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Université de Strasbourg Ecole nationale d’administration Master spécialité Administration et finances publiques Parcours Administration Publique Spécialisée Le harcèlement moral dans la fonction publique Etude comparative entre la France et l’Egypte Sous la direction de Mme Mélanie Schmitt Maître de conférences HDR Université de Strasbourg soutenu par Mirna SAAD CIP Promotion Palmyre (2015-2016) Juin 2016

Master spécialité Administration et finances publiques

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Page 1: Master spécialité Administration et finances publiques

Université de Strasbourg Ecole nationale d’administration

Master spécialité Administration et finances publiques

Parcours Administration Publique Spécialisée

Le harcèlement moral dans la fonction publique

Etude comparative entre la France et l’Egypte

Sous la direction de Mme Mélanie Schmitt

Maître de conférences HDR

Université de Strasbourg

soutenu par

Mirna SAAD

CIP Promotion Palmyre (2015-2016)

Juin 2016

Page 2: Master spécialité Administration et finances publiques

1

Remerciements

Au terme de ce mémoire, je suis heureuse d’adresser mes remerciements à toutes les

personnes qui m’ont aidé dans sa réalisation.

Je tiens à exprimer particulièrement ma reconnaissance à ma tutrice, Madame SCHMITT

Mélanie, Maître de Conférences HDR, Université de Strasbourg pour m’orienter et guider, pour

ses conseils et le temps qu’elle m’a consacré, son écoute et ses réponses à mes interrogations.

Je tiens à remercier également la direction des Masters, à l’ENA, pour l’effort et le temps

consacré pour la recherche des tuteurs et la finalisation de la problématique.

J’adresse mes sincères remerciements à M. PEYRARD Georges, Professeur à l’Université

de Jean Moulin Lyon 3, qui m’a parfaitement guidé et conseillé, pour son aide et son soutien

pertinent

Je tiens également à exprimer mes vifs remerciements à mes collègues égyptiens

Bastawissy Ahmed, Juge Judiciaire et Samir Michaël, Juge administratif, mes collègues égyptiens

pour leur aide et leurs conseils.

A tous et à chacun, je renouvelle l’expression de ma respectueuse gratitude.

Page 3: Master spécialité Administration et finances publiques

2

SOMMAIRE

Introduction ……………………………………………………………………………..5

Première partie : harcèlement moral, du fait au droit………………………………..9

CHAPITRE 1 : UNE RECONNAISSANCE JURIDIQUE RECENTE EN FRANCE

Section 1 – Les sources juridiques relatives au harcèlement moral …………………10

§ 1 - Les sources internationales ………………………………………………………10

§2 - Les sources internes : une définition extensive et critiquée …………………….11

Section 2 - L’élaboration de la notion du harcèlement moral ……………………….14

§ 1 – Distinction entre harcèlement moral et harcèlement sexuel …………………..14

§ 2- Les différentes formes du harcèlement moral …………………………………...15

a) Classification relative aux sujets………………………………………………16

b) Classification selon la nature de l’acte ………………………………………..16

CHAPITRE 2 – L’IGNORANCE DU PHENOMENE : LE CAS DE L’EGYPTE

Section 1 - Un vide juridique ………………………………………………………….. 17

§ 1 -Texte général du code de la fonction publique………………………………….17

§ 2 - Le droit d’ester en justice ………………………………………………………18

Section 2 - La double face du harcèlement……………………………………………18

§ 1 - Victime ou prétendue victime…………………………………………………18

§ 2 - Le harcèlement discriminatoire :

la forme la plus répandue notamment

contre les femmes………………………………………………………………19

Seconde Partie Vers une protection efficace

CHAPITRE 1 - LA NECESSITE DE LA PREVENTION

Page 4: Master spécialité Administration et finances publiques

3

Section 1 - Les mesures existantes…………………………………………………….22

§ 1 -La protection Fonctionnelle ……………………………………………………22

§ 2-La prévention des risques psycho-sociaux……………………………………………...26

Section 2 - Le renforcement du rôle des inspecteurs : rôle à avantages multiples…28

§ 1-Les spécificités de la fonction publique………………………………………28

§ 2- Le renforcement des contrôles ………………………………………………31

a) Un contrôle régulier………………………………………………………………31

b) Une formation spécifique………………………………………………………...32

c) Une activité exercée en toute indépendance ……………………………………32

CHAPITRE 2 – UN CONTENTIEUX ADAPTE…………………………………..32

Section 1 – La facilité de la preuve…………………………………………………..33

§ 1 - La preuve : appréciation hétérogène en jurisprudence……………………….33

a) Le juge administratif ………………………………………………………...34

b) Le juge pénal………………………………………………………………….35

§ 2 - L’acceptation de moyens inhabituels…………………………………………...36

Section 2 – Une protection efficace contre la plainte abusive……………………..39

§ 1 – La dénonciation calomnieuse…………………………………………39

§ 2 – La sanction disciplinaire………………………………………………41

Conclusion……………………………………………………………………………..42

ANNEXES…………………………………………………………………………….51

Page 5: Master spécialité Administration et finances publiques

4

LE HARCELEMENT MORAL DANS LA FONCTION PUBLIQUE

ETUDE COMPARATIVE ENTRE LA FRANCE ET L’EGYPTE

Le harcèlement moral est un phénomène qui a toujours existé, il ne peut pas être limité à un

seul domaine, voire à une seule forme, il est hétérogène de plusieurs points de vue. On le rencontre

dans le cadre conjugal, familial, scolaire ou professionnel. Il apparaît dans le domaine public ou

privé, il peut être imposé par un supérieur hiérarchique ou un collègue, prendre une forme

individuelle ou collective. Si on s’en tient au seul domaine professionnel, on comprend

l’affirmation suivante : « On peut considérer que le harcèlement moral est lié à la nature humaine

et qu’il a toujours existé sur les lieux de travail. »1

Sa reconnaissance juridique récente, ne révèle pas sa nouveauté, contrairement à ce que l’on

pourrait croire, il s’agit d’un phénomène ancien, très ancien. Néanmoins, le mot « harcèlement »

est plutôt lié au harcèlement sexuel, c’est ce qui nous vient à l’esprit lorsqu’on parle du

harcèlement. Sans doute parce qu’on n’accorde pas suffisamment d’importance, dans certains pays

ou dans certaines sociétés, à tout ce qui est moral ou psychologique. Ce qui entraine que la règle

de droit puisse négliger de telles situations ou qu’elle ne s’y intéresse que depuis peu de temps.

Cette reconnaissance était la conséquence de plusieurs travaux publiés par des psychiatres,

notamment et principalement Marie-France HIRIGOYEN, qui a créé cette expression. Le succès

de son ouvrage « Le harcèlement moral : la violence perverse au quotidien » montre une

dissimulation de ce phénomène derrière le silence et met en évidence son étendue et sa

gravité. « Nous avons tous été témoins d’attaques perverses à un niveau ou à un autre, que ce soit

dans le couple, dans les familles, dans les entreprises ou bien dans la vie politique et sociale.

Pourtant, notre société se montre aveugle devant cette forme de violence indirecte. »2

1 HIRIGOYEN Marie-France, Le harcèlement moral dans la vie professionnelle, Paris, Pocket, 2015, p. 229. 2 HIRIGOYEN Marie-France, La violence perverse au quotidien, Paris, Pocket, 2015 p. 7

Page 6: Master spécialité Administration et finances publiques

5

Deux autres psychologues l’ont précédé dans la révélation et l’étude de ces conduites. Le

suédois d’origine allemande Heinz LEYMANN regroupe sous le terme « Mobbing »

« l’enchaînement, sur une assez longue période, de propos et d’agissements hostiles, exprimés ou

manifestés par une ou plusieurs personnes envers une tierce personne »3 et Christophe DEJOURS

qui a examiné la persécution au travail en critiquant l’acceptation de la souffrance d’autrui, parle

de la « banalisation du mal ». 4

Ce sont donc ces différents travaux qui ont amené à légiférer en ce domaine, en 1993 en

Suède et en 2002 en France par la loi de modernisation sociale du 17 Janvier 2002 modifiée par la

loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003.

Récemment, le Conseil d’état statuant en référé, a considéré le droit de ne pas être soumis à

un harcèlement moral, comme constituant une liberté fondamentale, pour le fonctionnaire.5

Quant au droit européen, il n’a pas défini explicitement le harcèlement moral mais à inciter

les pays membres à s’en protéger, notamment par la directive européenne 89/391/CEE du 12 juin

1989 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et

de la santé au travail. Dans ce cadre, il incombe à l’employeur de prendre tous les moyens

nécessaires afin de protéger les travailleurs. De même la directive 2000/78 du Conseil européen

du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en

matière d’emploi et de travail, directive qui établit un cadre général pour lutter contre les

discriminations et qui considère, en son article 2 que le harcèlement est une forme de

discrimination.6

Si on s’intéresse à la situation dans les pays du sud de la Méditerranée et au Proche et Moyen-

Orient, ce phénomène paraît encore négligé. C’est le cas en Egypte, ainsi qu’au Maroc, qui dépend

3 LEYMANN Heinz, Mobbing la persécution au travail, Paris, éditions du seuil, 1996, p. 27 4 DEJOURS Christophe, Souffrance en France, la banalisation de l’injustice sociale, France, édition du seuil,

collection l’histoire immédiate, 1998, P.155 et s. 5 CE 2 Octobre 2015, n°393766,inédit au Recueil 6 Malgré cette reconnaissance juridique, une enquête sur les conditions de travail en Europe faite en 2011 par la

Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de travail, révèle que la France est la plus mal

classée.disponible sur Clesdusocial.com, enquête sur les conditions de travail en Europe, Disponible sur http://clesdusocial.com/IMG/pdf/enquete-sur-les-conditions-de-travail-en-europe.pdf consulté le 25 mai 2016.

Page 7: Master spécialité Administration et finances publiques

6

sur une codification vague. On notera cependant que dans ce dernier Etat il y a des voix qui

réclament l’intervention législative7, contrairement à l’Egypte où l’expression n’est jamais utilisée.

Il s’agit d’un phénomène lié à l’organisation sociale, il ne peut pas être interprété et traduit

sans une vue sociologique. Il n’y a pas de sociétés sans harcèlement moral, mais les conditions de

sa dénonciation ne sont pas toujours réunies. La plupart des cas sont en lien avec une culture ou

une organisation sociale, le caractère personnel ou plutôt l’histoire de la construction de la

personnalité du harceleur n’est pas sans lien avec ce phénomène.

Certes, les caractéristiques de la société créent les comportements mais les caractères de

chaque individu ainsi que son état psychologique, peuvent être à l’origine du harcèlement moral :

un caractère narcissique, un sentiment de jalousie ou d’envie, un désir de persécuter l’autre, un

manque de compétence, de communications, une culture décalée peuvent entraîner un harcèlement

à motif discriminatoire.

« Il est nécessaire d’analyser le harcèlement moral comme le produit de rapports sociaux

bien déterminés. Ces rapports prennent une forme particulière dans les relations entre individus

dans chaque lieu de l’espace social entreprise, famille, école, association et sont marqués par la

présence simultanée de dimensions antagonistes et coopératives…l’étiquette de harcèlement moral

peut en effet dissimuler l’existence de rapports sociaux antagoniques, que ce soit de genre, de

classe, de « race » ou encore en relation avec l’âge ».8

Une autre partie de la doctrine, considère que ce phénomène est plutôt lié à des raisons

relatives aux conditions de travail.

Ces conditions de travail créent « un état de stress » qui peut être considéré comme le terrain

susceptible d’entraîner du harcèlement moral, cet état de stress trouve son origine dans plusieurs

facteurs : l’intensité du travail, la manière de l’organiser, les objectifs fixés, les moyens et le

matériel fournis pour les réaliser, les relations sociales ou le soutien social au sein d’une

administration, ou encore un manque de surveillance hiérarchique qui peut augmenter les cas de

harcèlement horizontal.

7 http://lavieeco.com/news/societe/a-quand-la-penalisation-du-harcelement-moral-au-maroc.html consulté le 9 Juin

2016. 8 DE GASPARO, Claudia, Harcèlement moral et sexuel au travail : Une approche sociologique, Revue Cahiers du

genre, (n° 35) 2003/2, pages 165-187, L'Harmatan.

Page 8: Master spécialité Administration et finances publiques

7

« Toutes les enquêtes le confirment, le harcèlement moral émerge plus facilement dans des

contextes particulièrement soumis au stress. »9

Quelle que soit l’origine de ce phénomène, et même si sa compréhension demeure

compliquée vu qu’elle se heurte toujours à la complexité des rapports sociaux, culturels et

organisationnels, ce qui reste indiscutable, c’est la nécessité de sa sanction, qui implique à son tour

un encadrement juridique précis.

Une définition juridique et une sanction ne suffisent pas pour lutter contre ces

comportements humiliants et hostiles. Il faut encore que les victimes puissent être encouragées et

soutenues pour pouvoir agir en justice et que les obstacles, en particulier en matière de preuves,

ne constituent pas une protection derrière laquelle pourront s’abriter les auteurs.

Existent-ils des éléments communs qui doivent être pris en compte en légiférant dans ce

domaine, et des éléments qui peuvent être différents d’un système juridique à l’autre, d’un pays à

l’autre ?

Puisque, pour l’instant, rien ne paraît prévu en cette matière dans le système égyptien, les

solutions mises en place en France sont-elles toutes directement transposables en Egypte ?

Ces deux principales problématiques auxquelles peut se heurter l’encadrement juridique de ce

phénomène, sont la charge de la preuve et ses moyens ainsi que l’abus exercé par des prétendues

victimes.

Ces deux problématiques se croisent, puisqu’un élargissement de moyens de preuves pourra

servir à éviter une augmentation des cas d’abus, en facilitant leur révélation.

Reconnaître l’existence du harcèlement moral et le caractériser ne paraît pas devoir obéir à des

solutions différentes selon les pays, la question de la charge de la preuve et de l’assistance que les

autorités peuvent apporter sur ce point aux victimes peut-elle être abordée différemment ?

On peut avantager les victimes qui sont les plus fragiles, en limitant à leur égard les exigences

de preuve, cela ne doit pas avoir pour effet de laisser la place à l’abus dans la dénonciation. Au

9 HIRIGOYEN, Marie-France, Le harcèlement moral dans la vie professionnelle, Paris, Pocket, 2015, p. 230.

Page 9: Master spécialité Administration et finances publiques

8

contraire, une sanction de dénonciation calomnieuse sera plus justifiée et en ce domaine peut-elle

être soumise à des conditions moins exigeantes ?

C’est en tenant compte de ces considérations que le droit égyptien peut s’inspirer du droit

français pour sanctionner le harcèlement moral, en adaptant sa réponse à la nécessité que ressent

la société égyptienne toute entière d’une modification de la situation existante.

Il convient donc de présenter tout d’abord comment le système français, dans ses textes et

sa pratique judiciaire, a abordé le phénomène dans tous ces aspects, en mettant en parallèle la

situation actuelle en Egypte. (Partie 1) Dans un deuxième temps, nous rechercherons quelles

peuvent être les voies à suivre pour mettre en place un système adapté à la société égyptienne en

veillant à écarter les abus dans la dénonciation (Partie 2).

PREMIERE PARTIE – HARCÈLEMENT MORAL, DU FAIT AU DROIT

Un mouvement au niveau international pour lutter contre le harcèlement moral, a précédé sa

reconnaissance juridique en France. Cette dernière n’a pas manqué de critiques, notamment

lorsqu’il a fallu le définir, on a pu craindre que, comme pour le harcèlement sexuel, on ait recours

à une question prioritaire de constitutionnalité. Une nouvelle définition de ce dernier, qui la plupart

du temps l’accompagne, a été l’occasion de modification de la sanction du harcèlement moral,

dont la définition large a permis d’englober diverses formes. (Chapitre 1) Le fait que la notion

même de harcèlement moral ait été sujette à discussions et la présence dans une législation de

textes généraux qui pourraient être utilisées en ce domaine, peuvent-ils justifier le vide que l’on

rencontre sur cette question dans d’autres systèmes juridiques, notamment au Moyen Orient ?

(Chapitre 2)

Chapitre 1 : Une reconnaissance juridique récente en France

Le droit français a reconnu ce phénomène presque deux ans après le célèbre ouvrage de

Marie-France HIRIGOYEN, au niveau du code du travail, du code pénal et du statut général des

fonctionnaires par la loi de modernisation sociale du 17 Janvier 2002 modifiée par la loi n° 2003-

6 du 3 janvier 2003.

Avant cette date, le droit français définissait seulement le harcèlement sexuel, par la loi

numéro 92-1179 du 2 novembre 1992 relative à l’abus d’autorité en matière sexuelle dans les

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9

relations de travail, complétée par la loi numéro 98-468 du 4 Juin 1998 relative à la prévention et

à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs. Par la suite, la loi de

modernisation précitée a apporté des compléments et précisions, par exemple en supprimant la

condition d’une relation hiérarchique pour aboutir à une incrimination.

Il est nécessaire de développer les fondements juridiques internationaux et internes de ce

phénomène, et les critiques de ce fondement (1) tout en le présentant de manière plus précise en la

distinguant du harcèlement sexuel, même s’ils sont souvent liés, et en exposant ses différents

aspects et formes (2).

Section 1 – Les sources juridiques relatives au harcèlement moral

Ce sont d’abord des sources internationales qui ont fait apparaître la notion de harcèlement

moral et ont permis ensuite que divers droits internes s’y intéressent.

Notion juridique récente, le harcèlement moral a suscité de nombreux débats dès lors qu’il a

fallu le qualifier précisément pour pouvoir le sanctionner efficacement. Cette recherche de

définition est issue à la fois de sources internationales et internes.

§ 1 - Les sources internationales

Le harcèlement moral, a fait l’objet d’une reconnaissance dans l’ordre international, en

particulier au sein de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Le harcèlement moral que

l’on envisage concerne évidemment le milieu professionnel, comme le prévoyait le Pacte

international des droits sociaux, économiques et culturels dans son article 7 « Les Etats parties au

présent Pacte reconnaissent le droit qu'a toute personne de jouir de conditions de travail justes et

favorables, qui assurent notamment… b) La sécurité et l'hygiène du travail »10

10 Adopté au sein du Haut-Commissariat pour les droits de l’homme (ONU) en 1966 et entrée en vigueur

en 1976. Récemment un commentaire du Comité économique, social et culturel, qui date du 27 avril 2016 interprétant

cette article a bien précisé dans son article 48 que la législation pénale, du travail ou contre la discrimination, doit

définir largement le harcèlement avec une référence explicite au harcèlement sexuel, il souligne qu’une politique

nationale sur les lieux de travail, privées et publics, doit être mis en place et doit notamment l’encadrer explicitement,

le prohiber, le prévenir, protéger les victimes et former les employeurs.

Page 11: Master spécialité Administration et finances publiques

10

Poursuivant dans cette direction, l’O.I.T. s’est beaucoup préoccupée de la violence sexuelle

comme forme de violence au travail, sa convention numéro 111 sur la discrimination - emploi et

profession- a prohibé la discrimination basée sur le sexe. Dans ce cadre, un rapport du comité

économique et social européen du 2015 sur l’élaboration d’une convention de l’Organisation

Internationale du Travail contre les violences sexistes au travail incitait les Etats membres de

l’Union européenne à soutenir cette élaboration.

L’OIT n’a pas élaboré des conventions concernant le harcèlement moral, néanmoins, elle

ne le néglige pas. Un rapport datant de 2000 du Bureau International du Travail, Secrétariat de

l’OIT, sur la violence au travail a précisé cette forme de violence. « La notion de violence au

travail est en train d’évoluer en ce sens que l’on accorde désormais autant d’importance au

comportement psychologique qu’au comportement physique… ». Selon ce rapport, plusieurs

recherches effectuées au Royaume-Uni, ont révélé que 53% des salariés ont subi des formes de

brimades au travail et que 73% en ont été témoins.

Ces exigences internationales devaient se traduire dans le droit interne, ce que l’on va

exposer avec l’exemple français. Notons, dès maintenant, que l’Egypte a ratifié le Pacte précité

mais ne l’a pas intégré dans son doit interne.

§2 - Les sources internes : une définition extensive et critiquée.

La définition du harcèlement moral en droit français résulte de la loi numéro 83-634 du 13

Juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (Le statut général des fonctionnaires)

par l’intermédiaire de la loi de modernisation déjà citée en son article 178, en créant l’article 6

quinquies, à l’imitation du Code de travail11 ou du Code pénal avec l’article 222-33-2.

La même formulation définissant le harcèlement moral a été inséré dans les trois codes

« Aucun fonctionnaire/salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont

pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à

ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir

professionnel ».12

11 Anciens articles L.122-49 à L.122-53, aujourd’hui articles 1152-1 et suivants. 12 Quant à la sanction pénale elle a été fixée comme suit : « Le fait de harceler autrui par des agissements répétés…est

puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende ». Si cette sanction a fait l’objet d’une modification

Page 12: Master spécialité Administration et finances publiques

11

A partir de la définition donnée par la loi, on peut dégager quelques éléments permettant de

préciser les contours de cette notion juridique.

Pour qu’il y ait harcèlement moral, il faut donc :

Une répétition des actes : Dans ce cadre, le législateur n’a pas établi une condition

de durée, ces actes peuvent donc se dérouler sur une longue ou une courte période,

c’est ce qu’a confirmé la jurisprudence de la Cour de Cassation avec son arrêt du 26

mai13. Cette dernière a également précisé que la diversité de la nature des faits

invoqués n’est pas une condition, un fait de nature unique est donc constitutif du

harcèlement moral à condition qu’il se répète.14Notons que le droit communautaire

n’exige pas cette répétition15.

Une dégradation des conditions de travail : Cette dégradation peut être traduite par

le changement du bureau et la carence d’outils nécessaires pour accomplir le travail,

une disqualification de la performance de la victime, une diminution ou une

complication de ses tâches.

Cette dégradation doit être susceptible de porter atteinte à la dignité du fonctionnaire,

altérer sa santé physique ou mentale et compromettre son avenir professionnel. Dans

ce cadre également, le législateur n’a pas exigé que ses conséquences soient

cumulatives.

Malgré ces éléments encadrant le phénomène, sa définition n’a pas manqué de critiques.

Les principales critiques faites par les commentateurs de cette définition portent principalement

sur deux points : 16

Le législateur s’est consacré aux conséquences et non pas aux agissements ce qui a

pour effet de négliger l’importance d’une conduite intentionnelle, puisqu’un acte « ayant

comme effet » n’exige pas une intention. Selon Patrice ADAM, le harcèlement moral

nécessite une « intention malveillante », néanmoins il considère que cette condition est

l’aggravant par la loi numéro 2012-594 du 6 août 2012. La définition précitée, et malgré les critiques dont elle a fait

l’objet, est demeurée telle qu’elle était. 13 Cass.Soc n° 08 -43152 du 26 mai 2010, inédit au Bull 14 Cass. Crim n° 14-80455 du 26 janvier 2016 15 « Tout agissement » qui a pour objet ou pour effet… - Par ex. : Dir. no 2006/54/CE du 5 juill. 2006 16 Disponible sur http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/reflexions.pdf consulté le 19 avril 2016.

Page 13: Master spécialité Administration et finances publiques

12

exigée implicitement par le législateur dès lors que le harcèlement moral fait l’objet d’une

sanction pénale.17

En revanche, le législateur a exigé une dégradation des conditions de travail

négligeant ainsi les atteintes à la vie privée.

C’est notamment et principalement, le caractère extensif de cette définition qui est donc

critiqué, ou plutôt son imprécision. C’est cette dernière qui a entrainé donc les diverses

interprétations, si Patrice Adam, considère que l’article nécessite l’intention malveillante il avoue

quand même ce caractère imprécis. « Nous considérons en effet que l’article L 1152-1 du Code

de travail, malgré une rédaction défaillante qui peut laisser penser le contraire, définit bien - tout

en le faisant fort mal - la notion de harcèlement moral qui s’y trouvent énoncés ses éléments

constitutifs »18. Malgré tout, ces critiques n’ont toujours pas pu servir de base à une demande de

QPC « question prioritaire de constitutionnalité ». Au contraire ce sont ces éléments déjà cités qui

ont été soulignés par la Chambre criminelle de la Cour de cassation19, lorsqu’elle a refusé de

transmettre au Conseil Constitutionnel la question de la définition du harcèlement moral, refus qui

paraît d’autant plus justifié que les dispositions législatives le concernant avaient déjà été

considérées conformes à la constitution par la décision du Conseil Constitutionnel du 12 Janvier

2002.20

La Chambre criminelle n’avait donc pas seulement refusé la transmission, elle a précisé que

la définition du harcèlement n’échappe pas au principe de légalité des délits et des peines, prévu

par l’article 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.21 Le harcèlement

moral est donc qualifié à travers les conséquences de l'acte sur la situation de la victime, sur sa

dignité et sur sa santé notamment. Tel n'était pas le cas pour le harcèlement sexuel, dont la

définition était réduite à son objet, qui est "d'obtenir des faveurs de nature sexuelle"22.

17 ADAM Patrice, le harcèlement moral est mort, vive le harcèlement moral ?, le droit ouvrier, n° 740, mars 2010, Pages 117 et s. 18 ADAM Patrice, Harcèlement moral : la place incontournable de l’intention malveillante, de l’intérêt d’une lecture combinée des articles L1152-1 et L1154-1 du Code du travail, semaine social Lamy, N° 1404, 15 juin 2009 page 10 19 Cass.Crim 11 Juillet 2012 n° 11-88114 Bull.170 Pages 289 et s. 20 N° 2001-455 Journal Officiel du 18 janvier 2002, page 1053 Recueil, p. 49

21 "Les faits commis doivent présenter un caractère répété et avoir pour objet ou pour effet une dégradation des

conditions de travail (...)" Cass. Crim11 Juillet 2012 n° 11-88114 Bull.170 Pages 289 et s. 22 Arrêt précit.

Page 14: Master spécialité Administration et finances publiques

13

C’est pour la raison évoquée dans la décision déjà mentionnée de la Chambre Criminelle

relative au harcèlement moral, que la définition du harcèlement sexuel a été déclarée

inconstitutionnelle, en raison de l’imprécision des éléments constitutifs de l’infraction, par une

décision du 4 mai 201223, suite à laquelle, une abrogation de l’ancien texte est intervenue le 5 mai

2012. Une nouvelle formulation a été rédigée puis insérée dans le code de travail, le code pénal et

le Statut des fonctionnaires.

Un amalgame se fait souvent entre les deux situations, puisqu’en pratique, il n’est pas rare

que l’on passe d’un harcèlement sexuel à un harcèlement moral ou que « des situations de

harcèlement sexuel soient masquées sous l’étiquette harcèlement moral »24. Ce lien, fait même par

le législateur, a entraîné une aggravation de la sanction du harcèlement moral à l’occasion de la

modification de la définition du harcèlement sexuel.

Section 2 - L’élaboration de la notion du harcèlement moral

Afin de bien identifier le harcèlement moral, on doit le distinguer du harcèlement sexuel et

préciser ses formes.

§ 1 – Distinction entre harcèlement moral et harcèlement sexuel

Le harcèlement sexuel avait été défini par l’article 6 ter de la loi 83-634 du 13 Juillet 1983

portant droits et obligations des fonctionnaires (Le statut général des fonctionnaires) précitée, cet

article a fait l’objet d’une modification par une loi adoptée à l’unanimité par le parlement, la loi

numéro 2012-594 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel.

Avant cette modification, la sanction était d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros

d’amende, et il était défini comme : « Le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs

de nature sexuelle ». La nouvelle loi a précisé deux types de harcèlement sexuel :

« Le harcèlement sexuel est le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des

propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en

23 N° 2012-240 Journal officiel du 5 mai 2012, page 8015, texte n° 150, Recueil, p. 233

24 DE GASPARO Claudia , op.cit.

Page 15: Master spécialité Administration et finances publiques

14

raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation

intimidante, hostile ou offensante. »

« Le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave dans le but réel

ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de

l'auteur des faits ou au profit d'un tiers. »25

Quant à la sanction elle passe à « deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende » et

peut aller jusqu’à «trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende » en cas de circonstances

aggravantes.

Cette nouvelle loi a interdit en insérant l’article 225-1-1 les discriminations résultant d’un

harcèlement sexuel, un nouveau délit a donc été créé « constitue une discrimination toute

distinction opérée entre les personnes résultant du fait qu’elles ont subi ou refusé de subir des faits

de harcèlement sexuel ou témoigné sur de tels faits ».

A l’occasion de cette modification, une aggravation de la peine du harcèlement moral a été

formulée, il est désormais sanctionné « de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 à 30 000 €

d’amende. »26

Ces différentes dispositions récentes ont été rappelées par la circulaire numéro SE1 2014-1

du 4 mars 2014 relative à la lutte contre le harcèlement moral dans la fonction publique, qui

s’inscrit dans le cadre des engagements du protocole d’accord du 8 mars 2013, signé par les

organisations syndicales des trois fonctions publiques et les représentants des employeurs publics

à l’occasion de la troisième réunion du comité du suivi de l’accord précité relatif à l’égalité

professionnelle entre les hommes et les femmes dans la fonction publique.

Ce rapprochement dans notre droit et cet amalgame apparent entre les deux phénomènes ne

doivent pas laisser penser qu’ils coïncident nécessairement, le harcèlement moral peut prendre

plusieurs autres formes que celui envisageable en cas du harcèlement sexuel, il conviendrait donc

de développer les différentes formes

§ 2- Les différentes formes du harcèlement moral

25 Article 222-33 du code pénal 26 Article 222-33-2 du code pénal

Page 16: Master spécialité Administration et finances publiques

15

La définition extensive du harcèlement moral a permis d’englober diverses situations dans

le champ de ce phénomène, ou plutôt c’est la diversité des formes de ce phénomène qui a permis

l’approfondissement de sa définition en l’encadrant par des éléments constitutifs. Plusieurs critères

peuvent servir de base pour en classer les différentes formes.

Vu que le législateur n’a pas imposé une hiérarchie des conditions dans la détermination du

harcèlement moral, la première classification qui peut être donc faite à cet égard c’est une

classification fondée sur la relation existant entre harcelé et harceleur, la deuxième est fondée sur

la nature même de l’acte.

b) Classification relative aux sujets

Trois classifications sont envisageables dans ce cadre, le harcèlement vertical ou descendant,

qui s’exerce d’un supérieur hiérarchique vers un subordonné, le harcèlement horizontal qui

s’exerce entre collègues sans lien de subordination, et le harcèlement ascendant, qui s’exerce d’un

subordonné vers un supérieur hiérarchique.

Ce dernier type de harcèlement, et sa poursuite, a été confirmé par la Chambre Criminelle

de la Cour de cassation le 6 décembre 2011 : « La cour d'appel, qui a ajouté à la loi des conditions

qu'elle ne comporte pas…, en subordonnant le délit à l'existence d'un pouvoir hiérarchique, alors

que le fait que la personne poursuivie soit le subordonné de la victime est indifférent à la

caractérisation de l'infraction, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés ».27

Il faut noter que le législateur n’a pas mis une condition concernant le statut du

fonctionnaire, il peut s’agir d’agents titulaires ou non titulaires «…les dispositions du présent

article sont applicables aux agents non titulaires de droit public ».28

b) Classification selon la nature de l’acte

Marie-France HIRIGOYEN propose quatre catégories de harcèlement moral 29 : isolement

et refus de communication (la personne sera ignorée et privée de tâches sur son lieu de travail) ;

27 Cass.Crim. 6 déc. 2011, Bull. 249 pages 955 et s.

28 V. loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, art. 6 quinquies.

29 HIRIGOYEN, Marie-France, Le harcèlement moral au travail. Etat des lieux, France, PUF, collection

encyclopédique, décembre 2014, p. 13 à 16

Page 17: Master spécialité Administration et finances publiques

16

atteinte aux conditions de travail : la victime sera disqualifiée, à un point qu’elle se disqualifiera

elle-même ; les attaques personnelles, c’est-à-dire les atteintes à la dignité ; les intimidations,

concernant des actes pouvant inspirer une crainte à la victime afin qu’elle parte.

Le harcèlement moral peut donc être classé autour de trois axes principaux englobant ses

différentes formes : l’ignorance ou le harcèlement passif, la sous-estimation ou la disqualification,

et l’humiliation et l’atteinte à la dignité.

Chapitre 2 – L’ignorance du phénomène : le cas de l’Egypte

Le système juridique égyptien, ne s’intéresse pas à ce phénomène, cette ignorance juridique

ne traduit pas évidemment l’absence du phénomène, aucunement, parfois ce sont les

comportements les plus dangereux et les plus répandus qui sont ignorés par les systèmes juridiques

quelle que soit la justification ou le fondement de cette ignorance.

Section 1 - Un vide juridique

Aucun texte juridique égyptien ne définit ce qu’est le harcèlement moral, ni dans le code

de la fonction publique ni dans le code pénal, la base juridique utilisée actuellement est un texte

général du code de la fonction publique.

§ 1 -Texte général du code de la fonction publique

Le code de la fonction publique numéro 47 de l’année 1978 prévoit dans son article 78

:« est sanctionné disciplinairement, tout fonctionnaire qui déroge aux exigences des obligations de

la fonction ou qui se comporte par un comportement incompatible avec les exigences et le respect

de cette fonction » (traduction libre).

La question qui peut se poser dans ce cadre, est celle de l’avantage que peut porter les textes

généraux, en permettant d’englober toutes sortes d’agissements et de comportements dérogatoires

aux obligations et au respect de la fonction publique. Celle était la réflexion du législateur égyptien

en insérant ce texte général, en plus des textes numérotant les comportements sanctionnés.

Néanmoins, l’existence de ce texte ne sera pas avantageux dans tous les cas, au contraire, un

phénomène comme le harcèlement moral vaut mieux qu’il soit bien encadré, surtout s’il sera

sanctionné pénalement aussi, et ce afin d’éviter les risques d’abus. Un abus d’excès de pouvoir qui

n’a pas été répété et n’est pas susceptible d’altérer la santé physique ou mentale de la victime et

Page 18: Master spécialité Administration et finances publiques

17

compromettre son avenir professionnel ne sera pas donc qualifié de harcèlement moral, et sera

basé sur les textes généraux du code. Cela était le cas du système français avant la codification du

harcèlement moral, le juge se basait donc sur la notion d’exercice anormal du pouvoir hiérarchique

pour le sanctionner sans chercher beaucoup au-delà du comportement ou ses conséquences. Un

encadrement spécifique aura comme but de sanctionner un phénomène répétitif et donc entraînant

des conséquences graves ce qui justifiera à son tour une sanction grave telle qu’une sanction

pénale.

Quelle que soit la justification de ce vide juridique, les victimes du harcèlement moral ne

disposent actuellement que de cet article général pour fonder leurs recours en justice, qui est aussi

utilisé par les prétendues victimes.

§ 2 - Le droit d’ester en justice

La Constitution garantit dans son article 97, le droit d’ester en justice. Néanmoins aucun

texte ne prévoit une sanction de l’abus de ce droit. La dénonciation calomnieuse n’est prévue qu’en

droit pénal et elle est rarement applicable, d’où peuvent naître des cas d’abus d’ester en justice.

Naturellement, la jurisprudence a évidemment sanctionné les comportements révélant un

abus de ce droit, mais il n’existe pas de texte explicite, cette sanction elle aussi est donc basée sur

les textes généraux et laissée à l’appréciation de chaque juge.

Section 2 - La double face du harcèlement

Il y a évidemment de vraies victimes du harcèlement, mais également des prétendues

victimes qui estiment, à tort et à raison, être harcelés par leurs supérieurs hiérarchiques, c’est la

problématique auquel se heurte ce phénomène en Egypte, un abus de droit d’ester en justice, contre

sa hiérarchie, manifestation d’un malaise général de la fonction publique né de la baisse des

salaires et d’une démotivation des fonctionnaires souffrant d’un management très déficient.

§ 1 - Victime ou prétendue victime.

La faiblesse de la rémunération des fonctionnaires peut entrainer une démotivation de ces

derniers et donc un non accomplissement de leurs missions. S’ajoute à cela le stress subi par le

fonctionnaire dans sa vie privée ou même du fait de ses conditions de travail. Cela ne justifie pas

Page 19: Master spécialité Administration et finances publiques

18

de ne pas prendre en considération l’existence de victimes d’un réel harcèlement et donc la

nécessité d’un encadrement juridique précis pour les protéger.

En plus une dégradation des conditions de travail, selon la définition du droit français, ne

doit pas être le but de ce comportement, ça peut être donc une conséquence, un fonctionnaire qui

n’accomplit pas son travail, n’est pas donc en abri d’une violence de harcèlement moral, cette

dernière peut s’exercer dans un but à motif personnel, pour une des raisons déjà développées, et

évidemment, en aucun cas, elle ne peut être une sanction que subi le fonctionnaire qui

n’accomplisse pas ces mission ou ces obligations, ce dernier devra être sanctionné par les voies

juridiques légales. C’est ce qu’a décidé le juge administratif français avec l’arrêt « Dame

Montaut »30, indiquant que dans le cas où l’existence du harcèlement moral est établie, le

comportement de la victime ne peut pas justifier ces agissements et exonérer l’administration de

sa responsabilité en estimant que celui-ci a contribué à cette dégradation des conditions de travail.

La répétition comme condition de prise en compte de ce phénomène de violences permet

d’éviter les abus, un acte isolé sera donc sanctionné sous un autre titre que le harcèlement moral.

L’ignorance du phénomène n’est donc pas la solution, au contraire c’est un encadrement

juridique précis et une prévention efficace qui limitera les cas d’abus et protègera donc les vraies

victimes qui sont certainement les plus nombreuses et on peut penser qu’elles pourraient être

encore plus nombreuses à se déclarer si leurs droits étaient plus précisément définis et leur action

mieux encadré et protégé. Ces victimes dans la plupart des cas subissent un harcèlement

discriminatoire

§ 2 - Le harcèlement discriminatoire : la forme la plus répandue notamment

contre les femmes

Vu que c’est un phénomène dont l’origine est en lien avec la vie sociale, l’éducation et la

culture, le harcèlement à motif discriminatoire notamment contre la femme est le plus répandu. Il

s’exerce surtout contre les femmes accédant à des fonctions de responsabilité importante. La

plupart du temps, il s’exerce par l’injure et la critique systématique l’auteur s’attaquant à la dignité

de la personne ou à sa vie privée.

30 CE. 11 Juillet 2011, n° 321225 Recueil p. 350 et s.

Page 20: Master spécialité Administration et finances publiques

19

Cette discrimination contre les femmes, existe partout, c’est sa gravité, son degré ou son

origine qui diffère d’un pays à un autre. Si dans certains pays c’est la culture qui entraine cette

distinction, une culture qui a créé une image refusant d’accepter qu’une femme se trouve dans un

tel poste en ayant une certaine autorité ou croyant qu’elle n’est pas qualifiée pour y parvenir, dans

d’autres pays, c’est peut-être la nature de la femme, qui est à l’origine de ce comportement, c’est

ce qui explique le fait qu’une grande partie de ces discriminations sont contre les femmes

enceintes.

Ce qui prouve que les femmes représentent une grande partie des victimes de ce phénomène, c’est

que cette discrimination commence même avant leur accès à certains postes ou même par le refus

de leur accès à ces postes, en se basant sur un préjugé de disqualification émanant d’une culture

sous estimant la femme. Ce comportement révèle donc un comportement général discriminant la

femme. Si parfois cette discrimination arrive à empêcher son accès à un tel poste, elle pourra

encore plus se manifester évidemment une fois qu’elle sera en place et cela à tout moment de sa

carrière.

Cette discrimination contre les femmes, est vécue aussi en France, discrimination face à

laquelle, un protocole d’accord relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction

publique a été signé le 8 mars 2013 avec l’ensemble des organisations syndicales et les

représentants des employeurs publics. Le but de ce protocole est de réaliser une égalité

professionnelle réelle entre hommes et femmes et d’éviter tout comportement discriminatoire

contre les femmes. Parmi les mesures prévues, il y a la lutte contre les stéréotypes et les

discriminations contre les femmes dans le cadre de l’égalité professionnelle, la mise en place de

politiques et de démarches permettant la suppression des inégalités salariales entre femmes et

hommes, la réalisation d’une égalité représentative dans le cadre du dialogue social, ainsi que la

vérification du caractère non discriminatoire des processus de recrutement et de l’égalité d’accès

aux formations. Un des exemples concerne le droit au congé de paternité et d’accueil de l’’enfant

dans la fonction publique, dans les mêmes formes que pour le congé prévu pour à la mère.

Cette présentation de la lutte contre le harcèlement, dans les deux pays qui nous intéressent,

en ce qui concerne les bases juridiques, ainsi que ses raisons et ses formes, qui restent plus ou

moins communs, permettra de bien définir les éléments qui permettront au droit égyptien de

Page 21: Master spécialité Administration et finances publiques

20

s’inspirer du droit français afin d’encadrer et de sanctionner ce phénomène tout en écartant ou

éliminant les abus.

Mais est ce que le système français ne cherche à combattre ce phénomène par la seule voie

de la sanction ou de la répression, n’est-il pas plus utile, de mettre en place une politique de

prévention ? Le système français est vigilant et conscient d’une telle nécessité, la jurisprudence

n’avait-elle pas un rôle primordial dans l’encadrement de ce phénomène ? Ces éléments seront-ils

avantageux dans le but d’une élimination des risques d’abus ?

En examinant non plus comment le harcèlement moral se manifeste et comment le définir

pour ensuite l’empêcher, on va montrer que la prévention prévue en droit français doit aussi être

prise en considération dans un aménagement d’un ensemble protecteur et sanctionnateur par le

système égyptien. Prenant en considération la situation avec retard, le législateur égyptien pourra

ainsi tirer des enseignements utiles pour une protection immédiatement efficace et complète.

SECONDE PARTIE - VERS UNE PROTECTION EFFICACE

Après avoir tracé les limites de la notion de harcèlement moral et présenter l’état de la

législation en France et en Egypte, il s’agit maintenant de présenter les développements que peut

prendre cette question en droit égyptien, à la lumière de la situation en France. Notre sujet ne

concernant que la situation dans la fonction publique, notre exposé s’inspirera de ce qui est prévu

dans l’administration en France.

Afin de limiter, à la fois, les risques de harcèlement et les dommages qui peuvent en

résulter, on ne peut se contenter de mettre en place les conditions d’une sanction juridique, mais

il est préférable de chercher à éviter une intervention judiciaire en imposant au sein des

administrations différents modes de prévention du harcèlement.

Ce n’est qu’en cas d’échec de ces mesures que la victime, avec ou sans le concours de sa

hiérarchie, pourra mettre en route la machine judiciaire pour aboutir à une sanction et une

réparation. Dans cette hypothèse, il est souhaitable que les règles habituelles applicables lors du

procès soient aménagées afin de faciliter l’action de la victime, cet assouplissement, favorable à la

victime, ne doit pas cependant être une source de plaintes excessives, ni laisser sans sanction la

prétendue victime dont le comportement serait la manifestation de l’exercice abusif d’un droit.

Page 22: Master spécialité Administration et finances publiques

21

Cela nous conduit à présenter, dans un premier chapitre, les aspects que pourrait prendre la

mise en place, à l’imitation des solutions françaises, d’une prévention efficace, tandis que le second

chapitre présentera les aménagements que l’on pourrait apporter dans le régime de droit commun

des actions en justice pour renforcer la sanction de harcèlement juridiquement établis.

Chapitre 1 - La nécessité de la prévention

Le système français, a mis en place, une forme de protection préventive et réparatrice

définie par l’article 11 de la loi du 13 Juillet 1983, ainsi qu’une forme de prévention encadrée par

l’accord-cadre du 22 octobre 2013 relatif à la prévention des risques psycho-sociaux dans la

fonction publique, signé avec l’ensemble des organisations syndicales et les représentants des

employeurs publics. Ces éléments textuels forment la base de la nécessaire prévention du

harcèlement moral. Mais les intentions, même suivies de mesures pratiques ne peuvent être

efficaces que si on a la garantie qu’elles seront réellement appliquées, ce qui impose un contrôle

renforcé et régulier de la part des inspecteurs de la fonction publique.

Section 1 - Les mesures existantes

Il s’agit de deux volets principaux de prévention, celle dite protection professionnelle et

celle concernant les risques psycho-sociaux, puisque le harcèlement moral entre dans le champ

d’application de ces deux modes de protection.

§ 1 -La protection Fonctionnelle

L’administration doit protéger les fonctionnaires des risques de harcèlement moral sur la

base de l’article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 précité, qui non seulement le définit mais

prohibe toute acte portant préjudice à la victime à cause de dénonciation de ce phénomène, ainsi

que ceux que peuvent subir les témoins.31

31 Article 6 quinquiés : « Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération :1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait

Page 23: Master spécialité Administration et finances publiques

22

A part cette protection, l’article 11 de la même loi a défini une protection dite professionnelle,

dont peut bénéficier une victime de harcèlement moral, puisqu’elle énonce trois situations subies

par le fonctionnaire à l’occasion ou dans le cadre de l’exercice de ses fonctions : 32

Les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages.

La mise en cause de sa responsabilité pénale.

En cas des condamnations civiles prononcées contre lui.

Il s’agit de l’équivalent de l’obligation de sécurité auquel est soumis l’employeur du secteur

privé33, et qui a connu récemment, une évolution la limitant, avec l’arrêt de la Cour de Cassation

du premier juin 2016. Auparavant, l’employeur ne pouvait pas être exonéré de sa responsabilité,

même en cas d’absence de faute de sa part, autrement dit même s’il aurait pris les mesures

nécessaires pour faire cesser les attaques subies par une victime34. En 2015, cette exigence était

allégée en décidant que l’employeur qui a pris les mesures nécessaires, n’est pas considéré

dérogeant à cette obligation35 , c’est ce qu’a été confirmé par la récente décision36.

Cette protection couvre les agents titulaires ou non titulaires et même en retraite, ainsi que les

militaires disposant de droits identiques à ceux des fonctionnaires publics civils, les magistrats

judiciaires sur le fondement de l’article 11 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 ainsi que le

agents placés en disponibilité, détachés ou mis à la disposition d’un organisme privé si les faits en

question ont été commis au sein de l’administration.37 Il incombe à l’administration de la mettre

en place, même si la victime n’invoque pas explicitement l’article qui la prévoit38. Il ne s’agit pas

témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ». 32 Article 11 de la loi numéro la loi 83-634 du 13 Juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires 33 Cass.Soci. n°13-18603 du 11 mars 2015 34 Cass.Soci.3 février 2010 n° 08-44.019, bull. N° 30 35 Cass. Soci.25 novembre 2015, n° 12-24.444 36 Cass.Soc.1 Juin 2016, n°14-19.702 inédit au Bull, disponible sur

https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/1068_1er_34378.html « Ne méconnait pas

l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé

physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris

toutes les mesures de prévention prévues par les articles L 4121-1 et L 4121-2 du code de travail et qui informé de

l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à les faire

cesser ». 37 Circulaire n° 2158 du 5 mai 2008 relative à la protection fonctionnelle des agents publics de l’état. 38 TA de Lyon 11 décembre 2003, weigel n°0200103, circulaire 2008 opt.cit

Page 24: Master spécialité Administration et finances publiques

23

uniquement d’une protection réparatrice ou d’une assistance juridique - qui consiste

principalement en de conseils dans le choix des avocats, une prise en charge des frais de ce dernier,

ainsi que les dépenses d’huissier, ou liées à la consignation exigée lors de la plainte, d’un

accompagnement tout au long de la procédure - mais également d’une protection plus ou moins

préventive puisque l’administration sera obligée de faire cesser ces agissements.

Vu que le législateur n’a pas prévu les moyens de la mise en place de cette protection, c’est la

jurisprudence qui a complété son encadrement, une décision du tribunal administratif de Lyon du

19 mai 199839 a décidé qu’une telle protection doit être complétée par un soutien psychologique

de la victime sans préciser les modalités de ce soutien. La jurisprudence considère aussi que la

liste des attaques prévue dans la loi n’est pas exhaustive40 et que le choix des moyens relève de la

compétence de l’administration, à condition qu’ils soient considérés comme suffisants pour la mise

en place de cette protection.41

Une circulaire datant de 5 mai 2008 a précisé les conditions et les modalités de cette protection,

quant aux moyens que l’administration devait mettre en œuvre notamment pour faire cesser une

situation de harcèlement moral, ils ont été précisés par le ministre de la fonction publique42.

Ces mesures peuvent donc consister en l’ouverture d’une enquête administrative, des actions

disciplinaires contre l’auteur de l’agression43, ou une suspension des fonctions44, une mutation

l’éloignant de la victime, un rétablissement de la situation de la victime affectée par l’agression,

ou encore des solutions pratiques telles qu’un changement du numéro de téléphone ou de l’adresse

électronique professionnelle ainsi qu’une lettre d’admonestation à l’auteur des attaques sont

envisageables45

La circulaire déjà citée a également précisé les conditions d’octroi de cette protection. Les

attaques doivent avoir comme but de nuire au fonctionnaire en raison de ses fonctions ou de sa

39 Arret Jarnet N° 9500306, circulaire op.cit 40 CA Nancy, 2 août 2007, n° 06NCO1324, circulaire op.cit 41 CE 18 mars 1994 Rimassin n° 92410 Recueil P. 147 et s, CE 21 février 1996 De Maillard n° 155915 Recueil p. 48 et s. 42 quest. écr. AN n°61894 du 27 octobre 2009 43 CE, 21 novembre 1980, Daoulas n° 21162 pages 771 ; Rép. min. n°3765, JO Sénat 3 juillet 2008 p. 1350. 44 Rép. min. n°13166, JO Sénat 28 juillet 2011 p.1989. 45 Circulaire n° 2158 du 5 mai 2008 op.cit

Page 25: Master spécialité Administration et finances publiques

24

qualité de fonctionnaire46, elle n’est pas envisageable en cas de faits commis

involontairement47.Elles doivent être dirigées contre sa personne ou ses biens personnels48, et

doivent être réelles, la victime doit prouver la matérialité des faits et l’existence d’un préjudice

direct49.

Cette demande doit être écrite et adressée au service compétent par un courrier, elle doit être

motivée, précise et présentée de préférence avant le procès engagé contre l’auteur des attaques. Le

refus par l’administration de l’octroi de cette protection doit également être explicite et motivé,

mentionnant les moyens de protection proposés et ce dans les meilleurs délais. Le silence de

l’administration dépassant deux mois sera considéré comme un rejet de la demande. La

responsabilité de l’administration pourrait alors être engagée en cas de refus illégal entraînant un

préjudice50. La victime pourra alors avoir recours au juge administratif pour constater l’illégalité

de la décision de refus, obtenir des dommages et intérêt et obtenir la mise en place de la protection

sollicitée puisque l’administration ne peut pas la refuser si les conditions sont réunies51 et même

si le comportement du fonctionnaire n’est pas entièrement satisfaisant 52ou s’il s’agit des faits

relevant des fonctions d’un poste que la victime n’occupe plus.53

En revanche, cette protection peut être refusée, pour un intérêt général justifié54 ou dans le cas

des demandes extrêmement tardives à un moment qui place l’administration dans l’impossibilité

d’agir et ou de pouvoir prendre aucune mesure de protection,55ou en cas de faute personnelle du

fonctionnaire, détachable du service.

C’est l’arrêt du conseil d’Etat du 12 mars 201056 qui a inséré le harcèlement moral dans le cadre

de cette protection, vu les conditions précitées, sa mise en place en cas du harcèlement moral est

46 CE 6 novembre 1968 Morichère n° 70283 Recueil p. 545 et s. 47 CE 9 mai 1971 vacher-desvernais inédit au Recueil 48 CE 24 février 1995 Vasseur, n°112538 inédit au Recueil 49 CAA Paris 16 mai 1989 n° 89PA00078, Circulaire op.Cit 50 CE 17 mai 1995 Kalfon n° 141635 inédit au Recueil 51 CE 17 janvier 1996 Mlle Lair n° 128950 inédit au Recueil 52 CE 24 Juin 1977 Dame Deleuse n° 93480- 93481-93482 Recueil p. 294 et s. 53 CE 17 mai 1995 Kalfon n° 141635 54 CE 14 février 1975, Teitgen ( Paul ) n° 87730 Rec p.112 et s, CE 18 mars 1994, Rimasson n°92410 Recueil P. 147 et s. 55 CE 21 décembre 1994 Mme Laplace n°140066 Recueil p.1005 56 CE, 12 mars 2010, n°308974, inédit au Receuil

Page 26: Master spécialité Administration et finances publiques

25

donc compliquée concrètement, surtout que ce dernier peut être involontaire dans certains cas en

en revanche, récemment, la loi relative à la déontologie, aux droits et aux obligations du

fonctionnaire du 20 avril 2016 a modifié l’article 11 précité en insérant explicitement le

harcèlement moral dans le cadre de cette protection . En plus une nouvelle jurisprudence57 a

séparé entre le contentieux engagé contre l’auteur et celui engagé contre l’administration.58

Quant au deuxième volet de cette prévention, il a été organisé par l’accord-cadre du 22 octobre

2013 relatif à la prévention des risques psycho-sociaux dans la fonction publique.

§ 2-La prévention des risques psycho-sociaux

Cette prévention trouve son fondement juridique dans l’article 23 de la loi du 13 juillet

1983, imposant de garantir la protection de la santé et de la sécurité des fonctionnaires «Des

conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont

assurées aux fonctionnaires durant leur travail ».

En application de cet article, l’administration doit prévenir les risques professionnels dont

font partie les risques psycho-sociaux, ces derniers sont définis comme « les risques pour la santé

mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels

et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental. »59 Le harcèlement moral

en fait donc partie.

Les modalités de cette prévention trouvent leur origine dans les règles du code de travail

c’est ce que souligne l’accord déjà précité qui a rappelé que les dispositions de l'article L.4121-2

du Code du travail sont applicables à la fonction publique et établissent les principes généraux de

57 CE, 20 mai 2016 N° 387571 58 MAZZA Christelle, le nouveau régime de la protection fonctionnelle, disponible sur http://www.village-

justice.com/articles/une-clarification-certes-attendue,22331.html, consulté le 10 Juin 2016 « Cet arrêt du Conseil

d’état ne concerne pas le harcèlement moral mais il ouvre une voie intéressante sur la reconnaissance en fin comme

en droit du travail de la responsabilité de l’employeur dans la commission des infractions et fautes commises par

ses agents sur d’autres. Il n’y a plus qu’un pas à faire reconnaitre le harcèlement institutionnel et a responsabiliser en

fin les administrations sur leurs fautes managériales » 59 Rapport du collège d’expertise sur le suivi statistique des risques psycho-sociaux au travail (Gollac et Bodier) en date du 11 avril 2011

Page 27: Master spécialité Administration et finances publiques

26

la prévention.60.Dans ce cadre, également comme pour la protection professionnelle, la

responsabilité de l’administration pourra être engagée si les mesures nécessaires pour cette

prévention n’ont pas été prises.61

Parmi les mesures de prévention des violences internes, dont le harcèlement moral, et selon

le plan d’action ministériel de prévention des risques psychosociaux datant du 6 décembre 2013,

on peut citer : la sensibilisation et l’information des agents ainsi que de la hiérarchie sur les

définitions du harcèlement moral et sexuel, la gestion des conflits, l’élaboration de protocoles

contre l’agression intégrant la conduite à tenir, et ce par les modalités suivantes respectivement :

l’affichage sur tous les lieux de travail du texte de l’article 222-33-2 du code pénal sur le

harcèlement moral et du texte de l’article 222-33 du code pénal sur le harcèlement sexuel,

l’élaboration d’un règlement intérieur ou d’une charte de bonnes pratiques, la formation initiale

et continue des Ressources Humaines, la mise en place de ces protocoles par chaque direction. Ce

plan traite également de l’amélioration de l’accès à la prévention médicale, un aspect en lien avec

le harcèlement moral. Il précise certaines actions dont notamment l’affichage, sur chaque site, des

coordonnées du médecin de prévention compétent et la diffusion du livret d’accueil à tous les

arrivants pour qu’ils aient connaissance des coordonnées et des missions des médecins de

prévention.62

Cette prévention révèle l’importance du rôle des syndicats au sein de la fonction publique,

contrairement à leur rôle au sein de la fonction publique égyptienne, où elle se réduit de plus en

plus, mais d’autres moyens ne sont-ils pas possibles pour prévenir cette forme de violences et

protéger les fonctionnaires ? Un moyen ayant plusieurs effets, non seulement une lutte contre le

60 Application partielle du code de travail qui avait été prévue par les décrets n˚82-453 du 28 mai 1982 et n˚85-603

du 10 juin 1985.

61 Dans ce cadre, des formations des acteurs de la prévention de ces risques, un guide méthodologique, ainsi qu’une

diffusion d’un livret d’information relatif aux risques professionnels sont nécessaires.

62 Il faut noter que l’affichage dans les lieux de travail de l’article 222-33-2 du code pénal, ne constitue pas une obligation pour

l’administration, puisqu’elle ne concerne que les employeurs privés et les personnels des personnes publiques employés dans les

conditions du droit privé et ce en vertu de l'article L. 1151-1 du code du travail.

Page 28: Master spécialité Administration et finances publiques

27

harcèlement moral mais également une amélioration du fonctionnement de l’administration par un

contrôle régulier des fonctionnaires.

Un renforcement du rôle des inspecteurs par un contrôle continu et régulier parviendra à

lutter contre plusieurs fléaux que connait l’administration dont le harcèlement moral.

Section 2 - Le renforcement du rôle des inspecteurs : rôle à avantages multiples

Les relations entre les fonctionnaires ou celles des fonctionnaires avec les usagers obéissent

à des règles spécifiques. La spécificité de la fonction administrative peut expliquer, des

comportements qui ne seraient pas acceptés dans les relations sortant de ce cadre réservé. Il est

important de pouvoir distinguer, quant à un prétendu harcèlement moral, ce qui n’est que l’effet

de la hiérarchisation des rapports professionnels et ce qui la dépasse et n’est pas acceptable, même

dans l’administration.

Les limites entre ces deux comportements seront plus faciles à tracer, non seulement par

l’effet des mesures de prévention bien expliquées aux intéressés, mais aussi par le renforcement

des contrôles. Si les inspections sont plus fréquentes et plus sérieuses, elles pourront avoir un effet

dissuasif non négligeable.

§ 1-Les spécificités de la fonction publique.

Le système administratif français ainsi que le système égyptien connaissent certaines

caractéristiques spécifiques, auxquelles se heurte le harcèlement moral, c’est ce qu’avait bien

expliqué l’avocate Christelle MAZZA dans son article « Du harcèlement moral au risque psycho-

social dans la fonction publique »63

La spécificité primordiale résulte de l’obligation d’obéissance hiérarchique, prévu par

l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983 : "tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie,

est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions

de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de

63 MAZZA, Christelle, Revues Lexbase Hebdo édition publique n˚323 du 13 mars 2014, p.2 Disponible sur http://armide-avocats.com/du-harcelement-moral-au-risque-psycho-social-dans-la-fonction-publique/ consulté le 14 avril 2016

Page 29: Master spécialité Administration et finances publiques

28

nature à compromettre gravement un intérêt public". Cette obligation, qui existe évidemment en

droit privé, peut-être plus stricte ou plus spécifique, dans l’administration vu son lien avec l’intérêt

général.

De même, en droit égyptien, cette obligation est prévue par l’article 76 alinéa 8 du code de

la fonction publique.

Dans le cadre de cette obligation qui caractérise la relation entre supérieur hiérarchique et

subordonné, un phénomène de harcèlement moral est plus envisageable surtout que cette relation

consiste en une sorte de surveillance impliquant et générant des ordres.

Ce pouvoir élargi se manifeste également lors de l'évaluation professionnelle, qui consiste

en un entretien d'évaluation, conduit par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire, qui

établit également le compte rendu de l’entretien et le signe. « Soumise au contrôle et à

l'approbation du supérieur hiérarchique direct, elle peut devenir un véritable déclencheur

procédural de harcèlement moral laissant l'agent public sous le seul contrôle et la seule

appréciation de son supérieur hiérarchique si celui-ci le harcèle »64.

De même le devoir de réserve auquel est soumis le fonctionnaire en fonction de l’article

26, deuxième alinéa de la loi du 13 juillet 1983 et de l’article 77 alinéa 7 du code égyptien de la

fonction publique, peut constituer un obstacle dans la dénonciation des faits de harcèlement moral,

en la soumettant à l’autorisation du supérieur hiérarchique qui peut lui-même être l’auteur du

harcèlement, puisqu’à défaut la victime peut se trouver coupable de non-respect de ce devoir. On

doit s’en remettre à l’appréciation du juge pour faire l’équilibre entre le respect de ce devoir et le

droit du fonctionnaire victime d’être protégé en cas de dénonciation des faits de harcèlement moral.

A part ces deux spécificités développées par l’auteur précité, le harcèlement moral comme

défini en droit français, peut se heurter à la dégradation des conditions de travail, surtout dans

64 MAZZA, Christelle, Revues Lexbase Hebdo édition publique n˚323 du 13 mars 2014, p.2 disponible sur http://armide-avocats.com/wp-content/uploads/2014/03/HM-et-RPS.pdf consulté le 14 avril 2016. Dans le même sens : V. DURIEZ Anne, Le harcèlement moral dans la fonction publique, spécificités, enjeux et issues, 2005, Editions du papyrus,p.72. : « Aussi, ce supérieur hiérarchique peut-il être tenté, en cas de mésentente, de jalousie, ou de

relations personnelles difficiles avec l’agent, d’utiliser ce pouvoir pour sanctionner son subordonné de manière

indirecte, en motivant la mauvaise notation par des éléments professionnels suffisamment imprécis et négatifs pour

entraver la preuve contraire ».

Page 30: Master spécialité Administration et finances publiques

29

l’administration égyptienne, puisque pour apprécier cette dégradation il incombera évidemment

d’avoir des éléments permettant de comparer l’état des conditions de travail antérieures et l’état

actuel contesté dans le cadre d’une dénonciation de harcèlement moral.65

On peut constater que le risque commun que peuvent faire naître ces trois spécificités,

résulte de l’absence d’une tierce personne, permettant de faire apparaître la vérité. Cela fait qu’elle

peut être dissimulée par l’auteur du harcèlement disposant de pouvoirs élargis. Cette intervention

d’un tiers pourra être utile pour éviter de concentrer les moyens de preuve entre les deux acteurs

du harcèlement moral, la victime et l’auteur. Cette personne, caractérisée par sa neutralité, peut-

être le juge, mais son rôle n’apparaît qu’a posteriori pour sanctionner et réparer, lorsque la victime

a pu aboutir dans sa demande. Ne serait-il pas nécessaire de confier un rôle à l’inspection avant

l’intervention du juge ? Cela permettrait également au juge lui-même d’avoir recours aux résultats

de cette inspection afin de pouvoir apprécier la fiabilité des preuves présentées par l’un et par

l’autre.

Même s’il existe de recours gracieux, dans le système égyptien ou français, un contrôle

régulier par des inspecteurs, totalement neutres, ne dépendant pas de l’administration en cause,

serait plus efficace. De plus, par son caractère dissuasif, il permettra d’éliminer des cas de

harcèlement, puisqu’un supérieur hiérarchique sera plus vigilant dans ses comportements

notamment en ce qui concerne l’évaluation professionnelle. Sachant que régulièrement lui et son

subordonné seront contrôlés, il hésitera à abuser de sa position hiérarchiquement supérieure en

estimant, par exemple, que son subordonné n’est pas en mesure de produire un travail d’un niveau

de fiabilité acceptable, contrairement à la réalité.

L’article 28 du Code de la Fonction publique numéro 47 de l’année 1789 prévoit que

l’évaluation annuelle du fonctionnaire ayant une mention excellente ou faible doit être justifiée, à

défaut, elle ne sera pas ratifiée. Néanmoins, il n’existe pas un contrôle régulier pour suivre ces

évaluations ni des rapports suffisants, avec contrôle sur pièces, examinant la réalité et la régularité du

travail des fonctionnaires. La victime pourrait donc avoir recours à la commission des griefs, qui est

composée de membres du syndicat et de membres du personnel de l’administration en cause. Mais

65 Anne Duriez, op. cit, p. 16.

Page 31: Master spécialité Administration et finances publiques

30

cette procédure est lente, ce qui aura pour conséquence de retarder la promotion de la victime et

évidemment pourra avoir des conséquences sur sa santé.

De ce qui précède, on peut déduire que cette extension du rôle des inspecteurs, aura

plusieurs avantages, elle permettra une amélioration du fonctionnement de l’administration,

puisqu’elle éliminera les excès de pouvoir exercés par les supérieurs hiérarchiques, contrôlera

d’une manière durable le travail des fonctionnaires et finalement pourra être utilisée en tant que

mode de preuves pour les vraies victimes.

§ 2- Le renforcement des contrôles

La recherche d’efficacité dans la prévention et dans la sanction, qui résultera du développement

de l’inspection, impose d’une part de rendre plus régulier le rythme des inspections et d’autre part

de mieux préparer les inspecteurs à leurs nouvelles attributions en leur offrant une formation

adaptée et en leur garantissant une véritable indépendance.

a)Un contrôle régulier

Le recours à des éléments écrits résultant d’un contrôle préalable exercé par une inspection

permettrait de donner une réponse plus argumentée pour juger de la fiabilité et de la sincérité de

ce qui est mentionné dans le compte rendu de l’évaluation. Une mission annuelle pourrait donc

être mise en place non seulement pour réviser le travail du fonctionnaire mais en même temps pour

contrôler l’existence d’un excès de pouvoir exercé par le supérieur hiérarchique en comparant les

évaluations faites par ce dernier avec les travaux et missions accomplis par le fonctionnaire.

Les missions des inspecteurs, dans le système égyptien ne sont pas faites régulièrement et

systématiquement. Elles interviennent seulement suite à une demande de la part d’autres organes,

notamment les ministères ou les tribunaux, pour des cas précis, ou dans un but précis. En dehors

de ces interventions, faisant suite à une demande circonstanciée, il existe un plan annuel prévoyant

des missions d’inspection sur tel ou tel service d’une administration choisie par hasard et sans

information préalable de l’administration inspectée.

Un contrôle plus précis et plus régulier pourrait limiter le dysfonctionnement sous toutes ses

formes, y compris la dégradation des conditions de travail et plus spécialement le harcèlement

moral.

Page 32: Master spécialité Administration et finances publiques

31

b) Une formation spécifique

Dans la mesure où la question du harcèlement moral n’est pas envisagée clairement dans la

réglementation actuellement applicable aux fonctionnaires, les inspecteurs ne sont pas préparés à

effectuer des contrôles efficaces en ce domaine. Pour garantir l’efficacité de leur intervention, une

formation des inspecteurs est indispensable. Non seulement en leur expliquant la notion dans ses

aspects juridiques, mais également en développant l’approche psychologique des situations

sources de harcèlement.

c) Une activité exercée en toute indépendance

Pour établir leur rapport de manière neutre, le corps des inspecteurs de l’Administration doit

bénéficier d’une totale indépendance vis-à-vis de cette dernière. Une réforme du régime encadrant

leur travail est nécessaire, elle permettra de créer un statut particulier les plaçant auprès du

ministère de la justice et ainsi indépendants des différentes administrations qu’ils sont chargés de

surveiller. De plus, pour éviter tout risque de corruption, leur activité devrait s’effectuer de manière

anonyme. L’inspecteur qui sera chargé du dossier de tel ou tel fonctionnaire, dans telle ou telle

administration, ne doit pas être connu par les contrôlés et tous les documents qui lui seront

nécessaires pour exercer son contrôle lui seront transmis au ministère de la justice, il s’agira donc

d’un contrôle sur pièces et non sur place.

C’est la complexité des modes de preuves qui justifient une telle prévention et un tel

contrôle interne, il vaut mieux prévenir ce phénomène que de se trouver dans l’incapacité de le

sanctionner, pour manque de preuves, néanmoins la jurisprudence peut aussi contribuer à un

meilleur encadrement de ce phénomène en assouplissant les moyens de preuves utilisables.

Chapitre 2 – Un contentieux adapté

L’intérêt que l’on doit porter à la victime de tels agissements impose de se pencher sur les

difficultés qu’elle peut rencontrer dans sa démarche destinée à faire cesser et punir les agissements

dont elle souffre. Le simple fait de les dénoncer exige déjà un effort psychologique de sa part, on

doit éviter d’ajouter des obstacles à sa démarche, ce qui sera le cas si on ne prévoit pas d’aménager

certaines règles de droit commun appliquées devant les juridictions susceptibles d’être saisies.

Page 33: Master spécialité Administration et finances publiques

32

Toutefois, rendre l’accès au juge plus facile ne doit pas pour autant permettre d’ouvrir

l’accès au prétoire à ceux qui voudront utiliser ces facilités pour gêner un supérieur ou un collègue

en les accusant faussement d’un harcèlement qu’il n’aurait pas la charge de prouver. Soit par la

voie judiciaire, soit par la voie disciplinaire, on doit veiller à décourager et punir de tels

comportements.

Section 1 – La facilité de la preuve

Dans toute action en justice la mise en œuvre des droits impose de prouver la base de ses

prétentions. A cet égard, on distingue généralement deux points : la charge de la preuve et les

moyens de preuve.

Si la victime doit supporter seule la charge de la preuve, c’est un obstacle à sa démarche

auquel peut s’ajouter les limites concernant les moyens de preuve utilisables. Concernant le

harcèlement moral, en examinant la situation devant les juridictions françaises on pourra tirer

d’utiles enseignements pour établir, en droit égyptien, des solutions efficaces et équilibrées.

En France, la charge de la preuve et les moyens de preuves envisageables pour les victimes

de harcèlement moral varient selon les juridictions saisies, il est donc assez difficile d’en tirer une

solution unique et indiscutable.

§ 1 - La preuve : appréciation hétérogène en jurisprudence

Diverses juridictions peuvent avoir à connaître d’un harcèlement moral, on constate alors que

selon la juridiction saisie le régime juridique de la preuve n’est pas exactement le même et que,

depuis quelques années, des évolutions particulières sont intervenues dans la jurisprudence

appliquée par les juges.

En droit français, pour les salariés du secteur privé, deux juridictions de l’ordre judiciaire,

peuvent être saisies, le Conseil des prud’hommes sera la juridiction à laquelle le salarié va le plus

souvent s’adresser, il agira alors contre l’entreprise qui n’a pas été en mesure de le protéger,

conformément à ses obligations légales. Il pourra en même temps agir devant les juridictions

répressives, le tribunal correctionnel, dans ce cas il pourra adresser une plaine contre l’auteur du

harcèlement et également contre l’entreprise dont la responsabilité pénale peut être engagée selon

l’article 121-2 al.1 du code pénal.

Page 34: Master spécialité Administration et finances publiques

33

Dans les deux cas, la victime pourra obtenir une indemnisation si le harcèlement est reconnu.

En ajoutant une plainte à son action devant la juridiction civile - le conseil des prud’hommes - elle

pourra avoir une satisfaction complémentaire par la sanction prononcée par la juridiction

répressive contre l’auteur du harcèlement.

Même si l’exposé de la jurisprudence prudhommale pourrait apporter des éléments utiles, il ne

paraît pas indispensable d’aller plus loin afin de respecter les limites de notre sujet.

Pour rester dans le cadre de notre sujet, nous limiterons cet exposé à la situation devant laquelle

va se trouver l’agent public soumis à un harcèlement moral. Le fonctionnaire, ou assimilé, dispose

d’un choix entre la juridiction administrative et la juridiction répressive, mais il peut aussi décider

d’agir en même temps devant les deux ordres de juridiction.

a)Le juge administratif

Les exigences de la procédure administrative constituent un premier obstacle. En effet, en

dehors de l’utilisation exceptionnelle du référé-liberté, que nous verrons plus tard, deux voies

s’offrent à la victime :

- Le recours en plein contentieux mettant en cause la responsabilité de l’administration et

demandant des dommages-intérêts.

- Le recours pour excès de pouvoir afin d’obtenir l’annulation d’une décision portant

préjudice. La victime a signalé les faits de harcèlement et demandé qu’ils cessent, en

demandant une protection fonctionnelle prévue par la loi, le refus de l’administration sera

la base du recours.

Dans tous les cas, il ne s’agit pas d’agir directement contre l’auteur du harcèlement mais contre

l’administration qui a manqué à son devoir d’éviter de telles situations.

Quant à la charge de la preuve devant ce juge, elle a été fixée par un arrêt célèbre du

Conseil66. Par cet arrêt, la charge de la preuve est dorénavant partagée entre la victime et

l’administration, puisqu’il incombera à l’administration de prouver que les faits présentés par la

victime et présumés constitutifs d’un harcèlement moral, ne peuvent être qualifiés de tels et qu’ils

sont justifiés par telle ou telle raison ou par une procédure légale et ne constituent en aucune

66 CE 11 juillet 2011, dame Montaut, op.cit

Page 35: Master spécialité Administration et finances publiques

34

manière un harcèlement. Ensuite il appartiendra au juge de construire sa conviction en fonction de

ces échanges contradictoires et à cette fin, il peut demander des mesures d’instruction

complémentaires.

Le juge administratif par cet arrêt a rapproché sa jurisprudence de celle existant dans le

secteur privé et appliqué par le juge prud’homal. Auparavant, la victime invoquait les faits ou les

éléments constituant le harcèlement moral, mais l’administration ne devait pas prouver qu’ils ne

constituaient pas un harcèlement moral. Le fonctionnaire se trouvait donc dans une situation moins

favorable par rapport au salarié.

Néanmoins le juge administratif n’a pas exigé, comme le juge prud’homal et le code du

travail, que le présumé auteur prouve l’inexistence du harcèlement moral, il suffit juste de présenter

une argumentation pouvant justifier les agissements en cause. Il conserve ainsi, comme à son

habitude, une grande marge d’appréciation.

Comme on l’a déjà indiqué, le droit de ne pas être soumis à un harcèlement moral constitue

un droit fondamental, la décision du Conseil d’Etat permet donc à la victime d’avoir recours à un

référé-liberté prévu par l’article L521-2 du code de justice administrative. Cette procédure

permettant d’obtenir une décision dans un délai de quarante-huit heures si la demande est justifiée

par l’urgence, concerne une liberté fondamentale et suppose une atteinte grave et manifestement

illégale. Comme dans toute procédure de référé, les pouvoirs du juge restent limités puisqu’il ne

juge pas sur le fond, il n’annulera pas une décision par exemple, mais il décidera de mesures

provisoires mettant fin aux atteintes graves.

Quant aux modes de preuve, puisqu’il s’agit de faits, on peut recourir à tous moyens :

témoignages, échanges de courriers ou de courriels, documents médicaux, compte rendu

d’entretien d’évaluation, etc... La diversité des éléments qui peuvent être fournis ne signifient pas

pour autant que la victime obtiendra facilement les moyens d’appuyer ses dires.

b) Le juge pénal

La rigueur de l’application des principes généraux du droit en matière pénale conduit à une

attitude beaucoup moins favorable à la victime en regard de ce qui est admis, après évolution, par

le juge civil – conseil des prud’hommes- ou le juge administratif.

L’attachement naturel au principe imposant la présomption d’innocence et la qualification

du harcèlement parmi les infractions supposant une intention de nuire a pu conduire à classer trop

Page 36: Master spécialité Administration et finances publiques

35

souvent sans suite de nombreuses plaintes. Sur ce dernier point, une évolution peut être remarquée

à la suite d’un arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 22 octobre 2013.67

Dans cet arrêt la Cour a repris sans la critiquer l’appréciation des juges du fond selon laquelle,

dans les rapports professionnels, certaines attitudes ou paroles du supérieur, sortant du cadre

normal d’une relation entre supérieur et subordonné, étaient « nécessairement intentionnelles ».

Cette solution améliore la situation de la victime qui pourra, en apportant la preuve de certains

agissements, être dispensée de prouver qu’ils sont inspirés par l’intention de nuire. Il reste que la

question des moyens de preuve utilisables devant les différentes juridictions reste délicate à

résoudre. Etablir la réalité du harcèlement tout en restant dans le cadre du droit commun de la

preuve, c'est-à-dire en se limitant aux témoignages ou attestation de collègues, échanges de

courriers ou de courriels ou tous autres documents tels que certificats médicaux, compte rendu

d’entretien d’évaluation, met la victime en situation difficile, ce qui ne peut laisser les juges

indifférents.

§ 2 - L’acceptation de moyens inhabituels.

Les modes de preuve envisageables devant les différentes juridictions sont d’une

utilisation limitée. Le moyen de preuve le plus pertinent est le témoignage, mais il est difficile à

fournir pour deux raisons assez évidentes, la première est en lien avec la position professionnelle

des témoins qui, le plus souvent, préféreront rester neutres surtout s’il s’agit de donner un

témoignage contre un supérieur hiérarchique, la deuxième est en lien avec la nature même du

harcèlement puisque, souvent, le harceleur est vigilant à exercer cette violence d’une manière

discrète et hors la présence de témoins.

C’est la raison pour laquelle, l’élargissement des modes de preuves ou plus précisément

une acceptation de moyens de preuves qui en droit commun pourraient être qualifiés de déloyaux,

peut être une solution envisageable afin de lutter plus efficacement contre le harcèlement moral.

Les juridictions, sous certaines conditions, adaptent leurs solutions en tenant compte du progrès

technique, du changement de mentalité et des contraintes auxquelles la victime se trouve soumise.

67 Cass. Crim. 22 oct. 2013, pourvoi n° 12-84.320. Inédit au Bull

Page 37: Master spécialité Administration et finances publiques

36

On aperçoit cette évolution, en s’intéressant au sort fait par le juge à un moyen qui peut

être considéré, en principe, comme déloyal, l’enregistrement sonore à l’insu de la personne qui

s’exprime.

En dépit des solutions antérieures et de leurs justifications, la Cour de cassation, du moins

en ce qui concerne sa chambre criminelle, a accepté depuis longtemps qu’un particulier puisse se

prévaloir d’un moyen de preuve illicite, illicite parce qu’il porterait atteinte à la vie privée. Ce sont

les règles de droit qui entraînent cette divergence de solutions entre les chambres, puisque l’article

247 du Code de procédure pénale n’exige pas que les moyens de preuves soient limités par la loi

et prévoit le principe de la liberté de preuve. Aucun texte n’interdit le recours à des preuves illicite

ou déloyales, le sort de ces deux modes étant maintenant semblable, que ce soit pour la victime ou

pour le prévenu, à condition qu’elles soient transmises à l’autre partie dans les délais légaux pour

qu’elle puisse s’en défendre, en respect du principe du contradictoire68.

C’est en 2012, à propos de l’affaire BETTENCOURT, que le juge pénal a clairement admis

la possibilité d’avoir recours à de tels moyens. 69

En revanche, la chambre criminelle de la cour de cassation n’admet pas ces modes de

preuves, s’ils sont présentés par l’autorité publique, services de police ou de gendarmerie. 70 Cela

à l’exception des situations prévues par la loi du 2 mars 2004 concernant les infractions de la

criminalité organisée qui permet la sonorisation des surveillances …

Si cette acceptation faite par le juge pénal peut laisser penser à son incompatibilité avec la

jurisprudence de la Cour européenne de droit de l’homme, au contraire, cette dernière ne l’a pas

condamnée. Selon la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, il appartient

aux droits internes de fixer les moyens de preuves acceptables. La seule condition exigée c’est le

caractère équitable de la procédure, c’est d’ailleurs ce qu’a admis aussi la Cour européenne de

droit de l’homme71.

68 Cass.Crim. 7 mars 2012, Bull. n°63 page 99 et s. 69 Cass.crim.31 janvier 2012, Bull. n°27. « La chambre de l’instruction a justifié sa décision, dès lors que les

enregistrements contestés ne sont pas en eux-mêmes des actes ou des pièces de l’information, au sens de l’article

170 du code de procédure pénale, et comme tels, susceptibles d’être annulés, mais des moyens de preuve qui

peuvent être discutés contradictoirement, et que la transcription de ces enregistrements, qui a pour seul objet d’en

matérialiser le contenu, ne peut davantage donner lieu à annulation » 70 Cass. crim., 27 fév. 1996, Bull. n° 93 71 Schenk c/ Suisse", 12 Juillet 1988

Page 38: Master spécialité Administration et finances publiques

37

C’est la protection de l’intérêt général, non envisageable en droit civil, qui peut expliquer

que la position des chambres civiles soit en sens contraire, même s’il apparaît un assouplissement

de la part de la chambre sociale, dans un arrêt du 25 septembre 2013 concernant l’admission d’un

courriel privé : « les dispositions invoquées- articles 1316-1 et 1316-4 du code civil - ne sont pas

applicables au courrier électronique produit pour faire la preuve d’un fait, dont l’existence peut être établie

par tous moyens de preuve, lesquels sont appréciés souverainement par les juges du fond »72. Auparavant,

la position plus souple était apparue à l’égard de la transcription de messages en format SMS ou

de messages laissés sur un répondeur téléphonique.73

On constate donc la faiblesse née de l’absence de règles explicites concernant ces modes

de preuves, que ce soit en droit national ou en droit européen, néanmoins ils sont justifiés,

précisément en matière pénale, par l’absence de règle les prohibant.

Quant à la chambre criminelle de la Cour de cassation égyptienne, elle a aussi admis ce

type de preuve et a jugé que l’enregistrement d’une diffamation par le téléphone de la victime,

même sans l’accord du parquet général, ne constitue pas une atteinte à la vie privée74.

L’évolution des solutions sur cette question dépend donc de la conviction et de

l’appréciation du juge, il peut décider d’accepter ce mode ou de le refuser au cas par cas, il n’existe

pas un critère incontestable permettant de savoir si le juge peut ou non écarter ce mode de preuve.

Une augmentation des décisions en faveur de cette acceptation, encouragera les victimes d’autant

plus que le tribunal de grande instance de Paris a décidé que la vie professionnelle ne relève pas

de l’intimité de la vie privée75 et que l’enregistrement dans le cadre de la vie professionnelle ne

porte pas atteinte à la vie privée dès lors que les propos enregistrés touchent uniquement la vie

professionnelle.76 Il faut noter que la Cour Européenne de droit de l’homme a considéré en 1992

que la notion de la vie privée n’exclut pas les activités professionnelles 77 néanmoins, elle a

récemment décidé que la surveillance des comptes internet des employés ne viole pas l’article 8

de la convention.78

72 Cass.Soc.n° 11-25884 Bull 207 73 Cass. Soc. 23 mai 2007, Bull. n° 85, Cass. Soc. 6 février 2013, n°11-23.778. 74 Décision n°8862/65 du 2 Octobre 1997 site officielle de la Cour de Cassation 75 TGI Paris, 17e, 14 mai 1999 https://www.cairn.info/revue-legicom-1999-4-page-85.htm 76 Cass. Crim. 16 février 1990, Bull. n° 25 77 L’affaire Niemetz c/ L’Allemagne 16 Décembre 1992 78 L’affaire Barbulescu c /Roumanie 12 Janvier 2016

Page 39: Master spécialité Administration et finances publiques

38

Cette situation encouragera les fonctionnaires à avoir recours à ces modes de preuve que

ce soit devant le juge administratif, qui admet toute forme de preuve également, ou le juge pénal,

sans risque d’être poursuivi pénalement pour atteinte à la vie privée.

Le développement des modes de prévention du harcèlement et la protection dont jouissent

les victimes ne doit pas être un encouragement à profiter des facilités de la loi pour dénoncer, à

tout propos, un comportement en le qualifiant abusivement de harcèlement moral. Ceux qui

seraient victimes de ces dénonciations abusives sont en droit d’attendre une protection équivalente,

avec peut-être des aménagements du droit commun.

Section 2 – Une protection efficace contre la plainte abusive.

Dans les rapports professionnels, comme dans la vie quotidienne, des tensions peuvent

naître entre ceux qui chaque jour partagent le même environnement de travail, les mêmes

contraintes. De plus, dans un milieu où des choix sont nécessaires pour une évolution de carrière

les occasions de créer un sentiment d’injustice ne manquent pas. Tout cela peut conduire une

personne insatisfaite à chercher à gêner un supérieur hiérarchique ou un collègue en se plaignant

de subir de sa part un harcèlement moral.

Soit en s’adressant à une autorité judiciaire, soit en saisissant une autorité hiérarchique,

et en désignant une personne déterminée, l’auteur de cette dénonciation pourra porter à leur

connaissance des faits qu’elle sait partiellement ou totalement inexacts. Cette attitude doit être

sanctionnée, mais on verra que la réalité est complexe et qu’il est difficile de lutter contre un tel

abus.

§ 1 – La dénonciation calomnieuse.

Que ce soit en droit français ou en droit égyptien, la dénonciation calomnieuse est prévue

par l’article 226-10 ou l’article 305 du code pénal de chacun des deux systèmes. Cette dénonciation

est sanctionnée lorsque son auteur avait pleinement conscience de la fausseté totale ou partielle

Page 40: Master spécialité Administration et finances publiques

39

des faits dénoncés. Il a dénoncé des faits inexacts ou présenté de façon tendancieuse des faits

exacts. Cela montre la mauvaise foi qui a inspiré sa démarche.79

On aperçoit alors la difficulté à laquelle va se heurter la victime de cette dénonciation, qui

devra, pour réussir dans son action, démontrer que le dénonciateur savait que les faits étaient

inexacts. La preuve de l’intention de nuire sera plus facile lorsqu’on se trouvera en présence d’une

présentation très contestable de faits exacts. La manœuvre utilisée implique par elle-même la

mauvaise foi.

Néanmoins, le système français permet de couvrir les victimes de cette dénonciation par la

protection fonctionnelle. Ce qui risque, dans un premier temps de poser problème, car la prétendue

victime du harcèlement moral, tant que l’inexistence de celui-ci n’est pas reconnue, a droit

également à la protection fonctionnelle… L’administration est donc tenue de protéger non

seulement la prétendue victime du harcèlent moral mais aussi le présumé auteur.

Dans tous les cas, même si elle ne prouve pas qu’il n’est pas coupable ou en cas de faute

personnelle, elle est obligée de le soutenir partiellement en ce qui concerne les condamnations

civiles prononcées et aura l’obligation de rembourser une partie de la réparation du préjudice

prononcée à son égard, puisque elle sera considérée comme responsable au cas où le harcèlement

moral est établi car, à part le fait qu’il s’agit d’une faute personnelle du fonctionnaire auteur, il

s’agit aussi d’une faute de l’administration qui n’a pas su protéger la victime contre ce

harcèlement.80

Ainsi l’administration est obligée de le soutenir dans sa défense contre la dénonciation.

Evidemment, en cas de décision de relaxe ou de non-lieu à l’encontre des faits contenus dans la

dénonciation, elle sera tenue de lui apporter son aide dans les recours contentieux que l’auteur

prétendu engagera contre la prétendue victime, en prenant en charge les frais d’avocats. Encore

faut-il que les faits dénoncés soient déclarés inexistants, si les poursuites contre les faits liés à la

dénonciation prétendue calomnieuse ne sont abandonnées que parce qu’il y a doute sur leur réalité,

il sera impossible d’engager un recours contre l’auteur de la dénonciation.81

79 Il est évident que les dispositions de l’article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 ne protègent que ceux qui agissent de bonne foi. 80 CE,12 avril 2002, Papon, N°238689. Recueil P. 139 et s. 81 Cf Michel Huyette, Paroles de juge. www.huyette.net Les nouveaux contours de la dénonciation calomnieuse.

Page 41: Master spécialité Administration et finances publiques

40

On voit ainsi que l’exigence de mauvaise foi pour aboutir à faire apparaître le caractère

calomnieux de la dénonciation n’est pas le seul obstacle que peut rencontrer, en droit français,

celui dont on a dénoncé faussement le harcèlement moral. L’inexistence comme la réalité des faits

n’étant pas toujours facile à établir.

La situation n’est guère différente en droit égyptien. La dénonciation calomnieuse est

prévue explicitement en droit pénal égyptien, en revanche elle n’est pas spécifiquement envisagée

par le Code de la fonction publique, laissant ainsi la sanction se baser sur le texte général qui

englobe toutes formes de comportements décrits explicitement ou laissés à l’appréciation des

juges. Cela a pu conduire à tenter de sanctionner le fonctionnaire par la voie disciplinaire.

§ 2 – La sanction disciplinaire

Plusieurs décisions de justice ont sanctionné plusieurs formes d’abus du droit d’agir en

justice. Le Conseil d’Etat, a décidé dans un arrêt du 18 mars 2001 que « le droit d’ester en justice

est garanti par la constitution néanmoins le fonctionnaire, en utilisant ce droit, ne doit pas déroger

aux obligations de la fonction publique en ce qui concerne le respect des supérieurs hiérarchiques

et lorsqu’il vise par sa plainte la révélation des infractions et non l’intention de nuire aux collègues

ou aux supérieurs hiérarchiques, il doit être sûr de la vérité des faits qu’il invoque et disposer de

la preuve, à défaut il manque aux devoirs de sa fonction et mérite d’être sanctionné. »82 Un autre

arrêt de la même juridiction datant du 27 février 1988 a décidé que «.. À condition qu’il soit sûr de

la réalité de ce qu’il dénonce et en dispose de la preuve, à défaut il sera de bonne foi mais qualifié

d’imprudent, ce qui peut entraîner sa sanction disciplinaire parce qu’il a basé sa plainte sur des

faits incertains ou il est de mauvaise foi et dans les deux cas il mérite d’être sanctionné

disciplinairement du fait qu’il a pu nuire à autrui. »83

Même s’il s’agit d’un droit garanti par la Constitution, cela ne doit pas servir de base pour

un abus qui, à son tour, portera atteinte à d’autres victimes, « les prétendus auteurs », qui ont le

droit d’être elles aussi protégées.

A cette fin, une sanction disciplinaire prévue explicitement ne serait-elle pas nécessaire ?

Dans ce cadre, la preuve de l’intention de nuire pourrait-elle être écartée, car c’est une exigence

82 Pourvoi n° 1284 de l’année judiciaire 40. 83 Pourvoi n° 2173 de l’année judiciaire 33.

Page 42: Master spécialité Administration et finances publiques

41

quasiment impossible à prouver, puisqu’« elle ne peut résulter que de la connaissance, par le

salarié, de la fausseté des faits qu’il dénonce »84 comme l’ont indiqué les deux hautes juridictions85.

La chambre criminelle de la Cour de cassation égyptienne a considéré86 que l’incapacité

du plaignant à prouver les faits qu’il dénonce ne peut pas être qualifiée de dénonciation

calomnieuse, cette dernière n’est établie que lorsque le plaignant dénonce des faits sanctionnés

juridiquement et que ces faits ne sont pas vrais. Nous ne partageons pas cet avis, si juridiquement

ce comportement ne peut pas être qualifié de dénonciation calomnieuse, rien n’interdit sa sanction

disciplinaire. Nous pensons qu’un fonctionnaire qui ne présente pas de preuves, dans le sens

précité c’est à dire « des faits susceptibles de faire présumer l’existence du harcèlement moral »

ne montre qu’une intention de nuire à autrui ou au moins il fait preuve d’une imprudence, qui

mérite d’être sanctionnée comme l’a bien indiqué la haute juridiction administrative.

Il est clair que « la mauvaise foi n’est pas caractérisée du seul fait que le harcèlement

dénoncé n’est pas établi »,87 on ne peut pas reprocher à la victime le fait que le harcèlent moral

n’a pas été qualifié et reconnu, c’est comme si on lui demandait de prévoir ce qui va passer suite

à sa plainte. Evidemment elle ne peut pas être au courant de ce que l’administration va présenter

comme argumentation, de même qu’elle ne peut pas deviner la décision du juge, néanmoins tout

ce qui lui est demandé est de présenter le minimum d’éléments dont le juge pourra se servir pour

répondre à sa plainte, à défaut, elle doit savoir qu’elle risque d’être sanctionnée.

De tout ce qui a été exposé, on peut constater, qu’un phénomène comme le harcèlement

moral, est assez compliqué dans tous ses aspects : sa qualification, sa preuve et ses conséquences.

Son encadrement juridique doit donc en tenir compte, on ne doit pas se limiter à prévoir une

sanction grave à caractère dissuasif, il faut plutôt essayer de le prévenir autant que possible, par

les différents moyens précités, notamment par le contrôle précis et constant des inspecteurs, qui

peut contribuer à éliminer, une grande partie des différentes formes de ce comportement violent.

Mais avant tout, il doit être bien défini avec des éléments constitutifs éliminant les risques de son

amalgame à d’autres agissements moins graves, impliquant évidement une sanction, mais une

sanction moins grave. La sanction pénale du harcèlement implique donc une vigilance dans sa

84 Cass. Soci. 1 février 2012, numéro 1018035. 85 Décision du 2 mai 1971, pourvoi n° 142 de l’année jurisprudentielle 41. 86 Pourvoi n°17855 de l’année judiciaire 47 du 6 février 1996 site officielle de la Cour de Cassation 87 Cass. Soc. 10 mars 2009, pourvoi n° 07-44092 Bull.66

Page 43: Master spécialité Administration et finances publiques

42

qualification notamment ses éléments constitutifs. Toutefois, à notre avis, cette définition ne doit

pas donner une énumération limitative des agissements répréhensibles, elle doit se limiter aux

éléments le constituant et cela pour ne pas négliger un agissement qui peut en réalité constituer un

harcèlement moral mais qui n’entrerait pas dans une définition juridique trop limitative. De plus

comme on l’a vu dans l’exposé du droit français, on doit s’attacher à mettre en évidence que c’est

la répétition des comportements qui justifient qu’ils fassent l’objet d’une sanction rigoureuse.

La nécessité de légiférer en Egypte sur cette matière n’est pas discutable, mais parce que

les aspects du harcèlement peuvent différer d’un pays à autre, il peut exister une différence dans

la législation.

La spécificité du phénomène étudié implique un encadrement plus vigilant et précis. Et s’il

connait des risques d’abus, le pourcentage de ces risques, et de leur gravité diffèrent d’un pays et

d’une société à autre. C’est la raison pour laquelle, la codification de ce phénomène par le système

égyptien ne doit pas se limiter à prévoir une sanction dissuasive, elle doit, de même que le système

français, mettre en place divers moyens de prévention telle que la protection fonctionnelle, qui

permettra d’obliger l’administration à, au moins, faire cesser ces agissements par les différents

processus déjà présentés comme la mutation, l’ouverture d’une enquête administrative, en

prévoyant également une sanction significative s’il y a négligence dans la mise en place de cette

protection ou pour un refus de protection sans justification légale. Cela est indispensable afin

d’inciter l’administration à aider les victimes de toutes les formes de violence qui peuvent être

subies au sein de la fonction publique.

Cette prévention doit être complétée par le contrôle régulier assuré par des inspecteurs,

dans le cadre que nous avons proposé, en veillant au respect de leur indépendance, évitant un

manque d’impartialité.

Bien évidemment une disparition du phénomène n’est pas plus envisageable, que pour tout

comportement délictueux. La rédaction d’un code pénal n’a pas fait disparaître la délinquance…

L’élargissement des moyens de preuves est donc une autre méthode pour faciliter

l’élimination de ce risque puisque pour certains agissements les victimes ne peuvent pas bénéficier

des solutions du droit commun. C’est le cas pour le harcèlement moral dit « passif »88 qui consiste

88 http://www.village-justice.com/articles/harcelement-moral-peut-resulter,22003.html consulté le 29 mai 2016

Page 44: Master spécialité Administration et finances publiques

43

à une placardisation, ou une mise à l’écart qui se manifeste le plus souvent par un isolement de

l’environnement professionnel.

A notre avis, l’introduction de la reconnaissance du harcèlement moral dans le droit

égyptien s’il se réalise dans le cadre exposé, avec un mécanisme de prévention, un contrôle

préventif régulier et un encouragement des vraies victimes à présenter tous moyens de preuves à

leur disposition sans risque d’être poursuivies, n’empêche pas de prévoir également dans le régime

juridique de la fonction publique une sanction administrative de dénonciation abusive dans les

conditions déjà évoquées, une victime doit au moins présenter des faits susceptibles de faire

présumer l’existence du phénomène.

Le fait que les fonctionnaires ne sont pas motivés, les risques d’abus de droit d’ester en

justice, ne devront donc pas être des obstacles pour refuser de légiférer en matière de harcèlement

moral. Au contraire cela peut être l’occasion d’améliorer le système administratif égyptien, surtout

par le renforcement du rôle des inspecteurs, un rôle assez pertinent mais n’a jamais été mis en

place et encadré d’une manière efficace permettant de mieux contrôler les fonctionnaires et d’aider

le juge dans la révélation de la vérité. On ne doit oublier que tous les fonctionnaires ne sont pas

négligents ou désabusés, il faut encourager ceux qui effectuent consciencieusement leur mission

et également les protéger puisqu’ils peuvent parfois être considérés par leurs collègues ou

supérieurs comme un « danger » menaçant de faire apparaître au grand jour leur paresse et leur

incompétence.

De même, il ne faut pas se limiter à la vision répressive, lorsqu’on parle d’un encadrement

juridique, la prévention est toujours plus efficace. En réalité c’est l’ensemble du système

administratif qui doit faire l’objet d’une réforme globale, le phénomène du harcèlement moral n’est

pas le seul fléau de ce système, il s’agit d’un phénomène qui cache d’autres lacunes,

principalement liées à la relation hiérarchique, avec la concentration des pouvoirs dans une seule

main, sans un contrôle réel, ce qui génèrent de nombreux dysfonctionnements.

C’est cette même vision des choses, qui aurait pu ne pas permettre d’étendre les moyens

de preuves, en se limitant strictement au principe de la loyauté, au lieu de privilégier celui de la

vérité, c’est également cette même vision qui voit dans la sanction de la dénonciation calomnieuse

dans les conditions précitées, un moyen qui fera échapper les victimes à chercher le respect de

Page 45: Master spécialité Administration et finances publiques

44

leurs droits en renonçant à ester en justice, sans voir qu’en réalité une telle sanction ne devrait

gêner que les prétendues victimes, qui ne cherchent qu’à nuire l’autrui.

Finalement, cette même vision ne doit pas nous laisser croire qu’il suffit de légiférer pour

résoudre le problème ou, autrement dit, que c’est uniquement les règles de droit qui élimineront

ce phénomène. Une législation nouvelle doit être le signe d’une volonté réelle des autorités

compétentes qui veilleront constamment à sa prévention et à la mise en place des moyens

l’éliminant.

Page 46: Master spécialité Administration et finances publiques

45

BIBLIOGRAPHIE

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Page 51: Master spécialité Administration et finances publiques

50

ANNEXES:

Annexe 1:

Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Loi dite loi

Le Pors.

Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont

pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter

atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de

compromettre son avenir professionnel.

Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération,

la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la

mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération :

1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au

premier alinéa ;

2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une

action en justice visant à faire cesser ces agissements ;

3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés.

Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de

procéder aux agissements définis ci-dessus.

Page 52: Master spécialité Administration et finances publiques

51

Annexe 2 :

Conseil d'État N° 365552

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Résumé : 36-07-10-005 Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de

faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par

l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de

tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire

présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une

argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des

considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient

d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de

ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute

mesure d'instruction utile.

36-13 Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de

harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il

relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement,

de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il

incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à

démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à

tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de

harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il

peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

54-04-04 Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs

de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont

il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de

harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer

l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une

argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des

considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient

d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de

ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute

mesure d'instruction utile.

Page 53: Master spécialité Administration et finances publiques

52

Annexe 3:

Cour de cassation chambre criminelle Audience publique du mardi 31 janvier 2012 N° de pourvoi: 11-85464

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Titrages et résumés :

ATTEINTE A LA VIE PRIVEE - Action publique - Exercice - Condition - Plainte

préalable de la victime - Actes d'enquête antérieurs - Régularité - Détermination

La plainte préalable de la victime d'une atteinte à l'intimité de la vie privée, prévue par

l'article 226-6 du code pénal, est exigée par ce texte pour l'exercice, par le procureur de la

République, de l'action publique, laquelle suppose la saisine d'une juridiction

d'instruction ou de jugement.

Sont dès lors réguliers les actes d'enquête requis par le procureur de la République sur des

faits susceptibles de recevoir cette qualification qui lui ont été dénoncés préalablement au

dépôt d'une plainte par la personne qui en serait victime

ACTION PUBLIQUE - Mise en mouvement - Plainte préalable - Victime d'une atteinte à

l'intimité de la vie privée - Actes d'enquête antérieurs - Régularité - Détermination

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Nullités de l'instruction - Examen de la régularité de

la procédure - Annulation d'actes - Acte ou pièce de la procédure - Définition -

Enregistrements de conversations privées réalisés par un particulier (non)

Les enregistrements de conversations privées, réalisés à l'insu des personnes concernées

par un particulier, en ce qu'ils ne constituent pas en eux-mêmes des actes ou des pièces de

l'information, au sens de l'article 170 du code de procédure pénale, et dès lors qu'ils ne

procèdent d'aucune intervention, directe ou indirecte, d'une autorité publique, ne peuvent

être annulés en application des articles 171 à 173 du même code.

Il en va de même de leur transcription, qui a pour seul objet d'en matérialiser le contenu.

Il s'agit de simples moyens de preuve soumis à la discussion contradictoire

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