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OBLIGATIONS Malgré des taux négatifs, le marché obligataire performe comme jamais depuis 2009 Face à la multiplication des émissions sur le marché obligataire, il est difficile de croire qu'il n'y en aura pas pour tout le monde. C'est pourtant l'avis de JPMorgan Chase. Le plus grand souscripteur obligataire au monde s'attend encore à des rendements historiquement bas, avec des émissions nettes prévues pour cette année à 1.860 milliards de dollars et des achats nets estimés à 1.740 milliards de dollars. Si ces chiffres montrent que l'offre dépassera toujours la demande pour la cinquième année consécutive, le principal enseignement pour la banque est que le fossé entre l'offre et la demande - le volume d'émissions excédentaires - devrait se resserrer pour atteindre un niveau qui n'a plus été atteint depuis 2009. Selon les calculs de JPMorgan, l'offre pourrait dépasser les achats nets de 119 milliards de dollars (en net) cette année, contre une différence de 566 milliards de dollars l'année passée. Cela constituerait le plus important bond en avant de la demande depuis 2009, lors de la pire crise financière enregistrée depuis la Grande Dépression. Ce contexte favorable s'explique par la diminution des emprunts des gouvernements, dictée par les mesures d'austérité, et l'augmentation des achats d'obligations par les banques centrales. Ces dernières ont englouti plus de 12.000 milliards de dollars d'actifs depuis la crise financière, dans le but de soutenir la croissance et éloigner le spectre de la déflation. Cela devrait permettre d'apaiser les craintes d'une hausse des rendements et d'un essoufflement de la croissance suite aux éventuels resserrements de la Réserve fédérale. Du côté de l'offre, les émissions des États sont en train de diminuer, comme on peut le constater sur le marché US, le plus important au monde, après quatre années de reprise économique et de contraction du déficit fédéral. Du côté de la demande, même si la Fed ne procède plus à des achats massifs, la Banque du Japon (BoJ) et la Banque centrale européenne (BCE) sont toujours en plein programme d'assouplissement quantitatif et continuent d'inonder le marché de liquidités, ce qui pourrait exercer une pression à la baisse sur les rendements souverains du monde entier, États-Unis compris. En effet, les achats combinés de la Fed, de la Banque d'Angleterre (BoE), de la BCE et de la BoJ continuent d'augmenter en pourcentage des différents PIB combinés. En mars, la BCE a d'ailleurs annoncé qu'elle relèverait le montant mensuel de ses achats d'actifs de 60 milliards d'euros à 80 milliards d'euros et qu'elle commencerait aussi à acheter des obligations d'entreprise. Cette demande, combinée aux achats nets des fonds obligataires estimés à 379 milliards de dollars cette année (263 milliards en 2015), devrait, selon JPMorgan, suffire à compenser les ventes réalisées notamment par les fonds souverains et les gestionnaires de réserves (ventes estimées à 380 milliards de dollars). Cette équation de l'offre et de la demande signifie que les rendements vont encore baisser, car les investisseurs vont pousser les cours à la hausse sur un nombre de moins en moins important de titres disponibles. La banque estime ainsi que les rendements moyens sur les dettes souveraines vont reculer de pas moins de 0,5 % cette année. Or, le rendement moyen des obligations souveraines des pays développés est déjà passé de 1,02 % à 0,66 % à la fin de l'année passée. Ce recul va à l'encontre du consensus, lequel table sur une hausse des rendements dans la plupart des pays du G7 d'ici à la fin de l'année (prévision médiane dans des enquêtes de Bloomberg). Le taux des Treasuries à 10 ans devrait ainsi grimper à 2,25 % d'ici à la fin de l'année, contre 1,82 % aujourd'hui. Les analystes ont revu leur prévision à la baisse par rapport à janvier, mois au cours duquel la prévision médiane faisait état d'un taux de 2,8 % en fin 2016. La tendance générale a donc été à la baisse pour les taux. Cette année, ils ont dévissé dans 20 pays développés suivis par Bloomberg. La performance des actifs à revenu fixe dans le monde en 2016 confirme le point de vue de JPMorgan. Alors que les investisseurs sont à la recherche d'un refuge contre la volatilité (actions, matières premières et Chine), ils ont eu un peu de mal à absorber toutes les dettes supplémentaires : les obligations souveraines ont, par conséquent, rapporté 4 % (en euros) en 2016, le début d'année le plus solide depuis que Bank of America Merrill Lynch suit ces statistiques en 1997. Le recul des rendements va à l'encontre du consensus, lequel table sur une hausse des rendements dans la plupart des pays du G7 d'ici à la fin de l'année (prévision médiane dans des enquêtes de Bloomberg). Le taux des Treasuries à 10 ans devrait ainsi grimper à 2,25 % d'ici à la fin de l'année, contre 1,82 % aujourd'hui. Les analystes ont revu leur prévision à la baisse par rapport à janvier, mois au cours duquel la prévision médiane faisait état d'un taux de 2,8 % en fin 2016. La tendance générale a donc été à la baisse pour les taux. Cette année, ils ont dévissé dans 20 pays développés suivis par Bloomberg. Dans ce contexte, la solidité de la demande jouera un rôle vital, car l'explosion du marché obligataire mondial (de 70.000 milliards de dollars en 2007 à environ 100.000 milliards de dollars) pourrait laisser penser qu'une bulle s'est créée et est désormais prête à éclater. Les gestionnaires préoccupés par les perspectives économiques et à la recherche d'un surplus de rendement n'en font qu'à leur tête et se tournent de plus en plus vers des maturités plus longues et plus risquées, poussant ainsi les rendements plus de deux fois plus bas qu'il y a dix ans. Près de 9.000 milliards de dollars de dettes affichent désormais des taux négatifs, ce qui signifie que les investisseurs qui achètent ces titres aujourd'hui et les gardent jusqu'à leur échéance sont disposés à perdre de l'argent ! La situation est relativement compliquée. Il faut éviter que les risques pesant sur les actifs considérés comme des valeurs refuges augmentent alors que les rendements ne cessent de baisser. Si le compromis qui consiste à perdre un peu d'argent en échange de la sécurité offerte par les obligations d'État reste acceptable aux yeux des investisseurs prudents, d'importants risques n'en restent pas moins présents. L'année passée, le spectre de la déflation et l'instauration par la BCE d'un programme d'assouplissement quantitatif (QE) ont fait baisser le rendement moyen des dettes de la zone euro à un plancher historique de 0,475 % et le rendement des Bunds allemands à quasiment 0 %. Dans les mois qui ont suivi, les rendements sont brusquement repartis à la hausse après quelques signes encourageants concernant l'économie de la région. À la mi-juin, les rendements des emprunts allemands à plus long terme avaient gagné plus d'un point de pourcentage, entraînant ainsi une perte record de 13 % pour les investisseurs sur le trimestre. MAI 2016 L'analyse de Thierry Masset Vendre en mai et se tenir à carreau? Malgré des taux négatifs, le marché obligataire performe comme jamais depuis 2009 Nouvelle bulle des matières premières en Chine Turbulences solaires Le moteur des dividendes US est grippé Les mines d’or brillent en bourse

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OBLIGATIONS

Malgré des taux négatifs, le marché obligataire performe comme jamais

depuis 2009

Face à la multiplication des émissions sur le marché obligataire, il est difficile de croire qu'il n'y en aura pas pour tout lemonde. C'est pourtant l'avis de JPMorgan Chase. Le plus grand souscripteur obligataire au monde s'attend encore à desrendements historiquement bas, avec des émissions nettes prévues pour cette année à 1.860 milliards de dollars et desachats nets estimés à 1.740 milliards de dollars. Si ces chiffres montrent que l'offre dépassera toujours la demande pour lacinquième année consécutive, le principal enseignement pour la banque est que le fossé entre l'offre et la demande - levolume d'émissions excédentaires - devrait se resserrer pour atteindre un niveau qui n'a plus été atteint depuis2009. Selon les calculs de JPMorgan, l'offre pourrait dépasser les achats nets de 119 milliards de dollars (en net) cetteannée, contre une différence de 566 milliards de dollars l'année passée. Cela constituerait le plus important bond en avant dela demande depuis 2009, lors de la pire crise financière enregistrée depuis la Grande Dépression.

Ce contexte favorable s'explique par la diminution des emprunts des gouvernements, dictée par les mesuresd'austérité, et l'augmentation des achats d'obligations par les banques centrales. Ces dernières ont englouti plus de12.000 milliards de dollars d'actifs depuis la crise financière, dans le but de soutenir la croissance et éloigner le spectre de ladéflation. Cela devrait permettre d'apaiser les craintes d'une hausse des rendements et d'un essoufflement de la croissancesuite aux éventuels resserrements de la Réserve fédérale.

Du côté de l'offre, les émissions des États sont en train de diminuer, comme on peut le constater sur le marché US,le plus important au monde, après quatre années de reprise économique et de contraction du déficit fédéral.Du côté de la demande, même si la Fed ne procède plus à des achats massifs, la Banque du Japon (BoJ) et laBanque centrale européenne (BCE) sont toujours en plein programme d'assouplissement quantitatif et continuentd'inonder le marché de liquidités, ce qui pourrait exercer une pression à la baisse sur les rendements souverains dumonde entier, États-Unis compris. En effet, les achats combinés de la Fed, de la Banque d'Angleterre (BoE), de laBCE et de la BoJ continuent d'augmenter en pourcentage des différents PIB combinés. En mars, la BCE a d'ailleursannoncé qu'elle relèverait le montant mensuel de ses achats d'actifs de 60 milliards d'euros à 80 milliards d'euros etqu'elle commencerait aussi à acheter des obligations d'entreprise. Cette demande, combinée aux achats nets desfonds obligataires estimés à 379 milliards de dollars cette année (263 milliards en 2015), devrait, selon JPMorgan,suffire à compenser les ventes réalisées notamment par les fonds souverains et les gestionnaires de réserves (ventesestimées à 380 milliards de dollars).

Cette équation de l'offre et de la demande signifie que les rendements vont encore baisser, car les investisseursvont pousser les cours à la hausse sur un nombre de moins en moins important de titres disponibles. La banqueestime ainsi que les rendements moyens sur les dettes souveraines vont reculer de pas moins de 0,5 % cette année. Or, lerendement moyen des obligations souveraines des pays développés est déjà passé de 1,02 % à 0,66 % à la fin de l'annéepassée.

Ce recul va à l'encontre du consensus, lequel table sur une hausse des rendements dans la plupart des pays du G7 d'icià la fin de l'année (prévision médiane dans des enquêtes de Bloomberg). Le taux des Treasuries à 10 ans devrait ainsigrimper à 2,25 % d'ici à la fin de l'année, contre 1,82 % aujourd'hui. Les analystes ont revu leur prévision à la baisse parrapport à janvier, mois au cours duquel la prévision médiane faisait état d'un taux de 2,8 % en fin 2016. La tendance généralea donc été à la baisse pour les taux. Cette année, ils ont dévissé dans 20 pays développés suivis par Bloomberg.

La performance des actifs à revenu fixe dans le monde en 2016 confirme le point de vue de JPMorgan. Alors queles investisseurs sont à la recherche d'un refuge contre la volatilité (actions, matières premières et Chine), ils ont eu un peude mal à absorber toutes les dettes supplémentaires : les obligations souveraines ont, par conséquent, rapporté 4 % (eneuros) en 2016, le début d'année le plus solide depuis que Bank of America Merrill Lynch suit ces statistiques en 1997.

Le recul des rendements va à l'encontre du consensus, lequel table sur une hausse des rendements dans la plupartdes pays du G7 d'ici à la fin de l'année (prévision médiane dans des enquêtes de Bloomberg). Le taux des Treasuries à 10ans devrait ainsi grimper à 2,25 % d'ici à la fin de l'année, contre 1,82 % aujourd'hui. Les analystes ont revu leur prévision à labaisse par rapport à janvier, mois au cours duquel la prévision médiane faisait état d'un taux de 2,8 % en fin 2016. Latendance générale a donc été à la baisse pour les taux. Cette année, ils ont dévissé dans 20 pays développés suivis parBloomberg.

Dans ce contexte, la solidité de la demande jouera un rôle vital, car l'explosion du marché obligataire mondial (de70.000 milliards de dollars en 2007 à environ 100.000 milliards de dollars) pourrait laisser penser qu'une bulle s'estcréée et est désormais prête à éclater. Les gestionnaires préoccupés par les perspectives économiques et à larecherche d'un surplus de rendement n'en font qu'à leur tête et se tournent de plus en plus vers des maturités plus longueset plus risquées, poussant ainsi les rendements plus de deux fois plus bas qu'il y a dix ans. Près de 9.000 milliards de dollarsde dettes affichent désormais des taux négatifs, ce qui signifie que les investisseurs qui achètent ces titres aujourd'hui et lesgardent jusqu'à leur échéance sont disposés à perdre de l'argent !

La situation est relativement compliquée. Il faut éviter que les risques pesant sur les actifs considérés comme desvaleurs refuges augmentent alors que les rendements ne cessent de baisser. Si le compromis qui consiste à perdreun peu d'argent en échange de la sécurité offerte par les obligations d'État reste acceptable aux yeux des investisseursprudents, d'importants risques n'en restent pas moins présents.

L'année passée, le spectre de la déflation et l'instauration par la BCE d'un programme d'assouplissement quantitatif(QE) ont fait baisser le rendement moyen des dettes de la zone euro à un plancher historique de 0,475 % et lerendement des Bunds allemands à quasiment 0 %.Dans les mois qui ont suivi, les rendements sont brusquement repartis à la hausse après quelques signesencourageants concernant l'économie de la région.À la mi-juin, les rendements des emprunts allemands à plus long terme avaient gagné plus d'un point de pourcentage,entraînant ainsi une perte record de 13 % pour les investisseurs sur le trimestre.

MAI 2016

L'analyse de Thierry MassetVendre en mai et se tenir à carreau?Malgré des taux négatifs, le marchéobligataire performe comme jamaisdepuis 2009Nouvelle bulle des matières premièresen ChineTurbulences solairesLe moteur des dividendes US estgrippéLes mines d’or brillent en bourse

Malgré ces réserves, beaucoup d'investisseurs ont acheté des obligations proposant des taux négatifs cesdernières semaines, à cause du manque d'alternatives.

Une réponse aux mesures exceptionnelles prises par des banques centrales comme la BCE et la BoJ, qui ont faitpasser leurs taux en négatif et ont décidé d'acheter encore davantage d'obligations souveraines, afin d'essayer derelancer leurs économies. En février, l'Organisation de coopération et de développement économiques a revu à labaisse sa prévision de croissance mondiale pour 2016 de 3,3 % en novembre à 3 %, évoquant des risquesconsidérables pour la stabilité financière. Dans une enquête réalisée par Bloomberg, la plupart des économistesinterrogés estiment également que la BCE maintiendra des taux négatifs jusqu'au premier trimestre de 2018 au plus tôtet la BoJ jusqu'au moins la fin de la même année.Les obligations d'État proposant des rendements extrêmement bas restent également populaires en raison descraintes concernant la santé de l'économie en Chine et aux États-Unis (les deux moteurs de la croissancemondiale) et de l'accroissement de la volatilité sur l'ensemble des marchés financiers.Mais ce n'est pas tout. La volonté des investisseurs obligataires de payer en réalité les gouvernements pourpouvoir emprunter (un tiers des emprunts souverains des pays développés affichent des taux négatifs) prouveégalement qu'ils se posent des questions à propos de l'efficacité des politiques menées par les banquescentrales. En fait, ils se demandent même si toutes ces mesures ne finiront pas par faire plus de mal que debien à l'économie mondiale. Malgré les milliards injectés par les banques centrales de par le monde depuis la crisefinancière dans le cadre du QE et les taux d'intérêt négatifs instaurés dans vingt-quatre pays environ, les prévisionsd'inflation du marché (1,1 %) restent coincées aux mêmes planchers qu'après la crise financière. La faiblessedes cours des actions et des matières premières pèse sur l'inflation et pousse les investisseurs à se réfugier dans lesobligations d'État.

En conclusion : les investisseurs obligataires sont de plus en plus confrontés à une nouvelle réalité, dans laquelleles taux négatifs sont devenus la norme en raison des craintes autour de l'économie mondiale... Dans ce contexte,nous préférons conserver notre positionnement neutre sur les obligations et nous continuons de privilégier lestitres "investment grade".

Si les obligations souveraines performent bien cette année, celles émises par les entreprises européennes de bonnequalité crédit ("investment grade") ne sont pas en reste avec un rendement qui est tombé à 0,30%. Ces dernièresprofitent, notamment, du fait que la Fed ne semble pas vouloir brusquer son processus de resserrementmonétaire pour ne pas entraver la reprise US.

Depuis le début de l’année, les obligations gouvernementales des pays industrialisés font état d’un return moyen de4 %, alors que celui des obligations d’entreprises de bonne ("investment grade") et moins bonne qualité crédit ("highyield") oscille entre 1,9 % et 3 %. Dans un même temps, l'indice boursier MSCI Monde a perdu 3,7 % (en euros),dividendes réinvestis inclus.Les contrats "future" indiquent que la Fed ne bougera pas avant décembre. Il y a un mois, ils tablaient encore sur unehausse en septembre. Les responsables devraient attendre un véritable réchauffement de l'économie avant d'agir. Lesperspectives de croissance, combinées à des signes de stabilisation des prix pétroliers et des cours boursiers aprèsla déroute de ce début d'année, incitent les investisseurs à se tourner davantage vers des actions offrant un rendementplus élevé, en dehors du marché des obligations souveraines.Cela explique pourquoi près de 16 milliards d'euros d'obligations d'entreprise de qualité s'échangent avec desrendements inférieurs à 0 % alors que les taux de dépôt négatifs poussent les gestionnaires à chercher desalternatives sûres pour placer leur cash.Alors que la BCE n'a pas encore indiqué quelles obligations elle comptait acheter, certains investisseurss'accrochent aux titres qui, selon eux, se trouveront sur la liste de la banque centrale. Les cours obligatairessont soutenus par la volonté de la BCE de commencer à acheter des obligations d'entreprise non financières, afind'inciter les investisseurs à se tourner vers des titres plus risqués ou des échéances plus longues. Le message queveut envoyer la BCE est très clair : "Prenez des risques - que ce soit au niveau de la qualité des titres ou de leuréchéance - et aidez-nous à financer les entreprises sur le long terme." La BCE a décidé d'augmenter le montant deses achats mensuels à 80 milliards d'euros et également de ne plus se limiter aux obligations d'État et aux obligationssécurisées (après avoir fait chuter les taux sur ces marchés).L'annonce par le président de la BCE de l'extension de son programme d'assouplissement de 1.500 milliardsd'euros aux obligations d'entreprise a fait chuter le loyer de l'argent et a permis à certaines des sociétés les plusfiables d'emprunter pour pratiquement rien. Le rendement moyen exigé par les investisseurs pour détenir desobligations "investment grade" est ainsi passé de 0,55 % le 29 février à 0,30 %, selon un indice de Bloomberg. L'indicemontre aussi que les obligations émises par les sociétés les mieux cotées en périphérie européenne font partie decelles qui ont le mieux performé pendant la période sous revue. Les rendements moyens sur ces titres sont passés de1,13 % au début du mois à un niveau record de 0,76 %.

La saison de publication des résultats des entreprises jouera probablement un rôle déterminant dans lessemaines qui viennent. Il s'agira en effet de voir si la volatilité des conditions financières a pesé sur larentabilité. Des taux bas favorisent ordinairement la consommation et les investissements, mais on est en droit de sedemander si un taux d'intérêt à -0,4 % serait favorable à la croissance et à l'emploi dans la Zone Euro. Nouscontinuons quoi qu'il en soit de surpondérer les entreprises de première qualité, mais nous optons pour plus deprudence en ce qui concerne les obligations à haut rendement, qui sont plus sensibles aux investissements desparticuliers et à la volatilité des prix de l'énergie.

2.1 Obligations souveraines périphériques de la zone euro : neutre (par rapport aux obligations du «

noyau dur » de la zone)

Cinq ans après avoir accordé à la Grèce la plus importante annulation de dette souveraine jamais enregistréedans l'histoire, les dirigeants européens sont revenus au point qu'ils avaient espéré éviter : une discussionconcrète sur l'allègement de la dette. Malgré tous les efforts déployés pour réduire la dette de la Grèce depuis le début dela crise financière, l'économie du pays s'est enfoncée encore davantage. Ses obligations sont donc devenues de plus en plusonéreuses. Alors que le rapport entre la dette et le PIB de la Grèce a grimpé de près de 70 % par rapport à son niveau de2008, le Fonds monétaire international (FMI) ne cesse d'insister sur le fait que la dette devra être restructurée si l'on veutassurer la viabilité des finances du pays. Mais maintenant que la majeure partie de la dette grecque se trouve aux mains descréanciers, ce sont les contribuables qui devront passer à la caisse, et pas les investisseurs.

Au troisième trimestre de 2008, les obligations de la Grèce pesaient 106 % du produit intérieur brut. Aujourd'hui, cinqélections générales et trois plans de sauvetage plus tard, elles se sont envolées à 177 %.Au moment où les obligations ont été restructurées en 2011, les responsables chargés de remettre le pays sur les railsavaient tablé sur une dette de 120 % du PIB en 2020.

Les ministres des Finances de la Zone Euro se sont réunis à Bruxelles pour discuter du déblocage d'une tranched'aide de 11 milliards d'euros en faveur de la Grèce. Les discussions ont également porté sur la méthode à utiliserpour alléger la dette de 321 milliards d'euros, via un prolongement des échéances, un abaissement des tauxd'intérêt et un report des remboursements.

Les tenants d'une ligne dure ne veulent pas, comme le FMI le demande, que la dette soit allégée avant la fin duprogramme de sauvetage prévue à la fin de 2018. Ils craignent que, sans cette carotte, les autorités grecques nerelâchent leurs efforts. Le FMI souligne de son côté que la clarté sera indispensable pour restaurer la confiance desinvestisseurs.Le FMI et les créanciers européens ne parviennent pas non plus à s'entendre sur l'étendue de la prolongation deséchéances, le report des remboursements et les chiffres relatifs à l'économie grecque. Le Fonds n'est ainsi pasd'accord avec l'hypothèse de la Zone Euro selon laquelle la Grèce sera capable de soutenir un surplus primaire de3,5 % du PIB.

La Grèce a rempli quasiment toutes les conditions d'austérité nécessaires pour pouvoir bénéficier d'un nouvelemprunt. Les ministres des Finances devraient donc approuver le déblocage de la prochaine tranche d'aide dansle cadre du plan de sauvetage de 86 milliards d'euros décidé l'année passée. Cela devrait permettre aux Grecs de réglerleurs arriérés et de remplir leurs obligations en matière de service de la dette. La dernière tranche devrait être suffisante pourpouvoir effectuer un remboursement de 2,3 milliards d'euros à la Banque centrale européenne en juillet.

Cela explique pourquoi les obligations grecques sont les obligations les plus en vue de la Zone Euro depuis le débutde l'année, alors que les obligations d'État de la zone euro ont repris du poil de la bête une fois la poussièredissipée après la dernière avalanche de mesures de relance prises par la BCE (qui a abaissé ses taux d'intérêt,amplifié son assouplissement quantitatif et mis en place de nouveaux prêts à long terme pour les banques). Après l'annoncede Mario Draghi selon laquelle les principaux taux d'intérêt conserveraient leur niveau actuel ou seraient abaissés pendantune période de temps prolongée, les titres grecs ont montré la voie et surperformé leurs pairs bénéficiant d'une meilleurenote de crédit. La prime de rendement que les obligations grecques à 10 ans offrent par rapport aux Bunds allemands esttombée à son niveau le plus bas (6,9 %) depuis la fin de 2014.

Quoi qu'il en soit, ce regain d'inquiétude concernant les créances douteuses, la solvabilité et l'instabilité politiqueen Espagne et au Portugal, continuent d'alimenter un climat de tension sur le marché européen. En Italie, lesmauvaises créances des banques ont atteint un montant record de 360 milliards d'euros et ce, alors que la faiblesse destaux d'intérêt pèse sur les marges bénéficiaires.

Par ailleurs, les avantages de la stratégie de la BCE pourraient être éphémères : les rendements se sont en effetrepliés davantage en territoire négatif depuis que la BCE et son président Mario Draghi ont abaissé le taux dedépôt en décembre 2015. La volonté des investisseurs obligataires de payer en réalité les gouvernements pourpouvoir emprunter prouve qu'ils se posent des questions à propos de l'efficacité des politiques menées par lesbanques centrales. En fait, ils se demandent même si toutes ces mesures mêmes ne finiront pas par faire plus demal que de bien à l'économie mondiale.

Malgré les milliards injectés par les banques centrales de par le monde depuis la crise financière dans le cadre du QEet les taux d'intérêt négatifs instaurés dans vingt-quatre pays, les prévisions d'inflation du marché restentcoincées aux mêmes planchers qu'après la crise financière.Dans un rapport, le FMI explique qu'un regain d'instabilité sur les marchés pourrait entraîner un boucle derétroaction négative avec un recul de la confiance, un ralentissement de la croissance, une baisse del'inflation et une hausse des endettements. Selon le fonds, la santé financière pourrait être fragilisée au pointd'affecter négativement la croissance économique et la stabilité financière à moyen terme. Le rapport envoie unmessage clair aux autorités : soit elles évitent la stagnation et la production mondiale pourrait grimper de 1,7 %par rapport aux projections de base d'ici à 2018, soit elles ne le font pas et la production pourrait alorsbaisser de 3,9 % par rapport au scénario de base d'ici à 2021.

Le rallye actuellement en cours dans la périphérie ne profite pas au Portugal. Le problème est que les perspectivesdu Portugal sont moins bonnes que celles de l'Espagne et ce, même si l'on ne tient pas compte des crises politiques quetraversent ces deux pays. L'économie portugaise devrait croître de 1,5 % cette année, contre 2,7 % pour l'Espagne et 4,7 %pour l'Irlande. Le Portugal est classé dans la catégorie spéculative (notation inférieure à "investment grade") chez Fitch,Moody's et Standard & Poor's.

2.2 Emprunts émergents en devises fortes (sous-pondérer => neutre) et en devises locales (sous-

pondérer)

La dépréciation du dollar est une bonne nouvelle pour les emprunteurs des marchés émergents à court deliquidités. En maintenant le loyer de l'argent à un niveau faible et en laissant se déprécier leurs monnaies, la Réservefédérale et la Banque centrale européenne sont en train de bouleverser la donne pour les émetteurs émergents. Avec 41milliards de dollars de titres écoulés, le mois de mars s'est avéré plus dynamique que les 10 mois précédents. Pour lessouscripteurs ayant subi un recul de 28 % l'année passée et les pays cherchant à combler leurs trous budgétaires, le rebondobservé en mars constitue une promesse sur le long terme. JPMorgan Chase s'attend ainsi à ce que les émetteurssouverains empruntent à eux seuls près de 100 milliards de dollars d'ici à la fin de l'année, contre une prévision de 61milliards de dollars en janvier. Les émetteurs souverains, les établissements financiers et les entreprises devraient de plusen plus faire appel au marché des capitaux international pour leurs besoins de financement et de refinancement.

Via leur politique de taux zéro, les banques centrales stimulent la demande pour les actifs plus risqués. En outre,le recul de 6 % enregistré par le dollar par rapport aux principales autres devises ces quatre derniers mois permetde refinancer les dettes en devise américaine à de meilleures conditions. Au cours des cinq jours qui ont suivi ladécision de la Fed de ralentir le rythme de ses resserrements (en mars), les investisseurs ont placé 1,41 milliard de dollarsdans des obligations émergentes, la hausse la plus importante enregistrée depuis une période similaire qui s'était achevéeen juin 2014 (source : EPFR Global).

Cela explique pourquoi la prime de rendement que les investisseurs exigent pour détenir des obligationsémergentes plutôt que des Treasuries US a chuté à 340 points de base, selon l'indice des obligations émergentes enUSD de Bloomberg. Cette prime avait atteint un plus haut sur quatre ans de 400 points de base en novembre 2015, en raisondes craintes d'une contagion du ralentissement chinois et de ses répercussions sur les prix pétroliers.

Difficile de rivaliser avec Janet Yellen qui a inondé le marché obligataire de liquidités pendant dix ans, mais Mario Draghi faitson possible. Ainsi, les mesures de relance extraordinaires prises par la Banque centrale européenne sont en traind'attirer les emprunteurs du monde émergent. Résultat, les émissions de dettes émergentes effectuées dans lamonnaie unique ont atteint un montant record de 32 milliards d'euros depuis le début de l'année, selon des donnéescompilées par Bloomberg. D'après une prévision de Société Générale, les gouvernements utiliseront l'euro pour 40 % de leurfinancement cette année, une proportion totalement inédite.

Les financements en euros resteront populaires principalement en raison de la divergence de politique monétaireaux États-Unis et dans la Zone Euro. Mario Draghi a abaissé le taux directeur de la région à 0 % et a relevé le montant desachats mensuels de la BCE à 80 milliards d'euros - dans le but de sortir les économies de la région de la stagnation - troismois après la décision (le 16 décembre) de Janet Yellen de mettre fin à une période sans précédent de taux d'intérêt bas enrelevant le taux des Fed Funds pour la première fois depuis 2006. Si la Fed a indiqué qu'elle n'était pas pressée d'augmenterses taux, elle a tout de même laissé la porte ouverte à un nouveau resserrement en juin en supprimant les références auxrisques financiers mondiaux dans sa déclaration.

Cela explique pourquoi les rendements des obligations des gouvernements émergents en euros ont chuté de 300points de base à 1,5 %, alors que les mêmes obligations libellées en dollars se sont stabilisées à 5,2 %, selon MerrillLynch (voir le graphique).

Les émissions pourraient néanmoins être de nouveau freinées par la volatilité.Les problèmes de fond tels que le ralentissement de l'économie chinoise, les tensions géopolitiques et l'évolutiondes prix pétroliers n'ont pas encore été résolus et le risque que les spreads repartent à la hausse est donc élevé.Les investisseurs craignant une éventuelle seconde vague de défauts de paiement aux États-Unis devraient sepréoccuper encore davantage de la situation sur les marchés émergents. Moody's Investors Service a indiqué que lesdéfauts de paiement s'élevaient actuellement à environ 4 % et qu'ils pourraient grimper jusqu'à 14,9 % d'ici à la fin del'année dans le scénario le plus pessimiste. Sa prévision la plus optimiste fait état d'un taux de 5,05 %. Selon Standard& Poor's, le nombre de défauts de paiement enregistrés en 2015 sur les marchés émergents n'avait plus été aussiélevé depuis 11 ans. Une étude publiée par Moody's en février 2009 avait montré que le taux de défaut au niveau desémissions à haut rendement sur les marchés émergents pouvait atteindre jusqu'à 22 % dans les cinq années quisuivent de graves crises bancaires ou souveraines.

Autre source d'inquiétude : en janvier, Fitch Ratings a indiqué que 24 % des sociétés dans sept des principaux paysémergents avaient levé des fonds à l'étranger, ce qui les rend plus vulnérables à une dépréciation des devises, unproblème que connaissent bien les émetteurs chinois. Fitch a également fait savoir que la proportion des banques etdes émetteurs souverains couplés à une perspective négative n'avait plus été aussi élevée depuis 2009. Dans sonanalyse de la situation au Brésil, en Inde, en Indonésie, au Mexique, en Russie, en Afrique du Sud et en Turquie,l'agence de notation montre que la dette du secteur privé a grimpé à 77 % du PIB à la fin de 2014, contre 46 % en2005. Une autre vague de défauts aux États-Unis provoquera un véritable tsunami sur les marchés émergents.

2.3 Obligations d'entreprise « investment grade » (notes supérieures ou égales à « BBB- ») : légèrement

surpondérer

Près de 16 milliards d'euros d'obligations d'entreprise de qualité s'échangent avec des rendements inférieurs à 0% (environ 2.000 milliards d'euros d'obligations souveraines affichent un rendement négatif), alors que les taux de dépôtnégatifs poussent les gestionnaires à chercher des alternatives sûres pour placer leur cash.

Les rendements des obligations de Royal Dutch Shell Plc et Siemens AG sont passés sous la barre de 0 %, ce quimontre à quel point la politique de la Banque centrale européenne (BCE) altère les marchés des obligationsd'entreprise de la région. Selon des données compilées par Bloomberg, les 2,5 milliards d'euros de titres échéant enmai 2018 émis par la compagnie pétrolière affichent un rendement de -0,080 %. Les rendements sur certains titres dela société pharmaceutique Sanofi sont également devenus négatifs (-0,02 %).Sur le marché des obligations sécurisées, Berlin Hyp AG a, au début du mois, vendu des titres à un taux négatif,devenant ainsi le premier émetteur non gouvernemental à être payé pour emprunter dans la monnaie unique.Parmi les autres obligations d'entreprise cotant avec des rendements négatifs sur le marché secondaire, Bloombergcite notamment celles du fournisseur de gaz industriel allemand Linde. Les firmes pharmaceutiques GlaxoSmithKlinePlc et Roche Holding AG figurent également sur la liste.

Alors que la BCE n'a pas encore indiqué quelles obligations elle comptait acheter, certains investisseurss'accrochent aux titres qui, selon eux, se trouveront sur la liste de la banque centrale. Les cours obligataires sontsoutenus par la volonté de la BCE de commencer à acheter des obligations d'entreprise non financières, afin d'inciter lesinvestisseurs à se tourner vers des titres plus risqués ou des échéances plus longues. Le message que veut envoyer la BCEest très clair : "Prenez des risques - que ce soit au niveau de la qualité des titres ou de leur échéance - et aidez-nous àfinancer les entreprises sur le long terme." La BCE a décidé d'augmenter le montant de ses achats mensuels à 80 milliardsd'euros et également de ne plus se limiter aux obligations d'État et aux obligations sécurisées (après avoir fait chuter les tauxsur ces marchés).

Les émissions d'obligations d'entreprise ont atteint un niveau record en Europe sous l'impulsion de Mario Draghi.Les sociétés non financières ont vendu pour 49,4 milliards d'euros de titres ce mois-ci, soit à peine 400 millions d'euros demoins que le plafond historique de 49,8 milliards d'euros enregistré en mars dernier, selon des chiffres publiés parBloomberg. Un montant - le troisième plus élevé jamais enregistré - qui éclipse les 34,8 milliards d'euros de capitaux levés enjanvier et en février ! Auparavant, les investisseurs et les emprunteurs préféraient éviter les marchés d'obligationsd'entreprise de la région étant donné la chute des cours des matières premières et le spectre d'un ralentissement de lacroissance mondiale. Les ventes continueront de flamber en avril et ne ralentiront qu'à l'approche des achats de la BCE. Sielles estiment que la banque centrale pourrait acheter leurs titres, les entreprises pourraient être tentées de retarder leursémissions afin d'obtenir de meilleures conditions.

L'annonce par le président de la BCE de l'extension de son programme d'assouplissement de 1.500 milliards d'euros auxobligations d'entreprise a fait chuter le loyer de l'argent et a permis à certaines des sociétés les plus fiablesd'emprunter pour pratiquement rien.

Sanofi, la première firme pharmaceutique de France, a émis des obligations en euros avec un taux qu'aucune autresociété non financière n'avait jamais proposé auparavant. Ce faisant, elle a alimenté un rallye sur les marchéssecondaires, où près de 21 milliards d'euros d'obligations d'entreprise de qualité s'échangent avec des rendementsinférieurs à 0 %.Le rendement moyen exigé par les investisseurs pour détenir des obligations "investment grade" est ainsi passé de0,55 % le 29 février à 0,30 %, selon un indice de Bloomberg. L'indice montre aussi que les obligations émises par lessociétés les mieux cotées en périphérie européenne font partie de celles qui ont le mieux performé pendant la périodesous revue. Les rendements moyens sur ces titres sont passés de 1,13 % au début du mois à un niveau record de0,76 %.

Soulignons toutefois que, selon Standard & Poor's, les perspectives pour les emprunteurs "corporate" n'ont plus étéaussi mauvaises depuis la crise financière mondiale.

Le nombre d'émetteurs susceptibles de subir une rétrogradation de la part des agences de notation n'a plus été aussiélevé par rapport à celui des sociétés susceptibles de bénéficier d'une amélioration de leur note depuis 2009. S&Penvisage ainsi d'abaisser le rating de 17 % des sociétés qu'elle suit. À titre de comparaison, elle envisage d'améliorerla note de 6 % des émetteurs. Cet écart, de 11 %, est plus de deux fois plus élevé qu'en juin 2014 !D'un point de vue géographique, c'est l'Amérique latine qui présente l'écart le plus important, avec 35 % derétrogradations possibles en plus. Dans la région Asie-Pacifique, en Amérique du Nord et en Europe occidentale,l'écart avoisine 10 %. Chez S&P, 35 % des sociétés bénéficient d'une note « B ». Il s'agit donc du rating le pluscouramment attribué, cinq crans au-dessous du rating « investment grade ».

Par ailleurs, la saison de publication des résultats des entreprises jouera probablement un rôle déterminant dansles semaines qui viennent. Il s'agira en effet de voir si la volatilité des conditions financières a pesé sur la rentabilité.

2.4 Obligations à haut rendement (notes inférieures à « BBB- ») : sous-pondérer

La prochaine vague de défauts de paiement risque de heurter les investisseurs plus lourdement qu'ils ne lepensent. Les pertes sur les obligations des sociétés en défaut de paiement seront probablement plus importantes que lorsdes cycles précédents, car les émetteurs (surtout aux États-Unis) présentent un taux d'endettement plus élevé par rapport àleurs actifs. Cela signifie que si une société doit être liquidée, le produit de cette liquidation devra couvrir plus de passifs. Lenombre d'obligations d'entreprise n'a jamais été aussi élevé. De même que le niveau d'endettement. Lesconséquences risquent donc d'être plus douloureuses.

Une partie des pertes que subiront les investisseurs lors de la prochaine vague de défauts de paiement sont despertes qui auraient dû être essuyées lors de la crise précédente, qui n'aura finalement pas duré longtemps. Lors de lacrise financière, la Réserve fédérale a rapidement réagi en abaissant ses taux et les investisseurs n'ont pas beaucoupattendu avant de réinvestir dans les obligations plus spéculatives. Beaucoup de sociétés ont donc évité le défaut de paiementet ont été en mesure de refinancer leur dette. Beaucoup de sociétés en difficultés qui étaient devenues surendettées ont étécapables de trouver des solutions temporaires lors du dernier cycle de crédit. Nombre d'entre elles ne pourront plus comptersur cette aide cette fois-ci et risquent donc de payer le prix fort.

Les niveaux d'endettement ont augmenté, car de plus en plus de sociétés ont recouru à l'emprunt pour refinancerleurs dettes existantes, racheter des actions et prendre d'autres mesures qui ne font pas grimper les valeurs desactifs. Les investissements, qui font gonfler les actifs, sont en revanche restés relativement faibles durant ce cycle. Selondes données de Bank of America Merrill Lynch, les firmes spéculatives possèdent une dette équivalant à environ 48 % deleurs actifs, soit une hausse de 7,5 % sur ces sept dernières années. Ce ratio d'endettement constitue l'un des principauxfacteurs qui déterminera l'ampleur des pertes en cas de défaut de l'emprunteur.

Un autre facteur réside dans le taux de défaut, car plus le nombre de sociétés en défaut de paiement augmente,plus il y a de sociétés qui cherchent à vendre des actifs ou à se restructurer, ce qui signifie que les investisseursrécupèrent moins. Selon Moody's, les taux de défaut tournent actuellement autour de 4 %. L'agence de notation estime quece chiffre grimpera à 5,05 % d'ici à la fin de l'année dans le meilleur des cas et pourrait atteindre 14,9 % dans le pire desscénarios.

Alors que les ratios d'endettement et les taux de défaut ont augmenté, les taux de récupération, c'est-à-dire le pourcentagede principal que les investisseurs récupèrent en cas de défaut, ont déjà commencé à diminuer. Bank of America Merrill Lynchestime qu'ils se situent actuellement à environ 29 cents pour un dollar. Il y a deux ans, ils étaient encore proches de 44 cents.En d'autres termes, les pourcentages de pertes ont déjà commencé à grimper.

Le potentiel de hausse des taux signifie que, de manière générale, les obligations spéculatives ne rémunèrent passuffisamment les investisseurs pour les risques qu'ils prennent. Le rendement moyen d'une obligation spéculativetourne actuellement autour de 6,3 %, ce qui correspond plus ou moins à la moyenne de ces 10 dernières années. Si détenirun portefeuille d'obligations spéculatives jusqu'à leur échéance aux taux actuels pourrait encore permettre d'obtenir unrendement positif, nul doute que l'augmentation des défauts de paiement et des pertes sur ces titres pèseront sur les coursdans les prochains mois. En période de crise, les investisseurs en obligations d'entreprise perdent en moyenne 70 centspour un dollar lorsque l'emprunteur fait faillite. Durant ce cycle, ce chiffre pourrait même aller jusqu'à 85 cents.

La faiblesse des prix pétroliers pourrait également avoir un impact négatif sur les taux de récupération. Le bruts'échange actuellement autour de 50 dollars le baril, une baisse (environ 65 % par rapport à mi-2014) suffisammentimportante pour que certaines firmes commencent à ne plus pouvoir honorer leurs engagements. Certaines firmesénergétiques seront en mesure de négocier une réduction de leurs dettes avec leurs bailleurs de fonds. Mais une grandepartie d'entre elles ont des coûts de production trop élevés, même sans tenir compte de leurs coûts d'emprunt, ce qui signifieque leurs créanciers n'auront d'autres choix que de demander leur liquidation.

Le rendement moyen des emprunts des émetteurs spéculatifs dans le secteur pétrolier et gazier a grimpé àla mi-février à 21 %, le niveau le plus élevé depuis les derniers jours de la crise financière de 2009 et l'écart le plusimportant jamais enregistré par rapport au marché plus large des obligations spéculatives US.Parallèlement, la moitié des emprunts des émetteurs spéculatifs dans les secteurs des métaux, des mines et del'acier sont en difficultés. La proportion des obligations considérées comme en difficultés sur le marché est, parconséquent, passée à la mi-février à 18,7 %, le niveau le plus élevé depuis 2011 selon S&P. Il est donc probable quede plus en plus de sociétés demandent aux détenteurs de leurs titres d'accepter une restructuration de la dette afind'éviter la faillite.