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La Faculté de Droit Virtuelle est la plate-forme pédagogique de la Faculté de Droit de Lyon http://fdv.univ-lyon3.fr Date de création du document : année universitaire 2009/2010 Consultez les autres fiches sur le site de la FDV : http://fdv.univ-lyon3.fr Fiche à jour au 3 Mars 2010 F F I I C C H H E E P P E E D D A A G G O O G G I I Q Q U U E E V V I I R R T T U U E E L L L L E E Matière :Histoire du Droit Auteur :David FRAPET T T I I T T R R E E D D E E L L A A S S E E A A N N C C E E : : L L E E S S T T E E M MP P S S C C A A R R O O L L I I N N G G I I E E N N S S ( ( 1 1 E E R R E E P P A A R R T T I I E E ) ) S S O O M M M MA A I I R R E E I I ) ) L L E E M ME E R R G G E E N N C C E E D D U U N N E E M MP P I I R R E E E E N N O O C C C C I I D D E E N N T T A A ) ) U U N N E E M M P P I I R R E E N N E E D D E E L L A A C C O O N N Q Q U U E E T T E E 1 1 ) ) L L I I R R R R E E S S I I S S T T I I B B L L E E A A S S C C E E N N S S I I O O N N D D U U M M A A I I R R E E D D U U P P A A L L A A I I S S A A ) ) D D E E P P E E P P I I N N D D E E L L A A N N D D E E N N A A C C H H A A R R L L E E S S M M A A R R T T E E L L . . B B ) ) L L A A F F I I N N D D E E L L A A F F I I C C T T I I O O N N D D E E R R O O Y Y A A U U T T E E M M E E R R O O V V I I N N G G I I E E N N N N E E . . 2 2 ) ) L L E E X X P P A A N N S S I I O O N N N N I I S S M M E E C C A A R R O O L L I I N N G G I I E E N N S S O O U U S S C C H H A A R R L L E E M M A A G G N N E E : : L L E E S S G G R R A A N N D D E E S S C C A A M M P P A A G G N N E E S S M M I I L L I I T T A A I I R R E E S S I I M M P P E E R R I I A A L L E E S S

Matière :Histoire du Droit - Jean Moulin University Lyon 3

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La Faculté de Droit Virtuelle est la plate-forme pédagogique de la

Faculté de Droit de Lyon http://fdv.univ-lyon3.fr

Date de création du document : année universitaire 2009/2010

Consultez les autres fiches sur le site de la FDV : http://fdv.univ-lyon3.fr

Fiche à jour au 3 Mars 2010

FFFIIICCCHHHEEE PPPEEEDDDAAAGGGOOOGGGIIIQQQUUUEEE VVVIIIRRRTTTUUUEEELLLLLLEEE Matière :Histoire du Droit

Auteur :David FRAPET

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I) L’émergence d’un Empire en Occident

La chute de l’Empire romain d’Occident en 476, avait laissé un grand vide civilisationnel dans l’ancienne aire romaine. La disparition de l’ordre juridique romain n’avait pas pour autant permis l’apparition de nouvelles institutions. L’abandon de l’entretien des routes et des bâtiments publics, mais aussi la destruction des circuits économiques romains, avaient provoqué la paupérisation croissante de l’Occident. De multiples royaumes, gouvernés par des principicules, étaient apparus sur les ruines de l’Empire des Césars, mais de ce chaos allait pourtant surgir une nouvelle entité politique organisée par la volonté de quelques hommes déterminés à reconstruire.

A) Un Empire né de la conquête.

L’Empire carolingien est le produit de l’irrésistible ascension politique des Maires du Palais, personnages qui exerçaient les plus hautes fonctions administratives dans les Cours mérovingiennes, et d’une entreprise militaire de très grande envergure. L’Empire carolingien est une œuvre de volonté.

1) L’irrésistible ascension du Maire du Palais.

De Pépin de Landen à Charles Martel, on assiste à une montée en puissance politique de la fonction de Maire du Palais au sein de la haute administration mérovingienne.

a) de Pépin de Landen à Charles Martel

Dès le 7e Siècle, le Maire du Palais (Major Domus) détient la réalité du pouvoir dans les royaumes mérovingiens de Bourgogne, de Neustrie et d’Austrasie. Pépin l’Ancien, autrement appelé « Pépin de Landen », occupa pendant 20 ans la Mairie du Palais d’Austrasie sous les règnes de Clotaire II et de son fils Dagobert. Le petit fils de Pépin de Landen, nommé Pépin de Herstahl (ou d’Heristal) par les historiens, battit

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militairement les neustriens à Tertry en 687 et étendit son autorité sur les Maires du Palais de Neustrie et de Bourgogne. Il inaugure la tradition selon laquelle le Maire du Palais d’Austrasie est aussi celui des deux autres royaumes francs.

Après la mort de Pépin de Herstahl en 714, le royaume franc connaît une courte période de chaos politique, jusqu’à ce que Charles Martel, (fils bâtard de Pépin et d’Alpaïde), après de brillants succès militaires contre les Neustriens, les Frisons, les Saxons (720) et les Aquitains (724), s’empare de la charge de Maire du Palais des trois royaumes francs.

Il gouverne sous l’autorité purement formelle du jeune roi mérovingien Thierry IV, fils de Dagobert III. Charles Martel impose alors son autorité aux Bavarois, aux Alamans, aux Saxons et aux Frisons. Il écrase l’armée musulmane de l’émir d’Espagne Abd Ar Rahmane aux abords de Poitiers en 732, puis ramène à l’obéissance les Bourguignons, les Aquitains et les Provençaux entre 733 et 736.

A partir de 737, date de la mort du mérovingien Thierry IV qui n’aura pas de successeur, Charles Martel se comporte en véritable monarque du royaume des Francs. Il sécularise également les biens de l’Eglise.

En 741, Charles Martel partage son royaume entre ses fils. A Carloman l’Austrasie, les territoires Alamans et la Thuringe ; à Pépin la Bourgogne, la Neustrie et la Provence. En 743, Carloman et Pépin rétablissent une fiction de royauté mérovingienne, en la personne de Childéric III. Ce « roi » signe d’ailleurs ses actes officiels de la manière suivante : « Childéric, roi des francs, à l’éminent Carloman, Maire du Palais qui nous a établi sur le trône » ( !) (‘’Charlemagne et l’Empire carolingien’’, Louis Halphen, Albin Michel, 1947, p 18.)

b) La fin de la fiction de royauté mérovingienne.

En 747, Carloman se démet de toutes ses fonctions et se retire dans un couvent. Demeuré seul Maire du Palais, son frère Pépin (dit « le Bref »), met fin au simulacre de royauté mérovingienne. Il relègue Childéric dans un couvent, puis pour légitimer son coup d’Etat, Pépin le Bref se fait

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reconnaître roi par une assemblée de guerriers et de Grands, réunie à Soissons.

En recevant l’onction sainte de l’Evêque Boniface, légat du Pape, Pépin le Bref inaugure la tradition du sacre des rois de France.

Après avoir consolidé l’influence franque en Italie, assis l’autorité des Carolingiens en Gaule, en Aquitaine et en Germanie, Pépin décède en 768. C’est alors que son fils Charles, né en 742, le futur Charlemagne, entre dans l’Histoire.

L’ascension politique de Charlemagne jusqu’à l’Empire, constitue l’aboutissement de l’irrésistible marche des Maires du Palais carolingiens vers le pouvoir entre 620 et 747.

Pépin le Bref, père de Charlemagne, avait partagé par testament son royaume entre ses deux fils, Charles et Carloman. Ce partage du royaume des Francs en deux aurait logiquement du anéantir les espoirs de la création d’un grand royaume à direction unique ; toutefois, la mort de Carloman en 771 permit à Charles de réunifier les territoires hérités de son père.

Le génie politique de Charlemagne consista à déployer une intense activité militaire dans tous les territoires où était contestée sa suprématie, tout en menant simultanément une politique pragmatique d’assimilation des populations conquises. Charlemagne a également consolidé et agrandi son Empire, en acceptant l’existence de royaumes-satellites formellement indépendants, mais en réalité contrôlé par le pouvoir carolingien (Aquitaine , Bavière).

2) Les grandes campagnes militaires du règne de Charlemagne.

Le règne de Charlemagne (768-814), est marqué par la permanence d’une intense activité militaire sur un territoire s’étendant de la Bretagne à la Thuringe et du Danemark à l’Espagne du nord. Les campagnes militaires victorieuses conduites par les Francs et leurs alliés entre 769 et 806, vont faire de Charlemagne le maître de l’Occident.

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-La conquête et la soumission de la Saxe.

Dès 769, Charlemagne entame la pacification de l’Aquitaine, territoire qui sera toujours plutôt rétif à la domination carolingienne. De 781 à 787, l’armée franque assied sa domination sur la Bavière. La conquête de la Saxe à partir de 772 constitue un moment particulièrement important dans l’histoire de l’épopée carolingienne. Les Saxons, païens endurcis, représentaient le principal danger aux frontières carolingiennes. De la conquête de ce pays et de la réelle soumission de ses populations, dépendait la survie de la royauté franque. C’est probablement cette lutte pour la survie qui expliqua la longueur et la violence de la guerre. De 772 à 774, les armées franques ne font guère de progrès dans ce pays qui leur est même particulièrement hostile. Elles ne peuvent qu’y installer quelques garnisons ; en 776, après une nouvelle révolte saxonne, les armées franques obtiennent la soumission des saxons à Padderborn. Pourtant, en 778, le terrible chef saxon Widukind hisse l’étendard de la révolte et parvient même à bousculer les Francs en Hesse. Les ripostes carolingiennes de 779 et 780 ne font que rétablir un ordre précaire. En 782, l’armée carolingienne qui traversait la Saxe pour aller se battre contre les Sorbes, est décimée par les Saxons et une trentaine de hauts personnages de l’Etat trouve la mort dans cette embuscade. La riposte de Charlemagne est terrible : Il envahit ce territoire rebelle et fait exécuter 4500 prisonniers. Le chef Widukind ne trouve son salut que dans la fuite, mais de 783 à 785, les insurrections saxonnes se multiplient et Charlemagne entame une nouvelle campagne en 785 qui aboutit à la soumission de Widukind et même à sa conversion au christianisme. La même année, c’est la Frise qui est soumise. Entre 785 et 793, la Saxe vit sous la terreur carolingienne : Peuvent être punis de mort les Saxons qui refusent le baptême, ou simplement perturbent un office religieux. Ces mesures d’une sévérité extrême déclenchent un ultime soulèvement de la population saxonne en 793. Il n’est réprimé réellement et définitivement qu’en 797, après de furieux combats et la prise de 20 000 otages Saxons. Mais, vainqueur magnanime, Charlemagne annule les mesures les plus coercitives prises entre 785 et 792 et un calme relatif s’installe enfin dans cette contrée difficile. Il faut cependant attendre 804 pour pouvoir parler d’une pacification définitive

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de la Saxe, avec à cette date la soumission effective des régions de la Saxe du nord. Les carolingiens auront donc mis 33 ans pour pacifier et intégrer pleinement cette province dans l’Empire.

Les Francs procèdent également à la conquête des provinces slaves qui formaient leur frontière orientale au delà de la Saxe.

-La soumission des peuples slaves.

Dans le sud, les Francs s’appuient sur la Carinthie qui semble constituer le terrain le plus favorable à la pénétration carolingienne, du fait de sa proximité avec la Bavière. Dans le nord, Charlemagne s’appuie à partir de 780 sur les Abodrites, petit peuple menacé par les Wilzes, les Saxons et les Danois et qui cherche le soutien des carolingiens pour survivre. Les Abodrites deviendront les plus fidèles gardes-frontières de Charlemagne à la fin du 8ème Siècle. En 811, la paix est conclue avec le Danemark et dès 808, les carolingiens entrent en conflit avec les Linons pour 10 ans. De 789 à 812, les carolingiens sont en conflit avec les Wilzes. L’année 812 marque leur soumission finale, mais comme pour les Abodrites ou les Linons, jamais Charlemagne ne leur imposera la conversion au christianisme. Le territoire des Sorbes est envahi et dévasté en 806. Après une nouvelle révolte en 816, les Sorbes deviennent de fidèles serviteurs de l’Empire carolingien. C’est à peu près à la même période que fut obtenue la soumission des Tchèques.

Il nous faut toutefois insister particulièrement sur la conquête du pays des Avars. Venus d’Asie, ce peuple occupait un vaste territoire dans la vallée du Danube, sur la zone de l’actuelle Hongrie. Ils étaient gouvernés par le « Kaghan », un chef de guerre sous l’autorité duquel, chaque année, ils mettaient leurs voisins au pillage. Les Avars avaient ainsi amassé d’immenses trésors, qu’ils entreposaient dans le « Ring ». Pour faire cesser les incursions des Avars dans les territoires contrôlés par les Francs, Charlemagne entame une vaste campagne militaire contre eux en 791. Mais il lui faut attendre 795, date à laquelle un chef dissident Avar, lui livre le « Ring ». Ainsi, non seulement le pays est conquis, mais les trésors du « Ring » tombent entre les mains des armées de Charlemagne. C’est cependant à partir de 811 que les Avars deviendront un peuple vassal des Francs, avec la conversion au christianisme du Kaghan.

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Si Charlemagne répandit fortement l’influence franque à l’Est, il lui fallut également guerroyer contre les musulmans d’Espagne, mais aussi contre les Bretons.

La lutte contre l’Islam au sud et les peuplades bretonnes à l’Ouest.

- Face aux incursions musulmanes dans le sud et pour protéger la chrétienté d’une invasion qui aurait pu étendre l’influence de l’Islam sur l’ensemble du royaume Franc, Charlemagne établit dès 778 une marche de défense en Catalogne du nord, entre les territoires carolingiens et l’Espagne musulmane. Après avoir pris pieds aux Baléares en 799, c’est Barcelone qui est enlevée aux musulmans en 801. Les Francs contiendront le monde musulman au sud des Pyrénées et placeront leurs territoires hors d’atteinte des incursions musulmanes, au moins dans un premier temps.

Dans l’Ouest du royaume, la Bretagne représente aussi un danger potentiel. Au tout début du IXe Siècle, la Bretagne était encore un territoire qui échappait à l’emprise politique et militaire des carolingiens. Les mérovingiens n’étaient –eux non plus- jamais parvenu à conquérir ce pays. Peuple farouche, les Bretons ne payaient le tribut aux carolingiens que très irrégulièrement. Vers 775, le célèbre comte Roland commandait la marche de Bretagne, zone tampon entre les Bretons et les carolingiens. Il devait mourir assassiné dans une embuscade tendue par des Basques au col de Roncevaux le 15 Août 778. Depuis sa mort, les désordres avaient repris. Charlemagne croyait avoir vaincu militairement les Bretons en 786, mais on ne pouvait tout au plus parler que d’un modus vivendi trouvé entre les belligérants. Ce n’est qu’après plusieurs campagnes militaires, qu’il devint possible de parler en 811 d’une réelle intégration de la Bretagne à l’Empire carolingien. En fait, la Bretagne sera toujours un territoire rebelle à l’autorité des carolingiens et des expéditions punitives contre les Bretons auront encore lieu sous Louis le Pieux après 820.

Dernière conquête d’importance pour l’Empire carolingien, le royaume des Lombards.

La conquête du royaume des Lombards.

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- La lente et laborieuse conquête du royaume des Lombards sera réalisée alternativement par les voies diplomatiques et militaires entre 756 et 787.

En 774, les troupes carolingiennes remportent sous les murs de Pavie une victoire décisive sur Didier, le roi des Lombards. Ce dernier se rend « à merci » à Charlemagne, puis est envoyé en captivité avec son épouse. A partir du 5 Juin 774, dans les actes officiels, Charlemagne prend le double titre de « roi des Francs et des Lombards » (Rex Francorum et Langobardorum).

- Entre 756 et 811, les Francs établissent leur contrôle soit directement par des annexions, soit indirectement par l’intermédiaire de rois-vassaux, sur un gigantesque territoire s’étendant de la Bretagne jusqu’au pays des Avars, et du Danemark à l’Italie du sud.

Pour l’historien, toute la question est alors de comprendre ce que les carolingiens ont voulu faire de cet Empire.

B) L’Empire du peuple chrétien.

L’Empire carolingien n’est pas une résurrection de l’Empire romain d’Occident. L’Empire de Rome s’était construit sur les valeurs de la « chose publique ».C’était une construction politique assise fondamentalement sur l’idée de service public, qui obligeait non seulement tous les citoyens de l’Empire, mais encore l’Empereur romain lui même, considéré comme le premier serviteur de tous. Le droit tenait une place prépondérante dans cette société empreinte d’une évidente tolérance religieuse. Sous les mérovingiens, les idées de service public et de collectivité avaient disparu. Pour les successeurs de Clovis, les dirigeants et fonctionnaires publics ne sont plus que des vainqueurs qui s’emparent du domaine public et de ses richesses par la force des armes. La seule norme juridique en vigueur est le droit du vainqueur. Les nouveaux maîtres de l’ancien monde romain n’opèrent plus de distinction entre les biens publics et les biens privés, pas plus qu’ils n’admettent de différence entre les fonctions publiques et la gestion privée de leurs domaines. Après la nuit mérovingienne, les carolingiens ne veulent pas faire revivre

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l’ordre romain, aboli à jamais, mais « construire sur les ruines du monde antique un monde nouveau, s’inspirant de principes nouveaux, pour rendre une âme à l’Occident meurtri » (Louis Halphen, précité, p 5). L’Empire carolingien fut une construction politique originale, qui oeuvra pour unifier des territoires et des populations fort disparates, sous l’étendard unique de la religion chrétienne.

1) Les Francs protecteurs de la chrétienté.

Les carolingiens furent les protecteurs de la chrétienté et de sa manifestation temporelle, la papauté. Cette protection s’est avérée d’autant plus indispensable, que les temps étaient troublés.

a) Des relations complexes avec la papauté.

-Charles Martel en 732 dans les environs de Poitiers, a éloigné de la chrétienté la menace musulmane. Ce personnage a d’ailleurs très probablement surexploité sa victoire et il s’empara de tous les biens de l’église au lendemain de son triomphe. Toujours est-il que cette victoire contre les musulmans constitue véritablement la première action d’éclat d’un carolingien en faveur de l’Eglise. Plus tard, Pépin le Bref eut besoin de cette même Eglise pour légitimer son coup d’Etat de Novembre 751 au terme duquel il mit un terme au règne formel du dernier des mérovingiens, Childéric III. Pépin avait préparé son coup de force dès 749 en le faisant soutenir auprès du pape par Burchard et Fulrad, respectivement évêque de Würzburg et abbé de Saint Denis. Saint Boniface, en versant l’huile sainte sur la tête de Pépin, avait fait du premier des carolingiens accédants « officiellement » au trône, l’élu de Dieu. Dès 754, Pépin promet au pape de rétablir la souveraineté du Saint Siège sur l’exarchat de Ravenne. Mais sur quelle base pouvait bien s’appuyer Pépin pour évoquer une telle restitution de souveraineté ?

C’est là qu’intervient ce que les historiens nomment « la fausse donation de Constantin ». Cette « donation » dont on a tout lieu de croire qu’elle fut un faux destiné à légitimer le pouvoir temporel des papes, stipulait que l’Empereur romain

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Constantin le Grand avait attribué au pontife romain Sylvestre 1er, « la puissance, la dignité, les moyens d’action et les honneurs impériaux, c’est à dire la primauté sur les quatre sièges principaux d’Antioche, d’Alexandrie, de Constantinople et de Jérusalem, ainsi que sur toutes les églises de l’univers entier » (Extrait du texte de la « donation » tiré du livre de Louis Halphen –précité-, p 31). Toujours selon le texte de cette donation, Constantin ajouta le don à l‘Eglise du palais du Latran et de l’église Saint Pierre du Vatican, ainsi que de diverses prérogatives comme celle permettant au pape de créer des patrices et des consuls. Le texte de la donation allait encore bien plus loin, puisqu’il accordait à l’Eglise romaine, « la souveraineté sur la ville de Rome et toutes les provinces, toutes les localités, toutes les cités, tant de l’Italie tout entière que de toutes les régions occidentales », et ce, à perpétuité ! En se référant à cette « donation de Constantin », Pépin s’engagea dès Avril 754, lors d’une assemblée tenue à Quierzy sur l’Oise, à expulser le roi des Lombards, Astolf, des territoires pontificaux qu’il « occupe irrégulièrement », pour les « restituer » au pape. Cette promesse de 754 scelle une communauté de destin entre la papauté et le royaume carolingien. Il s’agit là d’un contrat synallagmatique passé entre la royauté franque et la papauté, qui oblige les deux parties. La partie franque, redevable de la reconnaissance papale du coup d’Etat de Novembre 751, s’engageait à réintégrer le pape dans ses prétendus « droits » reconnus par l’Empereur Constantin. La partie pontificale en retour, s’engageait de facto à bénir (c’est à dire à appuyer) les actions politiques et militaires des carolingiens en toutes circonstances.

Pépin intervient en Italie en 755 et 756, où il finit par battre militairement le roi Lombard Astolf. Ce dernier, après sa capitulation, fut forcé de reconnaître la souveraineté de l’église sur l’ensemble des territoires qu’il avait été contraint d’évacuer (Bologne, Faënza, Ferrare, Ancône…). Après la mort accidentelle d’Astof, c’est le roi toscan Didier qui monte sur le trône d’Italie. Or, trois ans après son accession à la royauté, les promesses de restitutions territoriales faites à l‘église et aux carolingiens, n’étaient toujours pas tenues. Un accord de compromis est trouvé en 766 entre Pépin, Didier et le Souverain Pontife.

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C’est Charlemagne qui va reprendre l’œuvre diplomatique et militaire engagée par Pépin en Italie. Il se décide à passer à l’action militaire face à la mauvaise volonté affichée des Lombards. Au printemps 773, l’armée carolingienne franchit les Alpes, puis contraint Didier assiégé dans Pavie, à se rendre à merci. Nous sommes en Juin 774. Charlemagne victorieux se doit de réaliser la promesse faite au pape en 754 par Pépin. Mais il se montre peu empressé de tenir ses engagements. Pire que cela, il confirme sa souveraineté sur la Sabine et refuse de rendre au pape le duché de Bénévent . En fait, comme le souligne Louis Halphen (p 117) : « le transfert de la couronne de Pavie au roi Franc a donc pour conséquence de faire de lui l’héritier des prétentions lombardes…Il est tenté maintenant de considérer l’unité politique de la péninsule, comme une nécessité absolue, si bien qu’il lui est de plus en plus difficile de satisfaire aux exigences pontificales ».

L’écheveau était difficilement démélable entre les exigences territoriales et spirituelles du pape et la sauvegarde des intérêts politiques des Francs.

b) La difficile recherche d’un juste équilibre entre les pouvoirs temporels et spirituels.

Charlemagne, qui avait une très haute conception de la fonction royale, bien que très pieux, n’était pas disposé à s’effacer politiquement devant la papauté. Ses atermoiements depuis le début de son règne dans l’affaire des restitutions au pape des territoires anciennement occupés par le roi Astolf, le prouvaient. Devenu arbitre de l’Occident, Charlemagne entendait bien se réserver l’exclusivité du pouvoir temporel et cantonner la papauté dans la prière. Le roi Franc probablement secondé par Alcuin, écrit au pape Léon III en 796, une lettre dans laquelle il déclare notamment : « Je désire établir avec Votre Béatitude un pacte inviolable de foi et de charité, grâce auquel…l’apostolique bénédiction puisse me suivre partout et le très saint siège de l’église romaine être constamment défendu…par ma dévotion. A moi il appartient avec l’aide de la divine pitié, de défendre en tous lieux la sainte Eglise du Christ par les armes : Au dehors contre les incursions des païens et les dévastations des infidèles ; au dedans en la protégeant par la diffusion de la foi catholique. A vous, très

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Saint Père, il appartient, élevant les mains vers Dieu avec Moïse, d’aider par vos prières au succès de nos armes…Que votre Prudence s’attache en tous points aux prescriptions canoniques et suivent constamment les règles établies par les Saints Pères, afin que votre vie donne en tout l’exemple de la sainteté, que de votre bouche ne sortent que de pieuses exhortations et que votre lumière brille devant les hommes ». (Louis Halphen, p 122). Le pape Léon III, fort contesté au Vatican et victime de fréquentes tentatives d’assassinat, ne pouvait qu’aller dans le sens de Charlemagne. Le roi Franc ré-installe le pape sur le siège de Saint Pierre à l’Automne 799 après une tentative d’assassinat perpétrée par des opposants, puis se rend à Rome à l’Automne de l’an 800 pour présider une assemblée de clercs et de laïcs chargée de se prononcer sur « divers crimes » reprochés au pape. Ce dernier ressortira innocenté, mais affaibli politiquement, car pour se laver des soupçons qui pesaient sur lui, il a du accepter (subir) le jugement du roi des Francs et des Lombards.

Le 25 Décembre 800, alors que Charlemagne est en train de prier dans l’église Saint Pierre, le pape s’approche et lui pose une couronne sur la tête au milieu des acclamations de la foule qui crie : « A Charles Auguste, couronné par Dieu, grand et pacifique Empereur des romains ! » ; puis, le pontife se prosterne devant Charles et l’ « adore » selon un rite qui date de Dioclétien. Charlemagne est élevé au rang d’Empereur romain. Il semble pourtant que Charles ne conféra pas à cette nouvelle dignité impériale une très grande importance. Il ne voulait en effet pas heurter les sensibilités des dirigeants de Byzance, qui eux aussi portaient le titre d’Empereur romain, malgré la vacance du trône impérial survenue par suite de l’usurpation d’Irène qui avait renversé et fait aveugler son fils Constantin VI. Charlemagne se contenta donc de faire renouveler le serment de fidélité de ses sujets et contre toute attente, procéda en 806 au futur partage de son Empire entre ses trois fils, selon la coutume franque. A l’aîné, Charles, la Francia, c’est à dire le cœur du pays franc ; à Pépin, l’Italie, la Bavière et l’Allemagne orientale ; à Louis, l’Aquitaine, la Gascogne, la Septimanie, la Provence et la Bourgogne occidentale. En fractionnant ainsi l’Empire en trois morceaux, Charlemagne n’ignore pas que l’unité impériale ne sera plus qu’un souvenir après lui. C’est bien là une preuve que

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Charlemagne ne concevait pas l’Empire comme une forme de gouvernement définitive.

2) De Louis le Pieux à Charles le Gros et Arnulf. (814-899)

Nous venons de voir la complexité des relations qui ont existé entre l’Eglise et la monarchie franque entre 751 et 800. Les quatorze dernières années du règne de Charlemagne s’inscriront dans la continuité de la période précédente. L’Eglise, cantonnée strictement dans ses fonctions sacerdotales, ne sera dans l’esprit de Charlemagne qu’un instrument au service du pouvoir carolingien, une institution parmi les autres chargée de fonctions administratives et dont la mission première sera de légitimer en permanence le pouvoir carolingien. Après la mort de Charlemagne en 814 et l’accession à l’Empire de Louis le Pieux, les relations entre l’Eglise et l’Etat vont connaître des bouleversements successifs au gré des nombreux événements politiques qui vont secouer l’Empire.

a) La permanence inattendue de l’Empire carolingien.

Deux des trois fils légitimes de Charlemagne étant morts avant leur père (Pépin, roi d’Italie en 810, Charles en 811), Louis le Pieux devint l’unique héritier du trône impérial. L’Empire était reconstitué par la force des choses. Le long règne de Louis le Pieux (814-840) allait cependant être agité.

-Au début de son règne, Louis le Pieux donna à l’Empire carolingien une forte orientation religieuse. Les réformes morales et le rétablissement dans sa plénitude de la règle bénédictine, sont deux priorités pour le nouvel Empereur. Ainsi, citons comme exemple de cette orientation religieuse du régime, le capitulaire de 819 qui ordonne l’insertion dans les lois de l’Empire (franques ou autres) de mesures visant à réprimer les atteintes à la dignité de l’Eglise, comme par exemple les coups et blessures infligés à des prêtres ou à des

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fidèles, à l’intérieur ou à proximité des édifices du culte. Louis le Pieux veut aussi assurer la permanence de l’Empire après sa mort. C’est ainsi que, contrairement à la coutume franque, le nouvel Empereur favorise son fils aîné, Lothaire, en le nommant Empereur. Ses deux frères, Pépin et Louis, reçoivent chacun également un royaume, mais il est bien spécifié qu’ils gouverneront sous l’autorité de l’Empereur Lothaire. L’idéal prôné par Louis le Pieux en début de règne, est donc l’unité chrétienne. Cette volonté d’orienter l’Empire vers un renouveau chrétien, contribue à renforcer l’influence de l’Eglise et donc à rééquilibrer les relations entre le temporel et le spirituel. Enfin, toujours dans les premières années de son règne, Louis édictera plusieurs capitulaires dont l’objet sera de procéder à l’unification du droit sur l’ensemble de l’Empire. Le sommet de la politique religieuse de Louis le Pieux sera atteint en 822, lors de la célèbre pénitence d’Attigny au cours de laquelle les plus hauts dignitaires laïcs et religieux, remplis de contrition, confessèrent publiquement leurs fautes. La première partie du règne de Louis le Pieux aboutit donc à renforcer le pouvoir spirituel sans toutefois lui conférer véritablement une quelconque suprématie sur le temporel, mais l’installation de Lothaire en Italie dans un semi exil à partir de 823, contribue en revanche à remettre la papauté sous la tutelle carolingienne. En Novembre 824, c’est à dire 9 mois après la mort du pape Pascal 1er, un acte est promulgué pour définir les rapports entre l’Empire et la papauté. L’administration pontificale est placée sous l’autorité d’une commission paritaire composée d’un représentant du pape et d’un autre de l’Empereur. Cette commission est chargée de traiter les plaintes portées contre les fonctionnaires pontificaux. L’acte de Novembre 824 stipule également que les fonctionnaires pontificaux recevront les instructions de l’Empereur et que les papes élus, avant d’être consacrés, devront prêter publiquement serment de loyauté envers l’Empereur carolingien auprès du délégué permanent de l’Empereur.

La situation va à nouveau changer entre 824 et 829. Durant cette période, la Cour carolingienne d’Aix le Chapelle connut des intrigues ourdies par une faction hostile au remariage de l’Empereur veuf d’Irmengarde depuis le 30 Octobre 818, avec Judith de Bavière. L’Empereur convole effectivement en secondes noces avec Judith, en Février 819. Cette dernière est

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accusée d’avoir jeté des sortilèges sur son époux pour pouvoir aisément favoriser l’émergence d’un parti à sa solde. Toutefois, ce qui est véritablement reproché à Judith, c’est la naissance d’un fils le 13 Juin 823, qui sera le futur Charles le Chauve. Cette naissance inattendue entraînait en effet l’obligation de procéder à un nouveau partage de l’Empire ; la nouvelle situation bouleversait le fragile compromis établi entre Lothaire, Pépin et Louis le Germanique. Lothaire, déjà en conflit avec la nouvelle femme de son père, se sentit lésé. La Cour d’Aix se partagea donc entre les partisans de Judith et ceux de Lothaire. En Avril 830 éclate une révolte de grande ampleur contre Judith et Louis le Pieux ; le second fils de Louis, Pépin d’Aquitaine, est un des chefs des conjurés. L’Impératrice Judith est arrêtée, puis cloîtrée dans l’abbaye Sainte Radegonde à Poitiers, tandis que Louis le Pieux est sommé par Lothaire de réintégrer à la Cour les anciens conseillers qui étaient tombés en disgrâce, victimes des intrigues de Judith. Louis le Pieux se soumet de mauvaise grâce, mais prend sa revanche l’année suivante lors d’une assemblée convoquée à Aix la Chapelle, où il confond ses opposants et obtient la disgrâce de Lothaire. A partir de 832, les actes d’insubordination des fils de Louis (Pépin et Louis de Bavière), se multiplient et « la révolte s’installe dans l’Empire à l’état endémique » (Louis Halphen, p 278). Partie de Pavie, l’armée de Lothaire franchit les Alpes et rejoint celles de Pépin et de Louis de Bavière en Alsace. Les trois frères sont soutenus par l’Eglise, notamment par l’archevêque de Lyon, Agobard. Lothaire, par ses intrigues et ses menaces, est parvenu à impliquer le pape dans une querelle de famille. Le Souverain Pontife se présentait comme le garant de l’unité de l’Empire en lieux et places de l’Empereur lui même accusé d’être à l’origine de la discorde familiale. Louis le Pieux répond par un écrit dans lequel il assimile ses fils à des vassaux révoltés contre leur seigneur. Pourtant, forts de l’appui de l’Eglise et des grands de leurs royaumes, les fils révoltés sortirent vainqueurs de l’épreuve de force qu’ils avaient engagée avec leur père. Louis le Pieux, enfermé au couvent de Saint Médard à Soissons, dut tolérer que son fils aîné Lothaire datât ses actes officiels de « l’an I de son règne ».

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b) Ultimes tentatives pour maintenir une fiction d’Empire.

L’usurpation de Lothaire fut légitimée par la réunion d’une assemblée générale à Compiègne le 1er Octobre 833, durant laquelle on obtint de Louis le Pieux une confession par laquelle il se reconnaissait notamment « violateur des préceptes de la religion, pour avoir sans raison valable convoqué l’armée en plein carême, mais aussi violateur des lois divines et humaines, parjure, homicide, responsable de toutes les tueries, rapines, incendies et pillages des biens d’églises et coupable d’avoir incité le peuple à s’entretuer ». L’Empereur déchu ne tardera pas pourtant à retrouver son trône le 1er Mars 834 après un an de captivité, grâce à une nouvelle mésentente entre ses fils. Si Louis le Pieux pardonna à ses fils, il infligea en revanche de sévères sanctions à tous ceux qui les avaient soutenus dans leur complot. Mais cette regrettable affaire avait inquiété l’Empereur, et avant de mourir en 840, Louis le Pieux eut l’obsession d’assurer un avenir à son fils Charles le Chauve. L’avenir lui donna raison, car les trois frères s’entredéchirèrent et il fallut attendre le traité de Verdun d’Août 843 pour qu’un semblant de concorde semble s’installer entre eux. Dans ce traité, les territoires composant l’Empire sont répartis en trois lots réputés équivalents : Louis le Germanique hérite, grosso modo, des territoires de l’Est (moins la Frise). Charles (dit « le chauve ») reçoit des territoires s’étendant de Sedan à la Saône, ainsi que l’Aquitaine. Lothaire hérite d’une bande de territoire, sans unité réelle, s’étendant du nord de la Frise jusqu’à l’Italie du sud , mais il exercera la souveraineté sur les territoires historiques des carolingiens, c’est à dire sur Aix le Chapelle, les Ardennes et le pays d’entre Meuse et Rhin.

-Comme le souligne Louis Halphen, « dans le désarroi où s’abîme l’Empire depuis 833, l’Eglise apparaît alors comme seule capable de sauvegarder l’unité du peuple chrétien » (Louis Halphen p 317). C’est l’épiscopat Franc du royaume de Charles qui va prendre l’ascendant à la fois sur les rois et sur l’ensemble des églises de l’Empire. Venant après le concile de Paris tenu en 829 au cours duquel avait été rédigé à l’usage de l’Empereur un traité sur l’ « art de gouverner saintement », le concile de Coulaisne en 843 impose aux rois de faire respecter « la justice », faute de quoi leurs sujets

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pourraient se considérer comme déliés de toute obligation d’obéissance. L’Eglise impose donc aux frères ennemis une entente, même de façade, au nom de l’unité du peuple chrétien menacée par les normands et les sarrasins. Les années 845 et 846 sont en effet marquées par les incursions destructrices des normands et des sarrasins dans les territoires de l’Empire. En 847, les normands ravagent les côtes de l’Aquitaine et en 850 les provinces septentrionales de Lothaire sont envahies par ces mêmes normands qui remontent le Rhin, le Waal et l’Escaut sur des embarcations rapides. A ces invasions barbares s’ajoutent les pillages des sarrasins en Méditerranée et l’insoumission permanente de l’Aquitaine, de la Gascogne et de la Bretagne. Un pacte de « concorde fraternelle » conclu entre les trois rois de l’Empire en 851, scelle à nouveau un semblant d’entente entre eux, mais la mort de Lothaire en 855 va accélérer la décomposition de l’Empire.

La coutume franque de la division des territoires du roi décédé en « lots » réputés égaux, répartis entre les héritiers mâles légitimes, va contribuer à transformer l’Empire carolingien en une mosaïque de cinq royaumes. Les territoires de l’ex Empereur Lothaire sont ainsi distribués : A Lothaire dit « le second », le nord de la Frise, l’Alsace, le plateau de Langres. A Charles, encore enfant, le reste…, Aix la Chapelle devenant la capitale de Lothaire II. C’est ce royaume qui donnera plus tard les noms de Lotharingie, puis de Lorraine. Jusqu’en 857 on assiste à des renversements d’alliances entre les différents rois carolingiens. Cette année là, Charles le Chauve doit faire face au soulèvement du pays aquitain en faveur de Pépin II, tout juste évadé du monastère où il pratiquait la prière forcée depuis cinq ans. Louis le Germanique profite des difficultés de Charles le Chauve pour se jeter sur son royaume en 858., afin dit-il de « délivrer les Francs du royaume de l’Ouest et les Aquitains, de l’insupportable tyrannie d’un prince qui ne sait même pas défendre la chrétienté contre les païens » (Louis Halphen, p 358). Trahi par ses vassaux, Charles doit céder à la violence et se réfugier en Bourgogne. Il ne retrouvera sa couronne que grâce à l‘Eglise -et en particulier à l’intervention de l’archevêque Hincmar et du clergé des Gaules-. Une assemblée ecclésiastique tenue à Reims le 25 Novembre 858, adresse une lettre à Louis le Germanique (conçue et rédigée par Hincmar), l’enjoignant de « restaurer la Sainte Eglise et d’aviser au salut du peuple chrétien et de mettre fin aux maux

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abominables qu’endure le pays du fait des païens , surpassés encore par ceux qu’au mépris de toutes les lois divines et humaines, des chrétiens infligent à des chrétiens, des parents à des parents, un roi chrétien à un roi chrétien, un frère à un frère » (Louis Halphen p 361). La lettre rappelle également à Louis que Charles Martel a été damné pour avoir confisqué les biens ecclésiastiques. Louis est invité à relire le livre des rois, surtout le passage consacré à la sainte conduite de Samuel envers Saül… Charles le Chauve, conforté par l’Eglise, inflige à Louis le Germanique, une sévère défaite militaire le 15 Janvier 859 et reprend possession de ses territoires et de ses vassaux. Louis Halphen, dans son ouvrage « Charlemagne et l’Empire carolingien » a raison de dire que dans cette époque de désarroi, l’Eglise représente parmi la diversité des royaumes, la seule réalité permanente. Pour Hincmar et le clergé des Gaules, il n’est plus question d’Empire, mais simplement de royaumes entre lesquels il est indispensable de maintenir la « concorde » pour assurer la survie du « peuple chrétien » assailli de toutes parts. En ces temps proches de l’anarchie, la communauté religieuse devient garante de la cohésion de la communauté politique. C’est dans ce contexte d’anarchie, de guerres et d’invasions que survient le pape Nicolas 1er. Le 23 Novembre 862, il décide que le divorce de Lothaire II sera ré-instruit par un concile à Metz ; le roi obtiendra d’ailleurs satisfaction dans ce concile, au prix d’une complaisance scandaleuse des prélats présents. Furieux de l’audace des arguments développés, le pape Nicolas 1er, qui s’est donné pour mission de raffermir l’autorité de l’Eglise face aux rois carolingiens, casse la décision du concile, interdit l’exercice du ministère sacerdotal à Günther et Theutgaud qui s’étaient montrés totalement inféodés à Lothaire II et flétrit « le crime » du roi Lothaire. Nicolas 1er va jusqu’à contester la qualité de roi à Lothaire II et dans un style grandiloquent, il lui écrit : « Vous avez lâché la bride à vos passions et vous êtes vautré dans la fosse de misère et la fange du bourbier, entraînant dans la ruine un peuple que vous aviez mission de gouverner » (Louis Halphen-précité- p 387). Lothaire et son clergé, Hincmar en tête, s’inclinèrent provisoirement devant cette démonstration de force papale. La papauté redevenait arbitre de l’Occident, mais elle se heurtait à des problèmes d’insécurité dans ses Etats constamment menacés et parfois dévastés par les musulmans et leurs alliés chrétiens dissidents. Le pape dut donc se trouver un protecteur temporel en la

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personne de l’ « Empereur Louis II » qui guerroyait depuis fort longtemps dans le sud de l’Italie. La superbe de Nicolas 1er s’effaça donc devant l’urgence. Son successeur en Novembre 867, le pape Hadrien II, choisit en revanche de se soumettre pleinement à l’Empereur. Il faut dire que le scandale provoqué par l’égorgement de la femme et de la fille de ce pape par l’amant de cette dernière, un certain Eleuthère, poussait le Souverain Pontife à adopter le profil bas. La mort providentielle de Lothaire II permet au nouveau pape de se libérer de cette inextricable question de divorce. Lothaire II ne laissant pas de descendance légitime, sa succession territoriale ne pouvait logiquement aller qu’à l’Empereur Louis II, son frère. Toutefois, la guerre contre les sarrasins empêcha ce dernier de reconstituer le royaume de son père Lothaire et comme Louis le Germanique était très malade, ce fut Charles le Chauve qui fit main basse sur l’héritage. Il se fit couronner roi à Metz le 9 Septembre 869 et prit possession du palais d’Aix la Chapelle. Charles dut cependant accepter de partager des territoires lotharingiens avec Louis le Germanique, qui rétabli, le menaçait de représailles militaires. Cette « entente » peu spontanée entre le roi de France et de Germanie au détriment de la Lotharingie, est connue sous le nom d’ « entente de Meersen » du 8 Août 870. Le pape, fidèle admirateur de Louis II, menaça d’excommunier Charles le Chauve et Louis le Germanique, mais l’intervention d’Hincmar en faveur de Charles le Chauve, contribua à la victoire du pouvoir temporel. L’Empereur Louis II préféra passer outre à l’affront et acheva de libérer la quasi totalité de la péninsule italienne de l’occupation sarrasine (chute de la forteresse sarrasine de Bari en 871). Charles et Louis n’évoquèrent même pas dans leur correspondance la victoire de Bari, car ils ne reconnaissaient pas la fonction impériale ; seule l’Eglise, renforcée par la victoire de Bari et la libération de la péninsule italienne de la présence musulmane, maintenait encore de la considération pour ce concept d’ « Empire ».

-La résurrection manquée de l’idée impériale sous Charles le Chauve et Charles le Gros.

Disparu le 12 Août 875 sans laisser de descendance mâle, Louis II laissait un royaume et le titre impérial vacants.

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Charles le Chauve devient le candidat à l’Empire du pape Jean VIII. Toutefois, dans le même temps, l’assemblée des grands à Pavie s’était divisée en deux camps : L’un favorable à Charles le Chauve, l’autre pour Carloman, le fils aîné de Louis le Germanique. Au même moment, Charles le Chauve convoquait une assemblée générale de grands à Ponthion, puis franchissait les Alpes à la tête d’une armée, culbutait une armée de Louis le Germanique aux alentours de Pavie, puis fonçait droit sur Rome à la rencontre du pape qui l’attendait pour le couronner Empereur des romains. Entre le 21 Juin et le 16 Juillet 875, le concile de Ponthion assoit l’autorité impériale de Charles le Chauve et flétrit le Germanique, condamné pour avoir tenté d’envahir la France pendant que Charles recevait la couronne des mains du pape. Charles le Chauve échoue en revanche militairement dans sa tentative d’invasion du royaume du Germanique juste après l’annonce du décès de ce dernier le 28 Août 875. Ses armées sont en effet défaites par celles de Louis le Jeune (fils du Germanique) et roi de France orientale (en fait la Saxe et la Thuringe). Sur les rives du Rhin, à Andernach, le 8 Octobre, Charles en se repliant sur ses terres de la France occidentale, doit se persuader que le temps de la splendeur de la fonction impériale est révolu.

En 877, les sarrasins qui ont trouvé des complices parmi les opposants du pape (notamment le duc de Spolète), sont aux portes de Rome. La papauté, menacée de disparition, multiplie les demandes d’assistance à Charles le Chauve et même aux byzantins ! Charles le Chauve doit choisir entre le péril normand qui menace ses terres et la défense de la chrétienté. Il opte pour une campagne en Italie, mais doit se résoudre à verser un tribut de 5000 livres d’argent aux normands pour inciter ces derniers à évacuer la vallée de la Seine qu’ils occupent. L’assemblée des grands réunie à Quierzy arrête des mesures indispensables à la bonne marche du royaume en l’absence de Charles. Parmi les décisions de Quierzy, on trouve par exemple « la confirmation des serments de fidélité et de loyale collaboration prêtés par tous au cours des années précédentes », ou bien encore « la garantie des biens personnels de la femme et des filles de l’Empereur ». Mais, attaqué par l’armée de Carloman dans les environs du col du Brenner, Charles le Chauve doit se replier en hâte sur ses territoires où une fronde de vassaux venait de se produire en

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son absence. Miné par la maladie, il devait mourir seul, abandonné de tous, le 6 Octobre 877 dans un obscur village de la Maurienne. Le pape Jean VIII se mit alors immédiatement à la recherche d’un Empereur de rechange. Il lui fallait un protecteur Franc contre les sarrasins et leurs alliés chrétiens du sud de l’Italie. Carloman, fils aîné de Louis le Germanique, s’était déjà rendu maître de l’Italie du nord, et soutenu par les grands, préparait son couronnement. Cette audace était facilitée par l’inconsistance notoire de Louis II le Bègue, héritier théorique de Charles le Chauve (et qui mourra en 879).

Soudain très malade, Carloman dut renoncer à la fonction impériale. Pour pallier à la vacance de l’Empire, le pape accorda d’abord sa confiance à Boson, personnage sulfureux, archétype de l’aventurier, qui avait été nommé garde du corps du pape par Louis II le Bègue, puis contraint et forcé par les circonstances, il accepta la « candidature » de Charles le Gros, fils de Louis le Germanique. Mais pas à n’importe quel prix. Jean II considérait en effet qu’il devait disposer de la couronne lombarde, antichambre de la couronne impériale, dans l’intérêt de la papauté. C’est à l’occasion du sacre de Charles le Gros qu’il exigea du futur Empereur préalablement au couronnement, la reconnaissance des droits de l’Eglise. Charles le Gros, revêtu de la fonction impériale en Février 881, s’avérera un bien piètre défenseur des intérêts de l’Eglise. Pour se défendre des incursions sarrasines et des intrigues du duc de Spolète, Jean VIII, confronté à l’inexistence de l’Empereur, sera obligé de solliciter l’aide des byzantins. La mort de son frère Carloman fit de Charles le Gros le roi de Germanie ; cette situation aurait du renforcer l’institution impériale. Cependant la confusion régnait partout dans l’Empire, miné par les raids normands et l’instabilité politique chronique des grands vassaux des différents royaumes constituant l’Empire. Profitant de ce grand désordre politique, l’intrigant comte Boson, beau frère de Charles le Chauve (qui introduisait ses actes officiels par l’étrange mention suivante : « Moi, Boson, qui suis ce que je suis par la grâce de Dieu » et qui par ailleurs avait accordé à son notaire le titre d’ « archichancelier »), s’était fait proclamer roi à Mantaille, près de Vienne, par des prélats à sa solde le 15 Octobre 879. Une expédition militaire avait été immédiatement organisée par une coalition de tous les carolingiens régnants (Louis le Jeune, Louis III, Carloman et Charles le Gros) contre

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l’usurpateur qui avait osé –pour la première fois depuis 751- se proclamer « roi » sans être carolingien. Toutefois, après avoir chassé Boson de son trône fantoche, les divisions et les querelles reprirent dans la famille carolingienne.

L’Empire était de plus en plus menacé de l’extérieur par les normands, qui en 881 parvinrent même à dévaster la capitale de l’Empire, Aix le Chapelle. La seule parade mise en place par les autorités, consista à payer le tribut aux normands, pour que ces derniers acceptent d’évacuer les territoires qu’ils avaient conquis. Cette politique de démission face à l’envahisseur encouragea les normands à multiplier les raids et les occupations de territoires dans le but unique de se faire payer un tribut pour ensuite les évacuer.

De l’avis général, Charles le Gros ne fut pas à la hauteur de la fonction impériale. En Septembre 886, cet Empereur préféra payer un tribut aux normands et leur accorder divers autres avantages comme par exemple la possibilité d’hiverner en Bourgogne, plutôt que d’engager contre eux une bataille décisive qui aurait pu leur faire abandonner le siège de Paris. Usé par des fonctions au dessus de ses possibilités, dévoré par les maladies, victime d’une trépanation mal réalisée, Charles le Gros succombera en Forêt Noire le 13 Janvier 888. Néanmoins, peut-on dire que l’Empire carolingien prend fin à la mort de Charles le Gros ?

La période qui suit la mort de Charles le Gros ouvre l’ère de la dislocation finale de l’Empire carolingien et se caractérise par l’émergence de roitelets un peu partout dans l’Empire, préfiguration de ce que sera l’âge féodal à partir du Xe Siècle.

Eudes, vainqueur des normands à la bataille de Montfaucon en Argonne le 24 Juin 888, s’était déjà proclamé roi de France à Compiègne le 29 Février suivant. Le duc de Spolète Gui, avait fait simultanément la même chose à Langres. Dans le sud-est de la Gaule, après la mort de Boson en Janvier 887, c’est le comte Rodolphe (de la famille des Welf), qui est proclamé roi à Saint Maurice dans la province du Valais. Par la force des armes, il étend sa domination en Bourgogne et jusqu’en Alsace-Lorraine. Vers la fin de 890, c’est Louis de Provence (un demi-carolingien par sa mère Ermengarde, fille de l’Empereur Louis II) qui s’autoproclame roi à Valence. A partir de 888, c’est l’Italie qui fait sécession, puisque cette année là le marquis de Frioul, Béranger, petit fils de Louis le

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Pieux et de Judith par leur fille Gile, revendique le trône d’Italie contre le duc de Spolète Gui. Béranger sera vaincu militairement par le duc de Spolète au début de 889. Ce dernier devint ensuite –par la volonté de l’Eglise -, « un roi, un seigneur, un défenseur ». Notons que dans tous les cas, ni l’Eglise, ni même Arnulf, le roi de Germanie ne mettent en avant la violation du principe dynastique. Le principal souci du Saint Siège réside simplement dans la nécessité de choisir « le roi qui paraît le mieux répondre aux impératifs de la situation ». On s’achemine donc à cette époque, vers une royauté au mérite qui n’a plus à se soucier du principe dynastique en vigueur depuis Pépin de Herstahl.

-Arnulf, roi de Germanie et Empereur carolingien

Le dernier carolingien en possession d’un trône, malgré sa bâtardise, Arnulf roi de Germanie va se revêtir de la fonction impériale et l’imposer progressivement aux autres rois de l’Empire, soit par la voie militaire contre Rodolphe de Bourgogne et le duc de Spolète, Gui, à partir de 894, soit par intimidation comme dans les cas d’Eudes de France et de Louis de Provence. Il légitimera son titre impérial par la convocation d’une diète à Worms dans le courant de l’été 888.

En 891, Arnulf inflige une cuisante défaite aux normands devant Louvain ; il conduit d’autres campagnes militaires en Moravie (Juillet 892) et en Italie du nord (894). Au mois de Février 896, Arnulf est couronné Empereur par le pape Formose, selon les mêmes formes que pour son ancêtre Charlemagne. Toutefois, la comparaison avec le sacre de Charlemagne s’arrêtera là. En effet, deux semaines après le sacre, son autorité sera contestée et mise en péril par le fils de Gui, encore enfant, qui revendique le titre impérial. C’est au cours d’une campagne militaire contre ce très jeune Empereur, qu’Arnulf sera victime d’une congestion cérébrale. Rapatrié en Allemagne, il y mourra en Décembre 899.

Nous ne mentionnerons que pour mémoire les trois derniers « Empereurs », l’enfant Lambert de Spolète, Louis de Provence et Béranger de Frioul, « survivants attardés d’un monde définitivement mort » (Louis Halphen, p 481).

-Avant de terminer cette première partie consacrée à l’histoire de l’Empire carolingien depuis ses origines jusqu’à sa fin, il convient de se poser la difficile question de la date réelle de

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cette fin. Autrement dit, comment déterminer exactement la date de la fin de l’Empire carolingien ? En fait, il semble problématique de donner une réponse ferme et définitive à une telle question. Trois possibilités s’offrent à l’Historien :

• a) Choisir l’année 888 qui correspond à la mort de Charles le Gros, dernier Empereur né légitimement d’un carolingien.

• b) Choisir l’année 899, qui est marquée par la mort de l’Empereur Arnulf, fils bâtard de Carloman (et donc petit fils illégitime de Louis le Germanique, lui même mort en 876).

• c) Retenir enfin la date de 987, qui correspond à la mort dans un accident de chasse , de Louis V le Fainéant, descendant de Charles le Chauve par Louis II le Bègue et Charles le Simple (mort en 929). Le successeur de Louis V le Fainéant, dernier carolingien, sera Hugues Capet.

En ce qui nous concerne nous avons retenu 899, année de la mort d’Arnulf, dernier Empereur carolingien ayant exercé réellement des fonctions impériales et militaires significatives. Il s’agit là d’un choix qui n’est pas incontestable, nous le reconnaissons aisément.

-La mosaïque ethnique qui constituait l’Empire carolingien, ne pouvait représenter une unité politique cohérente que sous la main de fer d’un souverain dont l’autorité était incontestée. A partir du moment où le principe monarchique s’affaiblit, la mosaïque éclate. Le principe monarchique carolingien s’est affaibli pour au moins deux raisons : Tout d’abord à cause de la coutume franque entraînant un découpage territorial du royaume du roi défunt en autant de royaumes que le souverain comptait de fils légitimes ; ensuite, le développement de la

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vassalité après la mort de Louis le Pieux en 840, a transformé la monarchie carolingienne en une monarchie contractuelle : Les grands vassaux ont beaucoup abusé de l’accusation de non-respect des engagements des princes à leur égard pour se considérer « libérés » de leur lien vassalique, lorsque cela les arrangeait et leur permettait de passer au service d’un autre prince concurrent du précédent. L’assemblée tenue à Coulaisne en 843 dans le royaume de Charles le Chauve, a inauguré l’ère de la grande vassalité. Charles le Chauve avait consenti à la rédaction d’un article dans la résolution finale qui stipulait que « le roi, promettant à ses fidèles de ne priver personne, quelle que soit sa condition ou sa dignité, de l’honneur auquel il a droit, s’oblige à n’user désormais que des voies de justice, en se conformant à la raison et à l’équité, et garantit à chacun l’observation de sa loi propre » (Louis Halphen, p 483). Promesse renouvelée huit ans plus tard à Meersen par Lothaire, Louis le Germanique et Charles le Chauve, au terme de laquelle les « fidèles » (c’est à dire dans le cas présent, les vassaux) étaient assimilés à des « collaborateurs ». A partir de 869 l’Eglise exige que les rois s’engagent préalablement à leur couronnement, à respecter la justice et les droits de leurs fidèles, faute de quoi le couronnement n’a pas lieu ! L’extension du principe de la vassalité jusque dans la personne du roi et de ses relations avec des tiers, dépasse la seule évolution institutionnelle. Il s’agit en fait d’une transformation en profondeur des rapports sociaux dans la société du IXe Siècle. Même les hommes d’église deviennent des vassaux du roi, évêques et abbés sollicitant leur « commandation en vasselage » auprès du monarque avant d’entrer en fonction. En contrepartie du serment de vasselage, le roi distribue (ou retire) les abbayes et les églises à ses vassaux – prélats. On entre alors dans la confusion des charges publiques et des bénéfices. Cette confusion est aggravée lorsqu’elle surajoute la notion d’ « honneurs » à celle de bénéfices. En 839, l’évêque de Troyes, Prudence, opère une savante distinction entre les biens propres (proprietates) du roi et les « honneurs bénéficiaires » (beneficiarii honores), c’est à dire les charges qu’il tient en bénéfices, inaugurant en cela les notions de domaine privé royal et de domaine de la Couronne.

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L’Empire carolingien peut encore parler à un homme du XXIème Siècle. Dans une étude de cette période, on est frappé par la similitude de certaines institutions carolingiennes avec celles qui existent de nos jours : Ainsi, l’Empire carolingien rappelle la technique de la confédération, qui permet à des peuples différents de s’associer dans le but de mener une politique commune. L’Empire carolingien, au moins entre 768 et 840, apparaît même comme un système confédéral encore plus intégrationniste que celui en vigueur dans notre actuelle Union Européenne. Par ailleurs, ce qu’on nomme « vassalité » ou « féodalité », non sans une certaine condescendance d’ailleurs, s’apparente en fait à un niveau très élaboré de contractualisation des rapports sociaux. L’Empire carolingien connaissait la délégation (et la concession) de service public, par l’attribution de prérogatives de puissance publique à des structures privées chargées d’opérer dans la sphère administrative. Avec beaucoup d’audace, on pourrait même percevoir dans les méthodes de gouvernement des rois carolingiens, les prémices de la décentralisation. Enfin, on voit se dessiner dès 843 dans les querelles entre la France occidentale et la France orientale, mais également dans les tentatives de découpages de la Lotharingie entre les frères ennemis de part et d’autre du Rhin, les prémices de la rivalité franco-allemande.

L’Empire carolingien, qui fut une construction politique et institutionnelle très élaborée, est un système très parlant sur le plan intellectuel pour un homme de notre époque.

Il nous reste désormais, dans la seconde partie de cette fresque sur « les temps carolingiens », à étudier précisément les institutions de l’Empire carolingien.

Ouvrages principaux utilisés pour cette étude :

- Louis Halphen, « Charlemagne et l’Empire Carolingien », Paris, Albin Michel 1947.

- Marc Bloch, « la Société Féodale », Paris, Albin Michel 1973.

- Duc de Lévis-Mirepoix, « la France Féodale », Paris , Jules Tallandier 1974. (8 tomes).

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