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Université Abdelmalek Essaadi Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales- Tanger Droit et relations internationales (Semestre 1 et 2) Dr. LATMANI Saida Année Universitaire 2015-2016

Manuel Droit et Relations Internationales copiefsjest.uae.ac.ma/fsjest/cours/Manuel Droit et... · D’où les nombreuses controverses observées autour du point de départ de l’évolution

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UniversitéAbdelmalekEssaadiFacultédesSciencesJuridiques,EconomiquesetSociales-Tanger

Droitetrelationsinternationales

(Semestre1et2)

Dr.LATMANISaida

AnnéeUniversitaire2015-2016

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SOMMAIRE INTRODUCTION Générale ....................................................................................................... 3

Partie I- Les Relations Internationales ........................................................................................ 4

Introduction de la première partie ............................................................................................... 4

CHAPITRE I- L’HISTOIRE DES RELATIONS INTERNATIONALES ................................ 7

CHAPITRE II- LES ACTEURS DES RELATIONS INTERNATIONALES ......................... 18

CHAPITRE III- LES THEORIES DES RELATIONS INTERNATIONALES ..................... 28

CHAPITRE IV : LA VIE INTERNATIONALE ...................................................................... 35

Conclusion de la première partie .............................................................................................. 47

Partie II- Le Droit International Public ..................................................................................... 48

Introduction de la Seconde partie ............................................................................................. 48

Chapitre préliminaire : .............................................................................................................. 50

CHAPITRE I- LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC ............................ 56

CHAPITRE II- LES SUJETS DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC ............................ 101

CHAPITRE III- L’APPLICATION DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC ................... 109

Conclusion de la seconde partie .............................................................................................. 126

Bibliographie ........................................................................................................................... 129

Table des matières ................................................................................................................... 132

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INTRODUCTION Générale

Le Présent ouvrage « droit et relations internationales » se veut un manuel de cours

destiné aux étudiants en Licence de droit. Nous avons voulu dans un seul volume compilé les

enseignements essentiels de deux matières qui sont le Droit International et les Relations

Internationales. Car il s’agit de deux matières indissociables dont la bonne compréhension de

l’un exige une bonne connaissance de l’autre. La première partie est consacrée aux Relations

Internationales et la Seconde partie au Droit International.

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Partie I- Les Relations Internationales

Introduction de la première partie

L’étude des Relations Internationales1 se situe à la croisée de plusieurs disciplines et

nécessite des connaissances fort variées. L’histoire contemporaine et la géographie restent des

matières essentielles sans lesquelles, tout développement, risque de manquer de repères. Des

notions d’économie, de géopolitique, de droit international sont ensuite fort utiles pour

comprendre les processus observables dans le monde comme la mondialisation, le statut et

rôle des ONG, les interventions militaires, processus de paix, pour n’en citer que ceux-ci.2

Il reste que l’apport le plus important est probablement celui de la science politique en ce

qu’elle est fondamentale dans l’analyse des enjeux, et objectifs sous-jacents et inavoués de la

guerre, de la paix, de l’intégration régionale etc.… Cependant, cet important apport de la

science politique a longtemps retardé l’affirmation des Relations Internationales en tant que

discipline autonome.

Véritable matière transversale, les Relations internationales comme discipline

universitaire à part entière datent de l’après première Guerre plus précisément en 1919 en

Grande-Bretagne 3 . Cette affirmation tardive dans le monde des sciences a vite posé le

problème de la légitimité des relations internationales comme discipline scientifique. En

effet, toute science sociale, et d’ailleurs toute science, se définit d’abord par un domaine

délimité (objet) et une démarche scientifique reconnue (méthode), autrement dit- par

l’existence d’un degré d’entente relativement élevé « sur quoi étudier ? », consensus

ontologique – et « comment l’étudier ? », accord épistémologique4.

1 L’expression « relations internationales » désigne à la fois l’objet d’étude que sont les relations entre nations et la discipline qui étudie ces relations. Nous utiliserons conformément à l’usage, « Relations Internationales » en majuscules lorsqu’il est question de la discipline et « relations internationales » en minuscules lorsqu’il s’agit de l’objet. 2 Amélie BLOM et Fréderic CHARILLON, Théories et concepts des relations internationales, Hachette supérieure, Paris, Décembre 2012, P.7 3 C’est le mécène David Davies qui créa la première chaire de « politique internationale » à l’University College of Wales à Aberystwyth avec des départements d’études, centres de recherches, associations professionnelles et des publications spécialisées. 4 Une science existe aussi si, et tant que, ceux qui la pratiquent sont d’accord pour dire qu’elle existe et la faire vivre. Voir, Dario BATTISTELLA, Théories des relations internationales, Presses de Sciences Po, Paris, 2012, P.14

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Pour ce qui est de la délimitation de l’objet d’études des Relations Internationales,

l’adjectif « international » a lui seul a posé des problèmes redoutables dont l’un d’eux étaient

les dénominations multiples auxquelles se référaient les internationales pour désigner leur

discipline à l’instar des Relations Internationales, études internationales, affaires

internationales, politique internationale, politique mondiale, politique globale et bien d’autres

encore …

En ce qui concerne, les méthodes, la nature transversale des Relations Internationales

impose non pas une, mais plusieurs démarches scientifiques, impliquant ainsi des niveaux

d’analyse différents (micro ou macro).

Si ce débat scientifique a longtemps divisé les internationalistes, il reste cependant

qu’ils se sont tous accordés à reconnaitre que les relations internationales ont connu une

véritable consécration avec la naissance des Etats comme forme privilégiée d’organisation

politique des sociétés caractérisées par les deux principes de la souveraineté : souveraineté

externe (aucun Etat ne reconnait d’autorité au-dessus de lui et tout Etat reconnait tout autre

Etat comme son égal) et la souveraineté interne (Tout Etat dispose de l’autorité exclusive sur

son territoire et la population qui s’y trouve). Ce sont les traités de Westphalie de 1648 qui

posa l'Etat comme unité de base des relations internationales en ce sens que celles-ci sont

désormais perçues comme des relations horizontales régulières entre des groupes sociaux

basés territorialement et délimités politiquement les uns et par rapport aux autres5.

Intimement lié à l’Etat, les RI sont donc définis par rapport à ce dernier, car l’expression

signifie littéralement « relations entre les nations ». Il s’agit principalement des Etats

indépendants et souverains.

C’est du reste la définition donnée par Michel VIRALLY, pour qui les relations

internationales sont des « relations qui échappent à la domination d’un pouvoir politique

supérieur interne 6». Marcel Merle quant à lui évoque les relations internationales comme

étant « les rapports sociaux de toute nature qui traversent les frontières, échappant à l’emprise

d’un pouvoir étatique unique ou auxquels participent des acteurs qui se rattachent à des

sociétés étatiques différentes 7».

5 Dario BATTISTELLA, Op cit, P. 23 6 Michel VIRALLY., Relations internationales et science politique, Ed. PUF, Paris, 1959, P.9 7 Marcel MERLE., La vie internationale, Ed. PUF. Paris, 1977, P.30

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Philippe BRAILLARD et Mohammad REZA s’inscrivent également dans la même logique

quand ils considèrent les relations internationale comme « un ensemble de liens, de rapports et

de contacts qui s’établissent entre les Etats et relèvent de la politique étrangère de ces

derniers8 »

Toutes ces définitions sus évoquées, abordent les relations internationales dans un sens

purement ontologique et classique, voire stato-centré en ne reconnaissant uniquement que

comme seuls acteurs les Etats. S’il est certes vrai que les Etats sont les acteurs

incontournables et majeurs des relations internationales, il demeure néanmoins que les

mutations du système monde accordent désormais une place importante aux autres acteurs des

relations internationales que sont les organisations non gouvernementales, les multinationales

etc...

Désormais, cette pluralité d’acteurs se justifie par l’évolution de la discipline des

Relations Internationales depuis sa création et la complexification des relations

internationales. C’est pourquoi, nous adoptons une définition plus juste et réaliste des

relations internationales donnée par Dario BATTISTTELLA. Pour lui en effet, « les relations

internationales désignent l’ensemble des relations qui se déroulent au-delà de l’espace

contrôlé par les Etats pris individuellement, quel que soit l’acteur-étatique ou non-concerné

par les relations et quelle que soit la nature-politique ou autre-de ces relations9 ». Il y’a donc

fondamentalement dans cette définition une volonté manifeste de rendre compte de la réalité

des relations internationales avec l’ensemble des acteurs, quel que soit leur statut, entretenant

des rapports d’ordre divers dans la sphère internationale.

Ainsi, l’étude des relations internationales pose un ensemble de questionnements dont les

plus importants sont : Quelles idées peut-on se faire de l’histoire des relations

internationales ? Quels liens peut-ont établir entre les relations internationales et le droit

international ? Quels sont les acteurs des relations internationales ? Comment se présente la

vie internationale et quels en sont les outils nécessaires permettant de comprendre les actions

et volontés de ces acteurs ?

Ce sont ces questions que se proposent d’étudier en détail les chapitres qui vont suivre en

rappelant les interactions et interrelations entre le droit et les relations internationales

8 Phillipe BRAILLARD et MOHAMMAD-REZA Djalili, Les relations internationales, Presses Universitaires de France, Paris, 1988, P.5 9 Dario BASTITTELLA, Théories des relations internationales, op cit, P.27

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(Chapitre 2), ensuite en présentant les acteurs des relations internationales (Chapitre 3) , pour

la suite spécifier les grandes théories générales des relations internationales qui cherchent à

partir d’une vision globale, à éclairer les relations internationales dans leur ensemble

(Chapitre 4) , pour mieux cerner enfin les caractéristiques de la vie internationale (chapitre 5).

Il importe avant tout de jeter un regard sur l’histoire des relations internationales (Chapitre 1).

Le présent cours a un objectif purement pédagogique au sens universitaire du terme, il n’a

pas la prétention de rendre compte de l’évolution des relations dans leur globalité, et leur

aspect général, il est fortement demandé aux étudiants de compléter le cours par les lectures et

des recherches bibliographiques complémentaires, mais aussi et surtout par la lecture de la

presse internationale.

CHAPITRE I- L’HISTOIRE DES RELATIONS INTERNATIONALES

Lorsqu’on se propose de décrire l’histoire des relations internationales, il faut nécessairement

définir le cadre temporel dans lequel on compte s’inscrire, c’est-à-dire définir et fixer un point

de départ et une période terminale.

Pour cette dernière, il ne semble pas avoir de difficultés particulières, il suffit pour cela de

se référer à l’actualité la plus récente en la matière. Par contre, il semble beaucoup plus

difficile de choisir la période à laquelle, on entend faire commencer l’étude des relations

internationales.

En effet, décrire l’histoire des relations internationales suppose naturellement l’existence

de telles relations, même sous une forme rudimentaire. Il faut, dès lors, qu’il existe une

communauté suffisamment vaste et complexe pour qu’elle soit différenciée en une pluralité de

groupes humains à la fois distincts les uns des autres et entretenant parfois des relations

pacifiques, temporairement au moins.10

La conjugaison de ces deux conditions notamment des communautés particulières

distinctes au sein d’une communauté humaine plus large ne se trouve pas toujours réalisée.

D’où les nombreuses controverses observées autour du point de départ de l’évolution des

relations internationales, donc de l’histoire des relations internationales.

10 Claude Albert COLLIARD, Institutions des relations internationales, sixième édition, Dalloz, 1974, P.19

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Conformément à la définition, que nous avons retenue pour elles (relations

internationales)11, l’histoire des relations internationales reste donc intimement liée à l’histoire

des Etats., Or, l’Etat en tant que phénomène historique, juridique, sociologique et politique

pris en compte par le droit12 n’est apparu que très récemment avec la naissance de l’Etat

moderne, plus précisément les traités de Westphalie en 1648.

Cela ne voudrait pas pourtant dire, qu’il n’existait pas de relations internationales au sens

large du terme avant cette période. Car, la pensée politique internationale est « aussi ancienne

que l’existence des communautés politiques indépendantes 13». C’est pourquoi de nombreux

internationales, estiment que l’origine des relations internationales est aussi à rechercher dans

les premières formes d’organisation politiques à l’instar de la Grèce antique. Thucydide, par

exemple dans œuvre majeure, la Guerre de Péloponnèse esquisse les premières générations

susceptibles de constituer les prémices des relations internationales. Certains auteurs

découvrent volontiers dans l’antiquité des traces de relations internationales notamment des

traités de vassalité ; de protectorat ; d’alliance dans les rapports entre peuples de l’Orient.

A contrario, cette idée de l’Antiquité comme point de départ des relations internationales,

n’est pas partagée par tous les internationalistes, certains préfèrent limiter l’origine des

relations internationales à la naissance de l’Etat moderne. Pour eux, en effet, les formes

d’organisation politique qui prévalaient à l’époque antique étaient dépourvues de

souveraineté.

Martin WIGHT par exemple évoque deux raisons principales expliquant cette situation.

D’une part , l’Etat moderne en se formant comme unité politique souveraine et exclusive, a

accaparé l’expérience et l’activité politique des individus , qui plus est représenté sur la scène

internationale par l’intermédiaire de leur seul Etat d’appartenance ; d’autre part, alors que les

politiques intérieures ont évolué vers davantage de liberté, de démocratie et de cohésion

sociale, la société internationale, par contre n’a pas connu d’évolution majeure, elle est restée

par excellence « le domaine de la récurrence et de la répétition »14.

C’est ainsi donc que l’ordre de Westphalie est un repère historique et incontournable

pour de nombreux historiens et politologues qui s’accordent à reconnaitre que l’État territorial

11 Voir introduction du présent cours 12 Saida LATMANI, Espaces terrestres et maritimes en droit international, Editions Marocaines et Internationales, Tanger, 2008, P.4 13 Dario BASTITETTELA, op cit, P.27 14 Martin WIGHT, cité par Dario BATISTTELLA, op cit, P. 52

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est une forme politique, humaine et spatiale, propre à une période historique. Il prendrait

racines à la fin du Haut Moyen Âge, pour s’émanciper à la fin du XVIIe siècle, et devenir

jusqu’à nos jours, la structure indépassable et universelle que l’on connaît15

C’est en tenant compte de ces considérations que nous allons dans le cadre de cette

étude consacrée l’histoire des relations internationales sous l’angle originel des traités de

Westphalie (section I), nous permettant ainsi de comprendre l’institutionnalisation des

relations des relations internationales (Section II), pris dans l’étau des rivalités Est-Ouest et

Nord-Sud (Section III), nécessaire pour l’appréhension des relations internationales

contemporaines (Section IV).

Section 1 : Les relations internationales et le traité de Westphalie (1648-1815)

D’emblée, faut-il souligner que la naissance des relations internationales est largement

inspirée des civilisations occidentales notamment l’Europe. C’est tout naturellement que cette

histoire des relations soit imprégnée du contexte historique d’antan, lequel était une histoire

de guerres et de paix.

En effet, avant le traité de Westphalie, le contexte historique de l’Europe était marqué par

des conflits aussi bien religieux que politiques. Religieux dans le sens ou les papes guides

suprêmes de la chrétienté, avaient le pouvoir de lier et délier dans le ciel et sur la terre. Les

papes ne cessèrent ainsi d’affirmer leur suprématie spirituelle, à l’égard de tous les princes,

même des empereurs. Politique dans le sens, ou l’intégration des papes et les dignitaires

ecclésiastiques, créaient des conflits entre les papes et les souverains purement temporels.

C’est ce que les historiens ont qualifié de « lutte des deux glaives », cette opposition

violente qui a opposé le Pape et l’Empereur. Un peu plus tard, cette guerre féodale s’est mue

en guerres entre les catholiques et les protestants, appelée aussi guerre de Trente ans (1618-

1648) a longtemps à dominé le Moyen-âge.

En vue de mettre fin à ces conflits violents, qu’émergea les traités de Westphalie. Le

24 octobre 1648, les traités de Münster et d’Osnabrück mettent fin à la fameuse Guerre de

Trente ans. Longuement préparée, cette paix dite de Westphalie inaugure une nouvelle ère,

celle de l’équilibre des puissances ; désormais les rapports entre les puissances européennes se

feront sur la répudiation de l’impérialisme et l’adoption du principe de l’équilibre.

15 Gérard DUSSOUY, Traité des relations internationales, Tome II, les théories de l’interétatique, Paris, Editions L’Harmattan, 2008, P.14

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Dès lors, comment comprendre l’apport des traités de Westphalie dans l’émergence des

relations internationales ?

Il faut dire que le principal apport de ces traités est sans conteste l’émergence des Etats-

Nations et avec eux une véritable consécration du principe de la souveraineté.

Les traités de Westphalie ont contribué au morcellement de l’Europe en plus Etats

indépendants. L’Allemagne par exemple, n’était plus qu’une entité géographique formée de

plus de 350 Etats qui recevaient « le libre exercice de la supériorité ecclésiastique que dans les

politiques ».

La souveraineté nationale a donc connu avec les traités de Westphalie une consécration

inédite dans l’histoire des relations internationales. C’est avec les auteurs tels Jean BODIN et

Hugo GROTUIS pour n’en citer que ceux-là.

La souveraineté telle que définie par Jean Bodin16, renvoie « à la puissance perpétuelle

et absolue d’une République 17», autrement dit, la souveraineté est la qualité d’un Etat qui ne

reconnait aucune autorité au-dessus de lui (souveraineté externe) et qui dispose de l’autorité

exclusive sur son territoire et la population qui s’y trouve et aucun Etat ne s’immisce dans les

affaires internes d’un autre Etat (souveraineté interne). La souveraineté est donc comme le

définissait Jelinek, « la compétence des compétences », car la souveraineté est un pouvoir

originaire, suprême et inconditionné. Originaire en ce qu’il ne dépend d’aucun autre pouvoir

qui l’aurait institué et qui lui serait antérieur, suprême parce que l’Etat n’est soumis à aucune

autorité tant sur le plan interne que sur le plan international et enfin inconditionné dans la

mesure où il dispose seul du pouvoir de commande et de se faire obéir et détient le monopole

de la contrainte ce que Max Weber appelle le monopole de la violence légitime.

Ainsi, donc la notion de souveraineté caractérisée par son exclusivité se matérialise par

deux principes que sont :

- La non-immixtion dans les affaires intérieures de la part des Etats étrangers

- L’interdiction des actes de contrainte de la part des Etats étrangers

Cette période consacra l’apparition embryonnaire d’un droit diplomatique et consulaire, mais

aussi l’avènement du premier ordre mondial avec l’organisation des rapports de force entre les

Etats.

16 Jean Bodin, fut le premier à en faire de la souveraineté un critère essentiel du droit international dans son ouvrage de référence, Les six livres de le République. 17 Jean Bodin, Les six livres de la République (1576), Paris, Fayard-Corpus, 1986, Livre I, P.179

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Le plus grand mérite de l’ordre westphalien réside sans conteste en la primauté, qu’elle

accorde à la notion de souveraineté comme critère fondamental des relations mais aussi la

politique d’équilibre qu’il instaure, une idée que l’on retrouve que l’on retrouve au cœur de la

tentative d’institutionnalisation des relations internationales (Section II).

Section 2: Tentative d’institutionnalisation des relations internationales (1919-1945)

Suite à la Première Guerre Mondiale, l’idée d’institutionnaliser les relations

internationales s’imposaient comme une nécessité fondamentale afin de garantir l’équilibre

des puissances et la paix dans le monde. Elle fut l’œuvre du président Wilson, lequel proposa

la création d’une institution à vocation mondiale devant remplir les missions précitées.

C’est ainsi donc que naquit la Société des Nations (SDN), laquelle incarnait le vœu

pieux des combattants de la première guerre de maintenir la paix entre ses membres, sur

la base du statu quo politique et territorial. Regroupant plusieurs Etats (puissances

victorieuses, Etats neutres et les Etats vaincus durant la grande guerre), la SDN

s’efforça d’organiser sur une base juridique et rationnelle les relations internationales.

Mais cet effort d’organisation des relations internationales, ne s’est pas fait sans

imperfections. En effet, intrinsèquement liée au contexte historique de l’époque dominé

par les puissances victorieuses, la SDN se heurta rapidement aux problèmes de

désarmement, et l’éternel problématique de la guerre.

En ayant mis « la guerre hors-la loi », par le pacte Briand-Kellog de 1928, et

l’interdiction du recours à la force imposé par les articles 8 et 9 dudit pacte, la SDN n’a

pas su enrayer la dynamique conflictuelle. On en témoigne notamment le conflit sino-

japonais en 1931, le conflit italo-éthiopien en 1935, mais l’exemple le plus patent est

sans conteste la seconde guerre mondiale de 1939 à 1945.

La seconde guerre mondiale est la preuve évidente des échecs et de l’impuissance

de la SDN dans sa tache de maintien de la paix internationale dans l’ordre et la justice.

Suite aux affres de la seconde de la guerre mondiale, l’institutionnalisation des

relations internationales connut un essor considérable avec la création de l’Organisation

des Nations Unies (ONU), en 1945 en remplacement de la SDN.

La naissance de l’ONU coïncida ainsi avec une forte institutionnalisation des relations

internationales et du droit international à telle enseigne que l’on observa d’une part

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l’émergence des nouveaux principes devant régir la société internationale à l’image de

l’égalité souveraine des Etats, le principe de non ingérence, la coopération ou encore par

la consécration juridique de l’interdiction du recours à la force armée dans les relations

internationales18 et d’autre part ,la création de nombreuses institutions internationales

que l’on nomme aujourd’hui, les institutions spécialisées des Nations Unies , dont les

objectifs n’étaient d’autre que de favoriser la paix et la coopération, lesquelles

demeurent la mission fondamentale de l’organisme onusien19.

Cette période marqua dès lors le passage des relations internationales de la formule dite

« relationnelle à celle qualifiée d’institutionnelle 20». Un passage qui connaitra une sorte

de léthargie, pris dans l’étau des rivalités Ouest-Est et Nord-Sud (Section III)

Section 3 : Les relations internationales pris dans l’étau des rivalités Ouest-Est (1947-1991)

Il s’agit essentiellement dans la présente section de présenter la situation des relations

internationales au cours de la période allant de 1947 à celle de 1991 correspondant dans

l’histoire à la guerre froide. Il ne s’agit donc pas de faire une étude systématique sur les

conflits ayant marqué cette période, mais il est plutôt question de comprendre la place et le

rôle que ces différents aspects ont joué dans la structuration des relations internationales

d’antan.

Forgé en 1945 par l’écrivain anglais Georges Orwell21, le terme « guerre froide » désigne

la période de tensions et de confrontations idéologiques et politiques entre les États-Unis

(USA) et l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (l'URSS). Il ne s’agit pas d’une

guerre au sens traditionnel du terme en ce sens qu’il est question d’une confrontation qui

proscrit l’affrontement armé direct entre les deux géants que sont les USA et l’URSS.

18 Ces principes ont été consacrés et proclamés dans la Charte des Nations Unies laquelle devint un document de référence en matière de droit international et des relations internationales. Pour plus d’informations, consulter, http://www.un.org/fr/documents/charter/index.shtml 19 Les institutions auxquelles la présente section fait allusion seront abordées profondément dans le chapitre consacré aux acteurs des relations internationales. 20 Claude Albert COLLIARD, op cit P.4 21 Georges ORWELL, « You and the atomic bombs », first published, Tribune. — GB, London. — October 19, 1945.

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De nature, politique, idéologique, la guerre froide prit de formes diverses allant de

l’espionnage aux actions sécrètes, en passant par la propagande, jusqu’à la compétition

technologique, voire des conflits ouverts et délocalisés comme ceux de la guerre de Corée

(1950-1953), la guerre d’Indochine (19), celle du Vietnam etc…

Ce qui caractérisait le plus, cette guerre froide est la division du monde en deux blocs,

l’un nommé bloc de l’Ouest dominé par les USA et leurs alliés prônant la démocratie libérale

et l’autre bloc qualifié d’Est, dominé par l’URSS et leurs alliés préconisant une démocratie

populaire. Chaque bloc attirait dans sa sphère d'influence les États moins puissants. Bien que

ce phénomène affectait surtout l'Europe, enjeu principal, il se répercutait également sur le

processus de décolonisation puis sur les affrontements régionaux qui se développait dans

le tiers-monde (Voir carte ci-dessous)

Source : Questions internationales, n°11

La lecture des relations internationales devait donc se concevoir selon la logique bipolaire,

les autres pays devaient impérativement choisir un camp.

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C’est ainsi par exemple que le blocus de Berlin devint le symbole de la division de

l’Europe, puisqu’en 1949 les occidentaux fondèrent la République Fédérale d’Allemagne

(RFA), et les Soviétiques fondèrent la République Démocratique d’Allemagne (RDA). En

1949, l’Asie devint aussi un champ d’affrontement des deux grands. On témoigne la guerre de

Corée, la guerre d’Indochine.

Cette bipolarisation du monde continua également dans le domaine militaire avec la

création par le bloc de l’Ouest de l’OTAN (Organisation du Traité Atlantique Nord) en 1949

et le bloc ne fut pas en reste avec le Pacte de Varsovie en 1955. Ainsi, la guerre froide devint

une course aux armements entre les deux grands au terme de laquelle l’équilibre de la terreur

fut la caractéristique principale des relations internationales de cette époque.

Cette course aux armements connut toutefois une certaine accalmie avec la détente en 1962,

correspondant à une phase d’amélioration des relations entre les deux blocs. Cependant,

l’affrontement idéologique et la recherche des nouveaux alliés étaient toujours de mise.

Ce qui sonna le glas de cette guerre froide est sans conteste l’effondrement la disparition

de l’URSS en 1991, plongea ainsi le monde dans une aire d’unipolarisation dominée par la

superpuissance étasunienne et leurs alliés, encore appelé le nouvel ordre mondial. (Section

IV)

Section 4: Les relations internationales de 1991 à nos jours

L’effondrement de l’URSS a marqué un tournant considérable dans l’histoire des

relations internationales, à telle enseigne que Jean Baptiste DUROSELLE 22 parle d’un

tremblement de terre et s’interroge : est-ce la fin du XXe siècle ?

La pertinence de l’interrogation va de pair avec l’effondrement brutal de l’empire

soviétique. Il n’a pas vraiment été prévu, ni par les ennemis du camp socialiste, ni moins

encore par ses soutiens. Sans doute des experts, avaient-ils entrevus l’éclatement de

l’empire, mais l’on se gardait de penser que l’affaiblissement de l’influence soviétique

pouvait être passager, certainement pas fatal.

Avec la disparition de l’URSS, les rivalités Ouest-Est ont pris fin, et le monde

s’est orienté vers une sorte de reconstruction des politiques (redéfinition de la carte du 22 Jean Baptiste DUROSELLE et André KASPI, Histoire des relations internationales : de 1945 à nos jours, Tome 2, Armand Colin, 12ième édition mise à jour, Paris, 2001, P.407

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monde et de la politique internationale) incarnée par l’unipolarité dont les Etats-Unis en

sont les fervents partisans.

En effet, la disparition du grand rival de l’Est pouvait être célébrée comme une

victoire du camp opposé par l’ancien président Bush (père) dans une allocution au

congrès américain le 11 mars 1991. Dans un style prophétique mêlée d’euphorie, il

pouvait dès lors affirmer : « il est clair qu’aucun dictateur ne peut plus compter sur

l’affrontement Est-Ouest pour bloquer l’action de l’ONU contre toute agression. Un

nouveau partenariat des nations a vu le jour. Nous nous trouvons aujourd’hui à un

moment exceptionnel et extraordinaire. La crise dans le golfe Persique, malgré sa

gravité, offre une occasion rare pour s’orienter vers une période historique de

coopération. De cette période difficile, (…), un nouvel ordre mondial, peut voir le jour :

une nouvelle ère, moins menacée par la terreur, plus forte dans la recherche de la

justice et plus sûre dans la quête de la paix. Une ère où tous les pays du monde, qu’ils

soient à l’est ou à l’ouest, au nord ou au sud, peuvent prospérer et vivre en harmonie.

Une centaine de générations ont cherché cette voie insaisissable qui mène à la paix,

tandis qu’un millier de guerres ont fait rage à travers l’histoire de l’homme.

Aujourd’hui ce nouveau monde cherche à naître. Un monde tout à fait différent de celui

que nous avons connu. Un monde où la primauté du droit remplace la loi de la jungle.

Un monde où les États reconnaissent la responsabilité commune de grandir la liberté et

la justice. Un monde où les forts respectent les droits des plus faibles […]. ».

Les Etats-Unis d’Amérique entendaient ainsi jouer exclusivement les premiers

rôles sur la scène internationale (à défaut de voir d’autres centres de décisions

apparaitre), par la revendication de leur rang de « moteur de la construction »23 et de la

diffusion des valeurs démocratiques à l’échelle universelle, à travers la diffusion d’un

message de paix. Ils affirmaient ainsi, implicitement et par la voix du président Bush

d’alors, que la guerre avait jusque-là été le fait d’un déficit de démocratie et de liberté.

La démocratie et plus généralement, le libéralisme devinrent le référentiel

incontournable des relations internationales, en ce sens que l’on remarque une sorte

23 Stéphane Monney MOUANDJO, Les institutions internationales, les pays du Sud et la démocratie, le journal de Tanger, Tanger (Maroc), P.33

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d’uniformisation autour de ces valeurs et principes, ils apparaissent dès lors comme les

seules solutions pour l’avenir des sociétés modernes24.

Cependant, la pax americana (paix américaine) tant souhaitée et prônée n’a pas connu

le succès escompté, bien au contraire, des foyers de tensions et de nombreux conflits

apparaissaient toujours nombreux. Ce constat corroborera ainsi les incertitudes de

Raymond ARON lorsqu’il concluait sa magistrale étude sur Paix et Guerres entre les

nations en ces termes, « l’âge des guerres s’achèvera-t-il en une orgie de violence ou en

un apaisement progressif ? 25».

S’il est vrai que l’après-guerre froide a réduit le risque de guerre entre Etats, il

semble qu’elle n’est pas apportée la paix universelle tant souhaitée et prônée. On en

témoigne notamment les instabilités, les conflits intra-étatiques observés de part et

d’autre (conflits politiques en Afrique etc..), fragilisant ainsi l’influence de

l’hyperpuissance américaine.

Une hyperpuissance américaine qui de nos jours semble sujette à dispute. D’une

part, l’après 11 septembre 2001, l’unilatéralisme américain (leur guerre contre le

terrorisme) souvent en porte-à-faux avec les dispositions internationales, provoqua le

courroux de nombreux Etats. L’unilatéralisme américain peut se traduire à travers la

carte suivante :

Le monde vu par les Etats Unis

24 Pour plus d’informations, voir le livre de Francis FUKUYAMA, La fin de l’histoire et le dernier homme, Champs Flammarion, Paris, 1992, 451p 25 Dario BASTITTELLA, Paix et guerres au XXIe, éditions sciences humaines, Paris, P.2

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D’autre part, il est question de l’émergence d’autres puissances sur la scène

internationale à l’image de la Chine, la Russie, l’Allemagne, avec les lesquels les Etats-

Unis doivent désormais compter. C’est tout le sens du discours prononcé par Vladimir

POUTINE lors de la conférence de Munich sur la sécurité en 2007. Il plaida pour une

gouvernance mondiale en ces termes : « Qu’est-ce qu’un monde unipolaire ? Malgré

toutes les tentatives pour embellir ce terme, il ne signifie en pratique qu’une seule

chose : c’est un seul centre de pouvoir (…). Bien entendu, cela n’a rien à voir avec la

démocratie, car la démocratie, c’est, comme on le sait, le pouvoir de la majorité qui

prend en considération les intérêts et les opinions de la minorité. (…) Cependant, tout

ce qui se produit actuellement dans le monde (…) est la conséquence des tentatives pour

implanter cette conception dans les affaires mondiales : la conception du monde

unipolaire. Quel en est le résultat ? Les actions unilatérales, souvent illégitimes, n’ont

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réglé aucun problème. Bien plus, elles ont entraîné de nouvelles tragédies humaines et

de nouveaux foyers de tension. (…) ».

L’histoire des relations internationales telle que revisité à travers ce chapitre, reste

une histoire parsemée de conflits et à la paix. L’élimination de la guerre sous toutes ces

formes dans le domaine des relations internationales, est l’une des missions

fondamentales assignées au droit international public. (Chapitre II)

CHAPITRE II- LES ACTEURS DES RELATIONS INTERNATIONALES

Les relations internationales renferment un ensemble d’acteurs allant des entités publiques

que sont les Etats et les organisations internationales (Section 1) et les entités non-étatiques

que sont les acteurs transnationaux, les organisations non gouvernementales (ONG) et les

acteurs religieux (Section 2)

Section 1 : Les entités publiques

Sont regroupées sous le vocable « entité publiques », les Etats, les organisations

internationales et les institutions internationales.

Sous-section 1 : Les Etats

En se référant à la définition littérale des relations internationales, il apparait

indubitablement que les Etats sont les acteurs principaux des relations internationales. L’Etat

est avant tout un phénomène historique, politique et juridique. Il désigne donc l’établissement

et la vie sur un territoire déterminé d’un groupe humains soumis à un pouvoir politique. C’est

donc comme l’affirmait Carré de Malberg : « l’Etat est une communauté d’hommes, fixée sur

un territoire propre et possédant une organisation d’où résulte pour le groupe envisagé dans

des rapports avec ses membres une puissance suprême d’action, de commandement et de

coercition26 ». Il y’a donc fondamentalement dans cette définition de Malberg, les éléments

constitutifs de l’Etat sur le plan international notamment le territoire, la population et la

souveraineté.

26Carré de Malberg, cité par Malika NAIMI, Droit constitutionnel et Grands systèmes politiques, 2ième édition, Tanger, 2007,P.13

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Il n’est nécessaire de souligner que l’Etat ne peut exister sur le plan international que si les

trois éléments cités plus haut sont réunis.

- Le territoire

Le territoire apparait comme l’élément fondamental de l’Etat. Il constitue le cadre

spatial dans lequel est établie la collectivité humaine étatique. Donc l’Etat se caractérise par le

fait que groupe humain sur lequel s’exerce l’autorité politique est implantée sur un territoire.

C’est par le territoire que les Etats ont bâti leur unité politique27. Dès lors, le territoire de

l’Etat comprend à la fois un élément terrestre, des prolongements maritimes et l’espace aérien

situé au-dessus de lui défini par les frontières terrestres, celles dites maritimes et les autres

qualifiées de ariennes.

Le territoire terrestre est défini par des frontières stables qui séparent deux pays. C’est

la limite au-delà de laquelle la compétence de l’Etat ne peut plus s’exercer valablement. Selon

leur nature, on oppose les frontières naturelles (montagnes, fleuves, océans etc…) aux

frontières artificielles nées soit d’une convention, ou soit d’une juridiction internationale. Une

fois délimitée, les frontières font l’objet d’une opération de démarcation au moyen des cartes.

Le territoire maritime quant à lui renvoie à plusieurs espaces sur lequel la souveraineté

de l’Etat diminue au fur et à mesure que l’on s’approche du large. On distingue plusieurs

espaces en se référant aux lignes de base28 :

- Les eaux intérieures et la mer territoriale correspondant à 12 milles marins (règle dite

de la portée des canons). Dans cette zone, l’Etat dispose de la souveraineté pleine et

entière et doit conformément aux pratiques internationales accordées un droit de

passage inoffensif aux navires étrangers.

- La zone contigüe large de 24000 milles constituant le prolongement de lamer

territoriale est une zone dans laquelle l’Etat n’exerçant les compétences exclusives de

sa souveraineté, en garde un regard sur certains aspects de sa législation liés aux

questions douanières, fiscales et sanitaires.

- La zone économique exclusive large de 200milles est une zone dans laquelle les Etats

n’ont plus que les droits souverains d’exploration et exploitation des ressources

naturelles.

27 Philipe CHRESTIA, le principe d’intégrité territoriale : d’un pouvoir discrétionnaire à une compétence liée, Paris, l’harmattan, 2002, P.1-12 28 Ces lignes sont définies par la convention de Montego Bay sur le droit de la mer de 1986.

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Les frontières aériennes enfin, renferment la couche atmosphérique surmontant le territoire

terrestre et maritime. L’Etat peut notamment en réglementer le survol.

Si les composantes du territoire ont été évoquées, il reste la question fondamentale de

l’acquisition du territoire. Dès lors, quels sont les modes d’acquisitions du territoire ?

Il convient de faire la différence entre l’acquisition d’un territoire non encore approprié et

l’acquisition d’un territoire déjà approprié.

L’acquisition des territoires non appropriés

La doctrine traditionnelle distingue les territoires étatiques des territoires sans maitres, ces

derniers étant définis comme non incorporés dans un Etat. Tout territoire appartient à l’une ou

l’autre catégorie.

• Les divers systèmes d’acquisitions des territoires sans maitre

Cette conception européocentriste a été clairement écartée par la CIJ dans son avis

consultatif du 16 octobre 1975. Appelé à répondre à la question suivante : « le Sahara

occidental était-il au moment de la colonisation par l’Espagne, un territoire sans maitre (res

nullius) ? »

La Cour a rejeté l’assimilation automatique d’un « territoire sans maitre » à « un territoire

non étatique ». Quelles qu’aient pu être les divergences d’opinions entre juristes, il ressort de

la pratique étatique de la période considérée que les territoires habités, même par des

nomades, ne peut être res nulluis.

En fait, seuls des territoires inhabités peuvent être des territoires sans maitre. Toute

occupation humaine d’un territoire suppose un minimum d’organisation sociale : un territoire

habité, même par des nomades, ne peut être res nulluis. Il reste que si une collectivité humaine

n’a pas réussi à s’organiser selon les formes étatiques, le régime d’acquisition du territoire

qu’elle occupe sera équivalent à celui d’un territoire sans maitre.

Ces considérations peuvent sembler n’avoir plus aujourd’hui qu’un intérêt historique.

Dans le monde « fini » qui est le nôtre, toute acquisition de territoires par un Etat se fait

nécessairement au détriment d’un autre Etat. Elle constitue par nature une atteinte à l’intégrité

territoriale d’un Etat souverain, or, conséquence du principe de l’interdiction du recours à a

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force dans les relations internationales. Le procédé normal d’acquisition est donc le procédé

conventionnel.

Historiquement, on recense quatre modes d’acquisition du territoire sans maitre, il s’agit de :

l’attribution pontificale, la découverte avec occupation fictive, le système de

l’occupation ou encore l’acquisition résultant de la continuité ou la contiguïté

L’acquisition d’un territoire aux dépens d’un Etat préexistant

On distingue généralement quatre procédés d’acquisitions que sont :

1- La cession

La cession peut être une opération avec compensation (vente ou échange) ou

sans compensation (suites d’une guerre ou contrepartie d’un service rendu : ex : cession

de Nice et de la Savoie à la France en 1860 après consultation populaire).

La cession peur également avoir lieu par un procédé couramment utilisé pour les

rectifications de frontières : il s’agit de transferts minimes à l’occasion de la révision du

tracé de la frontière généralement pour améliorer les voies de communications.

2- La décision d’une organisation internationale

C’est un système fréquemment utilisé au XIXe. Ce fut le cas du partage de la

Palestine (1947), ou encore le sort des colonies italiennes (1950).

3- La conquête ou debellatio

C’est l’acquisition d’un territoire effectuée à la suite d’une guerre, lorsque l’Etat

vaincu disparait et l’Etat vainqueur établit sa souveraineté sur l’ensemble du territoire

qui relevait de l’Etat vaincu.

Il faut non seulement que la lutte soit terminée (sinon il y a seulement occupation) et

que le gouvernement ait disparu, mais encore qu’il y ait volonté d’incorporer le

territoire (cette condition à fait défaut en 1945 à propos de l’Allemagne).

4- Création d’un Etat nouveau, par voie de détachement : sécession

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C’est un procédé largement utilisé dans le cadre de la décolonisation. On peut citer

l’exemple du Sud-Soudan en Afrique.

Si le territoire constitue un élément fondamental pour la création d’un Etat, il en

est de même pour la population.

- La population

Un Etat ne saurait exister sans une population sur laquelle il pourrait exercer son autorité.

L’Etat au sens moderne, suppose donc un minima de peuplement humain. C’est pourquoi des

territoires sans peuplements, vide d’habitant comme le continent Antarctique ne saurait

prétendre au statut d’Etat.

Installé dans le cadre général du territoire étatique et régie par le pouvoir politique, la

notion de population a souvent tendance à se confondre avec la nation, similitude que l’on

retrouve parfois dans la terminologie des organisations internationales telles la Société des

Nations, les Nations Unies. Ainsi, le problème que pose le concept de nation est celui de sa

définition. Il existe en effet, deux conceptions différentes de la nation, l’une dite objective et

l’autre qualifiée de subjective :

Pour les tenants de l’approche objective, la nation s’entend comme la communauté

nationale déterminée par des éléments de faits comme les caractéristiques raciales,

linguistiques, religieuses et ethniques. C’est une conception qui a été particulièrement à

l’honneur en Allemagne, d’où l’appellation conception allemande.

En revanche, la conception subjective fait place à des éléments volontaristes en voyant

dans la communauté nationale comme lien essentiel le désir de la vie commune. C’est du reste

l’idée partagée par l’italien Mancini, lequel précise en substance que : « la nation est une

société naturelle d’hommes que l’unité de territoire, d’origine, de mœurs et de langage mène à

la communauté de vie de conscience sociale29 ». Ainsi, elle apparait comme une notion

d’adhésion à un mode de vivre, et de penser.

De nos jours, c’est plus la conception subjective qui est exacte, car la population est

composée de plusieurs catégories d’habitants. C’est ainsi que dans un Etat, on retrouve les

nationaux qui sont rattachés à l’Etat par un lien juridique (lien de nationalité) et les étrangers

qui sont les citoyens d’un autre Etat autre que celui sur le territoire duquel ils résident en

permanence ou temporairement. A ces deux catégories d’habitants, il faut impérativement

29 Mancini dans sa célèbre leçon de droit international à l’université de Turin, cité par Claude Albert COLLIARD dans Institutions des relations internationales, sixième édition, Dalloz, 1974, P.84

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faire mention des apatrides qui sont les individus lesquels pour des motifs assez variés se

trouvent privés de nationalité et donc de protection réelle.

La réunion d’une population sur un territoire ne suffit pas à former un Etat, il faut

nécessairement le pouvoir politique.

- Le pouvoir politique

Le troisième élément constitutif de l’Etat est l’existence d’une organisation politique à

laquelle se trouve soumise la population établie sur le territoire. L’Etat a pour particularité par

rapport à toutes les autres personnes juridiques individuelles ou morales de détenir un pouvoir

juridique utilisé à diverses fins (intérêt général, établir l’ordre etc.…). Ce pouvoir politique

n’est pas organisé selon les dispositions du droit international, mais demeure régit par le droit

interne notamment le droit constitutionnel, le droit public général.

Le pouvoir politique est un élément fondamental pour la constitution de l’Etat sur le plan

international en ce qu’il lui confère la souveraineté, laquelle demeure encore aujourd’hui le

critère de l’Etat. C’est d’ailleurs cette souveraineté que l’on retrouve dans le fondement et le

statut des organisations internationales plus précisément le paragraphe 1 de l’article 2 de la

Charte des Nations Unies en ces termes : « l’Organisation est fondée sur le principe de

l’égalité souveraine de ses Etats membres ».

La souveraineté telle que définie par Jean Bodin30, renvoie « à la puissance perpétuelle et

absolue d’une République 31», autrement dit, la souveraineté est la qualité d’un Etat qui ne

reconnait aucune autorité au-dessus de lui (souveraineté externe) et qui dispose de l’autorité

exclusive sur son territoire et la population qui s’y trouve et aucun Etat ne s’immisce dans les

affaires internes d’un autre Etat (souveraineté interne). La souveraineté est donc comme le

définissait Jelinek, « la compétence des compétences », car la souveraineté est pouvoir

originaire, suprême et inconditionné. Originaire en ce qu’il ne dépend d’aucun autre pouvoir

qui l’aurait institué et qui lui serait antérieur, suprême parce que l’Etat n’est soumis à aucune

autorité tant sur le plan interne que sur le plan international et enfin inconditionné dans la

mesure où il dispose seul du pouvoir de commande et de se faire obéir et détient le monopole

de la contrainte ce que Max Weber appelle le monopole de la violence légitime.

30 Jean Bodin, fut le premier à en faire de la souveraineté un critère essentiel du droit international dans son ouvrage de référence, Les six livres de le République. 31 Jean Bodin, Les six livres de la République (1576), Paris, Fayard-Corpus, 1986, Livre I, P.179

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Ces éléments constitutifs donnent naissance à plusieurs formes d’Etats (unitaire,

fédéral, confédéral), tout est fonction des spécificités historiques, sociologiques et culturelles

de ces peuples.

Si l’Etat constitue l’un des fleurons des entités publiques appartenant aux acteurs des

relations internationales, il faut admettre également que les organisations et institutions

internationales en sont des acteurs non négligeables. (Sous-section 2)

Sous-section 2 : Les organisations internationales

Les organisations internationales qui feront l’objet de la présente sous-section sont celles

dites publiques ou encore appelées organisations intergouvernementales ou internationales

gouvernementales (OIG), c’est-à-dire qui émanent ou sont contrôlés par les gouvernements

des différents pays et donc régit par le droit international public.

Ainsi, une organisation internationale est avant tout, une personne morale de droit public.

Elle fait référence à l’association d’Etats souverains établie par un accord (un traité

international) entre ses membres et dotée d’un appareil permanent d’organes communs,

chargés de la réalisation des intérêts communs par une coopération entre eux. Ces

organisations présentent donc des traits spécifiques comme :

- Les OIG sont des sujets dérivés du droit international public (sont les sujets et

destinataires du droit international public et en sont aussi les créateurs)

- Elles sont l’expression d’une volonté de coopération

- Elles visent la réalisation des intérêts communs

- Elles sont dotées d’organes communs et d’un appareil permanent

La naissance des OIG font suite à une volonté d’institutionnalisation des relations

internationales, laquelle avait depuis toujours hanté les esprits des hommes. Il faut, en effet,

remonter au XIXe pour voir la première trace de tentatives d’organisation internationale pour

l’essentiel techniques (développement du commerce, union des postes etc...). Mais, celles qui

méritent sans aucun doute d’être retenues, ce sont les organisations politiques avec la Société

des Nations, née dans l’entre-deux guerres, remplacée plus tard par l’Organisation des

Nations Unies (ONU) en 1945 avec l’apparition de nombreuses OIG à caractère technique et

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25

administratifs, auxquelles on donne généralement de nos jours le nom d’institutions

spécialisées (UNESCO, OMS, PNUD, OIT, etc..)

Le rôle des organisations et la place internationale ne peuvent désormais plus être

ignorés. Le nombre des organisations internationales s’est considérablement accru depuis 50

ans au point que le nombre d’organisations internationales dépasse le nombre d’Etats dans le

monde. Aujourd’hui, on dénombre près de 250 OIG alors qu’il n’était que 100 en 1950.

Cette prolifération croissante des OIG pose ainsi le problème de leur classification. Si on

veut mettre l’accent sur la technique juridique, il faudrait les classer en organisations

internationales, et organisations supra-nationales, si on veut insister au contraire sur le

domaine d’activités , on opposera les OIG à but politique et les OIG à but techniques par

exemple spécialisées , si enfin, aimerait les classer selon leurs domaines géographiques, on

opposerait les OIG à vocation universelles et les OIG à vocation régionales. Tout ceci, pour

dit que la classification des OIG n’est pas aisée et aucune d’entre elles ne sauraient être

exhaustive. D’où un exemple des différentes OIG

v Les organisations universelles à compétence étendue : l’ancienne Société des

Nations (SDN) et l’Organisation des Nations Unies (ONU)

v Les organisations de caractère continental ou régional : L’Union Européenne (UE),

l’Union Africaine (UA), Organisation des Etats Américains

v Les organisations spécialisées : Organisation de l’Aviation Civile Internationale

(OACI), Organisation Internationale du Travail (OIT), Organisation Mondiale de la

Santé (OMS), Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la

Culture (UNESCO). Les OIG spécialisées sont régies par le principe de la spécialité

qui commande que les décisions émanant de ces OIG doivent être conformes aux

domaines et objectifs fixés par l’acte constitutif (charte, pacte, traité etc..).

S’il est certes vrai , qu’il n’existe pas de logiques communes concernant l’organisation

et la structure interne des OIG (ces dernières sont régies par l’acte constitutif), il reste

cependant que les OIG présentent des traits généraux qui leur sont propres comme la création

et la participation des membres, l’autonomie de gestion et la participation juridique des OIG.

A ces éléments, on pourrait ajouter la double fonction qui est la leur au niveau des

relations internationales.

En effet, les OIG remplissent deux rôles majeurs d’une part, ils sont un espace de

dialogue et d’autre part un centre de décision et de responsabilité.

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26

L’espace de dialogue permet ainsi aux Etats de nouer des dialogues que le niveau

bilatéral ne suffisait pas rendre possible. C’est aussi un centre de décision et de responsabilité

au regard de certains espoirs fondés sur la capacité de certaines OIG à réguler des crises ou

simplement les tensions, par des initiatives politiques concrètes voire par des interventions

directes.32

En dépit de ces fonctions, les OIG sont aussi l’objet de nombreuses critiques liées aux

procédures administratives et budgétaires lourdes33. Des critiques qui ont un tant soit peu

réduit leur prolifération croissante au profit d’autres acteurs dits non étatiques , appelés aussi

transnationaux (Section 2).

Section 2 : Les acteurs non étatiques

Sont regroupés sous le vocable non étatiques, les acteurs qui par opposition à l’Etat, n’ont

aucun lien avec l’Etat, c’est-à-dire, qui n’appartienne juridiquement ou ne dépende

directement d’aucune administration ou agences d’Etat. Il s’agit en réalité des acteurs

relevant de la sphère privée soit qu’il soit des simples individus ou bien des personnes

morales de droit privé. On peut dès lors ranger dans cette catégorie des acteurs aussi variés

que sont les Organisations Non Gouvernementales (ONG), les associations, les entreprises,

les religieux (les représentants des trois religions monothéistes) ou encore les simples

individus citoyens.

Nous accorderons une attention particulière aux ONG en raison de l’essor considérable

qu’il connaisse depuis le XXe siècle.

Particulièrement nombreuses actuellement dans le monde, elles sont près de 2000. Elles

se définissent d’une manière négative, selon la résolution du Conseil économique et social

des Nations Unies du 27 février 1950 qui précise : « toute organisation internationale qui

n’est pas créée par voie d’accords intergouvernementaux sera considérée comme une

organisation non gouvernementale ».

Les ONG sont donc de nature privée, groupent des personnes privées mêlées parfois à des

personnes publiques, mais pas à des Etats. Ne poursuivant pas de but lucratif, mais dotées des

moyens parfois très puissants, elles possèdent la personnalité morale, mais il n’existe aucun

statut international et leur régime juridique propre varie selon les pays.

32 Amélie BLOM et Fréderic CHARILLON, Op cit, P.100 33 Voir, Franck Petiteville, « Les organisations internationales », in collection, Les Notices, relations internationales, Novembre 2012.

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Cela n’empêche pas pour autant que les ONG entretiennent des liaisons avec les grandes

OIG. Par exemple, leur rapports avec l’ONU sont prévus par la charte elle-même dont

l’article 71 indique : « Le conseil économique et social peut prendre toutes dispositions utiles

pour consulter les ONG qui s’occupent de questions relevant de sa compétence. Ces

dispositions peuvent s’appliquer à des organisations internationales et s’il y a lieu, à des

organisations nationales après consultation du membre intéressé de l’Organisation ».

Nouvellement, la Résolution du 25 Juillet 1996 est venu codifier les rapports entre ONG

avec des principes de base déterminés aux paragraphes 8 à 13, qu’une ONG peut être

nationale, régionale, sous-régionale ou internationale, qu’elle doit être dirigée

démocratiquement et que ses financements doivent être d’origine privée mais que rien

n’interdit les financements publics si ceux-ci sont clairement identifiables.

Dès lors, les ONG remplissent divers types de services et fonctions : humanitaires,

d’information aux gouvernements sur les préoccupations de leurs citoyens, de surveillance

des politiques des gouvernements et de promotion de la participation politique au niveau

communautaire. Elles fournissent des analyses et expertises, servent de mécanisme d’alerte

avancée et aident à superviser et mettre en œuvre les accords internationaux. Certaines sont

organisées autour de questions spécifiques telles que les Droits de l’Homme, l’environnement

ou la santé.

Comme pour les OIG, les ONG posent également le problème de leur classification. La

classification des ONG peut se baser sur le critère géographique. Ainsi; on peut distinguer les

ONG internationales des ONG nationales ou régionales, on peut aussi faire la différence entre

les ONG européennes et celles africaines, ou entre les ONG du nord et du sud; bien sur, la

classification selon le critère géographique n’implique pas seulement une distinction sur le

niveau de l’espace, mais aussi sur plusieurs autres critères tels économiques, culturels et

politiques.

v Selon le domaine d’activités : Amnesty International et Human Rights Watch (droits

de l’homme), WWF et Greenpeace (protection de l’environnement), Médecins Sans

Frontières et Solidarités internationales (humanitaire).

v Les ONG ayant un statut consultatif auprès des Nations Unies (ECOSOC)

Le comportement de ces acteurs (Etat, OIG, ONG) sur la scène internationale a donné lieu

à un ensemble de théories explicatives rentrant dans le cadre des théories des relations

internationales (Chapitre III)

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28

CHAPITRE III- LES THEORIES DES RELATIONS INTERNATIONALES

Avant d’aborder la question des théories des relations internationales, il convient de

donner une définition du terme « théorie ».

Du mot grec « theoros » qui signifie « spectateur, témoin » et du verbe subséquent

« theorein » qui signifie « observer avec émerveillement ce qui se passe, pour le décrire,

l’identifier et le comprendre », la théorie était alors assimilable comme « toute expression (…)

cohérente et systématique de notre connaissance de réalité 34». Cette conception large de la

théorie reposant sur une contemplation du monde qui a longtemps prévalu, n’est plus admise

en sciences sociales du fait qu’elle pouvait faire appel aux émotions, aux intuitions , voire des

préjugés métaphysique. Dorénavant, la théorie est définie de manière plus strict, c’est-à-dire

de façon scientifique. Désormais, est considérée comme théorie, « tout travail de connaissance

fondé sur le raisonnement logique et la confrontation empirique ».

Appliquer la théorie au domaine des relations internationales, revient donc à essayer de

comprendre les comportements de ces acteurs à travers notamment « la simple exposition des

faits politiques tels qu’ils existent ». C’est en d’autres termes, chercher à donner un sens, une

signification aux phénomènes internationaux. Ainsi, la recherche de la vérité, des sens, a vite

posé le problème des approches des relations internationales (comme partout ailleurs en

sciences sociales). Des approches se résumant à l’antagonisme entre la conception explicative

et la conception interprétative.

Pour les tenants de l’approche explicative, les relations internationales peuvent l’objet

d’une explication comparable à ce qu’il fait dans les sciences exactes (sciences naturelles), car

ils estiment que les relations internationales sont déterminées par des causes objectives

existant indépendamment de la conscience que peuvent avoir les acteurs et que les mêmes

causes provoquent les mêmes effets35.

En revanche, pour les partisans de l’approche interprétative, les relations internationales

doivent être interpréter au lieu d’être expliqué, vu que les objets qu’étudient les sciences

sociales, parce qu’ils s’insèrent dans les contextes spécifiques, sont radicalement différents

des objets des sciences de la nature36. D’où un célèbre auteur de dire : « l’homme on le

comprend, la nature on l’explique ».

34 Rappelons que le theoros était l’envoyé des cités grecques à Delphes, avec pour mission d’y observer les oracles et de les rapporter, voire d’en expliquer la signification. 35 Dario BATTISTELLA, op cit, P.30 36 Ibidem, P.31

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29

C’est en tenant compte de ces différentes conceptions que les théories en relations

internationales sont désormais légions à telle enseigne que l’on retrouve les théories dites

classiques des relations internationales (Section 1) et les autres que l’on appelle

communément les nouvelles théories des relations internationales (Section 2)

Section 1 : Les théories classiques des relations internationales

Les théories classiques des relations internationales regroupent la théorie réaliste (Sous-

section 1), la théorie libérale (Sous-section 2) et la théorie marxiste. (Sous-section 3).

Sous-section 1 : La théorie réaliste

Le réalisme depuis la fin de la seconde guerre est sans conteste le paradigme dominant et

central des relations internationales. L’école réaliste propose une vision des relations

internationales qui s’efforce de voir « le monde tel qu’il est et non tel que l’on voudrait qu’il

soit au nom de quelque idéal ».

En effet, pour les réalistes le monde est gouverné par des lois objectives ou

caractéristiques immuables, le changement ou le progrès n’est possible que s’il est fondé sur

la connaissance et la prise en compte de ces contraintes. La préoccupation première des

réalistes est donc de comprendre ces contraintes grâce à une observation objective de la

réalité.

Issue d’une longue tradition historique associée notamment Thucydides (471-400 av.

J.C.), Nicolas Machiavel (1469-1527) et l’anglais Thomas Hobbes (1588-1679), Carl von

Clausewitz (1780-1831), pour les plus anciens d’entre eux, et Edward Hallett Carr’s,

Raymon ARON, Henry Kissinger sont les auteurs du XXe siècle, la théorie réaliste peut être

résumé selon les quatre positions principales suivantes37 :

L’état d’anarchie dans lequel se trouvent les relations internationales est

synonyme d’état de guerre, car il n’existe aucune autorité centrale susceptible

d’empêcher à la violence armée de la part des acteurs internationaux :

37 Ces auteurs et leurs principaux ouvrages seront abordés à la fin du cours, au niveau des références bibliographiques.

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30

Les acteurs principaux des relations internationales sont les groupes de conflits

et, depuis qu’existe le système interétatique westphalien, ces groupes sont

essentiellement des Etats organisés territorialement ;

Incarnés dans le chef du pouvoir exécutif, les Etats sont des acteurs rationnels qui

cherchent à maximiser leur intérêt national défini en termes de puissance eu

égard aux contraintes du système international

L’équilibre des puissances est le seul mode de régulation susceptible d’assurer

non pas la paix, mais un ordre et une stabilité internationaux forcément précaires,

car dans l’histoire sans fin des relations internationales, il n’y a pas de progrès

possible.

Grosso modo, pour la très grande majorité des réalistes, les relations internationales

sont strictement les rapports politico-diplomatiques et stratégiques qu’entretiennent entre eux

les Etats souverains dans un cadre bilatéral ou multilatéral informel. Ces rapports sont

nécessairement caractérisés par la rivalité ou la compétition, d’une part, parce que chaque Etat

vise naturellement et constamment à défendre et à accroître sa puissance politique et militaire;

d’autre part, parce que la puissance est inégalement répartie au sein de la société

internationale; enfin parce qu’il est impensable que les Etats acceptent de se soumettre à une

autorité centrale qui les obligeraient à coopérer entre eux. C’est uniquement pour cette

dernière raison que la société internationale est anarchique, et non pas parce qu’elle est

entièrement dépourvue d’ordre et livrée totalement à la violence. Les Etat souverains adhèrent

librement et volontairement à des ententes et à des règles qui maintiennent la dynamique des

conflits inter-étatiques dans un cadre pacifique.

Toutefois, l’instauration d’une paix perpétuelle est inimaginable en raison de la

souveraineté, des ambitions, des inégalités et de la méfiance mutuelle des Etats qui les placent

dans un dilemme de sécurité. Le recours à la force est inévitable, mais il n’est pas souhaitable

et peut être limité. La guerre n’est pas souhaitable parce que, bien qu’elle permette de

redistribuer la puissance et d’instaurer une rotation de la suprématie entre les Etats.

Il appert donc que la puissance et le conflit sont pour les réalistes au cœur du système

international, des visions belligènes que la théorie récuse fortement.

Sous-section 2 : La théorie libérale

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31

La théorie libérale est volontiers considérée comme la deuxième approche générale

principale en Relations Internationales en opposition au réalisme. La théorie libérale reste

intimement liée au libéralisme. En effet, les adeptes de l’approche libérale des Relations

Internationales sont les premiers à reconnaitre que « la dimension internationale du

libéralisme n’a guère été autre chose que la projection à l’échelle mondiale de la philosophie

libérale 38» et que cette dernière, fille du siècle des lumières constitue elle-même davantage

une attitude mentale qu’un corps de doctrine.

Si elle présente l’inconvénient de ne pas constituer une doctrine homogène, elle exerce

pourtant une influence forte sur la réflexion en Relations Internationales et a donné lieu à des

concepts, voire des méthodes politiques que l’on ne peut se permettre d’ignorer (la paix

démocratique, la paix par le marché etc…).

Héritière des pensées philosophiques (Erasme, Kant, et bien d’autres), la théorie libérale

met l’individu au centre de ses préoccupations, il l’appréhende non pas comme un « animal

politique », mais comme un être rationnel doué de raison, un être libre de tout lien social et

apolitique. C’est surtout un individu doté de droits naturels qui ne connaît pas d’unité de

valeur supérieure à lui-même et dont la raison s’exerce par le calcul de ses intérêts propres

Cette situation engendre ainsi une concurrence entre les individus, laquelle est génératrice

d’équilibre et de progrès. La société est possible en tant que somme des intérêts individuels

égoïstes car « les relations sociales se fondent sur l’échange des biens, matériels comme

symboliques, possédés par les uns et réclamés par les autres. » ; Ceci étant, les libéraux

ajoutent que, pour que chacun trouve son compte dans l’échange, il faut que ce dernier soit

régulé par des lois qui garantissent des conditions égales de concurrence à tous.

Transposé à l’échelle internationale, la théorie libérale commande que les Etats même

s’ils rivalisent pour la défense de leurs intérêts propres-comme les individus sont en

compétition au sein de chaque Etat pour la satisfaction de leurs intérêts et besoins-, leurs

relations peuvent être pacifiées et civilisées au même titre que les relations interpersonnelles,

si elles sont fondées sur le capitalisme, le droit et la démocratie.

Il s’agit de mettre un système commun de droits et de devoirs à même d’assurer une paix

permanente. C’est ainsi donc que l’essence du libéralisme consiste à favoriser certains

principes, aussi bien dans les relations entre gouvernements que dans les relations entre

individus : la paix, le progrès, le compromis, la liberté, la démocratie etc…

38 Stanley Hoffman, « The crisis of International Liberalism »,

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32

Dès lors, la théorie libérale apparait comme une négation de l’incompatibilité entre l’ordre

politique interne et l’anarchie dus système international telle qu’établie par les réalistes. Pour

les libéraux, par exemple, il existe une analogie entre les relations pacifiques entre les

individus à l’intérieur d’un Etat libéral et les relations pacifiques des Etats entre eux (dans le

système international). Il devient alors possible de combattre l’anarchie puisque celle-ci n’est

plus nécessairement incohérente à l’ordre international. 39

Théorie réaliste, théorie libérale, reste plus qu’à s’interroger sur la théorie marxiste afin

de comprendre son apport dans les relations internationales (Sous-section 3).

Sous-section 3 : La théorie marxiste

Le troisième courant est d’essence plus particulière, puisqu’il prend sa source chez un

penseur, Karl Marx (1818-1883) dont les travaux ont directement inspiré des dirigeants

politiques (comme Lénine) et même au moins dans la rhétorique officielle, un système

politique notamment l’Union Soviétique.

Comme le réalisme et le libéralisme, la théorie d’inspiration marxiste à l’ambition d’une

analyse globale et tente de déterminer la variable explicative générale des relations

internationales au-delà des cas particuliers. Mais, contrairement, aux deux première théories,

qui placent les facteurs politiques au centre de leurs analyses (recherche de la puissance pour

le réalisme, nature des relations Etat-société pour le libéralisme), le marxisme accorde la

priorité aux rapports de force économique : ceux qu’impose la logique capitaliste de

l’exploitation en divisant le monde en « un centre et une périphérie »40.

Les marxistes affirment que les lois naturelles du capitalisme – la recherche du profit

maximal et la baisse tendancielle du taux de profit – engendrent inévitablement la

concentration du capital et des moyens de production, ce qui provoque des crises de sur

production, une augmentation du chômage et un appauvrissement des classes opprimées.

En se développant le capitalisme crée donc, selon eux, des conditions objectives

favorables à la révolution socialiste mondiale. Cette révolution ne peut être victorieuse que si

elle est dirigée par le prolétariat, d’une part parce que c’est cette classe qui est la productrice

du profit; d’autre part, parce que le prolétariat n’a rien à perdre et tout à gagner dans cette

39 Amélie BLOM et Fréderic CHARILLON, Op cit, P.31 40 Ibidem, P.49

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33

révolution puisque, contrairement aux autres classes, incluant la paysannerie, il est dépossédé

de toute propriété.

Pour les marxistes, la politique internationale ne peut donc être comprise que comme un

effet de la structure économique dominante, c’est-à-dire le système capitaliste mondial. Car,

selon Karl Marx, toute l’histoire de l’humanité est celle de la lutte des opprimés contre les

oppresseurs (esclaves contre maitres, plébéiens contre patriciens, prolétaires contre bourgeois

etc …).

Cette dualisation de la société internationale inspire ultérieurement, en Relations

Internationales la vision d’un monde divisé entre « un centre » (les dominants essentiellement

les grands pays industrialisés) et une périphérie (les dominés essentiellement les Etats issus de

la décolonisation). Ainsi, la domination capitaliste comme exploitation est au centre des

relations internationales, à telle enseigne que l’on observe une exploitation par le commerce

du fait de l’inégalité des termes de l’échange, exploitation des ouvriers du Sud par les firmes

multinationales (FMN) etc…

Seule une révolution pourra mettre un terme à cette exploitation capitaliste, d’où la

célèbre formule du manifeste : « prolétaires de tous les pays, unissez-vous ». Il faut dire que

la théorie a inspiré d’autres courants de pensée que sont l’analyse d’inspiration léniniste41, la

théorie de la dépendance 42et la théorie du système-monde43.

Ces théories qui viennent d’être analysées sont qualifiées de classiques et ont été

grandement critiquées à telle enseigne que des nouvelles théories ont fait leur apparition afin

d’expliquer les phénomènes internationaux (Section 2).

Section 2 : Les nouvelles théories des relations internationales

Suite aux failles des théories classiques, ces dernières années, plusieurs tentatives de

renouvellement des théories des relations internationales, ont émergé. Ce renouveau n’est pas

homogène, on y retrouve des démarches fortes différentes les unes des autres, parmi

41 La théorie léniniste emprunte à Karl Marx sa théorie de lutte des classes et s’en distingue par deux points. Pour lui, le capitalisme est intrinsèquement lié expansionniste et estime que le capitalisme a rendu impossible l’harmonie entre les intérêts des bourgeois et ceux des prolétaires. 42 Forgée dans les années 1960 en Amérique latine, elle vise à expliquer le sous-développement par le fait que la périphérie se trouve dans une situation de « dépendance structurelle vis-à-vis du centre ». 43 Développée par Emmanuel Wallerstein en 1970, elle appréhende le système international comme une structure stratifiée ou chaque nation remplit une fonction nécessaire au bon déroulement de la division internationale du travail.

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34

lesquelles le constructivisme (Sous-section 1) et la sociologie des relations internationales

(Sous-section 2) se distinguent particulièrement.

Sous-section 1 : Le constructivisme

Le constructivisme est d’abord « une façon d’étudier les relations sociales,-n’importe

quelles relations sociales-, à parti de l’hypothèse des « êtres humains comme êtres

sociaux 44», plutôt que d’être des individus instrumentalement rationnels guidés par une

logique des conséquences, ou de l’efficacité, c’est-à-dire maximisant leur utilité donnée une

fois pour toutes.

Appliqué en Relations Internationales, le constructivisme qui se concentre de façon

générale sur les faits sociaux, c’est-à-dire les objets qui, tels l’argent, la souveraineté, les

droits, n’ont pas de réalité matérielle, tente d’explorer les identités, les normes et les intérêts

dans les relations internationales.45 Le constructivisme donne un statut ontologique aux idées

et aux faits sociaux– qui sont considérés comme pouvant causer des effets concrets ainsi que

des forces matérielles, plus précisément il vise à démontrer comment les aspects essentiels des

relations internationales sont socialement construits – procédés continus de la pratique sociale

et de l'interaction.

Essentiellement, le fruit des auteurs, tels Emanuel Adler, Michael Barnett, Nicholas

Onuf, pour n’en citer ceux-là , le constructivisme présente quelques limites liées au manque

d’études empiriques, débats internes sur base de l’approche confuse , et ne convainc pas

totalement en appliquant aux relations internationales des méthodes qui n’ont pas été

imaginées pour elles. D’où l’intérêt de la sociologie politique des relations internationales

Sous-section 2).

Sous-section 2 : La sociologie des relations internationales

Les valeurs étant réintégrées dans l’analyse des relations internationales ; il restait à

redécouvrir les acteurs, à cet égard l’apport de la sociologie des relations internationales est

édifiante. Il faut d’abord préciser que cette démarche ne prétend ni enterrer les acquis du

44 N. ONUF, « constructivism. A User’s Manual », dans V. Kubalkova et al, International Relations in a constructed World, Armonk (N.Y), Sharpe, 1998, P.58-78 45 Adler Emanuel, « Seizing the Middle Ground: Constructivism in World Politics », European Journal of International Relations, vol.3, n°3, 1997, pp.319-363.

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35

réalisme, du libéralisme ou du marxisme, ni supplanter les approches constructivistes, il s’agit

en revanche de poursuivre l’approfondissement de l’analyse des relations internationales, en

intégrant des problématiques issues des sciences politiques. La ou les trois grandes théories

privilégiaient le système, on redécouvre l’acteur. La où le constructivisme soulignait

l’aliénation de ce dernier, on redécouvre sa liberté d’action.

En fait, la sociologie des relations internationales subsume la mise en scène a priori de

tous les acteurs de relations internationales, puis l’étude des effets de leurs rencontres dans

une société devenue mondiale (Etats, OIG, ONG, firmes multinationales, groupes religieux,

individus). Ainsi, les relations possibles entre ces acteurs sont multiples pouvant aller de la

confrontation à la coopération et vice-versa, en passant par des rapports plus subtils. De

même, la séparation entre l’analyse politique interne et l’analyse politique internationale n’est

plus tenable, les frontières sont désormais transcendées par les flux de réseaux et d’acteurs.

Enfin, elle se propose de donner une analyse globale des relations internationales,

laquelle nous conduit à une triple recomposition de ces relations. Une recomposition du savoir

tout d’abord, avec des instruments conceptuels nouveaux, une recomposition des principes,

ensuite avec la redécouverte de nouveaux principes (identité, culture, réseaux de solidarité) et

une recomposition des pratiques enfin, car les stratégies des acteurs s’adaptent à ce nouveau

contexte et il appartient à l’observateur de les décrypter et les interpréter.

Il serait donc intéressant de voir comment se mue ces théories dans la pratique

internationale (Chapitre IV)

CHAPITRE IV : LA VIE INTERNATIONALE

La vie internationale s’exprime par l’existence des différents rapports que peuvent nouer

les Etats entre eux. L’étude de la vie internationale se veut donc dynamique dans la mesure ou

la société internationale est une société vivante ou on y observe des rapports assez variés et

diversifiés comme la coopération, la paix, la guerre, l’intégration régionale, la puissance etc..

En effet, les relations internationales ne sont pas la simple somme des politiques

étrangères des Etats. Elles constituent en effet, comme on l’a vu, un système complexe dont la

structure n’est pas sans influence sur le comportement des entités qui le composent. Dans le

cadre de ce système, interviennent toute une série de processus d’interactions impliquant deux

ou plusieurs acteurs internationaux. Ces processus ne sont pas uniquement le reflet du

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36

comportement des acteurs concernés, mais ils ont leur dynamique propre qui échappe en

partie au contrôle de ces acteurs.

Les relations internationales constituent un objet d’études extrêmement vaste puisqu’il

englobe les rapports de toute nature que les organismes publics et privés, les groupements de

personnes et les individus des divers États ont noués entre eux dans le passé, entretiennent

dans le présent et prévoient développer dans le futur.46

C’est sans doute pourquoi le présent chapitre sera articulé autour de la politique étrangère

(Section I), avant de jeter un regard sur le processus de guerres et de paix (Section II) , pour

enfin comprendre la logique des processus de coopération et d’intégration (Section III).

Section I : La politique étrangère En dépit de l’émergence d’autres types d’acteurs internationaux, l’Etat demeure

aujourd’hui l’acteur central des relations internationales. C’est autour de lui que se structure

tout le système international. La politique étrangère est donc inévitablement au cœur de toute

réflexion sur les relations internationales.

Ainsi, la politique étrangère correspond aux choix stratégiques et politiques des plus hautes

autorités de l’État. Elle est donc comme le souligne Marcel MERLE : « […] la partie de

l’activité étatique qui est tournée vers le “dehors”, c’est-à-dire qui traite, par opposition à la

politique intérieure, des problèmes qui se posent au-delà des frontières47. »

Par la politique étrangère, l’Etat cherche à répondre au comportement des autres acteurs

internationaux, et d’une manière plus générale, agir sur son environnement pour le conserver

tel quel quand il lui est favorable et le transformer quand il lui parait est défavorable. En

d’autres termes, l’Etat cherche à travers sa politique étrangère à au moins maintenir et

conserver et au mieux à accroitre ses capacités d’influence à l’extérieur du territoire national.

Par rapport aux autres politiques publiques, la politique étrangère présente des

caractéristiques à bien des égards spécifiques. L’une des caractéristiques premières est le fait 46 Diane ETHIER, Introductions aux relations internationales, quatrième édition, Presses Universitaires de Montréal, 2010, P.9 47 Marcel MERLE, La politique étrangère, Paris, Presses Universitaires de France, 1984, P.7

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qu’elle échappe en grand partie au contrôle. Si le domaine ou s’exercent les autres politiques

publiques s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté territoriale, marqué par un ordre

juridique bien défini, le champ des relations internationales , par contre est un milieu en partie

« anarchique » caractérisé par des centres de pouvoirs multiples et concurrentiels, qu’aucune

puissance n’a jamais pu contrôler.

Deuxièmement, les profondes mutations que connurent les relations internationales ces

dernières années (menaces asymétriques, terrorisme, crise financières etc…) ont

considérablement accru l’importance des relations internationales dans la vie des sociétés.

Dès lors, pour parvenir aux missions qui lui sont assignées, la politique étrangère dispose

d’un ensemble de moyens et d’outils à l’image notamment de la diplomatie qui l’exprime, de

l’armée qui la soutient et la police qui la couvre.48

La diplomatie est donc la mise en œuvre de la politique étrangère par l’intermédiaire des

diplomates. La politique étrangère est conçue comme un ensemble de décisions

intentionnelles entreprises par l'autorité politique en vue de maximiser ses objectifs dans un

environnement donné. C'est à dire analyser cette décision et en arriver à la conclusion qu'elle

sera celle qui parviendra le plus à ses objectifs.

Sous-section 1 : L’impossible dissociation entre politique interne et politique étrangère

Bien que distinctes, politique interne et politique étrangères, constituent la même face d’un

projet social et politiques. Ces deux types de politique émanent des mêmes institutions. Loin

d’être contradictoires, elles semblent désormais complémentaires à telle enseigne que l’on

remarque une interaction non négligeable entre ces deux domaines, la politique étrangère

tendant, d’une part, à interférer souvent dans le processus de la politique interne et d’autre

part, les choix de politique interne pouvant avoir une influence directe sur le secteur de la

politique étrangère.

Face à l’interdépendance entre nations qui caractérise, le monde qui est le nôtre, le destin

d’un Etat se joue en même temps à l’intérieur et à l’extérieur des frontières. Car, entre la

scène mondiale et la scène nationale, il n y’a plus aucune cloison, aucune séparation. C’est

48 General Charles DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1959, P.627

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une seule et même politique qui doit être conduite « au-dedans » et « au dehors » avec des

moyens différents, certes, mais avec les mêmes objectifs et la même détermination.

Ainsi, une grande partie des choix de politique étrangère ne sont pas sans influence sur

le fonctionnement interne des sociétés. En effet, le débat de politique interne est alimenté par

les grandes orientations prises par la politique étrangère. Que ce soit en matière de défense,

dans le domaine économique ou encore dans celui des affaires culturelles, ces orientations

peuvent susciter des réactions et amener des controverses. C’est la raison pour laquelle, la

politique étrangère, notamment aux USA, occupe une place de choix dans les élections

présidentielles.

De l’autre côté, la vie politique intérieure et ses enjeux influent souvent de manière

directe, voire même déterminante, sur l’élaboration et les décisions en matière de politique

étrangère. Cette influence de la politique interne sur l’élaboration de la politique étrangère est

tout particulièrement soulignée par la conception marxiste des relations internationales. Pour

eux, par exemple, c’est le fonctionnement du système économique et social de l’Etat qui

détermine sa politique étrangère.

Sous-section 2 : L’analyse de la politique étrangère

L’analyse de la politique étrangère se fera à travers l’analyse des facteurs déterminants

de cette dernière pour mieux appréhender le processus décisionnel de la politique étrangère.

En ce qui concerne, les déterminants de la politique étrangère, il convient de dire que

celle-ci procède de nombreux facteurs. On peut ainsi, distinguer deux grandes catégories de

déterminants ceux qualifiés de facteurs internes et les autres appelés facteurs externes.

Par déterminants internes, il faut entendre tous les facteurs qui se rattachent aux acteurs

étatiques (structures sociales, politiques, économiques, ressources et caractéristiques

géographiques, personnalité des responsables politiques) alors que les déterminants externes

font référence aux facteurs propres à l’environnement de l’Etat (système international, action

d’autres Etats etc...)

• Les déterminants internes de la politique étrangère (facteurs physiques, facteurs

structurels, et les facteurs culturels et humains)

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39

- Les facteurs physiques

Ils comportent une triple dimension la situation géographique (positionnement du

Maroc par exemple), les ressources naturelles (degré de dépendance des Etas à l’égard de

l’extérieur) et la situation démographique (Chine, Inde)

- Les facteurs structurels

Ils peuvent être regroupés en deux grandes catégories : d’une part, le groupe de facteurs

formels, ayant trait à la nature et à la forme des institutions politiques et économiques (type de

régime politique, économie de marché, économie planifiée etc…). D’autre part, il est question

du groupe de facteurs informels ayant trait à l’organisation des partis politiques, à leur type,

taille et degré d’influence.

- Les facteurs culturels et humains

Sous cette catégorie, on peut regrouper les variables aussi diverses que la culture proprement

dite, l’idéologie, les mentalités collectives, l’opinion publique. La culture (système de valeurs,

langue, religions) peut avoir une influence notable sur la politique étrangère d’un Etat.

Quant à la démographie, celle-ci n’est plus à démontrer dans le cadre de la politique

étrangère d’un Etat.

Les déterminants externes sont intimement liés à l’environnement et le système

international dans lesquels sont insérés les Etats.

Pour ce qui est du processus décisionnels de la politique étrangère, Raymond ARON dans

son analyse des acteurs de la politique étrangère recensait trois grandes catégories d’acteurs

que sont :

- le chef d'Etat (celui qui décide), c'est une politique extrêmement personnalisée sur une

seule figure même en démocratie

- le diplomate (celui qui exécute et parle au nom de l'Etat en matière de politique

étrangère)

- le soldat (celui qui exécute au nom de l'Etat lorsque le diplomate échoue), c'est la

guerre

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Raymond Aron établit la une vision très simpliste, or l’analyse du processus décisionnel

et son influence sur la politique étrangère est toutefois un exercice complexe, car relevant

simultanément de plusieurs cadres explicatifs (choix rationnels, résultat de négociations,

fonctionnement d’un ensemble d’organisations gouvernementales etc...)

L’analyse de la politique étrangère comme élément déterminant des rapports entre Etats

étant analysés, quels regards peut-on porter sur les questions de guerres et de paix, lesquelles

constituent la thématique récurrente des relations internationales (Section II)

Section 2 : Guerres et paix en relations internationales

On le dira jamais assez toute l’histoire des relations n’est qu’une histoire de guerres et de

paix. D’où est-il utile de s’interroger avant tout sur les processus conflictuels (sous-section 1)

pour mieux cerner leurs contraires qui ne sont d’autres que les processus pacifiques (Sous-

section 2)

Sous-section 1 : Les processus conflictuels

Les conflits ont toujours existé dans toutes les cultures, les religions et les sociétés

depuis des temps immémoriaux. L’on peut même affirmer sans ambages qu’ils sont

consubstantiels à la nature humaine. Dans les familles, les entreprises, entre les Etats, le

conflit semble être un fait social, largement partagé.

Au local comme à l‘international, les conflits foisonnent. rares sont les collectivités

humaines qui indépendamment de leur nombre, taille ou étendue, ne connaissent pas le

phénomène du conflit. Nul besoin de dire, qu‘ils peuvent se développer dans n'importe quelle

situation où les gens sont appelés à interagir, dans toutes les situations où deux ou plusieurs

personnes ou groupes de personnes ont l'impression que leurs intérêts sont opposés, et que ces

intérêts ne peuvent pas être remplis à la satisfaction de toutes les parties concernées.

La guerre, l'usage de la force est souvent vu comme l'ultime recours dans les Relations

Internationales. Pour Clausewitz, « la guerre est la continuation de la politique par d'autres

moyens ». L'étude de la guerre dans le champ des Relations Internationales est du ressort de

deux disciplines : les études militaires et les études stratégiques

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Malgré tous les progrès dont se targue l’humanité, les conflits armés n’ont jamais été aussi

violents, étendus et meurtriers. Ces processus conflictuels peuvent être abordés sous

plusieurs angles différents : celui de la conduite de la stratégie, celui de la recherche des

causes etc…

Dans la première hypothèse, on se place du point de vue de la conduite à adopter pour

gagner face à l’adversaire, sans se poser de questions sur l’origine et la finalité du conflit. En

effet, dans l’optique de la stratégie, on part de l’existence de situation d’opposition et de

conflits et l’on recherche à analyser ces situations rationnellement, non pour en comprendre

les causes et encore moins pour y trouver des remèdes. Plus précisément, il est question de

savoir comment utiliser la force ou la menace de la force pour atteindre certains buts. De

manière, plus précise, on cherche à déterminer quel est le comportement le plus adéquat

permettant d’influencer ou de contrôler l’adversaire et de lui imposer sa volonté dans une

situation conflictuelle.

La pensée stratégique ne se limite toutefois pas à la seule conduite des opérations

militaires ; elle englobe aussi l’analyse des moyens de prévention des affrontements armés et

de a préparation des forces49.

Sur un tout autre plan, la recherche des causes de conflits est une démarche de nature

sociologique. Parallèlement, à cette réflexion sur le « pourquoi » des conflits, cette approche

cherchera également à mettre en lumière les diverses formes de conflits et les éléments

dynamiques qui leur sont propres.

Pour les conflits liés aux acteurs étatiques, il est ainsi possible de prendre en

considération des facteurs aussi divers que la situation géographique, l’existence ou l’absence

de ressources naturelles, la situation démographique (on pense notamment aux conflits

frontaliers, aux conflits politiques).

Ces différents facteurs est un préalable nécessaire pour la compréhension de la typologie

des conflits impliquant l’acteur étatique. En effet, cette typologie se retrouve chez la majorité

des auteurs sous le triptyque conflit intraétatique, transnational / transétatique, et conflit

interétatique50. L‘unité fondamentale sur laquelle repose cette classification est l’Etat en tant

49 Philippe BRAILLARD et Mohammad-REZA DJALILI, les relations internationales, op cit, P.105 50 Richard Garon et Dany Deschenes, « Vers une nouvelle typologie des conflits ? », Symposium des étudiants des études supérieures de l’institut canadien des associations de défense, Kingston, 26 octobre 2007,25p.

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que régulateur de la vie sociale. Ceci parce que les conflits politiques interétatiques

renverraient aux oppositions violentes entre deux ou plusieurs souverainetés. Ensuite, les

conflits politiques intraétatiques seraient des conflits qui se dérouleraient au sein de l‘Etat en

proie à une fragmentation de la violence politique. Ce serait des conflits qui mettraient au

prise, l‘Etat et des insurgés généralement liés juridiquement au même Etat. Enfin, les conflits

transétatiques, à mi-chemin entre le conflit intraétatique et interétatique, renverraient aux

conflits politiques qui opposent un Etat à des acteurs non étatiques armés ne connaissant pas

des limites de frontières51.

Si les processus conflictuels sont aussi importants en relations internationales, il en est

de même pour les processus pacifiques (Sous-section 2)

Sous-section 2 : Les processus pacifiques

La fabrication de la paix est une valeur centrale des relations internationales. Elle s’inscrit

à la fois dans une longue tradition philosophique illustrée notamment par Emmanuel Kant52 et

d’une réflexion juridique, qui s’est fortement développée dès le début du vingtième siècle.

C’est ainsi donc que le droit international a consacré l’essentiel de son activité sur la

recherche de la paix entre les Etats en mettant en place des moyens non contraignants comme

les règlements pacifiques de différends et d’autres moyens plus contraignants comme

l’intervention armée sous mandat des Nations Unies.

Pour les règlements pacifiques des différends, le droit international a mis en place de

nombreuses dispositions. C’est ainsi que la convention de la Haye du 18 octobre 1907 pour

les règlements pacifiques des conflits internationaux reconnait plusieurs moyens de

règlements alternatifs de règlements de conflits.

En effet, les articles 1 et 2 du titre II de cette convention énonce ainsi que :

Art 1 : En vue de prévenir autant que possible le recours à la force dans les rapports entre

les Etats, les Puissances contractantes conviennent d’employer tous leurs efforts pour assurer

le règlement pacifique des différends internationaux.

51 Richard Garon et Dany Deschenes, loc.cit, p.19 52 Voir Emmanuel Kant, Projet de paix perpétuelle : Essais philosophiques, 1796,122p

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Art 2 : En cas de dissentiment grave ou de conflit, avant d’en appeler aux armes, les

Puissances contractantes conviennent d’avoir recours, en tant que les circonstances le

permettront, aux bons offices ou à la médiation d’une ou de plusieurs Puissances amies53.

Restant dans la même logique et marquant même une sorte de régression par rapport à la

convention de la Haye, le pacte de la Société Des Nations qui viendra plus tard marquer une

étape additionnelle dans le processus d‘ancrage institutionnel des modes alternatifs de

règlement des différends, ne fit pas mieux que la convention de la Haye du 18 octobre 1907.

S‘il est toujours reconnu que les Etats doivent s‘abstenir du recours à la guerre, et que les

membres de la Société Des Nations doivent « accepter certaines obligations de ne pas recourir

à la guerre ». Le cadre juridique international institué par le pacte de la SDN, en particulier les

articles 12 à 15, invitaient seulement les membres de la Société des Nations à soumettre leurs

litiges à la procédure de l‘arbitrage ou à l‘examen du conseil60 qui devait user de ses

prérogatives reconnues par le pacte de la SDN pour trouver une solution aux différends des

Etats membres.

Se démarquant nettement du pacte de la Société des Nations, la Charte des Nations unies

entrée en vigueur le 24 octobre 1945, consacra davantage ces différentes postures du tiers

dans le règlement pacifique des différends. L‘expression médiation qui n‘apparaissait pas

dans le pacte de la S.D.N, est consacrée par la nouvelle charte au milieu d‘autres expressions

tels arbitrage, négociation, conciliation qui font eux aussi allusion à l‘idée du tiers dans une

relation conflictuelle. C’est l’idée qui ressort de la lecture du chapitre VI de la Charte des

Nations Unies en son article 33, lequel précise : « Les parties à tout différend dont la

prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationale

doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d’enquête, de

médiation, de conciliation, d’arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes

ou accords régionaux, ou par d’autres moyens pacifiques de leurs choix ».

L’avantage des modes de règlements pacifiques des conflits précités est qu’il permet aux

parties de trouver une autre alternative, qui est celle de la coopération, du dialogue. Des idées

que l’on retrouve au cœur du processus de coopération et d’intégration (Section III)

53 Convention pour le règlement pacifique des conflits internationaux disponible sur http://www.admin.ch/ch/f/rs/0_193_212/index.html consulté le 16 novembre 2014

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Section 3 : Les processus de coopération et d’intégration

Bien que le système international soit marqué par le conflit et caractérisé par une certaine

anarchie, fondée sur la possibilité qu’ont les acteurs étatiques de recourir légitimement à la

force, il contient néanmoins une dimension coopérative dont l’importance est loin d’être

négligeable.

La présence d’un grand nombre d’entités politiques souveraines engendre certes le conflit,

mais en même temps crée certains besoins de coopération en raison de la nécessité de

survie54. Cette idée de coopération peut se faire à travers un cadre bilatéral, voire multilatéral,

mais peut aussi prendre la forme d’une intégration régionale.

Avant d’aborder, les différents aspects de la coopération, il est nécessaire de donner une

définition du terme coopération. La coopération internationale est, historiquement, un

phénomène récent. Elle date du dix-neuvième siècle, où elle apparaît en Europe dans un

contexte très spécifique, celui de l’hégémonie libérale. Mais les origines de la coopération

internationale se trouvent dans les circonstances troublées de l’Europe post-Westphalienne.

La coopération s’entend donc comme est une action d’aide et/ou d’échange économique,

financière, culturelle et technique entre plusieurs parties distinctes. Elle est dite internationale

lorsqu’elle l’aide ou l’échange est déborde les frontières des Etats. En effet, de plus en plus

d’associations solidaires, de sociétés coopératives et de collectivités mettent en place des

programmes de coopération, aux niveaux local, national et international (notamment entre les

pays industrialisés et les pays en développement), visant à faire partager, à transmettre et à

développer les cultures et les savoir-faire de tous les pays du monde.

Il existe plusieurs formes de coopération internationale en fonction des critères retenus.

Si l’on considère le type d’acteur, on aura d’une part la coopération intergouvernementale et

d’autre part la coopération non gouvernementale. Si l’on considère le domaine ou le champ de

la coopération, on parlera de : la coopération militaire, la coopération économique, la

coopération au développement et la coopération scientifique, universitaire et culturelle. Si l’on

met plutôt en exergue le nombre des acteurs, on distinguera la coopération bilatérale de la

54 Philippe BRAILLARD et Mohammad-REZA DJALILI, les relations internationales, op cit, P.111

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coopération multilatérale…Si l’on retient le critère de niveau de développement ou du cadre,

on aura la coopération nord-sud, la coopération sud-sud, la coopération nord-nord…

La coopération internationale est généralement officialisée par un traité, un accord ou

bien une déclaration. Elle peut aussi être l'expression d'une amitié entre deux pays, comme

dans le domaine de l'aide humanitaire dans les pays en développement.

Ainsi, les processus de coopération qui se sont développés à la faveur de la croissance de

l’interdépendance ont, dès le dix-neuvième siècle, de plus en plus largement pris place dans le

cadre d’institutions internationales de nature permanente. Dans ce sens, on doit reconnaitre

qu’aujourd’hui les organisations internationales constituent le lieu privilégié de la coopération

multilatérale. En institutionnalisant, la diplomatie multilatérale et concertation qui lui est lié,

l’organisation internationale constitue des réseaux de communication entre les acteurs

étatiques, et tend à favoriser l’émergence de normes communes règlementant le

comportement international, et formant par là un certain embryon d’une socialisation des

acteurs internationaux.55

Après avoir exposé, les formes bilatérales et multilatérales de la coopération, il convient

de s’intéresser à la logique d’intégration.

La coopération entre les membres du système international peut, dans certaines

circonstances, dépasser la simple coordination interétatique des politiques et conduire à un

transfert progressif de souveraineté des Etats à de nouvelles structures communautaires.

En effet, depuis plusieurs décennies, les relations internationales sont marquées par la

mondialisation, ou globalisation des échanges, qui se traduit par la construction d’espaces

économiques au sein desquels les frontières géographique, vestiges de souverainetés

décadentes, n’ont qu’une signification politique 56 . La construction de ces espaces

économiques qui consacrent, le plus souvent, l’intégration économique des Etats membres

vise souvent, d’une part, la promotion du développement économique et social, d’autre part,

celle de l’investissement privé en rendant les marchés plus attractifs et les entreprises

nationales ou communautaires plus compétitives.

55 Ibidem 56 Alhousseini MOULOL, « comprendre l’organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) », 2ième édition, décembre 2008, P.5

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Le phénomène de l’intégration a suscité de nombreuses réflexions et d’analyses fondées

sur la préoccupation d’une réforme du système international dans le sens d’une plus grande

sécurité.

D’une manière générale, trois grandes écoles de pensée, lorsqu’on évoque le processus

d’intégration régionale. On distingue notamment le fonctionnalisme qui met l’accent sur les

fonctions techniques et économiques comme éléments moteurs de l’intégration. A cet égard,

on peut citer l’exemple des communautés économiques l’Organisation pour la Coopération et

Développement Economique (OCDE), de l’Union Européenne (UE) ou encore la CEDEAO

(Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) en Afrique de l’Ouest.

Il faut également souligner le fédéralisme comme école de pensée, qui insiste sur le rôle

clé de la volonté politique et de la création d’institutions communes à l’image des Etats-Unis

et le transnationalisme, enfin, qui cherche à mettre en évidence l’importance de l’assimilation

socio-culturelle et du rôle des communications entre sociétés (la francophonie, le

Commonwealth etc…).

Les processus d’intégration de par le monde révèle que ces derniers sont complexes et

sont forts différents les uns des autres en raison des aires géographiques culturelles et

politiques différentes.

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Conclusion de la première partie

Les relations internationales sont les rapports multiformes que développent entre eux les

individus, les organisations privées et les gouvernements des États, dans les diverses sphères

de l’activité humaine.

Ils sont de toute évidence une réalité difficile à cerner. Les phénomènes internationaux

sont en effet de nature complexe et mouvante, particulièrement à notre époque ou le champ

des relations internationales a connu une extension sans précèdent.

Même si elles débutent formellement avec les traités de Westphalie, les relations internationales sont en réalité antérieures à ceux-ci. Le système westphalien est tout simplement venu leur donner un autre visage : celui de la coopération et des guerres plus politiques que religieuses. Et aujourd’hui, l’Etat n’en est plus le seul acteur (comme l’ont consacré les traités de Westphalie), l’expansion du libéralisme et les progrès techniques ayant sérieusement limité l’intervention de l’Etat au profit d’autres acteurs dans la scène internationale

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Partie II- Le Droit International Public

Introduction de la Seconde partie

Les études de droit international constituent un enseignement indispensable pour les

formations en droit en particulier à notre ère de mondialisation où les frontières entre droit

interne et droit international tendent à se réduire considérablement. L’on ne peut aujourd’hui

prétendre réellement maitriser le droit interne dans aucune de ses branches sans une certaine

connaissance du droit international. Ce qui fait du droit international, une matière

fondamentale de la licence en Droit. Son étude est encore plus nécessaire pour les personnes

s’orientant dans une carrière publiciste et internationaliste.

Il impossible d’entreprendre une étude sérieuse du droit international sans au préalable

s’intéresser aux relations internationales et à leur évolution dans le temps parce que le droit

international, c’est avant tout le droit des relations internationales. Cette démarche permet de

constater l’évolution constante des relations internationales et de mieux comprendre le

caractère dynamique du droit international.

Parler de l’histoire des relations internationales dans le cadre d’une brève introduction

à l’étude du droit international exclut toute prétention à l’exhaustivité. Nous nous limiterons

donc à mettre en lumière les repères historiques majeurs dans relations internationales.

L’histoire des relations internationales est aussi vielle que la constitution des premières

nations. De tous les temps, les nations différentes ont entretenues entre elles des rapports.

Avant la naissance des Etats modernes actuels au XVIe siècle, le monde était constitué de

Cités et d’Empires. « Défini au sens strict comme un système politique hiérarchisé acquis par

la violence au profit d‘un centre et maintenu par la coercition au détriment de la périphérie

conquise, l’empire, entité issue d’expansions territoriales de certaines unités politiques au

détriment d’autres, avait constitué la forme privilégiée – et intériorisée comme telle –

d’organisation politique des sociétés humaines jusqu’au XVIIe siècle : il en était ainsi des

empires sumérien, égyptien et perse jusqu’à celui de Byzance en passant par l’empire romain

et ceux d’Alexandre ou de Charlemagne, sans oublier les empires des Qin en Chine ou des

Maurya en Inde, des Omeyyades et des Abbassides dans le monde arabo-musulman.»57

57 Dario BATTISTELLA, La notion d'empire en théorie des relations internationales. Questions internationales, La Documentation française, 2007, 26 (Les empires), pp.27-32.

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Les relations internationales à cette époque étaient très précaires et laissaient peu de

place à l’émergence d’un droit stable. Ce droit était essentiellement axé sur la conduite de la

guerre et la paix entre ces différentes cités et empires. Ce qui fera écrire à BATISTELLA que

« les empires n’entretenaient guère de relations avec les autres empires, sinon de façon

sporadique, soit aux marchés des territoires qu’ils contrôlaient respectivement, soit au

moment de la conquête et de l’absorption de l’un d’entre eux par un autre.»58

C’est donc à la naissance de l’Etat moderne que les relations internationales

évolueront vers la constitution d’un ordre international mieux organisé. La naissance de l’Etat

moderne intervient selon bon nombre d’auteur au XVIe siècle après la guerre des trente ans en

Europe et les traités de Westphalie. Les traités de Westphalie ont mis en place deux principes

qui ont permis l’émergence de l’Etat moderne et initiée une réorganisation des rapports entre

ces Etats souverains. Les principes du « rex est imperator in regno suo,59 « synonyme de

souveraineté externe (aucun Etat ne reconnaît d’autorité au-dessus de lui et tout Etat

reconnaît tout autre Etat comme son égal), et du cujus regio, ejus religio,60 synonyme de

souveraineté interne (tout Etat dispose de l’autorité exclusive sur son territoire et la

population qui s’y trouve et aucun Etat ne s’immisce dans les affaires internes d’un autre

Etat).» 61 Ainsi pour beaucoup d’auteurs, les traités de Westphalie, constituent un repère

capital dans les relations internationales.

C’est surtout au XX siècle que les relations internationales connaitront leurs plus

grandes transformations. L’évolution des échanges économiques entre les Etats ont favorisé

l’émergence des pratiques diplomatiques consacrant la volonté des Etats de consolider des

rapports entre Etats voisins. Avec les deux guerres mondiales, les Etats souverains ont sentis

la nécessité d’aller vers un monde plus paisible à travers la consolidation des rapports

pacifiques. Cela s’est traduit par la mise en place de nombreux accords entre les Etats qui ont

abouti à la création de plusieurs organisations internationales dont une organisation mondiale,

l’ONU dont la principale mission est de maintenir la paix et la sécurité dans le monde par

l’interdiction du recours à la force et le règlement pacifique des différends entre les Etats

souverains.

58 Ibid. 59 Ce texte latin signifie « le roi est empereur dans son royaume » 60 « tel prince, telle religion » 61 Dario BATTISTELLA, La notion d'empire en théorie des relations internationale, op.cit.

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Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, les relations internationales seront

marquées par l’émergence de nouveaux Etats indépendants du tiers monde et par la guerre

froide. Cette nouvelle crispation des relations internationales n’empêchera pourtant pas le

renforcement de la coopération internationale entre les Etats dans divers domaines. A la fin

du XXe siècle, l’on peut dire que les relations internationales ont atteint leur maturité. D’une

part avec le processus de mondialisation, entretenir des relations avec les autres Etats est

devenu une nécessité. D’autre part, les Etats en vue de pacifier leurs rapports, privilégient le

droit dans leurs relations. Comment se présente donc aujourd’hui ce droit international qui

régit les relations entre les Etats à l’échelle internationale? Quelles sont ses sources ? Qui sont

ses sujets? Comment est-il mis en œuvre concrètement ?

L’émergence sur la scène internationale d’acteurs non étatiques conduit à une révision

des conceptions traditionnelles de ce droit international qui cesse d’être exclusivement du

ressort des Etats pour prendre en compte les activités de ces nouveaux acteurs. Le droit

international n’est plus seulement le droit international public, il comprend également d’autre

branches ; le droit international privé, le droit pénal international.

Dans les enseignements classiques du droit international, l’étude se limite au droit international public vu qu’il constitue la branche fondatrice et fondamentale du droit international. Sans faire exception à cette règle, nous aborderont l’étude du droit international public en trois parties. Et nous consacrerons la conclusion aux mutations actuelles du droit international. Bien avant tout cela, nous nous attèlerons dans un chapitre préliminaire à définir et à caractériser le droit international de façon générale en vue de mettre en exergue l’objet de notre étude.

Partie I : Les sources du droit international public

Partie II : Les sujets du droit international public

Partie III : l’Application du droit international Public

Conclusion : Les mutations actuelles du droit international

Chapitre préliminaire :

« Ubi societas ubi jus » nous dit l’adage latin signifiant « où il y a une société, il y a

du droit ». Le droit est donc avant tout un phénomène social qui évolue et change avec

l’ordre social auquel il s’applique. Les formes particulières que peut prendre le droit sont

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aussi fonction de la nature de l’ordre social qu’il régit ainsi que des types de rapport s’y

établissant. Au-delà des espaces de souveraineté de chaque Etat, existe l’espace international,

au sein duquel s’établissent des rapports entre différents acteurs ayant des activités au-delà

des frontières Etatiques. Ces relations internationales sont l’objet d’un droit spécial, le droit

international connu jusqu’au XIXe siècle comme le droit des gens.62 Qu'est-ce que le droit

international (I)? Qu’est-ce que la société internationale dans lequel il est sensé

s’appliquer (II)? Quelles sont les particularités de ce droit par rapport au droit interne (III)?

Quelles sont ces différentes branches (IV)? Des questions préliminaires auxquelles il importe

de répondre avant d’entrer dans des analyses plus profondes de cette matière.

I. Définition du droit international

Avant de passer à la définition de n’importe lequel des branches du droit, il est de

bonne coutume de commencer par définir ce qu’est le droit tout court. Aussi banale qu’il

puisse paraitre, il s’agit pourtant d’un exercice pour le moins complexe pour les juristes

expérimentés. N’est-ce pas le problème de cette définition qui a opposé les partisans du droit

naturel aux partisans du droit positif. Sans vouloir rentrer dans ce débat, nous nous limiterons

ici à une définition simple et généralement admise. Selon cette définition communément

admise, le droit serait un ensemble (et non l’ensemble) de règles de conduite qu’on qualifie de

« juridiques » qui s’appliquent au sein d’une société.

Partant de cette définition du droit comme ensemble de règles juridiques, plusieurs

définitions ont été données du droit international selon deux approches ; l’une traditionnelle et

l’autre plus actuelle.

Pour René-Jean DUPUY, partisan de la définition classique « le droit international est

l’ensemble des règles qui régissent les rapports entre les Etats ».63Dans cette approche, le

droit international est confondu avec le droit international public. Et comme le précise Michel

Virally « Le droit international public est traditionnellement défini comme le droit des

relations internationales, conçues comme se confondant avec les relations interétatiques, ou

de la société internationale, considérée elle-même comme ne se distinguant pas de la société

62 Antonio TRUYOL Y SERRA, Recueil Des Cours –Académie de droit International à la Haye 1985-IV, Martinus Nijhoff Publishers, 23 oct. 1992, p27 63 René-Jean DUPUY, le Droit International, Que-sais-je? 1990, 8e Ed. p3.

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des Etats.»64 On retiendra donc de cette approche que le droit international est l’ensemble des

règles juridiques qui s’appliquent dans les relations entre les Etats.

Les changements que connait la scène internationale tant du point de vue des acteurs

qui s’y rencontrent que des dynamiques qui s’y déroulent, ont conduit à la proposition de

nouvelles définitions du droit applicable à la société internationale. Ainsi, ce droit qui sort de

l’apanage des seuls Etats, serait l’ensemble des règles juridiques qui s’appliquent dans les

rapports entre les différents acteurs ayant des relations au plan international, au-delà des

limites de chaque Etat. Parmi les tenants de cette approche, on trouve Michel VIRALLY.

Pour mieux comprendre cette évolution du droit des relations internationales, il

importe d’étudier brièvement l’évolution de la société internationale et des relations qui s’y

nouent.

II. Objet du droit international : les relations internationales et la société internationale

Toute branche du droit dispose d’un objet spécifique auquel il s’applique. L’objet du

droit international, ce sont les relations internationales. Que sont les relations? Les relations

internationales avaient été définies comme étant celle mettant en rapport deux ou plusieurs

Etats. Les relations internationales étaient marquées par les diverses actions internationales de

différents acteurs étatiques qui leur permettaient de rentrer en contacts les uns avec les autres.

L’action internationale de l’Etat, en d’autres termes sa politique étrangère dans la conception

classique est le seul acte fondateur des relations internationales.

Cependant depuis la fin de la deuxième moitié du XXe siècle, l’observation permet de

voir que l’Etat n’est plus seul sur la scène internationale. Beaucoup d’autres acteurs

développent d’importantes activités dépassant les frontières étatiques. Ce sont par exemple les

entreprises privées dont certains sont dits multinationales, les organisationnelles non-

gouvernementales (ONG), les collectivités locales. Ces nouveaux acteurs posent des actions a

portées internationales non négligeables qui reconfigurent le système des relations

internationales. Une conception plus moderne des relations internationales essaie ainsi

d’intégrer l’action de ces nouveaux acteurs dans la définition des relations internationales.

64 M. VIRALLY, Droits de l’homme et théorie générale du droit international, in Mélanges Cassin, vol. 4, Méthodologie des droits de l’Homme, Paris, Pedone, 1972, p. 323

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C’est le cas de la définition que nous propose Michel VIRALLY selon laquelle les relations

internationales prennent en compte l’ensemble des relations qui s’établissent au-delà des

frontières étatiques. Elle concerne aussi bien les relations interétatiques que les relations entre

acteurs privés ou entre acteurs et publics s’inscrivant dans une échelle internationale c’est-à-

dire au-delà des frontières d’un Etat.

Au-delà donc des frontières étatiques, se construit la société internationale dans

laquelle se déroulent les relations internationales dont sont acteurs principalement les Etats et

non plus exclusivement. La société internationale constitue un espace superposé sur les

espaces étatiques au sein duquel se déroulent les activités des acteurs des relations

internationales. Pour le professeur Antonio TRUYOL Y SERRA dans ses cours à l’académie

international de droit international, la société internationale est définie comme « une société

de sociétés » avant de préciser plus loin que « en termes actuels, c’est essentiellement une

société d’Etats ».65 Les différences qu’il y a entre la société internationale et les sociétés

nationales sont également visible à travers la différence qu’il y a entre le droit international

qui regit la société internationale et le droit interne qui régit les sociétés nationales.

III. Droit international et droit interne : caractéristiques particulières du droit international

La société internationale est une société institutionnelle, constituée essentiellement de

personnes morales à la différence des sociétés nationales qui sont des sociétés humaines

constitués de personnes physiques et de personnes morales. René DUPUY caractérise la

société internationale et le droit qui le sous-tend dans sa conception volontariste par trois traits

interdépendants; « l’éparpillement », « l’inconditionnement » et la « violence ».66 En premier

lieu, il n’y a pas d’autorité centrale comme dans la société interne, chaque Etat disposant de sa

souveraineté d’où l’idée d’éparpillement du pouvoir. Cet éparpillement du pouvoir, marqué

par l’absence d’un pouvoir absolu, traduit en premier l’absence d’unité du droit international

dans la mesure où les normes qui la constituent proviendraient de plusieurs sources

s’équivalant. Certains auteurs ont qualifié ce fait d’anarchie.67 Il en découle que chaque Etat

65 Antonio TRUYOL Y SERRA, op. cit. p33 66 René-Jean DUPUY, op.Cit. p21-57 67 « L’anarchie est le trait fondamental de la vie internationale et le point de départ de toute réflexion théorique sur celle-ci» H. BULL, Society and Anarchy in International Relations, in H. Butterfield et M. Wight (eds), Diplomatic Investigations, Londres, Allen & Unwin, 1966,pp. 35-60.

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membre de cette société n’est soumis qu’à sa propre volonté et ne vise que ses propres intérêts

dans ses rapports avec les autres membres de la société. En l’absence d’une autorité qui crée

et impose le droit comme dans les sociétés nationales, le droit dans la société internationale

tirerait donc sa source dans la volonté de chaque Etat de se soumettre à certaines normes dans

ses rapports avec les autres Etats ou acteurs des relations internationales. La société

internationale serait par cet inconditionnement une société libertaire. L’inconditonnement

signifie pour DUPUY « que le droit (international) est essentiellement volontariste et

qu’aucune obligation originaire ne s’impose aux Etats s’ils n’ont pas souscrit par leur

participation à une coutume ou un traité ». Par contre dans les sociétés infra-étatiques règne

une hiérarchie institutionnelle et parfois sociale qui conditionne les rapports des différents

membres entre eux ainsi que l’ensemble de leurs actions tout cela sous le contrôle d’une

puissance unique. Cette deuxième caractérise a pour conséquence que les rapports entre les

différents Etats conduisent parfois à des confrontations violentes. Ce qui fera dire à Philippe

CHRESTIA que « l’Etat des relations internationales révèle une société largement

décentralisée et porteuse de conflits».68 Pour finir, on peut dire que le caractère inégalitaire

des Etats membres de la société internationale (les inégalités démographiques, économiques,

militaires…) font du droit international, un droit inégalitaire comme on dirait assez fort pour

s’imposer aux faibles Etats et laissant libre les Etats puissants.

Si ces caractéristiques ont pu correspondre à ce qu’était la société internationale à une

époque, aujourd’hui elles semblent dépassées et la société internationale tend vers ce qu’on

peut appeler « une communauté internationale » qui serait à peu près à l’image des sociétés

intra-étatiques. Pour d’autres, l’évolution actuelle de la société internationale tend vers

l’émergence d’une société organisée, institutionnalisée partageant des valeurs communes dits

universels. Les Etats qui enfreignent ces valeurs sont qualifiés de transgresseurs. Ces valeurs

sont entre autre les droits de l’homme, le rejet du recours unilatéral à la force, le respect des

engagements pris… Avec la mise en place d’organisations telles que l’ONU, l’OMC, la BM

et le FMI auxquelles les Etats reconnaissent une certaine légitimité, l’ordre international

s’harmonise et l’Etat perd de plus en plus son autonomie c’est-à-dire sa capacité à

s’autodéterminer ou à définir ses propres règles de fonctionnement dans ses relations

internationales. Dans ce contexte le droit international se développe, se précise et devient de

plus en plus un droit contraignant pour les Etats. La Charte des Nations unies, la création de

la cour internationale de Justice à la Haye en 1945, la Convention de Vienne de 1969 appelé

68 Philippe CHRESTIA, Relations Internationales, Studyrama 2004, p16

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aussi « le traité des traités » entrée en vigueur à partir de 1980 constituent des étapes clés dans

cette construction d’un ordre juridique international de plus en plus encadré.

Avec le renforcement des relations internationales et son élargissement à de nouveaux

acteurs ainsi qu’a des nouveaux secteurs sous l’effet de la mondialisation, le droit

international se dépolarise, sortant du cadre uniquement public pour se diviser en plusieurs

branches à l’instar du droit interne.

IV. Les différentes branches du droit international

Le droit international n’est donc plus seulement le droit public international. Il admet

aujourd’hui d’autres branches en plus de ce traditionnel droit public; le droit international

privé et le droit pénal international. Ce qu’il est important de connaitre afin de bien cerner le

problème épineux de sujet du droit international. En effet, si seuls les Etats sont sujets du droit

international public et de façon accessoire les ONG, pour ce qui est des autres branches, les

personnes privées (individus et entreprises, ONG) constituent les sujets principaux.

Le droit international privé peut prendre en compte deux aspects; national et international. D’une part il est un ensemble de règles juridiques s’appliquant à l’intérieur d’un Etat lorsque la relation concerne des personnes privées de nationalités différentes. C’est pourquoi selon François RIGAUX, le droit international privé « se limite à la branche des conflits de loi».69 Dans le second aspect, le droit international privé serait un ensemble de règles juridiques qui codifie les relations commerciales entre différentes personnes privées à l’échelle internationale. En effet, le développement du commerce international a conduits les acteurs de ces relations commerciales à élaborer un ensemble de règles qui régissent leurs activités au-delà des cadres généraux posés par les accords étatiques. C’est ce que l’on a qualifié de lex mercatoria.70

Le droit pénal international quant à lui s’est développé à partir de la seconde moitié du XXe siècle, après la seconde guerre mondiale de la volonté des vainqueurs de cette guerre de juger certains dirigeants allemands et japonais pour certains les crimes commis durant la guerre. D’après une définition jurisprudentielle de cette période, le droit pénal est un « « Droit qui gouverne les crimes internationaux c'est-à-dire les actes qui sont universellement reconnus comme des actes criminels, qui revêtent une importance internationale et qui pour cette raison ne peuvent être laissés à la compétence exclusive de l’État qui en aurait

69 François RIGAUX, Droit Privé et Droit Public dans l’ordre international, in Mélange à Jean DABIN, Bruylant 1963, T1, p256 70 Cours général Académie De Droit International de la Haye, Diversification, spécialisation, flexibilisation et matérialisation des règles de droit international privé, Martinus Nijhoff Publishers, 21 déc. 2001

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le contrôle en temps ordinaire ».71 A partir des tribunaux militaires internationaux (TMI) de l’après seconde guerre mondiale, plusieurs tribunaux pénaux verront le jour ; le tribunal pénal international pour la Yougoslavie(TPIY), le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR)… Aujourd’hui ce processus de construction d’un droit criminel international s’est consolidé avec le statut de Rome et la création de la Cour Pénal Internationale (CPI) en 2002.

Le droit pénal international a pour objet les crimes dont la gravité fait qu’ils constituent une atteinte à l’ordre public international et sont pour ainsi qualifiés de crimes internationaux. On peut citer à titre illustratif le génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité… Les individus quel que soit leur titre qui se seront rendus coupables de ces actes doivent être jugés au nom de la communauté internationale.

Le droit pénal international s’il prend sa source dans un ensemble de traités interétatique ne s’applique principalement qu’aux individus personnes physiques et accessoirement aux personnes morales comme les entreprises.

Apres ce chapitre préliminaire, nous pouvons à présent nous intéresser à l’étude du droit international public en commençant par ses sources.

CHAPITRE I- LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

Toute étude de droit, doit au préalable mettre l’accent sur les sources et, le droit

international public n’échappe pas à cette logique. Plus que dans les différentes branches du

droit interne, ou la technique juridique l’emporte de loin sur les questions qui concernent les

fondements des règles juridiques, toute bonne étude du droit international débute

nécessairement avec un examen de ses sources.

L’expression « sources du droit international » renvoie à la formation du droit

international. A cet effet, il convient de noter que le vocable « sources » en droit international

renvoie à deux types de sources : les sources formelles et les sources matérielles.

Les sources formelles du droit sont des procédée d’élaboration du droit, c’est-à-dire, les

diverses techniques qui autorisent à considérer qu’une règle appartient au droit positif. C’est

du reste l’idée partagée par Paul REUTER, pour qui les sources formelles sont « les procédés

71 Définition jurisprudentielle du crime international donnée dans l’affaire des otages jugée à Nuremberg par le Tribunal militaire des États-Unis à Nuremberg 8 juillet 1947 – 19 février 1948 États-Unis c/Wilhelm List, UNWCC, Law Reports of Trials of War Criminals, vol. VIII, 1949, p. 34.

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extérieurs (organes, procédures, actes) par l'intermédiaire desquels les règles prennent corps

dans la société internationale 72». Les sources matérielles, quant à elles sont « l'ensemble des

données, non juridiques en elles-mêmes, qui influent sur le contenu et l'évolution des règles,

relations de puissance, idéologies, systèmes culturels. 73». Elles font références à tous ces

éléments et influences qui déterminent le contenu de la réglementation juridique, que ce

soient les intérêts et besoins pratiques des Etats ou les exigences idéales, qui découlent, à un

moment donné, de la conscience sociale, des idéologies prévalant dans la prétendue

« communauté internationale ».

Ces deux types de sources (matérielles et formelles), entretiennent des rapports étroits

dans la mesure où, les sources matérielles servent de fondement sociologique des sources

formelles, lesquelles expriment l’aboutissement du processus d’élaboration de la norme

internationale.

Aujourd’hui, toute étude des sources du Droit International Public passe nécessairement

par l’article 38 du Statut de la Cour Internationale de Justice, qui fournit l’énumération des

sources formelles du Droit international Public.

Ledit article, dispose en ces termes :

« La Cour, dont la mission est de régler conformément au Droit International, les différends

qui lui sont soumis, applique :

a) Les conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles expressément reconnues par les Etats en litige ;

b) La coutume internationale comme preuve d’une pratique générale acceptée comme étant le droit

c) Les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées

d) Sous réserve de la disposition de l’article 59, les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit. »

L'article 38 du Statut de la Cour Internationale de Justice énumère cinq (5) sources

différentes du Droit international public. Il s'agit des conventions internationales, de la

72 Paul REUTER, Principes du Droit International Public, RCADI 1961, II, Vol. 103, p. 461 73 Jean COMBACAU, Serge SUR, Droit International Public, Montchrestien, Paris, 1986, p33-34

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coutume, des principes généraux de droit, des décisions judiciaires et de la doctrine. Cette

disposition pose, aujourd'hui, un certain nombre de difficultés pratiques compte tenu du fait

qu'e1le consacre des institutions anachroniques (référence aux principes généraux de droit

reconnus par les nations civilisées) et qu'elle ne mentionne pas des sources importantes du

Droit international public à savoir les actes unilatéraux des Etats et des organisations

internationales.

Pour pallier ces difficultés pratiques, nous avons jugé utile de s’intéresser d’une part aux

sources principales (Section 1) du Droit International ou il sera question d’examiner le traité

international et la coutume internationale, d’autre part , nous nous intéresserons aux autres

sources subsidiaires du Droit international (Section 2) que sont les principes généraux de

droit, les actes unilatéraux , la doctrine et la jurisprudence.

Section 1- Les sources principales du droit international public

Les sources principales du Droit International Public, objet du présent chapitre va porter

sur la source par excellence de ce droit qui n’est autre que le traité international (Sous-section

1), pour mieux envisager un tout autre mode de formation de ce droit aussi important en

l’occurrence la coutume internationale (Sous-section 2).

Sous-section 1- Le traite international

Le traité international ou convention internationale est l’une des sources les plus

importantes du droit international. C’est la source qui sied le mieux à la nature volontariste du

droit international, en ce qu’il (traité) est un accord résultant de la rencontre de volontés des

sujets de droit international. Il constitue à nos yeux le moyen le plus sûr, par lequel les sujets

du droit international établissent des relations stables, durables et pacifiques.

Le traité international sera abordé par sa définition et sa classification (1), pour mieux

s’intéresser aux règles en matières de conclusion des traités (2), de validité des traités (3),

d’application et des effets des traités (4) et en termes de modification et fin de traités (5).

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1. Le traité international: de sa définition et de sa classification

1-1 : Définition et caractéristiques du Traité International

Le traité international a fait l’objet d’une codification par la Commission du droit

International des Nations Unies, ayant abouti à la consécration juridique des Conventions de

Viennes sur le droit des traités entre Etats de 1969 et la Convention de Viennes sur le

droit des traités entre les Etats et les Organisations internationales d’une part et d’autre

part entre les organisations internationales entre elles de 1986.

Il est ainsi dérivé de ces efforts de codification, une définition générique du traité

international. La définition du traité international nous est donnée par l’article 2, Par 1a de la

Convention de Viennes de 1969, dont la teneur est la suivante : « L’expression ″traité″

s'entend d'un accord international conclu par écrit entre Etats et régi par le Droit

International, qu'il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs

instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière ».

A lecture de cet article, le traité international est :

Un accord international

Le traité est un acte juridique élaboré à la suite d'un échange de volontés survenu entre des

sujets de droit. Le consentement de chacune des parties est la condition fondamentale sans

laquelle il n'y a pas de traité. Ce principe est constamment affirmé par la jurisprudence

internationale74. Le traité résulte de l'accord scellé entre deux ou plusieurs sujets de Droit

International ou par des entités détenant des compétences particulières (Saint siège ou Comité

International de la Croix Rouge)75.

Un accord international écrit

Le formalisme sur la nature écrite du traité est très important, dans la mesure où il

permet d’exclure les accords internationaux verbaux, souvent très nombreux dans la pratique

internationale. Si les accords internationaux verbaux ne sont pas réglementés par la

Convention de Viennes de 1969, cela ne porte en aucun cas atteinte à la valeur juridique de

74 Voir C. I. J, A.C, 28 mai 1951, les réserves à la convention sur la prévention et la répression du crime de génocide. «Un Etat ne peut, dans ses rapports conventionnels, être lié sans son consentement ». 75 Voir le Chapitre II consacré aux Sujets du Droit International pour davantage d’informations. Voir infra

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tels accords. C’est tout le sens de l’article 3 de ladite Convention, laquelle dispose : « « le fait

que la présente convention ne s'applique ni aux accords internationaux conclus entre des

Etats et d'autres sujets du Droit international ou entre ces autres sujets du Droit

International, ni aux accords internationaux qui n'ont pas été conclus par écrit, ne porte pas

atteinte: a) à la valeur juridique de tels accords; b) à l'application à ces accords de toutes

règles énoncées dans la présente Convention auxquelles ils seraient soumis en vertu du Droit

International indépendamment de ladite convention. (..) »

Un accord international écrit régi par le droit international

La conclusion des traités permet aux Etats de réaliser un objectif déterminé. Et, de ce

point de vue, on peut affirmer que tous les traités présentent un aspect politique. Cependant,

au-delà de ces motivations, les traités sont des actes juridiques destinés à créer des droits et

des obligations internationaux. Ces effets juridiques permettent notamment, de distinguer les

traités des accords purement politiques, dépourvus d'effets juridiques directs. Les accords

politiques sont des engagements qui lient leurs auteurs mais qui ne créent pas d'obligations

juridiques. Ils doivent être exécutés de bonne foi et leur inapplication peut justifier certaines

réactions d'ordre politique et non juridiques.

Etant un acte juridique, c’est-à-dire une manifestation de volonté portant sur un objet

déterminé et produisant les effets de droit. , le traité crée la norme, laquelle peut être

consignée dans un instrument dans un ou plusieurs instruments. Cette pluralité d'instruments

juridiques ne remet pas en cause l'unicité de la norme. Ces principes sont consacrés par la

pratique et la jurisprudence internationales.

Un accord international écrit régi par le droit international … et quelle que

soit sa dénomination particulière

La formule est donc extrêmement large « quelle que soit sa dénomination particulière »,

elle consacre donc une diversité terminologique en ce qui concerne la dénomination d’un

traité international. A cet effet, il est important de noter que la terminologie n'est pas un

élément déterminant quant au caractère obligatoire d'un accord ou d'un engagement

international. Dans la pratique des États et des organisations internationales, comme dans la

jurisprudence des tribunaux internationaux, on trouve des usages très variés; le caractère de

dispositions conventionnelles a été attribué à de nombreux types d'actes différents.

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Il existe à ce sujet une véritable profusion: traité, convention, protocole, déclaration,

échange de notes, de statut, de modus vivendi, de pacte, de concordat, etc. Ces terminologies

sont d'usage dans le langage juridique.

A titre d’exemple, le concordat se dit d’un est un traité conclu entre le Saint-Siège et un

État en vue de régler la condition de l'Église et du culte dans cet État. Les intérêts du

«spirituel» sont la préoccupation dominante de l’accord. Le Traité créant l’Organisation des

Nations Unies en 1945 porte le nom de Charte etc….

La définition du traité international et ses caractéristiques étant examinées, quels

regards peut-on porter sur la classification des traités ?

1-2 : La classification des Traités Internationaux

La classification des Traités internationaux est l’un des domaines les plus controversés

du droit des traités. Bien que les travaux préparatoires de la Convention de Viennes de 1969

se soient penchés sur la question des traités internationaux, la convention de Viennes ne

consacre pas une classification exhaustive des traités.

Parce que le traité en soi couvre de nombreuses réalités de la vie internationale, la

doctrine propose diverses classifications. Celles-ci prennent en considération : le nombre de

parties ; la qualité des parties ; les procédures suivies ou les aspects matériels de l’acte.

Ainsi, la doctrine a retenu deux critères fondamentaux pour classer les traités notamment

le critère formel et le critère matériel.

Le critère formel

Selon le critère formel, nous avons :

• La qualité des parties

Par la qualité des parties, il faudrait faire la distinction entre :

- les traités conclus entre Etats (exemples les conventions signées entre le Maroc et les

autres pays du monde portant sur des domaines variés)

- les traités conclus entre les Etats et les organisations internationales (il est question le

plus souvent des traités d’adhésions aux organisations internationales. Par exemple, les

traités d’adhésion du Maroc avec la Ligue Arabe etc...)

- les traités conclus entre organisations internationales (Ces traités répondent au

principe de la spécialité, c’est-à-dire que les organisations internationales ne peuvent

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conclure des traités que dans leur domaine de compétences Par exemple l’Organisation

Mondiale de la Santé ne peut conclure des traités avec les autres organisations

internationales que dans le domaine de la santé.)

• Le nombre de parties

Par le nombre de parties, il faudrait faire la différence entre :

- Les traités bilatéraux, qui sont des traités conclus entre deux Etats (Exemple les Traités

conclus entre le Maroc et la France, entre le Maroc et le Sénégal etc..)

- Les traités multilatéraux. Ce sont des traités conclus entre plusieurs Etats. Il établit des

obligations et droits relatifs aux Etats concernés. Ce type de traité est plus difficilement

mis en place puisque sa complexité est supérieure à celle des traités bilatéraux et implique

plusieurs Etats. L’entrée en vigueur des traités multilatéraux n’est effectif qu’après

plusieurs aménagements si besoin. Le traité multilatéral est un traité ouvert à tous les

Etats.

- Les Traités plurilatéraux, sont des traités conclus entre un nombre restreint d’Etats

(plus de deux Etats) et qui ne sont pas ouverts à tous les Etats. Par exemple, les traités du

G8, les traités de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale

(CEMAC).

• Selon la procédure suivie ou la forme de conclusion du traité

Selon la procédure suivie ou la forme de conclusion du traité, nous avons :

- Les traités en forme simplifiée ou Gentlman Agreement sont des traités conclus par un

échange de notes, un échange de lettres, un procès-verbal etc…. C’est-à-dire qui ne

nécessite pas de procédure de ratification (Exemple les Accords franco-marocains du 2

Mars 1956)

- Les traités en forme solennelle sont les traités conclus qui nécessite une procédure de

ratification pour leur rentrée en vigueur. La procédure de ratification est régie par le droit

interne de chaque Etat.

- Les traités élaborés au sein ou sous les auspices des organisations internationales, ce

sont des traités conclus dans le cadre des organisations internationales touchant des

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aspects importants de la vie internationale (La conférence Mondiale sur le Climat, cop21,

qui s’est tenu à Paris en 2015 sous les auspices des Nations Unies)

Le critère matériel

En recourant au critère matériel, la doctrine opère les distinctions suivantes :

- Les traités-lois seraient des conventions de caractère général fixant des règles communes

pour l'ensemble de la communauté internationale. Abstraites, ces règles seraient

représentatives des intérêts généraux de l'humanité. Ils établissent une situation juridique

impersonnelle et objective. (Exemple Le Pacte international sur les Droits civils et

politiques de 1966,

- Les traités-Contrats créent entre les cocontractants une situation juridique subjective car

ils contiennent à la charge des Etats uniquement des obligations particulières et concrètes

comme celles qui découlent des contrats de droit civil. (Exemple Les Accords de Libre

échanges entre le Maroc et Les Etats Unis de 2001)

- Les Traités-cadres constituent une nouvelle classification formulée dans le domaine de

l’environnement. Ils sont définis par Alexandre KISS comme « un instrument

conventionnel qui énonce les principes devant servir de fondement à la coopération entre

les Etats parties dans un domaine déterminé, tout en leur laissant le soin de définir, par

des accords séparés, les modalités et les détails de la coopération, en prévoyant, s'il y a

lieu, une ou des institutions adéquates à cet effet 76».

- Les traités constitutifs sont des traités qui donnent naissance aux organisations

internationales (Exemple La Charte des Nations Unies de 1945, La Charte de l’Union

Africaine 2002)

- Les traités normatifs ont des traités qui qui fixent des obligations de comportement à

ceux qui établissent des structures et déterminent leur mode de fonctionnement (Exemple

les règlements intérieurs des organisations internationales)

La classification non exhaustive des traités internationaux doit être un préalable

nécessaire à la compréhension de la conclusion des traités (2) 76 Alexandre KISS, « Les traités cadres : une technique juridique caractéristique du droit international de l’environnement », Annuaire Française du Droit International, 1993, p793

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2. La conclusion des traités

La conclusion des traités, peut être entendue comme l’ensemble des opérations et

procédures nécessaires en vue de l’élaboration du traité, c’est-à-dire toutes les mesures mises

en jeu pour matérialiser l’existence du traité international. La procédure de conclusion des

traités est complexe comme l’avouent un grand nombre de juristes, « car les souverainetés

(Etats) répugnent à s’engager à la légère 77». La procédure de conclusion dont la complexité

varie selon les traités comporte plusieurs étapes à savoir : l’élaboration de l’acte (2-1),

l’engagement des Etats (2-2), l’entrée en vigueur, l’enregistrement et la publication (2-3).

2-1 : L’élaboration de l’acte

La procédure d’élaboration de l’acte des traités démarre avec la négociation et se

termine avec l’adoption du texte du traité.

A- La négociation

La négociation qui, est une opération matérielle au cours de laquelle les participants

discutent en vue de l’élaboration du traité, pose au préalable la question de l’habilitation à

négocier, c’est-à-dire vérifié si les personnes habilitées ou désignées pour la circonstance ont

la compétence à négocier au nom de l’Etat qu’ils prétendent représenter.

En effet, la négociation est menée par les personnes habilitées appelées les

« plénipotentiaires », ces derniers disposent des pleins pouvoirs. D’après l’article 2 de la

Convention de Viennes, l’expression pleins pouvoirs s’entend « d’un document émanant de

l’autorité compétente d’un Etat et désignant une ou plusieurs personnes pour représenter

l’Etat pour la négociation, l’adoption ou l’authentification d’un traité, pour exprimer le

consentement de l’Etat à être lié par un traité ou pour accomplir tout autre acte à l’égard du

traité ». Une personne est donc considérée comme représentant d’un Etat si elle produit des

pleins pouvoirs appropriés. La présentation des pleins pouvoirs n’est pas, cependant, une règle

absolue: les Etats intéressés peuvent y renoncer et en vertu de leurs positions, certaines

personnes n’ont pas à produire des pleins pouvoirs; c’est le cas notamment des chefs d’Etat,

des chefs de gouvernement et des ministres des affaires étrangères, les chefs de mission 77 Paul Marie DUPUY, Le droit international, Paris, PUF, 1982, p.191

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diplomatique pour les traités conclus entre l’Etat accréditant et l’Etat accréditaire, les

représentants des Etats à une conférence internationale ou auprès d’une organisation

internationale78.

Il faut dire que le droit international en général a peu de choses à dire sur la négociation,

parce que c’est une procédure libre, mais aussi surtout parce que le traité est un contrat et

comme tel il incarne la liberté contractuelle, laquelle traduit le principe d’autonomie de la

volonté des Etats. Néanmoins, la pratique nous enseigne qu’il existe une différence

importante entre la négociation d’un traité bilatéral et la négociation d’un traité multilatéral.

La négociation des traités bilatéraux

Le traité bilatéral est élaboré par deux Etats parties à une négociation déterminée. Le

caractère synallagmatique de l'engagement permet aux parties de s'entendre sur un objet

identique. Le traité bilatéral peut être conclu à l'issue d'une procédure longue, courte ou par

échange de lettres.

- La procédure longue suppose la rédaction du projet de convention par les

représentants habilités et à la fin des discussions, la signature vaut authentification du

texte. Elle exprime leur volonté de poursuivre la négociation. Dans l'hypothèse où les

parties à la négociation désirent distinguer l'authentification de la signature, elles

recourent au paraphe c'est-à dire qu'elles procèdent à l'apposition des initiales des

négociateurs sur les documents. Les procédures internes d'engagement définitif de

l'Etat sont alors mises en œuvre. Puis, les deux parties procèdent à l'échange ou à la

notification des instruments de ratification.

- La procédure courte permet aux deux Etats de s'engager définitivement au moment

de la signature ou du paraphe.

- L'échange de lettres se distingue de la procédure courte par le fait que les signatures

des représentants des deux Etats ne se retrouvent pas sur le même document. Elles

sont apposées sur un document et ensuite, chacun des documents est remis à l'autre.

78 Toutes ces personnes citées bénéficient de ce que l’on appelle en droit « la compétence ex officio ». Cette compétence est prévue par la Convention de Viennes de 1969 en son article 2, par 2.

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Ainsi, chaque partie conserve-t-elle le document portant la signature de l'autre.

Généralement, les deux lettres comportent le même texte.

La négociation des traités multilatéraux

Les traités multilatéraux sont des traités qui portent sur les intérêts communs de

l’ensemble de l’humanité, ceux-ci ont connu à la faveur des grands enjeux de la

communauté internationale (environnement, droits de la mer, droit de l’homme etc..) un

développement considérable. Bien que n’ayant fait l’objet d’aucune disposition

particulière dans les conventions diplomatiques de 1969 et 1986, cette catégorie de traités

multilatéraux présente certaines particularités.

Les traités multilatéraux sont élaborés selon deux modalités :

- dans le cadre d’une organisation internationale le plus souvent l’ONU. Par

exemple, la conférence de codification convoquée par l’Assemblée Générale de

l’ONU en 1960 sur le droit de la Mer à Genève

- dans le cadre d’une conférence diplomatique, c’est-à-dire, des réunions

spécialement convoquées à cet effet, soit à l’initiative d’un Etat ou à l’initiative d’une

organisation internationale. Nous pensons ici, à la récent1e conférence mondiale sur le

climat à Paris, en novembre 2015, dénommée Cop21, et à la prochaine cop22 qui sera

convoquée par le Royaume du Maroc en octobre 2016.

Autrefois, l’adoption du texte d’un traité multilatéral se faisait à l’unanimité,

aujourd’hui, le texte d’un traité multilatéral peut être adopté par consensus (la pratique du

consensus suppose la volonté réelle des Etats parties à la négociation de faire des compromis

et d'aboutir à un accord équilibré) par tous les États qui participent aux négociations, ou par

voie de scrutin par l’organe compétent d’une conférence internationale. Dans ce dernier cas

de figure, lorsque les États ne se sont pas entendus sur les modalités de scrutin de l’organe

compétent, l’adoption du texte est censée se faire à la majorité des deux tiers des voix des

États présents et votants, à moins que ces États ne décident à la même majorité d’appliquer

une règle différente (Convention de Vienne, article 9).

Dans le cas où il n’y a pas d’échec dans les négociations, celles-ci conduisent le plus

souvent à l’adoption du texte du traité.

B- L’adoption du texte du traité

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L’adoption du « projet du traité » met un terme à la procédure de négociation. Celle-ci

s’effectue par le consentement des Etats participant à sa rédaction. Ainsi, le texte du traité se

compose généralement des parties suivantes :

- Le préambule : Il procède à l’énumération des parties contractantes (dénommées

Hautes Parties Contractantes, quand il s’agit des traités en forme solennelle et des

Parties, quand il est question des traités en forme simplifiée) et à la présentation de

l'exposé des motifs c'est-à-dire, à une présentation de l'objet et du but du traité. De

façon générale, la doctrine considère que le préambule d'un traité ne possède pas de

force juridique 79 . Il n’est pas toutefois dépourvu d’effets dans la mesure où,

l’interprète du traité peut s’y référer pour déterminer l’intention des parties.

- Le dispositif : Le dispositif est composé du corps du traité. Il comprend les différents

articles et précise, les droits et obligations des parties. Il se termine par les clauses

finales.

- Les clauses finales : Les clauses finales présentent la caractéristique d'être

d'application immédiate c'est-à-dire d'entrer en vigueur dès l'adoption de la convention

et avant son entrée en vigueur (article 24-4 de la Convention de Vienne)

- Les Annexes : Les annexes sont des dispositions d'ordre technique ou complémentaire

qui ont la même valeur juridique que le dispositif. Par exemple, les neuf (9) annexes

de la Convention de Montego Bay sur le droit de la Mer ont la même valeur juridique

que le dispositif. Malgré les divergences entre auteurs sur la question, la CIJ a eu

l’occasion de préciser que les annexes sont une partie intégrante du traité dont elles

possèdent la nature juridique, car elles permettent de déterminer l’intention des

parties80. Une fois, le texte du traité adopté celui-ci doit être authentifié.

C- L’authentification

79 Voir C.I.J., A, 18 juillet 1966, Sud-ouest Africain, Rec.v1966, p.5. La Cour se prononce sur la nature juridique du préambule de la Charte de l'Organisation des Nations-Unies et elle affirme que: « Le préambule de la Charte des Nations Unies constitue la base morale et politique des dispositions juridiques qui sont énoncées ensuite. De telles considérations ne sont pas cependant en elles-mêmes des règles de droit » 80 Voir, CIJ, A, 27 août 1952 Droit des ressortissants des Etats- Unis d'Amérique au Maroc, Rec. 1952, p.196-197.

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68

On entend par authentification, « la procédure qui consiste à déclarer que le texte rédigé

correspond à l'intention des négociateurs et qu'ils le tiennent pour définitif. En principe, un

texte authentifié n'est plus susceptible de modification81» .Cette authentification peur se faire

soit par la signature ad referendum (les représentants des États qui participent aux

négociations apposent leur signature sous réserve de confirmation ultérieure par leur

gouvernement), soit par le paraphe, consistant à l’apposition des initiales. En outre, une

différence est à opérer entre l’authentification des traités bilatéraux et l’authentification des

traités multilatéraux.

Pour les traités bilatéraux, ceux-ci sont généralement adoptés et authentifiés par la

signature. La seule condition exigée est celle de l’unanimité des parties. Par contre, lorsqu’il

est question des traités multilatéraux adoptés par une conférence internationale ou l’organe

d’une organisation internationale, la pratique actuelle commande d’arrêter le contenu du traité

par décision prise à la majorité des Etats représentés au sein de la conférence ou

conformément aux règles de vote de l’organe international. La convention de Vienne en son

article 9, par 2 dispose clairement que « l’adoption du texte d’un traité à une conférence

internationale s’effectue à la majorité des deux tiers des Etats présents et votant, à moins que

ces Etats ne décident, à la même majorité, d’appliquer une règle différente ».

Si le texte adopté et authentifié exerce une petite portée juridique particulière.

Généralement, à ce stade, le traité n'est pas obligatoire pour les parties à la négociation, dans

la mesure où il n'est pas encore entré en vigueur. Cependant, les Etats qui ont signé en faveur

de l'adoption de l'acte sont soumis à une obligation de comportement. En vertu du principe de

la bonne foi consacré par l'article 18 de la Convention de Vienne, les Etats ne doivent pas

prendre des actes qui auraient pour objectif de priver le traité de son objet et de son Il en

résulte une conséquence juridique importante. Car, le traité sans être en vigueur commence à

produire certains effets dès sa conclusion. La pratique permet, cependant, de relever que

l'adoption du texte n'empêche pas les Etats de le remettre en cause avant son entrée en vigueur

en recourant à plusieurs moyens. Les Etats peuvent élaborer des protocoles additionnels

L’authentification met fin à la phase d’élaboration de l’acte du traité et donne lieu à la

phase de l’engagement des Etats à être liés par le traité.

81 Nguyen Quoc Dinh, Droit international public, Paris, A.LGDJ, 1986, p.124.

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2-2 : L’engagement des Etats L’engagement des Etats à être liés définitivement par un traité présente des formes

variables caractérisées ou non par un certain formalisme (Voir les accords en forme simple

et les accords en forme solennelle).82 En effet, il a été vu précédemment que la signature des

traités en forme simplifiée était synonyme d’engagement définitif des Etats, car ils ne

nécessitent aucune autre procédure particulière pour lier définitivement les Etats aux traités en

question. En revanche, la volonté de l’Etat à être lié de manière solennelle s’exprime par la

ratification, laquelle est soumise à l’ordre juridique interne de chaque Etat. Une idée

confirmée par Manin en ces termes : « dans les cas des formes dites ″solennelles″ d’accord,

l’expression du consentement à être lié ne peut résulter que d’un acte postérieur et distinct de

l’authentification, et cet acte n’est autre que la ratification 83».

La volonté de l'Etat d'être lié définitivement (Article 14 de la Convention de Vienne)

s'exprime au moyen de la ratification, de l'acceptation et de l'approbation. Ces trois concepts

semblent avoir une valeur équivalente. Et, il faut se référer à la pratique générale afin de

tenter de cerner la signification particulière qu'ils peuvent revêtir. C'est ainsi que la ratification

serait la confirmation de la négociation conduite par un représentant de l'Etat, opérée par le

Chef de l'Etat, tandis que l'acceptation et l'approbation relèveraient de la compétence du

Ministre des Affaires Etrangères ou d'autres autorités internes. Toutefois, il faut noter que ces

différentes procédures produisent, du point de vue du Droit international public, les mêmes

effets juridiques. Le juge international a eu plusieurs fois l'occasion d'affirmer que la

ratification des conventions constitue une règle ordinaire du Droit international public84.

Dès lors, la procédure de ratification varie selon les ordres juridiques internes. Elle peut

être l'œuvre exclusive de l'exécutif (régime d'exception), du législatif (régime d'Assemblée)

ou d'une compétence partagée entre l'exécutif et le législatif. Dans ce dernier cas, le législatif

accorde l'autorisation de ratifier au moyen d'une loi. Et, l'exécutif ratifie au moyen d'un décret

ou d’un Dahir. C'est cette troisième modalité qui est consacrée par le droit positif marocain.

Au Maroc, par exemple, c’est le chef de l’Etat en la personne de Sa Majesté le Roi qui est

compétent en ce qui concerne la ratification des traités internationaux, en dehors des traités 82 Voir la Section 1-1-2 de la présente analyse réservée à la classification des traités internationaux, p. 83 P. Manin, Droit international public, Paris, Masson, 1979, p.86. 84 CIJ, A, 1er juillet 1952, Ambatielos, « La ratification d'un traité, lorsqu'elle est prévue comme dans le traité de 1926 est une condition indispensable de l'entrée en vigueur du traité: elle n'est donc pas une simple formalité, mais un acte d'importance essentielle ».

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internationaux ayant une incidence financière, des traités de paix ou d’Union, de

délimitations des frontières, des traités de commerce qui sont de la compétence du pouvoir

législatif (Article 55 de la Constitution de 2011). 85

L’engagement des Etats à être liés définitivement par le traité donne lieu

automatiquement à l’entrée en vigueur, laquelle dans notre analyse sera suivi de

l’enregistrement et la publication.

2-3 : L’entrée en vigueur, l’enregistrement et la publication

L’entrée en vigueur

L’entrée en vigueur d’un traité signifie tout simplement que ce dernier est apte à

produire des effets de droits, c’est-à-dire à modifier l’ordonnancement juridique. Paul

REUTER nous le rappelle très bien en ces termes : « l’entrée en vigueur se réfère au fait que,

pour les Etats ayant exprimé leur consentement à être liés par le traité, le traité en tant que

tel a acquis désormais sa pleine efficacité juridique 86 ». Par ailleurs, l’article 24 de la

Convention de Vienne détermine les conditions d’entrée en vigueur des traités. Celles-ci sont

soit fixées par l’art 24 de la convention de Vienne, soit par le traité, soit par accord des Etats

parties à la négociation, soit par tout autre moyen que les Etats auront jugé nécessaire. Ainsi,

l’article 24 de la Convention de Vienne dispose : Les Etats peuvent convenir de l’entrée en

vigueur provisoire du traité :

1-Un traité entre en vigueur suivant les modalités et à la date fixées par ses dispositions ou

par accord entre les Etats ayant participé à la négociation.

2-A défaut de telles dispositions ou d'un tel accord, un traité entre en vigueur dès que le

consentement à être lié par le traité a été établi pour tous les Etats ayant participé à la

négociation. » Ils ont aussi la possibilité de décider de son entrée en vigueur définitive..

85 Article 55 de la constitution marocaine de juillet 2011, « Le Roi signe et ratifie les traités. Toutefois, les traités de paix ou d’union, ou ceux relatifs à la délimitation des frontières, les traités de commerce ou ceux engageant les finances de l’Etat ou dont l’application nécessite des mesures législatives, ainsi que les traités relatifs aux droits et libertés individuelles ou collectives des citoyennes et des citoyens, ne peuvent être ratifiés qu’après avoir été préalablement approuvés par la loi. Le Roi peut soumettre au Parlement tout autre traité avant sa ratification. Si la Cour Constitutionnelle, saisie par le Roi ou le Président de la Chambre des Représentants ou le Président de la Chambre des Conseillers ou le sixième des membres de la première Chambre ou le quart des membres de la deuxième Chambre, déclare qu’un engagement international comporte une disposition contraire à la Constitution, sa ratification ne peut intervenir qu’après la révision de la Constitution. » 86 Paul REUTER, Introduction au droit des traités, op cit, p.62

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Il faut préciser que l’entrée en vigueur des traités bilatéraux résulte de l'échange des

instruments de ratification. En cas de silence des parties sur les conditions d'entrée en vigueur

d'un traité bilatéral, la date sera celle de l'échange des instruments de ratification. Par contre,

les conditions d'entrée en vigueur des traités multilatéraux varient selon les traités.

L'unanimité est généralement requise pour les traités fermés, les traités élaborés dans le cadre

d'une région déterminée ou les traités communautaires. D'autres traités multilatéraux exigent

au contraire, le consentement de quelques Etats bien identifiés pour leur entrée en vigueur.

C’est le cas notamment du traité de non-prolifération des armes nucléaires du 10juillet 1968,

pour lequel le consentement des Etats-Unis d'Amérique, de l'URSS et du Royaume-Uni de

Grande-Bretagne, parties originaires, déterminait l'entrée en vigueur dudit traité.

L’enregistrement et la publication

Les traités ratifiés doivent en principe être enregistrés et publiés. Cependant, l'histoire

des relations internationales témoigne de la conclusion d'accords secrets de caractère

politique, militaire ou parfois économique. Cette pratique a conduit à de nombreux conflits

par le passé, ce qui explique sa condamnation Pour mettre un terme à ces confusions du genre,

l’enregistrement et la publication des traités internationaux sont désormais des obligations ou

du moins des pratiques obligatoires que la Charte des Nations Unies ainsi que la Convention

de Vienne tente de rendre effectives.

C’est tout le sens de l’article 102 de la Charte, laquelle prescrit une obligation pour

l’enregistrement et la publication des traités internationaux. Toutefois, l’absence

d’enregistrement a tout du moins un effet n’occasionnant pas la suspension ou la nullité du

traité. Car, un traité non enregistré ne peut être évoqué devant tout organe de l'ONU, bien

qu'il soit obligatoire, cependant, il peut être interprété devant toute autre juridiction telle que

la Cour Internationale de Justice notamment, devant une juridiction arbitrale ou un autre juge

international. Et il peut être appliqué par les parties. La lecture de l’article 102 de la Charte est

très édifiante à cet égard. Il dispose clairement que :

« 1. Tout traité ou accord international conclu par un membre des Nations Unies après l "entrée en vigueur de la présente charte sera, le plus tôt possible, enregistré au secrétariat et publié par lui.

2. Aucune partie à un traité ou accord international qui n'aura pas été enregistré conformément aux dispositions du paragraphe 1 du présent article ne pourra invoquer ledit traité ou accord devant un organe de l'organisation ».

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Il y’a donc la une prescription à encourager l’enregistrement et la publication des traités

internationaux. Les traités ou accords enregistrés sont publiés, dans le recueil des traités et

dans les langues de travail des Nations-Unies, par le Secrétaire Général de l'O.N.U87. L'article

80 de la Convention de Vienne tente de généraliser la règle de l'enregistrement des traités

internationaux. En effet, il édicte le principe de l'enregistrement de tous les traités

internationaux, même ceux conclus par les Etats tiers, auprès du Secrétaire Général de

l'O.N.U. Cet article recommande clairement que :

« 1. Après leur entrée en vigueur, les traités sont transmis au secrétariat de l'organisation des Nations Unies aux fins d'enregistrement ou de classement et inscription au répertoire, selon le cas, ainsi que de publication. 2. La désignation d'un dépositaire constitue autorisation pour celui-ci d'accomplir les actes visés au paragraphe précédent ». Malgré ces différentes prescriptions, force est de constater que de nombreux traités ne

sont pas encore de nos jours enregistrés et publiés.

2-4 : Les réserves

La réserve est une institution qui permet à un Etat de modifier ou d'exclure certaines

dispositions d'un traité et partant de ne pas être soumis au même régime juridique que les

autres Etats. L'uniformité de la règle et l'intégrité du traité se trouvent ainsi remis en cause.

C'est le souci d'assurer au traité son intégrité qui a justifié le régime initialement consacré en

matière de réserve.

La Convention de Vienne définit les réserves et les soumet à un régime particulier. Au

terme de l'article 2-1-d de la Convention de Vienne définit la réserve comme: « une

déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un Etat quand il

signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à

modifier l'effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet Etat».

L'objet de la réserve doit être de modifier l'engagement de l'Etat ou d'exclure

certaines dispositions du traité. Seul le critère matériel permet de qualifier un acte déterminé

de réserve, ou d'opérer une autre qualification juridique

87 Pratiquement, en 50 ans, le Secrétariat des Nations Unies a publié près de 1650 volumes contenant plus de 35000 traités enregistrés.

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La Convention de Vienne consacre la liberté de l'Etat de formuler une réserve au

moment de la signature, de la ratification, de l'acceptation, de l'approbation ou de l'adhésion à

un traité. Le régime des réserves est déterminé par le traité lui-même. En cas de silence, on se

réfère au critère de la compatibilité de la réserve avec l'objet et le but du traité énoncé par la

Cour Internationale de Justice en 1951 et repris par la Convention de Vienne.

Ainsi, le traité peut autoriser la formulation des réserves, ce que nous apprend l’Article

20-1 de la Convention de Vienne: « 1. Une réserve expressément autorisée par un traité n'a

pas à être ultérieurement acceptée par les autres Etats contractants, à moins que le traité ne

le prévoie. ». Mais, le traité peut aussi interdire les réserves, comme le dit l’Article 19- a de la

Convention de Vienne: « Un Etat, au moment de signer, de ratifier, d'accepter, d'approuver

un traité ou d’y adhérer, peut formuler une réserve, à moins ; a) que la réserve ne soit

interdite par le traité. ». Par Exemple : la convention de Montego Bay interdit aux Etats la

possibilité de formuler des réserves exceptions faites des réserves autorisées (article 309).

Cependant, elle leur laisse la possibilité de faire des déclarations en vue notamment

d'harmoniser leurs lois et règlements avec la convention (article 310).

L’acceptation ou l’objection des réserves La réserve formulée par un Etat peut être acceptée ou contestée par les autres parties. Un

Etat peut accepter la réserve de façon expresse ou tacite. L'acceptation tacite résulte du silence

observé 12 mois après la date de notification de la réserve (article 20 paragraphe 5 de la

Convention de Vienne).

- L'acceptation unanime de la réserve: une exception

L'acceptation unanime de la réserve constitue une exception et une survivance du

système antérieur. Elle est, cependant, exigée pour les accords plurilatéraux qui répondent à

des conditions particulières: nombre restreint d'Etats, objet et but particuliers, application du

traité dans son intégralité.

- L'acceptation de l'organe compétent de l'Organisation Internationale

Les réserves formulées à l'endroit d'un traité qui est l'acte constitutif d'une organisation

internationale doivent être acceptées par l'organe compétent de l'Organisation Internationale.

La convention de Vienne est claire à ce sujet en son Article 20 paragraphe 3 de la

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Convention de Vienne qui dispose : «Lorsqu'un traité est un acte constitutif d'une

organisation internationale et à moins qu'il n'en dispose autrement, une réserve exige

l'acceptation de l'organe compétent de cette organisation. »

Les effets de la réserve.

La réserve modifie les relations des parties selon qu'elle est acceptée ou refusée. En cas

d'acceptation de la réserve, le lien conventionnel entre l'Etat réservataire et ceux qui ont admis

la réserve se trouve modifié sur toutes les dispositions sur lesquelles porte la réserve. C’est ce

que nous dit l’Article 20 paragraphe 4 a de la Convention de Vienne: « Dans les cas autres

que ceux visés aux paragraphes précédents et à moins que le traité n'en dispose autrement: a)

l'acceptation d'une réserve par un autre Etat contractant fait de l'Etat auteur de la réserve

une Partie au traité par rapport à cet autre Etat si le traité est en vigueur ou lorsqu'il entre en

vigueur pour ces Etats. »

La réciprocité joue entre ces Etats qui peuvent ainsi chacun se prévaloir de la réserve

(article 21 paragraphe l de la Convention de Vienne).

L’objection simple à une réserve n'empêche pas le traité d'être en vigueur entre l'Etat

réservataire et l'Etat auteur de l'objection. Cependant, l'ambiguïté de la Convention de Vienne

consiste à énoncer le principe selon lequel les dispositions sur lesquelles porte la réserve ne

s'appliquent pas aux deux Etats et ce conformément à l’Article 20 paragraphe 4 b de la

Convention de Vienne: « Dans les cas autres que ceux visés aux paragraphes précédents et à

moins que le traité n'en dispose autrement: b) l'objection faite à une réserve par un autre Etat

contractant n'empêche pas le traité d'entrer en vigueur entre l'Etat qui a formulé l'objection et

l'Etat auteur de la réserve, à moins que l'intention contraire n'ait été nettement exprimée par

l'Etat qui a formulé l'objection. »

L’entrée en vigueur, l’enregistrement et la publication des traités internationaux et les

réserves marquent la fin de la conclusion des traités, d’où la question de validité des traités (3)

3. la validité des traités

Pour qu’un traité puisse être valable, c’est-à-dire qu’il puisse produire des effets de

droits à l’égard des parties ou des tiers, il est important que ce traité respecte certaines

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conditions dégagées par la pratique internationale. Il est donc impérieux que le traité ne soit

pas vicié, c’est-à-dire, ne comporte aucun vice de consentement prévues par la convention de

Vienne sur le droit des traités.

La validité des traités, objet de la présente analyse sera abordé sous l’angle de la

théorie des vices de consentement et les sanctions prévues en cas de vice de consentement.

Les vices de consentement

Parce que le traité est l’expression suprême de la volonté des Etats, il importe dès lors que

le consentement de l’Etat à être lié, ne doit souffrir d’aucune forme des vices de

consentement, c’est pourquoi la régularité et la liberté sont les maitres mots de la validité

d’un traité. Les vices de consentement prévus par la Convention de Vienne présentent une

certaine ressemblance avec ceux prévus par le droit civil interne. La Convention de Vienne

sur le droit des traités conclus par les Etats consacre plusieurs vices du consentement. Il s'agit

de l'erreur, du dol, de la corruption, de la contrainte et du jus cogens.

• L’erreur :

L'article 48 de la Convention de Vienne érige l'erreur en vice du consentement

susceptible de conduire à l'invalidité du traité. Il retient, cependant, une définition restrictive.

En effet, seule l'erreur substantielle portant sur un fait ou une situation est admise. Sont

écartées les erreurs de droit, les erreurs matérielles ou celles résultant du fait de l'errans. Cet

article est édifiant à ce propos, il dispose :

« 1. Un Etat peut invoquer une erreur dans un traité comme viciant son consentement à être lié par le traité si l'erreur porte sur un fait ou une situation que cet Etat supposait exister au moment où le traité a été conclu et qui constituait une base essentielle du consentement de cet Etat à être lié par le traité. 2. Le paragraphe 1 ne s'applique pas lorsque ledit Etat a contribué à cette erreur par son comportement ou lorsque les circonstances ont été telles qu'il devait être averti de la possibilité d'une erreur. 3. Une erreur ne concernant que la rédaction du texte d'un traité ne porte pas atteinte à sa validité; dans ce cas, l'article 79 s'applique88. ». L'erreur invoquée par l'Etat victime doit avoir constitué « la base essentielle du

consentement de cet Etat à être lié par le traité » . En effet, seule l'erreur qui affecte la réalité

du consentement doit être prise en considération et entraîne la nullité du traité. Lorsque le

consentement n'est pas altéré, l'erreur est indifférente et l'acte demeure valable. Conforme en 88 L’article 19 de la Convention de Vienne prévoit une procédure de correction des erreurs dans les textes ou les copies certifiées conformes des traités.

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cela à une jurisprudence et à une pratique bien établie, l'article 48 de la Convention de Vienne

exclut de son champ d'application l'erreur de droit. Seule est admise l'erreur portant sur un fait

ou sur une situation que l'Etat supposait exister au moment de la conclusion du traité. La

Convention de Vienne en consacrant l'erreur de fait présentant un caractère essentiel,

n'émanant pas de l'errans et non matérielle retient une conception restrictive de l'erreur. Cette

démarche est conforme à l'opinion de L. Dubouis selon laquelle « l'erreur est protéiforme;

les effets que le droit lui attache varient nécessairement selon le genre de méprise

commise 89».

• Le dol :

A la différence de l'erreur, le dol est une institution qui a donné lieu à une pratique peu

répandue en Droit international public. Les auteurs se sont, cependant, interrogés sur la

nécessité d'instituer un vice du consentement autonome de l'erreur avec lequel il présente

quelques similitudes. Le dol s'inspire de l'adage selon lequel « la fraude corrompt tout ». La

Convention de Vienne est allée au-delà de ces conjectures et a retenu le dol comme la

conduite frauduleuse d'un Etat ayant participé à la négociation et qui détermine le

comportement d'un autre Etat. Si erreur il y a dans la représentation de la réalité, celle-ci

résulte de la manipulation, de la tromperie à laquelle a eu recours l'une des parties. Ce que

nous renseigne l’article 49 de la Convention de Vienne : « Si un Etat a été amené à conclure

un traité par la conduite frauduleuse d'un autre Etat ayant participé à la négociation, il peut

invoquer le dol comme viciant son consentement à être lié par le traité. ». La doctrine

avance comme unique précédent dans la pratique internationale, les accords de Munich de

1938 qui ont été conclus par le gouvernement hitlérien avec l'intention frauduleuse d'annexer

la Tchécoslovaquie.

• La corruption :

La corruption du représentant de l'Etat n'est pas aisée à définir. Elle comprend deux

éléments essentiels. D'une part, l'existence d'offres, promesses ou dons préalables à

l'expression d'un consentement et, d'autre part, l'existence d'un rapport entre ces offres,

promesses ou dons et l'effet recherché qui est d'infléchir la volonté du représentant dans un

89 Louis DUBOIS, « L’erreur en Droit International Public », in Annuaire Français de Droit International, Paris, 1963, p191-227

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sens favorable à l'auteur de la corruption» . Au sens de l’article 50 de la Convention de

Vienne, « Si l'expression du consentement d'un Etat à être lié par un traité a été obtenue au

moyen de la corruption de son représentant par l'action directe ou indirecte d'un autre Etat

ayant participé à la négociation, l'Etat peut invoquer cette corruption comme viciant son

consentement à être lié par le traité. ». Aux termes de l'article 50 de la Convention de Vienne,

la corruption du représentant de l'Etat est constituée par l'action directe ou indirecte d'un Etat

ayant participé à la négociation à l'endroit du représentant d'un autre Etat. La corruption est un

vice du consentement qui pose des difficultés de preuve. Et, elle met souvent en relief un

réseau opaque de relations. Bien que l'article 50 de la Convention de Vienne exige qu'elle soit

le fait d'un Etat et à l'encontre d'un autre Etat, il faut, toutefois, souligner qu'au-delà des

relations interétatiques, des rapports particuliers existent entre l'Etat et des sociétés privées.

Ainsi, la corruption est une pratique fort répandue dans les transactions économiques,

dans lesquelles les intérêts privés sont prédominants. Ce qui explique une interprétation

relativement souple. L'acte de corruption doit être imputable à un Etat déterminé, il suffit qu'il

émane d'une personne agissant pour le compte ou sous le contrôle de l'Etat, peu importe qu'il

soit son représentant ou non. Les effets de la corruption sont identiques au dol. L'Etat victime

peut invoquer la divisibilité du traité (article 44-4 de la Convention de Vienne) ou obtenir

l'annulation de l'ensemble du traité. L'acte de corruption peut être couvert par l'Etat victime

(article 45 de la Convention de Vienne).

• La contrainte

D’emblée, il convient de faire la distinction entre la contrainte exercée sur le représentant

d’un Etat et la contrainte exercée sur l’Etat. La contrainte exercée sur le représentant d'un Etat

encore appelée contrainte physique est souvent difficile à distinguer de celle qui est faite sur

l'Etat lui-même. Il s'agit ici des actes qui mettent en cause la personnalité du représentant de

l'Etat et qui visent notamment son intégrité physique, sa réputation, sa carrière et celle des

personnes qui lui sont proches. La contrainte constitue un vice grave qui a pour conséquence

d'invalider le traité. Tout se déroule comme si le traité n'avait jamais existé à l'origine. Il s'agit

d'une nullité ab initio. L’article 51 de la Convention de Vienne en est une illustration parfaite,

il dispose : « L'expression du consentement d'un Etat à être lié par un traité qui a été obtenue

par la contrainte exercée sur son représentant au moyen d'actes ou de menaces dirigés contre

lui est dépourvue de tout effet juridique ».

Par contre, la contrainte exercée contre l'Etat doit être distinguée de l'hypothèse

précédente. L'Etat est ici directement visé par un acte particulier et l'on peut citer à titre

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d'exemple, un traité élaboré sous la menace d'une invasion armée ou sous l'emprise d'une

occupation militaire. Les conceptions juridiques concernant les effets de la contrainte ont

évolué dans le temps. Les débats ont été houleux au moment de l'élaboration de la Convention

de Vienne compte tenu des oppositions observées. Celles-ci portent notamment sur la

signification que peut revêtir le terme contrainte et le sort réservé à certains traités. L'article

52 dispose que la contrainte résulte de l'usage de la menace ou de l'emploi de la force en

violation des principes du Droit international public contenus dans la Charte de l'O.N.U. A

contrario, tout usage ou menace d'usage de la force en conformité avec les principes de la

Charte des Nations-Unies n'est pas constitutif d'un acte de contrainte.

Les pays développés ont soutenu que l'article 52 devrait être interprété comme

interdisant le recours à la force armée. Mais les pays en voie de développement ont posé la

question de la contrainte économique et politique que pouvait subir un Etat. Le compromis

entre ces deux thèses a consisté en l'affirmation des principes incorporés dans la Charte, la

prise en compte de la contrainte économique, politique ou militaire et, dans le vote d'une

déclaration sur l'interdiction de la contrainte militaire, politique ou économique lors de la

conclusion des traités annexée à l'Acte Final adopté à l'issue de la conférence diplomatique de

Vienne. Finalement, l’extension de la contrainte aux aspects économique, politique et

militaire a été évoquée devant la Cour Internationale de Justice90.

• Les normes impératives du Jus Cogens

Le Jus Cogens constitue l'une des innovations majeures de la Convention de Vienne. Cette

disposition relève beaucoup plus du développement progressif du Droit international public

que de la codification de la coutume; ce qui explique nombre d'oppositions enregistrées. Les

raisons de la critique résident notamment dans les contours imprécis de cette notion et dans

les conséquences graves qui s'y rattachent. Dès lors, que faut-il entendre par « Jus Cogens » ?

L'article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités conclus par les Etats

consacre l'existence de normes de Jus Cogens : « Est nul tout traité qui, au moment de sa

conclusion, est en conflit avec une norme impérative du Droit International général. Aux fins

de la présente convention, une norme impérative du Droit International général est une 90 Voir C.I.J. A, 2 .février 1973, Compétence en matière de pêcheries. « L'Islande soutient que l'échange de notes favorable à la Grande Bretagne n'a pu être fait que grâce aux actions de la flotte de guerre britannique dans les espaces maritimes controversés. La Cour Internationale de Justice rejette cette "allégation déguisée de contrainte qui aurait prétendument rendu l'échange de notes nul dès l'origine". Elle conclut qu'un traité ne peut prendre en considération une accusation aussi grave sans preuve. Dans son opinion dissidente, le juge de nationalité mexicaine Padillla NERVO, affirme: « une grande puissance dispose de bien des moyens pour utiliser la force et exercer des moyens de pression sur une petite nation. Il existe des pressions morales et politiques qui ne peuvent être établies au moyen de preuves documentaires mais dont l'existence est un fait incontestable ».

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norme acceptée et reconnue par la Communauté Internationale des Etats dans son ensemble,

en tant que norme à laquelle aucune dérogation n'est permise et qui ne peut être modifiée que

par une nouvelle norme du Droit International général ayant le même caractère ».

Aux termes de l'article 53 de la Convention de Vienne, une norme de Jus Cogens est:

- une norme impérative : le Jus Cogens établit une « échelle dans la normativité

internationale»91. Une hiérarchie se trouve instaurée, par conséquent, entre les «super-

normes» qui sont les normes impératives et les « normes ordinaires ». Le caractère

impératif d'une norme ne signifie pas que les normes non impératives ne sont pas

obligatoires. Toutes les normes sont obligatoires, cependant, certaines ont une force

juridique plus importante dans la mesure où, les autres doivent s'y conformer.

- Une norme de Droit International : La norme de Jus Cogens se caractérise par son

caractère général et on pourrait même dire universel. Le Jus Cogens représente les

intérêts généraux de la société internationale. Sont cités par la doctrine comme normes

de Jus Cogens : l'interdiction du génocide, de l'esclavage, de la traite négrière et le

droit humanitaire.

- Une norme qui frappe de nullité la norme contraire : Tout traité entrant en conflit

avec une norme impérative de Jus Cogens est frappé de nullité. Ainsi la contradiction

avec une norme impérative conduit-elle à l'application du régime le plus rigoureux qui

soit. La divisibilité est impossible et la norme ne peut être couverte par l'acceptation

ultérieure (articles 44, 45, 53, 64,71 de la Convention de Vienne). En effet, tout traité

existant qui se trouve en conflit avec cette nouvelle norme devient nul et de nul effet.

La doctrine cite traditionnellement les règles de droit humanitaire et les droits de la

personne humaine comme des règles de Jus Cogens. Ces droits doivent être respectés en tout

temps et en toutes circonstances et ils ne sont susceptibles d'aucune dérogation. Il s'agit

notamment du droit à la vie, du droit de ne pas être soumis à la torture, à des peines ou

traitements dégradants et du droit de ne pas être réduit en esclavage.

Tout traité dont le consentement n’est pas régulier, libre et éclairé est frappé de nullité

relative ou de nullité absolue.

La nullité relative et la nullité absolue des traités

91 Paul WEIL, « Vers une normativité relative du Droit International », Revue Générale de Droit International Public, 1982, p.5

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Un traité qui ne répond pas aux conditions de validité des traités telles que étudiées

précédemment est frappée de nullité.

La nullité absolue suppose la disparition totale du traité, c’est-à-dire que ce dernier est

considéré comme n’avoir jamais existé. Cette disparition totale de l’acte du traité intervient

que dans les hypothèses les plus graves en matière de non-conformité des traités avec les

normes impératives du Jus Cogens, ou encore de contrainte.

La nullité relative, quant à elle suppose la disparition de certains éléments du traité. Seuls

les éléments du traité incriminé seront annulés. Il s’agit de la théorie de la divisibilité du

traité, qui suppose que les clauses divisibles soient détachables du reste du traité; que leur

acceptation n'ait pas constitué pour les parties la base essentielle de leur consentement à être

lié et que l'exécution de ce qui subsiste du traité n'occasionne pas d'injustice (article 44-3-b de

la Convention de Vienne). La nullité relative est autorisée dans les hypothèses du dol, de la

corruption ou encore de l’erreur.

Si le traité répond aux conditions de validité, ci-dessus décrites et échappe aux vices

de consentement, le traité est désormais apte à produire des effets de droit (4).

4. Les effets des traités Le Droit international public consacre la règle de l'effet relatif des traités. Le traité ne

produit des effets juridiques qu'entre les parties. Pour les Etats tiers, il n'est pas obligatoire.

Les effets des traités seront envisagés sous deux angles : d’une part les effets à l’égard des

Etats parties au traité, et d’autre part les effets à l’égard des Etats tiers.

Les effets des traités à l’égard des Etats parties au traité

Les effets des traités à l'égard des parties sont régis par le principe du caractère obligatoire

des traités encore appelé" pacta sunt servanda" et par le principe de la bonne foi. L'article 26

de la Convention de Vienne sur le Droit des Traités conclus par les Etats et le préambule de la

Charte de l'Organisation des Nations-Unies affirment le principe du caractère obligatoire des

obligations nées des traités et des autres sources du droit. L’article 26 de la Convention de

Vienne: « Tout traité en vigueur lie les Parties et doit être exécuté par elles de bonne foi. »

Le caractère obligatoire des traités constitue une règle fondamentale du Droit

international public. La doctrine volontariste l'explique par la volonté des Etats de se lier. Le

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traité est, en effet, obligatoire pour les Etats qui ont consenti à être liés et à l'égard desquels il

est en vigueur. Au vu de la place cardinale qu'occupe la règle Pacte Sunt Servanda en Droit

International, certains auteurs s’interrogent si elle ne devrait pas être considérée comme une

règle impérative de Droit International. Cette approche est notamment celle de Pierre Marie

Dupuy, pour lequel «le principe du caractère obligatoire des traités est souvent présenté

comme une sorte de loi des lois, et l'on évoquait un peu plus haut la possibilité logique de lui

reconnaître en effet une portée que l'on pourrait dire structurellement impérative, en tant

qu'elle constitue une exigence première de l'existence et de la cohérence d'un ordre juridique

international92 ».

La bonne foi qui subsume le principe du Pacte Sunt Servanda, renvoie à l'esprit de

loyauté, de respect du droit, de fidélité aux engagements de la part de celui dont l'action est en

cause. La bonne foi est donc une attitude psychologique, elle relève de l'état d'esprit des sujets

de droit. Cette psychologie s'extériorise et se manifeste par les indices qui peuvent être

appréciés en recourant à certains standards. L'appréciation de la bonne foi suppose la prise en

compte du comportement objectif du sujet de droit qui résulte de sa psychologie. En d'autres

termes, les traités sont obligatoires et sont exécutés de bonne foi par les parties. Ce principe

fait l'unanimité au sein de la doctrine. Il se justifie par une société internationale composée

d'Etats souverains et égaux. Car accepter qu'un groupe d'Etats puisse élaborer des traités pour

les imposer à d'autres reviendrait, en effet, à remettre en cause les principes de souveraineté,

d'indépendance et d'égalité des Etats93.

Les traités conclus entre les parties doivent être appliqués dans le temps et dans

l’espace.94

Les effets de traité à l’égard des Etats tiers

La Convention de Vienne définit l'Etat tiers comme l'Etat qui n'est pas partie au traité

c'est-à-dire qui n'est pas lié par les dispositions du traité entré en vigueur, le tiers peut être un

Etat qui a signé, mais qui n'a pas ratifié le traité, qui ne l'a pas signé, ou qui n'a pas adhéré.

92 Pierre Marie DUPUY, Droit International Public, op cit, p.201 93 Ce principe de l’effet relatif des traités est aussi confirmé par la jurisprudence internationale. Voir C.I.J, A, 20 février 1969, Plateau continental en mer du Nord Dans cet arrêt, la Cour Internationale de Justice relève que l'on ne saurait présumer à la légère qu'un Etat qui avait la possibilité de devenir partie à la Convention et qui n'a pas recouru aux procédures légales soit lié par le traité. Cet Etat ne peut revendiquer aucun droit tant qu'il n’a pas exprimé sa volonté ou son acceptation dans les formes prescrites 94 La Convention de Vienne en son article 29 traite du champ d’application territorial des traités et en son article 28 traite de l’application du traité dans le temps.

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En principe, les Etats tiers ne sont pas régis par les dispositions du traité en vertu de l’effet

relatif des traités, néanmoins, il existe un certain nombre d’exceptions.

Le principe de l'effet relatif des traités trouve son fondement dans la souveraineté des

Etats, c’est-à-dire qu’il serait difficile d'imposer des obligations à un Etat tiers ou de lui

reconnaître des droits. Car les Etats ne sont engagés que parce qu'ils l'ont voulu, parce que et

surtout le droit international est de nature volontariste. C’est tout le sens de l’article 34 de la

Convention de Vienne qui rappelle qu’ « un traité ne crée ni obligations, ni droits pour un

Etat tiers sans son consentement ».

Ce principe de l’effet relatif des traités connait de nombreuses exceptions. D’où les traités

peuvent produire des effets de droit à l’égard des tiers.

v Avec le consentement des Etats tiers,

Nous avons deux types de traités : la clause de la Nation la plus favorisée et la Stipulation

pour autrui.

- La clause de la Nation la plus favorisée :

La clause de la nation la plus favorisée est une clause insérée dans un traité et en vertu

de laquelle les Etats parties conviennent d'appliquer automatiquement à leur relation

conventionnelle tout régime favorable consenti à un Etat tiers dans la matière visée par la

clause. L'avantage dont bénéficie l'Etat résulte d'un traité auquel il n'est pas partie. Si ce traité

vient à disparaître, l'Etat n'a pas le droit au maintien de l'avantage concédé. Ce principe a été

rappelé par la Cour Internationale de Justice. La clause de la nation la plus favorisée permet

d'assurer l'égalité réelle entre les Etats en évitant les discriminations dans le domaine

économique. Elle constitue l'un des principes essentiels de l'Organisation Mondiale du

Commerce (OMC). Elle ne fait pas l'objet, cependant, d'une disposition particulière de la

Convention de Vienne.

- La stipulation pour Autrui

La stipulation pour autrui peut se définir comme la clause d'un traité énonçant une

promesse dont le bénéficiaire est un Etat qui n'est pas partie à ce traité et dont on peut se

demander si elle crée un droit dont cet Etat est fondé à se prévaloir et qui ne peut pas lui être

retiré sans son consentement. Deux éléments apparaissent dans cette définition d'une part, la

création d'un droit au bénéfice d'un tiers et, le consentement du tiers en cas de modification,

d'autre part.

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De nombreux traités internationaux contiennent des stipulations en faveur d'Etats tiers.

Ces clauses sont en général insérées dans les traités de paix ou dans les traités établissant un

régime international général. Elles permettent à un Etat qui ne peut pas devenir partie, de

bénéficier de droits sur un aspect du règlement global qui le concerne. Par exemple, le traité

de Versailles prévoyait en faveur de la Suisse (tiers) des droits sur le Rhin.

La stipulation pour autrui reste régie par l’article 36 de la Convention deVienne, lequel

dispose : «

1. Un droit naît pour un Etat tiers d'une disposition d'un traité si les Parties à ce traité entendent, par cette disposition, conférer ce droit soit à l'Etat tiers ou à un groupe d'Etats auquel il appartient, soit à tous les Etats, et si l'Etat tiers y consent. Le consentement est présumé tant qu'il n y a pas d'indication contraire, à moins que le traité n'en dispose autrement.

2. Un Etat qui exerce un droit en application du paragraphe 1 est tenu de respecter, pour l'exercice de ce droit, les conditions prévues dans le traité ou établies conformément à ses dispositions. »

v Sans le consentement des Etats tiers

Dans certaines circonstances, malgré l'absence de consentement du tiers, il existe bel et

bien la création d'obligations juridiques. Il s'agit, d'une part, des traités établissant des

situations objectives et, des statuts territoriaux, d'autre part.

- Les traités établissant des situations objectives

Le professeur Sir Humphrey WALDOCK, l’un des rapporteurs de la Commission du

Droit International nous apprend qu’un traité établit des situations objectives « lorsqu'il

ressort de ses dispositions et des circonstances de sa conclusion que l'intention des parties est

de créer dans l'intérêt général des obligations et des droits de caractère général concernant

une région, un Etat, un territoire, une localité, un fleuve ou une voie d'eau déterminée, ou une

zone déterminée de la mer, du lit de la mer, ou de l'espace aérien, à condition que parmi les

parties se trouve un Etat ayant compétence territoriale à l'égard de l'objet du traité, ou qu'un

tel Etat ait consenti à la disposition en question».

Cette définition de Sir Humphrey est édifiante à plusieurs égards. Elle nous apprend que

le statut objectif d’un traité suppose la réunion de trois éléments cumulatifs :

- l’intention des parties de créer des droits et obligations dans un but d’intérêt général

- le traité doit concerner le domaine territorial : espace terrestre, maritime ou aérien

- l’une des parties doit avoir compétence territoriale sur l’objet du traité

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La pratique internationale va s'enrichir de nombreux exemples de création de statuts

objectifs parmi lesquels on peut citer les traités relatifs à l'Antarctique. Trois traités en 1959,

en 1980 et en 1988 scellent le sort de ce territoire. Le traité du 1er décembre 1959 est élaboré

afin de neutraliser les prétentions de certains pays qui avaient des visées sur ce territoire aux

potentialités multiples. Le régime organisé se base sur quelques principes fondamentaux à

savoir: l'utilisation pacifique du territoire, la démilitarisation, le gel des prétentions

territoriales, la liberté de la recherche scientifique et la coopération internationale.

- Les traités établissant des statuts territoriaux

Il existe différents statuts territoriaux, cession et délimitations des frontières et des

voies de communication internationales.

Pour les traités de cession et de délimitation des frontières, ils s'imposent aux tiers. En cas

de cession de territoire, il n'y a pas de création d'obligation pour les tiers. La seule obligation

qui pèse sur le tiers résulte du Droit International. Le tiers ne doit pas mettre d'obstacle à

l'exécution d'un traité licite.

Pour les voies de communications internationales, celle-ci sont des voies qui empruntent

le territoire de plusieurs Etats ou même d'un seul Etat et qui présentent un caractère d'intérêt

général. Ces voies de communication créent des droits pour les tiers. Elles auraient, par

conséquent, une valeur erga omnes. Le droit positif actuel résulte, cependant, des articles 35

et 36 de la Convention de Vienne.

5. La modification et la fin des traités

Après leur conclusion et leur entrée en vigueur, les traités sont susceptibles de subir une

certaine évolution. Celle-ci peut, d'une part, consister en un aménagement partiel ou total ou,

d'autre part, conduire à sa disparition.

5-1 : La modification des traités

Les traités stabilisent à un moment déterminé les relations entre les parties. Elaborés dans

un environnement particulier, ils en subissent les conséquences de l'évolution. Le Droit

international public se préoccupe des conséquences de ces mutations sur le traité et sur les

situations juridiques qu'il a créées. La pratique internationale a consacré en matière de

modification des traités deux institutions: il s'agit de l'amendement et de la révision.

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L'amendement consiste en une modification partielle d'un traité; tandis que la révision vise la

modification substantielle du traité. Cette distinction a été retenue par certains traités

notamment la Charte des Nations Unies (articles 108 et 109). La Convention de Vienne se

réfère par contre, à l'amendement et à la modification. La procédure d'amendement est

réservée aux modifications substantielles (article 40-2 de la Convention de Vienne) et la

modification ne concerne que quelques parties au traité (article 41 de la Convention de

Vienne).

L’amendement par tous les Etats

L'amendement est, selon les termes de la Convention de Vienne, un aménagement du

traité qui lie toutes les parties au traité. Le critère retenu pour la définition de cette procédure

est donc organique. Il répond à des conditions particulières et il produit des effets déterminés.

Ainsi, l'amendement est subordonné à l'accord des parties au traité. Comme nous le

précise l’article 39 de la Convention de Vienne : « un traité peut être amendé par accord

entre les Parties. Sauf dans la mesure où le traité en dispose autrement, les règles énoncées

dans la partie II s'appliquent à un tel accord. » . L'amendement est, sauf stipulation contraire,

soumis au même régime juridique que la conclusion des traités. C'est-à-dire que les règles

relatives à la discussion, à l'adoption, à l'authentification et à l'entrée en vigueur de

l'amendement sont fixées par le droit des traités en général ou par la convention particulière.

Il faut également préciser que la procédure d'amendement peut être déterminée par les

clauses finales d'un traité ou répondre aux dispositions supplétives de la Convention de

Vienne. A cet effet, aux termes de l'article 40 paragraphe 2 de la Convention de Vienne, le

droit d'amendement appartient à chaque Etat partie au traité qui l'exerce au moyen de

l'initiative. En outre, l’adoption de l'amendement, peut, selon les traités, se faire à l'unanimité

ou à la majorité des voix. L'unanimité est requise pour des traités particuliers traités

politiques, militaires ou traités communautaires, parfois, c'est le consentement de quelques

Etats qui est requis.

Par exemple, les articles 108 et 109 de la Charte des Nations Unies dispose que

l’initiative de l’amendement et de la révision de la Charte des Nations Unies sont subordonnés

au consentement des deux tiers des membres des Nations Unies y compris les cinq membres

permanents du Conseil de Sécurité.

L’amendement par quelques Etats

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La modification des traités répond, à l'instar de l'amendement, à une définition

organique. Il s'agit de l'adaptation du traité entreprise par quelques Etats alors que

l'amendement est opéré par tous les Etats. La modification doit être prévue par le traité ou

el1e ne doit pas être interdite. Quand el1e n'est pas prévue par le traité, les parties désireuses

d'y recourir doivent notifier leur intention aux autres parties. Celles-ci sont aussi informées

des modifications apportées. Il suffit pour s’en convaincre de faire une lecture de l’article 41

de la Convention de Vienne qui dispose que «

1. Deux ou plusieurs parties à un traité multilatéral peuvent conclure un accord ayant pour objet de modifier le traité dans leurs relations mutuelles seulement : a) Si la possibilité d'une telle modification est prévue par le traité; ou b) Si la modification en question n'est pas interdite par le traité, à condition qu'elle : i) Ne porte atteinte ni à la jouissance par les autres parties des droits qu'elles tiennent du traité ni à l'exécution de leurs obligations; et ii) Ne porte pas sur une disposition à laquelle il ne peut être dérogé sans qu'il y ait incompatibilité avec la réalisation effective de l'objet et du but du traité pris dans son ensemble.

2. A moins que, dans le cas prévu à l'alinéa a du paragraphe 1, le traité n'en dispose autrement, les parties en question doivent notifier aux autres parties leur intention de conclure l'accord et les modifications que ce dernier apporte au traité. »

5-2 : La fin des traités

La fin du traité libère les parties de l'obligation d’exécution. Il existe plusieurs

hypothèses de terminaison d'un traité: il s'agit de l'extinction et de la suspension. Les parties

peuvent décider unilatéralement de mettre fin à leur participation en recourant à la

dénonciation ou au retrait. Enfin, l'expiration du terme intervient, dans certains cas, en matière

de terminaison des traités.

L’expiration du traité

L'expiration des traités peut résulter d'une part, de l'expiration du terme et, de

l'intervention d'une condition résolutoire, d'autre part. Pour les premiers, Certains traités sont

conclus pour une période initialement fixée. Quand ce terme arrive à expiration, le traité cesse

d'être en vigueur et il perd, par conséquent, son caractère obligatoire. Très souvent, ces

accords comportent des clauses de reconduction tacite. Pour les seconds traités comportant

des clauses des conditions résolutoires. Celles-ci prévoient des événements dont la réalisation

a pour conséquence de mettre fin à l'existence du traité. Ces conditions résolutoires ont

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généralement un rapport avec le nombre de parties au traité. Elles stipulent que le traité cesse

d'exister si le nombre d'Etats parties descend en dessous d'un seuil

L’extinction des traités

L'extinction résulte de la disparition du traité du fait de la volonté des parties (article 54

de la Convention de Vienne), de sa violation (article 60 de la Convention de Vienne), du

retrait ou de la dénonciation opérée par un Etat, ou encore de changement de circonstances.

- La dénonciation ou le retrait :

C’est l'acte de procédure accompli unilatéralement par les autorités compétentes des

Etats parties qui désirent se délier de leurs engagements95. La dénonciation ou le retrait est

une cause d'extinction des traités bilatéraux. Pour les traités multilatéraux, les effets sont

différents. En effet, il n'y a d'extinction qu'à l'égard de l'Etat qui procède au retrait; pour les

autres Etats, le traité continue de s'appliquer. Les clauses de dénonciation ou de retrait

constituent un moyen aisé pour les Etats qui désirent se libérer de l'exécution de certaines

obligations internationales.

- La violation du traité par l’une des parties

Les Etats se réfèrent généralement à la violation du traité par l'une des parties pour se

libérer de leurs obligations internationales. Cette attitude peut se fonder sur des facteurs

objectifs. Elle peut aussi être basée sur des causes subjectives liées à la volonté de l'Etat de se

délier de ses obligations en invoquant ainsi un prétexte fallacieux. Quel que soit le motif

soutenu par cet Etat, sa prétention suscite la réaction des autres Etats notamment celle du

prétendu auteur de la violation. L’article 60 de la Convention de Vienne en est un plus

explicite à ce sujet. En effet, cet article définit la violation substantielle comme le rejet non

autorisé du traité ou comme la violation d'une disposition essentielle pour la réalisation de

l'objet ou du but du traité (article 60-3 de la Convention de Vienne).

- Le changement des circonstances ou « la clause rebus sic standibus »

Le dynamisme de la vie internationale se caractérise notamment par de nombreuses

mutations et par la modification des conditions qui avaient présidé à l'élaboration d'un traité

particulier. Ce changement des circonstances affecte le traité quand il est question d’un

changement fondamental. L'article 62 de la Convention de Vienne apporte, toutefois, des

95 Nguyen QUOC Dinh, Droit International Public, Paris, 1996, op cit, p.277

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précisions. Le changement fondamental de circonstances ne peut contribuer à la terminaison

du traité que si d'autres conditions cumulatives sont réunies:

- le changement n'a pas été prévu par les parties au moment de la conclusion;

- il doit porter sur des dispositions contractuelles essentielles au consentement;

- il doit transformer radicalement la portée des obligations du traité

La clause rebus sic stantibus ne joue pas pour les traités établissant les frontières. En

outre, l'auteur de la violation du traité ne peut l'invoquer.

La modification et la fin des traités ferment donc cette importante section consacrée aux

traités internationaux, ou il a été passé en revue la classification des traités, la conclusion des

traités, sa validité, ses effets, la modification et la fin. Il importe dès lors de s’intéresser à une

source principale du droit international, tout aussi important que le traité à savoir la coutume

internationale (Section II).

Sous-section 2- La coutume internationale

L'énumération, des sources du droit international, fournie par l’article 38 du statut de

la C.I.J. place la coutume internationale en deuxième position parmi celles que la Cour

Internationale de Justice aura à appliquer dans les litiges qui lui seront soumis par les parties.

L'article 38, conformément à l'opinion doctrinale et à la pratique des États, définit la coutume

internationale « comme preuve d'une pratique générale acceptée comme étant le droit ». Cette

coutume internationale, objet de notre section sera abordé sous l’angle des fondements de la

coutume internationale (1), des éléments constitutifs de la coutume (2) et des effets juridiques

de la coutume (3).

1. Les fondements de la coutume internationale

Nul ne peut aujourd'hui remettre en cause le caractère obligatoire de la coutume,

véritable source autonome du Droit international public. Cette unanimité ne doit pas,

toutefois, occulter la diversité d'appréciations relatives au fondement de la coutume. Car, il

existe un débat sur la question entre d’une part, les tenants du volontarisme et, d'autre part,

les partisans de la doctrine objectiviste.

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La doctrine volontariste :

Pour la doctrine volontariste, la coutume internationale est perçue comme un accord

tacite survenu entre diverses autorités. Elle doit être conforme à la raison, elle constitue

l'expression de la volonté divine révélée. Ce point de vue est défendu par des auteurs désireux

de préserver le consentement de l'Etat en matière d'engagements internationaux. On peut citer

notamment Anzilotti, Triepel, la doctrine soviétique représentée par G.I. Tunkin et celle des

pays en voie de développement. L'approche volontariste encore qualifiée de « conception

subjective de la coutume» est consacrée par la Cour Permanente de Justice Internationale dans

l'affaire du Lotus96.

Bien que présentant de nombreux avantages, la thèse volontariste suscite, néanmoins,

quelques limites. L'on doit déplorer, d'une part, l'intérêt excessif accordé au consentement des

Etats, dans la mesure où sans consentement, il n’y aurait pas coutume. Or, la pratique

internationale témoigne de l'existence de coutumes constituées sans le consentement de

certains Etats et qui les lient juridiquement. D'autre part, cette théorie conduit à la négation de

l'existence de coutumes générales opposables à tous les Etats. En effet, de telles coutumes

supposeraient le consentement unanime des Etats. Ce qui est loin de refléter la réalité

internationale. Ces limites justifient le recours au point de vue objectiviste.

La doctrine objectiviste

Pour les tenants de cette approche objectiviste, notamment Georges Scelle, M. Bourquin

et Charles De Visscher, la coutume est une réalité objective qui naît des nécessités sociales.

Elle serait un phénomène spontané et indépendant de toute volonté délibérée. G. Scelle a eu

l'occasion d'affirmer à ce propos:« Chacun des actes qui constituent la coutume est autonome,

isolé, et que par conséquent il n’y a aucune trace de contrat, soit explicite soit implicite, dans

la formation coutumière du droit ». Cette démarche présente l'avantage d'expliquer

l'opposabilité de la règle coutumière même en l'absence de consentement d'un Etat. L'accord

de tous les Etats n'est donc pas requis. Et, produit des nécessités sociales, la coutume peut 96 Dans l’affaire du Lotus, C.P.J.L A, 7 Septembre 1927, Lotus. La Cour Permanente de Justice Internationale énonce un dictum célèbre qui consacre le point de vue volontariste, « le Droit International régit les rapports entre Etats indépendants. Les règles de droit liant les Etats procèdent donc de la volonté de ceux-ci, volonté manifestée dans des conventions ou dans des usages acceptés généralement comme consacrant des principes de droit et établis en vue de gérer la coexistence de ces communautés indépendantes ou en vue de la poursuite de buts communs.

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apparaître à la suite d'un certain laps de temps. La Cour Internationale de Justice a consacré,

dans l'affaire de la Namibie, cette seconde approche97.

2. Les éléments constitutifs de la coutume internationale

La coutume se distingue fondamentalement des actes conventionnels en ce sens qu’elle

ne découle pas d’un acte juridique mais d’un comportement; elle résulte non pas de la

manifestation d’une volonté, mais de la conviction qu’une règle existe. C’est pourquoi sa

constitution suppose la réunion de deux éléments. Il s'agit, d'une part, de l'élément matériel,

et, de l'élément psychologique, d'autre part. L'absence de l'un de ces éléments conduit le juge

à déclarer l'absence de coutume internationale.

L’élément matériel de la coutume

L'élément matériel de la coutume résulte de la répétition dans le temps et dans l'espace

d'actes positifs ou négatifs qui, sans être strictement identiques, peuvent être similaires. Le fait

positif résulte d'un comportement délibéré donc volontaire. Tandis que l'acte négatif est

constitué par l'abstention observée par le sujet international et qui est à l'origine d'une norme

coutumière. L’élément matériel qui correspond à la pratique de la coutume peut être l’œuvre

des Etats (les organes de l’Etats au niveau interne comme le parlement, les tribunaux, ou les

organes qui représentent l’Etat au niveau externe comme le Ministère des Affaires

97 Voir C.I.J., A.C., 21 juin 1971, Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest Africain), Rec. 1971, p.22. Dans cette affaire, la Cour Internationale de Justice admet que la pratique suivie par un organe des Nations Unies est opposable à tous les Etats membres de l'ONU. Par le biais d'une résolution, le Conseil de Sécurité a prononcé la révocation du mandat de la République Sud-Africaine (R.S.A.) sur la Namibie. Cette résolution a été élaborée sur la base du vote affirmatif de trois des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité: les deux autres se sont abstenus. La République Sud-Africaine conteste la légalité de cette résolution au motif qu'elle a été adoptée en violation de l'article 27 paragraphe 3 de la Charte de l'ONU. La Cour Internationale de Justice rejette cet argument au motif que la procédure suivie correspond à une pratique qui est apparue au sein du Conseil de Sécurité et opposable à tous les Etats membres : « Les débats qui se déroulent au Conseil de Sécurité depuis de longues années prouvent abondamment que la pratique de l'abstention volontaire d'un membre permanent a toujours et uniformément été interprétée (...) comme ne faisant pas obstacle à l'adoption de résolutions. La procédure suivie par le Conseil de Sécurité (..) a été généralement acceptée par les membres des Nations Unies et constitue la preuve d'une pratique générale de l'organisation.

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91

étrangères), des organisations internationales et de manière exceptionnelle les individus

peuvent contribuer à l'apparition de certains précédents coutumiers98.

L’élément matériel de la coutume se caractérise par :

- une pratique uniforme et constante : cela supposerait donc que la coutume ne

saurait être tributaire d’un précédent isolé, ou d’une pratique s’appuyant sur des

précédents discordants.

- La répétition de la coutume dans le temps : Le temps est un élément dont

l'appréciation s'avère indispensable pour l'identification d'une norme coutumière. Ce

facteur est diversement perçu par la doctrine classique et par les auteurs des pays en

voie de développement.

La doctrine classique exige la répétition prolongée du précédent dans le temps. Ce n'est

qu'au terme de ce long mûrissement que la norme coutumière émerge. Cette pratique doit

remonter à une période si lointaine qu'on ne peut la situer dans le temps; elle doit être

séculaire. René Jean Dupuy se réfère à cette pratique immémoriale quand il évoque «les

coutumes sages établies sur la somptueuse lenteur de l'éternel hier99». La coutume ne peut

donc pas surgir à la suite d'actes ou de faits isolés, elle exige donc une certaine continuité.

A l’opposé, les pays en voie de développement et les pays socialistes ne partagent pas

ce point de vue de la doctrine classique. Pour eux, en effet, il sera désormais admis que la

coutume apparaisse au terme d'une brève période. Cette approche révolutionne la théorie de la

coutume internationale; elle est consacrée par une partie de la doctrine et par la jurisprudence

internationale100. La position de ces pays se justifie par une critique à la doctrine classique,

jugée très sélective. Pour ces pays, « le Droit International coutumier dont la formation

historique s'est opérée à la fois en dehors de lui (le Tiers-Monde) et largement contre lui101».

Par conséquent, ces coutumes ne leur seraient pas opposables, parce que « l'écoulement du

temps nécessaire à la création de la règle coutumière correspondait pratiquement à la 98 A priori, les personnes privées ne peuvent avoir la prétention de participer à la formation d'une coutume internationale. Une partie de la doctrine soutient, cependant, à l'instar de J. Barberis, l'existence de coutumes internationales résultant de la pratique ininterrompue et constante des personnes privées. J. Barberis rapporte l'existence d'une coutume locale créée par les ressortissants Colombiens et Vénézuéliens et insérée dans des règlements locaux. Celle-ci est relative à la réglementation de l'utilisation des eaux du fleuve Tachira entre les deux Etats. Voir J.A.BARBERIS, « Réflexions sur la coutume internationale », AFDI 1990, p. 9-46. 99 René Jean DUPUY, La Communauté Internationale entre le Mythe et l’Histoire, Paris, Economica, 1986, p.132 100 Voir, C.I.J, A, 20 février 1969, Plateau continental de la Mer du Nord. La Cour Internationale de Justice confirme cette évolution en affirmant que: « le fait qu'il ne soit écoulé qu'un bref laps de temps ne constitue pas en soi un empêchement à la formation d'une règle nouvelle de Droit International coutumier». 101 Mohamed BEDJAOUI, Pour Un Nouvel Ordre Economique International, Paris, UNESCO, 1979, p.136

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période durant laquelle les Etats qui forment maintenant la grande majorité du Tiers-Monde

n'étaient pas encore indépendants et ne pouvaient donc participer au processus normatif en

question 102»

L'écoulement du temps demeure donc indispensable à l'établissement et à la

consolidation d'une coutume internationale. Cependant, aujourd'hui, ce temps peut être très

long, raccourci ou accéléré. Sa durée est fonction des enjeux, des Etats en présence et de leur

volonté d'être liés juridiquement ou non.

- La répétition de la coutume dans l’espace : la répétition de la coutume dans l’espace

donne lieu à des coutumes générales, les coutumes régionales et les coutumes locales.

L’élément psychologique ou l’opinio juris sive nécessitas

La pratique doit être dictée par le sentiment d’une obligation juridique, et non par la

courtoise ou par des raisons d’opportunité politique (ex : indemnisation pour des motifs

humanitaires). Les organisations internationales peuvent renforcer la preuve de l’opinio juris.

Les sujets de droit adoptent un comportement parce qu'ils ont la conviction qu'il est

obligatoire. Cette exigence est relevée par le juge international dans différentes affaires

notamment celles du Lotus et du Plateau continental en mer du Nord.

Cet élément de l’opinio juris est plus important que la constance de la pratique. L’opinio

juris a fait l'objet de l'attention particulière des nouveaux Etats. Ceux-ci entendent, en effet,

privilégier l'élément psychologique au détriment de l'élément matériel. La coutume

internationale résulterait, par conséquent, de comportements étatiques successifs traduisant

l'existence d'une volonté politique de réformer le Droit International. Cette démarche

volontariste s'inscrit dans le cadre de la stratégie normative des nouveaux Etats.

La codification de la coutume internationale

La codification consiste à donner une forme écrite à des règles coutumières. Elle

peut être définie de manière restrictive ou extensive. D'un point de vue restrictif, la

codification consiste à transcrire une norme coutumière telle qu'elle existe au moment où

l'exercice s'effectue. Cette démarche présente l'avantage d'identifier la règle coutumière stricto

sensu. L'inconvénient résulte, néanmoins, du fait, qu'un tel exercice est tourné vers le passé et

la norme conventionnelle qui en résulte risque de se trouver très vite inapplicable car 102 Georges De Lacharrière, La politique juridique extérieure, Paris, Economica, 1983, p.32

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dépassée. D'un point de vue extensif, la codification intègre les éléments relevant de la

coutume ainsi que les éléments de développement du droit. Cet exercice est tourné vers

l'avenir, ce qui permet d'élaborer un texte dont la longévité sera certaine dans la mesure où il

tient compte des éléments d'évolution du droit. Le statut de la Commission du Droit

International reprend les deux aspects de la codification dans son article 15103.

La codification peut être réalisée par des organes permanents à l’instar de la Commission

du Droit International, de la Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial

International (CNUDCI) et par des structures ad hoc.

Il faut dire que la codification ne fait pas perdre à la norme son caractère coutumier. La

règle possède désormais un double support: un support coutumier et un support

conventionnel. Sa portée est, cependant, relative. Alors que la règle coutumière est régie par

le principe de l'opposabilité générale, la règle conventionnelle est soumise au principe de

l'effet relatif des traités.

Les expériences entreprises en matière de codification mettent en évidence

l'irréductibilité de la norme coutumière. Cette permanence de la règle coutumière rappelle à

J'évidence que quelle que soit la volonté des Etats, l'on ne saurait codifier J'intégralité de la

coutume internationale. Sur ce point, le professeur Paul De Visscher, affirme: « Quelle que

soit l'importance des traités et plus particulièrement des traités de codification (---) la

coutume conserve et conservera longtemps encore sa place comme instrument privilégié

d'adaptation progressive du droit aux besoins changeants de la vie internationale ».

Section 2- Les sources subsidiaires du droit international public

En dehors des traités et de la coutume internationale, le droit international se fonde sur

d’autres sources qualifiées de subsidiaires compte tenu de leur influence limitée sur le droit

international. Il s’agit entre autres des principes généraux du droit international (Sous-

section-section 1), des actes unilatéraux des Etats et de certaines organisations internationales

(section Sous-section 2), de la doctrine et de la jurisprudence (Sous-section 3).

103 Dans les articles qui suivent, l’expression « développement progressif du droit international » est employée, pour la commodité, pour couvrir les cas où il s’agit de rédiger des conventions sur des sujets qui ne sont pas encore réglés par le droit international ou relativement auxquels le droit n’est pas encore suffisamment développé dans la pratique des Etats. De même, l’expression « codification du droit international » est employée, pour la commodité, pour couvrir les cas où il s’agit de formuler avec plus de précision et de systématiser les règles du droit international dans des domaines dans lesquels il existe déjà une pratique étatique considérable, des précédents et des opinions doctrinales

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Sous-section 1- Les principes généraux

En l’absence d’une définition conventionnelle entre les Etats, il existe plusieurs

définitions données aux principes généraux de droit par la doctrine et la jurisprudence divisées

entre une conception large et une conception restrictive. Selon la conception large, les

principes généraux de droit seraient l’ensemble des règles du droit international qui

s’appliquent entre « toutes les nations indépendantes et qui partant s’appliquent au même

titre à toute les parties contractantes».104 Avec l’évolution actuelle de l’élaboration du droit

international, il est devenu évident de distinguer entre les principes généraux de droit et le

droit international qui devient de plus en plus écrit. On aboutit ainsi à la mise en avant de

l’approche restrictive.

Dans l’approche restrictive, un principe général de droit serait une règle juridique

particulière, non écrite, de portée générale applicable dans le droit international. Les principes

généraux du droit découleraient de la logique du corpus juridique international (contenus

matériels des traités et de la coutume). Ils sont dégagés en général par la jurisprudence et la

doctrine qui ne les créent pas mais les découvrent. Ainsi par exemple, la Cour avait qualifié

de principe général « que toute violation d’un engagement comporte l’obligation de le

réparer».105 Ils sont aussi parfois insérés dans des instruments internationaux tels que la

convention de vienne sur le droit des traités de 1969. Autre exemple également, les principes

d’Accra et de Paris sur l’aide public International.

Parmi les principes généraux s’appliquant dans le droit international, il y a ceux qui

découlent directement du droit international tel qu’il se présente et ceux qui sont « communs

aux grands systèmes de droit contemporains et applicables à l’ordre international».106

1. Fonction des Principes généraux de droit

Les principes généraux de droit ont pour fonction de combler les lacunes du droit

international formés par les traités et la coutume internationale. En effet, le droit international

étant peu organisé et harmonisé, les accords entre les Etats ainsi que la coutume internationale 104 CPJI Arrêt n°10, Ser. A, p16-17, dans une autre définition, la cour précisera que « « le sens des mots principe du droit international ne peut signifier autre chose que le droit international tel qu’il est en vigueur entre toutes les nations faisant partie de la communauté internationale… » 105CPJI, Avis n°17, serie A, p29 106 Dominique CARREAU, Droit Internationl, Pédone, 4e éd.1994, p278

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laissent suffisamment d’ombre sur certains point que les juges ou les parties tentent de

combler en se réfèrent aux principes généraux de droit. Leur fonction est donc d’expliciter ou

de préciser les aspects du droit international n’ayant pas été suffisamment mis en évidence par

les accords. Cependant on doit reconnaitre qu’au fil du temps les principes généraux sont

devenus des corps juridiques déterminés par les conventions entre les Etats et dont la portée

générale laisse aux juges et arbitres une marge d’appréciation suffisante en cas de lacunes de

certains accords. Ainsi, dans l’affaire Algera, la Cour de Justice de la Communauté

Européenne avait noté l’absence de règles contenues dans le traité CECA en la matière pour

justifier son recours aux principes généraux du droit.107

2. La place subsidiaire des principes généraux de droit

Les principes généraux de droit occupent une place subsidiaire dans l’ordonnancement

des sources du droit international. En effet, comme nous l’avons vu plus haut les principes

généraux ont une fonction purement complémentaires par rapport aux traités et à la coutume

internationale. Par conséquent, lorsqu’ils sont contraires à un accord ou une coutume

internationale, ils sont écartés au profit de ces derniers. 108 Par ailleurs, leur processus

d’élaboration fondé principalement sur la jurisprudence et la doctrine et très peu les accords

entre Etats, ne répond pas à une démarche objective. Leur prise en compte dans le droit

international demeure pour ainsi problématique.

Les principes généraux de droit tels qu’évoqués par l’art 38 du statut de la CIJ posent

un certain nombre de problèmes. En effet, l’art 38 al 3 de la Cour fait référence aux

« principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées» comme une source du droit

international. Si La référence faite aux « nations civilisés » traduit le contexte historique dans

lequel a été créé la C.P.J.I en 1920 avec la quasi domination de l’Europe sur la plupart des

autres nations considérées à cette époque comme pas encore « civilisée », elle apparait

aujourd’hui incongrue ou tout au moins anachronique du fait de l’abandon de cette distinction

dans un monde postcolonial et post guerre froide. Toutes les nations se valent en termes de

civilisation et aucune n’est supérieure à l’autre.

107 L’arrêt du 12 juillet 1957, Algera (7/56 et 7/57, Rec. p. 81), CJCE 108 Dominique CARREAU, op. cit., p291

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Le second problème posé par les principes généraux tels que mentionnés à l’art 38 du

statut de la CIJ, est celui de la délimitation. S’agit-il de principes généraux de droit reconnu

par certains droits internes ou s’agit-il uniquement de principes généraux du droit

international? En effet, l’ordre juridique international par ses caractéristiques propres la

distinguant largement de l’ordre juridique interne semble moins perméable à l’application de

règle venant du droit interne contrairement au droit interne qui semble plus ouvert à la

réception des normes du droit international. S’il existe bien un ensemble de principes

généraux de droit née de la pratique juridique dans les relations internationales, les juges font

aussi très souvent référence aux principes de droit interne.109

Pour finir, il est important de rappeler à l’instar du professeur CARREAU que les

principes généraux de droit sont des normes transitionnelles se convertissant en convention ou

en coutume internationale.

Sous-section 2: Les actes unilatéraux

Dans le lexique juridique, les actes unilatéraux en droit représente un acte imputable à

un seul acteur ou sujet de droit. En droit international, cette faculté est généralement réservée

aux Etats et particulièrement aux organisations internationales. Dans les deux cas, ces actes

contribuent à la formation du droit international public.

1. Les actes unilatéraux des Etats

Les actes unilatéraux des Etats sont des actes pris par des autorités compétentes qui

engagent l’Etat dans l’ordre juridique international:110 le chef d’Etat, le chef de gouvernement

ou le ministre des affaires étrangères. Ces actes qui produisent des effets internationaux, sont

de plusieurs types : la notification, la reconnaissance, la protestation, et la renonciation.

« La notification est la déclaration d’une volonté formelle au moyen de laquelle un Etat

porte à la connaissance des autres Etats de certains faits qui sont survenus et qui peuvent

nuire à la paix ou aux bonnes relations entre les Etats. Elle peut avoir un caractère constitutif

109 Ibid. 272 110 La cour internationale de justice, 17 Novembre 1953, Minquiers et Eréchous : « les propos du ministre français de la marine ne peuvent pas engager l’Etat français, ce n’est pas un acte unilatéral»

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ou déclaratoire. Dans le premier cas, elle est l’élément nécessaire susceptible de produire un

effet juridique déterminé. Dans la deuxième hypothèse, elle se limite, au contraire, à offrir à

l’Etat destinataire l’occasion de prendre position par rapport au fait qu’on lui a

communiqué. »111.

« La reconnaissance est un acte juridique par lequel un Etat prend acte de l’existence de

certains faits et déclare ou admet implicitement qu’ils lui sont opposables. L’objet de la

reconnaissance est variable et dépend des situations reconnue»112. On peut citer l’exemple de

la reconnaissance d’Etat, de gouvernement, de belligérance... La reconnaissance peut prendre

plusieurs formes ou elle est expresse ou tacite, verbale ou écrite.

« La protestation est un acte unilatéral très fréquent dans la pratique internationale ;

pourtant, « il n’existe en droit international aucun principe qui impose aux sujets de droit

l’obligation de protester contre une violation ou une menace de leurs droits. Cependant, par

cet acte, un Etat manifeste sa volonté de ne pas reconnaitre la légalité des actes ou des

prétentions d’un autre sujet de droit international, de ne pas accepter la situation que ces

actes ont créée ou pourraient créer ou, encore, l’Etat vise à empêcher la consolidation de

cette situation ou la reconnaissance de cette prétention. »113.

« La renonciation occupe une place très restreinte en droit international … C’est un acte

juridique international unilatéral par lequel un Etat abandonne un droit ou une prétention.

Elle ne doit pas etre confondue avec la volonté de renoncer qu’un sujet émet dans un accord

international en face d’autres sujets. Dans ce cas, la renonciation constitue le contenu de

l’obligation assumée par le renonciateur vis-à-vis d’autres sujets et son efficacité dépend de

la conclusion de l’accord auquel il se révolte »114.

2. Les actes unilatéraux des organisations internationales

Les organisations internationales se présentent comme des organes indépendantes des

Etats qui les composent, et se définit sur comme un dispositif établi pour prendre des

décisions sur l’ensemble de ses membres, dans un domaine de compétence préétabli. Toujours

111 Benjamin Mulamba Mbuyi, Introduction à l’étude des sources modernes du droit international public, Les presses de l’Université de Laval, les Editions Bruylant, 1999, p.154. 112 Patricia BUIRETTE, « RECONNAISSANCE, droit international », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 3 mars 2016. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/reconnaissance-droit-international/. 113 Benjamin Mulamba Mbuyi, p.161, Op.cit. p1. 114 Ibid.

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d’un point de vue juridique, les décisions émanant de toutes les organisations internationales

sont considérées comme étant des actes unilatéraux c’est-à-dire des actes à un seul auteur,

même si ce dernier constitue un organe collégial. Compte tenu de la place que les

organisations internationales occupent dans l’ordre juridique internationale, il convient dès

lors judicieux d’élargir l’étude des actes unilatéraux à travers les organisations internationales,

acteurs incontournables dans l’établissement de l’ordre juridique international.

Les actes d’une organisation internationale appelé communément résolutions, émanent de

ces organes, qui sont eux-mêmes de nature diverse. Il y a les organes administratifs organisés

suivant une structure bureautique et hiérarchisée, les autorités qui les composent prennent des

actes administratifs individuels ou réglementaires nécessaire au bon fonctionnement des

services. A côté, des organes juridiques qui sont emmené à rendre des jugements, à prendre

des décisions de procédure, mais dans des cas exceptionnelles ces organes juridiques peuvent

prendre également des actes administratifs. On enregistre également les organes

parlementaires, bien que ce genre d’organes restent très limités et inexistant dans la plupart

des organisations internationales, ils sont appelé à émettre des mandations 115 et des

propositions116.

La distinction que nous sommes emmenés à établir, est celle qui sépare lesdites décisions

personnelles et les décisions substantielles. Les décisions personnelles sont généralement des

actes relatifs à des personnes, des Etat ou des organisations identifiés. Ces actes sont multiples

n’empêche qu’on les désigne souvent par : l’admission, la suspension, l’exclusion, l’élection,

la désignation, la nomination, l’invitation, l’inscription …. Par contre, pour les décisions dites

substantielles sont d’une extrême variété, classée souvent par la nature de la compétence, ou

par la nature de l’acte elle-même. Les décisions substantielles sur la nature de la compétence

se distinguent comme suit : les décisions administratives, les décisions organiques, les

décisions de procédure, et les décisions juridiques. Pour les décisions substantielles sur la

nature de l’acte on peut citer : l’adoption d’un instrument, l’autorisation, la proclamation, la

constatation, la recommandation, l’injonction et l’expression d’opinions. Ces actes

unilatéraux nécessitent le respect deux conditions pour leurs validités ; des conditions

formelles dans le respect des procédures préétablies pour l’acte en question, et des conditions

matérielles pour le respect de la charte constitutive et le droit international général.

115 Article 22 du Statut du Conseil de l’Europe. 116 Article 29 et 31 du traité de Rome instituant la communauté économique européenne.

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Sous-section 3: la doctrine et la jurisprudence

L’étude sur la doctrine et la jurisprudence traduit d’une certaine manière la richesse ainsi

que la vivacité que renferment les différentes sources du droit international public, bien que

celles-ci ne sont guère considérées comme des sources de droit, mais des moyens de

déterminer la règle de droit ainsi que le dispose l’art 38 du Statut de la CIJ ; «... Les décisions

judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations, comme

moyen auxiliaire de détermination des règles de droit. »117

1. La doctrine

La doctrine vient du terme doctus qui désigne dans un sens plus élargie, les savants dans

une discipline particulière et bien définie. Partant du principe que personne ne peut ni

connaitre ni maitriser tous les textes de lois dans les détails, tout particulièrement en droit

international public dont la diversité et la complexité sont de fait, la doctrine a ainsi pour

vocation de traduire et de commenter les mesures juridiques. Ces appréciations doctrinales

peuvent prendre une forme négative ou positive, mais dans tous les cas, l’idée est d’emmener

le courant doctrinal vers une nouvelle tendance, celle de proposer de nouvelles idées et de

nouvelles théories alternatives pour renforcer ou pour répondre aux défaillances d’un système,

d’un mécanisme ou d’une règle de droit international public. Pour se faire, la doctrine se

caractérise par deux supports dont : les auteurs et les outils.

Pour ce qui est du premier support, les auteurs sont essentiellement des universitaires mais

aussi des praticiens. Les universitaires à travers leur statut d’enseignant chercheur qui consiste

à réfléchir et à repenser l’état du droit international et à proposer des améliorations ont

conquis cette vocation doctrinale. Tous les travaux des juristes internationaux ont eu un

impact d’une manière ou d’une autre sur l’évolution de l’ordre juridique internationale. A côté

des chercheurs universitaires, nous avons les praticiens. Il s’agit de ceux qui pratiquent le

droit en général et le droit international en particulier et qui témoigne à travers des œuvres ou

117 Article 38, du statut de la Cour Internationale de Justice, 1946.

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des articles leurs points de vue sur un cas particulier ou général du droit international public.

Parmi eux, on peut trouver des avocats, des magistrats, des notaires, des fonctionnaires

libérales, …. Pour ce qui est des outils et des universitaires et des praticiens, on peut citer les

écrits bien évidement mais aussi la parole à travers des médias, des débats ou autres.

2. La jurisprudence

La jurisprudence du droit international public concerne les décisions rendues par les cours

de justice internationale en particulier celles détenant un statut permanent comme la Cour

internationale de justice (CIJ) créée en 1920 et renouvelée en 1945118, ainsi que toutes les

sentences arbitrales rendues au niveau international119. Il convient par ailleurs d’emblée de

distinguer dans cette matière entre les décisions judiciaires internes et celles qui sont rendues

par les tribunaux internationaux ou arbitraux. Les premières exercent un rôle plutôt accessoire

et indirect dont l’usage dans la pratique des Etats se résume à la détermination d’une règle

non écrite du droit international. Donc, principalement, la jurisprudence internationale

concerne d’une manière plus directe les décisions judiciaires internationales dans la formation

du droit international.

On distingue dans la jurisprudence internationale, le rôle des décisions des différentes

cours internationales et les sentences arbitrales. Les décisions des cours internationales

notamment la Cour de la Haye, n’ont qu’un poids de moralité et consultatif. Ils ne lient pas

les institutions qui en ont reformulé la demande ni les Etats. Sa portée est strictement relative,

elle n’engage que les parties en litiges120. N’empêche que ses décisions participent d’une

manière rigoureuse à la formation et à l’évolution du droit international public. Par contre, les

sentences rendues par les tribunaux arbitraux et par des arbitres différents sont loin de

présenter une certaine constance de cohérence et d’uniformité dans la perception, l’analyse et

l’interprétation du droit international. Cette discordance prétend que les sentences arbitrales

jouissent, en général, d’une autorité moindre que les arrêts ou avis consultatifs des cours

internationales. Même si certains auteurs prêchent l’inexistence de véritable jurisprudence

arbitrale, n’empêche que cette dernière est devenu le mode de règlement de prédilection des

différends d’ordre économique ou technique ; il est de plus le seul qui présente la souplesse

118 Guillaume Gilbert, La cour internationale de justice à l'aube du XXIème siècle, Ed. Pédone, Paris, 2003. 119 Blaise Tchikaya, Mémento de la jurisprudence du droit international public, 6ème Ed., Hachette-Sup., 2015 120 Article 59 du Statut de la Cour Internationale de Justice

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nécessaire pour trancher des conflits entre acteurs de la société internationale possédant des

statuts juridiques différents.

CHAPITRE II- LES SUJETS DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

Le droit international Public constitue un système juridique assez particulier comme

nous l’avons sus-évoquée. Son élaboration n’étant organisée comme le droit interne, son

application est par conséquent limitée aux seuls sujets qui participent à son élaboration

matérielle et formelle. Les sujets du Droit International Public sont donc les personnes

destinataires des normes de ce droit, les personnes auxquelles s’appliquent ses normes. Selon

une approche classique seuls les Etats (Section1) et leur organisation (Section 2) sont des

sujets du Droit International Public.

Il est certes d’une conception classique que seuls les Etats et leurs organisations constituent des sujets du droit international public. La présence de certains acteurs privés dans les relations internationales ne fait pas d’eux automatiquement des sujets du droit international en général et moins encore du droit international public. Cependant autant la doctrine que la pratique des organisations internationale semblent de plus en plus faire de la place à certaines Organisations Non Gouvernementales (ONG) en tant que sujet limité du droit international Public.121 Les ONG sont avant tout des associations de personnes privées poursuivant des buts non lucratifs. Elles sont créées sous la base du droit interne du pays d’origine qui fixe leur statut. Il faut ici rappeler que toutes les ONG ne sont pas internationales. Certaines lois internes comme c’est le cas en France distinguent entre celles qui sont nationales et celles qui ont vocation à mener des activités à l’international.

Pour ce qui concerne les individus et les sociétés transnationales, la doctrine classique n’admet pas encore leur qualité de sujet du droit international public mais leur reconnait la personnalité juridique dans d’autres branches du droit international tel que le droit privé international ou le droit pénal international.

Section 1- L’Etat

La réalité de l’Etat est assez difficile à cerner complètement. Sa définition suscite

encore énormément de divergence au sein de la doctrine. L’Etat est avant tout une forme

121 Dominique CARREAU, op. cit., p298

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d’organisation sociale autrement dit une forme de société humaine, à l’instar des empires et

des cités, géographiquement localisée et gouvernée par un organe politique souverain,

apparue vers le XVIe en Europe. L’Etat désigne parfois aussi, l’organe politique qui gouverne

cette société. L'autorité étatique est exercée par des agents publics avec à leur tête le chef

d'État et le gouvernement. Ces agents sont regroupés dans des institutions superposées régie

par un droit propre : le droit public.

La naissance et la disparition d’un Etat est liée à l’acquisition ou à la perte de certains

éléments sine qua none à son existence (sous-section 1). En droit international, au-delà de ses

éléments essentiels, ce qui caractérise un Etat et en fait un sujet de droit international Public

est sa souveraineté qu’il importe de bien comprendre. (Sous-section 2)

Sous-section 1- Les éléments de la reconnaissance internationale d’un Etat

Selon la conception classique de l’Etat en droit international, une entité ne peut être

qualifiée d’« Etat » que si elle réunit trois éléments constitutifs : un territoire, une population

et un gouvernement souverain.

1. la population

Un Etat est avant tout une collectivité humaine, une société constituée de personne

humaine ayant des rapports organisés entre elles. La population désigne le groupement

humain qui se trouve à la base de l'institution étatique. Entant qu’élément constitutif de l’État,

elle comprend en son sein les nationaux, les étrangers et les apatrides. En effet, dans son

premier sens large, la population de l'Etat comprend tous les habitants qui vivent sur son

territoire. C'est une donnée géographique et démographique qui est à la fois trop large et trop

étroite dans un point de vue juridique. Cette donnée est trop large en ce sens que la population

comprend aussi les étrangers qui sont domiciliés sur le territoire de l'Etat ou qui y ont plutôt

leur principal établissement tout en gardant leur nationalité d'origine. En revanche, elle est

restreinte en ceci qu'elle néglige les nationaux qui sont à l'étranger et qui continuent à servir

leur pays d'origine.

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La population, prise en tant qu'élément constitutif de l'Etat dans un sens plus juste serait

entendue comme une masse d'individus rattachée de manière stable à un Etat par un lien

juridique, celui de la nationalité. Ainsi la population se confond avec les nationaux.

2. le territoire

Le territoire constitue un point d’implantation stable clairement délimité, indispensable

pour définir l’espace géographique dans lequel l’Etat peut exercer ces compétences. On parle

de compétence territoriale de l'Etat. En son absence, l'Etat n'existe pas. Il est protégé par le

principe de l'intégrité territoriale. Tout territoire est délimité par des frontières. Les frontières

sont terrestres, maritimes et aériennes. Une frontière par définition est la ligne déterminant où

commencent et où finissent les territoires relevant respectivement de deux Etats voisins. Donc

il faut qu’il y’ai un territoire délimité et reconnu en droit.

La délimitation d’un territoire est indispensable dans la mesure où elle permet de fixer les

limites du territoire sur lequel la puissance étatique peut exercer ses pouvoirs par rapport à un

autre Etat. Toutefois, on peut concevoir les territoires sans Etat c’est le cas de l’Antarctique

par exemple mais le territoire est une condition nécessaire pour constituer un Etat (L’ONU

ne reconnaît que les Etats). C’est une condition indispensable pour que l’autorité politique

s’exerce efficacement. Ce territoire va situer donc l’Etat dans l’espace et va être délimité par

les frontières122 c'est à dire des limites linéaires et stables.

L’Etat est reconnu comme une personne morale de droit public, on considère donc qu’il

possède un territoire et on s’interroge sur la nature de son droit sur ce territoire. Le territoire

échappe à la volonté de l’Etat, il est sous le contrôle du droit international. La plupart des

constitutions prévoient que leur territoire est intangible, il a une garantie appelée principe

d’intégrité territoriale et le principe d’inviolabilité. L’Etat se doit de le défendre. Mais il peut

être amputé dans certains cas, sans disparaître, comme de nouveaux territoires peuvent être

acquis.

122 « (…) Il convient d’ajouter que le cadre de l’exercice de la puissance de l’Etat ne se restreint pas au territoire c’est-à-dire à la surface ou au tréfonds du sol national : mais il comprend aussi la couche atmosphérique située au-dessus de ce sol et les portions de mer qui baignent le territoire de l’Etat, du moins dans la mesure où l’Etat peut en fait exercer sur ces portions atmosphériques ou maritimes son action dominatrice. » (ibid.)

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3. Un gouvernement souverain

Le gouvernement, c’est l’autorité qui agit dans l’État. Elle est notamment dotée d’une

administration, qui exécute ses volontés et dispose de la légitimité nécessaire accordée à lui

par le détenteur de la souveraineté nationale. Un gouvernement est nécessaire, l’idée de

gouvernement étant bien entendue perçue au sens large réunissant les idées de pouvoir

politique et d’appareil administratif. La forme d’organisation du pouvoir politique n’obéit à

aucune règle impérative, chaque État pouvant s'organiser selon son propre droit interne,

librement avec le système politique qu’il veut.

Sous-section 2- La souveraineté des Etats : principe et limite en droit international public

Selon Jean-Jacques Rousseau, « La souveraineté ne se coupe pas en morceaux, ne se

divise pas, ne se partage pas, ne se transfère pas, ne se délègue pas : elle est ou elle n'est pas.

Mais si elle n'est pas, il n'y a pas non plus d'Etat, il ne reste que des entités plus ou moins

autonomes et plus ou moins subordonnées». En effet par cette définition, on comprend que la

notion même de souveraineté appelle quelques précisions. La souveraineté, telle qu'elle a été

conçue dès l'origine comme pouvoir suprême, indépendant, comme liberté d'action et

d'engagement et comme ne pouvant être engagée que par elle-même, est en effet par

définition complète, intangible, inaltérable.

En revanche, il ne faut surtout pas faire la confusion, il faut distinguer la souveraineté des

compétences qui en sont sa démultiplication. Ces compétences peuvent parfaitement être

déléguées, exercées en commun avec d'autres, voire limitées ainsi en matière de recours à la

force armée dans les relations internationales, sans que la souveraineté soit en rien atteinte

dans son principe. La souveraineté, suivant une formule classique, demeure la compétence de

la compétence.123 Ces compétences sont indéfinies, puisqu'il appartient à l'Etat souverain de

les distinguer, de les définir et de les régler pour lui-même. On peut ici donner quelques

123 Le fait d'exercer des compétences en commun, de les subordonner le cas échéant à des décisions internationales n'affecte en rien la souveraineté, puisque ces décisions reposent toujours sur une acceptation préalable de l'Etat concerné. C'est ainsi que, dans son premier arrêt rendu en 1923, la CPJI nouvellement instituée a justement observé qu'il ne fallait pas voir dans la conclusion d'un traité un abandon de la souveraineté de l'Etat, mais tout au contraire un exercice de cette souveraineté.

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exemples en vrac - de façon générale, organisation des pouvoirs et des services publics,

compétence pour conclure des traités internationaux, compétence pour régir et réglementer les

activités menées sur le territoire de l'Etat...

Ce n'est pas en dépit d'un engagement international qu'un Etat reste souverain, c'est

parce qu'il est souverain qu'il peut prendre un engagement international. Et en prenant un

engagement de cette nature, l'Etat ne renonce ni à en prendre d'autres, ni à modifier voire à

révoquer dans certaines conditions ceux qu'il a pris. Quelles sont les conséquences et les

limites de la souveraineté ?

Avant d'y venir plus concrètement, il faut encore apporter deux précisions

terminologiques. Le souverainisme est une idéologie, juridique et politique mais plus

politique que juridique. Elle considère que l'Etat doit conserver le monopole de l'exercice des

compétences qui découlent de sa souveraineté et se refuser à les exercer de concert, voire à

prendre des engagements internationaux. Les Etats « souverainistes » à l'heure actuelle sont

par exemple les Etats-Unis ou la Chine, voire d'autres Etats du BRICS. Ils seraient très surpris

si on leur disait que leur souveraineté est en voie d'effacement.

1. Le principe de la souveraineté internationale d’un Etat

Sur le plan juridique, la souveraineté implique deux conséquences distinctes : la

compétence nationale (A) et le principe de la non-ingérence (B).

A. La compétence nationale

La souveraineté nationale se définit comme la détention de l’autorité suprême, c’est-à-

dire d’un pouvoir absolu et inconditionné à l’intérieur d’un Etat. Dans les régimes

despotiques, la souveraineté est le plus souvent détenue par un seul homme. Dans les

démocraties, elle est détenue par le peuple, constitué en un corps politique, la nation : on parle

dès lors de souveraineté nationale.

Dans la démocratie, le principe de toute Souveraineté nationale réside essentiellement

dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane

expressément". Dans ce cadre, la souveraineté ne peut être exercée par un despote, ni divisée

entre plusieurs fractions du peuple : elle est détenue par un être collectif et indivisible, distinct

des individus qui la composent. Mais les contraintes de l’exercice du pouvoir impliquent que

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cette souveraineté soit déléguée : le peuple, bien que constitué en corps politique, ne peut en

effet délibérer directement sur les affaires publiques. Cette mission est donc confiée à des

représentants élus, dont les décisions constituent l’expression de la volonté générale.

La souveraineté nationale implique l’existence d’un régime représentatif, c’est-à-dire

d’un système politique dans lequel le pouvoir législatif est détenu par une assemblée

parlementaire élue par le peuple constitué en corps politique. La notion de souveraineté

nationale légitime la représentation du peuple par un corps législatif élu par lui, tout en étant

doté d’une véritable autonomie dans la prise de décision.

Cette notion a, par ailleurs, des conséquences importantes sur l’organisation du corps

législatif : le pouvoir qu’il exerce ne peut être délégué ou partagé (la souveraineté

est indivisible) ; le mandat des représentants doit être limité dans le temps (la souveraineté

est inaliénable) ; la nation ne peut déléguer l’exercice de la souveraineté de manière

définitive (la souveraineté est imprescriptible).

Dans les systèmes démocratiques, le suffrage est toujours universel, égal et secret. Mais le

principe de la souveraineté nationale a pu être mis en œuvre dans le cadre d’un suffrage

censitaire, restreignant l’effectif du corps électoral et des personnes éligibles en fonction de

critères de fortune ou de capacité. Le principe de la souveraineté nationale n’exclut pas, par

ailleurs, l’existence d’institutions incarnant la continuité de l’État, qu’il s’agisse d’un

monarque ou d’une chambre haute, composée de membres inamovibles (ex. : le Royaume-

Uni ou la Monarchie de Juillet en France).

Le principe de la souveraineté nationale implique par ailleurs l’interdiction du mandat

impératif. Même si les membres des assemblées parlementaires sont élus, en fait, dans des

circonscriptions correspondant à une portion du territoire, ils représentent en droit l’ensemble

de la nation. Les parlementaires ne représentent donc pas les seuls électeurs qui les ont

choisis, mais la nation dans son entier. Ce sont "les représentants du peuple". L’interdiction

du mandat impératif est la conséquence logique de cette conception, car un tel principe

reviendrait à lier le représentant à la volonté des représentés. Le représentant ne ferait alors

que traduire la volonté exprimée par les électeurs, sans pouvoir se prononcer en conscience.

B. Le principe de la non-ingérence

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Le principe de non-ingérence ou de non-intervention représente le second corollaire du

principe de la souveraineté de l'État. 124 Il signifie le droit de chaque État souverain de jouir de

l'exclusivité de sa compétence dans les domaines relevant des affaires internes.125 A contrario,

nulle autorité ne peut se prévaloir d'un titre juridique quelconque pour intervenir ou agir dans

la sphère de compétence d'un État. Le principe de non-ingérence trouve son fondement dans

la Charte des Nations Unies plus spécialement en son article 2 § 7 qui dit : « Aucune

disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui

relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat ni n'oblige les membres à

soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente

Charte ; toutefois ce principe ne porte en rien atteinte à l'application des mesures de coercition

prévues au chapitre VII ».

De l'exégèse de ces principales lignes, il ressort que le principe ne concerne que

l'organisation. Mais des questions tournent autour de son applicabilité à l'égard dans les

relations entre Etats. Il ressort de la conférence de Mexico (préparatoire à celle de San

Francisco) que l'affirmatif l'emporta sur le fait que ce principe était mutatis mutandis

applicable aux Etats dans leurs rapports.

2. Les limites à la souveraineté internationale des Etats

La souveraineté, contrairement à ce que certains affirment, n’est pas un pouvoir absolu.126

Comme le faisait remarquer, Jules Basdevant, « l’Etat est l’autorité la plus haute dans l’ordre

juridique actuel ; cette autorité est donc l’autorité suprême; on est fondé à l’appeler

l’autorité souveraine puisqu’il n’y a pas d’autorité établie qui lui soit supérieure »

Par ailleurs, la notion de souveraineté n’est pas une donnée immuable.127 Si les Etats

avaient cru trouver dans l’article 2§7 de la Charte des Nations Unies un rempart

infranchissable contre tout empiètement sur leur souveraineté, l’interprétation évolutive qui en

a été donnée par les organes de l’ONU (Conseil de sécurité et Assemblée générale) a montré

qu’il n’en était rien. Sans parler d’un véritable droit d’ingérence, on peut remarquer que la

distinction entre les conflits internationaux et les conflits internes a tendance à s’estomper et

même à disparaître. Le Conseil de sécurité a de plus en plus souvent recours à l’article 39 et 124 BETTATI (M.), Un droit d'ingérence?, RGDIP, 1991, pp.639-670, p.662. 125 BETTATI (M), Le droit d'ingérence. Mutations de l'ordre international, Paris, Odile Jacob, 1996. 126 Jacques Sapir , Souveraineté limitée ou souveraineté absolue, Septembre 2015 127 DRAGO (R.) (sous la direction de), Souveraineté de l'Etat et interventions internationales, Paris, Dalloz, 1996, 74 p.

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au chapitre VII dans des situations internes, sans implications internationales directes, et la

jurisprudence des tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda a

confirmé l’effacement de la frontière entre conflits internationaux et conflits internes en

matière de droit international humanitaire. La création des juridictions pénales internationales

peut être considérée, en elle-même, comme portant atteinte à la souveraineté judiciaire des

Etats, ce qui explique les nombreuses résistances de la part des Etats qui se considèrent

“souverains” en la matière, notamment à propos des arrestations de personnes inculpées ou de

l’audition en tant que témoins de certains de leurs ressortissants.

Les États ont fait ainsi l’amère expérience des limites de leurs pouvoirs. Ils s’étaient crus

capables de construire leur développement seuls. C’était un leurre. Le développement est dû à

une position sur un marché mondial sauvagement concurrentiel et les montées en puissance

des uns se font au détriment des autres. Les souverainetés sont aujourd'hui limitées et

partagées. Les États sont des communautés politiques construites à travers l’histoire et

correspondant à des richesses culturelles qui font toute la valeur de l’humanité. Mais il ne sert

plus à rien de les dire souveraines si elles ont perdu cette maîtrise des compétences. Il faut

rechercher comment renouveler les garanties d’une meilleure égalité entre les peuples,

garanties qui ne peuvent être données que par le droit international. Et le droit international

actuel échoue à exercer cette fonction. Par conséquent, la souveraineté fait obstacle à tout

droit contraignant qui se situerait au-dessus des États.

Section 2- Les organisations internationales

Les organisations internationales qui feront l’objet de la présente sous-section sont celles

dites publiques ou encore appelées organisations intergouvernementales ou internationales

gouvernementales (OIG), c’est-à-dire qui émanent ou sont contrôlés par les gouvernements

des différents pays et donc régit par le droit international public.

Ainsi, une organisation internationale est avant tout, une personne morale de droit public.

Elle fait référence à l’association d’Etats souverains établie par un accord (un traité

international) entre ses membres et dotée d’un appareil permanent d’organes communs,

chargés de la réalisation des intérêts communs par une coopération entre eux. Ces

organisations présentent donc des traits spécifiques comme :

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- Les OIG sont des sujets dérivés du droit international public (sont les sujets et

destinataires du droit international public et en sont aussi les créateurs)

- Elles sont l’expression d’une volonté de coopération

- Elles visent la réalisation des intérêts communs

Elles sont dotées d’organes communs et d’un appareil permanent

CHAPITRE III- L’APPLICATION DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

L’élaboration autonome du droit international a des effets sur son application qui

demeure tout aussi marquée par le volontarisme des Etats. Le caractère obligatoire du droit

international constitue une sorte d’auto-obligation afin de maintenir des rapports sains avec

les autres Etats. L’application du droit dès lors est parfois l’objet de nombreuses controverses

entre les Etats et au sein même de la doctrine. Ces controverses commencent par le rapport

droit interne et droit international qui a donné au lieu aux théories dualiste et moniste (section

1). C’est surtout dans la théorie de la responsabilité internationale que s’affirme les

particularités les plus spectaculaires du droit international. (Section 2)

Section 1- Les théories dualistes et monistes

La concomitance de ces deux normes interne et internationale implique une certaine

influence entre elles, le droit interne ayant impact sur le droit international public, et vis-versa.

Pour parvenir à comprendre une telle juxtaposition de deux éléments différents sur une

question à la fois classique et contemporaine, il faut prendre en considération plusieurs

facteurs, notamment la doctrine du droit international, mais aussi et surtout les courants du

droit interne. Cependant, le rapport entre ces deux vigueurs est conditionné en droit

international public par deux théories principales : dualisme (Sous-section 1) et monisme

(Sous-section 2).

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Sous-section: La théorie dualiste

Parmi les deux théories, le dualisme en droit international demeure la plus ambiguë.

Par ailleurs, elle se veut comme la position traditionnellement soutenue par le droit

internationale. En principe, et selon cette théorie, l’ordre internationale se présente comme

l’organisation qui veille à l’acquittement par les Etats de leurs obligations, indifféremment de

leur ordre interne. « Une partie (Etat) ne peut invoquer les dispositions de son droit interne

comme justifiant la non-exécution d'un traité »128, pour la théorie dualiste, cette disposition

traduit de la manière la plus large, la distinction entre l’ordre juridique internationale et

l’ordre juridique interne.

« Les ordres juridiques interne et international sont hermétiquement séparés. Il n’y a pas de

contact entre eux, ils évoluent chacun dans leur sphère. Selon cette conception, le Droit

International ne peut pas être appliqué dans l’ordre interne et ce pour deux raisons :

- L’objet et les sujets des ordres juridiques sont radicalement différents. Les sujets de

l’ordre juridique international sont les Etats, les rapports sont horizontaux, alors que

dans l’ordre interne, les sujets sont les personnes privées et les rapports sont

verticaux.

- Les sources sont différentes puisque les règles dans un ordre interne sont issues de la

volonté individuelle et supérieure de l’Etat (verticalité). A l’inverse, dans l’ordre

international, c’est une volonté commune qui va créer du Droit International. »129.

1. Le principe de la théorie dualiste

De la manière la plus générale, le dualisme est un courant qui tend à concevoir le droit

international public et le droit interne comme deux courants juridiques distincts, dont le

rapport de transposition, est conditionné par le droit interne. En effet, bien que l’ordre

international est en soi distingué par sa suprématie hiérarchique, le droit interne gagne en

128 Article 27 : droit interne et respect des traités, de la convention de Vienne sur le droit des traités, 1969. 129 Cours de droit : Le cours de droit international, Intégration du droit international en droit interne : dualisme, monisme, http://www.cours-de-droit.net [Consulté le 24 février 2016].

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souveraineté, tous les Etats souverains ont en principe cette faculté d’orientation de tous les

rapports avec l’extérieur notamment avec d’autres Etats ou bien même avec des Organisations

Internationales.

« Ces normes n’ont pas le même objet, et elles ne réglementent par les mêmes

rapports sociaux. Une telle situation n’est ni impossible, ni illogique puisque la norme

internationale s’applique exclusivement dans le cadre de l’Etat et ne pénètre pas, en tant que

norme, dans l’ordre juridique international. En second lieu, les communications entre les

deux ordres juridiques ne peuvent se faire qu’en vertu des procédures propres à chaque ordre

juridique, et par la transformation d’une norme caractéristique d’un ordre juridique en une

autre norme, caractéristique de l’autre ordre. Enfin, les sujets du droit ne peuvent pas être les

mêmes dans les deux ordres juridiques. Chacun a un champ d’application bien délimité, l’un

aux rapports interétatiques, l’autre aux rapports interindividuels. »130.

Un système est dualiste lorsque la validité d’une toute autre règle de droit, en

particulier le droit international, qu’à condition qu’elle ait été transposée de fait sur l’ordre

juridique interne. Selon cette optique, le droit international ne pourrait devenir du droit

national que par transposition, à défaut, ce droit international reste méconnu par l’ordre

juridique national.131 Du monisme au dualisme, chaque Etat a tendance à favoriser l’une ou

l’autre des deux doctrines, à l’exemple du Royaume-Uni, un fervent de la théorie dualiste.

Dans le système du Common Law il n’y a en principe aucune norme de droit supérieur à la loi

dans l’ordonnancement juridique. La loi peut être perçue comme l’extension de la

souveraineté populaire et dispose ainsi du plein pouvoir de traduire dans la loi les

engagements internationaux. Tant bien même qu’en principe les prérogatives des affaires

étrangères restent exclusivement du ressort de la Couronne pouvant engager l’Etat par des

Traités sur la scène internationale, elle doit dans la pratique, solliciter la majorité parlement

du gouvernement afin de faire adopter les engagements internationaux.

Par rapport à la question de la primauté entre le droit international et le droit interne,

sur l’approche de la théorie dualiste, la question n’a pas lieu d’être. En effet, on ne peut

concevoir en aucun cas une hiérarchisation des ces deux ordres juridiques, que si l’on

convient à un caractère unitaire entre elles. En conséquent, pour les dualistes qui distinguent

avec rigueur ces deux doctrines ne considèrent aucune primauté de l’une sur l’autre, l’ordre

130 Michael Muller, Normes de droit, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, p.9. 131 Cette position a été défendu par Heinrich TRIEPEL ((1866-1946) et Dionisio ANZILOTTI (1867-1950).

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international reste uniquement soumis aux règles internationales et l’ordre interne aux normes

de droit interne. Dans ce sens où les deux ordres juridiques sont séparés ; les règles

internationales ne sont que de simple faits au regard du droit international 132 et

réciproquement.

Parmi ces avantages, le dualisme en droit international public permet aux Etats de

garder une certaine distanciation à l’influence de l’ordre juridique internationale qui est

conséquente sur les transitions des systèmes juridiques internes, pour ainsi sauvegarder la

souveraineté et l’originalité de leurs normes internes. Mais dans un monde en pleine mutation,

et généralement mondialisée, est ce que la doctrine dualiste demeure toujours de rigueur ?

Même si cette théorie soulève la curiosité des uns et reste manifestement dans la pratique

contemporaine par certains Etats, n’empêche qu’elle est accompagnée par un nombre assez

important de critiques.

2. Les critiques de la théorie dualiste

La théorie dualiste peut laisser paraitre être le moins convaincant. Sa conception

semble archaïque et inadapté aux nouvelles réalités mondiales. Elle ne reflète pas toute la

complexité des rapports entre le droit interne et le droit international.133 En effet, cette

théorie peut paraitre dépassée quand elle affirme que le droit international ne s’applique sur

les Etats, excluant ainsi les individus. Le public s'était en effet habitué à comprendre le monde

des Etats comme un monde radicalement séparé du monde des hommes 134 .

Traditionnellement, l’ordre qui régissait les Etat délogeait toute considération de l’humain

dans les rapports entre les Etats, une sorte de d’assemblée que les humains n’étaient tolérés

qu’à titre consultatif, sinon de simple spectateur. Une logique qui semble symboliquement ne

plus être de vigueur. Le statut international de l’individu est depuis reconsidéré, désormais un

sujet émergent de droit international, la théorie dualiste perd tout de son sens considérant que

l’ordre juridique internationale se distingue de l’ordre juridique interne notamment par l’objet

et les acteurs. Bien que le droit international ne régit en principe que les relations entre les

132 CPIJ, 25 Mai 1926, Intérêts allemands en Haute Silésie polonaise (Allemagne c. Pologne), Série A, n° 7. 133 Andrea Bianchi, Séminaire de droit international public, Seconde Edition, 2002-2003. 134 Olivier De Frouville, Une conception démocratique du droit international, Revue européenne des sciences sociales, Tome XXXIX, 2001, N°120, pp.101-144.

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Etats, il est évident que la finalité c’est l’humain, pas plus que désormais, l’individu est

entrains de devenir un acteur international incontournable.

Une autre réalité inéluctable, tant bien même que les accords internationaux engagés

par l’Etat n’ont pas été transposé dans l’ordre juridique interne, n’empêche que l’Etat reste

quand même soumis à ses accords. Même si au sein de l’ordre juridique interne l’accord n’a

pas force d’une loi, mais sur la scène internationale l’Etat doit répondre à ses engagements.

De surcroit ça relève de l’irrationalité qu’un Etat s’engage dans un ordre juridique

international contraire sinon à l’extrême opposé de sa juridiction interne, au risque de créer un

conflit de juridiction.

Même si dans une certaines perception de cette approche, cette distanciation peut être

interprétée comme une réserve souverainiste, n’empêche que c’est un paradoxe d’embrasser

la communauté internationale et de renier entre temps son ordre juridique. C’est une

manifestation d’un acte de puissance à l’égard de toute une communauté sans considération

aucune de tous les engagements pris. Ainsi, le dualisme ne peut plus convenir à l’explication

des rapports de systèmes : l’ordre juridique international et l’ordre juridique interne, de trop

nombreuses difficultés viennent le mettre à mal. Faut-il pour autant adhérer à la thèse du

monisme ?

Sous-section 2- La théorie moniste

Le monisme135 est la théorie à l’opposé du dualisme, elle reconnait l’existence de

l’ordre international et son impact sur l’ordre interne sans transposition aucune. Elle convient

au-delà de cette coexistence des deux ordres, une hiérarchisation dont l’ordre internationale

est dans la logique supérieure à l’ordre interne. « Les règles du droit international, tout

comme du droit interne, s'appliquent aux juridictions nationales et par conséquent aux

justiciables. La transposition n'est alors pas considérée comme condition nécessaire de la

validité du droit international, un magistrat pouvant écarter une norme nationale si elle

contredit une norme internationale ratifiée par l'État en question. Le monisme distingue

néanmoins, en général, entre les traités et les règles impératives du jus cogens. »136.

135 Cette conception a été défendue par Hans KELSEN (1881-1973), s'appuyant sur la conception de l'organisation pyramidale des normes, Georges SCELLE (1878-1961) ou, plus récemment, Pieter-KOOIJMANS, magistrat à la Cour internationale de justice de 1997 à 20063. 136 Dualisme et monisme en droit international, Wikipédia, https://fr.wikipedia.org [consulté le 26 févr. 16]

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En conséquence, l’intégration du droit international dans le droit interne est justifiée

par le partage commun de l’objet, des sujets et des sources de ces deux ordres juridiques :

l’objet principal du droit international, comme du droit interne, c’est la réglementation des

rapports sociaux au sein de la communauté internationale ou la communauté interne. Ainsi,

les sujets sont représentés par les destinataires ultimes que sont les individus. La source est la

même pour ces deux ordres juridiques, il s’agit du droit dans l’Etat.

1. Le principe de la théorie moniste

« Le droit international et le droit interne sont des différents genres (interne ou

international) d’une même espèce (le droit). Il n’y a que des différences de degré. Il n’y a plus

rien à transposer car les deux font partie d’un même ordre juridique, donc le droit

international fait automatiquement partie du droit interne »137. En effet, la pensée moniste

regroupe et le droit international et le droit interne dans une même sphère eu égard au

caractère unitaire des sujets de droit, les mêmes sources et répondent au même Objet. Mais la

question qui se pose est celle de savoir quelle est la norme supérieure et qui prime sur

l’autre ?

La thèse de la supériorité du droit interne a été défendue, comme celle du droit

international. Le moniste peut reconnaitre la priorité à l’ordre internationale ou bien à l’ordre

interne, c’est un courant de pensée qui peut être divisé en deux : le monisme à primauté du

droit interne, selon cette première approche, en cas de discorde entre les deux règles, c’est

automatiquement le droit interne qui doit prévaloir sur le droit internationale. Pour la

deuxième approche, il est question du monisme à primauté du droit international, toujours on

constate une unité des deux ordres mais au bénéfice du droit international. Dans une

conception normative, selon H. KELSEN, les règles internes dérivent des règles

internationales qui déterminent les compétences des Etats, et ne peuvent donc leur être

contraire. G. SCELLE, quant à lui, opte pour une conception objectiviste, et estime que la

hiérarchie devrait s’exprimer au travers d’un fédéralisme universel qui reste à construire.

137 Andrea Bianchi, Séminaire de droit international public, Seconde Edition, 2002-2003.

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Cependant, dans la pratique du monisme, force est de constater la prédominance du droit

international sur le droit interne. D’ailleurs, la thèse la plus défendue reste celle de la priorité

du droit international. Selon M. VIRALLY, le droit international est forcément supérieur

puisque le contraire signifierait la négation certaine de son existence : l’ordre juridique doit

être supérieur à ses sujets. Quoiqu’il en soit, dans ces deux cas, la théorie moniste reste

intègre à sa conception qui est celle de la négation sur l’élaboration d’actes de transpositions

du droit international sur le droit interne par des mécanismes législatives.

Pour la France qui a opté pour le monisme, le droit interne n’est que l’extension de l’ordre

internationale. 138 De ce fait, dès leur publication, les Traités internationaux sont

techniquement supérieurs à l’ordre interne, exception faite de la coutume en droit

international. Pour incorporer la coutume en droit interne, un acte de réception sous forme

d’une loi reste impératif. Pour ainsi dire que le cas français reste du moins particulier,

puisqu’il est dualiste par rapport à la coutume. En somme, il est difficile de concevoir

l’application directe et complète de toutes dispositions du droit international, au sein de

l’ordre interne, ainsi, l’applicabilité de la théorie moniste reste chose complexe et peut

prendre différentes formes selon les Etats.

2. Les critiques de la théorie moniste

Bien que la doctrine du monisme reste la plus satisfaisante puisqu’elle assure l’effectivité

du droit international et demeure la plus rependue et adoptée par la communauté

internationale dans sa majorité, elle n’évite guerre les critiques. Parmi les critiques,

l’interprétation suivante : « le droit national est délégué par le droit international ». Il est

inconcevable d’admettre que le droit interne n’est qu’une délégation dans la mesure où ce

sont les Etats qui constituent le droit international, en d’autres termes le droit international

n’est que le prolongement du droit interne au-delà des limites de son effectivité. La légitimité

du droit international tient de l’acceptation et la transposition par les Etats de l’ordre

international dans le droit interne.

Par ailleurs, on peut également reprocher au moniste de passer outre toutes distinctions

entre le droit international et le droit interne pour les confondre en un droit universel unifié.

138 Article 55, de la constitution française de 1958.

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Selon cette interprétation, simultanément, l’Etat perd de sa souveraineté quand toutes mesures

adoptés en droit international abroge toutes les autres mesures internes qui y précédent. Le

monisme tend sur l’effacement de l’Etat en tant qu’entité souveraine, laissant l’ultime

légitimité à l’ordre internationale dans la gestion des rapports internationaux et même des

affaires internes. Aussi paradoxalement, la théorie moniste apparait trop idéaliste. Alors que le

monisme reconnait à l’ordre international autant de force obligatoire sur le droit interne, ce

n’est pas le cas des Etats. Ces derniers ne consacrent pas en conséquence les mesures

nécessaires à la reconnaissance de cette puissance aux normes internationales. On constate

alors l’insuffisance de la doctrine.

Enfin, on ne peut pas concevoir que toutes les dispositions du droit international soient de

la manière la plus effective appliquées en droit interne. Même si la théorie moniste est

adoptée par beaucoup des Etats n’empêche que l’application de cette théorie en elle-même

reste encore contestable. Peu d’Etats sont en mesure de céder la souveraineté de leur ordre

interne au profit de l’ordre international, en effet, tous les Etats émettent certaines réserves

dans l’application de cette doctrine. A l’exemple de la France qui se fonde sur l’article 55 de

la Constitution pour assurer la primauté de la loi nationale sur la coutume internationale, ce

qui place le droit international à un rang infra législatif alors que ce dernier devrait être au

sommet de l’ordonnancement juridique, tel que décidé par le conseil Constitutionnel dans sa

jurisprudence du 22/01/99, statut de la CPI et qui lui reconnaît une valeur constitutionnelle.

Section 2- les théories de la responsabilité internationale

L’espace mondial est en principe le résultat d’une fragmentation des Etats à la fois

indépendants et souverains. La prise de conscience des inégalités économiques et sociales

entre les Etats et les peuples a favorisé le développement du sentiment de la solidarité

internationale 139 . C’est dans cette perspective que le droit international s’est donné des

prérogatives pour but de prévaloir, d’organisé les relations entre Etats, simplifié la

coopération internationale et rendre prévisible le fait des règles contraignantes qu’il établit. Il

sert à la fois de fondement à la paix, à la stabilité et à la protection des êtres humains.

139 Raymond Ranjeva et Charles Cadoux, droit international public, Part.4, Vanves : EDICEF, 1992, p.200.

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117

Chaque Etat apprécie pour lui-même sa situation juridique à l’égard des autres Etats et

chaque interprétation étatique est aussi licite qu’une autre. Lorsqu’un Etat ratifie un traité, il

s’engage, devant la communauté internationale tout entière, à respecter les engagements qu’il

a souscrits. S’il vient à manquer à ses obligations, en allant à l’encontre des dispositions du

traité, il est susceptible d’engager sa responsabilité sur la scène internationale140.

La responsabilité est cet institution inaliénable au droit en général, et en droit

international en particulier. La responsabilité internationale a ses particularités du fait de la

souveraineté des Etats. La conception nihiliste avait une influence considérable, dont les

partisans considéraient que les Etats ne sont responsables que devant eux-mêmes et que l’idée

de la responsabilité mutuelle contredisait la souveraineté. Chaque Etat est le juge supérieur de

ses actions 141 . Cependant certains auteurs font attention au rôle de la réalisation de la

responsabilité au sein du droit international, à l’instar de Petrovskyi Yu qui considère que

« toutes les actions des Etats sont dirigées vers le but d’atteindre l’accord sur les questions

pratiques de la réalisation de la responsabilité internationale de l’Etat coupable »142.

Notre étude se veut donc limitée : elle prend pour axiome la conformité au droit

international en vigueur de règles dégagées sur les théories de la responsabilité internationale.

Nous nous pencherons ci-après sur les théories générales qui ont été avancées, dans la

perspective d’identifier les contours de ces conditions (sous-section 1) puis de ces effets

(sous-section 2).

Sous-section 1: condition de la responsabilité internationale

La responsabilité comme institution, sied de dégager d'une part sa fonction et d'autre

part son régime. La fonction de la responsabilité se résume sur la garantie de la légalité à la

fois sur les dommages, la faute et l’applicabilité. La responsabilité n'a jamais eu une fonction

exclusive de réparation ; c'est alors celle-ci qui la caractérise principalement. Au contraire, la

responsabilité est plus qu'une institution destinée à réparer le dommage subi par la victime. Ce

140 Pierre Désert, La responsabilité internationale des Etats, article, 2008. 141 Pradier-Fodéré, Traité de droit international public, T.1, Paris, 1895, p. 329 ; Funck-Brentano, Sorel A. Précis de droit de gens, Paris, 1900, p.224

142 Petrovskyi Yu.V., O, (Sur la notion de la faute et de l’imputabilité dans le droit international), 1968, émission 1, No5, p. 136, cité par Phakhim Ruchdi Al-Surani (La responsabilité internationale des particuliers pour les violations du droit international), afin d’obtenir le grade du candidat en sciences juridiques М. 1989, p.62

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118

qui se traduit par un moyen de garantir la légalité internationale ainsi que de la rétablir quand

elle court le risque d'être enfreinte.

En principe, la Commission du droit international a toujours joué depuis sa création,

un rôle essentiel en matière de codifications et de développement du droit international. La

responsabilité internationale des Etats pour des faits internationalement illicite était un point

régulièrement inscrit à son ordre du jour. En 1979, elle adoptait un ensemble de trente-cinq

articles portant sur le fait international illicite et ses modalités, mais nullement sur les

conséquences qu'il fallait y attacher quant à la responsabilité de son auteur. Il fut remédié à ce

manquement en 1996 avec l'adoption d'un projet plus vaste et plus complet ; qui resta

néanmoins critiqué par un certain nombre d'Etats.

L'aboutissement de ce projet eut lieu en 2001 143 , année où fut adopté un texte

profondément remanié. Mais l'Assemblée Générale de l'ONU hésitant sur le fait de savoir s'il

fallait codifier ce texte et donc le rendre obligatoire, s'est contentée de « prendre note » des

articles et de les recommander à l'attention des gouvernements, renvoyant à une session

ultérieure la question de leur statut définitif. En principe trois conditions sont requises : les

dommages, la faute et l’applicabilité

1. Le dommage en droit international

L'analyse doctrinale du déroulement de la responsabilité est souvent obscurcie par le

fait que l'on ne distingue pas toujours suffisamment le temps successif qui le constitue. Cette

analyse a pourtant une importance théorique se rapportant notamment à la catégorisation des

différents types de faits illicites mais elle a aussi une importance pratique, révélée en

particulier à propos de l'appréciation des formes et de l'ampleur de la réparation due par l'Etat

responsable. Il faut ainsi distinguer entre le lien de causalité et la mise en œuvre de la

responsabilité.

La responsabilité doit s'apprécier de deux points de vue : le premier est celui de l'Etat

responsable et le deuxième celui de l'Etat victime. On peut, pour ce qui concerne le premier

dire que sa responsabilité est engagée à partir du moment où la violation d'une obligation

primaire par l'un de ses organes a créé à sa charge une obligation subsidiaire généralement

susceptible de réparation. Cependant, du point de vue de l'Etat victime, l'engagement de

143 Annuaire de la commission du droit international, volume II.

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responsabilité a lieu à partir du moment où ce dernier subit un dommage provoqué par le fait

illicite de l'autre Etat144 ainsi atteint dans son droit subjectif, l'Etat lésé peut alors invoquer la

responsabilité propre à l'auteur de la violation. En effet, dans bien de cas, il est vrai que le

temps de réalisation du manquement au droit coïncidera avec celui de la création du

dommage. L'engagement de responsabilité, naît de la conjonction de l'illicéité imputable à un

sujet et du dommage subi par l'autre. En droit international, on admet aussi le dommage moral

que le dommage matériel. Le dommage moral est considéré comme particulièrement

important (le fait de porter atteinte à un Etat par exemple en brûlant son drapeau). Le

préjudice doit consister en l'atteinte à un intérêt juridiquement protégé.

2. La faute en droit international

L’influence du droit romain sur le monde moderne a été immense et profonde. La

notion de faute que nous connaissons dans les systèmes juridiques actuels plonge donc ses

racines directement dans le droit romain, qui en a finement ciselé les contours à travers le

droit des obligations et la systématisation des délits. Cette notion est beaucoup plus civiliste et

privatiste, alors que l’intérêt capital qui nous retient sur ce sujet est internationalement

publiciste. Voyons maintenant les contours de la faute dans la responsabilité internationale

d’aujourd’hui.

La question de la responsabilité des États a été, comme on le sait, à l’agenda de la

Commission du droit international depuis 1953. Pendant presque un demi-siècle, la CDI a été

un véritable laboratoire où les différentes théories sur la responsabilité internationale se sont

affrontées à travers les rapports successifs des rapporteurs spéciaux. Les articles sur la

responsabilité adoptés par l’Assemblée générale des Nations-Unies le 12 décembre 2001, «

reflètent fidèlement l’équilibre des opinions au sein de la CDI, à la suite de longues

discussions et de longs débats au cours des dernières décennies, devenus intensifs depuis

1992 »145.

144 DUPUY P.M., Droit international Public, 4è édition, Paris, Dalloz, 1998, P. 185 145 Cité par Awalou Ouedraogo, sur l’évolution du concept de faute dans la théorie de la responsabilité internationale des Etat, Revue québécoise de droit international, 2008, p.158.

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L’équilibre des opinions dont parle le professeur Crawford a consisté à éviter la vive

controverse de la doctrine sur la place de la faute dans la naissance de la responsabilité et à

affirmer le principe d’une responsabilité objective à travers les articles 1 et 2. Ainsi, l’article

premier pose le principe coutumier de base que tout fait internationalement illicite de l’État

engage sa responsabilité internationale. L’article 2 précise les éléments constitutifs du fait

illicite. Seuls deux éléments sont dégagés : un comportement attribuable à l’État en vertu du

droit international et constitutif d’un manquement à une obligation juridique à sa charge.

Disait Gattini que malgré les apparences, la commission du droit international n’a pas du tout

exclu la faute du délit international.

- Complicité et intention délictuelle ; chapitre 4 du texte final de 2001

- Force majeure et faute ; chapitre 5 du texte final de 2001

- Etendue de la réparation et faute ; toute la deuxième partie du texte final de 2001

3. Applicabilité

Ces principes généraux de droit, bien respectés en droit interne, semblent ne pas

recevoir d'écho dans la pratique internationale. Les contre-mesures en sont une bonne

illustration à travers des pratiques telles que les représailles et les mesures de rétorsion. Le

droit de la responsabilité internationale découle de la bonne loi entendue comme pacta sunt

servanda « les accords doivent être conservés ». C’est un dépassement de la responsabilité de

compétences internes, qui s’est vite progresser dans la pratique diplomatique et arbitrale à

partir du 19e siècle. Dans la pratique de l’avant dernier siècle, il était encore débattu si cette

imputabilité relève exclusivement du droit international ou si le droit international opère un

renvoi au droit interne afin qu’y soit défini, selon les règles relevant de chaque collectivité

politique, ce qui constitue l’acte étatique en opposition à l’acte d’une personne privée.

Une fois l’acte arrêté, la présomption tente de protéger l’organisation contre les

tendances anarchiques des auto-interprétations en élevant le seuil du débat juridique. La

question a déjà été examinée dans le chapitre consacré à la bonne foi subjective, le déni de

justice. La sécurité juridique des relations internationales est invoquée avec insistance146. La

146 Ch. DE VISSCHER, « La responsabilité des Etats », Bibliotheca Visseriana, t. II, Leyden, 1924, p. 92. Affirmation de la Belgique lors de la Conférence de 1930 de La Haye, Actes de la Conférence pour la codification du droit international, Séances des Commissions, vol. IV, Doc. C. 351 (c). M. 145 (c). 1930. V, Genève, 1930, p. 98-9.

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finalité du principe réside dans la limitation de la responsabilité étatique. Il propose un critère

pour distinguer les actes officiels imputables à l’Etat et les actes privés, faits à l’occasion

d’une fonction officielle, non imputables à l’Etat. Etablissant une responsabilité objective

limitée147, le principe se propose de concilier d’un côté les besoins de protection sentis par les

étrangers et par les Etats tiers ainsi que l’impératif de la sécurité juridique internationale,

avec, de l’autre côté, l’intérêt légitime de l’Etat de ne pas devoir répondre de tout acte en

quelque rapport éloigné que ce soit avec l’exercice d’une fonction publique148.

Cette théorie s’est rapidement imposée à la doctrine et à la jurisprudence. Son origine

semble remonter à la pratique. Pour les actes accomplis à l’étranger par des diplomates, le

critère fut retenu sous sa forme négative : aucune responsabilité internationale de l’Etat pour

l’incompétence manifeste du fonctionnaire responsable. La CDI rejeta toute idée de limitation

de la responsabilité par crainte d’offrir des échappatoires trop aisées149. La jurisprudence s’est

consacrée la théorie, car l’affaire Caire (1929) en témoigne, selon la formule du président

VERZIJl : « Pour pouvoir admettre cette responsabilité, dite objective de l’Etat pour les actes

commis par ses fonctionnaires ou organes en dehors des limites de leur compétence, il faut

qu’ils aient agi au moins apparemment comme des fonctionnaires ou organes compétents ».

Sous-section 2 : les effets de la responsabilité en droit international

Lieu commun de toute réflexion sur le droit, la responsabilité est la colonne vertébrale

de tout ordre juridique. Dans le langage juridique, les règles de la responsabilité aménagent

l’obligation qui incombe à une personne de réparer un dommage subi par une autre personne.

C’est dans ce sens qu’elle conditionne la juridicité d’un système donné. Cependant, si la

responsabilité est « l’épicentre d’un système juridique » 150 , sa magnitude découle des

principes gouvernant l’imputabilité et notamment de leur adéquation à la réalité de la pratique

des sujets de droit. Un certain nombre de règles du droit international ne cherchent à régir que

des rapports d’Etat à Etat. Des règles interétatiques, des règles dont l’objet est de régir les 147 Ian BROWNLIE, System of the Law of Nations, Part I, Oxford University Press ; 1 edition, 1983, p. 145. 148 Pierre QUÉNEUDEC, La Responsabilité internationale de l'Etat pour les fautes personnelles de ses agents, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 1966, p. 142ss.

149 FISCHER, p. 218ss. BROWNLIE, System, p. 147. JIMÉNEZ D’ARÉCHAGA, p. 278. 150 Pierre-Marie DUPUY, Le fait générateur de la responsabilité internationale des Etats, RCADI 1984-V, p. 21.

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relations des Etats à travers les traités en vigueur liant ces derniers. Cette règle qui sous-

entend la bonne foi des parties concernées, exige par ailleurs le respect mutuel des

engagements151. Pour prévenir, les violations des engagements internationaux par un Etat, la

pratique veut que le contrôle exercer d’une manière mutuelle entre les Etats. Une fois la

responsabilité établie, l’Etat doit répondre à des obligations par ses paires pour réparer le

préjudice par une restitution, une indemnisation ou la satisfaction de la partie lésée. Mais, en

droit international la préoccupation porte davantage sur la mise en jeu de la responsabilité de

l’Etat, qui peut emmener à des sanctions.

Les effets de la responsabilité en droit international sous-entendent en principe les

contre-mesures dont la communauté internationale fait usage pour stopper un acte illicite ou

bien pour la réparation d’un dommage causé. Il s’agit d’un ensemble de mesures dont la

finalité et de veiller au respect du droit international par des mécanismes contraignantes.

Ainsi, les Etats se contrôlent mutuellement par le biais de ces sanctions, et sont soumis à ces

mesures dans le respect d’une convention bilatérale, multilatérale ou du droit international

dans sa généralité.

Cependant, le droit à l’immunité se présente tantôt comme une limite à l’application

effective de ces sanctions en droit international. L’immunité en droit international est un droit

attribué aux personnes diplomatiques d’un Etat dans l’exercice de leurs fonctions à l’étranger,

d’être soustrait à la compétence des juridictions de l’Etat de résidence.

1. Les sanctions en droit international

La notion de sanction renvoie à l’ ensemble des mesures diplomatiques, économiques ou

militaires prises par l'Etat ou par une organisation internationale pour faire cesser une

violation du droit international qu'une organisation a constatée ou dont un Etat s'estime

victime152.« Dans le cadre propre au droit international, il existe deux sanctions possibles : le

recours à un mécanisme compensatoire (mise en cause de la responsabilité internationale,

lorsque l’inexécution du traité émane d’un organe étatique déterminé), l’application d’une

151 L’article 26 de la convention de Vienne 152 Voir ABC du droit international public, p.34.

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sanction répressive : action individuelle traditionnelle (représailles, légitime défense, mesures

coercitives, boycottage) ou action collective (action de police internationale)153.

Les sanctions en droit international se veulent des contre-mesures devant les faits illicites

engendrés par les Etats, toutefois, ces mesures sont à la limite conditionnée par l’alinéa 4, de

l’article 2 des Nations Unies, sur le principe du non recourt à la force, mais aussi de

l’obligation faite aux Etats de faire usage de tous les moyens pacifiques pour la résolution des

différends, posée par l’article 33. Donc, dans le cadre du non usage de la force, se manifeste

deux catégories de sanctions ou de contre-mesures dont les mesures de rétorsion et les

sanctions économiques.

En l’absence d’une police internationale contraignante, la mise en œuvre et la conformité

aux principes du droit international ne dépendent que de la volonté des Etats. A cet effet, les

Etats deviennent eux-mêmes les gardiens du droit international, avec des mesures dissuasives.

D’abord les actes contraignants de la rétorsion. Ce sont des mesures prises par un Etat usant

de la manière la plus rigoureuse son droit afin de répondre à des actes illicites commis à son

égard ou à l’égard d’un autre Etat. Rappelons par ailleurs, que cette faculté d’engager des

mesures de sanctions contre un Etat dans l’illicite en droit international n’est pas reconnue

seulement à l’Etat lésé, tant que l’acte en question viole le droit international en général, tous

les Etats ont en effet, le droit d’engager des mesures de rétorsion (action de police

internationale).

En principe, ce sont des mesures licites et légales au regard du droit international car, bien

qu’elles peuvent être assez draconiennes et malhonnêtes, elles ne comportent cependant aucun

usage de force. Notons par ailleurs que, même si l’acte de rétorsion en question réponde à une

mesure licite ou illicite, elle est par principe licite et légale au regard du droit international.

C’est d’ailleurs, cette licéité par nature qui la distingue des représailles illicites par

définition154. Selon l'Institut du Droit International, les représailles sont des « mesures de

contrainte dérogatoires aux règles ordinaires du droit des gens prises par un Etat à la suite

153 Ch. Rousseau, Revue internationale de droit comparé, Vol. 16, N°4, 1964, pp.778-779, p.779. 154 Dans la décision de la CIJ intervenue en 1986 entre les Etats-Unis et le Nicaragua, le juge international a qualifié de représailles l'appui des Etats-Unis aux activités militaires et paramilitaires des contras au Nicaragua (soutien financier, entraînement, fourniture d'armes, de renseignements et de soutien logistique). Parce que cet appui constituait une violation du principe de non-intervention, alors qu'il a considéré que l'interruption de l'aide économique à ce même Etat ou la réduction du quota d'importation du sucre étaient des mesures de rétorsion.

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d'actes illicites commis à son préjudice par un autre Etat et ayant pour but d'imposer à celui-

ci, au moyen d'un dommage, le respect du droit »155.

Les mesures de rétorsion de distinguent des représailles sur deux points : elles sont la

réponse à des actes illicites et elles s’exercent par « des moyens qui auraient été illicites si le

comportement initial qui les explique n'avait pas été lui-même illicite »156. Ce sont peut-être

bien des mesures illicites tous les deux mais la licéité des rétorsions par découle du fait

qu’elles sont destinées à répondre à un acte illicite antérieur. Les mesures en question peuvent

prendre des formes extrêmement variées dans le respect du principe du non usage à la force,

parmi les mesures les plus rependues : rupture des relations diplomatiques (l’expulsion de

citoyens ou de diplomates)157. Ces mesures de rétorsions peuvent également prendre la forme

d’une sanction exercée contre toutes les relations économiques ou commerciales 158 . La

pratique des ruptures diplomatiques et/ou commerciales sont les plus courantes dans la

communauté internationale.

2. L’immunité en droit international

Du latin immunitas, immunitatis, la notion de l’immunité est d’origine latine munis qui

désigne en droit romain l’exemption d’une charge 159 . En droit international public

contemporain, l’immunité internationale est fondée sur ce qui est appelé le comitas gentium, il

s’agit du respect mutuel entre Etats à l’endroit des représentants diplomatiques bénéficiant de

la souveraineté étatique, sur ce principe se fonde d’ailleurs les relations diplomatiques entre

les Etats160. C’est une exception faite, un droit particulier dévolu à une personne pour jouir de

l’inviolabilité tant en droit interne qu’en droit internationale dans l’exercice d’une fonction

précise. Les immunités sont également définies comme des « restrictions à l'exercice par un

Etat de sa compétence judiciaire et de son action et exception à la règle qui s'applique, dans

155 Annuaire I.D.I, 1934, p.708 156 Marcel SINKONDO, Droit International Public, Ellipses, 1999, p. 128. 157 C'est le cas, par exemple, de l'expulsion d'étudiants iraniens et de certains membres du personnel diplomatique iranien à Washington lors du conflit entre les Etats-Unis et l'Iran lors de l'affaire de prise d'otages américains à Téhéran en 1980. Dans le cadre de cette même affaire, on a abouti à une rupture complète des relations diplomatiques entre les deux Etats. 158 Les Etats-Unis ont suspendu ou réduit leur aide publique à certains Etats qui avaient nationalisé des investissements américains sans aucune indemnité, à d'autres qui ne respectent pas les droits de l'homme ("politique Carter" de 1977 à 1980) ou, enfin, à ceux dont ils désapprouvaient les orientations (comme le Nicaragua entre 1981 et 1989). 159 Lire les immunités diplomatiques, in www.diplomatia.com. Consulté le 02 Mars 2016. 160 Le principe est posé par la Convention de Vienne sur les immunités diplomatiques du 18 Avril 1961.

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la mesure déterminée par le droit international et les traités, à l'égard d'un Etat étranger, de

ses agents diplomatiques»161.

L’immunité est un concept de droit large présent aussi bien dans les juridictions nationales

que celles internationales Et s’appliquant de manière spécifique à plusieurs sujets de droit.

Dans cette analyse, on s’intéresse essentiellement à l’immunité des Etats eux-mêmes, portant

effet sur la responsabilité internationale. Un principe généralement accepté en droit

international coutumier. Il est dès lors nécessaire de faire la distinction entre immunité de

l’Etat et immunité de son représentant car en droit international contemporain le chef de l’Etat

n’est plus considéré comme la personnification de l’Etat, mais le représentant suprême de

l’Etat. Selon la définition d’Hervé Ascensio : « l’immunité internationale peut être défini

comme l’obligation qui est faite à l’Etat en vertu du droit international public de ne pas

exercer sa juridiction contre un Etat étranger ou son représentant, le terme « juridiction »

étant entendu dans un sens ample couvrant l’exercice de l’ensemble des compétences

internes. »162.

Si l’on admet qu’une protection particulière dite « immunité » doit être accordée aux

chefs d'Etats, gouvernants et diplomates en exercice, cela ne saurait inclure comme une

immunité juridictionnelle totale, y compris dans des situations avérées de commission ou de

complicité de crimes considérés internationalement comme les plus graves. Au demeurant, les

textes internationaux relatifs aux immunités et privilèges, et particulièrement des Conventions

de Vienne (du 18 avril 1961 et du 24 avril 1963)163, sont muets pour ce qui concerne les chefs

d'Etats. En revanche, quoi qu'il en soit, ces immunités et privilèges attachés aux dirigeants

comme à leurs agents en poste à l’étranger disparaissent lorsque la preuve est apportée que

ces personnes ont commis, ordonné de commettre ou se sont rendus complices y compris par

leur abstention d’empêcher l’acte criminel d'infractions internationales graves.

161 Lire les origines, historique, but des immunités diplomatiques, www.google.com. Consulté le 02 Mars 2016. 162 Dans la nouvelle lettre de la FIDH n° 32 du 14 février 2000 163 Sous-section 4 et 5 de la convention de vienne (1961-1964)

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Conclusion de la seconde partie

Depuis la seconde moitié du XXe siècle, le droit international est entré dans une

dynamique sans précèdent. Les structures de la société internationale changent

continuellement. Les relations qui s’y déroulent également se transforment constamment. On

a de nouveaux acteurs qui sont impliqués dans les relations internationales. De nouvelles

formes de conflictualité apparaissent (le terrorisme religieux, les révoltes populaires,…). En

bref, depuis 1990 le monde est entré dans un nouvel ordre comme l’avait annoncé Bush

père.164

Dans ce monde en mutation, le droit international s’imprègne de nouvelles tendances.

On assiste au dépassement des fondements traditionnels (1) et à l’émergence de nouveaux

principes quand bien même que ceux-ci restent encore peu clairs (2). Les analyses consacrées

à l’étude du droit international doivent être pour cela dominées par la flexibilité afin de mieux

rendre compte du caractère dynamique de ce droit et des principes qui le sous-tendent.

1- Le dépassement des fondements traditionnels

164 Voir l’Extrait du discours de Georges Bush adressé au Congrès le 6 mars 1991, En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/revision-du-bac/annales-bac/histoire-terminale/extrait-du-discours-de-georges-bush-adresse-au-congres-le-6-mars-1991_t-hrde88.html#tVgJJJQz8xvVgQcC.99

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Le droit international s’est bâti sur un ensemble de principes fondateurs. Ces principes

fondés sur les acquis des traités de Westphalie, tournaient autour de l’Etat et de l’affirmation

de sa toute-puissance dans les relations internationales. L’Etat était le destinataire principal

des normes du droit international qui avaient pour principe fondamental, la reconnaissance et

le respect absolu de la souveraineté des Etats.165

Le principe de la souveraineté sur le plan externe affirmait l’autonomie des Etats sur la

scène internationale. Aucun Etat ne pouvait être contraint à se soumettre à une norme à

laquelle, il n’avait pas volontairement adhéré. De même, l’Etat pouvait se retirer d’un accord

lorsque celui-ci ne répondait plus à ses intérêts par un acte de dénonciation. Sur le plan

interne, le principe de la souveraineté avait pour implication l’interdiction pour les autres

Etats d’intervenir dans les affaires internes d’un Etat. L’ordre interne relevait strictement de la

compétence exclusive de l’Etat au regard du droit international. Toute immixtion d’un Etat

dans les affaires internes d’un autre Etat est considérée comme une ingérence condamnée par

le droit international. A ce sujet, on rappelle volontiers la célèbre jurisprudence de la CIJ sur

les manœuvres militaires des Etats-Unis au Nicaragua dans laquelle la cour avait condamné

les frappes militaires des Etats-Unis contre le Nicaragua comme étant une ingérence qui

violait la souveraineté de cet Etat.166

Aujourd’hui, de plus en plus, l’évolution du droit international tend vers le

dépassement du principe de la souveraineté de l’Etat et non son abandon. En effet, le droit

international au regard de la pratique actuelle, sans remettre en cause la souveraineté des

Etats, lui apporte de plus en plus de limitation. En outre, les dynamiques de regroupement

entre Etats frontaliers dans le cadre des politiques d’intégration économique, la domination

des tenants du marché et la montée des revendications citoyennes constituent les facteurs

majeurs de limitation de la place centrale qu’occupait l’Etat sur la scène internationale ainsi

que dans le droit international et même interne. Par ailleurs, la personnalité de l’Etat semble

s’effacer pour laisser place suprême à de nouveaux acteurs et destinataires des normes du

droit international ; les organisations régionales, l’homme individu et les entreprises

165 René-Jean DUPUY, Op. Cit. p21 166« décide que les Etats-Unis d'Amérique, par certaines attaques effectuées en territoire nicaraguayen en 1983-1984, contre Puerto Sandino les 13 septembre et 14 octobre 1983, contre Corinto le 10 octobre 1983, contre la base navale de Potos les 4-5 janvier 1984, contre San Juan del Sur le 7 mars 1984, contre des navires de patrouille Puerto Sandino les 28 et 30 mars 1984 et contre San Juan del Norte le 9 avril 1984, ainsi que par les actes d'intervention impliquant l'emploi de la force visés au sous-paragraphe 3 ci-dessus, ont, l'encontre de la République du Nicaragua, viole l'obligation que leur impose le droit international coutumier de ne pas recourir la force contre un autre Etat;» Jurisprudence CIJ, Nicaragua c/USA, Arrêt du 27 juin 1986.

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128

multinationales, véritable détentrice du pouvoir économique mondiale et de l’économie de

marché.

2- L’affirmation de nouveaux principes encore controversés

La règlementation des rapports entre les Etats semblent occuper de moins en moins de

place dans le droit international. Le droit international devient le droit de la société mondiale

prenant en compte des préoccupations autrefois réservés à l’Etat.167 Au nom de ces nouvelles

préoccupations de la communauté internationale, le principe de la souveraineté est limité et

relativisée. L’ingérence qui est son contraire devient un principe du droit international

lorsqu’il s’agit d’apporter assistance au peuple. Le droit d’ingérence ou comme le préfèrent

beaucoup de juriste, le droit d’assistance humanitaire avec l’obligation de protéger les

populations constitue la principale limite à la souveraineté des Etats. Par ce droit des Etats en

leurs noms ou au nom de la communauté internationale lorsque dans le cadre des missions

onusiennes, peuvent par diverses formes de pressions y compris l’usage de la force intervenir

contre un Etats qui violerait de façon grave le principe des droits de l’homme vis-à-vis de sa

population. Nous l’avons vu en 2011 en Côte d’Ivoire, en Libye et difficilement en Syrie. Le

fait que ce soit les pays occidentaux qui coordonnent ses soi-disant interventions humanitaires

et en fonction d’intérêts particuliers souvent connus mis en évidence par l’approche sélective

adoptée par ces Etats, le principe de l’ingérence humanitaire ou du droit d’assistance

humanitaire demeure encore controversée. Au-delà des controverses sur le bon usage de ce

principe humanitaire, l’obligation de protéger les populations civiles, force est de constater

que la protection des droits humains est devenue une priorité pour la communauté

internationale qui met parfois l’homme au-dessus de l’Etat.

D’autre part, la domination du monde économique par l’idéologie libérale et les

tenants du marché mondial a également apporté une limitation importante au pouvoir des

Etats dans l’élaboration des normes du droit international notamment celles en rapports avec

le secteur économique. En 1998, David Korten a écrit « Quand les multinationales gouvernent

le monde », dans lequel il disait « une crise de contrôle gouvernemental provoquée par la

convergence de forces idéologiques, politiques et technologiques à la suite du processus de

globalisation économique qui a transmis le pouvoir des gouvernements responsables de

167 Cours général Académie De Droit International de la Haye, Diversification, spécialisation, flexibilisation et matérialisation des règles de droit international privé, Martinus Nijhoff Publishers, 21 déc. 2001

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129

l’intérêt général à des entreprises institutionnelles et financières motivées par un seul but :

obtenir des bénéfices économiques à court terme ».168

Aujourd’hui, les multinationales par l’imposition des règles du marché libéral

prennent parfois le dessus sur les gouvernements des Etats. D’où pour certains, le droit

international économique est dominé par les principes conçues par ces multinationales.

L’Organisation Mondiale du Commerce qui est chargé d’harmoniser le droit des échanges

internationaux ne fait qu’officialiser ces principes du marché libéral face auquel les Etats ont

de moins en moins de choix surtout pour les plus faibles.

En définitif, le droit international même public n’est plus un ordre exclusive aux Etats et la consolidation de leur souveraineté. Ces nouvelles tendances du droit international qui sont aujourd’hui indéniables, s’inscrivent-elles pourtant dans une forme de continuité avec le l’évolution antérieure ou sont-elles l’affirmation d’un renouveau du droit international?

Bibliographie

Ouvrages

168 David KORTEN, Quand les multinationales gouvernent le monde, Barret-le-Bas (Hautes-Alpes) : Y. Michel, 2006

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internationales, Hachette supérieure, Paris, Décembre 2012, • Antonio TRUYOL Y SERRA, Recueil Des Cours –Académie de droit International à

la Haye 1985-IV, Martinus Nijhoff Publishers, 23 oct. 1992, • BETTATI (M), Le droit d'ingérence. Mutations de l'ordre international, Paris, Odile

Jacob, 1996. • Dario BASTITTELLA, Paix et guerres au XXIe, éditions sciences humaines, Paris, • Dario BATTISTELLA, Théories des relations internationales, Presses de Sciences

Po, Paris, 2012, • Diane ETHIER, Introductions aux relations internationales, quatrième édition,

Presses Universitaires de Montréal, 2010, • DRAGO (R.) (sous la direction de), Souveraineté de l'Etat et interventions

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Paris, 1992, • Franck PETITEVILLE, « Les organisations internationales », in collection, Les

Notices, relations internationales, Novembre 2012. • General Charles DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1959, • Gérard DUSSOUY, Traité des relations internationales, Tome II, les théories de

l’interétatique, Paris, Editions L’Harmattan, 2008, • Ian BROWNLIE, System of the Law of Nations, Part I, Oxford University Press ; 1

edition, 1983, • J.A.BARBERIS, « Réflexions sur la coutume internationale », AFDI 1990, p. 9-46 • Jean Baptiste DUROSELLE et André KASPI, Histoire des relations internationales :

de 1945 à nos jours, Tome 2, Armand Colin, 12ième édition mise à jour, Paris, 2001, • Jean Bodin, Les six livres de la République (1576), Paris, Fayard-Corpus, 1986, Livre

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édition, Paris, 1990, • M. VIRALLY, Droits de l’homme et théorie générale du droit international, in

Mélanges Cassin, vol. 4, Méthodologie des droits de l’Homme, Paris, Pedone, 1972 • Malika NAIMI, Droit constitutionnel et Grands systèmes politiques, 2ième édition,

Tanger, 2007, • Marcel MERLE., La vie internationale, Ed. PUF. Paris, 1977, • Michel VIRALLY., Relations internationales et science politique, Ed. PUF, Paris,

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• Peter LEUPRECHT, Déclin du droit international ?, Presses Universitaires Laval, Canada, 2009,

• Philipe CHRESTIA, « le principe d’intégrité territoriale : d’un pouvoir discrétionnaire à une compétence lié »e, Paris, l’harmattan, 2002,

• Philippe CHRESTIA, Relations Internationales, Studyrama 2004 • Phillipe BRAILLARD et MOHAMMAD-REZA Djalili, Les relations internationales,

Presses Universitaires de France, Paris, 1988, • Pierre DESERT, La responsabilité internationale des Etats, article, 2008. • Pierre QUÉNEUDEC, La Responsabilité internationale de l'Etat pour les fautes

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• Saida LATMANI, Espaces terrestres et maritimes en droit international, Editions Marocaines et Internationales, Tanger, 2008,

• Stéphane Monney MOUANDJO, Les institutions internationales, les pays du Sud et la démocratie, le journal de Tanger, Tanger (Maroc),

Articles • Adler Emanuel, « Seizing the Middle Ground: Constructivism in World Politics»,

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droit international de l’environnement », Annuaire Française du Droit International, 1993,

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132

• N. ONUF, « constructivism. A User’s Manual », dans V. Kubalkova et al, International Relations in a constructed World, Armonk (N.Y), Sharpe, 1998, P.58-78

Table des matières INTRODUCTION Générale ....................................................................................................... 2

Partie I- Les Relations Internationales ........................................................................................ 4

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133

Introduction de la première partie ............................................................................................... 4

Chapitre I- L’histoire des relations internationales ..................................................................... 7

Section 1 : Les relations internationales et le traité de Westphalie (1648-1815) .................... 9

Section 2: Tentative d’institutionnalisation des relations internationales (1919-1945) ........ 11

Section 3 : Les relations internationales pris dans l’étau des rivalités Ouest-Est (1947-1991) ............................................................................................................................................... 12

Section 4: Les relations internationales de 1991 à nos jours ................................................. 14

CHAPITRE II- LES ACTEURS DES RELATIONS INTERNATIONALES ......................... 18

Section 1 : Les entités publiques ........................................................................................... 18

Sous-section 1 : Les Etats .................................................................................................. 18

Sous-section 2 : Les organisations internationales ............................................................ 24

Section 2 : Les acteurs non étatiques .................................................................................... 26

CHAPITRE III- LES THEORIES DES RELATIONS INTERNATIONALES ..................... 28

Section 1 : Les théories classiques des relations internationales .......................................... 29

Sous-section 1 : La théorie réaliste .................................................................................... 29

Sous-section 2 : La théorie libérale ................................................................................... 30

Sous-section 3 : La théorie marxiste .................................................................................. 32

Section 2 : Les nouvelles théories des relations internationales ........................................... 33

Sous-section 1 : Le constructivisme .................................................................................. 34

Sous-section 2 : La sociologie des relations internationales ............................................. 34

CHAPITRE IV : LA VIE INTERNATIONALE ...................................................................... 35

Section I : La politique étrangère .......................................................................................... 36

Sous-section 1 : L’impossible dissociation entre politique interne et politique étrangère 37

Sous-section 2 : L’analyse de la politique étrangère ......................................................... 38

Section 2 : Guerres et paix en relations internationales ........................................................ 40

Sous-section 1 : Les processus conflictuels ....................................................................... 40

Sous-section 2 : Les processus pacifiques ......................................................................... 42

Section 3 : Les processus de coopération et d’intégration .................................................... 44

Conclusion de la première partie .............................................................................................. 47

Partie II- Le Droit International Public ..................................................................................... 48

Introduction de la Seconde partie ............................................................................................. 48

Chapitre préliminaire : .............................................................................................................. 50

I. Définition du droit international ............................................................................. 51

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134

II. Objet du droit international : les relations internationales et la société internationale .................................................................................................................. 52

III. Droit international et droit interne : caractéristiques particulières du droit international ................................................................................................................... 53

IV. Les différentes branches du droit international ................................................... 55

CHAPITRE I- LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC ............................ 56

Section 1- Les sources principales du droit international public .......................................... 58

Sous-section 1- Le traite international ............................................................................. 58

1. Le traité international: de sa définition et de sa classification ................................ 59

2. La conclusion des traités ......................................................................................... 64

3. la validité des traités ............................................................................................... 74

4. Les effets des traités ............................................................................................... 80

5. La modification et la fin des traités ........................................................................ 84

Sous-section 2- La coutume internationale ...................................................................... 88

1. Les fondements de la coutume internationale ....................................................... 88

2. Les éléments constitutifs de la coutume internationale .......................................... 90

Section 2- Les sources subsidiaires du droit international public ........................................ 93

Sous-section 1- Les principes généraux ............................................................................ 94

1. Fonction des Principes généraux de droit ............................................................... 94

2. La place subsidiaire des principes généraux de droit ............................................. 95

Sous-section 2: Les actes unilatéraux ................................................................................ 96

1. Les actes unilatéraux des Etats ............................................................................... 96

2. Les actes unilatéraux des organisations internationales ......................................... 97

Sous-section 3: la doctrine et la jurisprudence .................................................................. 99

1. La doctrine .............................................................................................................. 99

2. La jurisprudence ................................................................................................... 100

CHAPITRE II- LES SUJETS DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC ............................ 101

Section 1- L’Etat ................................................................................................................ 101

Sous-section 1- Les éléments de la reconnaissance internationale d’un Etat .................. 102

1. la population ......................................................................................................... 102

2. le territoire ............................................................................................................ 103

3. Un gouvernement souverain ................................................................................. 104

Sous-section 2- La souveraineté des Etats : principe et limite en droit international public ......................................................................................................................................... 104

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135

1. Le principe de la souveraineté internationale d’un Etat ....................................... 105

2. Les limites à la souveraineté internationale des Etats .......................................... 107

Section 2- Les organisations internationales ....................................................................... 108

CHAPITRE III- L’APPLICATION DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC ................... 109

Section 1- Les théories dualistes et monistes ...................................................................... 109

Sous-section: La théorie dualiste ......................................................................................... 110

1. Le principe de la théorie dualiste .......................................................................... 110

2. Les critiques de la théorie dualiste ....................................................................... 112

Sous-section 2- La théorie moniste ..................................................................................... 113

1. Le principe de la théorie moniste ......................................................................... 114

2. Les critiques de la théorie moniste ....................................................................... 115

Section 2- les théories de la responsabilité internationale ................................................... 116

Sous-section 1: condition de la responsabilité internationale .......................................... 117

1. Le dommage en droit international ....................................................................... 118

2. La faute en droit international .............................................................................. 119

3. Applicabilité ......................................................................................................... 120

Sous-section 2 : les effets de la responsabilité en droit international .............................. 121

1. Les sanctions en droit international ...................................................................... 122

2. L’immunité en droit international ......................................................................... 124

Conclusion de la seconde partie .............................................................................................. 126

Bibliographie ........................................................................................................................... 129

Ouvrages .............................................................................................................................. 129

Articles ................................................................................................................................ 131

Table des matières ................................................................................................................... 132