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La Faculté de Droit Virtuelle est la plate-forme pédagogique de la Faculté de Droit de Lyon http://fdv.univ-lyon3.fr Date de création du document : année universitaire 2009/2010 Consultez les autres fiches sur le site de la FDV : http://fdv.univ-lyon3.fr Fiche à jour au 30 Avril 2010. F F I I C C H H E E P P E E D D A A G G O O G G I I Q Q U U E E V V I I R R T T U U E E L L L L E E Matière Histoire du droit: Auteur :David FRAPET T T I I T T R R E E D D E E L L A A S S E E A A N N C C E E : : D D I I S S S S E E R R T T A A T T I I O O N N : : S S U U J J E E T T : : « « R R O O B B E E R R T T L L E E D D I I A A B B L L E E » » : : U U N N O O P P E E R R A A A A C C L L E E F F S S P P O O U U R R L L E E S S F F R R A A N N Ç Ç A A I I S S D D E E 1 1 8 8 3 3 0 0 . .

Matière Histoire du droit: Auteur :David FRAPET · Royal. Au lendemain de la Révolution de Juillet 1830, Casimir Delavigne composera « la Parisienne », un hymne alors aussi populaire

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Date de création du document : année universitaire 2009/2010

Consultez les autres fiches sur le site de la FDV : http://fdv.univ-lyon3.fr

Fiche à jour au 30 Avril 2010.

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Matière Histoire du droit:

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Le 22 novembre 1831, eut lieu à Paris la première représentation de l’opéra en cinq actes intitulé « Robert le Diable », composé par Giacomo Meyerbeer, sur un livret d’Eugène Scribe et de Germain Delavigne. Cet opéra rencontra immédiatement un immense succès populaire. Sa grandiloquence correspondait, certes, au goût du public de l’époque et il était joué par des artistes de talent ; mais ce succès considérable ne peut s’expliquer uniquement par la qualité de l’opéra de Meyerbeer, une œuvre qui au demeurant, s’articule autour d’une intrigue fort simple : les principaux personnages sont respectivement un démon (Bertram), un homme torturé entre les principes du bien et du mal, Robert, et deux femmes, Isabelle et Alice, entraînées dans un combat contre le mal.

L’écrivain et journaliste de génie allemand Heinrich Heine, correspondant à Paris de la gazette d’Augsbourg dans les toutes premières années de la monarchie de juillet, a assisté à la première représentation de « Robert le Diable » à Paris le 22 novembre 1831. Il nous livre ses réflexions et nous fait part de son ressenti vis-à-vis de cet opéra, dans son ouvrage « de la France » (« französische Zustände »). Les brèves explications relatives à cet opéra qu’il donne à ses lecteurs méritent de retenir l’attention des historiens de notre siècle. Selon Heine, « Robert le Diable » serait fondamentalement un opéra politique qui aurait pour finalité non seulement de raconter de manière allégorique la vie de Louis –Philippe d’Orléans, mais encore de mettre en lumière la fragilité politique et institutionnelle de la toute jeune monarchie de Juillet. Force est de constater qu’une lecture même superficielle de cette œuvre corrobore les premières impressions de Heine.

Nous allons donc nous livrer à une exégèse de cet opéra, ce qui nous permettra de présenter le personnage de Louis-Philippe d’Orléans sous un jour tout à fait original ; en tous les cas d’une manière fort différente de celle développée dans un « cours magistral ».

Afin de bien saisir le sens caché de l’opéra de Meyerbeer, il conviendra dans un premier temps de notre exégèse, de présenter d’abord les auteurs, ensuite le compositeur, enfin les personnages principaux, avant d’aborder l’étude de la structure de l’œuvre. Une fois cet indispensable travail de présentation réalisé, nous tenterons dans le second mouvement

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de cette exégèse, d’éclairer le message politique caché, contenu dans cet opéra, en insistant sur deux points : D’abord, « Robert le Diable » symbolise à l’opéra le parcours politique de Louis-Philippe, depuis la Révolution française jusque dans les premiers balbutiements de la monarchie de Juillet ; ensuite, cet opéra est une allégorie de l’idéologie « Juste-Milieu » qui caractérise la pensée de Louis Philippe en particulier et de l’orléanisme en général. Les concepteurs du livret ont été très adroits dans leur façon d’exposer le roi et la reine des français sur les planches de l’opéra, et si impertinence il y eut, elle fut très académique…

I) Les auteurs, le compositeur et la structure de l’œuvre.

L’opéra « Robert le Diable », propose une intrigue très simple en apparence : Un démon nommé Bertram, en fait Satan en personne, s’emploie par tous les moyens à damner son fils Robert (dit « le Diable », du fait de sa filiation avec Satan). Robert manifeste une certaine complaisance pour les tentations proposées par son père, mais, somme toute, il résiste plutôt avec succès. Robert aime une jeune fille pure (Isabelle), qui sera – également avec sa propre sœur Alice -, son bon génie durant tout l’opéra. Robert va-t-il finir par vaincre le démon en dernière instance et trouver à la fois l’amour et la paix de l’âme ? Toute l’intrigue se trouve là. Pour bien cerner cet opéra et découvrir son fil conducteur caché derrière une apparente banalité de l’intrigue, attachons-nous d’abord à présenter les auteurs du livret et le compositeur.

A) Les auteurs, le compositeur et la structure de l’œuvre :

Il est intéressant de constater que les auteurs du livret évoluent dans la mouvance orléaniste, soit à la périphérie en ce qui concerne Eugène Scribe, soit au sein du cercle rapproché de Louis-Philippe pour Germain Delavigne.

1) Des auteurs dans la mouvance orléaniste.

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a) Eugène Scribe (1791-1861) :

Il a 40 ans au moment de la présentation de « Robert le Diable ». Dès l’âge de dix-huit ans, il compose avec son ami Casimir Delavigne, des pièces de théâtre. Il entreprend logiquement une carrière de dramaturge sous la Restauration. Dans sa vie, il composera près de cinq cents livrets d’opéras, de comédies, de drames et autres vaudevilles. C’est une comédie écrite avec Delestre-Poirson en 1815, intitulée « une nuit de la Garde Nationale », qui lui assure définitivement le succès. Eugène Scribe est élu à l’Académie Française, fief orléaniste par excellence, le 27 Novembre 1834. Scribe est encore connu de nos jours pour certaines œuvres qui ont su traverser le temps, comme « la muette de Portici », « les huguenots », ou bien encore « les vêpres siciliennes », chantées sur une musique de Giuseppe Verdi.

b) Germain Delavigne (1790-1868) :

C’est un orléaniste du premier cercle, puisqu’il exerce les fonctions de Garde du mobilier de la Couronne au sein de la Liste Civile de Louis-Philippe, entre 1831 et 1848. Cet emploi, certes prenant, permettait tout de même à Germain Delavigne de consacrer beaucoup de temps à la composition. Louis-Philippe, ami des Arts, aimait offrir des emplois dans la Liste Civile à des artistes et des savants. C’était une manière élégante de subventionner les hommes d’esprit et de favoriser la production d’œuvres diverses. Germain Delavigne est connu pour quelques œuvres célèbres, comme « la nonne sanglante » chantée sur une musique de Charles Gounod. La famille Delavigne fut particulièrement bien servie durant le règne de Louis Philippe, puisque Casimir, le frère de Germain, fut élevé par Louis-Philippe en 1821 lorsqu’il n’était encore que le duc d’Orléans, au rang de bibliothécaire du Palais Royal. Au lendemain de la Révolution de Juillet 1830, Casimir Delavigne composera « la Parisienne », un hymne alors aussi populaire que la Marseillaise, à la gloire des combattants de la Révolution de Juillet 1830 et de la famille d’Orléans.

2) Le compositeur Meyerbeer

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Giacomo Meyerbeer (né dans une famille de confession israélite à Berlin en 1791 et mort à Paris en 1864), est considéré comme le fondateur du « grand opéra français ». En 1842, il est nommé Directeur Général de la musique de Prusse par l’Empereur Frédéric Guillaume IV. Il triomphera quelques années plus tard (en 1849) à Paris, avec « le prophète ». Meyerbeer est également connu pour des œuvres comme « Guillaume Tell » (1829), « les Huguenots » (1836) ou bien encore « le pardon de ploërmel » (1859). Meyerbeer n’est pas particulièrement marqué politiquement ; il s’agit d’abord et avant tout de quelqu’un qui fait passer son art avant toute autre considération. Avec « Robert le Diable », Meyerbeer aura donc connu la consécration et obtenu un des plus grands succès de tout le siècle.

B) La structure de l’œuvre.

Une histoire apparemment simple, en fait chargée d’allusions politiques destinées à être livrées à un public averti, ainsi pourrait-on définir rapidement « Robert le Diable ». Il convient cependant de dépasser cette première approche, si l’on veut véritablement entrer pleinement dans l’œuvre de Meyerbeer, Scribe et Delavigne.

1) Les personnages principaux et leur signification sur un plan symbolique.

Nous répartirons les principaux personnages de « Robert le Diable » en deux grandes catégories : D’une part Robert et Bertram ; d’autre part, Isabelle et Alice. Les personnages « collectifs » comme les nonnes ressuscitées, seront évoqués tout au long du second mouvement de notre analyse.

a) Bertram et Robert le Diable :

Bertram :

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Bertram est le père de Robert le Diable. Bertram n’est autre que Satan en personne, et il n’a de cesse de tourmenter son fils pour le faire dévier du droit chemin. Il faut voir en Bertram, le personnage de Philippe Egalité, autrement dit de Louis-Philippe Joseph (1747- 1793), duc d’Orléans. Louis Philippe Joseph, personnage sulfureux de l’Histoire de France, acteur majeur de la Révolution française, s’illustra notamment en siégeant à la Convention avec les Montagnards, c’est à dire avec les éléments les plus radicaux de la Révolution. Il est par ailleurs devenu célèbre, pour avoir voté la mort de son cousin Louis XVI, le 17 Janvier 1793. Ce jour là, alors que les députés à la Convention devaient se prononcer pour ou contre la mort de Louis XVI, le duc d’Orléans,qui se faisait appeler « Philippe –Egalité » depuis l’abolition de la royauté le 21 Septembre 1792, monta à la tribune et déclara solennellement : « Uniquement préoccupé de mon devoir, convaincu que tous ceux qui ont attenté ou qui attenteront par la suite à la Souveraineté du peuple méritent la mort, je vote la mort ». En devenant régicide, Philippe-Egalité portait un coup décisif à l’honneur de la branche d’Orléans et lorsque son fils Louis-Philippe devint roi des français le 9 août 1830, les légitimistes invoquèrent le vote du 17 janvier 1793 pour dénier à la branche d’Orléans tout droit à la Couronne. Louis Philippe Joseph le régicide, par ailleurs connu pour son intempérance, se confond avec le personnage de Bertram dans l’opéra de Meyerbeer. Bertram , personnage central de cet opéra, symbolise donc la débauche et le principe révolutionnaire dans ce qu’il a de plus sanguinaire. Au regard des contre-valeurs qu’il incarne, Bertram est logiquement assimilé à Satan en personne.

Si Bertram est le père de Robert, et que Bertram et Philippe Egalité sont la même personne, alors il faut admettre que Robert le Diable n’est autre que le roi des français, Louis-Philippe d’Orléans. Nous conviendrons qu’en faisant passer le roi pour le fils du diable, les rédacteurs du livret et le compositeur de l’opéra ont fait preuve d’une bien grande témérité ; un tel état de fait plaide d’ailleurs en faveur de la monarchie de juillet, car il est fort probable que de semblables rapprochements auraient été impossibles sous l’Empire et la Restauration.

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Robert:

Dans l’opéra de Meyerbeer, Robert le Diable n’est pas fondamentalement mauvais. Toutefois, il faut reconnaître jusqu’à l’acte V, qu’il n’est pas non plus fondamentalement bon. Robert est en effet sujet à des variations d’humeur qui rendent son comportement imprévisible. Il est en permanence placé sous l’influence maléfique de son père, mais pourtant il parvient parfois à s’en dégager au prix d’efforts qui l’épuisent et le minent. Enfin, Robert semble aimer son père ( et ce dernier lui déclare également qu’il l’aime comme un père aime son fils). Les rapports entre Bertram et Robert le Diable sont donc aussi compliqués que ceux qui existèrent entre Philippe –Egalité et Louis-Philippe. Durant la période qui précéda immédiatement la Révolution française, puis au cours des événements eux-mêmes entre 1789 et 1793, Louis-Philippe Joseph « Egalité » exerça en effet un très grand ascendant sur son fils. Rappelons que le jeune duc de Chartres, qui deviendra le futur roi des français en août 1830, entra de son plein gré au club des Jacobins le 2 novembre 1790 ; ajoutons qu’il servira la Révolution dans l’armée jusqu’à la date très tardive d’ Avril 1793 et qu’il prendra part comme officier supérieur sous les ordres de Kellermann et de Ferrand, à la bataille de Valmy le 20 septembre 1792, puis à celle de Jemmapes le 6 novembre suivant, cette fois aux côtés du Général Dumouriez , enfin à celle de Neerwinden le 18 Mars 1793 . À bien des égards, Louis-Philippe peut être rangé parmi les personnalités qui servirent activement la Révolution, y compris dans la période de dictature.

b) Isabelle et Alice.

Isabelle et Alice sont les deux personnages féminins principaux. Dans les deux cas, ces femmes représentent la pureté, le droit chemin et la piété.

Isabelle :

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-Il faut voir dans Isabelle, la princesse Marie-Amélie de Bourbon-Siciles (Siciles écrit ici avec un « S », puisque les Bourbons de Sicile régnaient sur le royaume des deux Siciles : Naples et l’île de Sicile). La princesse Marie-Amélie , fille de la reine Marie-Caroline et de Ferdinand IV de Sicile, épousera le duc d’Orléans à Palerme le 25 novembre 1809, puis deviendra reine des français le 9 Août 1830.

Les analogies entre le personnage d’Isabelle et la reine Marie –Amélie sont frappantes dans « Robert le Diable ». Durant tout l’opéra, Isabelle apparaît comme le rempart de la vertu face à Bertram et elle n’a de cesse à la fois de déjouer ses intrigues et de tenter de ramener Robert le Diable du côté du bien. Isabelle, éprise de Robert, est pourtant promise au Prince de Grenade qu’elle n’aime pas. Cette allusion rappelle que le roi de Sicile Ferdinand IV n’était pas très favorable au mariage de sa fille avec un duc d’Orléans en exil. Toutefois, même très éprise, la Princesse Isabelle ne veut pas que Robert use d’artifices ou de sortilèges pour parvenir à l’épouser. Ainsi, Isabelle apparaît-elle comme le personnage qui aux côtés d’Alice, va toujours chercher à valoriser la part de Robert qui cherche à s’émanciper de la tutelle du démon. Marie-Amélie de Bourbon-Siciles, qui a été élevée dans les principes d’une religion éclairée et à qui sa préceptrice, Mme Vincente d’Ambrozzi a toujours donné l’exemple d’une sainteté joyeuse et épanouie, « ne conçoit le mariage qu’à la condition d’y trouver l’union des âmes » (Marguerite Castillon du Perron, « Louis-Philippe et la Révolution française », Paris, Pygmalion, 1984, p 585). La pieuse Isabelle représente donc la pieuse Marie-Amélie de Bourbon-Siciles. A titre d’anecdote, rappelons que lorsque Ferdinand IV de Siciles tenta d’ajourner le mariage de sa fille avec le duc d’Orléans (pour cause d’épuisement du Trésor du royaume et suite à des intrigues politiques ourdies par l’Angleterre et les milieux émigrés français), Marie Amélie menaça sérieusement de rentrer aux Capucins.

A la mort de la reine de France Marie-Antoinette, la reine de Naples a réuni ses enfants dans la chapelle royale du palais de Caserte, les a fait prier pour l’âme de la défunte reine de France, puis « leur a ordonné de jurer une haine inexpiable aux Orléans et à tous les révolutionnaires » (Castillon du Perron, précité, p 592.). Une fois la colère apaisée, la reine de

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Naples accepta de marier sa fille Marie-Amélie, à Louis-Philippe d’Orléans, le fils du régicide tant abhorré.

Sincèrement éprise du duc d’Orléans, craignant par ailleurs de ne pas pouvoir se marier, Marie-Amélie de Bourbon-Siciles a plaidé auprès de ses parents pour hâter son mariage avec le duc d’Orléans. Toutefois, Marie-Amélie n’était pas aveuglé par le désir de se marier, jusqu’au point d’épouser un « révolutionnaire » et elle eut des discussions politiques avec son futur époux. L’ aspect « politique » du duc d’Orléans inquiétait la pieuse princesse qui ne prisait pas du tout le club des Jacobins et le parlementarisme… Aussi, peut-on lire dans le journal intime de cette Princesse qui déteste Bonaparte et Murat, la phrase suivante probablement datée d’Août 1809 : « Ayant vécu dans l’intimité pendant un mois avec M de Chartres actuellement duc d’Orléans, je peux assurer que mûri par l’âge et par une longue expérience de malheurs, il est entièrement revenu de ses principes et professe actuellement le plus grand attachement pour le gouvernement monarchique ; il abhorre tous les principes modernes qui en sapent les fondements et il serait le plus zélé défenseur du trône » (M. Castillon du Perron, précité, p. 615).

Durant tout l’opéra de Meyerbeer, (surtout dans l’acte IV), Isabelle incarne les valeurs chères à celle qui est la reine des français au moment de la représentation de « Robert le Diable » : En rejetant l’idée que Robert puisse posséder le pouvoir absolu (et donc elle-même) grâce à une baguette magique, Isabelle-Marie Amélie refuse de recourir à des artifices dans la très sérieuse affaire de l’amour. Un autre point important : Dans l’acte II de l’opéra, Isabelle offre une nouvelle armure à Robert, pour lui permettre de participer à un tournoi afin de regagner son honneur de Chevalier mis en péril par les tentations de Bertram. Comment ne pas voir dans la résistance opposée par Isabelle aux plans démoniaques de Bertram-Philippe Egalité, une allégorie de la lutte sans merci que se livreront toujours les principes monarchiques et la Révolution ? Sous la monarchie de Juillet, la reine Marie –Amélie a toujours fait tout ce qui était en son pouvoir pour que son royal mari ne retombe pas dans ses anciennes tendances révolutionnaires.

-Alice :

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Alice représente la sœur de Louis-Philippe, Adélaïde d’Orléans. Dans l’opéra, Alice joue un rôle de médiatrice entre les forces du bien et les forces du mal. Alice intervient avec force dans la joute de l’acte V au cours duquel elle se place physiquement entre Bertram le tentateur et Robert le Diable qui hésite entre la voie du bien et celle du mal. C’est finalement à Alice que Robert le Diable doit son salut. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue la collusion entre Alice et Isabelle pour assurer la victoire des forces du bien. Meyerbeer, Scribe et Delavigne accordent donc une très grande place aux femmes dans le camp du bien.

Adélaïde d’Orléans (1777-1847), sœur de Louis-Philippe, était une agnostique classée politiquement très à gauche. Autrement dit, c’était plutôt quelqu’un de proche du « Mouvement ». Elle entretenait pourtant de bons rapports avec la reine (elle positionnée beaucoup plus à droite et résolument en faveur de la « Résistance »). Ainsi, Marguerite Castillon du Perron, qui a décortiqué dans son ouvrage précité les relations existantes entre les différents membres de la famille royale de Sicile et les Orléans, a constaté une très grande intimité entre les deux femmes, au cours de l’année 1809, année décisive dans la vie du futur couple royal : « Avec Adélaïde, la Princesse Marie-Amélie a entamé une correspondance, qui de fort cérémonieuse, devient intime : Au Madame du début, succède le ‘’ma chère et tendre sœur ‘’. On se tricote des shalls et on s’envoie des douceurs ; on s’aimera toute la vie, on s’admire et on brûle du désir de se congratuler’’(Castillon du Perron, p 617). Dans l’opéra de Meyerbeer, la sœur de Robert est pieuse, alors qu’Adélaïde d’Orléans ne l’était pas. Il fallait bien brouiller un peu les pistes et ne pas transposer dans l’intrigue purement et simplement l’entourage de Louis-Philippe en 1830…

Quant à la proximité d’Alice avec son frère Robert dans l’opéra de Meyerbeer, elle rappelle la grande complicité qui a toujours existé entre Louis-Philippe et sa sœur, qui, comme lui, connut les amertumes de l’exil durant leurs années noires.

2) La structure de l’œuvre.

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-Nous venons de présenter les personnages principaux. Il convient maintenant de présenter la structure de cet opéra en cinq actes.

Il est possible de diviser en deux mouvements principaux, cet opéra en cinq actes. Les actes I et II sont caractérisés par la toute-puissance de Bertram-Satan. Robert est très faible ; il se laisse tenter. Il ne trouve d’aide que chez la princesse Isabelle. A partir de l’acte III, et jusqu’à la fin de l’acte V, la toute-puissance du tentateur décline. Robert s’émancipe de la tutelle du diable. Avec l’aide d’Isabelle et d’Alice, il finit par vaincre le sortilège de Bertram.

a) La toute-puissance de Bertram

Acte I : Les événements se déroulent en Sicile au XIIIe Siècle.

Robert est le fils de Satan (qui porte le nom de Bertram) et d’une mortelle pieuse et pure ; il est aussi le frère d’Alice, symbole de l’innocence. Bertram tente de corrompre son fils en cherchant par tous les moyens à l’entraîner dans la débauche et à obtenir sa perte. Banni de Normandie, Robert a trouvé refuge en Sicile où il tombe amoureux d’Isabelle, laquelle éprouve au demeurant les mêmes sentiments à son égard. Hélas, la belle est promise au Prince de Grenade. Durant cet acte I, Robert participe à un tournoi et se laisse tenter par Bertram. Il va d’adonner au vice du jeu et perdre jusqu’à son armure.

Acte II : Dans le palais princier, Isabelle la Sicilienne offre une autre armure à Robert, afin de lui permettre de participer à un tournoi, mais Robert est une nouvelle fois tenté par Bertram et il perd encore son honneur de Chevalier.

b) Le déclin de la toute-puissance du démon et la difficile émancipation de Robert.

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Acte III : Une première scène, dans la caverne de Sainte Irène, montre Bertram se vautrant dans la débauche en compagnie de coquins, de fripons et d’esprits maléfiques. Il compte bien attirer son fils Robert dans cette orgie.

Dans une seconde scène, située dans les ruines du couvent de Sainte Rosalie, Bertram ordonne aux nonnes mortes qui ont brisé leurs vœux de sortir de leur tombe pour une heure. Bertram assure par ailleurs Robert que s’il parvenait à s’emparer de la branche de cyprès dressée sur la tombe de Sainte Rosalie, il obtiendrait la réalisation de tous ses désirs et le pouvoir absolu. Robert est hésitant. Les fantômes des nonnes mortes l’incitent à céder à la tentation de cueillir cette branche de cyprès, tout en l’excitant aux passions du jeu, de la boisson et de la sensualité. A la fin de l’acte III, Robert s’empare de la branche de cyprès, non sans s’être livré à une furieuse bataille intérieure.

Acte IV : Robert demande au rameau magique de le faire entrer dans la chambre d’Isabelle, pour l’enlever. Mais, devant les prières de la jeune fille, il finit par briser le rameau de cyprès et le sortilège est rompu.

Acte V : Bertram essaie une dernière fois de tenter Robert. Au prix de son âme, le démon lui propose un pacte dont la jeune Alice parvient à détourner Robert, en lui rappelant les dernières paroles de leur mère. Le sort est définitivement rompu, Bertram retourne aux enfers. Les portes de la cathédrale de Palerme s’ouvrent et Isabelle apparaît en robe de mariée. Le couple est entouré d’angelots virevoltants dans des nuages d’encens.

II) « Robert le Diable», une représentation allégorique du parcours politique de Louis-Philippe.

L’opéra de Meyerbeer présente de manière voilée à un public de bourgeois avertis du Paris de 1830, le parcours politique mouvementé de leur roi. Par ailleurs, au-delà de la mise en avant du personnage de Louis-Philippe, il s’agit également de mettre en scène à l’opéra, la politique du « Juste Milieu»,

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pilier de l’orléanisme. « Robert le Diable » montre comment Louis-Philippe avec l’aide de Marie-Amélie, en optant pour la voie du Juste Milieu, s’est débarrassé des oripeaux révolutionnaires hérités de son père et a ainsi engagé la France dans la voie de l’orléanisme conservateur, seule politique possible en Août 1830.

A) La vie du couple royal, jouée à l’opéra.

Robert le diable et Isabelle de Sicile sont les représentations théâtrales de Louis-Philippe d’Orléans et de Marie Amélie de Bourbon Siciles. Eugène Scribe, Germain Delavigne et Giacomo Meyerbeer vont en quelque sorte transformer le couple royal en allégorie.

1) L’existence mouvementée de Louis-Philippe avant 1830, étalée devant les français.

a) Louis-Philippe le proscrit.

Louis-Philippe embrassa avec toute la fougue d’un jeune homme de dix-sept ans, les grands principes de la Révolution française. Sous l’influence de son père « Egalité » et de sa gouvernante, la très idéaliste Félicité de Genlis, Louis Philippe, alors jeune duc de Chartres, en entrant au club des Jacobins le 2 Novembre 1790, va intégrer sans le savoir une spirale infernale qui le conduira moins de 3 ans plus tard sur les chemins de l’exil. Menacé de mort par les conventionnels (qui prêtent au jeune Chartres et au Général Dumouriez des velléités de coup d’Etat), le futur roi des français ne sauve sa vie le 6 Avril 1793 qu’en franchissant la frontière pour se réfugier auprès des troupes autrichiennes de Mack qu’il combattait encore quelques jours auparavant.

Lorsque le spectateur de l’opéra de Meyerbeer entend que Robert, tenté par Bertram, a perdu jusqu’à son armure dans un tournoi, il comprend que tenté par le principe révolutionnaire, Robert a perdu jusqu’à sa patrie et son honneur, dans le tournoi qu’il a du livrer contre les extrémistes de la Convention. Les sirènes de la Révolution, dont son père

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Louis-Philippe Joseph –« Egalité » fut l’ambassadeur auprès de son fils, ont fini par perdre cet esprit pur que fut le jeune Chartres. Robert sans armure, c’est le jeune duc de Chartres revenu dans la douleur de ses premiers principes politiques. Si dans l’opéra de Meyerbeer Robert le diable est banni de Normandie, ce n’est pas non plus une affirmation gratuite. Rappelons que les Orléans possédaient avant la Révolution de grandes propriétés en Normandie. Le château d’Eu avait été achevé par Anne Marie Louise d’Orléans de Montpensier (1627-1693), plus connue sous le nom de « la Grande Mademoiselle », fille de Gaston d’Orléans. Le bannissement se manifeste certes au plan matériel par la perte de biens, mais au plan symbolique, la perte de la Normandie, dans le cas des Orléans, signifie la perte des racines. Ainsi, les complaisances manifestées par les Orléans à l’égard de la Révolution se soldent par la perte même de leur enracinement dans le sol national. Le prix payé pour les errements politiques est donc très élevé.

b) Louis-Philippe, le Chevalier du XIXe Siècle.

« Robert le Diable » se passe au XIIIe Siècle. Dans l’esprit des français de 1830, le Moyen Âge est une période caractérisée par la Chevalerie. Le Chevalier est un homme qui se livre à un combat intérieur contre ses passions et il aspire à la perfection ; extérieurement, il lutte pour la défense des faibles et de la gloire de Dieu. Dans l’imaginaire collectif, la représentation du Chevalier, personnage intimement lié à l’époque médiévale, se confond avec celle des héros des romans de Chrestien de Troyes. Lancelot du Lac et Galaad, pour ne citer qu’eux, apparaissent aux yeux des romantiques et des aspirants à un monde meilleur, comme les modèles indépassables du courage et de la probité. Or, sur la scène agitée du XIXe Siècle, les théoriciens et les acteurs de la vie politique et institutionnelle se livrent eux aussi à de dures joutes, entre les partisans de la souveraineté du peuple et ceux de la prédominance du pouvoir monarchique. L’opéra de Meyerbeer est un vaste tournoi entre les forces de l’ultraRévolution athée commandées par Bertram et celles qui défendent le principe monarchique et la religion catholique, incarnées par Isabelle et Alice. Robert, lui, est souvent tenté

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par Bertram (sous-entendons par là que Louis-Philippe a été entraîné par Philippe Egalité et qu’il pourrait encore l’être…), mais il résiste au mal et bénéficie de la bienveillance des forces du bien. Comme Louis-Philippe, Robert flotte entre les deux principes du bien et du mal jusqu’à la fin de l’acte IV : Il est « Juste Milieu » !

2) Pourquoi un opéra situé en Sicile ?

La Sicile est un territoire qui compte énormément dans la vie de Louis-Philippe. Après sa fuite hors de France en avril 1793, la vie de Louis-Philippe a été très compliquée. Au-delà des difficultés financières rencontrées par le Prince après sa fuite de France (« j’ai vécu avec 40 sous par jour », racontera plus tard le roi Louis-Philippe), il faut surtout insister sur les sarcasmes qu’il dut subir de la part des émigrés français qui avaient rejoint depuis longtemps les rangs de l’opposition royaliste. Au sein de l’émigration royaliste de 1793, le jeune Chartres (devenu duc d’Orléans après l’exécution de son père le 6 novembre 1793), était vraiment « Robert le Diable» ! Pris en tenailles entre les enragés de l’émigration royaliste et les intrigues du Général Dumouriez qui espérait rallier autour de sa personne les lambeaux de l’émigration modérée, le Prince exilé vivra une opposition volontairement solitaire, et même s’il se réconciliera avec le futur Louis XVIII et son frère « Monsieur», il refusera toujours obstinément de rallier l’armée de Condé, signifiant par là clairement qu’il ne voulait pas porter les armes contre son pays la France. La « période sicilienne» du futur Louis-Philippe ( il se mariera sur l’île à Palerme le 25 Novembre 1809), marque un virage décisif dans sa vie politique ; c’est effectivement à partir de cette époque que, sous l’influence de sa femme Marie Amélie et de sa belle famille des Bourbon-Siciles, il négociera habilement un virage vers le conservatisme, sans renier son passé et ses idées « constitutionnelles». C’est en Sicile que la politique « Juste –Milieu» prend définitivement la voie de droite. En situant « Robert le diable» en Sicile, les auteurs de l’opéra savaient ce qu’ils faisaient.

B) Une présentation sur scène de la politique du « Juste Milieu ».

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A travers le parcours chaotique de Robert, les auteurs de l’opéra ont voulu montrer à leur public les tourments endurés par le roi des français dans sa recherche de la voie du Juste Milieu, lorsqu’il n’était que le duc d’Orléans. Cette recherche d’une voie intermédiaire entre la Révolution intégrale et un monarchisme nostalgique des valeurs les plus rétrogrades de l’ancien régime est une des caractéristiques essentielles de la monarchie orléaniste de Juillet 1830. « Robert le Diable» exprime sur scène à mots couverts cette exigence difficile du « Juste - Milieu», surtout dans les actes IV et V de l’opéra.

1) Robert-Louis Philippe aux prises avec le principe révolutionnaire.

Deux scènes de l’opéra sont caractéristiques de cette phase politique au cours de laquelle le futur roi des français a lutté intérieurement pour rejeter toute tentation révolutionnaire. Celle des nonnes mortes qui ont renoncé à leurs vœux et ressuscitées par Bertram (acte III), et la scène dans laquelle Robert est projeté dans la légende maçonnique d’Hiram (Acte III également).

a) La scène de la résurrection des nonnes mortes qui ont rompu leurs vœux.

L’opéra de Meyerbeer prend un tour très nettement politique lorsque Bertram-Philippe Egalité entraîne son fils Robert-Louis Philippe dans les ruines de l’antique monastère dédié à Sainte Rosalie (vierge et martyre palermitaine du XIIe Siècle), pour lui permettre de cueillir sur la tombe de Sainte Rosalie un rameau magique de cyprès censé lui apporter le Pouvoir Absolu. Il ordonne alors aux nonnes mortes qui ont rompu leurs vœux, de sortir de leurs tombeaux pour une heure et de tenter Robert qui hésite à commettre le sacrilège.

Bertram : « Voici donc les débris du monastère antique, voué par Rosalie au Culte du Seigneur. Ces filles des autels dont l’infidèle ardeur , brûlant pour d’autres Dieux un encens

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impudique, où régnait la vertu fit régner le plaisir, nonnes qui reposaient sous cette froide pierre, m’entendez-vous ? Pour une heure, quittez votre lit funéraire, relevez-vous !…Roi des enfers, c’est moi qui vos appelle ! » (« Robert le Diable», S Scribe, C Delavigne, G. Meyerbeer, Paris, G Brandus, Dufour et Cie, date probable du manuscrit 1866, p 243.)

Sur scène, les spectateurs assistent à la procession des nonnes : Les tombeaux s’ouvrent, les nonnes en sortent, couvertes de leurs linceuls et s’avancent silencieusement et en procession sur le devant du théâtre.

Bertram : « Jadis filles du Ciel, aujourd’hui de l’Enfer, écoutez mon ordre suprême. Voici venir un Chevalier que j’aime (Robert) ; il doit cueillir ce rameau, mais si son cœur hésite et trompe mon attente, par vos charmes qu’il soit séduit. Forcez-le à accomplir sa promesse imprudente, en lui cachant le piège où ma main l’a conduit » (livret p 247).

Le livret (p 248) décrit dans le superbe langage du XIXe Siècle, « la bacchanale des nonnes » : « Les nonnes, après s’être reconnues, se témoignent le contentement de se revoir. Héléna la Supérieure, les invite à profiter des instants et à se livrer au plaisir ; les nonnes tirent des tombeaux les objets de leurs passions profanes, quelques-unes font des offrandes à une idole, tandis que d’autres arrachent leurs longues robes et se parent la tête de couronnes de cyprès, pour se livrer à la danse avec plus de légèreté. Bientôt, la danse devient une bacchanale ardente ».

Puis, apercevant Robert, les nonnes interrompent brusquement leurs danses et se cachent . Robert est intimidé dans ce lieu témoin d’un terrible mystère. Il aperçoit le rameau qui doit lui donner Puissance et Immortalité. Il s’avance pour le cueillir, mais soudain l’image de sa sainte mère en courroux lui apparaît et il cherche à fuir ces lieux maudits. Au moment de quitter les ruines de Sainte-Rosalie, il se retrouve entouré de toutes les nonnes qui lui présentent des coupes de liqueurs fortes et exécutent autour de lui des danses lascives. Tenté, Robert s’avance donc à nouveau vers le rameau, mais il recule encore une fois épouvanté. Les nonnes infernales excitent donc une nouvelle fois les passions de Robert, en l’entraînant au milieu d’un tas d’or, dans des jeux de dés . Dégoûté de l’avidité des nonnes, Robert recule à nouveau, mais la Supérieure Générale parvient à ramener encore Robert devant

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le rameau. Héléna se laisse ravir un baiser par Robert en lui indiquant le rameau qu’il doit cueillir. Cette fois, s’en est fait de lui : Il cueille le rameau parmi les grondements du tonnerre. Les nonnes se changent alors en spectres et des démons sortent des entrailles de la terre. Cette compagnie infernale danse autour de Robert en criant « Oui, nous triomphons ! Il est à nous ! »

Explication de cette scène majeure.

Nous sommes là au cœur de la symbolique politique de l’opéra. Les nonnes représentent les députés de la Convention de 1793 et les membres du Comité de Salut Public, remplis de passions et de haine contre la royauté. Héléna, la Mère Supérieure, serait donc la représentation de Robespierre. Philippe Egalité, sous les traits de Bertram excite donc les sentiments révolutionnaires qui sont en germe dans la tête de son jeune fils le duc de Chartres, et développe tous les artifices possibles et imaginables pour le faire pencher irrémédiablement du côté de la Révolution. Rien n’est négligé : La promesse des honneurs, l’or, la séduction par le discours démagogique…Mais, dans l’opéra de Meyerbeer, Robert hésite et renonce plusieurs fois à cueillir le rameau magique. Louis-Philippe a aussi beaucoup hésité entre 1792 et 1793 sur la voie politique qu’il devait suivre. Bien qu’il ait combattu comme officier supérieur dans les armées de la Révolution à Valmy le 20 septembre 1792, puis quelques semaines plus tard à Jemmapes, il n’est jamais allé aussi loin que son père dans son adhésion à la Révolution. Si Robert a hésité avant de cueillir le rameau magique, le jeune duc de Chartres a également été torturé par des cas de conscience devant la fuite en avant qu’imposait son engagement politique dans la Révolution à sa pire période. Le futur roi des français a rencontré Danton, a accepté les massacres de septembre, les débuts de la guerre de Vendée, la persécution du clergé réfractaire et la guillotine. Il a reçu des ordres des Montagnards de la Convention et il a longtemps obéi. Le jeune duc de Chartres a cueilli le rameau sanglant de la Révolution, tout comme Robert le diable a finalement cueilli le rameau d’immortalité. Dans un premier temps, donc, les esprits des

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nonnes excités par la malfaisance de Bertram-Egalité ont gagné.

b) Robert le diable projeté dans la légende maçonnique d’Hiram.

Nous avons vu que Bertram propose à son fils Robert de cueillir une branche de cyprès qui a poussé sur la tombe de Sainte-Rosalie, pour accéder au Grand Secret. L’allusion de Scribe, Delavigne et Meyerbeer à la légende maçonnique d’Hiram est éclatante .

Qu’est-ce que cette légende ?

Au milieu du XVIIIe Siècle, on voit apparaître dans les rituels du troisième grade de la Franc-Maçonnerie, une « légende d’Hiram », reprenant le personnage biblique d’Hiram, dont elle fait l’architecte du Temple de Salomon. Dans leur version de 1723, les Constitutions d’Anderson évoquent le personnage d’Hiram, mais c’est Noë qui tient la place centrale. On constate le même phénomène dans la seconde édition de 1738. C’est dans le « manuscrit Wilkinson» qu’apparaît le dialogue suivant : « la forme de la loge est un carré long, de la forme de la tombe de Maître Hiram».

Qui est Hiram ?

Hiram est le mythique architecte du Temple de Salomon et de son vivant, il inspecte régulièrement le chantier. Son rôle essentiel consiste à s’assurer de la bonne exécution des travaux réalisés par les trois catégories d’ouvriers que sont les apprentis, les compagnons et les Maîtres.

Hiram détient un secret et trois ouvriers désireux de s’en emparer, tendent une embuscade à l’architecte en bloquant toutes les issues du Temple, une fois Hiram à l’intérieur. Tentant de quitter les lieux et refusant de divulguer son secret, Hiram est frappé par les deux premiers ouvriers, puis succombe sous les coups du troisième larron placé devant la

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dernière sortie. Le cadavre est enfoui par les criminels, hors du Temple. Le corps est ensuite retrouvé par des Frères missionnés par Salomon lui même à cette fin. Sa dépouille reposait dans une tombe d’où jaillissait une branche d’acacia.

Dans « Robert le Diable», l’acacia a été remplacé par le cyprès. Le cyprès est le symbole de la vie éternelle ; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle les cercueils des papes sont faits de ce bois. Le cyprès est imputrescible et il dégage une odeur d’encens ; son feuillage est toujours vert et il porte également des fruits toute l’année.

Meyerbeer, Scribe et Delavigne ont introduit ce passage maçonnique, parce que Louis-Philippe Joseph « Egalité », duc d’Orléans, fut nommé Grand Maître du Grand Orient de France en 1771. Personnage velléitaire, « Philippe Egalité » annoncera officiellement sa démission de la Franc-Maçonnerie dans un courrier adressé au Journal de Paris le 22 février 1793, prétextant que : « il ne devait y avoir aucun mystère, ni aucune assemblée secrète dans une République, surtout à son commencement ».

L’opéra de Meyerbeer associe donc la Franc-Maçonnerie aux sourdes menées de la Révolution et évoque la mémoire d’un de ses Grands Maîtres dans un cimetière hanté par des nonnes démoniaques. Notons enfin que la branche de cyprès magique (assimilable au rameau d’acacia de la tombe d’Hiram) est chargée d’un pouvoir maléfique. Nous verrons par la suite que Robert doit s’en débarrasser pour briser l’envoûtement de Bertram. Cela dit, il serait fort imprudent de conclure à une hostilité de Scribe, Delavigne et Meyerbeer à la Franc-Maçonnerie. En effet, nous venons à l’instant de voir les auteurs et le compositeur de cet opéra mettre en scène des nonnes vicieuses habitées par le démon, ce qui n’est pas très catholique… Scribe, Delavigne et Meyerbeer ont donc là aussi respecté un certain…juste milieu.

- Dans ses hésitations à commettre le mal et dans ses allers-retours entre les bonnes et les mauvaises actions, Robert incarne le personnage « Juste Milieu » qui n’a pas encore trouvé sa voie. Il oscille entre les deux principes du bien et du mal. La Révolution et l’Ordre se combattent mutuellement dans sa conscience.

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2) Le « Juste Milieu », un principe de gouvernement conservateur.

L’opéra de Meyerbeer véhicule une vision conservatrice de la politique « Juste-Milieu ».

a) Robert le diable interpellé par sa mère.

Jusqu’au début de l’acte V, Robert est disposé à succomber aux tentations de Bertram. D’ailleurs, il cueille le rameau de cyprès magique. Mais il lui faudra bien choisir une voie. Louis Philippe, pour devenir roi des français, a dû faire son choix entre la Révolution et le conservatisme. Pour pencher du côté du conservatisme, Robert le diable va devoir s’appuyer sur Isabelle (la reine Marie-Amélie) , l’esprit de sa mère et la pure Alice (sa sœur).

La mère de Robert, qui lui apparaît en songe dans les ruines du couvent maudit, communique également avec son fils par un courrier lu par la pure Alice.

Robert a déjà gagné une première manche contre Bertram en cassant le rameau magique dans la chambre d’Isabelle, sur les instances de cette dernière. L’amour ne se conquiert pas par des artifices, mais par l’honnêteté, et même si le père d’Isabelle a promis sa fille à un rival de Robert, la jeune Princesse s’en remet à la divine Providence pour échapper au mariage redouté et finir dans les bras de Robert. Transposé dans le domaine de la politique, ce constat conduit à penser que le pouvoir ne peut s’ acquérir par fraude et que lorsqu’il procède d’une mauvaise origine (entendons par là dans l’opéra de Meyerbeer, le principe révolutionnaire), il conduit à l’impasse. C’est bien la raison pour laquelle Robert finit par se résoudre à briser le rameau magique. En faisant cela, Robert- Louis Philippe entre dans le processus politique qui va le conduire à rejeter définitivement le principe révolutionnaire.

Les injonctions adressées à Robert par Isabelle à l’acte IV, sont donc une invitation expresse au rejet d’un pouvoir qui tirerait sa légitimité d’une souveraineté du peuple trop prononcée et un hymne en faveur du principe monarchique.

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-Le salut de Robert arrive par deux interventions décisives de la mère de ce dernier (à l’acte III dans le cimetière maudit et à l’acte V dans la scène où Alice rappelle à Robert les dernières paroles de sa mère).

Qui est la mère de Robert, et quelle est sa valeur symbolique dans l’opéra « Robert le Diable » ?

Il convient de considérer que la mère de Robert, c’est la duchesse Marie Adélaïde de Bourbon-Penthièvre, épouse de Louis-Philippe Joseph Egalité et mère du roi Louis-Philippe.

Louise Marie Adélaïde de Bourbon-Penthièvre, née en 1753, épouse à Versailles Louis-Philippe Joseph d’Orléans (futur « Egalité »), le 5 avril 1769. Ils se séparent le 25 juillet 1792. Marie Adélaïde se retire alors auprès de son père au château de Bizy, en Normandie. Particulièrement hostile à la Révolution dès ses débuts, Marie Adélaïde de Bourbon-Penthièvre fut horrifiée par la décapitation de la Princesse de Lamballe, sa belle sœur, lors des massacres de septembre 1792. Décrétée « suspecte » en mai 1793 après la désertion du Général Dumouriez avec lequel elle n’avait aucune relation, elle est incarcérée au Luxembourg. Le duc d’Orléans, son ancien époux, est guillotiné le 6 novembre 1783 et, bien malgré elle, Marie Adélaïde de Bourbon-Penthièvre est alors appelée « la Veuve-Egalité ». Elle est libérée après le 9 Thermidor et refait sa vie avec un ancien député conventionnel, « le bon Rouzet ». Elle traverse une longue période d’exil (1797-1814), puis revient s’installer en France avec son « bon Rouzet ». Marie Adélaïde de Bourbon-Penthièvre entreprend alors de faire construire les cryptes de l’actuelle chapelle royale Saint-Louis du château de Dreux pour y rassembler les restes de sa famille que les révolutionnaires avaient jetés dans une fosse. Elle décédera en 1821, sans avoir pu voir son fils monter sur le Trône de France.

La mère de Louis-Philippe personnifie donc « l’anti-Révolution ». Elle est tour à tour victime des infidélités de son époux « Egalité », puis de la Terreur révolutionnaire. De 1789 à 1792, Marie Adélaïde de Bourbon Penthièvre ne cessera d’alerter son époux et ses fils non seulement sur les dérives autoritaires potentielles de la Révolution française, mais

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encore sur l’incongruité de l’adhésion de Princes français à un système politique qui vote la Constitution Civile du Clergé ( 12 Juillet 1790).

Ce n’est donc pas un hasard si ce sont deux interventions de la mère de Robert, hostile aux menées sataniques de Bertram, qui provoquent une prise de conscience chez Robert et conduisent ce dernier à rejeter irrémédiablement le mal. Dans l’opéra de Meyerbeer, la collusion entre Alice et la mère de Robert pour détruire Bertram est un rappel de l’union des Orléans après 1793 pour retourner franchement au principe monarchique.

b) Le triomphe final du conservatisme.

Dans l’Acte V, l’opéra de Meyerbeer s’achève sur le retour vers l’Enfer de Bertram et la conversion de Robert. Mais cette victoire de Robert sur le mauvais principe parachève une terrible lutte intérieure. Les auteurs de l’opéra théâtralisent une scène de ménage entre la mère de Louis-Philippe (que nous venons d’identifier avec Marie Adélaïde de Bourbon –Penthièvre) et Bertram (Philippe Egalité). La mère de Bertram parle depuis l’au-delà ; Bertram, Alice et Robert sont ici bas et Robert hésite sur la voie qu’il doit prendre. Il flotte à nouveau entre deux affections, entre deux principes (entendons qu’il flotte entre l’amour maternel de la bonne Princesse qui représente le principe monarchique, l’ordre, la foi et l’amour paternel du démon qui symbolise le principe révolutionnaire poussé à l’extrême, l’athéisme et le chaos). Robert doit enfin choisir. Pour ce faire, il est placé physiquement entre ses deux parents, c'est-à-dire dans une position de Juste Milieu :

-Alice présente à Robert le testament de sa mère.

-Robert : « Ô Ciel ! C’est la main de ma mère, Ô Ciel ! Ô fureur ! » (puis, lisant d’une main tremblante le testament de sa mère) : « Mon fils, ma tendresse assidue veille sur toi du haut des Cieux. Fuis les conseils audacieux du Séducteur qui m’a perdue ! »

-Bertram (piqué au vif) : « Eh quoi ! Ton cœur hésite entre nous deux ? »

-Robert : « Je tremble je frémis, que décider ? Ô Cieux ! »

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Robert-Louis Philippe est hésitant ; il ne sait pas s’il va opter définitivement pour la voie du mal (Bertram, Philippe Egalité, la Révolution) ou la voie du bien ( sa mère Marie Adélaïde de Bourbon-Penthièvre, le principe conservateur). Alice (qui joue le rôle de la sœur bienveillante jette toutes ses forces dans la bataille. Elle se place entre Robert et Bertram , et c’est donc au milieu d’eux qu’elle va relire le testament : A travers Alice, c’est le Juste Milieu qui s’exprime .

A minuit, Robert prend la main d’Alice : « Viens ! »

-Bertram : « Ah ! Tu l’emportes Dieu Vengeur ! » ; puis le livret précise : « Bertram s’engloutit ». Philippe Egalité et ses principes révolutionnaires sont projetés dans l’abîme. Le théâtre est couvert de nuages et le tonnerre gronde.

Robert- Louis Philippe a choisi : Il a rejeté Bertram et ses principes. Les nuages se dissipent et l’on voit apparaître la cathédrale de Palerme, remplie de fidèles. La Princesse Isabelle entraîne Robert vers l’autel. Robert et Isabelle sont entourés d’angelots et de vapeurs d’encens : Robert-Louis Philippe a sauvé la France du chaos et de la Révolution . Pour les spectateurs qui n’auraient pas compris la fin, Isabelle, Alice et le chœur chantent :

« Gloire, Gloire immortelle au Dieu de l’Univers ! »

(et montrant Robert) : « Il est resté fidèle, les Cieux lui sont ouverts ! »

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« Robert le Diable » est donc un opéra éminemment politique. Un lecteur attentif de l’opéra de Meyerbeer, pourra se familiariser en un peu moins de deux heures avec l’histoire de la famille d’Orléans, et la genèse du gouvernement « Juste Milieu ». On ne peut donc que recommander à des étudiants qui s’intéressent au XIXe Siècle, la lecture de cet opéra désormais tombé dans l’oubli.

Dans un de ses articles rédigés pour la Gazette d’Augsbourg, Heine raconte qu’à la première représentation de cet opéra, une erreur du machiniste fit que la trappe par laquelle le vieux diable- père partit pour l’enfer resta ouverte et que le diable-fils, en passant dessus, tomba aussi dans les coulisses… Cet incident qui réunit dans les enfers Egalité-père et Egalité-fils, fit jaser le tout Paris, jusque dans les couloirs de la Chambre des députés.

Sources utilisées pour cette dissertation :

- Livret de Robert le Diable écrit par Eugène Scribe, Germain Delavigne et composé par Giacomo Meyerbeer, Paris, G Brandus, Dufour et Cie, (date estimée : 1866), 429 p.

Le texte de cet opéra est par ailleurs reproduit sur Wikipedia (Wikisources), en inscrivant dans le moteur de recherche, les mots « Robert le Diable ». Wikipedia ne donne aucun commentaire sur ce texte. Le commentaire de « Robert le Diable » proposé par M D. FRAPET est le fruit d’un travail personnel et n’engage que l’ auteur de la présente dissertation.

-Heinrich Heine „de la France", (Französische Zustände), Paris, Editions Montaigne, 1930, 245 p.

-Marguerite Castillon du Perron, « Louis Philippe et la Révolution française », Paris, Pygmalion, 1984, 690 p.

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