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MANAGEMENT DES RIS QUES POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE

Management Des Risques Pour Un Developpement Durable

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  • MANAGEMENT DES RISQUES POUR UN DVELOPPEMENT

    DURABLE

  • MANAGEMENT DES RISQUES POUR UN DVELOPPEMENT

    DURABLE

    Xavier Michel t Patrice Cavaill et Coll.

    Qualit t Sant t Scurit t Environnement

  • Dunod, Paris, 2009

    ISBN 978-2-10-053919-2

  • VTABLE DES MATIRES

    Avant-propos XI

    Prsentation des auteurs XV

    A

    Du management des risques au dveloppement durable : thories, enjeux, normes

    1 Du management des risques au dveloppement durable 31.1 Le risque ? 4

    1.2 La perception du risque : de la cyndinique la pense complexe 13

    1.3 Le management ? (et la qualit) 24

    1.4 Le dveloppement durable ? 32

    Bibliographie 53

    2 Rglementation, normalisation et management des risques 572.1 Introduction 58

    2.2 La scurit, pouvoir rgalien de ltat 59

    2.3 Loi et rglementation : la hirarchie des normes juridiques 66

    2.4 La normalisation technique 75

    2.5 La relation rglementation/normalisation 85

    2.6 Le contrle de la conformit 87

    2.7 Norme et prcaution 88

    2.8 Conclusion : un nouveau monde 89

    Bibliographie 90

    3 Lenvironnement : perception, quilibres et enjeux 933.1 Lenvironnement : quelles utilits, quels acteurs, quelles reprsentations ? 93

    3.2 Lenvironnement : une ralit ? 112

  • VI

    3.3 Quels futurs possibles ? (Les enjeux) 139

    3.4 En conclusion 141

    Bibliographie 142

    4 Scurit, sant et sens au travail 1454.1 Scurit, sant et conditions de travail ? 145

    4.2 De la sant au bien-tre : donner du sens au travail 155

    Bibliographie 173

    B

    Dvelopper son systme de management

    5 Systme du management : de la qualit au dveloppement durable 1775.1 Le management et la qualit 178

    5.2 Le management et le dveloppement durable 203

    5.3 Conclusion 220

    6 Grer les projets 2216.1 Techniques de gestion dun projet 222

    6.2 Le processus de gestion dun projet 232

    6.3 Typologie et organisation des projets dans les entreprises 236

    6.4 Faciliter le pilotage des projets dans les organisations 243

    6.5 Conclusion 251

    Bibliographie 252

    7 Lapport de lergonomie dans la gestion des risques sant/scurit et performance 253

    7.1 Gnralits 253

    7.2 Ergonomie et risques professionnels 257

    7.3 Retours dexpriences : Prvention des TMS, comprendre et convaincrepar la simulation numrique 4 dimensions 261

    7.4 Conclusion 271

    Bibliographie 271

    8 Le management des risques sant/scurit et environnement 2738.1 La volont de progresser en matire dHSE 274

    8.2 Connatre ses risques HSE, pour mieux progresser 276

  • VII

    8.3 Mettre en place une organisation efficace pour la mise en uvre et le fonctionnement des systmes de management 281

    8.4 Surveillance et adaptation du fonctionnement des systmes 292

    8.5 Ce quil faut retenir Quelques lments de conclusion 300

    Bibliographie 301

    9 Matrise des risques technologiques majeurs et/ou collectifs 3039.1 Introduction 303

    9.2 Contexte 307

    9.3 Les stratgies de matrise des risques : principes 311

    9.4 Analyse des risques 312

    9.5 Objectifs de scurit 315

    9.6 Les mthodes et outils danalyse de risques 320

    9.7 Les leviers pour la matrise des risques : retour sur les quatre piliers 334

    9.8 Synthse : comparaison de la dclinaison des tudes des risques dans diffrents domaines ; quelques points cls et propositions 339

    Bibliographie 344

    C

    Se comprendre dans une organisation fiable, comptente et performante

    10 La ngociation et le management des risques 34910.1 Les pratiques relles et leurs effets 349

    10.2 Lapport de la thorie de la ngociation et de la mdiation 354

    Bibliographie 365

    11 Les organisations de haute fiabilit 36711.1 Lmergence de la fiabilit comme problme organisationnel 368

    11.2 Deux approches de la fiabilit qui dbouchent sur deux systmes de management diffrents 372

    11.3 Le management des organisations haute fiabilit 378

    11.4 Intgrer la fiabilit dans le rseau des autres objectifs de lorganisation : lorganisation aux limites ? 381

    11.5 Conclusion 382

    Bibliographie 383

  • VIII

    12 Dmarches comptences et management du risque dans les organisations 385

    12.1 Les dmarches comptences des dispositifs de gestion des ressources humaines 385

    12.2 Lanticipation des comptences et le risque dobsolescence des comptences 391

    12.3 Des dmarches comptences au management des comptences collectives 395

    12.4 Conclusion 397

    Bibliographie 397

    13 Matriser les risques financiers et les risques dexploitation 39913.1 Comptabilit et risques 400

    13.2 Finance et risques 404

    13.3 Contrle de gestion et risques 409

    13.4 Conclusion 419

    Bibliographie 420

    Conclusion 421

    Tmoignages 423

    Abrviations 445

    Quelques dfinitions autour du risque 447

    Les leons de lamiante ? 451

    Modle de ltude SORG 453

    Index 455

  • Aprs stre lav son visage au soleil,Lhomme a besoin de vivre, besoin de faire vivre

    Et il sunit damour, sunit lavenir

    Paul Eluard

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    AVANT-PROPOS

    m La petite histoire

    Ce sont bien des petites histoires, des trajectoires individuelles qui se rencontrent,et finissent par converger pour faire aboutir des projets. Le notre est ici de vousproposer un certain regard sur le management aux confluences du risque, de laqualit et du dveloppement durable, du systme de gestion lactivit de travail.En fonction de leurs mtiers, leur sensibilit, leurs usages, certains lecteurs serontpeut-tre perturbs par le caractre clectique de louvrage de par lexpriencedes auteurs, leur culture et la nature mme des comptences que nous convoquonssous ce thme du risque et du dveloppement durable.Ce nest pas un livre ni pour les chercheurs ou enseignants ni pour les praticiens.Lapproche scientifique et/ou mtier classique pourra paratre incomplte ; lespcialiste restera sur sa faim sur la partie la plus en rapport avec son domaine, quanddautres thmes pourraient paratre hors sujet. Quelques certitudes et conventionspeuvent tre bouscules, et la dispersion nest pas toujours confortable. Il pourraity avoir trop de recettes ou doutils pour les uns ou trop de philosophie pourles autres.Cela aurait pu tre un livre pour les tudiants qui ne savent pas encore quel mtierils vont faire, de quelles disciplines ils vont avoir besoin dans leur futur professionnel.Le problme est que le systme ducatif leur fait souvent croire le contraire. Lessavoirs saccumulent dans les ttes aprs 2 dcennies de conditionnement disci-plinaire au sein du systme ducatif. La digestion crbrale peut tre lourde et latransition dans le monde professionnel avec ces responsabilits, pas toujours facile.Lobjectif est moins de dvelopper la curiosit, louverture, une approche scienti-fique mthodique qui permette de replacer son art dans un ensemble qui demeureincertain, que dobtenir le prcieux ssame, le diplme, fond sur des certitudesrassurantes, administr par leurs ans gardiens dun systme qui finalement nagure volu ces dernires dcennies.Pour un ouvrage sur le risque, nous pensons que la moindre des choses est denprendre, des risques, sous peine dtre hors sujet face la ralit des enjeux, desbesoins qui sont pour nous lexact oppos de notre dveloppement prcdent Ladiversit est une richesse et nous tentons ici de lui donner du sens, sans dogmatisme,mais en essayant douvrir la rflexion, tout en se rfrant des repres pratiques.La petite histoire, cest lditeur, qui lors dun salon de la formation continue, repreun programme de mastre spcialis de lENSCPB 1. la vue des intervenants, de

    1.cole nationale suprieure de chimie et de physique de Bordeaux.

  • XII

    Avant-propos

    louverture linterface professionnels, institutions de formation et de recherche, ily voit lopportunit dun ouvrage. Finalement ce qui pourrait paratre le fait duhasard ne lest pas vraiment. La formation, en particulier dans les domaines desrisques, de la qualit, du projet, du dveloppement durable, constitue le premier laboratoire vivant de la pluridisciplinarit linterface recherche et pratique.Tous les auteurs de cet ouvrage sont impliqus sur le terrain socio-conomique, ilssont tous enseignants, ils se sont tous engags partir de leur mtier, de leur disci-pline dans une rflexion douverture, de cration de lien avec les autres , decomprhension dans des espaces pluridisciplinaires. La diversit est une richesse,et sa faon, cet ouvrage pourrait tre limage dun programme de Master enmanagement des risques pour un dveloppement durable. Il vous propose decreuser votre sillon sans les interfaces fertiles des savoirs et des pratiques selon leprincipe ou tout progrs de la connaissance profite laction et tout progrs delaction profite la connaissance (Edgar Morin). Cest ainsi que cet ouvrage opreun quilibre entre des regards plus dans laction et dautres dans la connaissance 1

    ou les deux combins.

    m Scuriser ou dvelopper ?

    Limpact de nos actions sur le monde est dsormais massif, le savoir, contrairement ce que lon avait cru depuis lavnement de la science moderne, nengendre pasexclusivement de la matrise, mais galement de la non matrise et de limpuissance 2.Il faut enseigner lincertitude, apprendre naviguer dans un ocan dincertitudes travers des archipels de certitudes , inflchir notre dveloppement en fonction desinformations acquises en cours de route 3. tre capable de mobiliser la connais-sance pertinente afin doprer les liens entre le tout et les parties dans laction. Assumerles ccits de nos connaissances.Repenser lidentit de ltre humain , fondamentalement physique, biologiquedans un ensemble cologique. Il est aussi individu psychique, sintgrant dansune culture, une socit, une histoire, le tout se trouvant trop souvent dsintgrdans les disciplines, les modles, les corporatismes Cette identit humaine estdsormais mondiale, terrienne , dans une communaut de destin sans prcdentdans lhistoire de lhumanit.Cette identit terrienne trouvait son expression dans un rcent colloque sur le nexuseau-nergie organis par lUnesco en dcembre 2008. On y constate une imp-rieuse ncessit, au-del des frontires eau/nergie/alimentation, ONG/tat/socits privs de penser un partage de ressources communes et de se (r)-approprierune identit cologique dans le modle socio-technique (conomique, juridique,technologique). Erik Orsenna 4 ouvrait ce symposium avec un mot dordre :combattre le mpris ! En dautres termes Edgard Morin suggre denseigner la

    1.Voir la prsentation des auteurs.2.Bourg D. et Schlegel J.-L. (2001), Parer aux risques de demain. Le principe de prcaution, Paris, Seuil.3.Nous reprendrons ici nombres dides Egard Morin (2000), Les sept savoirs ncessaires lducation

    du futur, d. Le Seuil. Il avait dvelopp ce travail dans le cadre dune rflexion mene pour lUnescohttp://unesdoc.unesco.org/images/0011/001177/117740fo.pdf

    4.Acadmicien et auteur rcemment de lavenir de leau : petit prcis de mondialisation II , Fayard d.,2008.

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    .Avant-propos

    comprhension, entre des citoyens terriens, respectueux des cultures de chacun.Dvelopper la comprhension pour rduire le mpris, dvelopper lenthousiasmedu partage pour scuriser. Le mpris cest aussi la peur de lautre, cest aussi uneautre forme de scurit, celle des armes, des murs, du maintien de lordre tablit. Lthique nest pas enseigne par des leons de morale . Elle se forme dans laction,dans le dveloppement des autonomies individuelles, des participations commu-nautaires avec la conscience dappartenir lespce humaine.

    m La structure de louvrage

    On observe les comportements, on thorise autour de la pense, on mesure, ontransforme, on compte, on rglemente, on explore, on soigne, on dcrit ou lon est etdo lon vient, on politise, et au final nous devons grer o lon va, aujourdhui,demain, aprs demain. La gestion, la gouvernance, le management 1 est lentreprincipale de cet ouvrage. Nous abordons les liens entre les notions de risques ,de qualit et de dveloppement durable au regard des enjeux du travail, dela sant et de lenvironnement dans une socit de droits et de devoirs. Le schmaci-dessus peut nous aider prsenter la problmatique de louvrage qui se dcoupeen 3 grandes parties.

    1.Dans le lexique des sciences sociales (Ed Dalloz) ensemble dactivits coordonnes en fonction de principeset de mthodes rationnelles sinon scientifique, ayant pour but de conduire lentreprise, une administration,un service de la faon la plus approprie ses objectifs , Acadmie franaise (1969).

    Prsentation schmatique du contexte de louvrage autour de la notion de danger (source/vecteur/cible) dont la gestion se dcline dans un contexte social-conomique-cologique etjuridique et ce des niveaux stratgiques (systme), tactiques (processus/projet) et oprationnels(activit).

    Homo sapiens

    Savoirs,droits

    et devoirs

    Systme (lentreprise)

    Evaluer les risques Les critres Les mthodes en fonction des risques Le doc unique/HACCP

    Processus et projets

    Grerles risques

    Identifier les dangers,mesurer-valuer les risques

    Situation accidentelle/normal

    PRVOIR

    LIMITER

    Adapter lactivit lhomme

    & communiquer

    Comprendre pourne plus faire

    les mmes erreurs

    Diffus

    Violent

    Flux/Vecteur

    PROTGER

    Source Cible RPARER

    Activits

    Se dvelopperdurablement

    Produit, dchets,valeur sociale

    Stratgique, tactique, oprationnelLe risque ?

    Homo economicus

    March, intrts,assurances

    Homo faber

    Travail, sens

    Homo ecologicus

    cologie, sant

    PRVENIR

  • XIV

    Avant-propos

    Partie A, nous abordons le contexte en matire denjeux environnementaux (homoecologicus), de sant et de sens au travail (homo faber, lhomme qui fabrique,construit) et des enjeux juridiques et normatifs dans une socit dmocratiquede droits et de devoirs. Nous commenons par une rflexion sur quelques principesthoriques autour du risque, de la qualit et du dveloppement durable tout ensoulignant dans ce prambule, des principes qui nous semblent importants dans lamanire de dvelopper une organisation.Dans la partie B, nous dclinons les principes de dveloppement dun systme demanagement incluant une vision partant de lensemble pour aller vers le processus,le projet et lactivit (ergonomie). Comment alors y intgrer un projet ou un processusdidentification, dvaluation et de gestion des risques (prvision (voir avant),prvention, protection, limitation, rparation) de sant scurit au travail, denviron-nement ou encore de risques majeurs.La partie C, aborde dautres angles de vue qui nous semblent importants dintgrerplus fortement aujourdhui dans les pratiques. Mieux associer les parties prenantesdans les dcisions avec laide des pratiques de la ngociation et de la mdiation.Quels sont les tenants dune organisation fiable ? Les hommes comptents, qualifis,valoriss sont au cur des systmes et doivent faire lobjet de plus dattention.Enfin, nous terminons sur les limites des systmes conomiques et de gestion (homoeconomicus), qui comme tout systme, prsente une capacit de rationalisationlimite comme nous le rappel en cette fin danne 2008, la crise conomique.

    Xavier MICHEL

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    PRSENTATION DES AUTEURS

    m Xavier Michel

    Aujourdhui crateur de la socit de conseil et de formation Resecum , il a tde 2004 fin 2008 professeur associ Polytech cole dingnieurs, et chercheur lInstitut dconomie et de management de luniversit de Nantes. Il est co-responsable du master en gestion des risques sant scurit et environnement de lafacult des sciences.Docteur en cotoxicologie, il contribue, entre 1996 et 2004, au dveloppement desactivits de gestion et de formation au management des risques (qualit/scurit/environnement) de lcole nationale de chimie et de physique de Bordeaux. Depuis2004, il conoit et met en uvre des activits de formation au management desrisques utilisant le e-learning. Il exerce ses activits de recherche dans les domainesde la gestion des risques urbains dune part, et de ltude des liens entre facteursorganisationnels et sant au travail (stress) sur des terrains industriels dautre part.Lensemble de son parcours le place dans une vision pluridisciplinaire, entre publicet priv, recherche et applications.

    m Patrice Cavaill

    Consultant et expert en systmes de management en gestion du risque qualit,scurit et environnement, matre de confrences lENFA (cole nationale deformation agronomique).Depuis 1992, il est auditeur certifi travaillant pour le groupe AFNOR Certification,responsable pdagogique et expert en ingnierie de formation dans le domaine delenseignement suprieur. Directeur gnral du cabinet conseil QualifAudit, il parti-cipe de nombreux projets nationaux, europens et internationaux en entrepriseou pour des syndicats interprofessionnels. Il est expert en management dans lecadre du dveloppement durable et valuateur 3D.

    m Jean-Marc Picard

    Enseignant chercheur luniversit de technologie de Compigne (UTC).Auditeur international en systme de management QSE, il est expert auprs denombreuses industries et institutions comme le CNES. Membre du conseil scienti-fique de lInstitut national de police scientifique, il prside le forum sur la scurit lAFNOR. Il est aussi prsident de la Commission de normalisation sur la scuritsocitale reprsentant le ministre de lIntrieur.

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    Prsentation des auteurs

    m Pascale Coupard

    Dirigeante dAphlie Conseil.Professeur associe luniversit de Nantes, enseignante lIUT de la Roche-sur-Yon et auditrice pour des activits de certification de systmes de managementenvironnemental et de la scurit, elle exerce une activit de conseil/formation etalterne accompagnement en entreprise, audit sur les thmes du management scu-rit et environnement, (autant pour de grands groupes que pour des PME de louestde la France). Elle intervient rgulirement dans des organismes de formation(CESI Nantes et le Mans).

    m Olivier Marsigny

    Consultant associ dAphlie Conseil.Il intervient sur diffrents domaines, notamment en management qualit, scuritet environnement pour des PME. Il assure par ailleurs la fonction de directionQSE dans un groupe industriel du Nord de la France. Il est aussi auditeur pourdes activits de certification de systmes de management environnemental.

    m Jean-Marie Josset

    Consultant manager en gestion de projet - T-Systems France.Il intervient dans diffrents secteurs dactivits (informatique, industrie, public)pour conseiller les entreprises dans la mise en uvre de leur gestion de projet. Iltravaille la fois sur les aspects mthodologiques, sur les aspects de choix et miseen uvre de solutions de gestion de projets (PSNext, Ms Project, OPX) et surles aspects de conduite du changement des utilisateurs.

    m Laurent Pagnac

    Ergonome consultant associ et co-grant du cabinet Solutions Productives Ergo-nomie (Nantes/Rennes/Paris/Avignon).Il ralise des prestations pour de nombreuses entreprises dans les champs de la santet de la performance au travail, la prvention des risques professionnels, la conceptionde moyens techniques et organisationnels et la conduite du changement.il est en charge des enseignements sur lergonomie linstitut de lHomme et de laTechnologie/cole Polytechnique de luniversit de Nantes depuis 4 ans.

    m Frderic Herran

    Responsable QSE St Labso Chimie Fine groupe Boehringer-Ingelheim.Depuis 1986 il travaille dans lindustrie sur les thmatiques qualit scurit environ-nement. Ingnieur en scurit IPF, agr du CNPP, intervenant en prvention desrisques professionnels, il est galement auditeur environnemental certifi ICAE/ACAE. Responsable daudit AFAQ dans les domaines QSE, il enseigne le manage-ment QSE lENSCPB et luniversit de Bordeaux 1.

    m Galle Hnault

    Chef de projet en matrise des risques environnement et scurit.Aprs avoir conduit la certification scurit et environnement de lcole nationalede chimie et de physique de Bordeaux, elle travaille depuis 3 ans lAPESA. Elle

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    .Prsentation des auteurs

    est chef de projet en risques industriels dans ce centre de ressources en matrise desrisques de 25 salaris. Elle accompagne des industriels et organismes professionnelsdans leurs projets de matrise des risques environnementaux et scurit ; elle estauditrice interne dans ces mmes domaines, et assure la responsabilit QSE delAPESA, certifi ISO 9001 et ISO 14001.

    m Franois Villger

    Responsable de la socit ARIES.Management (analyse des risques et valuationsystme).Consultant en matrise des risques, il a t professeur associ de 2005 2008 lInstitut de lHomme et de la Technologie / cole Polytechnique de luniversit deNantes o il tait en charge des enseignements sur les risques majeurs et la sretde fonctionnement. Depuis 2003, il est expert qualifi agr (EOQA) scurit destransports publics guids ( cohrence globale & approche systme et risquesextrieurs, risques naturels et risques technologiques ).

    m Arnaud Stimec

    Matre de confrences luniversit de Nantes.Il est spcialiste des questions de conflits et ngociation dans la vie des organisations. ce titre, il est lauteur chez le mme diteur de deux livres : La ngociation (2005)et La mdiation en entreprise (2004, 2e dition 2008). Au cours de ses diffrentesexpriences professionnelles, il a men des activits de formation, conseil accom-pagnement et recherche. Il a notamment accompagn des commerciaux dans desngociations difficiles ou est intervenu comme mdiateur dans des conflits sociaux.Ses recherches actuelles lon conduit explorer limpact des ngociations informellessur la sant et la scurit au travail.

    m Benot Journ

    Matre de confrences en gestion luniversit de Nantes (Institut dconomie etde management de Nantes IAE).Il dirige le master 2 Management de projet en systmes dinformation et decommunication . Ses recherches portent sur la fiabilit organisationnelle en parti-culier dans lindustrie nuclaire, en partenariat avec EDF, lInstitut de radioprotectionde et sret nuclaire (IRSN) et lAutorit de sret nuclaire (ASN).

    m Cathy Krohmer

    Enseignant-chercheur Audencia Nantes, cole de management.Elle travaille sur les dmarches comptences et le management des comptencescollectives. Sa thse et des contributions en gestion portent sur la question descomptences en entreprise.

    m Thierry Bertrand

    Professeur des coles des mines.Il est en dtachement luniversit de Nantes o il y enseigne le contrle de gestionet la gestion financire. Ses recherches, menes en entreprise, sont axes sur leschangements organisationnels en liaison avec lintroduction de nouveaux outils de

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    Prsentation des auteurs

    gestion. Dans les deux dernires annes il a galement particip activement unerecherche en quipe sur les dterminants organisationnels de la sant au travail.

    m Noel Barbu

    Matre de confrences en sciences de gestion luniversit de Nantes.Il est actuellement en poste lIUT de Nantes o il dirige le dpartement GEA(gestion des entreprises et des administrations). Il est galement, sur le plan national,prsident de lassemble des directeurs de dpartements GEA.

  • ADu management des risques au

    dveloppement durable : thories, enjeux, normes

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    1 DU MANAGEMENT DES RISQUESAU DVELOPPEMENT DURABLE

    Xavier MICHEL 1

    Il y a trois questions fondamentales : Do viens-je ? O vais-je ? Et quevais-je manger ce soir ?

    Woody Allen

    Lentreprise et les hommes qui la composent nont dautre choix que de fonc-tionner dans une ralit complexe. Lentreprise moderne se trouve confronte des enjeux de gestion sans prcdent tout en sinscrivant dans une tradition, dans un monde fait darchasme et de modernit comme le dit Bruno Latour (2007).Elle voit saccumuler une multiplicit de contraintes et dopportunits doriginesdiffrentes, internes ou externes. Elle gnre, pour y faire face, des outils de gestionpouvant conduire une sdimentation verticale de ces derniers dans la pratique.ISO 9001, ISO 14001, HACCP, ISO 22000, OHSAS 18001, document unique,systmes de gestion de la scurit, les rfrentiels qualit sectoriels et bienttlISO 31000 sur le management des risques, ou encore lISO 26000 pour lemanagement des facteurs sociaux, etc.Notre propos dans ce premier chapitre sera de prsenter les notions de risque, dequalit et de dveloppement durableNotre approche ne se veut pas dogmatique 2. Elle vise plutt introduire des prin-cipes, thories, modles ou pratiques courantes autour des objets risque/qualitet dveloppement durable. Nous tentons, en les prsentant paralllement, de tisserune rflexion sur ce qui les rapproche plus que sur ce qui les oppose. Nous incitonsainsi le lecteur laborer sa thorie du risque au regard de ses propres circonstances.Sans cesse reviennent dans les discours les notions de responsabilit, dthique, dedontologie, de qualit, de valeur, defficacit, defficience, de risque ou encore dedveloppement durable. Il semble alors incontournable pour le manager de donnerde la cohrence entre les discours et laction dans des systmes mondialiss, o le

    1. Je remercie Gilles Deleuze (ingnieur R&D en gestion des risques chez EDF) pour ses remarques(cf. Deleuze et al., 2008).

    2. Le dogme peut constituer un corps de doctrines complet cest--dire un ensemble de vrits tenuespour vraies. Nous ne cherchons pas convaincre mais laborer une hypothse partir de diffrentesthories.

  • 41.1 Le risque ?1 Du management des risquesau dveloppement durable

    plus petit est en lien direct avec le plus grand et o le sens de laction demande(plus que jamais ?) dtre dbattu pour tre partag.

    1.1 Le risque ?

    1.1.1 Nature polysmique des termes autour des notions de scurit et de risque

    Les normes, les rglementations, le dictionnaire courant, le lexique des sciencessociales, autant de sources pouvant prsenter des dfinitions sensiblement diffrentespour un mme terme ; chaque individu, ou groupe dindividus, peut dterminerune signification prcise dans son champ dapplication ou se faire inconsciemmentsa propre reprsentation du terme. Prenons lexemple du mot scurit ; sans volontdexhaustivit, nous pouvons en proposer les dfinitions suivantes : situation dans laquelle quelquun, quelque chose nest expos aucun danger

    (Le Petit Larousse 2008) ; capacit dune installation rsister aux actes de malveillance (pour la SNCF,

    on utilisera le mot sret ) ; capacit dune installation ne pas causer de dommages lhomme et lenviron-

    nement (pour EDF, on utilisera le mot sret ) ; [psychologie] 1 besoin qui, satisfait, provoque un sentiment particulier de

    quitude. Ce besoin est fondamental, mais les moyens de le satisfaire diffrentsuivant les individus, les situations, les poques et les cultures. Ce sentimentdcoule de la certitude quprouve lindividu quaucune menace ne pse sur ce quoi il tient : la vie, ses besoins essentiels, matriels, affectifs, intellectuels, spiri-tuels Sentiment souvent irrationnel et trs individuel pour lequel entrent enligne de compte la personnalit de lindividu, son exprience, son ducation, lasituation dans laquelle il se trouve, son degr dinformation. Tel se sentira enscurit bien quobjectivement en danger, tel autre sera anxieux sans raisonapparente ;

    [sociologie] 2 notion qui ne se prcise pas en sappliquant la collectivit maisprend de plus en plus dimportance. Laffirmation du besoin grandissant descurit des populations nest pas vrifie. Comment la mesurer ? Quels indicateursretenir et comment comparer des poques ? Ny a-t-il pas surtout diversification etmodification des menaces (chmage, nuclaire, accidents, agressions, pollutions)et difficults dadaptation dans une priode de changement rapide ? ;

    sentiment davoir atteint un niveau de risque acceptableNous constatons :1) la nature polysmique 3 des termes et des concepts autour des notions de risque

    (Reghezza, 2006, p. 80) ;2) la dualit entre dun ct lapproche technique du risque (capacit ne pas

    causer de) qui tente dobjectiver, de mesurer dans une approche que lon quali-

    1.Dfinition issue du Lexique des sciences sociales, Madeleine Gravitz, Dalloz d., 2004.2.Dfinition issue du Lexique des sciences sociales, Madeleine Gravitz, Dalloz d., 2004.3.Polysmie : fait pour un terme, par des extensions diverses, de revtir plusieurs sens.

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    fiera de technocentriste et, de lautre, lapproche par les sciences humaineset sociales (sentiment de scurit) qui apprhende la subjectivit autour desnotions de risque ;

    3) les approches rationalisantes technocentristes autour du risque sont dominantes(normes, rglementations) et vont avoir tendance luder la dimension subjec-tive du risque.

    Ces dfinitions nous suggrent lambitieux projet que celui de manager les risquesdans une socit o chaque individu est en prise directe avec le reste du monde :les rapports au temps, lespace et la connaissance voluent.

    1.1.2 Origines et volutions des notions de risque

    Le terme risque trouverait tout dabord son origine dans le mot latin resecum, ce qui coupe . Plus tard au Moyen ge, on retrouve le mot riscare, traduit enfranais par le mot risque dans le dictionnaire italien-franais de Vroni (1681).En espagnol, le terme risco signifie rocher . Au Moyen ge, et particulirementen Italie, la notion de risque est employe dans le vocable marchand pour signifierles dangers encourus par les changes commerciaux par voie maritime. Plus tard partir du XVIIe sicle on retrouve lexpression ses risques et prils ; la notion derisque semploie pour les activits conomiques en gnral.Les technologies et la production de masse dans nos pays occidentaux, sils nousapportent un confort de vie accessible au plus grand nombre, nen sont pas moinsgnrateurs de risques proportionnels aux ressources engages (nergie, matires,hommes) : risques alimentaires, de sant et de scurit au travail, risques technolo-giques majeurs, risques environnementaux et sociaux La complexit et la puissancede ces systmes technologiques, notre capacit en dtecter les effets nfastes et lamonte en puissance dune exigence sociale croissante en matire de refus desrisques gnrs ont stimul lmergence de la socit du risque (Beck, 2001).Dans le premier chapitre de sa thse, Reghazza (2006) dcrit comment, travers lanotion de vulnrabilit, se distingue dun ct le risque biophysique et de lautre lerisque socio-conomique. Le risque biophysique implique tout phnomne pouvantavoir un impact dommageable physiquement ou biologiquement mesurable : instal-lation, sant de lhomme ou de lenvironnement. Le risque socio-conomiquecorrespond tout phnomne pouvant avoir un impact dommageable sur notreorganisation sociale mettant en difficult toute ou partie de la socit : des individus,des organisations, des populations. Le mme auteur souligne toutefois linterdpen-dance des risques biophysiques et socio-conomiques dans le traitement du risqueurbain, mais cette ide peut tre extrapole tout autre domaine de risque. Lacapacit faire face un risque biophysique dpend ainsi fortement de la vulnra-bilit des systmes socio-conomiques.Si le risque a t longtemps associ lide dominante dun phnomne accidentel,donc dlimit dans le temps et sur un espace rduit, ce nest plus le cas. Il y a desrisques immdiats et des risques sur le moyen et le long terme. Anthony Giddens 1

    1.Antony Giddens, un sociologue anglais contemporain, est connu notamment pour sa thorie de lastructuration .

  • 61.1 Le risque ?1 Du management des risquesau dveloppement durable

    revient ltymologie latine du terme resecum, ce qui coupe , o le risquecorrespond tout vnement dommageable susceptible de modifier un tat dechoses (Giddens cit par Smout, 2002). Dans un contexte dentreprise 1, le risquepourra tre dfini comme lensemble des facteurs qui pourraient affecter latteintedes objectifs dune organisation (dans une perspective de dveloppement durable ?).Les risques biophysiques (sant, scurit, environnement) doivent tre mis enperspective avec les risques socio-conomiques (qualit, sociaux, financiers) dansdes chelles de temps et despace qui dpassent le temps dune vie humaine, etintgrent la dimension plantaire (disponibilit des ressources comme limpact desactivits humaines sur son cologie ou encore la crise des subprimes aux USA parexemple).

    1.1.3 Concepts de risque

    Un architecte qui a ralis une maison qui sest effondre sur ses occupants et ayantcaus leur mort, est condamn la peine de mort nous dit le Code dHammurabien 1750 avant J.-C. 2. Ce texte illustre une notion de responsabilit professionnellequi a quelques sicles dexistence. Jean-Jacques Rousseau dans une lettre Voltaire 3, propos du sisme de Lisbonne de 1755, rompait avec une vision malgr toutmajoritairement fataliste du risque qui, en sen remettant Dieu, ludait ainsi touteide de sa gestion.Cette lacisation du danger va donner lieu lmergence du paradigme techno-centriste du risque. Fin XVIIIe dbut XIXe, la mont en puissance des activitsindustrielles intra muros Paris provoque lmergence dun besoin de rgulation. Uneordonnance prfectorale du 12 fvrier 1806 oblige alors les propritaires dtablis-sements dangereux ou insalubres dclarer pralablement leurs activits au prfetde police ce dernier sappuyant sur un comit de salubrit compos dexperts pour dlivrer les autorisations dexploiter. On cr des corps dingnieurs de ltat(ex : ingnieur de larme puis ingnieur des Ponts et Chausses). la fin du XIXe,les industriels crent lAssociation des propritaires dappareils vapeur lectrique(APAVE) afin notamment de mettre en commun leurs comptences pour rduireles accidents de leurs installations.

    1.Systme orient vers la ralisation dobjectif, dune fonctionnalit ; elle peut tre du secteur marchandou public, produire des biens ou des services.

    2.Le Code dHammurabi, roi de Babylone, en 1750 avant Jsus-Christ est lune des plus ancienneslois crites trouves ce jour ; ses diffrents articles tablissent quelques rgles de la vie courante telleque la hirarchisation de la socit (hommes libres, subalternes et esclaves), la protection sociale (unesclave ne peut tre spar de sa femme et de ses enfants), les prix et les salaires, le fonctionnementjudiciaire et les peines (la loi du talion).

    3. Vous auriez voulu (et qui net pas voulu de mme ?) que le tremblement de terre se fut fait aufond dun dsert plutt qu Lisbonne. Peut-on douter quil sen forme aussi dans les dserts ? Maisnous nen parlons point parce quils ne font aucun mal aux messieurs des villes, les seuls hommesdont nous tenions compte ; ils en font peu aux animaux et aux sauvages qui habitent pars dans deslieux retirs, et qui ne craignent ni la chute des toits, ni lembrasement des maisons. Mais que signifieun pareil privilge ? Serait-ce donc dire que lordre du monde doit changer selon nos caprices, quela nature doit tre soumise nos lois, et que, pour lui interdire un tremblement de terre en quelquelieu, nous navons qu y btir une ville ? J.-J. Rousseau, 18 aot 1756 cit par Reghazza (2006).

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    La gestion des risques naturels ou industriels est essentiellement technique et vise contenir, affaiblir ou liminer le phnomne. Cette approche, qui reste dominanteaujourdhui, privilgie la rationalit scientifique ; pouvoir sappuyer sur des donnesfiables, objectives, scientifiquement tablies pour prendre une dcision qui pourratre complte par une analyse cots/bnfices (Reghazza 2006). En ce sens, la miseen avant actuelle de la notion danalyse cots/bnfices par rapport aux conceptsplus larges et moins quantitatifs danalyse de la valeur, avec la notion dchange devaleur ou de classement entre des lments non quantifiables, ne fait que renforcerune vision mcaniste du risque.

    Dans leur acception courante ou en fonction des domaines dapplication, danger,risque et ala se confondent totalement ou partiellement 1.Dans la pratique, il semble se dgager une tendance que nous illustrons dans lesfigures 1.1 et 1.3 qui sinspire des travaux de Prihlon (1999). Deleuze et al.(2008) propose une synthse linterface des principes de gestion des risquesindustriels environnementaux (sret) et de malveillance (scurit). Le danger peuttre dcrit comme une situation qui mettrait en prsence un vnement, une cause,une source ayant le potentiel de gnrer un effet nfaste, un dommage sur unenjeu ou une cible. Nous rencontrons parfois une dfinition ambigu du danger, ola source de danger et le danger lui-mme se confondent. La dfinition du dangercomme une source potentielle de dommages inclut implicitement la notion decible (ou denjeu). Comme le dit Rousseau 2, un tremblement de terre en pleindsert naffecte pas grand monde.

    Figure 1.1 Le danger est un tat, le risque sa mesure (version 1).

    1.Voir annexe sur les dfinitions autour du risque.2.Voir prcdemment.

    CibleEnjeu

    tat de chosevnement

    Source de dangerCause

    Intensit

    LIMITATIONViolent

    Chronique

    Effets de champs

    Ala

    DANGER

    PRVISION

    PRVENTION

    PROTECTION

    RPARATION

  • 81.1 Le risque ?1 Du management des risquesau dveloppement durable

    La figure 1.2a montre une falaise de laquelle un fragment de roche est susceptiblede se dtacher constituant ainsi un ala potentiel, mais sans danger pour qui que cesoit. Si dans un second temps nous y installons un campement (figure 1.2b), noustablissons alors un tat o une situation de danger ou un danger existe. Une falaiseest dangereuse si on envisage une ou plusieurs situations dans lesquelles le dtache-ment de blocs peut entraner des dommages des cibles (promeneurs, maisons ouactivits) dans la trajectoire des blocs : principes de sources (blocs de pierres), devecteur (chute des pierres, leur poids et leur vitesse) et de cible (le campeur).Imaginons que la situation propose gnre en fait deux situations de danger :celle de voir la tente et ses occupants crass par une chute de pierres et celle de laperturbation, par la prsence dun campement, dun cosystme sensible accueillantune espce doiseau rare. Dans ce cas la cible devient la source de danger duneautre cible, patrimoine public que la socit souhaiterait protger, lenvironnement.Cependant, cest le seul endroit o le campeur peut trouver de lombre, de leau etbnficier dun point de vue magnifique. Nous laissons le soin au lecteur denvi-sager la complexit de cette situation ; si le risque est leffet dun ala sur lesobjectifs , nous percevons quil dpend de celui qui le considre : le randonneur,le garde forestier, les commerants proximit du site profitant de lactivit touris-tique, vous-mme. Nous discuterons plus loin de cette notion de perception.En combinant les diffrentes dfinitions (cf. annexe), nous remplaons la notiondincertitude (uncertainty) voque dans lISO 31000 1, qui nous semble voqueren franais plus spcifiquement la dimension statistique du risque, par la notiondala. Cette dernire intgre non seulement la probabilit de survenue mais galementla nature et le scnario de lvnement et son intensit. De plus, pour certainsrisques comme ceux de malveillance, lapproche statistique nest pas toujours adapte.La nature mme de ces risques est lie des personnes doues dintelligence dontlobjectif est de djouer les dispositifs de scurit. On voquera plus dans ce cas lanotion de scnario vraisemblable (Deleuze et al., 2008). La notion dobjectifs (aupluriel) regroupe, quant elle, celle de cible plus adapte aux risques biophysiques

    Figure 1.2 Le danger est une cause capable de provoquer un dommage (sur une cible ou un enjeu).

    1. Il sagit dune norme internationale sur le management des risques qui est encore en version de travail ce jour avant une dition dfinitive prvue en 2009.

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    et celle denjeux pour voquer les enjeux socio-conomiques. La notion dobjectifsuggre de dpasser une vision trop statique du risque pour nous inscrire par cons-quent dans la dynamique du projet ou du processus. Le risque est une constructionsociale, et sa nature volue avec lvolution de nos socits, de nos entreprises, denos projetsOn peut alors prsenter les diffrentes modalits de gestion du risque (figure 1.1). partir dun risque valu, on pourra si possible supprimer la source, le vecteur oula cible dans une logique de pr-vision ou voir avant supprimant ainsi le risque.Si ce nest pas possible, on dveloppera une dmarche de prvention qui mobilisedes modalits permettant dviter la rencontre entre le vecteur et la cible ou denrduire lintensit (formation, savoir faire de prudence, protections collectives).La prvention intgrera ventuellement des protections entre vecteur et cible (exquipement de protections individuel, ceinture de scurit), ainsi quune proc-dure de limitation des dommages sur la cible (gestion de crise, plan de secours) etenfin un dispositif de rparation (ex assurance, plan de retour la normale ).Cet ensemble prvision, prvention, protection, limitation et rparation, constitueles modalits conventionnelles de gestion du risque de lamont laval.La figure 1.3 propose de dcrire plus prcisment la notion de risque. Dans cemodle source-vecteur-cible (Prihlon, 1999), la notion de champ concernetout le contexte de la situation du danger qui pourra tre porteur de facteurs favo-risant le dclenchement, la propagation et lamplification des effets (ex : effetsdomino 1).

    Figure 1.3 Le danger est un tat, le risque sa mesure (version 2).

    1.Quand un premier effet entrane des consquences sur dautres cibles.

    Causes

    Effets de champs

    Ala Vulnrabilit

    Arbre des causes Arbre des consquences

    Probabilit

    ERC

    Erc = vnement redout central

    Gravit+S

    Y S

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    S O

    C I O

    - C

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    1.1 Le risque ?1 Du management des risquesau dveloppement durable

    Comme voqu par Magali Reghazza (2006) sur le thme des risques majeurstechnologiques ou naturels, lapproche technocentriste senrichit des apportsdes sciences humaines et sociales, notamment travers la notion de vulnrabilit.La vulnrabilit biophysique tout dabord, qui sattachera valuer les consquencesde lala sur le milieu physique et biologique (ex : rsistance du bti, dgradation delcosystme, pertes humaines). La vulnrabilit socio-conomique dautre part,cest--dire les consquences sociales et conomiques de lala, qui intgrera lacapacit de la socit retrouver une situation dquilibre introduisant la notion dersilience. Pour prendre un exemple 1 grande chelle, un cyclone de mme ampleurtue 20 personnes en Floride et 140 000 au Bengladesh. Les pertes financires enFloride sont de 16 milliards de dollars ; les pertes financires existent galement demanire ingalement rpartie au Bangladesh et sont difficilement chiffrables. LeBangladais perd tout ce quil possde (mme si au regard de lAmricain la valeurdes biens perdus est ngligeable) et na pas dassurance, donc au bout du compteune perte financire relativement minime pour une perte humaine maximum. Pourun ala quivalent les consquences sont profondment diffrentes et lies lavulnrabilit conomique et sociale de la cible . Cette notion se dcline galement lchelle des organisations dentreprises, des individus et des cosystmes. Prenonsle cas dun salari en contrat dure dtermine ; a-t-il les mmes facilits quunsalari en contrat dure indtermine et syndiqu pour voquer un droit de retraitface une situation de travail quil considre comme dangereuse 2 ? En fonction dustatut, de lexprience, de leur connaissance, du sexe et de lge, les salaris serontplus ou moins vulnrables face aux risques professionnels.Le risque peut tre dfini comme la perception dun danger possible, plus ou moinsprvisible par un groupe social ou un individu qui y est expos , nous propose ladfinition 4 (cf. annexe). Dans laction par exemple emprunter une piste noire auski avec sa famille nous percevons que linstant peut tre tnu entre la perceptiondune situation dangereuse, la reprsentation que lon sen fait, les scnarios plusou moins complexes que lon labore, leur probabilit et leurs consquences : Ai-je pureprer la piste en montant au tlsige ? La visibilit est-elle bonne ? Les fixationssont-elles bien rgles ? On sest couchs tard hier, je nai pas la forme. Quel estltat de la neige ? Cest tt elle est verglace. Puis-je emmener les enfants sur cettepiste ? Ils me tannent pour la faire, leur ge je skiais des noires depuis long-temps. Je vais peut-tre demander ce moniteur son avis. Ce serait sympa de faire unenoire tout de mme Chacun est amen au quotidien vivre de telles situations.La figure 1.4 illustre de manire simplifie le processus psychologique conduisant la prise de risque (daprs Delignires, 1993). Il tient compte de facteurs ext-rieurs la situation proprement dite (ducation, formation, situations vcues)qui influent sur la perception que lon a du risque, elle-mme lie notre person-nalit et au calcul cot/bnfice par rapport lobjet qui dterminerait le risquethorique rel. On gnrerait ainsi un dcalage plus ou moins important entre lerisque peru et le rel. Assailly (2001) propose, dans le cadre de ses travaux sur les

    1.Cit par Reghazza, 2006, p. 73.2.Le droit de retrait est une disposition lgale qui permet tout salari de refuser une activit de travail

    quil considre comme dangereuse pour sa sant (Code du travail).

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    risques routiers chez les jeunes, six facteurs de motivation la prise de risque(figure 1.4). De manire humoristique, on peut imaginer lhistoire qui poussece skieur de la photographie de la figure 1.4 prendre un tel risque (tableau 1.1).

    1 2

    Figure 1.4 La prise de risque (Delignires, 1993).

    Tableau 1.1 Motivations la prise de risque (Assailly, 2001).

    Type de risque Situation

    Catharsis1 Sa petite amie lui a dit hier que ctait termin entre eux.

    Autonomie Son pre vient de lui dire de ne pas passer par l.

    Ordalie2 Il a besoin de mettre en jeu sa vie pour lui donner un sens.

    Sensation Il aime le frisson, le haut-le-cur quand tout dun coup il se retrouve en suspension dans le vide.

    Pratique Il est press car il a rendez-vous avec sa copine en bas de la station, il est en retard et cest plus court par l.

    Prestige Ses copains le regardent sauter ; ils lui ont dit quil ntait pas cap .

    1.Mthode psychothrapique reposant sur la dcharge motionnelle lie lextriorisation du souvenirdvnements traumatisants et refouls.

    2.Quand les hommes notamment au Moyen ge sen remettaient Dieu pour faire justice travers despreuves dures et cruelles (eau glace, cicatrisation aprs lapplication dun fer rouge) ; en psycho-logie cela prend le sens dun fort dsir de valider son existence en la risquant.

    Objet

    Cot/avantage

    Situation perue Personnalit

    Catharsis Sensation Autonomie Prestige Ordalie Pratique

    Facteurs externesFormation/ducation/aide la dcision

    Risque peru

    Risque rel

    MotivationsDaprs Assailly, 2001

  • 12

    1.1 Le risque ?1 Du management des risquesau dveloppement durable

    On y va ou pas ? On appelle cela ltape du go/no go en gestion de projet. Maisdans le projet, il sagit dengager le collectif.Ce qui permet den venir au risque qui engage le collectif. Face la complexit et la puissance de nos systmes technologiques, et au besoin de rduire les vulnrabilitssociales et conomiques, nous avons dvelopp des modles dapproche du risqueencadrs par les rgles, les normes et les systmes dassurance (cf. chapitre 2). Cettemutualisation des risques dans ces systmes techniques impose des mthodesdidentification et dvaluation devant conduire une rduction du risque. Dans lafigure 1.3, nous symbolisons ce qui est classiquement utilis par lingnieur pourlanalyse du risque technologique comme larbre des causes et des consquences(nud papillon). partir dun vnement central redout, a priori (prvision,prvention) ou a posteriori (retour dexprience), cette approche tente dobjectiverles scnarios conduisant et rsultant de cet vnement central redout. Commesymbolis dans la figure 1.3, ces scnarios vont rencontrer dautres systmes, notam-ment le systme socio-conomique en place symbolis par un organigramme et lepotentiel de vulnrabilit et/ou de rsilience qui le caractrise. Dans les reprsenta-tions conventionnelles, on taxera facilement dobjectives les approches techno-centristes et de subjectives les facteurs lis aux sciences humaines et sociales.Nous pensons sur ces questions que lingnieur redoute daborder tout ce qui nestpas chiffrable et qui sort du risque biophysique ou financier. Il sous-estimera tropsouvent la capacit des sciences humaines et sociales dfinir, elles aussi, desmodles (chiffrables et scnarisables) lchelle des individus (psychologie) ou desgroupes (sociologie, gestion, conomie) 1. La tendance forte est la confrontationet lenrichissement pluridisciplinaire tel que le prne Deleuze et al. (2008) pourle risque de malveillance en particulier. De plus, si lutilit de ces modles nestpas remettre en cause, leur apparente objectivit cache bien souvent des biaisdapproximation, conduisant parfois des gnralisations qui sous-estiment leurcomplexit. Par exemple, pour laborer un arbre des causes, on constitue un groupe dexperts . Et quand on a dit cela, on a tout dit ! Mais quen est-il de la subjectivitlie lapprciation de la qualification de lexpert ? Quen est-il de la capacit de cegroupe crer une dynamique collective efficace dans un contexte de parolelibre permettant dexprimer toutes ses comptences ? 2 Quen est-il du facteurhumain dans les scnarios dvaluation du risque technologique ou naturel ?Quen est-il des risques de malveillance (voir Deleuze et al. 2008) ? Comme voquprcdemment, lingnieur se trouve quelque peu dsempar, car la nature mmede ce risque est lie la capacit dindividus, dous dintelligence, laborer desscnarios de contournement des barrires de scurit et djouer ainsi touteprobabilit. Ce sujet nous amne aborder les questions de la pluridisciplinarit etde linteraction entre sciences dites exactes et sciences dites humaines , ouentre diffrents mtiers (ingnieur, juriste, financier, ressources humaines). Lerisque saffranchit de ces frontires, et nos systmes de pense et de reprsentation 3

    1.Linverse est aussi vrai et pause la question de la pluridisciplinarit voire de la transdisciplinarit.2. ce titre, nous apprcierons la dfinition 3 de lala (cf. annexe).3. [philo.] Acte par lequel un objet de pense devient prsent lesprit ; la fois prend la place de

    lobjet dans lentendement, se situe lui, mais aussi le ralise dans son contenu (Lexique des sciencessociales, Madeleine Gravitz, Dalloz d., 2004).

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    (politique, scientifique) voluent et doivent voluer sensiblement face aux nouveauxenjeux de notre socit.

    1.2 La perception 1 du risque : de la cyndinique la pense complexeLobjet principal de cette partie est de penser le risque au-del des reprsentationsusuelles combinant probabilit et gravit. Nous soulignerons en pralable de lasuite de louvrage un certain nombre de points qui nous semblent importants prendre en compte dans une dmarche de management des risques.La notion de risque est ambivalente et prsente simultanment des valeurs contra-dictoires : prendre un risque ou tenter sa chance . Dans lanalyse de risque projet,on parle des forces et faiblesses, des menaces et des opportunits ou encore durapport cots/avantages (cf. chapitre 6). Dans lISO 31000 2, la dfinition de risqueprcise quil peut tre vu en positif ou en ngatif (cf. annexe). Dans le mme ordredide, vulnrabilit et rsilience peuvent reprsenter les deux faces dune mmepice (Folke et al., 2002 cits par Reghazza 2006). Un colloque organis 3 dbut2008 sur le thme de la prise de risque tait tout fait intressant de ce point devue. Le programme gnral des deux jours tournait autour de cette ambivalence durisque, et les dbats assez anims entre les confrenciers la fin du deuxime jour onttourn autour du principe de prcaution : pour les uns un frein au dveloppement,pour les autres une ncessit au mme dveloppement.La figure 1.5 propose un visuel autour de ce que nous appellerons le processus deperception du risque reprsent par laction et ses alas, les objectifs et leurscontradictions. Nous navons pas la prtention de prsenter une doctrine 4 durisque, mais plutt, en partant de ce schma, dlargir la rflexion thorique ensinspirant de diffrents auteurs reconnus cits dans ce chapitre. Dans un premiertemps nous illustrons ce schma au regard dun exemple pratique de managementdes risques, pour ensuite approfondir la rflexion la lumire de rfrences issuesdes sciences humaines et sociales 5. Il apparat intressant de dvelopper des liensentre une approche plutt empirique issue de la pratique des ingnieurs et desrflexions menes dans diffrentes disciplines de recherche pour toffer les repr-sentations proposes par les outils de management conventionnels. La question nestpas tant dutiliser des outils simples que davoir conscience quils le sont. Cela fait

    1.Perception : Fonction par laquelle notre esprit se forme une reprsentation des objets extrieurs. Nom-breuses discussions sur le processus (Lexique des sciences sociales, Madeleine Gravitz, Dalloz d., 2004).

    2.Norme actuellement en projet.3.Colloque Prise de risque , Toulouse, janvier 2008, organis par lAcadmie de lair et de lespace

    (voir les actes).4.Doctrine : Ensemble de vrits tenues pour vraies ; se distingue de la thorie qui vise seulement

    faire voir et peut tre hypothtique, alors que la doctrine tend convaincre et ventuellement inspirerla conduite pratique (cf. endoctriner).

    5.Lauteur na pas la prtention de matriser lensemble des rfrences et disciplines cites ; tout en restanten lien avec les pratiques usuelles nous incitons le lecteur aller rechercher des rfrences la croisedes disciplines ( limage des diffrentes comptences et sensibilits convoques sa ralisation).

  • 14

    1.2 La perception du risque1 Du management des risquesau dveloppement durable

    cho aux propos de Christian Morel (1992) voquant le mal chronique de laconnaissance ordinaire de lentreprise . la frontire des reprsentations technique,juridique, financire, sociale, psychologique, philosophique, le risque doit treplac dans une rflexion complexe et plus proche dun rel qui fait sens pour lesindividus. Dans une rflexion attentive lautre, la plante qui nous nourrit, dansune socit faite de traditions et dinnovations, darchasmes et de modernit pour reprendre les termes de Bruno Latour (2006).

    1.2.1 Au regard des pratiques conventionnelles de management des risques

    Si nous prenons lexemple dun tableau danalyse de risque (cf. chapitre 8 ou 9), nousretrouverons explicitement ou implicitement les diffrentes dimensions voquesdans la figure 1.5. Lobjet est dcrit (danger, situation), dimensionn (risque= probabilits gravit) pour dfinir ainsi un modle dapproche tentant de repr-senter le rel. Cela dfinit une rationalisation du rel laide dun outil technique,le tableau danalyse de risque.Dans un tableau danalyse des risques sant et scurit au travail, il sagira de carac-triser les alas autour des actions menes aux diffrents postes de travail et leurconsquence potentielle sur loprateur avec lobjectif in fine de rduire le risquepour atteindre un niveau de scurit acceptable. Ce modle est confront auxprocdures internes comme le degr de matrise des risques valu au regard des

    Figure 1.5 Reprsentation dans le temps (court long terme) et dans lespace (du local au global).

    La nature Le monde biophysique

    Dans le tempsCourt long terme

    Dans lespaceDu local au global

    Biotopes, biosphres Ressources

    Rel

    Lindividu Vivre et faire vivre Perptuer Crer Se cultiver tre respect

    BesoinsLa technique Connaissances

    et modles Technologies Organisations

    et mthodes

    Rat

    iona

    lisat

    ions

    La socit Cultures et croyances Langages, symboles

    Cultures

    ReprsentationIndividu / ala Ce qui

    est visibleCe que lon voit

    ModleCe qui est

    Le modle que lon en tire

    Dontologiela rgle int. ou ext.

    La rgle

    Soninterprtationthiquedans laction

    Nos valeurs

    Celles des autres

    OBJECTIFSet contradictions

    ALA& laction

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    procdures dj existantes, et des exigences externes (cart la rglementation)dfinissant ainsi une dimension dontologique.Nous retrouvons au bout du tableau une colonne relative aux actions mettre enuvre dfinissant lobjectif de rduction du risque ; on a dans le mme tableau unrapport entre lala et lobjectif. Cet objectif sera ngoci en rapport avec les autresobjectifs de lentreprise. Les arbitrages budgtaires se font lintrieur du domainede risque considr, mais galement au regard des autres risques de lentreprise.Les dimensions fondamentales que nvoque pas explicitement le tableau rsidentimplicitement dans la manire dont celui-ci est labor et appropri par lesacteurs. Sil fait lobjet dune information rapide par un nombre limit dacteurs,voire un seul expert ne mobilisant que de manire trs limite les autres acteurs,les dimensions individuelles (autre que celle de l expert ) et collectives du risqueseront peu dveloppes. Une meilleure perception du risque, individuelle et collec-tive, devra mobiliser galement une connaissance de lhistoire et de la culture ducollectif de travail et de son contexte. Il faut convier les individus acteurs quipeuvent avec leur propre reprsentation enrichir le modle et la rgle tout en selappropriant dans une dmarche collective au profit dune certaine culture durisque 1 ou culture de scurit. Les dimensions se trouvent imbriques et sinscriventdans un processus volutif symbolis par la spirale de lamlioration continuequi mettra en perspective les alas avec les objectifs poursuivis, fussent-ilscontradictoires (ex : qualit, cot, dlai, scurit). Le risque (action/ala/objectifs)sinscrira dans un rapport au temps et lespace variable : risque chronique, diffus,risque accidentel, rentabilit court terme, vu de loprateur lchelle du poste, vude la direction gnrale lchelle du monde, etc.

    1.2.2 Loutil nest pas la fin

    On renouvelle considrablement lapproche dune situation lorsque lon se met la dcrire prcisment au lieu de chercher lexpliquer tout de suite, le plus souvent partir des thories tablies nous dit Bruno Latour (2006). Prenons le temps de lirele tmoignage de Paul, qui se trouve en annexe de cet ouvrage. Ancien chauffeurroutier, il a t victime dun accident du travail. Il nous livre avec le recul, lors dunentretien semi-directif 2, sa vision de ce qui lui est arriv. Il relate les causes imm-diates mais aussi profondes de son accident. Nous le livrons en entier, car il est richedenseignements. Nous pourrons, comme un exercice, analyser laccident de Pauldans un arbre des causes et des consquences, ou dans une ligne dun tableaudanalyse des risques comme une sensibilisation au risque dune rationalisationrductriceEn faisant faire son analyse des risques sant-scurit au travail par un expert tous risques sur une demi-journe avec un petit tour de latelier, avec laide dunoutil informatique pr-format qui sort automatiquement la cotation des risques,on aura rpondu au moins lexigence lgale. Au mieux on aura ponctuellement rafrachi les ides sur les questions de scurit. Il ny a pas ici de jugement devaleur ; chaque entreprise a ses priorits. En revanche, le risque est ici de croire que

    1.Cf. tmoignage I. Boissire, Institut pour une Culture de la Scurit Industrielle (ICSI) en annexe.2.Cela signifie que Paul exprime son point de vue sans linfluence de lintervieweur.

  • 16

    1.2 La perception du risque1 Du management des risquesau dveloppement durable

    celui-ci serait couvert alors quil ne lest pas. Des exemples de cet ordre on enrencontre trs souvent en entreprise o il semble que loutil prend le pas surlobjectif, le slogan sur lcoute et lanalyse plus approfondie des questions. lge de la multiplication des systmes de management, des procdures, des normes,des rglementations, prenons garde que ces systmes techniques ne deviennentautosuffisants et nous fassent perdre de vue lessentiel. On ressent, dans denombreuses situations, linfluence de la culture scientifique et technique initiale delinterlocuteur (juriste, gestionnaire, ingnieur). Suivant sa discipline et/ou sonmtier, il dveloppera une reprsentation qui sera dpendante de son modle ; ilrduira son analyse travers le prisme de sa comptence.

    1.2.3 Entre le discours et laction

    Il ny a pas les actions dun ct et les discours et les penses de lautre. Dabordparce que, comme laffirment avec force Winograd et Flores, le langage est action( Chaque fois que vous prenez la parole, vous ne vous contentez pas dnoncersimplement un fait. Si vous dites nous devons dabord voquer la question dudveloppement du systme [], vous navez pas seulement dcrit la situation,mais vous lavez cre. ). Ensuite, parce que B. Latour (cf. Aramis, ou lamourdes techniques) montre avec beaucoup de pertinence que les deux sont intimementlis, autrement dit que la reprsentation est constitutive de laction cette dernireest en effet dj porteuse de catgories cognitives implicites et rciproquement,que la reprsentation est dj action, lment souvent cl dune stratgie. Pasdagir dans nos socits (nous ne prtendons pas luniversel) sans un travail dessignes et simultanment de classement, ordonnancement, catgorisation, hirar-chisation, articulation, distribution, etc. bref dorganisation. Or, les discours quenous analysons sont porteurs de cadres cognitifs qui, coup sr, dbordent de cetespace et orientent et participent des faires ; un discours est aussi ladresse dequelquun ou de quelques-uns, et joue sur leur dire, leur manire de penser leuraction, et provoque la rponse dautres discours qui eux-mmes, etc. Cette citation de Pascal Robert est issue de lintroduction de sa thse sur limpensinformatique (1994) 1. Nous y trouvons une rflexion qui souligne limportancede penser les liens entre reprsentation et action (et donc alas), discours et indi-vidus, lorganisation (objectifs) et le processus de perception des risques commeschmatis dans la figure 1.5. Les propos de Christian Morel cits prcdemmentconfirment pour nous en ngatif combien le discours doit tre associ laction.Combien de discours sont sensiblement dconnects de laction ? Soit parce quilsne sont pas suivis de ce quils annoncent, soit parce quils sont en dcalage avec lesreprsentations de ceux qui les reoivent ou les deux ; ils ne font pas sens pourceux qui les entendent.Paradoxalement, nos macrosystmes techniques peuvent rencontrer des difficults tisser des liens entre les individus, les groupes dindividus. Nous pouvons y voir

    1.Ce travail nous invite par ailleurs une rflexion trs intressante sur les liens entre technologies (enloccurrence linformatique) et sciences sociales ; il dveloppe en profondeur le principe selon lequelnos actions ont des consquences qui dpassent le cadre dans lequel elles ont t penses (principe dercursivit).

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    notamment une relation avec la capacit crer ce lien entre les diffrentes tempo-ralits et spatialits : lien entre les siges et les entits, les ministres et les territoires,la direction et le poste de travail Les moyens de communication sont nombreuxet puissants, on a accs une grande quantit dinformations, on labore beaucoupde lois et de procdures, on multiplie les discours, les indicateurs, les rapports.Mais la quantit ne fait pas toujours la qualit. On observe de trs nombreusessituations dans lesquelles le systme technique normatif organisateur semble devenir autosuffisant . La rgle est trop souvent privilgie face la relation ; la prescriptionlemporte sur limplication, la responsabilisation. La facilit daccs linformationet les moyens de communication combins avec le souci dune efficience toujoursplus grande avec le moins de risques possible, conduisent la multiplication desplans daction et les contradictions quinvitablement ils gnrent : rduire les cotsdes achats, amliorer la qualit des fournisseurs tout en maintenant des relationsmutuellement bnfiques avec eux, amliorer les taux de rendement synthtique,la productivit mais aussi la qualit, motiver les personnels tout en gelant les salairespour maintenir la rmunration de lactionnaire et continuer innover pour main-tenir un avantage concurrentiel tout en amliorant la sant/scurit et la protectionde lenvironnement.Mais comme le dit Daniel Bougnoux (1995) : Comment concilier la vitesse de lacommunication avec la patience dune relle investigation ? Les catgoriescognitives implicitement contenues dans nos discours (cf. ci-dessus) ne doivent-elles pas voluer ? Ne doit-on pas notamment repenser le chanage entre lesdiscours et les actions ? La reprsentation que lon se fait de laction et des risquesassocis est au cur de cette question afin de mieux se comprendre, tisser les liens,dvelopper les solidarits, donner du sens laction. Bruno Latour (2006) voit lesocial comme une association dtre, de choses, de techniques et que lon a troptendance dire que ce qui est social est ce qui nest pas conomique, artistique,biologique, matriel, technique, scientifique, naturel, etc. Des courants de penses nous semblent proposer des rflexions et des mthodes allantdans le mme sens, limage des cyndiniques, de la qualit, de la pense complexeou de la mdiologie : Pour lutter contre les ruptures du temps et des gnrations.Pour renouer les liens entre les savoirs de lesprit et les arts de la main, entre nosnostalgies et nos prospectives, entre notre culture et nos techniques. Pour honorerle souci de transmettre, le moins mauvais des remdes notre finitude. Pourrappeler que lon transmet ce que lon transforme, car recevoir sans travailler nevaut, et succession rime avec subversion. Rgis Debray 1 voquant le magazineMdium.

    1.Rgis Debray prsentant le magazine Mdium sur le site de la mdiologie : http://www.mediologie.org/ ;http://www.regisdebray.com/ La mdiologie nest pas une doctrine, ni une morale. Encore moinsune nouvelle science . Cest avant tout une mthode danalyse, pour comprendre le transfert dansla dure dune information (transmission). On se conduit en mdiologue chaque fois quon tire aujour les corrlations unissant un corpus symbolique (une religion, une doctrine, un genre artistique,une discipline, etc.), une forme dorganisation collective (une glise, un parti, une cole, une acadmie)et un systme technique de communication (saisie, archivage et circulation des traces).

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    1.2 La perception du risque1 Du management des risquesau dveloppement durable

    1.2.4 Du principe damlioration continue celui de rcursivit

    La figure 1.5 sinspire notamment des rflexions de Kervern (1995) sur les sciencesdu danger ou cindynique . Il donne cinq dimensions au risque 1 en ajoutantquun des enjeux de sa gestion est de faire converger les acteurs sur une perceptioncommune du risque.Nous dveloppons une connaissance, un modle de reprsentation de la nature(qui inclut lhomme) qui se veut le plus fidle et le plus proche possible du rel. Surles fondements de cette connaissance nous dveloppons nos techniques 2, cest--dire nos technologies, systme matriel (l'agriculture, les villes, la productiondnergie) et galement immatriel comprenant nos techniques de rationalisationdes organisations sociales, conomiques, politiques et de communication. Cetterationalisation trouve ses limites dun ct dans celle dune connaissance du mondebiophysique lui-mme en mouvement, et de lautre dans la nature subjective denos reprsentations individuelles et collectives (la socit) : Lide de reprsentationscollectives a t introduite avec celle de conscience collective, par Durkheim. On netient plus aujourdhui lexistence dune telle conscience transcendante aux individus,mais on reconnat limportance dides, de croyances, de valeurs, etc. simposantaux hommes et que nous appelons culture (Grawitz, 2004). Dans notre schma cettedimension technique nous permet de rationaliser laction (risque, ala, objectifs) partir dun modle et en sappuyant sur des rgles (dontologie).Lindividu dveloppe tout au long de sa vie sa capacit de reprsentation du monderel. Cette capacit volue en fonction des connaissances auxquelles il accde etsous linfluence des collectifs au sein desquels il vit et se cultive : la socit. Selon leprincipe hologrammatique voqu par Edgar Morin (1990), chacun est parti dutout mais chacun possde en soi une reprsentation du tout . Selon lui (2000,p. 27), tout dveloppement vraiment humain signifie dveloppement conjointdes autonomies individuelles, des participations communautaires et du sentimentdappartenance lespce humaine . Lhomme est la fois individu, partie dunesocit et partie dune espce appartenant la nature (figure 1.5).Les lignes de rupture aux interfaces voquent les dimensions suivantes :

    modle, cest--dire ici la connaissance que lon a du monde rel, biophysiqueet de sa variabilit ;

    dontologie, cest--dire lensemble des rgles (internes : les procdures ; externes :la rglementation) qui fondent le fonctionnement de nos socits ;

    reprsentation que lon a du monde, avec laide de nos cinq sens qui nouspermettent dexplorer ce qui nous entoure et des capacits innes ou acquises linterprter et donc se le reprsenter un instant donn ;

    1.pistmologique (thorie de la connaissance), statistique, dontologique, thique, tlologique(objectif ).

    2.Technique : Moyen datteindre un but situ au niveau des faits, des tapes pratiques. Impliquelutilisation doutils, de machines, de gestes ou dtape, comportant des procds opratoires, rigoureux,dfinis, transmissibles, susceptibles dtre appliqus nouveau dans les mmes conditions, adapts augenre de problmes et des phnomnes en cause .

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    thique, cest--dire, au regard des rgles (dontologie), et des valeurs moralesreconnues par les groupes sociaux (ex morale religieuse) constituant un ensemblede normes acceptes , et qui vont guider notre comportement en tant quindi-vidu ou groupe social (ex : entreprise) dans laction et face aux contradictionsquelle gnre (ex le centre dincarcration de Guantanamo justifi, par le Patriotact , en dpit des traits internationaux, au lendemain des attentats du WorldTrade Centrer du 11 septembre 2001 ou encore leuthanasie dun proche ensouffrance ou plus simplement le non respect dune rgle de scurit qui nousempche le rglage dune machine pour pouvoir relancer au plus vite la produc-tion). Nous engageons notre responsabilit en tant quindividu appartenant un collectif (regard des autres, reconnaissance et jugement), travers les choixque nous faisons la lumire de nos reprsentations elles-mmes nourries denos connaissances, de nos croyances (culture, morale, rapport la rgle).

    La boucle ouverte nous rappelle le principe damlioration continue aujourdhuilargement rpandue dans les systmes de management. Il sagit dun processus ; ildonne lide du mouvement perptuel, sans dbut et sans fin. Au-del de cettenotion il faut introduire le principe de rcursion, cest--dire un processus o lesproduits et les effets sont en mme temps causes et consquences (Morin, 1990). Lacomprhension de la ralit sociale passe par la prise en compte des consquencesnon intentionnelles de laction.Buleon (2002, en rfrence Stengers et Prigogine) voque le lien entre la tendancelourde et lvnement. Les principes pour prendre en compte un vnement sontde reconnatre son caractre irrversible, de lui donner un sens qui lui confreraune aptitude engendrer de nouvelles cohrences 1.Dune autre manire encore, cest ce quvoque galement Bruno Latour en disantque la nature comme la socit nexistent pas . Elles nexistent pas comme uneralit immuable qui simposerait nous ; une mre nature et une vision deltat conu comme un grand tre qui nous embrasserait tous, qui nous devonsnotre statut, le salut et la paix, et qui nous doit protection. 2

    On parlera de logique dialectique 3 comme un processus de pense complexe apte aborder une ralit complexe au sens de tiss, imbriqu, intriqu (Morin 1990,Buleon 2002).

    1.2.5 Principe dinteraction avec la contradiction comme moteur de laction

    Edgar Morin (2007) prend pour devise cette phrase issue des Penses de BlaisePascal : Toute chose tant aide et aidante, cause et causante et toute et touttant li par un lien insensible qui relie les parties les plus loignes les unes des

    1.Cela rappelle que la notion de rsilience implique lide non pas dun retour la situation initialemais plutt un nouvel quilibre (cf. prcdemment) ; dans son article, Pascal Buleon tablit un lienentre comprhension des relations espace/socit et le domaine des lois de la nature voques parStengers et Prigogine.

    2.Cette rflexion est dveloppe dans le chapitre sur le dveloppement durable autour des reprsentationsentre le social, lconomique et lenvironnement.

    3.Dialectique : mthodes de raisonnement qui consiste analyser la ralit en mettant en vidence lescontradictions de celle-ci, et chercher les dpasser.

  • 20

    1.2 La perception du risque1 Du management des risquesau dveloppement durable

    autres, je tiens pour impossible de connatre les parties si je ne connais le toutcomme de connatre le tout si je ne connais les parties . De manire plus triviale,nous donnerons ici limage du mikado, ce jeu o senchevtrent un tas de petitesbaguettes quil faut retirer une par une sans faire bouger les autres. Complexit, dulatin complexus ce qui est tiss ensemble , donne lide de comprendre commentles choses se sont tisses entre elles autrement dit de comprendre les interactionsau-del dune approche dialogique (thse/antithse), un fait et son contraire,lconomique ou le social, la qualit ou la productivit et de pouvoir intgrerplusieurs dimensions fussent-elles parfois contradictoires : qualit/cot/dlai, letout en scurit et en prservant lenvironnement. La notion de contradiction estau fondement de ltre, de la vie et de la pense , Hegel cit par Edgar Morin (2007). La contradiction est un conflit, un dpassement, ce nest pas selon le mot dHenriLefebvre labsurdit logique. On retrouve ici la mme illusion lever entrecomplexit et fouillis. La contradiction permet dordonnancer, hirarchiser, maisen mme temps de saisir le processus de transformation Buleon (2002). La contra-diction est le moteur du processus.La pense complexe nexclut pas lagir simple condition de replacer lactiondans un ensemble plus vaste qui la dpasse. De mme, pense complexe ne signifiepas connaissance complte, bien au contraire puisquelle est en soi une affirmation dune connaissance incomplte montrant quon ne peut liminer totalement lincer-titude (Morin, 1990, 2007). Elle incite au dveloppement dune stratgie deconnaissance que chacun devrait exercer comme fondement de laction.

    1.2.6 Lenjeu de la connaissance

    Toute connaissance est une rponse une question. Rien ne va de soi. Rien nestdonn. tout est construit Bachelard (1978). De la mme manire il ny aura demanagement des risques que pour les dangers que nous aurons dtects.Nous aurions pu commencer par l, car la premire question se poser en matirede gestion des risques est didentifier le danger. Cest certainement la phase la pluscruciale du processus. Car une fois identifi, on a un il dessus, ce qui permet dele mettre au dbat et dengager une gestion. Mais suivant la nature du risque et lasituation, cet engagement dans un processus de perception et de gestion est plusou moins ais. Gilles Deleuze et al. (2008) voque ce propos cette dlicate probl-matique linterface des risques de sret (risque industriel environnemental )o on sait que lon sait jusquau domaine des risques de scurit (malveillance)o bien souvent on ne sait pas que lon ne sait pas ; on peut passer par desphases intermdiaires comme on sait que lon ne sait pas et on ne sait pas quelon sait . Nous ajouterons galement une autre situation non ngligeable qui est nous ne voulons pas savoir , et ce titre nous penserons au cas de lamiante(voir en annexe).Il y a aussi nous ne voulons pas faire savoir . Nous avons rencontr rcemmentune direction entreprise fortement engage dans lamlioration de la sant/scuritau travail et qui recherchait des moyens de renforcer le respect des consignes quitait insuffisant de port des quipements de protection individuel pour la protec-tion contre des manations de solvants dans des oprations assez exposantes. Nousles interrogeons alors sur la pdagogie quils avaient dploy auprs des employs

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    en voquant (navement ?) les arguments dont on pouvait disposer aujourdhuipour convaincre de se protger sur ces questions. Ils nous rpondent alors quilsavaient recul sur cet aspect craignant davoir un mouvement de peur des salarisvis--vis du process. Il y avait eu, ce titre, deux premires dmissions de salarisayant pris peur suite aux premires informations sur les risques chimiques. Onretrouve ici un conflit dobjectifs qui vient illustrer le processus de perception desrisques (figure 1.5). Limpact de nos actions sur le monde est dsormais massif, le savoir, contrairement ce que lon avait cru depuis lavnement de la science moderne, nengendre pasexclusivement de la matrise, mais galement de la non-matrise et de limpuissance (Bourg et Schlegel, 2001).Nous quittons une re o la science peut tout rsoudre pour entrer dans unenouvelle plus incertaine. Nous prfrerons donc parfois ne pas savoir : stratgie dengation du risque de peur de bloquer laction.

    1.2.7 Le symbole et la pense magique

    m Le symbole et les relations sociales dans lentreprise

    Tout objet (ex. : drapeau), activit peut exprimer une signification pour celui ouceux qui lobservent. Il est des symboles qui dpassent les cultures et dautres quine prennent sens que dans lhistoire personnelle de lindividu. Toute culture est unensemble de systmes symboliques. Le tmoignage suivant recueilli sur le Web estlexpression de symboles lis une certaine culture (franaise ?) des relationssociales, quil peut tre dlicat de manipuler

    Le XXX est un cabinet qui forme les patrons et cadres la gestion des risques industriels . Jai eula chance dassister lun des sminaires organis rcemment par cette officine.

    Ils taient tous l, descendus de Paris pour les ingnieurs conseils ou venus de toute la rgion pourles petits cadres dynamiques. Le chef des ingnieurs conseils leur a donn le truc infaillible pourune bonne communication en cas daccident du travail.En substance, cela donnait le discours suivant : Lidal, quand vous avez un accident du travail,cest de faire parler, face aux camras, un ouvrier, un col bleu. Si vous demandez un cadre, enchemise-cravate, de venir expliquer que cest tragique mais que tout avait t mis en place au niveaude la scurit, personne ny croira. Mais si vous mettez un ouvrier, et mieux encore un SYN-DI-CA-LI-STE, qui verse une petite larme sur son camarade, mais qui dit que, bon, cest la fatalit, caril ny avait pas de problme de scurit, le comit dhygine et de scurit stant bien occup de laquestion, alors l vous devenez crdible et en plus vous vous attirez la compassion. Cette dclaration de cynisme 100 % patronal a eu lieu deux mois aprs le drame de Toulouse olon a entendu de nombreux syndicalistes XXX expliquer qu AZF il ny avait pas eu de ngligencede la part de lentreprise et rclamer la rouverture du ple chimique en arguant que toutes lesgaranties de scurit avaient t prises !

    Notre objet ici nest pas dintroduire la polmique et nous prendrons bien soin delaisser les lecteurs se faire une opinion sur ce tmoignage. Cette citation nousdonne loccasion de souligner limportance des symboles, particulirement quandils touchent la sant en marge de conflits ou doppositions sociales souventlatents. Pour mieux comprendre ces questions on pourra notamment consulterluvre de Pierre Bourdieu sur la reproduction des hirarchies sociales, o ilsouligne limportance des facteurs culturels et symboliques. Il parle notamment de violence symbolique quil dfinit comme tant la capacit faire mconnatre

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    1.2 La perception du risque1 Du management des risquesau dveloppement durable

    larbitraire de ces productions symboliques et donc les faire reconnatre commelgitimes. Christian Morel (1992) montre du doigt les discours porteurs de grandesvaleurs scandes et suivis de peu dactions. Llaboration et le partage de la connais-sance sont des processus qui ne sont pas gagns davance ; ils se heurtent auxsymboles, aux hirarchies, aux peurs. Le manque de considration, et par consquentde confiance, est un frein lefficacit des organisations par ailleurs soumises desexigences de performance importantes (qualit, scurit/sant) (Stimec et al., 2007).

    m Le symbole de puissance et de richesse gnrateur de violence

    Aujourdhui le dveloppement technico-gestionnaire offre de nouveaux outils la provocation : il lui donne la possibilit de fonctionner une tout autre chelle,non plus locale, mais globale cest--dire lchelle mme de lempire Il [leterrorisme] enrle le projectile mobile (avion), grce une organisation qui doitbeaucoup aux rseaux informationnels (tlphones, Internet) mais galement physi-ques (transport arien lui-mme), et fracasse les Twin Towers, projectile immobile(en tant que symbole de la puissance impriale), sous lclairage de la spectaculari-sation mdiatique au service dune logique de la provocation . Les propos de PascalRobert (2003) soulignent, comme nous lavons dit prcdemment, que la vulnra-bilit de nos systmes techniques peut parfois tre proportionnelle leur puissance.Ils sont, par ailleurs, porteurs de symboles et peuvent devenir objet de provocation auservice de logique terroriste (exemple des attentats de New York, Madrid et Londres)ou socio-conomique (boycott des produits franais suite au refus dengagement deltat franais en Irak, laffaire du benzne dans le Perrier, dgradation de restaurantsMc Donalds par des militants altermondialistes). Nous pouvons aussi voquerle drapage non contrl de 5 milliards deuros dun individu (et de lorganisa-tion qui lemploie) rigeant le nombre 0 en symbole de la russite au risque et prildune entreprise tout entire (affaire de la Socit Gnrale dbut 2008).

    m Lhomme magique

    Lhomme ne vit pas que de technique et de rationalit. Il vit aussi de symbole, derites, de posie, de mythes, de rves, de magie : Lhomme de la rationalit est aussicelui de laffectivit, du mythe et du dlire (demens). Lhomme du travail est aussilhomme du jeu (ludens). Lhomme empirique est aussi lhomme imaginaire (imagina-rius). Lhomme de lconomie est aussi celui de la consumation (consumans).Lhomme prosaque est aussi celui de la posie, cest--dire de la ferveur, de laparticipation, de lamour, de lextase (Edgar Morin, 2000). Le sens de notre propos ici est de savoir aussi mobiliser une symbolique positive,enthousiasmante faisant appel au jeu, limaginaire, lart, la beaut du geste. titre dexemple nous pouvons voquer la fiert symbolique que lon peut retirer detravailler la construction de lun de plus grand viaduc du monde, du TGV maisaussi dans les petits bonheurs quotidiens, les petites fierts que lon peut attendrede son travail : r-enchanter le travail (cf. chapitre 4).

    1.2.8 La relation au temps et lespace

    Le dveloppement des transports, des moyens de communication, a acclr leschanges lchelle de la plante pour aboutir ce que nous appelons commun-ment la globalisation ou la mondialisation . La prise de conscience que nos

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    1.2 La perception du risque

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    .1 Du management des risques

    au dveloppement durable

    ressources sont limites sest accentue, et aujourdhui chaque individu et particu-lirement en Occident est responsabilis face aux impacts environnementaux denos activits (cf. chapitre 3). Pascal Buleon (2002) souligne que la globalisationaccentue la multiplication des temps et des espaces1.Nous prendrons pour exemple un fabricant dappareils de chauffage implant locale-ment depuis plusieurs dcennies en province franaise. Lusine compte aujourdhuienviron 600 salaris ; malgr la dlocalisation de quelques fabrications et lexterna-lisation de la production de certains composants, elle maintient ses effectifs par uneaugmentation de sa production et un renforcement de son encadrement, notammenten conception. Son march est mondial tout comme ses concurrents ainsi que sesfournisseurs. Pour faire face, ses activits ont t reprises par un groupe europen qui elle rend compte depuis peu (rachat). Cette concurrence accrue lincite innovernon seulement technologiquement mais galement au niveau organisationnel. Lestock cote cher et il faut exporter dans de nombreux pays du monde ; le produitdoit y tre disponible trs rapidement : on nachte