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Marx

idéesreçues

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MarxYvon Quiniou

Arts & Culture

E D I T I O N S

idéesreçues

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Yvon Quiniou

Agrégé de philosophie, Yvon Quiniou a été longtemps profes-

seur en classes préparatoires aux grandes écoles. Auteur de

plusieurs ouvrages, dont une thèse remarquée sur Nietzsche,

son travail vise à élaborer une théorie matérialiste de la morale.

Il publie de nombreux articles et a participé à diverses émis-

sions de France Culture. Il est membre de la rédaction de la

revue Actuel Marx.

Du même auteur

– Problèmes du matérialisme, Méridiens-Klincksieck, 1987

– Nietzsche ou l’impossible immoralisme, Kimé, 1993

– Figures de la déraison politique, Kimé, 1995

– Études matérialistes sur la morale, Kimé, 2002

– Athéisme et matérialisme aujourd’hui, Pleins Feux, 2004

La collection « Idées Reçues »

Les idées reçues sont tenaces. Nées du bon sens populaire

ou de l’air du temps, elles figent en phrases caricaturales des

opinions convenues. Sans dire leur origine, elles se répandent

partout pour diffuser un « prêt-à-penser » collectif auquel

il est difficile d’échapper…

Il ne s’agit pas ici d’établir un Dictionnaire des idées reçues

contemporain, ni de s’insurger systématiquement contre les

clichés et les « on-dit ». En les prenant pour point de départ,

cette collection cherche à comprendre leur raison d’être, à

déceler la part de vérité souvent cachée derrière leur formu-

lation dogmatique, à les tenir à distance respectable pour

offrir sur chacun des sujets traités une analyse nuancée des

connaissances actuelles.

Vous souhaitez aller plus loin ? www.ideesrecues.net

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MARX (KARL) – Marx (1818-1883) est issu d’unefamille bourgeoise allemande et a épousé une riche aristo-crate, Jenny von Westphalen. Étudiant brillant, il avaitdonc tout pour réussir une carrière au sein de sa classesociale. Le paradoxe est que son nom est devenu le symbolede la contestation radicale du capitalisme et du règne del’argent, et qu’il a même donné naissance à un substantif –le marxisme – qui indique le succès pratique et populairede cette contestation.Pourtant, il faut distinguer plusieurs termes proches. Est« marxien » un propos qui reflète la pensée de Marx, entenant compte de ses nuances et de son évolution.« Marxiste » qualifie une version du message de Marx quiprétend incarner sa vérité définitive, plus ou moins offi-cielle, avec le risque de figer ou de simplifier ce message.Marx lui-même, en ce sens, ne se disait pas « marxiste ».Un « marxologue », lui, est simplement un spécialiste del’œuvre de Marx, qui l’étudie pour elle-même, sans seprononcer sur sa valeur. Enfin, il y a le « marxisme-léni-nisme » : ce terme, dû à Staline, désigne la codification dela théorie de Marx, qui s’est opérée après la révolutionbolchevique et l’a, pour une part, déformée.La disparition des régimes qui se disaient « marxistes », à lafin du XXe siècle, a pu faire croire que cette pensée étaitobsolète, sans effets possibles sur notre présent. Mais c’estconfondre le marxisme avec le marxisme-léninisme, luivraiment défunt. Depuis quelques années, une nouvellerésistance au capitalisme mondial se fait jour, qui sembledonner raison aux analyses de Marx.

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Avant-propos à la deuxième édition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

Comment Marx voit le monde

« Marx veut mettre fin à la philosophie. » . . . . . . . 19

« Pour Marx, l’homme est entièrement dépendant de la nature. » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

« La pensée de Marx est prisonnière de celle de Hegel. » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

« Selon Marx, l’homme est aliéné. » . . . . . . . . . . . . . . . 35

« Pour Marx, le bien et le mal n’existent pas. » . . 41

Marx face à l’histoire et la société

« Marx n’est pas un scientifique. » . . . . . . . . . . . . . . . . 47

« Pour Marx, l’histoire est écrite d’avance. » . . . . . 53

« Pour Marx, les idées n’ont pas d’importance. » 59

« L’exploitation décrite par Marx a disparu. » . . . 65

« La lutte des classes est une pure invention de Marx. » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

« Marx croit au progrès. » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73

Le communisme selon Marx

« Le communisme, c’est l’État omniprésent. » . . . 79

« Le communisme est contraire à la démocratie. » 85

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« Pour Marx, la religion, c’est “l’opium dupeuple”. » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89

« Marx veut rendre tous les hommes égaux. » . . . 93

« Le communisme néglige l’individu. » . . . . . . . . . . 99

« Marx accorde trop d’importance à la production matérielle. » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103

« Le communisme est une utopie, il a échoué partout. » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107

Conclusion

« Marx n’est pas mort. » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115

Annexes

Pour aller plus loin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121

Brève chronologie de la vie et de l’œuvre de Marx . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125

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Avant-propos

Quand j’ai accepté le projet de ce livre, il y a plus de troisans, je ne pensais pas que la critique des idées reçues concer-nant Marx et visant, sans fidéisme naïf, à montrer l’actualitéde sa pensée dans bien des domaines, serait si vite confirméepar l’histoire qui allait suivre et que cela justifierait uneseconde édition de l’ouvrage. Je laisse de côté, bien entendu, sapensée philosophique, matérialiste et dialectique, dont la pertinence n’est pas liée aux aléas des circonstances politiquesmais à la culture scientifique moderne désormais acquise, quiinscrit l’homme à la fois dans la nature et dans le devenir historique. Non, ce qui est en jeu et qu’il pouvait paraître présomptueux de soutenir, c’est la justesse de son analyse ducapitalisme, à la fois dans ses lois de fonctionnement et ses loisd’évolution. Jugeons-en.

Marx affirme que la recherche aveugle du profit à courtterme, sans réflexion sur ses effets humains à long terme, est lemoteur de la production capitaliste et que celle-ci doit se payer,si l’on peut dire, sinon d’un accroissement de la pauvreté de lagrande majorité de la population, tout au moins d’un creuse-ment considérable des inégalités entre les détenteurs du capi-tal et les salariés liés directement ou indirectement à la grandeindustrie, avec les diverses conséquences que cela entraînepour ceux-ci dans leur vie concrète : besoins insatisfaits, travailmutilant, aliénation de la personnalité. Et il précise, avec unecapacité d’anticipation étonnante, que ce mécanisme généraldoit se déployer à l’échelle de la planète, l’argent ne connais-sant pas les frontières et noyant tout, partout, dans « les eaux

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glacées du calcul égoïste » (Manifeste communiste). Or quevoyons-nous depuis quelques années ? Alors que le XXe siècleavait pu donner l’impression que son diagnostic était erronédu fait des conquêtes du mouvement ouvrier qui avaientconsidérablement amélioré la situation du monde du travailen Occident, sous l’égide de l’État-Providence, celle-ci s’estdétériorée considérablement depuis la chute du mur de Berlin :les acquis de l’État-Providence sont progressivement défaitsdans toute une série de domaines comme le temps de travail,l’âge de la retraite, l’accès gratuit aux soins, etc. Et l’on cons-tate, non seulement que les inégalités sociales se renforcent,mais que des phénomènes de paupérisation absolue réappa-raissent, affectant les classes populaires mais aussi les classesmoyennes, dont le revenu se met à baisser. Au surplus, uneproblématique inédite de la souffrance au travail voit le jour,concernant même les cadres des entreprises capitalistes du faitdes nouvelles techniques de management et de la « culture durésultat » imposée par la concurrence, souffrance mobilisantles travaux de psychologues, de sociologues et même de cinéastes,et imposant un renouvellement à la fois étonnant et drama-tique du thème de l’aliénation tel que Marx l’avait traité il ya un siècle et demi. Et à l’échelle mondiale, on voit à nouveaula pauvreté gagner du terrain puisqu’on vient d’apprendreque le nombre d’êtres humains vivant en-dessous du seuil quila définit (un dollar par jour) avait considérablement aug-menté dans la toute dernière période, malgré le progrès de lacroissance.

Mais le plus surprenant – surprenant pour ceux qui neconnaissent pas l’œuvre du penseur allemand – c’est bienentendu la nouvelle crise financière qui vient de s’abattrecomme une tornade sur le capitalisme, analogue en gravité àcelle de 1929 et ébranlant les certitudes faciles des partisansdu libéralisme sur la viabilité de ce système. Certes, le détailde cette crise ne saurait s’analyser avec les seuls concepts marxiens : nous avons affaire à une crise du capitalismefinancier et spéculatif, à distinguer du capitalisme productif,

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que le XIXe siècle ne connaissait pas et que Marx n’a pu ana-lyser. Pourtant, il s’agit bien d’un forme du capitalisme, prisedans sa logique structurale, et dont le dysfonctionnement vaavoir des conséquences catastrophiques sur son économie réellecomme sur les hommes qui y vivent et le font vivre par leurtravail : tous les phénomènes indiqués précédemment vonts’accuser au dire de tous les spécialistes, lesquels phénomènesrelèvent, eux, de la grille d’analyse marxienne, au point quele grand sociologue et historien I. Wallerstein, disciple de F. Braudel et de sa conception d’une histoire envisagée dans lalongue durée, avec sa succession de systèmes productifs, a soutenu dans le journal Le Monde que « le capitalisme touche à sa fin » (supplément du 12-13 octobre 2008), maissans être assuré d’ailleurs que ce soit le socialisme qui lui succède plutôt qu’une forme d’exploitation encore plus dureque l’actuelle.

Plus largement, c’est vers la théorie de l’auteur du Capitalque les esprits se tournent pour comprendre ce qui se passe ettrouver des solutions à la crise. Des concepts qui paraissaientobsolètes il y a peu retrouvent une vie inédite, comme celui del’intervention de l’État dans l’économie et même celui denationalisation, avec effet immédiat puisque certains des payscapitalistes les plus avancés (États-Unis, Angleterre) nationa-lisent des banques, haut lieu du capitalisme financier. Onsoupçonne même que le système capitaliste ait une face som-bre et puisse être immoral puisqu’on veut le « moraliser », eton accepte de lui donner son nom, qui avait disparu du voca-bulaire des hommes politiques. Enfin, l’on prend consciencede sa dimension clairement mondiale puisque des effets enchaîne sont prévus un peu partout, sauf peut-être dans cetteAmérique latine qui, en train de basculer à gauche, veutinventer un « socialisme du XXIe siècle » redonnant sa place àun État propriétaire ou redistributif, maîtrisant ses ressources,et tente ainsi de mettre ses populations à l’abri des méfaitsd’un libre échange mondial incontrôlé. Du coup, l’œuvre deMarx fait à nouveau la une dans les médias : le journal

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Marianne avait anticipé cette curiosité dans un dossier lucideintitulé « Objectif Marx » et un numéro récent du Magazinelittéraire s’intitule tout simplement « Marx, les raisons d’unerenaissance ». Et l’on assiste même en Allemagne à une mul-tiplication considérable du chiffre des ventes du… Capital !

Tout cela ne signifie pas, il convient de le rappeler, qu’effec-tivement l’humanité va s’emparer brusquement du projetcommuniste pour remplacer le capitalisme tel que nous leconnaissons, sauf à verser dans une nouvelle croyance millé-nariste. Quelle que soit la conviction des uns et des autres,plusieurs scénarios sont envisageables : de simples mesuresponctuelles corrigeant les excès du système actuel sans toucherà ses bases, une régulation plus profonde de l’économie réha-bilitant, dans la perspective de Keynes, le rôle de l’État, de laconsommation populaire et de la redistribution, un francretour au modèle social-démocrate ou, enfin, un vrai projetsocialiste à l’échelle internationale dont personne ne peut direaujourd’hui qu’il est utopique. Mais dans tous les cas il estclair, comme nous l’indiquions dans la première édition de celivre, que nous avons besoin de Marx pour éclairer notremonde et, éventuellement, le transformer.

Yvon Quiniou, janvier 2009

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Introduction

Marx est sans doute, de tous les grands penseurs,celui dont la théorie offre le plus matière à préjugéset donc, à incompréhension. Plusieurs élémentsexpliquent cette situation. Son œuvre n’est pas uni-voque puisqu’elle a changé de statut, passant de laphilosophie à la science de l’histoire et de la sociétéet elle est restée, sur ce dernier plan, inachevée : LeCapital (1867, 1885 et 1894), par exemple, annonceune théorie des classes sociales qui n’a pas été réali-sée, et il en est de même pour la question de l’État.Elle motive ainsi des interprétations divergentes surla nature comme sur le contenu de ses analyses. Parailleurs, l’engagement politique constant qui la porte– la critique du capitalisme et le choix du commu-nisme – a empêché toute sérénité dans sa réception :l’auteur du Manifeste communiste (1848) bousculaittrop d’intérêts sociaux pour ne pas susciter en retourdes réactions purement idéologiques de rejet, et unecompréhension médiocre de ses textes, où la mau-vaise foi le disputait parfois à la pure et simple igno-rance. À quoi il faut ajouter que l’engagementpartisan en sa faveur a pu lui aussi jouer, quoique ensens inverse, contre une assimilation objective de sonmessage, en provoquant des adhésions sans reculcritique.

Enfin, et peut-être surtout, cette pensée a inspirédes transformations politiques, issues de la révolu-tion d’octobre 1917, qui en ont imposé une imagenégative et qui, de plus, ont pris fin, dans une espècede débâcle générale, après la chute du mur de Berlinen 1989. On a cru alors que l’expérience avait tranchéen invalidant définitivement la théorie de Marx :

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l’histoire aurait révélé qu’elle est politiquement tota-litaire et vouée à l’échec économique. Or, en disantcela, on oubliait, sur la base d’une hostilité passionnelleempêchant le fonctionnement lucide de l’intelli-gence, d’aller voir chez Marx lui-même ce qu’il en estde sa conception de la transformation du capitalismeet de son projet communiste. Et l’on oubliait aussique si les régimes de type soviétique se réclamaientdu marxisme, mais d’un marxisme associé au léninisme,la social-démocratie occidentale s’en est égalementlongtemps réclamée, et que c’est peut-être du côté dela transformation socialiste qu’elle proposait, respec-tant pleinement les règles de la démocratie, partantdes acquis du capitalisme développé, que se trouve lavérité, à la fois théorique et pratique, de la conceptionmarxienne, à condition d’en rappeler clairement lavisée communiste. Si c’était le cas, pourrait-onencore soutenir avec quelque honnêteté intellectuelleque le marxisme est mort avec l’échec des expériencesde type léniniste ?

Ce qui est en jeu, c’est la validité d’une pensée quientendait contribuer à l’amélioration radicale de lavie de l’homme, en allant à la racine sociale de sonmalheur, selon elle : la propriété privée de la production.On voit l’intérêt, dans ce contexte, de débarrasserMarx de l’ombre portée des passions partisanes qu’ila générées, et de débusquer nombre d’idées reçues àson égard. Et d’abord : est-ce un philosophe ou unsavant ? On s’apercevra qu’il est les deux, ou qu’il aété les deux, philosophe d’abord, savant ensuite, etque sa philosophie, explicite ou implicite, est trèséloignée de l’image déformée qu’on en a. Son maté-rialisme est complexe, largement émancipé de la dia-lectique de Hegel, et il permet d’envisager unhorizon pratique pour la liberté de l’homme et, pourautant, il n’en fait pas, en profondeur, l’adversaire de

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toute morale. Son apport scientifique est lui aussicompris d’une manière étroite : soit qu’on le nie,tout simplement, en en faisant un idéologue, soitqu’on le réduise en prétendant qu’il adhère à undéterminisme économique dépassé, faisant fi du rôledes idées, ou en affirmant que ses analyses ne valentpas pour le capitalisme d’aujourd’hui – pour ne citerque ces exemples.

Mais ce qui est le plus caricaturé, c’est bien sonobjectif politique : étatisme, hostilité à la démocratie,opposition frontale à la religion, productivisme,oubli de l’individu etc. Tous ces clichés que le « socialisme réellement existant » a pu nourrir necorrespondent pas à l’inspiration ou à l’aspirationvéritable de Marx quand il parle de « communisme ».Celui-ci est, au contraire, un projet de société toutentier centré sur la liberté humaine, sauf qu’il laconçoit comme étant celle de tous et qu’il en indiquele cadre collectif indispensable : l’appropriationcollective de l’économie, qui supprime l’exploitationde l’homme par l’homme. Reste à savoir si cet objec-tif, qui est aussi un idéal, est possible ou réalisable :ce n’est pas là une « idée reçue », mais bien une vraiequestion, totalement ouverte et qu’on ne peut poserqu’avec Marx, en affrontant le réel à la lumière de sesconcepts.

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COMMENT MARX VOITLE MONDE

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Althusser

Louis Althusser (1918-1990) est le philosophe qui a le pluscontribué à imposer la référence à Marx dans le champintellectuel, non seulement français mais international, àla fin du XXe siècle. Son statut d’enseignant à l’Écolenormale supérieure de la rue d’Ulm l’y a aidé, mais c’estsurtout la qualité de son travail philosophique qui amarqué les esprits. Il a mis en évidence la coupure quisépare, chez le théoricien allemand, les œuvres de lamaturité, postérieures à 1845, animées par un projet descience, et les œuvres de jeunesse, encore prises, selon lui,dans l’idéologie, c’est-à-dire dans une vision pré-scienti-fique de la réalité. C’est le sens de son Pour Marx (1965)et de l’ouvrage collectif qu’il a dirigé, Lire le Capital(1965). L’accent mis sur le matérialisme dans la compré-hension du processus historique et social l’entraîne à yvoir une pensée éloignée de la dialectique hégélienne,mais aussi de tout « humanisme théorique » érigeantl’homme en Sujet souverain de l’histoire : « L’histoire estun procès sans Sujet ni Fin(s) » dit-il en une belle formulequi marque bien le refus de la prophétie dans ce domaine.

Le prix à payer pour cette lecture exigeante et qui a faitde nombreux disciples, comme E. Balibar ou D. Lecourt àl’époque, c’est une valorisation excessive de ce qu’il y ade scientifique chez Marx, au détriment d’autres aspectsde son œuvre. C’est ainsi qu’Althusser refuse de mettre aupremier plan les exigences morales qui animent pourtantclairement le projet politique communiste. De même, ilcritique l’idée que l’homme serait aliéné par le capitalismesous le prétexte qu’elle manquerait de scientificité. Si l’onne peut désormais éviter de se situer par rapport à cettemanière de comprendre Marx, on ne saurait donc lasuivre dans toutes ses conclusions.

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« Marx veut mettre fin à la philosophie. »

Avec l’étude de la réalité, la philosophie cesse d’avoir un milieu

où elle existe de façon autonome.

Marx, L’Idéologie allemande, 1845

Les défenseurs de la philosophie envisagée sous saforme classique reprochent à Marx d’avoir voulu l’éli-miner au nom de la science et de la politique : la premièrerendrait la philosophie inutile, en la remplaçant sur leterrain de la connaissance du monde qu’elle prétendaitapporter ; la seconde entraînerait sa mort en signalant,par contraste, qu’elle est impuissante à modifier l’ordredes choses, comme elle l’a souvent voulu. Il s’inscriraitainsi dans un courant positiviste ou scientiste propreau XIXe siècle, pour lequel seules comptent l’intelli-gence scientifique et l’action sur le réel qu’elle permet.

Il est vrai que la pensée de Marx a davantage irriguéet stimulé les sciences sociales (histoire, sociologie,économie) que la philosophie elle-même, et lesquelques noms que l’on peut mettre malgré tout enavant dans ce domaine – Gramsci, Lukacs, Bloch,Althusser, pour ne citer que les plus connus – peuventparaître insuffisants pour assurer que marxisme etphilosophie sont vraiment conciliables. Les institutionsuniversitaires ont contribué à ce discrédit, en margi-nalisant son apport proprement philosophique. C’estainsi que son œuvre a rarement figuré au programmede l’agrégation de philosophie en France, et que leslieux officiels où on l’enseigne sont peu nombreux.Enfin, les médias y sont allés de leur influence, ensous-estimant les travaux qui marquaient pourtant

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1845-1846 : Thèses sur Feuerbach, 1845. Il doit s’exiler àBruxelles et rédige L’Idéologie allemande (en collaboration avecEngels), dans laquelle il présente les bases de sa conceptionmatérialiste de l’histoire. À partir de ce moment, son engage-ment politique devient de plus en plus explicite.

1848 : Publication du Manifeste du Parti communiste (avecEngels), à la demande de la Ligue des communistes.

1848-1849 : Période agitée en Europe. Marx vient à Cologne,revient à Bruxelles puis à Paris, d’où il est expulsé et, finalement,trouve refuge à Londres, où il vivra jusqu’à sa mort grâce àdivers travaux de journalisme et au soutien matériel d’Engels.Une existence consacrée à un immense travail d’informationet de réflexion sur l’économie, la société et l’histoire, commencealors, qui débouchera sur la rédaction du Capital. Elle estaccompagnée de joies mais aussi de difficultés familiales, ainsique de problèmes de santé.

1850 : Les Luttes de classes en France, réaction à la révolutionavortée de juin 1848.

1852 : Le 18 Brumaire de Napoléon Bonaparte, suite au coupd’État du 2 décembre 1851 en France.

1859 : Contribution à la critique de l’économie politique. Cetexte fait suite à divers travaux antérieurs connus sous le nomdes Grundrisse, avec, en particulier, l’Introduction générale de 1857.

1864 : L’Association internationale des travailleurs, ouPremière Internationale, est créée à Londres. Marx y militeactivement, ne pouvant et ne voulant pas séparer sa recherchethéorique et son engagement pratique. Il y est influent, maisil connaîtra cependant des conflits, en particulier avec lespartisans de Proudhon et avec l’anarchiste Bakounine.

1865 : Salaire, prix et profit, où il expose ses théories économiques,à la demande de l’Internationale.

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Page 22: Marx - excerpts.numilog.comexcerpts.numilog.com/books/9782846702393.pdf · MARX (KARL)– Marx (1818-1883) est issu d’une famille bourgeoise allemande et a épousé une riche aristo-crate,

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1867 : Publication du livre I du Capital. C’est le grand ouvragede Marx. Pour le rédiger, il a même dû se mettre aux mathé-matiques ! Les livres II et III ne paraîtront qu’en 1885 et 1894,grâce à Engels.

1871 : La Commune de Paris. Après avoir été réticent, Marxla soutient avec enthousiasme et rédige à son propos LaGuerre civile en France. Il y voit le modèle d’une démocratiecommuniste à venir, idée que reprendra Engels plus tard.

1875 : Critique du programme de Gotha. Marx y dénonce avecbeaucoup de rigueur les dérives et les imprécisions duprogramme de la social-démocratie allemande.

1883 : Mort de Marx après le décès de sa femme en 1881.Malgré une santé de plus en plus défaillante, il aura travailléjusqu’au bout.

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