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1 07/02/2015 Séminaire ENS-EHESS d’Éliane Escoubas journée d’étude sur Henri Maldiney et la psychiatrie sous la direction de Phiippe Cabestan. Yannick Courtel : H. Maldiney et la compréhension de la dimension du Contact.

Maldiney Et Szondi Le Contact

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Szondi Test

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    07/02/2015

    Sminaire ENS-EHESS dliane Escoubas

    journe dtude sur Henri Maldiney et la psychiatrie sous la direction de Phiippe Cabestan.

    Yannick Courtel :

    H. Maldiney et la comprhension de la dimension du Contact.

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    Sommaire

    p

    lments bibliographiques 3

    Introduction gnrale 6

    1re partie : la pulsion de contact (C) dans le systme pulsionnel de L. Szondi (1893-1986). 8

    Introduction 8

    1) Analyse du destin et test de Szondi 9

    dfinition du destin

    une hypothse controverse

    2) Le systme des pulsions : ses composants et ses relations 12

    les composants : les facteurs pulsionnels

    les tendances pulsionnelles

    les vecteurs pulsionnels (parmi lesquels C)

    les relations : entre tendances, facteurs et vecteurs

    les circuits

    Deuxime partie : le contact revu par Maldiney : un dplacement et sa porte 17

    Introduction 18

    1) Le sens du contact : 18

    groupes de mouvement

    la question de lObjet

    2) Un dplacement de registre : du pulsionnel vers lexistentiel 21

    Distinguer le pulsionnel et lexistentiel

    Articuler le pulsionnel et lexistentiel

    3) Une interprtation nouvelle de m+ 24

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    Conclusion gnrale 25

    lments bibliographiques.

    1. Ouvrages de Henri Maldiney (ayant servi pour cette sance)

    Maldiney Henry, La dimension du contact au regard du vivant et de lexistant. De lesthtique sensible lesthtique artistique et Esthtique et contact dans Le contact, Jacques SCHOTTE (d.), De Boeck-Wesmael, Bibliothque de Pathoanalyse, 1990, pp.177-194, 195-220, repris dans Henri MALDINEY, Penser lhomme et la folie, Grenoble, ditions Jrme Millon, 1991, 19982, 20073 p. 187-249.

    2. Ouvrages de Lopold Szondi A. Oeuvres originales :

    Contributions to Fate Analysis I, Analysis of Marriages, An attempt at a theory of choice in love , dans Acta Psychologica, 1937, volume 3, p. 3-80.

    Schicksalsanalyse, Wahl in Liebe, Freundschaft, Beruf, Krankheit und Tod, Ble, Benno Schwabe, 1944, 1965 (3me dition revue et augmente).

    Lehrbuch der experimentellen Triebdiagnostik, Berne, Hans Huber, 1947, refondue en 1960, 1965 (3me dition augmente)19994.

    Triebpathologie, Elemente der exakten Triebpsychologie und Triebpsychiatrie, Berne, Hans Huber, 1952, 19772.

    Ich-Analyse. Die Grundlage zur Vereinigung der Tiefenpsychologie, Berne, Hans Huber 1956, 19992.

    Schicksalsanalytische Therapie, Berne, Hans Huber, 1963, dition spciale, Szondi-Institut, Zrich 1998.

    Kain, Gestalten des Bsen, Berne, Hans Huber, 1969. Moses, Antwort auf Kain, Berne, Hans huber, 1973. Freiheit und Zwang im Schicksal des Einzelnen, Berne, Hans Huber, 1977, 19962.

    B. Traductions franaises :

    Diagnostic exprimental des pulsions (traduction du Lehrbuch der experimentellen Triebdiagnostik par Ruth Bejarano-Pruschy), Paris, PUF, 1952, 19732.

    Introduction lanalyse du destin, tome 1, Psychologie gnrale du destin (traduction par Claude Van Reeth des sept premires confrences prononces par Szondi la Facult de philosophie de lUniversit de Zurich en 1962-1963), Louvain, d. Nauwelaerts, 1972.

    Introduction lanalyse du destin, tome 2, Psychologie spciale du destin (traduction par Jean Melon, Jean-Marc Poellaer, Claude Van Reeth, des neuf dernires confrences prononces

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    par Szondi la Facult de philosophie de lUniversit de Zurich en 1962-1963), Louvain et Paris, Nauwelaerts, 1983.

    Libert et contrainte dans le destin des individus (traduction par Claude Van Reeth de Freiheit und Zwang im Schicksal des Einzelnen) Paris, Descle de Brouwer, 1975.

    3. Bibliographie secondaire sommaire

    A. Sites officiels :

    Une bibliographie des ouvrages et des articles consacrs L. Szondi figure sur le site de lInstitut- Szondi de Zurich : http://www.szondi.ch/. La revue Szondiana est en ligne et consultable la mme adresse.

    LAssociation Internationale de Recherche en Psychologie du Destin a dit les actes de plusieurs colloques organiss par elle dans la collection Les Cahiers des Archives Szondi. Les sommaires des n1 9 des Cahiers et la plupart des contributions qui les constituent sont disponibles ladresse : http://www.szondiforum.org/showdoc.php?id=111&s=cahier Le Groupe dtudes Szondiennes (Montpellier) a fait paratre la revue Fortuna entre septembre 1986 (n1) et juillet 2004 (n23).

    Un projet de constitution des Archives Szondi (sur le modle des Archives-Husserl) a tannonc, il y a une dizaine dannes, par lUCL de Louvain la Neuve. ce jour, ce projet na pas dpass le stade de son annonce. Un mmoire de Jean Mlon, intitul Quarante annes avec Szondi (www.szondi.ch/szondiana/documents/JeanMelon40JahreSzondianer.pdf), explique pourquoi et, plus encore, expose la suite dvnements qui font que certaines traductions franaises de luvre de Szondi dont la Ich-Analyse et la deuxime dition du Lehrbuch (sans parler des actes du Colloque de Cerisy, en 1977, auquel Henri Maldiney participa) nont pas t publies.

    B. Ouvrages aisment consultables :

    DERI Susan, Introduction au test de Szondi (1949), traduction de langlais, introduction et notes de Jean Mlon, Bruxelles, De Boeck Universit, Bibliothque de Pathoanalyse, 1991, 19982.

    LEGRAND Michel, Lopold Szondi, son test, sa doctrine, prface de Jean Oury, Bruxelles, Pierre Margada diteur, 1979.

    LEKEUCHE Philippe et MELON Jean, Dialectique des pulsions, Bruxelles, De Boeck-Wesmael, Bibliothque de Pathoanalyse, 1990.

    SCHOTTE Jacques, Szondi avec Freud. Sur la voie dune psychiatrie pulsionnelle, Bruxelles, De Boeck-Wesmael, Bibliothque de Pathoanalyse, 1990.

    Vers lanthropopsychiatrie : un parcours. Rencontrer, relier, dialoguer, partager, Paris, Hermann, 2008 (une premire dition de cet ouvrage a t

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    ralise par les ditions Le Pli, en 2006, sous le titre : Un parcours. Rencontrer, relier, dialoguer, partager). Des cours de Jacques Schotte consacrs Szondi sont disponibles ladresse : https://sites.google.com/site/cerpasbl/home/diffusion-des-cours-de-jacques-schotte avec un renvoi au site http://home.scarlet.be/cep/ sur lequel on trouve, entre autres, deux confrences de Henri Maldiney, Art et pathologie (mars 1970) et Philosophie et mlancolie .

    C. Ouvrages collectifs et contributions des ouvrages collectifs :

    BEN REJEB Riadh (dir.), Le destin en psychanalyse, Paris, ditions In Press, 2005.

    Destin, discours et socit, Tunis, Centre de Publication Universitaire, 2006.

    Rordorf Bernard, Jacques Schotte, lami, le passeur dans BARBARAS et alii, Maldiney une singulire prsence suivi de Henri Maldiney Existence, crise et cration, Paris, ditions Les Belles Lettres, coll. Encre Marine, 2014, p. 151-167.

    Nous nous permettons de renvoyer Courtel Yannick, Saccrocher, coller, chercher, rompre : les modalits existentielles du contact dans Ch. DONNET, N. MATHEVON et . VIENNOT dir., Le contact, Les colloques de lInstitut universitaire de France, Universit de Saint-Etienne, 2010, p. 141-153.

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    Maldiney et la comprhension de la dimension du Contact.

    Introduction

    Larticle de Henri Maldiney, La dimension du contact au regard du vivant et de

    lexistant , dbute de manire directe par une interrogation : quest-ce que le contact ? 1.

    La rponse propose par Maldiney est surprenante car elle emprunte aux dictionnaires leurs

    dfinitions, ceux du moins qui comportent une entre contact . Or ce terme est absent du

    vocabulaire technique de la philosophie. On cherchera, par exemple, en vain, une entre

    contact entre celles de constructivisme et de contemplation dans le Grand

    dictionnaire de la philosophie dirig par Michel Blay2. En revanche, le terme nest pas absent

    des dictionnaires de la langue franaise o il dsigne :

    a) la position, ltat relatif de deux corps au moins qui se touchent ou qui sont en

    contigut,

    b) toute espce de relation, de rapport, entre des personnes, connote par la prposition

    avec qui marque la rencontre, la communication, le commerce.

    Ces deux dfinitions seraient de peu dintrt si elles ne rendaient possible un exercice auquel

    Maldiney se livre et qui consiste savoir si lune des deux drive de lautre, en loccurrence,

    si la deuxime, toute espce de relation entre des personnes , drive de la premire, ltat

    de deux corps qui se touchent ? Lide dune relation humaine est-elle drive de celle qui

    exprime une jonction entre des corps, ou bien lide de leur contigit est-elle secondaire par

    rapport celle, originaire, dune relation intersubjective ? Comment en dcider ? Maldiney

    propose de chercher dans larticulation dune exprience sous-jacente aux deux dfinitions, la

    possibilit dun passage de lune lautre, partant, celle dun ordre entre elles. Mais quelle

    exprience ? Et quel ordre ? La langue fournit une indication, qui fait provenir le terme

    contact du latin contacts, lattouchement, lui-mme reli au verbe contig, toucher au 1MALDINEYHenri, La dimension du contact au regard du vivant et de lexistant. De lesthtique sensible lesthtique artistique dans Le contact, Jacques SCHOTTE (d.), De BoeckWesmael, Bibliothque dePathoanalyse,1990,p.177194(notpar lasuiteContact) , reprisdansHenriMALDINEY,Penser lhommeet lafolie,Grenoble,ditionsJrmeMillon,1991,19982,p.187212(notparlasuitePenser).2Publien2003parlesditionsLarousseetCNRSditions,cedictionnaireestconsultableladresse:http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1200508p/f1.image.r=Dictionnaire%20des%20concepts%20philosophiques%20dirig%C3%A9%20par%20Michel%20Blay.langFR.

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    sens d atteindre et d tre en rapport avec . Au-del des tymologies, toucher

    constituerait-il lexprience sous-jacente aux deux significations du contact, la seule qui soit

    susceptible de supporter le passage de lune lautre ? Mais de quoi parle-t-on exactement en

    recourant au verbe toucher ? Des choses en contact ou bien de nous-mmes qui disons

    propos de ces choses quelles se touchent ? Y a-t-il toutefois un sens dire que des choses

    dpourvues du toucher se touchent ? Nest-ce pas plutt le toucher humain, quelles que

    soient les faons dont il se produit et ce quil rvle de ltre de chacun, qui rend possible

    lassimilation de la contigut entre deux choses un contact localis une interface qui est

    tout la fois de sparation et de jonction3 ? Cette assimilation ne reposerait-elle pas sur une

    projection, un transfert, dans les choses, du toucher proprement humain qui se reverserait,

    ensuite, aux hommes sous la forme de la rencontre et du commerce ? Et do vient que ce

    toucher dciderait du sens que lon peut accorder au contact ? Rpondre ces questions

    ncessite quelques dtours et cest sans doute pourquoi Maldiney voque de manire lointaine

    la chair husserlienne et le corps phnomnal de Merleau-Ponty en rappelant que ce corps et

    cette chair sont sensibles, au double sens de lexpression, cest--dire sentant et sentis,

    touchant et touchs, et ajoute immdiatement qu en touchant les choses nous nous touchons

    elle, nous sommes la fois touchant et touchs 4. Que touchs signifie, pour nous, se

    toucher aux choses et non pas tre touchs par elles (comment, en effet, ce qui est dpourvu

    du toucher nous toucherait-il ?) est suffisamment tonnant, mais juste, pour tre relev.

    Toutefois ltranget de larticulation du touchant et du touch na pas chapp Merleau-

    Ponty qui, dans Le visible et linvisible, sen tonne et affirme quelle nous ouvre la chair du

    monde et, plus nigmatiquement, que touchant et touch ne concident ni dans le corps, ni

    dans lesprit, mais dans lintouchable . Lintouchable, cest cela dautrui que je ne

    toucherai jamais 5, quoi Maldiney ajoute : cest cela de moi que je ne toucherai jamais6 .

    Support par lexprience du toucher et celle de lintouchable quil rvle, le contact serait-il

    bifide, pour une part atteinte et, pour une autre, distance ?

    Du toucher au contact, la consquence semble bonne. On ne saurait cependant oublier :

    a) qutre touch signifie, pour nous, se toucher aux choses et non pas tre

    touchs par elles, formulation qui ne rend pas inconsistantes les choses, mais met

    laccent sur la relation que nous entretenons avec elles, 3MALDINEYHenri,Penser,p.188..4Ibid.5MERLEAUPONTYMaurice,LeVisibleetlinvisible,Paris,Gallimard,1964,p.307,citparMaldiney,p.188.6MALDINEYHenri,op.cit.,p.189.

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    b) que lintouchable est propre lhomme, prsent comme il lest par

    Merleau-Ponty ( cela dautrui ) et par Maldiney ( cela de moi ) qui en

    font, pour lun, la condition dune jonction entre les deux ples de la structure

    touchant/touch et, pour lautre, celle dune jonction entre deux ples de

    lexistence.

    Se toucher et sin-toucher (quon nous pardonne ce nologisme) entrent dans le contact

    qui chappe progressivement aux dictionnaires et commence de se montrer lui-mme avant de

    le faire tout fait avec lirruption de lexprience humaine, et de la psychopathologie en

    particulier, telles quelles sont rflchies par le psychiatre et psychanalyste Lopold Szondi

    aux travaux duquel louvrage de Maldiney, Penser lhomme et la folie, fait explicitement

    rfrence ds son titre7 et dans larticle La dimension du contact . Selon Maldiney,

    la psychologie est une science de la dramatique humaine, telle quelle est vcue dans

    lpreuve et dans lacte dexister, sous la forme dune prsence ou dune absence soi et aux

    autres. Le contact peut donc tre considr comme lun des aspects de cette dramatique. Le

    plus basal. Peut-tre.

    Les renvois luvre de Lopold Szondi, dans larticle de Maldiney, ncessitent quelques

    clairages. Ils feront lobjet de la 1re partie de cet expos et seront limits au strict ncessaire.

    Les dplacements oprs par Maldiney dans lintelligence du contact et le changement de

    perspective quils provoquent feront lobjet de la 2me partie.

    La pulsion de contact (note C) dans le systme pulsionnel de L. Szondi.

    Introduction : remarques gnrales.

    Luvre de Szondi est lune des contributions, inspires par la psychanalyse freudienne, la

    connaissance de lhomme et celle de ses orientations dans les pratiques interhumaines. Cest

    luvre dun mdecin qui, en traversant les sciences humaines, a tmoign de son intrt pour 7Rappelonsquelapremireditiondulivre,en1991,avaitpourtitre:Penserlhommeetlafolie:lalumiredelanalyseexistentielleetdelanalysedudestin,enclair,lalumiredesrecherchesdeLudwigBinswangeretde Lopold Szondi. Ds la 2me dition du livre (1998), le titre subit une rduction et devient: Penserlhommeetlafolie.

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    la constitution dune sorte danthropologie philosophique. Le matre mot de ses recherches est

    celui de destin, notion qui est conue en gnral comme impliquant une contrainte. Au destin-

    contrainte, Szondi a ajout un destin-libert et sa contribution au dveloppement de la

    psychologie des profondeurs porte le nom danalyse du destin (Schiksalsanalyse). Les

    premiers travaux de Szondi au milieu des annes trente du sicle dernier ont port sur les

    mariages ( pourquoi un homme sprend-il de telle femme et non pas de telle autre ? 8),

    cest--dire sur les choix de conjoints dans leur allure de destin .

    Toutefois, le centre de gravit des recherches de Szondi est chercher dans la constitution

    dun systme des pulsions parmi lesquelles la pulsion de contact note C (C comme Contact et

    Circulaire). Ce systme donne son assise ce pourquoi Szondi est la fois le plus connu et le

    plus mal connu : son test . Lambition systmatique de Szondi est flagrante : il a cherch

    refonder la psychiatrie partir de lesprit de la psychanalyse. Cette ambition a-t-elle t

    couronne de succs ? Cest une autre question. Bien que lanalyse des pulsions faite par

    Freud et Szondi mette jour les mmes composantes (la source, la pousse, lobjet et le but)

    les deux systmes diffrent quant au nombre et la nature des pulsions.

    1) Analyse du destin et test de Szondi.

    Pour ce qui est du destin, on peut se rfrer la 1re confrence de lIntroduction lanalyse

    du destin sous-titre Psychologie gnrale du destin dans laquelle Szondi situe sa rflexion

    par rapport celles de Schopenhauer et Heidegger. Du premier, il cite un court passage :

    notre action et notre vie se droulent avec une parfaite ncessit, par consquent toute la vie dun homme est, ds la naissance, dj dtermine, irrvocablement et jusque dans les dtails9,

    et, du second, cet autre :

    La rsolution, dans laquelle le Dasein fait retour sur lui-mme, dcouvre les possibilits chaque fois factives dexistence propre partir de lhritage quelle recueille du fait mme quelle est jete. Ce retour de la rsolution sur ltre jet implique quelle embrasse en se remettant elles des possibilits qui lui ont t transmises,

    8 SZONDI Lopold, Introduction lanalyse du destin, tome I, Psychologie gnrale du destin, Louvain, d.Nauwelaerts,1972,p.10.9 SCHOPENHAUER Arthur, Transcendente Spekulation ber die anscheinende Absichtlichkeit im Schicksale desEinzelnen.ParergaundParalipomena,dansOC, tome8,1repartie,StuttgartetBerlin,ditionsCotta,p.209,citparL.Szondi,p.11.

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    mme si ce nest pas ncessairement ce titre quelle les embrasse10.

    La figure de Schopenhauer semble avoir hant Szondi qui, dans les annes trente, voit en lui

    le philosophe du destin-contrainte. Et cest avec une problmatique proche de celle de

    Schopenhauer que Szondi commencera, avant la deuxime guerre mondiale, ses recherches

    sur la gntique du destin applique aux mariages et aux jumeaux. Mais de Heidegger, il

    retient lide que les possibilits de lexistence sont en partie hrites, en partie librement

    choisies. Cette autre conception va tre articule la premire et fournir une conception

    originale du destin qui distingue entre la matire hrditaire qui soffre au destin et la fonction

    par laquelle le destin se ralise lui-mme :

    la matire du destin est fournie par les possibilits dexistence que la ncessit impose tout individu partir de son hrdit et des conditions de son propre milieu.

    La fonction du destin consiste prcisment en ce que lindividu choisit lui-mme, librement, la forme de son tre-l personnel, parmi les possibilits dexistence dont il est porteur11.

    Tous les faits qui relvent du destin se rangent donc sous deux catgories :

    a) le destin hrditaire ou destin-contrainte

    b) le destin de libert ou destin-choix.

    Lanalyse du destin nest donc pas une doctrine dterministe, mais une doctrine du libre-choix

    que le Moi effectue parmi les possibilits de destin hrites. Du ct du destin hrditaire ou

    du destin-contrainte, on va vers le concept dun inconscient familial hrit des anctres et

    distinct dun inconscient individuel, du ct du destin-choix, vers le concept dun moi

    btisseur de ponts, un Moi-pontifex, capable de prendre position par rapport aux possibilits

    hrites.

    Cette distinction joue un rle essentiel dans lanalyse du contact dveloppe par Maldiney.

    Il nest pas ncessaire de dvelopper ici lhypothse controverse dune origine hrditaire

    des pulsions. Envers et contre tous, Szondi a maintenu lhypothse de lexistence, dans le

    bagage hrditaire dun individu, de gnes spcifiques qui conditionneraient un ensemble

    de manifestations pulsionnelles reprables dans la vie ordinaire ou la maladie et quil a

    appels des gnes pulsionnels . Leur nombre est limit : 8. Cette hypothse la conduit 10HEIDEGGERMartin,treettemps,traductionfranaisedeJeanFranoisVezin,Paris,Gallimard,1986,p.448.11SZONDILopold,Introductionlanalysedudestin,op.cit.,p.11.

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    affirmer que ces gnes qui se prsentent sous deux formes, celle dun gne allle dominant

    (appelons-le A ) ou rcessif (appelons-le a ), et sorganisent en paires, ces gnes, donc,

    forment dans le bagage de tout tre humain des combinaisons de trois sortes : homozygote

    dominante ( AA ), htrozygote ( Aa ) ou homozygote rcessive ( aa ). Une des

    combinaisons, la troisime, conditionnerait une des maladies psychiques (je tais quelles

    conditions) que la nosographie dalors limitait huit. Plus largement, les autres combinaisons

    conditionneraient certains choix : amoureux, professionnel, de maladie et de mort. Prsents en

    tout tre humain, on ne le rptera pas assez, ces gnes ont une traduction en termes de

    besoins. Szondi a donc, la fois, postul lexistence des gnes pulsionnels et leffet

    gnotropique de certains dentre eux, actifs dans de grands choix. Ces deux thses sont

    difficilement articulables entre elles, mais il importait Szondi de montrer quune

    combinaison de gnes pouvait conditionner des comportements morbides, une autre, des

    comportements non morbides comme les comportements socialiss dj cits (un choix

    amoureux ou professionnel). Pour prouver lhypothse, Szondi et ses collaborateurs hongrois

    ont tabli des arbres gnalogiques afin de mettre jour la circulation des gnes dans une

    famille donne et dterminer les possibilits hrites des anctres quils transmettent. Un

    pareil travail exigeait un temps considrable et un rgiment dassistants. Le test de Szondi

    a permis de rduire lun et lautre. Ce test projectif repose sur lide de lexistence dune

    conjonction, dcouverte en clinique, des choix de maladie(s) travers les figures de

    partenaires choisis, comme sil sagissait dautant de parents par alliance, daprs des affinits

    positives (prouver de la sympathie) ou ngatives (prouver de lantipathie)12. Ne voulant pas

    dvelopper cet aspect de la recherche de Szondi, jajouterai simplement que le Diagnostic

    exprimental des pulsions (le vrai nom du test) repose sur le choix effectu dix reprises,

    spares les unes des autres par plusieurs jours, voire plusieurs semaines, le choix, donc,

    parmi huit photographies reprsentant les visages de huit malades souffrant de maladies

    pulsionnelles manifestes (homosexualit (h), sadisme (s), pilepsie (e), hystrie (hy),

    schizophrnie catatonique (k), schizophrnie paranoaque (p), dpression (d), manie (m)), des

    deux les plus sympathiques (le choix est not + ) et les deux les plus antipathiques (le

    choix est not - ) et recommencer six fois lopration. Szondi ajoute avoir vrifi sur

    plusieurs centaines de cas si chaque photo mobilisait ou sollicitait un besoin pulsionnel

    spcifique, en dautres termes, si chaque photo induisait des associations langagires en

    direction du besoin pulsionnel reprsent par la photographie (le sadisme, par exemple, ou

    12 Pour ce paragraphe, se reporter Jacques SCHOTTE, Vers lanthropopsychiatrie: un parcours. Rencontrer,relier,dialoguer,partager,Paris,Hermann,2008,p.184185sv.

  • 12

    bien lhystrie, la manie). La vrification stant avre positive, chacune des huit

    photographies des six srie a donc t suppose rencontrer chez celui qui la choisissait

    (affirmativement ou ngativement) une structure gntique latente et quelque chose qui serait

    de lordre dun besoin pulsionnel.

    Dans lanalyse du contact dveloppe par Maldiney, il est fait mention du besoin pulsionnel

    de la manie (not m ) et du besoin pulsionnel de la dpression (not d ).

    2) Le systme des pulsions.

    a) Les lments.

    six reprises lors dune mme sance du test , des besoins pulsionnels seraient

    mobiliss au travers dun choix de photos. Szondi utilise aussi lexpression de facteurs

    pulsionnels. Besoins ou facteurs (facteur signifiant celui qui fait, produit 13) dsignent les

    nergies latentes de toutes les actions pulsionnelles 14. Leur nombre est limit, huit, et la

    liste vient den tre donne. Ces besoins ou facteurs ne sont pas les pulsions, mais les nergies

    qui constamment les alimentent.

    Chaque facteur ou besoin se compose de deux tendances qui reprsentent les deux

    directions opposes en lesquelles un mme besoin peut se manifester. Par exemple, le facteur

    pulsionnel s se compose de la tendance s+, tendance lactivit, lagression, voire au

    sadisme, et de la tendance s-, tendance la civilisation, la courtoisie collective, au

    dvouement, voire lhumilit et au masochisme. lintrieur dun mme facteur ou dun

    mme besoin, il y a donc deux tendances, deux directions opposes (peut-tre parce que, selon

    Szondi, un besoin est le produit dune tendance pulsionnelle paternelle et dune autre

    maternelle ?).

    Ajoutons qu lissue des choix oprs six reprises parmi huit photographies de sujets

    atteints par lune des huit pathologies cites prcdemment, il savre que quatre ractions

    auront t possibles. Par exemple, parmi les six photographies de dpressifs :

    a) aucune ou au moins une aura t choisi positivement (+) ou ngativement (-) ; la

    raction est dite vide et note 0 (on crit : d0).

    13 Cf. SZONDI Lopold,Diagnostic exprimental des pulsions, traduction franaise par Ruth BejaranoPruschy,Paris,PUF,1952,19732,p.132.14Ibid.,p.26.

  • 13

    b) Deux ou trois photographies de dpressif, sur les 6 possibles, sont choisies

    positivement ou ngativement ; la raction est dite moyenne et note : d+ ou d-.

    c) Quatre, cinq ou six photographies sur les 6 possibles sont choisies positivement ou

    ngativement ; la raction est dite pleine et note : d+ ! (ou !!, voire !!!) ou d- !

    (ou !!, voire !!!).

    d) Enfin, quatre, cinq ou six photographies sont choisies par un sujet, les unes comme

    sympathiques et les autres comme antipathiques. Quand un sujet choisit la fois au

    moins deux photos dun facteur comme sympathiques (+) et au moins deux photos du

    mme facteur comme antipathiques (-), la raction est dite ambivalente et note : d .

    La signification de ces symboles est la suivante :

    a) la raction pleine (d+, dans notre exemple) signifie que le besoin pulsionnel

    susceptible dtre mobilis par les photos dune catgorie dtermine est charg (en

    clair, une tension saccumule lintrieur de ce besoin),

    b) la raction vide (d0) signifie que le besoin est dcharg,

    c) la raction moyenne, positive ou ngative, donne une indication sur la prise de

    position du sujet par rapport au besoin. Choisir positivement une photo et le besoin

    quelle mobilise signifie lapprouver. Choisir ngativement une photo et nier le

    besoin quelle mobilise signifie le dsapprouver. Linstance qui approuve ou

    dsapprouve est le Moi (on a fait remarquer Szondi quaucune traduction

    gntique dune telle opration ntait concevable).

    d) La raction ambivalente signifie que le Moi approuve et refuse la fois le besoin

    critique ou quil est ambivalent lgard de lexigence pulsionnelle15.

    Enfin, deux facteurs pulsionnels dterminent ensemble une pulsion ou vecteur pulsionnel

    (deux facteurs poursuivent donc un mme but pulsionnel). Une pulsion est donc, selon

    Szondi, un entrelacement de deux facteurs pulsionnels16. Grce aux actions de choix des

    photos par un sujet, un profil pulsionnel peut tre tabli (je passe sous silence comment) et le

    testeur note des informations sur les quatre domaines pulsionnels qui sont les quatre

    domaines vitaux de tout destin humain, savoir :

    15Ibid.,p.52. 16Ibid.,p.28.

  • 14

    a) la vie sexuelle : le vecteur S et ses facteurs pulsionnels entrelacs, h et s

    b) la vie des affects paroxysmaux : le vecteur P et ses facteurs pulsionnels entrelacs,

    e et hy,

    c) la vie du Moi : le vecteur Sch et ses facteurs pulsionnels entrelacs k et p,

    d) la vie de contact : le vecteur C et ses facteurs pulsionnels entrelacs, d et m.

    Les pulsions ou vecteurs entrelacent deux facteurs qui suivent un mme but bio-

    psychologique, la satisfaction par coulement dune tension dynamique, et elles dterminent

    des actions et des comportements.

    Dans lanalyse du contact dveloppe par Maldiney, il nest fait mention que du vecteur C,

    incidemment du vecteur du Moi (Sch), et des besoins pulsionnels m (manie) d (dpression)

    ainsi que des tendances m+, m-, d+.

    b) Les relations.

    Lnergtique de lanalyse du destin a un caractre dialectique , crit Szondi17. Ce dernier

    adjectif ne dsigne pas la mme chose selon que lon parle des tendances pulsionnelles, des

    facteurs, des vecteurs ou des circuits.

    Tendances et facteurs expriment lnergtique inconsciente, mais leur caractre dialectique

    est des plus lmentaires. Ils sont opposs et, si ce nest dans la raction ambivalente qui les

    tient ensemble, ils reprsentent les besoins par rapport auquel le Moi prend position en les

    approuvant ou en les dsapprouvant. Par exemple, dans le vecteur C, le facteur d dsigne un

    groupe de mouvements qui se rapportent aux Objets acqurir et m, un groupe de

    mouvements qui se rapportent aux Objets actuels ou anciens dj obtenus. lintrieur du

    facteur d, deux tendances sont opposes : d+ et d-. Une interprtation factorielle des rponses

    d+ ou d- sattache chacune de ces tendances. La raction d+ est interprte comme une

    raction prte sextrioriser et inconsciemment appuye par le Moi ; elle exprime le besoin

    dacquisition dun nouvel Objet, ventuellement, la cupidit, et, combine s- ou s0, une

    tendance la dpression. La raction d- est interprte comme une raction inconsciemment

    refuse par le Moi, refoule ou socialise grce au mcanisme de la projection ; elle exprime

    le renoncement, la fidlit lObjet ancien, voire la fixation. Et lon peut continuer : d

    exprime une crise de la fidlit lObjet (dois-je rester fidle lObjet ancien ou me mettre en

    qute dun nouveau ?), cest la raction de la recherche incertaine. En combinaison avec m+,

    17Ibid.,p.62.

  • 15

    d0 indique larrt de la recherche de lObjet, avec m-, laffairement et la recherche en tout sens

    de nouveaux objets. Enfin, avec e0, d0 exprime le manque de retenue ou de soutien

    frquemment observ dans lhypomanie et plus encore, la dipsomanie. Linterprtation

    factorielle est faiblement dialectique et sentend surtout didactiquement. Il en va autrement

    avec linterprtation vectorielle qui porte sur lentrelacement des facteurs dune mme

    pulsion et qui est dune grande richesse.

    Chacun des facteurs donnant lieu quatre rponses possibles (+, -, o, ), chacun des vecteurs

    offre 16 combinaisons. Dans le vecteur pulsionnel C, le facteur m dsigne, comme on la dj

    dit, un groupe de mouvements qui se rapportent aux Objets actuels ou anciens dj obtenus.

    La raction m+ exprime, par exemple, le dsir de saccrocher, la fidlit un Objet daimance,

    la peur de le perdre, et m-, au contraire, le dtachement de lObjet ancien, une nouvelle qute.

    Linterprtation vectorielle de d- m+, par exemple, en passera par linterprtation factorielle,

    mais soulignera ce que la combinaison dnote, savoir un attachement extrme lun des

    parents ou son reprsentant, voire un amour incestueux et, sur un plan plus lev, un

    attachement extrme (une attention visqueuse , comme lcrit Szondi) une ide. Avec

    cette interprtation, le mouvement de traverse entre les facteurs est manifeste et, en ce sens,

    parler de dialectique est juste.

    Au-del de linterprtation vectorielle, il reste la relation des vecteurs entre eux. La mise en

    rapport des facteurs pulsionnels qui composent les vecteurs priphriques, S et C, avec les

    vecteurs centraux, P et Sch, est tonnante tant sur le plan du diagnostic que jamais Szondi ne

    confond avec un pronostic18 que sur celui de lidentification des syndromes pathologiques qui

    runissent les ractions factorielles caractrisant une maladie dtermine, cliniquement bien

    distincte (ou des traits de caractre)19. Parmi ces syndromes, celui du meurtre est lun des plus

    clbres avec la ligne de partage des eaux quil tablit entre le meurtre passionnel et

    le meurtre crapuleux 20. La dialectique dsigne alors la traverse des vecteurs et la

    composition singulire des facteurs quils entrelacent pour donner la vie dun sujet sa

    singularit destinale.

    Il a t dit auparavant quenvers et contre tous, Szondi a maintenu lhypothse de

    lexistence de gnes spcifiques dans le bagage hrditaire dun individu. Contre tous

    et mme contre ceux qui furent les plus proches de lui, comme Jacques Schotte qui ne 18Cf.lanalyseducasdunepharmacienneprsentdansleDiagnosticp.68sv.19Ibid.,p.101.20Ibid.,p.113.

  • 16

    partageait pas les hypothses gntiques de Szondi, la dfense obstine de cette hypothse lui

    semblant, peut-tre, relever avant tout du besoin dafficher une fidlit extrme un Objet

    ancien (d-), les mnes des anctres disparus, et, par-l, de les clbrer ostensiblement (hy+).

    Mais au milieu des annes 70, et juste avant le colloque de Cerisy, Jacques Schotte a

    dvelopp une interprtation vraiment dialectique de chacun des vecteurs pulsionnels en

    identifiant un circuit propre chacun.

    La notion de circuit pulsionnel est familire Szondi pour qui le Moi nest pas un organe

    anatomiquement localisable, ni un appareil psychique 21, mais un circuit qui runit les

    quatre fonctions lmentaires distingues dans le vecteur du Moi (Sch) et dnommes les

    radicaux du Moi 22. Le Moi est une association-de-fonctions 23, mais cette

    reprsentation statique dune intgration russie de quatre tendances (k et p), il faut prfrer

    la dynamique de leur succession rgle 24, quand bien mme elle resterait expose des

    arrts. Ces quatre tendances sont :

    a) la tendance tre un et identique avec lautre (p-), en dautres termes, la

    participation qui exprime la vie du Moi dans lautre, comme dans le cas de lunit

    mre-enfant, et fonctionne comme projection secondaire aprs la dsintgration de

    lunit double participative.

    b) La tendance du Moi au redoublement de son pouvoir, en dautres termes, la

    volont dtre et Moi et lautre et tout, appele inflation (p+) par Szondi.

    c) La tendance du Moi prendre possession (tout avoir, tout savoir, crit Szondi), en

    dautres termes lintrojection (k+).

    d) La tendance du Moi viter, nier, inhiber, refouler, (k-), en un mot, la ngation.

    Le circuit du Moi, le circuit quest le Moi, commence donc par la participation et sachve par

    la ngation qui opre par le refoulement ou ladaptation.

    Le circuit du Moi, labor au milieu des annes soixante, diffre, dans sa structure, des

    circuits pulsionnels mis jour par Jacques Schotte, qui introduisent, quant eux, dans chaque

    vecteur, une vritable dialectique interne. Ces circuits permettent non seulement didentifier

    21 Id., Libert et contrainte dans le destin des individus, traduction franaise par Claude Van Reeth, Paris,DescledeBrouwer,1975,p.109.22 Pour tout ce qui suit, voir le 4me chapitre de Libert et contrainte dont je reprends le contenu et, plusparticulirement,lasectionconsacreauxclivagesduMoi.23Ibid.,p.110.24Ibid.,p.111.

  • 17

    lequel des deux facteurs comporte la raction la plus primitive et la plus labore 25 mais,

    et surtout, le rle mdiateur jou par lun des facteurs dans le passage chez lautre dune

    raction primitive la deuxime, plus labore. Le terme de dialectique simpose alors

    vraiment. Dans le vecteur C, par exemple, les quatre ples d+, d-, m+, m -, forment un circuit.

    Le point de dpart nest pas quelconque. Il ne peut pas sagir du facteur d. La recherche dun

    nouvel Objet prsuppose le dtachement par rapport un autre dj obtenu et sans doute

    son abandon. Le circuit commence donc par le facteur m. Entre les deux tendances qui le

    composent, m+ simpose comme point de dpart pour une raison que lon peut

    philosophiquement exprimer comme suit : la ngation est un outil de la vie de lesprit, mais

    ne constitue pas cette vie elle-mme 26. Le circuit du contact dbute donc par m+,

    laccrochage un Objet , il se poursuit par le renforcement de cet accrochage dans la

    fidlit extrme (d-) cet Objet, puis, par le besoin den rechercher un nouveau (d+), enfin,

    dans la qute de ce nouvel Objet corrle la rupture avec lancien (m). Un pareil circuit

    semble clairer, par exemple, ce qui se produit aprs linterruption de relations interhumaines

    durables et reflter un travail de perte, depuis lattachement un Objet dj obtenu et

    prsent perdu (m+), la fidlit obsessive son souvenir (d), le besoin den rechercher un

    nouveau (d+) et sa qute (m). La dialectique consiste ici dans lidentification de la

    raction la plus primitive, m+, et la plus labore, m-, et celle du rle mdiateur confr au

    facteur d dans la transformation de m+ en m-.

    Il arrive Maldiney de faire allusion aux circuits vectoriels de Jacques Schotte, mais sil traite

    aussi des ractions la plus primitive (m+) et la plus labore (m-) dans larticle quil consacre

    au contact, le rle du facteur d y est peine affleur.

    Le contact selon Maldiney : porte dun dplacement.

    25 SCHOTTE Jacques, Recherches nouvelles sur les fondements de lanalyse du destin, Louvain, Centre dePsychologieClinique,19751986,pp. 93,94, citpar JeanMlondans sonAvantproposau livrede JacquesSchotte,SzondiavecFreud,p.9.26,Verslanthropopsychiatrie,op.cit.,p.214.

  • 18

    Introduction.

    La contribution de Maldiney au volume collectif Le Contact peut dsorienter un lecteur et

    cela, indpendamment de la mobilisation des matriaux diffrents qui entrent dans le corps de

    larticle et sont emprunts la langue (cf. supra notre introduction), lhistoire de la pense

    philosophique (Merleau-Ponty et Heidegger, dj cits), celle de la psychologie (E. Straus,

    V. von Weizscker), la psychopathologie (linterprtation du sado-masochisme), la

    condition dexistant, lart Si dsorientation il y a, elle sexplique bien plus srement par

    un dplacement qui porte tout dabord sur le sens du contact. Leffet direct de ce dplacement

    est de modifier le registre du contact qui outre son sens pulsionnel (C) se charge, dans

    linterprtation de Maldiney, dun sens existentiel. Enfin, par rection du contact au rang

    dexistential, un changement se produit dans la teneur de ce que lon a prsent jusqu

    prsent comme un facteur pulsionnel, m et ce qui va savrer tre une situation (m+) bien plus

    quune raction. La seconde partie de cet expos sen tiendra ces trois points.

    1) Le sens du contact.

    Dans la prsentation du Contact, on a insist jusqu prsent sur les groupes de mouvements

    qui dfinissent les facteurs pulsionnels, les uns se rapportant aux Objets acqurir (d), les

    autres aux Objets anciens ou actuels dj obtenus (m)) et, mais sans rien en dire, sur leur

    direction et leur destination : des Objets.

    Dune faon trs gnrale, Szondi prsente le vecteur (ou la pulsion) C, comme le vecteur

    du rapport lObjet (au singulier). Et dans tout investissement pulsionnel, crit-il, il y a lieu

    de distinguer entre ce qui ressorti C et ce qui ressortit S (allusion Freud pour qui

    linvestissement pulsionnel dobjet est considr essentiellement du point de vue de la

    sexualit). La question est donc de savoir de quoi lon parle en voquant lObjet ?

    Pour les commentateurs de Szondi, Michel Legrand par exemple, cet Objet est prsent

    parfois comme un Objet total (le pre, la mre, le conjoint), parfois comme un Objet partiel

    (le sein, largent, lalcool), parfois comme un Objet collectif (la famille, le peuple, la

    nation) et parfois comme un Objet culturel (le thme dune idologie, le transcendant dune

  • 19

    religion)27. LObjet se pluralise en une grande varit dObjets ! Or, il nest pas certain que

    ces exemples soient clairants. Derechef, de quoi parle-t-on quand on parle dObjet ?

    Le plus simple en la matire est didentifier ce que cet Objet nest pas.

    Ce nest tout dabord pas lobjet de la pulsion. Rappelons que Freud distingue dans une

    pulsion sa source, sa pousse, son but et son objet , cest--dire ce par quoi la pulsion

    atteint son but et qui est (cet objet) ce quil y a de plus variable en elle. Appelons objet de la

    pulsion ou objet pulsionnel cet objet. Lobjet pulsionnel nest pas lObjet dont il est

    question en C car, dune part, toutes les pulsions ont un objet qui donne la dynamique

    psychique son allure et, dautre part, on confondrait objet et Objet en faisant de celui-

    ci lhypostase de celui-l. De lobjet, il est question dans tous les vecteurs, parce que ce sont

    des pulsions, mais de lObjet il est question en C.

    Pour la raison qui vient dtre voque, et pour une autre, plus culturelle , lObjet nest pas

    non plus lobjet sexuel. Szondi est dorigine hongroise et il y a eu une cole hongroise de

    psychanalyse. Les plus connus de ses membres sont Sndor Ferenczi, l'un des premiers

    psychanalystes, Imre Hermann (tout juste cit par Maldiney) avec qui Szondi sest entretenu

    pourtant rgulirement pendant plusieurs annes, et, plus prs de nous, Michael Balint. Dans

    lhistoire de la psychanalyse, cette cole est caractrise par trois traits : son intrt pour les

    commencements de la vie psychique, la question de lenvironnement et par le fait quelle na

    pas accord de primaut la pulsion sexuelle. Cela se retrouve chez Szondi pour qui la

    pulsion C est sexuellement neutre.

    LObjet, enfin, nest pas ce quobjecte ou sobjecte un sujet. Ce nest pas un terme dans le

    couple philosophique infernal du sujet et de lobjet. De celui-ci, il est par exemple question

    dans le vecteur paroxysmal (P) et dans le vecteur du Moi (Sch) o lon retrouve, parmi les

    groupes de mouvement, la projection et lintrojection.

    Force est donc de se demander ce quest cet Objet ? Et la rponse nest pas simple.

    Le psychanalyste Serge Lesourd en formule une lorsquil fait remarquer que lObjet du

    Contact ne dsigne pas un objet peru et dsir en tant que tel, mais un imago labor

    partir des premires relations intersubjectives, relles et fantasmatiques, entretenues par un

    27 LEGRANDMichel, Cours dintroduction au Szondi, Louvain, Centre de psychologie diffrentielle et clinique,anne19731974,courspolycopi,sectionIII,p.10.Voiraussi,dumme,LopoldSzondi,sontest,sadoctrine,Bruxelles,PierreMargadaditeur,1979,p.56.

  • 20

    nourrisson avec son entourage familial, imago avec lequel il continuera, par la suite, dentrer

    en relation28. Serge Lesourd invite aussi distinguer entre les concepts, souvent confondus,

    dincorporation et dintrojection. Par incorporation, il entend un mouvement psychique

    dassimilation dune chose qui la fait disparatre (comme dans la dvoration), moins que

    pour x raisons, elle demeure enkyste. Lintrojection, par diffrence, consiste prendre sur soi

    quelque chose dextrieur, un objet, et le faire sien sans pour autant le faire disparatre.

    Devenu intrieur, cet objet nen demeure pas moins extrieur29. Eu gard ces deux

    mouvements, la projection est tardive parce quelle suppose lintriorisation pralable dun

    objet. Lincorporation serait-elle par consquent la relation ce qui nest pas (encore ?) un

    objet, une chose, et dsignerait-elle sa prsence dans le sujet sans que celui-ci lait prise

    lextrieur, comme il prend un objet ? En bref, lObjet du Contact pourrait-il tre approch au

    moyen de la notion dimago et, plus srement, comme la chose incorpore et non

    introjecte ?

    La voie suivie par Maldiney est autre. Elle ne renvoie pas un mouvement dincorporation

    ft-il distingu de celui de lintrojection. En reprenant les mots de Merleau-Ponty, nous dirons

    quelle consiste inscrire le contact dans les liens de la chair avec le monde. Leffet de cette

    inscription est darracher les groupes de mouvements (d et m) au contexte strictement

    psychologique de leur identification et donner un aperu autre de lObjet.

    Sur le premier point, les mouvements. Il faut rappeler que les deux facteurs du Contact

    szondien renvoient deux attitudes, identifies par Imre Hermann partir de son observation

    des primates : saccrocher ou sagripper (sich anklammern) et partir la recherche (auf

    Suchegehen). Balint en a fait des attitudes fondamentales antinomiques quil dsigne par deux

    nologismes, l ocnophilie (du grec oknos, la lenteur, do la nonchalance, la paresse) et le

    philobatisme (de batos, le lieu o lon peut aller). Lune et lautre sont des modalits dun

    amour primaire caractris, crit Jean Mlon la fin des annes quatre-vingts, par un

    investissement qui porte [] sur des schmes sensori-moteurs, cest--dire des modes de

    sentir et de se mouvoir30 . Locnophile, lire Mlon, investit la sensorialit, sagrippe des

    fragrances, des odeurs, des objets qui le sont peine. Le philobate, en revanche, aime bouger,

    marcher linfini. Il investit le mouvement. Ces deux attitudes se retrouvent dans le Contact 28 LESOURD Serge, Sminaire interdisciplinaire sur Lintouchable, Universit de Strasbourg, sance du17/12/2009,interventionorale.29 Id.,Sminaire interdisciplinaire surLobjetet labject,UniversitdeStrasbourg,sancedu06/12/2011,interventionorale.30 MELON Jean, De lcole hongroise de psychanalyse Szondi et la psychiatrie daujourdhui dans LeContact,op.cit.,p.20.

  • 21

    szondien, lalternative entre tre lun ou lautre, mais pas les deux, en moins. De l en faire

    des manires dtre , que ce soit d tre-avec , dtre-dans , comme dans le cas de

    laccrochage, ou bien d tre-hors , en-dpart , comme dans celui de la qute, il ny a

    quun pas. Un autre, et cest lapport de Szondi, consiste affirmer que les reprsentants

    extrmes du besoin daccrochage et du besoin de partir sont, dans un cas, le dprim et dans

    lautre, le maniaque. En dautres termes, le Contact, selon Szondi, est la rgion des troubles

    de lhumeur, rgion quil ne confond jamais avec celle de la psychose maniaco-dpressive

    laquelle concerne le Moi. Sauf erreur de notre part, Maldiney reprend en sous-main ces

    attitudes quil articule entre elles en affirmant dune part que lexprience premire du

    contact est celle, humaine, du toucher 31 et, dautre part, que la jonction entre toucher et se

    toucher se fait dans lintouchable. Ce faisant, laccent se porte des groupes de mouvements

    entrant dans le Contact leur condition et leur Objet.

    Sur ce dernier point, justement. On le sait dj, lObjet ne dsigne ni un objet extrieur peru

    auquel un sujet se rapporterait, ni un objet (le mme ?) intrioris (cf. la litanie : le pre ,

    lalcool , la nation , etc.), mais ce qui nen est pas un. Quest-ce qui nest pas un objet ?

    La psychanalyse donne une rponse32 et Maldiney une autre : dans le sentir, moi et monde

    (cest le sens originaire du contact) ont partie lie 33. Le passage de la notion dObjet celle

    de monde ne dissout pas le premier dans un grand tout. Dans les deux cas, on a affaire

    linobjectif et, dans celui du monde, autre chose qu la totalit de ce qui est, parce que le

    sens de cette totalit nest pas en elle.

    Chair (Merleau-Ponty) ou moi (Maldiney), monde et, entre les deux, le sentir comme un des

    sens du contact, son sens originaire, constitueraient un quadriparti si le sentir ntait quun

    entre-deux conu dans le but de relier entre eux des termes spars et, du contact, lun des

    sens. Mais le sentir nest pas un pont entre le moi et le monde, cest le pouvoir qui les prcde

    et se dploie comme origine des deux. Linflexion que fait subir Maldiney au sens du contact

    est donc notable et elle prpare son changement de registre.

    2) Le dplacement du pulsionnel vers lexistentiel.

    31MALDINEYHenri,Penserlhommeetlafolie,op.cit.,p.188.32Cf.supra.33Ibid.,p.191.Noussoulignons.

  • 22

    Il arrive que Szondi prsente le vecteur C comme le vecteur de la liaison avec le monde

    extrieur 34. Nous parlerons dsormais, la suite de Maldiney, du monde (tout court) pour ne

    pas forclore la manire dont nous nous touchons lui. Tout le problme consiste maintenant

    comprendre cette liaison qui dcide du registre nouveau du contact.

    Le passage le plus important de larticle de Maldiney est celui o la distinction, introduite

    par Szondi, entre destin-contrainte et destin-libert conforte ce qui est avanc au sujet de la

    liaison moi-avec-le-monde (le contact et le sentir) et se trouve conforte par elle. Il y a l une

    manire de faire qui mrite quon sy arrte. Elle revient retourner sur lune des pulsions, C,

    la distinction szondienne entre pulsion et prise de position du Moi, en clair, non pas diviser

    la pulsion, mais la complexifier. Le retournement sur la pulsion de la distinction entre

    contrainte et libert porte la pulsion en direction de son dpassement et cela, une fois de plus,

    par lucidation de llment premier do jaillissent et la pulsion et la prise de position sur la

    pulsion ainsi que sur les besoins quelle entrelace. Cet lment premier nest ni prsuppos, ni

    pos, il se dcouvre en cherchant par o et comment moi et monde ont partie lie35.

    Il est hors de question de rpter ici les dveloppements de Maldiney. En allant directement

    aux rsultats, ces dveloppements aboutissent diffrencier, la suite de Heidegger et des

    Concepts fondamentaux de la mtaphysique36, deux par o et comment monde et moi ont

    partie lie, lun propre la vie, lautre, lexistence, et distinguer entre :

    a) la vie, voire le vital, et lexistence, voire lexistentiel.

    b) La relation dchange entre un vivant et son Umwelt lintrieur duquel (tre-

    dans) ce vivant accde des choses (tre-avec) dont le statut est spcifique de son

    espce et la tenue, proprement humaine, hors la contenance qui est la mesure de

    tout Umwelt (tre-dans qui a le sens dun auprs et dun avec), hors soi ,

    comme lcrit Maldiney.

    c) Le comportement dun animal conu comme une pousse vitale et relevant

    dun ordre pulsionnel et, par ailleurs, le comportement dun homme ouvreur et

    configurateur du monde, dun homme qui transcende et le monde et soi, ce qui est

    sa manire spcifique dtre-.

    34SZONDILopold,Diagnostic,op.cit.,p.58.35MALDINEYHenri,Penserlhommeetlafolie,op.cit.,p.191.36 HEIDEGGER Martin, Les concepts fondamentaux de la mtaphysique, MondeFinitudeSolitude, traductionfranaiseparDanielPanis,ParisGallimard,1992.

  • 23

    d) le pulsionnel et lexistentiel37 dont lcart est consacr par la dnivellation par o

    lhomme mergeant du monde est capable de soi 38.

    Ces distinctions tant rappeles, il importe de rappeler que lcart entre le pulsionnel et

    lexistentiel est prcisment, selon Maldiney, lapport le plus remarquable de Szondi chez qui

    il sexprime au niveau du Moi, dans lopration de traverse du destin-contrainte par le destin-

    choix ou de lhomme-nature par lhomme-libert.

    Toute la difficult se concentre dans le fait que Szondi et Maldiney ne se contentent pas

    dopposer contrainte et libert, vivre et exister, mais quils tentent de les articuler. Szondi

    cherche cette articulation au niveau du Moi et Maldiney, au niveau du contact qui devient

    autre chose que le Contact hermanno-szondien. Ce point sclaire grce aux deux

    propositions :

    a) lexprience premire du contact est celle, humaine, du toucher

    b) dans le sentir, moi et monde (cest le sens originaire du contact) ont partie

    lie 39.

    propos de lexprience premire du contact, Maldiney cite Merleau-Ponty pour qui le

    toucher a ceci de particulier quil est habit par une ngativit . Cette ngativit, fait du

    corps autre chose quun fait empirique , elle lui confre une signification ontologique ,

    et cest pourquoi lintouchable du toucher, lautre ct de ltre sensible, est si important. Or

    cet intouchable devient chez Maldiney une prsence imprsentable qui est comme lautre nom

    de lhomme, parce quelle est ce dont seul lhomme est capable en tant hors soi, hors

    Umwelt, en bref, prsent. Maldiney cite encore Merleau-Ponty pour qui se toucher

    [nest] pas se saisir comme ob-jet, cest tre ouvert soi, destin soi. () Ce nest pas davantage satteindre, cest au contraire schapper, signorer, le soi en question est dcart40.

    Cet cart est constitutif de lhomme et explique quil ne cohre pas avec lui-mme, mais est

    au contraire en prcession de lui-mme. Cette prcession, cest sa transcendance.

    37Ibid.,p.197198,passim.Vitaletpulsionnelsontdoncrunis.38Ibid.,p.198.39Cf.supranotes24et25.40MERLEAUPONTYMaurice,LeVisibleetlinvisible,op.cit.,p.303.

  • 24

    Hors le toucher, le contact, si contact il y avait ce dont on peut douter , signifierait

    contigut ; avec le toucher, il savre tre la condition dune rencontre. Par son intermdiaire,

    en effet, un cart se produit dans le soi qui touche et se touche aux choses en existant.

    [Ce serait, prsent, le moment dintroduire le sentir

    parce que le moi avec le monde quil implique est une

    exprience premire de tenue du moi dans lapparatre du

    monde et de tenue du monde dans lapparatre du moi,

    mais je nen dirai rien car cette question sera traite dans

    la communication de Jol Bouderlique qui porte sur la

    communaut du sentir et du contact].

    Ds le contact, la vie est reprise par lexistence, le pulsionnel, par lexistentiel, lenfermement

    dans un monde (Umwelt), par l ouverture soi dun existant qui se et le (lUmwelt)

    transcende. Le registre du contact est donc nouveau.

    3) Une interprtation diffrente de m+.

    Articuler le pulsionnel et lexistentiel et non pas se contenter de les juxtaposer lun lautre,

    constitue une manire dtre proprement humaine, autre chose quun simple comportement

    dont la psychologie, ft-elle des profondeurs, aurait la cl. On peut nommer cette manire

    dtre un existential puisque sy dcide en permanence, mais selon diverses modalits, le sens

    de lavec qui lie le moi et le monde. Avec et et sont, pour lun, une prposition, pour lautre,

    une conjonction, qui dsignent soit le toucher de deux corps, leur contigut, soit le commerce

    entre deux tres, leur communication, lesquelles relations existent lespace originaire de

    leur rencontre. Dans cet entre premier, le moi exprimente la premire forme du contact,

    tre suspendu 41.

    tre suspendu ou dans lespace originaire est une modalit primitive du contact

    qui implique (nous parlons de la modalit) un enveloppement, lequel voque une

    concavit 42. lire Maldiney, cet enveloppement devrait tre introduit dans le champ

    szondien quel quen soit par ailleurs lorigine hermanienne. Avec ces quelques mots, tout est

    dit. Mais quoi ?

    41Ibid.,p.204.42Ibid.

  • 25

    a) La pice centrale du contact nouvelle manire est lenveloppement dun spectateur

    dans, et par, une concavit. Comme dans le circuit du Contact, la situation primitive, le

    point jaillissant, est m+. Dans larticle de Maldiney, lenveloppement est illustr

    non pas psychologiquement, mais esthtiquement, artistiquement, en bref,

    sensiblement, par lart de lancien Iran et les reliefs parthes des figures de face, plus

    particulirement43. Une seconde situation, trs labore, sen distingue qui suppose un

    franchissement. Elle aussi est esthtique, artistique, bref, sensible, et correspond la

    vision de profils des figures achmnides, dont la succession implique, pour tre vue,

    labandon du trait de lune pour quter celui dune autre (m-)44. La succession m+ - m-

    est cependant prpare, selon Maldiney, par la situation m dune vision de profils

    encore attache un trait dans le moment mme o elle est anticipativement prsente

    un autre, une ide qui est trangre aux rquisits de la thorie des circuits et qui semble

    faire double emploi avec linterprtation propose de m-.

    b) Une chose est certaine : un spectateur ne peroit jamais une figue de face par son

    contour mais partir de son centre en expansion 45 (ce qui suffit, selon nous, faire

    de m+ la situation dorigine). La situation m+ serait alors celle dun spectateur dont la

    vision ne spuiserait pas dans le visible, une vision non pas insatiable car il sagirait

    alors du spectateur et de ce qui se passe en lui, seulement en lui, mais une vision

    renouvele par la contemplation du visible, en loccurrence de la face dune figure

    inpuisable. Cette vision serait donc en qute dautre chose dans la face quelle

    regarde et non pas en qute dautre chose dans sa face elle. Selon Maldiney, cela

    correspond la situation d+ et parat juste.

    c) Cet enveloppement devrait tre introduit dans le champ szondien . En dautres

    termes la forme primitive du contact ne figure pas (encore) dans le champ du Contact.

    Effectivement, le contact selon Maldiney ne concide pas absolument avec le Contact

    selon Szondi ; il le touche , mais pour se produire, ce toucher suppose un dcalage

    par o lhomme, mergeant du monde, est capable de soi 46.

    Conclusion. 43Ibid.,p.208209,passim.44Ibid.,passim.45Ibid.,p.209.46Cf.supra,note38.

  • 26

    Henri Maldiney et la psychiatrie . Nous esprons avoir restitu les lments qui permettent

    de comprendre que le vif de la conjonction et ne consiste pas dans lutilisation faite par

    Maldiney de la terminologie szondienne (C, vecteur du Moi, m, d, raction +, -, ) pour

    parvenir dcrire la situation dun spectateur attentif ce quil voit. Le vif, cest ce que

    Maldiney a reu de Szondi, savoir la distinction puis larticulation du vital ou du pulsionnel

    et de lexistentiel, et quil lui a rendu en portant en pleine lumire la transformation dun fond

    pulsionnel en une dimension dexistence.