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Rencontre du CDS avec l’Ambassadeur d'Espagne Alberto NAVARRO Passer de la méfiance à la confiance Maroc - Espagne Avec l’aimable contribution de Rencontre du 6 décembre 2012

Maroc - Espagne · Espagne-Maroc, mais aussi sa vision quant à l’avenir de ces relations, devant un aréo-page de personnalités, dont Saâd Kettani, président du Conseil d’affaires

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Rencontre du CDS avec l’Ambassadeur d'Espagne Alberto NAVARRO

Passer de la méfiance à la confianceMaroc - Espagne

Avec l’aimable contribution de

Rencontre du 6 décembre 2012

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“Écouter l’Espagne, car elle a quelque chose à dire…”Un état des lieux sans tabou

Mohamed Benamor, président du CDS

Dans son intervention, Mohamed Benamour a déclaré qu’il était heu-reux d’accueillir une éminente per-

sonnalité, connue pour ses qualités humaines, comme pour ses connaissances approfondies des affaires européennes, et sud-américaines et comme un artisan respecté et apprécié dans le raffermissement des relations maroco- espagnoles. Il s’agit de Son Excellence Alberto Navarro, ambassadeur d’Espagne au Maroc depuis octobre 2010, dont le parcours profession-nel remarquable est digne d’éloges. Avant de décliner un aperçu biographique de son hôte, M. Benamour a rappelé que l’Espagne a tou-jours été au confluent de plusieurs courants

civilisationnels et la tête de pont du monde hispanophone, qu’elle paraît être le miroir d’interaction entre l’Occident et l’Orient. Le grand philosophe espagnol Ortega disait que «l’humanité devrait apprendre à écou-ter l’Espagne, car elle a quelque chose à dire au monde». L’Espagne est plurielle et c’est le propre des démocraties, et le Maroc, son voisin du Sud l’est aussi.C’est pour ces raisons et bien d’autres, explique M. Bena-mour, qu’il a sollicité son hôte afin qu’il fasse part aux membres du CDS, venus en nombre, de ses analyses et ses réflexions sur les différents aspects de coopération entre les deux pays, et au-delà entre l’Europe et le Maroc, dans différents domaines. Selon le Président du CDS, M. Navarro est connu pour sa franchise, son expérience et son éloquence. «Il nous tracera les contours d’une approche réaliste et porteuse d’espoir entre deux pays que des relations séculaires condamnent à une plus grande solidarité. L’héritage histo-rique doit permettre un meilleur développe-ment de nos relations culturelles, commer-ciales et diplomatiques. En un mot, «des liens affectifs pour mieux servir les intérêts de nos deux peuples», a ajouté M. Benamour. Le CDS aujourd’hui, comme le mois dernier avec l’Ambassadeur de France, participe à travers ces rencontres, en tant qu’espace de débat démocratique, et en tant que Think tank indépendant, œuvre pour apporter des réponses pragmatiques et originales à des sujets essentiels en matière de solidarité, de répartition des richesses, de bien-être du citoyen et de développent intégré. Les relations internationales et la coopération à renforcer avec les partenaires constituent un axe prioritaire pour encourager davantage la diplomatie économique, sujet auquel le CDS a consacré une large part de ses travaux.

Alberto NAVARRO, Ambassadeur d’Espagne et Mohamed BENAMOUR, Président du CDS

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«Conseil du développement et de la solida-rité», think tank indépendant, organise des séminaires sur différents sujets et des ren-contres avec les ambassadeurs pour faire le point sur les relations bilatérales.Après l’invitation faite à l’ambassadeur de France, Charles Fries, c’est Alberto Navarro qui a décliné l’état des relations Espagne-Maroc, mais aussi sa vision quant à l’avenir de ces relations, devant un aréo-page de personnalités, dont Saâd Kettani, président du Conseil d’affaires maroco- espagnol au sein de la CGEM, qui a mis l’accent sur l’inflexion des réformes et la résilience de l’économie marocaine. Des personnalités qui ont eu à cœur de poser les vraies questions : celle de Sebta et Melilla, les îles Jaafarines, la délivrance des visas, la perception du Maroc en Espagne, la question du Sahara et du Sahel, questions qui ont sus-cité un débat soutenu après l’intervention de l’ambassadeur et que nous partageons avec nos lecteurs, compte tenu de son intérêt.Beaucoup de questions débattues trouvent

leurs racines dans une histoire tumultueuse et tourmentée, mais M. Navarro a fait sienne la réflexion du chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane qui, lors de la visite de M. Rajoy, Président du gouvernement, lui déclarait : «Nous partageons une mémoire commune, nous avons une histoire partagée difficile, mais dans laquelle les choses positives dépassent, de loin, les choses négatives». Ce sont, souligne M. Navarro, «ces choses po-sitives que je garde en tête, car aucun pays n’a autant besoin que l’Espagne d’avoir comme voisin un pays stable et je ne répéterai jamais assez que ce qui est bon pour le Maroc est bon pour l’Espagne, et vice-versa. C’est dans cette optique que nous inscrivons nos actifs». Au-delà de l’échec du processus de décolo-nisation, comme le reconnaît M. Navarro, de l’échec du grand projet de liaison fixe qui devait rapprocher les deux continents, les «actifs» sont très nombreux, pour peu que l’on sache les exploiter et pour peu, comme le soulignait Hassan Chami, ex-président de la CGEM, «que la confiance remplace la

Maroc - Espagne

Les membres du CDS autour de Alberto NAVARRO, Ambassadeur d’Espagne

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méfiance». C’est justement ce à quoi s’attèle cet ambassadeur qui multiplie les visites bila-térales, qui, dit-il, veut donner plus de flui-dité à la circulation des personnes. C’est ainsi qu’il annonce la suppression des visas pour les passeports de services dès que la décision sera ratifiée par le Parlement, que le nombre des visas annuels (150 000) a augmenté et qu’il s’engage à donner des visas de long terme (3 ans) pour certaines catégories, présidents d’université, directeurs d’hôpitaux, entrepre-neurs, chercheurs… Il reconnaît au passage le caractère «discriminatoire» du code civil qui accorde la nationalité espagnole aux Latino-Américains et Ibériens, «les binas», après un séjour de 2 ans, alors qu’une résidence de 10 ans est exigée pour les Marocains. On apprend au passage que quelque 15 000 Marocains nés au Sahara sont espagnols, et que chaque année, ce sont jusqu’à 20 000 Marocains qui prennent la nationalité espagnole. Concernant le récent débat sur l’octroi de la nationalité espagnole pour tout acqué-reur d’un logement de plus de 220 000 eu-ros, M. Navarro confirme l’information en soulignant qu’il faut attendre une loi dans ce sens, et que c’est chose courante au Por-tugal et au Royaume-Uni. Autres points à retenir : la situation au Sahel où, dit-il, il faut faire preuve de prudence, en tenant compte de la nature des problèmes, celui des sépa-ratistes, les Touaregs qui réclament l’auto-détermination dans la région du Sahel, et les partisans d’Aqmi qui menacent toute la région. Pour lui, «dans un contexte régional plus large, la question du Sahara aurait une meilleure solution. La fermeture des fron-tières avec l’Algérie menace la stabilité de la région.» Il donne l’exemple de l’époque de guerre feutrée entre l’Espagne et le Portugal, «la guerre des oranges», qui, dit-il, «a duré 100 ans et qui a pu être réglée au sein de l‘Union européenne». Autre point qui ne manquera pas d’étonner, c’est son analyse sur les relations entre le Maroc et l’Europe, ou plutôt sa vision de ces relations.

L’Europe, dit-il, se porte mal, il faut aller vers une Europe politique. En attendant, nous avons tout intérêt à nous élargir au Maroc, qui avait demandé, du temps de feu Hassan II, son adhésion à la CEE, la politique agri-cole commune, la politique de cohésion, les programmes communautaires… Cela assu-rerait indéniablement notre stabilité, pour-suit-il, et il faudrait, dit-il encore, que les fonds agricoles européens profitent aussi à l’agriculture du Maroc, cela ferait monter les revenus de nos agriculteurs. Les fonds com-munautaires amélioreraient la politique des infrastructures au Maroc, ce qui profiterait indirectement à la France et à l’Espagne, et l’Europe profiterait d’un pourtour de prospé-rité.» Il reste, conclut-il, que «malheureuse-ment nous n’en sommes pas là !»

Avec l’aimable contribution de Farida MOHA

De gauche à droite : Mostapha MELLOUK, Brahim BENJELLOUN TOUIMI et Abdellatif BEL MADANI

De gauche à droite : M’hammed DRYEF, Fathia BENNIS, Hassan CHAMI

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J’ai fait le choix de ne pas regarder en arrière, de ne pas lorgner le passé, car nous partageons une longue histoire,

souvent tumultueuse. Cette histoire a débu-té il y a plusieurs siècles avec les Iberos, les Berbères de la péninsule ibérique et de l’Afrique du Nord, elle s’est renforcée avec la puissance Romaine en Méditerranée. Je n’oublierai pas d’évoquer la présence arabe et musulmane en Espagne pendant huit siècles qui a laissé un bel héritage. De cette histoire lourde, j’ai retenu le mot du chef du gouvernement Abdelilah Benkirane, que j’ai vu lors de la visite du Premier ministre espagnol M. Rajoy ou lors de la visite des ministres espagnols, et qui m’a dit : «Nous partageons une mémoire commune, nous avons une histoire partagée, dans laquelle les choses positives dépassent, de loin, les choses négatives». Ce sont ces choses positives que je garde en tête, car aucun pays n’a autant besoin que l’Espagne d’avoir comme voisin un pays stable et je ne répéterai jamais assez que ce qui est bon pour le Maroc est bon pour l’Espagne, et vice-versa. C’est dans cette

Intervention de l’Ambassadeur du Royaume d’Espagne Alberto NAVARRO

optique que nous inscrivons nos actifs. Parmi ces actifs, je rappellerai en premier que nous sommes deux royaumes voisins. Le Royaume d’Espagne est le voisin du Royaume du Maroc et le Royaume du Maroc est le voisin du Royaume d’Espagne et, dans la conjoncture actuelle, il faut rappeler que ce sont les monarchies qui sont les régimes les plus stables. Nos relations sont nourries par les visites au plus haut niveau, celle du Premier mi-nistre et des ministres, mais aussi celles du Prince héritier d’Espagne qui s’est ren-du à plusieurs reprises à Casablanca et à Marrakech, pour l’inauguration du Centre Cervantes, ET LA VISITE DU ROI JUAN CARLOS au lendemain de l’attentat d’Argana. C’était la première visite d’un chef d’Etat qui a voulu délivrer un message de soutien en ces circonstances difficiles, que l’Espagne a également vécues avec l’attentat de Madrid. Au-delà de ces actifs, il y a la situation géo-graphique stratégique que nous partageons. L’Espagne est la porte naturelle pour entrer en Europe, et le Maroc est la porte naturelle pour entrer en Afrique. 35% de nos exporta-

Saâd KETTANI, Brahim BENJELLOUN TOUIMI, Mohamed BENAMOUR et l’Ambassadeur Alberto NAVARRO

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tions vers l’Afrique se font au Maroc, tandis que plus de 60% des exportations du Maroc vers l’Europe se font vers l’Espagne et la France. Nos pays partagent une façade avec la Méditerranée et une autre avec l’Atlantique. Dans le détroit de Gibraltar, seul passage maritime entre l’océan Atlantique et la mer Méditerranée, situé au sud de l’Espagne, au nord du Maroc, à l’est de l’océan Atlantique, à l’ouest de la Méditerranée, il passe chaque jour plus de 300 bateaux contre 70 dans le canal de Suez. C’est l’endroit où il y a le plus important trafic maritime au monde, ce qui engrange une importante pollution et c’est l’un des thèmes abordés par la réunion des ministres de la Défense des 5 plus 5 qui a eu lieu récemment à Rabat. Nous pouvons, le Maroc et l’Espagne, travailler ensemble, sur le continent africain, le Maroc étant déjà pré-sent. L’Espagne à son tour offrirait toute cette dimension ibéro-américaine dans les pays qui parlent espagnol et portugais, des langues déjà partagées par 800 millions de personnes, qui ont un grand avenir et qui sont de plus en plus enseignées dans le monde, à l’instar de l’arabe, parlé par plus de 600 millions

de personnes. Ce sont là des complémenta-rités intéressantes. Il y a un autre facteur de rapprochement et de mixité, c’est l’impor-tance de la communauté marocaine vivant en Espagne qui atteint le million de personnes, dont 170 000 enfants qui étudient dans le sys-tème scolaire en espagnol, auxquels il faut ajouter les 5 000 élèves qui étudient dans les 11 instituts espagnols au Maroc. Ce réseau des instituts regroupe plus de 500 enseignants et professeurs à Casablanca, Tétouan, Rabat, Tanger, Laayoune, Nador, Larache et Alhoceima. Nous avons également 6 centres Cervantès pour l’enseignement de la langue espagnole, avec des antennes nouvellement ouvertes à Agadir, Essaouira et Nador qui viennent enri-chir le réseau à Chaouen, Meknès, Larache, Fès, Marrakech, Tanger, Tétouan, Casablanca et Rabat, et ce sont là, autant d’éléments de proximité humaine et linguistique qui contri-buent à cimenter notre relation. 2012 : une année historique qui marque un tournant dans nos relations bilatérales et une proximité accrue entre nos pays et nos socié-tés Dans le champ diplomatique, les visites sont importantes et contribuent à renforcer la capacité d’écoute et de compréhension des positions des uns et des autres. Elles témoignent d’une bonne entente et d’une volonté de coopération. Dans ce sens, l’année 2012 a été excep-tionnelle pour nous. Nous avons commencé l’année 2012 avec la visite à Rabat du chef du gouvernement espagnol, M. Rajoy, le 18 janvier. Nous avons en Espagne une tradition non écrite, mais qui est respectée par tous les chefs de gouvernement de quelque obédience politique qu’ils soient. Le chef du gouvernement ne se rend ni à Lisbonne, avec qui on a partagé une longue histoire, ni à Bruxelles, ni à Paris, mais à Rabat. Cela a été le cas avec Felipe Gonzalez, avec José Maria Aznar, José Louis Zapatero et Mariano Rajoy, qui est revenu en octobre accompagné de 8 ministres et 7 secrétaires d’État, c’est-à-dire avec plus de la la moitié

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du gouvernement espagnol pour présider la commission mixte. M. Rajoy a reçu à son tour à Madrid Abdelilah Benkirane, chef du gouvernement du Royaume du Maroc au mois de mai der-nier, qui a également été reçu par le président du Sénat. Madrid a été jusque-là la seule capitale européenne qu’il a visitée et la seule visite officielle en Europe qu’il ait effectuée. Nous avons reçu plusieurs visites de ministres espagnols qui, à la suite de la rencontre de janvier, ont décidé de se parler franchement pour faire avancer les dossiers. Parmi eux, le ministre de l’Intérieur, les ministres des Affaires étrangères, de l’Agricul-ture, de la Pêche. Je rappellerai aussi d’autres visites importantes au mois d’avril, comme celle du Président de la Catalogne, accompa-gné d’une délégation de 200 entrepreneurs, à Casablanca, Rabat et Tanger où il a inau-guré une usine.

Le Président des îles Canaries s’est également rendu au Maroc et il a inauguré la liaison aérienne qui relie Casablanca à Las Palmas, renforçant ainsi les liaisons qui existent déjà entre Laayoune, Agadir, Marrakech et les Canaries, un archipel qui a fait du tourisme standard une tradition et qui reçoit chaque année quelque 13 millions de touristes Alle-mands, Britanniques, Européens du Nord... Dans ce chapitre des visites, nous avons à cœur de rapprocher nos sociétés civiles pour changer le regard des uns sur les autres. Un groupe de journalistes marocains a été récemment invité à rendre visite aux médias et partis espagnols, la composition du comité Averroès va évoluer et nous allons multiplier les visites des jeunes et lancer des programmes de tourisme de proximité qui marchent très fort au Portugal. Un renforcement des relations qui passe par une meilleure connaissance des uns et des autres pour préparer l’avenir, pour mieux se connaître. Dans ce sens, le Prince héri-tier d’Espagne, Felipe de Bourbon, a reçu, la semaine dernière au palais de la Zarzuela à

Madrid, une délégation composée de secré-taires généraux et de présidents de la jeunesse de différents partis politiques au Maroc, en visite en Espagne. La visite a été initiée par l’Agence espagnole de coopération internatio-nale pour le développement (AECID). Elle s’inscrit dans le cadre du Programme d’accompagnement des processus de gou-vernance démocratique dans le monde arabe MASAR) et a pour objectif de renforcer la participation politique des jeunes du Maroc et la promotion des échanges d’expériences entre es jeunes marocains et espagnols.

Dans cette même veine, nous avons organisé à Rabat, le 3 septembre dernier, le premier Forum parlementaire qui a réuni le président des Cortés et le président du Sénat accom-pagné de députés et de sénateurs. On n’avait jamais jusque-là organisé une telle ren-contre entre les présidents des 4 Chambres d’Espagne et du Maroc. L’année 2012 a été une année historique, marquée par ces rencontres de haut niveau, mais aussi par une série d’initiatives prises d’un commun accord, comme l’ouverture du Commissariat conjoint à Algésiras et Tanger-Med qui est une première entre nos pays en matière de coopération dans le domaine sécuritaire.

Nous avons 5 commissariats conjoints avec la France, autant avec le Portugal avec qui nous partageons de longues frontières. C’est la même approche que nous voulons établir avec le Maroc, approche qui a été initiée il y a deux ans avec le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero et qui montre le degré de coopération entre nos deux pays. Pour en mesurer l’importance, il faut rappeler que ces initiatives n’existent pas entre les États-Unis et le Mexique ou entre les États-Unis et le Canada, qui partagent pour-tant de longues frontières. Parmi ces initiatives, je mentionnerai aussi l’opération Retour qui a lieu chaque an-née et qui permet à quelque 3 millions de Marocains de traverser l’Europe et au Sud

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l’Espagne pour revoir le Maroc. Cette année, à cause de la faillite de la Comanav, nous avons ouvert la ligne Motril-Alhoceima- Nador qui a permis de faciliter le passage. À ces liaisons maritimes, s’ajoutent les lignes aériennes entre Casablanca et l’Espagne et celles ouvertes ré-cemment entre Rabat et Madrid, trois fois par semaine. Certaines compagnies espagnoles seraient même intéressées par l’ouverture de lignes régionales au Maroc pour relier Tanger et Ouarzazate, Rabat et Agadir… D’autres compagnies maritimes seraient inté-ressées par la création de lignes vers l’Afrique ou les pays du Golfe, car il existe un fort potentiel, compte tenu des bonnes relations entre le Maroc et ces régions, et l’Espagne serait très intéressée par le développement de relations triangulaires dans les secteurs du tourisme, de l’éducation, de l’environne-ment et de l’agro-industrie. Si nos deux pays travaillent ensemble, si le Maroc et l’Espagne joignent leurs efforts, ce ne sera plus 1+1 égal 2, mais 3, car le développement sera exponentiel, tant nos atouts sont grands ! 2012, Année historique marquée aussi par un moment fort, celui du discours royal de la Fête du Trône du 30 juillet dans lequel le Souverain a parlé de l’Espagne et de la nécessité pour les deux Royaumes de travailler ensemble pour une zone de prospérité parta-

gée, de mettre en avant tout ce qui nous unit, dans une vision gagnant-gagnant. C’est cet esprit qui nous a animé lorsque nous avons invité le Maroc au Sommet ibéro-américain de Cadix qui réunit les chefs d’État et de gou-vernement de l’ensemble des pays de langues espagnole et portugaise d’Amérique latine, l’Espagne et le Portugal. Par sa présence, le ministre des Affaires étrangères, Saad-Eddine El Othmani, a mon-tré l’intérêt que portait le Maroc à sa dimen-sion atlantique ibéro-américaine. Je rappelle-rai qu’il y a 5 à 6 millions de Marocains qui parlent espagnol et cette pluralité linguis-tique et culturelle, ce «melting pot», est un atout, un actif non négligeable dans le monde d’aujourd’hui et de demain. Toujours sur le plan diplomatique, je voudrais rappeler que l’Espagne a soutenu le Maroc pour devenir membre du Conseil de sécurité. C’est le seul pays arabe qui est présent dans cette institution et c’est le Maroc qui préside ce mois de décembre le Conseil de sécurité. Nous comptons de notre côté sur le Maroc, qui a beaucoup d’influence en Afrique, pour soutenir la candidature de l’Espagne pour devenir membre non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU pour la période 2015-2016. La décision sera prise en octobre 2014. Je rappelle que la dernière fois que l’Espagne

Karim BAINA , Abdelaziz RAMADANE, Youssef IBEN MANSOUR, Tarafa MAROUANE, Omar ESSAKALLI HOUSSAINI, Majid BOUTALEB

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était membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations-Unies, c’était en 2003-2004, sous le gouvernement de José Maria Aznar. Je pourrais aussi rappeler tout ce que nous faisons ensemble dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée, qui a remplacé le processus de Barcelone et les approches communes que nous avons pour la région du Sahel.

«Travailler ensemble pour une zone de prospérité partagée, de mettre en avant tout ce qui nous unit, dans une vision gagnant-gagnant.»

Nous sommes conscients des évolutions qui ont lieu actuellement, notamment dans le domaine de l’émigration : le Maroc, qui était un pays d’émission d’immigrants, est devenu lui-même un pays d’immigration avec toutes les conséquences que cela induit quand on reçoit près de 250 000 migrants subsaha-riens chaque année. Nous avons connu ces problèmes à une échelle plus grande encore, car pendant plus d’une décennie nous avons reçu presque 1 million de migrants par an. L’Espagne est le pays qui a reçu le plus de migrants au monde après les États-Unis ! Actuellement, nous avons 6 millions d’immi-grés, la moitié communautaire, l’autre moitié latino-américaine et marocaine. 2012 nous sommes devenus le premier partenaire commercial du Maroc qui, malgré la crise, se bat sur tous les fronts, se moder-nise, se réforme. L’année 2012 est pour nous une année record, car c’est en 2012, et les statistiques le confirment, que nous sommes devenus le premier partenaire commercial du Maroc, dépassant ainsi le partenaire tradi-tionnel qu’est la France. Entre janvier et juillet 2012, les exporta-tions espagnoles vers le Maroc ont progres-sé de plus de 20% par rapport à la même période de 2011. Avec la crise en Europe, en Espagne, nous portons un nouveau regard sur le Maroc, le pays où quelque 20 000 petites

et moyennes entreprises espagnoles exportent et où 800 entreprises espagnoles sont instal-lées, créant de l’emploi. Contrairement à la France où toutes les grandes entreprises du CAC 40 sont représentées, il y a cependant peu de grandes entreprises espagnoles comme Repsol ou Zara. Il y a eu une rencontre entre la CGEM et la CEOE, la Confédération espagnole des orga-nisations d’entreprises, où le problème a été abordé. La bonne nouvelle, c’est le contrat de 500 millions d’euros décroché pour la construction de la plus grande centrale ther-mo-solaire du monde à Ouarzazate qui sera réalisée par une grande entreprise espagnole, Acciona. Nous avons eu d’autres contrats stratégiques, comme celui récemment signé à Rabat avec l’ONEE pour l’acheminement de l’eau à Casablanca. Pour l’avenir, nous sommes dans l’esprit du discours du Trône de Sa Majesté, qui a invité le Roi Juan Carlos à effectuer une visite au Maroc en 2013 et qui sera accompagné par une importante déléga-tion d’entrepreneurs.

Avec la mondialisation et l’interdépendance, l’économie est devenue l’un des champs ma-jeurs de l’activité diplomatique. Nous travail-lons ainsi à renforcer les relations à tous les niveaux : multiplication des visites, organi-sation de séminaires communs… J’ai rendu visite à Driss Jettou, président de la Cour des

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comptes, pour renforcer nos relations, nous pouvons également travailler ensemble sur le dossier de la régionalisation sur lequel nous avons accumulé beaucoup d’expériences.

Le modèle d’autonomie qui est différent selon les régions a relativement bien fonctionné en Espagne, libérant les énergies et mettant en œuvre des politiques de proximité. Mais il n’est pas exempt de dérapages, dont il faut tirer les leçons. Ce qu’il faut savoir, c’est que la mise en œuvre des processus de régiona-lisation a un coût : il faut répartir les com-pétences, mais aussi les richesses par le biais des politiques publiques et des infrastruc-tures, comme ce qui se fait avec le projet du port de Nador. Il faut former, mettre en place toute une dynamique avec prudence, avec les précautions nécessaires. Nous pouvons réali-ser ensemble de grands projets, comme nous l’avons fait avec le Portugal, un pays avec qui nous avons partagé une histoire tumultueuse qui est aujourd’hui apaisée et porteuse d’avenir.

En 1986, nous avons adhéré, l’Espagne et le Portugal, à la Communauté économique européenne. À l’époque, l’Espagne était le sixième partenaire du Portugal. Aujourd’hui, nous partageons, grâce à l’UE, la même mon-naie et nous sommes de loin le premier parte-naire commercial du Portugal, devançant des pays comme la France ou les États-Unis. Pour prendre un exemple, le volume des échanges

commerciaux de la seule région de l’Andalou-sie avec le Portugal représente le double de celui réalisé avec le Brésil. Le voisinage, la proximité a été bien sûr un facteur déterminant dans ce saut qualitatif et quantitatif et c’est ce que nous espérons faire avec le Maroc. Des échanges qu’il faut mul-tiplier pour changer le regard des uns et des autres et surtout celui des Espagnols, dont le regard était biaisé et plus «préjudiciable», le Maroc étant perçu comme un pays à pro-blème : émigration clandestine, drogue… Aujourd’hui, ce regard a profondément changé, on découvre un voisin qui, malgré la crise, se bat sur tous les fronts, se moder-nise, se réforme, un pays qui pourrait être pour nous l’Espagne source de croissance, car nous avons beaucoup à donner en termes de connaissances, de recherche, d’innova-tion, comme dans les énergies renouvelables où nous sommes un champion d’envergure mondiale. Avec d’autres partenaires, nous sommes prêts à créer des synergies, à mutua-liser nos relations commerciales, comme nous le faisons à travers l’exemple de l’usine Renault de Tanger Med, car ce sont les usines d’Espagne qui produisent les moteurs et les boîtes à vitesse et d’autres équipements.

Mais ce n’est pas le seul secteur où nous sommes performants. Dans le domaine des trains à haute vitesse, c’est un consortium espagnol qui a remporté le méga contrat du train à grande vitesse Djeddah-La Mecque-Médine en Arabie saoudite pour la réalisation d’une ligne de 450 kilomètres ! La grande vitesse espagnole est un modèle qui s’exporte très bien dans le monde et nous sommes deve-nu le champion européen de la grande vitesse en nombre de kilomètres installés, en n’étant dépassé dans le monde que par la Chine.

Intervention de l’ambassadeur du Royaume d’Espagne Alberto Navarro Retranscrite par Farida Moha

Au milieu, le Conseiller de l’Ambassade d’Espagne

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Alberto Navarro est natif de Tenerife en 1955. Il est licencié en droit par l’Université de Salamanca et a intégré le corps diplomatique en 1980.

Avant son poste au Maroc, il était ambassadeur au Portugal et avait occupé plusieurs fonctions au Honduras et en Tchécoslovaquie, avant d’être nom-mé directeurgénéral chargé de la coordination juridique et institutionnelle communautaire, puis chef du cabinet du ministre des Affaires étrangères. M. Navarro avait occupé aussi la fonction de chef du cabinet de Javier Solana, l’ex-Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union européenne.

Il a ensuite poursuivi ses missions pour l’Union européenne en étant nommé ambassadeur-chef de la Commission européenne au Brésil en septembre 2003, puis secrétaire d’État espagnol pour l’Union euro-péenne en 2004.

Alberto Navarro remplace Luis Planas Puchades, qui a été nommé ambassadeur représentant permanent de l’Espagne auprès de l’Union européenne.

BIO EXPRESS DE ALBERTO NAVARRO

Accueil de l’Ambassadeur d’Espagne par les membres du CDS à Casablanca

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Rappel de quelques éléments du débat et réflexions

des membres

Sur la régionalisationAlberto NAVARRO

Le processus marocain rappelle la tran-sition que nous avons vécue en Espagne, avec toutefois de grandes différences.Quand on regarde ce qui s’est passé après la mort de Franco - l’intronisation du roi Juan Carlos Ier, le gouvernement d’Adolfo Suárez et l’adoption de la nouvelle Consti-tution en 1978 –, la nouvelle Constitution marocaine et le démarrage du processus de régionalisation ont des similitudes.En Espagne, le modèle d’autonomie a généralement bien fonctionné avec certes quelques dérapages, des problèmes en Catalogne et au Pays basque ; mais, globalement, c’est un succès. Le proces-sus a permis de libérer des énergies et de prendre les décisions de la meilleure ma-nière, c’est-à-dire la plus proche possible du citoyen.

L’Espagne a un régime d’autonomie ; mais toutes ses régions n’ont pas le même mo-dèle ni les mêmes compétences. C’est ce qui nous distingue du régime fédéral de l’Allemagne, des États-Unis, du Mexique et de l’Italie. Par exemple, le Pays basque

Abdellatif BEL MADANIPrésident Délégué du CDS

Vous avez également évoqué le pro-cessus de régionalisation, qui comporte des coûts. Quelles précautions avez-vous été amené à prendre sur le plan financier ? Quel conseil donneriez-vous à la commission chargée de la mise en place de la régionalisation pour éviter cet effet inflationniste ?

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et la Navarre sont les seules communautés autonomes à avoir un système fiscal propre. Elles récoltent tous les impôts, et à la fin de l’année font les comptes avec l’État central. Le président de la Cata-logne réclame le même régime fiscal et le droit de décision. En revanche, et c’est un cas unique en Espagne, le gouvernement régional de la Catalogne gère son système pénitentiaire. Six régions ont leur langue propre : la Galice, le Pays basque, la Navarre, la Catalogne, Valence, les îles Baléares.

En Espagne, les réactions sont quelque peu contradictoires. Si certains disent que la régionalisation va trop loin, entraînant un risque de dérapages, les nationalistes, insatiables, vont demander toujours plus.Le coût de tous les régimes autonomes et fédéraux du monde, qui doivent notam-ment créer de nouvelles administrations, former les gens, est élevé. Après de nom-breux entretiens, particulièrement avec Omar Azziman (à l’origine de cette nou-velle carte régionale du Maroc), je pense que la loi organique sera discutée au Parlement afin que soient attribuées des compétences spécifiques aux différentes régions.

Le conseil :Bien faire les choses dès le début, et avec prudence. Clarifier au départ les préroga-

tives, même si l’on peut toujours se référer à la Constitution pour trancher, assurer un bon partage des compétences entre les régions et le pouvoir central, et une répar-tition efficace des ressources.

En Espagne, la moitié des recettes tirées de l’impôt sur le revenu et de la TVA sont redistribuées aux régions. S’ajoutent des impôts récoltés exclusivement par les régions, comme l’impôt sur les successions.Le financement des régions exige ces cla-rifications. En outre, à la suite des élec-tions régionales coexisteront un président régional élu et le wali, à qui distribuer les compétences et pouvoirs de décision.

Cela se fera sans doute à la marocaine, en fonction de vos réalités, telles que la question de la langue, l’amazigh, et le découpage régional, qui a ses complexités, comme c’est le cas en Espagne.

Mohcine JAZOULI, Thami GHORFI ,Raja AGHZADI

Une vue de l’assistance

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Ce projet de construction est une très bonne décision. Alors que le lancement de Tan-ger Med a suscité de la méfiance des deux côtés de la mer, Algésiras et Tanger Med fonctionnent aujourd’hui presque comme un seul port. Les bateaux qui vont vers l’Égypte s’arrêtent à Tanger Med, et ceux qui viennent de Suez s’arrêtent à Algésiras.Je suis convaincu que Nador Ouest Med (quand il sera opérationnel), Almeria, le port de Malaga et le port d’Alicante déve-lopperont des synergies. Le point le plus important est l’élargissement du canal de Panamá, qui permettra le passage des grands navires. Le Maroc et l’Espagne ont tous deux intérêt à ce que les bateaux ar-rivent dans nos ports au lieu d’aller, comme c’est le cas actuellement, à Rotterdam, pre-mier port en Europe.

Des sociétés en Espagne et au Maroc réflé-chissent à un tunnel sous le détroit de Gi-braltar, ressemblant à celui qui existe entre la France et le Royaume-Uni. De moindre importance certes que le tunnel sous la Manche, lequel unit la première place financière au monde (devant New York et Hong Kong) et le continent européen.

Une formule de trois tunnels pour les trains a été retenue, et en Espagne un tunnel exploratoire de 200 mètres a été construit à Tarifa. On attend la nomination du nouveau président de la SNED (Socié-té nationale des études du détroit) pour pouvoir dynamiser les contacts avec la société publique espagnole.L’investissement, qui dépasse les huit mil-liards d’euros, sera soutenu par la Banque européenne d’investissement.Les travaux du TGV Tanger-Casablanca ont été lancés ; une compagnie espagnole fera les mouvements de terre, avant la construction du nouveau tronçon entre Tanger et Kénitra, lequel sera d’abord relié à l’ancienne voie existant entre Kénitra et

Les principaux ports dans le monde sont en Asie, et les deux plus grands ports aux États-Unis ne sont pas sur l’Atlantique mais sur le Pacifique. Nous avons donc là un intérêt commun. L’Espagne regarde Nador et ses investissements comme un atout pour notre région partagée, qui nous apportera sans doute encore plus de com-merce et de prospérité.

Casablanca. Un contrat de gré à gré a été signé entre les Chemins de fer marocains et le groupe français Alstom pour la fourni-ture de rames à très grande vitesse. Cette procédure sans appel d’offres a conduit la BEI (Banque européenne d’investisse-ment) à refuser tout prêt pour le finance-ment de ce projet, à la suite d’un veto de l’Allemagne - qui n’a pu faire concourir Siemens.En 2015, vous pourrez alors comparer les technologies française et espagnole : le TGV de Médine, qui représente un contrat de sept milliards d’euros, sera réalisé par l’Espagne.Très peu de pays au monde ont la tech-nologie de la haute vitesse. En nombre de kilomètres, l’Espagne est le deuxième pays au monde après la Chine, dépassant la France. C’est le seul pays au monde où roulent toutes les autres technologies, l’Allemand Siemens, le Français Alstom, l’Espagnol Talgo, et le Canadien Bombar-dier. L’Espagne a gagné le concours pour le TGV Istanbul-Ankara, aujourd’hui en ser-vice. Notre deuxième contrat à l’interna-

Le port de Nador

Le projet de liaison fixe

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Nous tissons, grâce à différentes mesures, des liens solides entre nos sociétés civiles et nos opinions publiques. Récemment, un groupe de journalistes marocains a été in-vité en Espagne. Le directeur général de la MAP et son adjoint, plusieurs directeurs de journaux arabophones et francophones ont rencontré les médias espagnols, El País, El Mundo, la télévision espagnole… Une autre visite a suivi, celle des jeunes leaders politiques de différents partis.

Nous allons mettre en place un Circulo de Amistad hispano marroqui. Mme Leila Benjelloun est la présidente d’honneur de ce cercle, qui réunit M. Driss Dahhak, M. Omar Azziman, et d’autres membres, tous hispanophones.Nous espérons que ce Circulo contribuera à renforcer les liens entre les deux pays. La dernière haute commission mixte a décidé de transformer le comité, actuellement composé par de très hautes personnalités (comme Felipe González), qu’il est très difficile de réunir, en fondation-conseil, et d’y inviter les entreprises.

J’aimerais voir plus de programmes consa-crés aux jeunes, et plus de jeunes Maro-cains venir l’été en Espagne apprendre notre langue à l’université. Si nous ne sommes pas toujours les meilleurs, nos succès sont évidents dans certains domaines. Par exemple, celui des transplan-

Le renforcement des liens entre les deux sociétés civilestations d’organes, où nous sommes numéro 1 au monde, devant les États-Unis. Même les immigrés qui viennent en Espagne adoptent les procédures espagnoles et deviennent des donneurs d’organes.L’Organisation nationale des aveugles espagnols, très active, travaille aujourd’hui, en collaboration avec l’institut Cervantès de Tétouan, à améliorer les conditions de vie des aveugles marocains.

Par ailleurs, depuis une vingtaine d’an-nées, l’Imserso (Institut espagnol des migrations et des services sociaux) a mis en place le programme de vacances pour les seniors, qui offre aux retraités des forfaits de voyages ou de séjours à l’hôtel à prix réduit (200 € maximum pour 2 semaines en pension complète). Ce programme, unique au monde, permet à la fois de maintenir des emplois en utilisant par exemple des infrastructures hôtelières fermées en hiver, et d’améliorer la qualité de vie des retrai-tés. Moins de chômage, et plus de mariages !Ce programme à grand succès, ouvert aussi au Portugal et en Andorre, pour-rait s’étendre au Nord du Maroc. Ainsi, la visite de nos aînés à Tétouan, à Chaouen ou à Tanger inciterait leurs proches à venir découvrir la région. En cette période de crise, il est très important de dynamiser le tourisme de proximité, et ce sont de telles initiatives que nous voudrions explorer pour nos sociétés civiles.

tional est celui que nous avons signé avec l’Arabie saoudite.Il y a très peu de contrats au monde pour la haute vitesse. Nous soumissionnons pour la ligne qui reliera Saint-Pétersbourg à Moscou, et celle de Rio de Janeiro à São Paulo, d’où les visites de notre roi en Russie et au Brésil. Mais ce sont les Chinois qui pourraient l’emporter... Le marché américain présentera aussi de formidables opportunités, si le président Barack Obama fait le choix d’investir dans le secteur du train à grande vitesse.

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Sur les visas,Alberto NAVARRO

Tout d’abord, lors de la dernière haute commission mixte, nous avons signé un accord pour supprimer les visas sur les passeports de service marocains, délivrés aux hauts fonctionnaires, aux secrétaires généraux des ministères, aux députés et aux conseillers. Cette mesure, analogue à la suppression par l’Espagne des visas pour les passeports de service mauritaniens et algériens, s’applique déjà dans toute l’Union européenne, à l’exception de l’Allemagne et de la France. Elle sera effective dans quelques mois, après ratifi-cation parlementaire.Nous avons également signé un mé-morandum pour faciliter les procé-dures de délivrance des visas. C’est une mesure importante pour la socié-té marocaine, car nos sept consulats délivrent, à l’instar de la France, 150 000 visas par an. Ce mémoran-dum, signé à Rabat, engage l’Espagne à donner des visas de plus longue durée, de 3 à 5 ans selon les cas, à plusieurs catégories de personnes : les présidents des universités, les directeurs des hôpitaux, les officiers supérieurs de l’armée…

“Compte tenu du flux humain espagnol vers le Maroc qui n’a pas besoin de visa, est ce que les espagnols qui investissent dans l’immobilier au Maroc attendent d’avoir des cartes de séjour?!“

“Monsieur l’Ambassadeur, ma question concerne surtout votre ambition de faciliter le plus possible l’obtention des visas, en citant les hommes d’affaires de la CGEM comme référence.

Je souhaiterais faire inclure également le C.D.S. Parce qu’il y a beaucoup de membres du C.D.S qui ne sont pas à la CGEM Cce serait un encouragement de votre part au C.D.S pour obtenir une espèce de prime dans sa politique de solidarité et de citoyenneté.”

Thami GHORFIVice Président du CDS

Majid BOUTALEBVice Président du CDS

Quelques participants à la rencontre

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“Vous êtes le premier ambassadeur européen à vous être engagé sur des visas de cinq ans. Nous sommes un certain nombre à détenir des visas à entrées multiples, d’une obtention facile. Mais, pour la plupart d’entre nous, ils ont une durée de validité de quatre ans, contre 5 ans pour les passeports. Ce qui supprime le bénéfice de la cinquième année.

Les ambassadeurs mettent en cause l’Union européenne. Un ambassadeur devrait s’emparer de cette question, d’autant que les ressortissants des pays du Golfe peuvent bénéficier de visas de cinq ans. Ce double traitement vous semble-t-il pertinent ?”

Les consulats seraient prêts également à donner des visas de plus longue durée aux entrepreneurs dont la demande serait garantie par la CGEM. Toutefois, la libre circulation au sein de l’espace Schengen – l’Espagne ouvre non seulement la porte de son territoire, mais aussi les portes de toute l’Europe – implique une articulation des moyens afin d’éviter tout abus.

À la suite de la victoire électorale des islamistes au Maroc comme en Tunisie, un de nos partenaires Schengen a imposé une consultation préalable de ses autori-tés centrales pour toute demande de visa Schengen émanant des ressortissants marocains et tunisiens. D’où un rallonge-ment des délais de délivrance. Mais, aussi bien en France - où le ministre de l’Inté-rieur, lors de sa première visite au Maroc en juillet 2012, s’est engagé à alléger les pro-cédures administratives - qu’en Espagne, nous souhaitons faciliter la délivrance des visas. Nous envisageons même de donner un visa de trois ou cinq ans aux personnes qui multiplient les séjours en Espagne.

L’instauration de visas et de passeports biométriques, qui contiennent une photo et des empreintes numérisées (stockées dans une base de données européennes à Strasbourg), permet maintenant d’accor-der des visas de plus longue durée à ceux qui en font la demande.

Abdellatif BEL MADANIPrésident Délégué du CDS

Nezha LAHRICHI, M’hammed DRYEF

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Sur les visasAlberto NAVARRO

Quand tous nos consulats seront équi-pés pour délivrer les nouveaux passeports biométriques, nous pourrons alors donner des visas de cinq ans.

Afin de mettre en place ce mémorandum pour la facilitation réciproque des procé-dures de délivrance de visas, nous allons réunir à Rabat tous nos consuls généraux au Maroc. Participera à la réunion notre directeur général des Affaires consulaires, qui viendra de Madrid.

Mr l’Ambassadeur répond aux questions de l’assistance

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La nationalitéAlberto NAVARRO

Le Maroc, qui fait beaucoup d’efforts pour ouvrir de nouveaux consulats en Espagne, en a actuellement douze, qui prennent soin de la population marocaine en Espagne.Le premier en date est celui de Barcelone, en Catalogne, puis ont été successivement ouverts ceux de Tarragone, de Lleida et de Majorque (Mallorca). En 2013, il est prévu d’ouvrir deux consulats, l’un à Murcie (Murcia), où résident un bon nombre de Marocains, et l’autre dans le Nord de l’Espagne, dont le lieu exact n’est pas encore choisi.

Selon notre code civil, la nationalité espagnole n’est accordée aux Maro-cains qu’après dix ans de résidence en Espagne, contre deux ans pour les Latino- Américains. Ce n’est pas juste dans le sens où il y a également une présence espagnole forte au Maroc.Quelque 15 000 Marocains, nés au Sahara avant 1975, sont espagnols, et, chaque année, entre 20 000 et 50 000 Ma-rocains acquièrent la nationalité espagnole. Alors a été émise l’idée que l’Espagne, à l’instar du Portugal et du Royaume-Uni, pourrait accorder la résidence permanente à ceux - en fait, surtout des Russes et des Chinois - qui achèteraient un bien immo-bilier de 200 000 dollars (160 000 euros). Toutefois, il n’y a pas encore de projet de loi allant en ce sens.

L’Espagne a adopté une loi pour ceux qui ont des grands-parents espagnols. C’est ainsi que des centaines de milliers de personnes, vivant pour la plupart en Amérique latine, ont acquis la nationalité espagnole pendant la seconde législature de Zapatero.Enfin, pour répondre à votre question concernant les juifs séfarades d’origine espagnole, un nouveau processus s’est enclenché, qui devrait permettre à cer-tains d’entre eux d’obtenir la nationalité espagnole.

“Qu’en est-il de la réforme en Es-pagne pour donner la nationalité à tous les descendants des juifs séfarades chassés du temps d’Isabelle la Catho-lique ? Beaucoup d’entre eux se sont installés au Maroc et convertis à l’islam. Quelle est votre position à leur sujet ?”

Najib BENAMOURMembre du CDS

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“Monsieur l’Ambassadeur, je voudrais revenir sur votre intervention concer-nant l’espace saharien et la mission de Christopher Ross.Pour nous, l’espace saharien commence en Atlantique et finit au Nil. Il faudrait envi-sager le problème saharien sous cet angle. Or, chacun a son Sahara, véritable boîte de Pandore. Une petite anecdote à ce sujet. Nous avions, avec le ministère du Com-merce extérieur, ouvert un certain nombre de dispositifs pour sensibiliser les entrepre-neurs au Consortium d’exportation, qui a l’appui technique de l’ONUDI (Organisa-tion des Nations unies pour le développe-ment industriel). Or, lors d’une visite que nous avions projetée à Laâyoune pour ren-contrer les entrepreneurs, le représentant de l’ONUDI n’a pu nous accompagner en raison du problème des frontières, de la portion du Sahara rattachée au Maroc.De ce fait, comment envisagez-vous la mission de Christopher Ross au sein de cet espace ?”

Alberto NAVARRO

Tout d’abord, nous autres Espagnols avons conscience de ne pas avoir réalisé une bonne décolonisation au Sahara, peut-être en raison de la relation très forte que Fran-co entretenait avec le Maroc… En 1958, l’Espagne cède la bande de Tarfaya au Maroc. En 1969, elle restitue la région d’Ifni au Maroc.

La situation au Sahara occidental doit avoir sans doute beaucoup changé depuis 1975. Nous avons une école, le College de la Paz, qui continue d’enseigner l’espagnol, à un petit nombre d’élèves.

Nous appuyons les efforts de l’envoyé spécial de l’ONU pour le Sahara occiden-tal, M. Christopher Ross, afin que soit trouvée, dans le cadre des Nations unies, une « solution politique, juste et réaliste ».M. Ross propose de s’orienter vers « une charte diplomatique », selon ses termes, de faire des visites ponctuelles, en lieu et place de nouvelles réunions infor-melles, pour bien préparer le redémarrage des négociations.

Le secrétaire général des Nations unies, M. Ban Ki-moon, encourage le développe-ment de meilleures relations entre l’Algé-rie et le royaume du Maroc, qui est sans doute la clé du conflit au Sahara occidental (même si l’Espagne a sa part de responsa-bilité).Mais le développement économique du Sahara occidental passe avant la question politique. C’est ainsi que l’Union euro-péenne progresse d’abord dans le cadre de projets économiques, ce qui permet ensuite d’avoir un autre regard sur les problèmes politiques.En visite pendant trois jours à Laâyoune, Christopher Ross a multiplié les rencontres avec les autorités marocaines locales comme avec les chefs de tribus sahraouis, avec les défenseurs d’un Sahara adminis-

Sur la problématique du SaharaAbdellatif BEL MADANIPrésident Délégué du CDS

Mohcine JAZOULI, Thami GHORFI

Mohamed CHAIBI, Abdellatif BEL MADANI, Ali KETTANI

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tré par le Maroc comme avec les partisans de l’indépendance de la région. Dans sa présentation au Conseil de sécurité, Chris-topher Ross a préconisé un dialogue accru entre les parties en présence, notamment avec la société civile et les tribus sahraouies.

C’est l’atout du Maroc d’avoir permis cette visite en totale liberté, pendant laquelle l’envoyé spécial a pu rencontrer tous ceux qu’il a voulu voir, interlocuteurs officiels et représentants de la société civile.

CEUTA et MELILIA“Enfin, nous avons escamoté tous ensemble la question importante de Ceuta et de Melilla, que le roi Hassan II avait liée au statut de Gibraltar, établissant un parallèle entre ces trois villes : lorsque le gouverne-ment espagnol récupérerait la souveraineté sur Gibraltar, l’Espagne devrait automa-tiquement restituer Ceuta et Melilla au Maroc. L’Espagne a-t-elle évolué au-jourd’hui, ou reste-t-elle campée sur une vision un peu passéiste pour nos deux pays, qui constituera à un moment donné un abcès de fixation ?”

Abdellatif BEL MADANI

Alberto NAVARRO

Ville portugaise à la fin du 15e siècle, Ceuta devient espagnole un siècle plus tard, quand Philippe II d’Espagne est proclamé roi du Portugal. Elle le reste au 17e siècle bien que le Portugal ait recouvré son indépendance. Elle est devenue à la fin du 20e siècle ville autonome espagnole et fait partie de l’Union européenne.Aujourd’hui, j’essaye surtout de faciliter les contacts, et d’assurer la sécurité et la fluidité aux postes frontières. Les contacts des deux côtés et les passages sont plus faciles à Ceuta (qui ne relève pas du contrôle douanier européen) qu’à Melilla, laquelle a encore une douane datant du 19e siècle - le franchissement de la fron-tière de Melilla peut demander 3 heures. L’autoroute d’Oujda devrait aujourd’hui améliorer la circulation.En raison de la situation à Ceuta et à Melilla, nous n’avons pu profiter de la coopération transfrontalière encouragée par l’UE, qui vise à favoriser le dévelop-pement socio-économique des territoires. Plus de 200 millions d’euros, que nous n’avons pas pu dépenser ici, sont finale-ment partis en Ukraine, en Moldavie, à la frontière Est de l’Europe.Enfin, nous espérons que l’imagination sera au pouvoir pour le prochain cycle 2014-2020, afin que cet argent dont on a besoin arrive et contribue au tissage des relations entre nos deux pays.

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L’EuropeAlberto NAVARRO

Je suis pleinement d’accord pour aller dans la direction d’une Europe politique. L’Europe a commencé avec l’économie, instituant d’abord le marché commun de l’acier et du charbon, et tout cela s’est fait à petits pas. C’est la méthode commu-nautaire et c’est ainsi que l’Europe s’est construite.

Au début, la Seconde Guerre mondiale n’était autre qu’une guerre civile euro-péenne. Les deux guerres mondiales ont commencé en Europe, avant d’être expor-tées vers le reste du monde.

Après la fin de la Première Guerre, on a imposé à l’Allemagne le traité de Versailles, aux coûts si exorbitants qu’elle ne pouvait les payer. Ce qui a engendré le nazisme avec Hitler, et la Seconde Guerre mondiale.

L’après-Seconde Guerre mondiale a vu le marché français s’ouvrir à Mercedes-Benz, à BMW, à Audi, à toute l’industrie alle-mande, en échange de quoi l’Allemagne payait l’agriculture française. La politique agricole commune (PAC), créée en 1957 pour garantir l’autosuffisance alimentaire de la Communauté européenne et mise en place en 1962, a été l’un des fondements de la construction européenne. La PAC, qui représente aujourd’hui environ 40 % du budget communautaire européen, a permis à l’Europe de s’unifier et de s’épargner une nouvelle guerre. Quand l’Espagne intègre en 1986 la Communauté européenne, c’est un pays encore essentiellement agricole. L’Espagne est aujourd’hui le deuxième bénéficiaire des aides de la PAC.

La France, régime centralisé, avait éga-lement cherché à affaiblir l’Allemagne en lui imposant un régime régional ou fédéral - elle pensait que cela amoindri-rait le pays. En réalité, les pays d’avenir sont les pays régionalisés, qui permettent la libération des énergies, la prise de

Je ne poserai pas de questions sur les relations bilatérales, parce que les conditions objectives sont là, ainsi que les diktats de la géographie et de la conjoncture. Mais il faut rappeler une évidence, c’est que l’Espagne fait par-tie de l’Europe, et que celle-ci est en crise. Quelles que soient les thèses, certaines déclinistes, d’autres optimistes, cette construction pose des problèmes parce qu’on a créé une monnaie sans État et que l’aboutissement logique de l’Europe serait le fédéralisme.

Quelle est votre lecture et votre appréciation d’une Europe à deux vitesses ?

Le rythme pour arriver à ce fédéra-lisme budgétaire peut-il être maîtrisé à la lumière des opinions publiques et surtout des parlements régionaux, ce qui fait beaucoup de monde à mettre d’accord ?

Malgré des relations bilatérales certes importantes, notre sort est lié à l’Europe. Quel que soit l’effort de diversification que nous avons fait, nous sommes dans cet espace européen. Cela me donne l’occasion de vous demander ce que vous pensez de l’Union pour la Méditerranée.

Partagez-vous l’idée dominante du moment - une Union de projets - en faisant abstraction du verrou politique ? Est-ce possible ?

Nezha LAHRICHIMembre du CDS

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décision au plus près des gens... C’est ce qui se passe aux États-Unis, au Brésil, en Allemagne et en Espagne.L’objectif final doit être une Europe poli-tique. Mais, lorsqu’on avance, on touche les noyaux durs… Par exemple, permettra-t-on un jour que la force de frappe française puisse être appuyée par un non-Français ?

De même, le Conseil de sécurité de l’ONU, en charge du maintien de la paix, va-t-il conserver sa composition actuelle, faite de quinze membres ? On connaît les cinq membres permanents, dits « p. 5 » ou Per-manent Five, qui ont un droit de veto sur les décisions : ce sont la Chine, la Russie et les trois membres permanents occiden-taux, ou « p. 3 », à savoir les États-Unis, le Royaume-Uni, la France. Des projets de résolutions sont étudiés au sein du Conseil, qui comprend aussi dix membres non per-manents, élus pour deux ans. C’est ainsi que le Maroc a un mandat pour la période 2012-2013.

Si l’Allemagne dit vouloir une Europe plus politique, il nous manque à tous cette vision de l’Europe. Rappelons que la ra-tification du traité constitutionnel euro-péen - qui devait faire avancer l’Europe politique- a été repoussée par les Français lors du référendum du 29 mai 2005. Après ce « non » à la Constitution européenne a été lancée l’idée d’une Europe des projets, soutenue par Catherine Colonna, alors en France ministre déléguée aux Affaires européennes (2005-2007) : une Europe qui doit répondre aux préoccupations des citoyens par des politiques plus concrètes, plus efficaces.Mais comment fera-t-on l’Europe des pro-jets si nous n’adoptons pas un projet pour l’Europe ? Il nous faut une Europe poli-tique, alors que l’Union européenne res-semble à un système à la carte : pick and choose, « prenez ce qui vous intéresse ». Probablement, les Nordiques en sont le meilleur exemple.La Norvège n’a pas intérêt à partager son poisson, ni son gaz ; alors elle a décidé de rester en dehors de l’Union européenne.

Mais elle a besoin des États-Unis ; alors elle fait partie de l’OTAN. La Suède, elle, ne veut pas entrer dans l’OTAN, parce que cela ne l’intéresse pas et qu’elle veut rester neutre. Elle a intégré l’Union européenne, mais elle refuse l’euro, car elle veut sim-plement avoir accès aux grands marchés, comme les Britanniques, pour pouvoir faire du commerce ; elle ne veut pas de politique commune. La Finlande, comme la Suède, n’adhère pas à l’OTAN, qui ne lui assurerait pas la sécurité contre les Russes. En revanche, à la différence de la Suède, elle veut l’euro. Le Danemark a rejoint l’OTAN comme la Norvège, fait partie de l’Union européenne mais n’a pas adopté l’euro. Chacun prend ce qu’il lui plaît.

Sans les Britanniques, qui souhaitent conserver le contrôle de leurs frontières, les Européens ont assuré la libre circula-tion des personnes, des biens, des services, des capitaux à l’intérieur de « l’espace Schengen », qui comprend aujourd’hui 26 États membres. Les premiers à rati-fier la convention de l’accord Schengen ont été les six pays fondateurs de l’Europe (France, Allemagne, Benelux, Italie), puis l’Espagne et le Portugal. On peut ainsi es-timer qu’il y a un noyau dur de pays qui souhaitent avancer sur le chemin d’une Europe politique : les six pays fondateurs, qui continuent à se réunir toujours en tant que tels et à différents niveaux ; et probablement le Portugal et l’Espagne, qui participent à toutes les politiques. Nous

Tarafa MAROUANE, Omar ESSAKALLI HOUSSAINI, Majid BOUTALEB

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voulons l’euro, nous voulons la cohésion, nous voulons l’environnement, la pêche, l’agriculture, etc.Je ne suis pas un adversaire de l’Europe à deux vitesses, s’il y a toujours ce noyau dur qui progresse. D’autres suivront, à leur rythme. Sauf peut-être les Britanniques, qui ne conçoivent l’Europe que comme un grand marché - qu’ils continuent à nom-mer « marché commun » et non « Union européenne ».

À cette nouvelle dénomination d’« Union européenne », je préfère certes l’ancien mot de « Communauté européenne », qui respecte la personnalité de chaque pays. L’objectif est de partager des valeurs, non de tout unifier.

L’Europe se porte mal actuellement. Si l’Europe avait une vision, elle com-mencerait à exporter la prospérité vers ses voisins, en commençant par le Maroc, qui avait demandé l’adhésion à l’Union européenne sous Hassan II (en 1986). Nous aurions tout intérêt à élargir au Maroc la politique agricole commune, la politique des cohésions, les programmes d’échanges européens tels qu’Erasmus, parce qu’ils assurent notre stabilité.

Il serait souhaitable par exemple que des fonds agricoles européens aillent au Maroc. Cela ferait monter les revenus de nos agriculteurs et baisser la concurrence. Ces fonds amélioreraient la politique des infrastructures au Maroc, ce qui profiterait indirectement à la France et à l’Espagne.

Et l’Europe, qui en ces temps de crise en aurait besoin, profiterait ainsi d’un pour-tour de prospérité.Je m’entretiens souvent avec M. Charles Fries, nommé ambassadeur de France au Maroc à la toute fin du mandat de Nicolas Sarkozy. Il poursuit sa tâche sous la pré-sidence plus calme de François Hollande, ce qui ne peut être que bénéfique pour le Maroc. Moi-même, secrétaire d’État à l’UE lors du premier gouvernement de M. Zapa-tero, j’ai été nommé par M. Zapatero lors de son second mandat, et confirmé dans mes fonctions d’ambassadeur au Maroc par le gouvernement de M. Rajoy, que j’apprécie beaucoup.

Mohamed Ali GHANNAM, Fathia BENNIS

Najib BENAMOUR, Rachid AGOUMI, Nezha LAHRICHI, Abdelaziz RAMADANE

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J’ai proposé à Charles Fries d’ouvrir à Oujda notre école bilingue, franco- espagnole, parce que c’est l’intérêt des Marocains d’avoir de telles écoles. Nous avons des bâtiments, mais je n’ai pas en ce moment de moyens pour l’ouvrir et enga-ger des professeurs.

J’ai donné à Charles Fries les documents préliminaires concernant toutes les négo-ciations sur les visas et le mémorandum.

La France, qui manifeste un grand inté-rêt pour la collaboration policière entre l’Espagne et le Maroc - lesquels ont ouvert deux commissariats conjoints, à Tanger Med et à Algésiras -, participera au poste de police conjoint d’Algésiras. D’autres États membres ont demandé à partager cette expérience et à travailler avec nous dans ces commissariats.

Farida MOHA, Othman Chérif ALAMI, Mohamed TAMER, Thami GHORFI, Rachid AGOUMI, Karim AMOR, Jawad KERDOUDI, Abdeljalil GREFFT ALAMI, Abdelhafid El FASSY

Nabila BERRADA, Mehdi QOTBI, Karim BAINA, Waleed AL FEHAID, Ali GHANNAM

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L’idée formulée par M. l’Ambassadeur, à savoir que l’Espagne a intérêt à avoir un pays voisin stable comme le Maroc, m’a frappée. Les deux royaumes voisins partagent une situation stratégique : le Maroc est l’entrée naturelle de l’Afrique, et l’Espagne, l’entrée naturelle de la Commu-nauté européenne. Cela me rappelle le mot de Clemenceau, selon lequel on peut tout changer sauf la géographie.

L’Afrique connaît en ce moment une grave crise au Mali. Le véritable problème est celui des populations touareg, qui vivent au Mali, mais aussi au Burkina Faso, au Niger et en Algérie. Depuis les années 1960 et l’indépendance du Mali sous la prési-

dence de Modibo Keita, ces populations ont connu des révoltes et ont demandé leur indépendance. Aujourd’hui encore, on essaye de revenir sur l’unité du Mali. Cette situation ne vous rappelle-t-elle pas l’histoire du Sahara ? Acceptez-vous ce qui se passe au Sahara ? Souvenez-vous des massacres de milliers de Touareg (maliens comme algériens), perpétrés par l’armée malienne : le gouvernement algérien avait en effet autorisé celle-ci en 1963-1964 à poursuivre les rebelles sur son territoire. Acceptez-vous le déplacement de dizaines de milliers de Touareg ?Alors, Monsieur l’Ambassadeur, compte tenu de cette situation, et puisque l’Espagne, comme toute l’Europe, a intérêt à avoir une stabilité sur son flan Sud, ne devrions-nous pas réfléchir à une grande région et tâcher de régler le problème du Sahara, puisque les micro-États ne sont pas viables ? Ils ne sont source que de nuisance, de trafic, d’armement et de terrorisme.

L’Espagne est-elle en mesure d’apporter son appui avant une intervention dans la région qui serait un terrible désastre ? Nous voulons vraiment avoir une région de paix, car on sait quand on commence une guerre, mais on ne sait jamais quand on la finit. En atteste l’exemple de la Libye.

Farida MOHAJournaliste

La situation au Mali

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La situation au Mali et au Sahel nous préoccupe tous, ici au Maroc, aux Na-tions unies, en Europe, en Espagne… Le wministre espagnol de la Défense est venu à Rabat assister à la 8e réunion des ministres de la Défense des pays membres de l’ini-tiative « 5 + 5 Défense » ; il s’est entretenu de cette question avec son homologue marocain, avec le général Abdelaziz Bennani, et avec le chef du gouvernement M. Abdelilah Benkirane.

Vous avez raison de souligner l’intérêt de la stabilité dans la région et la nécessi-té d’éviter qu’AQMI puisse profiter de la déstabilisation qui a suivi le Printemps arabe. Il y a trop d’armes dans la région depuis la chute de Kadhafi.

La France a toutefois une position plus radicale : elle veut intervenir le plus vite possible. Mais tous les échos que nous avons, de l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies, de l’Union européenne qui a nommé un envoyé spécial pour le Sahel, du général Bennani côté marocain, sont des mes-sages de prudence. Le Mali possède un très grand territoire, qui fait plusieurs fois la France ou l’Espagne, il est vrai peu peuplé.

Or, l’Union européenne a décidé, et l’Espagne se place dans ce même contexte, d’essayer d’abord dans le Nord de séparer « les bons des mauvais » - d’un côté AQMI, et de l’autre les gens avec qui on peut s’entendre.

Il faut aussi travailler avec Bamako à la stabilité du gouvernement malien, rela-tivement fragile. Par ailleurs, il faut former l’armée malienne, et l’Espagne prendra

sa part. Enfin, il est impératif de former l’armée de la CEDEAO, qui doit intervenir au Mali.

Il n’y aura pas d’intervention européenne, sauf un support logistique minimal, concernant le transport, le renseignement, l’équipement. Cette tâche est celle de l’Espagne, de l’Union européenne et des Nations unies.

Vous avez tout à fait raison de dire que sans doute ce type de question, ainsi que la situation au Sahara, trouveraient une meilleure solution dans un contexte régio-nal plus large. On se heurte toujours au problème de la frontière entre le Maroc et l’Algérie, fermée depuis 1994. Cette fermeture, qui a trop duré, menace notre stabilité et la vôtre également.

Un contexte régional permet plus faci-lement de trouver des solutions aux problèmes. Lorsque nous avons adhéré avec le Portugal à l’Union européenne, nous avions des problèmes de voisinage.

Au sein de l’Union, il a été plus simple de discuter. De même, dans le cadre du cycle de conférences à Al Hoceima sur la coo-pération de nos deux pays, nos deux mo-narchies devraient dépasser les questions de souveraineté, qui parfois excitent trop nos opinions publiques ou les hommes politiques.

À Gibraltar aussi, un dialogue entre le Royaume Uni et l’Espagne a permis de résoudre des problèmes concrets. C’est dans cette optique qu’on doit travailler, et pour cela, il faut beaucoup de contacts et d’intérêts mutuels.

Alberto NAVARRO

La situation au Mali

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M. l’Ambassadeur a présenté l’état des lieux et les perspectives. On se réjouit de voir le chemin parcouru. Avant l’entrée de l’Espagne dans la Communauté écono-mique européenne, les oranges marocaines étaient exportées en franchise de droits de douane sur le marché commun alors que l’Espagne était le pays des droits de douane. On allait en Espagne pour parler du Maroc ; on survolait l’Espagne pour aller en France, et il a fallu des années pour rattraper cette méconnaissance.

Depuis son entrée dans l’Union euro-péenne, l’Espagne a montré une dyna-mique remarquable, que nous avons tous suivie avec admiration. L’Espagne nous a surpris par son modèle de développement rapide, même si dernièrement celui-ci a montré ses faiblesses, notamment avec la bulle immobilière.

Nous aussi avons franchi des étapes impor-tantes. Le Maroc a complètement changé de visage ces quinze dernières années ; en témoignent sa modernisation, ses infras-tructures, sa nouvelle culture de travail, comportant des visions stratégiques et des plans de développement sectoriels, etc. Ce sont les accords avec l’Union européenne, le libre-échange et la libéralisation du commerce qui ont forcé les entrepreneurs à se remettre en question, à revoir leur pro-ductivité et leur compétitivité. Le Maroc aussi a donc fait un parcours immense en l’espace de quinze ans, avec l’objectif de

créer un environnement compétitif et attractif pour l’investissement.Nous ne pouvons que nous réjouir de l’état actuel de nos relations, si denses que nous sommes devenus les premiers partenaires de l’Espagne. Maintenant, il faut inves-tir en qualité. Il n’y a pas beaucoup de grandes entreprises espagnoles au Maroc. On a évoqué Santander, mais elle a au-jourd’hui une position tout à fait symbo-lique dans Attijariwafa bank, et Telefonica a quitté notre pays. Il y a donc un travail important de rattrapage à faire.

Si la régionalisation espagnole exige de « libérer les énergies » selon votre expres-sion, nous visons ce même objectif dans nos relations, qui doivent être de qua-lité, profondes, intenses – et se situer à un niveau stratégique, d’abord au plan de la société civile, où existent encore des stéréotypes. En Espagne, la société civile est très importante et, au Maroc, elle s’est aussi beaucoup développée.

D’une part, il conviendrait de multiplier les points d’ancrage entre nos différentes ONG, ainsi que les relations entre des segments ayant les mêmes intérêts et les mêmes préoccupations. D’autre part, il faudrait placer nos relations sous l’éclai-rage des grands défis qui se posent à nos deux pays et à la région tout entière : ceux de la sécurité, de l’eau, de l’énergie, de l’alimentation, de la santé et du savoir... Replaçons ces défis dans le contexte régio-nal, avec nos atouts et nos complémentari-tés ; nous entrerons alors dans une relation qualitative, d’autant que tous ces secteurs recèlent des opportunités économiques immenses.

Le Maroc investit dans le domaine du savoir. Al Qaraouiyine , après sa fonda-tion au 9e siècle, était devenue l’une des premières universités au monde. Aujourd’hui, le projet d’université eu-ro-méditerranéenne de Fès renouvelle cette ambition. Calquée sur le modèle

Saâd KETTANI Président du comité d’affaires Marocco-Espagnol

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Monsieur l’Ambassadeur, je vous félicite et je suis très heureux de voir pareille den-sité de relation entre l’Espagne et le Ma-roc. Pour ceux qui introduisent toujours cette espèce de compétition entre les deux vraies nations les plus proches du Maroc, la France et l’Espagne, j’aurai tendance à répondre qu’il faut les considérer comme les très proches parents du côté paternel et du côté maternel, et qu’on ne doit pas choisir entre son père et sa mère.

J’ai passé treize ans en France, et, pen-dant une dizaine d’années, j’ai traversé l’Espagne pour me rendre au Maroc. Et, chaque fois que j’arrivais en Andalousie, je regardais le territoire et j’imaginais les mêmes autoroutes se construire au Maroc.Quelle que soit la crise que traverse l’Espagne, je suis extrêmement optimiste pour des pays comme le vôtre, fondés sur l’accueil et sur le métissage des cultures, qui porte les civilisations à leur plus haut

des grandes universités nord-américaines, elle va s’investir principalement dans les sciences, les nanotechnologies, et dans tous les autres domaines précités (santé, eau, énergie, etc.). Des partenariats sont déjà bien engagés avec les plus grandes univer-sités dans le monde - espagnoles, françaises (Polytechnique, Centrale, etc.), et améri-

degré. Mon rêve pour ce pays, c’est que l’on retrouve la splendeur de l’esprit de l’Anda-lousie, qui a perduré pendant des siècles et a connu son apogée au 10e siècle, avec la rencontre des peuples, le métissage, la tolé-rance des religions, la coexistence pacifique et fraternelle, le raffinement qui est celui des villes du Maroc, de ses médinas, et de son architecture. C’est ce qui a fait la terre d’Andalousie, même s’il y eut aussi des ap-ports berbères, orientaux, arabes, etc. La relation entre l’Europe et le Maroc, qui se manifeste notamment par les échanges entre les jeunes et par le rapprochement des parlementaires, se situe à mi-chemin entre l’association et l’adhésion.

Quant aux relations spécifiques qu’entre-tiennent le Maroc et l’Espagne, le Maroc et la France, ne se trouvent-elles pas, au niveau des ambassadeurs, dans une sorte de coordination ? Voire de « coopétition », c’est-à-dire de coopération et de compéti-tion en même temps, entre les deux puis-sances vis-à-vis du Maroc ?

caines comme Stanford.

C’est un projet très ambitieux : l’univer-sité accueillera à terme 6 000 étudiants issus des pays de la zone euro-méditer-ranéenne, et s’organisera autour d’une co-diplômation avec les meilleures institu-tions euro-méditerranéennes partenaires.

Brahim BENJELLOUN TOUIMI Membre du CDS

Joël SIBRAC, Hicham LARAQUI, Karim BAINA

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Je suis venu avec l’idée que le Maroc était à l’Espagne ce que l’Algérie était à la France, car j’avais l’impression que les Espagnols du Maroc n’avaient pas encore fait le deuil des relations antérieures. Mais, après avoir écouté M. l’Ambassadeur, je me rends compte que ma vision était exagérée ; les choses sont en train de changer.

J’étais resté sur cette impression d’incom-préhension, décrite par M. Saâd Kettani, que nous ressentions quand nous allions en Espagne dans les années 1990 et 2000 ; sur ce regard négatif que portait sur nous la population espagnole en général, y com-pris nos interlocuteurs dans le domaine économique.

L’intervention de M. l’Ambassadeur m’a rendu beaucoup plus optimiste sur les rela-tions entre le Maroc et l’Espagne ; j’espère que ce n’est qu’un début et qu’elles vont s’approfondir.

Quant au rocher d’Al Hoceima (évoqué par M. Othman Alami), que le Maroc dispute à l’Espagne, on fera un grand pas en avant quand on aura substitué la confiance à la méfiance - d’abord en tissant des relations économiques, puis en les prolongeant au le plan politique.

Je me souviens aussi de la déclaration naïve que m’avait faite un ami au retour

de ses vacances en France, alors que nous étions élèves en 1954-1955 au lycée mixte de Fès, qui accueillait beaucoup de Français et quelques Marocains : l’Espagne, me disait-il, aurait tiré avantage à être colonisée aussi par la France. Il pensait que la colonisation du Maroc avait entraîné un certain nombre de progrès économiques, dont l’Espagne avait besoin. Mais, au vu des progrès réalisés depuis par l’Espagne, la célérité du développement économique et social est frappante. Il y a des avancées certaines dans beaucoup de domaines, et l’Espagne aujourd’hui est à l’avant-garde du développement social par rapport à nombre de lois et de questions que l’on discute encore en France.

Le CDS vise à faciliter la prise de déci-sion des hommes politiques, en étudiant un certain nombre de dossiers difficiles. Profitons de l’expérience espagnole pour faire avancer quelques-uns de nos chan-tiers au Maroc, prenons exemple sur nos amis ou nos frères espagnols, car nous avons tous un peu de sang arabe ou an-dalou dans les veines. Le CDS peut faire des propositions touchant à la régionalisa-tion, à l’enseignement préscolaire ou aux villes nouvelles : ce sont des domaines où l’Espagne a fait beaucoup de progrès - et aussi des erreurs, que nous pourrions ainsi éviter. Pour le CDS, il y a un large champ de coopération avec l’Espagne.

Hassan CHAMIMembre du comité du CDS

Hassan CHAMI et Mohamed Ali GHANNAM

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