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La Revue de médecine interne 34 (2013) 105–109 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Communication brève Maladie de Whipple révélée par les traitements anti-TNF Whipple disease revealed by anti-TNF therapy L. Sparsa a,, F. Fenollar b , L. Gossec a , J. Leone c , J.-L. Pennaforte c , M. Dougados a , C. Roux a a Service de rhumatologie B, université Paris-Descartes, hôpital Cochin, AP–HP, 75014 Paris, France b Unité des Rickettsies, Pôle de maladies infectieuses, CNRS-IRD UMR 7278, faculté de médecine, université Aix-Marseille, 13385 Marseille, France c Service de médecine interne, hôpital Robert-Debré, 51090 Reims, France i n f o a r t i c l e Historique de l’article : Disponible sur Internet le 28 novembre 2012 Mots clés : Maladie de Whipple Anti-TNF Spondyloarthrite Polyarthrite rhumatoïde r é s u m é Introduction. La maladie de Whipple (MW) est une maladie infectieuse rare responsable de signes cliniques variables tant dans leur localisation que dans leur sévérité. Elle peut mimer un rhumatisme inflammatoire chronique de type polyarthrite rhumatoïde ou spondyloarthrite. L’instauration d’une bio- thérapie à la suite d’une erreur diagnostique dans ce contexte n’entraîne pas toujours des complications immédiates. Parfois, l’aggravation fait suite à une amélioration initiale encourageant la poursuite du traitement immunosuppresseur et conduisant par conséquent à un retard diagnostique. Observations. Nous rapportons deux nouvelles observations de MW diagnostiquées en raison de l’échec de traitement anti-TNF mis en route pour rhumatisme inflammatoire actif. Dans la première observation, il s’agissait d’un homme de 53 ans traité par étanercept puis adalimumab pour une spondy- larthropathie axiale et périphérique et dans la seconde d’un homme de 42 ans traité par adalimumab et étanercept pour une spondylarthropathie périphérique. Conclusion. Une MW doit être évoquée devant tout patient suspect de rhumatisme inflammatoire chro- nique non répondeur ou partiellement répondeur aux anti-TNF et dont le syndrome inflammatoire biologique persiste sous traitement. © 2012 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Keywords: Whipple disease Anti-TNF Spondylarthritis Rheumatoid arthritis a b s t r a c t Introduction. Whipple disease is a rare infectious disease with protean clinical manifestations. This infection may mimic chronic inflammatory rheumatisms such as rheumatoid arthritis or spondylarthri- tis. In this context, introduction of a biotherapy after a diagnostic hesitation does not always lead to early complications. Sometimes, the clinical degradation follows an initial improvement, encouraging continuation of the immunosuppressive treatment and leading consequently to a greater diagnostic delay. Case reports. We report two cases of Whipple disease diagnosed in the context of an inflammatory disease with anti-TNF failure. The first patient was a 53-year-old man who presented with an axial and peripheral spondylarthritis who was treated with etanercept and adalimumab. The second was a 42-year-old man who received adalimumab and then etanercept for a peripheral spondylarthritis. Conclusion. Whipple disease should be suspected in all patients who present with a chronic inflam- matory rheumatism that is partially or not controlled with anti-TNF therapy and who had persisting elevated acute phase reactants. © 2012 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Auteur correspondant. Service de rhumatologie, hôpital Émile-Muller, 20, ave- nue du docteur-Laennec, 68100 Mulhouse, France. Adresse e-mail : [email protected] (L. Sparsa). 1. Introduction Ces dernières années, avec l’émergence des biothérapies, la rhu- matologie connaît un bouleversement dans la prise en charge des rhumatismes inflammatoires chroniques comme la polyarthrite 0248-8663/$ see front matter © 2012 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2012.10.371

Maladie de Whipple révélée par les traitements anti-TNFα

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La Revue de médecine interne 34 (2013) 105–109

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

ommunication brève

aladie de Whipple révélée par les traitements anti-TNF�

hipple disease revealed by anti-TNF� therapy

. Sparsaa,∗, F. Fenollarb, L. Gosseca, J. Leonec, J.-L. Pennafortec, M. Dougadosa, C. Rouxa

Service de rhumatologie B, université Paris-Descartes, hôpital Cochin, AP–HP, 75014 Paris, FranceUnité des Rickettsies, Pôle de maladies infectieuses, CNRS-IRD UMR 7278, faculté de médecine, université Aix-Marseille, 13385 Marseille, FranceService de médecine interne, hôpital Robert-Debré, 51090 Reims, France

n f o a r t i c l e

istorique de l’article :isponible sur Internet le 28 novembre012

ots clés :aladie de Whipple

nti-TNF�pondyloarthriteolyarthrite rhumatoïde

r é s u m é

Introduction. – La maladie de Whipple (MW) est une maladie infectieuse rare responsable de signescliniques variables tant dans leur localisation que dans leur sévérité. Elle peut mimer un rhumatismeinflammatoire chronique de type polyarthrite rhumatoïde ou spondyloarthrite. L’instauration d’une bio-thérapie à la suite d’une erreur diagnostique dans ce contexte n’entraîne pas toujours des complicationsimmédiates. Parfois, l’aggravation fait suite à une amélioration initiale encourageant la poursuite dutraitement immunosuppresseur et conduisant par conséquent à un retard diagnostique.Observations. – Nous rapportons deux nouvelles observations de MW diagnostiquées en raison del’échec de traitement anti-TNF� mis en route pour rhumatisme inflammatoire actif. Dans la premièreobservation, il s’agissait d’un homme de 53 ans traité par étanercept puis adalimumab pour une spondy-larthropathie axiale et périphérique et dans la seconde d’un homme de 42 ans traité par adalimumab etétanercept pour une spondylarthropathie périphérique.Conclusion. – Une MW doit être évoquée devant tout patient suspect de rhumatisme inflammatoire chro-nique non répondeur ou partiellement répondeur aux anti-TNF� et dont le syndrome inflammatoirebiologique persiste sous traitement.

© 2012 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS.Tous droits réservés.

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nti-TNF�pondylarthritisheumatoid arthritis

a b s t r a c t

Introduction. – Whipple disease is a rare infectious disease with protean clinical manifestations. Thisinfection may mimic chronic inflammatory rheumatisms such as rheumatoid arthritis or spondylarthri-tis. In this context, introduction of a biotherapy after a diagnostic hesitation does not always lead toearly complications. Sometimes, the clinical degradation follows an initial improvement, encouragingcontinuation of the immunosuppressive treatment and leading consequently to a greater diagnosticdelay.Case reports. – We report two cases of Whipple disease diagnosed in the context of an inflammatorydisease with anti-TNF� failure. The first patient was a 53-year-old man who presented with an axial

and peripheral spondylarthritis who was treated with etanercept and adalimumab. The second was a42-year-old man who received adalimumab and then etanercept for a peripheral spondylarthritis.Conclusion. – Whipple disease should be suspected in all patients who present with a chronic inflam-matory rheumatism that is partially or not controlled with anti-TNF� therapy and who had persistingelevated acute phase reactants.

© 2012 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Published by Elsevier Masson SAS.All rights reserved.

∗ Auteur correspondant. Service de rhumatologie, hôpital Émile-Muller, 20, ave-ue du docteur-Laennec, 68100 Mulhouse, France.

Adresse e-mail : [email protected] (L. Sparsa).

248-8663/$ – see front matter © 2012 Société nationale française de médecine interne (ttp://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2012.10.371

1. Introduction

Ces dernières années, avec l’émergence des biothérapies, la rhu-matologie connaît un bouleversement dans la prise en charge desrhumatismes inflammatoires chroniques comme la polyarthrite

SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Page 2: Maladie de Whipple révélée par les traitements anti-TNFα

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06 L. Sparsa et al. / La Revue de m

humatoïde (PR) et la spondyloarthrite (SP). Ces traitements ontévolutionné le pronostic fonctionnel des patients mais ils incitent

une plus grande vigilance vis-à-vis des maladies infectieuses.La maladie de Whipple (MW) est une maladie infectieuse liée

une bactérie Tropheryma whipplei. Les signes cliniques sontariables tant dans leur localisation que dans leur sévérité, et laW peut mimer un rhumatisme inflammatoire chronique de type

R ou SP. Mais, le portage de T. whipplei ne signe pas le diagnostic dea MW, la bactérie pouvant être présente chez des porteurs sainst retrouvée chez des patients ayant par ailleurs un authentiquehumatisme inflammatoire. Nous rapportons deux nouveaux case MW diagnostiqués après l’instauration successive de plusieursraitements par anti-TNF� et proposons une revue de la littératurees cas décrits de MW sous anti-TNF�.

. Observations

.1. Observation 1

Un homme âgé de 53 ans, sans antécédent notable, souffraitepuis quatre ans de douleurs axiales et périphériques d’horaireixte évoluant par crises et associées à un syndrome inflam-atoire biologique présent de fac on constante depuis le début

es symptômes. Un traitement anti-inflammatoire non stéroï-ien (AINS) était initialement efficace. Un an après le début desymptômes apparaissait une gonalgie gauche, avec épanchement’un liquide articulaire ramenant 1200 éléments/mm3 (liquide dit

mécanique »). En raison de l’aggravation des douleurs axiales, lesINS étaient jugés insuffisants. Une IRM du rachis mettait en évi-ence un hypersignal inflammatoire des coins antérosupérieurses huitième et neuvième vertèbres dorsales. Le diagnostic de SPtait alors retenu et un traitement par étanercept était débuté

la dose de 50 mg par semaine, remplacé après trois mois par’adalimumab 40 mg tous les 15 jours en raison d’une réponse insuf-sante. Le traitement par adalimumab se révélait efficace et étaitaintenu pendant dix mois. Le patient décrivait alors la réappa-

ition de polyarthralgies périphériques et d’arthrites des poignetst des métacarpo-phalangiennes fluctuantes. Dans cette situatione spondyloarthrite en échappement d’un traitement anti-TNF�

usque-là efficace, le diagnostic initial était remis en cause. Laeprise de l’interrogatoire retrouvait la notion de diarrhées plu-ieurs années auparavant avec amaigrissement transitoire. Cetpisode avait été résolutif rapidement, raison pour laquelle il’avait jamais été signalé par le patient. L’analyse par réaction enhaîne par polymérase (PCR) de T. whipplei réalisée dans les selles eta salive était positive suggérant fortement une MW. Le traitementar anti-TNF� était arrêté. Les biopsies duodénales étaient positivesour la coloration par l’acide périodique de Schiff (PAS) et la PCR. whipplei. L’analyse par PCR T. whipplei était également positiveans le liquide céphalorachidien, malgré l’absence de symptômeeurologique, et la biopsie cutanée. L’échographie cardiaque trans-sophagienne était normale. Le patient était traité par doxycycline

100 mg × 2 par jour) et hydroxychloroquine (200 mg × 3 par jour)vec ajout de la sulfadiazine (500 mg, 3 comprimés × 4/j) en rai-on de la dissémination neurologique. Une nette amélioration étaiterc ue par le patient environ trois semaines après l’instauration dee traitement, accompagnant la disparition du syndrome inflam-atoire biologique. L’absence de symptômes clinicobiologiques seaintenait à 18 mois de traitement encore poursuivi par doxycy-

line seule.

.2. Observation 2

Un homme âgé de 42 ans avait pour antécédent principalne ostéogenèse imparfaite de forme mineure traitée par trois

e interne 34 (2013) 105–109

cures de pamidronate, des talalgies bilatérales à bascule d’alluremécanique, un épisode de sciatalgie gauche à l’âge de 20 ans. Ilsouffrait de polyarthralgies mixtes périphériques depuis 2008. Lepatient décrivait des épisodes de gonflement fluctuant des poignetset de l’interphalangienne du pouce droit. Il n’y avait pas de symp-tômes axiaux. Il existait un syndrome inflammatoire avec une CRP à25 mg/L. Le diagnostic de SP périphérique est retenu devant la miseen évidence d’une hyperfixation scintigraphique des articulationssacro-iliaques. En raison de l’inefficacité des AINS, un traitementpar adalimumab à la dose de 40 mg tous les 15 jours était ins-tauré. Ce traitement permettait une amélioration évaluée à 30 %par le patient mais il persistait des épisodes de polyarthralgies fluc-tuantes et des épisodes de gonflements articulaires très fugaces,et par conséquent jamais objectivés par les différents médecins.Après sept mois de traitement, l’adalimumab, d’efficacité insuffi-sante, était arrêté. Le patient était traité par AINS seuls. Devant lapersistance d’un syndrome inflammatoire biologique, un examenendoscopique avec biopsie duodénale était réalisé et la colorationPAS était négative. La recherche par PCR T. whipplei n’était pas réa-lisée. Cinq mois plus tard, devant la persistance des symptômeset du syndrome inflammatoire, un traitement par étanercept à50 mg par semaine était instauré permettant une amélioration de50 % d’après le patient mais sans effet sur le syndrome inflamma-toire biologique ni sur la survenue d’épisodes d’arthrite du poignetdurant quelques heures à quelques jours. Le diagnostic initial de SPà manifestations périphériques était remis en cause et était réaliséune IRM et un scanner des articulations sacro-iliaques. Ces derniersmontraient une sacro-iliite chronique avec une ostéocondensationantérosupérieure de la portion synoviale des berges des articula-tions sacro-iliaques prédominant à gauche associées à des érosionsosseuses de petite taille. Pratiquées en raison du caractère fluc-tuant et migrateur des arthrites, les PCR de T. whipplei réaliséesdans les selles et la salive étaient positives conduisant à la réa-lisation d’un bilan d’extension. T. whipplei était retrouvée sur lesbiopsies gastrique et duodénale (PCR spécifique). Les autres prélè-vements étaient négatifs, l’échographie cardiaque était normale. Untraitement par doxycycline (100 mg × 2 par jour) et hydroxychloro-quine (trois comprimés par jour) était instauré avec une régressioncomplète des symptômes cliniques et du syndrome inflammatoireen deux à trois semaines. Après un recul actuel de 15 mois de trai-tement, le patient restait asymptomatique tant sur le plan cliniqueque biologique sous doxycycline seule.

3. Discussion

La MW est une maladie infectieuse rare, d’évolution chroniqueet de distribution multisystémique, mortelle en l’absence de trai-tement. Elle atteint de préférence l’homme d’âge moyen et lesmanifestations sont multiples [1]. Elle évolue le plus souvent endeux phases : une phase prodromale et une phase d’état. Le pas-sage de l’une à l’autre de ces phases peut être précipité par lamise en place d’un traitement immunosuppresseur [2,3]. L’atteintearticulaire est la manifestation extradigestive la plus fréquenteconcernant deux tiers des patients. Dans un tiers des cas, elle pré-cède les manifestations digestives de plusieurs années [1,4,5]. Ilest difficile de définir avec précision la proportion de chacunedes manifestations ostéoarticulaires car elles sont souvent décritesrétrospectivement, le diagnostic de MW étant posé non sur lessignes articulaires mais essentiellement lorsque les signes systé-miques et notamment digestifs sont au premier plan.

Les symptômes articulaires sont souvent décrits comme

transitoires, migrateurs et intermittents comme dans les deuxobservations rapportées. L’atteinte concerne souvent les articula-tions périphériques comme les genoux, les coudes, les épaules, lespoignets, les doigts et les chevilles. Parfois accompagnés de fièvre,
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L. Sparsa et al. / La Revue de médecine interne 34 (2013) 105–109 107

Tableau 1Caractéristiques et évolution des patients présentant une maladie de Whipple sous biothérapie décrits dans la littérature.

Sexe, âge (1er auteur, réf) 1re(s) manifes-tation(s)

Durée d’évolution àl’instauration de labiothérapie(années)

Imagerie Diagnosticinitial

Délai entrel’instauration de labiothérapie et lediagnostic de MW(mois)

Nombre et type debiothérapie/Complication(s)

H, 34 ans(Kneitz 2005) [21]

Polyarthriteséronégativenon érosive

6 NP RIC 0,5 1 anti-TNF/AEG,diarrhée, fièvre

H, 47 ans(Kremer 2008) [22]

Polyarthriteinclassée

4 NP RIC NP 1 anti-TNF/AEG,fièvre, endocardite

F, 33 ans(Ahmadi-Simab2009)[12]

Polyarthritepériphérique,rachialgiesinflammatoires

7 Sacro-iliiteradiologique etsyndesmophytes

SP B27+ 6 1 anti-TNF/AEG,diarrhées

H, 64 ans(Spoerl 2009) [13]

Spondylitesétagées,polyarthritepériphérique

7 Spondylites enIRM

SP 6 1 anti-TNF/AEG,aggravationclinique etradiologiques

F, 58 ans(McCracken 2009) [23]

Arthriteséronégative

NP NP RIC 24 1 anti-TNF/anémie,diarrhée

H, 57 ans(Ansemant 2010) [24]

Oligoarthrite 4 NP PR séroné-gative

Quelques mois 1 anti-TNF/endocardite

F, 67 ans(Hoppé 2010) [11]

Polyarthritemigratrice,fièvre, douleursabdominales

7 Non érosive PR séropo-sitive(anti-CCP)

4 1 anti-TNF/endocardite

H, 40 ans(Hoppé 2010) [11]

Polyarthritemigratrice,fièvre

1 Spondylite enIRM

SP B27– 26 3 anti-TNF/diarrhées,arthralgies,méningite

H, 60 ans(Hoppé 2010) [11]

Polyarthrite 8 Sans anomalie SP B27+ 9 1 anti-TNF/péricardite,polyADP

H, 47 ans(Hoppé 2010) [11]

Polyarthrite,diarrhéeintermittente

17 Carpite PR érosive,séronéga-tive

91 3 anti-TNF,1 anti-CD20, 1 anti-CTLA4/fièvre, pertede poids,péricardite

H, 38 ans(Hoppé 2010) [11]

Lombalgiesinflammatoires

9 Sacro-iliite gradeIII

SP B27– 2 1 anti-TNF/hémorragiedigestive

H, 35 ans(Hmamouchi 2010)[25]

Lombalgiesinflammatoires

4 NP SP B27+ 2 1 anti-TNF/nodulesgingivaux, purpura,douleursabdominales

H, 70 ans(Daïen 2010) [26]

Arthritespériphériqueset lombalgiesinflammatoires

26 Sacro-iliiteradiologique etcoxite

SP B27– 19 1 anti-TNF/endocardite

Série de 16 patients(Lagier 2010) [8]

NP NP NP NP NP NP/2 endocardites,NP pour les14 autres

H, 46 ans(Gaddy 2012) [27]

Rachialgiesinflammatoireset arthriteperiphérique

10 Pseudo-élargissementdessacro-iliaques

SP B27+ 28 2 anti-TNF/AEG,fièvre, arthritemigratrice

H, 53 ans(Pierrot-DeseillignyDespujol 2011) [28]

Polyarthriteséronégative

11 Érosive SP B27– 12 1 anti-TNF/syndromeinflammatoirepersistant,péricarditeconstrictive

NP : non précisé ; H : homme ; F : femme ; SP B27+ ou – : spondylarthropathie HLAB27 positive ou négative ; PR : polyarthrite rhumatoïde ; RIC : rhumatisme inflammatoirechronique ; PolyADP : polyadénopathie ; AEG : altération de l’état général.

Page 4: Maladie de Whipple révélée par les traitements anti-TNFα

108 L. Sparsa et al. / La Revue de médecine interne 34 (2013) 105–109

Tableau 2Caractéristiques et évolution des deux patients rapportés présentant une maladie de Whipple sous biothérapie.

1re(s)

manifestation(s)Durée d’évolution àl’instauration de labiothérapie(années)

Imagerie Diagnosticinitial

Délai entrel’instauration de labiothérapie et lediagnostic de MW(mois)

Nombre et type debiothéra-pie/ Complication(s)

H, 53 ans(observation 1) Rachialgiesinflammatoires etpolyarthralgiespériphériquesmixtes

4 IRM : hypersignauxinflammatoires descoinsantérosupérieursde T8 et T9

SP B27- 13 2 anti-TNF persistance dusyndromeinflammatoirebiologique etarthralgiespériphériques

H, 42 ans(observation 2) Polyarthralgiesmixtespériphériques avecarthrites

4 Hyperfixationscintigraphique desarticulations SI.Sacr-oiliitechroniquescannographique

SP B27- 14 2 anti-TNF/persistancedes symptômes etdu syndromeinflammatoirebiologique

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P : non précisé ; H : homme ; F : femme ; SI : sacro-iliaque ; SP B27+ ou – : spondylarnflammatoire chronique ; PolyADP : polyadénopathie ; AEG : altération de l’état gé

l se pose alors le problème du diagnostic différentiel avec unealadie de Still. Les arthrites sont plus fréquentes que les arthral-

ies (46–61 % vs 26–54 %, respectivement). Bien souvent, il s’agite polyarthrite séronégative faisant porter à tort le diagnostic deR. Des cas isolés d’arthrite, de spondylodiscite ou d’uvéite ontgalement été décrits [1,6–8]. L’atteinte axiale est plus rare mais’authentiques sacro-iliites et spondylites sont aussi associées à laW [9–13].Les crises articulaires durent quelques heures à quelques jours.

es atteintes déformantes et destructrices sont très rares et sontouvent la conséquence d’une arthrite septique à T. whipplei sansraitement [10,14–16].

Devant de tels symptômes, il n’est donc pas surprenant deoir se discuter et instaurer un traitement par anti-TNF� ou autremmunosuppresseur. Le mécanisme physiopathologique de cette

aladie est complexe. Les macrophages jouent un rôle privilégiéans la MW en infiltrant les tissus malades et en permettant auxactéries de se développer au sein des macrophages et des mono-ytes [17]. La réplication de T. whipplei dépend de l’apoptose de cesellules via l’IL-16. Les anticorps neutralisants l’IL-16 inhibent laroissance de la bactérie [18,19]. L’inhibition du TNF� entraineraitne perte des mécanismes de contrôle immunologique contribuant

l’exacerbation de la maladie, comme décrit pour Mycobacte-ium tuberculosis [20]. Il est impossible de dire si l’avènement desraitements par anti-TNF� s’accompagne d’une augmentation de’incidence de la MW. Quinze observations de MW sous anti-TNF�nt été bien décrits dans la littérature en plus de nos deux casTableaux 1 et 2) [8,11,12,21–28]. Par ailleurs, Lagier et al., ontapporté une série de 16 cas de MW sous anti-TNF� entre jan-ier 2000 et mai 2010 dans le centre de référence franc ais [8]. Leombre de cas de MW sous anti-TNF� est donc difficile à préciservec exactitude puisque certains patients inclus dans cette série ontu faire l’objet de publication antérieure ou postérieure dont notrebservation 1. Le délai moyen entre l’apparition du premier signerticulaire et la mise sous biothérapie est de 8,1 ans (1 à 26 ans).’âge moyen est de 49,9 ans (33 à 70 ans). Trois patients avaientn diagnostic initial de PR dont deux érosives et une érosive etéropositive (pour les anticorps anti-CCP), dix SP dont quatre sontLAB27+ et sept ayant des signes radiologiques concordants avecette hypothèse diagnostique. Le délai moyen entre l’instauration’une biothérapie et le diagnostic de MW est de 17,6 mois (0,5–91).

’ensemble des cas rapportés dans la littérature de MW sous bio-hérapie est détaillé dans le Tableau 1. Certains auteurs décriventne aggravation clinique rapide des patients deux semaines à deuxois après la mise sous biothérapie [21,22,24–26] sans notion

athie HLAB27 positive ou négative ; PR : polyarthrite rhumatoïde ; RIC : rhumatisme

d’amélioration initiale. Dans d’autres cas, une amélioration cliniqueest rapportée retardant la prise en charge et favorisant la dissémi-nation de T. whipplei comme dans notre observation 1 [12,23,27].En effet, McCracken et al. rapportent en 2009 le cas d’une patientede 58 ans souffrant d’une polyarthrite chronique mise sous étaner-cept, après l’échec des traitements de fonds conventionnels, avecune efficacité dès deux semaines et maintenue pendant deux ansavant la réapparition des symptômes digestifs [23]. Ce mêmedélai de deux ans d’amélioration sous anti-TNF� est rapporté parGaddy et al. [27]. Hoppé et al. rapportent cinq cas de patients avecMW sous biothérapie dont un patient traité successivement parcinq biothérapies pendant plus de neuf ans [11]. Le retard diagnos-tique est par ailleurs en grande partie dû à la difficulté du dépistagede T. whipplei. En effet, Ansemant et al. rapportent en 2010 le casd’un patient ayant une oligoarthrite séronégative chez qui unebiopsie synoviale dans l’hypothèse d’une MW est réalisée préco-cement en raison de l’aggravation clinique, mais celle-ci revenantnégative, elle ne remet pas en cause l’hypothèse initiale de rhu-matisme inflammatoire chronique et conduit ainsi à l’instaurationd’un traitement par étanercept. Il apparaît alors des complica-tions cardiovasculaires sévères conséquences d’une endocarditeet le diagnostic sera fait sur l’examen de la valve cardiaque [24].Cet exemple, comme notre observation 2, illustre la complexité dudépistage de T. whipplei où l’analyse par la coloration PAS peut êtreprise en défaut d’où la nécessité de compléter la recherche de TWpar la réalisation d’une PCR qui fait maintenant partie des recom-mandations dans la recherche conventionnelle de cette bactérie[29].

Des portages asymptomatiques de T. whipplei ont également étédécrits avec une fréquence très variable. En France, le portage decette bactérie est estimé entre 2 et 4 % de la population généralecontre 12 % chez les égoutiers de fond [30]. Les personnes porteusesde la bactérie dans la salive le sont aussi habituellement dans lesselles. Concernant les PCR T. whipplei positives dans des biopsiesduodénales de sujets sains des travaux récents basés sur une PCRquantitative en temps réel ont montré une prévalence en Franced’environ 0,25 % [31] et de 0 % aux États-Unis [32].

Parmi les cas rapportés de MW sous immunosuppresseurs, il estdifficile de savoir s’il s’agit d’un authentique rhumatisme inflam-matoire chronique avec initialement un portage asymptomatiquede T. whipplei rendu symptomatique à l’occasion de l’instauration

d’un traitement immunosuppresseur, d’une MW mimant un rhu-matisme inflammatoire chronique d’emblée ou d’une associationrhumatisme inflammatoire chronique et MW décompensée àl’occasion de la mise sous immunosuppresseur. Le suivi des patients
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patients without other evidence of Whipple disease. Ann Intern Med 2001;134:

L. Sparsa et al. / La Revue de m

eut permettre d’argumenter en faveur de l’une ou l’autre de cesypothèses. En effet, si après une antibiothérapie exclusive toutes

es douleurs disparaissent et ne réapparaissent pas, on peut consi-érer que ces dernières étaient spécifiquement liées à T. whipplei.ans l’anamnèse de ces patients, la notion d’amélioration des

ymptômes à l’occasion d’une antibiothérapie pour une infectionommunautaire (urinaire, pulmonaires ou autres) doit être sys-ématiquement recherchée car la bactérie est très sensible auxntibiotiques [33].

Il n’existe pas de recommandation de dépistage de T. whippleiystématique avant la mise sous biothérapie comme cela est réa-isé pour le portage de M. tuberculosis. Cette première hypothèse’un rhumatisme inflammatoire chronique associé à un portagesymptomatique de T. whipplei pourrait permettre de comprendre’amélioration initiale sous anti-TNF� avant une aggravation plusu moins rapide. Quant à la seconde hypothèse d’une authen-ique MW, elle permet de comprendre les cas décrits d’évolution’emblée gravissime sous anti-TNF-�.

. Conclusion

Il est donc nécessaire d’évoquer la MW devant tout patientrésentant une oligoarthrite ou une polyarthrite initialementigratrice séronégative, non érosive associée à un syndrome

nflammatoire fluctuant mais constant malgré les traitements parINS ou la corticothérapie. Sous immunosuppresseurs, ce dépistageimple et non invasif doit être systématiquement discuté, devantout patient suspect de rhumatisme inflammatoire chronique nonépondeurs ou partiellement répondeurs aux anti-TNF� dont leyndrome inflammatoire biologique persiste sous traitement.

Les deux observations rapportées dans ce travail permettent deappeler que la mise sous anti-TNF� ne se solde pas toujours par desomplications immédiates qui pourraient nous amener à redresserapidement le diagnostic ; parfois au contraire, il existe une amé-ioration partielle à l’instauration du traitement conduisant à unetard diagnostique, favorisant la dissémination de la bactérie.

éclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-ion avec cet article.

éférences

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