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1 Master « Mention Communication » Identité compétitive et attractivité économique : La communication locorégionale, entre territoire et paysage ? Albine VILLEGER Etudes et recherches en Information et Communication Sous la direction de : Christian LE MOËNNE Département Communication Année universitaire 2010-2011 Université Rennes 2

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Master

« Mention Communication »

Identité compétitive

et attractivité économique :

La communication locorégionale,

entre territoire et paysage ?

Albine VILLEGER

Etudes et recherches en Information et

Communication

Sous la direction de : Christian LE MOËNNE

Département Communication

Année universitaire 2010-2011

Université Rennes 2

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Remerciements à :

� Christian LE MOENNE, directeur de recherche, pour une reprise d'études aussi inattendue que vivifiante

� Didier CHAUVIN, directeur du département Communication, pour des encouragements aussi discrets qu'efficaces

� Jean-Christophe ARCOS et Jean-Nicolas DEZ pour des amitiés, pas à moitié

� Marie-Catherine BASTARD, Joëlle et Yannick CONNAN, Jeanne DIVERREZ pour tout et le reste

� Lydia CHABERT-DALIX, Agnès GOSA, Odile GOUJON, Véronique LE ROUX, Magali POINSU, Nadine SEIGLE-MURANDY communicantes amusées aux lectures avisées

� Françoise DREAN, Cécile MOSER aux documentations aussi affûtées que leur bienveillante efficacité

� Marc MATHIEU pour avoir établi une communication locorégionale de Brest à Rennes

� Isabelle NUIXE et Magali PERON pour des attentions dévouées et des signes d’amicale curiosité

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Ainsi qu’à celles et ceux qui, malgré un emploi du temps chargé, ont pris

le temps de me recevoir et ont enrichi ce travail de leurs propos,

convictions, connaissances, passions, expressions, partitions, visions …

� André CARIOU ,

Conservateur en chef et directeur du Musée des Beaux Arts de Quimper

� Sandy CAUSSE,

Directrice de l’Agence Finistère Tourisme Développement

� Carole DANY,

Directrice de l’agence de communication Cadran Solaire

� Elisabeth GOUZIEN,

Responsable du marketing touristique à la CCI de Saint-Malo

� Sylvain LE GUEN,

Webmarketeur à l’Agence Finistère Développement Tourisme

� Daniel LOISEAU

Vice-président d’Angers Loire Métropole chargé de l’économie et de l’emploi, Président de l’agence Angers Loire Développement

� Stéphane MARTINET,

Directeur-adjoint de la commission du film de la Région Île-de-France

� Anne MIRIEL ,

Directrice de l’attractivité et de la communication à l’agence Bretagne Développement Innovation

� Vincent NUYTS,

Directeur de la Communication de Brest Métropole Océane

� Adrien SAVARY,

Responsable du pôle Territoires d’IDEA 35, Agence de développement économique d’Ille-et-Vilaine

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SOMMAIRE

• Introduction p. 8

• Plan détaillé p. 30

• Chapitre 1 p. 31

- 1.1 p. 32

- 1.2 p. 38

- 1.3 p. 49

• Chapitre 2 p. 58

- 2.1 p. 60

- 2.2 p. 67

- 2.3 p. 80

• Chapitre 3 p. 93

- 3.1 p. 94

- 3.2 p. 106

- 3.3 p. 125

• Conclusion p. 130

• Ressources p. 142

• Annexes p. 150

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« L’imagination activiste : une volonté qui rêve et qui,

en rêvant, donne un avenir à son action »

Gaston BACHELARD

La formation de l’esprit scientifique, 1938

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INTRODUCTION

Marques de territoire, spécificités du terroir, « city marketing » ou nouveaux

slogans identitaires, le décor attractif des entreprises françaises oscille entre

innovation technologique et compétitivité géographique, dans un contexte de

recentralisation institutionnelle et fiscale de l’Etat, qui laisse néanmoins à la

charge des acteurs locaux une large part du développement économique.

Pour Patrizia INGALLINA, de l’Université des Sciences et Technologies de

Lille, la dimension culturelle du développement spatial est une clef du

développement urbain et régional dans la vieille Europe1. Phénomène accentué

en France où l’on ne vend pas un territoire, mais une idée de celui-ci, ce qui

suppose une synthèse entre le passé et le futur, entre le local et le global, et

conduit à de multiples interprétations de la représentation territoriale, au cœur de

laquelle la question de l’identité devient primordiale.

Au travers de cette étude, nous interrogerons le rôle que la communication

locorégionale – émanant des institutions décentralisées, seules ou en coopération

avec d’autres acteurs - entend jouer dans ces processus de développement du

territoire, s’imposant à ceux, plus anciens, de l’aménagement du territoire. Par

locorégionale, nous entendons du municipal au régional, étant entendu qu’en

matière économique la Région est chef de file, mais que tous les échelons

décentralisés s’emploient au développement local. Enfin, il faut compter avec les

compétences exercées par les intercommunalités dans ce domaine, nouveaux

acteurs institutionnels, mal connus et dont l’émergence de la communication sur

l’attractivité territoriale n’est pas sans rapport avec ce déficit de notoriété.

1 « L’attractivité des territoires : regards croisés », séminaires organisés en 2007 et 2008 par le

PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture), Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du

Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire

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Le territoire n’est plus uniquement cet espace géographique structuré et

représenté par l’action du groupe social sur le plan politique, physique

(transports, déplacements, habitats individuels et bâtis collectifs, équipements

etc.), ou culturel ; il devient un bien de consommation, à vocation médiatique :

« Le marketing territorial s’appuie sur la déclinaison locale des principes du

marché, fondements du marketing et en particulier comme nous l’avons souligné

précédemment sur le principe de l’offre et de la demande »2.

Ces intérêts socio-économiques - d’ordre stratégique pour les entreprises -

imposent un cadre partenarial public-privé qui participe d’un recul de l’idéologie

politique partisane des structures décentralisées au bénéfice d’une logique de

projet concerté, plus consensuelle : « L’identité territoriale concurrence déjà

l’identité partisane »3. L’implication des collectivités territoriales dans les

démarches de communication, qui font appel pour une large part aux dimensions

symboliques (« Communiquer localement, c’est agir dans l’espace de la

représentation et du symbolique »4), est d’autant plus forte qu’elle peut

permettre, le cas échéant, de compenser la faiblesse des marges de manœuvre aux

fins de transformation sociale et sociétale. Au-delà de ce rôle par défaut, Bernard

Meuret5 constate que le principal acquis de la gauche municipale à Villeurbanne

– indépendamment des nombreuses réalisations bien concrètes dans le cadre des

politiques locales classiques, de type bibliothèques, colonies de vacances etc . –

réside dans le fait d’avoir fait exister le territoire de la ville de Villeurbanne

comme distinct du grand voisin lyonnais. Le territoire devient à lui seul une

idéologie. 2 « L’intelligence économique au service du développement territorial », Dossiers d’Expert de

Territorial Editions, Novembre 2010

3 « Standardisation de l’action publique territoriale et recomposition du politique »,

Introduction in « Idéologies et action publique territoriale. La politique change-t-elle encore les

politiques ? », sous la Direction de Lionel ARNAUD, Christian LE BART et Romain PASQUIER,

Presses Universitaires de Rennes, Res Publica, 2006

4 « La communication politique locale », M.SOUCHARD et S.WAHNICH, PUF, Que sais-je ?

5 « Le socialisme municipal : Villeurbanne, 1880-1982 », Bernard MEURET, Presses Universitaire

de Lille, 1982

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Parallèlement, l’émergence des idéologies professionnelles - dans le cadre

évolutif de la gestion territoriale par les collectivités locales - s’exprime de

manière progressive mais prégnante à la fin des années 80 et des différentes

étapes de la décentralisation.

Le projet, le contrat, autant de nouveaux modes de médiation entre décideurs

publics et acteurs de terrain6. Evolution qui n’est pas sans présenter des

similitudes avec celle de la communication organisationnelle7 évoquée dans la

Revue Communication & Organisation en 1997 : « La désinstitutionalisation fait

rupture avec l’organisation pensée comme un état stable au profit de

l’organisation démarche, de l’organisation projet »8.

A l’aménagement du territoire issu des Trente Glorieuses, répercutant le

processus de taylorisation accrue de la production et pensé par un Etat

organisateur et modernisateur, succède les politiques contractuelles initiées par la

DATAR dans les années 70, maintenant le cap de la logique de l’Etat vers les

territoires. Puis la décentralisation des années 80 ancre le développement

localement (« Vivre et travailler au pays »), dans le cadre d’un espace aménagé

et pensé in situ, et c’est à un changement sémantique que nous assistons dans les

années 90, passant de l’aménagement (vision fonctionnelle de l’Etat) au

développement du territoire. Cette nouvelle construction, tant dans ses objectifs –

développement – que dans ses méthodes – partenariales – accordent une place de

plus en plus importante à la communication et aux acteurs privés, avec des

principes fédérateurs légitimés par le lieu, pensé comme un lien. Conséquence

logique : cette évolution laisse souvent émerger des quasi normes de pensée

fiscale en matière économique. Nul risque de handicap ne doit nuire à

6 « Développement des territoires et communication : politiques et pratiques à l’œuvre »,

Introduction, Bruno RAOUL, Revue « Etudes de Communication » N°26, 2003, Publication

Universitaires Lille

7 « Mutations organisationnelles et évolution des productions et échanges d’information »,

Anne MAYERE in « La communication organisationnelle en débat », p. 94, Revue Sciences de la

Société N° 50/51, Presses Universitaires du Mirail, 2000

8 « Communication et induction dans les démarches de recomposition organisationnelles »,

Christian LE MOENNE, Revue Communication et Organisation N°12, 1997

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l’attractivité économique du territoire et c’est ainsi qu’un consensus fait jour sur

la nécessité de penser la pression fiscale, soit faible, soit raisonnable (le distingo

sémantique est parfois aussi subtil que ses applications concrètes) pour maintenir

l’attractivité du territoire, et sa bonne santé économique. Les spécificités et atouts

du développement local devront donc se concevoir de plus en plus en faisant

appel à la dimension identitaire, à un territoire comme espace vécu et signifié.

L’apparition d’un imaginaire territorial ré-enchante l’action publique, dans le

cadre consensuel d’une action bénéfique pour tous, puisque élaborée par tous, et

empreinte de pragmatisme raisonné. Le développement local devient alors un

paradigme territorial, objet de toutes les attentions communicationnelles.

A tel point que le baromètre 2011 CSA-Epiceum, avec CapCom, indiquait que

les Français portaient un jugement mitigé sur la communication locale, une

tiédeur signant peut-être la marque d’une certaine confusion. Pour Delphine

MARTELLI-BANEGAS, directrice du département Corporate de l’Institut du

Conseil Supérieur de l’Audiovisuel 9 : « Nous assistons à un glissement de la

communication privée vers l’intérêt général, c'est-à-dire vers le développement

durable et la responsabilité sociale et environnementale. Pendant ce temps, la

communication locale s’oriente de plus en plus vers une communication de

service ».

Les ressorts auxquels fait appel la communication locorégionale sont de plusieurs

ordres (territoire, identité, images et paysages, dans le cadre de stratégies

discursives, cognitives ou figuratives), sans compter les différents objectifs

qu’elle s’assigne et qui ont considérablement évolué depuis les lois de

décentralisation des années 80 (parfaire la démocratie locale ; assurer une image

publique positive de l’action politique et des élus qui la mènent ; promouvoir le

territoire10) ainsi que les modalités techniques permettant de l’exercer (des

9 « La Com’ brouille les cartes », La Gazette des Communes, 28 mars 2011

10 « Les politiques d’image : entre marketing territorial et identité locale », Christian LE BART in

« Les nouvelles politiques locales. Dynamiques de l’action publique », sous la direction de

R.BALME, A.FAURE, A.MABILEAU, Presses de Sciences Po, 1999

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supports papiers aux écrans d’Internet, en passant par les réseaux sociaux,

l’affichage ou les campagnes de presse).

Il nous faudra donc envisager non seulement ces différents ressorts, objectifs et

modalités dans leur dimension analytique et empirique mais également, et

surtout, leur articulation croisée pour observer la communication locorégionale

portant sur l’attractivité territoriale. Certaines évidences sont largement partagées

par les socioprofessionnels :

• Chaque territoire dispose d’une image

• Ces images produisent des effets sociaux

• Des possibilités existent pour agir sur ces images

• Une compétition économique existe entre les territoires, s’apparentant à une

course à la notoriété et à la réputation

Dans le cadre de cette compétition, le contexte observable montre quels sont les

facteurs d’attractivité, et comment ils se déclinent. Nous aborderons de manière

différenciée l’attractivité du territoire au regard de l’ancrage des entreprises en

son sein et de sa fréquentation touristique.

Il était acquis, a priori, que des comparaisons par les entreprises entre les

avantages concurrentiels résidaient pour une large part dans les politiques d’aides

des collectivités territoriales - que ce soit pour favoriser les projets endogènes ou

exogènes - et dans les caractéristiques inhérentes au territoire (excentré, équipé

en haut-débit, facilement accessible etc.) ; ces caractéristiques objectives

emportaient des avantages non négligeables, outre l’effet amplificateur sur

l’économie résidentielle dû au maintien des habitants et d’une main d’œuvre

adaptée aux besoins de l’économie locale. Ceci reste vrai, bien que le lien fiscal

définissant un intérêt général commun aux entreprises et à leur collectivité

territoriale ait été brutalement supprimé avec la fin de la taxe professionnelle, et

que se pose alors la question de l’opportunité pour des collectivités locales de

continuer à aider les entreprises. D’autant plus que la surenchère patronale ne

semble pas cesser de s’exercer en pressions et revendications, si l’on en juge par

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les propos récents du Président de la CGPME (Confédération Générale des

Petites et Moyennes Entreprises)11 : « Malgré la suppression de la taxe

professionnelle, la fiscalité locale, toujours complexe, ne donne pas le résultat

escompté. La compétitivité des entreprises est entravée, l’emploi et les

investissements ne sont donc pas encouragés ». Nous n’étudierons pas cet aspect

de l’attractivité économique des territoires, si ce n’est pour en faire mention au

regard comparatif des deux questions suivantes :

- Peut-on rendre attractif des territoires dont les spécificités locales

restent empreintes de faiblesses structurelles fortes, voire indépassables, au

point de favoriser le slogan publicitaire, au détriment de la réalité, c'est-à-dire

d’une pensée rationnelle de diagnostic et, partant, d’aménagement du

territoire ? Une manière de décliner Michel SERRES quand il dit que « Le

slogan chasse la pensée ». Force est de constater que les territoires qui ont

essayé de devenir attractifs en occultant un peu ou beaucoup les critères

rationnels – tout en essayant très concrètement, dans le cadre de leurs autres

politiques publiques, d’en pallier les effets négatifs – ont rencontré des

difficultés. La qualité de l’environnement naturel et de la vie sociale ne peut

compenser certains handicaps ou spécificités inhérentes à une localisation

géographique. C’est ainsi que le centre de la France éprouve des difficultés à

compenser la baisse démographique de ses populations (c’est le seul secteur

rural en France en déclin démographique12) ou le faible taux d’installation

d’entreprises nouvelles, compte-tenu des niveaux modestes de bassins

d’emploi et des problèmes de déplacements. Et ce, malgré des tentatives de

communication fondées sur la qualité de vie globale - avec à l’appui entre

autres des images de paysages - dont on vantait les mérites au travers de

salons spécialement organisés à l’occasion dans des grandes villes.

11 Interview de Jean-François ROUBAUD, parue dans les brèves d’information, La Gazette des

Communes, 18 mai 2011

12 Après une longue période de déclin démographique, les territoires ruraux ont regagné en

attractivité et les hausses régulières sur le plan démographique se poursuivent, au point que les

populations ont retrouvé le niveau de 1962 (13 millions) et que 2,4 millions de citadins

expriment le souhait de s’y installer (sources DATAR)

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La diversification économique à laquelle aspirait bon nombre de territoires

ruraux, notamment pour compléter les activités traditionnelles, en perte de

vitesse ou sortir du tout tourisme et des activités saisonnières empreintes de

précarité sociale, a connu des sorts plus ou moins heureux. Les perspectives

du télétravail et l’idéologie véhiculée par l’arrivée des NTIC (que l’on

pourrait résumer par un quasi slogan « le travail pour tous à la campagne »)

ont contribué à cette illusion. Sur le Plateau du Vercors, par exemple,

l’installation d’un Téléspace par la communauté de communes voulait

annoncer cette arrivée d’entreprises nouvelles et propres. Plusieurs années

après, la question d’une économie consommatrice d’espaces, fortement

marquée de l’or blanc ou vert (sports d’hiver, agriculture, activités forestières,

séjours d’été …) reste entière.

- Peut-on considérer que les stratégies d’attractivité économique

s’inscrivent dans des démarches de communication locorégionale de manière

inéluctable, prégnante et quelques soient les points forts et/ou faibles des

caractéristiques objectives du territoire ? Christian LE BART évoque l’idée

d’une « tyrannie de l’image de marque du territoire »13. Dès 1999, il

mentionne que « La communication est érigée en principe fédérateur de

l’ensemble des actions publiques locales. De simple politique publique, elle

devient référentiel. Un référentiel ouvert, polysémique, qui viendra fédérer en

un récit unique les multiples initiatives locales ». Certes, cette dimension

s’applique à l’objectif de valorisation de l’action publique et des élus qui la

conduisent, mais également à la démarche de promotion du territoire qui nous

intéresse.

Un territoire qui se déterritorialise : de l’aménagement au

développement, puis au déménagement communicationnel

Nous voyons que l’évolution de l’aménagement, au développement du

territoire, emporte des conséquences non négligeables dans les politiques

publiques locales, amplifiées par une communication qui va « déménager » le

13 Ibid

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territoire. Compte-tenu des technologies de l’information et de la

communication comme modalités de diffusion, l’espace du territoire s’étend

avec un temps raccourci à des récepteurs situés au-delà de ses frontières

géographiques, mais surtout indépendamment des cibles recherchées en

externe par les émetteurs.

Pour Alain MONS14 : « … les images se constituent en territoire et y

deviennent le moteur de la communication ; le territoire est délimité par des

images qui le constituent et se conçoit de plus en plus dans la géométrie

variable des échanges ; la communication est à situer généalogiquement

dans le développement de l’image (culture) et l’éclatement des frontières

territoriales (techniques modernes de diffusion). Dans le contexte

contemporain les trois termes sont devenus interactifs et même

interdépendants … Impossible de penser le territoire aujourd’hui sans le

situer dans un réseau de communication et d’images ».

Parallèlement, le formatage des messages imposé par les hypertextes (avec

des documents dont la structure n’est plus linéaire et qui s’enrichissent

d’objets dynamiques en sus de l’écrit15) ainsi que l’obligation d’être

compréhensible par de multiples destinataires, induisent le risque d’une

standardisation, alors même que l’on veut se distinguer et communiquer sur

des singularités territoriales. Le repérage des spécificités s‘impose au travers

d’autres stratégies de communication, alternatives ou complémentaires, plus à

même de traduire des marqueurs identitaires permettant d’authentifier les

significations véhiculées par les signes, pour que le signifié dispose d’un

label. C’est ainsi que la Toscane fait breveter une typologie d’image de

paysage, à base de vallée, de cyprès et d’oliviers, de couleurs jaune et

orangé16. On peut s’interroger sur la compatibilité de cette démarche au

regard, d’une part du droit international, et d’autre part de la Convention 14 « La métaphore sociale. Image, territoire, communication », Alain MONS, PUF, Sociologie

d’aujourd’hui, 1992

15 « Les sciences de la communication. Théories et acquis », Bruno OLLIVIER, Armand Colin, 2007

16 Power point de présentation des stratégies de marque de territoire, agence Cadran solaire

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14

européenne sur le paysage (Florence, 2000). Plus près de nous, la tendance

s’impose des marques de territoire, après que la tendance a émergé en Europe

(Amsterdam et Berlin notamment).

L’appropriation du territoire : du droit d’usage au monopole d’image ?

Après Lyon, Marseille, Nantes, « Strasbourg the europtimist » dépose cette

marque en France et dans le monde, avec l’adhésion des milieux

économiques, notamment le Président de la CCI et du pôle de compétitivité

énergie. Ainsi s’affiche dans La Gazette des Communes du 14 mars 2011,

une brève d’information dès les premières pages, des articles et dossiers

spécifiques ayant été consacrés à ce sujet durant les éditions précédentes. Des

slogans urbains des années 80 et 90, comme « Montpellier la surdouée », dont

le corollaire était souvent des logos au design épuré, on évolue vers des

repères identitaires à vocation internationale, qui ne sont pas sans rappeler les

démarches identitaires des entreprises dans l’après fordisme, donnant un

corps communicant aux firmes, à défaut de bâtis solides en un lieu fixe, pour

y repérer salariés et image de production économique. La nécessité de penser

le territoire de manière virtuelle à l’époque de la circulation des images par

Internet impose de ne plus se limiter à une identité géographique mais de

développer une logique de marque diffusable par tous les supports

imaginables des TIC. Indice nécessaire, mais non suffisant, le repère

territorial doit s’incarner en une déclinaison quasi exhaustive d’identités

culturelle, cartographique, économique, humaniste, iconographique … et se

noyant dans un « tout » supérieur à la somme des parties ; s’impose alors

comme drapeau locorégional une empreinte communicante qui s’extraie de

son seul contexte géographique, tout en lui donnant une consistance aux

accents de propriété commerciale.

Alain MONS décrit ce phénomène 17 : « Dès lors, à travers cette imagerie

promotionnelle, une ville métaphorique se superpose à une ville réelle. Un

croisement d’images s’effectue dans des registres apparemment

17 Ibid, p. 27

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contradictoires : modernistes (figures techniques) et patrimoniale (figures

identitaires) … symptômes de ce que nous nommons la communication

territoriale ».

Nous nous intéresserons plus particulièrement à la démarche récente de la

Bretagne, et du lancement de sa marque de territoire, puisqu’il s’agit de la

première Région en France à procéder ainsi. Cette volonté manifeste de faire

émerger une contemporanéité, empreinte d’innovation, pour conférer le

maximum d’attractivité économique au territoire régional, se retrouve à

l’identique dans la stratégie de communication touristique de la Bretagne qui

vient renforcer cette démarche, en proposant une campagne d’affichage

(Métro parisien, mars et avril 2011) différente des standards habituels, en ce

sens qu’elle expose des personnes, sans image de paysage. Toutefois, une

mention scripturale précise le lieu où se situe le personnage, fortement

renommé, par exemple La Pointe du Raz pour l’affiche du Finistère. Comme

si le choix audacieux de proposer un «paysage humain», pour symboliser un

territoire, comportait une nuance, en rappelant l’existence du paysage

géographique, la valeur sûre dont on ne peut se défaire complètement. Les

journaux de la presse quotidienne régionale titrent sur « Une campagne

touristique new-look en direction des Franciliens. La Bretagne casse les

codes de communication traditionnels en abandonnant les paysages au profit

de personnages emblématiques sur fonds noir ».

L’usage du paysage était devenue une norme communicationnelle ; elle

consistait en une habitude, devenue rituelle dans les campagnes de promotion

touristiques, ou la valorisation de la qualité de vie d’un espace géographique

(quelle que soit sa taille : circonscrit à une zone d’activité industrielle, une

commune, un Parc Naturel Régional, une Région …) et finalement norme,

intégrée dans le mythe consubstantiel de l’identité du territoire. Processus

évolutif qui remonte à la Renaissance.

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Import/export d’images en paysages

Si le Guide du Routard publie en 2011 un livre consacré à la peinture

bretonne18, proposant quinze itinéraires fondés sur la qualité des paysages

bretons (et qui connait un succès de vente indéniable), c’est bien que cette

dimension d’attractivité conserve toute sa pertinence : « Nous avons une

grande chance en Bretagne : les paysages ont très peu changé depuis le

XIXème siècle. Les paysages que Gauguin a peints n’ont pas bougé », décrit

André CARIOU, directeur et conservateur en chef du Musée des Beaux Arts

de Quimper19.

En France, à partir des années 1750, la peinture de paysage aura pour effet,

assez rapidement, d’inciter le voyageur à observer le cadre de son parcours et,

partant, à venir y séjourner. Le développement des moyens de transports

encouragera cette fonction connexe à un genre pictural initialement peu

prisé.20 Le décor rural, naturel devient attractif alors qu’on parlait avant de

désert ou de pays affreux pour évoquer un espace sauvage, inhabité ou non

cultivé, c'est-à-dire inutile, en référence à des notions religieuses et

économiques (le problème alimentaire était crucial à l’époque).

Deux types d’espaces plus particulièrement deviennent alors attractifs : les

rivages et les montagnes. Toutefois, cette évolution arrive avec retard en

France. En effet, la présentation de l’une des deux expositions actuellement

proposées au Grand Palais à Paris21 nous indique que : « L’histoire de la

peinture de paysage débute à Rome dans la première moitié du XVIIème

siècle. Gagnant peu à peu en autonomie, elle connait alors un succès

considérable. Quelques-uns des plus grands peintres de l’époque contribuent

18 « La Bretagne et ses peintres », André CARIOU, Guide du Routard, 2011

19 « La Bretagne et ses peintres », article paru dans Le Progrès de Cornouaille, 22 avril 2011

20 « Paysages en mouvement », Marc DESPORTES, Gallimard, Bibliothèque illustrée des histoires,

2005

21 « Nature et idéal : Le paysage à Rome, 1600-1650, Carrache, Poussin, Le Lorrain …», Galeries

du Grand Palais (9 mars – 6 juin 2011)

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à l’émergence du paysage peint en élaborant différents types de

représentations de la nature. Longtemps considéré comme un genre purement

ornemental et divertissant, le paysage acquiert ses lettres de noblesses

progressivement, en y introduisant des personnages associés à des sujets

religieux ou mythologiques. Le paysage devient le cadre d’une action qui

contribue à le structurer et à lui conférer son aura poétique ».

Pour Marc DESPORTES 22, les historiens situent à la Renaissance le moment

où nait le paysage, comme issu d’une relation distanciée et valorisée au cadre

spatial, c'est-à-dire une représentation et une construction symboliques, et il

revient à la peinture un rôle important dans cette évolution ; cette époque est

encore la notre, et nous verrons comment depuis les jardins décrits par le

Guide Chaix de Paris à Bordeaux23 (développement des guides de voyage

ferroviaire, vers 1850), nous arrivons aux environnements urbains et à une

notion contemporaine de paysage en ville, à l’appui de nombreuses

démarches de communication locale pour valoriser des territoires.

Du lieu paysager au lien de l’art sur le territoire

A l’identique des grands aménagements paysagers du XVIIème, l’approche

inédite de l’espace et de sa nouvelle attractivité s’inscrit dans des démarches

artistiques, de type Land Art. Le paysage est transformé, non pas dans sa

représentation picturale, mais dans son espace physique, afin de lui conférer

une originalité et d’imprimer une empreinte matérielle en un lieu sur lequel

on souhaite attirer l’attention. De la marque de territoire – repère identitaire

dans le cadre d’un schéma de marketing territorial – on passe à une marque

sur le territoire. C’est ainsi que le projet politique de reconfiguration

d’intercommunalité urbaine devant réunir Nantes et Saint Nazaire s’incarne

en un parcours d’art contemporain ESTUAIRE afin de conférer une identité à

22 Ibid, p. 7

23 « Bibliothèque du voyageur. Nouveau guide de Paris à Bordeaux », Editions Napoléon Chaix,

Paris, sans date

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ce nouvel espace institutionnel, et une attractivité culturelle.24 La brochure

revendique cet objectif politique et retranscrit les interviews des artistes en

leur demandant systématiquement ce qu’évoque pour eux la notion de

territoire. De nombreuses déclinaisons de ces démarches pourront être

examinées, notamment sur des secteurs ruraux où l’objectif réside bien dans

une volonté de plus-value économique, souvent touristique, mais pas

uniquement.

Nous verrons également comment les parcs d’activité essaient de développer

des logiques paysagères et plus généralement comment les collectivités

municipales s’efforcent de maintenir une attractivité environnementale, en

communiquant à cet effet avec des mises en perspectives cohérentes par

rapport aux activités économiques. Parfois les citoyens s’en saisissent ; c’est

ainsi qu’à Angers, le Conseil de développement avait souhaité mettre en

avant la thématique végétale, qui se retrouve autant dans les représentations

urbaines de type jardins et paysages25, que dans le choix de l’activité

économique autour d’un pôle de compétitivité dédié au végétal26. Une

orientation qui n’aura finalement pas été retenue dans la stratégie

communicationnelle de la communauté d’agglomération.

Quoi qu’il en soit, l’identité du territoire peut devenir multiforme, la

singularité devant émerger de toutes ses composantes : économique,

historique, culturel, écologique … Dans ce cadre, la part du paysage n’est pas

négligeable.

24 « ESTUAIRE 2007-2009-2011 Nantes * Saint-Nazaire, Le Paysage, l’art et le fleuve », brochure

de présentation éditée par le lieu unique, scène nationale de Nantes

25 « Evaluation contingente d’aménités paysagères liées à un espace vert urbain. Une application

au cas du parc Balzac de la ville d’Angers », W.OUESLATI – N. MADARIAGA – J.SALANIE, Revue

d’Etudes en Agriculture et Environnement, N° 87, 2008

26 www.vegepolys.eu : site internet du pôle de compétitivité dédié à l’innovation par le végétal

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L’image du paysage porteuse de sens ?

Pour autant, peut-il être un objet de communication, au-delà d’une image

figée, au sens d’une transmission de sens ? Les sciences de la communication

interrogent cette hypothèse 27 : « A un premier niveau, il faut décider si le

sens n’est véhiculé que par des messages intentionnels, relevant de canaux de

transmission écrits ou audiovisuels, ou si l’on peut parler d‘une sémiotique

qui envisagera la transmission du sens par n’importe quel élément. Dans ce

cas, le champ d’observation des sciences de la communication est élargi aux

objets, à l’espace, à la ville … ». La sémiotique visuelle rend porteur de sens

tout objet, bâtiment ou organisation d’espace.

C’est bien évidemment dans les démarches de promotion touristique que son

usage est le plus prégnant. Pour Chloé ROSATI-MARZETI, membre du

laboratoire d’anthropologie à l’université de Nice 28 : « La manipulation du

paysage culturel urbain favorise l’identité et le développement économique

d’une ville. Station climatique et porte de la Provence orientale, Grasse

(Alpes-Maritimes) met en avant son savoir-faire local : la parfumerie.

Monuments et lieux sont astucieusement choisis et mis en scène pour servir

l’identité collective. Des efforts de présentation sont mis en œuvre par divers

acteurs pour créer un sentiment d’appartenance et générer la construction

d’un patrimoine idéologiquement orienté. Le paysage est culturalisé pour

favoriser le tourisme, et des objets souvenir sont inventés afin d’appuyer cette

image. Le paysage instrumentalisé devient outil communicationnel,

mercantile, identitaire et politique ».

Pour Anne Fortier Kriegel29, architecte paysagiste, les paysages ne sont pas

seulement un élément contribuant à la qualité de notre cadre de vie, ils sont

27 « Les sciences de la communication. Théorie et acquis », Bruno OLLIVIER, Armand Colin, 2007

28 « Communication : Tourisme et identité : l’impact du paysage culturel », colloque de

Neuchatel, organisé par le Congrès national des sociétés historiques et scientifiques, 2010

29 « Les paysages de France », Anne Fortier-Kriegel, PUF, 1996 et

« L’avenir des paysages français », Fayard, 2005

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vecteurs d’activités économiques, au-delà de leur impact touristique : « Le

sites et les paysages ne forment pas seulement le plaisir des promenades ou

la poésie des nuages, ce sont surtout la plus grande entreprise publique de

France ».

Nous écarterons un traitement exhaustif de la thématique du paysage (qualité,

préservation, impact environnemental, économique, social …) pour nous

arrêter sur les développements de son caractère attractif aux fins de

communication locorégionale. A cet égard, il sera intéressant de se pencher

notamment sur deux situations échappant aux usages communicants habituels

d’un paysage attractif, et peu susceptibles a priori de représenter cette

démarche. La situation d’une Région, l’Ile-de-France, plutôt synonyme dans

la représentation externe (en dehors des clichés parisiens) de vision

banlieusarde ou d’espace économique stricto censu, et qui propose, au travers

de l’ouvrage « Paysages territoires. L’Île-de-France comme métaphore » 30

de découvrir un patrimoine paysager et des sites protégés mal connus,

notamment en raison d’un « déficit de communication ». Nous nous

intéresserons aussi au cas d’une autoroute générant une démarche de

valorisation du paysage dans le cadre d’une politique du « 1% paysage et

développement »31.

A cet effet, il conviendra d’envisager les usages communicants des aménités

paysagères, auxquelles il est accordé de plus en plus une valeur économique,

bien que difficilement évaluable, et source de projets de développement local.

Pour Jean-Christophe DISSART32 : « Les liens entre aménités et croissance

régionale ont été mis en évidence par divers types de démarches empiriques.

Toutefois, l’articulation entre offre et demande d’aménités et les

30 « Paysages territoires. L’Île-de-France comme métaphore », Jean-François CHEVRIER et

William HAYON, Editions Parenthèses, 2002

31 http://prefecture.centre : Site internet de la Préfecture du Centre, autoroute A 19, DDE du

Loiret

32 « Paysages et développement régional : quels sont les liens ? », Jean-Christophe DISSART,

Cahiers d’économie et de sociologie rurale, N° 84-85, 2000

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conséquences de leur présence sur le développement méritent d’être

clarifiées » et de reconnaître que « En dépit d’un intérêt croissant pour les

paysages ruraux, des avancées de l’information et des améliorations dans les

transports, nombre de zones rurales restent en décalage socio-économique

par rapport aux zones urbaines ». Cette articulation entre offre et demande

est-elle précisément la source communicante qui, soit fait défaut, soit

n’emporte pas de conséquences positives dans l’attractivité économique du

territoire ? Si le paysage de belle facture s’affirme comme une valeur

environnementale incontestable, une condition nécessaire d’attractivité, il ne

saurait remplir les conditions suffisantes d’une communication locorégionale.

Toutefois, il s’impose de plus en plus dans les démarches à moyen et long

terme, et à moindre dosage communicant : il est révélateur de constater que le

réseau rural français a organisé une journée en novembre 2010 avec les Etats

généraux du paysage sur « Le paysage : fil conducteur du développement

durable des territoires »33.

Du paysage – image à l’image du territoire

Du paysage à l’identité du territoire, il n’y a qu’un pas – mais complexe -

puisque si la culture fondée sur l’écrit se déterritorialise facilement34, l’image

– et singulièrement le paysage, telle une figure stable et universelle d’un

espace – peut reterritorialiser, plus particulièrement un écrit d’écran. Le

paysage territorialise une nature en lui attribuant une valeur identitaire,

économique, touristique, écologique …

Mise en perspective bretonne, cette question a été évoquée par Delphine

NEDELEC 35 « En effet, si le patrimoine naturel recouvre des valeurs

matérielles et sensibles, c'est-à-dire des paysages, des sites, des espèces

33 Site internet www.reseaurural.fr

34 « Les sciences de la communication. Théories et acquis », Bruno OLLIVIER se référant à une

démonstration de Régis DEBRAY, Armand Colin, 2007

35 « La nature mise en communication. Analyse critique des pratiques et discours sur le

patrimoine naturel en Bretagne depuis 1994 », Delphine NEDELEC, Mémoire Master 2

Communication, Rennes 2, 2002

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animales et végétales, il est aussi porteur de valeurs et concepts plus difficiles

à analyser : des dimensions morales, identitaires et des intérêts politico-

économiques ».

Le paysage devient une signification, ce que l’on veut qu’il véhicule en

termes d’attractivité au-delà de son image et de son nom. Son introduction

dans le système d’Internet lui permet de prendre un essor quantitatif, à défaut

d’évolution qualitative car on communique souvent sur des images idéales,

désertifiées humainement mais magnifiées sur un plan environnemental, des

paysages préservés et idylliques flashées dans l’immédiateté de l’écran

informatique.

C’est pourquoi, afin de mieux intégrer l’histoire et les hommes d’un territoire,

qui participent de son identité contemporaine, nous verrons notamment

comment les démarches de promotion touristique s’accompagnent désormais

d’une implication dans les réseaux sociaux, symptômes ou indices d’un

territoire aux acteurs et populations dynamiques, donc perçu comme attractif.

Et au-delà des communications locorégionales à visée touristique, en quoi

l’identité devient un vecteur compétitif. Quelles formes revêt-elle et quels

usages communicants en est-il fait ?

L’identité territoriale, nouveau sésame compétitif

de l’attractivité économique ?

Avant d’aborder la notion d’identité territoriale - et son caractère attractif -

nous devrons tout d’abord préciser ce que nous entendons par territoire ; ce

questionnement a donné lieu à une abondante littérature, que nous ne

mentionnerons pas, ni ne décrirons de manière exhaustive, mais il semble

important de rappeler le concept auquel nous nous référons quand nous

l’évoquons. Pour Alexandre MOINE36, le territoire correspond à une

interaction entre trois systèmes individualisables : l’espace, les acteurs et les

36 « Le territoire : comment observer un système complexe », Alexandre MOINE, L’Harmattan,

Itinéraires géographiques, 2010

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représentations, et de noter que, actuellement, « Tout devient territoire

puisqu’il recouvre une complexité difficile à cerner » mais qu’au cœur de

cette complexité l’espace – qu’il soit naturel et aménagé, social ou vécu-

demeure une référence centrale. Si cette double nature s’impose dans tous les

travaux de recherche : matérielle - en tant qu’espace géographique - et

symbolique - en tant que système de représentation - la composante physique

demeure primordiale car « on ne peut jamais se représenter qu’il n’y ait pas

d’espace »37.

L’espace géométrique s’ajoute à l’espace anthropologique38 pour former un

système qui devient le territoire, et qu’Alexandre MOINE distingue en trois

sous-systèmes39 :

• L’espace géographique, approprié par l’homme, et aménagé

• Le système des représentations de l’espace géographique, sous forme

d’observation ou de projection

• Le système des acteurs (anthroposphère)

Seul aspect non évoqué sous cet angle, celui des non lieux, mis en exergue

par Marc AUGE40 et évoqué par Michel OGRIZEK41 au regard à contrario

des lieux qui ont une valeur, car disposant d’une identité culturelle, tant dans

le temps que dans l’espace : lieux de mémoire (monuments aux morts, sites

patrimoniaux …) ; lieux dits (sources, lacs, grottes …) ; haut-lieux (grands

sites naturels ou historiques). Ces non-lieux se situent à la périphérie, ce sont

des espaces d’anonymisation, voués à des usages de circulation (TGV), de

production (usines) ou de loisirs (hôtels, golfs), voire d’installation pratique 37 « Critique de la raison pure », Emmanuel KANT, PUF, Paris, 1963

38 « Les territoires de la communication », Isabelle PAILLIART, Presses Universitaires de

Grenoble, 1993

39 Ibid, p.35

40 « Non-lieux – Introduction à une anthropologie de la surmodernité », Marc AUGE, Seuil, 1992

41 « Environnement et communication, Michel OGRIZEK, Editions Apogée – Ecoplanet, 1993

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par des personnes (cités dortoirs dans les banlieues). D’où une volonté des

collectivités territoriales de communiquer, soit contre les non-lieux pour

mieux s’en dégager en faisant ressortir une identité locale, soit en essayant de

leur redonner une valeur ; c’est ainsi que les autoroutes portent des noms ou

que l’on s’efforce de donner l’impression au touriste qu’il séjourne dans un

lieu « habité », au sens d’une histoire. D’où aussi les tentatives de

réappropriation positive de lieux considérés comme laids objectivement (et

l’on retrouve alors l’importance du paysage), mais porteurs d’une histoire

industrielle partagée par des populations. Cette volonté peut se traduire par de

simples efforts d’aménagement et de valorisation au travers d’une politique

de communication, ou bien de manière plus conséquente par des opérations

de réhabilitation : « La réhabilitation est une notion industrielle nouvelle qui

s’inscrit dans le cadre d’une politique du paysage. Elle sera sans aucun

doute l’une des plates-formes privilégiées de communication pour de

nombreuses entreprises dans les années à venir, aussi bien en aval de

l’exploitation sur le terrain (réhabilitation/réparation) qu’en amont, au

moment même de la soumission d’un projet qui va modifier le paysage »42.

Mais cette volonté de communiquer positivement peut même aller jusqu’à

conserver sciemment un paysage industriel laid comme garant d’une mémoire

patrimoniale industrielle ; c’est ainsi qu’en 1977, une plaquette publiée par la

Maison de la Culture de Firminy (près de Saint-Etienne) légitime le fait de

conserver « les crassiers dans le paysage d’une région industrielle et

minière… Le crassier n’est pas beau en soi (il est plutôt repoussant) mais

c’est un témoin, témoin des siècles d’efforts quotidiens, témoin d’efforts

gigantesques menés dans les tréfonds et dont le souvenir disparaîtrait, s’il

était rasé un jour … »43.

L’identité permet non seulement de donner une plus-value à l’image du

territoire, de surmonter des handicaps environnementaux, mais également – et

c’est plus surprenant – de surpasser le paysage en terme de plus-value

42 Ibid

43 Ibid, p. 98

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d’intérêt général, voire touristico-économique si une valorisation

patrimoniale et culturelle débouche sur un succès d’estime ou de

fréquentation.

L’évolution d’une matière brute de type productif, quel que soit son contour,

en atout attractif du territoire nous montre bien que – de manière

consubstantielle – la question de l’identité se confond avec le territoire dans

le cadre de perspectives économiques.

En Bretagne, si l’on assiste bien à la transformation du matériau paysan en

objet de contemplation avec l’apparition du paysage - invention du XVIème -

la distinction entre valeur d’usage agricole et esthétique reste prégnante.

L’économie s’est structurée autour de la valeur foncière des biens, terrestres

(agriculture), ou de l’accès aux espaces marins (pêche), et le secteur primaire

reste important, beaucoup plus que dans les autres régions françaises44,

d’autant plus qu’il représente 3 ou 4 emplois indirects induits dans les autres

secteurs, et emporte des conséquences importantes en termes d’aménagement

du territoire. Pour autant, la région ne reste pas à l’écart des grandes

évolutions économiques des dernières décennies et de la recomposition des

espaces professionnels, avec une part du tourisme qui progresse. La valeur du

territoire qui devient virtuelle, qui se dématérialise au regard des critères

classiques de richesse et de droit de propriété augmente.

La communication met alors en œuvre une figuration médiatique du paysage

et développe la capacité de déclencher à son endroit une sensibilité qui lui

donne une plus-value, non seulement d’intérêt général, mais également

économique : au sens de l’environnement (paysages remarquables, notion

issue du sommet de Rio en 1992 et débouchant entre autres sur les

classements des zones Natura 2000), du tourisme (esthétisme des panoramas),

ou bien de la qualité de vie visible que les communications locorégionales

mettent en avant pour attirer les générations actives, et ainsi pallier les

44 La Bretagne est la première région française d’agriculture, et la troisième dans l’Union

européenne

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26

phénomènes de vieillissement induisant une progression de l’économie

résidentielle, au détriment du secteur productif, l’espace n’étant pas

extensible à l’infini.

Francis FAVEREAU évoque45 , dans le chapitre consacré au « Pays bretons

et paysages »: « … ce terme à tout faire de pays colle, d’une part, à la notion

de civilisation paysanne, celle d’une Bretagne comme d’une culture bretonne

essentiellement rurale (ou parfois maritimes, mais ne s’agissait-il pas avant

tout de paysans de la mer ?) et ce jusque très avant dans notre XXème siècle,

et d’autre part à l’empreinte du paysage, ou plutôt des paysages, sur

l’environnement mental des gens d’ici ».

Le paysage renvoie à une figure de représentation classique du territoire,

tandis que l’identité dispose une approche beaucoup plus complexe afin de

rendre compte, et de représenter toutes les composantes anthropologiques

d’un espace.

Mona OZOUF46 expose dans son avant-propos cette double approche de la

notion d’identité : « Quand je réfléchis à la manière dont les Français ont

senti, pensé, exprimé leur appartenance collective, deux définitions

antithétiques me viennent à l’esprit. Elles bornent le champ de toutes les

définitions possibles de l’identité nationale. L’une, lapidaire et souveraine,

« La France est la revanche de l’abstrait sur le concret », nous vient de

Julien Benda. L’autre, précautionneuse et révérente, « La France est un

vieux pays différencié », est signée d’Albert Thibaudet ».

C’est sans doute dans ce mélange d’appréhension rationnelle et affective qu’il

nous faut chercher les raisons de la popularité économique de l’identité

territoriale, en ce sens que les acteurs socioprofessionnels recherchent des

éléments concrets d’attractivité, mais qu’il faut les faire valoir dans un cadre

communicant, autant interne qu’externe faisant appel à la sensibilité des

45 « Bretagne contemporaine. Culture – Langue – Identité », Francis FAVEREAU, Editions Skol

Vreizh, 2005

46 « Composition française. Retour sur une enfance bretonne », Gallimard – NRF, 2009

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publics visés. En outre, sans adhésion de la population, c’est à dire

l’importation en son sein de la dimension identitaire que l’on veut

promouvoir - en amont pour la définir ou en aval pour la partager - l’export

semble voué à l‘échec.

Pour Jean-Pierre JAMBES47 : « L’identité présente d’ailleurs un caractère

instrumental d’autant plus efficace qu’elle peut, selon les cas, être exploitée,

réinventée ou produite, qu’elle est susceptible de s’enraciner dans l’histoire

ou d’inventer une histoire, d’être productrice de pouvoir ou de contester les

formes de pouvoir existantes. Les exemples abondent qui révèlent de quelles

manières les leaders des opérations de développement s’entendent pour jouer

de ces différents registres identitaires ».

Du Pays basque à la Bretagne, de la Beauce québécoise à l’agglomération

d’Angers, des territoires provinciaux à ceux de l’Île-de-France, des villes

marquées d’un caractère urbain aux espaces régionaux fortement empreints

de dimension rurale et environnementale, l’identité s’affirme tout à la fois

comme un rempart dans un univers mondialisé pour favoriser le

développement endogène et la cohésion sociale, et l’une des meilleurs

chances d’exportation du territoire au-delà de ses frontières géographiques ou

virtuelles. Deux objectifs qui ne sont qu’en apparence contradictoires pour

des régions en quête d’identité face à deux stratégies : cultiver le

particularisme en protégeant le territoire d’une frontière – un lieu des liens

internes - et faire du territoire le support d’une identité active se projetant au-

delà de son espace – le lien d’un lieu ouvert sur l’externe48.

Nous étudierons comment les collectivités locales, incarnation institutionnelle

de l’espace géographique sur un plan politique, les partenaires

socioprofessionnels et les entreprises, actrices économiques, mettent en scène

47 « Territoires apprenants. Esquisses pour le développement local du XXIème siècle », Jean-

Pierre JAMBES, L’Harmattan – Administration Aménagement du Territoire, 2009

48 « Le dessein identitaire des régions françaises », Gérard-François DUMONT in « Les territoires

de l’identité. Le territoire, lien ou frontière », tome 1, sous la Direction de Joël BONNEMAISON –

Luc CAMBREZY – Laurence QUINTY BOURGEOIS, L’Harmattan – Géographie et culture, 2004

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l’identité pour favoriser l’attractivité du lieu – le territoire - qui leur est

commun, et que Jean MENVILLE49 désigne comme étant « entre l’entreprise

et le marché ». Une approche qui s’effectue dans un contexte où les

collectivités locales se sentent investies d’une responsabilité de croissance

économique50 tandis que les entreprises émargent de plus en plus leur

communication du sceau de l’intérêt général, conçu en termes de

responsabilité sociale et environnementale.

Du territoire, objet d’aménagements et de promotion locale (première partie),

en passant par le paysage, construction symbolique du décor attractif

(deuxième partie) pour aller à l’identité (troisième partie) qui s’impose

comme une réinvention du territoire et du paysage, quels sont les mythes et

récits communicationnels qui essaient de ré-enchanter le marketing territorial

et le développement locorégional ?

49 « Entre l’entreprise et le marché, le territoire », Jean MENVILLE in «Entreprises et Territoires»,

Revue Sciences de la Société N° 48, Presses Universitaire du Mirail, 1999

50 « Constructions territoriales et dynamiques économiques », Gabriel COLLETIS in « Entreprises

et Territoires », Revue Sciences de la Société N° 48, Presses Universitaire du Mirail, 1999

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« Notre appartenance au monde des images est plus forte,

plus constitutive de notre être

que notre appartenance au monde des idées »

Gaston BACHELARD, Le dormeur éveillé

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30

• Introduction

• Chapitre 1 : Territoire et promotion locale

- 1.1 : De la communication institutionnelle à la promotion économique du territoire

o 1.1.1 : L’existence du territoire o 1.1.2 : L’image du territoire o 1.1.3 : La valeur du territoire

- 1.2 : De la promotion économique du territoire à son développement communicationnel

o 1.2.1 : Le territoire et le réseau o 1.2.2 : Le territoire et ses images o 1.2.3 : Le territoire et son classement

- 1.3 : Développement économique et communication touristique o 1.3.1 : L’espace territorial, destination touristique à promouvoir o 1.3.2 : L’espace touristique, lieu habité à valoriser o 1.3.3 : L’espace habité, une plus-value d’attractivité

• Chapitre 2 : Paysage et attractivité économique

- 2.1 : De la promotion touristique à la valorisation territoriale o 2.1.1 : Le paysage - peinture o 2.1.2 : Le paysage - norme o 2.1.3 : Le paysage - usage

- 2.2 : De la valorisation territoriale à la valeur économique du paysage o 2.2.1 : Les cadres de vie paysagers o 2.2.2 : Les aménités paysagères o 2.2.3 : Les non lieux paysagés

- 2.3 : Des aménités paysagères au paysage transfiguré o 2.3.1 : Le paysage transformé o 2.3.2 : Le paysage retouché o 2.3.3 : Le paysage mentionné

• Chapitre 3 : Identité et compétitivité territoriale

- 3.1 : Le territoire, lieu et lien o 3.1.1 : Les projets du territoire o 3.1.2 : Les atouts du territoire o 3.1.3 : Les compétitivités du territoire

- 3.2 : Le lien identitaire, marque du territoire o 3.2.1 : L’espace anthropologique mis en communication o 3.2.2 : L’identité territoriale mise en image o 3.2.3 : L’espace et l’identité, marqueurs communicants du territoire

- 3.3 : Le territoire authentique, entre paysage et identité

• Conclusion

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31

CHAPITRE 1

TERRITOIRE ET PROMOTION LOCALE

« Le territoire est fait de mémoires, de racines, de lieux, de liens,

de nœuds, de réseaux, de rencontres entre disciplines »

Chantal BLANC-PAMARD et Laurence QUINTY-BOURGEOIS

dans l’introduction

« Les territoires de l’identité. Le territoire, lien ou frontière ? »

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32

L’histoire de la communication locorégionale se confond pour une large part

avec celle de la décentralisation : de l’émergence des Régions en 1972 à

l’autonomie des collectivités territoriales à partir de 1981, les étapes

institutionnelles marquent l’importance grandissante de l’ancrage territorial et

de sa visibilité médiatique. Pour autant, les contours et contenus de l’image

que les territoires portent et donnent à voir s’inscrivent dans des démarches

diverses, tant dans les objectifs poursuivis que dans les moyens mis en œuvre.

Et en matière d’attractivité économique, reste à ne pas oublier le rôle de

l’Etat, notamment en matière d’emploi, comme le rappelle fort justement

Marketing Magazine dans son numéro d’avril 201151 : « Les territoires

intéressent de plus en plus le marketing. On parle d’image, d’attractivité, et

même de marque pour désigner une ville, une région, un pays. Mais la

communication n’est que la partie immergée de l’iceberg. Le socle du débat

demeure celui de la politique économique de l’Etat ». Examinons l’évolution

conduisant les acteurs locaux à s’emparer autant de ces questions

d’attractivité économique de leurs territoires, indépendamment de leurs

compétences dédiées, afin de conférer à la communication locorégionale un

rôle majeur de compétitivité.

• 1.1 : De la communication institutionnelle à la promotion économique du

territoire.

Avant de voir le paysage de la communication locorégionale s’imprégner des

« marques de territoires », il aura fallu voir le territoire émerger comme

acteur existant, puis communicationnel.

- 1.1.1 : L’existence du territoire

Pour Bertrand BADIE52, le territoire recouvre des représentations variables :

« Derrière cette géométrie, l’espace prend des sens très différents. Mythique

dans la tradition chinoise, domaine de conquête et d’extension dans la

51 « La MARQUE & le TERRITOIRE », enquête, Marketing Magazine N° 148, avril 2011

52 « La fin des territoires », Bertrand BADIE, Fayard, 2003, collection L’espace du politique

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tradition musulmane, lieu de rayonnement et de civilisation dans la tradition

romaine, il se reconnait tout juste des limes, sans s’accommoder de la notion

de frontière … ». Dans un cadre locorégional et non plus international, cela

suppose que le territoire, existant en tant qu’objet communicationnel,

s’inscrira dans des cadres cognitifs tributaires des représentations

préexistantes.

Certes, la question des frontières est tranchée, dans la mesure où les

découpages administratifs des collectivités territoriales ne sont pas sujets à

une divergence de reconnaissance - encore que le degré d’appréhension des

citoyens peine parfois à recouper celui de la réalité institutionnelle. Toutefois,

en matière de démarche communicante, la représentation du territoire peut

faire appel à des délimitations symboliques outrepassant les frontières légales

(par exemple la notion de territoire basque fait appel à un espace aux contours

discutés). Exception faite de cette hypothèse peu fréquente de distorsion entre

les frontières légales et représentées, la décentralisation de 1981 donne le la

de l’autonomie communicationnelle des territoires, en tant qu’institutions à

part entière de la République. La satisfaction des édiles locaux s’exprimera

logiquement dans cette volonté de donner à voir cette nouvelle réalité

d’indépendance d’existence ; aux côtés de la figure tutélaire d’Etat,

l’émergence des nouveaux acteurs institutionnels doit forcément devenir

visible, médiatique pour conforter la réalité administrative dans une

dimension symbolique, et acquérir ainsi une légitimité autonome vis-à-vis des

citoyens. C’est donc naturellement au territoire que revient cette puissance

d’évocation.

En politique, si les mots font sens, et sont utilisés à cet effet de manière

discursive, au sein de l’espace public les images et représentations des

territoires vont signifier de manière cognitive et figurative l’existence et

l’importance grandissante des collectivités décentralisées, dans le cadre d’une

communication locorégionale en pleine expansion.

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34

1.1.2 : L’image du territoire

Partant de l’objectif de reconnaissance politique et pratique dans l’espace

public des administrés, le territoire devient un acteur exposé et ses

responsables, qui le mettent en scène, sont soumis progressivement à une

logique en reconnaissance d’utilité. Puisque l’on donne à voir un objet

communicationnel, celui-ci provoque des attentes au-delà des assignations

traditionnelles que constituaient les actions des collectivités locales en

matière d’aménagement du territoire ou de solidarités.

On assiste à une évolution, car comme le rappelle Fabrice HATEM53,

conseiller économique à l’Agence française pour les investissements

internationaux, cette notion d’attractivité était absente du vocabulaire des

économistes à la fin des années 80. Petit à petit, le territoire est sur le devant

de la scène, censé fournir des solutions de développement socio-économique.

En France, le concept est particulièrement mobilisé qui voit depuis toujours

des traditions d’aménagement du territoire se manifester sous diverses

formes, étatiques ou décentralisées, urbaines ou rurales. Cette dernière

composante étant la plus ancienne, compte-tenu du socle agricole d’un pays

particulièrement marqué par cette activité économique. Aboutissement

logique en 1999 avec la LOADTT (loi d’orientation pour l’aménagement et le

développement durable du territoire) qui consacre la fonction fédératrice du

territoire à l’égard des institutions et des acteurs locaux, au travers des

objectifs de contrat et de projet.

L’entrée géographique de l’espace se double non seulement d’une vocation

utilitariste sur le plan économique, aux fins de développement, mais

également, nous l’avons vu dans la partie 1.1.1 d’une vocation symbolique de

représentation de l’espace politique. Pour Alexandre MOINE54 « L’institution

collective qui émerge alors, se distingue de l’Etat ; elle repose sur un pouvoir 53 « Attractivité : de quoi parlons nous ? », Fabrice HATEM, dans le dossier spécial « Des

territoires attractifs », Revue Pouvoirs locaux N° 61, Editions La Documentation française, 2004

54 « Le territoire : comment observer un système complexe », Alexandre MOINE, L’Harmattan,

2010, collection Itinéraires géographiques

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politique local fait d’une étroite imbrication entre structures et

comportements centraux, leaders et groupes hétérogènes, et met en œuvre des

actions de gestion et d’aménagement qui s’articulent théoriquement autour

d’un processus politique permettant de dégager un consensus ou sinon

permettant d’obtenir l’assentiment nécessaire à l’accompagnement d’un

projet ». Le territoire devient enjeu constitutif d’une démarche de

développement, la qualité de son image va donc figurer comme élément

central de réussite ; sa capacité à rassembler les partenaires locaux, publics ou

privés - pour dégager l’intérêt général d’une bonne santé économique -

participe d’une dimension d’attractivité.

Ce ressort d’attractivité, indispensable à la cohésion d’une démarche

pluridisciplinaire (les contrats ou projets s’élaborent à l’aune des apports

économiques, sociologiques, sociétaux, urbanistiques, environnementaux …

avec une pluralité d’acteurs) ne procède pas uniquement d’une évaluation

rationnelle au regard de critères objectifs d’aménagement du territoire ou de

bonne gouvernance décentralisée.

Il relève également d’une image positive se dégageant de la représentation du

territoire, et dans un premier temps en interne de son espace géographique

vis-à-vis de ses populations, élus locaux et socioprofessionnels. Ces derniers

évoluent par ailleurs, au niveau de leur propre activité, sur une base

territoriale, comme le rappelle Jean Menville dans son article « Entre

l’entreprise et le marché, le territoire »55. Il met en exergue l’émergence des

territoires comme acteurs du développement, dans la mesure où les

différenciations se jouent dans la capacité à organiser sur un secteur

géographique des innovations organisationnelles, pour une mutualisation et

une coordination des interactions publiques et/ou privées. Les entreprises

participent à cette construction d’environnement économique, social et

politique et, dans un double mouvement d’influence réciproque les

dynamiques territoriales intègrent les stratégies des firmes.

55 « Entre l’entreprise et le marché, le territoire », Jean MENVILLE dans « Entreprises et

Territoires », Revue Sciences de la Société, Presses Universitaires du Mirail, N°48, 1999

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La construction d’entités géographiques avec des caractéristiques

environnementales, sociologiques et économiques spécifiques participe

ensuite d’une localisation non entièrement reproductible, présentant des

facteurs de différenciation et de compétitivité, donc une plus-value de

singularité territoriale.

Le territoire devient une valeur que l’on cherche tout naturellement, à

exporter. L’image interne a vocation à se démultiplier à l’externe pour que

l’attractivité nourrisse des flux de développement exogène.

1.1.3 : La valeur du territoire

La reconnaissance de l’action des collectivités locales devient de plus en plus

tributaire de l’efficacité économique qu’on leur prête car dans les démarches

de projets et de contrats, les acteurs politiques sont les premiers représentants

d’une responsabilité au titre du territoire, les premiers sur la scène publique à

symboliser naturellement les démarches d’intérêt général en faveur de la

réussite collective du territoire, au sens de l’espace habité, aménagé et porteur

de dynamiques économiques bénéfiques à tous. Cette nouvelle légitimité qui

s’impose de plus en plus par rapport à la primauté du droit et aux fonctions

traditionnelles assignées aux institutions publiques (aménagement spatial du

territoire, mise en place d’équipements collectif, gestion sociale …)

transforme le territoire « espace conçu » en territoire « espace vécu » puis

« espace signifié », source de valeur à mettre en atout communicationnel.

Décrit par Christian LE BART56 de manière tranchante en ces termes « Après

avoir été le principe organisateur de la vie sociale, le territoire tend à ne plus

guère exister que sous la forme d’un artefact ».

Conséquence logique, ces objectifs se conçoivent en partenariat avec les

socioprofessionnels et de nouvelles structures émergent afin de réunir les

acteurs publics et privés, notamment les agences de développement

56 « Les politiques d’image : entre marketing territorial et identité locale », Christian LE BART

dans « Les nouvelles politiques locales. Dynamiques de l’action publique », R.BALME, A.FAURE,

A.MABILEAU (dir.), Presses de Sciences Po, 1999

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économique. Traduction de cette tendance à faire émerger le développement

économique de son ancrage territorial, elles disposent le plus souvent dans

leur organisation interne d’un pôle territoires. Ainsi IDEA 35, l’Agence de

Développement Economique d’Ille-et-Vilaine57 a structuré son

fonctionnement en deux secteurs : le pôle entreprises et le pôle territoires.

Existant depuis vingt cinq ans, cette structure majoritairement financée par le

Conseil général a fait le choix de confier la présidence à un chef d’entreprise,

afin de marquer une volonté délibérée de placer son image relationnelle sous

le seau de l’entreprenariat, considérant que « pour aller chercher des

entreprises il vaut mieux afficher une culture d’entreprise qu’un outil qui

emporterait une connotation trop politique au travers d’une présidence

confiée à un élu. La dimension partenariale est plus mobilisatrice et

fédératrice ; elle marque une plus forte proximité entre l’entreprise et son

territoire, notamment dans l’activité d’accompagnement d’une entreprise

après son installation ». D’autres structures de même nature effectuent des

choix de présidence différents, mais c’est en cela qu’il nous a semblé

intéressant - dans le cadre de cette recherche - d’entendre plusieurs points de

vue organisationnels. Au sein d’IDEA 35, on considère que les facteurs

d’attractivité économiques du département sont conséquents, ce qui a amené

l’agence à ne pas développer de manière prioritaire un secteur d’activité dédié

exclusivement et prioritairement à une communication à vocation généraliste

sur l’Ille-et-Vilaine. La valorisation du territoire se conçoit de manière

pragmatique, au cas d’espèces, projet par projet. La volonté de poursuivre des

démarches de développement exogènes s’inscrit dans une volonté de

caractériser la valeur DES TERRITOIRES, c'est-à-dire de TOUS les

territoires du département, au travers du maillage relationnel avec les

Etablissements Publics de Coopération Intercommunale. Ceci s’applique

quelle que soit la dimension des projets économiques, en ayant conscience de

l’apparente modestie de certains d’entre eux sur des secteurs ruraux qui ont

besoin de mettre en évidence la valeur économique de leur territoire au

57 Entretien avec Adrien SAVARY, responsable du Pôle Territoires d’IDEA 35, le mercredi 4 mai

2011

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travers d’une approche personnalisée, et non dans un cadre

communicationnel global. Ce choix peut étonner au regard des tendances

actuellement observées dans bon nombre de structures similaires, mais

s’expliquent pour Adrien SAVARY par les caractéristiques du département,

l’histoire de IDEA 35, la volonté de coller au plus près des besoins pratiques

des entreprises et de proposer avant tout une ingénierie et une expertise

pratiques micro-localisées, en revendiquant l’absence de logique de

promotion générale, celle-ci se traduisant de manière opérationnelle et

pratique par projet, spécifiquement. Quoi qu’il en soit, le travail

communicationnel engagé singulièrement fait ressortir les éléments

d’attractivité du territoire concerné, c'est-à-dire sa valeur économique.

Ces promotions économiques de territoire s’expriment de diverses façons,

certaines démarches s’effectuant – comme IDEA 35 - de manière

traditionnelle, d’autre en empruntant beaucoup plus aux techniques du

marketing pour caractériser les atouts locaux et/ou régionaux, avec une

dimension communicationnelle plus importante.

La tendance actuellement, comme on le verra dans les développements

ultérieurs, est effectivement à un renforcement de ces stratégies de marques,

de positionnement compétitif DU TERRITOIRE, qui implique une dimension

communicationnelle plus forte, sur le plan quantitatif, et diversifiée dans ses

moyens, sur le plan qualitatif.

• 1.2 : De la promotion économique à son développement communicationnel

L’environnement communicationnel et organisationnel des territoires – en

tant qu’espace géographique organisé sur le plan institutionnel - est devenu

polymorphe dans les canaux de diffusion et l’adaptation impose la prise en

compte d’un fonctionnement de type réseau, tandis que les supports d’images

deviennent multiples ; la dimension d’attractivité économique du territoire

emporte une accentuation des démarches polyvalentes de promotion.

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- 1.2.1 : Le territoire et le réseau

L’évolution organisationnelle et communicationnelle des entreprises du

secteur privé participe de l’importance accrue des phénomènes d’attractivité

territoriale. Pour Pierre VELTZ58, la souplesse d’organisation des firmes

s’ajoute à la croissance des métropoles et à l’émergence des Régions, dans un

environnement de mondialisation industrielle et de globalisation financière.

Parallèlement, l’innovation devient un critère de plus en plus important de

compétitivité, incluant la qualité et la variété des services propres aux

entreprises; c’est au cadre collectif local que reviendra la capacité d’organiser

ce maillage relationnel entre firmes, clients, institutions et politiques

publiques pour maîtriser le développement d’un territoire et permettre l’accès

aux flux de l’économie mondialisée. L’une des meilleures illustrations réside

dans la montée en puissance des pôles de compétitivité, ayant un ancrage

territorial marqué tout en dépendant pour une large part de choix et de

ressources étatiques, ce qui n’est pas sans poser question : les territoires

organisent et promeuvent ce que l’Etat décide d’abonder ? La communication

locorégionale perd de son autonomie décentralisée, au profit d’un système

partenarial dans lequel le jeu des acteurs privés et de l’Etat emporte une

influence non négligeable.

L’entreprise a donc intérêt à s’inscrire au niveau de cet ancrage spatial qui lui

apporte une qualité territoriale dont elle a besoin dans la compétition

économique, que ce soit pour son marché endogène (il constitue toujours une

part importante des revenus des entreprises), ou - pour les plus importantes

d’entre elles – exogène. « L’efficacité des systèmes de production et

d’échanges devient relationnel, systémique ». Quelles que soient les

caractéristiques de l’entreprise, et quand bien même son chiffre d’affaires ne

serait pas lié à une dimension exportatrice se confrontant à la concurrence

58 « Penser l’attractivité dans une économie relationnelle », Pierre VELTZ, dans le dossier spécial

« Des territoires attractifs », Revue Pouvoirs locaux N°61, Editions La Documentation française,

2004

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mondiale, rares sont celles qui peuvent s’extraire d’un contexte globalisé, ne

serait-ce que dans la présence des flux d’information.

Le territoire réseau n’est pas seulement celui des acteurs entre eux, qui

mutualisent et coordonnent leurs actions en vue de son développement, mais

également celui où la circulation de l’information – écrite ou visuelle,

scripturale ou figurative – emporte des conséquences extérieures à son espace

géographique, à ce qui en émane, et à ce qui y revient.

La force territoriale de développement économique issue de caractéristiques

concrètes (qualité des terres, accessibilité des lieux, praticabilité des voies de

déplacements, facilité de communication, présence d’équipements

performants etc.) évolue à l’identique des mutations de l’espace physique en

territoire virtuel59. Yann BERTACCHINI expose que « Toute société repose

sur un ou plusieurs territoires … pour habiter, pour travailler, pour se

recréer et même pour rêver ; des espaces vécus et des espaces subis ; des

cellules locales et des réseaux ramifiés. Il est de l’ordre du réel et possède

une réalité complexe ». Puis, que « … l’évolution des outils de

communication (les réseaux sociaux) constitue une interrogation … En quoi

l’évolution de ces cadres peut-elle s’accompagner d’une évolution des modes

de constitution et de perpétuation des réseaux eux-mêmes ? ». Ainsi nommés

les territoires virtuels ne s’affranchissent pas pour autant des ensembles de

règles, des structures ou des organisations. Si les frontières deviennent

mouvantes, celles des systèmes communicationnels par ordinateur - ajoutés

aux autres vecteurs médiatiques de diffusion des images - et des contenus qui

y circulent laissent transparaître les mutations socio-économiques, issues de

phénomènes se déroulant sur le territoire physique. En effet, le

fonctionnement de type réseau – entre les acteurs locaux et les structures ad

hoc dédiées à l’attractivité économique ainsi que par Internet - induit la

59 « Territoire physique et territoire virtuel. Quelle cohabitation ? », Yann BERTACCHINI avec le

groupe GOING (Groupe d’Observation des Nouvelles Gouvernances), travaux de DEA 2002/2003,

Université de Toulon et du Var

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métropolisation et partant, des questions d’aménagement spatial bien

concrètes sur l’espace géographique au sens classique du terme.

En effet, paradoxalement la proximité géographique dans un fonctionnement

de type réseau Internet est un atout, comme si la visée universaliste trouvait à

s’appliquer dans une concrétisation par un groupe social, forcément rattaché à

un espace physique puisque l’espace géographique devient territoire car il est

habité. Alain LARAMEE expose ce point de vue60 dès 1995 : la nécessité de

penser les NTIC dans une dimension spatiale. A l’époque, il explique que le

sujet est habituellement traité, soit dans le cadre d’une approche NTIC sans

sensibilité à problématique spatiale, soit dans un cadre d’études spatiales sans

sensibilité communicationnelle. Les trois composantes communication,

identité, territoire sont indissociables des NTIC. S’appuyant sur les travaux

d’Edgar MORIN (Science avec conscience, 1990), son propos dispose que

l’identité - c'est-à-dire l’être du système avec ses individus, son

fonctionnement - ne peut s’envisager sans sa relation avec les autres êtres

(communication) et le contexte environnemental (territoire). L’identité se

construit en fonction de son appartenance au groupe social qui vit sur un

espace physique délimité de manière cartographié, et dont les modes

d’organisation sont fonction des mythes. D’où l’existence de deux

cartographies, l’une physique, l’autre mentale, l’une fonctionnelle, l’autre

symbolique, l’une organisationnelle et l’autre référentielle, qui se superposent

et fusionnent dans une représentation hétérogène.

Le groupe est incarné dans l’espace physique, indépendamment de

l’abstraction sémiologique et informationnelle ; les NTIC viennent

complexifier le lien entre ces trois composantes, mais plutôt que de les

concevoir comme permettant d’abandonner cette frontière spatiale, ils

peuvent en renforcer les liens communicationnels, c'est-à-dire apporter un

ancrage territorial aux pratiques d’échanges permises par la technologie

Internet. Et de conclure que « La vision d’un monde virtuel composé de

60 « Communication, territoire et identité », Alain LARAMEE dans « Territoire, société et

communication », Revue Sciences de la Société N° 35, Presses Universitaires du Mirail, 1995

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territoires abstraits ne résiste pas à l’observation empirique ». Puis

d’annoncer que l’imaginaire social issu des NTIC est beaucoup plus puissant

et important que la réalité de sa mise en application. Traduction avérée dans

les faits postérieurs avec l’importance accrue en termes d’attractivité

économique du phénomène de métropolisation, qui réunit les caractéristiques

d’espace physique, anthropologique et virtuel avec le réseau Internet.

C’est pourquoi certains territoires ruraux développement une stratégie de

mise en réseau dans le domaine économique. Le Pays du Centre Ouest

Bretagne a créé un portail Web NUMERICOB61, afin de pallier la faiblesse

structurelle d’équipement en TIC des petites entreprises, qui pourront

notamment présenter leur savoir-faire et leur produit, dans le cadre d’un

fonctionnement basé sur la mutualisation des coûts. Son annonce se fonde sur

l’objectif de « créer des liens économiques plus importants …» et lance

également Neve’o (service d’accompagnement des entreprises innovantes)

dont l’idée affichée62 est « compenser le défaut d’attractivité en misant,

d’abord, sur les énergies renouvelables et notamment la filière bois ». Le

programme se décline de manière partenariale avec des chefs d’entreprises, la

CCI de Morlaix, l’agence de développement économique des Côtes d’Armor.

La recomposition des espaces professionnels de l’après-fordisme se poursuit,

tant en termes de démarches communicationnelles des entreprises qu’en

évolution des politiques publiques d’attractivité économique des territoires,

les deux se mêlant pour se nourrir l’une de l’autre.

La dimension relationnelle du territoire est d’autant plus influente que

l’évolution concomitante des caractéristiques du système économique repose

de plus en plus sur un potentiel et une plus-value en ressources humaines

61 Information parue dans la newsletter quotidienne « La Lettre économique de Bretagne » du

14 mars 2011

62 « Pays COB : se battre pour attirer les entrepreneurs », Le Télégramme, page locale, 14 mars

2011 et site internet www.neveo.fr

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qualifiées. La présence des cadres sur un territoire devient gage de réservoir

de compétitivité pour les entreprises et conditionne leur capacité à évoluer

avec réactivité et souplesse en fonction des nécessités d’un marché flexible.

D’où la confirmation d’un avantage aux métropoles de par leur capacité à

proposer un bassin d’emploi dynamique, un réseau de ressources humaines,

mais revers parfois de la médaille des cadres de vie moins attractifs ; c’est

ainsi que la Région Ile-de-France perd chaque année en nombre d’habitants

pour cause de cherté et de moindre qualité de vie. La compétition

d’attractivité économique se joue entre pôles métropolitains, au sein de

régions qui, elles, auront tout intérêt à affirmer un caractère identitaire, et à

jouer sur les atouts du cadre de vie.

La communication locorégionale se nourrit de ces flux multiples et la

collectivité territoriale véhicule ces images, qu’elles soient de nature visuelle

ou faites de savoirs, d’apprentissages, de connaissances, de repères culturels,

de marqueurs paysagers ou environnementaux.

De la capacité des territoires à s’en saisir dépend souvent leur marge

d’innovation locale au sein de l’espace public. La multiplicité des images

adossées à un territoire peut autant participer d’une dynamique et d’une

synergie de mise en cohérence des flux, que d’une dispersion et d’une perte

d’énergie, faute de canalisation en une dimension communicationnelle

d’attractivité économique.

- 1.2.2 : Le territoire et ses images

La tendance allant à l’accroissement des vocations externalisées de

l’attractivité du territoire, les images qui s’en dégagent et circulent sont de

plus en plus nombreuses et leur forme diversifiée. Difficile de prétendre à un

recensement exhaustif en la matière, mais nous nous intéressons à la diversité

des représentations, spontanées ou développées par les acteurs locorégionaux

aux fins d’attractivité économique du territoire.

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L’environnement actuel, saturé d’images, dispose même que l’on puisse le

voir se superposer aux réalités. C’est la thèse développée par Alain MONS63

sur l’émergence d’une économie fictionnelle, se superposant de plus en plus à

une économie matérielle : « Or, dans notre période d’une médiatisation

généralisée par les techniques de diffusion de masse, croire c’est voir ».

L’image, ou plutôt justement les images, qu’un territoire donnera à voir

constituent donc un enjeu important, qui suppose de savoir en développer la

qualité mais aussi la quantité, dans le sens d’un choix de multi supports afin

d’être sur que dans un univers médiatique très concurrentiel, la dimension

polysémique puisse emporter un avantage de mémorisation. Ultime avantage

recherché, celui de la mise en cohérence, ou au moins d’une perspective

commune qui rattache la diversité des figures visualisées ou représentées à

une souche territoriale clairement identifiable. C’est ainsi que nous pouvons

être confrontés à des logos, des slogans, des paysages, des dessins, des

emblèmes ou drapeaux, des images animées ou figées, des représentations

symboliques ou photographiques, des vues réalistes ou retouchées, dans un

cadre infini de supports : sites Internet, fictions cinématographiques, dépliants

touristiques, journaux institutionnels, encarts publicitaires, presse spécialisée,

documentaires télévisés … Le registre peut lui aussi varier

considérablement : dimension patrimoniale ou moderniste, généraliste ou

ciblée, locale ou mondiale mais plus souvent mélange les genres afin de

n’oublier aucune cible et d’afficher un territoire polyvalent, susceptible de

déclencher à son endroit un phénomène d’attractivité qui parle à l’opinion

publique.

Dans un contexte où l’image s’éparpille dans une circulation de plus en plus

rapide, elle devient objet de négociation et les choix publics sont pensés à

travers les applications technico-médiatiques64.

63 « La métaphore sociale. Image, territoire, communication », Alain MONS, PUF, 1992,

collection Sociologie d’aujourd’hui

64 « Paysages d’images. Essai sur les formes diffuses du contemporain », Alain MONS,

L’Harmattan, 2006, Collection Nouvelles Etudes Anthropologiques

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Dans cette profusion d’images, certains territoires développent des stratégies

complémentaires, cherchent des niches d’attractivité. La Région Île-de-

France s’inscrit dans une démarche d’accueil de tournage de films

cinématographiques qui cumule plusieurs avantages communicationnels outre

la dimension économique concrète liée à l’impact en retombées directes de

l’industrie culturelle (rémunérations des personnels, hébergements, dépenses

techniques, défraiements etc.) : une promotion régionale au travers des

paysages, lieux, sites … véhiculés par le film et une notoriété culturelle par le

choix affiché d’être aux côtés des productions télévisées, documentaires ou

cinématographiques. S’agissant d’une Région qui perd en nombre d’habitants

compte-tenu des problèmes de qualité et de cherté de la vie, cette dimension

consistant à répercuter des images attractives in situ n’est pas négligeable. Et

la rubrique Internet de la commission du film d’Ile-de-France affiche

clairement cette volonté qui stipule que « Le secteur de l’image participe de

ce dynamisme … L’Ile-de-France offre une diversité de paysages … est

parsemée de sites agricoles, industriels et tertiaires hautement pittoresques,

et, en tant que berceau historique de la France, compte parmi les principales

résidences royales et seigneuriales …».

Le territoire comme système de communication connait différentes phases,

tel un cycle de vie, et la persistance dans le temps des mêmes images de

promotion atteint très vite ses limites ; par exemple, on assiste souvent à une

obsolescence des ressources patrimoniales. Il faut trouver d’autres vecteurs

d’attractivité. C’est dans une capacité à anticiper le renouvellement des

images que se trouve la persistance d’une image positive.

Amplifiées par le contexte médiatique, les images des territoires véhiculées

par l’imaginaire social issu des TIC laissent émerger la revendication

identitaire de manière d’autant plus importante que le contexte de

mondialisation géopolitique et culturelle impose de singulariser et de trouver

des repères stables dans un univers compétitif, en mouvement permanent.

Progressivement, l’attrait pour le territoire repose aussi sur une capacité à

développer à son endroit une empathie de qualité de vie, devenue une denrée

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rare dans un environnement où les notions d’espace et de temps se réduisent

et saturent le quotidien de sollicitations à vocation de réponse immédiate.

Le territoire devient refuge, point d’appui – au sens propre et figuré du terme

- tandis que l’économie résidentielle n’apparait plus uniquement comme

dévoreuse d’espace et synonyme d’urbanisme envahissant. Le site internet

Entreprise Territoire et Développement s’y intéresse et propose dans le cadre

du Réseau Rural National, en partenariat avec le collectif Ville Campagne,

des notes de prospective afin d’explorer – au-delà du constat de dynamiques

territoriales et de mesure du poids de ce secteur – le potentiel que recèle

l’économie résidentielle.

L’attractivité du territoire à l’égard des entreprises se double d’un avantage

concurrentiel recherché dans un cadre plus général que les simples critères

économiques stricto censu.

Laurent DAVEZIES65 développe la théorie des impacts économiques, dans

les territoires, qui sont issus de la redistribution publique ou d’activités autres

que celles du secteur de production (biens ou services), telles que les loisirs,

la culture, le tourisme etc. Cette double évolution – qui demande à être

relativisée dans certains secteurs géographiques où le conflit d’usage des sols

reste conséquent et empreint d’enjeu majeur pour son affectation productive –

nous conduit à un territoire en concurrence non seulement pour l’accueil des

activités mais aussi pour celle des populations.

Les images du territoire doivent emprunter, en sus des logiques de

dynamisme collectif et d’efficacité économique des voies sociales et

sociétales. D’une communication locorégionale s’adressant soit aux

populations de son territoire - dans un objectif de légitimité politique - soit

aux acteurs économiques – dans une volonté de développement du territoire –

on évolue vers des communications grand public ; conséquence logique, on

assiste alors à un phénomène de classement médiatique des territoires.

65 « Plus de décentralisation avec moins d’égalité ? », Laurent DAVEZIES, Revue Pouvoirs locaux

N°58, Editions La Documentation française, 2003

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- 1.2.3 : Le territoire et son classement

Donnant à voir une réalité polyvalente d’attractivité, les territoires se sont

retrouvés dans une compétition d’image(s), au sein de laquelle les médias ont

fort logiquement pris toute leur place, sans compter l’intérêt propre qu’ils ont

trouvé à développer ce type d’information. La presse écrite notamment, en

difficulté commerciale chronique, s’est emparée d’un thème vendeur, preuve

si besoin était de la popularité du sujet territorial, et correspondant par ailleurs

à la logique de notation des performances du secteur public, particulièrement

en vogue (classement des hôpitaux, universités, lycées, cliniques etc.).

Symptôme d’un phénomène bien réel, la compétition entre territoires, et/ou

indice d’une demande du lectorat, mais quoi qu’il en soit emportant un effet

amplificateur du phénomène concurrentiel. Se pose alors la question des

critères aux fins d’établir ce qui est communément nommé palmarès des

villes.

Plusieurs auteurs – professionnels ou universitaires - décrivent cette situation,

que ce soit sous l’angle politique, économique ou médiatique. Bruno

COHEN-BACRIE66, Directeur de la communication d’Echirolles (commune

située dans l’agglomération grenobloise) mentionne, pour s’en étonner, le

cabinet KPMG qui mène une enquête en 2004, intitulée « Choix

concurrentiels », prenant en considérant 27 éléments de coûts sur 10 ans dans

98 villes mais écartant les critères qualitatifs.

Et d’en appeler précisément à un retour de l’authenticité par besoin de

crédibilité, notamment pour évacuer la partie mise en scène et privilégier le

développement local. Puis d’évoquer les questions d’aménagement du

territoire, réelles préoccupations des citoyens … Comme si certains excès

dans les compétitions d’images avaient usé la capacité communicationnelle à

trouver des débouchés réceptifs et réactifs. Il mentionne dans son propos

l’opportunité de réintroduire dans le discours des élus la dimension de la

66 « Territoires en promotion. Développement local, marketing territorial et stratégie d’image »,

dans le dossier spécial « Des territoires attractifs » de la Revue Pouvoirs locaux N° 61, 2004

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place européenne des Villes et Agglomérations, certes justifiée, notamment

quand qu’elle s’exprime – comme à Paris, ville des Lumières - dans une

volonté de retisser des liens avec les autres métropoles du monde, c'est-à-dire

une communication à vocation universaliste. A mettre en perspective des

slogans territoriaux empreints de vocation internationaliste (termes anglais),

qui peuvent devenir vains s’ils ne sont pas adossés à de réelles stratégies de

positionnement sur la scène européenne. En somme, un retour aux

fondamentaux d’une institution procédant d’un vote des citoyens : la

communication par le processus discursif au travers de la parole politique et

le choix politique par des décisions portant sur l’espace physique, impactant

l’environnement public, dans un cadre réellement participatif.

Nous sommes loin des errements décrits par Didier PARIS67, professeur

d’Aménagement et d’Urbanisme, qui dénonce les lacunes méthodologiques

de ces exercices de classement médiatique, justifiés surtout par leur rôle de

« produit éditorial à succès » et emportant des conséquences non

négligeables pour les territoires relégués au rang de faire-valoir des premiers

de la classe. Il caractérise de facto l’influence des démarches

communicationnelles menées par certaines villes, dénoncées en son temps par

Jean MOUCHON68 en des termes virulents « L’image composée selon les

modes du moment est destinée à des publics ciblés, s’écarte trop souvent de

la réalité … ». Sans compter la publication de ces enquêtes dans les années

pré-électorales, pouvant générer des jugements à l’emporte-pièce, notamment

dans le cas de villes confrontées à des difficultés économiques et sociales.

Didier PARIS décrypte un langage relevant « du champ lexical de la

compétition » tandis que les grandes données structurelles bougent assez peu

d’une année sur l’autre ; en outre, la scientificité des paramètres de mesure

laisse fortement à désirer, sans compter le critère géographique limitée à la

ville proprement dite, qui laisse le champ de l’intercommunalité non

explorée. Et d’évoquer une « individualisation et marchandisation des

67 « La presse et l’image des villes. Les palmarès en question », Didier PARIS, ibid.

68 « La politique sous l’influence des médias », Jean MOUCHON, L’Harmattan, 1998

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territoires » avec des classements parfois fluctuants au gré de l’événementiel

(Lens présent quand le club de football fait parler de lui, Lille au moment de

la candidature olympique, Marseille soumise à des places très variables d’une

année à l’autre etc.).

Les images que les territoires projettent sont parfois subies par les territoires

eux-mêmes, ce qui explique la volonté de mieux maîtriser cette représentation

externe – indépendamment des invariants structurels – pour ne pas

handicaper le développement économique d’un espace, certes physique, au

sens géographique du terme mais également habité et revendiquant à ce titre

des objectifs en matière d’attractivité d’emploi auprès des acteurs locaux.

« L’émergence de ces classements … rend compte de l’affirmation de

nouvelles valeurs dans la représentation des territoires ».

Que le classement soit issu de professionnels ou de médias, son résultat est

souvent contestable dans son contenu tandis que ses effets par contre

semblent incontestés. Car tout le monde s’accorde à dire que la compétition

d’attractivité économique existe belle et bien ; avec ou sans palmarès publié,

il s’agit en quelque sorte d’un classement informel entre territoires. Situation

inédite dans le champ d’action des collectivités locale, exception faite de la

logique touristique qui promeut fort logiquement une image attractive d’un

espace où l’on souhaite attirer le visiteur. Cette comparaison concurrentielle

relève d’une démarche plus ancienne et légitimée de par son objet.

C’est pourquoi nous avions fait le choix d’annoncer son traitement

différencié dès l’introduction.

• 1.3 : Développement économique et communication touristique

Le choix d’un lieu de destination suppose une mise en comparaison de

différents lieux ; ce phénomène de classement naturel – lié à une

représentation concurrentielle des territoires et donc à leur valeur virtuelle -

est d’ailleurs évoqué par Didier PARIS dans l’article mentionné au point

1.2.3, en l’intégrant dans une dimension historique qu’il semble important de

rappeler. L’apparition des congés payés permet aux vacanciers de découvrir

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de nouveaux lieux, associés aux loisirs, et donc à une certaine qualité de vie.

Une opposition de territoires ville / campagne se dessine, d’où la volonté des

zones urbaines par la suite de développer des communications d’attractivité

territoriale sur le cadre de vie, et ce dans un double mouvement évolutif qui

voit également le tourisme urbain progresser considérablement, devenant la

troisième destination après la mer et la campagne, devant la montagne.

Secteur économique essentiel en France, première destination mondiale avec

76,8 millions d’arrivée de touristes en 200969, et 3ème en recettes (80,5

milliards d’euros), il représente 2,7% de la production nationale70, ce qui le

place devant l’automobile et l’agriculture. Ce sont également 659.000

emplois salariés qui y sont rattachés, et un impact financier non négligeable

pour les collectivités locales au travers de la taxe de séjour (169 millions

d’euros pour les communes ou intercommunalités). Le rapport du Conseil

National du Tourisme, intitulé « Le poids économique et social du tourisme »

indique que l’apport des collectivités publiques – au regard de l’ampleur de

l’activité touristique – reste relativement faible. Pourtant, les collectivités

territoriales exercent des compétences en matière touristique, à tous les

échelons décentralisés, et plus particulièrement en matière de promotion. Ces

démarches communicationnelles ont connu des évolutions notables, compte-

tenu de l’importance grandissante de ce secteur d’activité économique.

- 1.3.1 : L’espace territorial, destination touristique à promouvoir

Une des difficultés du décor communicant en matière de destination

touristique réside principalement dans le périmètre de l’espace à promouvoir :

communes, pays touristiques, départements, régions …

Chaque entité peut légitiment trouver intérêt à valoriser SON espace

géographique aux fins d’y attirer la clientèle touristique. Reste à assurer une

coordination au niveau départemental et régional. 69 « Pluie de chiffres sur l’activité touristique », in Memento du tourisme publié par la direction

générale de la compétitivité, de l’industrie et des services, Localtis.info du 13 mai 2011

70 « Le Conseil national du tourisme se penche sur le poids économique du secteur », newsletter

quotidienne Localtis.info (Caisse des Dépôts), 28 février 2011

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Les débuts de la communication touristique se sont inscrits dans cette filiation

historique des congés payés, consistant à valoriser avant tout des lieux, source

en eux-mêmes d’attractivité, car porteurs d’une qualité de vie, au regard

contrastant des environnements urbains. Les pratiques vacancières disposent

d’un séjour d’une traite, en une destination unique, dont le choix relève d’un

certain nombre de facteurs objectifs (climat, patrimoine culturel et naturel,

positionnement géographique …)71, eux-mêmes retenus pour orienter les

choix de développement et retentissant sur les images véhiculées par les

supports de promotion. A la division spatiale du travail issu du modèle

fordiste, correspond une logique de développement touristique conçu comme

un produit standard, sans prestations qualitatives de service connexes,

répondant à une demande des populations en augmentation quantitative. D’où

des images stéréotypées, majoritairement de littoral, correspondant à une

norme de consommation de masse. Le décalage grandissant entre la sur-

fréquentation de certains espaces et la communication autour d’une nature

vierge amènera à un changement des pratiques touristiques, et le

développement d’un tourisme diversifié dans ses destinations maritimes,

auquel s’ajoutent la campagne et la montagne, et s’imprégnant de manière

grandissante des atouts culturels et patrimoniaux. La communication se

complexifie pour mettre en scène des éléments non reproductibles par simple

photographie. Les dépliants vantaient les mérites d’un espace magnifié par

son cadre de vie naturel ; reste à valoriser dorénavant d’autres éléments,

tandis que les supports eux-mêmes se diversifient, pour proposer une image

attractive du territoire.

Comme le rappelle Magdalena ORRIERE72 : « L’image n’est pas unique, elle

est complexe et varie en fonction des intentions et perceptions données par

les émetteurs et comprise par les récepteurs. Ainsi, il existe au minimum

71 « L’émergence de nouveaux modèles de développement touristique », Pascal CUVELIER, dans

« La socio-économie des territoires. Expériences et théories », Hassan ZAOUAL (ed.),

L’Harmattan, 1998

72 « La communication touristique en Bretagne. Construction de la notoriété et de l’image d’une

destination touristique », Magdalena ORRIERE, mémoire Master InfoCom, 2008, Rennes 2

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quatre types d’images : l’image voulue, l’image créée, l’image perçue et

l’image vécue. L’image voulue et l’image créée doivent être le fruit d’une

réflexion des acteurs de la communication touristique et doivent transmettre

le message désiré ». S’agissant d’une image aux contours multiformes, son

élaboration ne reposera plus sur l’habituel et exclusif « cliché », au sens

propre comme au sens figuré, c'est-à-dire sur une reproduction et une

représentation de l’espace physique, géographique mais également sur une

mise en perspective de l’espace anthropologique. La culture et le patrimoine,

entre autres, conçus de manière élargie donnent à voir une dimension

spécifique, imprégnée d’une histoire vécue par les populations et acteurs du

territoire. Le phénomène de singularisation emporte bien sur une accentuation

de l’aspect concurrentiel, pouvant amener à des segmentations de marchés.

Parallèlement, si l’offre se diversifie pour être plus attractive, la demande

évolue vers une qualité de services tributaire d’une plus-value en ressources

humaines. A double titre donc, l’espace territorial ne peut plus se contenter de

communiquer sur ses caractéristiques physiques, mais doit s’imaginer dans

une dimension humaine.

- 1.3.2 : L’espace touristique, lieu habité à valoriser

Renouvellement des comportements, concurrence étrangère, préoccupations

environnementale et solidaire, le genre touristique remodèle

considérablement ses déclinaisons, tandis que « La communication représente

aujourd’hui l’un des seuls moyens pour un territoire d’attirer des flux

touristiques »73.

Les supports sont de plus en plus nombreux et leur évolution qualitative

procède autant de modification dans leur conception, par une mise en réseau

de tous les acteurs, que dans leurs contenus. Les paysages naturels sont

toujours là mais s’envisagent à l’aune d’une diversité d’attractivités (et

parfois d’attractions) tant sportive, que culturelle ou patrimoniale. L’espace

promu est autant géographique qu’anthropologique. 73 Ibid

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L’impact des TIC est majeur : déjà, en 2005, le tourisme représente 46% du

volume de l’e-commerce, soit un chiffre d’affaire de plus de 3,3 milliards

d’euros. 65% des touristes préparent leur séjour avec Internet et 40%

effectuent leur réservation par ce biais. Le Web s’envisage comme une

continuité promotionnelle, tandis que le support papier reste pertinent, en tant

qu’outil de mobilité, que l’on conserve, feuillette après avoir identifié les

possibilités sur Internet (répertoire des loisirs, carte géographique etc.).

Légitimité maintenue d’autant plus que les prospections de clientèles

imposent de savoir identifier, humainement, les catégories et leurs besoins.

C’est ainsi que les seniors, pas toujours au fait des usages des TIC doivent

aussi pouvoir trouver les bons supports traditionnels d’information.

L’information et la communication touristiques empruntent bon nombre de

branches, dans le cadre d’une mise en perspective qui demande à en dégager

une cohérence afin de ne pas laisser la multiplicité des supports brouiller

l’identité territoriale.

Cette caractéristique emporte des conséquences significatives sur l’évolution

de la communication locorégionale, empruntant notamment les voies des

nouveaux canaux de diffusion, et pour les acteurs institutionnels ayant en

charge le chef de filât, incitant tous les partenaires à le faire ; c’est là où les

difficultés apparaissent, dans une grande hétérogénéité de moyens privés

(sans compter parfois les volontés hésitantes de certains socioprofessionnels à

l’égard des TIC) et de choix stratégiques publics.

En Bretagne, les professionnels du tourisme regroupent l’offre d’hébergement

marchand74 : « Le Comité Régional du Tourisme, les Comités

Départementaux du Tourisme, l’agence de développement touristique du

Finistère, la fédération régionale des offices du tourisme vont mutualiser les

différentes offres de l’hébergement marchand, l’objectif est de mutualiser les

informations, à terme les offres des équipements de loisirs seront aussi

fédérées … Ce produit est nommé SITBretagne ». Là aussi le fonctionnement

réseau s’impose, induisant une dimension relationnelle et systémique

74 La Lettre Economique de Bretagne, newsletter quotidienne (Région Bretagne), 17 février 2011

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renforcée dans l’organisation et la communication pour l’attractivité

touristique du territoire.

Enfin, le consommateur est devenu un client averti, pour ne pas dire exigeant,

qui ne se contente plus du dépaysement annoncé et qui est confronté à une

offre abondante ; la relation au voyage, à la découverte s’est banalisée

(hormis les grands itinéraires à l’étranger) dans le cadre d’un produit

démocratisé et, avec l’arrivée des RTT, fragmenté en segments de temps

courts, donc plus facilement accessibles, mais dans un contexte de zapping

permanent entre différents espaces. D’où la nécessité exprimée par Sandy

CAUSSE75 « d’être plus offensif, plus présent, moins incantatoire et de sortir

le territoire d’un contexte de banalisation pour en dégager une identité

permettant la relation, l’échange humain vecteur de découvertes insolites,

variables d’un territoire à l’autre. L’évolution de la communication procède

autant d’un phénomène concurrentiel que de l’attente des consommateurs

vis-à-vis des outils d’information et de réservation de séjour ».

C’est ainsi que le phénomène des greeters (habitants faisant découvrir un

territoire aux touristes), inauguré à New-York, s’annonce aussi bien à Brest76

que dans la Creuse77. La nécessité de singulariser dans un univers hyper

concurrentiel renvoie nécessairement à une identité humaine, diverse et qui se

décline dans des références à des personnalités au fil des magazines

touristiques, comme autant de références thématiques à la diversité de

l’attractivité, repérée en un individu à la notoriété positive, et la renvoyant tel

un écho au territoire (sportifs compétiteurs, artistes, écrivains, femmes ou

hommes célèbres …)78.

75 Entretien avec Sandy CAUSSE, directrice de Finistère Développement Tourisme, le 3 mai 2011

76 « Finistère mag. Le Magazine de vos vacances en Finistère », Edition Finistère Tourisme

Développement, 2011, p. 41

77 « Tourisme Creuse. Le mag. Vivre ses vacances et ses loisirs », Saison 2011/2012, Edition

Agence de développement et de réservation touristiques – Tourisme Creuse

78 Présence de Miss France (brestoise) dans le magazine Finistère Tourisme de 2011 par exemple

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Identité humaine que l’on retrouve aussi dans la personnalisation des

prospections de clientèle, afin d’adapter les offres et le vecteur de diffusion à

tous les publics.

Le réseau est autant fonctionnel, dans l’organisation des structures agissant en

matière touristique, que communicationnel, dans la promotion polymorphe

des singularités territoriales, avec au cœur des enjeux d’attractivité la

dimension humaine.

- 1.3.3 : L’espace habité, une plus-value d’attractivité

Aboutissement logique de la réflexion des acteurs touristiques pour donner

toute sa place humaine à la diversité des outils de promotion territoriale, les

réseaux sociaux sont de plus en plus impliqués dans les démarches

d’attractivité. Témoignant d’une tonalité moins institutionnelle, qui

s’accommode parfois assez mal de la convivialité des loisirs, les acteurs

privés et publics diffusent messages, expériences, conseils, invitations, dans

un style parfois très direct. Empreints d’une proximité sans frontières à

l’image des comportements touristiques de plus en plus nomades, ils

représentent et singularisent de manière interactive le territoire, en y

exprimant des valeurs et suscitent la curiosité. Pour Sylvain LE GUEN,

webmarketeur à Finistère Développement Tourisme79, la qualité du site Web

est bien sur une première garantie de crédibilité mais le vécu du territoire

exprimé au niveau des réseaux sociaux emporte un avantage incomparable,

celui du concret et du non figé, une invitation à partager des émotions.

« Derrière le territoire, il y a une personne, c'est-à-dire un relais bienveillant

qui apporte une dimension de partage, donc de bienvenue ».

A la Maison du Tourisme de la Baie de Morlaix – Monts d’Arrée les acteurs

de la branche tourisme se voient proposer une formation aux techniques du

Web 2.0. En effet, la dimension diversifiée des acteurs du tourisme, et

notamment tous les partenaires privés, incluant des hébergeurs professionnels

de toute taille, impose que chacun puisse s’approprier ces positionnements 79 Entretien du mardi 3 mai 2011

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sur la toile, afin de compléter les démarches institutionnelles dans le cadre

d’un réseau agissant et échangeant. Les référencements sur Internet

deviennent incontournables dans un domaine où la promotion exogène par les

touristes eux-mêmes (Ex : Tripadvisor) suppose que les acteurs touristiques

soient présents en ces lieux de critiques, aient une page Facebook et

« coproduisent les contenus du web entre les éditeurs et les internautes eux-

mêmes »80 précise Bruno LE LAN, directeur de la Maison du Tourisme. En

effet, 80% de ce qui se dit sur un territoire émane de sites autres que le site

officiel …

Ces nouveaux outils auront également vocation à permettre une identification

et une singularisation du territoire par un repérage géographique automatique

et personnalisé via les techniques du smartphone. Après avoir recueilli

l’accord des personnes, les messages s’afficheront automatiquement, en

fonction du lieu de réception. Une application déjà déclinée dans la Creuse

grâce à Géoculture, une expérimentation unique en France, qui permet de

découvrir les sites creusois à travers leurs multiples liens avec l’art

(smartphone équipé d’un GPS ou un terminal GPS disponible dans les

Offices du Tourisme).

Le livret publié par les Editions Territorial indique que « Ces réseaux sociaux

ont une vraie valeur de réassurance pour un internaute car ils sont alimentés

par des amis, de la famille ou par des consommateurs partageant un même

centre d’intérêt »81.

L’objectif de promotion territoriale devient une communication territorialisée

et personnalisée, diversifiée dans ses moyens, pour un accueil touristique

attractif dans sa dimension humaine, et à même de relayer de manière vivante

les points forts d’un espace géographique aux représentations multiples.

80 « Morlaix. Maison du tourisme. Les pros misent sur les réseaux sociaux », interview de Bruno

LE LAN, Le Télégramme, page locale, 9 mars 2011

81 « Le marketing touristique des collectivités territoriales », François PERROY (coord.), Editions

Territorial, décembre 2009, collection L’essentiel sur

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A cet égard, reconnaissent les professionnels du tourisme, ils ne se substituent

pas à la qualité des paysages, toujours classé premier motif de déplacement.

Un retour aux sources de la Convention européenne du Paysage (Conseil de

l’Europe, 2000), qui dispose que « le paysage est un élément essentiel du

bien-être individuel et social et de la qualité de vie des populations. Il

participe de manière importante à l’intérêt général sur les plans culturel,

écologique, environnemental et social et constitue une ressource favorable à

l’activité économique, avec le tourisme notamment ».

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CHAPITRE 2

PAYSAGE ET ATTRACTIVITE ECONOMIQUE

« Les paysages de M. Corot ne sont peut-être pas ceux qu’on

voit, mais ils sont certainement ceux que l’on rêve »

Maxime Du Camp, 1855,

cité dans « Corot. La mémoire du paysage »

de Vincent POMAREDE et Gérard DE WALLENS

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Si le territoire renvoie à une notion d’espace géographique comportant des

frontières – même mouvantes – il se rapproche aussi, dans son acception

anthropologique, du pays et en cela le propos de Max J.Friedländer (historien

d’art allemand), en 1947, lie le lieu et sa représentation : « Le pays est la

surface de la terre ou une partie de la surface de la terre, le paysage en

revanche est le visage du pays, l’effet que celui-ci exerce sur nous »82. Cette

référence à un historien d’art n’est en aucun cas le fruit du hasard puisque le

développement du genre pictural ajouté à celui des moyens de déplacements

générera les débuts de l’attractivité territoriale du paysage, dans son registre

touristique.

C’est pourquoi l’ouvrage « Peinture de paysage »83, édité dans une collection

d’art, mentionne dans sa chronologie la date de 1840, celle de l’ouverture de

la première agence de voyage (Thomas Cook).

Plus proche de nous, l’industrie cinématographique exploite fort logiquement

les atouts du paysage tandis qu’Alain MONS en explore la portée sémantique

dans cet art de filmer, mettant en relief des éléments comparatifs entre

territoire et paysage « En ce sens le paysage est le contraire du territoire, il

n’enferme pas, même s’il est « cadré », il sur dimensionne toutes choses et il

permet à toutes les fonctions de s’élargir à l’infini, il autorise les lignes de

fuite »84.

Quelles que soient les époques, le paysage est sans nul doute un argument de

développement et de promotion économique, tandis qu’actuellement des

débats contradictoires voient jour entre les tenants d’un environnement

préservé, pur, et ceux qui préconisent des aménagements du territoire

porteurs de croissance, au sens classique du terme ou même, et c’est plus

récent, dans une perspective environnementale.

82 Cité dans « Peinture de paysage », Norbert WOLF, Editions Taschen, 2008

83 Ibid, introduction

84 « Paysage d’images. Essai sur les formes diffuses du contemporain », Alain MONS,

L’Harmattan, 2006, collection Nouvelles études anthropologiques

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C’est ainsi que les enjeux portant sur l’énergie éolienne opposent les tenants

d’un espace géographique aux paysages inchangés à des partisans

écologiques devenus porte-parole d’une plus-value économique empreinte

d’intérêt public.

De la peinture, première déclinaison d’attractivité territoriale d’un espace

naturel, à la mention du paysage, lieu de référence géographique, la

communication sur le fait paysager s’imagine autant en aménités qu’en décor

touristique ou lien institutionnel.

2.1 : De la promotion touristique à la valorisation territoriale

Traduction naturelle d’un territoire en image, le paysage s’est imposé dans le

décor attractif des espaces géographiques et humains comme un élément

incontournable permettant de les caractériser, que ce soit sous une forme

sauvage ou habitée. « La France ne s’imagine pas sans ses paysages » disait

Fernand BRAUDEL tandis que Françoise MAISON, inspectrice des sites en

Corrèze évoque que « le paysage apporte une bonne santé à la population en

lui assurant une longue vie »85. Deux atouts aux ressorts différents, bien que

complémentaires : d’un côté le paysage image, construction symbolique

pouvant faire l’objet d’un usage de représentation promotionnelle et de

l’autre un paysage environnement, au sein duquel l’attractivité du territoire se

manifeste pour ses populations et acteurs locaux. Deux atouts qui ne

manquent pas d’intéresser la communication locorégionale.

2.1.1 : Le paysage peinture

Au travers des expositions présentées actuellement à Quimper86 et Paris87,

nous pouvons tracer le chemin du paysage, genre pictural nouveau à la

85 Tous deux cités dans « L’avenir des paysages de France », Anne Fortier Kriegel, Fayard, 2004

86 « De Turner à Monet. La découverte de la Bretagne par les paysagistes au XIXème siècle »,

Musée des Beaux Arts de Quimper

87 « Nature et idéal : le paysage à Rome, 1600-1650. Carrache, Poussin, Le Lorrain …», Galeries

du Grand Palais, Paris ; Claude Le LORRAIN, le dessinateur face à la nature, musée du Louvre

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Renaissance, emportant une conception qui prévaut encore actuellement, et

source d’attractivité territoriale, aux prolongements économiques.

Pour André CARIOU88 « L’Antiquité gréco-romaine et l’art de la

Renaissance occupent une telle place dans la peinture française du XVIIème

siècle qu’ils conditionnent tout autant la formation des peintres et leur

carrière que les thèmes qu’ils choisissent. Cette emprise de l’Italie est telle

que les Nantais François et Pierre Cacault imaginent à Clisson, où ils

s’établissent en 1796, un musée-école montrant le millier de peintures

italiennes que François Cacault a acquis durant sa carrière de diplomate en

Italie ... A l’époque l’activité artistique se partage à parts égales entre Paris

et Rome ».

La peinture a incité le voyageur à observer le cadre de son parcours : « L’art

a dessilé les yeux » nous explique Marc LAPORTES89 dans un livre qui met

en perspective la double évolution concomitante à la naissance du tourisme :

celle des déplacements (plus particulièrement le chemin de fer) et celle du

genre pictural rendant attractif un lieu réel, sauvage représenté par son

paysage dans sa dimension naturelle. Cette attractivité comparative d’un

territoire à l’autre, prémices de la concurrence touristique du XXème et

XXIème siècle entre les différentes destinations, s’exercera dans le domaine

de la peinture par des tendances, voire des modes en faveur de tel ou tel

espace. Dans ce cadre, la Bretagne devient rapidement une terre prisée,

d’autant plus qu’elle s’inscrit dans un double mouvement évolutif de la

peinture : celui qui voit la peinture de paysage émerger de manière générale,

depuis l’Italie, et celui qui trouve sa source dans les représentations

portuaires. André CARIOU relève que90 dans le mouvement de découverte et

d’exploration des provinces françaises au milieu du XVIIIème siècle, rares

88 « De Turner à Monet. La découverte de la Bretagne par les paysagistes au XIXème siècle »,

catalogue de l’exposition, Editions Palantines, Musée des Beaux Arts de Quimper, 2011

89 « Paysages en mouvement », Marc DESPORTES, Gallimard, Bibliothèque illustrée des histoires,

2005

90 Ibid, p. 13

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sont les peintres sur place pour en témoigner, à l’exception du port de Brest, à

l’importance stratégique et militaire particulière car situé au croisement de la

Manche et de l’Atlantique. En effet, les caractéristiques militaires des ports

imposaient d’en établir des images topographiques, techniquement proches de

la réalité et cette mission fût donc confiée à des peintres. Dans le catalogue de

l’exposition « De Turner à Monet. La découverte de la Bretagne par les

paysagistes au XIXème siècle » un chapitre est consacré à ce thème « Les

peintres de la marine à Brest, Lorient et Saint-Malo ». Les peintres de la

Marine se servent de leurs connaissances techniques pour représenter, qui des

batailles, qui des vues exhaustives des rades (une aquarelle d’une longueur de

3m82 pour Brest !), qui des ambiances de tempêtes. André CARIOU explique

que « Même si les formules héritées du XVIIème siècle s’épuisent au milieu

du siècle suivant, toutes ces œuvres vont contribuer à faire connaître la

Bretagne ». La naissance de l’attractivité territoriale de la Bretagne semble

donc doublement liée au paysage et à sa première représentation figurative

que constitue la peinture. Quand on visite l’exposition, on remarque cette

évolution : la peinture des sites portuaires, puis la peinture du paysage

sauvage qui s’en dégage avec les éléments mis en perspective d’une nature où

les éléments peuvent s’y déchaîner – la mer démontée – ou à tout le moins

une nature tourmentée, emportant une dimension romantique de sites

découpés. André CARIOU évoque et confirme cette spécificité bretonne,

notamment au regard comparatif de la Normandie91 : « En 1830, quand les

peintres débarquent, ils trouvent une nature sauvage et préservée. Cette

dimension inhospitalière persiste, par exemple avec les photographies de

Plisson sur les côtes de Belle-Ile-en-Mer, et les enquêtes menées encore

récemment le confirment, c’est la nature sauvage qui émerge le plus souvent

dans les caractéristiques du département finistérien. Il existe une série de

tableaux sur la Bretagne que l’on ne retrouve pas dans la peinture française,

et qui correspond à l’équivalent du genre pictural développé aux Etats-Unis

sur les grands paysages, sans présence humaine. Ces paysages symbolistes se

91 Entretien avec André CARIOU, conservateur en chef et directeur du Musée des Beaux Arts de

Quimper le 2 mai 2011

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déclinent également en Suisse, en Ecosse, à Bruges. La Bretagne est la

Région française ayant le plus suscité des peintures symbolistes, dont la

filiation sera le sur réalisme, c'est-à-dire un travail sur l’imaginaire, le rêve

avec Yves Tanguy et son approche de l’ile de Sein, d’Ouessant. Eugène

Boudin et Claude Monet ont entretenu une correspondance au sujet des

inspirations bretonnes et normandes ; ils évoquent cette force, cette énergie

présente en Bretagne que l’on ne trouve pas ailleurs, avec une dureté et une

violence des paysages, en contraste avec ceux de Normandie, doux ».

La question de la présence humaine au cœur des paysages est déjà posée par

les caractéristiques physiques de la Bretagne, et sa représentation au travers

de la première dimension de communication locorégionale, celle des peintres

qui véhiculent son image, et partant, établissent sa notoriété.

Après les peintures portuaires, la nature sauvage et sa dimension romantique

mais tourmentée, l’exposition met en perspective une troisième évolution

empreinte d’apaisement au travers d’un lien avec les populations, leurs

activités agricoles, le caractère bucolique, voire idyllique chez Jean-Baptiste

Corot, ainsi que les traditions culturelles et cultuelles liés à la dimension

humaine (à compter de 1860, les pardons, costumes, processions, monuments

religieux … apparaissent dans les tableaux). Une évolution qui n’est pas sans

rappeler le propos des professionnels du tourisme92 évoquant la difficulté à

communiquer avec des images d’océan tempétueux, de côtes sauvages,

découpées, quand bien même constitueraient-elles une spécificité de la

Bretagne, belle et magnifique – voire magnifiée - car elles répercutent la

représentation d’un territoire potentiellement dangereux pour les familles, ce

qui la met en opposition avec la dimension d’attractivité recherchée.

Dernière étape de l’exposition, la réconciliation des deux registres – nature

sauvage et espace habité - avec l’apparition de la dimension pittoresque, une

attractivité esthétique des panoramas empreinte de spécificité humaine, qui

92 Entretien avec Sandy CAUSSE, directrice de l’agence Finistère Développement Tourisme, le 3

mai 2011

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essaye de figurer une identité liée aux caractéristiques de l’espace

anthropologique, dans un contexte paysager. On oscille toujours entre une

représentation - paysage (traduisant l’environnement dans sa pureté

originelle) et une image culturelle, comme si les deux étaient indissociables

mais que la Bretagne se cherchait toujours un mode de communication

déclinant les deux aspects et, selon les périodes, l’un l’emportant sur l’autre.

Déjà souligné par un critique d’art, Albert AURIER 93 : « Ces merveilleux

paysages de Bretagne où toute ligne, toute forme, toute couleur est le verbe

d’une Idée », en 1890, dans un livre consacré au symbolisme en peinture.

Comme nous l’avons évoqué dans la partie 1.3.3 consacré au tourisme, le fort

développement de cette activité économique sera majoritairement lié, dans un

premier temps, à un essor de la communication sur les espaces naturels,

ruraux et littoraux, a contrario des secteurs géographiques où travaillent la

très grande majorité des nouveaux vacanciers, compte-tenu de l’organisation

et de la division spatiales à l’époque. C’est le dépaysement qui prévaut alors

et bien évidemment, la dimension du paysage emporte alors une

prédominance dans les atouts d’attractivité mis en avant par les lieux de

destinations.

2.1.2 : Le paysage - norme

Si la simplification du paysage pour saisir l’esprit d’un lieu et communiquer

sur son attractivité n’est pas toujours l’objectif des promotions territoriales, à

visée touristique ou non, il s’impose de plus en plus au travers de

l’augmentation croissante des supports de diffusion et de l’existence des TIC

dans le champ d’activité des collectivités décentralisées.

Cadre de vie pour les populations et les activités économiques ou

représentation du territoire pour faire venir des visiteurs, son usage est

démultiplié par les effets recherchés de promotion locorégionale.

Le développement de l’activité touristique de manière quantitative et les

effets conjoints d’évolution de l’organisation économique rendent sa 93 « Le symbolisme en peinture », ouvrage collectif, Editions Mercure de France, Paris, 1891

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référence incontournable. Paradoxalement chacun communiquant sur de

belles images de paysages, censées reterritorialiser la nature pour lui

imprimer une marque et une spécificité géographique, la compétition finit par

annihiler l‘effet de singularité. Nous verrons dans le chapitre suivant

pourquoi les démarches ultérieures de communication locorégionale

s’emploieront à compléter cette dimension d’espace physique, insuffisante

comme seul vecteur d’image d’un territoire.

Parallèlement, l’importance de la protection du patrimoine naturel s’envisage

à l’aune des questions d’images de marque du territoire. Pour Delphine

NEDELEC94, on passe d’une fonction éducative et juridique de protection

environnementale à celle de valorisation, c’est à dire une démarche de

développement et d’image dans le cadre d’une stratégie de communication

écologique. Le phénomène de patrimonialisation de la nature participe d’un

début du processus d’appropriation du paysage.

La communication environnementale concerne tous les territoires et, au sein

de chaque territoires, autant les espaces naturels et sauvages tant prisés pour

leur dimension d’attractivité touristique que les secteurs urbains, que ce soit

dans leur usage résidentiel ou économique. Avec le développement

grandissant, d’une part des processus de communication des collectivités

locales et d’autre part des politiques en faveur du développement durable, le

contexte environnemental participe de plus en plus de l’attractivité

territoriale. Analysée par Michel OGRIZEK95 en ces termes : « La

communication écologique territoriale est devenue un enjeu important de la

vie politique locale … La communication des conseils régionaux et des

Chambres de Commerce et d’Industrie cherchent de plus en plus à

promouvoir leur région sur le terrain de la réconciliation entre économique

94 « La nature mise en communication. Analyse critique des pratiques et discours sur le

patrimoine naturel en Bretagne depuis 1994 », Delphine NEDELEC, mémoire InfoCom Rennes 2,

IUP 3, 2002

95 « Environnement & Communication », Michel OGRIZEK, Editions Apogée, 1993, Collection

Ecoplanet

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et écologie ». La figuration paysagère de cette attractivité territoriale de

dimension environnementale en constitue logiquement l’un des meilleurs fers

de lance. Le paysage est la preuve par l’image, la carte de visite du territoire.

2.1.3 : Le paysage – usage

L’image verte des collectivités suppose donc une stratégie environnementale,

qui ne peut reposer sur le seul travail de protection. Les grands sites naturels

doivent être préservées mais doivent aussi se donner à voir ; comme si le

corollaire de la valeur écologique devait s’envisager d’une plus-value

économique, dans un contexte sociétal de plus en plus marqué par la valeur

marchande des biens et la nécessaire croissance recherchée.

Toutefois, le ressort d’attractivité lié à l’usage du paysage n’est pas nouveau.

En remontant aux origines de l’attractivité du paysage, Marc DESPORTES

relève qu’au XVIIIème siècle, les jardins constituent un autre motif

d’apprécier esthétiquement un territoire : « Rien ne plait plus au voyageur

qu’un pays semblant composé de mille jardins, de mille parcelles entretenues

avec soin …»96. L’appréciation portée sur le cadre extérieur, qui reposait

jusqu’alors sur une dimension agricole ou cynégétique emporte de nouvelles

significations de la notion de nature, du sentiment qu’elle inspire et génère un

amour de la campagne, permettant au séjour rural d’acquérir une valeur

particulière. Mais au-delà d’un séjour ponctuel, qui renvoie à l’activité du

tourisme, nous avons vu dans le précédent chapitre que l’attractivité

territoriale, dans son évolution, emportait une dimension humaine. Il faut

générer une image positive pour que les ressources humaines - qualifications

professionnelles et mains d’œuvre - nécessaires à la bonne marche

économique d’un secteur géographique soient présentes en un lieu donné, ce

qui emporte des classements entre territoires. Le cadre de vie devient une

valeur importante de la qualité de vie, et l’une de ses principales traductions

réside précisément dans le paysage. On fait usage du paysage, de manière

publique ou privée. Les jardins en sont une retranscription significative, et

96 Ibid

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l’importance accordée au concours des villes (collectivités municipales) et

maisons fleuries (particuliers) constitue un témoignage de l’intérêt viscéral

que les populations, mais aussi les acteurs socioprofessionnels accordent à

une composante environnementale, la flore agencée de telle sorte qu’elle

emporte une plus-value grâce à une vision esthétisante, par petits fragments

de territoire, dont chacun peut revendiquer une part de fierté. L’attractivité

territoriale se construit aussi par morceaux de paysages, valorisés dans un

contexte de communication locorégionale au travers du même phénomène

observé dans le premier chapitre, celui du classement et du palmarès.

D’ailleurs, on peut observer que la publication des résultats et les remises de

prix drainent un public très nombreux.

La persistance voulue d’un environnement où il fait bon vivre est mise en

démonstration par Philippe HERBAUX97 dans un livre consacrée à

l’intelligence territoriale. Il évoque l’idée d’un « continuum intégrateur »

incluant les modes de vie, l’habitant et le paysage dans le cadre d’une identité

reposant tout à la fois sur le sol et ses habitants. Le paradigme de la

perception territoriale, dans sa dimension cognitive, dispose que la

représentation du territoire pour qualifier l’objectif d’un « environnement où

il fait bon vivre » puisse comporter toutes les facettes de l’attractivité

recherchée, dont le paysage.

De l’image vitrine du territoire pour y attirer des visiteurs, qui furent aux tous

débuts essentiellement des peintres, on évolue vers un paysage valeur.

2.2 : De la valorisation territoriale à la valeur économique du paysage

Consommation d’espaces ruraux à des fins économiques ou résidentielles,

espaces urbains subis dans leurs caractéristiques minérales, voire

inesthétiques, développement des non lieux et de leur anonymat déconcertant,

l’univers spatial contemporain porte en germe une perte de repères

97 « Intelligence territoriale. Repères théoriques ». L’Harmattan, 2007, collection questions

contemporaines

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identitaires et qualitatifs pour le citoyen lambda qui y évolue parfois sans

avoir vraiment choisi son lieu de domicile et/ou de travail.

La mobilité grandissante imposée par les flexibilités du marché du travail

alliée à un contexte médiatique mettant une multiplicité d’informations

internationales – dont de nombreuses images - à la portée du premier

téléviseur ou ordinateur venu suscite assez logiquement une prime réactive à

la volonté d’évoluer dans un environnement local de qualité. D’où le repli sur

les habitats intérieurs et le développement spectaculaire de l’économie de la

décoration, ainsi que du jardinage, mais aussi le corollaire extérieur et public.

On assiste, d’une part à un investissement croissant en faveur des

aménagements territoriaux empreint de qualité paysagère, rurale ou urbaine -

dans un contexte global imprégné des principes du développement durable –

et, d’autre part à une volonté de mise en perspective communicante de

territoires disposant d’atouts paysagers à faire valoir. Reste une troisième

voie à examiner, celle des stratégies communicationnelles portant sur les non

lieux, que les collectivités locales ont besoin de qualifier pour ne pas voir des

zones anonymes dégrader l’image du territoire.

2.2.1 : Les cadres de vie paysagers

L’attractivité du territoire pour favoriser l’ancrage des entreprises en son sein

dispose que les zones d’activité économique soient eux-mêmes vecteurs de

qualité d’environnement. Aux besoins utilitaristes, logistiques – qui perdurent

bien évidemment – se rajoutent une dimension qualitative permettant aux

collectivités territoriales de communiquer sur la qualité de l’environnement,

propice à l’accueil des personnes physiques ou morales. Ces stratégies

communicationnelles trouvent également un aboutissement dans les

entreprises qui, de plus en plus, développent la prise en compte et la mise en

avant des considérations de responsabilité sociale et environnementale.

A la traditionnelle préoccupation d’intérêt général de protection de

l’environnement par les acteurs publics, succède une double évolution : la

volonté des collectivités locales d’améliorer l’aménagement du territoire dans

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sa dimension physique, paysagère – et d’en tirer le bénéfice promotionnel

escompté – et l’implication des entreprises privées dans ces stratégies

communicationnelles, relayant les efforts publics par une cohérence d’action,

imposée ou spontanée. C’est ainsi que les normes contraignantes de

construction des bâtis industriels ou commerciaux peuvent générer

l’obtention de subvention ou l’autorisation d’installation sur un secteur donné

tandis que les entreprises souhaitent valoriser la prise en compte des critères

de H.Q.E (Haute Qualité Environnementale). L’association nationale

PALME - pour la qualité environnementale et le développement durable des

territoires d’activités - organisait sa quatrième université à Lorient en mai

2011 et évoquait le dispositif Bretagne Qualiparc, initiée en 1999 par la

Région, les quatre départements bretons, les services de l’Etat, l’Europe et les

CCI bretonnes. L’édito du Président de l’association PALME98(Alain

FOUSSERET, Vice-président du Conseil régional de Franche-Comté)

mentionne dès ses premières lignes la question du « traitement paysager » et

ouvrait dans sa conclusion une des pistes de réflexion qualifiée de « thèmes

majeurs » avec la biodiversité sur les parcs d’activité. La qualité

environnementale dans une dimension qu’on lui connaissait plus volontiers

d’attrait touristique, puis résidentiel emporte dorénavant un avantage

promotionnel pour l’attractivité économique des territoires. Dans le cadre du

fonctionnement en réseau des acteurs publics et privés inhérent aux

démarches de développement local, ceux-ci s’en saisissent conjointement

dans une démarche partenariale de communication. C’est annoncé et affiché

clairement « Ce qui semble certain, c’est qu’à terme, les territoires qui ne

s’inscriront pas dans ces logiques (se démarquer en termes d’offre territoriale

et répondre à des enjeux de développement durable) auront du mal à rester

compétitifs pour accueillir des entreprises ! »99.

98 « Aménagement et gestion dynamique des parcs d’activités. 4

ème université PALME », Edito du

Président p.2, 18-19-20 mai 2011, Lorient

99 Ibid, Interview du Président de l’association PALME, p. 3

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Pour Daniel CUEFF100, conseiller régional délégué à l’Etablissement Foncier

de Bretagne et à l’écologie urbaine « Ces aménagements (traitement

architectural et paysager peu qualitatif) s’avèrent préjudiciables à la qualité

et à l’identité paysagère des territoires, qui représentent pourtant un facteur

déterminant pour l’attractivité de la région auprès des investisseurs ». Les

arguments et éléments de langage sont posés de nature économique, tandis

que la question identitaire (au travers des paysages et de la biodiversité)

émerge également sur des parcs d’activité, ce qui est nouveau.

Une évolution confirmée par Adrien SAVARY, responsable du pôle

territoires à l’Agence de Développement économique d’Ille-et-Vilaine, IDEA

35101 : « Les entreprises, aujourd’hui, sont intéressées par la qualité

paysagère car cela touche à leur image, à leur capacité à recruter et à

conserver des salariés. Elles souhaitent un environnement en adéquation

avec leur philosophie et notamment les démarches de certification, de plus en

plus importante. Lors des présentations des zones d’activités, ou lors des

visites sur le terrain, ces qualités paysagères génèrent indéniablement un

impact positif pour l’entreprise en recherche d’implantation, qui parfois

demande spontanément un bâtiment qualitatif. Les outils de différenciation

portant sur la qualité de vie sont importants quand on s’adresse aux

entreprises, à leurs projets. Nous travaillons y compris sur les essences des

arbres présents sur les zones d’activité, sur le schiste rouge issu du sud du

département, sur la pierre de Fougères, sur celle de Saint-Malo, grise. Ces

atouts permettent de qualifier l’identité d’une zone d’activité au travers d’une

forme de paysage ».

On est en passe de retrouver un paysage norme, produit d’une tendance à la

certification environnementale des entreprises et à sa mise en cohérence avec

l’aménagement public du territoire, dans une perspective

communicationnelle, utile aussi bien à l’image de l’acteur privé que public.

100 Ibid, Interview p. 4

101 Entretien du 4 mai 2011

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Si les démarches d’attractivité paysagère ont naturellement trouvé leurs

sources dans la dimension touristique, elles se diversifient, y compris à partir

de leur composante touristique.

Sur le site internet du réseau de veille internationale en tourisme du Québec,

on trouve un article au titre évocateur « Quand le paysage prend une valeur

économique ! »102. Au Québec, il existe une chaire paysage et environnement

à l’Université de Montréal ainsi qu’un conseil du paysage québécois qui ont

permis des démarches paysagères empreintes d’objectifs économiques – mais

pas uniquement – que ce soit pour accroitre des activités touristiques et de

villégiature (Municipalité Régionale de comté de Memphrémagog) ou relever

le défi du déclin démographique (Municipalité Régionale de Lotbinière). Ces

démarches aux origines touristiques n’ont pu que constater la nécessité ou la

pertinence du raisonnement d’attractivité paysagère dans de nombreux

domaines : économie résidentielle, productive, touristique … tout en

reconnaissant la valeur publique des paysages, un concept intégrateur car

nécessitant dans une mise en œuvre de valorisation et de communication une

concertation et une entente collective.

Valeur publique d’intérêt général dans sa dimension traditionnelle de

patrimoine naturel ou valeur économique dans son usage attractif du

territoire, le paysage se décline en environnement qualitatif ou, de manière

plus indirecte, en aménités paysagères, sur lesquelles les processus de

communication sont encore balbutiants.

2.2.2 : Les aménités paysagères

Sur le site internet projets de paysage, un article publié en janvier 2011103

donne le ton de la difficulté à envisager l’usage économique du paysage

« Analyse économique du paysage et relations de proximité : de l’oubli au

102 Article paru le 7 novembre 2008 : http://veilletourisme.ca

103 « Analyse économique du paysage et relations de proximités : de l’oubli au conflit », André

TORRE, publié le 20 janvier 2011 : www.projetsdepaysage.fr

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conflit ». Comment communiquer sur des aménités104 paysagères, atouts de

dimension si ce n’est publique, tout du moins partagée, si leur valeur

économique ne fait pas l’objet d’un consensus minimum.

En effet, l’auteur relève que la prise en compte des questions d’espace dans

les analyses économiques est récente. En excluant le lien direct qui

consisterait à considérer le paysage comme un bien, ayant une valeur

marchande, notamment dans le jeu du marché foncier où la situation d’un

bien immobilier emporte des conséquences aisément quantifiables, la notion

d’aménité paysagère se développe depuis la loi Voynet de 1999 dans le cadre

d’un contexte global d’attractivité et d’attrait particulier d’un territoire. Elle

s’envisage plutôt comme un bien commun, c'est-à-dire devant être prise en

considération dans les documents d’urbanisme. Or, la communication locale

sur les Plans Locaux d’Urbanisme ou les Schémas de Cohérence et

d’Organisation Territoriale, par exemple, reste principalement centrée sur les

démarches d’élaboration, en amont, au moment des processus obligatoires de

concertation. Paradoxe étonnant, car les SCOT fixe des orientations en

matière de développement durable, et donc économique ; ils devraient donc

susciter une communication locorégionale adaptée à leur vulgarisation, dans

un double souci de pédagogie citoyenne et de communication institutionnelle.

Une difficulté relevée par Anne FORTIER KRIEGEL105 : « Les documents

d’urbanisme qui utilisent une codification analytique non figurative, sont

généraux et fermés et par là peu accessibles à tout un chacun ».

La dimension du partage de l’information est parfois la parente pauvre de la

communication territoriale …

Par ailleurs, les aménités avaient fait l’objet d’une reconnaissance en

évaluation économique dans le cadre des Contrats Territoriaux

104 La notion d’aménité évoque les aspects agréables de l’environnement, qui ne sont ni

appropriables, ni quantifiables en termes de valeur monétaire, source : http://fr.wikipedia.org

105 « L’avenir des paysages de France », Anne Fortier Kriegel, Fayard,2004

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d’Exploitation, qui n’avaient pas non plus donné lieu à des démarches

communicationnelles très avancées.

Lorsqu’il s’agit d’un bien privé, sa vente peut donner lieu à une

communication positive sur la ou les aménités supposées, mais dans le cas

d’un bien public, cela renvoie à des démarches communicationnelles

beaucoup plus globales, qui intègrent – entre autres éléments – certaines

aménités paysagères.

Toutefois la publication récente de « Analyses économiques du paysage »106

invite à réinterroger cette problématique de la communication autour des

aménités paysagères. Constatant l’existence d’un réseau d’économistes du

paysage dans le cadre d’un programme de recherche « Paysage et

développement durable » du Ministère français de l’Ecologie, de l’Energie,

du Développement Durable et de la Mer l’auteur évoque dans l’introduction

que « Le paysage est à maints égards une construction politique, culturelle et

économique des rapports qu’entretiennent les sociétés humaines à l’espace.

Par son entrée progressive dans les paradigmes de l’aménagement du

territoire, il se teint des enjeux sociopolitiques de notre époque ». La

définition de l’OCDE met en exergue les qualités de cette externalité

environnementale du paysage : « Elles se distinguent des caractéristiques

ordinaires de la compagne car elles sont reconnues comme précieuses, ou, en

termes économiques, exploitables ». Dans ce contexte, la communication

existe belle et bien, conçue de manière globale, c'est-à-dire incluant les

aménités paysagères dans un cadre de vie aux dimensions attractives.

Pour Jean-Christophe DISSART et Dominique VOLLET107, le paysage, tout

comme les aménités constituent des caractéristiques locales et spécifiques qui

accroissent l’attractivité d’une région donnée. Les fonctions touristique,

106 « Analyses économiques du paysage », Walid OUESLATI (coord.), Editions Quae, février 2011,

collection Update Sciences & Technologies

107 « Le paysage moteur de développement local », Jean-Christophe DISSART et Dominique

VOLLET dans « Analyses économiques du paysage », Walid OUESLATI (coord.), Editions Quae,

février 2011, collection Update Sciences & Technologie

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récréative et résidentielle du paysage font partie des aménités, qui accroissent

l’attractivité de la qualité de vie et contribue de ce fait au développement

local. Mais ils mettent en évidence le fait que « L’offre physique locale d’un

paysage (potentiellement) attractif ne suffit pas », et de l’illustrer par le

phénomène de diagonale du vide (la ligne Midi-Pyrénées, Limousin,

Auvergne, Bourgogne, Champagne-Ardennes) avec notamment des pertes de

populations marquées dans la Creuse, l’Allier, la Nièvre, la Haute-Marne, les

Ardennes.

Nous constatons donc que la dimension d’attractivité paysagère ne peut

s’envisager dans un usage communicationnel de manière exclusive, dès lors

qu’il s’agit de relever la dimension économique d’un territoire, hors du

champ touristique stricto censu (et même dans ce domaine, la question de la

localisation joue également). Les coûts d’accès liés à l’isolement d’un secteur

géographique doivent être PLUS que compensés pour que les aménités soient

génératrices de développement, et donc faire l’objet d’une démarche

communicationnelle. Les auteurs citent l’exemple du pays de la Météorite,

situé dans le Limousin, et qui se caractérise par un impact direct, indirect ou

induit du paysage limité (2% de la part des emplois locaux), malgré

d’indéniables caractéristiques favorables et notamment « les difficultés à

assurer localement la valorisation économique du paysage ».

Un constat qu’il convient de tempérer quand les acteurs locaux et régionaux

arrivent à combiner une stratégie combinant trois composantes majeures : une

offre spécifique (une origine géographique de territoire avec une image de

qualité et des services facilitant l’accès, comme la fréquentation touristique),

une demande inélastique (des marchés locaux qui font aller les

consommateurs vers les fournisseurs, irremplaçables) et une mise en valeur

des produits dans un contexte de biens publics de qualité (environnement,

paysage, biodiversité, architecture, tradition …). Mis en évidence par Bernard

PECQUEUR en 2011, ce concept de « panier de biens » peut répondre à une

démarche communicationnelle autour des aménités paysagères, dans la

mesure où celles-ci sont englobées dans une stratégie globale, une

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combinaison de services publics et privés, non transférable à d’autres

contextes productifs : « En lien avec le développement régional, les

producteurs du panier de biens internalisent, pour partie, des externalités

positives localisées dues à l’offre de paysage »108. Il est incontestable que les

territoires ruraux en difficulté démographique se tournent vers des démarches

communicationnelles d’attractivité basées sur une complémentarité

d’aménités, tout en respectant une cohérence identitaire avec le paysage.

Autrement déclinée récemment par la Région Centre autour d’une

communication basée sur le patrimoine des produits du terroir, dans le cadre

d’un inventaire effectué par l’Institut Européen d’Histoire et des Cultures de

l’Alimentation (situé à Tours) et dont le label renvoie également à une

aménité paysagère « produits du jardin de la France »109. Cette démarche

s’inscrit tout à la fois dans une démarche d’attractivité externe (le jardin de la

France) et interne, dans sa dimension de relance de la filière bio, à des fins de

consommation locale, notamment dans les cantines scolaires.

En effet, la valeur des aménités paysagères ne s’envisage pas qu’à l’aune des

usagers touristes ou visiteurs, mais également des résidents permanents,

comme le souligne Jeanne DACHARY-BERNARD110 « Les espaces ruraux

fournissent des aménités paysagères qui procurent du bien-être à leurs

usagers. La demande sociale croissante en faveur de telles aménités justifie

l’intervention des pouvoirs publics ». Dans le cadre d’une enquête sur le

territoire des Monts d’Arrée, dans le Finistère, pour évaluer la valeur

économique du paysage telle qu’elle est perçue par les usagers, le choix a été

fait de distinguer un groupe d’usagers touristes et un groupe d’usagers

résidents. Ce dernier exprime des préférences paysagères tournées vers un

espace agricole très bocager et une exigence totale d’intégration paysagère du

108 Ibid

109 « Centre ; 2 505 000 habitants : un patrimoine mitonné avec les produits du terroir »,

Jean-Jacques TALPIN, article paru dans La Gazette des Communes, 16 mai 2011

110 « La méthode des choix multi-attributs appliquée aux Monts d’Arrée »,

Jeanne DACHARY-BERNARD, Cahiers d’économie et sociologie rurale, N° 84-85, 2007

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bâti. D’où il ressort la notion d’expérience du paysage, dont les pouvoirs

publics doivent tenir compte dans leur démarche communicationnelle : faut-il

prendre en compte une figuration consensuelle résidents – visiteurs ou

développer des choix clivant, en fonction des cibles ?

En d’autres termes, l’audace d’une communication touristique reposant sur

un « paysage humain », sans aménités paysagères visibles emporte-t-elle

l’adhésion des populations locales ?

La capacité à développer l’attractivité économique d’un territoire autour

d’une communication sur ses aménités paysagères est donc souvent complexe

à organiser, tributaire d’une organisation institutionnelle au-delà de l’échelon

strictement local, nécessitant une dynamique entrepreneuriale et une mise en

perspective globale. Toutes sortes de conditions qu’il n’est pas toujours aisé

de réunir.

Dans un autre registre, il convient de noter que les aménités paysagères

peuvent trouver à se décliner à contrario, c'est-à-dire dans leur non existence,

ou leur altération qui génère un effet de moindre attractivité.

C’est pourquoi les territoires ruraux oscillent parfois entre besoins de moyens

d’accès performants et risque environnemental de compromission

autoroutière ou ferroviaire. L’exemple de l’autoroute A19 dans le Loiret nous

invite à considérer les démarches communicationnelles sur les non lieux,

entendu comme risque potentiel de dégradation d’un paysage existant ou

tentative de transformation attractive d’un non lieu existant.

2.2.3 : Les non lieux paysagés

Comme nous l’avons mentionné dans notre introduction, la multiplication des

non lieux génère des sentiments déconcertants dans l’appréhension de

l’espace territorial par les citoyens, car ils sont anonymes. Souvent situés en

périphérie des espaces ayant des repères identitaires classiques, ils

représentent des flux de circulation ou des lieux temporels d’occupation, dont

l’existence se justifie de manière strictement utilitariste ou non prolongés

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dans le temps. Leur délimitation est variable, selon les besoins des grandes

lignes de déplacements : routes, croisements, voies ferrées constituent des

éléments dans le paysage qui sont subis. Certains emplacements urbains

vides, ne faisant l’objet d’aucun usage collectif et bien que localisés au

niveau d’une ville intra muros, peuvent également participer de

l’anonymisation des secteurs urbains.

Leur aménagement au travers d’une logique d’aménités paysagères et d’un

intérêt pratique – les jardins collectifs – participent de cette volonté de

redonner un sens à l’espace vide et sans identité. Dans les secteurs urbains, la

perte de repère par rapport à la notion française d’entité territoriale est

significative. Historiquement l’identification se fonde sur le lieu physique,

son usage économique et ses prolongements spirituels111. Une entité

territoriale comme déclinaison d’une identité et d’une utilité, et qui trouve

son aboutissement institutionnel au travers de la commune. L’étendue

humaine des lieux est donc naturellement limitée, tandis que le paysage

appartient à un territoire de vie, dont le point d’ancrage suppose une limite

spatiale. Au sein même des villes plusieurs facteurs contribuent à cette

déterritorialisation paysagère, et donc identitaire : l’importance des non lieux

(métro par exemple), un espace très vaste aux limites urbaines parfois floues

(communes – banlieues) et des zones de non usage en son sein (terrains

vagues notamment), tandis que l’identité institutionnelle n’apporte plus

suffisamment de légitimité pour compenser ces caractéristiques. Aussi faut-il

envisager les démarches récentes de jardins collectifs (à vocation

potentiellement de production alimentaire) ou d’aménagement partagé

d’espaces verts comme autant de démarches communicationnelles à l’échelle

locale, permettant de produire des espaces avec des limites, des usages et une

communication parcellisée pour redonner du liant social et du lien territorial,

à partir d’une esthétique paysagère. Citons comme exemple : la Cour du

Maroc et le Jardin de la Villette dans le XIXème arrondissement, porté par

une volonté associative très forte (Les Jardins d’Eole), relayée ensuite par les

111 « L’avenir des paysages français », Anne FORTIER KRIEGEL, Fayard, 2003

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pouvoirs publics ; ou bien encore les community gardens à Brooklyn, les mini

potagers à Londres112. Certes la dimension alimentaire de qualité et de

proximité recherchées est un élément important, mais pas exclusivement :

c’est une paysagiste, Pauline ROBILLARD, qui intégré dans le projet de

logements sociaux sur le canal de l’Ourcq (Paris XIXème) l’idée de jardin

gourmand, spontané et urbain.

Si les démarches communicationnelles d’attractivité territoriale reposent sur

les collectivités locales, il convient de mentionner ici l’exception des

procédures dites « 1% paysage et développement » sur les autoroutes et

grands itinéraires interrégionaux, issues d’une politique nationale du

Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de

l’Aménagement. Elles consistent à dégager 1% du coût des travaux pour

traiter le paysage, au-delà des emprises routières, en liaison avec les élus des

communes traversées. Mentionnée également par Anne FORTIER

KRIEGEL113 comme un progrès dans le lent processus de reconnaissance

institutionnelle en faveur des projets de paysages – et pas uniquement leur

protection, dans une vision conservatrice teintée d’archaïsme rural et de

nostalgie agricole. « Une Direction des paysages. Et pourquoi pas une

Direction des nuages ? » sera une plaisanterie souvent entendue de la part de

l’ex DAFU (Direction Aménagement Foncier Urbanisme). Au-delà de cette

anecdote humoristique, mais révélatrice, le chemin de la reconnaissance du

paysage - et de sa dimension qualitative, puis de son usage communicationnel

- élément figuratif fondamental dans l’identité d’un territoire, sera long mais

finira par s’imposer. En effet, les changements majeurs emportés par la

période des grands équipements et infrastructures, de 1960 à 1988 entraînera

une augmentation concomitante de ces phénomènes de non lieux : en matière

autoroutière, on passe de 170 à 10 057 kilomètres, la longueur des lignes

électriques est multipliée par cinq, la SNCF renforce son réseau TGV,

l’étalement urbain prend des proportions significatives, tandis que les

112 « Un potager dans la ville », Lionel PAILLES, L’Express Styles, 13 avril 2011

113 Ibid

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communes littorales voient le nombre de résidences croître de plus de 42%.

Pour les autoroutes au moins, une action est mise en place, consistant à

« révéler les qualités des territoires et des paysages traversées … Cette

démarche ambitieuse de contribuer à la valorisation des paysages, et au

développement économique et touristique des régions traversées … en

incitant les acteurs locaux à une nouvelle approche privilégiant l’analyse

paysagère … »114. Il est intéressant de noter que cette démarche a été menée

de manière expérimentale dans le Massif central (A20 et A75), une région

rurale, enclavée qui souhaitait bénéficier d’un accès amélioré mais qui, dans

le même temps, devait envisager l’impact d’une telle infrastructure et

imaginer des démarches communicationnelles autour du paysage. Accéder au

territoire, oui, mais en proposer une image attractive simultanément, afin de

ne pas laisser l’aspect logistique emporter une vision de paysages de moindre

qualité, car visibles depuis un lieu où jusqu’alors personne ne circulait. C’est

ainsi que le site de Saint-Flour a fait l’objet d’un plan de paysage pour un

objectif affiché de revalorisation du site, avec des démarches concrètes

conséquentes (classement en zone naturelle de certains territoires au Plan

d’Occupation des Sols et acquisition de terrains par la collectivité locale,

aménagement paysager d’un échangeur, étude pour un règlement local des

enseignes et panneaux publicitaires, repositionnement de zones d’activités

économiques, requalification d’espaces publics en ville basse, aménagement

de berges d’une rivière). Sur le site internet de la Préfecture de la Région

Centre115, concernant l’A19 la volonté communicationnelle d’attractivité

s’affiche en ces termes « La possible conjugaison de la valorisation du

paysage, du développement économique et de l’aménagement du territoire

autour de l’autoroute ». L’objectif revendiqué consiste bien en un enjeu de

vitrine du Pithiverais et du Montargois, dont la valorisation devient un facteur

114 Plaquette de la SETRA (Service d’Etude sur les Transports les Routes et leurs Aménagements),

Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de l’Aménagement, 2008

115 http://prefecture.centre

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de développement économique et touristique. La démarche

communicationnelle autour du paysage est au cœur des enjeux d’attractivité.

Les non lieux ont ceci de particulier qu’ils génèrent souvent de démarches

communicationnelles innovantes, que ce soit en secteur rural ou urbain. Par

ailleurs, ils déclenchent des phénomènes concrets de transformation du

paysage, c'est-à-dire que la démarche communicationnelle a mis en exergue

les points faibles d’attractivité et l’action publique entend donc intervenir

physiquement sur le paysage pour que celui-ci devienne un facteur d’image

positif, ou à tout le moins relativise, neutralise les effets induits négatifs des

zones de non lieux. Le paysage devient un objet modifiable, transfigurable, à

des fins communicationnelles de dimension territoriale.

2.3 : Des aménités paysagères au paysage transfiguré

A défaut d’aménités paysagères présentes spontanément, nous voyons que les

acteurs locaux cherchent à mettre en exergue d’autres atouts, ou à pallier les

effets négatifs de cette absence qualitative. Quitte à en créer de nouvelles, par

un apport de lieux à valeur paysagère (les jardins) ou un aménagement

paysager de sites visibles depuis des non lieux. Mais la démarche peut aller

au-delà de la question des aménités paysagères, en ce sens que le paysage

peut devenir une signification, pour peu qu’il se transforme dans le cadre

d’un processus d’aménagement doublé d’une dimension communicationnelle.

2.3.1 : Le paysage transformé

Les artistes contemporains explorent les voies du Land Art - abréviation de

Landscape Art (art paysager) - depuis 1968, quand « un petit groupe

d’artistes américains et européens, décide d’élaborer des concepts et des

projets qui mettent l’accent sur des techniques et des matériaux inédits et peu

conventionnels, tout en investissant d’autres lieux et dimensions, le paysage

en tant que sujet dans l’art prend une dimension inattendue et anti-

symbolique »116. Le terme trouve son origine dans le titre d’un film d’un

116 « Land Art », Michael LAILACH, Editions Taschen, 2007

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artiste américain Gerry SCHUM, Land Art, appellation générique pour

désigner la présentation télévisuelle des travaux de huit artistes américains, le

réalisateur proposant sa vision : « … ce n’est plus l’image peinte du paysage

mais le paysage en tant que tel, respectivement le paysage marqué par

l’artiste, qui devient objet d’art …».

Mis en perspective des démarches communicationnelles d’attractivité

économique reposant sur le paysage, et entendant le paysage comme une

invention esthétique, alors la nature peut s’imaginer comme un capital du

territoire, à faire fructifier, pour peu qu’on sache lui conférer une plus-value.

Evoqué par Patrizia INGALLINA117 au travers de l’esprit européen de la

dimension culturelle - toujours prégnante - la valorisation de l’identité locale

acquiert, dans le contexte actuel de la mondialisation, un intérêt particulier,

au même titre que les arts qui sont à considérer comme le seul lien local

permettant de visualiser une différence entre les villes. A condition

d’échapper à un profil culturel international, comportant bon nombre

d’espaces urbains standardisés. La création de paysage et la communication

afférente se manifeste comme expression du pouvoir. Il n’est que de citer

l’exemple du Musée Guggenheim de Bilbao, qui bien que différent de la

culture basque, a atteint son objectif car le projet s’est construit dans un

contexte de singularité, respectant une certaine forme d’authenticité

anthropologique et géographique. Pour l’auteur, l’urbanisme adopte une

stratégie d’attractivité en s’appuyant sur le capital nature. C’est ainsi que le

projet Loire Trame verte – dans un contexte d’aménagement de

l’agglomération orléanaise - peut s’appuyer sur une image concrète, celle du

fleuve. Incontestablement, le paysage fluvial participe de l’identité d’un

territoire et c’est pourquoi la démarche des agglomérations de Nantes et

Saint-Nazaire est particulièrement intéressante. Elle consiste en une

transformation du paysage, ponctuelle ou pérenne, par plusieurs installations

d’œuvres d’art dans le cadre d’un parcours situé sur une délimitation 117 « L’attractivité des territoires. Regards croisés », série de séminaires organisée par le

Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de l’Aménagement

(Direction Générale Aménagement Logement Nature), 2007

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territoriale en construction institutionnelle, celle qui unirait Nantes et Saint

Nazaire au sein d’une métropole, et à laquelle on souhaite donner « corps et

âme », corps territorial (l’espace physique) et âme identitaire (une

reconnaissance anthropologique) pour reprendre l’intitulé de la campagne de

promotion touristique de la Région Bretagne. Construite dans le temps, trois

épisodes 2007, 2009 et 2011 ainsi que dans l’espace, situé sur 120 kilomètres,

cette démarche se veut aussi communicationnelle, et emprunte au process de

réseau du développement économique des modes d’organisation et de

fonctionnement, car elle associe dans un partenariat de type mécénat des

acteurs privés (Total, SFR par exemple). La gouvernance territoriale devient

un enjeu identifié par les entreprises auquel elles souscrivent, considérant à

l’instar des élus politiques, que la dimension métropolitaine d’un

Etablissement Public de Coopération Intercommunale est un élément

important d’efficacité économique. La communication sur le paysage devient

celle d’un paysage transformé par l’intrusion d’un objet artistique, concourant

à un objectif de développement territorial d’attractivité institutionnelle. La

recomposition de l’espace public, commun, est un nouveau fil conducteur

pour mettre en exergue une identité en devenir, dont on attend attractivité

économique et adhésion des populations, cette dernière étant un préalable

pour la concrétisation des évolutions intercommunales, et la communication

externe qui en découlera, d’origine publique ou privée. Retraçant dans un

raccourci saisissant l’histoire du paysage dans sa dimension artistique,

Christophe DOMINO évoque118 que « la modernité a rendu manifeste

l’insuffisance de l’espace euclidien à contenir le paysage, ce « visible par

excellence », selon une définition des géographes devenue aujourd’hui trop

étroite. Si au XIXème siècle la culture paysagère du militaire – au nom de la

stratégie -, ou du touriste – au nom du pittoresque – s’attache encore à un

monde pris comme il est vu, désormais l’ambition de la description a quitté le

cadre de l’art pour relever d’autres champs de pratiques …». Et interroge

« Est-ce bien le rôle des artistes de modeler le paysage ? Paysage social ou

118 « A ciel ouvert. L’art contemporain à l’échelle du paysage », Christophe DOMINO, Editions

Scala, 2005, collection Tableaux choisis

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géographique, aménager est-il de leur responsabilité ? ». Tandis que l’artiste

américain Walter DE MARIA119 renverse la charge de la démarche en

indiquant que « le territoire n’est pas le site de l’œuvre ; il en fait partie ».

D’ailleurs les artistes questionnés dans la brochure ESTUAIRE Nantes Saint

Nazaire sur Que signifie le mot territoire pour vous répondent par de

nombreuses négations. Si leurs œuvres sont insérés dans une démarche

politique d’attractivité territoriale et institutionnelle, ils n’y contribuent que

dans la mesure où le territoire contribue lui-même à leur œuvre …

Autre démarche d’aménagement du territoire à forte connotation paysagère,

identitaire, économique et communicationnelle, celle de la ville de Détroit

aux Etats-Unis120. A partir d’un constat de situation post-industrielle de

l’activité de construction automobile et d’un déclin inéluctable, le choix est

fait de raser des usines dans un contexte urbanistique où le tiers de la cité est

à l’abandon. Le concept de jardin communautaire prend son essor pour

donner des clés d’agriculture péri-urbaine aux habitants ; le label « Cultivé à

Détroit » débouche sur une vente des produits au niveau de différents

marchés et restaurants, car le bio devient possible par la décontamination de

terrains avec des graminées dépolluantes. Des centaines de parcelles sont

mises en culture, et cette nouvelle identité agri.culturelle s’inscrit dans un

paysage urbain où les quartiers d’habitants se resserrent afin de procéder à

des économies environnementales très diverses (collecte des déchets,

transports, libération d’espaces pour l’agriculture etc.). La requalification est

autant physique dans l’espace géographique reconfiguré que

communicationnelle dans un espace anthropologique où les populations

subissent un taux de chômage de 30% et voit émerger un bassin d’emplois de

proximité aux perspectives encourageantes. Un agronome a été recruté par un

financier pour bâtir la première entreprise d’agriculture en milieu urbain !

Stratégie d’attractivité économique aux dimensions territoriales issues des

119 « Land Art », Michael LAILACH, Editions Taschen, 2007

120 « Détroit, la capitale de l’auto, passe au vert », Bruno RIPOCHE, magazine Reportages,

Editions Ouest France, février 2011

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standards américains, cette évolution marque l’émergence des territoires

richesses au sens où la tendance de relocalisation s’impose pour des raisons

pragmatiques, et pas seulement idéologiques121. Si cette évolution devrait se

confirmer, elle emporterait bien évidemment des conséquences dans le

domaine de la communication locorégionales, avec une concurrence d’autant

plus importante que la mobilité est un critère de compétition entre les

ressources humaines dont les composantes peuvent être matinées de

concurrence déloyale, comme l’indique Pierre VELTZ122, certains pouvant

être nomades, d’autres pas. Les territoires seront alors enclins à accorder une

place importante aux dimensions paysagères, que ce soit pour des raisons

d’attractivité que d’aménagement conçu en économiseur d’espace qualitatif.

Et si les enjeux portant sur le paysage croissent, sa figuration externe en est

un également, avec une vocation jusqu’à présent de représentation objective

ou artistique, impliquant une acception subjective.

Ne peut-on imaginer une métaphore du paysage sous une forme détournée,

manipulée, anticipée, retouchée puisque cette image porte en elle des

valeurs aussi importantes ?

2.3.2 : Le paysage retouché

Cette dimension qualitative et identitaire des paysages, devenus des

références stables dans un univers de médiation fluctuant, n’aura pas échappé

aux environnementalistes, qui communiquent sur les peurs viscérales

qu’inspirent une dégradation des paysages remarquables, au travers d’image

fiction. D’où la tentation de retoucher des images de paysages à des fins

communicationnelles. Une tentation d’autant plus forte que l’identité

territoriale et l’attractivité touristique d’une région sont particulièrement

fortes. En Bretagne, la notoriété de ses paysages constitue un acquis. Pour

Sandy CAUSSE, directrice de l’Agence Finistère Développement

121 « La nouvelle économie des territoires », Jean OLLIVRO, Editions Apogée, février 2011

122 « Des lieux et des liens. Politiques du territoire à l’heure de la mondialisation », Pierre VELTZ,

Editions de l‘aube, 2002

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Tourisme123 « c’est la région de France qui bénéficie spontanément de la

plus forte notoriété avec la Côte d’Azur, et alors que nous évoluons dans un

contexte de concurrence acharnée, de nombreux territoires peuvent faire

valoir des beaux paysages. Il faut aller au-delà pour se singulariser, c'est-à-

dire exprimer les valeurs issues des paysages avec des personnages, avec un

graphisme, pour susciter la curiosité. Nous avons la chance en Bretagne de

bénéficier d’une reconnaissance des paysages pré déterminée ». D’ailleurs le

Magazine 2011 Finistère Tourisme propose en page de couverture le visage

d’une jeune femme écoutant un coquillage, une photo sophistiquée et

travaillée, faisant ressortir des qualités de pureté (couleur bleu pale, cheveux

et yeux clairs, peau diaphane …) afin de développer un nouvel imaginaire,

tandis que les paysages se retrouvent à l’intérieur de la brochure.

Et c’est pourquoi le paysage – dans un affichage classique de site naturel – est

sorti de la porte communicante des institutions touristiques pour privilégier

une dimension identitaire à vocation humaine et singulière, mais revient par

la fenêtre écologique des associations, dans le cadre d’une campagne de

France Nature Environnement, mettant en scène un paysage, certes retouché

et manipulé, mais pour autant existant bien réellement dans les Côtes

d’Armor. Le comble aura été que la RATP n’ait finalement pas apposé cette

affiche mais que sa circulation par le Net aura été d’une fulgurance telle

qu’elle faisait le buzz, et générait par effet réactif des commentaires

véhéments de la part des élus et socioprofessionnels, qu’ils soient issus du

milieu agricole ou touristique. Un double constat : l’affichage, pour important

qu’il soit, prend une tout autre dimension car il est relayé par Internet et la

circulation immédiate et rapide des images emporte des conséquentes

autrement plus importantes que les « simples » affiches publicitaires, fussent-

elles apposées dans le Métro parisien et la Région Ile-de-France, pourvoyeuse

de près de 20% de la clientèle touristique bretonne124. Si les partisans d’une

123 Entretien du 3 mai 2011

124 « Promotion touristique : les collectivités locales s’emparent des réseaux sociaux », Chantal

BUTHEAU, site internet http://ressources.cap-com.org, 12 mai 2011

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évolution radicale du modèle agricole breton pouvaient se réjouir d’avoir

suscité des réactions médiatiques de grande ampleur, il n’en restait pas moins

que le fait de toucher, au sens physique du terme, à un paysage a été ressenti

comme une atteinte à une identité dont chaque breton est imprégnée. Au-delà

des réactions institutionnelles et socio-professionnelles - notamment pour

contrebalancer une information anxiogène pouvant toucher la clientèle

touristique – on découvrait la capacité de nuisance d’un paysage breton

détourné de sa vocation première dans un cadre communicationnel, ce qui

constituait un paradoxe.

Les campagnes d’image territoriale forte comporte un risque, celui d’être

détournées et récupérées à d’autres fins. La notoriété ayant été assurée par les

protagonistes initiaux – le Comité Régional du Tourisme communique depuis

longtemps en Ile-de-France sur la Bretagne - il ne reste plus qu’à mettre en

exergue un paradoxe : les paysages bretons, célèbres, devenus vecteurs

d’inquiétude pour dénoncer une situation écologique préjudiciable.

Le fait de retoucher des paysages a pu s’envisager dans une démarche

inverse, celle de magnifier des images, des photographies afin d’améliorer la

qualité visuelle, voire d’en extraire ce qui pouvait nuire à la signification que

l’on souhaitait véhiculer dans une campagne de communication. Nous ne

nous étendrons pas sur cette question, en nous contentant de mentionner les

stratégies « La montagne, ça vous gagne », qui s’est efforcée de mettre en

scène une montagne heureuse, joyeuse, avec des vues très lumineuses, tandis

que la réalité emporte parfois d’autres dimensions, entre autres celle du

danger et de la moindre visibilité. Cette démarche collective n’a pas été

renouvelée dans son contenu communicant, qui persiste dans une vision

« pure » de la montagne, malgré des efforts importants consentis par bon

nombre de stations pour innover dans leurs pratiques et leur attractivité

(notamment avec la démarche des 3 S : sports, santé, soins), mais

généralement à titre individuelle. La montagne est passée en N°4 des

destinations touristiques, derrière la mer, la campagne et le tourisme urbain.

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D’un paysage objet promotionnel, devenu norme communicationnelle, on

évolue vers des usages diversifiés, parfois détournés ; la construction

symbolique n’est plus uniquement figurative, elle peut devenir une référence

géographique ou être mise en exergue dans des stratégies de mention ou de

répertoire.

2.3.3 : Le paysage mentionné

La campagne de promotion touristique de la Bretagne en direction des

clientèles d’Ile-de-France en mars et avril 2011 s’inscrit dans cette évolution.

Pour les raisons déjà évoquées (et qui feront l’objet d’autres développements

dans le chapitre 3), à la référence figurative au paysage s’est substituée une

représentation identitaire du territoire dans sa dimension humaine, pour que

chaque touriste puisse s’imaginer, qui en marin, qui en pêcheur, randonneur

pour vivre une expérience bretonne authentique et singulière, au travers de

personnages modernisés. Pour autant l’idée du repère géographique de nature

spatiale, et son corollaire paysager, n’est pas tout à fait abandonnée ; sur

l’affiche du Finistère mention est faite d’un lieu, particulièrement renommé,

La Pointe du Raz. La notoriété et l’acquis paysagers sont tels que la référence

peut devenir abstraite, par simple mention scripturale. D’outil principal de

communication touristique, le paysage devient l’un des outils. S’il

conditionne un motif premier de déplacement, son usage communicationnel

n’est plus ni exclusif, ni même impératif. Eléments parmi d’autres d’une

référence identitaire, le paysage est décor, abstrait ou figuré, fixe

(photographie) ou mouvant (cinématographie). C’est ainsi qu’en Ile-de-

France, les démarches de notoriété et d’attractivité s’inscrivent dans un

contexte bien particulier : première région économique de France (29% du

PIB national, 18% des entreprises françaises – 5% du PIB européen), elle

perd pourtant chaque année des habitants, en raison de la cherté et de la

moindre qualité de vie. Exception faite de Paris - une capitale aux clichés

passéistes persistants dans l’imaginaire international ou provincial mais

présentant l’avantage d’une figure pré-représentée de qualité et typée sur le

plan identitaire - l’image de l’Ile-de-France est confuse, car la diversité des

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territoires est bien réelle (du château de Versailles à la forêt de Fontainebleau

en passant par le stade de France ou le 9-3). C’est pourquoi un travail sur

l’image ne pouvait faire l’économie d’une approche paysagère, car la

dimension urbaine emporte une vision faite d’une accumulation de non lieux :

autoroutes, rocades, périphériques, voies ferrées du réseau de banlieue, métro

parisien, gares nationales, aéroports et correspondances aériennes imposant

un statut de transit, sites de congrès etc. L’Institut d’aménagement et

d’urbanisme d’Ile-de-France s’est donc livré dès 1997 à un travail de

recensement, en lui donnant une dimension communicationnelle à vocation

d’attractivité territoriale. La présentation s’inscrit dans une démarche

traditionnelle de protection du patrimoine architectural et paysager, menacé

par l’étendue de l’urbanisation, puis bifurque vers l’idée d’un inventaire ayant

vocation à « être utile et utilisé »125. L’enjeu marqué consiste à « dégager les

enjeux dont ils sont l’objet … et à composer », terme générique renvoyant

entre autres à la diversité des acteurs et la nécessité que « les uns composent

avec les autres dans une véritable démarche de développement durable ». La

dimension d’attractivité commence à apparaître, même de manière

embryonnaire, la notion de développement durable renvoyant encore, surtout

en 1997, à des thématiques de protection écologique et de préservation

patrimoniale. Comme si l’activité de recensement ayant pour objectif de faire

mention des paysages dans un cadre inventorial aboutissait logiquement,

naturellement à en dégager le potentiel d’une ressource.

Fin 2002, la publication de l’ouvrage « Paysages territoires. L’Ile-de-France

comme métaphore »126 signe une évolution en faveur d’une attractivité

paysagère que l’on souhaite valoriser, en actant dès le départ (introduction) le

postulat d’une défaillance communicationnelle à ce sujet : « Le déficit de

communication, comme on dit dans le jargon technocratique, est réel ». Cet

ouvrage présente douze sites, douze photographies, douze monographies

125 Présentation du livret sur le site internet : http://www.iau-idf.fr

126 « Paysages territoires. L’Ile-de-France comme métaphore », Jean-François CHEVRIER et

William HAYON, Editions Parenthèses, 2002

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traduisant la diversité des territoires habités, parlés, racontés et imaginés. Il

devient clair que la mention des paysages, sous forme figurative et narrative,

emporte un objectif communicationnel de valorisation régionale : « Beaucoup

reste à faire pour que ces lieux exercent l’attrait et reçoivent le respect qu’ils

méritent ». Et Jean-Pierre DUPORT, Président du Conseil d’administration

de Réseau ferré de France, ancien Préfet de la Région Ile-de-France signe un

texte complémentaire à l’introduction en allant plus loin dans la

démonstration : « En choisissant l’Île-de-France comme métaphore Jean-

François CHEVRIER et William HAYON montrent bien l’articulation entre

paysages et territoires … où le paysage, profondément transformé par les

exploitants de carrières (Bassé en Seine-et-Marne), est devenu territoire,

puisqu’il donne lieu à un des premiers contrats de projet ». La mention des

paysages oblige l’observateur à analyser leur recomposition sous forme de

territoire et, partant de répondre par la négative à la question « Peut-on

penser des territoires qui ne soient pas des paysages, des paysages qui ne

constituent pas des territoires ? ». Mentionné, retouché ou transformé, le

paysage peut difficilement être isolé dans ces différentes tentatives de

valorisation ; elles participent d’une polysémie d’usage communicationnel,

dont le registre régional en Île-de-France comporte des spécificités urbaines

liées à la dimension de capitale économique, institutionnelle et culturelle.

C’est précisément cette dimension culturelle qui est au cœur de l’action

menée par la commission du film d’Île-de-France. Indépendamment des

éléments économiques propres à l’industrie culturelle, que nous avons

brièvement évoqués dans l’introduction, quelle part de paysage mentionné

dans les films contribuent à la notoriété et à l’attractivité de la région ? La

première phrase de présentation de la commission évoque justement « une

diversité de paysages »127 et poursuit par des références aux connotations

empreintes d’attraits paysagers « Elle est parsemée de sites agricoles,

industriels et tertiaires hautement pittoresques et donc propres à l’illustration

de situations variées ».

127 Site internet : http://idf-film.com

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Pour Stéphane MARTINET, directeur adjoint de la commission film de l’Île-

de-France128 - une structure ayant le statut d’un Etablissement Public de

Coopération Culturelle (l’un des premiers créés en France) - « il faut

comprendre l’historique de l’attractivité du territoire de l’Île-de-France pour

en arriver aux stratégies actuelles ». A la fin des années 90, on parlait, sur un

plan géographique de rayonnement économique en Europe d’une « banane »

partant de l’Irlande, et traçant ensuite une courbe vers Londres, les Pays-Bas,

le Benelux, l’Allemagne, Milan, dont la France se trouvait exclue alors que,

paradoxalement, le niveau d’activité était tout à fait comparable. Cette

situation s’expliquait à l’époque par les liens : transports, transmissions,

bandes passantes etc. D’où une volonté de pallier ses difficultés par une

concentration des efforts sur la créativité, l’implantation des sièges sociaux,

en développant une image de la région positive, non pas en termes financiers,

mais par des conditions de vie agréables pour les salariés cadres (loyers,

facilité de scolarité des enfants …), la proximité des grands lieux de décisions

européens. Cette logique s’entendait pour une large part vis-à-vis des

décisionnaires et personnes ressources majeures des entreprises, c'est-à-dire

des très hauts salaires, séduits par une meilleure qualité de vie, celle-ci

portant notamment sur la qualité des paysages urbains dans l’Ouest de la

capitale avec le style haussmanien, support d’une cohérence architecturale

renommée et recherchée. Cette attractivité forte s’est effectivement traduite

par une présence accrue des sièges sociaux ou de branches d’entreprises et la

venue de salariés à forte plus-value de niveau de vie, mais emporte forcément

des contre-effets en termes de cherté progressivement à la hausse des loyers.

Cette stratégie d’image « corporate » s’est doublée d’une stratégie d’image

touristique, bien que Paris soit déjà la première ville touristique, mais avec la

volonté de gagner sur des marges de publics dits de niches, en fonction des

groupe socioculturels, c'est-à-dire des particularismes pointus via les sites

internet (centres d’intérêt spécialisés pour un architecte, un genre

photographique, une particularité artistique …).

128 Entretien du mercredi 25 mai 2011

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Parallèlement, le cinéma représente un vecteur d’une efficacité inespérée :

une étude menée en 2004 indique que 62% des personnes qui visitent la

France ont vu des images, des paysages dans un film129. Or, sur 240 films

français tournés par an, 200 sont situés en Île-de-France. Mais au-delà de cet

impact des films français, Stéphane Martinet souligne que « il faut relativiser

le succès des films français, car 10 ou 15 par an ont une exposition au delà

du territoire national et seuls 3 ou 4 figurent à des box offices internationaux.

C’est pourquoi nous développons une logique d’attractivité des tournages de

films étrangers, notamment américains, soit intégralement à Paris, soit

également en studio et/ou avec un partage entre trois pays européens, dont la

France. Dans ce cadre, outre les acteurs, personnages dits bankables,

existent aussi des paysages dits bankables ». Si Paris reste le pôle

d’attractivité principal, néanmoins des images de paysages d’Île-de-France

ont pu déclencher à l’endroit de certains lieux méconnus des phénomènes très

nets d’attractivité ; ainsi le château de Courances, lieu de tournage de

« Molière », et qui propose des paysages de jardins sans fleur, mais à base de

végétal vert et une dimension sonore liée à l’eau (30 sources, des cours d’eau,

des chutes, cascades, lieux bruyants ou très silencieux …). Pour Stéphane

MARTINET « la présence à l’écran d’une image de site, de paysage, de

monument peut avoir une influence sur la fréquentation pour peu que cette

présence ne soit pas furtive, mais que le lieu soit au centre du scénario, que

le paysage devienne un personnage et exerce une fascination. La prégnance

iconographique suscite une réelle attractivité. C’est d’ailleurs pour cette

raison que les lieux prestigieux acceptent les tournages de films, malgré les

inconvénients et nuisances, car en termes de notoriété, les retombées sont

incomparables. ».

Cette notoriété d’une région liée à des images de paysages véhiculées par

l’industrie cinématographique correspond bien à la Bretagne, caractérisée

« terre de tournage » par l’exposition « La Bretagne fait son cinéma », ayant

eu lieu au Château de Kerjean, à Saint-Vougay, en 2010 (Etablissement

129 « Impact du cinéma français à l’étranger », étude IFOP, septembre 2004, réalisée pour l’ADEF

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Public de Coopération Culturelle Chemins du Patrimoine en Finistère) et

proposée actuellement à Rennes. Région à forte identité culturelle, elle a

assuré sa notoriété paysagère depuis fort longtemps. Est-ce alors un luxe, un

hasard, un risque ou une nécessité que d’avoir développé depuis 2011 une

autre stratégie d’attractivité, basée sur l’identité du territoire, ses ressources

humaines, ses « attitudes »130, ses atouts économiques porteurs d’innovation,

car elle souhaite incarner un autre imaginaire que celui de ses paysages,

reposant sur des valeurs.

La valeur du territoire devient identitaire, le paysage est mentionné dans les

affiches de promotion touristique, mais ne véhicule plus l’image symbole de

la région.

Aux sources de cette communication identitaire, la logique de compétitivité

économique emporte des nécessités polyvalentes d’attractivité, ne pouvant

plus reposer sur des seules représentations figuratives, risquant de figer

l’image du territoire.

130 Communiqué de presse de l’Agence Cadran solaire sur la campagne de communication

touristique « La Bretagne à la conquête de Paris », 9 mai 2011

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CHAPITRE 3

IDENTITE ET COMPETITIVITE TERRITORIALE

« La construction identitaire est plurielle. La modernité s’affiche

en tradition comme la tradition s’affiche en modernité. Le

territoire met en ordre mais il est aussi mis en scène et en mots »

Chantal BLANC-PAMARD et Laurence QUINTY-BOURGEOIS

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Aux sources de la richesse des territoires était l’espace de production ;

devenant petit à petit un espace de consommation, il s’entend dans des cadres

multiples, mêlant tout à la fois l’attractivité environnementale (les citadins

consomment la nature, sous toutes ses formes : parcs en ville, zones

périurbaines et résidentielles, déplacements et séjours de courte ou moyenne

durée vers des secteurs touristiques …), et culturelle (les loisirs emportent des

temps partagés plus conséquents entre travail et vie personnelle) qui

impactent les stratégies de développement économique des acteurs locaux,

tant publics que privés. Ces deux composantes, environnement et culture,

dégagent des ressorts identitaires plus complexes que les traditionnels

vecteurs de communication locorégionale que constituaient, soit les paysages

pour l’activité touristique, soit les facteurs rationnels d’aménagement et de

fonctionnement des territoires (accessibilité, situation géographique, fiscalité

locale etc.). Enfin, l’organisation des collectivités décentralisées qui s’oriente

vers des logiques de projets et/ou de contrats, implique un mouvement

partenarial, moins fixe que l’ancrage politique d’élection, dans un cadre

moins figé que les institutions territoriales.

Identité et territoire s’enrichissent mutuellement pour alimenter la

communication locorégionale : du territoire base d’attractivité (3.1) à

l’identité, reflet du territoire (3.2), tandis que le paysage ne restera jamais

bien longtemps à l’écart de ces évolutions notables en matière de

compétitivité économique, le label d’authenticité disposant un rappel à une

nature originelle toujours d’actualité (3.3).

3.1 : Le territoire, lieu et lien

Du lieu localisant les stratégies de développement local, s’établissent les liens

internes et externes pour, d’une part mutualiser les informations en élaborant

des démarches partagées entre les acteurs locaux de savoir-faire territorial (les

projets) et, d’autre part savoir faire valoir ces atouts en les exportant pour

maintenir le territoire dans ses dimensions compétitives d’attractivité

économique.

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3.1.1 : Les projets de territoire

L’élaboration des projets de territoire dans le cadre de démarche partenariale

avec des acteurs de la société civile emporte une dimension

communicationnelle, de par l’ouverture vers les partenaires privés et, parce

que le projet de territoire se donnera à voir. Sa légitimité et sa pertinence

reposeront, outre le contenu des actions, dans son registre de capacité à

convaincre et, au préalable, sa déclaration d’intentions. Actes discursifs et

lectures cognitives se superposeront pour imposer les bien-fondés des choix

politiques en matière d’aménagement du territoire et de développement local.

Philippe TEILLET expose l’exemple d’Angers131, qu’il nous semble

particulièrement judicieux d’évoquer ici, car nous aborderons ensuite la

démarche récente d’une marque de territoire de cette communauté

d’agglomération ; d’un projet l’autre, cette mise en regard comparatif fait

ressortir les évolutions des démarches communicationnelles. L’auteur

recontextualise la situation au regard des nouvelles politiques d’aménagement

du territoire, qui ont pour vocation d’associer l’aménagement du territoire au

développement durable, afin de favoriser la constitution de territoires

solidaires. Cette notion de solidarité du territoire s’articulera autour du

PROJET, permettant de mettre en cohésion les acteurs élus et privés, et de

mettre en cohérence les actions à venir. Ce processus de construction réduit

l’emprise idéologique dans la définition du bien commun local et participe

d’une légitimation de nouveaux espaces d’action publique. Dans ce cadre, les

activités symboliques contribuent fortement aux représentations du territoire,

qu’elles soient présentes (l’élaboration du projet commence toujours par un

diagnostic et un état des lieux), ou futures (les perspectives, objectifs et

moyens définis dans le cadre du projet). Pour ce qui concerne la rédaction du

projet d’agglomération d’Angers, le style est très littéraire, sort du langage

technocratique tandis que l’ambition politique se manifeste dans le verbe et la

verve, ainsi que dans une réflexion stratégique fondée sur un diagnostic 131 « La dimension idéologique de la recomposition des territoires : le cas du modèle angevin »,

Philippe TEILLET, dans « Les idéologies émergentes des politiques territoriales », Revue Sciences

de la Société, N° 65, 2005, Presses Universitaires du Mirail

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complet, tant sur le plan économique que social. Cette volonté est

manifestement relayée, ou similaire, au niveau des acteurs de la société civile

puisque le Président du Conseil de développement de l’époque s’exprime en

ces termes inspirés : « Le développement d’un pays, c’est pour une grande

partie une question de foi ». Déjà se pose la question de la valorisation de la

fameuse « douceur angevine », qui peut être assimilée par les acteurs

économiques à un manque de dynamisme. Néanmoins, les métaphores

naturelles et les spécificités de l’espace angevin sont mises en exergue par le

Conseil de développement, autour de l’idée d’urbanisme végétal et d’une

confluence unique en France, d’autant plus qu’il existe un pôle de

compétitivité dédié au végétal. Dans ce cadre, il est mentionné qu’un soin

tout particulier doit être accordé aux paysages.

La tendance générale des contrats et projets d’agglomération – issus des lois

de 1999 sur l’aménagement du territoire - aura été une propension à favoriser

l’uniformité, par la banalisation des objectifs autour de grandes orientations

(souhaitées par la DATAR) comme l’attractivité économique, la solidarité

etc. Les territoires ont donc très rapidement compris quel parti il pouvait tirer

de leurs ressources identitaires pour se singulariser et dégager des projets

marquants, avant même l’apparition des marques de territoire. Les experts

locaux de l’identité territoriale sont mobilisés et peuvent jouer un rôle

déterminant dans la production d’un imaginaire, de nature à ré-enchanter le

territoire et l’action publique : « La rupture entre les territoires électifs et les

territoires d’action publique oblige les acteurs politiques à combler le déficit

de légitimité auquel cette échelle nouvelle les confronte nécessairement ».

De toute évidence, la question des fondements démocratiques de

l’intercommunalité interpelle la dimension communicationnelle, appelée en

renfort, et qui demeure un problème prégnant puisque, dans son édition du 5

avril 2011, Les Echos, journal économique, titre sur « La « marque » des

territoires, un enjeu pour l’intercommunalité ».

Dix ans avant l’émergence spectaculaires des marques de territoires, les

démarches de projets et contrats territoriaux constituent les débuts, même non

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repérés, de l’incontournable marketing territorial, objet dorénavant de

nombreuses publications spécialisées, dont celle parue en janvier 2010 :

« Guide du marketing territorial. Réussir son marketing territorial en 10

étapes »132, dont l’auteur se présente comme économiste et marketeur

territorial . Dans cet ouvrage, le terme projet n’apparait pour ainsi dire pas. Il

sous tend pourtant toutes les démarches d’attractivité, repositionnées dans un

cadre plus conceptuel de stratégie économique.

En matière touristique, la multiplicité des intervenants et la difficulté de la

gouvernance rend les objectifs de projet indispensable, un préalable aux

démarches communicationnelles. Les schémas directeurs, régionaux et

départementaux, constituent un premier cadre partenarial pour définir les

actions – à partir des orientations économiques et fonctionnelles - tandis que

l’organisation pratique impose de plus en plus aux acteurs locaux cette

concertation, voire cette coordination de projet. Pour Elisabeth GOUZIEN,

chargée du développement touristique à la CCI de Saint-Malo Fougères133, le

travail en réseau avec le Comité Régional et Départemental du Tourisme est

un moyen pour la mise en place des projets. Elle explique que son profil de

poste, fondé sur le marketing touristique, est assez rare dans les CCI et que

les socioprofessionnels sont en attente « d’une personne institutionnelle pour

effectuer ce travail de coordination, de repérage, de conseil, de mise en lien

des différentes structures avec des clients plutôt qu’une agence réceptive,

ainsi que de recensement des atouts du territoire ».

L’intérêt général du projet touristique dispose que des acteurs publics ou

parapublics interviennent dans les processus de communication, internes ou

externes, comme un facilitateur de retombées économiques tant les atouts du

territoire sont devenus multiples.

132 « Dossiers d’experts », Vincent GOLLAIN et le CDEIF (Club des Développeurs Economiques

d’Île-de-France), Territorial Editions, 2010

133 Entretien du mercredi 18 mai 2011

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3.1.2 : Les atouts du territoire

Cette réflexion sur les atouts du territoire procède d’un constat souvent

effectué par les acteurs locaux : pourquoi certains territoires semblent réussir

mieux ou moins bien que d’autres, au-delà de caractéristiques objectives –

comme par exemple la situation des régions comptant en leur sein la capitale

du pays ou celles enclavées et difficilement accessibles – et quelles sont les

raisons expliquant selon la terminologie familière qu’il existe des « régions

gagnantes ou perdantes » ? Dans un jeu de plus en plus ouvert sur la

mondialisation, où il semble indispensable d’être accessible - au propre

comme au figuré – et où les TIC n’ont pas toujours redonné la main

économique à des territoires ruraux excentrés, la part communicationnelle

prises par les acteurs privés pour être attractifs, sur leur territoire

d’implantation, peut constituer un atout déterminant. On doit évoquer la part

de risque prise par les entrepreneurs, même si elle s’inscrit toujours dans un

« substrat social et culturel »134, et l’exemple de la Beauce québécoise est à

cet égard révélateur, s’agissant d’un territoire empreint de faiblesses, voire de

handicaps qui ont alors constitué, de manière paradoxale, un facteur de

mobilisation des ressources, d’activation des savoir-faire traditionnels et,

partant d’adaptation, d’innovation et de développement économique. Pareille

situation se retrouve en Vendée, ou dans la région de Cholet, qui permettent à

l’auteur de dégager des points communs : une forte identité régionale, un

relatif enclavement social et culturel, un caractère endogène et familial de la

création d’entreprises, un secteur manufacturier dynamique et diversifié.

Enfin, l’existence d’un ensemble de règles, le plus souvent implicites, faisant

ressortir l’indépendance et la solidarité, c'est-à-dire la coopération malgré la

concurrence, caractérise également « des territoires marqués sans conteste

par des valeurs traditionnelles, voire par un caractère indiscutablement

réfractaire et une résistance tenace à la pénétration d’influences ou de

courants de pensée extérieurs ». 134 « Structures sociales, traditions culturelles et innovation industrielle dans la Beauce

québécoise », Jacques PALARD, dans « Entreprises et territoires », Revue Sciences de la Société,

N°48, 1999

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Cette industrialisation très avancée d’un territoire enclavée- notamment dans

l’exploitation renouvelée de la filière bois, et surnommé « Le petit Japon »

s’explique par la spécificité des rapports sociaux, une influence persistante de

la religion, ce que Jacques PALARD appelle « les régimes territoriaux »135.

Les traditions territoriales, c'est-à-dire l’héritage de pratiques sociales,

constituent des atouts lorsqu’elles servent de base à une structure

économique, dans la mesure où l’héritage sait s’adapter et composer avec le

marché, faute de quoi il se heurtera aux forces concurrentielles.

Les spécificités de l’espace anthropologique peuvent donc emporter des

conséquences non négligeables en termes de développement économique, de

part la capacité communicationnelle de la communauté humaine - populations

et acteurs professionnels - à organiser efficacement les structures socio-

spatiales au regard des objectifs d’innovation productive et d’efficacité

commerciale. Ces fondements endogènes constituent sans nul doute une

solidité, qui certes peut se trouver confrontée aux réalités mondialisées à tout

moment, mais qui offre un aspect de non prise et d’imperméabilité aux aléas

conjoncturels trop souvent changeants.

Autre exemple d’une dynamique entrepreneuriale empreinte d’une démarche

d’attractivité, celle de Produit en Bretagne136. Elle correspond à ce que

Michel OGRIZEK nomme « les territoires de la communication »137, quand

un produit s’identifie à un espace géographique et à ses caractéristiques,

notamment environnementales, en générant une valeur ajoutée de notoriété.

Rappelant que « il est classique d’admettre que l’image de l’entreprise est un

capital qui fait la différence sur le plan de la concurrence commerciale et

aide à communiquer en cas de crise », il cite l’exemple de Milka, dans le

135 « Territoires et développement économique : de l’héritage à l’action », Xavier ITCAINA –

Jacques PALARD et Sébastien SEGAS, Presses Universitaires de Rennes, 2007, Collection Espaces

et Territoires

136 « Produit en Bretagne. Unique en Europe ? », Revue Bretons, mars 2011

137 « Environnement et Communication », Michel OGRIZEK, Editions Apogée, 1993, collection

Ecoplanet

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cadre de la communication des Jeux Olympiques d’Albertville, et le lien qui

s’établit entre la montagne, sa représentation de nature pureté, l’image des

vaches et enfin du chocolat au lait. Cette ancrage territorial s’affirme comme

une valeur sure, refuge, solide, et confère en toute période – y compris

potentiellement celle de crise – une garantie d’attractivité pérenne. Dans le

cas de l’Association Produit en Bretagne, cette logique s’inscrit dans le cadre

d’un regroupement de professionnels pour une démarche promotionnelle,

c'est-à-dire la capacité des acteurs privés à organiser sur une base territoriale

une mutualisation communicationnelle pour conférer aux produits une souche

géographique synonyme de qualité. La logique de marque devient collective,

malgré les mouvements concurrentiels internes au territoire, entre les

entreprises adhérentes de la structure. A la classique mutualisation des

moyens communicationnels et organisationnels utiles aux PME, s’ajoute une

volonté identitaire que la dynamique entrepreneuriale confie à une

communauté d’intérêts ad hoc. Signe des temps, la présidence de

l’association est assumée depuis plusieurs années par un chef d’entreprise qui

n’est pas issu de l’industrie agro-alimentaire, très présente au sein de Produit

en Bretagne, mais du monde de la communication. Et la dernière campagne

de promotion renforce cette communication locorégionale des entrepreneurs

puisqu’elle propose de relocaliser les emplois grâce aux consommations de

produits issus du territoire. Cette énergie communicationnelle s’entend bien

évidemment par un partage d’intérêts commerciaux bien compris, mais pas

seulement ; indéniablement la spécificité de l’espace anthropologique breton,

notamment celui des chefs d’entreprise, a permis de dégager des ressources

humaines pour créer les outils de promotion commerciale.

C’est au sein même du territoire que se trouve les atouts les plus fiables, les

ressources pérennes, et au premier rang d’entre elles humaines. Elisabeth

GOUZIEN138 ne dit pas autre chose quand elle évoque les évolutions

spectaculaires des pratiques communicationnelles des acteurs touristiques,

138 Chargée du développement et marketing touristique à la CCI de Saint-Malo Fougères,

entretien du mercredi 18 mai 2011

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publics ou privés. L’une des priorités de ses missions consiste en « une

professionnalisation des socioprofessionnels, dans trois domaines : le

marketing (mieux vendre, savoir effectuer un diagnostic pour adapter

l’offre) ; l’e-tourisme ; l’élaboration de produits touristiques ». Au-delà des

composantes techniques de ces formations, se dégage une tendance : la

communication locorégionale impacte tous les métiers individuels du

tourisme ; chacun devient porteur d’une part de cette communication. A

l’identique de Sandy CAUSSE, directrice de l’Agence Finistère

Développement Tourisme139, Elisabeth GOUZIEN s’accorde à reconnaître

que la dimension de l’acteur touristique a changé : d’un exploitant on est

passé à un métier composé de plusieurs volets. L’hôtelier ou l’hébergeur qui

exprime une incapacité, faute de temps disponible, à développer des outils

promotionnels liés aux TIC s’expose en fait à ne pas exercer son métier dans

toutes ses composantes, donc à échouer à plus ou moins long terme. Il s’agit

donc d’un enjeu majeur que de permettre cette réorganisation des ressources

humaines dans toutes les structures touristiques, notamment au-delà des

locomotives qui se sont elles adaptées depuis déjà un certain temps.

Les atouts du territoire s’expriment aussi en une plus-value humaine de

qualification communicationnelle.

La compétitivité du territoire exige les compétences communicationnelles des

acteurs locaux, et elle se décline de manière polysémique ; dès lors, il

convient plutôt d’évoquer les compétitivités du territoire.

3.1.3 : Les compétitivités du territoire

Pour Jacques GODRON140, le territoire gagnant sera le territoire stratégique,

celui qui était site d’exploitation est devenu lieu d’exercice et emporte une

dimension spatiale d’identification, au-delà des ressources présentes sur

place, dont il tirait auparavant sa richesse. Il pointe toutefois que le territoire

139 Entretien du 3 mai 2011

140 « Le territoire gagnant sera le territoire stratégique », Jacques GODRON, dans le dossier

spécial « Des territoires attractifs », Revue Pouvoirs Locaux, N° 61, 2004

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continue, au moins partiellement, de construire sa richesse sur des savoir-

faire savamment entretenus : le Jura spécialisé dans l’horlogerie, le Limousin

dans les matériaux céramiques et la Bretagne dans les industries agro-

alimentaires ; il indique que dans 80% des implantations d’entreprise,

préexistent des liens antérieurs entre l’entreprise et le territoire de destination,

tandis que dans 51% des cas ces liens antérieurs s’avèrent déterminants dans

le choix d’implantation141.

Si le territoire ne se limite plus à l’exploitation de ses ressources naturelles, sa

compétitivité est donc logiquement devenue plus complexe que la seule

localisation de son potentiel naturel, comme nous l’avons vu dans nos

précédents développements (chapitre 1, 3.1 et 3.2). Evolution qui emporte

dorénavant une dimension plurielle d’attractivité particulièrement diverse et à

laquelle se confronte tous les territoires : des TIC aux ressorts

communicationnels, en passant par une organisation réseau générant une

capacité de réactivité des institutions publiques et partenaires privés, au cadre

de vie devant proposer de multiples avantages, le territoire « parfait » est-il

celui qui cumule le plus de compétitivitéS ? Ou celui qui sait mettre en ligne

les compétitivités majeures et singulières, emportant un avantage

concurrentiel non substituable ? Dans l’article cité en référence, Jacques

GODRON met en exergue huit composantes (FENETRES) à conjuguer,

quantitativement et qualitativement pour disposer des atouts distinctifs

déterminants : Formation et main d’œuvre ; Entreprise leader ; Ntic ;

Entreprises secondaires ; Technologie et recherche ; Réseaux d’affaires ;

Evénements professionnels ; Services. Nous ne nous attarderons pas sur les

caractéristiques économiques de ces composantes, mais relèverons la part

communicationnelle inhérente à leur mise en perspective et valorisation. Au

travers de précédents développements, nous avons abordé certaines

thématiques pour comprendre les stratégies des collectivités territoriales et

sur quoi portaient leurs efforts d’attractivité. La déclinaison de « fenêtres »

141 Enquête KPMG avec le CNER (Fédération des Agences de Développement et Comités

d’Expansion), 2002

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explique, d’après l’auteur, pourquoi on trouve le pôle du végétal à Angers et

Vinexpo à Bordeaux, entre autres exemples. Incontestablement, si la capacité

de décider des choix d’investissements et d’aménagement ne relève pas d’une

dimension communicationnelle, mais d’une pertinence d’analyse polyvalente

(économique, urbanistique, sociale etc.), les exigences actuelles de

l’efficacité économique et du développement local, imposent de savoir mettre

en réseau tous les acteurs et de valoriser le fruit des travaux pour que les

atouts objectifs du territoire se prolongent dans une attractivité sans cesse

renouvelée.

Confrontée à l’évolution des firmes, qui de stables sont devenues mobiles, le

territoire, auparavant une notion floue, est devenu un repère stable, au sein

duquel l’entreprise peut développer sa propre communication, s’appuyant sur

l’image du territoire, pour peu qu’il en ait une … La localisation de l’espace

géographique, pour stable qu’elle soit, est une condition nécessaire mais pas

suffisante. Carole DANY, directrice de l’Agence de Communication Cadran

Solaire142 envisage le travail du marketing territorial, et son bien-fondé à

partir du constat suivant : « Les territoires comportent deux dimensions ;

celle objective, des infrastructures, des réalités paysagères et culturelles, le

territoire concret dans l’expérience des habitants ou des visiteurs, le

territoire réel qui peut être évalué, faire l’objet même d’une notation. Et puis,

le territoire virtuel, c'est-à-dire l’image du territoire, qui se situe dans un

marché mondial de l’image, plus irrationnel, plus émotionnel, emportant une

dimension publicitaire, c'est-à-dire des critères d’attractivité subjective. La

dimension objective est celle de l’offre, la dimension subjective celle de

l’image. Il est logique qu’un mouvement se mette en marche, à partir d’un

petit « club » de territoires, ayant compris que le fait de décliner les deux

dimensions emportait une force accrue. Confrontée à la mutation des

territoires et aux enjeux socio-économiques – notamment au travers de

l’implantation des entreprise - ils font le choix d’activer de manière

professionnelle ces atouts d’attractivité ».

142 Entretien du jeudi 26 mai 2011

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Les compétitivités des territoires sont en effet parfois mal connues ; c’est

ainsi que la Meurthe-et-Moselle est le premier département exportateur de

France, dans un contexte où la place Stanislas est classée au patrimoine

mondial de l’humanité, et que des sites comme Longwy ou Verdun disposent

d’une notoriété incontestable. Si la situation économique de ce département

constitue une réussite économique et donc une expérience positive, anticiper

sur ces ressorts d’attractivité est impossible sans image. Réguler son image

constitue un actif du territoire, pour en faire un patrimoine dynamique, un

outil de valorisation. Pour les entreprises, la marque territoriale comporte

plusieurs dimensions : un capital affectif, émotionnel, de notoriété, et doit

dorénavant être évaluée dans le patrimoine de l’entreprise, c'est-à-dire faire

l’objet d’une valorisation dans le bilan. Elle constitue un passeport vers les

clients, une interface de dialogue. Autre exemple de territoire aux dimensions

multiples de compétitivité : les Vosges, qui ont fait l’objet d’une signature

« Je vois la vie en Vosges », et une communication basée sur un hectare de

forêt par habitant ; ceci compensant le fait qu’il n’y ait aucune ville

d’importance dans ce département. La démarche communicationnelle vise à

repérer au sein d’un diagnostic recensant la réalité dans son exhaustivité ce

qui peut être sélectionné pour caractériser de manière attractive le territoire.

C’est ainsi que le fait d’être le premier département en main d’œuvre ouvrière

n’a pas été retenu dans le cadre d’une campagne de communication. L’atout

des Vosges sera d’être l’incarnation même du développement durable, à

l’image symbolique des pays nordiques, en qualité de vie et vie en harmonie

dans et avec la nature. Il aura fallu faire ressortir des éléments préexistants de

force économique et environnementale : le lin des Vosges, les stations Vittel

et Contrexeville, puis les acteurs locaux (Conseil général, CCI, entreprises,

certains villes) ont proposé un site internet qui permet aux porteurs de projet

de se mettre en lien avec les interlocuteurs du département, à partir d’une

image et d’une notoriété véhiculées au-delà du territoire.

Outre la dimension communicationnelle, reste à envisager la question de

l’information partagée. Pour Jacques GODRON, le territoire qui gagne est

celui dont « toutes les molécules sont connectées », et qui de ce fait présente

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deux qualités : être un territoire de confiance et un territoire de coordination :

« Le territoire et les entreprises doivent se constituer en périmètre de

ressources pour produire durablement de la valeur … Le territoire construit

sa différenciation par une mise en ligne des atouts, le moins dispersés

possible, et de même couleur, c'est-à-dire en cohérence ».

Enfin, dernière évolution, mais pas des moindres, la dimension dorénavant

interactive de la communication au travers de la montée en puissance du web

2.0. La Gazette des Communes a consacré récemment un dossier spécial,

avec un cahier distinct confié au directeur d’Adverbia (agence de

communication publique et territoriale), Franck CONFINO143. La place prise

par la dimension singulière sur le plan humain se renforce, tandis que le

message n’est plus celui d’un émetteur vers un destinataire, basique et simple,

mais se démultiplie en séquences successives, sans que la maîtrise de la

chaine communicationnelle, dans son contenu, reste en propre à la

collectivité. Comment concilier alors un objectif de promotion qui implique

un vecteur ciblé et cadré, dans un contexte de débat ? La question du

développement est évoquée dans la conclusion, en des termes surprenants, car

elle rappelle que les années 2000 étaient porteuses de projets, tandis que les

démarches actuelles basées sur l’identité peuvent être contre-productives, si

elles impliquent un repli : « Dans le même mouvement, les politiques de

développement qui mobilisaient les énergies jusqu’au début des années 2000

en s’appuyant sur la création de stratégies d’image ambitieuse ont laissé la

place à des approches identitaires plus régressives, autocentrées, voire

passéistes. Pourtant, l’époque laisse émerger des opportunités aptes à porter

des visions renouvelées des territoires. La nouvelle ère de l’Internet,

notamment ». Si la promotion touristique s’est adaptée, l’usage des réseaux

sociaux dans le cadre des stratégies communicationnelles d’attractivité

économique des collectivités n’émerge que très récemment.

143 « Blogs territoriaux et réseaux sociaux. Les nouveaux enjeux du web 2.0 pour les

collectivités », Cahier détaché N°2, La Gazette des Communes, 9 mai 2011

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L’Auvergne s’est lancée dans cette démarche de manière novatrice, dans un

objectif final d’ « attirer une nouvelle population en quête d’un territoire

alliant qualité de vie et équipements de pointe ». Les territoires ruraux du

centre de la France n’ont pas dit leur dernier mot ! Et de rappeler que cette

région est couverte dorénavant à 100% en haut-débit : Auwwwergne.com,

l’Auvergne précurseur des nouvelles technologies, c’est « un beau pied de

nez aux images préconçues ». C’est la première région à proposer un site de

réseau social pour « promouvoir le développement numérique de son

territoire et renforcer son attractivité ». Le pays virtuel qu’est

l’Auwwwergne se démultiplie, à partir d’un buzz vidéo « Les disparus de

l’Auwwwergne », diffusé sur Internet, telle une fenêtre virtuelle sur un

territoire réel, où l’on retrouve ceux qui y trouvent refuge compte-tenu de la

nature verdoyante, de la bonne humeur des habitants, de la qualité de vie etc.

Dans ce cadre, ce sont les acteurs de l’interactivité des TIC du web 2.0 qui

mettent en communication l’attractivité du territoire. La dimension identitaire

peut donc ressortir de manière moderniste, même si le risque passéiste existe

bel et bien.

De l’élaboration des projets, à l’exploitation des atouts et à la valorisation des

compétitivités, le développement territorial s’imprègne de plus en plus d’une

polysémie communicationnelle mettant au cœur de ces stratégies

d’attractivité la dimension identitaire.

3.2 : Le lien identitaire, marque du territoire

Tandis que les TIC et le web 2.0 marquent de leur importance croissante,

qualitativement et quantitativement, les démarches communicationnelles des

collectivités et de leurs partenaires pour satisfaire à l’attractivité économique

des territoires, la récente étude menée par La Gazette des Communes dans le

cadre du cahier spécialement dédié à cet effet indique que « Les clés de la

réussite seront sûrement à trouver du côté des réseaux sociaux, de l’ancrage

de la communauté virtuelle sur la communauté réelle … ». Certes, il s’agit

d’évoquer là la démocratie locale et l’usage par les citoyens de blogs

territoriaux, mais on retrouve la dimension physique de l’espace

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géographique, que nous avions déjà mentionné dans le phénomène de

l’agglomération, qui allie les TIC et la présence in situ des ressources

attractives (culture, loisirs, personnes etc.), pouvant se retrouver, y compris

concrètement.

Le point de croisement des communautés réelles et virtuelles réside bien dans

l’identité du territoire, qui les réunit, à des fins personnelles, professionnelles,

citoyennes, économiques, culturelles … dans des processus de

communication de plus en plus diversifiés.

Cette dimension identitaire se révèle donc dans sa double vocation de

cohésion endogène et d’attractivité exogène ; véhiculée de manière

individuelle (entreprises, particuliers, associations sportives ou culturelles) ou

par des actions collectives (campagnes de communication touristique, de

promotion territoriale, de commercialisation professionnelle), elle s’appuie

autant sur l’espace anthropologique que physique, et ses représentations

iconographiques.

De ce fait, elle constitue une communication locorégionale très complète,

dont l’objectif, in fine, devrait être logiquement de faire ressortir un territoire

authentique. Pour autant, ce territoire authentique constitue t-il l’image

voulue par les acteurs locaux ?

3.2.1 : L’espace anthropologique mis en communication

En matière d’attractivité économique, le rôle des personnes dans la promotion

du territoire emporte une importance accrue, que ce soit sous forme de

participation aux réseaux sociaux des TIC, de qualification

communicationnelle des ressources humaines mises à contribution des

stratégies de promotion, de coordination territoriale sous des formes

organisationnelles diverses mais qui supposent une coopération entre les

acteurs locaux.

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Parallèlement, un rapport de l’ODIS (Observatoire du Dialogue et de

l’Intelligence Sociale) publié par La Documentation française144 (L’état

social de la France en 2010) nous indique qu’il existe une corrélation étroite

entre lien social et performance économique – exception faite de l’Île-de-

France – car « il n’y a pas de performance durable sans qualité du vivre-

ensemble … et il n’y a pas non plus de cohésion sociale durable au sein d’un

groupe social qui ne remporte pas quelques succès collectifs ».

Si, aux sources de la richesse des territoires étaient l’espace physique de

production, la main d’œuvre mobilisée à cet effet ne saurait être passée sous

silence. Les ressources humaines ont toujours été au cœur de l’attractivité des

territoires ; elles en deviennent dorénavant un vecteur de communication, et

la tendance se manifeste de manière diversifiée : campagne de promotion

touristique de la Bretagne reposant sur des personnages, mise en place de

réseau d’ambassadeurs aux fins de promotion d’un territoire ou d’une marque

de territoire, identification d’une entreprise au travers d’une figure

personnalisée, magazine touristique mettant en scène les personnalités

départementales …

L’agence Com & déco a développé une activité artistique miss Breizh145,

reposant sur une attractivité féminine ayant transformé l’image traditionnelle

du personnage bigouden dans une version stylisée et très modernisée, décalée

et résolument humoristique. Et d’annoncer en ouverture du site : « La

révolution de la Bretonne est en marche ! Valorisons, ensemble la Bretagne

et … sa bretonne ». Le site propose bien évidemment à la vente de nombreux

objets marqués de cet emblème : un ancrage territorial au regard d’une

figuration emblématique d’une Bretagne traditionnelle, revu et corrigé à des

fins créative, artistique et économique.

144 « Le lien social, moteur de la performance économique », newsletter Localtis.info, 22

décembre 2010

145 Site internet : http://www.missbreizh.com

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La campagne de promotion touristique du Comité régional de Bretagne à

destination des clientèles franciliennes, au printemps 2011, a parfaitement

incarné cette évolution tranchée avec les communications habituelles,

reposant pour une large part sur des images de paysage. L’objectif résidait au

travers d’un slogan « La Bretagne Corps & Âme », à rechercher une

identification des parisiens à des personnages bretons. Carole DANY,

directrice de l’Agence Cadran Solaire146, qui a imaginé cette campagne

explique ce choix : « S’il est bien une population évoluant dans un univers

surmédiatisé et saturé d’image, ce sont les parisiens … Le choix aura donc

été de vouloir surprendre et en premier lieu par un design très esthétisé, tout

en respectant l’ADN des règles de la communication territoriale : l’humour,

le symbole, un langage conceptuel, international et poétique. L’objectif, une

mise en désir, tout en respectant des éléments socio-historiques. On ne peut

pas communiquer sur un territoire sans vérité, car il faut aussi que les gens

concernés dans leur vie de tous les jours par ce territoire s’y retrouvent, en

sincérité. Mais nous avons en même temps un devoir de modernité pour être

dans le monde des images ». C’est pourquoi les quatre affiches (une par

département breton) ont intégré des éléments identitaires : le triskell, la

mouette, la marinière, l’épuisette … avec des personnages évoquant des

situations symboliques du territoire : la pêche à pied, la voile, la cité corsaire,

la randonnée. Les couleurs se sont positionnées dans le cadre du récent code

de marque Bretagne, avec le noir et blanc, ce qui tranche de manière

spectaculaire avec les paysages bleu océan.

A Rennes Métropole147, on imagine l’attractivité de l’agglomération, non plus

dans le cadre d’un objectif de marque de territoire (sans doute que la

coexistence avec la marque Bretagne de la Région et la marque Haute-

Bretagne du département d’Ille-et-Vilaine aurait mal supporté l’ajout d’une

troisième marque !), mais au travers d’une stratégie d’animation des acteurs

146 Entretien du jeudi 26 mai 2011

147 Conférence de Vincent AUBREE, directeur de la communication et du marketing de Rennes

Métropole, Université Rennes 2, 6 avril 2011

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territoriaux. Elle conjugue la volonté de retenir ou de faire venir les 25/35

ans, qui ont tendance à partir après leurs études et de rendre visibles les

acteurs innovants, en s’appuyant sur les TIC et le web 2.0. En l’espèce,

l’innovation s’envisage sous toutes ses formes, y compris artistiques, et non

pas uniquement dans sa déclinaison technologique. Objectif : un système

local d’innovation, pour favoriser la mobilité des talents entrants et aider

ensuite à leur rétention par une adhésion à la créativité, pour en faire un

moteur identitaire sur le territoire. Ce concept de classes créatives (individus

qui produisent de nouvelles idées, professionnels du savoir, alternatifs)

concerne beaucoup d’agglomérations en Europe mais elles se différencient

les unes des autres, et à l’identique des stratégies d’attractivité pratiquées en

Île-de-France sur des niches pointues de clientèle culturelle, il convient

d’affiner le portrait créatif de Rennes pour rendre opérationnelle cette

stratégie, reposant sur deux piliers : la proximité et le rayonnement, à partir

d’Internet, de l’événementiel, des médias locaux, de la TV news et de

l’affichage. L’espace anthropologique se met lui-même en communication au

travers des réseaux sociaux, et participe de la dimension d’attractivité

économique de l’agglomération, relayée en cela par les choix publics qui

favorisent cette mise en réseau et en exposition, voire l’alimentent également

par la mise à disposition de site participatif et communautaire, et la mise en

ligne de différents contenus. Et l’on retrouve également la fonction

d’ambassadeur parmi les différentes déclinaisons opérationnelles, tendance

émergente des démarches communicationnelles des territoires (le Parc

Naturel du Vercors l’a mis en place depuis longtemps) ou corollaire quasi

systématique des marques de territoire.

Leur ambition : mettre l’identité territoriale au cœur des stratégies

d’attractivité et de notoriété, par une conceptualisation stylisée – que ce soit

de manière figurative ou discursive - des atouts singuliers des espaces

géographique et anthropologique.

Un pari audacieux qui prend néanmoins le risque, à l’identique des

incantations de certains projets de territoire des années 2000, de ressasser des

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objectifs et des formules en copier-coller d’un territoire à l’autre. Vincent

GOLLAIN 148 n’élude pas ce possible écueil et souligne que « les territoires

ne deviennent pas automatiquement des marques. Ce sont avant tout des

territoires de projets ». Le développement économique repose avant tout sur

la capacité des acteurs locaux à développer des projets, avant de se confronter

à une mise en image d’une identité attractive, source de compétitivité

territoriale

3.2.2 : L’identité territoriale mise en image

Avant d’aborder les démarches de marque de territoire, il convient de

s’intéresser aux liens entre l’identité territoriale et le développement local.

L’un des meilleurs moyens d’illustrer l’impact positif de l’identité réside dans

l’expérience du Pays basque149, où elle a permis de désamorcer les conflits

habituels entre mouvements autonomistes - exigeant notamment la création

d’un département basque – et acteurs institutionnels. En transcendant cette

revendication identitaire par la nécessité de contribuer au développement

local bénéfique à tous, elle a, d’une part permis l’intégration des acteurs

sociaux basques dans le jeu participatif pour définir un projet et, d’autre part

introduit la parole identitaire basque dans les contenus des projets. En étant

transfigurées dans le langage du développement local, les valeurs identitaires

ont trouvé à s’incarner dans de nouvelles représentations. L’identité devient

une ressource mobilisée de développement, dans le cadre d’une alliance de la

culture et de la modernité permettant de constituer un terrain d’entente

symbolique « Pays Basque 2010 ».

Les démarches de marque de territoire ne sont rien d’autre que la traduction

communicationnelle de cette velléité identitaire, dorénavant revendiquée par

des territoires sans tradition autonomiste ou indépendantiste !

148 « La marque et le territoire », dossier de Marketing Magazine, N° 148, avril 2011

149 « Jeux et enjeux de traduction politique de développement et identité en Pays Basque

français, Sébastien SEGAS, dans « Idéologie et action publique territoriale », Lionel ARNAUD,

Christian LE BART, Romain PASQUIER (dir.), Presses Universitaires de Rennes, collection Res

Publica, 2006

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Le territoire étant la requalification des espaces dès lors qu’ils sont habités,

est « promu comme espace d’adhésion et support d’identité »150, au sens du

philosophe HEIDEGGER : « Habiter, c’est être ». Et ce n’est pas le fruit du

hasard si les intercommunalités s’inscrivent dans des démarches

communicationnelles avec des stratégies d’image et de dénomination, pour

donner une portée symbolique à leur existence institutionnelle, mais peu

vécue par les populations et les acteurs locaux. L’image créée aura ainsi

vocation à générer un sentiment identitaire, qui à défaut d’être naturel, est en

construction par une appartenance à une communauté d’intérêts économiques

ou créatifs, la culture étant le plus sur moyen d’accélérer ce processus.

Et l’auteur, Michèle GELLEREAU d’interroger non sans humour

« Territoire, patrimonialisation et développement culturel : trio romantique

ou réaliste ? » en renvoyant le questionnement à l’inverse dans des régions à

caractère identitaire marqué : « Un passé identitaire commun peut-il être le

socle d’un développement du territoire ? ». Autrement dit, un territoire fait

aussi bien appel à une identité préexistante pour fonder les perspectives de

développement, qu’il peut mettre en œuvre des politiques de développement

qui fondent des représentations identitaires mobilisées à cet effet. Dans ce

cas, des opérations de valorisation, des regroupements d’action dans le sillage

d’un lieu phare ou d’opération de grande envergure produit également une

nouvelle image et de nouveaux symboles identitaires. C’est pourquoi le label

de capitale européenne de la culture est particulièrement recherché, car d’une

grande efficacité, tant pour les perspectives concrètes de retombées

économiques que par la capacité à générer une dynamique institutionnelle,

reconfigurant la représentation d’un territoire. Les acteurs locaux ne s’y

trompent pas et se mobilisent au-delà des clivages partisans, quelles que

soient les difficultés, et concernant Marseille Provence 2013, elles furent

particulièrement délicates à surmonter.

150 « Nous et les autres : les représentations des identités culturelles au service de nouveaux

territoires », Michèle GELLEREAU, Revue Etudes de Communication, N° 26, Presses

Universitaires de Lille, 2033

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Pour Françoise TALIAN-DES GARETS, professeur des universités à l’IEP

de Bordeaux151 « le titre de capitale européenne aide à combler un retard

culturel historique… Cela s’est vérifié à Lille et Liverpool … En outre,

l’implication de tout un territoire autour de ce projet démontre que la culture

peut bousculer les vieilles habitudes partisanes ».

Enfin, autre exemple d’identité territoriale, cette fois poussée à son

paroxysme, celle où le territoire est l’identité même des individus, sans pour

autant trouver un aboutissement dans l’attractivité et/ou le développement,

bien au contraire. Dans la newsletter du Figaro du 6 avril 2011, Laurent

MUCCHIELLI 152, sociologue, explique le comportement des groupes de

jeunes en banlieue par leur construction sur un sentiment d’appartenance à un

territoire. Cette territorialité des identités n’est certes pas nouvelle,

notamment dans sa dimension violente, mais il s’agit d’une identité par

défaut, en l’absence de réussite scolaire ou professionnelle. Dans ce cadre, le

développement local devrait s’imposer comme alternative à une construction

identitaire individuelle s’appropriant de manière exclusive l’espace physique

du territoire, pouvant aller jusqu’à en privatiser l’usage économique par des

voies illégales, d’autant plus que les circuits classiques de l’emploi sont très

largement inopérants.

On le voit, la question de l’identité liée à un territoire est plus complexe que

les seules démarches de marques de territoire ne peuvent le laisser penser, et

parfois empreinte de déni citoyen, au sens où l’espace public n’est perçu que

dans sa dimension physique, géographique – qui plus est limité – et que les

populations ne s’inscrivent pas dans un sentiment collectif d’appartenance à

une communauté anthropologique, ou institutionnelle. Le lien identitaire n’est

pas toujours vecteur de développement, d’attractivité. Nous ne faisons

qu’effleurer cette question, mais elle étend le champ de la réflexion aux

151 « Marseille Provence 2013 resserre les rangs », Interview dans La Gazette des Communes, 16

mai 2011

152 « L’identité de certains jeunes se résume à leur territoire », Interview de Laurent MUCHIELLI

par Charlotte MENEGAUX, Le Figaro newsletter du 6 avril 2011

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fractures territoriales, et force est de constater que les démarches d’identité

compétitive, d’attractivité économique des territoires concernent en premier

chef des territoires qui sont déjà attractifs. Il est tout à fait significatif de

constater que les deux premières régions de France à se lancer dans une

démarche de marque de territoire sont la Bretagne153 et l’Alsace154 (« Marque

Alsace : la Région Alsace lance une démarche partagée »), c'est-à-dire les

Régions qui appartiennent incontestablement à ce que Hélène CARDY155

nomme les « régions historiques », au regard comparatif des « régions

construites ». Institution décentralisée la plus récente, la Région s’est

cherchée une identité citoyenne, et donc communicationnelle, en ayant connu

une évolution particulière puisqu’elle a existé sous une forme originale, les

Etablissements Publics Fonciers régionaux, avant que de devenir une

collectivité décentralisée à part entière. Les découpages administratifs ont

généré une cartographie régionale pour le moins hétérogène, que ce soit en

termes de dimensions géographiques ou de représentation du territoire

politique. C’est pourquoi la communication a constitué un moyen de

légitimer l’institution, mais dans un cadre très inégal. Celles qui sont parties

avec une identité préexistante – que ce soit le nom ou le découpage – avaient

déjà gagné une « couche » pédagogique vis-à-vis de leurs administrés. Aussi,

le fait de constater que les deux régions adoptant une démarche de

valorisation identitaire sont celles qui en bénéficient le plus spontanément, ne

peut que nous inciter à en déduire que les territoires qui se lancent dans des

stratégies d’attractivité économique particulièrement offensives, sont aussi

ceux qui disposent d’un grand nombre d’atouts à faire valoir. Et cela renvoie

inévitablement aux effets pervers de ce que nous avons décrit dans le

phénomène des classements : quid des territoires aux caractéristiques moins

attractives ? Voire aux caractéristiques marquant franchement des difficultés

153 Lancement de la marque Bretagne le 27 janvier 2011, dossier de presse

154 Communiqué de presse de la Région Alsace le 7 février 2011

155 « Construire l’identité régionale. La communication en question », Hélène CARDY,

L’Harmattan, 1997, collection Communication

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spatiales, urbanistiques, économiques, sociales etc. Cette logique d’inégalité

n’est bien sur pas nouvelle, mais elle replace l’Etat, et ses politiques de

l’emploi et d’aménagement du territoire devant ses responsabilités, tandis que

la tendance nationale actuelle encourage la compétition, y compris entre les

plus forts, l’exemple des « concours » de pôles d’excellence et de

compétitivité étant à cet égard révélateur. C’est d’ailleurs pour cette raison

que le journal Marketing Magazine ouvre son dossier sur les marques de

territoire par une allusion à ce paradoxe : « Le socle du débat demeure celui

de la politique économique de l’Etat »156. Il est à craindre que cette

compétitivité territoriale ne marque une fracture territoriale avec les plus

faibles dans la mesure où l’Etat réduit la voilure de ses partitions territoriales.

Enfin, autre motif d’inquiétude : ces stratégies d’attractivité territoriale

s’adressent avant tout aux publics mobiles, et visent – indépendamment des

entreprises – des populations en attente de plus-value territoriale, notamment

au regard des cadres de vie, des loisirs, de la culture, du sport. C’est d’ailleurs

la conclusion de l’ouvrage de Pierre VELTZ157 qui indique que l’enjeu des

décennies à venir sera de traiter les problèmes d’inégalités entre les personnes

mobiles et les autres, plus encore que les inégalités territoriales. Le creuset

des populations défavorisées figées dans des territoires eux-mêmes en très

grande difficulté risque de s’aggraver, la capacité de rebond de ces territoires

étant faible, que ce soit dans la mise en œuvre de politiques publiques de

développement local ou de démarche communicationnelle d’attractivité.

Les marques de territoires concernent de prime abord des territoires déjà

empreints de dynamisme, de richesses, qui se donnent les moyens d’être

encore plus attractifs en faisant valoir et en donnant à voir leur image

attractive.

La logique des marques et de la communication afférente des entreprises s’est

développée dans l’après-fordisme, comme nous avons pu le voir auparavant, 156 « La marque et le territoire », Marketing Magazine, N°148, avril 2011

157 « Des lieux et des liens.. Politiques du territoire à l’heure de la mondialisation », Editions de

l’Aube, 2002

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116

et nous avons constaté que l’évolution territoriale – institutionnelle, sociale,

économique – avait renforcé les démarches partenariales public/privé,

imprégnant les collectivités décentralisées d’une philosophie

entrepreneuriale, d’autant plus que les élus se sentent investis d’une

responsabilité en croissance économique, ou a minima en matière de

développement local, pour leurs territoires d’élection. Ces étapes successives

connaissent une accélération avec la montée en puissance de la concurrence

territoriale dans sa dimension compétitive, qui impacte le territoire lui-même,

c'est-à-dire sa représentation, son image, et pas seulement ses composantes

(déplacements, transports, urbanisme etc.). Si le territoire lui-même doit

devenir compétitif pour rester dans la course du développement local, alors

on doit imaginer d’autres formes de marketing que celles appliquées aux

marques commerciales des firmes. De toute évidence, le territoire n’est pas

une marque comme les autres.

Comment les agences, qui réalisent les portraits identitaires et les campagnes

de communication envisagent-elles leur travail afin de proposer aux

collectivités locales un traitement différencié et adapté ? Une nécessité

d’autant plus importante que les élus n’entendent pas tous d’une bonne oreille

ces logiques de marketing appliquées à la chose publique … Pour Carole

DANY, directrice de l’Agence de Communication Cadran Solaire158

« L’instrument de communication que représente la marque s’envisage sous

un angle de responsabilité très différent s’agissant d’un territoire. Une

entreprise peut mettre ce qu’elle veut dans une marque, personne ne se sent

concerné dans sa vie par Darty ou Yoplait. Tandis que l’image du territoire

précède la marque ; elle est chargée d’un ancrage socio-historique,

empreinte de plusieurs composantes, qui impose de construire avec vérité,

honnêteté et sincérité la marque de territoire. Nous avons un devoir de

sincérité et d’exemplarité. Les territoires ont des valeurs, les entreprises ont

des intérêts. La marque exprime une singularité, explique un espace, et doit

déclencher une préférence ».

158 Entretien du jeudi 26 mai 2011

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117

Après avoir évoqué le point de vue d’une professionnelle de la

communication, dans le cadre des agences, il semble important de confronter

les démarches de marque de territoire, d’une part aux dimensions

institutionnelles et géographiques fort différentes que sont les agglomérations

et les régions, et d’autre part au regard respectif des élus et responsables

territoriaux.

Pour Daniel LOISEAU, ancien directeur de la CCI du Maine-et-Loire, Vice-

président d’Angers Loire Métropole, chargé de l’économie et de l’emploi159 :

« Nous avons fait le constat que l’image de notre territoire était positive,

mais décalée par rapport à sa réalité et avec une trop faible notoriété alors

qu’Angers est la 16ème ville de France, compte autant d’habitants que

Grenoble – 160.000, dont 32.000 étudiants - et que la communauté s’établit à

270.000 habitants, sans parler d’une faible capacité à la localiser sur une

carte ! Le terme d’Angers Loire Valley permet de reconfigurer assez aisément

cette question de l’espace physique, la dimension internationale du label

UNESCO patrimoine mondial de l’humanité générant un retentissement

assez conséquent. La signature de la marque de territoire (la vie en grand) a

pour ambition de contrebalancer la fameuse douceur angevine, tout en

caractérisant par l’usage du terme vie, la dimension qualitative des

paysages, du patrimoine, de la culture, l’impact du développement durable

mis en œuvre depuis plusieurs années, d’autant plus que la ville a été classée

première en critère qualité de vie par l’Express, il y a trois mois. Le choix

s’est orienté vers l’affichage d’un volontarisme, synonyme de dynamisme

économique, qui est largement sous-estimé, notamment dans sa persistance

industrielle, puisqu’entre 1996 et 2008 les emplois privés ont progressé de

30%, passant de 70.000 à 86.000 ». Dans le cas d’Angers Loire Métropole,

l’objectif affiché et assumé prend pleinement en compte la nécessité de se

positionner par ambition pour le territoire, dans le cadre d’une mission

d’intérêt général, étant entendu que la communauté d’agglomération ne

revendique pas d’être une grande métropole, mais que l’on puisse y voir la

159 Entretien du mardi 31 mai 2011

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118

vie en grand. Ainsi Philippe BROIX, directeur général adjoint du pôle

développement économique, emploi, tourisme et innovation d’Angers Loire

Métropole expose que : « Même quand on n’est pas une grande métropole, il

faut affirmer, à travers une marque, son ambition. Cela relève de notre

responsabilité vis-à-vis des habitants, pour lesquels nous devons préserver

l’emploi, les services et la qualité de vie ». Daniel LOISEAU précise en outre

que l’agglomération peut être confrontée à la problématique de la taille

critique, qui impose, non pas des visées expansionnistes de croissance

spectaculaire, mais de savoir grandir « un peu », notamment pour proposer

des bassins d’emplois adaptés à des doubles qualifications, c'est-à-dire les

familles dont les deux conjoints exercent une activité professionnelle, et qui

s’orientent naturellement vers des espaces géographiques suffisamment

pourvus en matières de débouchés salariaux. En somme une croissance

raisonnable, mais une croissance malgré tout, objectif économique et

territorial assumé, au service duquel la marque de territoire est l’un des

outils, tout comme la mise en service du tramway qui intervient durant la

même période revendique sa part d’attractivité et d’efficacité dans ces

perspectives définies par les élus.

Autre argument soulevé par les responsables territoriaux du développement

économique et de la communication, dans le contexte incontestable de

concurrence européenne, le mille feuille administratif français peut effrayer

les investisseurs ; la marque présente l’avantage de proposer une enseigne

commune. C’est ainsi que le Conseil général du Maine et Loire s’efface pour

une campagne promotionnelle en affichant « L’avenir pousse en Anjou »,

conscient de la notoriété géographique typée en Anjou, et souhaitant établir

une cohérence avec le pôle Végépolys présent au niveau de l’agglomération.

Autre conséquence : la marque de territoire implique de regrouper les

partenaires, publics et privés, dans une même démarche, et se pose alors la

question de la gouvernance structurelle, où l’on constate que les solutions

organisationnelles sont très diverses d’un territoire à l’autre.

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119

Certains privilégient la poursuite d’une maîtrise d’ouvrage par les

collectivités elles mêmes, d’autres confient aux agences de développement

économique les missions stratégiques et communicationnelles autour de la

marque de territoire. C’est le choix qui a été fait en Bretagne. Anne MIRIEL,

directrice de l’attractivité et de la communication160 à l’Agence Bretagne

Développement Innovation explique que la marque Bretagne a été conçue

dans un objectif de promotion économique du territoire et de ses acteurs :

« C’est la vision que le Président de la Région, Jean-Yves LE DRIAN, nous

avait demandé de traduire dès l’expérience annonciatrice de cette démarche

qu’a constitué l’organisation de la BREIZH TOUCH à Paris en 2007 (20-23

septembre); ne pas mettre en scène que des défilés de bagadou, mais à partir

d’un événementiel – le point fort de la Bretagne – donner à voir LA

BRETAGNE COMME VOUS NE L’AVEZ JAMAIS VUE, signature de cette

manifestation. C'est-à-dire la diversité, la force et la qualité des activités, que

ce soit la pêche, la production agricole, une exposition sur le numérique, les

pôles de compétitivité, des concerts de musique actuelle etc. Ce système a fait

date dans le marketing territorial ; nous avons été amenés à écrire des

objectifs, avec un cahier des charges, et ce travail a structuré notre pensée,

notamment en mettant en exergue une position de la Bretagne attractive,

créative et innovante, mais également inattendue au regard des clichés

habituels sur ses traditions culturelles, d’où le slogan La Bretagne comme

vous ne l’avez jamais vue. Nous avons enregistré ensuite un très bon retour

des milieux économiques, et du coup une attente de poursuivre cette

démarche ». Il convient de noter que la Région Bretagne étant une région

historique, n’a pas eu à effectuer de manière aussi conséquente un travail de

pédagogie identitaire, à la différence des régions construites (Centre,

Picardie, Midi-Pyrénées …), qui ont donc fait appel aux ressorts de la

communication institutionnelle, ce qui a inscrit leur identité régionale, tout du

moins dans un premier temps dans une dimension politique. Cette volonté de

faire prévaloir la diversité des partenaires a donc trouvé logiquement un

160 Entretien du mercredi 1

er juin 2011

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aboutissement au travers de la mise en place de l’Agence Bretagne

Développement Innovation, chargée de la marque de territoire. Cette

structure, si elle reste présidée par un élu du Conseil régional, dispose en son

sein d’un directoire présidé par un chef d’entreprise. « Un choix délibéré de

déconnecter les bénéfices attendus en termes d’attractivité économique de

l’intention politique, tout en souhaitant faire accepter cette vision de la

politique dans la marque Bretagne ». Il ne s’agit pas de la communication

institutionnelle du Conseil régional, la marque devient un sujet nouveau qui

change la donne de la communication publique, et suppose une acception

dans la gouvernance. L’Agence économique de Bretagne avait déjà été créée

en 2005, mais autour de la structuration des filières, sans compétence dédiée

de promotion économique. L’expérience de la BREIZH TOUCH aura conduit

à la mise en place d’un comité de pilotage tripartite AEB – CRT et DR COM

du Conseil régional, et posé les jalons consistant à définir « une stratégie

globale qui serve à tous, non confisquée par un acteur parmi d’autres. Ceci

nous a conduit à envisager une marque partagée, qui doit porter l’offre

territoriale avec une valeur ajoutée ».

L’une des autres questions inhérentes à la gouvernance, et non des moindres

consiste en la gestion post lancement des marques de territoire ; l’aspect

événementiel ressortit des ressorts habituels d’une démarche

communicationnelle autour d’un moment ponctuel ; au-delà, dans le temps,

comment envisager ce suivi et cette stratégie d’attractivité ? Dans le cas de la

marque Bretagne, une personne ressource est affectée à la marque proprement

dit, le choix d’avoir mis en place un code marque – sorte de boite à outils où

chacun puise sa propre source d’inspiration pour décliner au niveau de sa

structure ses propres instruments de promotion – a emporté des conséquences

organisationnelles non négligeables. Un comité de marque s’est déjà réuni à

quatre reprises, cinq mois après le lancement, pour examiner les dossiers de

demande d’usage de la marque Bretagne. Reste à imaginer, et c’est un travail

programmé pour l’automne 2011, des plans d’action et de communication

pour continuer à donner de la visibilité à la marque, affiner la manière dont

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121

elle se situe dans le paysage breton, la valoriser et articuler la communication

territoriale d’attractivité économique avec la communication institutionnelle.

Dans bon nombre de cas, l’identité territoriale n’est pas en relation avec un

sentiment d’appartenance inscrit dans le passé ; c’est souvent la situation qui

prévaut dans les Etablissements Publics de Coopération Intercommunale

(E.P.C.I). Et c’est pourquoi, à Angers Loire Métropole, la situation est

différente : le service portant sur l’activité économique a été mis en place

dans le cadre de la nouvelle mandature (mars 2008) au sein de la

communauté d’agglomération, et la dimension d’attractivité a été prise en

compte dès le départ, la directrice de la communication ayant rejoint le

nouveau pôle économique. C’est donc ce pôle qui suit la marque de territoire.

En outre, la marque de territoire emporte aussi un objectif de pédagogie

identitaire pour l’E.P.C.I , ce que ne manque pas de rappeler Daniel

LOISEAU161 : « Le développement exogène est important, mais pas

uniquement, nous avons aussi une volonté de fierté par rapport au territoire,

que nous voulons partager, tant avec ses habitants qu’avec les entreprises,

dont il nous est apparu de manière criante avec l’épisode de la crise

financière et économique de 2008, que nous devions au minimum essayer de

les aider ».

Reste que les E.P.C.I, bien qu’en manque de légitimité identitaire au sein de

l’espace anthropologique, s’inscrivent dans une logique de lieux repérés, ne

serait-ce qu’institutionnellement et – même avec des marges d’appréciation

erronée – géographiquement. Nous avons vu que les collectivités territoriales

étaient confrontées régulièrement à des questions d’aménagement et de

reconnaissance de territoire au travers des non-lieux (plus particulièrement les

gares, aéroports, croisements autoroutiers, bâtiments utilitaires à vocation

économique), dont l’anonymat emporte des conséquences dans l’image des

territoires, à l’inverse des stratégies recherchés d’attractivité économique et

d’identité compétitive. Pour autant, leur importance stratégique dans l’univers

mondialisé dispose que l’on s’y intéresse et que l’on renouvelle l’approche 161 Entretien du mardi 31 mai 2011

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qui en est faite. C’est ainsi que certains non-lieux peuvent se transformer en

territoire marquée d’une identité singulière. Une évolution qui semble logique

au regard des évolutions sociétales caractérisant la mobilité des populations.

En effet, quid d’une identité territoriale quand on sait que bon nombre de

populations vivent de manière ponctuelle au sein d’un espace géographique,

dont elles peuvent pourtant souhaiter s’emparer sur un plan anthropologique,

mais dans des séquences temporelles beaucoup plus courtes que les

traditionnels processus d’enracinement spatiaux. Philippe ESTEBE,

professeur à l’IEP de Paris162 porte un regard sur le couple mobilité /

enracinement et indique que : « Regardons la façon dont nous nous

déployons collectivement sur le territoire. Au fond, cela donne une espèce de

« consumérisme » territorial dans lequel nous allons puiser des ressources,

des capacités et des opportunités afin de construire nos itinéraires

individuels en traversant les territoires. La logique d’émancipation associée

à la logique de mobilité individuelle prime aujourd’hui sur la logique

d’enracinement ». Cette situation oblige les décideurs publics à renouveler

leur regard sur les différents espaces placés sous leur autorité administrative,

et à envisager de nouvelles identités.

3.2.3 : L’espace et l’identité, marqueurs communicants du territoire

A cette mobilité résidentielle des populations s’ajoute le nomadisme

professionnel ou touristique des publics impactés par la mondialisation

croissante des échanges ou la volonté d’échanger avec d’autres pays. Les

lieux de croisement logistique (gare, aéroport, route) et d’échanges

relationnels (palais des congrès, parc d’exposition, centre commercial …)

sont donc de plus en plus fréquentés. L’une de leurs caractéristiques étant

d’occuper des espaces conséquents, se pose alors la question de

l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et de leur accessibilité, mais

aussi de leur visibilité et de leur représentation. Quelle place peuvent-ils

trouver au sein des espaces anthropologiques ? Classiquement, les centres

162 « Les métropoles entre logique d’émancipation et logique d’enracinement » newsletter de

Cap’Com, 1er

juin 2011

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commerciaux se voient baptiser de noms destinés à combler l’anonymat et la

substituabilité qui les handicapent. Mais récemment, la démarche de

traitement d’un non lieu va plus loin, puisqu’elle va lui imprimer une marque

de territoire ; cette fois, c’est un espace repéré au travers d’une identité

utilitaire qui fait l’objet d’une construction territoriale, à l’inverse des

processus classiques : un territoire + un espace = une identité à valoriser. Ici,

l’équation se transforme : un espace + une identité = un territoire. Hubstart

Paris163 est décrit comme « à la fois un nouveau lieu et une marque ». Le

non-lieu devient lieu, le lieu imprime une identité utilitaire, cosmopolite, doté

d’une image moderniste et internationale, nécessitant une mise en image

marketing. Une démarche rendue, si ce n’est nécessaire, tout du moins utile

par le fait que l’espace couvre plusieurs réalités institutionnelles,

difficilement confondables : trois départements (Seine-Saint-Denis, Seine-et-

Marne, Val d’Oise), autour de deux aéroports (Roissy et Le Bourget), dans un

contexte de proximité avec le parc d’exposition Paris-Nord Villepinte en

projet d’expansion, ainsi que des futurs zones d’activités en création. Maître

d’ouvrage logique de cette démarche : l’agence régionale de développement

Paris Île-de-France. Les communautés de voyageurs, visiteurs en transit sont

invités à s’identifier dans cette caractéristique nomade, devenant une identité

à part entière, au travers de valeurs cosmopolites et culturelles, plutôt que de

subir un changement incessant de lieux, habituellement pertubateur pour le

commun des mortels.

Aux confins de cette question d’attractivité territoriale, se trouvent des

espaces fort différents – indépendamment de leur statut institutionnel

(communes, intercommunalités, régions …) – qui fondent des identités

attractives dans des passés historiques faisant souche et enracinement mais

appelés à se moderniser et à innover : des territoires majoritairement ruraux,

les régions (Bretagne, Alsace), même s’ils comptent en leur sein des

agglomérations, voire des métropoles, qui elles développement une logique

163 « Hubstart Paris : un nouveau territoire créé de toutes pièces » dans « La marque et le

territoire », dossier de Marketing Magazine, N° 148, avril 2011

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d’attractivité mixte (la qualité de vie en province et les performances

urbaines, telles Angers Loire Métropole) ou très urbaine (Rennes Métropole,

Hubstard Paris).

Dans ce cadre, les structures de développement économique configurées sur

des bases traditionnelles d’ingénierie économique, telles IDEA 35 (Agence

de développement économique d’Ille-et-Vilain), qui effectue un travail au cas

d’espèce, projet par projet, s’intéresse aussi à ces questions identitaires, ne

serait-ce que par souci de cohérence des projets entre eux, ou pour se

confronter à la promotion touristique, afin d’être en phase avec les différentes

thématiques d’attractivité développées sur un territoire, et pour le territoire.

Elle a donc procédé à un audit identitaire, un travail mis en ligne sur le site

internet et qui valorise des espaces (des zones d’activité d’E.P.C.I ) portant

des efforts identitaires dans leurs récents aménagements (matériaux du pays).

La dimension identitaire impacte tous les espaces géographiques, qu’ils

soient traditionnellement porteurs de richesses patrimoniale et culturelle ou à

vocation d’usage économique et utilitaire. C’est aussi le cas avec l’agence

« Angers Loire Développement », qui se situe dans un rôle proche d’IDEA

35, c'est-à-dire d’appui technique, d’ingénierie de projets en développant une

plus-value architecturale, pour caractériser une dimension d’identité urbaine

et moderniste dans les projets de nouveaux bâtiments. Pour autant, en

parallèle, après avoir défini et lancé cette marque de territoire « Angers Loire

Valley, la vie en grand », une campagne de promotion touristique dite de

proximité est lancée, où l’on constate que l’importance du paysage perdure

dans les outils communicationnels …

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« Le paysage est une construction de la mémoire, c’est

une œuvre de l’esprit constitué tout autant de strates

mémorielles que de couches géologiques »

Simon SCHAMA, cité par Santu MOFOKENG

« J’affirme donc que le paysage procure une identité

implicite … Mon projet consacré au paysage : me

réapproprier le pays … Mon analyse du paysage repose

notamment sur mon expérience personnelle, sur le

mythe et sur la mémoire »

Santu MOFOKENG, photographe sud-africain, exposition Chasseurs

d’ombres, Galerie du Jeu de Paume, Paris, printemps-été 2011

Il met en relief le fait que certaines territoires faisaient l’objet d’un apartheid

géographique, licite ou implicite et que leur accès dorénavant légalement

possible pour tous participe de la réappropriation citoyenne du pays par les

noirs sud-africains : en quête de lieux de mémoire et de paysages.

A ce stade de notre réflexion, il semblait important de rappeler que, un peu

plus au Sud de l’univers mondialisé et compétitif, parfois les enjeux

d’identité territoriale et d’appropriation des paysages sont au cœur des

politiques publiques de reconnaissance anthropologique ; avant même

d’envisager un objectif économique, l’organisation spatiale impose des

démarches de justice spatiale et de reconquête territoriale. Cette dimension

emporte certes des objectifs économiques – surtout dans un pays comme

l’Afrique du Sud - mais au-delà fonde la capacité de tout un chacun d’être

une part du territoire et reconnu comme telle par les décideurs du territoire,

pour un développement durable. Le territoire authentique dispose que ses

paysages et son identité soient partagés.

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3.3 : Le territoire authentique, entre paysage et identité

L’objectif de la campagne de communication de proximité lancée par les

acteurs locaux du territoire angevin réside, entre autres, dans une

réappropriation du territoire par les populations ou les visiteurs du premier

cercle géographique. Et, dans ce cadre, ce sont les sites et paysages

remarquables qui sont mobilisés, de manière assez classique. Les affiches

proposeront des lieux photographiés sous un angle nouveau, flatteur et la

légende mentionnant « Venise, non, c’est à xxx », xxx étant bien sur le lieu

émetteur du message. Cette tactique a déjà été employée, notamment à

Fougères, dans l’Ille-et-Villaine. La figuration classique semble emporter

encore des avantages non négligeables, outre la forte dimension paysagère

présente à Angers. En effet, dans le dernier magazine municipal, si un dossier

spécial est consacré à la marque de territoire, le nombre d’articles en relation

avec les jardins, paysages est assez conséquent. Cette identité recèle sans

doute une authenticité incompressible.

Il est intéressant de constater qu’en matière de valorisation de territoire, on

oscille toujours entre tradition et innovation, et que la concurrence territoriale

existait déjà au XIXème entre les sites fréquentés par les peintres paysagistes.

Ainsi le Nouveau Musée de Saint-Brieuc proposait en 1987 une exposition

« La lumière dans la peinture des paysages », dont les premières lignes de la

brochure mentionnaient « Traditions et innovation. Tels sont les deux maitres

mots qui s’imposent à l’observateur soucieux de déceler les valeurs qui

s’exprime au XIXème dans la peinture de paysage ». En l’espèce, pour le

genre pictural du paysage, l’innovation s’inscrivait dans une démarche initiée

par Claude LE LORRAIN164 (1604-1682) qui fut le premier à avoir l’audace

de faire figurer en tant que tel le soleil dans une « vue de port au lever du

soleil ». Il marqua alors l’attractivité du paysage et de la lumière, mais

également de manière sous-tendu celle du site, de sa douceur, c'est-à-dire

susceptible de déclencher un regard positif sur un lieu, d’où se dégage des

164 « Claude LE LORRAIN, le dessinateur face à la nature », exposition temporaire (21 avril – 18

juillet 2011), Musée du Louvre

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atouts paysagers. A l’époque le paysage était classé 7ème sur 12 dans les

différentes catégories de peinture par l’amateur éclairé qu’était le marquis

Vincenzo Giustiniani. En effet, il était considéré faire appel plus à des talents

d’imitation que de puissance imaginative de l’artiste. Depuis, l’évolution a

marqué la dimension attractive incontournable de la nature et du territoire,

incarné en un paysage, tandis que de manière contemporaine, la capacité à

dégager un imaginaire du territoire s’inscrit effectivement dans des

démarches communicationnelles plus diversifiées. A l’instar de la campagne

d’affichage du CRT Bretagne au printemps 2011, elle met en scène des

attitudes, des paysages humains, tout en les localisant géographiquement et

en faisant appel à l’imaginaire paysager pré-représenté (Pointe du Raz

notamment) puisque la Bretagne arrive en tête nationale des régions en

matière de notoriété pour la fréquentation touristique, tandis que Saint-Malo

fait partie des destinations citées en premier, spontanément, pour des séjours

de type week-end. Dans l’ouvrage de Laurence LE DU-BLAYO « Le

paysage en Bretagne. Enjeux et défis »165, le chapitre I, consacré à l’identité

fait comme écho visionnaire à cette campagne de communication touristique

mettant en exergue la dimension humaine, mais la relocalisant en des lieux

géographiques empreints du mythe breton. La photo du phare de la Vieille est

accompagnée d’un commentaire : « S’il n’en restait qu’une, ce serait celle-

là : Parmi toutes les images de la Bretagne, la plus classique, celle qui signe

l’identité des paysages bretons, c’est l’image du phare, comme ici celui de la

Vieille à la pointe du Raz. Elle exalte tous les signes de reconnaissance des

paysages de la péninsule atlantique : la pointe rocheuse déchiquetée par les

houles océaniques, le phare du bout du monde, les récifs sombres et

menaçants du raz de Sein, le soleil qui disparaît vers l’Amérique, les nuages

qui arrivent vers l’Europe ».

L’authenticité d’un territoire semble ne pas pouvoir se passer de ses

paysages, ou tout du moins ceux-ci lui apportent une plus-value

165 « Le paysage en Bretagne. Enjeux et défis », Laurence LE DU-BLAYO, Editions Palantines,

2007

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128

incontestable, y compris dans le cadre d’activités économiques

traditionnelles. Jacques MABY166 expose dans un article « Paysage et

imaginaire : l’exploitation de nouvelles valeurs ajoutées dans les terroirs

viticoles » qu’au-delà de la valeur agronomique « La viticulture découvre …

des qualités paysagères et leur cortège allégoriques … Ce support discursif

est fortement imprégné de connotations paysagères … Le potentiel

métaphorique et symbolique des paysages viticoles est mobilisé comme un

atout essentiel des terroirs d’appellation ». N’oubliant pas de rappeler que

notre époque privilégie l’image sur le texte, il estime que « le paysage prend

une place essentielle dans la culture moderne et devient l’un des meilleurs

atouts pour stimuler et élargir la culture du vin ».

Un propos qui vient en écho aux valeurs d’authenticité et de qualité

paysagère recherchées par les touristes, y compris dans des dimensions

historiques tragiques. Le premier site fréquenté en France est le cimetière

américain d’Omaka en Normandie. Dans son édition du 26 mai 2011, Le

Figaro167 annonce les premières assises du tourisme de mémoire, se déroulant

le même jour au Sénat, ayant pour objectif d’organiser cette filière qui

émerge, et évoque le succès grandissant de fréquentation des cimetières

militaires, sites mémoriels, villages martyrs, ossuaires, citadelles, nécropoles,

musées de l’armée, forteresse etc. A tel point que le Ministère de la Défense

et des Anciens combattants, en partenariat avec le Ministère de l’Economie,

des Finances et de l’Industrie, a commandité une enquête nationale, réalisée

par l’Agence de développement touristique de la France (Atout France). Cette

tendance émerge récemment, dans le même mouvement que les démarches

communicationnelles d’attractivité économique des marques de territoires,

puisque 80% des sites mémoriels ont été ouverts après 1980 dont 25% dans

les années 2000. Les TIC sont mobilisés pour le futur centenaire de la grande

166 « Paysage et imaginaire : l’exploitation de nouvelles valeurs ajoutées dans les terroirs

viticoles », Jacques MABY, Annales de géographie, 2001

167 « Le « tourisme de mémoire » fait recette », Le Figaro, rubrique France société, 26 mai 2011

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129

guerre en 2014, caractérisant la naissance d’un e-tourisme de mémoire

(portail internet des champs de bataille, guidage du visiteur par smartphone).

L’alliance des paysages et de l’histoire semble constituer un alliage

d’attractivité solide, comme si l’authenticité semblait exister plus facilement

dans le passé. Ce sont 6,2 millions de personnes qui ont fréquenté les sites

mémoriels témoins de l’histoire contemporaine, générant un chiffre d’affaire

de 45 millions d’euros168. A l’issue des premières assises du tourisme de

mémoire, c’est la directrice adjointe de la Compétitivité, de l’Industrie et des

Services qui a signé une convention avec le Ministère de la Défense. En

matière d’attractivité économique, quelles que soient les dimensions

patrimoniales et historiques, les intérêts financiers ne sont jamais très loin …

De là à déposer à L’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle) une

marque sur le nom de sa commune, comme l’a fait Saint-Nicolas dans l’Est

de la France169, il y a un pas contestable à franchir ! Que l’identité territoriale

génère une attractivité économique et participe de la compétitivité, certes,

qu’elle s’établisse en propriété commerciale, de type monétaire relève sans

doute d’un exercice exagéré.

168 « Plus de 6 millions de personnes attirés par le tourisme de mémoire », newsletter

Localtis.info, 2 juin 2011

169 « La « marque » des territoires, un enjeu pour l’intercommunalité », Les Echos, 5 avril 2011

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« Le monde a besoin de charbon et d’autoroutes, mais nous

pouvons nous passer des conséquences de l’exploitation minière

et de la construction des routes … L’art peut devenir une

ressource médiatrice entre l’écologiste et l’industriel »

Robert SMITHSON, artiste américain

Dans « Land Art »

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131

CONCLUSION

• La communication locorégionale sur l’attractivité territoriale et

l’identité compétitive a de beaux jours devant elle …

Si toutefois, l’on venait à en douter, la lecture d’un article170 écrit par un

spécialiste des finances locales le confirmerait rapidement, et ce dès les

premières lignes : « La réforme de l’impôt économique local change

profondément la donne, le potentiel économique des territoires supplantant le

potentiel fiscal … La valeur ajoutée devient le socle de l’avenir des

ressources des collectivités ». Concernant les régions notamment, il évoque

que « Les ressources futures seront conditionnées par leur propre situation

économique … » et de considérer, en conclusion, que « La bonne nouvelle est

que les collectivités pour une partie de leurs ressources seront en relation

étroite avec l’économie de leur territoire. Ce sera à elles d’œuvrer non

seulement pour faire venir des entreprises mais aussi pour les accompagner

dans la croissance ». Sans rentrer dans les détails techniques de cette

nouvelle fiscalité locale, il convient d’ajouter que, d’après cet auteur, les

collectivités devront retenir un nouveau système d’indicateurs pour l’avenir

incluant statistiques de l’INSEE, comptes des entreprises, analyses

sectorielles et surtout connaissance des relations entre siège des groupes et

filiales tant en France qu’à l’étranger. Les offres d’emplois des collectivités

territoriales ont, pour certaines, déjà intégré cette nouvelle dimension. Ainsi

recrute-t-on un directeur du développement économique et du marketing

territorial, tandis que les fonctions de directeur de l’attractivité émergent.

Des collectivités stratèges économiques et communicantes patentées seront-

elles porteuses de valeurs issues des principes du développement durable ?

170 « Le nouveau paradigme des budgets locaux : l’économie », Victor CHOMENTOWKI, La

Gazette des Communes, 23 mai 2011

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• L’économie créative et l’intelligence territoriale : une conciliation de la

communication et de la compétition territoriales

avec les principes du développement durable ?

Dans leur stratégie de communication locorégionale, les institutions

décentralisées devront immanquablement se poser la question de la

compatibilité d’une visibilité offensive du territoire et d’un affichage des

principes du développement durable, qui suppose plutôt une non rivalité entre

eux.

Un retour aux sources, puisque, comme le décrit Michel OGRIZEK171 la

stratégie de la mouvance écologique passe dans un premier temps par

l’ancrage locorégional, concevant le développement durable comme une

cohabitation entre le contrat social et le contrat naturel. Conception autrement

traduite dans le code de l’urbanisme français par « Le territoire français est le

patrimoine commun de la nation. Chaque collectivité publique en est le

gestionnaire et le garant ».

Pour Isabelle COUSSERAUND et Dominique BLIN172, les mutations

économiques font émerger de nouveaux concepts : le développement durable,

l’économie de l’immatériel, la responsabilité sociale, l’intelligence territoriale

et l’économie créative. L’adage penser global, agir local implique que tous

les décideurs développent la notion de territoire et qu’ils modifient le partage

communicationnel entre secteur privé et public.

Une place de plus en plus conséquente semble devoir être accordée à

l’approche environnementale et à la qualité de vie, tandis que le déclin des

trois secteurs d’activité habituels met en exergue la future primauté du capital

intellectuel et culturel. Point d’orgue de ces démarches, l’homme est placé en

situation de communication, rappelant en cela la prédiction de Gaston

171 « Environnement et communication », Editions Apogée – Ecoplanet, 1993

172 « La communication à l’épreuve des mutations économiques », N°37 (juin 2010) de la revue

Communication & Organisation, Presses Universitaires de Bordeaux

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Bachelard sur l’imaginaire social en tant que dynamique inconsciente

inaugurant « un rapport signifiant de l’homme au monde ».

Les instances internationales se saisissent173 de ce domaine de l’économie

créative, au niveau de l’ONU et de l’Union européenne, et les premiers

rapports évoquent dès maintenant l’aspect géostratégique, mais qu’en sera-t-il

du concept au niveau territorial ?

Cécile PASCUAL ESPUNY interroge cette perspective174, tandis que les

territoires de Bordeaux (un Adjoint au Maire est chargé d’un projet

« Bordeaux Créative »), de la Gironde et de l’Aquitaine (un conseiller

régional a été délégué à la culture et à l’économie créative) explorent cette

piste, tant concrètement175 que théoriquement176. Un Pôle de recherche

Industrie Créatives émerge à Talence177 au sein de Bordeaux Ecole de

Management. Et de nombreuses définitions affleurent ; pour Josy REIFFERS,

adjointe en charge du développement économique, de l’emploi, de la

recherche, de l’enseignement supérieur et de Bordeaux Créative : « Notre

définition de ce secteur est résumé en 4 T. Il faut un talent exprimé, sur un

territoire donné, une dose de tolérance liée à l’incertitude des projets, et une

notion de transversalité, car on y retrouve des gens aux profils différents ».

173 Forum de Prague : euractiv.com/fr/culture/forum-prague et rapport sur l’économie créative,

Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED)

174 « Economie créative : nouvelle traduction du développement durable ? Analyse de son

potentiel et ses limites communicationnelle au niveau territorial », Cécile PASCUAL ESPUNY, in

« La communication à l’épreuve des mutations économiques, sous la direction de Isabelle

COUSSERAND et Dominique BLIN, revue Communication & Organisation, N° 37, juin 2010,

Presses Universitaires de Bordeaux

175 « Economie créative. Bordeaux est-elle une terre fertile ? », Le Journal des Entreprises, mars

2009 et site internet http://www.projetdarwin.eu

176 « Economie créative, une introduction », sous la direction de l’Institut des deux rives (think

thank fondé à Bordeaux), Editions Mollat de Bordeaux

177 http://www.bem.edu/fr/

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Pour Christine LIEFOOGHE178, de l’UFR de géographie et aménagement de

Lille, l’économie créative renouvelle la réflexion de la créativité – comme

champ d’analyse classique de l’économie de l’innovation, dans ses

caractéristiques spatiales et territoriales – car la créativité acquiert une

dimension artistique et sémiotique, qui s’ajoute à la technologie pour

répondre aux besoins culturels et psychologiques des consommateurs. Elle

constate que certaines politiques publiques font de l’économie créative un

paradigme du développement régional et urbain.

Quant au rapport de la CNUCED, il pose au préalable la précaution

d’annoncer qu’il « n’existe pas de définition universelle » et propose une

vision en différents cercles : « L’économie créative est une notion en

mutation fondée sur des savoirs créatifs capables de produire un effet sur la

croissance économique et le développement : elle peut être une source de

revenus, créer des emplois et produire des recettes d’exportation tout en

favorisant l’inclusion sociale, la diversité culturelle et le développement

humain ; elle englobe les aspects économiques, culturels et sociaux qui sont

liés aux objectifs en matière de technologies, de propriété intellectuelle et de

tourisme ; elle désigne un ensemble d’activités axées sur les connaissances,

comporte une dimension de développement et se rattache à l’économie dans

son ensemble, à grande ou petite échelle ».

D’autres institutions européennes et internationales s’y intéressent et abordent

l’économie créative sous l’angle les intéressant ; sans les lister de manière

exhaustive, nous mentionnerons l’Organisation Mondiale de la Propriété

Industrielle, qui insiste sur l’aspect copyright, et l’UNESCO pour le volet

contenu culturel intangible.

Plus près de nous, et sur le terrain, c’est un chantier urbain de tramway qui

accorde une large place à l’art (Ivry-sur-Seine ou Brest), ce qui met en

exergue un rôle majeur joué par la communication locale pour permettre la

178« Economie créative et développement des territoires : enjeux et perspectives de recherche »,

Christine LIEFOOGHE, in Revue Innovations, Cahiers de l’économie et de l’innovation N° 31,

2010, Editions De Boeck Université

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transversalité, l’adaptabilité et l’ancrage territorial du projet dans un contexte

de cohésion sociale.

C’est donc principalement au potentiel économique de la culture qu’il est

souvent fait référence, avec des activités impliquant une plus grande

perméabilité entre le public et le privé.

Potentiel qui, d’après Thierry Libaert, implique d’ajouter un quatrième pilier

à l’économie, au social et à l’environnement : celui de la transparence, c'est-

à-dire de la communication179, pour établir le caractère fiable d’un projet, en

sus de ses qualités viable, vivable et équitable.

Le contexte entrepreneurial semble s’être déjà adapté, qui voit les politiques

de mécénat s’ouvrir à des formes hybrides, des PME s’en saisir et des clusters

apparaître dans le secteur culturel. Pour l’heure, cette évolution n’a pas

encore donné naissance à des stratégies de communication au sujet de

l’économie créative par les collectivités territoriales, si ce n’est la stratégie de

rayonnement de Rennes Métropole, qui s’en approche (cf : 3..2.1). Un

colloque est organisé au Pays de Redon les 30 et 31 mai par l’UFSIC (Union

Fédérale d’Intervention des Structures Culturelles) « Culture et

développement territorial : osons l’innovation et la solidarité », qui reste

pour une large part dans le registre de l’économie sociale et solidaire mais qui

commence à évoquer dans certains ateliers des intitulés plus précis, tel

« Economie et culture ».

Incontestablement, la Bretagne pourrait correspondre à un territoire incarnant

l’économie créative, avec un secteur culturel et une sensibilité écologique

historiquement ancrés dans les pratiques locorégionales des dynamiques

associatives et politiques.

179 Le 4

ème pilier du développement durable : http://tlibaert.info

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Décrites par Yann FOURNIS et Tudi KERNALEGENN180, ce particularisme

breton s’est incarné dans trois scènes d’institutionnalisation, figurant une

certaine continuité avec la tradition du CELIB des années 50 à 70 (Comité

d’Etude et de Liaison des Intérêts Bretons) : les mouvements sociaux, le

Conseil Economique et Social de la Région et le Conseil régional, dans un

double mouvement régionaliste de type notabilaire et l’apparition de

positionnements associatifs nouveaux, à dimension régionaliste, issus des

composantes culturelle (valorisation patrimoniale et mise en place du réseau

des écoles Diwan par exemple) et écologique (sur les thèmes de l’eau et du

nucléaire notamment). Par la suite, les évolutions marqueront une coupure

entre les institutions et la dynamique des mouvements, jusqu’à ce que la

Région impulse des politiques consacrées à la culture et à l’environnement,

d’où une idéologie du territoire qui se construit aussi sans les institutions. Or,

c’est précisément ces paramètres culturels et environnementaux, ne

constituant pas le noyau dur des politiques publiques - donc plus à mêmes

d’être saisis par des dynamiques collectives sans cadre administratif rigide -

qui consacrent majoritairement la construction d’une identité territoriale, telle

que vécue par la population, par rapport à d’autres éléments plus formels et

rationnels, objets classiques de l’action publique. Dans la construction des

projets de pays, d’agglomération les composantes démographiques,

économiques, urbanistiques font souvent l’objet de renseignements très précis

et développés, statistiques, chiffres, perspectives etc. tandis que la culture et

l’écologie restent un peu en deçà des ces travaux de prospection, car elles

nécessitent des approches beaucoup plus qualitatives, et sont de nouvelles

venues sur la scène du développement.

Aussi, ce n’est sans doute pas le hasard si la Bretagne devient la première

région française à s’inscrire dans une démarche de marque de territoire,

jusque là plutôt explorée par les Villes et Agglomérations. La marque

180 « Les idéologies du territoire en Bretagne (1972-1984). Les mouvements culturels et

écologiques face aux institutions régionales ». Yann FOURNIS et Tudi KERNALEGENN in

« Idéologies et action publique territoriale. La politique change-t-elle encore les politiques ? ».

PUR, Res Publica, 2006

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Bretagne qui souhaite repositionner la communication dans un cadre

d’innovation, tout en conservant l’identité traditionnelle, s’incarne en cette

volonté de design abstrait et moderniste, comme une empreinte du visible, un

code abstrait mais souhaitant en dégager l’esprit du non visible cher à

Merleau-Ponty181 (« La surface du visible, est, sur toute son étendue, doublée

d’une réserve invisible »), doté d’une réelle épaisseur de sens historique,

culturel, patrimonial, environnemental … Elle renvoie également à la

perception d’Albert Thibaudet182 « faite de l’épaisseur vivante de ses

terroirs, de ses paysages, de ses villages, de ses langages … ». Un pari

audacieux, qui peut confronter sa réflexion et sa démarche à un risque, pour

mieux l’éviter : celui de voir le code de marque se transformer en code barre,

figeant une standardisation de marketing de masse d’une Bretagne tellement

stylisée, qu’elle en perdrait son âme créative.

En matière d’intelligence territoriale, pour Philippe HERBAUX183, « Les

acteurs locaux impliqués veillent ainsi à établir ou à conforter un

environnement préservé des soubresauts de la mondialisation. Or celle-ci est

un point qui agit sur le local, le brouhaha exponentiel des informations et des

signes obscurcit l’horizon du projet territorial, il en rend la lecture et

l’interprétation problématique ». Il trace des perspectives d’action faisant

appel à l’intelligence territoriale, encore peu exploitées à ce jour, et en lien

avec l’information et la communication : l’interdépendance entre les

territoires eux-mêmes demeure sous-exploitée, tandis que – plus

classiquement - celle entre un territoire et l’Etat ou entre le territoire et le

monde est toujours appréhendée.

Formulée par Yann BERTACCHINI, en 2004 : « Entre information et

processus de communication se situe l’intelligence territoriale », et « Ainsi, le

181 « Paysage d’image », Alain MONS, L’Harmattan, 2006

182 Cité par Mona OZOUF dans « Composition française. Retour sur une enfance bretonne »,

Gallimard – NRF, 2009

183 « Intelligence territoriale. Repères théoriques », Philippe HERBAUX, L’Harmattan – Questions

contemporaines, 2007

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risque est une composante du territoire dont l’intelligence territoriale tire sa

légitimité ». C’est pourquoi l’information devient un enjeu, une ressource à

conserver ou à adopter dans les projets de développement territorial. Les

conditions de transmission de l’information par les TIC agissent sur le

discours local ; ce phénomène sculpte le récit territorial, modèle le sens du

local. L’intelligence territoriale s’envisage comme un outil médiologique, qui

façonne le pays symbolique et agit sur les représentations mythiques pour

transformer l’énergie du système en projet.

Peu à peu, on voit émerger la notion d’intelligence compétitive, très proche

des avantages concurrentiels en milieu d’entreprise.

Et Philippe HERBAUX envisage également que « Dans le jeu

d’établissement d’un développement durable, les territoires sont en premier

lieu concernés par la gestion des ressources ». Il évoque « l’effet d’agence

créé par l’Etat et l’Europe s’immisçant dans le jeu territoire-entreprise et

créant parfois des effets pervers ; à savoir, l’imposition de règles qui

aboutissent à un lisage des normes et procédures, modifiant subrepticement

la culture du local ».

Reste à envisager l’impact de la réforme des collectivités territoriales du 16

décembre 2010 sur les stratégies d’attractivité économique et les process de

communication locorégionale. Dans le cadre des changements intervenant en

matière d’intercommunalité et de métropoles ou pôles métropolitains, le titre

de La Gazette des Communes du 25 avril 2011 en dit long sur les

perspectives envisagés par les territoriaux « Coopération et mutualisation :

l’inventivité au service des territoires ».

Pour Pascal Fortoul, Président de l’Association des Directeurs Généraux des

Communautés de France et DGS du Pays voironnais (Isère) « Les territoires,

hier concurrents, jouent désormais leur avenir par leur capacité à travailler

ensemble ». La journaliste en charge du dossier, Laurène Solal évoque « dans

la dynamique d’une nouvelle gouvernance, plus cohérente, que vient

renforcer le besoin d’économie d’échelle, nombre de collectivités esquissent

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depuis plusieurs années déjà, à grands traits d’inventivité et d’efficience, les

différentes ébauches d’un territoire idéal ». L’une des principales

modifications emporte qu’à l’issue du renouvellement municipal, dans

l’année qui suivra, les EPCI devront établir un projet de mutualisation de

services, en prévoyant à l’horizon 2014-2015 un impact sur les effectifs et les

dépenses de fonctionnement. Pionniers en la matière, Strasbourg dès 1972,

puis Brest Métropole Océane (BMO) et le Grand Poitiers. Et l’actuel DGS de

BMO, Bertrand Uguen, de préciser que « Par ailleurs, les pôles

métropolitains constituent un nouveau dispositif qui permet de pallier la

discontinuité du territoire dans un rayonnement multipolaire organisé ».

Nous avons vu qu’en matière de stratégie d’attractivité économique, la

mutualisation et la coordination de tous les acteurs locaux (chapitre 1,

Territoire et promotion locale) constituaient des éléments fondamentaux de

réussite, à l’image des pôles de compétitivité, ce qui implique des dispositifs

de partage d’information et de circulation de la communication pérennes. On

retrouve cet état d’esprit dans les dispositifs, nouveaux ou renouvelés, du

fonctionnement intercommunal - qui en France souffre de son manque de

légitimité démocratique. Ainsi l’interview de Christophe SIRUGUE,

Président de la Communauté d’Agglomération du Grand Chalon qui inaugure

une formule dite d’ « ENTENTE » afin de conforter une alliance avec la

communauté du Creusot Montceau. L’enjeu défini : passer d’une logique de

rivalité à celle d’alliance, sur un bassin de vie naturel, en pérennisant cette

approche par des relations inscrites dans un cadre formel, avec un dispositif

juridique motivant mais non contraignant. Sur les six thématiques retenues,

quatre d’entre elles sont en relation directe avec les questions d’attractivité

territoriale : création et mutualisation d’outils de développement ;

enseignement supérieur et recherche ; développement économique et

développement numérique.

Ce choix consacre sans nul doute la nécessité dorénavant identifiée par les

territoires de s’entendre, faute de quoi la compétition se jouera à somme

nulle. D’autant plus que la réforme de la fiscalité locale installe un fonds de

péréquation liant l’avenir financier des régions, dont les ressources futures

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seront conditionnées, certes par leur propre situation économique, mais aussi

par celle des régions Alsace, Rhône Alpes ou Île-de-France.

Autant l’émergence des Régions - parfois de manière transnationale et

notamment en matière de communication touristique184 - comme actrices sur

la scène de notre vieille Europe est un fait et suppose de faire émerger

concomitamment des stratégies communicationnelles d’identité attractive,

autant la compétition qui se joue entre agglomérations urbaines mériterait

sans doute un regard plus coopératif. Et reste pour les Régions à savoir

intégrer, dans le cadre d’une démarche en amont, les départements. Leurs

identités prégnantes au sein de l’espace anthropologique des citoyens-

électeurs-administrés méritent vraisemblablement qu’ils soient associés aux

stratégies communicationnelles, afin que celles-ci développement aussi leur

légitimité en interne du territoire, condition indispensable de la réussite en

externe.

Cette évolution de la rivalité à la complémentarité, puis à l’alliance, ne

s’effectuera que si la communication joue un rôle majeur de lien

organisationnel et de « liant » anthropologique, démultiplicateur

d’intelligences - palliant les effets néfastes de concurrence - pour réussir ces

mutations économiques. Le rapport de l’ODIS185 conclut d’ailleurs en

caractérisant les territoires qui vont de l’avant comme « ceux où

l’information circule facilement, où le débat public est plus dynamique et plus

accessible qu’ailleurs et se déroule en toute transparence sur les sujets

stratégiques, et où chacun s’implique (plus qu’ailleurs) dans la construction

de l’avenir du collectif ».

En somme, une intelligence territoriale de la gouvernance et de sa

communication pour un fonctionnement des institutions décentralisées qui

explorerait les démarches attractives d’interdépendances des territoires plutôt 184 Une marque touristique transfrontalière vient de naître : Côte à Côte, pour la Flandre

maritime, avec l’accord du comité Interreg, newsletter de Cap’Com du 1er

juin 2011

185 « L’état social de la France 2010 », Observatoire du Dialogue et de l’Intelligence Sociale, La

Documentation française

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141

que la confrontation territoire et mondialisation / nation dans le cadre d’une

compétition territoriale sans fin.

Quant au paysage, sa dimension communicationnelle, dans un cadre

locorégional, urbain et rural, mériterait sans doute une étude à part entière

d’autant plus que son usage promotionnel reste souvent très classique, ou à

tout le moins formaté sous une forme figurative, qu’elle soit picturale ou

photographique. D’autres déclinaisons innovantes sont sans doute possibles,

déjà explorées par le Land Art et certains chantiers de travaux urbains, mais

sans nécessairement y adjoindre la part communicationnelle d’attractivité

économique pouvant intéresser les collectivités locales. En quelque sorte, un

paysage éclairé par l’économie créative et porté par une communication

locale aux dimensions participatives, source de cohésion sociale.

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« Où que j’aille, je suis un morceau de paysage de mon pays »

Ismaël KADARE

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• LE BART Christian, Les politiques d’image : entre marketing territorial et

identité locale, dans Les nouvelles politiques locales. Dynamique de l’action

publique, BALME R., FAURE A., MABILEAU A. (dir.), Presses de

Sciences Po, 1999

• MEURET Bernard, Le socialisme municipal : Villeurbanne, 1880-1982,

Presses Universitaires de Lille, 1983

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145

• MOINE Alexandre, Le territoire : comment observer un système complexe,

Paris, L’Harmattan, 2010, collection Itinéraires géographiques

• MONS Alain, La métaphore sociale. Image, territoire, communication,

Presses Universitaires de France, 1992, collection Sociologie d’aujourd’hui

• MONS Alain, Paysage d’images. Essai sur les formes diffuses du

contemporain, Paris, L’Harmattan, 2006, collection Nouvelles études

anthropologiques

• NEDELLEC Delphine, La nature mise en communication. Analyse critique

des pratiques et discours sur le patrimoine naturel en Bretagne depuis 1994,

mémoire de Master en Information et Communication, 2002, Rennes 2

• OGRIZEK Michel, Environnement et communication, Editions Apogée,

1993, collection Ecoplanet

• OLLIVIER Bruno, Les sciences de la communication. Théories et acquis,

Armand Colin, 2007, collection U

• OLLIVRO Jean, La Nouvelle économie des territoires, Editions Apogée,

2011

• OZOUF Mona, Composition française. Retour sur une enfance bretonne,

Gallimard, 2009, collection NRF

• SOUCHARD Maurice, WAHNICH S, La communication politique locale,

Presses Universitaire de France, xxxx, collection Que sais-je ?

• VELTZ Pierre, Des lieux et des liens. Politiques du territoire à l’heure de la

mondialisation, Editions de l’aube, 2002

• VELTZ Pierre, Mondialisation, villes et territoires. L’économie de l’archipel,

Presses Universitaires de France, 2009, collection Quadrige Essais Débats

• ZAOUAL Hassan, La socio-économie des territoires. Expériences et théories

L’Harmattan, 1998

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146

� PERIODIQUES

• BERTACCHINI Yann, Territoire physique et territoire virtuel. Quelle

cohabitation ? Travaux de D.E.A avec le Groupe GOING (Groupe

d’Observation et d’Investigation des Nouvelles Gouvernances), Université de

Toulon et du Var, 2003

• BRETONS (mensuel)

- La Bretagne est-elle moderne ou ringarde ? Avril 2011, N° 64

- Produit en Bretagne, une association unique en Europe. Mars 2011, N°

63

- La Marque Bretagne, pour marier identité et business. Février 2011, N°

62

• COLLETIS Gabriel, Constructions territoriales et dynamiques économiques,

dans Entreprises et Territoires, Sciences de la Société, Presses Universitaires

du Mirail, 1999, N° 48

• COUSSEREAU Isabelle, BLIN Dominique, La communication à l’épreuve

des mutations économiques, Communication & Organisation, Presses

Universitaires de Bordeaux, 2010, N° 37

• DISSART Jean-Christophe, Paysages et développement régional : quels sont

les liens ? Cahiers d’économie et de sociologie rurale, 2000, N°84-85

• LE MOENNE Christian, Communication et induction dans les démarches de

recomposition organisationnelle, Revue Communication et Organisation,

1997, N°12

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147

• LA GAZETTE DES COMMUNES (hebdomadaire)

- Brèves d’information, 14 mars 2011

- La Com brouille les cartes, 28 mars 2011

- Coopération et mutualisation : l’inventivité au service des territoires,

25 avril 2011

• LE JOURNAL DES ENTREPRISES, Gironde (mensuel)

- Economie créative, Bordeaux est-elle une terre fertile ? Mars 2009

• LE PROGRES DE CORNOUAILLE (hebdomadaire)

- La Bretagne et ses peintres, 22 avril 2011

• LIEFOOGHE Christine, Economie créative et développement des territoires :

enjeux et perspectives de recherche, Innovations – Cahiers de l’économie et

de l’innovation, Editions De Boeck, 2010, N° 31

• MARKETING MAGAZINE (mensuel), Enquête de Amélie NEBIA,

La MARQUE & le TERRITOIRE, N°148, Avril 2011

• MAYERE Anne, Mutations organisationnelles et évolution des productions

et échanges d’information, Sciences de la Société, La communication

organisationnelle en débat, Presses Universitaires du Mirail, 2000, N° 50/51

• MENVILLE Jean, Entre l’entreprise et le marché, le territoire, dans

Entreprises et Territoires, Sciences de la Société, Presses Universitaires du

Mirail, 1999, N° 48

• OUESLATI W., MADARIAGA N., SALANIE J., Evaluation contingente

d’aménités paysagères liées à un espace vert urbain. Une application au cas

du parc Balzac de la ville d’Angers, Revue d’Etudes en Agriculture et

Environnement, 2008, N° 87

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• PASCUAL ESPUNY Cécile, Economie créative : nouvelle traduction du

développement durable ? Analyse de son potentiel et de ses limites

communicationnelles au niveau territorial, dans BLIN Dominique,

COUSSERAND Isabelle (dir.), La communication à l’épreuve des mutations

économiques, Communication & Organisation, Presses Universitaires de

Bordeaux, 2010, N° 37

• POUVOIRS LOCAUX, 2004, N° 61, dossier spécial Des territoires attractifs

• RAOUL Bruno, Développement des territoires et communication, Etudes de

Communication, 2003, N° 26, Presses Universitaires de Lille

• TEILLET Philippe, La dimension idéologique de la recomposition des

territoires. Le cas du modèle angevin, dans ARNAUD Lionel, LE BART

Christian, PASQUIER Romain (dir.), Les idéologies émergentes des

politiques territoriales, Sciences de la Société, Presses Universitaire du

Mirail, 2005, N° 65

� ACTES DE COLLOQUES

• ROSATI-MARZETTI Chloé, Communication : Tourisme et identité, l’impact

du paysage culturel, colloque de Neuchatel organisé par le Conseil national

des sociétés historiques et scientifiques, 2010

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� SITES INTERNET

• http://prefecture.centre

• www.reseaurural.fr

• http://www.marque-bretagne.fr

• www.projetsdepaysages.com

• www.euractiv.com/fr/culture/forum-prague

• http://www.projetdarwin.eu

• http://www.bem.edu/fr

• http://www.european-creative-industrie.eu

• http://tlibaert.info

• http://www.localtis.infos

• www.cap-com.org

• http://idf-film.com

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� EXPOSITIONS

• De Turner à Monet, la découverte de la Bretagne par les paysagistes au

XIXème.

Musée des Beaux Arts - Quimper (1er avril – 31 août 2011)

visite le 2 mai 2011

• Nature et idéal : Le paysage à Rome, 1600-1650, Carrache, Poussin, Le

Lorain …

Galeries du Grand Palais - Paris (9 mars – 6 juin 2011)

visite le 25 mai 2011

• Santu Mofokeng. Chasseur d’ombres, 30 ans d’essais photographiques

Galeries du Jeu de Paume – Paris (24 mai – 25 septembre 2011)

visite le 26 mai 2011

• Claude Le Lorrain, le dessinateur face à la nature

Exposition, Musée du Louvre – Paris (21 avril – 18 juillet 2011)

visite le 30 mai 2011

• Estuaire 2007-2009-2011 Nantes Saint-Nazaire, Le Paysage, l’art et le fleuve

Brochure de présentation, Le Lieu unique, scène nationale de Nantes

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� ENTRETIENS

• CARIOU André - Lundi 2 mai 2011

Directeur et Conservateur en chef du Musée des Beaux Arts de Quimper

• CAUSSE Sandy – Mardi 3 mai 2011

Directrice Agence Finistère Développement Tourisme (Quimper)

et Sylvain LE GUEN, webmaster

• SAVARY Adrien – Mercredi 4 mai 2011

Responsable du Pôle Territoires, Agence départementale de développement

économique d’Ille-et-Vilaine IDEA 35 (Rennes)

• GOUZIEN Elisabeth – Mercredi 18 mai 2011

Responsable du marketing touristique CCI Saint-Malo

• DANY Carole – jeudi 26 mai 2011

Directrice de l’Agence de communication Cadran Solaire (Paris)

• MARTINET Stéphane – mercredi 25 mai 2011

Directeur adjoint de la Commission Film de la Région Île-de-France

• LOISEAU Daniel – mardi 31 mai 2011

Vice-président d’Angers Loire Métropole chargé de l’économie et de

l’emploi, Président de l’Agence Angers Loire Développement

• MIRIEL Anne – mercredi 1er juin 2011

Directrice de l’attractivité et de la communication

Agence Bretagne Développement Innovation

• NUYTS Vincent – Mardi 7 juin 2011

Directeur de la communication

Brest Métropole Océane

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ANNEXES

• Finistère Magazine

• Campagne d’affichage du Comité Régional du Tourisme de Bretagne

• Site internet Miss Breizh