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Manul Practique de Magnetisme Animal

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mesmerismo

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  • MANUEL PRATIQUE DE

    MAGNTISME ANIMAL

    EXPOSITION MTHODIQUE DES PROCDS EMPLOYS

    POUR PRODUIRE LES PHNOMNES ET LEUR APPLICATION

    A L'TUDE ET AU TRAITEMENT DES MALADIES

    PAR

    ALPHONSE TESTE Docteur en mdecine de la facult de Paris ; membres de plusieurs Socits savantes.

    QUATRIME DITION REVUE, CORRIGEE ET AUGMENTEE

    La vrit est ternelle comme Dieu; on peut la maudire ou l'honorer, la proscrire ou la proclamer; tout cela ne change rien son existence (page 13).

    A PARIS, CHEZ J. B. BAILLIRE,

    LIBRAIRE DE L'ACADMIE IMPRIALE DE MDECINE, RUE HAUTEFEUILLE, 19.

    A LONDRES, CHEZ H. BAILLIRE, 219, REGENT STREET. A NEW-YORK, CHEZ H. BAILLIRE, 290, BROADWAY,

    A MADRID, CHEZ C. BAILLY-BAILLIRE, CALLE DEL PRINGIPE Il. 1853

  • PRFACE Depuis plusieurs annes j'ai renonc la pratique du magntisme pour me livrer

    exclusivement celle de l'homopathie, qui absorbe aujourd'hui toute mon intelligence et tous mes instants. L'homopathie, dcouverte immense, doctrine fonde sur des lois certaines, videntes, immuables, m'a rconcili avec une science que le vide de ses systmes m'avait fait prendre en dgot. Mais en redevenant mdecin je n'ai point abjur ma foi au magntisme. Toutes les vrits de quelque nature qu'elles soient, sont essentiellement compatibles entre elles. Aussi bien en relisant ce manuel, n'ai-je trouv ni un fait ni une allgation dont mes convictions nouvelles m'imposassent le dsaveu.

    Et vraiment il est heureux pour la paix de ma conscience et pour l'honneur de ma sincrit scientifique, qu'il en soit ainsi; car ce petit ouvrage est aujourd'hui tellement rpandu dans toutes les contres du globe, que je n'aurais pu le dmentir sans me couvrir de honte. Aucun autre ouvrage sur le magntisme n'a eu autant de lecteurs. Indpendamment des ditions franaises et des contrefaons trangres, il est traduit en plusieurs langues, et n'a pas t moins bien accueilli en Angleterre, en Allemagne, en Italie, dans les deux Amriques, etc., qu'il ne l'a t en France. Je n'ignore pas d'ailleurs que ce succs prouve beaucoup moins son mrite que l'intrt universel qu'inspire le sujet dont il traite et plus encore peut-tre l'opportunit de l'poque laquelle il a paru. Quel qu'il ft, un manuel pratique de magntisme ne pouvait manquer d'tre bien accueilli.

    Celui-ci, j'aime le croire, justifie son titre. Il s'adresse simplement aux personnes qui se contentant de notions usuelles, ne tiennent savoir du magntisme que l'art de le pratiquer. Quant celles qui ont le dsir de s'initier aux lois intimes de ce merveilleux agent, son histoire dans l'antiquit, o il joua un si grand rle, aux inductions physiologiques et psychologiques qui en dcoulent, c'est pour elles que j'ai crit le Magntisme animal expliqu, ouvrage qui assurment a plus de porte que n'en a celui-ci, mais dont l'objet est trs-diffrent.

    10 dcembre 1852. MANUEL PRATIQUE DE MAGNTISME ANIMAL. CHAPITRE PREMIER. Coup d'il historique Ier. Mesmer et sa thorie. Le mot magntisme, qui a pour racine le substantif grec (aimant), dsigne en physique

    un ensemble de phnomnes observs d'abord dans un petit nombre de substances minrales et dont l'attraction de l'aimant est le type.

  • De l'analogie, sinon de l'identit que l'on crut plus tard reconnatre entre cette attraction et certains faits physiologiques, manifestes surtout chez l'homme, surgit une ide nouvelle, que, dfaut d'un nologisme qui peut-tre et t sage, dsignrent ces expressions magntisme animal.

    Cette association de mots prsente aujourd'hui trois acceptions distinctes, car nous entendons indiffremment par magntisme animal :

    1 Un principe particulier, inhrent la vie organique ; 2 L'ensemble des notions que nous possdons sur ce principe ; 3 Enfin l'art de le mettre en uvre dans l'intrt de nos semblables, ou la science

    applique du magntisme. C'est principalement de ce dernier point de vue que nous devons traiter la question. Le magntisme, considr comme principe physiologique, est aussi vieux que le monde

    : cela n'a pas besoin de dmonstration ; car il est clair que si ce principe existe, il a exist toujours.

    Mais les hommes de tous les temps en ont-ils eu connaissance et en ont-ils su tirer parti? C'est ici une grande question d'histoire dont la discussion ne saurait trouver place dans un livre lmentaire, mais dont j'ai donn ailleurs la solution affirmative (Magntisme animal expliqu. Paris, 1845, p. 82 et suiv.). Ce qui nous est parvenu de la doctrine des Chaldens, des gyptiens et des Hbreux; les livres des philosophes grecs, notamment des successeurs de Znon; enfin les crits plus rcents de Plotin, de Pomponace, de Paracelse, de Robert Boyle, de Sbastien Wirdig, de Maxwell et surtout de Van Helmont, ne sauraient laisser cet gard subsister l'ombre du doute.

    Cependant Mesmer passe gnralement pour avoir dcouvert le magntisme la fin du dernier sicle. A Dieu ne plaise que nous cherchions le dpouiller de ce beau titre de gloire; mais le fait de cette dcouverte demande explication.

    Il est certain d'abord, je le rpte, que pendant un grand nombre de sicles le magntisme constitua exclusivement l'art mdical des anciens. Dogmatis par les mages et les prtres gyptiens, il tait pratiqu dans les temples l'ombre mystique d'un sacerdoce qui, par une sorte de politique trs facile comprendre, s'tait fait une loi de s'en rserver le secret et les bnfices. La langue des hiroglyphes, que les prtres seuls entendaient, taient d'ailleurs trs propre couvrir ce mystre. Plus tard, le magntisme, pratiqu sous le nom de magie par les disciples des mages, se rpandit dans la Grce et dans l'empire romain ; mais ce ne fut pas, comme on l'a dit, la suite des armes romaines qu'il pntra dans les Gaules, car d'aprs le tmoignage de Csar, les druides le pratiquaient depuis longtemps l'poque de l'invasion.

    Les ordonnances de Thodose qui fermrent les temples paens au quatrime sicle, les lois lombardes, celles qui furent promulgues sous les rois francs et Visigoths, et renouveles dans les capitulaires de Charlemagne, enfin, par dessus tout, les ides superstitieuses manes d'une fausse interprtation du christianisme portrent au magntisme une atteinte dont il ne se releva que vers la fin du moyen ge.

    Cependant, comme en dpit d'une lgislation absurde, le principe, l'agent magntique, n'avait pu cesser d'tre, il se rvlait de loin en loin chez des hommes de toutes les classes

  • qui, le mettant en uvre sans se douter seulement de son existence, en abusaient quelquefois et se faisaient en consquence condamner au feu comme sorciers. Mais, l'exception de ces magiciens de bas tage qui souvent avaient mrit par des crimes inconnus les peines infamantes qu'on leur infligeait pour leurs malfices, presque personne au monde ne s'occupait du magntisme. C'est peine si, dans les socits secrtes des philosophes hermtiques, quelques adeptes en conservaient une tradition confuse, persuads qu'ils taient, d'aprs la foi publique, que le diable seul prsidait ses manifestations. Il rsulte clairement, en effet, de la lecture des traits de magie publis au moyen ge, que la doctrine magntique de cette poque d'ignorance se rduisait une sorte de panthisme ridicule dans lequel les anges du mal reprsentaient les principes.

    Les choses se maintinrent ainsi jusqu' la fin du seizime sicle. Mais ce fut alors que le clbre Paracelse, reprenant en sous-uvre les ides plus ou moins vagues de l'Italien Pomponazi, les systmatisa sa manire, et ruina par une ingnieuse thorie l'intervention jusqu'alors admise des puissances infernales. Paracelse rhabilita le fluide universel autrefois imagin par les philosophes stociens, et ce principe une fois admis, il en puisa les consquences.

    Bientt parurent sur le magntisme plusieurs traits originaux. La Mdecine magntique de Maxwell, entre autres, se rpandit dans toute l'Europe. Robert Boyle, le fondateur de la socit royale de Londres, se rangea courageusement du ct des novateurs ; et bientt enfin, le plus profond physiologiste de l'Europe, corroborant de son gnie toutes ces ides nouvelles, donna au magntisme une consistance qui aurait d en assurer le triomphe et la longvit. Mais les conceptions toutes spiritualistes de Van Helmont taient inconciliables avec le panthisme de Spinoza et des philosophes qui lui succdrent : aussi Van Helmont, que les mdecins ne pouvaient s'empcher de regarder comme un grand homme en tant que mdecin, fut-il regard comme un fou en tant que magntiseur. Sa doctrine, en consquence, s'teignit avec lui, et personne en Europe ne songeait plus au magntisme, lorsque Mesmer (F.-Antoine Mesmer, n Weiler, prs de Stein, sur le Rhin, en 1734, et mort Mersbourg, prs du lac de Constance, le 5 mars 1815. Il tudia la mdecine sous Van Swieten et De Han, et fut reu docteur la facult de Vienne en 1766.) annona qu'il venait de le dcouvrir.

    Si donc ce dernier n'a pas absolument mrit le titre d'inventeur que lui dcernrent ses disciples, il n'en a pas moins de droit notre reconnaissance, puisque, en dfinitive, le magntisme ft rest sans lui dans l'oubli dont l'ont retir ses efforts.

    Mesmer tait un homme de gnie. Observateur et philosophe, il savait embrasser la fois dans leurs rapports gnraux et dans les conditions intimes de leur existence individuelle toutes les choses de la nature. Sa thse inaugurale, qui avait pour titre de Influxu planetarum, nous prouve que longtemps avant l'exprience des faits il avait compris, par une sorte d'intuition, le principe fondamental du systme universel auquel il rattacha dans la suite sa thorie du magntisme. C'est--dire que, recherchant la cause de l'attraction newtonienne, il l'avait gnralise dans l'ide, d'ailleurs mise bien des sicles avant lui, d'un fluide universellement rpandu. Ce fluide, dans son hypothse, tait le lien latent qui unit tous les tres, et le moyen, pour ainsi dire, de leur influence rciproque. Pntr tout d'abord de la pense que ce fluide jouait un rle capital dans nos actes vitaux, et supposant en outre que le magntisme minral n'tait qu'une de ses manifestations spciales, il fut naturellement conduit par cette double conception essayer l'emploi de

  • l'aimant dans le traitement des maladies. Mesmer fit donc un jour, sur une jeune fille atteinte d'affection nerveuse, l'application

    de pices aimantes. Une modification surprenante se manifesta dans l'tat de la malade. Il sembla celle-ci que des courants nerveux s'tablissaient dans son corps et se dirigeaient vers ses pieds : sensation bizarre laquelle succda la cessation des accs. Fort de ce premier point, Mesmer varia plusieurs reprises les conditions de son exprience, et reconnut enfin que le contact de sa main ou plutt que sa propre volont constituait la vritable cause des effets qu'il avait d'abord attribus l'aimant.

    Assurment cette dcouverte impliquait un fait immense : aussi Mesmer comprit-il qu'en s'en rservant le secret, elle deviendrait infailliblement un jour la pierre d'assise de sa fortune et de sa rputation. L'vnement ralisa son esprance ; mais il eut vaincre auparavant bien des obstacles que peut-tre il n'avait pas prvus. La malveillance et l'envie se ligurent contre lui. Un jsuite, le pre Hell, professeur d'astronomie Vienne, qui il avait confi les rsultats de ses premiers essais, les interprta sa manire et publia effrontment qu'il venait, lui, pre Hell, de dcouvrir dans l'aimant un nouveau moyen de gurir les affections nerveuses. Cette assertion, aussi dloyale que mensongre, suscita de la part de Mesmer de justes rclamations. Mais celui-ci tait encore inconnu, et le pre Hell tait clbre. Les jsuites et les savants se runirent donc contre Mesmer, qui, aprs cinq annes de polmique et de sollicitations inutiles auprs des acadmies d'Allemagne, se dcida, en dsespoir de cause, quitter sa patrie pour la France, o l'attendaient de nouvelles dceptions et un clatant dni de justice.

    La nature et les proportions de cet ouvrage nous interdisent les dtails de cette scandaleuse histoire, qui, d'ailleurs, est peu prs celle de toutes les grandes dcouvertes.

    Quoi qu'il en soit, lorsque Mesmer vint, en 1768, s'tablir Paris, sa rputation l'y avait prcd, et, nonobstant le refus obstin des corps savants, je ne dirai pas de sanctionner, mais d'examiner sa doctrine et surtout les faits qui lui servaient de base, il parvint en peu d'annes au comble de la fortune.

    On comprend au surplus que la conduite prive de Mesmer, ses prtentions et ses succs d'argent doivent rester trangers l'histoire du magntisme : ses ides seules nous intressent. C'est donc pourquoi, sans nous arrter aux striles dbats que souleva sa doctrine, nous nous contentons de mettre sous les yeux de nos lecteurs les vingt-sept propositions qui la rsument sous forme d'aphorismes (La thorie complte de Mesmer forme un travail assez tendu, trs intressant dans quelques-unes de ses parties, et qu'on trouvera en entier dans le Magntisme animal expliqu.).

    1 Il existe une influence mutuelle entre les corps clestes, la terre et les corps anims ; 2 Un fluide universellement rpandu et continu de manire ne souffrir aucun vide,

    dont la subtilit ne permet aucune comparaison, et qui, de sa nature, est susceptible de recevoir, propager et communiquer toutes les impressions du mouvement, est le moyen de cette influence ;

    3 Cette action rciproque est soumise des lois mcaniques inconnues jusqu' prsent ; 4 Il rsulte de cette action des effets alternatifs qui peuvent tre considrs comme un

    flux et reflux ; 5 Ce flux et reflux est plus ou moins gnral, plus ou moins particulier, plus ou moins

  • compos, selon la nature des causes qui le dterminent; 6 C'est par cette opration (la plus universelle de celles que la nature nous offre), que

    les relations d'activit s'exercent entre les corps clestes, la terre et ses parties constitutives ;

    7 Les proprits de la matire et des corps organiss dpendent de cette opration ; 8 Le corps animal prouve les effets alternatifs de cet agent, et c'est en s'insinuant dans

    la substance des nerfs qu'il les affecte immdiatement ; 9 II se manifeste particulirement dans le corps humain des proprits analogues

    celles de l'aimant ; on y distingue des ples galement divers et opposs, qui peuvent tre communiqus, changs, dtruits et renforcs ; le phnomne mme de l'inclinaison y est observ ;

    10 La proprit du corps animal, qui le rend susceptible de l'influence des corps clestes et de l'action rciproque de ceux qui l'environnent, manifeste par son analogie avec l'aimant, m'a dtermin la nommer MAGNTISME ANIMAL ;

    Il L'action et la vertu du magntisme animal, ainsi caractrises, peuvent tre communiques d'autres corps anims et inanims. Les uns et les autres en sont cependant plus ou moins susceptibles;

    12 Cette action et cette vertu peuvent tre renforces et propages par les mmes corps ;

    13 On observe l'exprience l'coulement d'une matire dont la subtilit pntre tous les corps, sans perdre notablement de son activit ;

    14 Son action a lieu une distance loigne, sans le secours d'aucun corps intermdiaire ;

    15 Elle est augmente et rflchie par les glaces, comme la lumire ; 16 Elle est communique, propage et augmente par le son ; 17 Cette vertu magntique peut tre accumule, concentre et transporte ; 18 J'ai dit que les corps anims n'en taient pas galement susceptibles. Il en est mme,

    quoique trs rares, qui ont une proprit si oppose, que leur seule prsence dtruit tous les effets de ce magntisme dans les corps ;

    19 Cette vertu oppose pntre aussi tous les corps ; elle peut tre galement communique, propage, accumule, concentre et transporte, rflchie par les glaces et propage par le son; ce qui constitue non-seulement une privation, mais une vertu oppose positive;

    20 L'aimant, soit naturel, soit artificiel, est, ainsi que les autres corps, susceptible du magntisme animal, et mme de la vertu oppose, sans que, ni dans l'un ni dans l'autre cas, son action sur le fer et l'aiguille souffre aucune altration ; ce qui prouve que le principe du magntisme animal diffre essentiellement de celui du minral;

    21 Ce systme fournira de nouveaux claircissements sur la nature du feu et de la lumire, ainsi que dans la thorie de l'attraction, du flux et du reflux, de l'aimant et de l'lectricit;

  • 22 II fera connatre que l'aimant et l'lectricit artificielle n'ont l'gard des maladies que des proprits communes avec plusieurs autres agents que la nature nous offre ; et que s'il est rsult quelques effets utiles de l'administration de ceux-l, ils sont dus au magntisme animal;

    23 On reconnatra par les faits, d'aprs les rgles pratiques que j'tablirai, que ce principe peut gurir immdiatement les maladies de nerfs et immdiatement les autres ;

    24 Qu'avec son secours, le mdecin est clair sur l'usage des mdicaments ; qu'il perfectionne leur action, et qu'il provoque et dirige les crises salutaires de manire s'en rendre le matre ;

    25 En communiquant ma mthode, je dmontrerai par une thorie nouvelle des maladies l'unit universelle du principe que je leur oppose;

    26 Avec cette connaissance, le mdecin jugera srement l'origine, la nature et les progrs des maladies, mme les plus compliques; il en empchera l'accroissement, et parviendra leur gurison, sans jamais exposer le malade des effets dangereux ou des suites fcheuses, quels que soient l'ge, le temprament et le sexe. Les femmes, mme dans l'tat de grossesse et lors des accouchements, jouiront du mme avantage.

    27 Cette doctrine, enfin, mettra le mdecin en tat de bien juger du degr de sant de chaque individu, et de le prserver des maladies auxquelles il pourrait tre expos. L'art de gurir parviendra sa dernire perfection.

    Tout naturellement, la pratique mdicale de Mesmer se rglait sur les principes noncs dans ces propositions, et nonobstant leur tranget, il les justifia en plus d'un cas par d'clatants succs. Mais les cures qu'il oprait, loin de lui concilier les mdecins, excitaient leur jalousie. Il demandait des juges et ne rencontrait que des envieux : aussi, rebut par le mauvais vouloir et la mauvaise foi des corps savants de notre pays, se rsolut-il quitter la France (en 1781) comme il avait fait de l'Allemagne. Circonstance inoue! ce fut aprs son dpart et par consquent en son absence qu'on se dcida enfin examiner sa dcouverte.

    D'Eslon, docteur rgent de la Facult, avec lequel Mesmer avait entretenu pendant son sjour Paris d'troites relations d'amiti, obtint force d'habilet ce que d'inqualifiables prventions avaient fait refuser son ami. Ce fut donc chez d'Eslon qu'une commission acadmique (Cette commission, nomme le 12 mars 1784, se composait des mdecins Borie, Sallin, d'Arcet et Guillotin, auxquels on ad joignit, sur la demande qu'ils en firent, les cinq membres de l'Acadmie des sciences, Franklin, Lenoir, Bailly, de Bory et Lavoisier.) alla prendre connaissance d'une doctrine dont il pouvait d'autant plus ignorer les principes, que l'inventeur dclarait ne les lui avoir pas enseigns et le dsavouait publiquement pour son disciple.

    Il est peu de mdecins et il n'est point de magntiseurs qui n'aient lu le rapport de Bailly. C'est le procs en rgle de la doctrine mesmrienne; et, sans contredit, les conclusions qui le terminent taient de nature trancher dfinitivement la question du magntisme animal, si les jugements des hommes pouvaient porter atteinte la vrit. Mais la vrit est ternelle comme Dieu ; on peut la maudire ou l'honorer, la proclamer ou la proscrire; tout cela ne change rien son existence.

    Rpandu avec une sorte d'ostentation dans toutes les coles et parmi les gens du monde, le rapport de Bailly ne produisit gure d'autre effet que celui d'aigrir les esprits convaincus

  • et d'exciter parmi les partisans de la doctrine inculpe de justes rcriminations. C'est qu'il est dans la nature de l'esprit humain de chrir l'indpendance et de s'exasprer par les obstacles. Que le pouvoir adopte et prescrive une croyance, il fera un schisme ; qu'il proscrive cette croyance, il lui fera des aptres; qu'il la tourmente, il lui fera des martyrs. Le magntisme aurait eu les siens si le pouvoir l'et voulu; mais un excs d'intolrance avait cess d'tre possible. Le magntisme, en effet, comptait dj parmi ses aptres des hommes de trop grand poids : il avait trouv un dfenseur jusqu'au sein de l'Acadmie royale, o il venait de faire son entre sous les auspices d'un des plus beaux gnies de l'poque.

    Le rapport d'Antoine-Laurent de Jussieu, rdig avec la minutieuse conscience d'un observateur probe et dlicat, fut la contrepartie du rapport de Bailly. Il n'y a que les intelligences mdiocres qui redoutent la contradiction dans une cause dont ils sont srs, et qui craignent de se mettre en opposition avec les forts et la majorit. De Jussieu terminait ainsi : La thorie du magntisme ne peut tre admise tant qu'elle ne sera pas dveloppe et taye de preuves solides. Les expriences faites pour constater l'existence du fluide magntique prouvent seulement que l'homme produit sur son semblable une action sensible par le frottement, par le contact et plus rarement par un simple rapprochement quelque distance. Cette action, attribue un fluide universel non dmontr, appartient certainement la chaleur animale existant dans les corps, qui en mane continuellement, se porte assez loin et peut passer d'un corps dans un autre. La chaleur animale est dveloppe, augmente ou diminue dans un corps par des causes morales et par des causes physiques. Juge par ses effets, elle participe de la proprit des remdes toniques, et produit comme eux des effets salutaires ou nuisibles selon la quantit communique et selon les circonstances o elle est employe. Un usage plus long et plus rflchi de cet agent fera mieux connatre sa vritable action et son degr d'utilit. Tout mdecin peut suivre les mthodes qu'il croit avantageuses pour le traitement des maladies, mais sous la condition de publier ses moyens lorsqu'ils seront nouveaux ou opposs la pratique ordinaire. Ceux qui ont tabli, propag ou suivi le traitement appel magntique, et qui se proposent de le continuer, sont donc obligs d'exposer leurs dcouvertes et leurs observations; et l'on doit proscrire tout traitement de ce genre dont les procds ne seront pas connus par une prompte publication. Les magntiseurs, Dieu merci, ont rpondu cet appel.

    II Dcouverte du somnambulisme. Entrevu par de Jussieu aux traitements de d'Eslon, mais mconnu de Mesmer et de ses

    premiers partisans, le somnambulisme est aujourd'hui le fait capital du magntisme, et il ne s'agit plus, pour rsoudre dfinitivement la grande question qui s'y rattache, que de faire connatre et de dmontrer l'existence des phnomnes qui le constituent. Nous verrons un peu plus loin o en est ce sujet l'opinion publique et en particulier celle des mdecins. Mais, auparavant, continuons, pour ne pas anticiper, notre simple relation des faits.

    Les premiers cas de somnambulisme artificiel furent observs par le marquis de Puysgur (Armand-Marie-Jacques Chastenet de Puysgur, n Paris en 1752, mort en 1825.), sa terre de Busancy. Voici ce qu'il crivait le 8 mars 1784, l'un des membres de

  • la socit de l'Harmonie : Je ne puis tenir, monsieur, au plaisir de vous faire part des expriences dont je

    m'occupe dans ma terre. Je suis d'ailleurs si agit moi-mme, je puis mme dire si exalt, que je sens qu'il me faut du relche, du repos, et j'espre le trouver en crivant quelqu'un qui puisse m'entendre. Lorsque je blmais l'enthousiasme du pre Hervin, que j'tais loin encore d'en connatre la cause ! Aujourd'hui, je ne l'approuve pas davantage, mais je l'excuse. Plus de feu, plus de chaleur dans l'imagination que je n'en ai peut-tre, l'auront matris ; et d'ailleurs l'exprience de personne avant lui ne le pouvait retenir. Puiss-je contribuer, ainsi que ceux qui, comme moi, s'occuperont du magntisme animal, ramener la tranquillit dans l'esprit de tous les tmoins de nos singulires expriences, et cela par notre propre tranquillit. Contenons-nous; faisons, l'exemple de M. Mesmer, des efforts ; et certes, il en faut beaucoup pour ne pas s'exalter au dernier point, en voyant tous les effets surprenants et salutaires qu'un homme, avec le cur droit et l'amour du bien, peut oprer par le magntisme animal. J'entre donc en matire, et j'en suis bien press.

    Aprs dix jours de tranquillit dans ma terre, sans m'occuper d'autre chose que de mon repos et de mes jardins, j'eus occasion d'entrer chez mon rgisseur. Sa fille souffrait d'un grand mal de dents ; je lui demandai en plaisantant si elle voulait tre gurie ; elle y consentit, comme vous pouvez le croire. Je ne l'eus pas magntise dix minutes que ses douleurs furent entirement calmes ; elle ne s'en ressent pas depuis.

    La femme de mou garde fut gurie le lendemain du mme mal et en aussi peu de temps.

    Ces faibles succs me firent essayer d'tre utile un paysan, homme de vingt-trois ans, alit depuis quatre jours par l'effet d'une fluxion de poitrine. J'allai donc le voir : c'tait mardi pass, 4 de ce mois, huit heures du soir; la fivre venait de s'affaiblir. Aprs l'avoir fait lever, je le magntisai. Quelle fut ma surprise de voir au bout d'un demi-quart d'heure cet homme s'endormir paisiblement dans mes bras, sans convulsions ni douleurs ! Je poussai la crise; ce qui lui occasionna des vertiges : il parlait, s'occupait tout haut de ses affaires. Lorsque je jugeais ses ides devoir l'affecter d'une manire dsagrable, je les arrtais et cherchais lui en inspirer de plus gaies. Il ne me fallait pas pour cela faire de grands efforts; alors je le voyais content, imaginant tirer un prix, danser une fte, etc. Je nourrissais en lui ces ides, et par l, je le forais se donner beaucoup de mouvement sur sa chaise, comme pour danser sur un air, qu'en chantant mentalement je lui faisais rpter tout haut. Par ce moyen, j'occasionnai ds ce jour-l au malade une sueur abondante. Aprs une heure de crise, je l'apaisai et sortis de la chambre. On lui donna boire, et lui ayant fait porter du pain et du bouillon, je lui fis manger ds le soir mme une soupe, ce qu'il n'avait pu faire depuis cinq jours. Toute la nuit il ne fit qu'un somme, et le lendemain ne se souvenant plus de ma visite du soir, il m'apprit le meilleur tat de sa sant... Je lui ai donn deux crises mercredi, et jeudi j'ai eu la satisfaction de ne lui voir le matin qu'un lger frisson. Chaque jour j'ai fait mettre les pieds dans l'eau au malade, l'espace de trois heures, et lui ai donn deux crises par jour. Aujourd'hui samedi, le frisson a t encore moins long qu' l'ordinaire; sou apptit se soutient, ses nuits sont bonnes ; enfin j'ai la satisfaction de le voir dans un mieux sensible, et j'espre que d'ici trois jours il reprendra ses ouvrages accoutums, etc.

    Depuis cette lettre, un grand nombre de faits analogues furent constats et publis par M. de Puysgur; et les observations de somnambulisme artificiel se sont tellement

  • multiplies, qu'il n'est presque personne aujourd'hui qui n'ait eu l'occasion d'en recueillir. Ce nouvel ordre de phnomnes dut ncessairement modifier les premires ides qu'on s'tait faites du magntisme : aussi tout est-il chang maintenant dans les procds (Voir notre chapitre Des diffrentes manires de magntiser.) comme dans la thorie. On substitua un fluide nerveux au fluide universel de Mesmer ; mais cette moderne hypothse mrite peine qu'on en fasse mention; car dans les sciences naturelles les faits seuls sont plus ou moins immuables, et l'explication qu'on en donne n'est que relative la tournure d'esprit et au degr de savoir des hommes qui les observent. Mais ce qui est incontestable, c'est que la question du magntisme animal avait rellement chang de terrain depuis la dcouverte du marquis de Puysgur, et que, lorsque M. le docteur Froissac proposa en 1825 l'Acadmie de mdecine l'examen d'une somnambule, il ne s'agissait nullement de reprendre en sous-uvre les observations de 1784, mais bien d'observer une chose nouvelle : aussi MM. les membres de l'Acadmie, chargs par leurs collgues d'apprcier l'opportunit d'une nouvelle commission, se rsumrent-ils en ces termes :

    1 Le jugement port en 1784 par les commissaires chargs par le roi d'examiner le magntisme animal ne doit en aucune manire vous dispenser de l'examiner de nouveau, parce que, dans les sciences, un jugement quelconque n'est point une chose absolue, irrvocable ;

    2 Parce que les expriences d'aprs lesquelles ce jugement a t port paraissent avoir t faites sans ensemble, sans le concours simultan et ncessaire de tous les commissaires, et avec des dispositions morales qui devaient, d'aprs les principes du fait qu'ils taient chargs d'examiner, les faire compltement chouer.

    3 Le magntisme, jug ainsi en 1784, diffre entirement par la thorie, les procds et les rsultats, de celui que des observateurs exacts, probes, attentifs, que des mdecins clairs, laborieux, opinitres, ont tudi dans ces dernires annes.

    4 II est de l'honneur de la mdecine franaise de ne pas rester en arrire des mdecins allemands dans l'tude des phnomnes que les partisans clairs et impartiaux du magntisme annoncent tre produits par ce nouvel agent.

    5 En considrant le magntisme comme un remde secret, il est du devoir de l'Acadmie de l'tudier, de l'exprimenter, afin d'en enlever l'usage et la pratique aux gens tout fait trangers l'art, qui abusent de ce moyen, et en font un objet de lucre et de spculation.

    D'aprs toutes ces considrations, votre commission est d'avis que la section doit adopter la proposition de M. Froissac, et charger une commission spciale de s'occuper de l'tude et de l'examen du magntisme animal.

    Sign Adelon, Pariset, Marc, Burdin an, Husson, rapporteur. Aprs de longs dbats, ces conclusions furent adoptes par l'Acadmie, et la

    commission, demande eu octobre 1825, fut enfin forme en mai 1826 de MM. Leroux, Bourdois de la Motte, Double, Magendie, Guersant, Husson, Thillaye, Marc, Itard, Fouquier et Guneau de Mussy.

    Presque immdiatement aprs leur nomination, MM. les commissaires commencrent leurs travaux et les poursuivirent jusqu'au milieu de l'anne 1831 ; enfin, ce fut dans les sances des 21 et 28 juin de la mme anne qu'ils communiqurent l'Acadmie, par

  • l'organe de M. Husson, les rsultats de leurs observations. Ce rapport de M. Husson fera dsormais et pour toujours poque dans les fastes du

    magntisme, et il nous serait difficile de donner nos lecteurs une ide plus nette et plus authentique de l'tat actuel de la science, qu'en leur transcrivant textuellement les conclusions qui le terminent.

    III. Conclusions du rapport de M. Husson en 1831 1 Le contact des pouces ou des mains, les frictions ou certains gestes que l'on fait peu

    de distance du corps, et appels passes, sont les moyens employs pour mettre en rapport, ou en d'autres termes, pour transmettre l'action du magntiseur au magntis;

    2 Les moyens qui sont extrieurs et visibles ne sont pas toujours ncessaires, puisque, dans plusieurs occasions, la volont, la fixit du regard ont suffi pour produire les phnomnes magntiques, mme l'insu des magntiss ;

    3 Le magntisme a agi sur des personnes de sexes et d'ges diffrents ; 4 Le temps ncessaire pour transmettre et faire prouver l'action magntique a vari

    depuis une heure jusqu' une minute; 5 Le magntisme n'agit pas en gnral sur les personnes bien portantes; 6 Il n'agit pas non plus sur tous les malades ; 7 II se dclare quelquefois, pendant qu'on magntise, des effets insignifiants et fugaces

    que nous n'attribuons pas au magntisme seul, tels qu'un peu d'oppression, de chaleur ou de froid, et quelques autres phnomnes nerveux dont on peut se rendre compte sans l'intervention d'un agent particulier, savoir, par l'esprance ou la crainte, la prvention et l'attente d'une chose inconnue et nouvelle, l'ennui qui rsulte de la monotonie des gestes, le silence et le repos observs dans les expriences, enfin, par l'imagination, qui exerce un si grand empire sur certains esprits et sur certaines organisations ;

    8 Un certain nombre des effets observs nous ont paru dpendre du magntisme seul, et ne se sont pas reproduits sans lui. Ce sont des phnomnes physiologiques et thrapeutiques bien constats ;

    9 Les effets rels produits par le magntisme sont trs varis; il agite les uns, calme les autres; le plus ordinairement il cause l'acclration momentane de la respiration et de la circulation, des mouvements convulsifs fibrillaires passagers, ressemblant des secousses lectriques, un engourdissement plus ou moins profond, de l'assoupissement, de la somnolence, et, dans un petit nombre de cas, ce que les magntiseurs appellent somnambulisme;

    10 L'existence d'un caractre unique, propre faire reconnatre, dans tous les cas, la ralit d'un tat de somnambulisme, n'a pas t constate ;

    Il Cependant on peut conclure avec certitude que cet tat existe, quand il donne lieu au dveloppement des facults nouvelles qui ont t dsignes sous les noms de clairvoyance, d'intuition, de prvision intrieure, ou qu'il produit de grands changements dans l'tat physiologique, comme linsensibilit, un accroissement subit et considrable de forces, et

  • quand cet effet ne peut tre rapport une autre cause ; 12 Comme parmi les effets attribus au somnambulisme, il en est qui peuvent tre

    simuls, le somnambulisme lui-mme peut quelquefois tre simul et fournir au charlatanisme des moyens de dception : aussi, dans l'observation de ces phnomnes qui ne se prsentent encore que comme des faits isols, qu'on ne peut rattacher aucune thorie, ce n'est que par l'examen le plus attentif, les prcautions les plus svres, et par des preuves nombreuses et varies qu'on peut chapper l'illusion;

    13 Le sommeil provoqu avec plus ou moins de promptitude, et tabli un degr plus ou moins profond, est un effet rel, mais non constant, du magntisme;

    14 II nous est dmontr qu'il a t provoqu dans des circonstances o les magntiss n'ont pu voir et ont ignor les moyens employs pour le dterminer;

    15 Lorsqu'on fait tomber une fois une personne dans le sommeil magntique, on n'a pas toujours besoin de recourir au contact et aux passes pour la magntiser de nouveau. Le regard du magntiseur, sa volont seule ont sur elle la mme influence. Dans ce cas, on peut non seulement agir sur le magntis, mais encore le mettre compltement en somnambulisme et l'en faire sortir son insu, hors de sa vue, une certaine distance et au travers des portes fermes ;

    16 II s'opre ordinairement des changements plus ou moins remarquables dans les perceptions et les facults des individus qui tombent en somnambulisme par l'effet du magntisme.

    A. Quelques-uns, au milieu du bruit des conversations confuses, n'entendent que la voix de leur magntiseur; plusieurs rpondent d'une manire prcise aux questions que celui-ci ou que les personnes avec lesquelles on les a mis en rapport leur adressent; d'autres entretiennent des conversations avec toutes les personnes qui les entourent : toutefois il est rare qu'ils entendent ce qui se passe autour d'eux. La plupart du temps, ils sont compltement trangers au bruit extrieur et inopin fait leur oreille, tel que le retentissement de vases de cuivre vivement frapps prs d'eux, la chute d'un meuble, etc.

    B. Les yeux sont ferms, les paupires cdent difficilement aux efforts qu'on fait avec la main pour les ouvrir. Cette opration, qui n'est pas sans douleur, laisse voir le globe de l'il convuls et port vers le haut, et quelquefois vers le bas de l'orbite.

    C. Quelquefois l'odorat est comme ananti. On peut leur faire respirer l'acide muriatique ou l'ammoniaque sans qu'ils en soient incommods, sans mme qu'ils s'en doutent. Le contraire a lieu dans certains cas, et ils sont sensibles aux odeurs.

    D. La plupart des somnambules que nous avons vus taient compltement insensibles. On a pu leur chatouiller les pieds, les narines et l'angle des yeux par l'approche d'une plume, leur pincer la peau de manire l'ecchymoser, la piquer sous l'ongle avec des pingles enfonces l'improviste une assez grande profondeur, sans qu'ils aient tmoign de la douleur, sans qu'ils s'en soient aperus. Enfin, on en a vu une qui a t insensible une des oprations les plus douloureuses de la chirurgie, et dont ni la figure, ni le pouls, ni la respiration n'ont dnot la plus lgre motion.

    17 Le magntisme a la mme intensit, il est aussi promptement ressenti une distance de six pieds que de six pouces, et les phnomnes qu'il dveloppe sont les mmes dans les deux cas ;

  • 18 L'action distance ne parat pouvoir s'exercer avec succs que sur des individus qui ont t dj soumis au magntisme;

    19 Nous n'avons pas vu qu'une personne magntise pour la premire fois tombt en somnambulisme; ce n'a t quelquefois qu' la huitime, dixime sance que le somnambulisme s'est dclar;

    20 Nous avons constamment vu le sommeil ordinaire, qui est le repos des organes des sens, des facults intellectuelles et des mouvements volontaires, prcder et terminer l'tat de somnambulisme;

    21 Pendant qu'ils sont en somnambulisme, les magntiss que nous avons observs conservent l'exercice des facults qu'ils ont pendant la veille. Leur mmoire mme parat plus fidle et plus tendue, puisqu'ils se souviennent de ce qui s'est pass pendant tout le temps toutes les fois qu'ils ont t en somnambulisme;

    22 A leur rveil, ils disent avoir oubli totalement toutes les circonstances de l'tat de somnambulisme, et ne s'en ressouvenir jamais. Nous ne pouvons avoir cet gard d'autres garanties que leurs dclarations;

    23 Les forces musculaires des somnambules sont quelquefois engourdies et paralyses'; d'autres fois les mouvements ne sont que, gns, et les somnambules marchent en chancelant la manire des hommes ivres, et sans viter, quelquefois aussi en vitant les obstacles qu'ils rencontrent sur leur passage. Il y a des somnambules qui conservent intact l'exercice de leurs mouvements ; on en voit mme qui sont plus forts et plus agiles que dans l'tat de veille;

    24 Nous avons vu deux somnambules distinguer, les yeux ferms, les objets que l'on a placs devant eux; ils ont dsign, sans les toucher, la couleur et la valeur des cartes ; ils ont lu des mots tracs la main, ou quelques lignes de livres que l'on a ouverts au hasard. Ce phnomne a eu lieu alors mme qu'avec les doigts on fermait exactement l'ouverture des paupires ;

    25 Nous avons rencontr chez deux somnambules la facult de prvoir des actes de l'organisme plus ou moins loigns, plus ou moins compliqus. L'un d'eux a annonc plusieurs jours, plusieurs mois d'avance, le jour, l'heure et la minute de l'invasion et du retour d'accs pileptiques ; l'autre a indiqu l'poque de sa gurison. Leurs prvisions se sont ralises avec une exactitude remarquable. Elles ne nous ont paru s'appliquer qu' des actes ou des lsions de leur organisme ;

    26 Nous n'avons rencontr qu'une seule somnambule qui ait indiqu les symptmes de la maladie de trois personnes avec lesquelles on l'avait mise en rapport. Nous avons cependant fait des recherches sur un assez grand nombre ;

    27 Pour tablir avec quelque justesse les rapports du magntisme avec la thrapeutique, il faudrait en avoir observ les effets sur un plus grand nombre d'individus, et avoir fait longtemps et tous les jours des expriences sur les mmes malades. Cela n'ayant pas eu lieu, la commission a d se borner dire ce qu'elle a vu dans un trop petit nombre de cas, sans oser rien prononcer ;

    28 Quelques-uns des malades magntiss n'ont ressenti aucun bien ; d'autres ont prouv un soulagement plus ou moins marqu, savoir : l'un, la suppression de douleurs habituelles; l'autre, le retour des forces; un troisime, un retard de plusieurs mois dans

  • l'apparition des accs pileptiques; et un quatrime, la gurison complte d'une paralysie grave et ancienne ;

    29 Considr comme agent de phnomnes physiologiques ou comme moyen thrapeutique, le magntisme devrait trouver sa place dans le cadre des connaissances mdicales ; et par consquent les mdecins seuls devraient en faire ou en surveiller l'emploi, ainsi que cela se pratique dans les pays du Nord ;

    30 La commission n'a pu vrifier, parce qu'elle n'en a pas eu l'occasion, d'autres facults que les magntiseurs avaient annonc exister chez les somnambules; mais elle a recueilli et communiqu des faits assez importants pour qu'elle pense que lAcadmie devrait encourager les recherches sur le magntisme, comme une branche trs curieuse de psychologie et d'histoire naturelle.

    Arrive au terme de ses travaux, avant de clore ce rapport, la commission s'est demand si, dans les prcautions qu'elle a multiplies autour d'elle pour viter toute surprise ; si, dans le sentiment de constante dfiance avec lequel elle a toujours procd ; si, dans l'examen des phnomnes qu'elle a observs, elle a rempli scrupuleusement son mandat. Quelle autre marche, nous sommes-nous dit, aurions-nous pu suivre ? Quels moyens plus certains aurions-nous pu prendre ? De quelle dfiance plus marque et plus discrte aurions-nous pu nous pntrer ? Notre conscience, messieurs, nous a rpondu hautement que vous ne pouviez rien attendre de nous que nous n'ayons fait. Ensuite, avons-nous t des observateurs probes, exacts, fidles ? C'est vous qui nous connaissez depuis longues annes; c'est vous qui nous voyez constamment soit dans le monde, soit dans nos frquentes assembles, de rpondre cette question. Votre rponse, messieurs, nous l'attendons de la vieille amiti de quelques-uns d'entre vous, et de l'estime de tous.

    Certes, nous n'osons nous flatter de vous faire partager entirement notre conviction sur la ralit des phnomnes que nous avons observs, et que vous n'avez ni vus, ni suivis, ni tudis avec et comme nous.

    Nous ne rclamons donc pas de vous une croyance aveugle tout ce que nous vous avons rapport. Nous concevons qu'une grande partie de ces faits sont si extraordinaires, que vous ne pouvez pas nous l'accorder : peut-tre nous-mmes oserions-nous vous refuser la ntre, si, changeant de rle, vous veniez les annoncer cette tribune nous, qui, comme vous, n'aurions rien vu, rien observ, rien tudi, rien suivi.

    Nous demandons seulement que vous nous jugiez comme nous vous jugerions, c'est--dire que vous demeuriez bien convaincus que ni l'amour du merveilleux, ni le dsir de la clbrit, ni un intrt quelconque ne nous ont guids dans nos travaux. Nous tions anims par des motifs plus levs, plus dignes de vous, par l'amour de la science et par le besoin de justifier les esprances que l'Acadmie avait conues de notre zle et de notre dvouement. Ont sign : Bourdois de la Motte, prsident, Fouquier, Guneau De Mussy, Guersant, Itard, J. J. Leroux, Marc, Thillaye, Husson, rapporteur ( MM. Double et Magendie, n'ayant point assist aux expriences, n'ont pas cru devoir signer le rapport.)

    Le rapport de M. Husson produisit une vive impression l'Acadmie. Cependant s'il veilla quelques doutes, il fit peu de convictions. On ne pouvait pas rvoquer la vracit de MM. les commissaires, dont la bonne foi comme le haut savoir taient choses irrvocables, mais on les souponna d'avoir t dupes. C'est qu'en effet certaines vrits malheureuses compromettent ceux qui les croient, et surtout ceux qui ont la candeur de les avouer

  • publiquement : le magntisme est au nombre de ces vrits. Mais que les magntiseurs se consolent et prennent courage, la postrit a fait justice Galile; leur tour la postrit la leur rendra. Le pass leur rpond de l'avenir, car s'ils ouvrent l'histoire, ils y verront que de tous temps les acadmies furent, comme elles sont aujourd'hui, des sortes de citadelles armes contre toute innovation. La vrit n'y pntre que par ruse le plus souvent, mais quelquefois aussi elle y entre par force, quand, aprs avoir envahi successivement toutes les intelligences, elle vient battre de son flot tumultueux et faire crouler la fin la muraille du sanctuaire.

    Ici se terminent nos aperus historiques sur le magntisme animal ; car les discussions acadmiques des annes suivantes, le prix propos en 1837, et le rapport Grardin en 1838 (Bulletin de l'Acadmie de mdecine. Paris, 1838, t. II, p. 962.), ne nous semblent pas marquer de nouvelles phases dans cette histoire,

    CHAPITRE II. Des causes qui ont retard la propagation du magntisme. Il y en a deux principales : l'inconstance des phnomnes magntiques ds qu'il s'agit de

    les produire devant tmoins ; le dfaut de persvrance chez les hommes de bonne foi qui veulent se convaincre par des expriences personnelles. Ajoutons que les phnomnes magntiques reposent sur des principes inconnus et partant rejets comme absurdes; enfin, qu'ils sont tellement en dehors de toute ide reue, tellement extraordinaires en leur nature, qu'on passe pour un fou quand on y croit aprs les avoir vus, et pour un imposteur lorsqu'on parvient les faire voir aux autres. Quant moi, je suis persuad qu'en racontant ce qui m'est arriv ce sujet, je vais faire le rcit de ce qui est arriv tous les magntiseurs, et de ce qui arrive journellement ceux qui ne croient pas encore au magntisme.

    Ds 1830, j'avais lu lInstruction pratique de Deleuze, plusieurs articles insrs dans les publications priodiques, et la relation des expriences faites l'Htel-Dieu de Paris, par M. J. Dupotet. Tout cela m'avait amus beaucoup, mais ne m'avait pas convaincu, et tous les magntiseurs ne me paraissant que des niais ou des fripons (j'tais explicite dans mes jugements), je me permis cent fois sur leur compte maintes plaisanteries que j'ai de la peine me pardonner aujourd'hui. Cependant j'essayai de magntiser moi-mme; mais soit absence de foi, soit absence de sympathie entre les sujets de mes expriences et moi, je ne parvins qu' des rsultats ngatifs. Plus tard (en 1834), le hasard fit tomber entre mes mains quelques ouvrages srieux que je me sentis forc de lire avec attention. L'impression que me firent ces ouvrages me dtermina reprendre mes expriences et les poursuivre aussi loin que possible. Je me mis donc l'uvre ; mais je ne fis pas beaucoup prs ce que je m'tais propos de faire ; c'est--dire que je magntisai une fois deux personnes, dont l'une eut des pandiculations aprs une demi-heure de passes, et dont l'autre, plus ou moins bien endormie aprs trois quarts d'heure d'efforts, rpondit (fort niaisement, il est vrai), aux questions que je lui adressai. Il est certain pour moi maintenant que si j'avais eu alors la patience de recommencer le lendemain, j'aurais dtermin, au moins sur un de mes sujets, les phnomnes du somnambulisme complet; mais, soit lgret, soit prsomption,

  • j'en restai l; et, bien convaincu d'avoir atteint en fait de magntisme jusqu'aux colonnes d'Hercule, je crus devoir, l'anne suivante, faire entrer cette proposition dans ma thse inaugurale :

    Il y a quelque chose de vrai dans le magntisme animal, mais il s'en faut que tout soit vrai dans ce qu'on en a dit. Depuis Mesmer, qui n'tait qu'un charlatan, jusqu' nos modernes, parmi lesquels on pourrait compter plus d'un Mesmer, le magntisme trouva tour tour des fauteurs fanatiques et des dtracteurs exagrs. Mais en fait de science, il est aussi hasardeux de croire sur parole que de se faire sceptique par passion. Avant de rien admettre ou de rien nier, lorsqu'il s'agit de questions litigieuses, il faut exprimenter, il faut voir. Or, c'est probablement l ce que n'ont pas fait ou ce qu'ont mal fait, ce qui pis est (j'tais persuad d'avoir fait trs bien), ceux qui ont tout admis et ceux qui ont tout ni. De l le merveilleux ridicule ou la futilit de la plupart des articles magntisme de nos recueils encyclopdiques.

    Dans la premire partie de cette dernire phrase j'avais videmment en vue l'article de M. Rostan, dont tant de mdecins s'taient moqus Quant la futilit, je connais plus d'un rdacteur de dictionnaire ou de revue qui aurait pu se croire l'objet de ma critique. Mais que rparation soit faite M. le professeur Rostan, qui non seulement eut le mrite de constater la vrit, mais qui eut le courage de la dire, lorsqu'elle tait encore plus qu'elle n'est aujourd'hui en butte au ridicule.

    Pour ce qui est de l'article magntisme de M. Bouillaud.... (Dictionnaire de mdecine et de chirurgie pratiques, t. IX, p. 289 et suiv.), la nature de cet ouvrage m'interdit la polmique.

    Voil donc o j'en tais en 1836, aprs avoir expriment moi-mme. Or, je dclare que, pour me conduire au point o j'en suis aujourd'hui, il m'a fallu un concours de circonstances qui ne doivent se reproduire que rarement, un hasard presque prodigieux, et une persvrance que je n'aurais peut-tre pas trouve en moi seul, si je n'avais eu pour m'encourager des hommes clairs et nergiques qui me montrrent la route et m'entranrent aprs eux.

    Eh bien, je le rpte, les obstacles que j'ai rencontrs ont toujours d et doivent encore aujourd'hui exister pour tout le monde. Cependant il est un fait positif: c'est qu'en matire de magntisme chacun ne croit que ce qu'il a vu et bien vu, et comme, d'aprs ce qui prcde, il est souvent fort difficile de voir, on ne doit nullement s'tonner de l'incrdulit presque gnrale avec laquelle on accueille encore en France les relations des magntiseurs, quels que soient d'ailleurs leurs antcdents scientifiques et moraux.

    Au surplus, comme il est ais d'viter un cueil bien signal, et comme, aprs tout, la chose, sous plus d'un rapport, mrite qu'on l'examine de prs, tout nous porte croire et nous fait esprer que les plus incrdules eux-mmes ne tarderont pas se mettre l'uvre, et que du concours de tant d'efforts rsultera en peu de temps une foi gnrale, universelle, dans un ordre de faits destins, selon nous, devenir dans tous les pays autant de vrits populaires.

    CHAPITRE III.

  • Conditions ncessaires la production des phnomnes magntiques. Quelle que soit l'ide qu'on se fasse du magntisme, quelle que soit la thorie laquelle

    on rattache les phnomnes qu'il dtermine, il me semble qu'une dduction rationnelle de cette thorie est que tous les hommes peuvent tre tour tour, et suivant les conditions physiques ou morales dans lesquelles on les place, magntiseurs et magntiss. En effet, en invoquant l'analogie des faits d'anthropologie qui nous sont connus, il n'est gure supposable qu'une facult dont est doue une organisation quelconque ne se retrouve pas, au moins l'tat rudimentaire, dans une organisation analogue : seulement, il est permis de penser que, sur un assez grand nombre d'individus, l'influence magntique, tout en s'exerant suivant sa nature et son mode ordinaire, non seulement ne se manifeste pas d'une manire apprciable pour l'observateur, mais encore chappe la perception de celui mme qui en est l'objet. Je vais plus loin, je crois (abstraction faite de l'intervention de toute espce de fluide) que cette influence s'exerce constamment, bien que d'une manire latente, de telle faon que tous les hommes, et que peut-tre tous les tres de la nature, sont rciproquement et incessamment magntiss. Cela est obscur, je le sais, et bien loign encore d'tre susceptible de dmonstration rigoureuse ; mais, tout prendre, si cette loi, que l'on peut peine encore pressentir, devenait un jour un axiome de physiologie, devrait-elle nous tonner plus que les phnomnes de la pesanteur, de la gravitation, etc. ? Non sans doute ; et je ne serais nullement tonn en apprenant que ce pouvoir magique que certains hommes exercent sur leurs semblables n'est qu'un pouvoir magntique (Voir le Magntisme animal expliqu, 2e leon, p. 25:).

    Aristide, au dire de Platon, avanait dans l'tude de la sagesse par cela seul qu'il habitait la mme maison que Socrate. Mais les rflexions que nous pourrions ajouter sur ce sujet rvolteraient nos lecteurs par leur tranget, et ne seraient bien comprises que des magntiseurs. Laissons faire au temps, et ces rveries que Voltaire et assurment assimiles aux dissertations quintessencies de l'htel Rambouillet, deviendront peut-tre un jour la base d'un grand systme d'anthropologie. Au surplus, ce n'est point ici le lieu de dvelopper longuement des esprances que trop de gens encore trouveraient extravagantes ; d'ailleurs c'est un livre pratique que nous avons pris l'engagement d'crire.

    Quels sont les sujets qui, par leur sexe, leur ge, leur temprament, etc., sont les plus sensibles l'action magntique ? Voil des questions rsoudre, et certes on peut affirmer que les faits dont la science est aujourd'hui en possession sont assez nombreux pour constituer les lments d'une statistique concluante. Notre propre exprience, jointe celle d'hommes laborieux et intgres, va donc nous fournir l-dessus les principes gnraux qu'il importe d'tablir.

    I. Du sexe. Les femmes, gnralement parlant, sont incomparablement plus magntisables que les

    hommes. Cela se conoit aisment si l'on admet avec nous que l'impressionnabilit magntique n'est, pour ainsi dire, qu'une facult ngative, laquelle tend rendre l'me et toute l'organisation passives d'une puissance extrieure. Tout chez les femmes semble les entraner naturellement cette sorte de dpendance qui, dans leur tat normal, constitue

  • chez la plupart d'entre elles un des traits saillants de leur organisme et de leurs murs. Presque toutes ressentent mme le besoin d'prouver cette dpendance lorsqu'elle n'est point porte jusqu' une servilit pnible. La domination (sauf pour quelques exceptions qui ressemblent des anomalies) serait au-dessus de leurs forces, et de leur propre aveu, en dehors de leurs instincts. Ajoutons que, si certaines propensions de l'me sont de nature favoriser la rception de l'action magntique, les femmes bien plus que nous sont doues de ces propensions. Ainsi elles ont plus de sensibilit, plus de tendance au merveilleux, plus de vnration, moins d'nergie, moins d'orgueil, et en consquence de toutes ces choses une foi plus vive, ce qui constitue, comme nous aurons l'occasion de le dire plus loin, une des conditions favorables la production des phnomnes magntiques. Les hommes en gnral ne croient que difficilement, et lorsqu'ils en sont arrivs croire, je ne dis pas seulement les choses les plus raisonnables, mais les plus incontestables, ils ont souvent encore l'impardonnable faiblesse de rougir de leurs croyances. Voil pourquoi les hommes discutent la religion pendant que les femmes la pratiquent. Mais on pourrait rsumer en trois mots toutes ces considrations : les femmes sont plus faibles, plus dlicates, plus impressionnables que les hommes. Telle est la vritable cause, la cause vidente, palpable, de leur impressionnabilit magntique, et les ennemis de la vrit que nous avons pris mission de propager manqueraient de loyaut, s'ils affectaient d'attribuer uniquement la faiblesse d'esprit des femmes les prodigieux phnomnes que l'on parvient journellement dvelopper sur un grand nombre d'entre elles. Beaucoup d'hommes, au surplus, peuvent tre magntiss jusqu'au somnambulisme et l'ont t en effet; mais la plupart de ceux-l, il le faut dire, se rapprochaient singulirement des femmes par la dbilit et la dlicatesse de leur organisation, ou bien encore ils se trouvaient accidentellement placs dans des conditions physiologiques qui leur avaient fait perdre pour un temps plus ou moins limit les prrogatives de leur sexe.

    II. De l'ge. J'ai magntis un grand nombre d'enfants depuis l'ge de six mois cinq ans, et je dois

    avouer quexcepter sur quelques sujets chtifs, souffreteux ou convalescents, je n'ai jamais russi, ce que je m'explique aisment. Indpendamment de ce que les enfants sont distraits, inattentifs, impatients, le systme nerveux, enseveli chez eux dans la graisse abondante qui arrondit leurs formes, n'a certainement pas encore acquis toute la susceptibilit qu'il doit avoir. Il est bien clair qu'il n'est ici question que des enfants en bonne sant ; car la maladie peut modifier l'infini, comme personne n'en doute, les conditions organiques dont je parle. Cependant il me parat, d'aprs mes propres expriences et le petit nombre d'observations que l'on trouve dans les livres, qu'il est assez souvent difficile de magntiser compltement un enfant trs jeune, lors mme qu'il est malade; tmoin le fait suivant relat dans le rapport de M. Husson : Un enfant de vingt-huit mois, atteint d'attaques d'pilepsie, fut magntis chez M. Bourdois, par M. Foissac, le 6 octobre 1827. Presque immdiatement aprs le commencement des passes, l'enfant se frotta les yeux, flchit la tte de ct, l'appuya sur un des coussins du canap o on l'avait assis, billa, s'agita, se gratta la tte et les oreilles, parut combattre le sommeil qui semblait vouloir l'envahir, et bientt se releva, permettez-nous l'expression, en grognant. Le besoin d'uriner le prit, et aprs qu'il l'eut satisfait, il fut encore magntis quelques instants : mais comme cette fois

  • la somnolence n'tait pas aussi prononce, on cessa l'exprience. Nous lisons dans une note que ce petit garon fut mis plus tard en somnambulisme par M. Foissac; mais il n'en reste pas moins constant que les enfants ne cdent pas l'action magntique en raison directe de leur faiblesse.

    Les vieillards aussi peuvent tre magntiss ; mais les expriences faites sur eux sont peu nombreuses, et pour mon compte, je ne puis en citer qu'une seule qui me soit personnelle. L'individu sur lequel j'oprai tait g de soixante-douze ans, il tait de haute taille, d'un temprament nerveux bien caractris, d'un caractre doux, mais mobile et impressionnable. Enfin Pierre Courtois (c'tait son nom) tait atteint de la gravelle, et de plus d'une incontinence d'urine dont il tait difficile de bien prciser la cause. Le rsultat le plus remarquable des premires sances fut la manifestation subite et parfaitement insolite d'une sorte de toux convulsive qui donna lieu le deuxime jour une lgre expectoration sanguinolente. Enfin le cinquime jour (chaque sance ayant t d'une demi-heure), Courtois s'endormit et me parla pendant son sommeil. Mais ses paroles taient confuses, embarrasses, presque dpourvues de sens, et souvent n'offraient aucun rapport mes questions. Les jours suivants je ne fus pas plus heureux, et je renonai enfin, aprs huit ou neuf jours de tentatives inutiles, poursuivre une exprience qui me sembla ne devoir tre d'aucun profit ni pour mon malade ni pour moi.

    L'adolescence me parat donc tre l'poque de la vie o le magntisme russit le mieux ; mais c'est surtout aux approches et dans les premiers temps de la pubert que les jeunes filles offrent le plus de prise son action. Cependant je dois ici mes lecteurs un conseil utile que m'a suggr l'exprience. Il n'est pas sans danger de magntiser une fille de quatorze ou quinze ans, qui voit ses rgles pour la premire fois. Divers accidents crbraux ou nerveux dont j'ai t tmoin en circonstances pareilles motivent ma rflexion, et m'ont averti mes dpens qu'il pouvait tre des cas, trs rares la vrit, dans lesquels il est bon d'tre circonspect dans la pratique du magntisme. Je dclare, au reste, que les accidents dont je parle n'ont eu absolument aucune suite fcheuse.

    Quelques observations rcentes tendraient faire croire que les femmes sur le point d'atteindre l'ge critique se retrouvent prcisment dans les mmes dispositions que les jeunes filles depuis peu menstrues, et il n'est rien cela d'tonnant, puisque l'apparition comme la cessation des rgles constituent vritablement deux tats morbides qui, sans compter plusieurs autres points d'analogie, se rapprochent videmment par la singulire influence qu'ils exercent sur le systme nerveux en gnral et sur le cerveau en particulier.

    III. Du temprament. Jusqu' prsent en magntisme on est embarrass ds qu'il s'agit de rsoudre une

    question gnrale et d'en riger la solution en principe. A coup srs les personnes de temprament nerveux sont gnralement celles qui paraissent le plus sensibles l'action des passes; mais le somnambulisme n'est pas toujours la consquence de cette sensibilit. Peut-tre mme, et je ne serais pas loin de laffirmer, faudrait-il voir un obstacle au somnambulisme dans une excessive impressionnabilit. Tous les efforts du magntiseur n'aboutissent souvent alors qu' dterminer un tat trs singulier, difficile dcrire, parce que les signes en sont trs variables, et dont le caractre habituel consiste uniquement dans

  • une grande exaltation morale et physique. J'ai vu des personnes dans cet tat sentir et comprendre aussi bien que des somnambules lucides, toutes les nuances de ma volont. Quelques unes mme semblaient doues d'une sorte de seconde vue, qui les faisait parler avec assurance sur les causes et la nature des maladies dont elles taient atteintes, et prdire sans se tromper l'issue de ces maladies. Mais n'tait-ce pas l, dira-t-on, de vritables somnambules ? Peut-tre. Toujours est-il nanmoins qu'ils ne prsentaient aucun des traits pathognomoniques du sommeil magntique, tel que l'insensibilit, l'oubli au rveil, etc. En rsum, j'ai observ le somnambulisme parfait ou complet, comme on voudra l'appeler : 1 chez des personnes trs nerveuses; 2 chez d'autres qui ne l'taient que mdiocrement; 3 enfin, chez d'autres qui prtendaient ne l'tre pas du tout et prsentaient en effet tous les signes d'une constitution lymphatique, je dirai mme scrofuleuse. J'ajouterai d'ailleurs (et la remarque est importante) que certains traits de ressemblance rapprochent entre eux les phnomnes qu'on dtermine chez les sujets de temprament analogue, de telle sorte qu'avec des faits plus nombreux on finira peut-tre par tablir le rapport qui existe entre tel temprament et tel ensemble de phnomnes.

    IV. De l'tat physiologique. C'est surtout chez les sujets amaigris et dbilits par une affection chronique qu'il est

    facile de dterminer les phnomnes magntiques ; mais on se tromperait trangement si l'on pensait que les malades seuls ou les convalescents fussent susceptibles de prsenter ces phnomnes. De nombreuses observations prouvent mme qu'une parfaite sant n'est pas un obstacle insurmontable la production du somnambulisme artificiel (D'aprs les observations recueillies par M. Mialle, les personnes affectes l'pilepsie, lhystrie et de maux d'yeux, sont les plus faciles mettre en somnambulisme.).

    Mais un fait qui n'est pas moins certain, c'est qu'une longue maladie, ou mme une maladie aigu, de nature nerveuse ou dbilitante, peut rendre magntisable un sujet qui, auparavant, et sembl ne pas l'tre. J'avais inutilement tent plusieurs reprises de magntiser mademoiselle Julie S***, jeune personne de vingt-deux ans, d'un temprament lymphatico-sanguin et d'une excellente sant, lorsque, dans le courant du mois de mars 1839, cette demoiselle; fut atteinte d'une fivre muqueuse qui, aprs avoir revtu pendant quelques jours des caractres typhodes trs prononcs, s'amenda assez rapidement sous l'influence de purgatifs nergiques administrs coup sur coup. Huit ou dix jours aprs le dbut de sa maladie, mademoiselle Julie pouvait passer pour convalescente, mais elle tait loin encore d'avoir recouvr ses forces. Ce fut alors qu' sa demande (car mes grimaces, disait-elle, l'amusaient beaucoup) je la magntisai en prsence de sa mre et de deux de ses amies. Mais, cette fois, cette demoiselle cessa ses plaisanteries; car aprs dix ou douze minutes de passes tout au plus, elle billa, soupira, se trmoussa sur sa chaise, et s'endormit, la grande admiration des tmoins qui se trouvaient tre des esprits forts ; puis enfin elle tomba dans un somnambulisme complet pendant lequel elle parla fort srieusement du magntisme.

    Ce fait n'a rien que de trs ordinaire, et bien certainement il ne serait pas difficile de rassembler un grand nombre d'observations semblables. L'explication qu'on en donnerait serait d'ailleurs infiniment simple ; ni la fivre, ni les purgatifs, en effet, n'avaient fait

  • acqurir mademoiselle Julie une facult nouvelle; mais la douloureuse excitation de son systme nerveux pendant huit jours de souffrances avait augment son impressionnabilit : voil pour le physique; tandis que le mal, en usant son nergie, l'avait prive de sa force de rsistance : voil pour le moral. Tout cela tombe sous les sens, et n'a pas besoin d'tre comment. Nous dirons donc en nous rsumant : qu'il n'est point indispensable d'tre malade pour tre endormi par le magntisme ; mais que les maladies, surtout les maladies nerveuses, telles que l'hystrie, lpilepsie, etc., favorisent l'action magntique.

    V. Conditions morales. On ne saurait douter que les dispositions morales des personnes qui se soumettent au

    magntisme n'aient une grande part sur le rsultat des expriences. Je sais bien qu'il est souvent trs difficile, impossible mme l'exprimentateur, d'apprcier ces dispositions; mais enfin son devoir, s'il veut russir, est de chercher les pntrer et mme les modifier si elles lui sont contraires, par le raisonnement et l'insinuation. Si l'on rencontre parfois de ces esprits ombrageux auxquels personne au monde ne parviendrait inspirer de la confiance, beaucoup d'autres se rendent volontiers la parole d'un homme d'honneur. Il convient donc en pareil cas, surtout s'il s'agit d'une personne trangre l'tude du magntisme, de s'expliquer clairement, srieusement et surtout avec bienveillance sur ce qu'on se propose de faire.

    Quelquefois il existe entre le magntiseur et la personne qui se livre son influence certaine antipathie morale que rien ne pourrait dissiper. Cette circonstance est fcheuse ; je la crois mme un obstacle insurmontable, lorsque le sentiment d'aversion dont nous parlons est principalement ressenti par celui ou celle qu'on prtend magntiser. Nanmoins cette sorte de rpulsion morale peut, jusqu' un certain point, tre compense par une grande disproportion des forces physiques et de volont entre les deux sujets. Le hasard m'a rendu tmoin de pareilles circonstances : j'ai vu, par exemple, une jeune dame se prter par politesse aux passes d'un mdecin pour lequel elle ressentait involontairement un loignement extrme; le sommeil eut lieu, mais il fut agit, pnible, et la lucidit, ordinairement trs remarquable de la jeune somnambule, manqua totalement ce jour-l, au grand dpit des assistants.

    VI. Conditions phrnologiques. Les volumes relatifs des masses crbrales et des centres nerveux en gnral jouent

    galement ici un rle important ; mais nous n'osons pas encore nous hasarder sur le terrain mouvant de la phrnologie (Voir Cours de phrnologie, profess la Facult de mdecine de Paris, par F. J. Broussais. Paris, 1836, in-8.), et appuyer une science qui nat sur les donnes trop incertaines d'une science ne d'hier.

    VII. Des lieux, des tmoins, etc.

  • Comment pourrait-on imaginer une exprience srieuse faite dans l'agitation tumultueuse d'un salon, par exemple, au milieu de tmoins ou bruyants, ou distraits, ou malveillants, ou mme seulement incrdules ? Qu'on explique comme on voudra la transmission rciproque, sinon des ides, du moins des dispositions morales, mais il est certain que cette transmission s'effectue. Dans toutes les runions, quel que soit leur but, il arrive toujours un instant, si elles se prolongent, o une sorte d'quilibre indfinissable s'tablit entre toutes les penses de ceux qui les composent ; de telle sorte qu'une nuance uniforme de joie ou de plaisir, de gaiet ou de tristesse s'tend sur toutes les physionomies, et rgne dans l'appartement comme une atmosphre commune. Eh bien ! qu'une exprience de magntisme ait lieu dans une pareille assemble, les influences rciproques des deux organismes qui vont se mettre en rapport ne seront-elles pas croises en tous sens par les influences extrieures ? Tout cela est obscur; mais, encore une fois, cela peut tre ainsi, et tout au moins ne pouvons-nous pas nier que cela soit, puisque rien ne nous prouve le contraire. Encore une fois, quelle que soit l'explication qu'on en donne, les expriences magntiques ne russissent presque jamais devant de nombreux tmoins.

    Il faut donc oprer dans le calme, autant que possible dans la solitude et dans les lieux qui n'inspirent l'me ni motion ni contrainte, et o rien ne soit dnature captiver trop vivement l'attention. Quant aux tmoins, qu'on en restreigne le nombre autant que les circonstances ou la biensance le permettront; qu'on tche surtout de les avoir bienveillants; mais encore, qu'est-il besoin de tmoins, si l'on ne fait du magntisme qu'un acte de charit et de philanthropie !

    CHAPITRE IV Classification et description des phnomnes magntiques. Ce chapitre tant un des plus importants de ce manuel, nous allons mettre toute notre

    attention l'crire. Tout en nous aidant des ouvrages de nos devanciers pour en complter les dtails, nous ne donnerons pour certain que ce que nous avons nous-mmes observ, et nous prenons l'engagement d'tre fidle et scrupuleux dans le rcit de nos observations. C'est surtout lorsqu'on traite d'un sujet nouveau et de faits extraordinaires qu'il importe l'crivain d'tre rigoureux, de ne rien imaginer, et de prsenter la vrit toute nue, sous sa vritable forme, sous son vritable aspect, et sans jamais l'altrer par un seul mot faux ou inexact. Quant moi, quel que soit le merveilleux des faits que je raconterai, je n'aurai jamais honte de les affirmer lorsque je serai bien convaincu de leur existence.

    Au surplus, je renonce d'avance toute espce d'interprtation dogmatique, parce qu'une thorie du magntisme exige des dveloppements qui seraient dplacs dans un manuel. Il faut d'ailleurs admettre que les faits magntiques, au lieu d'tre contradictoires aux principes reus en physiologie, sont tout simplement des faits d'un nouveau genre. Pour en donner un exemple, la vision travers les paupires closes ou mme par l'occiput n'infirme pas ncessairement la thorie de l'optique; mais seulement on peut supposer que, en outre de la vision au moyen de l'il, il existe un autre genre de vision dont nous ne comprenons pas encore le mcanisme (Voir notre Magntisme animal expliqu, 7 leon, p. 251). Socrate disait ses disciples : Tout ce qu'on m'a enseign, toutes les sciences humaines

  • que j'ai tudies et approfondies, toutes les recherches enfin que j'ai faites sur le principe et l'essence des choses, ne m'ont servi qu' m'apprendre que je ne savais rien.

    Les phnomnes magntiques prsentent dans leur dveloppement quatre phases diffrentes, savoir : 1 les signes prcurseurs du sommeil; 2 le sommeil; 3 le somnambulisme; 4 enfin le rveil. Nous allons donc, pour procder mthodiquement, consacrer chacune de ces phases une des principales divisions de ce chapitre.

    Ier. Signes prcurseurs du sommeil. Ils sont, gnralement parlant, trs complexes et trs difficiles dcrire. Variables

    l'infini suivant les sujets, ils dpendent non seulement de la constitution de ceux-ci, mais encore de la disposition ventuelle dans laquelle ils se trouvent, des circonstances o ils sont placs, des tmoins qui les observent ; enfin, ils dpendent de la constitution, de la puissance magntique, du procd employ et de la disposition mentale du magntiseur. Une jeune somnambule de ma connaissance, magntise successivement par quatre personnes, s'est quatre fois endormie d'une manire diffrente. Cependant voici ce qui a lieu le plus communment.

    a. La tte s'appesantit ; mais ceci mrite explication. Il ne s'agit pas seulement ici de cet alourdissement de la pense qui caractrise une lgre congestion crbrale, telle que celle que pourrait dterminer l'application d'un corps chaud sur le front ; il s'agit d'une sensation particulire, qu'il n'est pas ais de comprendre lorsqu'on ne l'a pas soi-mme prouve. Il semble que la main du magntiseur s'appuie mdiatement sur le sommet et les rgions latrales de la tte, en pressant un corps lastique sur ces rgions, qui deviennent en mme temps le sige d'une vive sensation de chaleur ou de fracheur (ce qui est plus rare), alors pourtant que la main qui s'en approche n'est ni froide ni chaude.

    b. Une sensation analogue celle que nous venons de dcrire se manifeste l'pigastre lorsque le magntiseur y touche, et dessine le trajet des nerfs lorsqu'on fait des passes sur les membres. Quelquefois, chez les sujets trs nerveux, c'est un fourmillement bien marqu qui se fait sentir jusqu'au bout des doigts ou des orteils, et branle le membre tout entier d'un lger trmoussement convulsif.

    c. Les paupires prouvent un clignotement tout particulier, qui devient de plus en plus marqu mesure que l'opration s'avance; avant qu'elles se ferment dfinitivement, leur muscle orbiculaire se contracte fortement plusieurs reprises, comme cela arrive lorsque la vue est fatigue d'une contemplation prolonge ou de l'aspect d'un corps lumineux. Les larmes semblent aussi les humecter plus abondamment que dans l'tat ordinaire (Le magntisme parat activer toutes les scrtions.).

    d. Le globe oculaire, aux approches du sommeil, excute plusieurs mouvements de rotation, aprs lesquels il se convulse dfinitivement vers la vote de l'orbite, et beaucoup plus rarement vers sa paroi infrieure. Ce signe n'est pas constant, et il arrive parfois, on peut dire mme assez frquemment, que l'il reste fixe ; mais alors la pupille se dilate, ce qui donne au regard quelque chose de vague et d'hbt. Enfin, il y a quelquefois strabisme.

    e. La contraction spasmodique des muscles de la face chez quelques sujets imprime la

  • physionomie un cachet indfinissable ; tandis que le tremblement convulsif des massters, qui survient d'intervalle en intervalle chez d'autres sujets, fait claquer les arcades dentaires l'une contre l'autre avec une incroyable rapidit.

    f. Assez frquemment (et nous verrons que cette circonstance se reprsente au rveil), les fonctions de l'estomac prouvent un trouble passager, mais bien manifeste.

    g. Le pouls est tantt ralenti, tantt acclr, sans qu'il soit possible de prciser les circonstances qui donnent lieu l'un ou l'autre de ces deux symptmes opposs ; mais, peu prs constamment, il y a augmentation de chaleur la peau.

    h. La respiration, d'abord videmment ralentie, devient ensuite suspirieuse et haletante. La poitrine est comme comprime par une force physique, et j'ai vu quelquefois un point douloureux se manifester subitement la rgion sous-sternale, et persister jusqu'au sommeil. Viennent ensuite les billements frquents, prolongs et irrsistibles, un malaise gnral, une toux nerveuse, et parfois du hoquet ; mais c'est principalement au rveil que j'ai eu l'occasion de constater ces trois derniers caractres, qui sont d'ailleurs loin d'tre frquents.

    i. Ce qui est moins rare, c'est une sorte d'hilarit sans motif, hilarit bizarre, souvent fort plaisante, et qui ne cesse qu'au moment du sommeil.

    k. Enfin, le corps entier peut tre pris de convulsions violentes, de ces convulsions qui constituaient les crises de Mesmer, mais qui ne sont gure de nos jours que le rsultat de circonstances accidentelles, apparentes ou non pour l'observateur. II n'est rien de plus commun, au contraire, qu'une espce de soubresauts qu'on prendrait pour les effets inopins de dcharges lectriques. La plus lgre agitation prexistante l'opration ne manque presque jamais d'y donner lieu.

    Il peut arriver que tous ces prodromes existent simultanment sur le mme sujet et dans la mme sance; mais ce n'est pas l'ordinaire qu'il en soit ainsi. Une observation importante faire, c'est qu'ils sont en gnral d'autant plus prononcs que le sujet est moins accoutum au magntisme. Madame Hortense *** (Cette jeune dame, dont j'aurai l'occasion de parler souvent, est une des somnambules les plus remarquables que j'aie vues.), pendant que je la magntise, cause et plaisante avec moi sans la moindre motion jusqu' l'instant o le sommeil vient clore brusquement sa paupire; et, ds la premire seconde, ce sommeil est un somnambulisme parfait.

    La manire dont s'endormait Paul Villagrand, l'un des sujets soumis l'observation de MM. les commissaires de 1826, est des plus remarquables. Nous allons en emprunter la relation M. Foissac :

    On ne trouve dans les ouvrages de magntisme aucun exemple des effets que Paul prouvait avant d'entrer en somnambulisme. Les premires passes excitaient d'abord son hilarit ; mais au bout de deux minutes, sa figure devenait srieuse et peignait l'tonnement. Tout le corps tait agit de secousses partielles ou gnrales, ressemblant celles que dtermine l'action de l'lectricit. Les paupires s'levaient et s'abaissaient en suivant la direction de mes doigts avec une prcision mcanique ; bientt toute la tte participait ce mouvement. Si je m'loignais, il s'avanait, comme attir par un aimant ; si ma main s'arrtait quelques pouces de distance de ses yeux, il reculait la tte avec un air effray ; si je faisais des passes avec les deux mains, il portait rapidement ses yeux de l'une l'autre ; bientt il en saisissait une, me pinait fortement les doigts, et les quittait presque

  • aussitt pour suivre les mouvements de l'autre. Quelquefois il avanait sa figure vers ma main, et semblait craindre pourtant de la toucher; il la flairait; tout coup il ouvrait la bouche pour la saisir ; mais ses lvres l'avaient peine effleure qu'il se retirait avec effroi.

    II nous arriva souvent, la Charit, de l'engager se tenir immobile pendant l'opration magntique. Nous placions une montre devant lui, en l'invitant de nous prvenir lorsque la troisime minute serait coule ; il le promettait, et fixait les yeux sur cette montre. Pendant la premire minute, il restait tranquille ; mais la seconde, ses yeux allaient avec rapidit de la montre mes doigts, et de ceux-ci la montre; enfin, la troisime, aprs de vains efforts, il semblait perdre le souvenir et la volont, et ne s'occupait que de ma main. On avait beau lui rappeler sa promesse, le pincer, le tirer par les cheveux, il tait insensible tout. Si je lui adressais la parole, il rptait plusieurs reprises, comme un cho fidle, le dernier mot de ma phrase, avec des inflexions de voix diffrentes et fort bizarres ; mais mesure que le sommeil s'emparait de lui, sa voix s'affaiblissait, il prononait ce mot plus bas et moins distinctement, et enfin ses lvres, ne pouvant plus mettre de sons, faisaient encore un mouvement pour articuler la premire syllabe. Lorsque je voulais arrter cette pantomime amusante, il me suffisait de placer une main sur l'pigastre du malade ; aussitt il baissait la tte et ne tardait pas pousser un long soupir, qui tait le signe prcurseur du somnambulisme. Si je lui demandais alors ce que le magntisme lui faisait prouver, il rpondait qu'il voyait d'abord mes doigts multiples, lumineux, et s'allongeant quelquefois de manire lui faire croire qu'ils allaient lui crever les yeux ; qu'ensuite ses ides s'obscurcissaient; que sa vue tait toute blouie et qu'il tait sous l'empire d'une vritable fascination. A son rveil, toutes ces circonstances taient effaces de sa mmoire ; il rpondait naturellement nos questions, et croyait avoir obi l'injonction de se tenir tranquille.

    J'avoue n'avoir jamais rien observ de pareil ce que l'on vient de lire ; mais bien que le fait rapport par M. Foissac me paraisse des plus curieux, je pourrais en produire qui peut-tre n'auraient pas moins d'intrt. En effet, ainsi que je l'ai fait remarquer au commencement de ce chapitre, rien n'est plus vari que les signes prcurseurs du sommeil magntique ; et, pour en donner une ide complte, il faudrait presque faire autant de descriptions qu'on a magntises de sujets. Pour ce qui est du moral, il est a prsumer que tous les sujets, dans cette circonstance, subissent, l'anxit prs, les modifications gradues que produit une somnolence naturelle ; c'est--dire que l'me se retranche peu peu en elle-mme, mesure que les sens suspendent leurs fonctions, jusqu' ce qu'enfin la pense, compltement prive d'excitations extrieures, ne vive plus que de sa puissance intime ; car le sommeil dans sa premire priode n'est qu'une vie de pure intuition.

    Avant de terminer ce qui se rapporte aux signes prcurseurs du sommeil magntique, nous allons rsumer en quelques phrases ce qu'il y a de pratique dans les pages qui prcdent.

    Ainsi nous dirons : 1 Que ces signes n'ont rien de constant ; 2 Qu'ils sont d'autant plus marqus que le sujet sur lequel on fait l'exprience n'a point

    encore t magntis, ou qu'il ne l'a t qu'un petit nombre de fois, ou bien enfin qu'il ne l'a jamais t par le magntiseur actuel ; qu'il offre volontairement une rsistance morale l'action magntique ; qu'il entre plus d'nergie dans l'acte du magntiseur (Par nergie,

  • j'entends parler ici de la volont. Les chapitres suivants faciliteront l'intelligence de ce passage.);

    3 Enfin que la dure de ces prodromes, qui ne se manifestent qu' demi ou ne se manifestent pas du tout chez les sujets rfractaires au magntisme, est subordonne, ainsi qu'on le devine d'ailleurs aisment, la prsence ou l'absence des diverses conditions que nous avons signales dans le chapitre prcdent comme favorisant l'action magntique.

    II. Du sommeil magntique. Les hommes, en gnral, ne cherchent le repos que lorsqu'ils en prouvent le besoin ; et,

    comme ils ne prennent ce repos qu' des heures dtermines et peu variables, il en rsulte que leur sommeil quotidien, lors mme qu'il n'est pas pour eux un besoin rel, se trouve tre encore un acte d'habitude que la nature mme de leur organisation les pousse irrsistiblement accomplir. Mais que, au milieu des agitations de sa vie active, on aille surprendre un homme, juste au moment o il a surtout coutume d'exercer son esprit ou son corps, et que, par un moyen quelconque, on arrive le plonger subitement dans le sommeil, est-il supposable que ce sommeil impromptu soit pour l'homme dont nous parlons l'analogue du repos rparateur qui vient chaque jour intervalles gaux rafrachir sa pense et ses sens. Eh non sans doute, parce qu'en violentant la nature on la fait sortir de ses lois, et voil prcisment le fait du sommeil magntique. Au reste, cette espce de sommeil, si l'on n'y comprend pas le somnambulisme, ne constitue, vrai dire, qu'un temps trs limit et souvent mme inapprciable quant sa dure dans l'ensemble et la succession des phnomnes magntiques. On magntise un individu, vous le croyez endormi, et voil que le seul contact de votre main lui fait ouvrir les yeux, d'o l'on pourra conclure qu'il ne dormait pas. Mais on ne l'veille pas en le touchant ? Parlez-lui, alors, il vous rpondra ; car il est en somnambulisme (Ce passage est peut-tre trop explicite; car, dans certains cas, il se manifeste rellement un sommeil profond sans somnambulisme.).

    III. Du somnambulisme. Le somnambulisme est un tat physiologiste particulier et assez mal tudi jusqu'

    prsent. Dpendant de circonstances extrieures (les passes magntiques) ou de conditions intrieures qui chappent nos moyens d'investigation (Voir Magntisme animal expliqu, 7 leon, p. 251.), il se prsente nous sous deux formes principales que nous allons essayer de dcrire. La premire de ces formes est le somnambulisme proprement dit, et la seconde le somnambulisme lucide.

    Si un homme se trouvait priv en naissant de toute espce de sens, soit externes, soit internes ; c'est--dire s'il existait un homme qui pt vivre sans vision, sans oue, sans odorat, sans organes de toucher, enfin sans la moindre perception de ce qui se passerait en lui, je maintiens que, moins d'admettre la rvlation divine, il serait absolument impossible que cet homme et une seule ide. Cette image est, mon avis, celle du sommeil profond, pendant lequel une sparation presque complte s'est effectue entre l'me et les organes.

  • Si au contraire on suppose que l'homme dont nous parlons peroit seulement les actes physiologiques de sa vie intrieure, cet homme aura une sensation et partant une ide, celle de son existence. Bien plus, il est trs vraisemblable que, dans ce cas, cette ide unique se dvelopperait et se perfectionnerait au del de tout ce que nous pouvons imaginer, par cela mme qu'elle serait, elle seule, l'lment incessant de toute une vie de sensation et de rflexion. Voil exactement l'intuition des somnambules isols et non lucides.

    Supposons maintenant l'existence d'un des sens de la vie de relation, mais d'un seul, de l'oue, par exemple, jointe au jeu normal de quelques-unes seulement des facults instinctives ou intellectuelles, ou bien au jeu incomplet de toutes les facults; la pense des lors se complique, puisqu'elle peut s'alimenter de sensations multiples et varies ; et si la volont parvient se transmettre aux organes de la voix, c'est la somniloquie; ou si la volont ragit sur les muscles de la locomotion, c'est le vritable somnambulisme avec perception des sons.

    Cela pos, il est clair que le somnambulisme se rapprochera d'autant plus de la vie relle qu'il y aura plus de sens et plus de facults veills, avec cette seule diffrence que toutes les sensations auront acquis une excessive dlicatesse.

    Ce qu'on vient de lire nous semble pouvoir s'appliquer exactement toutes les espces de somnambulismes, et je ne comprends pas pourquoi des auteurs dous de bon sens et d'esprit d'observation se sont plu jusqu' prsent nous faire du somnambulisme naturel et du somnambulisme magntique deux entits absolument diffrentes. Une seule circonstance est peut-tre susceptible de les justifier, c'est la permanence du rapport nerveux ou magntique, comme on voudra l'appeler, en un mot, de cette sorte d'association organique qui, dans un assez grand nombre de cas, semble mettre le somnambule magntique dans la dpendance explicite de son magntiseur. Mais que dira-t-on alors des somnambules qui s'endorment en se magntisant eux-mmes (J'ai constat ce fait, dont les magntiseurs les plus expriments rapportent quelques exemples.)

    Actuellement que nous avons tabli sommairement des principes gnraux, trs longuement dvelopps dans notre dernier ouvrage, nous allons procder l'examen des phnomnes du somnambulisme en tudiant successivement les appareils intellectuels et sensitifs chez les somnambules observs jusqu' prsent.

    IV. Intelligence et facults morales. Ces facults sont subordonnes deux conditions capitales : la premire est leur tat

    normal pendant la veille ; la seconde, le degr du somnambulisme dans lequel se trouvent les magntiss. Lors des premires expriences, l'intelligence est ordinairement confuse, et les sujets, tout en exprimant des ides vraies, ne savent pas coordonner ces ides, et sont presque toujours incapables de faire ou de comprendre un raisonnement suivi. D'ailleurs, lorsqu'il existe un engourdissement absolu de tous les sens externes, de telle sorte qu'il n'est possible qu'au magntiseur de se faire entendre du somnambule, celui-ci est taciturne, et ne parle gure que pour rpondre aux questions que le premier lui adresse. Cependant, comme il sent quelquefois admirablement ce qui se passe en lui, il rflchit sur cette sensation, et trs souvent exprime tout haut l'tonnement qu'il en prouve. La mmoire est aussi chez lui une des premires facults dont on puisse constater l'existence. Ds le

  • principe, la plupart des somnambules se rappellent avec une tonnante prcision tous les vnements qui leur sont arrivs, quelquefois depuis si longtemps qu'ils en avaient absolument perdu le souvenir pendant l'tat de veille ; mais leur tendance la plus vidente alors est de ne parler et de ne s'occuper que des choses qui les concernent personnellement. Leur sant surtout, lors mme que l'e