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N°6 - MARS 2013 MUNICH ET LE RÔLE DE SES UNIVERSITÉS POUR LA VILLE ET LA RÉGION Synthèse de la conférence - débat du 17 janvier 2013 à la Maison Européenne des Sciences de l’Homme et de la Société (MESHS) L’enseignement supérieur et la recherche, et plus généralement la société de la connais- sance, constituent des enjeux majeurs du développement des métropoles. C’est donc logi- quement que le diagnostic du SCOT de Lille Métropole en souligne l’importance, comme c’est le cas dans les stratégies de nombreuses grandes villes. On peut citer Barcelone, Lyon et Manchester où, au tout premier rang des axes de développement, figurent la société de la connaissance et le développement de l’université, ainsi que l’innovation qui leur est liée. L’idée que cet enjeu revêt un caractère stratégique et transversal est partagée au sein de l’Atelier Campus, qui réunit notamment l’Equipe Campus Grand Lille, Lille Métropole Communauté urbaine, l’Agence de développement et d’urbanisme de Lille Métropole, et les principales communes et institutions d’enseignement concernées. C’est dans cet atelier qu’est née l’idée de demander à des personnalités qui ont contribué au projet d’autres terri- toires, en France ou ailleurs en Europe, de venir apporter le témoignage de leur expérience en ce domaine. PROPOS INTRODUCTIFS L’Université au cœur du projet du territoire Didier Vancutsem est urbaniste et enseigne dans les Universités de Munich, de Bruxelles et de Lille. Il est par ailleurs directeur du bureau de liaison européen d’ISOCARP, l’association internationale des urbanistes. Il vient partager son expérience du modèle allemand et plus particulièrement du cas exemplaire de Munich où il réside et exerce.

MARS 2013 - Agence de développement et …...des sciences appliquées (1971). En 2010-2011, Munich comptait près de 98000 étudiants dont 14% sont d’origine étrangère, pour une

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N°6 - MARS 2013

MUNICH ET LE RÔLE DE SES UNIVERSITÉS POUR LA VILLE ET LA RÉGIONSynthèse de la conférence - débat du 17 janvier 2013 à la Maison Européenne des Sciences de l’Homme et de la Société (MESHS)

L’enseignement supérieur et la recherche, et plus généralement la société de la connais-sance, constituent des enjeux majeurs du développement des métropoles. C’est donc logi-quement que le diagnostic du SCOT de Lille Métropole en souligne l’importance, comme c’est le cas dans les stratégies de nombreuses grandes villes. On peut citer Barcelone, Lyon et Manchester où, au tout premier rang des axes de développement, figurent la société de la connaissance et le développement de l’université, ainsi que l’innovation qui leur est liée.

L’idée que cet enjeu revêt un caractère stratégique et transversal est partagée au sein de l’Atelier Campus, qui réunit notamment l’Equipe Campus Grand Lille, Lille Métropole Communauté urbaine, l’Agence de développement et d’urbanisme de Lille Métropole, et les principales communes et institutions d’enseignement concernées. C’est dans cet atelier qu’est née l’idée de demander à des personnalités qui ont contribué au projet d’autres terri-toires, en France ou ailleurs en Europe, de venir apporter le témoignage de leur expérience en ce domaine.

PROPOS INTRODUCTIFS

L’Université au cœur du projet du territoire

Didier Vancutsem est urbaniste et enseigne dans les Universités de Munich, de Bruxelles et de Lille. Il est par ailleurs directeur du bureau de liaison européen d’ISOCARP, l’association internationale des urbanistes. Il vient partager son expérience du modèle allemand et plus particulièrement du cas exemplaire de Munich où il réside et exerce.

Page 2: MARS 2013 - Agence de développement et …...des sciences appliquées (1971). En 2010-2011, Munich comptait près de 98000 étudiants dont 14% sont d’origine étrangère, pour une

L’enseignement allemand, entre Fédération et LandL’Etat fédéral s’attèle à fixer les grandes orientations de l’enseigne-ment supérieur. Les Länder, au nombre de 16, disposent ensuite d’une grande indépendance dans ce domaine. La réunion de la conférence scientifique des ministres de l’éducation des Länder et du conseil scientifique, permettent à l’Etat fédéral et aux Länder de coordonner leurs actions. Plusieurs réformes ont été menées ces dernières années au niveau fédéral :- Le pacte des écoles supérieures en 2020, qui vise à augmenter les capacités d’accueil des universités de 20%. - Les initiatives d’excellence, en faveur de la recherche de pointe, - Le pacte pour la qualité de l’enseignement, - Le pacte pour la recherche notamment à destination des institu-tions partenaires.Au total, en 2013, 13 milliards d’euros seront dépensés par l’Etat fédéral. Il faut préciser qu’en Allemagne, chaque étudiant bénéficie d’une bourse d’étude de 200 euros par mois.

L’Université, atout face au défi démographiqueFaisant face à de forts mouvements démographiques, l’Etat fédéral tente d’atténuer ces flux en développant des programmes univer-sitaires attractifs. L’Allemagne de l’est, à l’exception de Berlin, se dépeuple en faveur de l’ouest et du sud, qui connaissent des afflux massifs.

La Bavière, une région prospèreDans ce contexte, Munich, située dans le plus vaste land du pays, la Bavière, connait une grande prospérité. Le PIB par personne est élevé (33 897 € en Bavière, 53 166 € à Munich), le taux de chômage est faible (3,7% en Bavière et 4,2% à Munich - chiffres de 2012).

Munich offre un cadre attractif, notamment grâce à la proximité de la montagne. Très tôt orientée vers la connaissance, la région n’a connu d’implantation d’industrie lourde que tardivement, préservant ainsi ses paysages.Cependant, Munich et la Bavière connaissent une certaine rivalité entre elles, notamment lié à un clivage politique. La ville s’inscrit dans une longue tradition sociale-démocrate tandis que le Land est historiquement conservateur.

Munich, une ville de tradition universitaire Ville universitaire depuis le XVe siècle, Munich dispose aujourd’hui de trois universités, formant un trio intégré au tissu urbain : l’Univer-sité de Munich (1472), l’université technique (1868) et l’université des sciences appliquées (1971). En 2010-2011, Munich comptait près de 98 000 étudiants dont 14% sont d’origine étrangère, pour une population totale de 1,4 millions d’habitants.

Un dense réseau d’entreprises, liées à la rechercheLa prospérité de la région s’est notamment bâtie sur les liens forts entre les entreprises et la recherche. La région peut compter sur la présence de nombreux sièges sociaux d’entreprises orientées vers la haute technologie, parmi lesquelles Eurocopter, Siemens, Roche, BMW, Bosch… 1 595 millions d’euros : c’est la valeur ajoutée générée par ces acti-vités de recherche dans la métropole. Soit plus de 33 000 emplois directs, dont plus de 24 000 dans la seule ville de Munich et 25 500 emplois indirects. Les dépenses annuelles pour la rémunération des chercheurs s’élèvent quant à elles à 2,3 milliards d’euros.

Des clustersLa recherche, concentrée en ville comme les universités, est orga-nisée en plusieurs clusters : la mobilité, l’ingénierie des nanotechno-logies et de la chimie, l’environnement, l’électronique et les services et médias. Ces clusters sont menés par les universités en associa-tion avec de grands groupes, tels que BMW pour la mobilité.

De l’émergence des campus, Tout en maintenant leur implantation dans le centre munichois, les universités ont créé trois campus en périphérie de la ville, entre 1960 et 1990. Délocalisé pour des raisons de sécurité, le 1er campus à Garching fut le centre de recherche nucléaire, qui s’est développé à 15km de Munich. Puis ont suivi en 1973, le campus de biotechno-logie, combiné avec l’hôpital universitaire, en 1973, à Grosshadern et enfin, en 1975, le campus de bio ingénierie, à 30 kilomètres de Munich, à Freising-Weilhenstephan

…aux opportunités du renouvellement du centre-villeCette décentralisation de sites a permis de limiter la pression sur le marché du logement. Les emplacements libérés par l’université en centre-ville ont permis l’implantation de nouveaux équipements, contribuant ainsi au renouveau de la ville : le musée d’art moderne, le musée d’art Egyptien et l’implantation de l’université dédiée à la télévision et aux médias.

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L’Université, partie prenante de la nouvelle stratégie urbaineDès 1998, la ville a défini une stratégie de développement urbain, lié à un dialogue intensif avec les acteurs concernés par le devenir de la ville. Parmi les grands principes constituant cette stratégie, deux concernent plus particulièrement l’université faisant d’elle, l’un des interlocuteurs privilégiés de la ville : « Munich, ville de la connais-sance » et la « création d’une structure urbaine orientée vers le futur par un développement vers l’intérieur qualifié - compact, urbain, vert ».

Munich, ville de la connaissanceDès 2000, les transferts d’établissements vers la périphérie sont stoppés. Si les campus ont d’abord eu quelques effets positifs, leur développement ne permet pas des conditions favorables pour l’ac-cueil de la « classe créative », constitutive de la ville de la connais-sance. Les campus présentent des handicaps : la qualité des espaces, l’accessibilité aux transports en commun… La nouvelle stratégie urbaine pour l’université se traduit spatiale-ment en trois strates : un campus urbain concentré, en cœur de ville ; un boulevard de la science, dans la 1ère couronne ; un clus-ter suburbain, dont les sites sont connectés par les transports en commun.

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299, Boulevard de Leeds - 59777 EURALILLET. : (33) 03 20 63 33 50 - F. : (33) 03 20 63 73 [email protected] - www.adu-lille-metropole.org

Directeur de publication : Thierry BaertRédaction : Cécile FéruPhotos : D. Leblond, Université de Strasbourg, P. DisdierMaquette : Jean-François BreitenbachImpression : AD Concept

En partenariat avec

Des relations étroites avec les universités transfrontalières Comparant la situation munichoise avec la situation lilloise, Céline Scavennec, de LMCU, s’interroge sur l’étendue territoriale et la nature des relations de l’université munichoise avec les établissements d’en-seignement supérieur, notamment transfrontaliers. Didier Vancutsem précise que le réseau présenté lors de l’exposé est constitué d’universités régionales parmi lesquelles : Rosenheim, Deggendorf ou encore Salzburg en Autriche. Ce réseau, formalisé par des conventions, est sollicité au quotidien. Les établissements accueillent mutuellement des cours de façon à favoriser l’interdisciplina-rité. En parallèle, l’Université est impliquée dans les réseaux européens.

L’université comme dynamiseur de l’image de la ville Hélène Hoffmann, du conseil général du Nord, demande quels ont été les éléments qui ont motivé la mutation du jeu d’acteurs vis-à-vis de l’université : la vie étudiante, l’image de la ville ?En lien avec son projet stratégique de ville de la connaissance, la ville considère comme indispensable la présence de l’université et des étu-diants en ville. Elle les considère comme indispensable à l’image de la ville et garantissant une certaine animation. La ville souhaite ainsi maintenir la connexion entre l’urbain et les étudiants. Plus concrète-ment, il a été nécessaire de convaincre le Land de maintenir l’univer-sité en ville. Propriétaire du bâti, celui-ci a un intérêt financier manifeste à repousser les universités en périphérie. Afin d’assurer le maintien de l’université en ville, et ses besoins d’extension, la ville mobilise ses compétences en matière d’urbanisme : permis de construire et droit de préemption en sa faveur.

L’attrait de l’université en villeRépondant à Karel Debaere, de Leiedal, qui se questionne sur la posi-tion de l’université vis-à-vis de cette stratégie, Didier Vancutsem pré-cise qu’étudiants et professeurs y sont favorables, la ville offrant un cadre de vie jugé plus attractif que celui des campus. Hélène Hoffmann, met alors en lumière la différence de stratégie des métropoles munichoise et lilloise. Munich, si elle ne peut réimplanter ses campus périphériques en ville, tente pour le moins de maintenir et de développer leur présence dans la ville, dans des quartiers pres-tigieux. Lille, quant à elle, implante des universités dans des quartiers nécessitant un renouvellement urbain, une redynamisation, tels que la

ville de Roubaix ou le quartier de Moulins à Lille. La stratégie mise en œuvre est ainsi distincte.

La cohabitation réussie avec le logement étudiantLa question du logement étudiant et plus particulièrement de la coha-bitation de la vie estudiantine avec la ville interpelle Thérèse Lebrun, vice rectrice de l’Institut Catholique de Lille. Didier Vancutsem explique que le logement munichois n’étant pas bon marché, les étudiants se regroupent en colocation dans de grands appartements. Le Land a aussi constitué une offre de logements au sein des campus. Le vil-lage olympique, réalisé en 1972, a également été ensuite investi par les étudiants.Il existe, en gestation, un projet de Student Home : l’implantation de logement étudiant dans des containers, installés sur des friches, de façon à procurer des solutions de transition. Cette offre s’adresserait notamment aux étudiants étrangers, le temps de trouver un logement plus durable. Malgré la présence massive d’étudiants dans le centre, la ville ne souffre pas de réels débordements. La culture locale, empreinte de régulation sociale, suffit à une bonne cohabitation.

La connexion des campusEdouard Fleury, de LMCU, s’interroge sur les connexions des campus avec les réseaux de transports, notamment sur l’implantation des sites périphériques : ont-ils été implantés en fonction du réseau existant ou ont-ils contribué à le développer ? Si la logique allemande aurait voulu que le réseau préexiste, cela n’a pas toujours été le cas. La création de campus a parfois nécessité des aménagements ; ce fut ainsi le cas pour le campus de Garching, où le métro a été implanté a posteriori et plutôt tardivement.

Le soutien à la rechercheLille métropole disposant de la compétence recherche, Loic Laroche, s’interroge sur les outils mis en œuvre à Munich pour apporter son soutien à la recherche et au développement des clusters. Didier Vancutsem indique que la ville favorise la proximité physique des sites de recherche avec les universités au travers des permis de construire qu’elle délivre. Des bureaux inoccupés sont également mis à disposi-tion des Start-up.

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