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14 MALDI-ToF en mycologie : du microscope au numérique S. Ranque a,b, * , A.-C. Normand a , C. Cassagne a,b , M. Gautier-Avellan a,b , C. L’Ollivier a,b , M. Hendrickx c , R. Piarroux a,b a Parasitologie-mycologie, APHM, CHU Timone, Marseille, France b Aix-Marseille universite ´, IP-TPT UMR MD3, Marseille, France c BCCM/IHEM : Scientific Institute of Public Health, Mycology and Aerobiology Section, Bruxelles, Belgique *Auteur correspondant. Depuis cinq ans, la spectrométrie de masse MALDI-ToF a révolu- tionné la paillasse de microbiologie en améliorant la qualité et la rapidité de l’identification des bactéries et des levures. Mais les systèmes commercialisés se sont heurtés à la complexité de l’iden- tification des champignons filamenteux et leurs bases de données restent incapables d’identifier l’ensemble des champignons analysés en routine dans un laboratoire spécialisé en mycologie. C’est pour- quoi, au laboratoire de parasitologie-mycologie du chu de Marseille, nous avons mis au point une méthode de construction de spectres de références adaptée à l’identification de champignons filamenteux puis développé une banque de spectres de références en collabora- tion avec la collection BCCM/IHEM. Depuis novembre 2011, un spectromètre de masse MALDI-ToF couplé à notre banque de spectres de références est la première ligne d’identification de l’ensemble des champignons analysés en routine au laboratoire. Au bénéfice de la prise en charge des patients, nous avons constaté une diminution de 48 h du délai moyen de rendu des résultats. L’identification des levures est performante avec les systèmes commercialisés ; c’est l’amélioration de la précision d’iden- tification des champignons filamenteux, liée à la qualité de notre banque de références, qui bouleverse véritablement nos pratiques. Par exemple : avant le MALDI-ToF nous avions identifié en routine l’espèce de 66,8 % de 247 champignons filamenteux, avec une diversité de 16 espèces. Sur ces mêmes isolats, ré-identifiés avec la procédure incluant le MALDI-ToF, nous avons identifié 98,8 % des isolats, soit une augmentation de 32 % du nombre d’isolats identifiés à l’espèce, avec une diversité de 42 espèces, soit une augmentation d’un facteur 2,6 de la diversité. Il est à noter que déjà 97,6 % de ces isolats avaient été identifiés par MALDI-ToF, les restants par séquençage de l’ADN. Parmi les Aspergillus l’identification conventionnelle basée sur la morpho- logie permettait une identification au niveau de la Section. Nous identifions maintenant en routine des espèces comme A. lentulus ou Neosartorya fischeri dans la section Fumigati ; A. tubingensis dans la section Nigri ; A. hortai ou A. alabamensis dans la section Terrei ; et dans la section Usti, ceux que nous identifiions comme des A. ustus se sont avéré être des A. calidoustus ou des A. puniceus. En mycologie, le MALDI-ToF apporte à nos paillasses de routine une précision d’identification des champignons comparable à celle du séquençage de l’ADN. Cette performance nous confronte aux limites de notre expertise mycologique et soulève de nombreuses questions. Quelle signification donner à ces champignons, que nous ne con- naissions pas, isolés chez nos patients et dans leur environnement ? Quel accueil réserveront à ces résultats les cliniciens destinataires ? Quelle sera la place du mycologue dans le laboratoire « numérique » de demain ? Quel avenir pour les systèmes d’identification fermés commercialisés actuellement ? De la microscopie à l’analyse de spectres et autres données numériques qui s’échangent à l’échelle planétaire, cette vision de la mycologie de demain semble vertigi- neuse. Mais faisons confiance aux mycologues-parasitologues pour savoir trouver les bonnes stratégies adaptatives. http://dx.doi.org/10.1016/j.mycmed.2014.06.015 15 Fongémies et temps d’incubation (TDI) : analyse de 1741 épisodes A. Paugam a, * , T. Ancelle a , O. Lortholary b,c , S. Bretagne c,d , FMSG (French Mycology Study Group) a Laboratoire de parasitologie-mycologie, CHU Cochin, universite ´ Paris-Descartes, APHP, Paris, France b Service de maladies infectieuses, CHU Necker, universite ´ Paris-Descartes, APHP, Paris, France c CNR des mycoses et des antifongiques, Institut Pasteur, Paris, France d Laboratoire de parasitologie-mycologie, CHU Saint-Louis, universite ´ Paris-Diderot, APHP, Paris, France *Auteur correspondant. Nous avons analysé les résultats d’une étude prospective provenant de 17 hôpitaux parisiens et de proches banlieues (20022009). Les critères d’inclusion étaient l’utilisation du même automate d’hémo- culture (BacT/ALERT, bioMérieux) et d’un temps de conservation maximal des hémocultures identique (5 jours). Sur l’ensemble des fongémies (n = 1741) les candidémies représen- tent 95 % du total. Le temps moyen d’incubation est de 2,17 0,17 j. Les TDI extrêmes sont 1,53 0,26 j pour C. tropicalis et 2,97 0,11 j pour C. glabrata (p < 0,0001). Selon que le TDI soit 2j(n = 1221) ou > 2j(n = 520) la distribution des espèces est significativement différente pour les principales espèces isolées (Tableau 1). Pour les hémocultures détectées après 48 h d’incubation le risque d’isolement de C. glabrata devient significativement plus élevé. Un traitement préemptif par fluconazole devrait être évité et les échinocandines privilégiées comme le préconisent les dernières recommandations européennes et américaines. Toutefois, l’isole- ment de Cryptococcus neoformans, intrinsèquement résistant aux échinocandines, proche de 10 % ne doit pas être négligé. Par ailleurs, en dehors de l’espèce, nous avons observé, par analyse multivariée, que les délais d’incubation dépassant 2 jours étaient significativement associés à une transplantation d’organe solide, une hospitalisation en réanimation et à la prescription de fluconazole dans les 30 jours précédents la positivité de l’hémoculture. Ce dernier point peut être étendu aux échinocandines. La survenue d’une candidémie sous antifongiques favorisant l’isolement de C. glabrata [1] et augmen- tant le risque d’isoler une souche résistante [2] est de toute manière un élément contre la prescription de cet antifongique. Ces données soulignent les limites du traitement préemptif et la nécessité d’une identification directe à partir de l’hémoculture et ceci d’autant plus qu’il s’agit d’une détection tardive (> 2 jours d’incubation). Tableau 1 Distribution des espèces. Fongémies (n = 1741) TDI 2j (n = 1221) TDI > 2j (n = 520) p C. albicans (48,79 %, n = 867) 54,11 % (n = 662) 39,42 % (n = 205) p < 10 6 C. tropicalis (8,67 %, n = 151) 11,41 % (n = 139) 2,31 % (n = 12) p < 10 6 C. parapsilosis (10,28 %, n = 179) 11,25 % (n = 137) 8,08 % (n = 42) p = 0,03 C. glabrata (16,59 %, n = 289) 8,86 % (n = 108) 34,81 % (n = 181) p <<10 6 C. krusei (3,21 %, n = 56) 3,99 % (n = 49) 1,35 % (n = 7) p = 0,002 Candida spp (6,49 %, n = 113) 8,07 % (n = 99) 2,67 % (n = 14) p < 10 5 Cryptococcus neoformans (3,21 %, n = 56) 0,88 % (n = 11) 8,65 % (n = 45) p < 10 6 Trichosporon spp + Geotrichum spp + Rhodotorula spp (0,98 %, n = 17) 0,88 % (n = 11) 1,1 % (n = 6) p : non significatif Autres levures (0,75 %, n = 13) 0,40 % (n = 5) 1,53 % (n = 8) p = 0,02 Compte rendu de congrès/Proceeding of congress 115

MALDI-ToF en mycologie : du microscope au numérique

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MALDI-ToF en mycologie :du microscope au numériqueS. Ranque a,b,*, A.-C. Normand a, C. Cassagne a,b,M. Gautier-Avellan a,b, C. L’Ollivier a,b, M.Hendrickx c, R. Piarroux a,b

a Parasitologie-mycologie, AP—HM, CHU Timone, Marseille, Franceb Aix-Marseille universite, IP-TPT UMR MD3, Marseille, Francec BCCM/IHEM : Scientific Institute of Public Health, Mycology andAerobiology Section, Bruxelles, Belgique*Auteur correspondant.

Depuis cinq ans, la spectrométrie de masse MALDI-ToF a révolu-tionné la paillasse de microbiologie en améliorant la qualité et larapidité de l’identification des bactéries et des levures. Mais lessystèmes commercialisés se sont heurtés à la complexité de l’iden-tification des champignons filamenteux et leurs bases de donnéesrestent incapables d’identifier l’ensemble des champignons analysésen routine dans un laboratoire spécialisé en mycologie. C’est pour-quoi, au laboratoire de parasitologie-mycologie du chu de Marseille,nous avons mis au point une méthode de construction de spectres deréférences adaptée à l’identification de champignons filamenteuxpuis développé une banque de spectres de références en collabora-tion avec la collection BCCM/IHEM.Depuis novembre 2011, un spectromètre de masse MALDI-ToF coupléà notre banque de spectres de références est la première ligned’identification de l’ensemble des champignons analysés en routineau laboratoire. Au bénéfice de la prise en charge des patients, nousavons constaté une diminution de 48 h du délai moyen de rendu desrésultats. L’identification des levures est performante avec lessystèmes commercialisés ; c’est l’amélioration de la précision d’iden-tification des champignons filamenteux, liée à la qualité de notrebanque de références, qui bouleverse véritablement nos pratiques.Par exemple : avant le MALDI-ToF nous avions identifié en routinel’espècede66,8%de247champignonsfilamenteux,avecunediversitéde 16 espèces. Sur ces mêmes isolats, ré-identifiés avec la procédureincluant le MALDI-ToF, nous avons identifié 98,8 % des isolats, soit uneaugmentation de 32 % du nombre d’isolats identifiés à l’espèce, avecune diversité de 42 espèces, soit une augmentation d’un facteur 2,6 dela diversité. Il est à noter que déjà 97,6 % de ces isolats avaient étéidentifiés par MALDI-ToF, les restants par séquençage de l’ADN. Parmiles Aspergillus l’identification conventionnelle basée sur la morpho-logie permettait une identification au niveau de la Section. Nousidentifions maintenant en routine des espèces comme A. lentulusou Neosartorya fischeri dans la section Fumigati ; A. tubingensis dansla sectionNigri ; A. hortai ou A. alabamensis dans la section Terrei ; etdans la section Usti, ceux que nous identifiions comme des A. ustus sesont avéré être des A. calidoustus ou des A. puniceus.En mycologie, le MALDI-ToF apporte à nos paillasses de routine uneprécision d’identification des champignons comparable à celle duséquençage de l’ADN. Cette performance nous confronte aux limitesde notre expertise mycologique et soulève de nombreuses questions.Quelle signification donner à ces champignons, que nous ne con-naissions pas, isolés chez nos patients et dans leur environnement ?Quel accueil réserveront à ces résultats les cliniciens destinataires ?Quelle sera la place du mycologue dans le laboratoire « numérique »de demain ? Quel avenir pour les systèmes d’identification ferméscommercialisés actuellement ? De la microscopie à l’analyse despectres et autres données numériques qui s’échangent à l’échelleplanétaire, cette vision de la mycologie de demain semble vertigi-neuse. Mais faisons confiance aux mycologues-parasitologues poursavoir trouver les bonnes stratégies adaptatives.

http://dx.doi.org/10.1016/j.mycmed.2014.06.015

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Fongémies et temps d’incubation(TDI) : analyse de 1741 épisodes

A. Paugam a,*, T. Ancelle a, O. Lortholary b,c,S. Bretagne c,d,FMSG (French Mycology Study Group)a Laboratoire de parasitologie-mycologie, CHU Cochin,universite Paris-Descartes, AP—HP, Paris, Franceb Service de maladies infectieuses, CHU Necker, universiteParis-Descartes, AP—HP, Paris, Francec CNR des mycoses et des antifongiques, Institut Pasteur, Paris,Franced Laboratoire de parasitologie-mycologie, CHU Saint-Louis,universite Paris-Diderot, AP—HP, Paris, France*Auteur correspondant.

Nous avons analysé les résultats d’une étude prospective provenantde 17 hôpitaux parisiens et de proches banlieues (2002—2009). Lescritères d’inclusion étaient l’utilisation du même automate d’hémo-culture (BacT/ALERT, bioMérieux) et d’un temps de conservationmaximal des hémocultures identique (5 jours).Sur l’ensemble des fongémies (n = 1741) les candidémies représen-tent 95 % du total. Le temps moyen d’incubation est de 2,17� 0,17 j.Les TDI extrêmes sont 1,53� 0,26 j pour C. tropicalis et 2,97� 0,11 jpour C. glabrata (p < 0,0001). Selon que le TDI soit � 2 j (n = 1221)ou > 2 j (n = 520) la distribution des espèces est significativementdifférente pour les principales espèces isolées (Tableau 1).Pour les hémocultures détectées après 48 h d’incubation le risqued’isolement de C. glabrata devient significativement plus élevé. Untraitement préemptif par fluconazole devrait être évité et leséchinocandines privilégiées comme le préconisent les dernièresrecommandations européennes et américaines. Toutefois, l’isole-ment de Cryptococcus neoformans, intrinsèquement résistant auxéchinocandines, proche de 10 % ne doit pas être négligé.Par ailleurs, en dehors de l’espèce, nous avons observé, par analysemultivariée, que les délais d’incubation dépassant 2 jours étaientsignificativement associés à une transplantation d’organe solide, unehospitalisation en réanimation et à la prescription de fluconazole dansles 30 jours précédents la positivité de l’hémoculture. Ce dernier pointpeut être étendu aux échinocandines. La survenue d’une candidémiesous antifongiques favorisant l’isolement de C. glabrata [1] et augmen-tant le risque d’isoler une souche résistante [2] est de toute manièreun élément contre la prescription de cet antifongique.Ces données soulignent les limites du traitement préemptif et lanécessité d’une identification directe à partir de l’hémoculture etceci d’autant plus qu’il s’agit d’une détection tardive (> 2 joursd’incubation).

Tableau 1 Distribution des espèces.

Fongémies(n = 1741)

TDI � 2 j(n = 1221)

TDI > 2 j(n = 520)

p

C. albicans(48,79 %, n = 867)

54,11 % (n = 662) 39,42 % (n = 205) p < 10—6

C. tropicalis(8,67 %, n = 151)

11,41 % (n = 139) 2,31 % (n = 12) p < 10—6

C. parapsilosis(10,28 %, n = 179)

11,25 % (n = 137) 8,08 % (n = 42) p = 0,03

C. glabrata(16,59 %, n = 289)

8,86 % (n = 108) 34,81 % (n = 181) p < <10—6

C. krusei(3,21 %, n = 56)

3,99 % (n = 49) 1,35 % (n = 7) p = 0,002

Candida spp(6,49 %, n = 113)

8,07 % (n = 99) 2,67 % (n = 14) p < 10—5

Cryptococcusneoformans(3,21 %, n = 56)

0,88 % (n = 11) 8,65 % (n = 45) p < 10—6

Trichosporon spp +Geotrichum spp +Rhodotorula spp(0,98 %, n = 17)

0,88 % (n = 11) 1,1 % (n = 6) p : nonsignificatif

Autres levures(0,75 %, n = 13)

0,40 % (n = 5) 1,53 % (n = 8) p = 0,02

Compte rendu de congrès/Proceeding of congress 115