans leséconomies en développement, mais cellesqui l’ont fait ont observé que le seul effet derebond était de l’ordre de 40 à 80 % pour lesservices énergétiques à destination desconsommateurs finaux comme l’éclairage etla cuisson des aliments ; ce chiffre est deuxfois plus élevé que les rebonds équivalentsobservés dans les pays plus riches.

Comme le reconnaît de nombreusesétudes sur le développement, l’accès à de

nouveaux services énergétiques modernes estaussi le principal moteur des dynamiques dedéveloppement. Que ces services soientassurés en augmentant la quantité decombustible brûlé, l’efficacité de lacombustion ou les deux (scénario le plusvraisemblable), le résultat est le même : uneactivité économique plus intense et unprogrès du confort, qui exige plus d’énergieen retour.

Les analystes énergétiques doivent donc semontrer prudents lorsqu’ils généralisent desexpériences ou des intuitions sur les effets derebond dans les pays riches et développéspour les étendre aux populations qui viventdans les économies émergentes. L’ombre duparadoxe de Jevons plane encore sur lamajeure partie du monde en développement.

Les secteurs productifsIl est également indispensable d’étudier enprofondeur l’effet de rebond faisant suite auxgains d’efficacité dans les secteurs productifs(industrie, commerce et agriculture), étantdonné que deux tiers environ de l’énergie du

monde est consommée par la production etle transport des produits et services, ainsique par le raffinement, le traitement etl’acheminement de l’énergie aux pointsd’utilisation finaux.

Toutefois, les études actuellementdisponibles indiquent que les effets derebond directs sont bien plus importantsdans les secteurs productifs que dans lesusages finaux (entre 20 et 70 % plusimportants, tout du moins dans le contextedes États-Unis) et qu’il faut y ajouter les effetsindirects et macroéconomiques.

Les effets de rebond dans les secteursproductifs dépendent principalement de lacapacité des entreprises à réorganiser leursfacteurs de production (main-d’œuvre,capital, équipement et diverses matières)pour mieux profiter des servicesénergétiques devenus plus abordables (unprocessus que les économistes appellentsubstitution des intrants ou des facteurs). Si,à long terme, il est relativement facile pourles entreprises de remplacer certainsfacteurs de production par des servicesénergétiques à l’efficacité croissante, leseffets de rebond directs peuvent êtreconsidérables. C’est particulièrement vraipour les décisions liées à la construction denouvelles capacités de production, et nousdevons donc nous attendre à constater unrebond plus prononcé dans les secteursproductifs à forte croissance des économiesémergentes.

Des mécanismes supplémentairesviennent gonfler l’ampleur du rebond : lesproduits devenus moins chers font l’objetd’une demande accrue et la productivitééconomique globale augmente.

Où cela nous mène-t-il ? Les stratégies conventionnelles visant àatténuer le changement climatique reposentlargement sur l’efficacité énergétique. Ainsi,dans un scénario de stabilisation du climatmondial publié par l’AIE en décembre 2009,l’agence estime que les mesures d’efficacitépourraient permettre de réaliser environ lamoitié des réductions d’émissionsnécessaires. Pourtant, du point de vue duclimat ou de la conservation des ressourcesmondiales, l’effet de rebond nous fait reculerd’un pas (voire plus) à chaque fois que nousen faisons deux grâce à une meilleure ‰

L’efficacité énergétique peut réduire les coûtsde fonctionnement des terminaux à conteneurs.Siemens Drive Technologies a amélioré lesfonctions de commande des grues portiquessur pneus, obtenant ainsi une réduction de 70 % dans la consommation de carburant.

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poser la question suivante : l’état actuel duclimat ne serait-il pas beaucoup plus grave siles mesures d’efficacité énergétique n’avaientpas été mises en place par le passé ? Selonl’Agence internationale de l’énergie, deséconomies considérables ont déjà étéréalisées au cours des 20 dernières années ;pour l’agence, la demande mondiale enénergie serait 50 % supérieure à ce qu’elle estaujourd’hui sans ces mesures d’efficacité. Ceteffet doit être pris en compte lorsque l’onévalue l’impact climatique des mesuresd’efficacité énergétique actuellement enplace.

La Californie débrayeDes exemples comme celui de la Californiemontrent que les juridictions qui assurentactivement la promotion de l’efficacitéénergétique peuvent présenter une courbeénergétique contrastant nettement avec cellede leurs voisins immédiats. On observeaujourd’hui que le Californien moyen neconsomme que 60 % de l’énergieconsommée en moyenne par un Américain,preuve s’il en est que l’efficacité énergétiqueest effectivement parvenue à dissocier lacroissance de la consommation d’énergie dela croissance économique dans l’un des Étatsles plus peuplés des États-Unis. Et cettetendance n’est pas qu’un éclair passager : ellese poursuit depuis plus de quatre décennies.L’exemple de la Californie montre qu’endépit de tous les arguments liés à l’effet derebond, de réelles économies d’énergie onteu lieu. Il n’a pas été nécessaire de construirede nouvelles centrales coûteuses et toutel’économie en a profité.

L’expérience californienne montreégalement que les programmes d’efficacitéénergétique ont des effets pédagogiques quiproduisent des changements durables dansles comportements au fil du temps, unetendance que l’on observe également dans

MARIANNE MOSCOSO-OSTERKORN est ladirectrice générale du Renewable Energy andEnergy Efficiency Partnership (Partenariat pourl’énergie renouvelable et l’efficacité énergétique)(REEEP), un partenariat international qui s’efforced’éliminer les obstacles entravant l’adoption destechnologies d’énergie renouvelable etd’efficacité énergétique et qui concentre d’abordson action sur les marchés émergents et les paysen développement.

Le rapport du Breakthrough Institute intituléEnergy Emergence: Rebound and Backfire asEmergent Phenomena met en lumière les défiset les complexités associés à l’évaluation del’impact global des mesures d’efficacitéénergétique. Les conclusions sont complexes,et elles sont sujettes à l’interaction denombreux facteurs différents parmi lesquelsla croissance économique, la consommationd’énergie, la technologie, les comportementset les effets de rebond. Malheureusement, leshypothèses employées ne sont pasentièrement vérifiables et les différentsmodèles produisent des résultats trèsvariables, ce qui tend à dévaluer lesconclusions suggérées.

Les effets globaux de l’efficacitéénergétique peuvent en effet être débattus àl’aide de nombreuses méthodes théoriques etde modélisation visant à mesurer les rebondsdirects et indirects. Mais cet argumentaireoublie de mentionner les nombreuxavantages de l’efficacité énergétique endehors de l’atténuation du changementclimatique, avantages qui doivent être pris enconsidération. L’efficacité énergétiqueentraîne un accroissement de la productivitéet des résultats économiques, fait baisser lapénurie et la facture énergétique et surtout –point essentiel – elle renforce la sécurité del’approvisionnement en énergie.

Si l’on s’en tient strictement à l’argumentclimatique, il serait plus intéressant de se

SUJET BRÛLANT

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Les nombreux avantagesde l’efficacité énergétique

efficacité. C’est surtout le cas dansl’ensemble du monde en développement etdans les secteurs productifs de l’économiemondiale.

Une vision claire des effets de rebond exigedonc une réévaluation fondamentale du rôlede l’efficacité énergétique dans les effortsvisant à atténuer le changement climatique.

Sans une détermination précise etrigoureuse des effets de rebond, on risque desurestimer la capacité de l’efficacitéénergétique à produire des réductionsdurables de la consommation des ressourceset des émissions de gaz à effet de serre. Il estindispensable de mettre l’accent sur l’autrelevier d’action à notre disposition : ladécarbonisation des ressources énergétiquesmondiales par le déploiement etl’amélioration des sources d’énergies à faibleémission de CO2. Sinon, la communautéinternationale restera dangereusementéloignée de ses objectifs en matièred’atténuation du changement climatique.

Mais dans le même temps, nous pouvonsréaffirmer le rôle des efforts d’accroissementde l’efficacité énergétique dans le relèvementdu niveau de vie des populations et ledéveloppement économique mondial.L’exploitation du plein potentiel del’efficacité énergétique pourrait bien être lepivot faisant basculer un monde plus pauvreet moins efficace vers plus de richesse etd’efficacité. Ce basculement estnaturellement l’option la plus souhaitablemême si le monde utilise plus ou moins lamême quantité d’énergie dans les deux cas.

La poursuite de toutes les opportunitésd’efficacité énergétique doit donc êtremaintenue comme composant clé de lamarche vers le développement mondial,même si nous devons réévaluer le capacité deces mesures à contribuer aux efforts visant àatténuer le changement climatique. n

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plusieurs pays d’Europe et d’Asie. Certes,d’aucuns pourraient affirmer que cephénomène n’apparaît que dans des marchéssaturés où les besoins énergétiques despopulations sont déjà satisfaits, mais aucuneétude n’est actuellement en mesure defournir des données fiables pour soutenir cetargument.

Un aspect d’un ensemble plus vasteCe que l’expérience concrète nous montre,c’est que les mesures d’efficacité énergétiquesemblent avoir une efficacité maximalelorsqu’elles sont mises en œuvre dans lecadre d’un ensemble d’activités intégrant denouvelles technologies, des systèmesd’incitation, une démarche éducative, unrenforcement des capacités et lasensibilisation du public. Ces types deprogrammes intégrés ont entraîné desréductions importantes de la consommationd’énergie. Le programme holistiqued’efficacité énergétique mis en place au Japonaprès la première crise énergétique dans lesannées 1970 en est un autre exemple probant.D’une façon très comparable à la Californie,le Japon est parvenu à dissocier presqueentièrement la consommation d’énergie et lacroissance du PIB.

Des études montrent également que desprogrammes d’efficacité énergétique ciblantà la fois les consommateurs finaux etl’industrie produisent des effetsconsidérables dans les pays endéveloppement et à revenus intermédiairescomme la Thaïlande et les Philippines. LaThaïlande a lancé en 1994 une initiatived’efficacité énergétique concernant lesappareils électriques, qui est depuis devenuun système obligatoire parfaitementfonctionnel qui couvre plus de 50 appareils,éclairages et équipements. Selon l’étudemenée par la Coopération économique pourl’Asie-Pacifique sur l’efficacité énergétique, leprogramme d’étiquetage et de normesthaïlandais était, en septembre 2009,responsable de 10 175 gigawatt-heuresd’économies d’énergie, de 1 725 MWd’économies de capacité en période depointe et de 6,6 millions de tonnes deréduction de CO2. Aux Philippines, lesnormes obligatoires et l’étiquetage desappareils de climatisation ont permisd’économiser 6 MW de capacité pendant la

première année du programme. Dernierexemple : le Programme national d’échangede tubes fluorescents du Ghana, lancé en2007, a réduit la demande en période depointe pesant sur les systèmes électriquesdistendus du pays, et a fait baisser la factured’électricité pour les consommateursappartenant majoritairement aux classes derevenus les plus faibles. Grâce auremplacement de six millions d’ampoulesdans les foyers ghanéens, des économies de124 MW par an en période de pointe et uneréduction des émissions de CO2 de 112 320tonnes ont été réalisées. Ainsi, l’économieénergétique globale a été de 33 millions dedollars américains.

Économies d’énergieCes exemples puisés dans les pays à faiblesrevenus mettent en évidence que lesprogrammes d’efficacité énergétique visantles consommateurs finaux ont un réel impacten termes d’économies nettes sur lessystèmes électriques nationaux dans les paysen développement, notamment grâce à laréduction de la demande en période depointe. Il semble que ces économies ne soientpas absorbées par l’augmentation de laconsommation, en particulier à ce momentde la journée. En effet, même si certaines deces économies peuvent être utilisées à un

autre moment, les bienfaits pour le systèmeénergétique national et les réductionsd’émissions de CO2 ne sont pas amoindris.Les économies réalisées contribuent àréduire l’approvisionnement coûteux dessystèmes de pic de charge, essentiellementbasés sur les combustibles fossiles.

La technologie n’est pas à elle seule lasolution, et oui, les possibles effets de rebonddes mesures d’efficacité énergétique doiventêtre pris en compte par les décideurs dans lecadre d’une estimation réaliste de l’impact deces mesures sur la réduction du CO2. Mais ceteffet environnemental, dont l’envergure estplus que jamais sujette à débat, est un contre-argument qui ne prend en compte qu’un seulélément. L’expérience concrète démontreclairement que l’efficacité énergétiqueproduit des bienfaits considérables sur le planéconomique et en matière de sécuritéénergétique, et donc que les mesures quivisent à l’améliorer sont toujours justifiées.Bien sûr, d’autres mesures telles que ladécarbonisation de la production énergétiqueglobale doivent également être mises enœuvre pour lutter contre le changementclimatique, mais les programmes d’efficacitéénergétique renforcent la sensibilisation despopulations aux questions énergétiques etconstituent donc un premier pas décisif poursauver la planète. n

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Projet du REEEP pourl'efficacité énergétiquedans un pays insulairedu Pacifique.

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n L’économie mondiale s’estralentie au cours des derniers moismais l’Economist Intelligence Unitprévoit un prolongement de lareprise faisant suite à la Granderécession des années 2008-2009.Différents facteurs sont sources depréoccupations, notamment le prixélevé des matières premières,l’instabilité au Moyen Orient et enAfrique du Nord, la rupture deschaînes d’approvisionnementconsécutive à la catastrophe ayanteu lieu au Japon et une politiquemonétaire plus exigeante dans denombreux pays. Mais lesfondements sous-jacents à unereprise durable semblent toujoursêtre en place.

pesant sur la croissance globale.Malgré la correction récente dumarché, les niveaux élevés des prixdu pétrole restent une sourced’inquiétude. Des niveaux élevés dupétrole ou la poursuite del’augmentation des prix auront uneincidence négative sur la croissanceéconomique. Les pressionsinflationnistes sont généralementune source d’anxiété. La crise de ladette dans la zone euro est égalementloin d’être résolue. Les évolutionsdans cette région pourraientdéstabiliser les marchés financiers etremettre en cause la reprise globale.La production industrielle au Japons’est effondrée à la suite du tsunamidu 11 mars, et a eu un impact négatifsur les chaînes d’approvisionnementmondiales. Par ailleurs, dans lesmarchés émergents, les effortsréalisés par la Chine pour ralentirson économie créent une incertitudeparticulière. Ses politiques seront-

Une petite société en fortecroissance basée dans le Bihar,l’état le plus pauvre de l’Inde, aperfectionné puis commercialiséun système permettant detransformer en électricité,l’enveloppe des grains de riz ; cesystème permet ainsid’approvisionner des villageséloignés à l’aide d’une sourced’énergie propre et fiable.

La société, Husk Power Systems,a créé un processus à partir d’undéchet courant, l’enveloppe desgrains de riz ; il s’agit de la chaufferjusqu’à ce qu’elle se décomposesous forme de gaz puis d’utiliserles gaz pour alimenter un moteurproduisant de l’électricité. Lapremière centrale de productionde gaz a été créée en 2007 et HuskPower dispose à présent de 65usines fournissant de l’électricité àenviron 180 000 personnes quiutilisaient auparavant le kérosènecomme source d’éclairage.

Chaque centrale peut alimenterde 400 à 500 ménages pendant 7 à8 heures par jour, à un prix de 80 roupies seulement – soitenviron 1,75 dollars mensuels parménage.

Dans le Bihar rural, on utilise

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Une révolutiondans l’électricité

QUESTIONS ÉCONOMIQUES

On attend une croissance du PIBmondial pour l’année 2011 de 4,3 %par an. Ce chiffre est légèrementplus faible que l’année précédente,au cours de laquelle lareconstitution des stocks et lesmesures extraordinaires de relanceinitiée par les décideurs politiquesde nombreux pays ont permis decréer une croissance de près de 5 %.L’accroissement cyclique lié à cesmesures étant à présent derrièrenous, il revient à l’économiemondiale de croître sans soutien.

Les perspectives sont, en règlegénérale, relativement bonnes. Lesmarchés émergents se portenttoujours bien même si de nombreuxpays luttent pour contenir

l’inflation. Il faut surtout noter queles pays développés sont mieuxplacés pour résister à une faiblecroissance. Par exemple, le fait quedes emplois supplémentaires soientcréés et que les consommateurscontinuent à dépenser (malgré lahausse des carburants) est un signede la santé économique aux États-Unis venant équilibrer des chiffresde PIB probablement décevants aupremier trimestre. La croissancerécente dans la zone euro aégalement été étonnammentrobuste, notamment grâce àl’économie allemande qui reste lemoteur de la région.

Aucun de ces facteurs ne permet deminimiser les risques persistants,

tout ce qui peut être utilisé maisl’enveloppe de riz représente uneexception. Lorsque le riz estblanchi, le cœur extérieur oul’enveloppe du riz est éliminée, etcomme l’enveloppe du riz estriche en silice, elle ne brûle pas

bien et ne peut être utilisée pour lacuisine. On estime que l’état duBihar produit 1,8 milliard de kilosd’enveloppes de riz par an. La plusgrande partie se dégrade dans leschamps en émettant du méthane,qui est un gaz à effet de serre.

Husk Power Systems prévoitd’étendre ses capacités et sescentrales pour disposer de 2 000centrales en fonctionnement à lafin de l’année 2014. Le payscompte 100 000 villages qui nesont pas raccordés au réseau

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elles efficaces et si tel est le cas, est-ce une bonne chose ? Unralentissement en Chine aurait uneincidence négative sur de nombreuxpays. Les bouleversements du« printemps arabe » continuentégalement de se faire ressentir, etcréent, à maints égards, des risqueséconomiques et géopolitiques.(Economist Intelligence Unit)

n La croissance des richesses, lamodification des habitudesalimentaires et l’augmentation de laconsommation alimentaire dans lespays en développement – ainsi quel’accroissement de la populationmondiale – favorisentl’augmentation croissante de lademande en denrées agricoles tellesque le sucre, les graines de soja et laviande. Par conséquent, lesperspectives sont excellentes pourles agriculteurs, les éleveurs, lestransformateurs – en particulier, au

Brésil et dans une moindre mesureen Argentine.

Les opportunités sontconsidérables. Des marchéshistoriquement fragmentés commele bétail et le sucre, commencent à seconsolider, ce qui permet ainsi auxentreprises de réaliser deséconomies d’échelle. De nouvellessources de financement permettentaux acteurs de surmonter desmarchés financiers de tout tempsinsuffisamment développés. Lademande accrue pour des énergiespropres et abordables crée desopportunités non-traditionnellescomme la production etl’exportation de biocarburants.

Le sol et les conditionsmétéorologiques favorables enArgentine et au Brésil créent unenvironnement idéal pour la cultureet l’élevage. Par exemple, lesressources du Brésil en terres arablessont considérables et représentent

4 100 000 kilomètres carrés – soitenviron la taille de l’UnionEuropéenne avant l’ajout de laBulgarie et de la Roumanie – etseulement 17 % de ces terres sontactuellement utilisées. Ainsi, le Brésilpourrait-il plus que doubler sonniveau d’utilisation sansendommager la forêt tropicale dupays. Les pays comme la Chine, l’Indeet les États-Unis disposent tous desterres cultivables moins importanteset des taux d’utilisation bien plusélevés. Pour sa part, l’Argentine,dispose de 1 700 000 de kilomètrescarrés de terres agricoles et sa pampas’étend sur 760 000 kilomètres carrésde terres agricoles et de pâturages quisont parmi les plus fertiles au monde.

La combinaison de ces ressourcesnaturelles exceptionnelles avec defaibles coûts du travail permetd’expliquer comment le Brésil estdevenu le plus importantproducteur mondial de jus d’orange

congelé, de cannes à sucre, devolaille, de bœuf et de café et ledeuxième plus grand producteur degraines de soja. L’Argentine est lepremier producteur d’huiles et defarines de soja et un acteur majeurpour la production des graines desoja et de bœuf. En 2005, le Brésil etl’Argentine se plaçaientrespectivement à la 6e et à la 13e placeen termes de valeurs à l’exportation.

L’incidence du secteuragroalimentaire sur les économiesdu Brésil et de l’Argentine estprofonde. En 2006, le secteuragroalimentaire représentait 36 %des exportations du Brésil et 52 % de celles de l’Argentine(respectivement, pour un montantde 49 milliards de dollars et de 24 milliards de dollars). De plus,dans les deux pays, le secteuragroalimentaire et les activitésassociées génèrent environ un tiersdu PIB. (McKinsey Quarterly)

Selon la BBC, l’Indonésie est le paysidéal pour les entrepreneurssouhaitant démarrer une entreprise.Elle est suivie par les États-Unis, leCanada, l’Inde et l’Australie dans leclassement des pays offrant lemeilleur soutien aux nouvellesentreprises.

Les résultats sont tirés d’uneenquête réalisée auprès de 24 000personnes dans 24 pays. Il a étédemandé aux personnes sil’innovation était fortement valoriséedans leur pays ; s’il était difficile pourdes gens comme eux de démarrerune entreprise ; si les personnes quile font, sont bien considérées ; et sides personnes ayant des idéesingénieuses pouvaient généralementles appliquer. La combinaison detoutes ces réponses sous forme d’unindice unique classe l’Indonésie enpremière place pour lesentrepreneurs.

Toutes les économies développéesoù l’enquête a été réalisée obtenaientdes scores bien supérieurs à la notemoyenne, à l’exception de l’Italie, quia obtenu un résultat nettementinférieur. Mais de nombreuseséconomies en développement sesont aussi avérées être favorables auxentrepreneurs – les pays commel’Inde, la Chine et le Nigeria ontégalement été perçus par leurs

propres habitants comme des lieuxrelativement propices aux nouvellesentreprises.

Au niveau des régions, les quatrepays de l’Asie orientale et duPacifique ayant fait l’objet del’enquête ont reçu des notes élevées.Les trois pays de l’Afriquesubsaharienne ont tous égalementaffiché des résultats au-dessus de lamoyenne. En Amérique Latine, leMexique et le Pérou ont obtenud’assez bons résultats mais le Brésilet la Colombie restaient nettement

en-dessous de la moyenne. L’enquête ne fournit pas de

preuves sur les raisons motivant lespersonnes interrogées et à certainségards, les résultats sont cohérentsavec les perceptions largementrépandues des pays en question.

Par exemple, les États-Unis ont uneculture favorable au secteur privé etun secteur public plus limité que denombreux pays d’Europeoccidentale. Le pays est perçucomme un endroit favorable auxentrepreneurs. La Russie qui aobtenu un faible score dans cetteenquête, est perçue à l’échelleinternationale comme un pays oùl’état est trop enclin à intervenir dansla vie économique.

Mais il y a des surprises. Le droitdu travail en France est relativementstrict et dans cette enquête le pays estconsidéré comme un endroitpropice à une nouvelle entreprise.Les problèmes du Nigeria en matièrede corruption ne l’ont pas empêchéd’obtenir de meilleuresperformances dans cette enquête quela plupart des pays.

L’enquête a été menée pour BBCWorld Service par la société desondage Globescan, en associationavec le programme de l’Université duMaryland sur les attitudes en matièrede politique internationale.

L’Indonésie est idéale pour les entrepreneurs

électrique, d’après le ministèreindien pour les Énergiesnouvelles et renouvelables. Selonce ministère, vingt mille villagessont si éloignés qu’ils ne peuventêtre raccordés par l’extension duréseau électrique.

1 Indonésie2 États-Unis3 Canada4 Inde5 Australie6 Nigeria7 Chine8 Kenya9 Mexique10 PhilippinesRésultats de l'enquête de BBC WorldService, publiés le 25 mai 2011

Classement des 10 «nations les plus favorablesaux entrepreneurs »

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On estime que la population de l’Afrique a atteint1,4 milliards en 2010, avec les conséquences qu’onpeut imaginer en termes de sécurité alimentaire,d’urbanisation croissante, et d’emploi des jeunes.Les pays africains ont un besoin urgent de seconcentrer, à nouveau, sur leurs stratégies decroissance agricole et économique. L’agriculturedu continent est nettement sous-capitalisée, avecdes niveaux de mécanisation et de valeur ajoutéeextrêmement faibles. La moyenne de 13 tracteurspour cent kilomètres carrés de terres arables enAfrique est faible comparée à la moyennemondiale (200/100km2 de terres arables) et decelle d’autres régions en développement telles quel’Asie du Sud (129/100km2 de terres arables). Lemême raisonnement s’applique à l’irrigation :l’Afrique subsaharienne (ASS) dispose seulementde 4 % de terres arables cultivables et permanentescontre 39 % en Asie du Sud et 11 % en AmériqueLatine et dans les Caraïbes.

La part actuelle de l’industrie agroalimentairedans le PIB est très faible. Les données de la BanqueMondiale indiquent que le niveau de la productionagroalimentaire en Thaïlande correspond à celle dela région de l’Afrique subsaharienne dans sonensemble ; alors que celle du Brésil représentepratiquement quatre fois celle du continent africain.Il faut également noter que dans tous les paysafricains sauf deux (l’Afrique du Sud et leZimbabwe), la part de l’agriculture dans le PIBdépasse de 10 points celle de l’industrie

Bien que la production agro-industrielle àforte valeur ajoutée et non-traditionnelle destinéeà l’exportation fournisse à certains pays africainsdes opportunités commerciales de plus en plusnombreuses et dynamiques, le principal facteurde hause de la demande dans les pays d’Afriquesubsaharienne est, et demeurera le marchédomestique et régional. Compte tenu des facteursdémographiques et de l’évolution des habitudesde consommation des produits agricoles,alimentaires ou non, les marchés domestiques etle commerce intracontinental se maintiendront àdes niveaux élevés ; ils représenteront plus destrois quarts de la valeur totale du marché surl’ensemble du continent et les marchésdomestiques représenteront à eux seuls 80 % de lavaleur totale du marché dans des régions tellesque l’Afrique orientale.

L’industrie agroalimentaire emploie une maind’œuvre importante et crée des emplois dans lesactivités agro-industrielles, notamment pour lesentreprises qui quitteront à terme le pays au fur età mesure du développement économique. Afin derécolter les bénéfices de la création d’emplois, ilest important que les décideurs politiques et lespartenaires de développement orientent leursinterventions sur l’ensemble de la chaîne devaleurs agroalimentaires, et pas uniquement surl’agriculture en tant qu’activité isolée. Lesstratégies agricoles ne peuvent se limiter –comme par le passé – à des stratégies orientées

Le secteur agroalimentaire : UN MOYEN POURL’AFRIQUE DESORTIR DE LAPAUVRETÉ

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Patrick Kormawa soutient que pour réduire la pauvreté,il est essentiel de passer à un modèle de croissance fondésur le développement du secteur agroalimentaire.

agroalimentaire, ce qui souligne l’incapacité de larégion à apporter de la valeur ajoutée à laproduction agricole. Cette relative incapacité àproduire et à traiter des denrées agro-industrielles,limite l’étendue de l’industrialisation, et indiqueque ces pays ne parviennent pas à tirer parti desopportunités qui leur permettraient de créer de lavaleur ajoutée et des emplois. Là où latransformation d’une tonne de produits agricolesgénère une valeur ajoutée d’environ 180 USD dansles pays à revenus élevés, elle ne crée que 40 USDdans les pays africains. En outre, alors que 98 % de laproduction agricole des pays à revenus élevésconnaît une transformation industrielle, cetteproportion n’est que de 30 % dans les pays africains.Les zones rurales des pays africains disposent d’uneactivité et d’une capacité de production agricolelimitées. Ainsi, les pays de l’Afrique subsaharienneen particulier subissent-ils d’importantes pertesaprès les récoltes, en particulier pour les denréespérissables telles que les fruits et les légumes. Cespertes atteignent en moyenne 35 à 50 % de laproduction totale réalisable. Pour les céréales, cespertes varient entre 15 et 25 %.

PATRICK KORMAWA est l’un des experts séniorsde l’ONUDI pour le développement du secteuragroalimentaire et est actuellement en charge dubureau régional à Abuja au Nigeria. Il est co-rédacteur d’Agribusiness pour la prospérité del'Afrique , publié par l’ONUDI en 2011. ‰

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vers la production. La demande, en partie liéeau développement de la chaîne de valeurs, doitjouer un rôle essentiel et fournir la dynamiqued’entraînement pour les investissements.

Une stratégie tournée vers le développementde l’industrie agroalimentaire, qui s’appuie surune croissance plus forte de la productivité dansl’ensemble de la chaîne de valeur du secteur, offrela meilleure opportunité de croissanceéconomique rapide et étendue et de réduction dela pauvreté en Afrique subsaharienne. En effet, ledéveloppement des emplois dans l’ensemble deschaînes de valeur en amont de la fabrication agro-industrielle peut représenter l’un des moyens desortir de la pauvreté pour les petits agriculteurs.

Pour que cela ait une incidence réelle, unetransformation structurelle doit se produite,impliquant un changement dans l’économie pourpasser d’une production orientée vers lasubsistance et le marché domestique à uneéconomie moderne intégrée, fondée sur laspécialisation et l’échange, souvent basée sur deséconomies d’échelle. Les éléments horsexploitation agricole de l’industrie agroalimentaireet de la vente alimentaire au détail se développenten termes de valeur ajoutée et d’emplois, parrapport à la production au niveau desexploitations agricoles. Un tel changement estessentiel pour parvenir à réduire la pauvreté. Un àdeux tiers des petits exploitants agricolessemblent en effet manquer de ressources pour «sortir de la pauvreté par les cultures ». Ils finirontdonc par être obligés d’évoluer vers un emploiplus lucratif dans les autres secteurs émergents,comme l’industrie et les services du secteuragroalimentaire.

Un nouvel espace pour la politique agricole Une nouvelle étude de l’ONUDI, Agribusiness pourla prospérité de l'Afrique, met en garde face auxdangers de « recycler des idées fausses ». L’un desrisques est de croire que l’Afrique doit effectuerune Révolution verte similaires à celles qui onttouché l’Asie et l’Amérique Latine. On pourraitaussi bien déclarer que l’Afrique va connaître unerévolution industrielle comme celle qui a eu lieudans la région orientale de l’Asie. Rappelons quele monde a évolué depuis que ces événements sesont produits. Il faut également noter qu’on nepeut garantir que les modèles de croissance dudéveloppement agricole peuvent être répliquésavec succès en Afrique, actuellement ou à l’avenir,du fait de l’évolution de la technologie et desmarchés. Ainsi, une nouvelle approche en matièrede politique de développement agricole est-ellenécessaire. Elle doit consister essentiellement às’éloigner des erreurs passées d’une croissancetournée vers la production, pour passer à unetrajectoire de développement du secteuragroalimentaire qui tienne compte des besoinsafricains de développement économique et social.L’étude de l’ONUDI propose de concevoir unnouveau cadre stratégique pour que ledéveloppement agricole se fonde sur les septpiliers suivants :

Améliorer l’offre agricole en vue d’un apportde valeur ajoutée : Pour permettre à l’agriculturede devenir une voie de développement pour sortir

alimentaires bas est terminée. Les pays africainsdoivent adopter de nouvelles approches agricolestelle que « l’intensification durable » proposéedans Foresight. The Future of Food and Farming (2011).Cela ne sera possible qu’en mobilisant toutes lestechnologies et tous les apports agro-industrielsmodernes, la mécanisation et les cultures etélevages génétiquement modifiés en vued’accroître la productivité.

Améliorer les chaînes de valeur :L’amélioration de la compétitivité desexploitations agricoles et des sociétés, quelle quesoit leur taille, sera essentielle. Les pays africainsont besoin d’investir dans des chaînes de valeurconcurrentielles, prenant en compte lesdemandes et les exigences du marché local,régional et international. Les comités de

de la pauvreté, il est essentiel que les pays africainssoient pleinement intégrés à l’industrieagroalimentaire mondiale. Il est important de tirerles leçons de l’expérience politique des paysémergents. Dans ces pays, le développement del’industrie agroalimentaire s’est fait grâce à desstratégies publiques et à des politiques délibéréesmais ciblées, et au soutien et au développementinstitutionnel. Les principaux acteurs, notammentles décideurs nationaux et locaux ainsi que lespartenaires de développement, doiventcomprendre et trouver rapidement des solutionsaux facteurs contribuant à des échecscommerciaux. Les pays africains doiventégalement cesser de voir l’agriculture à faible coûtcomme la solution miracle pour éradiquer la faimen Afrique au 21ème siècle. L’ère des prix

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participants des chaînes de valeurs pourraientjouer un rôle essentiel dans la coordination desfonctions et des activités des producteurs et desautres acteurs clés. Cela nécessiterait depromouvoir et développer des chaînes de valeursefficaces en matière d’apport agricole, demécanisation, de transformation et des industriesagroalimentaires associées.

Exploiter la demande locale, nationale etinternationale : De nombreux pays africainsn’ont toujours pas accès aux dynamiques marchésagroalimentaires mondiaux du fait d’un manquede compétitivité et d’une incapacité à ajuster leuroffre aux évolutions des marchés. A cet effet, Aidfor Trade peut jouer un rôle essentiel afin derenforcer les capacités commerciales, dépasser lesrigidités au niveau de l’offre pour déboucher sur

technologiques en faveur de l’industrieagroalimentaire : Il faut rapidement renforcer lespolitiques concernant les sciences, lestechnologies et l’innovation (STI), en mettantl’accent sur l’amélioration du mécanisme decoordination pour l’apprentissage et l’innovation,la promotion des systèmes d’innovationnationaux et régionaux, le renforcement dudéveloppement des ressources humaines, etl’amélioration des infrastructures STI en général.Il est essentiel de renforcer les liens entre lesconnaissances créées par les universités, leur miseen œuvre par les laboratoires et leurcommercialisation par les entreprises privées.

Promouvoir un financement efficace etinnovant : Il faut fortement développer lesmécanismes traditionnels de financement : lamobilisation de ressources domestiques, lesfonds souverains, le financement par les diasporaset les institutions financières en faveur dudéveloppement, du crédit-bail et de lacollatéralisation. Certains instruments definancement, même les plus innovants commel’atténuation des risques liés aux prêts bancairespar des systèmes d’assurance, le financement parle biais de grandes entreprises pilotes dans leschaînes de valeurs, les capitaux propres, le capital-risque et les capitaux hybrides, ont montré qu’ilspouvaient fonctionner et doivent être explorés. Ilfaut noter ici que les conditions permettant lamobilisation et l’utilisation des ressources localessont créées pour permettre « d’attirer » desinvestissements privés dans le secteuragroalimentaire.

Créer un environnement économiquefavorable : La création d’un environnementglobal permettant le développement et lapromotion des entreprises agroalimentairesnécessite déjà un environnement commercialfavorable, une stabilité macro-économique, destaux de change satisfaisants, des systèmes et desétablissements financiers efficaces et une stabilitésociale, une bonne gouvernance, des accords depropriété foncière transparents, un climatpropice aux affaires, etc..

Améliorer l’accès aux infrastructures et àl’énergie : Il est essentiel que le développementde l’industrie agroalimentaire soit mis en avantdans les régions où les infrastructures et lesservices énergétiques nécessaires sontdisponibles et qui sont reliés aux couloirs detransport et autoroutiers. À cet effet, lespartenariats public-privé seront particulièrementnécessaires. Les services de distribution d’énergiepropre, renouvelable, à faible teneur en carbone etdurable, et la réduction des émissions des gaz àeffet de serre seront une part importante de lastratégie. La promotion des technologies del’information et de la communication estégalement une condition préalable à laparticipation aux chaînes de valeur. Enfin, lemécanisme de développement propre quiprivilégie les projets en vue de la réduction desémissions de gaz à effet de serre dans les pays endéveloppement pourrait jouer un rôle moteur dansles processus de diffusion de la technologie enAfrique et ainsi contribuer à la création d’emploisverts et d’opportunités d’investissement. n

des opportunités commerciales et renforcer lesnormes et les systèmes de vérification. Il estégalement essentiel de promouvoir lacoopération de l’industrie agroalimentaire parune réduction des barrières douanières et non-tarifaires intra-africaines, en négociant laréduction de ces barrières avec le Sud et le Nord.Une nouvelle approche sera nécessaire pourstimuler la coopération agro-industrielle au suddans le domaine de la participation à la chaîne devaleurs, le transfert de technologies et lesinvestissements directs étrangers, ainsi que pourharmoniser la « priorité de la transformation desdenrées de l’Afrique » avec les besoins enressources de partenaires commerciaux majeurscomme la Chine.

Renforcer les efforts et les capacités

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En Colombie, près de 100 000 paysans cultivent la coca. Lesrécoltes colombiennes de feuilles de cette plante servent dematière première pour produire la moitié de la consommationmondiale annuelle de cocaïne. Cette drogue représente chaqueannée un marché mondial de 88 milliards USD. Sur la base deces chiffres, on pourrait penser que la culture de la coca est uneactivité lucrative que les paysans colombiens seraient peudisposés à abandonner. La vérité est bien différente.

Les résultats des études sur le terrain indiquent que lerevenu annuel net d’une famille de paysans vendant des feuillesde coca est à peine de 2 100 USD. En investissant dans lescomposés chimiques et la main d’œuvre supplémentairenécessaires pour transformer les feuilles en pâte de coca,l’ingrédient principal de la cocaïne, il est possible de doubler cerevenu annuel. Même ainsi, il est évident que la productionillicite de cette plante, loin d’offrir des bénéfices confortablesaux paysans, leur permet à peine de subsister. Ce sont lesintermédiaires et les trafiquants qui touchent le pactole.

Un autre facteur qui contribue à faire de la culture desfeuilles de coca un mode de vie aussi précaire en Colombie estla présence de groupes armés illégaux (guérilleros etparamilitaires) qui luttent pour le contrôle du commerceillicite de la cocaïne. Ces groupes ont le monopole de l’achat etde la vente de la pâte de coca. Ils extorquent des « taxes » auxtrafiquants, aux laboratoires et aux circuits de transport de lacocaïne. Ils assurent aussi un contrôle territorial sur laproduction de coca et incitent aux cultures illicites dans leurzone d’influence. Pour finir, les paysans vivent en permanencesous la menace d’une éradication par le gouvernement de leurscultures prohibées.

Si on leur offrait une alternative acceptable, les infrastructuresnécessaires et un accès à d’autres opportunités de vente, laplupart des familles abandonnerait volontiers la coca pour setourner vers d’autres sources de revenus. C’est dans ce contexteque s’inscrivent les programmes de développement alternatifmenés par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime(UNODC) en Colombie et dans d’autres pays producteurs desubstances illicites.

En Colombie, le gouvernement, l’UNODC et d’autrespartenaires internationaux ainsi que le secteur privé localsoutiennent les associations de paysans qui abandonnent laculture de la coca pour se tourner vers d’autres productions : les

Guillermo Garcíaexplique comment lepassage à une agricultureindustrielle peut aider lespaysans colombiens àabandonner la culture dela coca pour se tournervers des activités légaleset plus sûres.

GUILLERMO GARCÍA est le coordinateurde projets en charge du développementalternatif en Colombie pour l’Office desNations Unies contre la drogue et le crime.

COMMENTDÉCROCHERDE LA COCA

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haricots, le cacao, les cœurs de palmier, le café, le miel, les noixde coco, les produits laitiers ou les sauces gastronomiques parexemple.

Le principe est de fournir aux cultivateurs des solutionsalternatives légales et profitables, tout en améliorant lesconditions de vie dans les zones rurales, villages et centresurbains des régions qui abritent les cultures illicites. Cetteméthode d’intervention socio-économique s’est avérée des plusefficaces.

Le développement alternatif ne consiste pas uniquement àremplacer un type de culture par un autre, mais aussi à bâtiravec la participation des paysans des modes de vie alternatifsqui s’inscrivent dans un cadre de légalité et de sécurité. Danscertains cas, le revenu que génère les productions alternativesn’est pas suffisant pour faire concurrence à celui de la coca, maisle développement alternatif réduit le niveau de violence etpermet l’accès à des débouchés plus larges. La sécuritééconomique des cultivateurs s’en trouve ainsi améliorée.

Deux types d’initiatives sont déterminants pour expliquer lesuccès des interventions de développement alternatif enColombie. Les premières visent à augmenter lesinvestissements dans les activités agricoles et les productionsqui créent des revenus pour les paysans. Les secondes aident audéveloppement de l’agriculture industrielle et du marketingafin de générer de la valeur ajoutée en transformant les récoltesen produits nouveaux et compétitifs.

Dans le cadre d’un programme financé par la Banqueinteraméricaine de développement, l’UNODC aide lesentreprises agricoles commercialement viables à placer leursproduits sur les marchés nationaux et d’exportation existants.L’aide fournie concerne des domaines comme la modernisationde la gestion et des pratiques, la qualité des produits, l’emballage,le marketing et la distribution. Le programme offre aussi sonassistance pour accéder aux marchés spécialisés ou de niche,comme par exemple l’agriculture biologique et le commerceéquitable.

L’UNODC a réussi à signer des accords marketing avec leschaînes de supermarché d’ampleur nationale Carrefour etCasino, portant sur la vente de six produits fournis par cinqorganisations de développement alternatif. Il s’agit des cœursde palmier, du poivre noir, du miel d’abeille, du café, des barresde chocolat et des haricots. n

‘Hommage à Warhol’par Lauren Brassaw

L’un des projets de développement alternatif de l’UNODC, dans ledépartement de Putumayo en Amazonie, suit 256 familles qui cultivent 365hectares de palmiers pêches, l’arbre à partir duquel sont récoltés les cœursde palmier. Le cœur de palmier, la partie la plus tendre et délicate de l’arbre,possède un goût délicat et une texture douce. C’est un aliment organiquenaturel sans aucun additif artificiel, qui facilite la digestion grâce à sonimportante teneur en fibres naturelles.

La France et l’Espagne sont les plus gros consommateurs mondiauxde cœur de palmier, mais la demande internationale pour ce produit est enpleine croissance. « Les cœurs de palmier de Putumayo » est la premièremarque sur le marché colombien. Elle est exportée en France, au Japon etau Canada.

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Nourrir un mondesurpeupléLes goûts alimentaires et les marchés agricoles connaissent actuellement denombreux changements. Au cours de ces dernières années, nous avons assisté àune multiplication rapide des supermarchés au niveau local et mondial, ainsiqu’au développement de chaînes de valeur consolidées pour les produitsagricoles. Selon Kanayo Nwanze, il faut offrir aux petits exploitants agricolesl’opportunité d’agir en tant qu’entrepreneurs plutôt qu’en simples spectateursdans les nouveaux marchés potentiellement fructueux qui se développent. >>>

KANAYO F. NWANZE a entamé le 1er avril 2009 son mandat de président du Fondsinternational de développement agricole, devenant le cinquième président del'institution. Le FIDA travaille avec les personnes pauvres des milieux ruraux afin deleur permettre de cultiver et de vendre davantage d'aliments, d'augmenter leursrevenus et d'être acteurs de leur propre vie. Depuis 1978, le FIDA a investi plus de12,5 milliards USD en subventions et prêts à faible taux d'intérêt en faveur des paysen développement, permettant à plus de 370 millions de personnes de sortir de lapauvreté. Basé à Rome, le FIDA est une institution financière internationale et uneagence spécialisée des Nations unies. Ressortissant nigérian, M. Nwanze est unfervent partisan et leader du changement. Il possède plus de 30 annéesd'expérience, acquise dans trois continents, en matière de lutte contre la pauvretépar le biais de l’agriculture, du développement rural et de la recherche.

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À l’heure actuelle, plus de 900 millions de personnes sontvictimes de faim chronique et enlisées dans la pauvreté. Sil’on se tourne vers l’avenir, ce problème semble plus graveencore. En 2050, plus de neuf milliards de personnes vivrontsur cette planète. Pour pouvoir nourrir un monde surpeupléet affamé, la production alimentaire devra enregistrer unehausse de 70 %.

Nourrir les personnes les plus pauvres et les plustouchées par la famine constitue le défi de notre époque,mais avec un peu de créativité et d’engagement, il s’agit d’undéfi que nous pouvons relever. La solution est entre lesmains des personnes qui possèdent les 500 millions depetites exploitations agricoles à travers le monde. Celles-ciconstituent l’essence même du développement agricole et laclé qui permettra de nourrir la planète à l’avenir. Ilconviendra d’adopter une approche radicalement différentedu développement agricole mondial et local si l’on souhaitepouvoir exploiter le potentiel de ces petits exploitants, bonnombre desquels vivent dans la pauvreté.

Cette année, le Fonds international de développementagricole (FIDA) a publié le Rapport 2011 sur la pauvretérurale, une synthèse globale des défis et des solutionssusceptibles d’éliminer la pauvreté dans le monde en voie dedéveloppement. Le rapport se penche sur l’environnementactuel des petits exploitants, riche d’opportunités mais enproie à de nouvelles menaces. Les histoires des rares petitsexploitants qui sont parvenus avec succès à se doter destechnologies et à saisir de nouvelles opportunitéscontrastent nettement avec les situations désespérées danslesquelles se trouvent des millions d’autres.

L’émergence de chaînes de valeur et de supermarchésmodernes dans le monde en développement risque d’élargirdavantage ce fossé. Il est vrai que l’introduction de nouvellestechnologies et de systèmes de marché sophistiqués,associée à la hausse de l’urbanisation, promet de répondrede manière satisfaisante à la demande croissante de produitsagricoles tout en faisant sortir de la pauvreté des millions depersonnes. Mais si ces forces du marché ne sont pas maniéescorrectement, elles pourraient retirer aux petits exploitantsles ressources nécessaires pour résister à la marginalisation.

Un secteur agricole florissant qui prenne en compte lespetits exploitants et favorise une économie moderne etdiversifiée requiert rien de moins qu’une révolution agro-industrielle. Une telle révolution doit avant tout faciliter ledéveloppement de liens étroits entre les marchés et les petitsexploitants. C’est seulement ainsi que nous pourrons nousrapprocher du premier Objectif du millénaire pour ledéveloppement : réduire de moitié l’extrême pauvreté et la

faim dans le monde d’ici à 2015. Cette stratégie axée sur lespersonnes avantage aussi bien les producteurs que lesconsommateurs. En favorisant des marchés à la foismodernes et intégrés et en aidant les petits exploitantsdémunis à en faire partie, nous pouvons améliorer la vie demillions de personnes victimes de la pauvreté de nos jours -et nourrir la population mondiale de demain.

Évaluer la situation actuellePour beaucoup trop de petits exploitants, le quotidien estsynonyme de lutte pour garder la tête au-dessus de l’eau, etleurs cultures représentent un moyen de survie, plutôtqu’une source de profits. Bien qu’ils fournissent 80 % desdenrées consommées localement en Asie et en Afriquesubsaharienne, nombre de ces agriculteurs se trouvent auxportes de la crise et se battent non pour aller de l’avant, maistout simplement pour survivre. Sans outils ni techniquesmodernes, les récoltes sont souvent trop maigres pourgénérer des excédents. Les terres et l’eau se font de plus enplus rares et deviennent des ressources précieuses. En outre,le commerce est d’autant plus entravé que les infrastructuressont rares ou inexistantes et que peu de personnes achètentles produits issus des petites exploitations, notamment dansles zones les plus isolées.

La productionalimentairedevra êtreaugmentéede 70 % d’icià 2050.

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Le FIDA tente de trouver des solutions à ces défis enposant deux questions clés : premièrement, peut-onattendre d’un agriculteur vivant dans le dénuement qu’ilprenne un risque supplémentaire en investissant dans descultures à meilleur rendement ? Deuxièmement, existe-t-ilun moyen d’insérer les petits exploitants dans les marchéssans qu’ils soient confrontés à la marginalisation ?

Nous pouvons répondre à l’affirmative à ces deuxquestions, anecdotes à l’appui. L’une de ces anecdotes estcelle d’Ahmad Abdelmunem Al-Far, habitant du Cairedevenu un entrepreneur à succès. Après avoir intégré unprojet subventionné par le FIDA, dans le cadre duquel il s’estvu accorder une portion de désert récemment irrigué, l’accèsà un financement par crédit, ainsi que des systèmesd’évacuation des eaux usées, de traitement des ordures et demicro-irrigation, Ahmad a su développer une activitéprospère. Il produit actuellement des cultures parmilesquelles les fèves, les oignons, les oranges, les poivronsverts et les pommes de terre, et a rejoint les 36 000 autresfermiers présents sur le marché. Ces projets sont couronnésde succès parce qu’ils reconnaissent les petits exploitantspour ce qu’ils sont : des entrepreneurs potentiels. Enconsidérant les petites fermes comme des exploitationsvisant à réaliser des bénéfices plutôt qu’à attirer dessubventions, nous pouvons constater des progrèsremarquables.

Le FIDA soutient des projets de ce genre dans lescommunautés rurales du monde entier, et dans toutes lesrégions, il nous est donné d’assister à de belles réussitescomme celle d’Ahmad. Grâce à l’aide de nos partenaires,nous sommes en mesure de financer des projets permettantde développer les infrastructures locales, y compris lesinfrastructures du dernier kilomètre et les systèmesd’irrigation et de régularisation des eaux. Nous contribuonsà réduire les pertes après récoltes et nous aidons les fermiersà améliorer la qualité de leurs produits.

S’engager pour le futurCes améliorations sont cruciales au vu de la croissance dessupermarchés en termes de taille et d’influence et au vu deschaînes de valeur consolidées modernes qu’ils ont créées aucours de ces dernières années. Ces supermarchés visent àoffrir des produits de haute qualité à leurs clients etimposent des normes encore plus rigoureuses à leursfournisseurs. En général, ils préfèrent s’approvisionnerauprès d’un nombre réduit de grands fournisseurs, ce quiempêche aux petits exploitants de prendre pied sur cesmarchés.

La transition de l’agriculture traditionnelle à l’agricuturemoderne se révèle souvent des plus difficiles. Pour réussir, lespetits exploitants ont souvent besoin de soutien en vued’exploiter leurs fermes dans une optique commerciale et debénéficier des opportunités du marché. Selon le Rapport 2011sur la pauvreté rurale, les petits exploitants doivent dans leplupart des cas acquérir de nouvelles compétences etconnaissances afin d’augmenter leur productivité et derépondre aux exigences du marché en termes de qualité et denormes phytosanitaires. Ils doivent également avoir un accèsaux informations du marché en temps réel pour connaître lesattentes du marché. Bien que les petits exploitants soientvulnérables lorsqu’ils opèrent seuls, ils peuvent faire preuved’une grande efficacité lorsqu’ils rassemblent leurs forces etcréent des associations de producteurs ruraux. Grâce à cesassociations, ils peuvent effectuer des achats en grosd’intrants et unir leurs productions afin d’avoir davantage depoids lors des négociations avec les acheteurs et de s’assurerde ne pas être défavorisés dans les échanges commerciaux.Explorer le marché moderne devient bien moins intimidantlorsqu’on se sent mieux protégé. Les contrats formelspeuvent renforcer la confiance que les petits exploitantsplacent dans le marché. Et tandis qu’on assiste à unedemande croissante de produits transformés de la part desclients urbains, de nouvelles opportunités d’emploi sontcréées pour les travailleurs ruraux et les petits exploitants.

Il convient également de mettre l’accent sur l’accès aucrédit, qui reste un élément déterminant permettant auxagriculteurs de participer aux nouvelles forces du marché etd’en tirer parti. De nombreuses banques travaillentdésormais dans les communautés rurales pour aider lesagriculteurs à gérer les risques liés à leur entrée sur lemarché, et les entreprises de traitement agroalimentaireétablissent des crédits à la production à leurs fournisseurs.La tendance à la hausse des emprunts a eu et continued’avoir des résultats spectaculaires et, désormais, les petitsexploitants doivent bénéficier d’un meilleur accès auxfinancements à long terme afin d’être plus confiantslorsqu’ils intègrent le marché.

PartenariatsLa possibilité d’un développement agricole à grande échelledans les communautés rurales dépendra du concours denombreux acteurs : décideurs et services publics,organisations de la société civile, organisations nongouvernementales et donateurs jouent tous un rôle essentielpour permettre aux petits exploitants de participer demanière plus efficace aux chaînes de valeur modernes. Nous ‰

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savons que les gouvernements sont en mesure d’accroître lespossibilités des petits exploitants qui vendent leurs produitssur les marchés locaux et mondiaux, et nous savons qu’ilspeuvent en outre augmenter les dépenses publiques enfaveur de l’agriculture. Les investissements du secteur privépeuvent faciliter l’accès des petits exploitants aux marchés etcontribuer à mettre en œuvre des politiques qui incluentleurs produits au lieu de les exclure. Les donateurs peuventencourager les agriculteurs à s’organiser et à faire en sorted’obtenir des contrats équitables dans les chaînes de valeur.Enfin, les gouvernements, les donateurs et le secteur privésont tous susceptibles de rendre la gestion des petitesexploitations viable pour les femmes et les jeunes.

De nos jours, nombre de petits exploitants jouissentd’opportunités sans précédent leur garantissant la réussiteéconomique et le développement agricole. La formation,l’organisation et les infrastructures peuvent permettre defaire sortir des millions de personnes démunies de lapauvreté. Les femmes, les hommes et les jeunes issus demilieux ruraux pourraient enfin voir se matérialiser leconcept d’agriculture rentable et, par la même occasion, lapossibilité d’offrir à leurs familles de meilleurs logements,de meilleurs soins de santé et une meilleure éducation. Àmesure que de nouveaux petits exploitants prennent pieddans les marchés modernes, l’expérience nous dit qu’uneéconomie rurale prospère ne saurait tarder.

Des communautés rurales prospèresLa croissance agricole est le moteur de la croissanceéconomique. Cette vérité a traversé les siècles et la planète,de l’Angleterre du XVIIIe siècle à la Chine du XXe siècle enpassant par le Japon du XIXe siècle. Le développement dusecteur agricole est synonyme d’une vie rurale dynamique,aussi bien à la ferme qu’en dehors.

Soixante pour cent de la population rurale mondiale sesitue entre 15 et 24 ans, et parmi ces jeunes, nombreux sontceux qui seront confrontés à un choix : rester dans leur zonerurale pour y travailler ou chercher un emploi dans les villes.

Pour pouvoir nourrir une population qui a faim, nousavons besoin que ces jeunes hommes et femmes restentdans leurs communautés d’origine et deviennent membresà part entière de l’économie rurale. Nous avons besoin qu’ilsdeviennent de petits exploitants modernes et réalisent desbénéfices sur le marché. Cependant, ils doivent également sevoir offrir des possibilités de travail rural non agricole.Chaque dollar investi dans l’agriculture génère entre 30 et 80cents de revenus secondaires dans l’économie. Cecidémontre qu’une agriculture rentable est essentielle non

« Pour pouvoir nourrir une populationqui a faim, nous avons besoin que cesjeunes hommes et femmes deviennent depetits exploitants modernes et réalisentdes bénéfices sur le marché. Cependant,ils doivent également se voir offrir despossibilités de travail rural non agricole. »

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seulement dans l’intérêt du secteur agricole lui-même, maisaussi dans l’intérêt de l’environnement économique au senslarge. La naissance d’une demande locale pour les biens etles services entraîne la création d’emplois non agricoles et ledéveloppement d’une industrie de transformation à petiteéchelle, ce qui stimule en retour la croissance agricole.

Tournés vers un avenir plein de promessesIl suffit d’observer les fermiers ruraux du Ghana, de laRépublique unie de Tanzanie et du Viêt Nam pourcomprendre à quel point les petits exploitants sontessentiels à la croissance agricole et économique dans lemonde en développement. En effet, la croissance du PIBgénérée par l’agriculture est au moins deux fois plus efficacedans la réduction de la pauvreté que la croissance des autressecteurs. C’est en investissant durablement dans la chaîne devaleur que nous pourrons progresser sur le chemin de laréussite et faire en sorte que l’agriculture devienne unemanière encore plus efficace de réduire la pauvreté dans lescommunautés rurales.

Les décennies à venir apporteront des changements réelset fondamentaux au mode de vie des petits agriculteurs et àla manière dont ils font tourner leurs exploitations. Lesrisques sont visibles, mais les possibilités abondent. Lesdéfis soulevés par le changement climatique sont réels etnous devons nous assurer que nos efforts s’inscrivent dansune logique de développement durable sur le planenvironnemental. Toutefois, grâce à des primes intelligentes,des idées créatives et un soutien stratégique, de nombreuxpetits exploitants pourront non seulement survivre, maisprospérer. Une croissance agricole favorisée par les marchésmodernes présente le potentiel d’un mode de vie caractérisépar une plus grande sécurité financière, une éducation plussolide et de meilleurs soins de santé. En bref, le marchépourrait rendre la vie meilleure.

Le développement devra se produire au cœur de chaquepays si nous espérons assister aux changements à grandeéchelle nécessaires pour atteindre les Objectifs du millénairepour le développement et nourrir les générations futures.C’est seulement lorsque les pays en développement feront dela croissance agricole rurale une priorité que nous pourronssoutenir et renforcer leurs efforts. Il n’existe aucune politiquemiracle qui fonctionne pour toutes les régions, mais enadoptant une approche intelligente adaptée au niveau local,nous pouvons faire sortir des millions de personnes de lapauvreté et assurer leur prospérité. Le FIDA s’engage àtravailler dans ce sens. Les petits exploitants montreront lechemin, et nous continuerons à leur tendre la main. n

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Près d’Arusha,République unie deTanzanie. Travailleurs aumilieu des serres d’uneentreprise qui produit,cultive et développe desgraines pour lesexporter à desmaraîchers etagriculteurs européens.

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Il y a toujours eu une forte interdépendance etinterconnectivité entre l’activité économique et leprogrès social. Ces derniers temps, toutefois,l’activité économique est de plus en plusconsidérée comme une nécessité inopportuneplutôt qu’un partenaire indispensable. Je croisqu’il est temps de rétablir la vérité sur la relationentre l’économie et la société.

Heureusement, au cours des dernières années,une nouvelle définition du rôle de l’économiedans la société a vu le jour, clairement axée sur laréflexion à long terme et l’alignement des intérêtsdes actionnaires et des sociétés pour un impact

mutuel, c’est-à-dire pour la Création de ValeurPartagée (CVP). Ce n’est pas une nouvelleapproche ou une nouvelle réalité. C’est ce que laréalité économique aurait toujours dû être. LaCVP est simplement une nouvelle façon dedéfinir le rôle fondamental de l’activitééconomique dans la société, pour créer une valeurmutuelle.

D’abord énoncé par d’éminents penseurs telsque Michael Porter d’Harvard, le concept de laCVP a un écho significatif pour Nestlé car ellereflète la façon dont nous opérons depuis desdécennies. Son adoption a clarifié notre approche

existante et, avec nos pratiques économiquesdurables et notre politique de conformité solide,elle garantira la pérennité de notre succès ainsique des sociétés que nous servons.

L’une des choses que nous a apprises notreprésence sur le marché depuis plus d’un siècle estl’impact d’une approche orientée. Étant donné lanature de nos activités et notre volonté de devenirle leader mondial de la nutrition, de la santé et dubien-être, nous avons identifié la nutrition, l’eau etle développement rural comme des axesprioritaires pour le déploiement de nos efforts deCVP. Nous avons identifié ces secteurs car ils sont

Le PDG de Nestlé, Paul Bulcke, reconnaît que le succès de l’entreprise dépend de la créationd’une valeur ajoutée pour toutes les personnes concernées : des agriculteurs qui cultivent sesproduits à ses employés, ses clients et aux communautés dans lesquelles elle est présente.

‘Création de Valeur Partagée’ pourla société et les actionnaires

Produits Maggidans un rayonde supermarché.Photo : Nestlé

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intrinsèquement liés à notre chaîned’approvisionnement et c’est là que nous pouvonsavoir le plus fort impact.

Valeur nutritiveDans le monde développé et en développement,ce secteur d’intérêt a été source de bénéfices pourla société tout en nous permettant d’améliorernotre propre compétitivité. Les investissementsvisant à améliorer la valeur nutritive de nosproduits, à travers les normes de vie et de viabilitéà long terme des communautés rurales et laréduction de notre impact sur l’environnement,par exemple, améliorent l’attractivité de nosproduits tout en protégeant l’environnement et enoffrant d’importants bénéfices à long terme pourla société.

L’un des meilleurs exemples de ceci est notre‘stratégie de produits à positionnement populaire’.Ces produits alimentaires hautement accessibles,vendus principalement dans les régions à faiblerevenu, nous ont permis d’atteindre des milliardsde consommateurs à travers le monde. Entravaillant avec les gouvernements locaux pourcomprendre les besoins des gens dans certainesrégions spécifiques, et en enrichissant ces produitsavec des micronutriments essentiels, nouscherchons à améliorer la santé publique ainsi quela popularité de nos produits.

Pour illustrer l’importance de la portée de cetimpact, nous avons en 2010 vendu 90 milliards deportions de nos produits enrichis Maggi et utilisénotre savoir-faire scientifique pour enrichir nosproduits laitiers en vitamine A, en fer ou en zinc,en fonction des besoins des populations locales de80 pays.

Ces produits offrent des opportunitésd’emploi directes aux régions pauvres, à la fois àtravers nos installations de production locales etnos méthodes de distribution uniques qui ontdéjà donné naissance à plus de 6 000 micro-entrepreneurs, pour la plupart des femmes, danscertaines des régions les plus pauvres du Brésil, dela Thaïlande et des Philippines.

Utilisation de l’eauNotre travail vis-à-vis de l’eau a également unimpact mondial. Nous avons réduit notre propreconsommation d’eau et production d’eaux uséesde deux tiers ces dix dernières années, réalisantainsi des économies substantielles. Et nous aidonsnos fournisseurs à améliorer leur utilisation del’eau. L’agriculture étant l’un des plus importantsutilisateurs d’eau douce, le fait d’aider lesagriculteurs à adopter une meilleure gestion desressources en eau aura une influence durable et degrande envergure. Nous investissons dans leurscommunautés et avons fourni des puits d’eaupotable pour les écoles dans plus de 100 villagesd’Inde et d’Afrique de l’Ouest. Notre travailpermet à des communautés plus saines et plusproductives de voir le jour, capables de fournir lesmatières premières de qualité dont nous avonsbesoin.

Les ressources mondiales en eau ne sont passeulement essentielles pour nos propresopérations ; elles sont essentielles pour la vie.Nous prenons cela très à cœur et utilisons notre

position pour promouvoir l’action au-delà ducadre de notre propre entreprise, par exemple, enéduquant les enfants à travers le monde à la bonnegestion de l’eau, et en élaborant des solutionsintégrées en réponse à la crise mondiale de l’eau àtravers la participation active à des groupes, telsque le World Economic Forum Water ResourcesGroup et le CEO Water Mandate du Pacte mondialdes Nations Unies.

Développement ruralNotre troisième axe de priorité est ledéveloppement rural. Avec 70 % de la pauvretémondiale concentrée dans les zones rurales,l’investissement dans ces régions est crucial,particulièrement dans le développement de lacapacité agricole. Avec 443 usines à travers lemonde, principalement dans des zones rurales etplus de la moitié dans des pays en développement,et en tant qu’important acheteur international deproduits agricoles, nous représentons une sourcesignificative de cet investissement.

Dès les années 1920, nous avons construit desusines dans les zones rurales du Brésil et del’Afrique du Sud et avons constaté à quel pointelles étaient source de développement. Enapportant de nouvelles possibilités et en facilitantle développement des infrastructures, telles queles routes et les systèmes de traitement des eaux,nous pouvons contribuer à des améliorationsdurables dans les communautés rurales et donneraux gens de nouveaux espoirs et ambitions, avecun impact positif majeur pour l’avenir.

L’agriculture peut être un facteur clé dudéveloppement rural. En s’engageant auprès descommunautés agricoles et en fournissant uneassistance technique et financière, nous les avons

aidés à bâtir un avenir meilleur. Aujourd’hui, noustraitons directement avec près de 600 000agriculteurs à travers le monde, affectant la vie demillions d’autres.

Investir dans la productivitéEn tant que plus grand transformateur de lait aumonde, nous acquérons près de 12 millions detonnes de lait auprès d’environ 30 districts laitiers àtravers le monde, où nous investissons pour aiderles agriculteurs à devenir plus productifs en leuroffrant des conseils gratuits, des vaccins et lapossibilité d’un soutien financier. Au-delà de nosdistricts laitiers, nos principaux engagements pouraméliorer la productivité et la rentabilité desagriculteurs ont été « Le Cocoa Plan » et « Le NescaféPlan ». Entre aujourd’hui et 2020, nous investironsdans ces deux programmes 700 millions de dollarsaméricains dans des initiatives de développementrural clés, notamment à travers des investissementsen recherche et développement, en nous attaquant àdes problèmes tels que le travail des enfants et leHIV, en mettant en place des projets sociaux et ennous assurant que les produits Nestlé n’ont pasd’impact sur la déforestation.

Nous savons que nous ne détenons pas toutesles réponses concernant les meilleures façons decréer de la valeur partagée, et nous invitons lesparties prenantes externes à nous faire part deleurs idées. Le Comité consultatif sur la CVP deNestlé, un organisme comprenant des experts ennutrition, en eau et en développement rural dumonde entier, nous a déjà fourni des perspectivesinestimables sur ce que nous pouvons améliorer.D’après ses recommandations, nous chercheronscette année à stimuler davantage lesinvestissements généraux dans le développementrural et nous continuerons à exprimer de vivespréoccupations à l’égard de problèmes tels que leseffets de la déforestation sur les biocarburants.

La Création de Valeur Partagée peut égalementêtre utilisée par la communauté mondiale pourpromouvoir des actions sur les problèmes urgentstels que la nécessité de doubler la productionalimentaire d’ici 2050. Nous pensons que de tellesquestions sont mieux traitées à travers l’actioncollaborative, avec les gouvernements, lesentreprises et la société civile, travaillant ensembleet utilisant les forces de chaque partenaire pourl’avancement de toutes les parties. C’est seulementà ce moment-là qu’il sera possible d’exploiter lacapacité de l’agriculture à assurer la sécuritéalimentaire, la durabilité environnementale et lacroissance économique mondiale.

En conclusion, il existe deux principes de baseque nous considérons comme les moteurs de laCVP : l la compréhension qu’aucune entreprise nepeut réussir à long terme si elle concentre sesefforts uniquement sur ses actionnaires : elle doitégalement avoir un impact positif sur la société,et, l l’idée que des sociétés libres et ouvertes nepeuvent réussir à long terme que dans le cadred’une économie dynamique aux entreprisesprospères, qui reconnaissent également leurinterdépendance mutuelle avec les communautésdans lesquelles elles opèrent. n

« Nous avons identifié lanutrition, l’eau et ledéveloppement ruralcomme des axesprioritaires pour ledéploiement de nosefforts de CVP... ils sontintrinsèquement liés ànotre chaîned’approvisionnement etc’est là que nous pouvonsavoir le plus fort impact. ”

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Le monde fait face à de nombreuses crises :économique, sociale et environnementale. Lespays en développement sont particulièrementaffectés, composant avec des économies faibles etinégales, et se trouvent dans les régions les plusexposées aux changements climatiques. À la foisau niveau social et environnemental, le secteuragricole joue un rôle majeur dans l’économie despays en développement : au niveau social car c’estle secteur qui fournit la majorité des emplois, etparce qu’il tente de garantir la sécurité alimentaire– une question cruciale dans un contexted’augmentation des prix des denrées alimentaireset des récentes émeutes de la faim ; et au niveauenvironnemental, car il utilise jusqu’à trois quartsdes ressources en eau douce du monde, et car lessystèmes agricoles établis peuvent être à l’originede l’érosion des sols, de la pollution et de ladésertification. Il est absolument essentiel eturgent que le monde abandonne les pratiquesagricoles standard et adopte des systèmes plusdurables. Mais de tels systèmes agricoles peuvent-ils produire suffisamment pour nourrir le mondeà un prix abordable ?

Le modèle agricole SEKEMSEKEM, une initiative de développement durableholistique basée sur une agriculturebiodynamique, va dans ce sens. L’agriculturebiodynamique est une forme spécifiqued’agriculture biologique qui, comme défini parl’association écologique Demeter, considèrel’agriculture comme « un écosystème autonomechargé de créer et maintenir sa santé et sa vitalitéindividuelle sans apports externes ou nonnaturels. […] Les sols, les plantes, les animaux etles humains créent ensemble cette image d’unorganisme vivant holistique. »

SEKEM applique des méthodes agricolesbiodynamiques, notamment l’utilisation massive

de compost, afin de transformer les terresdésertiques en sols sains et fertiles. L’utilisation decultures résistantes et les prédateurs naturelséliminent le besoin d’intrants extérieurs, tels queles engrais chimiques et les pesticides.L’agriculture biodynamique implique des cyclesd’éléments nutritifs fermés, dans lesquels SEKEMélève du bétail pour produire son proprecompost, cultive des céréales pour le nourrir etutilise la rotation des cultures pour améliorer lafertilité des sols. Le surplus est vendu auxsupermarchés et aux magasins biologiques, auniveau national et international.

Le facteur de coûtUne question cruciale que l’on se pose lorsqu’onenvisage d’abandonner les pratiques agricolesstandard est : allons-nous devoir faire face à descoûts plus élevés ? Le modèle SEKEMd’agriculture biologique et durable, utilisantefficacement les ressources et protégeant les sols,requiert en moyenne 10 à 30 % de main d’œuvresupplémentaire que la production agricoleconventionnelle. L’emploi de davantage detravailleurs entraîne généralement des dépensesgénérales plus élevées. De même, les produits biodans les rayons des supermarchés coûtenttoujours plus cher que les alternativesconventionnelles.

La conclusion logique doit être que laproduction biologique est plus onéreuse que laproduction habituelle. Mais est-ce vraiment lecas ?

La réponse est non. Une vision économique siétroite ne prend pas en compte les facteursexternes fiscaux et socio-économiques qui ne sontpas internalisés dans le prix du marché desproduits bio. Prenons comme exemple l’Égypte :il existe des subventions pour l’énergie et l’eau quipromeuvent des pratiques gourmandes en

ressources. Des pratiques à utilisation efficace desressources, telles que l’agriculture biodynamique,ne bénéficient pas autant (voire pas du tout) de cessubventions et sont ainsi désavantagées, donnantlieu à des distorsions du marché.

Les économies indirectes découlant desystèmes agricoles plus durables ne figurent pasnon plus dans ce calcul. Des sols plus sains avecune haute teneur en matières organiques solidesaméliorent la capacité de rétention de l’eau,diminuent la consommation en eau etempêchent l’érosion. Par rapport à la productionagricole habituelle, l’amélioration de l’efficacitéénergétique, la réduction des effets de serre et lameilleure séquestration du carbone permises parl’agriculture biodynamique en font un fantastiqueoutil pour minimiser les changementsclimatiques. Les cultures résistantes, l’assolementet les méthodes de diversification telles quel’agrosylviculture, entraînent une réduction durisque de mauvaises récoltes. Les culturesintercalaires et l’absence d’intrants chimiquesaugmentent la biodiversité. Par ailleurs, desdépenses moindres en intrants extérieurspermettent de disposer de ressources financièrespour couvrir les coûts plus importants de maind’œuvre, renforçant ainsi les moyens desubsistance en milieu rural. Les méthodesagricoles biodynamiques sont également plussaines car elles n’exposent pas les agriculteurs, lesanimaux, les sols, l’air ou les eaux de surface à desproduits chimiques dangereux.

Il est toutefois difficile de quantifier leséconomies engendrées par les systèmesd’agriculture durable ainsi que leur potentield’atténuation et d’adaptation aux changementsclimatiques. Ce n’est cependant pas seulement dubon sens, la communauté scientifique et lesanalystes économiques pensent également quecela aurait un formidable impact économique

Pour Helmy Abouleish, directeur général du groupe SEKEM(Égypte), l'agriculture biodynamique n'est pas seulement unefaçon d'aborder des problèmes majeurs tels que le changementclimatique et la sécurité alimentaire, mais également la seulefaçon de parvenir à une compétitivité à long terme.

UNE AGRICULTURE ‘Il est absolument essentiel et urgent que le monde

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positif. Par ailleurs, un autre facteur importantdoit être pris en compte : les économies faites surle coût des systèmes de santé nationaux lorsqueles pesticides et engrais chimiques sontremplacés par des prédateurs naturels et lecompost. La santé des agriculteurs s’amélioreconsidérablement et les populations peuventbénéficier d’une grande variété d’aliments necontenant pas de résidus chimiques.

En prenant en compte tous les aspects relatifsau coût, de la main d’œuvre aux machines enpassant par les subventions et les coûts en matièred’environnement et de santé, l’agriculture durableest déjà une alternative intéressante. Tandis queles prix de l’énergie augmentent, que l’eau se faitplus rare et que les changements climatiques sefont plus intenses, seuls les systèmes d’agriculturedurable constitueront une option viable etabordable.

Nourrir le mondeEn 2050, l’humanité devra produire suffisammentde nourriture pour neuf milliards de personnes.La disponibilité, l’accessibilité et le prix abordabledes aliments, en quantité suffisante, sont lescritères à la base de la sécurité alimentaire quidoivent être pris en compte dans le choix dusystème agricole de demain.l Disponibilité : Contredisant la croyance bienétablie que les intrants extérieurs tels que lesengrais chimiques sont nécessaires pouraugmenter la production alimentaire, de plus enplus de scientifiques, de groupes de travail etd’experts, tels qu’Olivier de Schutter, le rapporteurspécial des Nations Unies pour le droit àl’alimentation, revendiquent désormais que lestechniques de conservation des ressources àfaibles intrants extérieurs ont la possibilité avéréed’accroître considérablement les récoltes. Dansles systèmes agricoles traditionnels des pays en

développement, et dans les régions où les solssont dégradés, les récoltes peuvent êtreaugmentées de 200 %. l Accès et prix abordable : Les zones rurales où lesplus importantes augmentations des récoltespourraient être obtenues à travers des méthodesd’éco-intensification, telles que l’agrosylviculture,sont souvent les régions souffrant de la pauvreté etde la faim. L’accroissement des récoltespermettrait donc de s’attaquer directement auproblème de l’accès à la nourriture et de nourrirles populations agricoles. Comme les systèmesagricoles durables demandent plus de maind’œuvre, un nombre important d’emplois seraientcréés, ce qui à son tour permettrait à davantage depersonnes d’acheter des produits alimentairespour leurs familles.

L’avenirLes paradigmes agricoles dominant doivent êtretransformés. Dans les pays développés,l’agriculture industrielle permet d’atteindre desniveaux de productivité élevés, principalement àtravers l’utilisation massive d’engrais, depesticides et d’herbicides chimiques, d’eau et decarburants pour le transport. L’agriculturetraditionnelle, principalement dans les pays endéveloppement, entraîne souvent la déforestationet l’extraction excessive de nutriments du sol. Lesmodes durables de production agricolereprésentent la seule solution qui permettrait defournir des quantités suffisantes de denréesalimentaires, abordables et nutritives, à lapopulation mondiale croissante.

En cette période de changement, comme nousen avons récemment fait l’expérience en Égypte, ilest temps de mettre en place des effortsrenouvelés et intensifiés pour la promotion desolutions durables en réponse aux gigantesquesdéfis auxquels nous faisons face. n

Le groupe SEKEM a pour principalesactivités la récupération de terres,l'agriculture biologique, laproduction de produits alimentaires,phyto-pharmaceutiques et textiles.SEKEM a été fondée par le Dr.Ibrahim Abouleish en 1977, et estaujourd'hui la plus grande entreprised'agriculture biologique etagroalimentaire d'Égypte, employantenviron 1 500 personnes. Les herbes,les fruits et les légumes cultivés dansles exploitations agricoles del'entreprise sont transformés pourcréer des produits alimentaires etdes médicaments de haute qualité,qui sont vendus sur le marchénational et international. Lesentreprises SEKEM comprennent leplus grand distributeur de thébiologique et le plus importantproducteur d'herbes du MoyenOrient. SEKEM est célèbre pour sesefforts en matière de responsabilitésociale d'entreprise au sein descommunautés où elle est présente,et elle est reconnue à l'internationalpour son rôle dans le développementdurable.

POUR L’AVENIR abandonne les pratiques agricoles standard.’

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Éthiopie : en passe de

L'histoire de l'Éthiopie a toujours eu uneimportance particulière dans celle du monde.Tout d'abord, c'est là que l'aventure humaine aréellement commencé. L'Éthiopie est ensuitedevenue l'une des plus grandes puissances dumonde antique et a été chrétienne avant lamajeure partie de l'Europe. Elle a été le terrainde conflits entre christianisme et islam mais lesdeux communautés religieuses viventaujourd'hui en bonne intelligence. Elle a été laseule en Afrique à résister au colonialismeeuropéen et conserve encore son espritd'indépendance. Mais dans le monde moderne,elle est devenue synonyme de pauvreté et demisère.

La grande famine de 1984-1985, qui a entraînéla mort de centaines de milliers de personnes, aflétri la réputation de l'Éthiopie et ouvert l'èremoderne de l'aide humanitaire. Un quart desiècle plus tard, le pays reste extrêmementdépendant de l'aide extérieure et peine àdébarrasser son image de ces clichés.Cependant, le gouvernement, au pouvoir depuis20 ans, n'a jamais relâché les efforts qu'ilconsacre à la transformation économiquenécessaire pour que la mort par la faimappartienne définitivement au passé.

Il y a une génération, c'était la ville de Korem,dans le nord de l'Éthiopie, qui abritait le plusvaste camp de réfugiés de la faim et attirait leséquipes de télévision. Sur le site du campaujourd'hui disparu, on trouve une écoleprimaire et un tout nouvel hôpital. Lorsque jem'y suis rendu, les administrateurs locauxpréparaient un congrès sur la famine,encouragés par des affiches portant des slogans

tels que « La faim ne doit plus tuer » et « Plusjamais ça, mettons un terme à la faim ».

Dans tout le nord du pays, qui constitue lecœur et le centre politique de l'Éthiopie, l'effortde développement est impressionnant. Aprèsdes décennies de dégradationenvironnementale, les collines reverdissent. Lesprojets de conservation de l'eau et d'irrigation semultiplient sur un territoire encore dépendantdes pluies. Derrière tous ces progrès, il y a ungouvernement qui reste fidèle à son passérévolutionnaire et aux liens qu'il entretenaitavec la paysannerie, et considère ledéveloppement comme une campagne socialetout autant qu'une politique de gestionéconomique.

De façon tout à fait consciente et délibérée,l'Éthiopie a évité un exode rural massif etchaotique en concentrant l'investissement dansles campagnes. La terre est toujours la propriétéde l'État et ne peut être achetée ni vendue. Uneexistence frugale sur une petite terre à lacampagne peut être préférable à une vie demisère dans un bidonville. Le rythme del'urbanisation s'accélère mais c'est la perspectived'emplois, souvent destinés à une générationplus jeune et mieux éduquée, qui en est lemoteur, et non la nécessité de fuir la pénurie.L'objectif consiste à susciter une évolutionsociale et non une crise du déplacement.

Loin du secteur social et des projets desecours de l'aide occidentale, un effort dedéveloppement plus important encore est encours. Il est financé par des prêts internationauxet réalisés par les Éthiopiens eux-mêmes, ainsique les Chinois qui deviennent rapidement les

acteurs externes les plus importants de larenaissance longtemps attendue de l'Afrique.C'est une révolution des infrastructures quiconcerne non seulement les routes mais aussiles télécommunications. Dans les régions lesplus reculées d'Éthiopie, j'ai vu des équipesd'ingénieurs chinois issus de ces secteurstraverser les plateaux en rangs serrés.

L'homme qui préside cette mutation compteparmi les Africains les plus remarquables de sagénération. Le parcours du Premier ministreMeles Zenawi témoigne plus largement del'histoire politique de la fin du XXe siècle et dudébut du XXIe. Cet ancien étudiant marxiste aabandonné ses études de médecine pourrejoindre et finalement conduire la guérilla.Lorsqu'il a pris le pouvoir en 1991, il était face àun pays en ruine qui devait trouver sa voie dansun monde capitaliste. Il n'a cessé depuisd'impressionner les dirigeants du monde et lesNobel d'économie par son analyse des besoinsde l'Éthiopie et la dextérité avec laquelle il meten œuvre ses politiques.

Meles Zenawi n'est pas un démocrate libéralmais il a néanmoins pour but de doter l'Éthiopied'institutions populaires durables. Et pourqu'elles aient un ancrage solide, il pense qu'il estessentiel de mesurer la pauvreté. Une phased'économie dirigée et d'autorité de l'État sur lesinstitutions politiques est nécessaire dans unpremier temps. Une telle philosophie politiquepeine à trouver un écho favorable en Occidentmais ceux qui pensent qu'un repas complet estaussi un droit humain fondamental devraientaccorder l'attention qu'ils méritent aux projetsdu Premier ministre pour son pays. n

Peter Gill a été l'un des premiers journalistes à relater la famine éthiopienne au milieu desannées 1980. Vingt-cinq ans plus tard, il voit le pays mettre en place des politiqueséconomiques en faveur des plus pauvres et il y a selon lui de véritables raisons d'être optimiste.

Éthiopie

ZOOM SURUN PAYS

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tracer sa propre voie

Peter Gill, journaliste etréalisateur dedocumentaires spécialisédans les problématiquesde développement, estl'auteur de Famine andForeigners: Ethiopia sinceLive Aid (Famine etétrangers : l'Éthiopiedepuis le Live Aid),récemment publié parOxford University Press.

Une école dans le sudde l’Éthiopie. Le contourdes frontières du pays aété tracé sur le mur.

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Dans les extraits suivants d'entretiens et de discours récents, le Premier ministreMeles Zenawi fait part de sa vision du développement durable en Éthiopie.

À la fin de l'année 2010, le gouvernement d'Éthiopiea dévoilé un ambitieux Plan de croissance et detransformation (PCT) sur cinq ans visant à doublerla production agricole et à soutenir la croissance duPIB à deux chiffres que le pays enregistre enmoyenne depuis cinq ans. Au lancement du plan,Meles Zenawi a déclaré aux journalistes : « Dans lefutur, nous serons autonomes sur le planalimentaire... Je pense que nous pouvons y parvenirau cours des cinq prochaines années. » En mars2011, il a communiqué les nouvelles suivantes ausujet de la mise en œuvre du PCT :

« Nous observons deux goulots d'étranglementdans la mise en place du PCT. Le premier estcelui de la finance et le second, les capacités demise en œuvre. Pour ce qui est de la finance,nous avons beaucoup travaillé pour identifier leslacunes et trouver des sources pour les combler.Le budget sur cinq ans semble bien assuré, enpartant du principe que les prêts et lessubventions que nous recevons de l'étranger semaintiendront à leur niveau actuel...

Concernant les capacités de mise en œuvre,nous avons bien entamé leur renforcement,

aussi bien au niveau des ministères et desentreprises publiques qu'en obtenant le soutiendu secteur privé. Dans le secteur des entreprisespubliques notamment, nous avons fondé laCorporation des métaux de base et du génie etnous nous attachons à renforcer ses capacités.Elle est maintenant en mesure d'accepter descontrats locaux de construction d'usines tellesque des usines sucrières, et de fabriquersuffisamment de pièces détachées pouralimenter, entre autres, le secteur de lafabrication et de l'automobile. La Corporation

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S'adressant à la conférence des ministres del'économie et des finances de l'Union africaine àla fin du mois de mars, le Premier ministreMeles Zenawi a recommandé aux pays d'Afriquede renforcer le rôle de l'État et d'investirlourdement dans les infrastructures.« Il est essentiel et plus qu'urgent d'avoir undébat sur un nouveau paradigme dedéveloppement centré sur le concept d'Étatdéveloppementiste. Le modèle néo-libéral decroissance n'est pas parvenu à apporter laprospérité à l'Afrique. Pendant trente ans, lalongue campagne contre les activités de l'État n'aproduit ni croissance durable, ni transformationéconomique. Elle a notamment échoué parceque ses efforts incessants pour l'affaiblissementde l'État en Afrique et de son rôle dansl'économie n'est pas parvenu à transformer unenvironnement improductif reposant sur larecherche de rente à tout prix. Ces activités sesont même parfois aggravées et enracinées plusprofondément dans l'ère de la domination néo-libérale. Tout cela conduit à penser que lemodèle néo-libéral a échoué à la fois dans sacompréhension du problème sous-jacent etdans la solution qu'il prescrit. »

« L'une des plus grandes menaces qui pèsesur la croissance durable de nos économiesreste le retard considérable du développementdes infrastructures de nos pays. Si le secteurprivé a un rôle important à jouer dans cet effort,l'État doit rester à sa tête et assumer unemission essentielle. Trois décennies passées àattendre que le secteur privé vienne combler lesmanques de nos infrastructures n'ont servi qu'àaccentuer notre retard. Nous ne pouvons pasnous permettre d'attendre plus longtemps.Nous devons nous engager dans unprogramme massif d'investissements à la foispublics et privés dans les infrastructures sinous voulons avoir la moindre chance desoutenir la modeste croissance que nous avonsréalisée ces quelques dernières années. Larécente décision du G20 de mobiliser unepartie de l'excédent de l'épargne dans le mondeen faveur de l'investissement dans lesinfrastructures en Afrique revêt pour nous uneimportance stratégique. Nous devonsimpliquer le G20 activement pour veiller à ceque les ressources nécessaires soient mises auservice de l'investissement dans lesinfrastructures d'Afrique, et que la majeurepartie d'entre elles soient orientées versl'investissement public. Nous devonscommencer à agir différemment. » n

assure ainsi un important travail deremplacement des importations.

Nous cherchons à améliorer radicalement lepaysage concurrentiel du secteur du bâtiment.Nous espérons aider à la création de centainesd'entreprises de construction locales. Nousavons préparé les financements qui permettrontde les soutenir et nous nous sommes procurédes engins de terrassement. Nous allons devoirfonder plusieurs villes industrielles. Dans le sudde l'Oromie par exemple, nous espéronsdévelopper environ 150 000 hectares deplantations de sucre associés à six grandessucreries, ce qui représente environ six petitesvilles. Nous établirons quatre ou cinqplantations sucrières supplémentaires etenviron sept usines d'engrais dans l'ouest del'Oromie, ce qui implique également laconstruction d'une ville de grande taille. »Lors de la conférence « Énergie hydraulique :pour un développement durable 2011 » qui s'estdéroulée dans la capitale éthiopienne AddisAbeba à la fin du mois de mars, Meles Zenawi aprésenté les projets de son gouvernement pourl'alimentation énergétique du développementdurable du pays.« Notre gouvernement a décidé d'exploiter lesabondantes ressources de l'Éthiopie pourgénérer de l'électricité à partir de sourcesrenouvelables, non seulement pour résoudre lapénurie d'énergie électrique qui frappeactuellement notre pays, mais aussi pourexporter de l'énergie vers les pays voisins, moinsavancés dans la production d'énergierenouvelable. L'Éthiopie a en effet élaboré desplans visant à réduire à zéro toute émission nettede carbone d'ici 2025, un objectif ambitieux etnoble que ne partagent que quelques pays dansle monde, en partie parce qu'elle est conscientede son potentiel.

Notre plan pour 2025 s'appuie sur troispiliers. Le premier consiste à générerpratiquement toute notre électricité à partir desources propres et renouvelables, en mettantl'accent sur l'énergie hydraulique mais enincluant également le vent, la géothermie et lebiogaz des plantations de sucre comme sourcescomplémentaires importantes. Le second pilierde notre plan est l'optimisation de l'utilisationde l'électricité et des biocarburants pour letransport et les autres besoins énergétiques. Letroisième et dernier pilier consiste à mener unprogramme de reforestation massif des terresdégradées afin, notamment, de créer ungigantesque réservoir de carbone. Nous

envisageons donc de replanter plus de 15millions d'hectares de terre dégradée au coursdes prochaines années. En d'autres termes, nosplans ambitieux visant à produire 8 000 MWsupplémentaires à partir de l'énergiehydraulique au cours des cinq prochainesannées contribuera non seulement à combler,avec toute l'urgence requise, les manques criantsde notre région en matière d'infrastructures,mais aussi à éliminer nos émissions de carbonetout en aidant les pays voisins à réduire leurspropres émissions. »

« Dans le futur, nousserons autonomes sur leplan alimentaire... Je penseque nous pouvons yparvenir au cours des cinqprochaines années. »

Éthiopie

ZOOM SURUN PAYS

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MakingIt38

Environ 50 millions de tonnes d’huile de palmesont produites chaque année, un chiffrecertainement amené à augmenter. La demandeest soutenue par le rendement de cette culture, cardans le cas de l’huile de palme, ce dernier est prèsde six fois plus élevé par hectare que celui del’huile de colza. Compte tenu de ces niveaux derendement exceptionnels, les cultivateurs setournent à un rythme croissant vers la culture depalmiers à huile, ce qui n’est pas sans susciter desinquiétudes quant à son impact sur les plansenvironnemental et culturel. De fait, différentesorganisations de défense attribuent àl’augmentation de la production d’huile de palmela responsabilité du développement de pratiquesagricoles préjudiciables, de la destruction deforêts équatoriales vulnérables et deconséquences négatives pour les culturesautochtones. Aujourd’hui, près de 8 % de l’huilede palme est produite selon des normes « durables » s’efforçant de limiter les dégâts causéspar la production massive d’huile de palme grâceà des méthodes moins invasives. En revanche, laproduction durable d’huile de palme pourraitbien s’avérer plus coûteuse et moins efficace que laproduction classique.

L’omniprésence de l’huile de palme Au cours des trente dernières années, l’huile depalme a connu une croissance de productionexponentielle. Les projections pour laconsommation annuelle d’huile de palmeestiment qu’elle bondira de son niveau actuel de38 millions de tonnes à 63 millions de tonnes en2015, pour atteindre les 77 millions de tonnes en2020. L’Indonésie est le plus importantproducteur mondial d’huile de palme, cependantun nombre croissant de pays se hissent au rang deconcurrents sérieux sur le marché mondial,parmi eux la Malaisie, la Colombie, le Brésil, leNigéria, le Libéria, la Thaïlande et l’Ouganda.

Cette croissance n’est pas uniquement portéepar l’efficacité de l’huile de palme en termes decoût, mais également par ses multiplesapplications pour la conception et la productionde toute une gamme de graisses et de produitsalimentaires, tels que les pâtisseries, les laitscondensés et en poudre, les frites, les alimentsconcentrés ainsi que les compléments intégrés àl’alimentation des animaux. L’étendue desapplications de l’huile de palme s’étire jusqu’auxproduits non-comestibles comme le savon, lesdétergents, les bougies, les produits cosmétiques,la colle, les encres d’imprimerie, les lubrifiantsmécaniques et les biocarburants.

En raison de l’étendue de ce champd’applications, les industries fortementdépendantes de l’huile de palme seraient bien enpeine pour trouver une alternative adaptée et

présentant un rendement et une efficacité entermes de coût aussi élevés.

Une huile présentant surtout des possibilitésou des problèmes ? La rapide expansion de l’industrie de l’huile depalme a laissé dans son sillage d’importantesparcelles de terrains fragiles dégradés. Avec pourobjectif la production de palmiers à huile àgrande échelle, de nombreuses plantationsemploient des techniques sur brûlis destructives,transformant les forêts en rangées de palmiers àhuile bien alignés et faisant des écosystèmesdynamiques de la forêt équatoriale unemonoculture. Les dégâts causés aux écosystèmescomprennent : l la destruction des forêts denses équatorialespour faire place à de nouvelles exploitationsd’huile de palme ; l le déversement des effluents des usines d’huilede palme, détruisant au passage la vie aquatique ; l le déplacement des populations indigènes etdes cultivateurs de subsistance. l la destruction de l’habitat et en conséquence dela faune, avec un impact particulièrement sévèresur les populations globales d’orang-outangs. l la destruction par le feu et l’érosion degigantesques parcelles de terres de tourbières, quisont en mesure d’absorber d’importantesquantités de CO2 ;

Certaines entreprises, tant producteursqu’acheteurs, sont dans le collimateur desorganisations de défense en raison de leurimplication, soit directe soit indirecte, dans cespratiques. Les campagnes de marketing socials’avèrent très efficaces pour initier deschangements de comportement d’achat etd’approvisionnement de la part des entreprises,comme en témoigne l’exemple de la campagnevirale de la vidéo Kit Kat de Greenpeace,demandant à Nestlé de cesser d’acheter de l’huile depalme provenant de zones où la forêt équatoriale aété dévastée. En conséquence de cette campagne,Nestlé a immédiatement arrêté d’acheter l’huile depalme fournie par Sinar Mas (la plus grosseentreprise d’huile et de pulpe de palme enIndonésie, et également planteur que Greenpeaceaccuse de détruire sans se cacher la forêtéquatoriale pour étendre les plantations depalmiers). Nestlé a également pris contact avec TheForest Trust (une organisation caritative qui entendmettre fin à la déforestation illégale en remontant àla source des produits de consommation), qui va

aider Nestlé à définir un cadre pour des achatsd’huile de palme plus durable. Nestlé, qui achèteactuellement 18 % de son huile de palme auprès desources « vertes », prévoit de franchir les 50 % d’ici àla fin de l’année 2011, et d’obtenir la totalité de sonapprovisionnement en provenance de sourcesrespectueuses de l’environnement à l’horizon 2015.

La durabilité est-elle une option ? Bien que les impacts environnementaux etsociaux de la production d’huile de palme aientessuyé de vives critiques de la part d’un grandnombre d’acteurs de l’industrie, les prédictionsfunestes peuvent néanmoins être écartées par lamise en œuvre de pratiques durables qui estactuellement entreprise, grâce aux effortsconcertés de la part des acteurs commerciaux etassociatifs.

Le fait de donner accès à l’information est unfacteur décisif de changement pour beaucoupd’organisations qui tentent d’amorcer uneévolution du comportement des entreprises. Parexemple, en 2009 le WWF a lancé le classementdes acheteurs d’huile de palme (« Oil BuyersScorecard »), avec comme objectif de base depointer du doigt de nombreux grands acheteursprétendant avoir adopté des méthodes d’achatrespectueuses de l’environnement, mais qui ontéchoué à atteindre leurs propres objectifs.

Beaucoup de grandes corporations ont entaméune réforme de leur production et de leurs achatsd’huile de palme pour répondre aux inquiétudesdes groupes de défense et des consommateurs.Par exemple, dans le cadre de l’initiative « HelloGreen Tomorrow » d’Avon, cette société a rendupublique sa Promesse pour l’huile de palme (« Palm Oil Promise »), un engagement pris partoute l’entreprise, à dimension mondiale, vis-à-visde l’huile de palme durable, qui l’astreint à acheter100 % d’huile de palme certifiée durable. D’autresoptions se basant sur la durabilité ont émergé aucours des quelques dernières années, et lesprincipaux acteurs de l’industrie commencent àmettre en œuvre les normes définies par cesorganisations. Le plus important d’entre eux, latable ronde sur l’huile de palme durable (RSPO),travaille collaborativement à définir un ensemblede normes à l’échelle mondiale en vue de guiderd’industrie de l’huile de palme sur une voiedurable. Actuellement, la RSPO compte plus de400 membres, avec parmi eux des ONG, desinvestisseurs, des producteurs d’huile de palme etdes grandes entreprises comprenant UnileverGlobal, Cognis et IOI.

Bien que la RSPO soit la plus grandeorganisation contribuant à amener l’industrie del’huile de palme vers un avenir durable, il s’agit enoutre d’une organisation s’appuyant largementsur une base volontaire. Il n’est donc passurprenant qu’un grand nombre d’organisationsactivistes aient accusé la RSPO de pratiquer l’« étiquetage vert », et aient identifié ce qu’ilsconsidèrent comme des failles importantes dans

JOHANNA SORRELL écrit sur les sujetsde l'environnement et du développementdurable pour le 2degreesnetwork.

La production à grandeéchelle et durable d’huile depalme est-elle une optiontangible pour l’industrieconcernée, s’interrogeJohanna Sorrel.

L’huile de palme peut-elle être durable ?

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MakingIt 39

les principes et critères définis par cette tableronde. Par exemple ; lFriends of the Earth a accusé la RSPO d’être un «outil techniquement limité, qui n’est pas enmesure d’apporter des solutions adéquates àl’impact désastreux de la culture des palmiers àhuile sur les forêts, les terres et les communautés » ;lGreenpeace est à la fois soutient et critique de laRSPO, mais a souligné la poursuite des activitésde déforestation par des entreprises membres dela RSPO ; l Le Rainforest Action Network soutientégalement certaines initiatives de la RSPO, mais acependant exprimé une nette insatisfaction auregard de certains de ses processus.

Si la définition de normes et les débats quil’entourent sont une chose, leur mise en œuvreest une toute autre histoire. Afin d’y remédier,Greenpalm, un programme d’échangescommerciaux certifiés conçu pour contribuer àgarantir une production durable d’huile depalme, a été échafaudé. GreenPalm fait office d’«intermédiaire » aidant les acheteurs d’huile depalme à acquérir des crédits de certificationpour « compenser » leurs achats, principalementen raison du fait que l’achat direct en provenancede sources d’approvisionnement limitéesd’huile de palme durable est souvent uneopérations extrêmement difficile. Chaque créditacheté représente un bonus payé auxproducteurs durables pour une tonne d’huile depalme, contribuant ainsi à garantir et renforcerla durabilité de la chaîne d’approvisionnement.

Bien que ces systèmes soient loin d’atteindre laperfection, ils constituent des outils évolutifspour mettre l’huile de palme sur les rails d’uneproduction plus durable, et continuerontespérons-le à mettre au point des normes réelleset atteignables, de la plantation à l’achat.

Vers quoi nous dirigeons-nousmaintenant ? Une plus forte demande et une consommationaccrue, conjointement à un manque de terres arablesdisponibles en raison de la compétition avec d’autrescultures et des disputes entre acteurs du secteur,poseront des défis croissants à la production d’huilede palme à l’avenir. En l’absence de perspectives àcourt terme de diminution de la demande en huilede palme, rien ne garantit que l’industrie de l’huilede palme soit en mesure de maintenir ses niveauxactuels de production si toutefois des mesures pourassurer la durabilité étaient mises en place danstoute l’industrie, suscitant au passage l’inquiétudedes acteurs ayant investi d’importants capitaux dansl’industrie. L’éducation des consommateurs et del’industrie, ainsi que la volonté de s’impliquer à tousles niveaux chaque fois que cela est possible, sontautant de facteurs amenés à jouer un rôle crucialtandis que la production suivra inévitablement soncours, durablement ou pas. l Reproduit avec l’autorisation de 2degrees – TheGlobal Community for Sustainable Business. Ph

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Un ouvrier pulvérise dudésherbant paraquat dans uneplantation de palmiers à huile auxabords de Kuala Lumpur. Laparaquat est interdit dans l'Unioneuropéenne, néanmoins desmillions d'agriculteurs dans toutel'Asie utilisent ce produit chimiquepour éradiquer les mauvaisesherbes, s'exposant de ce fait à desérieux risques sanitaires.

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MakingIt40

Navdanya est un mouvement que j'ai lancé en 1987, et ici à laferme Navdanya (dans l'Uttaranchal au nord de l'Inde), notreprincipale activité est la conservation des semences. Nous enavons conservé plus de 1 500 variétés. C'est également unendroit où les agriculteurs viennent chercher des semences. Deplus, c'est une ferme biologique, et j'en suis ravie car, lorsquenous avons démarré, c'était un « désert » d'eucalyptus. Grâce ànotre pratique de l'agriculture biologique, la terre est désormais

vivante, les pollinisateurs sontrevenus et les papillonss'activent. C'est devenu unsanctuaire de la biodiversité.Notre troisième activité est laproduction de connaissances,tant sur le plan de laformation que de la

recherche. Nos recherches montrent que les systèmesécologiques et biodiversifiés peuvent produire deux à trois foisplus de nourriture par hectare que les monocultures intensives.Les mensonges de l'agriculture industrielle et du géniegénétique ont été percés au grand jour grâce aux pratiques decette ferme. Les semences nous enseignent le renouvellement,la générosité, la multiplicité et la diversité.

« Nous devons conserver les semences »L'urgence est mondiale car les semences ont été usurpées etcolonisées. De grandes entreprises ont décrété que lessemences étaient leur propriété intellectuelle et cetteappropriation ne peut se faire que par la modification et lamutilation au moyen du génie génétique. Aussi sommes-nousface à un double danger : celui des modifications génétiques etcelui du brevetage des semences.

Nous avons pu constater le résultat de cette combinaisondans le domaine du coton. L'Inde est la terre du coton. Nous encultivions auparavant 1 500 variétés. C'est la terre sur laquelleGandhi a tissé la liberté au travers du coton... La semence est lemétier à tisser d'aujourd'hui, mais elle est maintenant menacée,car nous ne filons plus que du coton Bt génétiquement modifié,sous le contrôle d'une seule entreprise, Monsanto. Ainsi, si nousne conservons pas de semences, toute la diversité disparaîtra àjamais, emportant avec elle la mémoire que renferment lessemences : la mémoire écologique et la mémoire culturelle. Demême disparaîtra, dans la foulée, le gagne-pain desagriculteurs. La généralisation du coton Bt a tellement endettéles agriculteurs que dorénavant ils se suicident. L'Inde a connu

250 000 suicides au cours de ladernière décennie. Nous n'observonspas le même phénomène chez lescultivateurs de maïs, de tomates,d'oignons ou de riz. Nous ne leconstatons que dans le cas d'uneculture, le coton, et nous en voyons les conséquences. Le cotonBt anéantit la Nature. Il anéantit les agriculteurs. Il anéantitl'agriculture. Nous devons défendre la vie. C'est pourquoi nousdevons conserver les semences. Nous devons défendre notreliberté. C'est pourquoi nous devons conserver les semences.

Travailler main dans la main avec la NatureL'agriculture écologique et biologique travaille conjointementavec la Nature. Cela signifie premièrement que vous protégez laNature. Vous n'êtes pas en conflit avec la Nature, contrairementà l'agriculture industrielle qui est née de la guerre et quiperpétue la guerre contre la Nature et la Terre.

En second lieu, l'agriculture biologique protège lesagriculteurs. Une agriculture qui repose sur la guerre venddes produits chimiques de guerre aux agriculteurs, ainsi quedes semences génétiquement modifiées et brevetées. Cesexploitants s'endettent, puis soit ils quittent leur terre etdeviennent des réfugiés ou des migrants, soit ils mettent fin àleur vie. Au contraire, une agriculture écologique travaille avecles intrants internes qu'apportentla ferme et la Terre. La fertilité dusol provient des cultures que laTerre nous donne, tandis que lalutte contre les parasites provientde la diversité offerte par la Terre.Il n'est pas nécessaire d'acheterquoi que ce soit sur le marché. LaTerre dit généreusement : « Prenez tout ce que j'ai ».

Troisièmement, cette agriculture est bénéfique pour lapersonne qui consomme car lorsqu'on produit la nourritureselon les méthodes de la Nature, on produit une alimentationsaine, variée, délicieuse et nutritive...

Le génie génétique Examinons un peu la science des cultures génétiquementmodifiées. Le génie génétique ne fait que déplacer les gènesuniques, c'est-à-dire ceux qui n'ont qu'une propriété unique.Les seuls gènes qui ne présentent qu'une seule propriété sontles gènes toxiques qui produisent des toxines. Tous les autres,

Nous devons défendrenotre liberté. C'estpourquoi nous devonsconserver les semences.

Il n'est pas nécessaired'acheter quoi que ce soitsur le marché. La Terre ditgénéreusement : « Preneztout ce que j'ai ».

Entretien

Les systèmes biodiversifiéspeuvent produire deux àtrois fois plus de nourriturepar hectare que lesmonocultures intensives.

VANDANA SHIVA

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MakingIt 41

les gènes multiples, présentent une propriété positive : lerendement, la résistance à la sécheresse et aux inondations, ouune propriété relative à la couleur, à la saveur et au goût. Legénie génétique ne peut pas déplacer des gènes multiples. Ils'agit d'un outil très rudimentaire. Il fonctionne comme unpistolet : on ne fait que tirer avec. Avec un « pistolet à gènes », onne peut qu'injecter un gène à une seule caractéristique. La vieest trop complexe. Il n'est pas possible d'injecter les facultéscomplexes et autorégulatrices de la vie. On peut les aimer, lesentretenir, en avoir conscience, mais on ne peut pas les injecter.C'est une technologie primitive et rudimentaire.

La promesse selon laquelle le génie génétique produiraitdavantage de nourriture, qui était un mensonge du point de vuetechnique depuis le début, est maintenant mise à nu. En Inde,

on nous avait dit que le cotongénétiquement modifiédonnerait 3 750 kg par hectare.Or l'entreprise, après avoirmenti aux paysans, lespoussant au suicide, a dûadmettre que le rendementn'était que de 1 250 kg parhectare. Le rendement de nosvariétés est bien supérieur !Nous avons simplementdistribué des variétéstraditionnelles de coton aux

paysans de la « région des suicides », et ils ont obtenu demeilleurs résultats. Ces variétés ne poussent pas enmonoculture.

Seulement deux applications du génie génétique se sontrépandues dans le monde, en raison de l'aspect rudimentaire dela technologie : les cultures résistantes aux herbicides et lescultures produisant la toxine Bt. Les premières portent un gèneleur permettant de tolérer d'importantes doses de l'herbicidedont est propriétaire la société, tandis que les secondes portentun gène toxique destiné à produire un pesticide à l'intérieur dela plante. Les premières étaient censées supprimer lesmauvaises herbes, et les secondes les insectes parasites. Lespremières nous ont apportés les « super-mauvaises herbes » :les dégâts causés sont si importants que des centaines demilliers d'hectares sont désormais ravagés aux États-Unis.Monsanto soudoie les agriculteurs pour qu'ils achètentdavantage d'herbicides et les pulvérisent sur les « super-mauvaises herbes » résistantes au Roundup. Quant à la toxine

Bt, le ver de la capsule du cotonnier y estrésistant en Inde, et Monsantocommercialise maintenant le Bollguard II.De nouvelles espèces nuisibles ont vu le jourpartout, et les agriculteurs dépensent plusen pesticides qu'auparavant.

Les cultures génétiquement modifiées,qui ont été introduites comme une solutionaux produits chimiques, ont en réalité accrul'utilisation de ces derniers, ce qui est une «excellente » chose pour le secteur desbiotechnologies puisque c'est le mêmesecteur que l'industrie agrochimique. Lespopulations doivent en être informées poursavoir qu'il ne s'agit pas d'une solution. Lasolution, c'est l'agriculture écologique.

Nourrir les villesÀ propos de ces projections sur la croissance des populationsurbaines dans le monde, il faut tout d'abord souligner qu'ellessont très patriarcales. Elles émanent d'esprits hautementmanipulateurs, autoritaires et patriarcaux. Elles proviennent dela Banque mondiale qui dit : « Faisons sortir les paysans descampagnes » et qu'il y a « trop d'agriculteurs ». Il n'y a jamaisassez d'agriculteurs ! Un paysan qui exploite un hectare neprend rien à personne. Le problème, c'est la personne quiaccapare la terre. L'empreinte écologique est l'empreinte del'industrie, de la mondialisation.

En réalité, nous avons besoin de davantage de populationsur les terres arables, et je travaille à élaborer une vision d'unavenir dans lequel nous n'aurons pas 70 % de la populationvivant dans les villes. Néanmoins, quels que soient les chiffres,chaque ville devrait avoir son propre « grenier ». La nourrituredevrait être intégrée à la planification urbaine. Non seulementles villes, en fonction de leur taille, devraient-elles êtreentourées de zones fournissant de la nourriture selon la culture,le climat et les saisons, afin d'être approvisionnées par dessystèmes de production alimentaire localisés, mais ellesdevraient en outre comporter des jardins urbains.

lEntretien réalisée par BhavaniPrakash, militante pourl'environnement basée à Singapour etfondatrice de www.ecowalkthetalk.com,un site Internet consacré àl'environnement en Asie.

Chaque villedevrait avoirson propre « grenier »

Les culturesgénétiquementmodifiées, qui ontété introduitescomme unesolution auxproduitschimiques, ont enréalité accrul'utilisation de cesderniersEn Inde, on nous avait dit

que le coton génétiquementmodifié donnerait 3 750 kgpar hectare... En réalité, lerendement n'est que de 1250 kg par hectare. Lerendement de nos variétésest bien supérieur !

VANDANA SHIVA est philosophe, scientifique, militante pour l'environnement et écoféministe. Elle a fondé Navdanya, uneorganisation non gouvernementale basée en Inde qui soutient la préservation de la biodiversité, l'agriculture biologique, les droitsdes agriculteurs et le processus de conservation des semences. En 1993, elle s'est vu remettre le Palmarès mondial des 500 par leProgramme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) pour son travail remarquable au service de la protection del'environnement. Elle a écrit de nombreux ouvrages, dont le plus récent s'intitule Staying Alive: Women, Ecology and Development(« Rester en vie : les femmes, l'écologie et le développement », non traduit), publié en 2010.Ph

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«RESTER EN VIE »

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POLITIQUE EN BREF

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Par OLIVIER DE SCHUTTER, Rapporteurspécial des Nations Unies pour le Droit àl’Alimentation

Robert Zoellick, Président de la Banquemondiale, a récemment répertorié lesmesures que le G20 devrait adopter pournous préparer à affronter les crisesalimentaires d’aujourd’hui et de demain.Bien que satisfaisantes, ces mesures neconcernent que les symptômes de faiblessedu système alimentaire mondial et passent àcôté des véritables causes de ces crises. Ellespeuvent tout à fait réduire les conséquencesdes hausses des prix, mais elles ne sont pasadaptées pour éviter la récidive. Cela peutêtre fait si le G20 se concentre sur huitpriorités.

Le G20 doit soutenir la capacité des pays ànourrir leurs habitants. Depuis le début desannées 1990, la facture alimentaire denombreux pays pauvres a été multipliée parcinq ou six et ce non seulement à cause de lacroissance de la population, mais égalementen raison de leur agriculture orientée versl’exportation. Un manque d’investissement,en ce qui concerne l’agriculture nourrissantles communautés locales, rend ces paysvulnérables aux chocs des prixinternationaux, ainsi qu’à la volatilité destaux de change. Le Mozambique, parexemple, importe 60 % de sa consommationen blé et l’Égypte importe 50 % de ses denréesalimentaires. La hausse des prix affectedirectement la capacité de ces pays à nourrirleurs habitants à un coût acceptable. Cettetendance doit être inversée en permettantaux pays en développement de soutenir leursagriculteurs et, lorsque l’approvisionnementinterne est suffisant, en les protégeant dudumping des producteurs étrangers.

Les réserves de nourriture doivent êtreétablies, non seulement en ce qui concerne

Bien qu’elle ne soit pas en elle-même unecause de la volatilité des prix, la spéculationsur les dérivés des produits alimentaires debase l’aggrave de manière significative. Cesspéculations sont apparues en raison d’unedérèglementation massive des marchés dedérivés de produits alimentaires de basesurvenue en 2000 et qui doit aujourd’hui êtreinversée. Les grandes économies doivents’assurer que ces dérivés ne se limitent qu’auxinvestisseurs qualifiés et d’expérience, quiinterviennent selon les attentes relatives auxfondamentaux du marché, plutôt que sur unbénéfice spéculatif permanent ou à courtterme.

De nombreux pays pauvres en voie dedéveloppement craignent que les filets deprotection sociale, une fois en place, nesoient pas durables sur le plan fiscal, enraison d’une soudaine chute des revenusd’exportations, de faibles récoltes, ou dehausses importantes des prix des produitsalimentaires importés. La communautéinternationale peut les aider à surmonterleur réticence en établissant un mécanismede réassurance global. Si les primesd’assurance sont en partie payées par le paysassuré et complétée par la contribution dedonateurs, les pays disposeraient d’unavantage puissant leur permettant de mettreen place des programmes de protectionsociale solides.

Les organisations d’agriculteurs ont besoinde soutien. La majorité des personnesmanquant de nourriture fait partie de ceuxqui dépendent de l’agriculture à petiteéchelle : l’une des principales raisons à celaest que ces personnes ne sont pas assezorganisées. En formant des coopératives,elles peuvent remonter dans la chaîne devaleur en traitant, en conditionnant et encommercialisant leur production. Ellespeuvent améliorer leur pouvoir denégociation, à la fois pour leurs achats etpour la vente de leurs cultures. Elles peuventdevenir une force politique importante :ainsi, les décisions qui les concernent neseront pas prises en leur absence.

Nous devons protéger l’accès à la terre.Chaque année, une zone supérieure à lasurface agricole française est cédée à desinvestisseurs ou des gouvernementsétrangers. Cette saisie des terres,principalement en Afrique subsaharienne,

l’approvisionnement humanitaire dans leszones exposées aux catastrophes et pauvresen infrastructures, mais également afind’encourager des revenus stables pour lesproducteurs agricoles et d’assurer unealimentation à prix abordable pour lespauvres. Si elles sont gérées de manièretransparente et participative et si les payss’organisent par régions pour combiner leursefforts, les réserves alimentaires peuvent êtreefficaces pour encourager le pouvoir desvendeurs sur le marché et contrer lesspéculations des opérateurs de marchés, touten limitant la volatilité des prix.

La spéculation financière doit être limitée.

Crises alimentaires : onrecherche des architectes

« En formant descoopératives, elles peuventremonter dans la chaîne devaleur en traitant, enconditionnant et encommercialisant leurproduction. Elles peuventaméliorer leur pouvoir denégociation, à la fois pourleurs achats et pour la ventede leurs cultures. »

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POLITIQUE EN BREF

Par KENNETH MARSH, président de KennethS. Marsh & Associates, Ltd., consultants dansl’industrie alimentaire, pharmaceutique et duconditionnement.

Tous les pays membres des Nations Unies sesont engagés à réduire la faim dans le mondede 50 % d’ici 2015, dans le cadre des Objectifsdu millénaire pour le développement(OMD). La plupart des efforts réalisés pourréduire la faim sont concentrés sur la

production agricole (produire plus denourriture). C’est essentiel, mais cela ne tientpas compte des 20 % à 60 % de produitsalimentaires perdus chaque année dans lemonde entre les récoltes et l’utilisateur final,au cours de la chaîne alimentaire. Ces pertesaprès récolte sont énormes et définissentl’opportunité et le besoin d’une améliorationdu conditionnement.

De la nourriture est perdue en raison dela surmaturation, d’une mauvaise

Le conditionnement : lasolution pour plus denourriture et pour un plusgrand développementéconomique

constitue une grande menace pour lasécurité alimentaire future des populationsconcernées. Les gains réalisés en productionagricole grâce à ces investissementsprofiteront aux marchés étrangers et non auxcommunautés locales. Le G20 pourrait exigerun moratoire sur ces investissements àgrande échelle, jusqu’à ce qu’un accord soitpassé afin de mettre en place unrèglementation de base appropriée.

La transition vers une agriculture durabledoit s’achever. Les événementsmétéorologiques sont également une causemajeure de la volatilité des prix sur lesmarchés agricoles. Dans le futur, leschangements climatiques sont susceptiblesde causer d’autres pénuries de denrées.L’agriculture est également responsable deschangements climatiques, ainsi que de 33 %des émissions de gaz à effet de serre si ladéforestation en vue de cultures et de pâturesest comprise dans l’équation. Nous avonsbesoin de systèmes agricoles plus résistantsaux changements climatiques et qui peuventcontribuer à leur réduction. L’agroécologiepeut être une solution, mais le soutien desgouvernements est nécessaire pourdévelopper les bonnes pratiques actuelles.

Enfin, nous devons défendre le droit del’Homme à la nourriture. Les gens n’ont pasfaim en raison d’une faible production denourriture mais parce que leurs droits sontviolés en toute impunité. Les victimes de lafaim doivent avoir le droit d’accéder à unrecours lorsque leurs autorités ne prennentpas des mesures efficaces contre l’insécuritéalimentaire. Les gouvernements doiventgarantir un salaire de subsistance, des soinsde santé adaptés et des conditions de sécuritépour les 450 millions de travailleurs agricolesdans le monde, en renforçant les conventionssur les droits des travailleurs dans les zonesrurales soumises à une surveillanceindépendante.

La faim est une question politique et passeulement un problème technique. Nousavons besoin des marchés, bien entendu,mais nous avons également besoin d’unevision du futur qui aille au-delà des solutionsà court terme. Le système alimentairemondial aura toujours besoin de défenseurs.Mais ce dont nous avons besoin aujourd’huisont des architectes, afin de concevoir unsystème plus résistant au feu. n ‰

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Page 44: Making It: l'industrie pour le développement (#6)

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POLITIQUE EN BREF

conservation dans l’exploitationagricole, de faibles niveaux de distribution,pendant le transport d’une exploitation aumarché, mais aussi par écrasement,oxydation, transfert d’eau, ou à caused’attaques de rongeurs, d’oiseaux,d’insectes et de micro-organismes. Lesfacteurs culturels et les exigences légalesjouent également un rôle majeur dans lespertes après récoltes. De la nourritureparfaitement viable est jetée chaque jour enraison d’exigences légales des servicesalimentaires publics.

De la nourriture est perdue dans tous lespays. Les multinationales sophistiquées sevantent de ne pas avoir de pertes. En réalité,leurs pertes sont significatives mais ne sontpas signalées dans leurs livres de comptes.Par exemple, une marge de perte de poidslors du transport permet aux entreprisesde faire payer la nourriture de manière àcompenser les pertes anticipées. Les pertesne dépassant pas 0,25 % à 0,50 % de lamarge de perte de poids par transport sontconsidérées comme nulles. Cela peutsembler sans importance, mais celas’ajoute au reste. Par exemple, avec unemarge de 0,50 % par transport, on obtientune perte de 4 % pour l’acheminementd’un produit via huit transports et ce dansl’indifférence la plus totale. Pour un millionde boisseaux de maïs, cela représenterait 40 000 boisseaux disparaissant descomptes. Le maïs coûtant actuellement prèsde 5 USD par boisseau aux États-Unis, celasignifierait 200 000 USD de revenusperdus. Mais personne ne saurait combiende céréales ont été réellement perdues car,dans les comptes officiels, la perte seraitéquivalente à zéro.

En général, les matériaux et machines deconditionnement sont disponibles dansles pays développés et en développement.Cependant, les pays en développement onttendance à souffrir de plus grandes pertesaprès récoltes et à sous-estimer le potentieldu conditionnement pour réduire cespertes. Une étude réalisée au Sri Lanka, parexemple, a démontré que les cageotspliables en plastique pouvaient réduire lesdommages dus à l’écrasement des produitsfrais de 20 % ; pourtant, les produits sontsouvent transportés dans des sacs de jute,car ils sont moins chers. Le

conditionnement est considéré commeune dépense, plutôt qu’une opportunité.

Le conditionnement permet égalementde promouvoir le commerce international.C’est la « présentation » duconditionnement qui fait vendre le produitpour la première fois. Les produits degrande qualité bien connus dans leur paysd’origine ne s’exportent généralement pas,car leur conditionnement a été choisi pourson prix bas et manque de présentationpour conquérir un nouveau marché quin’est pas familier avec le produit. Ce genrede scénario est courant dans les paysdéveloppés et en développement.

Les produits alimentaires récupérésgrâce à un meilleur conditionnementpeuvent être utilisés pour réduire la faimdans le monde, ainsi que comme produitsà valeur ajoutée. Un agent del’Organisation des Nations Unies pourl’alimentation et l’agriculture (ONUAA) adéveloppé un programme dedéveloppement économique axé sur latransformation des aliments à l’échelle desvillages. Le concept consistait à produiredes produits alimentaires conditionnés àvaleur ajoutée, à partir d’alimentsrécupérés et dont la durée de conservationest limitée. Par exemple, les bananes mûresne durent que quelques jours mais leschips de banane séchée conditionnéspeuvent durer des mois et donc se vendreplus cher. Le programme detransformation des aliments dans lesvillages a déjà entraîné le développementéconomique de quatre pays en Asie duSud-Est (créant plus de nourriture, ainsiqu’une sécurité économique permettantl’achat d’une plus grande quantité dedenrées alimentaires). Rien ne seraitpossible sans le conditionnement.

Il est temps aujourd’hui de reconnaîtreque le conditionnement et les technologiesaprès récoltes contribuent à réduire la faimdans le monde, au même titre que lesefforts traditionnels réalisés pourencourager la production agricole. nUne version de cet article a été publiée dans lebulletin de la World Packaging Organization(Organisation mondiale duconditionnement), en décembre 2010. Elle aété réimprimée avec l’autorisation de l’auteuret de la World Packaging Organization.

Par le Dr ALENA BUYX, Directrice adjointe duNuffield Council on Bioethics, qui arécemment publié le rapport intitulé,Biofuels: ethical issues (Biocarburants : lesquestions d’éthique).

Le développement des biocarburants a étéinduit par trois défis mondiaux majeurs : lemaintien de la sécurité énergétique, ledéveloppement économique et la réductiondes changements climatiques. Le potentielapparent des biocarburants à résoudre cestrois défis a rendu cette option attrayantepour les responsables politiques et toute unegamme de mécanismes encourageant ledéveloppement et l’intégration desbiocarburants a été mise en place. Parexemple, la Directive 2009 de l’Unioneuropéenne sur les énergies renouvelables aeffectivement établi que les biocarburantsdevraient représenter 10 % des carburantsdestinés au transport d’ici 2020 : un objectifque l’Europe semble bien décidée à atteindre.

Cependant, les méthodes actuelles deproduction des biocarburants ont étéfortement critiquées pour leurs effets surl’environnement, sur la sécurité alimentaireet sur les prix, ainsi que sur les droits destravailleurs et des communautés. Parexemple, la conversion de forêts enplantations visant à produire de l’huile depalme en Malaisie a soulevé beaucoupd’inquiétudes concernant son impact néfastesur la biodiversité de la région, tout commeles producteurs d’huile de palme faisantpression sur les communautés indigènespour s’approprier leurs terres.

C’est pourquoi il convient de s’assurer queles décisions concernant les biocarburantssoient prises en connaissance de cause. Axésur les valeurs morales telles que les droits del’Homme, la solidarité, la durabilité,

‰ Biocarburants :éthique etpolitique

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POLITIQUE EN BREF

l’intendance et la justice, le NuffieldCouncil on Bioethics a défini cinqprincipes d’éthique que les responsablespolitiques devraient utiliser pour évaluerles technologies de biocarburants et guiderl’élaboration des politiques.1) Le développement des biocarburants nedoit pas se faire aux dépens des droitsfondamentaux de l’Homme (notammentl’accès à l’eau et à une alimentationsuffisantes, le droit à la santé, le droit autravail et les droits fonciers).2) Les biocarburants doivent êtrerespectueux de l’environnement.3) Les biocarburants doivent contribuer àune nette réduction des émissions totalesde gaz à effet de serre et ne pas accentuerles changements climatiques mondiaux.4) Les biocarburants doivent êtredéveloppés en accord avec les principescommerciaux équitables et reconnaître lesdroits des individus à la récompense(notamment les droits du travail et depropriété intellectuelle).5) Les dépenses et les bénéfices générés parles biocarburants doivent être redistribuésde manière équitable.

Pour mettre en place ces principes, leConseil propose de remplacer les objectifseuropéens et nationaux en matière debiocarburants par une stratégie d’objectifsplus sophistiqués qui tient compte desconséquences plus larges de la productionde biocarburants. La stratégie devraitcomprendre une norme d’éthiquecomplète pour tous les biocarburantsdéveloppés et importés dans l’Unioneuropéenne, ainsi qu’un programme decertification. Dans l’idéal, les principesdevraient être intégrés à d’autres politiquesinternationales de plus grande envergure,concernant par exemple la réduction deschangements climatiques, ledéveloppement durable, l’utilisation desterres et les droits de l’Homme.

Il existe un sixième principe d’éthiquedans le rapport du Conseil : 6) Si les cinq premiers principes sontrespectés et si les biocarburants peuventjouer un rôle crucial dans la réduction deschangements climatiques, alors, seloncertaines observations majeures, il est denotre devoir de développer cesbiocarburants.

Le développement de nouveauxbiocarburants est un domaine de rechercheen pleine croissance et qui se concentre surl’utilisation et la production écologique desmatières premières issues de la biomasse.Ces activités ne doivent pas concurrencer, outrès peu, la production de nourriture,doivent nécessiter une utilisation minimaledes ressources comme la terre et l’eau,doivent être transformées de manièreefficace afin d’obtenir des biocarburantsliquides de grande qualité et doivent êtrelivrables en quantité suffisante.

Deux approches du développementconsistent à produire des biocarburants àpartir des parties non comestibles descultures (appelés biocarburantslignocellulosiques) et à partir d’algues.Cependant, la production à échellecommerciale n’est pas encore à l’ordre dujour pour la plupart de ces nouveaux typesde biocarburants. Cela est dû en partie à ladifférence de taille entre les objectifspuissants et les pénalisations associées misen place pour les biocarburants utilisésactuellement et les rares avantages du

développement de nouveaux biocarburants.C’est pourquoi les gouvernements doiventencourager ces recherches, par exemple enpoussant les chercheurs à développer etmettre en place des politiques motivantdirectement la recherche et ledéveloppement de nouvelles technologiesémergentes de biocarburants, quinécessiteront moins de terres et autresressources, éviteront tout dommage social etenvironnemental lors de leur production etréduiront de manière significative lesémissions de gaz à effet de serre. nVous pouvez lire l’article Biofuels: ethical issues(Biocarburants : les questions d’éthique) sur :www.nuffieldbioethics.org/biofuels

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LE MOT DE LA FIN

Le prochain numéro examinera les défis liés à lagouvernance à l’ère de la mondialisation. Pourprésenter le contexte de ce sujet, ANDYSUMNER, de l’Institute of DevelopmentStudies, souligne certaines des implications enmatière de politique de développement suite àla révélation selon laquelle la majorité despauvres dans le monde vit dans des pays àrevenu intermédiaire.

La pauvreté mondiale est communémentfondée sur une fausse hypothèse selonlaquelle tous les gens pauvres vivent dans despays pauvres. En réalité, il existe un nouveaumilliard d’en bas : 960 millions de personnespauvres (soit 72 % des pauvres de la planète).Ces personnes ne vivent pas dans des payspauvres mais dans des pays à revenuintermédiaire (PRI). Seul un quart des pauvresde la planète vit dans les pays à revenus faibles(PRF), qui se situent principalement enAfrique subsaharienne. Cette évolutionreprésente un changement profond parrapport à la situation d’il y a tout juste vingtans, où 93 % des pauvres vivaient dans des paysà faibles revenus.

Les pauvres ne se sont bien évidemment pasdéplacés. Les pays qui abritent une grande

partie des pauvres de la planète se sontenrichis, en termes de revenu par habitant, etont donc changé de catégorie. En raison deleur croissance, les pays qui, selon laclassification de la Banque mondiale, sontpassés du statut de pays à revenu faible à celuide pays à revenu intermédiaire sont à l’originede ce nouveau milliard d’en bas. La Chine etl’Inde comptent à elles deux environ la moitiédes pauvres de la planète. Toutefois, le fait quel’Inde et la Chine figurent désormais parmi lespays à revenu intermédiaire n’explique pastout. Même si l’on exclut ces deux pays, laproportion des pauvres de la planète dans lesPRI a triplé en raison de l’essor de certainspays comme le Nigeria, le Pakistan etl’Indonésie, et d’autres, plus surprenant peut-être, comme le Soudan, l’Angola et leCameroun.

Comment sommes-nous parvenus à cerésultat ? À partir des donnéesdémographiques et des chiffres de la pauvretédes indicateurs mondiaux de développementde la Banque mondiale entre 1988-1990 et2007-2008, nous avons estimé le nombre depauvres en millions dans chaque paysdisposant de données. Ces estimations dunombre réel de personnes pauvres sont

occultées dans les pourcentages des taux depauvreté souvent utilisés pour les évaluationsdes Objectifs du millénaire pour ledéveloppement (OMD). Comme l’a souligné laBanque mondiale concernant la dernièreestimation systématique de Chen et Ravallion(2008), le nombre actuel d’Africains etd’Indiens démunis est en réalité supérieur auxchiffres de 1990 même si, en termes depourcentage de population, le taux a diminué.Pourquoi venons-nous juste de « découvrir »ceci ? Les données sont généralement vieillesde 2 à 4 ans et nombre de ces pays ont changéde catégorie dans les cinq dernières années.

Un nouvel accent sur la pauvreté relativedevrait déterminer les priorités en matièred’aide Les politiques de développement doivent êtreaxées sur les personnes pauvres et pasuniquement les pays pauvres. Il convient de sedemander quel est le rôle de l’aide dans unPRF ou PRI. Un nouvel engagement clair doitêtre pris pour réduire la pauvreté relative etpar la même les inégalités. Parallèlement, uneplus grande gamme d’instruments d’aidecatalytiques doit être développée. Cesinstruments devraient permettre de

Le « nouveau milliard d’en bas »

Les plus pauvres du monde (1,275 milliard de personnes dont le revenu est inférieur à 1,25 USD par jour)Deux tiers d’entre eux vivent dans cinq pays à revenu intermédiaire très peuplés : l’Inde, la Chine, le Nigeria, l’Indonésie and le Pakistan

Inde (456 m) Chine (208 m) Nigeria (88,6 m) Indonésie (66 m) Pakistan (35 m)

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LE MOT DE LA FIN

s’émanciper de l’aide, du besoin et del’insécurité grâce à un nouvel accent missur la pauvreté relative et un soutienfavorisant l’essor des classes moyennesimposables. Une telle entreprise aiderait àédifier les systèmes fiscaux nationaux ainsiqu’à améliorer la gouvernance et laredevabilité.

Fournir une aide sur mesure aux PRF etPRI de façon à cibler la pauvreté où elleexiste La pauvreté devient de plus en plus unproblème de répartition nationale et nonplus internationale, rendantpotentiellement la gouvernance ainsi queles politiques fiscales et de redistributionnationales plus importantes que l’aidepublique au développement (APD). Maisceci ne doit pas se traduire par uneinterruption de l’aide fournie aux « payspauvres ». Au lieu de cela, les bailleurs defonds doivent faire davantage dedistinctions. Suite à l’impact de la crisefinancière sur les recettes et dépenses desÉtats, les PRF du monde entier ont plus quejamais besoin d’assistance. Bien que certainsPRI soient en mesure de soutenir leurspropres habitants démunis, ce n’est pas lecas de tous. Certains étant seulementlégèrement au dessus du seuil, le fait de leursupprimer l’aide subitement pourrait lesfaire basculer à nouveau dans la catégoriedes PRF. Même lorsque les ressourcesnationales semblent plus importantes, lavolonté politique peut être mitigée. Ainsi,dans les PRI, la stratégie des bailleurs defonds devrait comprendre une plus grandegamme de mécanismes d’aide qui aille audelà des ressources (par ex : mettre l’accentsur les problèmes liés au commerce, à lamigration et au changement climatique).

Un mécanisme permettant de partager laresponsabilité financière entre les pays plusriches et les plus pauvres.

La communauté de donateurs devrachoisir comment réagir face au « nouveaumilliard d’en bas ». De plus en plus, lesstratégies de lutte contre la pauvreté et lesefforts internationaux pour atteindre lesObjectifs du millénaire pour ledéveloppement (OMD) viseront autant àlutter contre les inégalités dans les PRI qu’àremédier au manque absolu de ressources

dans les pays les plus pauvres. Il convientd’adopter une approche qui cible lespersonnes pauvres, où qu’elles soient, etqui est axée sur de nouveaux partenariatsintergouvernementaux basés sur uneresponsabilité et une redevabilitécommunes envers les pauvres (telle que laResponsabilité de protéger, ou R2P dans lecontexte humanitaire). Nous devons nouséloigner d’une simple perception dumonde divisée entre les donateurs et lesbénéficiaires. Une telle approche pourraitse traduire par un engagement visant àfournir un niveau minimum de revenu, desoins de santé et d’éducation aux citoyens,avec une responsabilité financière partagéeentre les pays riches et les pays pauvresselon un barème mobile en fonction de larichesse du pays où résident les segmentsde population démunis. Toutefois, lesnouveaux PRI ne seront peut-être pasdisposés à recevoir une aide audéveloppement traditionnelle. Dans un telcas de figure, les bailleurs de fonds devrontaccepter d’abandonner l’aide traditionnellepour soutenir des mécanismes quibénéficient aux pauvres uniquement demanière indirecte dans les PRI.

ConclusionSelon la Banque mondiale, le mondecomptera près d’un milliard de pauvresd’ici 2015, même si les OMD sont atteints.La plupart des personnes acculées à lapauvreté se trouveront dans des PRI etreprésenteront les plus pauvres ou « lesplus difficiles à atteindre », selon les termesde l’UNICEF. À l’heure où les discussionspour un cadre post-OMD commencent envue du sommet de haut niveau des NationsUnies prévu en septembre 2013, denouvelles approches devront êtredéveloppées. Tout nouvel accord mondialdoit tenir compte de l’évolution de la naturemême de la pauvreté à l’échelle mondialeainsi que des sujets « difficiles » que sontnotamment le changement climatique etl’adaptation, la démographie etl’urbanisation. À l’approche de 2015, le «nouveau milliard d’en bas » soulève desdéfis très différents pour les décideurs deceux auxquels ils furent confrontés avantl’an 2000 et l’adoption de la Déclaration duMillénaire. n

MakingIt 47

Berners-Lee, Mike – How Bad Are Bananas? The carbonfootprint of everything

Cribb, Julian- The Coming Famine: The Global FoodCrisis and What We Can Do to Avoid It

George, Susan – Whose Crisis? Whose Future? Humes, Edward – Force of Nature: The Unlikely Story

of Wal-Mart’s Green Revolution Jackson, Tim – Prosperity without Growth: Economics

for a Finite Planet Lawrence, Geoffrey, Lyons, Kristen and Wallington,

Tabatha (eds) – Food Security, Nutrition andSustainability

Lovins, Hunter and Cohen, Boyd – Climate Capitalism Nadal, Alejandro – Rethinking Macroeconomics for

Sustainability Rosillo-Calle, Frank, and Johnson, Francis (eds) – Food

versus Fuel. An Informed Introduction to Biofuels Smith, Rick and Lourie, Bruce – Slow Death by Rubber

Duck: The Secret Danger of Everyday Things Szirmai, Adam, Naudé, Wim and Goedhuys, Micheline

(eds) – Entrepreneurship, Innovation, andEconomic Development

Yumkella, Kandeh, Kormawa, Patrick, Roepstorff,Torben and Hawkins, Anthony (eds) – Agribusinessfor Africa’s Prosperity

www.barefootcollege.org – The Barefoot College is anon-government organization providing basicservices and solutions to problems in ruralcommunities, with the objective of making themself-sufficient and sustainable.

www.berggruen.org – The Nicolas Berggruen Instituteis an independent think tank and consultancyengaged in the comparative study and design ofsystems of governance suited to the new andcomplex challenges of the 21st century.

www.globalpolicyjournal.com – Global Policy is aninnovative and interdisciplinary journal.

www.grist.org – Grist – environmental news andcommentary with a wry twist.

www.ifad.org – The International Fund for AgriculturalDevelopment (IFAD), a specialized agency of theUnited Nations, is dedicated to eradicating ruralpoverty in developing countries.

www.nestle.com/CSV – Creating Shared Value isNestlé’s way of doing business based onsustainability.

www.oaklandinstitute.org – The Oakland Institute is apolicy think tank whose mission is to increase publicparticipation and promote fair debate on criticalsocial, economic and environmental issues in bothnational and international forums.

www.thebreakthrough.org – The BreakthroughInstitute is a paradigm-shifting think tankcommitted to modernizing liberal thought for the21st century.

www.triplepundit.com – Triple Pundit is a new-mediacompany for the business community that cultivatesawareness and understanding of the triple bottomline.

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FURTHER SURFING

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Un magazine trimestriel pourstimuler le débat sur les problèmesdu développement industriel global

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