63
Mathématiques pour l’Ingénieur Thomas Cluzeau École Nationale Supérieure d’Ingénieurs de Limoges 16 rue d’atlantis, Parc ester technopole 87068 Limoges CEDEX [email protected] http://www.ensil.unilim.fr/~cluzeau

Mathématiques pour l'Ingénieur

  • Upload
    ledan

  • View
    224

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Mathématiques pour l'Ingénieur

Mathématiques pour l’Ingénieur

Thomas CluzeauÉcole Nationale Supérieure d’Ingénieurs de Limoges

16 rue d’atlantis, Parc ester technopole87068 Limoges [email protected]

http://www.ensil.unilim.fr/~cluzeau

Page 2: Mathématiques pour l'Ingénieur

2

Page 3: Mathématiques pour l'Ingénieur

Table des matières

1 Introduction aux distributions 51.1 Fonctionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81.2 L’espace de fonctions tests D . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

1.2.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81.2.2 Exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91.2.3 Topologie de D . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

1.3 L’espace D′ des distributions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111.3.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111.3.2 Exemples, distributions régulières et singulières . . . . . . . . . . . . 121.3.3 Support d’une distribution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

1.4 Opérations sur les distributions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131.4.1 Translation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141.4.2 Transposition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141.4.3 Dilatation (homothétie ou changement d’unité) . . . . . . . . . . . . 141.4.4 Multiplication des distributions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151.4.5 Dérivation des distributions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151.4.6 Dérivation d’une fonction discontinue . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161.4.7 Convergence (faible) dans l’espace D′ des distributions . . . . . . . . 171.4.8 Sous-espaces de D′ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

1.5 Distributions à plusieurs dimensions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

2 La Convolution 192.1 Produit tensoriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

2.1.1 De deux fonctions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 212.1.2 De deux distributions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

2.2 Produit de convolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222.2.1 Convolution de deux fonctions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222.2.2 Notion de mesure floue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232.2.3 Convolution de deux distributions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232.2.4 Propriétés du produit de convolution de deux distributions . . . . . . 25

2.3 Algèbre de convolution et résolution d’équations différentielles . . . . . . . . 262.3.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 262.3.2 Calcul algébrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

3

Page 4: Mathématiques pour l'Ingénieur

2.3.3 Résolution d’une équation différentielle avec conditions initiales . . . 282.4 Interprétation physique de la convolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

2.4.1 Systèmes décrits par un opérateur de convolution . . . . . . . . . . . 292.4.2 Système causal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 302.4.3 Réponse à une excitation exponentielle . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

3 La Transformation de Fourier 333.1 Transformée de Fourier des fonctions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

3.1.1 Définition et existence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 333.1.2 Inversion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 343.1.3 Transformée de Fourier en sinus et cosinus . . . . . . . . . . . . . . . 343.1.4 Propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 353.1.5 Dérivation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 363.1.6 Transformée de Fourier et convolution . . . . . . . . . . . . . . . . . 373.1.7 Formule de Parseval-Plancherel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

3.2 Transformée de Fourier des distributions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 393.2.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 393.2.2 Espace S et transformée de Fourier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 403.2.3 Transformée de Fourier des distributions tempérées . . . . . . . . . . 403.2.4 Propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 413.2.5 Transformée de Fourier de la distribution peigne de Dirac . . . . . . . 42

3.3 Séries de Fourier et Échantillonnage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 423.3.1 Transformée de Fourier des fonctions périodiques . . . . . . . . . . . 423.3.2 Échantillonnage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

4 La Transformation de Laplace 474.1 Transformée de Laplace des fonctions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

4.1.1 Définition et existence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 474.1.2 Lien entre transformées de Laplace et de Fourier et formule d’inversion 484.1.3 Propriétés et transformées classiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

4.2 Transformée de Laplace des distributions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 504.2.1 Exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 504.2.2 Lien entre transformée de Laplace et de Fourier . . . . . . . . . . . . 51

4.3 Applications en physique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 514.3.1 Calcul des fonctions de transfert en électronique . . . . . . . . . . . . 514.3.2 Résolution d’équations différentielles en mécanique . . . . . . . . . . 52

4.4 Résolution d’équations de convolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53

A Décomposition en éléments simples 55A.1 Décomposition en partie entière et partie polaire . . . . . . . . . . . . . . . . 55A.2 Décomposition de la partie polaire en éléments simples . . . . . . . . . . . . 56

A.2.1 Décomposition en éléments simples sur C . . . . . . . . . . . . . . . . 56A.2.2 Décomposition en éléments simples sur R . . . . . . . . . . . . . . . . 59

4

Page 5: Mathématiques pour l'Ingénieur

Chapitre 1

Introduction aux distributions

IntroductionLes distributions sont utilisées depuis longtemps par les physiciens (distributions de Dirac,. . . ) mais une théorie mathématique rigoureuse n’est apparue que récemment dans les tra-vaux de Sobolev (1936) et surtout L. Schwartz (1950) (en parallèle : Gelfand (1964)). C’estla théorie la plus adaptée à l’étude de nombreux systèmes physiques et notamment à celledes systèmes linéaires continus. Avec la notion de distribution, la convolution (voir Chapitre2) et la transformée de Fourier (voir Chapitre 3) deviennent des outils mathématiques d’unegrande puissance.

Intuitivement, les distributions sont des outils mathématiques utilisés pour représenterdes phénomènes physiques que les fonctions classiques s’avèrent incapables de transcrire.

Premier exemple introductif : Choc élastique entre deux objets

Considérons une partie de squash. On suppose que la balle arrive sur un mur (perpendi-culairement à la surface pour simplifier) à la vitesse v0 et rebondit. La balle s’écrase quelquepeu ce qui fait que le choc dure un temps ∆t non nul, puis elle repart avec une vitesse −v0.Le graphe de la vitesse en fonction du temps est donc le suivant :

5

Page 6: Mathématiques pour l'Ingénieur

La loi de la mécanique Newtonienne stipule que, tout au long du mouvement, la forceF exercée sur la balle est telle que F = m v ; elle est donc proportionnelle à la dérivée dela fonction représentée ci-dessus. Maintenant, si l’on veut modéliser un choc dur (partie depétanque), le graphe de la vitesse devient alors :

La force exercée devrait toujours être proportionnelle à la dérivée de cette fonction doncF devrait être nulle pour tout t 6= 0 et vérifier

1

m

∫ +∞

−∞F (t)dt = v(+∞)− v(−∞) = −2 v0,

ce qui est absurde car l’intégrale d’une fonction presque partout nulle est nulle. Par consé-quent, ni cette intégrale, ni la dérivée précédente ne peuvent être traitées au sens des fonc-tions ; on a besoin d’objets plus généraux, i.e., les distributions.

Deuxième exemple introductif : Distributions de charges en électrostatiqueTrois notions de charges apparaissent en électrostatique :

• les charges ponctuelles qi,

• les densités de charges superficielles σ (ou charge par unité de surface) sur les conduc-teurs,

• les densités de charges volumiques ρ (par unité de volume).

On peut remarquer qu’une distribution ponctuelle de charge peut s’obtenir comme limited’une distribution volumique en faisant tendre, à charge constante, le volume vers zéro. Poursimplifier, prenons un exemple à une dimension. Soit Π(x) la fonction “porte” définie par :

Π(x) =

1 pour | x | ≤ 1/2,0 pour | x | > 1/2.

Considérons, sur une droite, une suite de densités de charges ρk(x) = kΠ(k x) donnée par lafigure suivante :

6

Page 7: Mathématiques pour l'Ingénieur

L’intégrale, qui représente la charge totale en électrostatique, est indépendante de k :∫ρk(x)dx = 1.

Lorsque k tend vers l’infini, la charge totale, qui reste égale à 1, est entièrement concentréeà l’origine. On a obtenu une charge unité ponctuelle à l’origine. On a donc envie de représentercette charge par une fonction δ(x) qui vaudrait :

δ(x) =

0 pour x 6= 0,

+∞ pour x = 0,

et telle que∫δ(x)dx = 1 ce qui est absurde car l’intégrale d’une fonction presque partout

nulle est nulle. Les fonctions ne permettent pas de représenter ce phénomène : on a besoind’objets plus généraux, i.e., les distributions.

Autres exemples :

• En mécanique, dans le cadre de l’application du Principe Fondamental de la Dyna-mique, comment écrire l’équation du mouvement d’un solide lorsque le système estsoumis à une force intense appliquée pendant un intervalle de temps très court à partirde l’instant t = t0 ?

• En électricité, comment va se comporter un circuit dont l’entrée varie brusquement ;par exemple par fermeture d’un interrupteur sur une source de tension continue ?

7

Page 8: Mathématiques pour l'Ingénieur

• En hydraulique, comment va se comporter un système dont on ouvre brusquement unevanne à l’instant t = t0 ?

1.1 Fonctionnelle

Définition 1.1.1. On dit que l’on a une fonctionnelle sur un ensemble de fonctions appeléesfonctions tests, si à chacune de ces fonctions on peut associer un nombre complexe. Autre-ment dit une fonctionnelle T sur un espace de fonctions F est une application de F dans C.Le nombre associé par T à ϕ ∈ F est noté < T, ϕ >.

Une grande variété de fonctions tests peuvent être utilisées et plus les conditions derégularité imposées aux fonctions tests sont sévères, plus les fonctionnelles définies sontgénérales. Les distributions seront définis comme fonctionnelles sur un certain espace, notéD, que nous allons présenter maintenant.

1.2 L’espace de fonctions tests DDans ce chapitre, nous nous restreindrons au cas à une dimension, c’est-à-dire que les fonc-tions considérées seront des fonctions à une seule variable réelle.

1.2.1 Définition

Définition 1.2.1. Soit f une fonction à valeurs complexes définie sur R. Le support de f ,noté Supp(f), est l’adhérence des x ∈ R tels que f(x) 6= 0.

Supp(f) = x ∈ R ; f(x) 6= 0.

Rappel : l’adhérence d’un ensemble est le plus petit fermé contenant cet ensemble. Dans lecas des fonctions d’une seule variable, l’adhérence est un intervalle compact du type [a, b].

Le support de f est donc un ensemble fermé en dehors duquel f est nulle et en outrec’est le plus petit ensemble possédant cette propriété.

Définition 1.2.2. On définit l’ensemble D comme l’espace des fonctions à valeurs complexesdéfinies sur R, indéfiniment dérivables et à support borné.

Remarque : C’est un espace vectoriel de dimension infinie.

Le support étant fermé par définition, on peut remplacer dans la définition précédentesupport borné par support compact. En effet, pour qu’un sous-ensemble de R soit compact,il faut et il suffit qu’il soit fermé et borné.

8

Page 9: Mathématiques pour l'Ingénieur

1.2.2 Exemples

Des exemples de fonctions appartenant à D ne viennent pas immédiatement à l’esprit ; lesfonctions analytiques ne peuvent pas convenir.

Exemple fondamental : Soit ξa la fonction définie par :

ξa(x) =

0 pour | x | ≥ 1/a,

exp( −11−a2 x2 ) pour | x | < 1/a,

avec a > 0. Elle est indéfiniment dérivable, son support est [−1/a, 1/a] et il est facile devérifier que toutes ses dérivées son nulles en x = 1/a et x = −1/a. Voici le graphe de ξ2 :

Plus généralement, toute fonction ξab définie par

ξab(x) =

0 pour x /∈ ]a, b[,

exp(12

[ 1x−b −

1x−a ]) pour x ∈ ]a, b[,

est une fonction de D de support [a, b]. Voici le graphe de ξ13 :

9

Page 10: Mathématiques pour l'Ingénieur

Une autre famille de fonctions de D est définie par

γk(x) =ξ1(k x)∫ξ1(k x)dx

.

Ces fonctions permettent d’en construire beaucoup d’autres grâce au théorème suivant :

Théorème 1.2.1. Si ϕ ∈ D et si f est une fonction sommable à support borné, alors

ψ(x) =

∫f(t)ϕ(x− t)dt

est une fonction de D.

Considérons maintenant la suite de fonctions

ψk(x) =

∫f(t) γk(x− t)dt.

On démontre que si f est continue, alors cette suite converge uniformément vers f . D’où lethéorème admis :

Théorème 1.2.2 (Théorème d’approximation). Toute fonction continue à support bornépeut être approchée uniformément par une suite (ϕn)n>0 de fonctions de D.

∀ ε > 0, ∃N ∈ N, tel que,∀n ≥ N, ∀x, | f(x)− ϕn(x) |≤ ε.

10

Page 11: Mathématiques pour l'Ingénieur

1.2.3 Topologie de DElle sera définie par un critère de convergence pour les suites.

Définition 1.2.3. Une suite (ϕn)n>0 de fonctions de D converge vers une fonction ϕ lorsquen tend vers l’infini si :

1. Il existe un ensemble borné B (indépendant de n) de R tel que pour tout n > 0,Supp(ϕn) ⊂ B ;

2. Pour tout entier k ≥ 0, la suite des dérivées (ϕ(k)n )n converge uniformément sur R vers

ϕ(k).

On peut montrer que la limite ϕ appartient alors à D.

1.3 L’espace D′ des distributions

1.3.1 Définition

Définition 1.3.1. On appelle distribution toute fonctionnelle linéaire continue sur l’espacevectoriel D.

Soit T une distribution. Par définition, T est une fonctionnelle sur D donc T associe àtoute fonction ϕ ∈ D un complexe noté < T, ϕ > (ou parfois T (ϕ)).

La définition d’une distribution implique les deux points suivants :

1. Linéarité

• < T, ϕ1 + ϕ2 >=< T, ϕ1 > + < T, ϕ2 >,

• < T, λϕ1 >= λ < T, ϕ1 >.

2. Si (ϕk)k>0 converge dans D vers ϕ, alors la suite (< T, ϕk >)k>0 converge au sens usuelvers < T, ϕ >, i. e.,

∀ ε > 0,∃N ∈ N tel que, ∀ k > N, |< T, ϕ > − < T, ϕk >|≤ ε.

L’ensemble des distributions est un espace vectoriel noté D′. La somme de deux distri-butions et le produit d’une distribution par un scalaire sont définis comme suit :

• < S + T, ϕ >=< S,ϕ > + < T, ϕ >,

• < λT, ϕ >= λ < T, ϕ >.

11

Page 12: Mathématiques pour l'Ingénieur

1.3.2 Exemples, distributions régulières et singulières

Définition 1.3.2. Une fonction f : R → C est dite localement sommable si elle est in-tégrable sur tout intervalle borné. À toute fonction f localement sommable, on associe ladistribution Tf définie par

∀ϕ ∈ D, < Tf , ϕ >=

∫f(x)ϕ(x) dx.

Une telle distribution est dite régulière. Les autres (celles qui ne s’écrivent pas Tf pour flocalement sommable) sont dites singulières.

Proposition 1.3.1. Deux fonctions localement sommables définissent la même distributionsi et seulement si elles sont égales presque partout.

Un premier exemple de distribution régulière est la distribution valeur principale deCauchy de 1/x notée vp 1

xet définie par :

∀ϕ ∈ D, < vp1

x, ϕ >= lim

ε→0+

∫|x|>ε

ϕ(x)

xdx.

Un second exemple est la distribution de Heaviside. La fonction H de Heavside est définiepar

H(x) =

1 pour x ≥ 0,0 pour x < 0.

La distribution de Heaviside, notée W = TH , est définie par

∀ϕ ∈ D, < W,ϕ >=

∫ +∞

0

ϕ(x)dx.

12

Page 13: Mathématiques pour l'Ingénieur

L’exemple le plus usuel de distribution singulière est la distribution de Dirac notée δ etdéfinie par :

∀ϕ ∈ D, < δ, ϕ >= ϕ(0).

Plus généralement, on définit la distribution de Dirac au point a et on note δa la distri-bution définie par

∀ϕ ∈ D, < δa, ϕ >= ϕ(a).

Attention : En physique, on écrit souvent δ(x) ou δ(x− a) au lieu de δ et δa. Cette écriturelaisse croire que δ est une fonction, ce qui est faux !

La distribution de Dirac δa est souvent interprétée comme représentant la masse (ou lacharge) +1 au point a.

Toute combinaison linéaire de distributions de Dirac est une distribution singulière. Enparticulier la distribution

∑+∞n=−∞ δn (n entier) a des propriétés intéressantes et joue un rôle

important en physique. On l’appelle distribution peigne de Dirac et on la noteX .

Remarque : Ceux sont les généralisations à trois dimensions des distributions de Dirac quidonnent une représentation mathématique correcte des charges ponctuelles et superficiellesen électrostatique.

1.3.3 Support d’une distribution

Définition 1.3.3. On dit que deux distributions S et T sont égales si < S,ϕ >=< T, ϕ >quel que soit ϕ ∈ D. On dit qu’elles sont égales sur un ouvert Ω ⊂ R si < S,ϕ >=< T, ϕ >quel que soit ϕ ∈ D ayant son support dans Ω.Exemples : Les distributions régulières T1 et W sont égales sur ]0,+∞[.Les distributions δ etX sont égales sur ]− 1

2, 1

2[.

Définition 1.3.4. Considérons la réunion de tous les ouverts sur lesquels une distributionT est nulle. Cet ensemble est alors le plus grand ouvert sur lequel T est nulle (admis).Son complémentaire (qui est un fermé) est appelé support de la distribution T ; on le noteSupp(T ).Définition 1.3.5. L’espace D′+ (resp. D′−) des distributions à support dans R+ (resp. R−)est appelé espace des distributions à support borné à gauche (resp. borné à droite).Exemples : Supp(δa) = a et Supp(X) = Z.

1.4 Opérations sur les distributionsMéthodologie : on souhaite définir un certain nombre d’opérations sur les distributions.Pour ceci, on va étudier comment ces opérations sont définies pour une fonction localementsommable, traduire ceci avec le langage des distributions sur la distribution régulière associéeet généraliser.

13

Page 14: Mathématiques pour l'Ingénieur

1.4.1 Translation

Si f est localement sommable et si a ∈ R, alors la translatée fa de f est la fonction donnéepar fa(x) = f(x− a). La distribution régulière associée à fa vérifie donc

∀ϕ ∈ D, < Tfa , ϕ >=

∫f(x− a)ϕ(x)dx =

∫f(y)ϕ(y + a)dy =< Tf , ϕ−a > .

Définition 1.4.1. La translatée d’une distribution T , notée Ta est la distribution définiepar :

∀ϕ ∈ D, < Ta, ϕ >=< T, ϕ−a > .

Exemple : La translatée de la valeur principale de Cauchy de 1/x est la valeur principalede 1/(x− a).

1.4.2 Transposition

Soit f une fonction localement sommable et cherchons la distribution associée à la fonctionf qui à x associe f(−x). On a

∀ϕ ∈ D, < Tf , ϕ >=

∫f(−x)ϕ(x)dx =

∫f(x)ϕ(−x)dx =< Tf , ϕ > .

Définition 1.4.2. La transposée d’une distribution T , notée T est la distribution définiepar :

∀ϕ ∈ D, < T , ϕ >=< T, ϕ > .

Remarque : Ceci permet de définir des distributions paires et impaires comme pour lesfonctions.

1.4.3 Dilatation (homothétie ou changement d’unité)

Si f est localement sommable et si a ∈ R∗, alors la dilatée de la fonction f est définie parx 7→ f(a x). Sa distribution régulière associée vérifie

∀ϕ ∈ D, < “Tf(ax)”, ϕ >=

∫f(a x)ϕ(x)dx =

∫f(y)ϕ(

y

a)

dy

| a |=

1

| a |< Tf , “ϕ(

x

a)” > .

Définition 1.4.3. La dilatée d’une distribution T est la distribution définie par :

∀ϕ ∈ D, < “T (a x)”, ϕ >=1

| a |< T, “ϕ(

x

a)” > .

Exemple : “δ(a x)” = 1|a| δ.

14

Page 15: Mathématiques pour l'Ingénieur

1.4.4 Multiplication des distributions

Il n’existe pas de moyen de multiplier entre elles deux distributions quelconques. En outre, si fet g sont deux fonctions localement sommables, alors leur produit ne l’est pas nécessairement(f(x) = g(x) = 1/

√x).

Cependant si ψ est une fonction indéfiniment dérivable, alors le produit par ψ d’une fonctiontest de D est encore dans D. Soit f une fonction localement sommable et ψ une fonctionindéfiniment dérivable. On a alors

∀ϕ ∈ D, < Tψ f , ϕ >=

∫(ψ(x) f(x)) ϕ(x)dx =

∫f(x) (ψ(x)ϕ(x)) dx =< Tf , ψ ϕ > .

Définition 1.4.4. Soit ψ une fonction indéfiniment dérivable. Le produit ψ T d’une distri-bution T par ψ est la distribution définie par :

∀ϕ ∈ D, < ψ T, ϕ >=< T, ψ ϕ > .

À partir de cette définition, on peut définir le produit d’une distribution quelconque T parune distribution régulière Tψ associée à une fonction indéfiniment dérivable ψ de la manièresuivante :

∀ϕ ∈ D, < Tψ T, ϕ >=< T, ψ ϕ > .

Lemme 1.4.1. Soit ψ une fonction indéfiniment dérivable. On a :

ψ δ = ψ(0) δ.

Démonstration.

∀ϕ ∈ D, < ψ δ, ϕ >=< δ, ψ ϕ >= ψ(0)ϕ(0) = ψ(0) < δ, ϕ >=< ψ(0) δ, ϕ >,

d’où le résultat.

En particulier, x δ = 0. L’équation xT = 0, de distribution inconnue T , a pour solutionsles multiples de la distribution de Dirac.

1.4.5 Dérivation des distributions

Soit f une fonction localement sommable que nous supposons de plus dérivable. Dans ce cas,f ′ est localement sommable et sa distribution régulière associée vérifie :

∀ϕ ∈ D, < Tf ′ , ϕ >=

∫f ′(x)ϕ(x)dx = −

∫f(x)ϕ′(x)dx = − < Tf , ϕ

′ > .

Notons que ceci s’obtient par intégration par partie en utilisant le fait que ϕ est à supportborné. C’est la raison principale du choix restrictif des fonctions tests, i.e., de l’espace D.

15

Page 16: Mathématiques pour l'Ingénieur

Définition 1.4.5. La dérivée T ′ d’une distribution T de D′ est la distribution définie par :

∀ϕ ∈ D, < T ′, ϕ >= − < T, ϕ′ > .

De même on pourra définir les dérivées successives T (m) par :

∀ϕ ∈ D, < T (m), ϕ >= (−1)m < T, ϕ(m) > .

Exemple : W ′ = δ. En effet

∀ϕ ∈ D, < W ′, ϕ >= − < W,ϕ′ >= −∫ +∞

0

ϕ′(x)dx = −[ϕ(x)]+∞0 = ϕ(0) =< δ, ϕ > .

Lemme 1.4.2. Soit T une distribution quelconque et ψ une fonction indéfiniment dérivable.On a alors la règle de Leibniz suivante :

(T ψ)′ = T ′ ψ + T ψ′.

Démonstration. Voir TD 1.

1.4.6 Dérivation d’une fonction discontinue

On a vu que la dérivée au sens des distributions de la distribution de Heaviside était égale àla distribution de Dirac. Maintenant si on considère la fonction de Heaviside, sa dérivée estnulle partout sauf en 0 où elle n’est pas définie et la distribution associée n’est pas δ. Parconséquent, les opérations “prendre la distribution associée” et “dérivation” ne commutentpas, ou, autrement dit, (Tf )

′ 6= Tf ′ . Cela sera ainsi pour toute fonction présentant une dis-continuité en un point.

Soit f une fonction C1 par morceaux. Soient a1, . . . , an les points de discontinuité de f(que nous supposons en nombre fini) et σ(0)

i = f(a+i ) − f(a−i ) le saut de discontinuité de

f en ai. La fonction f peut alors s’écrire comme la somme d’une fonction continue g et defonctions de Heaviside.

f(x) = g(x) +n∑i=0

σ(0)i H(x− ai).

De plus, on a Tf ′ = Tg′ où f ′ désigne la dérivée de f là où elle est bien définie c’est-à-dire endehors des points de discontinuité (voir Proposition 1.3.1).Théorème 1.4.1. Soit f une fonction de classe C1 par morceaux. Avec les notations précé-dentes, on a alors

(Tf )′ = Tf ′ +

∑i

σ(0)i δai .

On notera plus simplement(Tf )

′ = Tf ′ + σ(0) δ.

De même, soit f une fonction C∞ par morceaux. Si l’on note σ(j) les sauts de discontinuitéde f (j), on a

(Tf )(m) = Tf (m) + σ(m−1) δ + σ(m−2) δ′ + · · ·+ σ(0) δ(m−1).

16

Page 17: Mathématiques pour l'Ingénieur

1.4.7 Convergence (faible) dans l’espace D′ des distributionsThéorème et Définition 1.4.1. Soit (Tn)n∈N

1 une suite de distributions. On dit que (Tn)n∈Nconverge dans D′ si, pour tout ϕ ∈ D, la suite < Tn, ϕ > converge au sens ordinaire. Si onappelle < T, ϕ >= limn < Tn, ϕ > cette limite, alors l’application ϕ 7→< T, ϕ > est unedistribution.

Théorème 1.4.2. Soit (Tn)n∈N une suite de distributions. Si (Tn)n∈N converge dans D′ versune distribution T , alors, pour tout m ∈ N, la suite de distributions (T

(m)n )n∈N converge dans

D′ vers T (m).

Convergence vers δ. Si la suite de fonctions localement sommables (fk)k vérifie :

1. ∃A > 0 tel que pour tout | x |≤ A, fk(x) ≥ 0,

2. ∀a > 0,∫|x|≤a fk(x)dx→ 1 lorsque k → +∞,

3. fk(x)→ 0 uniformément dans tout ensemble 0 < a <| x |< 1a<∞ (a ∈]0, 1]),

alors la suite des distributions régulières (Tfk)k converge dans D′ vers δ.

Une suite de fonctions localement sommables satisfaisant les conditions précédentes estsouvent appelée suite de fonctions de Dirac. Un exemple de suite de fonctions de Dirac estla suite (gn)n des gaussiennes définies par gn(x) = n√

πexp(−n2 x2).

1.4.8 Sous-espaces de D′

Si on considère un espace de fonctions tests plus grand que D, alors les fonctionnelles linéairescontinues sur ce nouvel espace forment un sous-espace vectoriel de D′. Deux espaces defonctions tests couramment utilisés sont :

1. L’espace E des fonctions indéfiniment dérivables quelconques,

2. L’espace S des fonctions indéfiniment dérivables et qui décroissent, ainsi que leursdérivées, plus vite que toute puissance de 1/x à l’infini c’est-à-dire que pour tout k > 0et pour tout h > 0, xk f (h)(x) est bornée.

On obtient ainsi l’espace E ′ des distributions à support compact et l’espace S ′ des distri-butions dites tempérées (ou à croissance lente).

Espaces de fonctions tests : D ⊂ S ⊂ EEspaces de distributions : D′ ⊃ S ′ ⊃ E ′

1Attention : ici Tn désigne une distribution quelconque et non pas la distribution régulière associée à unecertaine fonction n.

17

Page 18: Mathématiques pour l'Ingénieur

Dans la pratique, la plupart des distributions sont tempérées (δa, vp 1x). Cependant, en

général, si f est une fonction localement sommable, alors Tf n’est pas tempérée.

Théorème 1.4.3 (Caractérisation des distributions tempérées). Pour qu’une fonctionnellelinéaire continue T sur S soit tempérée, il faut et il suffit qu’il existe A > 0 et p ∈ N+ telsque, pour tout ϕ ∈ S, on ait :

|< T, ϕ >|≤ A ‖ϕ‖p,

‖ϕ‖p=(∫

| ϕ(t) |p dt

) 1p

.

1.5 Distributions à plusieurs dimensionsD’une façon analogue, on peut définir des distributions à n dimensions comme fonctionnellessur l’espace D(Rn) des fonctions de Rn dans C indéfiniment dérivables sur Rn et à supportborné. Par exemple, la distribution régulière associée à une fonction f : Rn → C localementsommable est définie par :

∀ϕ ∈ D(Rn), < Tf , ϕ >=

∫· · ·∫f(x1, . . . , xn)ϕ(x1, . . . , xn)dx1 . . . dxn.

18

Page 19: Mathématiques pour l'Ingénieur

Chapitre 2

La Convolution

Introduction

Le produit de convolution est un outil d’une grande importance en physique. On le rencontre,par exemple, à chaque fois que l’on étudie :

• La transmission d’un signal par un appareil,

• Une impulsion électrique fonction du temps,

• Une image représentée par une fonction d’une ou deux variables,

• En diffraction.

Exemple introductif : Le photocopieur

Considérons une machine photocopieuse imparfaitement réglée : un trait fin en positionx1 donne sur la photocopie un trait étalé, centré en x1. De même un trait d’une intensitémoindre situé en x2 donnera sur la photocopie un trait étalé, centré en x2. On admet quel’étalement de l’encre sur la photocopie est identique pour les deux traits. Cet étalement estdonc une fonction caractéristique de l’appareil que nous appelons fonction d’étalement (oufonction de réponse) et que nous noterons h(x).

19

Page 20: Mathématiques pour l'Ingénieur

Pour un trait placé en x1 et d’une intensité f1, la photocopie donne donc f1 h(x− x1). Sin traits placés en x1, . . . , xn et d’intensité respectives f1, . . . , fn sont présents sur l’original,la photocopie sera constituée de la superposition des n traits étalés. Le signal de sortie S(x)sera donc

S(x) =n∑i=1

fi h(x− xi).

20

Page 21: Mathématiques pour l'Ingénieur

Maintenant si le signal d’entrée est une fonction continue de x (à la place d’une fonctiondiscrète), on remplace la somme par une intégrale et on obtient :

S(x) =

∫f(u)h(x− u)du,

ce qui sera définit comme le produit de convolution des fonctions f et h.

2.1 Produit tensoriel

2.1.1 De deux fonctions

Définition 2.1.1. Soient f et g deux fonctions. On appelle produit tensoriel (ou produitdirect) de f par g la fonction h : R2 → R définie par h(x, y) = f(x) g(y) pour tout (x, y)appartenant à R2. On note alors h = f ⊗ g.

Exemple : Produit tensoriel de la fonction H de Heaviside par la fonction « porte » Πdonnée par

Π(x) =

1 si x ∈ [−1

2, 1

2],

0 sinon.

21

Page 22: Mathématiques pour l'Ingénieur

On a(H ⊗ Π)(x, y) = H(x) Π(y) =

1 si x ∈ [0,+∞[ et y ∈ [−1

2, 1

2],

0 sinon.

2.1.2 De deux distributions

Cherchons maintenant à définir un produit tensoriel de deux distributions. Soient f et gdeux fonctions localement sommables et soit h leur produit tensoriel. On a alors pour toutϕ ∈ D(R2) (ensemble des fonctions indéfiniment dérivables et à support borné sur R2) :

< Tf⊗g, ϕ > =∫ ∫

f(x) g(y)ϕ(x, y)dx dy=

∫f(x)

(∫g(y)ϕ(x, y)dy

)dx

= < Tf (x), < Tg(y), ϕ(x, y) >> .

Définition 2.1.2. Soient S et T deux distributions sur R. On appelle produit tensoriel (ouproduit direct) de S par T la distribution notée S ⊗ T définie sur D(R2) par

< S(x)⊗ T (y), ϕ(x, y) >=< S(x), < T (y), ϕ(x, y) >> .

Il n’est pas du tout évident de montrer que ce produit est bien défini. En particulier, ondoit vérifier que la fonction x 7→< T (y), ϕ(x, y) > appartient bien à l’espace D et que lafonctionnelle ainsi défini est linéaire et continue.

Exemple : Produit tensoriel des distributions δ et W : ∀ϕ ∈ D(R2),

< δ(x)⊗W (y), ϕ(x, y) >=< δ(x), < W (y), ϕ(x, y) >>=< δ(x),

∫ +∞

0

ϕ(x, y)dy >=

∫ +∞

0

ϕ(0, y)dy.

Lemme 2.1.1. Le produit tensoriel de deux distributions est commutatif, continu, associatif.De plus si S et T sont deux distributions sur R, alors

∂ix(S(x)⊗ T (y)) = (∂ixS(x))⊗ T (y), ∂iy(S(x)⊗ T (y)) = S(x)⊗ (∂iyT (y)),

où ∂x (resp. ∂y) désigne la dérivée partielle par rapport à x (resp. y) et i ∈ N.

2.2 Produit de convolution

2.2.1 Convolution de deux fonctions

Définition 2.2.1. Soient f et g deux fonctions localement sommables. On définit, s’il existe,le produit de convolution h de f et g par

h(x) =

∫f(t) g(x− t)dt,

pour tout x appartenant à R. On note alors h = f ∗ g.

22

Page 23: Mathématiques pour l'Ingénieur

Remarque : Ce produit de convolution n’existe pas toujours. Ce produit est commutatifdès lors qu’il est défini.

Donnons une interprétation graphique de ce produit de convolution. Soit k le produittensoriel de f par g ; k = f ⊗ g. On a alors

(f ∗ g)(x) =

∫f(t) g(x− t)dt =

∫k(t, x− t)dt,

c’est-à-dire qu’on intégre la fonction k sur le chemin formé par la droite Dx de pente −1 etpassant par (0, x).

Exemple : Posons f(x) = Π(x) et g(x) = Π(x − 12). Notons k = f ⊗ g et h = f ∗ g. La

valeur h(x) est donnée par l’intégrale de k sur la droite Dx.Si la droite Dx rencontre le support de f ⊗ g de manière finie, le produit de convolution

est alors bien défini.

Théorème 2.2.1. Le produit de convolution de deux fonctions localement sommables f etg existe dès lors que l’une des conditions suivantes est satisfaite :

1. Les fonctions f et g sont toutes les deux à support borné,

2. Les fonctions f et g sont toutes les deux à support borné à gauche,

3. Les fonctions f et g sont toutes les deux à support borné à droite.

2.2.2 Notion de mesure floue

Soit Π la fonction porte. Soit a > 0 et f une fonction. Notons f(a) le produit de convolutionde f et de la fonction porte de largeur a et de hauteur 1/a. On a

f(a)(x) = f(x) ∗ 1

aΠ(xa

)=

1

a

∫ x+a/2

x−a/2f(t)dt.

Ceci représente la moyenne de f autour de x sur une largeur a. On peut ainsi modéliser unemesure imparfaite de la fonction f , pour laquelle on a un “flou” de largeur a. Les détails delargeur l a disparaissent, les autres restent visibles.

2.2.3 Convolution de deux distributions

On cherche à étendre le produit de convolution de deux fonctions aux distributions. Soientf et g deux fonctions localement sommables et soit ϕ ∈ D. On a

< Tf∗g, ϕ > =∫

(f ∗ g)(t)ϕ(t)dt=

∫ϕ(t)

(∫f(s) g(t− s)ds

)dt

=∫ ∫

f(x) g(y)ϕ(x+ y)dx dy= < Tf⊗g, ϕ(x+ y) >

23

Page 24: Mathématiques pour l'Ingénieur

Définition 2.2.2. Soient S et T deux distributions. On définit le produit de convolution deS et T comme la distribution notée S ∗ T définie par

∀ϕ ∈ D, < S ∗ T, ϕ >=< S ⊗ T, ϕ(x+ y) > .

Le produit de convolution de deux distributions appliqué à une fonction test ϕ de D estdonc égal au produit tensoriel des deux distributions appliqué à ϕ(x+ y).

Le produit de convolution de deux distributions n’existe pas toujours. En effet, si la fonc-tion ϕ a pour support le segment [a, b], alors le support de ϕ(x + y) est la bande compriseentre les deux droites x+ y = a et x+ y = b.

Puisque ϕ(x + y) n’est pas à support compact, il suffit que l’une des deux distributionssoit à support compact.

D’une manière générale, on a le résultat suivant :

Théorème 2.2.2. 1. Les distributions à support borné à gauche (resp. à droite) peuventtoujours être convoluées entre elles.

2. Une distribution à support borné peut être convoluée avec n’importe quelle autre distri-bution.

24

Page 25: Mathématiques pour l'Ingénieur

2.2.4 Propriétés du produit de convolution de deux distributions

Commutativité et Associativité

1. Soient S et T deux distributions. On suppose que leur produit de convolution S ∗ Texiste. Alors T ∗ S existe et S ∗ T = T ∗ S.

2. Soient S, T et U trois distributions. Si S ∗ T, T ∗ U et S ∗ U existent, alors le produitde convolution S ∗ T ∗ U a un sens et il est défini par

S ∗ T ∗ U = S ∗ (T ∗ U) = (S ∗ T ) ∗ U.

Exemple : il se peut que les deux derniers termes de l’égalité ci-dessus existent mais nesoient pas égaux ! Par exemple (T1 ∗ δ′) ∗W 6= T1 ∗ (δ′ ∗W ) bien que les deux distributionssont bien définies. On peut vérifier que T1 ∗ δ′ = 0. En effet, T1 ∗ δ′ = T ′1 et

∀ϕ ∈ D, < T ′1, ϕ >= − < T1, ϕ′ >= −

∫ +∞

−∞ϕ′(x)dx = −[ϕ]+∞−∞ = 0,

et donc (T1 ∗ δ′) ∗W = 0. Or, d’un autre coté, on a δ′ ∗W = δ donc T1 ∗ (δ′ ∗W ) = T1.Ceci s’explique par le fait que T1 ∗W n’est pas définie. Dans ce cas le produit de convolutionT1 ∗ δ′ ∗W n’est donc pas défini.

Convolution et Dirac

1. Soit T une distribution. On a δ ∗ T = T ∗ δ = T . La distribution de Dirac est doncl’élément neutre du produit de convolution.

2. Soit a > 0. La translatée Ta d’une distribution T est égale au produit de convolutionde T par la distribution de Dirac δa au point a : Ta = T ∗ δa = δa ∗ T .

3. Les dérivations d’une distribution T s’obtiennent par convolution par les dérivées desdistributions de Dirac : pour tout m ∈ N, T (m) = δ(m) ∗ T = T ∗ δ(m).

Dérivée d’un produit de convolution

D’après le point 3. ci-dessus, on a (S ∗ T )′ = δ′ ∗ (S ∗ T ) = δ′ ∗ S ∗ T = S ′ ∗ T . De même(S ∗ T )′ = (S ∗ T ) ∗ δ′ = S ∗ T ∗ δ′ = S ∗ T ′. On obtient donc le résultat suivant :

Lemme 2.2.1. Pour dériver un produit de convolution, il suffit de dériver l’un des facteurs,i.e., pour tout S et T dans D′, on a :

(S ∗ T )′ = S ′ ∗ T = S ∗ T ′.

25

Page 26: Mathématiques pour l'Ingénieur

2.3 Algèbre de convolution et résolution d’équations dif-férentielles

2.3.1 Définition

Définition 2.3.1. On appelle algèbre de convolution A′ tout sous-espace vectoriel de D′contenant δ tel que le produit de convolution d’un nombre fini quelconque de distributions deA′ soit toujours défini, soit dans A′, et que ce produit soit commutatif et associatif.

Remarquons tout d’abord que D′ n’est pas une algèbre de convolution (voir l’exemple dela page précédente sur l’associativité du produit de convolution des distributions).

Proposition 2.3.1. Les espaces D′+ (resp. D′−) des distributions à support dans R+ (resp.R−) et E ′ des distributions à support compact sont des algèbres de convolution.

2.3.2 Calcul algébrique

Étant donnée une algèbre de convolution A′, une équation de convolution est une équationde la forme

A ∗X = B, (2.1)

où A et B sont des distributions de A′ connues et X une distribution inconnue que l’oncherche aussi dans A′.

Pour résoudre une telle équation (i.e., trouver X ∈ A′ satisfaisant (2.1)), on est amené àchercher s’il existe, dans l’algèbre de convolution considérée A′, une distribution notée A∗−1

et appelée inverse de convolution de A (ou parfois fonction de Green de A) vérifiant

A ∗ A∗−1 = A∗−1 ∗ A = δ.

Plus précisément, on a le résultat suivant sur l’existence et l’unicité des solutions de (2.1) :

Proposition 2.3.2. Étant donnée une distribution A ∈ A′, l’équation de convolution (2.1)possède une solution quel que soit le second membre B ∈ A′ si et seulement si A admetun inverse de convolution dans l’algèbre A′. Dans ce cas, l’inverse de convolution A∗−1 estunique et (2.1) admet une unique solution dans A′ donnée par

X = A∗−1 ∗B.

Le problème du calcul de l’inverse de convolution d’une distribution est en général difficile.Cependant, nous avons le résultat suivant très utile en pratique :

Proposition 2.3.3. Soit D un opérateur différentiel à coefficients constants, unitaire etd’ordre m ∈ N∗ en une variable, i.e.,

D =dm

dxm+ am−1

dm−1

dxm−1+ · · ·+ a1

d

dx+ a0.

26

Page 27: Mathématiques pour l'Ingénieur

Alors la distribution

D δ = δ(m) + am−1 δ(m−1) + · · ·+ a1 δ

′ + a0 δ ∈ D′+,

admet un inverse de convolution dans D′+ qui est donné par

(D δ)∗−1 = W z(t),

où z est l’unique fonction solution de l’équation différentielle

z(t)(m) + am−1 z(t)(m−1) + · · ·+ a1 z(t)′ + a0 z(t) = 0,

vérifiant les conditions initiales

z(0) = z′(0) = · · · = z(m−2)(0) = 0, z(m−1)(0) = 1.

Démonstration. faire le calcul du produit de convolution D δ ∗W z(t).

Exemple : L’oscillateur harmoniqueUn oscillateur harmonique est caractérisé par une équation de convolution du type

(δ′′ + ω2 δ) ∗X(t) = B(t),

où B(t) est une distribution caractérisant le signal extérieur. On peut montrer (appliquer laproposition 2.3.3 - voir TD 2) que

(δ′′ + ω2 δ) ∗ 1

ωW sin(ω t) = δ.

Or la distribution 1ωW sin(ω t) appartient à D′+ donc pour tout B ∈ D′+, l’équation admet

l’unique solution

X(t) =1

ωW sin(ω t) ∗B ∈ D′+.

On montre aussi que

(δ′′ + ω2 δ) ∗ − 1

ωW (−t) sin(ω t) = δ,

avec − 1ωW (−t) sin(ω t) ∈ D′− donc si B ∈ D′−, l’équation admet l’unique solution

X(t) = − 1

ωW (−t) sin(ω t) ∗B ∈ D′−.

On voit donc que l’inverse de convolution et donc la solution de l’équation dépend de l’algèbrede convolution dans laquelle on travaille. Ici l’équation n’admettra pas de solutions dans E ′.

27

Page 28: Mathématiques pour l'Ingénieur

2.3.3 Résolution d’une équation différentielle avec conditions ini-tiales

Un problème de Cauchy est la donnée d’une équation différentielle avec des conditions ini-tiales. Par exemple pour le premier ordre, on considère une équation différentielle

u+ αu = 0, (2.2)

et on cherche une solution u : R+ → R telle que u(0) = u0. Il est possible d’utiliser lesdistributions pour résoudre ce genre d’équation en cherchant non plus une fonction solutionmais une distribution solution de la forme U = W u où u est une fonction indéfinimentdérivable. Si u est solution (2.2), alors U = W u+u0 δ et donc U vérifie l’équation différentielleU + αU = u0 δ

1 qui se réécrit sous la forme d’une équation de convolution dans D′+ :

(δ′ + α δ) ∗ U = u0 δ.

Il ne nous reste donc plus qu’à trouver dans D′+ l’inverse de convolution de δ′+α δ. D’aprèsla proposition 2.3.3, on peut vérifier que ce dernier est donné par W exp(−α t). D’où lasolution

U = W exp(−α t) ∗ u0 δ = W u0 exp(−α t) ∈ D′+,et finalement u(t) = u0 exp(−α t).

Équation de la chaleur

L’équation de la chaleur (ou équation de diffusion) à une dimension est donnée par(∂

∂t− α ∂2

∂x2

)u(x, t) = 0,

où u(x, t) représente par exemple la température d’une barre au point x et au temps t. Oncherche une solution correspondant à une répartition initiale de température u(x, 0) donnée.On cherche donc une distribution U(x, t) = W (t)u(x, t) solution où u est une fonctionsolution de l’équation différentielle. La dérivation au sens des distributions conduit à(

∂t− α ∂2

∂x2

)U(x, t) = u(x, 0) δ(t).

En effet, on a(∂∂t− α ∂2

∂x2

)U(x, t) = ∂

∂t(W (t)u(x, t))− α ∂2

∂x2 (W (t)u(x, t))

= δ(t)u(x, t) +W (t) ∂∂t

(u(x, t))− αW (t) ∂2

∂x2 (u(x, t))

= δ(t)u(x, 0) +W (t)(∂∂t

(u(x, t))− α ∂2

∂x2 (u(x, t)))

= δ(t)u(x, 0).

1U + αU = W u+ u0 δ + α (W u) = W (u+ αu) + u0 δ = u0 δ.

28

Page 29: Mathématiques pour l'Ingénieur

En écrivant cette équation comme une équation de convolution, on obtient alors :(∂

∂tδ(x, t)− α ∂2

∂x2δ(x, t)

)∗ U(x, t) = u(x, 0) δ(t).

On peut alors vérifier qu’en se plaçant dans une algèbre de convolution convenable, la fonctionde Green (l’inverse de convolution) de ∂

∂tδ(x, t)− α ∂2

∂x2 δ(x, t) est donnée par

W (t)

2√απt

exp

(− x2

4α t

),

de sorte que la solution cherchée s’écrit finalement

U(x, t) = u(x, 0) δ(t) ∗ W (t)

2√απt

exp

(− x2

4α t

),

ou encoreU(x, t) =

W (t)

2√απt

∫ ∞−∞

u(ξ, 0) exp

(−(x− ξ)2

4α t

)dξ.

2.4 Interprétation physique de la convolution

2.4.1 Systèmes décrits par un opérateur de convolution

Nous allons maintenant voir que beaucoup de systèmes physiques (e.g., systèmes de mesures)peuvent être représentés par des opérateurs de convolution.

Définition 2.4.1. Soit (S) un système physique décrit par un opérateur qui à un signald’entrée E(t) (ou excitation) fait correspondre un signal de sortie (ou réponse) S(t). Soit Rl’opérateur tel que S(t) = R(E(t)). Le système est dit linéaire si R est linéaire. Il est ditcontinu si R est continu c’est-à-dire si des excitations peu différentes conduisent à des ré-ponses peu différentes. Un système est dit invariant par translation si l’opérateur R commuteavec la translation c’est-à-dire si le diagramme suivant commute :

E(t) −→ S(t) = R(E(t))↓ ↓

E(t− a) −→ S(t− a) = R(E(t− a))

La plupart des systèmes physiques sont invariants par translation dans le temps c’est-à-dire que si l’on retarde l’entrée de τ , alors la sortie est aussi retardée de τ .

Définition 2.4.2. On dit qu’un système physique est décrit par un opérateur de convolutions’il existe une distribution T caractéristique du système telle que R(E(t)) = E(t) ∗ T (t).

Définition 2.4.3. La distribution T telle que R(E(t)) = E(t) ∗T (t) est appelée réponse im-pulsionnelle ou percussionnelle car elle correspond à la réponse d’une excitation élémentaireE = δ.

29

Page 30: Mathématiques pour l'Ingénieur

Théorème 2.4.1. Un système physique peut être décrit par un opérateur de convolution siet seulement si il est linéaire, continu et invariant par translation.

Exemples : Les filtres linéaires en électronique (systèmes formés de résistances, selfs, capa-cités, amplificateurs sans saturation). Les systèmes formés de masses, de ressorts et d’amor-tisseurs en mécanique.

2.4.2 Système causal

Définition 2.4.4. Un système décrit par un opérateur de distribution temporel (c’est-à-direà une variable qui représente le temps) est dit causal si sa réponse impulsionnelle T (t) estnulle pour t < 0 (c’est-à-dire que < T, ϕ >= 0 dès que ϕ est nulle pour t ≥ 0).

Dans le cas d’un système causal, l’effet d’un signal ne peut précéder sa cause c’est-à-direque la réponse S(τ) d’un tel système à un temps τ ne dépend que des valeurs du signal E(t)pour t ≤ τ .

2.4.3 Réponse à une excitation exponentielle

Théorème et Définition 2.4.1 (Régularisation d’une distribution singulière). Soit Ψ unefonction indéfiniment dérivable et T une distribution. On note Ψ ∗ T l’application

Ψ ∗ T : x 7→< T (t),Ψ(x− t) > .

Cette application est indéfiniment dérivable et vérifie TΨ ∗ T = TΨ∗T . On l’appelle la régula-risée de T par Ψ.

Démonstration.

∀ϕ ∈ D(R2), < TΨ ∗ T, ϕ > = < T (t)⊗ Tψ(x), ϕ(x+ t) >= < T (t), < TΨ(x), ϕ(x+ t) >>= < T (t),

∫Ψ(x)ϕ(x+ t)dx >

= < T (t),∫

Ψ(x− t)ϕ(x)dx >= < T (t), < Tϕ(x),Ψ(x− t) >>= < T (t)⊗ Tϕ(x),Ψ(x− t) >= < Tϕ(x), < T (t),Ψ(x− t) >>=

∫ϕ(x) < T (t),Ψ(x− t) > dx

= < TΨ∗T , ϕ > .

La réponse impulsionnelle d’un système décrit par un opérateur de convolution joueun rôle important. Un autre type de réponse joue un rôle important : celle aux signauxexponentiels. Considérons donc un système décrit par un opérateur de convolution de réponseimpulsionnelle T c’est-à-dire

S = E ∗ T,

30

Page 31: Mathématiques pour l'Ingénieur

et examinons la réponse à un signal

E(t) = exp(2 i π ν t),

correspondant à une oscillation harmonique de fréquence ν. La réponse sera alors

S = T ∗ exp(2 i π ν t),

et comme la fonction exponentielle est indéfiniment dérivable, il vient

S(t) =< T (τ), exp(2 i π ν (t− τ)) >=< T (τ), exp(−2 i π ν τ) > exp(2 i π ν t).

En posant T (ν) =< T (τ), exp(−2 i π ν τ) >, on obtient

S(t) = T (ν) exp(2 i π ν t).

La fonction T (ν) s’appelle la transformée de Fourier de la distribution T . Le système trans-forme donc l’excitation exp(2 i π ν t) en T (ν) exp(2 i π ν t).

Plus généralement la réponse à une excitation E(t) = exp(p t) où p est un scalaire com-plexe quelconque est

S(t) =< T (τ), exp(−p τ) > exp(p t).

La fonction de p donnée par < T (τ), exp(−p τ) > est appelée transformée de Laplace de ladistribution T .

Théorème 2.4.2. Les fonctions exponentielles sont des fonctions propres pour les opérateursde convolution. Les valeurs propres correspondantes sont données par les transformées deFourier (ou de Laplace) de la réponse impulsionnelle.

On voit ici le rôle important que jouent les transformées de Fourier et de Laplace quel’on va étudier dans les chapitres suivants. Un moyen de calculer T ∗ E sera de décomposerE en combinaison linéaires de fonctions propres

E(t) =

∫E(ν) exp(2 i π ν t) dν.

On verra que E(ν) est justement la transformée de Fourier de E. En effet, par linéarité, laréponse S(t) sera alors donnée par

S(t) =

∫E(ν) T (ν) exp(2 i π ν t) dν.

La transformée de Fourier T (ν) est appelée fonction de transfert du système.

31

Page 32: Mathématiques pour l'Ingénieur

32

Page 33: Mathématiques pour l'Ingénieur

Chapitre 3

La Transformation de Fourier

3.1 Transformée de Fourier des fonctions

3.1.1 Définition et existence

Définition 3.1.1. Soit f : R → R ou C une fonction de la variable réelle à valeurs réellesou complexes. On appelle transformée de Fourier (ou spectre) de f , si elle existe, la fonctionf : R→ C définie par

f(ν) =

∫ +∞

−∞f(x) exp(−2 i π ν x) dx.

On écrira symboliquement

f = F [ f ] ou f(ν) = F [ f(x) ].

L’intégrale et donc la transformée de Fourier n’existe pas toujours, par exemple la fonctionx 7→ x2 n’admet pas de transformée de Fourier car l’intégrale∫ +∞

−∞x2 exp(−2 i π ν x) dx

n’existe pour aucune valeur de ν.

Si des conditions d’existence de la transformée de Fourier d’une fonction sont difficiles àécrire, on a en revanche la condition suffisante suivante :

Théorème 3.1.1. Toute fonction intégrable (au sens de Lebesgue) possède une transforméede Fourier qui est une fonction continue, bornée et tendant vers 0 lorsque |ν| tend versl’infini.

Exemples :

1. F [Π(x)] = sin(π ν)π ν

(= 1 si ν = 0) ;

2. F [exp(−π x2)] = exp(−π ν2) ;

3. F [exp(−a |x |)] = 2 aa2+4π2 ν2 .

33

Page 34: Mathématiques pour l'Ingénieur

3.1.2 Inversion

Soit f une fonction intégrable admettant une transformée de Fourier f elle-même intégrable.Alors, en tout point x où f est continue, on a :

f(x) =

∫ +∞

−∞f(ν) exp(2 i π ν x) dν.

Cette transformation est appelée transformée de Fourier inverse. On écrira symbolique-ment f(x) = F [ f(ν) ] = F−1[ f(ν) ] si f est continue en x et de manière générale, si f estcontinue : f = F [ f ] = F−1[ f ].

Si f est continue par morceaux, on peut donc obtenir f(x) à partir de f(ν) presquepartout. Si f n’est pas continue en x, on a plus généralement :∫ +∞

−∞f(ν) exp(2 i π ν x) dν =

1

2

(f(x+) + f(x−)

).

3.1.3 Transformée de Fourier en sinus et cosinus

Soit f une fonction de la variable réelle à valeurs réelles ou complexes. Il est connu que fpeut se décomposer en somme d’une fonction paire p et d’une fonction impaire q :

∀x ∈ R, f(x) = p(x) + q(x),

avecp(x) =

1

2(f(x) + f(−x)) , q(x) =

1

2(f(x)− f(−x)) .

On a alors

f(ν) =

∫ +∞

−∞(p(x) + q(x)) (cos(2 π ν x)− i sin(2π ν x)) dx,

d’où

f(ν) = 2

∫ +∞

0

p(x) cos(2 π ν x) dx− 2 i

∫ +∞

0

q(x) sin(2 π ν x) dx.

On écrit alorsF [f(x)] = Fcos[p(x)]− iFsin[q(x)],

où Fcos et Fsin sont les transformées de Fourier respectivement en cosinus et sinus définiespar :

Fcos[f(x)] = 2

∫ +∞

0

f(x) cos(2 π ν x) dx, Fsin[f(x)] = 2

∫ +∞

0

f(x) sin(2 π ν x) dx.

Lorsque la fonction f est à valeurs complexes, il faut décomposer p et q en parties réelleset imaginaires. On obtient alors la correspondance :

34

Page 35: Mathématiques pour l'Ingénieur

f(x) = partie réelle paire + imag. paire + réelle imp. + imag. imp.↓ ↓

f(ν) = partie réelle paire + imag. paire + réelle imp. + imag. imp.

Finalement, on a

f(x) −→ f(ν)——————————– ——————————– ——————————–

paire −→ paireimpaire −→ impaireréellle −→ hermitienne (f(ν) = f(−ν))

imaginaire −→ antihermitienne (f(ν) = −f(−ν))réelle paire −→ réelle paire

réelle impaire −→ imaginaire impaireimaginaire paire −→ imaginaire paire

imaginaire impaire −→ réelle impaire

3.1.4 Propriétés

Linéarité :

F [λ f(x) + µ g(x)] =∫

(λ f(x) + µ g(x)) exp(−2 i π ν x) dx= λ

∫f(x) exp(−2 i π ν x) dx+ µ

∫g(x) exp(−2 i π ν x) dx

= λF [f(x)] + µF [g(x)]

Transposition :F [f(−x)] =

∫f(−x) exp(−2 i π ν x) dx

=∫f(y) exp(2 i π ν y) dy

= f(−ν)

Conjugaison :F [f(x)] =

∫f(x) exp(−2 i π ν x) dx

=∫f(x) exp(2 i π ν x) dx

= f(−ν)

Changement d’échelle :

F [f(a x)] =∫f(a x) exp(−2 i π ν x) dx

=∫f(y) exp(−2 i π ν y

a) 1|a| dy

= 1|a| f(ν

a)

En d’autres termes, une dilatation dans le monde réel entraîne une compression dans lemonde de Fourier et inversement.

35

Page 36: Mathématiques pour l'Ingénieur

Translation :

F [f(x− a)] =∫f(x− a) exp(−2 i π ν x) dx

=∫f(y) exp(−2 i π ν (y + a)) dy

= exp(−2 i π ν a)∫f(y) exp(−2 i π ν y) dy

= exp(−2 i π ν a) f(ν).

En d’autres termes, une translation dans le monde réel correspond à un déphasage (pro-portionnel à la fréquence ν) dans le monde de Fourier.

Modulation :

F [exp(2 i π ν0 x) f(x)] =∫

exp(2 i π ν0 x) f(x) exp(−2 i π ν x) dx=

∫f(x) exp(−2 i π (ν − ν0)x) dx

= f(ν − ν0).

Moduler la fonction f par une exponentielle imaginaire revient à translater sa transforméede Fourier.

3.1.5 Dérivation

Par rapport à x :

Supposons f sommable, dérivable et à dérivée sommable. Par intégration par partie, ilvient alors

F [f ′(x)] =∫f ′(x) exp(−2 i π ν x) dx

= [f(x) exp(−2 i π ν x)]+∞−∞ + 2 i π ν∫f(x) exp(−2 i π ν x) dx

= 2 i π ν f(ν).

Plus généralement, on obtient

F [f (m)(x)] = (2 i π ν)m f(ν).

De cette formule on tire (en prenant les modules)

|2 π ν |m| f(ν) |≤∫|f (m)(x) | dx,

et on conclut que plus f est dérivable, à dérivées sommables, plus f décroît rapidement àl’infini. En effet, si f est m fois dérivable et à dérivée m-ième sommable, f décroît au moinsen 1/νm.

Par rapport à ν :∂∂ νf(ν) =

∫f(x) ∂

∂ νexp(−2 i π ν x) dx

=∫

(−2 i π x) f(x) exp(−2 i π ν x) dx= F [(−2 i π x) f(x)].

36

Page 37: Mathématiques pour l'Ingénieur

De manière générale, on obtient

f (m)(ν) = F [(−2 i π x)m f(x)].

Ce résultat conduit aussi à une majoration

| f (m)(ν) |≤∫|2 π x |m |f(x) | dx.

et donc : plus f décroît à l’infini, plus f est dérivable (avec ses dérivées bornées). En effet,si f décroît en 1/xm à l’infini, alors, f est m fois dérivable (car | 2π x |m | f(x) | est alorssommable) et sa dérivée m-ième est bornée.

3.1.6 Transformée de Fourier et convolution

Supposons f et g sommables telles que f ∗ g existe. On a alors

F [f ∗ g] =

∫exp(−2 i π ν x)

∫f(t) g(x− t)dx dt.

Le théorème de Fubini donne alors

F [f ∗ g] =

∫f(t)dt

∫g(x− t) exp(−2 i π ν x) dx,

et après le changement de variable y = x− t dans la seconde intégrale, il vient

F [f ∗ g] =

∫f(t) exp(−2 i π ν t) dt

∫g(y) exp(−2 i π ν y) dy,

d’oùF [f ∗ g] = F [f ]F [g].

Théorème 3.1.2. La transformée de Fourier du produit de convolution de deux fonctionsest le produit ordinaire des transformées de Fourier des deux fonctions.

Exemple : On se propose de calculer la transformée de Fourier de la fontion Λ définie par :

Λ(x) =

1 + x pour −1 ≤ x ≤ 01− x pour 0 ≤ x ≤ 1

0 pour |x |≥ 1,

ayant le graphe suivant :

37

Page 38: Mathématiques pour l'Ingénieur

On commence par montrer que Λ(x) = (Π ∗ Π)(x) et on en déduit que

F [Λ(x)] = F [Π(x)]2 =

(sin(π ν)

π ν

)2

.

Inversement, on montre que l’on a le résultat suivant :

Théorème 3.1.3. Lorsque ces expressions sont définies, on a

F [f g] = F [f ] ∗ F [g].

3.1.7 Formule de Parseval-Plancherel

La relation suivante a été établie par Parseval et généralisée par Plancherel aux transforméesde Fourier :

Théorème 3.1.4. Soient f et g deux fonctions de carré sommable. On a alors :∫f(x) g(x)dx =

∫f(ν) g(ν) dν.

Un cas particulier important est le cas f = g c’est-à-dire∫|f(x) |2 dx =

∫| f(ν) |2 dν.

Démonstration. On a∫f(x) g(x)dx = F [f g]|ν=0 = [f(ν) ∗ g(−ν)]|ν=0 =

[∫f(t) g(t− ν)dt

]|ν=0

=

∫f(t) g(t)dt.

38

Page 39: Mathématiques pour l'Ingénieur

En physique, si f est une onde ou une vibration et si la variable x est temporelle (x = t),alors

∫|f(x) |2 dx peut représenter la puissance (ou l’énergie) totale dans le domaine tem-

porel et∫| f(ν) |2 dν représente la puissance totale dans le domaine fréquentiel.

Remarque : Transformée de Fourier des fonctions de carré sommableIl existe des fonctions non intégrables mais dont le carré l’est (par exemple la fonctionsinus cardinal x 7→ sinc(x) = sin(x)

xprolongée par continuité en 0 par sinc(0) = 1 ). De

telles fonctions apparaissent fréquemment en physique (fonction d’onde d’une particule enmécanique quantique, en électricité ou traitement du signal où

∫| f(t) |2 dt représente

l’énergie totale d’un signal temporel t 7→ f(t)). Il existe un moyen (que nous ne traiteronspas ici) d’étendre la transformée de Fourier aux fonctions non sommables mais de carrésommable.

3.2 Transformée de Fourier des distributions

Nous allons maintenant définir une notion de transformée de Fourier pour les distributions.L’intérêt est de :

1. Pouvoir définir la transformée de Fourier des distributions commes δ,X , . . . ,

2. Espérer pouvoir étendre la transformée de Fourier des fonctions sommables (et decarré sommable) à des fonctions intervenant tout le temps en physique et n’étant nisommables ni de carré sommable comme H.

3.2.1 Définition

Comme d’habitude on va tout d’abord essayer de définir la transformée de Fourier pourles distributions régulières. Soit donc f une fonction intégrable qui définit une distributionrégulière Tf et intéressons nous à la distribution régulière associée à f : on a :

∀ϕ ∈ D, < Tf , ϕ >=

∫f(t)ϕ(t)dt =

∫(

∫f(x) exp(−2 i π x t)dx)ϕ(t) dt,

et en utilisant le théorème de Fubini pour intervertir les deux intégrales :

∀ϕ ∈ D, < Tf , ϕ >=

∫f(x)(

∫exp(−2 i π x t)ϕ(t) dt) dx =

∫f(x) ϕ(x) dx =< Tf , ϕ > .

Le problème ici est que si ϕ appartient à D, il n’y a aucune raison pour que sa transforméede Fourier ϕ appartienne à D et donc < Tf , ϕ > n’a en général pas de sens. Pour obtenirune définition satisfaisante de la transformée de Fourier des distributions, on doit donc seplacer sur un espace plus grand que D.

39

Page 40: Mathématiques pour l'Ingénieur

3.2.2 Espace S et transformée de Fourier

Définition 3.2.1. Une fonction est dite à décroissance rapide si pour tout k dans N,limx→±∞ | xk f(x) |= 0. Une telle fonction décroît plus vite que toutes puissance de 1/ | x |à l’infini. On note S l’ensemble des fonctions de R dans R ou C qui sont indéfinimentdérivables et à décroissance rapide ainsi que toutes leurs dérivées.

Intéressons nous maintenant à la transformée de Fourier de telles fonctions. Soit ϕ unefonction de S. On a :

∀m ∈ N, ϕ(m)(ν) =

∫(−2 i π x)m exp(−2 i π ν x)ϕ(x) dx,

et on en déduit que ϕ ainsi que toutes ses dérivées sont aussi à décroissances rapides (voiraussi le paragraphe 3.1.5). D’une manière générale, on a le résultat suivant :

Théorème 3.2.1. La transformation de Fourier est une application linéaire (et continue)de S dans S.

3.2.3 Transformée de Fourier des distributions tempérées

Définition 3.2.2. On appelle distribution tempérée toute fonctionnelle linéaire et continuesur l’espace de fonctions S. Les distributions tempérées forment un sous-espace de D′ notéS ′.

Dans la pratique, la plupart des distributions sont tempérées (δa, vp 1x). Cependant, en

général, si f est une fonction localement sommable, alors Tf n’est pas tempérée.

Théorème 3.2.2 (Caractérisation des distributions tempérées). Pour qu’une fonctionnellelinéaire continue T sur S soit tempérée, il faut et il suffit qu’il existe A > 0 et p ∈ N+ telsque, pour tout ϕ ∈ S, on ait :

|< T, ϕ >|≤ A ‖ ϕ ‖p,où

‖ ϕ ‖p= (

∫|ϕ(t) |p dt)1/p.

Proposition 3.2.1. L’ensemble des distributions tempérées contient toutes les distributionsà support bornée comme les Dirac, les dérivées des Dirac et les distributions régulières asso-ciées aux fonctions à croissance lente comme les polynômes, les fonctions périodiques locale-ment sommables.

Exemple : la distribution régulière Texp n’est pas tempérée puisque la fonction exponentiellecroit trop rapidement à l’infini.

Théorème et Définition 3.2.1. Toute distribution tempérée T admet une transformée deFourier, notée F [T ] ou T , qui est également une distribution tempérée. Elle est définie par :

∀ϕ ∈ S, < T , ϕ >=< T, ϕ > .

40

Page 41: Mathématiques pour l'Ingénieur

Exemples :

• F [T1] = δ.

< T1, ϕ >=< T1, ϕ >=

∫ +∞

−∞ϕ(ν) dν = ϕ(0) =< δ, ϕ >,

(cf. formule de la transformée de Fourier inverse)

• F [δ] = T1.

< δ, ϕ >=< δ, ϕ >= ϕ(0) =

∫ +∞

−∞ϕ(x) dx =< T1, ϕ >,

• F [Texp(2 i π ν0 x)] = δ(ν − ν0),

• F [Tcos(2π ν0 x)] = 12

(δ(ν − ν0) + δ(ν + ν0)),

• F [Tsin(2π ν0 x)] = 12 i

(δ(ν − ν0)− δ(ν + ν0)).

3.2.4 Propriétés

On peut définir une transformée de Fourier inverse comme pour les fonctions : on a

∀ϕ ∈ S, < F−1F [T ], ϕ >=< F [T ],F−1[ϕ] >=< T,FF−1[ϕ] >=< T, ϕ > .

On peut montrer, de la même façon que pour la transformée de Fourier des fonctions,que l’on a les propriétés suivantes :

Théorème 3.2.3. Soit T une distribution tempérée. On a alors :

• F [T (m)] = (2 i π ν)mF [T ] ;

• F [T (x− a)] = exp(−2 i π ν a)F [T ] ;

• F [T (a x)] = 1|a| T (ν

a) ;

• F [exp(2 i π a x)T ] = T (ν − a).

Théorème 3.2.4. Si T est une distribution tempérée à support borné, alors sa transforméede Fourier F [T ] est une distribution régulière associée à une fonction indéfiniment dérivable.

41

Page 42: Mathématiques pour l'Ingénieur

3.2.5 Transformée de Fourier de la distribution peigne de Dirac

On rappelle que la distribution peigne de Dirac notée X est égale à∑+∞

n=−∞ δ(x − n). Lethéorème suivant n’est pas du tout évident à démontrer mais est très important pour lesapplications comme, par exemple, l’échantillonnage.Théorème 3.2.5. La distribution peigne de Dirac est une distribution tempérée. Elle admetdonc une transformée de Fourier au sens des distributions. Sa transformée de Fourier est ladistribution peigne de Dirac elle-même : F [X(x)] = X(ν) ou encore

F [+∞∑

n=−∞

δ(x− n)] =+∞∑

n=−∞

δ(ν − n).

De plus, on a :

F [+∞∑

n=−∞

δ(x− nT )] =1

T

+∞∑n=−∞

δ(ν − n

T

).

En utilisant la définition deX et la linéarité de la transformée de Fourier, on peut alorsécrire :

F [+∞∑

n=−∞

δ(x− n)] =+∞∑

n=−∞

F [δ(x− n)] =+∞∑

n=−∞

exp(−2 i π n ν)T1.

D’où+∞∑

n=−∞

δ(ν − n) =+∞∑

n=−∞

exp(2 i π n ν) T1.

Grâce à ces formules, on peut obtenir le résultat très intéressant suivant :Théorème 3.2.6 (Formule sommatoire de Poisson). Soit f une fonction continue admettantune transformée de Fourier. Lorsque ces sommes ont un sens, on a :

+∞∑n=−∞

f(x− nT ) =1

T

+∞∑n=−∞

f(nT

)exp

(2 i π x n

T

).

Dans le cas particulier x = 0 et T = 1, la formule de Poisson s’écrit :+∞∑

n=−∞

f(n) =+∞∑

n=−∞

f(n).

3.3 Séries de Fourier et Échantillonnage

3.3.1 Transformée de Fourier des fonctions périodiques

Développement en série de Fourier d’une fonction

Soit f une fonction périodique de période T , i.e., f(x) = f(x + nT ) pour tout n ∈ N. Ennotant

V0 =1

T,

42

Page 43: Mathématiques pour l'Ingénieur

on peut écrire le développement de f(x) en série de Fourier sous la forme

f(x) =a0

2+

+∞∑n=1

(an cos(2π nV0 x) + bn sin(2π nV0 x)) ,

avec

an = 2V0

∫ T/2

−T/2f(t) cos(2 π nV0 t)dt, bn = 2V0

∫ T/2

−T/2f(t) sin(2 π nV0 t)dt.

En transformant les cosinus et sinus en exponentielles complexes, on peut encore écrire

f(x) =+∞∑

n=−∞

cn exp(2 i π n V0 x),

cn =1

2(an − i bn) = V0

∫ T/2

−T/2f(t) exp(−2 i π n V0 t)dt.

Théorème 3.3.1 (formule de Parseval). La série∑+∞

n=−∞ | cn |2 est convergente et on a

+∞∑n=−∞

| cn |2 =1

T

∫ T/2

−T/2|f(x) |2 dx =‖f ‖2,

ce qui peut aussi s’écrire

‖f ‖2 =a2

0

4+

1

2

∑n≥1

(a2n + b2

n).

Distributions et fonctions périodiques

Théorème 3.3.2. Si F est une distribution périodique de période T , alors il existe unedistribution F0 dont le support a une longueur inférieure à T et telle que

F = F0 ∗∞∑

n=−∞

δ(t− nT ).

Sa transformée de Fourier est alors un peigne de Dirac modulé dont les Dirac sont en nTavec

n ∈ Z :

F (ν) =+∞∑

n=−∞

cn δ(ν − n

T

), cn =

1

TF0

(nT

).

Démonstration. On a F (ν) = F0(ν)F [∑∞

n=−∞ δ(t − nT )]. D’après le théorème 3.2.5, onobtient donc F (ν) = F0(ν) 1

T

∑∞n=−∞ δ(ν −

nT

). Or d’après le théorème 3.2.4, F0 est unedistribution régulière associée à une fonction indéfiniment dérivable de sorte que F0(ν) δ(ν−nT

) = F0( nT

) δ(ν − nT

) d’où le résultat.

43

Page 44: Mathématiques pour l'Ingénieur

Théorème 3.3.3. Si f est une fonction périodique de période T et si l’on note cn les coef-ficients dans son développement en série de Fourier complexe, alors on a

F [Tf ] =+∞∑

n=−∞

cn δ(ν − n

T

).

Démonstration. Si f0 représente f sur une période, alors f(t) =∑+∞

n=−∞ f0(t − nT ). D’oùTf =

∑+∞n=−∞ Tf0 ∗ δ(t − nT ). On a donc F [Tf ] = F [Tf0 ]

1T

∑+∞n=−∞ δ(ν −

nT

). Or f0 est lo-calement sommable donc F [Tf0 ] = Tf0 et f0(ν) =

∫ T/2−T/2 f0(t) exp(−2 i π ν t)dt et on retrouve

bien le coefficient cn = 1T

∫ T/2−T/2 f0(t) exp(−2 i π ν

Tt)dt du développement en série de Fourier

complexe de f (voir aussi la preuve du théorème précédent).

3.3.2 Échantillonnage

L’expérimentateur est souvent confronté au problème suivant : il ne dispose que d’une suitede mesures de la valeur d’une fonction en certains points.

Supposons que les xi soient équidistants (xj−xj−1 = c où c est une constante) et suffisam-ment rapprochés. Peut-on déterminer f ? La réponse est oui à condition que la transforméede Fourier de f soit à support borné et, dans ce cas, on va déterminer l’intervalle maximalentre deux valeurs de x successives permettant de reconstruire f .

Considérons le produit X( xT

) f(x). En appliquant la transformée de Fourier, on obtientF [X( x

T) f(x)] = TX (T ν) ∗ f(ν) =

∑+∞n=−∞ δ(ν −

nT

) ∗ f(ν) =∑+∞

n=−∞ f(ν − nT

).

44

Page 45: Mathématiques pour l'Ingénieur

Plaçons nous dans le cas où f est à support borné compris dans [−V0, V0]. Pour T donné,on prélève un échantillon (f(nT ), n ∈ N). Si 1

T> 2V0 c’est-à-dire T < 1

2V0, alors on obtient

une série de fonctions disjointes.

On peut alors multiplier par la fonction porte prenant la valeur 1 pour |ν| < V0 et 0ailleurs, i.e., Π( ν

2V0) pour obtenir f(ν).

Théorème 3.3.4 (Théorème d’échantillonnage). Une fonction réelle ayant une transforméede Fourier dont le support est contenu dans l’intervalle [−V0, V0] est entièrement déterminéepar ses valeurs aux points x = nT pour n ∈ N et T < 1

2V0.

Ce théorème aussi connu sous le non de théorème de Nyquist-Shannon signifie que pourpouvoir transformer un signal d’une forme discrète à une forme continue, sa fréquenced’échantillonnage doit être supérieure ou égale au double de la fréquence maximale contenuedans ce signal (application : conversion analogique-numérique des signaux).

On doit maintenant reconstruire f à partir des valeurs des f(nT ). On appelle ce processusl’interpolation. Si f(ν) est nulle pour | ν |≥ V0, alors f(ν) = (TX(T ν) ∗ f(ν))Π( ν

2V0), pour

T < 12V0

. D’où en prenant la transformée de Fourier inverse f(x) =X( xT

) f(x) ∗ sin(2π V0 x)π x

etau final on trouve :

f(x) =+∞∑

n=−∞

T f(nT )sin(2π V0(x− nT ))

π(x− nT ),

que l’on peut aussi écrire

f(x) =+∞∑

n=−∞

f

(n

2V0

)sin(2π V0 x− nπ)

2π V0 x− nπ).

45

Page 46: Mathématiques pour l'Ingénieur

46

Page 47: Mathématiques pour l'Ingénieur

Chapitre 4

La Transformation de Laplace

La transformation de Laplace est une sorte de généralisation de la transformation de Fourierqui permet parfois d’éviter d’utiliser les distributions lorsqu’une fonction n’admet pas detransformée de Fourier.

4.1 Transformée de Laplace des fonctions

4.1.1 Définition et existence

Définition 4.1.1. Soit f une fonction définie pour tout t ∈ R+ et à valeurs réelles oucomplexes. La transformée de Laplace de f notée L[f(t)] ou L(s) est alors donnée, lorsqu’elleexiste, par la fonction de la variable complexe s ∈ C définie par :

L[f(t)] = L(s) =

∫ +∞

0

f(t) exp(−s t)dt.

Notons que si on ne fait aucune hypothèse sur f , alors l’intégrale∫ +∞

0f(t) exp(−s t)dt

n’existe pas forcément. Par exemple, la fonction t 7→ exp(t2) n’admet pas de transformée deLaplace. Nous avons cependant le théorème d’existence suivant :

Théorème 4.1.1. Soit f une fonction continue par morceaux sur tout intervalle de la forme[a, b] avec a, b ∈ R∗+ et vérifiant de plus

∀ t ≥ 0, |f(t)| ≤M exp(γ t), (4.1)

pour certaines constantes réelles M > 0 et γ. Alors la transformée de Laplace de f existepour tout s = x+ i ω ∈ C avec x > γ.

Les conditions de ce théorème suffisent pour la plupart des applications et il est en gé-néral assez facile de vérifier qu’une fonction vérifie une inégalité de la forme (4.1). Notonsaussi que ce théorème ne donne qu’une condition suffisante d’existence de transformée deLaplace et que cette condition n’est pas nécessaire. Par exemple, la fonction t 7→ 1/

√t ne

47

Page 48: Mathématiques pour l'Ingénieur

vérifie pas les conditions du théorème mais admet une transformée de Laplace qui est définiepar L[1/

√t] =

√π/s.

Soit f une fonction vérifiant les conditions du théorème 4.1.1 et soit s = x+i ω ∈ C. Alors,la fonction t 7→ f(t) exp(−s t) est intégrable si et seulement si la fonction t 7→ f(t) exp(−x t)est intégrable.

Définition 4.1.2. On appelle abscisse de sommabilité de la fonction f et on note α la borneinférieure de tous les x pour lesquels il y a sommabilité :

α = infx ∈ R ; t 7→|f(t) | exp(−x t) est sommable

La transformée de Laplace F de f est donc définie pour tout s = x+ i ω ∈ C avec x > αoù α est l’abscisse de sommabilité de f . Dans certains cas, F est aussi définie pour x = α.

Exemple : on considère la fonction de Heaviside H. Pour x ∈ R, on a∫ +∞

0

H(t) exp(−x t) dt =

∫ +∞

0

exp(−x t) dt = −1

x[exp(−x t)]+∞0

L’abscisse de sommabilité de H est donc α = 0 et L[H(t)] est définie pour tout complexe sayant une partie réelle strictement positive : on a alors L[H(t)] = 1/s.

4.1.2 Lien entre transformées de Laplace et de Fourier et formuled’inversion

Soit f une fonction définie sur R+ et supposons que f admette une transformée de Fourierf . On a alors

F (i ω) =

∫ +∞

−∞f(t) exp(−i ω t)dt =

∫ +∞

−∞f(t) exp(−2 i π (

ω

2 π) t)dt = f(

ω

2π).

La transformée de Laplace peut donc se voir comme une extension de la transformée deFourier. F (x+ i ω) est la transformée de Fourier de t 7→ f(t) exp(−x t) prise en ω/(2 π).

Soit f une fonction d’abscisse de sommabilité α et notons F sa transformée de Laplace.On a alors, pour x > α,

F (x+ 2 i π ν) =

∫ +∞

−∞H(t) f(t) exp(−x t) exp(−2 i π ν t)dt.

D’oùF (x+ 2 i π ν) = F [H(t) f(t) exp(−x t)],

et en appliquant la transformée de Fourier inverse, il vient qu’en tout point t où H f estcontinue :

H(t) f(t) exp(−x t) =

∫ +∞

−∞F (x+ 2 i π ν) exp(2 i π ν t)dν.

48

Page 49: Mathématiques pour l'Ingénieur

Notons que pour pouvoir appliquer la transformée de Fourier inverse, on peut supposer queF est intégrable. Ceci entraîne alors

H(t) f(t) =

∫ +∞

−∞F (x+ 2 i π ν) exp(x t) exp(2 i π ν t)dν.

On obtient doncH(t) f(t) =

1

2 i π

∫Dx

F (s) exp(s t)ds,

où s = x+ 2 i π ν et Dx = x+ i ω ; ω ∈ R est appelé contour de Bromwich.

Théorème 4.1.2 (Inversion de la transformée de Laplace). Soient f une fonction vérifiantles conditions du théorème 4.1.1 et F sa transformée de Laplace que l’on suppose intégrable.Si l’on note α l’abscisse de sommabilité de f , on a la formule d’inversion suivante (valableen tout point de continuité de H f) :

H(t) f(t) =1

2 i π

∫ x0+i∞

x0−i∞F (s) exp(s t) ds,

avec x0 > α quelconque.

Si la transformée de Laplace d’une fonction existe, alors elle est unique. En ce qui concernela transformée de Laplace inverse, nous avons le résultat suivant :

Proposition 4.1.1. Soient f et g deux fonctions qui vérifient les conditions du théorème 4.1.1.Si L[f(t)] = L[g(t)], alors f(t) = g(t) en tout point t où f et g sont continues. En parti-culier, si deux fonctions continues sur R+ ont la même transformée de Laplace, alors ellessont identiques.

4.1.3 Propriétés et transformées classiques

On suppose ici que les fonctions dont on prend la transformée de Laplace vérifient les condi-tions du théorème 4.1.1, que les fonctions que l’on dérive (resp. intègre) sont dérivables (resp.intégrables), . . . On montre alors les propriétés suivantes :

• L[a f(t) + b g(t)] = aL[f(t)] + bL[g(t)] ;

• L[f ′(t)] = −f(0) + sL[f(t)] ;

• L[f ′′(t)] = −f ′(0)− s f(0) + s2 L[f(t)] ;

• L[f (n)(t)] = −f (n−1)(0)− s f (n−2)(0)− · · · − sn−1 f(0) + sn L[f(t)] ;

• L[∫ t

0f(u)du] = 1

sL[f(t)] ;

• L[f(t− T )] = exp(−s T )L[f(t)] ;

49

Page 50: Mathématiques pour l'Ingénieur

• L[(f ∗ g)(t)] = L[f ]L[g] ;

Les formules de transformées de Laplace classiques données ci-dessous sont très utiles dansles applications. En effet, la décomposition en éléments simples d’une fraction rationnelle faitnaturellement apparaître les termes ci-dessous (voir Annexe A).

• L[1(t)] = 1s, L−1[1

s] = H(t) ;

• L[ tn

n!] = 1

sn+1 , L−1[ 1sn+1 ] = H(t) tn

n!;

• L[exp(−a t)] = 1s+a

, L−1[ 1s+a

] = H(t) exp(−a t) ;

• L[ tn

n!exp(−a t)] = 1

(s+a)n+1 , L−1[ 1(s+a)n+1 ] = H(t) tn

n!exp(−a t) ;

• L[cos(ω t)] = ss2+ω2 , L−1[ s

s2+ω2 ] = H(t) cos(ω t) ;

• L[sin(ω t)] = ωω2+s2

, L−1[ ωω2+s2

] = H(t) sin(ω t).

4.2 Transformée de Laplace des distributions

Définition 4.2.1. Soit T ∈ D′+. S’il existe α ∈ R tel que, pour tout x > α, la distributionexp(−x t)T soit tempérée, i.e., exp(−x t)T ∈ S ′, alors on peut définir la transformée deLaplace de T par l’application

s 7→ L[T ] =< T, exp(−s t) > .

On voit donc que la transformée de Laplace d’une distribution n’est pas une distributionmais une fonction qui à un complexe s associe le complexe < T, exp(−s t) >.

4.2.1 Exemples

On montre assez facilement que l’on a :

• L[δ](s) =< δ, exp(−s t) >= 1 donc L[δ] = 1 ;

• L[δ′](s) = s ;

• L[W ](s) = 1s;

• L[X +](s) = 11−exp(−s) ;

• L[T ∗ S] = L[T ]L[S].

50

Page 51: Mathématiques pour l'Ingénieur

4.2.2 Lien entre transformée de Laplace et de Fourier

Comme dans le cas des fonctions, il existe un lien entre les transformées de Fourier et Laplacedes distributions. Ces liens sont indiqués ici.

Soit f une fonction localement sommable et Tf la distribution régulière associée. SoitL[Tf ] la transformée de Laplace de Tf et notons α son abscisse de sommabilité. On a alors :

1. Si α > 0, alors Tf n’est pas tempérée et n’admet donc pas de transformée de Fourier.

2. Si α < 0, alors Tf (ν) = L[Tf ](2 i π ν).

3. Si α = 0, alors

L[Tf ](s) = L(Tg)(s) +∑n∈I

λn(s− i ωn)mn

Tf (ν) = Pf L(Tg)(2 i π ν) +∑n∈I

(2 i π)mn−1

2 (mn − 1)!λn δ

(mn−1)(ν − νn),

où Pf est une distribution appelée partie fractionnaire.

4.3 Applications en physique

4.3.1 Calcul des fonctions de transfert en électronique

On considère un circuit RLC.

51

Page 52: Mathématiques pour l'Ingénieur

L’équation différentielle régissant un tel circuit est alors donnée par

E(t) = Ld i(t)dt

+1

C

∫ t

0

i(u)du+R i(t).

Dans l’espace D′+ des distributions à support borné à droite, cette équation s’écrit alors

E = (L δ′ +1

CW +Rδ) ∗ i.

En prenant la transformée de Laplace, il vient alors

E(s) = (Ls+1

C s+R) I(s),

d’oùZ(s) :=

E(s)

I(s)= Ls+

1

C s+R.

Ce rapport de la tension à l’intensité en régime exponentiel est appelé fonction de transfertdu circuit en régime exponentiel.

4.3.2 Résolution d’équations différentielles en mécanique

On considère une cabine en translation le long de l’axe Oz d’un référentiel galiléen Oxyz etune masse m suspendue à son plafond par l’intermédiaire :

• d’un ressort de constante de raideur k,

• d’un amortisseur de coefficient a.

Le principe fondamental de la dynamique nous permet alors d’écrire

mx = −a x− k x−mu.

En prenant u = aH(t) et en appliquant la transformée de Laplace, il vient alors

m (−x′(0)− s x(0) + s2X(s)) + a (−x(0) + sX(s)) + k X(s)) = −m a

s.

D’où avec les conditions initiales x(0) = x′(0) = 0,

X(s) =−ma

s (ms2 + a s+ k)=

−as (s2 + a

ms+ k

m).

On pose alors

w20 =

k

m, ε1 =

a

2√mk

,

52

Page 53: Mathématiques pour l'Ingénieur

pour obtenirX(s) =

−as (s2 + 2 ε1 ω0 s+ ω2

0).

Le discriminant du trinôme s2 + 2 ε1 ω0 s + ω20 est égal à 4ω2

0 (ε21 − 1) donc, en supposant,ε1 > 1 on a s2 + 2 ε1 ω0 s + ω2

0 = (s − s1) (s − s2) avec s1 = −ω0 ε1 + ω0

√ε21 − 1 et s2 =

−ω0 ε1 − ω0

√ε21 − 1. On peut alors décomposer la fraction rationnelle X(s) en éléments

simples pour l’écrire sous la forme

X(s) =−a

s (s− s1) (s− s2)=A

s+

B

s− s1

+C

s− s2

,

avec

A =−as1 s2

=−aω2

0

, B =−a

s1 (s1 − s2)=

−a2ω0

√ε21 − 1 s1

, C =−a

s2 (s2 − s1)=

a

2ω0

√ε21 − 1 s2

.

Finalement, en prenant la transformée de Laplace inverse, il vient

x(t) =−aω2

0

H(t) +−a exp(s1 t)

2ω0

√ε21 − 1 s1

H(t) +a exp(s2 t)

2ω0

√ε21 − 1 s2

H(t).

4.4 Résolution d’équations de convolutionLa transformation de Laplace peut être utile pour calculer des inverses de convolution dansD′+ et donc résoudre des équations de convolution dans D′+.

On considère une équation de convolution

A ∗X = B,

où A et B sont deux distributions données dans D′+ et l’inconnue est la distribution X ∈ D′+.Supposons que les distributions A et B admettent des transformées de Laplace L[A] et L[B].S’il existe une solution X ∈ D′+ et si cette solution admet une transformée de Laplace L[X],alors on a

L[A]L[X] = L[B]⇐⇒ L[X] =L[B]

L[A].

Il suffit alors d’appliquer la transformée de Laplace inverse pour retrouver X. Pour ceci, ondispose du résultat suivant :

Proposition 4.4.1. Une fonction R de la variable complexe s est la transformée de La-place d’une distribution T ∈ D′+ si et seulement si il existe un demi-plan dans lequel R estholomorphe et R(s) est majorée en module par un polynôme en |s|.

Si la fonction L[B]/L[A] vérifie les conditions de la proposition, alors son image inverseX ∈ D′+ par la transformée de Laplace est l’unique solution dans D′+ de l’équation de convo-lution. En particulier, si A ∈ D′+ admet une transformée de Laplace L[A] et si 1/L[A] vérifie

53

Page 54: Mathématiques pour l'Ingénieur

les conditions de la proposition, alors son inverse de convolution A∗−1 est donnée par l’imageinverse par la transformée de Laplace de 1/L[A].

Exemples : Considérons la distribution D δ ∈ D′+ où D est un opérateur différentiel unitaireà coefficients constants et cherchons à calculer son inverse de convolution (ce qui équivaut àrésoudre l’équation de convolution D δ ∗X = δ) en utilisant la transformée de Laplace. Latransformée de Laplace de D δ est un polynôme P de la variable s et 1/P (s) vérifie alors leshypothèses de la proposition 4.4.1. D’après ce qui précède, on sait alors que l’unique solutiondans D′+ de l’équation de convolution D δ ∗ X = δ est l’image inverse par la transforméede Laplace de 1/P (s). On peut alors effectuer une décomposition en éléments simples sur C(voir Annexe A) de la fraction rationnelle 1/P (s) pour obtenir

1

P (s)=∑k

ak(s− sk)αk

.

La transformée de Laplace inverse de la fraction rationnelle∑

kak

(s−sk)αkest donnée par la

fonction H f , où f(t) =∑

k ak exp(−sk t) tαk−1

(αk−1)!donc le candidat naturel pour l’inverse de

convolution de D δ dans D′+ est W f . Notons qu’ici, en utilisant la proposition 2.3.3, onobtient bien

(D δ)∗−1 = W∑k

ak exp(−sk t)tαk−1

(αk − 1)!.

Si on considère maintenant la distribution A = δ′ +W ∈ D′+. Sa transformée de Laplaceest donnée par L[A] = s + 1/s = (s2 + 1)/s donc 1/L[A] = s/(s2 + 1). Cette fractionrationnelle vérifie les hypothèses de la proposition 4.4.1 donc c’est la transformée le Laplaced’une distribution de D′+. Comme s/(s2 + 1) est la transformée de Laplace de la fonctioncos(t), le candidat naturel est A∗−1 = W cos(t). Ici, nous ne disposons pas de l’analoguede la proposition 2.3.3 (qui n’est valable que pour des distributions de la forme D δ) pourvalider le résultat donc on doit vérifier que (δ′ + W ) ∗W cos(t) = δ ce qui se fait par uncalcul direct.

54

Page 55: Mathématiques pour l'Ingénieur

Annexe A

Décomposition en éléments simples

On a vu que l’application de la transformée de Laplace pour la résolution d’équations dif-férentielles et d’équations de convolution utilise la décomposition en éléments simples desfractions rationnelles. Le but de cette annexe est de donner (rappeler) les éléments néces-saires au calcul de la décomposition en éléments simples des fractions rationnelles.

Le calcul de la décomposition en éléments simples d’une fraction rationnelle peut sedécomposer en deux étapes :

1. Décomposer la fraction rationnelle en partie entière et partie polaire,

2. Décomposer la partie polaire en une somme d’éléments simples.

Une fraction rationnelle F en la variable x à coefficients dans K = R ou C s’écrit sous laforme

F =N

D,

où N et D sont deux polynômes en la variable x à coefficients dans K et D 6≡ 0. Dans toutecette annexe, on supposera sans perte de généralité que N et D sont premiers entre eux (s’ilsont un facteur commun, alors on peut le simplifier) et que D est unitaire. On appelle pôlede F les racines de son dénominateur D. La fraction rationnelle F est alors définie partouten dehors de ses pôles c’est-à-dire pour tout x tel que D(x) 6= 0.

A.1 Décomposition en partie entière et partie polaireProposition A.1.1. Toute fraction rationnelle F admet une unique décomposition

F = E + F = E +P

Q,

où E est un polynôme appelé partie entière de F et F = P/Q est une fraction rationnellevérifiant deg(P ) < deg(Q) appelée partie polaire de F .

55

Page 56: Mathématiques pour l'Ingénieur

Soit F = N/D une fraction rationnelle. Si degN < degD, alors on pose E = 0 etF = N/D. Sinon E et F se calculent en effectuant la division euclidienne de N par D. En ef-fet, la division euclidienne de N par D fournit deux polynômes Q et R tels que N = QD+Ret deg(R) < deg(D). On a alors F = Q + R/D avec deg(R) < deg(D) et il suffit donc deposer E = Q et F = R/D.

Exemple : On considère la fraction rationnelle

F =N

D, N(x) = x2 (2x+ 1), D(x) = x2 + 1, (A.1)

ayant pour pôles les nombres complexes i et −i. En effectuant la division euclidienne deN(x) = 2 x3 + x2 par D(x) = x2 + 1, on obtient1 :

N(x) = (2 x+ 1)D(x) + (−2x− 1).

La partie entière de F est alors donnée par E(x) = 2x + 1 et sa partie polaire est donnéepar F (x) = −2x+1

x2+1.

A.2 Décomposition de la partie polaire en éléments simplesOn considère maintenant une fraction rationnelle F = N/D avec deg(N) < degD et on vala décomposer en éléments simples. Pour ce faire, on doit distinguer le cas où l’on chercheune décomposition sur C de celui on l’on cherche une décomposition sur R.

A.2.1 Décomposition en éléments simples sur COn va montrer comment écrire F comme une somme de fractions rationnelles de la forme

c

(x− a)m, c ∈ C, a ∈ C, m ∈ N∗.

Une telle fraction rationnelle est appelée élément simple d’ordre m.

Tout polynôme en une variable à coefficients dans K = R ou C étant scindé sur C, onpeut toujours factoriser le polynôme unitaire D sous la forme

D(x) = (x− a1)m1 (x− a2)m2 · · · (x− ar)mr ,

où les nombres complexes a1, . . . , ar sont les pôles de F . On a alors le résultat suivant :

Proposition A.2.1. Avec les notations précédentes, il existe d’uniques constantes ci,j ∈ C,i = 1, . . . , r, j = 1, . . . ,mi telles que

F (x) =r∑i=1

mi∑j=1

ci,j(x− ai)j

. (A.2)

1On rappelle qu’en pratique la division euclidienne peut se calculer en posant la division comme on l’aappris à l’école.

56

Page 57: Mathématiques pour l'Ingénieur

Par exemple, si le dénominateur D de la fraction rationnelle F se factorise sous la forme

D(x) = (x+ 1) (x− 2) (x− 1)3,

ce qui correspond à r = 3, a1 = −1, a2 = 2, a3 = 1, m1 = m2 = 1, m3 = 3, alors laproposition précédente nous assure l’existence d’uniques constantes ci,j ∈ C telles que

F (x) =c1,1

x+ 1+

c2,1

x− 2+

c3,1

x− 1+

c3,2

(x− 1)2+

c3,3

(x− 1)3.

Calculer la décomposition en éléments simples de F consiste donc à calculer ces constantesci,j. En toute généralité, ceci peut se faire de la manière suivante :

1. On réduit au même dénominateur dans l’expression∑r

i=1

∑mij=1

ci,j(x−ai)j de sorte à ob-

tenir une fraction rationnelle de la forme P/D, où P est un polynôme en la variable xdont les coefficients dépendent des ci,j,

2. D’après (A.2), on doit donc avoir F = N/D = P/D c’est-à-dire N(x) = P (x). Deuxpolynômes étants égaux si et seulement si ils ont les mêmes coefficients (dans la basemonomiale), on écrit que le coefficients constant (en x0) de N doit être égal à celuide P , le coefficient en x1 de N doit être égal à celui de P , . . . ceci nous conduit à unsystème linéaire pour les ci,j que l’on résout. Notons que la proposition A.2.1 nousassure que ce système linéaire admet une unique solution.

Exemple : On considère la partie polaire de la fraction rationnelle donnée par (A.1) trouvéeprécédemment c’est-à-dire F (x) = −2x+1

x2+1. On factorise le dénominateur x2 + 1 en écrivant

x2 + 1 = (x− i) (x+ i). Avec les notations précédentes, ceci signifie que l’on a r = 2, a1 = i,a2 = −i, m1 = m2 = 1. La proposition A.2.1 nous assure donc l’existence de 2 nombrescomplexes c1,1 et c2,1 tels que

− 2x+ 1

x2 + 1=

c1,1

x− i+

c2,1

x+ i. (A.3)

En réduisant au même dénominateur dans le membre de droite, on obtient

−2x+ 1

x2 + 1=c1,1 (x+ i) + c2,1 (x− i)

(x− i) (x+ i)=

(c1,1 + c2,1)x+ (c1,1 − c2,1) i

x2 + 1.

On doit donc avoir −2x− 1 = (c1,1 + c2,1)x+ (c1,1 − c2,1) i c’est-à-dire−2 = c1,1 + c2,1,−1 = (c1,1 − c2,1) i.

En résolvant ce système on trouve alors c1,1 = −1 + 12i et c2,1 = −1 − 1

2i. La fraction

rationnelle F donnée par (A.1) s’écrit donc

F (x) = (2x+ 1)− 2x+ 1

x2 + 1= (2x+ 1) +

−1 + 12i

x− i+−1− 1

2i

x+ i.

57

Page 58: Mathématiques pour l'Ingénieur

Il existe des techniques (astuces) pour calculer certains coefficients ci,j d’une décompo-sition en éléments simples sans écrire le système linéaire. Par exemple, lorsque la fractionrationelle F admet un pôle simple en α ∈ C, i.e., D(x) = (x − α) D(x) avec D(α) 6= 0, lecoefficient c apparaissant dans l’élément simple c/(x − α) de la décomposition en élémentssimples de F vaut

c =N(α)

D(α). (A.4)

Ceci se voit en multipliant par (x− α) dans (A.2), en simplifiant les facteurs (x− α) appa-raissant au numérateur et dénominateur d’une même fraction rationnelle et en évaluant lerésultat en x = α.

Exemple : Dans l’exemple précédent la fraction rationnelle F admet un pôle simple en x = iavec D(x) = x+ i. D’après (A.4), on a alors

c1,1 =N(i)

D(i)=−2 i− 1

i+ i= −1 +

1

2i.

En effet, en multipliant par (x− i) dans (A.3), on obtient

−(2x+ 1) (x− i)x2 + 1

=c1,1 (x− i)x− i

+c2,1 (x− i)x+ i

,

d’où, en simplifiant,

−(2x+ 1)

x+ i= c1,1 +

c2,1 (x− i)x+ i

,

et en évaluant en x = i,

−(2 i+ 1)

i+ i= c1,1 + 0.

Dans cet exemple, on peut évidemment utiliser la même technique pour calculer c2,1.

Attention, la formule (A.4) n’est valable que lorsque le pôle α est simple. Si la fractionrationnelle F admet un pôle d’ordre m>1 en α ∈ C, i.e., B(x) = (x−α)m B(x) avec B(α) 6= 0,alors la partie de la décomposition en éléments simples correspondant à ce pôle s’écrit

c1,1

(x− α)+

c1,2

(x− α)2+ · · ·+ c1,m

(x− α)m.

Dans ce cas, une technique analogue à la précédente permet seulement de calculer le coeffi-cient c1,m qui sera donné par la formule

c1,m =N(α)

B(α).

Les autres coefficients ci,j doivent être calculés différemment, e.g., en revenant au systèmelinéaire obtenu en réduisant au même dénominateur. Notons qu’il existe d’autres astuces quenous ne détaillerons pas ici pour calculer ces autres coefficients sans passer par le systèmelinéaire.

58

Page 59: Mathématiques pour l'Ingénieur

A.2.2 Décomposition en éléments simples sur RLorsque l’on cherche la décomposition en éléments simples d’une fraction rationnelle sur R,la principale différence avec le cas dans C est qu’un polynôme à coefficients dans R n’est engénéral pas scindé sur R (autrement dit il existe des polynômes de degré 2 irréductibles surR, e.g., x2 + 1). Par conséquent, le dénominateur D de la fraction rationnelle F ne peut pass’écrire en général sous la forme D(x) = (x− a1)m1 (x− a2)m2 · · · (x− ar)mr , avec les ai dansR mais seulement

D(x) = (x−a1)m1 (x−a2)m2 · · · (x−ar)mr (x2+b1 x+c1)n1 (x2+b2 x+c2)n2 · · · (x2+bs x+cs)ns ,

où ai, bi, ci ∈ R et mi, ni ∈ N∗.

Proposition A.2.2. Avec les notations précédentes, il existe d’uniques constantes di,j ∈ R,i = 1, . . . , r, j = 1, . . . ,mi et ek,l, fk,l ∈ R, k = 1, . . . , s, l = 1, . . . , ns telles que

F (x) =r∑i=1

mi∑j=1

di,j(x− ai)j

+s∑

k=1

ns∑l=1

ek,l x+ fk,l(x2 + bk x+ ck)l

. (A.5)

Par exemple, si le dénominateur D de la fraction rationnelle F se factorise sous la forme

D(x) = (x+ 1) (x− 1)3 (x2 + 1) (x2 + x+ 1)2,

ce qui correspond à r = 2, a1 = −1, a2 = 1, m1 = 1, m2 = 3, s = 2, b1 = 0, c1 = 1, b2 = 1,c2 = 1, n1 = 1, n2 = 2, alors la proposition précédente nous assure l’existence d’uniquesconstantes di,j, ek,l, fk,l ∈ R telles que

F (x) =d1,1

x+ 1+

d2,1

x− 1+

d2,2

(x− 1)2+

d2,3

(x− 1)3+e1,1 x+ f1,1

x2 + 1+e2,1 x+ f2,1

x2 + x+ 1+

e2,2 x+ f2,2

(x2 + x+ 1)2.

Comme dans le cas de la décomposition en éléments simples sur C, réduire au même dé-nominateur dans le membre de droite de (A.5) et identifier les coefficients des numérateursnous mène à un système linéaire pour les coefficients inconnus di,j, ek,l et fk,l. La proposi-tion A.2.2 nous assure alors l’existence d’une solution unique réelle à ce système. De plusla technique énoncée dans le cas de la décomposition en éléments simples sur C menant àla formule (A.4) peut encore s’appliquer lorsque l’on travaille sur R. Pour les pôles définispar des facteurs irréductibles de degré 2 sur R, en évaluant en la racine complexe de cespolynômes et en égalisant les parties réelles et imaginaires des complexes obtenus, on trouvebien à la fois les coefficients ek,l et fk,l (voir l’exemple ci-dessous). Notons aussi que, commec’était le cas pour la décomposition sur C, il existe d’autres astuces (e.g., les mêmes quepour la décomposition sur C) que nous ne détaillerons pas ici pour calculer les coefficientsd’une décomposition en éléments simples sur R sans revenir au système linéaire.

Exemple : Soit à décomposer en éléments simples la fraction rationnelle

F =N

D, N(x) = x+ 1, D(x) = (x− 3) (x2 + 1)2.

59

Page 60: Mathématiques pour l'Ingénieur

D’après la proposition A.2.2, il existe d’uniques constantes di,j, ek,l, fk,l ∈ R telles que :

F (x) =d1,1

x− 3+e1,1 x+ f1,1

x2 + 1+e1,2 x+ f1,2

(x2 + 1)2.

Le pôle x = 3 étant simple, on a d1,1 = (3 + 1)/(32 + 1)2 = 4/100 = 1/25. En multipliantpar (x2 + 1)2 et en évaluant en x = i, on obtient e1,2 i+ f1,2 = (i+ 1)/(i− 3) = −1/5− 2/5 id’où e1,2 = −2/5 et f1,2 = −1/5. En réduisant au même dénominateur et en égalisant lescoefficients constants des numérateurs obtenus, on obtient 1 = d1,1 − 3 f1,1 − 3 f1,2 d’oùf1,1 = −3/25. De plus, en égalisant les coefficients en x4, on obtient 0 = d1,1 + e1,1 d’oùe1,1 = −1/25. Finalement, on a obtenu la décomposition en éléments simples suivante :

F (x) =1/25

x− 3+−1/25x− 3/25

x2 + 1+−2/5x− 1/5

(x2 + 1)2.

60

Page 61: Mathématiques pour l'Ingénieur

RemerciementsCe document a été rédigé avec l’aide de Marc Rybowicz, enseignant-chercheur à la facultédes sciences et techniques de l’Université de Limoges.

61

Page 62: Mathématiques pour l'Ingénieur

62

Page 63: Mathématiques pour l'Ingénieur

Bibliographie

[1] Walter Appel. Mathématiques pour la physique et les physiciens, H & K Éditions (2e

édition), 2002.

[2] Gustav Doetsch. Introduction to the Theory and Application of the Laplace Transfor-mation. Springer-Verlag, 1974.

[3] Erwin Kreyszig. Advanced Engineering Mathematics, 7th Edition, John Wiley & Sons,INC, 1993.

[4] François Roddier. Distributions et transformation de Fourier (à l’usage des physicienset des ingénieurs) Ediscience, 1971.

[5] Laurent Schwartz. Méthodes mathématiques pour les sciences physiques. 2e éditionrevue et corrigée, Hermann, Paris, 1965.

[6] Joel L. Schiff. The Laplace Transform : Theory and Applications. Springer-Verlag,1999.

63