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RARE 2015 Les maladies rares : quelles attentes et quels enjeux pour la société ? 4 e édition AVRIL 2016 Hors série n° 1 p 1 > 60 volume 32 > www.medecinesciences.org médecine/sciences

médecine/sciences RARE 2015 Les maladies rares : quelles ......m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016 1 médecine/sciences Revue internationale de biologie et de médecine SOMMAIRE

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RARE 2015Les maladies rares : quelles attentes et quels enjeux pour la société ?4e édition

AVRIL 2016Hors série n° 1p 1 > 60volume 32

> www.medecinesciences.org

médecine/sciences

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m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016 1

médecine/sciences

Revue internationale de biologie et de médecine

SOMMAIRE 4 INTRODUCTION ET MESSAGES DE BIENVENUE

5 CONFÉRENCE INAUGURALE Point sur le 2e Plan National Maladies Rares

Hélène Dollfus

8 TABLE RONDE 1 État des lieux après 10 ou 15 ans d’actions pour les maladies rares

12 CONFÉRENCE 1 La France a eu un rôle moteur dans les maladies rares, peut-elle faire mieux ?

Ségolène Aymé

14 TABLE RONDE 2 Impact sociétal des nouvelles technologies de connaissance du génome

19 CONFÉRENCE 2 L’évaluation des médicaments dans les maladies rares

Loïc Guillevin

23 TABLE RONDE 3 Cohortes, registres, bases de données : quelles évolutions nécessaires ?

29 TABLE RONDE 4 Réalité et pérennité du modèle économique des maladies rares

34 ATELIERS A1 À A4

40 CONFÉRENCE 3 La révolution technologique des objets connectés et son impact sur la prise

en charge des maladies raresSéverine Lemelle

42 TABLE RONDE 5 Le médicament orphelin est-il en danger en tant que médicament développé

dans les règles de l’art

48 TABLE RONDE 6 Quelles sont les responsabilités de la société vis-à-vis des personnes atteintes

de maladies rares ?

55 CONCLUSIONS RARE 2015

56 Résumés des posters sélectionnés et présentés à RARE 2015 57 Présentations d’entreprises 60 Liste des acronymes

RARE 2015 Les maladies rares : quelles attentes et

quels enjeux pour la société ?4e éditionDIRECTEUR DE LA PUBLICATION

Jean-Marc Quilbé

RÉDACTIONRÉDACTEUR EN CHEFHervé Chneiweiss (Paris)RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINTThierry Jouault (Paris-Lille)ADJOINTE À LA RÉDACTIONClaire Wardak (Tours)SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA RÉDACTIONFrançois Flori (Paris)CONSEILLÈRE SCIENTIFIQUELaure Coulombel (Paris)SECRÉTAIRE DE RÉDACTIONMarie-Thérèse Dron (Paris)DIRECTRICE ÉDITORIALE Martine Krief-FajnzylbergCONSEILLÈRE ET REPRÉSENTANTE DE L’INSERMSuzy Mouchet

EDP Sciences/Éditions EDK109, avenue Aristide Briand92541 Montrouge Cedex, FranceTél. : 06 09 34 98 84Fax : 01 49 85 03 [email protected]

COMITÉ ÉDITORIALAntoine Bril (Paris)Carine Franc (Villejuif)Marie Gaille (Paris)Hélène Gilgenkrantz (Paris)Jacques Haiech (Strasbourg)Xavier Jeunemaitre (Paris)Bertrand Jordan (Marseille)Anne-Marie Moulin (Paris)Jean-Michel Rigo (Hasselt)Anna Salvetti (Lyon)Jean-Luc Teillaud (Paris)

COMITÉ SCIENTIFIQUEMichel Aubier (Paris)Joël Bockaert (Montpellier)Marcel Dorée (Montpellier)Denis Duboule (Genève)Gérard Friedlander (Paris)Thierry Galli (Paris)Simone Gilgenkrantz (Nancy)Michel Goldman (Bruxelles)Jean-Pierre Grünfeld (Paris)Axel Kahn (Paris)Jean-Claude Kaplan (Paris)Jean-François Lacronique (Paris)Arnold Munnich (Paris)Jean-Paul Ortonne (Nice)Marc Peschanski (Évry)Jacques Piette (Liège)Jacques Pouysségur (Nice)Bernard Rossier (Lausanne)Guy Rousseau (Bruxelles)Philippe Sansonetti (Paris)Alain Tedgui (Paris)Germain Trugnan (Paris)Gilbert Vassart (Bruxelles)Éric Vivier (Marseille)

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2 m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016

Christian Causse (SOBI)Antoine Ferry (CTRS)Sylvain Forget (Nassyane)Philippe Gredy (LFB)Karim Keddad/Armel de Gouvello (Shire)Patrice Layrac (Angels Santé)Vanessa Malier (Kurma)Samantha Parker (Lysogene)Catherine Raynaud (Pfizer)Annick Schwebig (Actelion)Jérémie Westerloppe (Celgene)Martine Zimmerman (Alexion)

Comité d’organisation

Président : Gilles Roche (Eurobiomed)Trias Asteriou (Montpellier Méditerranée Métropole)Marie-Dominique Bellamy (Office de tourisme)Rodolphe Bourret/Jamila Oumahi (CHRU de Montpellier)Marc Criton/Sophie Chebanier (AxLR)Patrick Faure (SATT SE)Roseline Favresse (Fondation Maladies Rares)Valérie Gibert (CHU de Nîmes)Luc-André Granier (Advicenne)Jacques Mercier (Université Montpellier 1)Caroline Morel et Gilles Roche (Eurobiomed)Olivier Negre (Alliance Maladies Rares)Philippe Nerin (AxLR SATT LR)Florence Robert (AFM-Téléthon)Thierry Rousset/Adeline Fonbonne (DIRECTTE)Christian Siatka (École de l’ADN)Marion Thurmes et Isabelle Aubert (Région LR)

Comité de lecture

Zeina Antoun (GSK)Neil Bernard (Genzyme)Brigitte Cales Menoret (Vertex)Alain Donnart (Alliance Maladies Rares)Roseline Favresse (Fondation Maladies Rares)Laure Jamot (RaDiCo)Caroline Morel (Eurobiomed)Catherine Raynaud (Pfizer)Béatrice Rousselle (Roche)

Comité scientifique

Co-présidents : Christian Deleuze (Genzyme SAS & Polyclonals)et Didier Lacombe (Fédération Française de Génétique Humaine)

Associations de maladesAlain Donnart (Alliance Maladies Rares)Christophe Duguet/Hélène Montant (AFM-Téléthon)Anne Sophie Lapointe et Delphine Genevaz (VML)Thomas Sannie (AFH)Jean Lafond (Vaincre la Mucoviscidose)Christel Nourissier/Virginie Hivert (Eurordis)

InstitutionsMarie-José Auge-Caumont (USPO et Présidente du Collège de la Pharmacie)Benoît Barteau (BPI France)Olivier Blin (Orphandev)Roseline Favresse (Fondation Maladies Rares)Bénédicte Garbil (CGI)Caroline Morel et Gilles Roche (Eurobiomed)Sylvie Paulmier Bigot (LEEM)Véronique Paquis (Ministère de la Recherche)Dominique Peton Klein (DGOS)Ana Rath (Orphanet) – Christelle Ratignier (CNAM)

Scientifiques et cliniciensBrigitte Chabrol (Société Française de Pédiatrie)Valérie Handweiler (CHRU de Montpellier)Didier Lacombe (Fédération Française de Génétique Humaine)Marc Lambert (AP-HM)Centres de référence : Claude Desnuelle (CHU de Nice)Hélène Dollfus (Strasbourg)Christian Hamel (Montpellier)Luc Mouthon (AP-HP)Pierre Sarda (Montpellier)

EntreprisesZeina Antoun (GSK)Astrid Baumann (Biomarin)Neil Bernard et Christian Deleuze (Genzyme)Antoine Bernasconi (Orphan Europe/Recordati)

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médecine/sciencesmédecine/sciences

International journal of biology and medicine

RARE 2015 Rare Diseases:

which expectations and which stakes for the society?

4th editionIndexée dans PubMed/Medline Current Contents, série Life SciencesEMBASE/Excerpta MedicaPASCALCABSBIOSIS

médecine/sciences a été le fruit d’une coopération entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Québec, à la suite d’une recommandation de la Commission permanente de coopération franco-québécoise.

ÉDITEUREDP Sciences/Éditions EDK25, rue Daviel75013 Paris, FranceTél. : 01 58 10 19 05Fax : 01 43 29 32 [email protected]

EDP SCIENCES/ÉDITIONS EDKSAS au capital de 40 000 €RCS Nanterre 403 452 81617, avenue du HoggarPA de Courtabœuf91944 Les Ulis, Francewww.edpsciences.org

IMPRIMEURCorlet, Imprimeur, S.A.ZI route de Vire,14110 Condé-sur-Noireau, FranceN° 83406

INFOGRAPHIE, MISE EN PAGEDesk25, boulevard de la Vannerie53940 St-Berthevin, France

SERVICE ABONNEMENTSEDP Sciences/Éditions EDK17, avenue du HoggarPA de Courtabœuf91944 Les Ulis Cedex A, FranceTél. : 01 69 18 75 75Fax : 01 69 86 06 [email protected]

PUBLICITÉClaudine TruferTél. : 01 58 10 19 [email protected]

Copyright© « Médecine/Sciences- Inserm ». Publication périodique men-suelle. Tous droits de reprographie à des fins de vente,de location, de publicité ou de promotion réservés à l’éditeur.Commission paritaire n° 1117 T 81597EDK, Paris, Dépôt légal :à parutionISSN n° 07670974ISSN électronique n° 1958-5381

INDEX DES ANNONCEURSEurobiomed, 2e couv. – Bulletin d’abonnement, p. 55 – Genzyme, 4e couv.

CONTENTS 4 INTRODUCTION AND WELCOME MESSAGES

5 INAUGURAL CONFERENCE On the 2nd National Plan Rare Diseases

Hélène Dollfus

8 ROUND TABLE 1 Current situation after 10 or 15 years of actions for the rare diseases

12 CONFERENCE 1 France had a driving role in the rare diseases, can she do better?

Ségolène Aymé

14 ROUND TABLE 2 Societal impact of the new technologies of knowledge of the genome

19 CONFERENCE 2 The evaluation of medicine in the rare diseases

Loïc Guillevin

23 ROUND TABLE 3 Cohorts, registers, databases: what necessary evolutions?

29 ROUND TABLE 4 Reality and sustainability of the economic model of the rare diseases

34 WORKSHOPS A1 TO A4

40 CONFERENCE 3 The technological revolution of the connected objects and its impact on the care

of the rare diseasesSéverine Lemelle

42 ROUND TABLE 5 The orphan medicine is in danger as medicine developed according

to the rule book

48 ROUND TABLE 6 What are the responsibilities of the society towards the people affected

by rare diseases?

55 CONCLUSIONS OF RARE 2015

56 Posters’ abstracts 57 Presentations of companies 60 List of acronyms

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médecine/sciences

4 m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016DOI : 10.1051/medsci/201632s101

médecine/sciences 2016 ; 32 (hors série n° 1) : 4

Introduction et messages de bienvenue

Intervention de Xavier Tabary (Président du pôle de compétitivité Eurobiomed)Vous êtes près de 400 personnes de la communauté des maladies rares à participer à ce congrès organisé par le pôle de compétitivité Eurobiomed. Nous vous remercions d’être présents. Je remercie également Gilles Roche qui a porté les trois premières éditions de ce congrès. La com-munauté lui doit beaucoup, mais RARE lui doit tout. Il a décidé de passer la main. Le comité d’organisation lui trouvera un remplaçant. Nul n’est irremplaçable, mais certains laissent une trace plus prégnante que d’autres. Je vous propose de l’applaudir.C’est avec plaisir que nous ouvrons ce congrès qui ras-semble les chercheurs cliniciens, les associations de malades, la recherche publique, la recherche privée, les développeurs, les entrepreneurs, etc. Cette commu-nauté resserrée est forte et riche de sens. Eurobiomed soutiendra les éditions futures de ce congrès. Ainsi, je vous donne d’ores et déjà rendez-vous en 2017.

Intervention de Didier Lacombe (Fédération Française de Génétique Humaine)Je remercie également Gilles Roche et ses collabo-rateurs/trices de l’organisation de ce congrès et de m’avoir confié la coprésidence avec Christian Deleuze. RARE 2015 sera une belle édition. La diversité est une des richesses des maladies rares. Dans ce cadre, ce type d’approche et d’union fait la force. La France a

été pionnière dans le domaine de la politique de santé publique sur les maladies rares avec les deux plans nationaux maladies rares (PNMR). Nous savons que les associations de patients ont joué un rôle clé dans la définition de ces plans. Les maladies rares ont permis de développer une approche extrême-ment importante depuis de nombreuses années dans la compréhension de la physiopathologie des maladies rares et des maladies communes. Des innovations et des pistes thérapeutiques ont ainsi pu être déve-loppées, notamment grâce au lien avec les industriels. Ces rencontres qui associent le monde académique, industriel et asso-ciatif sont importantes et riches de sens. L’époque des grands man-darinats étant révolue en médecine, nous devons travailler de concert avec le monde associatif.

Intervention de Christian Deleuze (Genzyme)Je suis heureux de vous accueillir. Je remercie Gilles, Caroline et le Comité scientifique du travail qu’ils ont fourni. Le programme de cette édition de RARE est tourné vers le défi que représentent les maladies rares pour la société. Ce sujet est pleinement d’actualité. Je suis certain que ces deux journées de travail seront productives. J’espère que nous en tirerons un certain nombre d’enseignements sur ce que nous avons envie de mettre en avant au cours des deux prochaines années.

LIENS D’INTÉRÊTLes auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

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> Je remercie le Comité et j’excuse Mmes Peton-Klein et Sarnacki.Les deux PNMR sont un modèle à pérenniser qui mobilise une grande diversité d’acteurs : les associations de patients qui ont été particulièrement actives et produc-tives, les tutelles (c’est-à-dire le ministère de la Santé et le ministère de la Recherche), et différentes autres structures. Dans la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004, les maladies rares constituaient une priorité de santé publique. Le PNMR1 2005-2008 consi-dérait les maladies rares comme un enjeu social, avec la « prise en compte des plus faibles et des moins nom-breux », en assurant une égalité d’accès aux soins et une meilleure qualité de prise en charge et d’accompa-gnement. En outre, le premier plan s’est appuyé sur les associations, et ce, tant pour son élaboration que son suivi. Il a permis de générer 131 centres de référence, 500 centres de compétences et 54 laboratoires de dia-gnostic sur le territoire.Les principes qui ont animé le PNMR1 sont demeurés moteurs pour l’élaboration des axes du PNMR2. D’une manière générale, les PNMR doivent servir les patients et leurs familles.Le PNMR2 2011-2014 (prolongé jusqu’en 2016) défi-nit 3 axes clés, 15 mesures, 47 actions et 4 focus. Ses 3 axes sont les suivants :• améliorer la qualité de la prise en charge, en poursui-vant trois orientations que sont la Banque Nationale de Données Maladies Rares (BNDMR), la prise en compte des besoins des patients d’outre-mer et le soutien de l’action des associations maladies rares ;• développer la recherche sur les maladies rares (avec un focus sur la Fondation maladies rares) ;• amplifier les coopérations européennes et internationales.Dans le cadre du PNMR2, un certain nombre de comi-tés se réunissent régulièrement. Le Comité de suivi et de prospective (Cospro), placé sous la direction de la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS) et composé de la Secrétaire Générale, de deux Vice-

présidentes, de personnes qualifiées et de représentants de diffé-rentes instances, se réunit une à deux fois par an. Le Comité de pilo-tage se réunit trois fois par an pour assurer le suivi du plan. Un groupe permanent assurant le suivi des centres de référence et des stratégies des filières, ainsi qu’un groupe recherche et un groupe Europe ont été constitués. En parallèle, la BNDMR et des groupes du médicament et du médico-social ont été initiés.Je vais maintenant vous présenter un bref historique de la période allant de février 2011 à novembre 2015 pour vous faire part de la dyna-mique du plan. Dès 2011, cinq groupes de travail ont été constitués ; ils portaient sur la méthodologie de labellisation des centres de réfé-rence, les filières, l’information et les outils d’amélioration de la prise en charge des patients, les plates-formes nationales de laboratoires de diagnostic approfondi, et la BNDMR.En 2011, Alain Garcia était le Secrétaire général du plan ; il s’occupait également des relations avec les Agences Régionales de Santé (ARS) et l’Europe. Les nombreuses personnes de la DGOS impliquées dans le PNMR ont pu initier une forte dynamique.Au cours de l’année 2012, marquée par une progression contrastée de la mise en œuvre du PNMR2, la refonte du référentiel de labellisation, un amendement pour un Rapport Annuel d’Activité standardisé mis en place dans le cadre des Missions d’Intérêt Général (MIG), la mise en place de la BNDMR, l’implémentation du séquençage haut débit des laboratoires de diagnostic, la mise en place du groupe Recherche, l’organisation d’une réunion plénière des 131 Centres de Référence Maladies Rares (CRMR) en décembre, et l’élaboration du cahier des charges pour la mise en place des filières ont été mis en œuvre.En 2013, le rythme de progression s’est ralenti, notamment du fait des multiples changements de responsables, au sein de la DGOS. Au cours de l’année, la maquette du Rapport Annuel d’Activité a été

Conférence inauguralePoint sur le 2e Plan National Maladies RaresHélène Dollfus

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• faciliter pour toutes les personnes atteintes de mala-die rare et pour leur médecin traitant le repérage et l’orientation dans le système de prise en charge ;• renforcer la coordination de la prise en charge dia-gnostique, thérapeutique et médico-sociale ; • organiser la collecte des données cliniques à des fins de suivi et de recherche en assurant leur qualité ; • impulser et coordonner les actions de recherche ;• regrouper les ressources et l’expertise au niveau national pour en accroître la visibilité au niveau inter-national, notamment dans la perspective de faciliter leur intégration dans les futurs réseaux européens de référence. 23 filières ont été labellisées en septembre 2015. Un chef de projet et une gouvernance ont été définis pour chacune d’elles. Des réunions de pilotage sont orga-nisées au niveau de la DGOS. Les plans d’action remis en juin 2015 ont été évalués par un comité d’experts indépendants et pilotés par la DGOS. Le rendu des éva-luations sera finalisé en novembre 2015. Une nouvelle évaluation est prévue pour avril 2016. Les financements ont évolué puisqu’ils incluent désormais une part fixe et une part variable.

Focus 3 : la recherche et le séquençageLa création en 2012 de la Fondation maladies rares est un élément clé de l’axe B recherche, qui a un fort impact national et international – dans la mesure où elle catalyse les activités académiques et industrielles et s’occupe de nombreux appels à projet. Le projet d’investissement d’avenir Cohortes Maladies Rares constitue aussi un élément clé dans le paysage des maladies rares. 80 % des maladies rares étant d’origine génétique, le diagnostic moléculaire revêt une importance particu-lière. Il est notamment assuré par les 54 laboratoires de l’Association nationale des praticiens de génétique moléculaire (ANPGM). À la frontière du soin et du dia-gnostic, le séquençage haut débit pour le diagnostic des maladies rares se décline à trois niveaux (niveau 1 : séquençage Sanger valable pour un nombre limité de gènes ; niveau 2 : séquençage de « moyen débit » permettant de séquencer plusieurs dizaines de gènes ; niveau 3 : séquençage de l’ensemble des gènes par un exome ou un génome). Dans le cadre du PNMR2, la phase de mise en place du séquençage de niveau 2 a été relativement rapide. Grâce à des séquenceurs haut débit dits de « pail-lasse », les laboratoires ont mené avec une certaine rapidité les explorations moléculaires dans des mala-dies très hétérogènes. 5,6 et 4 millions d’euros ont été alloués en 2011 et 2012 ; ils ont permis d’implémenter le

élaborée ; la validation par la HAS du référentiel de labellisation était en attente ; le Groupe Permanent a été mis en place ; la procédure de succession a été validée ; l’appel d’offres pour les filières de santé maladies rares (FSMR) a été lancé. Une réorientation des efforts a été opérée en 2014, avec la mise en fonction du Rapport Annuel d’Activité en juin, la validation du référen-tiel de labellisation par la HAS, la labellisation des 23 filières en sep-tembre, un décalage sur la délégation du financement des filières, et la mise en place d’un groupe permanent destiné, d’une part, à décider de la stratégie et du périmètre des centres de référence et des filières, et, d’autre part, à préparer l’évaluation de 2016. 2015 est l’année des bilans. Prolongé jusque fin 2016, le PNMR2 est en cours d’évaluation par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) et le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP). Leurs rapports sont attendus pour fin 2015. Cette année a été marquée par le démarrage des FSMR (des plans d’action ont été remis en juin) et le lancement de la Mission AVIESAN demandée par le Premier ministre sur la Médecine Génomique et Personnalisée.L’équipe dédiée aux maladies rares s’est sensiblement réduite au cours de l’année 2015. Cette évolution doit être soulignée car elle interroge l’avenir du PNMR. La suite de ma présentation portera sur trois focus.

Focus 1 : le référentiel d’évaluation de l’activitéL’activité conduite dans le cadre du PNMR1 a fait l’objet d’une autoévaluation à quatre ans et d’une visite sur site. Ce processus était à la fois flou et trop étalé dans le temps. Un nouveau rapport d’activité, basé sur la méthodologie PIRAMIG – utilisée par toutes les MIG –, a donc été mis en place. Élaborée avec la HAS et l’AERES, cette méthodologie est le fruit de différents groupes de travail constitués dès 2011 ; elle a été mise en place en 2014. Les centres de référence doivent transmettre leur rapport d’activité annuel. En 2016, un comité piloté par la DGOS se réunira pour évaluer l’activité de ces centres. Ces rapports sont longs à remplir (en ligne), mais ils stimulent le dialogue entre les directions des hôpitaux et les équipes. 94 % des centres ont rendu leur rapport d’activité. La visite sur site systématique a été sup-primée ; une visite sera organisée si des problèmes sont identifiés dans les centres de référence.

Focus 2 : les Filières de Santé Maladies RaresSuite à l’évaluation du PNMR1 par le HCSP, des groupes de travail ont été mis en place pour faire évoluer en filières l’organisation des centres de référence et des centres de compétences afin de faciliter l’orientation des patients, améliorer la prise en charge, améliorer la coordination des activités de recherche, mutualiser les moyens de coordination et d’animation, et accroître la visibilité au niveau inter-national, notamment pour les réseaux européens de référence.Une lettre d’instruction de la DGOS de juillet 2013 précise que chaque filière, structurée autour d’un ensemble cohérent de maladies rares, doit répondre aux finalités suivantes : • structurer la coordination des CRMR en mutualisant les moyens de coordination et d’animation ;

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• l’état des lieux en France, la recherche et les applica-tions cliniques ;• les infrastructures et l’organisation.Ces groupes ont produit un certain nombre de docu-ments. Dans le cadre de la seconde phase, cinq autres groupes de travail ont été constitués ; leurs travaux sont en cours. La communauté des maladies rares a été représentée au sein de ces groupes de travail. Diffé-rentes instances, comme l’ANPGM, ont été consultées.Le PNMR2 s’achèvera fin 2016. La gestion d’un dispositif d’une telle envergure est complexe et implique la mobi-lisation de tous les acteurs. La suite de ce plan devra être élaborée. Les efforts déployés dans le cadre des deux premiers plans devront être pérennisés avec des moyens adaptés et une structure permettant d’épanouir encore plus la communauté des maladies rares. ‡

LIENS D’INTÉRÊTL’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

moyen débit dans les laboratoires. Compte tenu des évolutions tech-nologiques extrêmement importantes sur le séquençage haut débit, le séquençage très haut débit (c’est-à-dire l’exome et le génome) constitue un élément clé du diagnostic. Dès 2011, un groupe de travail a été mis en place dans le cadre du PNMR2 afin d’établir un cahier des charges pour lequel se sont beaucoup investis notamment les professeurs Nicolas Lévy, Thierry Frebourg et Jean-Louis Mandel. S’en sont suivies de nombreuses réunions avec de nombreux intervenants, notamment la DGOS, la DGRI, le CEA, France Génomique, le CNG, etc. En avril 2015, le Premier ministre a adressé une lettre de mission au Professeur Yves Lévy, le président d’AVIESAN, pour organiser une mission autour du génome et de la médecine personnalisée. Ce courrier met l’accent sur le séquençage du génome entier et l’importance du développement industriel et de la recherche, notamment autour du soin. Quatre groupes de travail, au sein desquels cohabitent les commu-nautés du cancer, des maladies rares et des maladies communes, ont été créés dans le cadre de la première phase de la mission (de mai à juin 2015). Ils portaient sur les thématiques suivantes :• la situation internationale et les perspectives à 10 ans ;• l’innovation et les enjeux industriels ;

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médecine/sciences

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médecine/sciences 2016 ; 32 (hors série n° 1) : 8-11

m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016DOI : 10.1051/medsci/201632s103

Table ronde 1État des lieux après 10 ou 15 ans d’actions pour les maladies rares

Didier LacombeLe bilan des PNMR fait apparaître un certain nombre d’éléments positifs, liés notamment à la structuration de l’organisation sur le territoire national. Même si l’appel d’offres a été décalé de décembre 2015 à 2016, des centres de référence se mettent en place au niveau européen. Le modèle français est donc en train d’être décliné à l’échelle du continent.

Point de vue des associations de malades

Christian CottetMon intervention s’articulera en quatre temps.

10 ou 15 ans d’actions concertéesCertaines associations de malades mènent depuis un demi-siècle des actions militantes dans lesquelles s’en-racine depuis 2004 la politique concertée de santé publique pour les maladies rares. Le mouvement asso-ciatif des maladies rares, qui s’est développé en France à la fin des années 1950, a fortement contribué aux condi-tions du progrès thérapeutique et médical. Les associa-tions ont développé une vision, élaboré une stratégie, mis en place des organisations, construit des alliances avec le monde scientifique et le monde médical ; en outre, elles ont fait connaître les maladies et ont interpellé les pouvoirs publics, constituant ainsi une force solidaire organisée et efficace au service de l’intérêt général. Au début des années 2000, la problématique des mala-dies rares, identifiée comme une question de santé publique, a commencé à s’imposer en France sous l’impulsion des associations. Il était alors fondamental de mettre en place une stratégie nationale volonta-riste, définie comme une politique prioritaire et pilotée nationalement en réponse aux enjeux identifiés tant nationaux qu’européens. Cette priorité s’est concrétisée dans le PNMR1, inscrit dans la loi de santé publique de 2004. Il a permis d’améliorer l’accès au diagnostic et la prise en charge des personnes atteintes de maladies rares à travers la mise en place des centres de référence et de compétences.

Au terme du PNMR1, il a fallu une forte mobilisation des associations pour que l’effort de la puissance publique soit poursuivi dans un deuxième plan lancé en février 2011. Pour le mouvement associatif, le PNMR2 était, à son lancement, en demi-teinte par son manque d’ambitions et de moyens.

Bilan et constatsLes deux premiers PNMR ont apporté une amélioration réelle. Cepen-dant, beaucoup reste encore à faire parce que les attentes légitimes des malades n’ont pas toutes été prises en compte.Des progrès ont été réalisés dans le diagnostic ; pour autant, l’errance diagnostique demeure une réalité pour nombre de familles. Ainsi, 10 % de situations d’errance ou d’impasse diagnostique ont été recensées pour les familles avec atteinte neuromusculaire, qui sont pourtant suivies dans les centres de référence. Les centres de référence ont permis le regroupement et l’articulation des expertises – c’est un réel progrès. La question de l’adaptation de la tarification à l’activité (T2A) au financement des consultations complexes et pluridisciplinaires reste un point d’achoppement.Malgré l’objectif ambitieux du PNMR1, moins de 80 Protocoles natio-naux de diagnostic et de soins (PNDS) ont à ce jour été publiés. Des moyens ont été apportés pour des équipements en séquenceurs de moyen et haut débit. Toutefois, la plate-forme nationale de séquençage à très haut débit est toujours en attente. De plus, l’accès à ces méthodes de diagnostic pointues et leur prise en charge doivent encore être organisés.

Participent à la table ronde :Christian Cottet, AFM-TéléthonHélène Dollfus, CHRU de StrasbourgSylvain Forget, NassyaneMarc Hanauer, Orphanet

La table ronde est animée par Didier Lacombe (Fédération Française de Génétique Humaine)

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question des frais de gestion prélevés par les hôpitaux, qui peuvent prélever jusqu’à 25 % de frais de gestion.

Points faibles et avancées positivesLes centres de référence et de compétences ont permis d’améliorer la prise en charge des malades atteints de maladies rares. La lisibilité du système de santé a été améliorée. Les médecins de proximité connaissent mieux l’existence des centres de référence. La mise en interaction de l’ensemble des acteurs est un facteur d’amélioration globale. Les filières de santé, les centres de référence et le travail en commun des acteurs à tra-vers les réseaux, les commissions des filières, les PNDS doivent être pérennisés. Les maladies rares nécessitent une politique nationale qui porte une vision stratégique et une réelle possibilité de pilotage assurant la transver-salité entre des directions, des ministères et des acteurs publics et privés. Cela est rendu encore plus nécessaire à l’heure où la multiplication des pistes thérapeutiques et l’arrivée des premiers traitements dans le domaine des maladies rares deviennent réalité. C’est pourquoi nous appelons les pouvoirs publics – malheureusement peu représentés aujourd’hui – et l’ensemble des acteurs à se mobiliser dans un troisième PNMR ou a minima une véri-table stratégie nationale sur les maladies rares pilotée par une structure de coordination réellement transver-sale et disposant de vrais moyens de fonctionnement.

Didier LacombeLe PNMR2 a souffert d’un manque de moyens financiers et de soutien politique. Il faut savoir qu’aux États-Unis, le président Obama a annoncé que des fonds publics seraient alloués à la médecine personnalisée et au développement du séquençage haut débit de nouvelle génération. Toutefois, le PNMR2 offre un certain nombre d’éléments positifs, comme la mise en place des filières et la création de la Fondation maladies rares. ‡

ÉCHANGES AVEC LA SALLE

De la salleQuid du PNMR3 ?

Didier LacombeNous n’avons aucune visibilité sur le futur plan.

Hélène DollfusJe partage totalement les propos de M. Cottet. L’avenir du PNMR doit dès à présent faire l’objet d’une réflexion. Les associations devraient se mobiliser pour pérenniser le plan sous une forme ou une autre. Plusieurs axes de réflexion ont

La Fondation maladies rares a été créée pour développer et coordonner l’effort de recherche, mais les financements publics alloués à cette structure font défaut.Les enjeux du développement thérapeutique n’ont pas été suffisam-ment traités, notamment dans le domaine des médicaments de théra-pie innovante. Le lien entre la santé, la recherche publique et le monde industriel n’a pas été suffisamment pris en compte.La réforme de la politique du médicament s’est faite en préservant la spécificité des maladies rares. Cependant, il reste encore beaucoup à faire sur la question des utilisations hors AMM. La BNDMR a été développée laborieusement, mais la problématique des registres et des bases de données pour la recherche n’avance pas vite. De plus, de nombreux projets sont bloqués faute de moyens. Le PNMR définissait assez timidement des orientations pour l’articu-lation entre les priorités nationales et les territoires de santé. Force est de constater que les plans régionaux de santé contiennent très peu d’éléments sur ce sujet.Enfin, les FSMR sont une avancée très pertinente en termes de struc-turation de l’écosystème. Mais leur lancement n’arrive qu’en fin de PNMR2. De plus, leur dispositif de financement, tant dans les circuits que dans les moyens alloués, est très insuffisant.Nous sommes dans la bonne direction, car des progrès ont été réali-sés, mais trop lentement. Le déficit de réponses à apporter face aux besoins appelle à la poursuite d’une politique de santé volontariste pour les maladies rares.

Quels enseignements pour améliorer l’avenir ?Alors que la première version du plan se composait de mesures pré-cises et mesurables, le PNMR2 publié en février 2011 a été reformaté, en remplaçant un certain nombre de mesures opérationnelles par de simples déclarations d’intention. Pour y remédier, un réel pilotage adaptatif aurait dû être mis en place – cela n’a malheureusement pas été le cas. La mission de coordination et d’impulsion, qui devait être portée par le Secrétariat général du plan, n’a pas été remplie pendant une très longue période. Le PNMR mobilise de nombreux acteurs de natures très différentes. Le pilotage du plan ayant été essentielle-ment assuré par la DGOS, la coordination de ces acteurs n’a pas été facilitée. Plus globalement, la dimension interministérielle du plan (santé, recherche, secteur médico-social et industrie) a fait défaut. Pour un plan aussi transversal que celui des maladies rares, la mise en place d’une structure de gouvernance ad hoc, à la fois transversale et interministérielle aurait été nécessaire. En pratique, le Cospro n’a réalisé aucun travail prospectif. Comme il s’est limité à des réunions de présentation de l’état d’avancement des actions par les ministères, il n’a pas impulsé de logique transversale de travail en commun. La mesure « Filières de santé » illustre parfaitement cette situation. Cette mesure aurait dû apparaître dans le plan comme une mesure chapeau des trois axes du plan puisque le but des filières est de mettre en interaction les différents acteurs. Comme les filières étaient pilotées par la seule DGOS et financées sur des budgets hospitaliers, l’association des acteurs a été rendue difficile, notamment ceux de la recherche et du médicament. La mobilisation des financements est un système kafkaïen avec, en sus, la

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De la salleIl faudrait davantage donner la parole aux acteurs de terrain.

Didier LacombeLes associations et les patients ont été les pièces maî-tresses des deux PNMR.

Point de vue des industriels

Sylvain ForgetLes maladies rares interrogent les industriels sur leur fonctionnement, leur positionnement et leur manière de conduire leur recherche. 15 ans après la mise en place des réglementations européennes, les malades sont mieux pris en charge, mais des progrès restent à réaliser. Les industriels du médicament ont d’abord pour mission d’apporter des solutions thérapeutiques médicamen-teuses. Près de 300 médicaments sont utilisés tous les jours en France pour le traitement de maladies rares. 85 d’entre eux ont le statut de médicament orphelin. Selon Orphanet, 115 médicaments avec AMM ont une indication pour une maladie rare sans avoir un statut d’orphelin. Depuis le règlement de 2000, plus de 1 500 médicaments ont obtenu une désignation de médicament orphelin ; leur intérêt doit désormais être démontré pour obtenir une AMM.Selon un récent rapport d’Evaluate pharma, 23 % des investissements de phase III dans la recherche biomé-dicale par les industries du médicament sont portés sur les maladies rares. Ce pourcentage traduit un inves-tissement très lourd en personnes et en recherche, en passant du modèle des blockbusters vers un modèle orienté vers la médecine à 4 P (prédictive, préventive, personnalisée et en partenariat avec des acteurs allant au-delà des prescripteurs).En France, les Autorisations Temporaires d’Utilisation (ATU) de cohorte et les ATU nominatives sont très impor-tantes. Une bonne partie d’entre elles sont captées par les maladies rares. À ce jour, une centaine de médica-ments seraient susceptibles de justifier une Recomman-dation Temporaire d’Utilisation (RTU). Après reposition-nement et amélioration, ils pourraient obtenir une AMM. Avec près de 300 médicaments dédiés au traitement de maladies rares utilisés en France, nous pouvons considé-rer que les industriels du médicament font leur travail. L’ont-ils fait pour trop cher ? Le coût des médicaments dans notre système de santé est en train de diminuer. Les médicaments non orphelins relèvent du système classique ; leur coût est en train de baisser. Selon un récent rapport du Comité Économique des Produits de Santé (CEPS), les médicaments orphelins représentent un coût d’un peu moins d’un milliard d’euros, soit 4 % du coût total des

été mentionnés, notamment en termes d’organisation, de moyens, etc. Pour l’avenir du plan, le modèle de l’Institut National du Cancer (INCa) est inté-ressant car il réunit autour d’une même table les soignants, les chercheurs et les tutelles. Ainsi, le modèle devrait être plus efficace et plus compact afin de prendre des décisions plus stratégiques et plus prospectives.

Didier LacombeLe rapprochement avec l’INCa est intéressant. L’évolution de la Fon-dation maladies rares vers une vraie structure d’État comme l’INCa – avec un financement pérenne – devrait être envisagée.

Christian CottetAu cours des deux PNMR, trois éléments structurants ont été mis en place : les centres de référence, la Fondation maladies rares et les filières de santé. Nous regrettons que les pouvoirs publics aient très peu financé la Fondation. Sans la générosité publique, cet organisme n’aurait pas fonctionné. La Fondation maladies rares a vocation à coordonner et impulser une recherche dans certaines thématiques. Une structure de type « institut des maladies rares » chargée de l’animation et de la gouvernance d’une politique nationale se situerait à un niveau supérieur.

De la salleQuels sont les critères de sélection des centres de référence et de com-pétences ? Comment sont-ils sélectionnés ?

Didier LacombeUne autoévaluation est assurée par les directions d’hôpitaux, via un ques-tionnaire en ligne. La visite sur site n’est plus obligatoire, sauf en cas de pro-blème. Le label est accordé pour cinq ans. Il appartient aux coordonnateurs des centres de référence de prouver la qualité de leur travail. Nous espérons que les bons centres de référence pourront continuer à travailler et obtenir des financements. L’ensemble des comités du PNMR1 ayant été dissous, il est important via les comités de sélection de pouvoir créer de nouveaux centres de référence ou de faire évoluer certains centres de référence.

Hélène DollfusRemplir les rapports annuels d’activité en ligne est très chronophage. Cela donne toutefois l’occasion d’avoir une vraie discussion avec les directions des hôpitaux. Parmi les critères d’évaluation importants figurent le nombre de consultations, la formation, la communication en direction du grand public et l’articulation avec la recherche. La métho-dologie PIRAMIG, utilisée par les MIG, a été adaptée aux maladies rares.

Didier LacombeLes crédits MIG et MERRI ont été réduits cette année de manière dras-tique dans tous les CHU de France.

De la sallePourquoi aucun représentant du ministère n’est-il présent aujourd’hui ?

Didier LacombeNous avons lancé des invitations, mais elles ont été déclinées.

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n’est pas adapté aux maladies extrêmement rares. Nous devons faire preuve collectivement de créativité. Nous avons ainsi avancé le concept de « prix juste et maîtrisé ». Un tra-vail abouti doit être mené dans ce domaine, car la question de la rentabilisation des efforts de recherche se pose.

Marc Hanauer, OrphanetFondé en 1997 par le Dr Ségolène Aymé, Orphanet a été l’un des acteurs fortement impactés par les PNMR qui ont permis de consolider ses activités principales, telles que la diffusion et la mise à disposition d’informations.S’il est peut-être passé inaperçu, l’axe du PNMR2 relatif à la nomenclature des maladies rares revêt néanmoins une grande importance. Celles-ci sont sous-représentées dans les systèmes d’information et les nomenclatures. Une note parue en 2012 a permis l’inclusion des maladies rares, notamment dans les systèmes d’information permettant de suivre les dossiers des patients dans les centres de référence. Ce sujet pose directement la question de l’inte-ropérabilité entre les différents systèmes d’information et bases de données dans le cadre de la recherche.Orphanet est aussi un consortium international. Toute stratégie discutée au niveau national doit tenir compte du contexte international. Le premier PNMR a joué un rôle moteur en Europe. Le futur PNMR3 devra s’inscrire dans une dynamique internationale.

De la salleQuel est l’avenir du personnel embauché par les Filières Maladies Rares ?

Didier LacombeNous espérons que le financement des filières sera pérennisé, mais ce n’est pas acquis. En outre, des négociations avec les directions de CHU peuvent être engagées pour que ce personnel soit CDIsé.

De la salleComment pallier le manque d’information des médecins généralistes ?

Didier LacombeLa journée internationale des maladies rares qui se tiendra en février 2016 sera l’occasion d’organiser une information sur les centres de référence en tant que nou-veaux moyens de diagnostic et d’étude du génome. Cette journée sera ouverte aux médecins et au grand public. ‡

LIENS D’INTÉRÊTD. Lacombe déclare participer à des interventions ponctuelles pour les entreprises Shire, Genzyme, Biomarin.H. Dollfus, S. Forget, C. Cottet, M. Hanauer déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

médicaments. Ces derniers représentant 15 % des dépenses de santé, le coût des médicaments orphelins représente donc un peu moins de 0,6 % des dépenses de santé. Une hausse même de 10 % du coût de ces médica-ments ne risquerait donc pas de mettre en péril le système de la Sécurité sociale. En outre, l’exclusivité des médicaments orphelins s’arrêtant au bout de dix ans, les premiers génériques seront prochainement mis sur le marché. Ainsi, force est d’admettre que les industriels ont pratiqué une politique de coût compatible avec la continuité de notre système de prise en charge.Jusqu’à présent, les industriels ont toujours essayé de développer des par-tenariats avec l’ensemble des acteurs du monde des maladies rares. Dans le cadre d’une plate-forme de communication qui sera ouverte en jan-vier 2016, ils formuleront une vingtaine de propositions réparties en quatre chapitres : la recherche, la simplification du labyrinthe administratif, le financement et les partenariats. S’agissant du dernier thème, nous consi-dérons que le rôle des industriels ne se limite pas à fournir des boîtes de médicaments. En effet, les industriels sont prêts à participer encore plus activement aussi bien à l’évaluation du travail réalisé depuis une décennie qu’à la mise en place du PNMR3 qu’ils appellent de leurs vœux.Le bilan que nous avons dressé des PNMR a mis en évidence un certain nombre d’éléments. La structuration apportée par les plans est très utile aux industriels. La mise en place de partenariats associatifs-public-privé doit être renforcée. La Fondation maladies rares, qui implique les industriels, doit être développée. La mise en place d’un modèle de prise en charge sociétale est à pérenniser et à amplifier. Les PNMR doivent jouer un rôle moteur pour l’Europe. Les industriels n’envisagent jamais de développer un médicament orphelin à l’échelle d’un seul pays. Le rôle des industriels dans les PNMR est à préciser et à renforcer. Enfin, le modèle économique doit être sécurisé.

Didier LacombeLe fait que les médicaments orphelins représentent 4 % du coût des médicaments me convient bien puisque 4 % de la population française serait concernée par les maladies rares. En tant que pédiatre, je suis de la génération des professionnels qui ont dépisté les enfants, à la naissance, de la mucoviscidose, qui les ont pris en charge et qui les ont vus mourir. Aujourd’hui, la synthèse de tous les médicaments développés dans la mucoviscidose ouvre une vraie porte d’espoir. La combinaison de ces médicaments devrait permettre aux médecins qui auront dépisté et suivi ces enfants de ne pas les voir décéder à un jeune âge adulte.

Christian CottetDepuis quelques années, l’industrie du médicament est en train d’expier le péché originel de ne pas s’être intéressée historiquement aux maladies rares. C’est très positif. Les chiffres cités par Sylvain Forget montrent la nécessité d’organiser cette politique de santé publique, dans la mesure où 98 % des maladies rares n’ont pas de traitement aujourd’hui.La France est pionnière en matière d’ATU et de RTU. Un vrai travail devra être mené, car les références ne sont pas forcément disponibles pour aller vers la mise en œuvre des RTU. La question du modèle économique et du prix du médicament se pose. Les industriels doivent bien sûr être rentables. Le modèle économique classique

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m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016DOI : 10.1051/medsci/201632s104

Conférence 1La France a eu un rôle moteur dans les maladies rares, peut-elle faire mieux ?Ségolène Aymé

> Je suis très fière de la communauté des maladies rares française. La France est le seul pays au monde à s’être doté d’une politique cohérente dès 1995. Plusieurs étapes marquent la construction de cette politique. Annie Wolf a été le catalyseur avec la mission des médi-caments orphelins qu’elle a menée au ministère de la Santé à partir de 1995. S’en est suivie la création d’Or-phanet en 1996 et d’Eurordis en 1997 – cette Fédération européenne de malades a joué un rôle politique majeur pour obtenir un règlement orphelin, puis une politique européenne. L’Alliance Maladies Rares a été créée en 2000. La Plate-forme Maladies Rares, qui a vu le jour à Broussais en 2001, joue un rôle réel à l’échelle natio-nale. Elle réunit une centaine de personnes travaillant à temps plein sur les maladies rares. La politique en faveur des maladies rares s’est struc-turée en plusieurs étapes. En 2001, un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) maladies rares a été initié. Le Groupement d’Intérêt Scientifique (GIS) maladies rares, constitué en 2002, a permis de financer des réseaux et des projets de recherche, ainsi que la création de E-Rare. Ce réseau, qui constitue une for-midable initiative dans le domaine des maladies rares, permet le cofinancement par plusieurs pays européens de projets de recherche ; il inclut désormais des pays aussi lointains que l’Australie ou le Canada.En 2000, le règlement concernant les médicaments orphelins a mis en lumière l’importance de la rareté comme un facteur devant alerter et obliger à la mise en œuvre de politiques spécifiques. En 2000 égale-ment, la Commission européenne, la DG Recherche

ainsi que la DG Santé publique, ont affiché les maladies rares comme une priorité. Elle a créé en 2004 une Task Force qui a inspiré la com-munication de la Commission européenne intitulée « Les maladies rares : un défi pour l’Europe ». Le Comité santé a ensuite recom-mandé en 2009 à l’unanimité à chaque État de se doter d’un plan maladies rares. La France a donc joué un rôle modèle pour les autres pays européens. À ce jour, 25 d’entre eux ont adopté un plan ou une stratégie maladies rares. La Task Force est ensuite devenue le Comité européen maladies rares, puis un comité d’expert maladies rares de la Commission européenne. La réflexion menée par la Task Force s’est nourrie de l’expérience française qui était à la fois novatrice et collaborative. Les 25 plans adoptés à ce jour sont hétérogènes. Certains sont des stratégies à transformer en futurs plans. Beaucoup n’ont pas de bud-get dédié aux actions prévues. La labellisation des centres d’exper-tise, le codage de patients maladies rares (Orphacodes), la collecte d’information sur les patients maladies rares (banques de données/registres) et l’accès à l’information concernant les maladies rares (soutien de l’équipe nationale Orphanet) constituent les éléments communs à l’ensemble des plans nationaux. L’impact de la France a été double. Le premier concerne Orphanet, qui a permis l’inventaire des maladies rares, la classification et le codage – dans une recommandation du 12 novembre 2014, le Comité d’experts européens préconise l’usage du codage avec les codes Orpha dans les pays de l’UE. En outre, Orphanet a réalisé une cartographie des res-sources expertes dans tous les pays européens.Le second impact de la France est lié aux centres de référence. Une véritable expérience dans l’organisation de ces centres a été engran-gée en France à travers les appels d’offres, les critères de sélection et

Inserm, US14, Paris, France

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professionnels de santé. À l’avenir, les données du PMSI pourraient également alimenter cette base de données. Cette organisation doit se mettre en place car un grand projet français de banque de données de santé sera inscrit dans la loi de santé publique. Les maladies rares constituent l’exemple parfait d’un domaine pilote qui pourrait être le premier à être développé parce que les sources de données sont bien organisées et que les besoins en santé publique et en recherche sont considérables.La mise en place d’un PNMR3 dépendra du rapport d’évaluation en cours de publication ; des décisions politiques seront prises sur la base des recomman-dations du comité d’évaluation. Un PNMR3 pourrait être défini, avec un merveilleux pilote et des moyens adéquats alloués par les ministères – il est toujours possible de rêver ! Si aucun nouveau plan n’est mis en place, la communauté des maladies rares devrait s’or-ganiser pour retrouver l’esprit du PNMR1, c’est-à-dire coordonner les acteurs concernés, tirer les bilans des actions et de leurs impacts, et faire de la prospective afin d’impulser des actions. La Fondation maladies rares, qui n’a pas joué le rôle de coordinateur des données qui lui était initiale-ment assigné, pourrait se transformer en organe de coordination de ces initiatives si la volonté politique fait défaut. Pendant deux plans, nous avons appelé de nos vœux l’existence d’un observatoire des médica-ments orphelins pour collecter des données réelles et réfléchir à l’impact des médicaments orphelins dans les budgets nationaux. La Fondation maladies rares pourrait coordonner la création de cet organisme. Elle pourrait également aider à organiser le congrès RARE qui est le seul forum national du domaine. De plus, elle pourrait initier la mise en place d’un fonds abondé par tous les acteurs pour financer les registres maladies rares, indispensables à la collecte de données sur les thérapies innovantes et coûteuses. Après tous les efforts faits dans ce domaine, il serait vraiment dommage que ces registres tombent en dés-hérence. La communauté des maladies rares française doit être reconstituée et il faut lui donner les moyens d’échanger. ‡

LIENS D’INTÉRÊTL’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

l’évaluation. Ce modèle a été intégralement repris dans une recom-mandation que le Comité européen d’experts sur les maladies rares (EUCERD) a adoptée à l’unanimité le 24 octobre 2011. Un rapport sur les initiatives et les incitations prises en Europe est disponible sur le site www.eucerd.eu.De son côté, le PNMR2 n’a presque pas eu d’influence à l’échelon européen. Sa traduction anglaise n’a jamais été diffusée car le ministère n’était pas d’accord avec la traduction du mot « filière ». De plus, la notion de Réseau Européen de Référence, antérieure au PNMR2, ne correspond pas à la notion française de filière. Les sigles donnés aux filières ne sont pas judicieux ; il aurait été préférable de leur attribuer des désignations simples telles que « réseau maladies rénales rares ». Le PNMR2 a peu influencé dans son contenu les travaux européens. En outre, il a été essentiellement géré de façon administrative, et n’a joué aucun rôle dans les réflexions menées au niveau européen. L’appel d’offres concernant les centres d’expertise et les réseaux européens sortira dans quelques semaines. Les centres français devraient formuler des propositions de réseaux européens de réfé-rence. Le dispositif français de centre de référence est parfaitement en accord avec les textes européens. En revanche, les filières fran-çaises ne sont pas en accord avec les textes européens. Une recom-mandation précisant que des réseaux européens dans les maladies rares doivent être construits pour un certain nombre de catégories, il aurait été sage et intelligent que le ministère organise des réunions pour voir comment la France allait répondre à cet appel d’offres. Ces réunions n’ont pas eu lieu. Pire, la France ne se fait pas représenter actuellement au Comité européen qui travaille à l’élaboration des cahiers des charges et qui sélectionnera ensuite les réseaux euro-péens de référence. Grâce au Téléthon, la France est un pays acquis aux maladies rares. Elle compte 382 associations de patients parlant d’une seule voix. La France est aussi le pays de l’information sur les maladies rares, grâce à Orphanet, OrphaNews et OrphaData. Le site Orphanet, disponible en 7 langues, compte plus d’un million d’utilisateurs par mois. Il utilise un codage des maladies rares qui est devenu un standard interna-tional recommandé par l’UE et l’International Rare Diseases Research Consortium (IRDiRC). La France est également le pays des médicaments orphelins. Les PNMR mentionnent clairement la possibilité de traiter par ces médicaments, dont la moitié environ est vraiment innovante. La France utilise le concept d’ATU que le monde entier nous envie. Nous devons rester à ce niveau d’excellence.La France est aussi le pays de quelques vrais fiascos. Il convient de citer les cartes d’urgence qui étaient trop complexes, les PNDS qui étaient trop ambitieux, la surveillance épidémiologique des maladies rares et le « off label ». L’absence de coordination des projets de collecte de données est à ranger dans la catégorie « semi-fiascos ». En effet, la BNDMR, les cohortes de l’IHU Imagine et celles de RaDiCo, ainsi que les registres français, se sont développés en parallèle alors qu’ils collectent des données sur les mêmes malades et par les mêmes

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médecine/sciences 2016 ; 32 (hors série n° 1) : 14-8

m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016DOI : 10.1051/medsci/201632s105

La table ronde est animée par Gert Matthijs (Université de Leuven)

Table ronde 2Impact sociétal des nouvelles technologies de connaissance du génome

Didier Lacombe, Fédération Française de Génétique HumaineNicolas Lévy, Aix-Marseille Université et AP-HMSylvie Paulmier-Bigot, LEEMFrédéric Revah, Généthon

Gert MatthijsAu cours de cette table ronde, nous évoquerons les nou-velles technologies permettant de séquencer un génome entier. Le premier séquençage d’un génome humain – celui de James Watson – a été réalisé en 2008. La question de l’utilisation de cette technologie s’est alors posée. Entre-temps, les prix d’un séquençage ont drastiquement chuté. En effet, le séquençage du génome de James Watson a coûté 5 millions de dollars, alors qu’il coûte aujourd’hui 5 000 euros. Ces prix sont faux si le contexte d’utilisation du séquençage n’est pas pris en compte. Le séquençage d’un génome est possible. La même technologie peut être utilisée pour réaliser des analyses ciblées. Dans la vie réelle, cette utilisation est plus développée. Elle permet par exemple de regarder tous les gènes impliqués dans une certaine maladie. Cette technologie présente alors un réel avantage en termes d’efficacité. Cette technologie peut également être uti-lisée pour créer de la capacité de séquençage. Dans le cancer du sein, cette plate-forme permet de séquencer des dizaines de patients en même temps. Avec la technologie du séquençage, il est également pos-sible de réaliser des exomes quand la maladie du patient n’a pas encore été identifiée. Cette utilisation s’inscrit entre les champs de la recherche et de la découverte. Le génome entier peut être séquencé pour, d’une part, faci-liter l’accès aux données et, d’autre part, chercher des déficiences ou des défauts non connus qui ne sont pas liés à la partie codante du génome.Dans la première partie de cette table ronde, nous discu-terons des avantages de ces nouvelles technologies, en ne nous limitant sans doute pas aux maladies rares. Nous parlerons également de l’impact de ces technologies sur la recherche et la santé publique, car il serait intéressant de savoir si nous allons vraiment changer la société.Dans un second temps, nous évoquerons les limites de ces nouvelles technologies. Plutôt que d’aborder leur dimension technique, nous discuterons de la gestion des données privées et de leurs impacts sur la santé publique. En 2014, j’ai publié avec Vermeesch Joris le livre « Comprendre la génétique et ses enjeux ».

Frédéric RevahJe suis le directeur général du Généthon. Ce centre de recherche et développement a été créé en 1990 par l’AFM Téléthon pour travailler dans le domaine des maladies rares. À cette époque, il s’agissait de contribuer au déchiffrage du génome humain. Les premières cartes du génome humain ont été produites à Généthon entre 1992 et 1995. Nous étions donc au cœur des efforts visant à réaliser le déchiffrage du génome humain, et ainsi à mieux comprendre et identifier les gènes responsables de maladies rares. À partir de la fin des années 1990, Généthon s’est réorienté vers l’exploitation des données issues du génome humain pour l’appli-cation thérapeutique, en particulier dans le domaine de la thérapie génique.Aujourd’hui, ma contribution au débat portera sur la manière dont ces nouvelles technologies de séquençage ont pu donner naissance à de nou-velles approches thérapeutiques et à de nouveaux types de médicaments.

Nicolas LévyJe suis professeur de génétique à Marseille ; je suis aussi chef de ser-vice du département de génétique médicale et directeur d’une unité de recherche Inserm-université dédiée aux maladies rares, en particulier aux maladies génétiques rares, voire ultra-rares, allant de l’identifi-cation des causes des mécanismes jusqu’au développement de preuves de concept et au développement thérapeutique. J’ai récemment cessé

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mes fonctions de directeur de la – très belle – Fondation maladies rares. J’ai donc repris mes fonctions à Marseille dans le contexte de la recherche et du soin. En parallèle, je porte un projet de création d’institut de médecine et de recherche translationnelle méditerranéen orienté uniquement vers les maladies rares.

Sylvie Paulmier-BigotJe représente le LEEM. Au sein de cette organisation professionnelle qui fédère les entreprises du médicament, je suis chargée de la coordina-tion du Comité maladies rares présidé par Christian Deleuze. Ce comité regroupe diverses parties prenantes (industriels, associations de malades, académiques). Le sujet des maladies rares me tient beaucoup à cœur.

Didier LacombeJe suis pédiatre généticien et clinicien ; je dirige le service de génétique médicale du CHU de Bordeaux, après avoir dirigé le service de pédiatrie. Je dirige également une unité Inserm dédiée à la recherche transla-tionnelle sur les maladies rares. J’ai beaucoup travaillé dans le cadre du PNMR1. Je dirige actuellement la Fédération française de génétique humaine, qui regroupe l’ensemble des sociétés dédiées à la génétique. Parmi elles figure l’ANPGM, dirigée par Benoît Arveiler. Nicolas Lévy le connaît bien puisqu’il travaille sur la structuration nationale des Nou-velles Générations de Séquençage (NGS), c’est-à-dire la réflexion sur des plates-formes dédiées aux maladies rares et au cancer.

Gert MatthijsLes exomes permettront-ils de résoudre tous les cas de maladies rares ?

Didier LacombeAu cours d’une réunion organisée cet été au ministère de la Santé, il nous a été dit que l’exome ne relevait pas aujourd’hui de la pratique diagnostique courante. Comme il relève de la recherche, il n’est pas à ce jour financé dans le cadre du diagnostic en France. La stratégie actuelle consiste à développer des panels dans des pathologies parti-culières. Cette stratégie est plutôt pertinente comme étape intermé-diaire (de 4 à 5 ans) – les pouvoirs publics en sont conscients. L’étape suivante consistera sans doute à passer à l’exome. Le génome pose la question des incidentalomes, c’est-à-dire la découverte fortuite d’anomalies qu’on ne devrait pas caractériser. Les techniques d’études du génome de type CGH Array permettent de trouver la cause d’une anomalie du développement, mais cette cause inclut la délétion d’un gène qui prédispose au cancer à l’âge adulte. Il a ainsi fallu expliquer à la mère d’une enfant de trois ans que sa fille devrait être surveillée.Je reçois très régulièrement des patients, qui se sont informés sur Internet et qui demandent pourquoi un exome n’est pas pratiqué. Grâce aux financements de la Fondation maladies rares, nous pou-vons en faire passer quelques-uns dans le cadre de la recherche, mais la pratique de l’exome en diagnostic n’est pas encore courante en France. Il existe donc un décalage entre la pratique et la connaissance des patients sur cette nouvelle technologie, qui pose des questions éthiques.

Gert MatthijsLe fait de ne pas avoir accès aux exomes à un prix com-pétitif vous fait-il râler ? Ou bien faut-il attendre que tout soit validé ?

Nicolas LévyJe partage les propos de Didier Lacombe, même si nous nous sommes inscrits dans une démarche visant à déve-lopper l’exome en diagnostic dès que cette technologie était disponible en France. Notre approche de l’exome se rapproche fortement de celle qui est appliquée aux panels. Nous réalisons des exomes au sens techno-logique du terme, mais nous explorons en priorité le panel bioinformatique d’une série de gènes pertinents par rapport à la pathologie de malades qui nous sont adressés. Si nous n’avons rien identifié dans le panel, nous ouvrons les données sur le reste de l’exome, en prenant le risque de faire des découvertes fortuites.Ce sujet pose une vraie question conceptuelle. Le panel doit être pratiqué dans des pathologies hétérogènes pour lesquelles le nombre de gènes restant à identifier dans ce groupe de pathologies est relativement faible. Lorsque le nombre de gènes restant à identifier est considérable, il est beaucoup plus profitable en termes conceptuels – mais aussi en termes de coûts – d’aller sur de l’exome pour cibler directement les gènes connus par rapport à la pathologie, avant d’ouvrir les données de l’exome.Il existe une grande différence entre ce qui relève du diagnostic et ce qui relève de la recherche. Si nous posions dans cette salle la question de la définition du diagnostic par rapport à la définition de la recherche concernant l’accès aux NGS, nous obtiendrions sans doute des réponses bien différentes. Le fait de diffé-rencier ce qui relève du diagnostic et de la recherche en prenant simplement en considération ce qui est connu versus ce qui n’est pas encore connu est, de mon point de vue, extrêmement limitant. Séquencer dans un contexte de pur diagnostic ou un contexte de pure recherche n’a pas beaucoup d’importance, car l’impor-tant est de parvenir à l’identification.

Gert MatthijsJe ne suis pas tout à fait d’accord. Une réponse est attendue d’un diagnostic dans un délai assez bref. Pour lancer une recherche, une hypothèse est nécessaire. J’ai l’impression que les cliniciens sont en train de mélan-ger le diagnostic et la recherche. Ce sujet devrait être rapidement clarifié, car trop d’argent de la recherche est utilisé pour pratiquer du diagnostic « caché ». Le public doit être conscient de cette réalité pour que des dispositions soient prises au niveau politique.

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Didier LacombeL’exome ne résout pas tout. Le taux de 40 % me semble juste. J’ai récemment discuté avec une famille très affectée qui a perdu deux enfants avec une forme d’arthrogrypose sévère. Comme elle souhaite avoir un nouvel enfant, elle est très en demande d’un diagnostic. Un projet de recherche sera lancé en France avec Judith Melki sur les arthrogryposes. J’ai reçu un email de Judith m’annonçant la découverte d’un nouveau gène. Avant que cette famille puisse bénéficier de cette avancée académique, une publication et une validation seront néces-saires. L’approche recherche et l’approche diagnostic doivent donc être séparées. La recherche va aboutir à de grandes implications dans le diagnostic, mais il faut être conscient du décalage entre les deux.

Gert MatthijsLe diagnostic et la recherche doivent-ils être menés dans le même institut ?

Nicolas LévyIl est possible de mélanger le diagnostic et la recherche si le mélange est parfaitement organisé au départ. Les activités de séquençage dans un centre de génétique doivent être menées dans les mêmes locaux. Les outils et les compétences utilisés pour la recherche et le diagnostic sont les mêmes. En revanche, le circuit des données diffère. Dans le cas du diagnostic, un résultat doit être rendu aussi rapidement que possible au malade, en particulier si la variation identifiée donne accès à un traitement. En recherche, une validation est nécessaire. Cela ne doit toutefois pas nous empêcher, dès l’identification de la variation, de commencer à initier des actions de recherche et de prise en charge. Ainsi, le diagnostic et la recherche devraient être organisés dans les mêmes lieux, en s’appuyant sur les mêmes compétences et les mêmes outils. Il convient en revanche de différencier les circuits des données. La mise en place d’un système de traçabilité et de qualité sera bientôt la norme dans les laboratoires de recherche.

Gert MatthijsPour la recherche et la thérapie, qu’est-ce que cela change ?

Frédéric RevahUne thérapie génique et d’ingénierie génétique présente un potentiel médical impressionnant puisqu’il s’agit d’une thérapie curative. Au-delà de la percée médicale et scientifique que représentent ces pro-duits – dont certains sont aux portes de l’AMM – il existe une grande variété d’incidences, notamment en termes d’organisation du système de soins. On parle de thérapie personnalisée à l’extrême. Dans certains types de thérapie génique, des cellules souches sont prélevées dans le système hématopoïétique du patient ; un gène sain est introduit dans ces cellules avant qu’elles ne soient réinjectées au patient. Ce trai-tement hautement personnalisé ne peut évidemment être administré que dans des environnements hospitaliers spécialisés, offrant un vrai accompagnement clinique et technologique.La question du modèle économique se pose également. Un produit de thérapie génique sera administré une fois – ou un nombre limité de fois –

pour obtenir une correction permanente. Un tel produit s’apparente plus à une greffe qu’à un médicament clas-sique. La question de la fixation de son prix n’a toujours pas été résolue, alors qu’un certain nombre de produits s’approchent de l’AMM. Le prix de ces produits pourrait être fixé une fois pour toutes – le premier à avoir obtenu son AMM européenne, porté par une société de biotechno-logie hollandaise, revendique un prix d’un million d’euros l’injection. Un tel prix est-il raisonnable ? Et notre système de santé est-il prêt à accepter ce niveau de prix ? D’autres prévoient un prix basé sur le résultat, une annuité payable en fonction d’un résultat thérapeutique objectivable. Ces modèles de fixation de prix restent à mettre à l’épreuve des faits, tant les systèmes de remboursement sont peu adaptés à ces nouvelles fixations de prix. La question du modèle économique doit également prendre en compte le coût de la R&D, dans la mesure où le coût de développement de ces produits peut être important.La capacité à développer ces produits dépend de compétences en recherche, de compétences en déve-loppement et de compétences médicales. En outre, la capacité à amener ces produits jusqu’aux patients dépend de manière critique de la production. Celle-ci présente une très forte valeur ajoutée, car ces produits sont difficiles à produire. L’enjeu industriel de cette production est considérable pour pouvoir maîtriser la mise à disposition de ces produits.

Gert MatthijsVous parlez surtout de la révolution dans les thérapies, qui ne sont pas nécessairement liées au séquençage. Le chiffre d’un million d’euros par patient que vous avez mentionné m’a fait plaisir car cela signifie que le diagnostic est quasiment gratuit. Le séquençage en diagnostic devrait donc avancer plus rapidement. Les industries mesurent-elles les avantages du séquen-çage à haut débit ?

Sylvie Paulmier-BigotLes industriels ont effectivement mesuré les impacts positifs de ces nouvelles technologies. L’identification des gènes et des altérations à l’origine des maladies permet notamment de mieux connaître les pathologies, d’identifier plus facilement les malades, de mieux cibler les actions de prévention, et d’optimiser le taux de répondeurs. Ces nou-velles technologies ont une répercussion considérable sur le développement des futurs médicaments.

Gert MatthijsAu niveau sociétal, pourquoi ne pas envisager de séquencer tout le monde ?

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Nicolas LévyLa question que nous devons nous poser est de savoir pourquoi nous devrions séquencer tout le monde. Cette solution n’aurait un intérêt que si elle a un impact direct sur la connaissance que l’on veut obte-nir à partir de patients qui ont besoin de séquençage, ou bien sur la connaissance obtenue dans le cadre de programmes de recherche. À ce jour, je ne vois pas la nécessité de séquencer tout le monde. Un généticien médical ne peut pas s’inscrire dans une démarche visant à séquencer tout le monde parce que les outils sont disponibles.

Gert MatthijsJ’ai évidemment posé cette question pour susciter le débat. Si tous les cancers étaient séquencés, le nombre d’analyses serait multiplié par dix, ce qui coûterait bien plus que les dépenses liées aux maladies rares. Comment résoudre ce problème sociétal ?

Didier LacombeAujourd’hui, le séquençage doit se limiter aux personnes pour lesquelles cette approche présente un réel intérêt, notamment en termes de prise en charge thérapeutique. Par ailleurs, je souhaiterais intervenir sur le dépistage néonatal systématique. Depuis trois à cinq ans, nos collègues nord-américains de l’American Society for Human Genetics (ASHG) envi-sagent à brève échéance de séquencer le génome de tous les nouveau-nés américains – notamment pour des raisons d’assurance. En Europe, nous considérons qu’une telle pratique systématique ne serait pas du tout raisonnable. En effet, l’interprétation bioinformatique d’un cer-tain nombre de variants et polymorphismes sera difficile. De plus, d’un point de vue éthique, le séquençage conduira à identifier incidemment diverses pathologies. Partageant cette position, l’American College of Medical Genetics and Genomics (ACMG) considère que le séquençage devrait uniquement s’appliquer à certains gènes d’intérêt. Il a ainsi constitué une liste de 70 à 150 gènes, notamment de myocardiopathie et de QT long. Par ailleurs, vous savez que des recherches sont menées sur le gène de la longévité. Or, une centenaire présente une mutation dans un gène de myocardiopathie. Par conséquent, des questions se posent.Malheureusement, la France est encore loin d’une approche molé-culaire systématique néonatale. Cette réflexion devra pourtant être menée, car le dépistage de certains gènes présente un réel intérêt. En France, cinq maladies sont dépistées à ce jour. La phénylcétonurie et l’hypothyroïdie sont de vraies réussites d’un point de vue biochimique. De mon point de vue, la mucoviscidose n’est pas le meilleur exemple de maladie pour laquelle un dépistage néonatal aurait dû être mis en place. Aujourd’hui, une vraie réflexion devrait être menée sur les gènes devant faire l’objet d’un dépistage systématique à la naissance.

ÉCHANGES AVEC LA SALLE

De la salleFaut-il séquencer tout le monde ?

Gert MatthijsLe séquençage de tout le monde ne présenterait pas un réel intérêt pour les maladies multifactorielles. Par ail-leurs, l’utilisation d’exemples de séquençage réussi pour justifier une politique générale me semble dangereuse.

De la salleÀ l’avenir, un « patient » porteur d’une mutation sera-t-il traité avant que la maladie ne se déclare ?

Nicolas LévyIndépendamment du dépistage systématique, l’objectif d’aujourd’hui est de pouvoir prévenir autant que pos-sible l’apparition d’un phénotype potentiellement sévère lorsqu’on sait que la mutation est en grande partie responsable de cette pathologie. On parle de mutations « actionnables », sur lesquelles on peut avoir un véritable impact thérapeutique dès qu’elles sont détectées.

De la salleLa recherche en génomique pourrait-elle être intégrale-ment financée par le diagnostic biologique ?

Nicolas LévyLa recherche en génomique pourrait effectivement être financée de façon intégrale par le diagnostic biologique si la recherche et le diagnostic sont menés dans un même laboratoire. Ainsi, chaque patient aurait accès à un séquençage le plus efficient possible pour permettre d’identifier les caractéristiques génétiques liées à la maladie qu’il présente. Dans ce cas, il faudrait séparer les files actives (c’est-à-dire les malades connus et pris en charge dans une démarche de diagnostic par du séquençage haut débit) des collections d’échan-tillons qui sont dans les congélateurs des centres de ressources biologiques. Ces échantillons concernent des malades malheureusement perdus de vue ou pour les-quels beaucoup d’informations font défaut. Les infor-mations cliniques doivent rester à l’origine de notre pratique de séquençage.

Frédéric RevahLe fait de traiter un patient avant que la maladie ne se déclare ou au tout début des symptômes est par-fois l’élément même permettant l’effet thérapeutique complet. Par ailleurs, il faut savoir que la possibilité de faire des essais cliniques en l’absence de traitement dépend d’un diagnostic aussi précoce que possible. Je pense notamment à l’amyotrophie spinale de type 1. Le diagnostic précoce de cette maladie dégénérative à évolution extrêmement rapide permet l’intervention thérapeutique et l’essai clinique.

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Gert MatthijsPendant que nous discutons, d’autres vont agir. Pensez-vous que nous sommes en train de laisser passer le train ? J’estime que le système public devrait s’engager pour le séquençage néonatal et « préconcep-tuel ». La solution du dépistage ne devrait pas être écartée.

Nicolas LévySans vouloir minimiser les capacités de diagnostic, j’estime que la solution du dépistage n’aurait de sens que si l’on connaissait la signi-fication des données séquencées. Or, seuls 3 à 5 % des données d’un génome peuvent réellement être interprétées à ce jour.

Gert MatthijsDans ce cas, il faut arrêter tout dépistage ou bien expliquer au public que les solutions offertes aujourd’hui ne sont pas valables. Je n’ai pas envie de perdre mon temps à crier dans le désert.

Ségolène Aymé Les firmes réalisant du séquençage chez les gens non-malades vendent du vent car les résultats obtenus concernent des variants génétiques connus à faible valeur prédictive. La communauté des généticiens doit dire la vérité : la technologie de séquençage existe, mais nous ne savons pas interpréter la plupart des données. Les bases de données de variants génétiques contiennent entre 20 et 40 % de données erronées, que certains veulent utiliser en diagnostic. Ce n’est pas sérieux ! Les laboratoires doivent offrir un service diagnostique sur des données par-faitement validées et répondant aux besoins du patient.5 % de la population américaine ont les moyens de se payer leur génome, mais ils seront très déçus des résultats obtenus. Il ne faudrait pas qu’ils viennent ensuite se faire expliquer les résultats. Ce sujet me semble très marginal. En France, nous avons toujours eu une approche très prudente en terme de dépistage néonatal, et c’est très bien ! Il devrait en aller de même dans la génétique. Il y a déjà tant de besoins non assouvis en matière de diagnostics qui seraient réellement utiles aux patients et aux familles. Ainsi, nous devrions nous concentrer sur les vrais besoins.

Gert MatthijsLes centres de fertilité proposent de plus en plus souvent ce genre de test, et les gens acceptent de payer pour cela. Faudrait-il installer une police ? Ou bien faudrait-il que les services médicaux sachent mieux proposer leur offre réduite en mettant en avant les explications qui peuvent l’accompagner ? Le séquençage du génome ne se limitera pas aux maladies rares et au cancer ; il faudrait ajouter en urgence le dépistage des porteurs pour proposer une offre valable et différente de celle qui est proposée sur Internet.Par ailleurs, il faut savoir que Google et Facebook sont très intéressés par vos données. Je demanderai aux intervenants de s’exprimer en tant que citoyens sur ce sujet.

Sylvie Paulmier-BigotEn tant que citoyenne, ce sujet peut m’effrayer. L’eugénisme repré-sente en effet un danger considérable. Je suis quelque peu rassurée

après avoir entendu que l’interprétation des résultats souffrait encore de nombreuses incertitudes. Un autre sujet m’interroge. Si une personne qui n’est pas malade sait qu’elle a une altération sur un gène – avec des potentialités de développement de maladies –, elle va vivre toute sa vie avec une épée de Damoclès. L’impact sociétal de ces données pose une vraie ques-tion philosophique.

Nicolas LévyLa question du diagnostic pré-symptomatique est par-faitement encadrée en France, à partir du moment où les gènes concernés par des mutations sont identifiés et caractérisés. Dans ce cas, des consultations pluri-disciplinaires sont organisées avec des psychologues, des obstétriciens, des généticiens et des spécialistes d’organes. Ce problème reste néanmoins complexe à gérer au quotidien, en particulier lorsqu’il s’agit de pathologies graves, voire très invalidantes comme des maladies neurodégénératives.S’agissant des données produites par de grandes entre-prises comme Google et Facebook, je souhaiterais partager une réflexion sur le transhumanisme – selon lequel l’homme qui vivra 1 000 ans serait déjà né. Google, via Calico notamment, ne s’intéresse qu’à la longévité, en ayant la volonté de pouvoir identifier des signatures moléculaires inscrites dans une certaine forme de longévité. Le fait de vivre plus longtemps ne m’intéresse pas forcément. En revanche, vivre en meilleure santé aussi longtemps que possible serait intéressant. Les progrès de la médecine devraient per-mettre d’atteindre ce but, grâce à la génétique et aux nouveaux outils technologiques.

Gert MatthijsUne question de la salle porte sur les conséquences d’un séquençage généralisé sur l’accès au travail et les primes d’assurance. Cette problématique me semble plus aiguë et plus urgente. La mise en ligne du génome reste un phénomène limité et trivial. Le problème est que cette avancée génétique est perçue comme majeure par le public. Il est temps que nous expliquions les inté-rêts médicaux de la génétique. Ce sujet s’apparente à une révolution que nous devrons maîtriser.

LIENS D’INTÉRÊTD. Lacombe déclare participer à des interventions ponctuelles pour les entreprises Shire, Genzyme, Biomarin.S. Paulmier-Bigot déclare avoir un contrat de travail avec l’organisme Les Entreprises du Médicament (LEEM).G. Matthijs, N. Lévy, F. Revah déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

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Le circuit des médicaments et l’AMMLe circuit du médicament commence par une autorisa-tion européenne donnée par le Committee for medicinal products for human use (CHMP), un comité de l’Agence européenne des médicaments (EMA). Il n’y a plus d’AMM demandée uniquement en France. Ensuite, l’autori-sation européenne est transmise à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) qui évalue le rapport bénéfice/risque du médi-cament, et donne un avis pour une AMM française. Ensuite intervient la Haute autorité de santé (HAS). Depuis dix ans, la Commission de la transparence attribue deux notes portant, d’une part, sur le service médical rendu (SMR) et, d’autre part, l’amélioration du service médical rendu (ASMR). Elle formule un jugement scientifique sur la qualité du médicament ; son prix n’a donc aucune incidence sur la note attribuée.De son côté, la Commission d’évaluation économique rend un avis d’efficience. Ensuite le Comité économique des produits de santé (CEPS) discute avec le laboratoire du prix du médicament, dans le cadre d’une négociation plus ou moins longue.Le SMR conditionne le taux de remboursement par la Sécurité sociale (65 %, 35 % ou 15 %). Lorsque le SMR est insuffisant, le médicament n’est pas remboursé ; il peut néanmoins être commercialisé.Les malades en affection de longue durée (ALD) sont remboursés à 100 %, quel que soit le taux de rembour-sement initialement prévu par la Sécurité sociale.L’ASMR est la seconde note attribuée par la Commis-sion de la transparence. Une ASMR 1 correspond à un médicament innovant, exceptionnel (exemple : un

Conférence 2L’évaluation des médicaments dans les maladies raresLoïc Guillevin

vaccin). Un médicament recevant une ASMR 5 signifie qu’il ne fait pas mieux que son comparateur. Parmi les 650 à 750 médicaments évalués chaque année, un seul reçoit une ASMR 1, quelques-uns reçoivent une ASMR 2 ou 3, et une majorité reçoit une ASMR 5.L’ASMR influence les discussions sur le prix du médicament. Pour les ASMR de 1 à 3, la base de la négociation s’appuie sur le prix européen. Quand le CEPS (c’est-à-dire le ministère de la Santé) discute du prix, il évolue dans une marge préfixée déterminée par l’avis des autres partenaires. Pour les médicaments ayant reçu une ASMR 4, le prix est négocié et plus élevé que ses comparateurs. Lorsqu’un médicament reçoit une ASMR 5, son prix est obligatoirement moins élevé que celui de ses comparateurs.La liste en sus, concernant les médicaments prescrits en milieu hospi-talier, permet d’avoir un budget spécifique qui s’ajoute au prix de la journée d’hospitalisation. Le médicament ayant reçu une ASMR 1-3 (et parfois 4) peut figurer sur la liste en sus. Un médicament ayant reçu une ASMR 5 ne figure jamais sur la liste en sus, sauf si leur compara-teur commercialisé est sur la liste en sus – ce sujet fait l’objet d’une négociation ministérielle.La liste en sus est établie par le Conseil de l’hospitalisation (qui doit disparaître dans les semaines à venir). Le CEPS y participe, tandis que la HAS n’y participe pas.Le cheminement d’un médicament dure environ 90 jours, entre le dépôt du dossier et la publication de l’avis définitif.

Les spécificités des médicaments prescrits pour les maladies raresDes règles très particulières ont été mises en place pour les médica-ments prescrits pour les maladies rares. Le PHRC et la Fondation mala-dies rares peuvent, via des programmes de financement nationaux, soutenir le développement d’un certain nombre de molécules pour des

Haute Autorité de Santé et Université Paris Descartes, Hôpital Cochin, AP-HP, France

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décidées par la Commission de la transparence, à la demande de la Direction générale de la santé (DGS). Par ailleurs, le PNMR1 prévoyait que certains médicaments soient délivrés après accord d’un centre de référence ou de compétence. Cette mesure n’a pas été appliquée. Pour beaucoup de maladies, cela n’a pas eu d’impor-tance, car tous les malades atteints de maladies rares sont suivis dans un centre de référence ou un centre de compétence. Pour un certain nombre de malades, notamment atteints de maladies auto-immunes, la prescription de médicaments n’est toutefois pas enca-drée et peut donner lieu à un mésusage ou à une sur-prescription qui est nuisible à la bonne pratique, et donc à l’utilisation des médicaments. La France est dotée d’un système de distribution des médicaments assez efficace. Indépendamment des règlements européens sur les médicaments orphelins, les ATU permettent, dès l’obtention de l’AMM, de don-ner au malade l’accès au médicament – à un tarif non négocié – sans attendre 90 jours. Selon la nouvelle procédure, le laboratoire doit déposer le dossier d’enre-gistrement dans les six mois suivant le début de l’ATU.Procédure encore plus intéressante, notamment pour les maladies rares, les RTU permettent au patient de bénéficier du médicament hors AMM (ou indication hors AMM).L’état actuel d’un médicament mis sur le marché s’or-ganise en une étape. Avant la commercialisation, des essais thérapeutiques sont réalisés. Dès sa mise sur le marché, les essais thérapeutiques se poursuivent, mais de manière réduite. De plus, des plans de gestion de risques, des observatoires et des cohortes permettent de surveiller, pendant que l’immense masse de la pres-cription est opérée. Une évolution possible, souhaitée par les industriels, consisterait à définir deux étapes. Un médicament concernant très peu de malades – par exemple, une dizaine – peut être considéré comme prometteur. Un SMR et une ASMR n’auraient sans doute pas été donnés au vaccin contre la rage sur le premier malade traité par Pasteur. Or, il arrive que le résultat obtenu suite au traitement d’un premier malade soit mirifique. Il ne faut donc pas manquer ce cas. Dans les maladies rares et le cancer, des signaux d’efficacité du médicament sont observés. Une AMM initiale conditionnelle pourrait être accordée à un médicament prometteur. Le laboratoire pourrait ainsi poursuivre ses essais thérapeutiques. Si les résultats sont confirmés, il obtiendra l’autorisation de remboursement définitive.Cette évolution reste aujourd’hui une hypothèse. La solution retenue sera peut-être un peu différente, mais la philosophie de l’évolution présentée sera conservée.

maladies rares. Diverses exonérations fiscales permettent ainsi aux laboratoires pharmaceutiques d’engager une démarche de développe-ment, tout en limitant leur prise de risque. Des avis précoces sont ren-dus au niveau européen par l’EuNetHTA (Réseau européen pour l’éva-luation des technologies de santé). La HAS participe à ce processus.Un médicament orphelin bénéficie d’une procédure accélérée par la Commission de la transparence. Ainsi, le passage de cette instance est réduit de 90 à 30 jours après le dépôt du dossier. Les dispositions sur les médicaments orphelins sont appliquées au niveau européen. Les exonérations fiscales existantes concernent la taxe sur la promotion des spécialités pharmaceutiques, la taxe payée par l’industrie phar-maceutique, la clause de sauvegarde pour les médicaments orphe-lins, la taxe sur les ventes directes, et la taxe sur la distribution des médicaments.Je citerai un exemple sur la clause de sauvegarde. L’Orphacol® (acide cholique) a obtenu une AMM dans les erreurs congénitales de la syn-thèse d’acides biliaires primaires, dues à un déficit en 3 -hydroxy-Δ5-C27-stéroïde-oxydoréductase ou à un déficit en Δ4-3-oxo stéroïde 5 -réductase chez les nourrissons, les enfants et les adolescents âgés de 1 mois à 18 ans, ainsi que chez les adultes.Commercialisé par un autre laboratoire pharmaceutique, le Cholbam® – devenu Kolbam® (acide cholique) – a une indication « restante » car la clause de sauvegarde ne lui permet pas d’aller sur le marché de l’Orphacol® pendant un certain nombre d’années. Pour que le laboratoire qui a conçu la molécule originale obtienne l’AMM et puisse exploiter cette molécule avec un certain bénéfice, aucun autre labo-ratoire ne peut aller sur ce même marché avec la même molécule et la même indication pendant une période pouvant aller jusqu’à dix ans. Le Cholbam® a donc eu son AMM sur l’indication restante, qui concerne la forme avec les xanthomes tendineux, qui est beaucoup moins fré-quente que les autres indications. Quand deux laboratoires conçoivent la même molécule et déposent leur dossier à 8 ou 15 jours d’intervalle, ils bénéficient tous les deux de la clause de sauvegarde.Le CEPS a réalisé en 2010 une étude sur l’efficience et le coût des médicaments. Ce rapport appelle à la révision des règles conditionnant les médicaments dont le chiffre d’affaires est supérieur à 20 millions d’euros (30 millions d’euros aujourd’hui). Chaque laboratoire propose une somme annoncée globale dépensée pour tous les malades. Si les dépenses sont supérieures, des études médico-économiques beaucoup plus importantes sont menées et peuvent alors quitter le champ des médicaments orphelins.La loi du 22 mars 2011 permet à des établissements sans but lucratif de devenir des établissements pharmaceutiques pour développer des produits de thérapie génique pour des essais cliniques (exemple du Généthon).Des règles particulières s’appliquent aux médicaments prescrits pour les maladies rares. Elles portent sur la commercialisation des médicaments aux collectivités, la commercialisation sur la liste en sus (en plus du GHS) et la rétrocession (délivrance du médicament à l’hôpital pour une consommation en ville, selon des règles définies par la Commission de la transparence). Les règles relatives aux listes de prescription pour les médicaments d’exception sont également

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de non-efficacité, ou des effets secondaires. À la fin de l’évaluation, les laboratoires doivent organiser ces études. Nous travaillons en collaboration avec le CEPS qui fixe le prix. L’étude post-commercialisation signifie que la vie d’un médicament ne s’arrête pas le jour où il est dans une boîte sur l’étagère d’une pharmacie.Les plans de gestion de risques développés au niveau européen portent uniquement sur les effets secon-daires. Nous souhaitons pour notre part aller au-delà, avec des confirmations d’efficacité et des réponses apportées à des questions scientifiques qui n’ont pas été abordées dans la première étude ou qui n’ont pas été clarifiées. Mon dernier transparent porte sur un indicateur intégré fondé sur la comparaison. Une approbation condition-nelle des médicaments pourrait être mise en place. Si un médicament est intéressant pour quelques malades, il pourrait être commercialisé et remboursé. Le labo-ratoire poursuivrait ensuite son évaluation sur un plus grand nombre de malades pendant une période de 18 mois (par exemple). Si l’efficacité n’est pas au rendez-vous ou si l’effectif de malades n’est pas réuni à l’échéance, la procédure de remboursement disparaîtrait d’elle-même. ‡

ÉCHANGES AVEC LA SALLE

De la salleQu’en est-il si l’industriel ne parvient pas à réunir suffi-samment de patients dans un temps donné ?

Loïc GuillevinLa temporalité, définie de manière contractuelle avec le laboratoire, prend totalement en compte la rareté de la maladie. En Allemagne, le prix fort est accordé immédiatement ; si cela ne va pas au bout d’un an, cela s’arrête. Nous procédons différemment en France. Une négociation est menée pour réajuster le niveau de remboursement.Le dernier transparent de ma présentation est tiré du rapport de Dominique Polton qui a été sollicitée par la ministre de la Santé pour réviser la méthode d’éva-luation du médicament. Ce rapport n’a pas encore été remis à la ministre. L’approche proposée suscite beau-coup d’intérêt, notamment de la part des industriels et des malades.

De la salleEt quand il n’y a pas de comparateur existant ?

Les enjeux du prix du médicamentCertains médicaments ne figurant pas sur la liste en sus ont un SMR de 4 ou 5 – ils ne sont donc pas éligibles à la liste en sus, sauf si leur com-parateur figure sur cette liste. Ces médicaments se retrouvent dans une situation intermédiaire : ils offrent un bénéfice au malade, mais ce dernier n’est pas guéri pour autant. Ce sujet mériterait une réflexion.Je citerai un exemple relatif au prix de l’innovation thérapeutique. Le Solvadi® traite les hépatites C avec un taux de guérison de 95 % après trois mois de traitement. Il coûte environ (prix facial) 100 000 dollars aux États-Unis, 50 000 euros en France, 25 000 euros en Grande-Bre-tagne, 15 000 euros en Italie et 700 euros en Égypte ! Le prix est donc fixé de façon arbitraire. Le prix pratiqué en France correspond à celui de la greffe du foie. La variation de prix entre les pays dépend aussi de la taille de la population touchée. Le prix du Solvadi® est peu élevé en Égypte, car le pays compte 20 millions de malades, contre 500 000 en France. En outre, il faut savoir que le prix facial n’est pas le prix réellement payé. Le laboratoire cherche toujours à afficher un prix facial élevé. Un certain nombre de laboratoires réfléchissent à la question de l’efficacité et du financement du médicament en fonction du résul-tat obtenu. Cette piste devra être explorée. Des accords prix-volume existent déjà : beaucoup d’argent est donné pour peu de malades et peu d’argent est donné s’il y a beaucoup de malades. Un autre principe pourrait être appliqué : si le malade guérit, on paie cher ; s’il ne guérit pas, le remboursement cesse. On ne peut que se féliciter de molécules efficaces qui prolongent la vie des patients, mais un problème économique reste à régler. L’orga-nisation des soins devrait être revue, notamment en allégeant les structures hospitalières, en développant l’ambulatoire et en mettant en place une surveillance très différente des produits et des malades traités. Ce schéma global s’applique notamment à des molécules en oncologie. Le prix initial fixé pour une faible population de malades a vocation à augmenter de façon continue. Comme ces médicaments sont efficaces, les malades vivent plus longtemps, pour un coût total plus élevé. Si le prix des anciens médicaments reste stable ou diminue en France, il augmente dans certains pays, en particulier aux États-Unis. Les dépenses consacrées aux maladies auto-immunes représen-taient 22,2 % des dépenses de médicaments de spécialité en 2014, contre 11,3 % en 2006.

Pourquoi des études post-inscription ?La période post-commercialisation fait partie de l’évaluation du médicament. Une fois l’AMM obtenue, le passage en Commission de la transparence effectué, le prix fixé et la commercialisation effective, la large diffusion du médicament à l’ensemble de la population cible peut laisser apparaître des événements insoupçonnés et des effets théra-peutiques non attendus. Cela est particulièrement vrai pour les trai-tements des maladies rares. Quand un SMR et une ASMR sont donnés sur un essai thérapeutique chez 30 malades avec un suivi de 12 mois pour une maladie qui affectera ces personnes toute leur vie durant, il importe de revoir les produits tous les 5 ans. Des études post-ins-cription sont alors demandées pour opérer des signaux d’efficacité ou

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Loïc GuillevinPeu d’associations demandent à rencontrer la HAS. Le service de M. Biosse Duplan s’occupe des relations avec les associations de patients. S’il pense que cela serait utile, une rencontre est organisée. Je reçois parfois des appels téléphoniques ou des courriers. Des médecins m’ont aussi appelé pour me dire que c’était la HAS qui avait écarté tel médicament de la liste en sus. Ce n’est pas vrai. La Commission de la transparence donne un SMR et une ASMR. Si l’ASMR ne satisfait pas le labora-toire, il peut décider de ne pas commercialiser le médi-cament. Il peut également décider de le commercialiser, mais à un prix et à un taux de remboursement différents de ceux qu’il souhaitait. Quand la HAS dit non, elle donne une ASMR insuffisante – cela n’est jamais le cas pour un médicament qui apporte un bénéfice dans une maladie rare. ‡

LIENS D’INTÉRÊTL’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

Loïc GuillevinIl existe toujours un comparateur ; il s’appelle le soin de support. Nous voudrions évoluer vers une généralisation de l’évaluation comparative.

De la salleLe prix des médicaments orphelins est-il corrélé à l’ASMR, l’overall sur-vival et/ou à l’augmentation de la qualité de vie des patients ?

Loïc GuillevinLe prix des médicaments orphelins n’est pas corrélé à l’ASMR. Comme la Commission de la transparence est en première ligne, elle ne connaît pas le prix du médicament. Il se peut que nous évoluions prochaine-ment vers une intégration de la partie médico-économique et de la partie relative à l’évaluation scientifique. Cette évolution présenterait un intérêt, mais aussi des dangers car elle pourrait influencer l’avis d’une commission scientifique.

De la salleÀ quel moment la Commission de la transparence peut-elle recevoir une association lors du processus d’évaluation du service médical rendu ?

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m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016DOI : 10.1051/medsci/201632s107

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Table ronde 3Cohortes, registres, bases de données : quelles évolutions nécessaires ?

François MeyerJe travaille à la HAS dont les missions s’inscrivent dans le champ des pratiques de soin, mais aussi dans celui de l’évaluation des technologies de santé, ou Health Technology Assessment (HTA). La HAS rend ainsi des avis et rapports aux instances chargées de prendre des décisions. En Europe, chaque État membre est maître de décider de l’organisation et du financement de son sys-tème de santé. On assiste toutefois à un développement des coopérations internationales sur ces domaines, même si les décisions et les critères restent spécifiques à chaque pays.Nous parlerons aujourd’hui d’outils épidémiologiques. Au sens de l’arrêté du 6 novembre 1995 relatif au Comité national des registres (CNR), un registre est défini comme un recueil contenu et exhaustif de don-nées nominatives intéressant un ou plusieurs événe-ments de santé dans une population géographiquement définie, à des fins de recherche épidémiologique et de santé publique par une équipe ayant les compétences appropriées.Les études épidémiologiques visent, d’une part, à réaliser des mesures de l’incidence, de la prévalence, de la mortalité, de la morbidité, des facteurs de risque, etc., et, d’autre part, à mesurer l’impact des thérapeutiques. Ainsi, le recueil de données observa-tionnelles (en complément des essais cliniques rando-misés) pour l’étude des effets des produits de santé revêt une importance croissante dans l’ensemble des pays du monde. Les objectifs poursuivis peuvent être multiples : mesurer les conditions d’utilisation réelle d’un produit de santé par rapport à ce qui est recom-mandé ; étudier ses effets en termes de mortalité, de morbidité, de tolérance, de qualité de vie ; évaluer l’impact sur l’organisation du système de santé ; réa-liser des études économiques.Dans le cas des maladies rares, le recueil de données observationnelles ne prend tout son sens que s’il n’est pas limité à un pays. Les populations concernées étant faibles en nombre, il est important de développer des collaborations. Les institutions européennes équiva-

lentes à la HAS sont organisées en réseau depuis une dizaine d’années. Un nouveau programme de coopération de quatre ans va débuter à travers l’European Network for Health Technology Assessment (EUnetHTA). Au niveau européen, la DG Santé a, de plus, financé une action conjointe sur les registres PARENT qui a produit, d’une part, un registre des registres, et, d’autre part, des recommandations métho-dologiques pour la mise en place et la gouvernance de registres de patients en Europe : Methodological guidelines and recommendations for efficient and rational governance of patient registries (http://patientregistries.eu).Des projets existent au niveau de l’EMA, pour promouvoir une introduc-tion progressive de certains nouveaux médicaments dans le système de santé (Adaptive pathways). Dans ce cadre, des données pharmaco-épidémiologiques seront recueillies après la mise sur le marché initiale et complèteront le résultat des essais randomisés. Ces données seront prises en compte au cours d’une réévaluation du médicament, tant pour l’AMM que pour l’admission au remboursement et le prix.Il existe également des projets à travers le partenariat public-privé IMI (Innovative Medicine Initiatives). Le projet « Get Real » étudie com-ment incorporer des données de la « vraie vie » dans le développement des médicaments, tandis que le projet « Adapt Smart » est un projet d’appui au projet des Adaptive pathways.

Participent à la table ronde :Zeina Antoun, GSKJean Donadieu, Registre national histiocytose/Registre national neutropénies/MARIHLaure Jamot, RaDiCoThomas Sannié, Association Française des Hémophiles

La table ronde est animée par François Meyer (Haute Autorité de Santé)

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constitue un objectif majeur en termes de qualité. Cet objectif ne peut être obtenu qu’à travers des registres.La question de l’organisation et de l’indépendance scientifique des structures doit également être posée. Cette indépendance ne veut pas dire isolement et doit venir de partenariat, et non de l’appartenance à une seule structure. En règle, un registre doit être mené par une structure indépendante des industriels pour garantir l’absence de biais, même si les industriels ont leur place. Un registre doit associer les patients, mais ne peut pas être mené par des associations de patients pour des raisons de confidentialité. Ainsi, un registre est au mieux porté par des structures académiques, dans le cadre d’un partenariat réunissant des indus-triels et des associations. En outre, il nous faudra discuter des financements. L’époque est difficile. Les événements du 13 novembre nous ont rappelé que les priorités de la société sont en train d’évoluer. Les 12 000 postes débloqués pour la police et la justice seront pris dans d’autres secteurs, notamment dans la santé. Mais les efforts à réaliser doivent être répartis de manière équitable. Nous obser-vons tous un désinvestissement des pouvoirs publics sur les registres. Les financements alloués aux deux registres dont je m’occupe ont diminué de 40 % en trois ans. Si cette baisse de financements publics perdure, nous devrons nous interroger sur la poursuite de nos travaux. Les industriels sont de plus en plus réticents à une participation financière, car les contraintes régle-mentaires sont croissantes. Il reste les associations de patients, mais qui ne peuvent pas porter l’intégralité du financement des registres.Nous avons participé à l’appel d’offres RaDiCo en 2010. Mais au moment où RaDiCo a ouvert son premier appel d’offres en 2014, les registres existants ont été exclus, ou devaient se dissoudre afin que RaDiCo reprenne leur portage. Pour FranceCoag et d’autres registres présen-tant une grande antériorité, ce n’était pas possible. Cette situation est problématique dans la mesure où RaDiCo draine environ un million d’euros par an – nos registres fonctionnent avec 10 000 euros. Ainsi, nous observons une attrition des registres labellisés. Les registres existants souffrent et sont menacés.

Laure JamotJe représente RaDiCo. Je travaille depuis une vingtaine d’années dans les maladies rares, dans la recherche cli-nique sur des projets maladies rares. J’ai rejoint RaDiCo en 2014. RaDiCo est financé par des fonds publics au titre du programme « Cohortes » des Investissements d’avenir. Cette structure constitue l’un des grands projets de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) et

Je vais maintenant vous présenter rapidement les participants à cette table ronde. Jean Donadieu est à la fois clinicien en hématologie et immunologie pédiatrique ; médecin de santé publique, il a aussi tra-vaillé à l’InVS (Institut de Veille Sanitaire) ; il est le coordinateur du registre national histiocytose et du registre national neutropénies.Scientifique de formation, Laure Jamot est responsable du pôle de Recherche Clinique de RaDiCo qui a labélisé à ce jour 16 cohortes. Thomas Sannié est coordinateur administratif et financier du pôle de ressources ETP Île-de-France et président de l’Association française des hémophiles (AFH). Il a été membre du Comité exécutif de la Fédé-ration mondiale de l’hémophilie. Il est le représentant des usagers au Conseil de surveillance de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris. Médecin de formation, Zeina Antoun exerce encore la médecine comme médecin vacataire à l’Hôpital Bichat-Beaujon dans le service des maladies infectieuses. Elle a mené une carrière importante en labora-toire pharmaceutique, en particulier chez GSK.

Jean DonadieuJe suis effectivement le coordinateur de deux registres. J’ai été à l’InVS au démarrage de l’étude FranceCoag des hémophiles. Je parti-cipe aussi, en tant que clinicien, au registre des déficits immunitaires congénitaux au CEREDIH, et au registre des thalassémies.Une base de données est à la fois un outil informatique et une col-lection de données. Dans l’acception commune, une base de données n’implique pas des critères méthodologiques très forts. Une base de données peut ne pas être exhaustive, et peut être biaisée. Elle consti-tue néanmoins le premier niveau de travail.Les cohortes constituent le deuxième niveau. Elles supposent un suivi prospectif des patients. À un troisième niveau, il y a, dans la dénomination française, des registres, qui supposent l’exhaustivité. Cette exhaustivité implique une recherche active des cas et des événements de santé de façon exhaus-tive sur un territoire donné. Cet effort méthodologique prend son sens pour produire des indicateurs de santé (incidence, taux de complica-tions ou d’effet secondaire) sans biais. L’apport d’un registre est donc supérieur à celui d’une cohorte en degré de preuves. Tous les registres maladies rares sont des cohortes.Dans le domaine des maladies rares, il n’est pas possible de mul-tiplier les études sur les mêmes patients. Les registres permettent à la fois de produire des indicateurs de santé publique (incidence, taux de complication, accès aux médicaments, etc.), des indicateurs de recherche clinique (évaluation de médicament, évaluation des effets indésirables, etc.), en associant éventuellement une logique de recherche avec des biothèques et des laboratoires de recherche. Un tel dispositif est différent de celui en place pour les maladies plus fréquentes, comme le cancer, où il est possible de mener des essais thérapeutiques très larges indépendamment des registres ou des recherches.Quelle que soit la base de données, le recueil de données ne présente un intérêt que s’il offre une qualité minimale. Or, la première qualité est l’absence de biais. Les registres offrent une approche non biai-sée, objective et solide sur les maladies rares. La lutte contre le biais

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recueillies aujourd’hui, comme les données médico-économiques et les données de qualité de vie. À cet égard, nous essayons au maximum d’intégrer les asso-ciations de patients dans les projets que nous sou-tenons. Celles-ci sont très impliquées pour certaines cohortes. Ainsi, l’association Vaincre les Maladies Lysosomales (VML) travaille en étroite collaboration avec RaDiCo sur le projet RaDiCo-MPS sur le protocole de l’étude de la cohorte, ainsi que sur la mise en place des notices d’information, des formulaires de consen-tement et des questionnaires médico-économiques et de qualité de vie. Nous invitons toutes les associations de patients à se rapprocher de RaDiCo pour travailler de manière synergique sur ces sujets pour chacune des 16 cohortes lorsque cela est pertinent.

François Meyer RaDiCo lancera-t-il de nouveaux appels à projets ? Des financements pérennes sont-ils assurés pour les 16 cohortes retenues ?

Laure JamotRaDiCo est un projet ANR financé jusqu’au 31 décembre 2019. Aujourd’hui, nous n’avons pas de visibilité après cette date. Si RaDiCo venait à s’arrêter, nous ferions en sorte de rendre clé en main à chacun des investigateurs son projet avec sa structure de cohorte (comprenant la base de données) de manière à ce que la cohorte puisse continuer au-delà de RaDiCo, si besoin. Par ailleurs, RaDiCo promeut les Partenariats Public-Privé (PPP) pour chaque cohorte de manière à ce qu’ils puissent apporter des fonds qui seront utilisés pour la cohorte concernée. Certaines cohortes sont à l’horizon de 4 à 5 ans, tandis que d’autres, notamment sur les malformations oculaires, ont une durée de vie définie à 20 ans, d’où la nécessité de prévoir le maintien de la structure cohorte.Le Conseil scientifique de RaDiCo décide des actions menées par notre plate-forme. Le lancement d’un nouvel appel d’offres au cours des mois à venir sera à l’ordre du jour du Conseil scientifique de janvier 2016. À terme, RaDiCo entend soutenir le plus de cohortes possible.RaDiCo et la BNDMR sont deux projets différents, mais ils travaillent de concert. Soutenue par la DGOS, la BNDMR a pour objectif de collecter des données épidémiologiques sur les maladies rares de manière exhaustive, et notamment de collecter le set de don-nées minimales (Minimal Data Set) pour toutes les maladies rares en France. La BNDMR poursuit un objec-tif de santé, tandis que RaDiCo poursuit un objectif de recherche. Néanmoins, l’un ne peut se faire sans l’autre. C’est pourquoi nous travaillons ensemble, avec

du Fonds d’investissement d’Avenir pour la mise en place de cohortes. L’objectif de RaDiCo est de favoriser la mise en place et/ou de mainte-nir les cohortes qui existent déjà sur des maladies rares. Le modèle de RadiCo est de mettre à la disposition de la communauté scientifique des ressources humaines et techniques permettant de remplir cet objectif. Un appel à projets a été mené en deux temps : une lettre d’intention, puis des projets complets qui ont été examinés par des experts étran-gers afin d’éviter tout conflit d’intérêt. Suite à leurs retours, RaDiCo a sélectionné un nombre de cohortes qui lui paraissaient acceptables en termes de ressources humaines. RaDiCo comptant 12 personnes, nous avons fait le choix de soutenir 16 cohortes en 2014. Certaines d’entre elles sont nouvelles ; elles demandent par conséquent un travail com-plet de mise en place (écriture des protocoles, recherche des autori-sations réglementaires, etc.). D’autres cohortes s’inscrivent dans la continuité ou en complément de projets existants comme la base de données RespiRare de la filière Respifil pour la cohorte RaDiCo-PID ou la JIR-Cohorte sur les maladies auto-immunes et auto-inflammatoires pour la cohorte RaDiCo-ACOSTILL.L’un des enjeux majeurs de notre travail sera de mutualiser toutes les bases de données préexistantes afin, d’une part, d’améliorer la connais-sance sur ces maladies rares, et, d’autre part, d’apporter un certain nombre de solutions techniques pour pouvoir travailler ensemble. L’inte-ropérabilité constitue un principe essentiel dans ce domaine. Dans le cas de cohortes avec plusieurs bases de données préexistantes (locales ou nationales), l’un des enjeux majeurs de notre travail sera de fusionner toutes les bases de données afin de ne pas perdre les données déjà recueillies et d’arriver à l’objectif d’amélioration de la connaissance de ces maladies rares. Par exemple, la base de données RespiRare collecte environ 4 000 items cliniques différents. Pour mutualiser ses données avec d’autres registres/cohortes existants ou nouveaux sur les mêmes pathologies, il faut procéder à un mappage des champs de manière à identifier les items communs, à faire coïncider les champs entre eux bien qu’ils soient codés différemment dans ces bases, c’est-à-dire rendre les bases de données interopérables. Si les données (médicales et autres) étaient codées de la même façon – ce qui est assez rare (codes Orpha pour la description des maladies ; HPO pour les descriptions phéno-typiques…), c’est-à-dire si la communauté s’accordait sur les onto-logies à utiliser, alors les bases de données deviendraient réellement interopérables et on pourrait facilement mutualiser l’ensemble des données collectées.Compte tenu du contexte de « maladies rares », RaDiCo a donc la volonté de standardiser au maximum la méthode de recueil (choix des ontologies) ainsi que les données recueillies (s’assurer d’un consensus sur les informations à collecter) et d’accompagner l’ensemble des investigateurs partenaires vers des standards de recueil de données reconnus au niveau français, et surtout au niveau européen. En coro-laire de ces aspects, RaDiCo assure le contrôle qualité de la donnée et son data management. Enfin, RaDiCo souhaite favoriser la collection de données qui sont essentielles pour les patients et pour la société, mais qui sont peu

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4. s’appuyer sur un laboratoire de recherche universi-taire : innovation ;5. être utiles pour les professionnels de santé pour qu’ils veuillent encore abonder le registre ;6. avoir un financement principalement par l’État, mais d’autres sources de financement possibles ;7. collaborer avec la BNDMR.La DGOS est en train de réviser l’ensemble des finan-cements des registres. Sa démarche ne doit pas servir de prétexte pour remettre en cause le financement nécessaire au bon accomplissement du travail par les acteurs concernés. Parallèlement, d’autres sources de financement peuvent être recherchées. Dans un cadre précis, en toute transparence, des travaux à partir de données de registres – répondant à la même rigueur scientifique – pourraient ainsi être financés par l’in-dustrie pharmaceutique.

Zeina AntounJe partage les propos qui ont été prononcés, notamment sur la transparence des liens et l’intégrité scientifique des données collectées. Ces notions sont d’autant plus importantes que nous faisons face à des difficultés tant dans les plans de développement que dans la collecte de données en vie réelle.Dans le passé et actuellement, les laboratoires phar-maceutiques mènent leurs propres études de suivi en vie réelle. Si les registres et cohortes publiques présen-taient des critères de suivi et de qualité répondant à des demandes des autorités, ce serait beaucoup plus simple et moins coûteux. Je suis aussi la porte-parole de l’Alliance pour la Recherche et l’Innovation des Industries de Santé (ARIIS). Nous sommes promoteurs d’une action visant à soutenir les PPP. À l’occasion de la Journée nationale des cohortes qui se tiendra en mars 2016, nous enten-dons donner de la visibilité à nos collègues internatio-naux, et leur présenter le meilleur des équipes fran-çaises en termes de cohortes et de bases de données.J’ai participé à la mise en place des premières cohortes dans le VIH. Depuis, de réels progrès dans la prise en charge ont été réalisés à partir de ces travaux. Nous savons que les études cliniques de développement ne peuvent pas répondre à tous les enjeux. L’accès à des données complémentaires de biomarqueurs ou de qua-lité de vie en vie réelle reste, de notre point de vue, un outil très précieux.La partie contractuelle représente un enjeu majeur, car elle constitue un élément déterminant dans la mise en place de partenariats. De nombreux progrès ont été réalisés dans ce domaine depuis cinq ans. Ainsi, les délais de négociation d’un contrat ont été sensiblement

comme objectif commun la standardisation du recueil des données et la mise en place d’une réflexion visant à professionnaliser le recueil des données au sein des établissements de santé. Nous souhaiterions ainsi définir et adopter des ontologies communes pour mutualiser au maximum toutes les données recueillies. Nous travaillons donc à l’interopérabilité avec la BNDMR.

Thomas SanniéLa création d’un registre répond à une demande des pouvoirs publics de pouvoir suivre des populations particulièrement exposées. De ce point de vue, les maladies rares peuvent présenter un enjeu important. L’État investit de l’argent dans les registres, car il est plus coûteux de suivre ces populations « maladies rares » quand celles-ci sont en dehors de tout outil chargé de les rassembler.La force du registre FranceCoag est son exhaustivité – il inclut plus de 99 % de la population hémophile. Chaque mois, 50 inclusions sont réalisées au sein de ce registre. Cette collection de données inclut un registre et deux cohortes spécifiques. Ce registre répond à des objectifs épidémiologiques de vigilance, de pharmacovigilance et de recherche. Il est actuellement hébergé par l’InVS, mais cette situation va très prochainement évoluer. L’Institut n’a en effet plus vocation à être le porteur du registre de patients. C’est pourquoi un travail de transfert de cet outil est en cours auprès d’une unité de recherche uni-versitaire avec l’Association Française des Hémophiles (AFH), la DGOS, la DGS et les professionnels de santé. Cependant, et malheureusement, la décision de transfert de FranceCoag n’a pas encore été prise par le ministère de la Santé.Pour l’AFH, un registre doit permettre de connaître la prévalence de la maladie, de suivre les besoins des patients et d’identifier les problèmes de santé liés à la maladie, de défendre et promouvoir des mesures prioritaires à engager (forces et lacunes de l’offre d’accom-pagnement de santé actuel et prévisible à moyen terme) pour affecter les ressources efficacement, d’obtenir des données fiables en termes de population concernée (nombre, répartition territoriale, âge, régime de traitement), de faciliter un rappel de médicaments en cas de problème de sécurité ou de qualité, et d’aider à la construction d’un réseau de travail et de communication entre professionnels, et entre professionnels et patients, d’être un outil de recherche clinique et translationnelle. Les registres doivent donc réunir les caractéristiques suivantes :1. constituer un instrument de veille sanitaire : risques viraux, alerte sanitaire (pathologies sentinelles, en collaboration avec l’InVS), évé-nements indésirables - en collaboration avec l’ANSM ; 2. avoir une gouvernance ouverte et partagée, laquelle doit intégrer l’ensemble des acteurs des centres références, filières et associations de patients ; 3. être centré sur le patient et collaborative : confidentialité des données, accès aux données aisées pour les professionnels de santé mais aussi pour les associations et fondées (médical, SHS [sciences humaines et sociales] ou information), qualité de vie, fardeau de la maladie, médico-économique, intégration par les patients eux-mêmes de données complémentaires à celles rapportées par les cliniciens ;

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cohortes. Lors de cette mise en place, nous travaillons beaucoup au développement d’un outil pédagogique permettant d’utiliser au mieux le recueil des données. En outre, un travail en amont est mené avec les investi-gateurs impliqués dans les cohortes pour bien définir les items cliniques à collecter, d’une part, et identifier un juste équilibre entre l’exhaustivité, et la donnée impor-tante à recueillir, d’autre part. Nous savons que l’un des écueils majeurs des études cliniques est d’avoir une déplétion au fil du temps du remplissage de formulaires de recueil des données (case report form) pléthoriques.Chaque cohorte de RaDiCo est gouvernée par un accord de consortium, avec un comité de pilotage et un comité scientifique. En outre, nous impliquons au maximum les filières, tout en veillant à avoir une cer-taine exhaustivité des centres concernés et une bonne représentativité des patients, afin de permettre une valorisation accélérée de ces cohortes par ce système de gouvernance.

De la salleL’intégration de données par les patients a été discutée à RARE 2011. Rien n’a-t-il été fait depuis ? Pourquoi ?

Thomas SanniéL’intégration de données par les patients doit être perçue de manière extrêmement positive, cette inté-gration témoignant de l’implication d’une population concernée/association et de l’engagement d’un travail collaboratif qu’elle peut/pourrait mener avec les pro-fessionnels. Il reste encore visiblement un enjeu cultu-rel et c’est pourquoi l’intégration de données par les patients prend du temps. Cependant, si elle n’était pas mise en place maintenant rapidement, des Living Labs tels que celui développé par l’Association Française des Diabétiques vont se multiplier. Les associations vont ainsi collecter des données de patients sur les enjeux de sciences humaines et de qualité de vie, et les utili-seront à raison. Cela serait, à mon sens, dommage car le recueil des données relatives aux sciences humaines doit être mené en parallèle du recueil des données bio-médicales. En effet, les enjeux médicaux et en sciences humaines et sociales (SHS) sont les deux pans d’une même question : l’état de santé d’une population. L’enjeu collaboratif soignant/soigné est donc essentiel ainsi que l’ouverture des registres à des questions SHS.

Jean DonadieuNous parlons beaucoup d’interopérabilité car nous sou-haitons tous que les systèmes d’information puissent communiquer entre eux. Les bases de données n’étant pas des robots, un temps humain est nécessaire pour

réduits. Pour accélérer le processus, il importe d’identifier rapidement les personnes clés, comme le juriste, la personne chargée de la valo-risation, etc. Enfin, le plan international a été souligné à plusieurs reprises. Comme nous sommes des filiales de maisons-mères intervenant à l’échelle internationale, nous aimerions pouvoir leur apporter des cohortes françaises qui sont reconnues au niveau européen, à travers des projets de financement public-privé comme IMI (Innovative Medicine Initiative) ou d’autres initiatives. ‡

ÉCHANGES AVEC LA SALLE

De la salleQuelle est la position de la HAS sur une collaboration des laboratoires avec RaDiCo plutôt que la mise en place de registres de laboratoires qui sont souvent des cohortes ?

François Meyer Le fait que ce soit un registre ou une cohorte n’importe pas ; on a par-fois besoin de l’un ou de l’autre. Il importe de privilégier le recueil de données dans le cadre du suivi épidémiologique d’une maladie plutôt que de construire un registre spécifique d’un produit.

De la salleLes critères principaux des études cliniques d’enregistrement sont-ils toujours pertinents pour les registres de suivi post-AMM ?

François MeyerIls sont complémentaires, car un certain nombre de données sont nécessaires avant l’AMM. J’ai précédemment cité le projet collaboratif « Get Real » qui vise à définir le meilleur usage de données obser-vationnelles, venant notamment de registres ou de cohortes, dans le cadre du développement des médicaments. Les Adaptive pathways pour une entrée progressive des médicaments avec des données ini-tiales d’études cliniques plus classiques sont également importantes. L’importance des données issues de registres, de cohortes ou de bases de données sera croissante dans les mois et les années à venir.

De la salleVous avez parlé de RaDiCo comme d’une structure qui apporte une aide plus humaine que financière pour les cohortes de patients. Envisagez-vous de développer une formation des personnels chargés de récolter les données des cohortes afin d’augmenter les moyens humains et de permettre une action à plus grande échelle ?

Laure JamotCette question fait sans doute référence à la pédagogie qui devrait être faite auprès des investigateurs et des personnels qui recueillent les données cliniques lors de la mise en place des registres ou des

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associations de patients est essentiel pour soutenir les registres et faire en sorte qu’ils soient financés.

Ségolène AyméJe souhaiterais apporter à ce débat une vision plus syn-thétique de la situation en France. Le Comité national des registres se compose du comité d’évaluation et du comité stratégique. Le premier fonctionne. Il continue à s’assurer de la qualité des données, de leur gestion et de leur utili-sation, et à rendre des recommandations aux registres qui soumettent leurs dossiers. En revanche, le comité straté-gique n’a pas encore débuté son travail. Il commencera peut-être à travailler lors de la réunion du 19 janvier 2016. Nous sentons bien que l’appétit à définir une stratégie nationale des données est très modéré. C’est extrême-ment dommageable, dans la mesure où ce sujet revêt de nombreux enjeux pour la recherche, la santé publique et le suivi de thérapies innovantes et coûteuses. Le faible intérêt pour ce sujet est incompréhensible. Nous devrions collectivement faire un effort de pédagogie vis-à-vis des institutions supposées s’intéresser à ce sujet, c’est-à-dire l’INCa, l’InVS et l’Inserm. Ces trois agences sont membres du comité stratégique. Il faudrait aider ce dernier à éla-borer une stratégie et lui montrer que les acteurs ont la volonté d’avancer sur ce sujet. Nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir un paysage aussi éclaté. Les acteurs de terrain réalisent l’intégralité du travail sans aucun soutien. Les budgets des registres ont diminué de 40 % en trois ans. Suite au comité d’évaluation de la semaine dernière, je peux vous dire que l’avenir est encore plus sombre. Nous ne pouvons plus continuer à ne pas avoir de stratégie et à ne pas allouer de moyens.

François MeyerLa raréfaction des moyens ne rend que plus nécessaire la définition d’une stratégie. ‡

LIENS D’INTÉRÊTL’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

analyser les données. FranceCoag fonctionne bien parce que le recueil des données est assuré par des moniteurs d’études, dont la mission est de recueillir, contrôler et saisir les données. Ce temps est incom-pressible pour assurer la qualité des informations. Dans la réalité, un simple clic ne suffit pas pour passer d’une base à une autre. Pour obtenir une base de données fiable en termes d’indicateurs, il faut éli-miner les doublons. Les algorithmes informatiques seuls ne permettent pas d’effectuer cette tâche. Par rapport au coût de la santé, le coût du travail de monitoring n’est pas considérable. Ce travail est indis-pensable pour utiliser de manière pertinente des masses considérables d’informations.

François MeyerVous avez parlé de la réduction des financements et de la nécessité d’avoir des moyens humains pour le recueil et la vérification des don-nées. La situation actuelle est-elle menaçante ?

Jean DonadieuClairement, la situation actuelle est très menaçante. Ce problème ne pourra pas être réglé en une table ronde d’une heure. Je plaide pour une remise à plat des financements sur ces projets.

Laure JamotL’un des grands enjeux des cohortes sur les maladies rares est l’intégra-tion de toutes les données rétrospectives des patients relevant des files actives. En effet, l’incidence est tellement faible sur certaines patholo-gies que la mise en place de ces registres/cohortes n’aurait pas d’intérêt à court et moyen terme si on ne faisait que du prospectif. Il est crucial que les données soient propres et objectives et qu’elles puissent être uti-lisées. Après le travail de mappage des champs, les données doivent être vérifiées. Une réflexion devrait être menée au moment de la création de la base de données afin notamment de définir le système source qui sera utilisé. Ainsi, le travail de data management se fera au fur et à mesure de la collecte – ce qui évitera le nettoyage très laborieux des bases de données quelques années après leur création.

Thomas SanniéLe maintien des registres va dépendre à la fois d’un argument scien-tifique – c’est-à-dire de la capacité des scientifiques à plaider leur existence et leur maintien – et d’un argument politique. Le rôle des

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Table ronde 4Réalité et pérennité du modèle économique des maladies rares

Christian DeleuzeLes acteurs réunis autour de cette table ronde inter-viendront sur le thème de la réalité et de la pérennité du modèle économique des maladies rares. Des repré-sentants des payeurs, comme le CEPS et la Direction de la Sécurité sociale (DSS), ont été invités à participer, mais ils ont décliné notre invitation. Nous le regrettons puisque 6 900 des 7 000 maladies rares n’ont pas de traitement spécifique. Pour autant, ces maladies ont besoin d’un modèle et d’un système pérenne qui leur permettraient d’être prises en charge.

Christophe DuguetLa question de la pérennité se pose particulièrement dans notre pays parce que le modèle fonctionne de manière relativement satisfaisante. Jusqu’à présent, la France est le seul pays européen à offrir à tous les patients qui en ont besoin un accès à tous les médica-ments orphelins, sans restant à charge, et ce y compris pour un grand nombre de médicaments pour lesquels les conditions d’accès au marché ont été facilitées afin de les adapter à la spécificité des maladies rares. Nous devons garder en mémoire cet élément positif au cours de nos discussions.Ce modèle présente toutefois quelques zones d’ombre. Ainsi, le nombre de médicaments en cours de dévelop-pement est très largement insuffisant au regard du très grand nombre de maladies orphelines de traitements. En outre demeure le problème d’errance diagnostique et d’impasse de diagnostic pour un grand nombre de malades. De plus, la question des maladies rares ne peut être déconnectée de la problématique plus large du financement de l’innovation thérapeutique par notre système de santé.Le modèle français des maladies rares a réussi à construire un consentement collectif à payer. Ce modèle n’a pas d’équivalent dans d’autres domaines de la santé. Il permet à l’ensemble des partenaires concernés de travailler de manière constructive. La tenue du col-loque RARE depuis un certain nombre d’années en est un exemple.Aujourd’hui, le consentement collectif à payer est cependant en danger. La contrainte économique est

devenue majeure. Pour permettre la pérennité de notre modèle, l’enjeu est de reconstruire les moyens d’organiser ce consentement. Pour cela, il me semble important de ne pas pas perdre de vu certaines clés de la réussite.Le premier élément est la construction d’outils permettant d’éclairer le paysage et de répondre à des questions essentielles comme l’im-pact économique des maladies rares. Dans ce domaine, la situation actuelle s’apparente à un désert. Nous ne disposons pas d’études ou d’outils satisfaisants permettant d’éclairer correctement et de prépa-rer les nécessaires décisions politiques.Inscrit dans le PNMR1, l’Observatoire économique des médicaments orphelins n’a toujours pas vu le jour. Le ministère n’a organisé qu’une seule réunion sur ce sujet qui présente pourtant un enjeu fort. Les données permettant d’alimenter le débat public restent opaques et partielles.Le second élément est celui de la transparence dans la construction des prix du médicament. Ce point est essentiel car notre système est en difficulté. Un nouveau modèle qui permettrait la fixation de prix justes et maîtrisés, prenant en compte les coûts d’invention, de production et de distribution est absolument nécessaire. Au-delà des problèmes communs avec de nombreuses maladies sur les niveaux excessifs de certaines innovations thérapeutiques, nous avons des spécificités dans le domaine des maladies rares. Certains médicaments peuvent présenter un faible niveau d’efficacité, alors

Participent à la table ronde :Christian Deleuze, GenzymeBruno Detournay, CEMKA EVALChristophe Duguet, AFM-TéléthonValérie Handweiler, CHRU de Montpellier

La table ronde est animée par Christian Deleuze (Genzyme)

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en compte dans les politiques d’investissement public comme dans les échanges portant sur la fixation des prix des interventions relevant d’un financement collectif.Deux grandes approches sont utilisées. L’approche descendante (top-down) cherche à répartir l’en-semble des dépenses de santé entre les maladies, puis entre les malades. À l’inverse, l’approche ascendante (bottom-up) consiste à étudier la consommation moyenne de soins de personnes malades pour définir les dépenses liées à chaque maladie, et retrouver finalement l’agrégat macro-économique des dépenses de santé. En pratique, selon les méthodologies utili-sées, les résultats obtenus peuvent être très variables. Cette hétérogénéité est liée aux choix effectués sur le point de vue (collectif, assurance-maladie, patient, producteur de soins, etc.), la période de l’étude (coûts annuels, vie entière), la prise en compte ou non des coûts directs ou indirects (c’est-à-dire des coûts directement liés à la pathologie et les consé-quences de la maladie sur l’économie générale, liées par exemple au fait que les malades ne peuvent plus travailler), aux objectifs poursuivis (consommation de soins par les personnes malades versus coût de la maladie elle-même, de ses complications et patholo-gies liées), et au périmètre du panier de soins pris en compte (remboursable/non-remboursable ; quelles sont les limites de la santé ?). En France, ces études reposent habituellement sur des enquêtes sur des populations identifiées comme pré-sentant la maladie avec un recueil prospectif ou rétros-pectif des consommations de soins et des conséquences indirectes puis des valorisations secondaires.Ces études peuvent reposer également sur l’exploitation de bases de données médico-administratives (en parti-culier celles de l’assurance-maladie). Cette approche limite certains biais (mémorisation, valorisation), mais en introduit d’autres (identification algorithmique des patients, non-prise en compte de certaines consé-quences directes [aidants] ou indirectes). L’idéal serait de combiner une démarche médicale permettant d’identifier les patients présentant la maladie d’intérêt et d’aller chercher dans les bases de l’assurance-maladie les consommations de soins de ces mêmes patients. Dans le contexte des maladies rares, si ces principes restent applicables, différents obstacles spécifiques peuvent être rencontrés :• Seules les approches de type bottom-up peuvent être conduites.• L’identification des patients concernés (et des groupes témoins) est particulièrement complexe, surtout dans

qu’ils sont absolument nécessaires pour les patients atteints de maladies rares pour lesquelles il n’existe aucune alternative. Il faut donc convaincre la société de payer des médicaments pour lesquels le niveau d’effet n’est pas très important et le niveau de preuve parfois incertain. Face au risque financier pris par la société, de nouveaux outils devraient assurer une plus grande transparence dans le mécanisme de construction des prix afin de garantir l’accès des patients aux médicaments.Enfin, pour pérenniser le modèle, il faut veiller à ne pas trop se réfugier derrière l’Europe. Dans de nombreux domaines de l’action publique, l’acteur public se déclare souvent impuissant face à une Europe dont il subirait les décisions. Dans le cas présent, le raisonnement inverse semble être mis en avant en reportant la responsabilité de l’action sur l’Europe (c’est à l’Europe de faire). Pour autant, les autorités françaises ne se mobilisent pas suffisamment pour porter la voix de la France au niveau européen et défendre ses spécificités. Par exemple, le système de santé français présente des avantages indéniables, dans le domaine de l’accès anticipé aux médicaments pour tous les patients. Toute harmonisation européenne risquant de se faire sur le plus bas dénominateur commun doit être absolument évitée.

Christian DeleuzeLes médicaments orphelins représentent une dépense d’environ un milliard d’euros, soit 4 % de l’enveloppe du médicament. Celle-ci représente environ 15 % du budget total de la Sécurité sociale. Les médicaments des maladies rares représentent donc 0,6 % du budget de la Sécurité sociale. Le fait de réduire de moitié le coût de traitement des maladies rares résoudrait ainsi pour 0,3 % le problème du budget de la Sécurité sociale ! Dans les progrès apportés par les médicaments, un nouveau regard devrait être porté sur la prise en charge des théra-pies pour lesquelles il n’y a pas de médicaments spécifiques, et sur les modèles de filière.

Bruno DetournayLes questions posées par les maladies rares sur le plan économique portent sur la mesure du fardeau économique et social associé à ces maladies, l’évaluation de l’efficience des interventions visant leur prévention, leur diagnostic, leur traitement ou l’accompagnement des patients, la résolution des problèmes d’équité sous-jacents, et les questions de financement de la recherche et de la production des biens et services lorsque ces derniers contribuent avec un niveau de preuve suffisant à l’amélioration de la santé des personnes.Mon intervention d’aujourd’hui portera essentiellement sur le fardeau économique et social, également appelé « études de coût de la mala-die ». Celles-ci visent à identifier les ressources mobilisées par la prise en charge d’une pathologie particulière (ou d’un groupe de patholo-gies) et par ses (leurs) conséquences. Ces études visent à la fois à aider à la détermination de priorités à l’échelle nationale ou régionale en complétant la mesure du fardeau épidémiologique et clinique des pathologies, à aider à justifier du besoin d’interventions en santé dans un domaine particulier (notion d’intérêt de santé publique), et à contribuer aux arguments à prendre

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en effet organisée avec l’appui des États membres. Ainsi, en France, le ministère de la Recherche a constitué pour chaque thématique des groupes de personnes qui sont chargées de vous informer sur les appels à propositions. Elles sont votre relais avec la Commission européenne pour toutes les ques-tions relatives aux projets ouverts au financement. Lorsque vous vous organisez pour répondre à des appels à propositions, le PCN peut vous guider et vous confirmer que votre projet cadre bien avec les attentes de la CE. Le coordinateur du PCN Santé, piloté par l’Inserm, est Nacer Boubenna. Le PCN regroupe une ressource de l’Institut Pasteur, des universités, du CNRS, de BPI France, du CEA et un représentant hospitalier au titre du Comité National de Coordination de la Recherche (CNCR).L’Europe est une échelle adaptée pour la recherche sur les maladies rares. La programmation de Horizon 2020 a été bâtie sur des enjeux sociétaux (dont le Chal-lenge Santé), sur lesquels sont positionnés - 2 fois par an - des appels à propositions : projets collaboratifs le plus souvent. Dans le cadre de ce dispositif, des études cliniques sont développées à l’échelle euro-péenne, sur un plus grand nombre de patients. Des cohortes existantes peuvent être fusionnées, et les registres peuvent être mis en commun. La dimension européenne répond à la segmentation des connais-sances en réunissant différents acteurs dans le cadre de divers projets. Horizon 2020 repose sur trois piliers : l’Excellence scien-tifique, la Primauté industrielle et les Défis sociétaux. Les projets « Santé » se retrouvent dans le 3e pilier qui regroupe les « Défis sociétaux ». Toute entité légale (laboratoire, PME, groupe industriel, association, etc.) peut répondre aux projets collabora-tifs menés dans le cadre de Horizon 2020. Trois entités de trois États différents au minimum doivent participer à un même projet. Les partenaires américains peuvent participer aux projets du Défi Santé, tout en bénéfi-ciant de financements, grâce à un accord bilatéral avec le NIH américain. En outre, 15 % du budget de Hori-zon 2020 est dédié aux PME. Le programme de travail défini dans le cadre de Hori-zon 2020 s’organise sur deux ans. Certaines lignes de la programmation 2016-2017 ciblent directement les maladies rares. Un appel à projets sur la caractérisation et le diagnostic des maladies rares sera lancé en 2016. Cependant, un seul projet est attendu sur cette ligne. Ce projet recevra 15 millions d’euros de financement. L’appel à projets concernant les nouvelles thérapies pour les maladies rares s’organisera en deux temps (le 4 octobre 2016 et le 11 avril 2017). Cette ligne bénéficie

les bases de données (diagnostics incertains ou particulièrement tar-difs [errance diagnostique], codes CIM imprécis ou inexistants, actes ou médicaments traceurs pas toujours disponibles).• Les paniers de soins à considérer sont difficiles à définir.• Le champ du remboursable ne couvre pas tous les besoins.• Un accompagnement des patients est souvent indispensable (le rôle des aidants est essentiel dans la vie quotidienne mais également pour les soins) d’où l’importance de ne pas oublier ces coûts qui sont, de fait, des coûts directs. • Les coûts indirects, quant à eux, peuvent être très importants, bien que l’on ne sache pas très bien les évaluer à l’heure actuelle.• Enfin, les flux financiers entre agents économiques sont souvent complexes à appréhender (allocations pour handicap, aides sociales, etc.).Des enquêtes sur échantillons de patients identifiés dans les centres de référence, les registres, les associations de patients, etc. sont donc indispensables. Peu d’études de ce type ont été conduites en France et à l’échelle internationale. Une revue des études économiques conduites pour dix pathologies rares dans le cadre d’un projet européen sur le fardeau économique et social des maladies rares en Europe a montré que 51 des 77 études identifiées sur ces dix pathologies portaient sur deux maladies (l’hémophilie et la mucoviscidose), les autres maladies ayant fait l’objet de très peu de travaux. En outre, les auteurs de cette revue ont constaté que les différentes méthodologies rendent difficiles les com-paraisons. Ils ont toutefois conclu que la plupart des maladies rares examinées étaient associées à un fardeau économique « significatif », à la fois sur le plan des coûts directs et indirects.Techniquement, l’étude des coûts des maladies rares reste diffi-cile en France. La loi de santé devrait ouvrir l’accès aux données de l’assurance-maladie, ce qui facilitera peut-être la conduite de ces analyses. Il y a là un enjeu possible pour l’orientation des politiques de santé futures. Mais il s’agit également d’aider la société à clarifier ses valeurs dans le domaine de la santé. Consciente de ces enjeux, la Fon-dation maladies rares tente actuellement de lancer un projet autour de l’évaluation économique dans ce domaine.

Christian DeleuzeMme Handweiler va maintenant nous parler des financements euro-péens en matière de développement de la connaissance dans les maladies rares.

Valérie HandweilerJe travaille à la Direction de la Recherche et de l’Innovation au CHU de Montpellier ; je suis chargée d’accompagner les investigateurs dans le montage de leurs projets européens. Je vais vous présenter Horizon 2020, la programmation de R&D de la Commission Euro-péenne (CE), qui bénéficie d’une enveloppe de 9 milliards d’euros destinée aux projets santé sur la période 2014-2020. Il fait suite au 7e programme-cadre. J’interviendrai aujourd’hui au titre du Point de Contact National (PCN) Santé de Horizon 2020. Cette programmation européenne est

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durant les derniers mois de la vie. Ce sujet n’est donc pas forcément rattaché à une pathologie particulière.

Christian DeleuzeLe médicament est toujours regardé sous ses aspects coûts. Or, le traitement de certaines maladies, comme la maladie de Pompe, permet d’éviter des complica-tions graves ou de retarder de manière importante le développement de la maladie. Cette réalité n’est jamais prise en compte dans un modèle économique du coût du médicament.

Bruno DetournayC’est bien sûr faux puisque les études économiques sur l’efficience des traitements – obligatoires pour l’enre-gistrement et l’accès au marché – prennent en compte les coûts et les bénéfices induits par le traitement.

Christophe DuguetLes études sont nécessaires, car elles peuvent apporter un éclairage, mais il n’existe pas de modèle unique per-mettant de calculer le prix du médicament en fonction des coûts évités. Dans le domaine des maladies rares, l’intérêt pour le patient et pour la société d’améliorer la qualité de vie et un certain nombre de fonctions ne se raisonne pas en études économiques. La construction d’un rond-point fleuri dans un centre-ville ne résulte pas d’une mesure de l’amélioration du bien-être et des conséquences économiques de cette construction ; elle correspond plutôt à une décision politique. Pour le financement d’un certain nombre de médicaments orphelins, un choix politique doit également être opéré. Cette logique de décision ne doit pas pour autant per-mettre à l’industriel de demander un prix exorbitant.

Christian DeleuzeJe m’inscris en faux avec ce que vous dites, M. Detour-nay, non pas sur l’existence des études économiques, mais dans leur mise en œuvre parce que les modèles prédictifs sur des médicaments liés à des maladies rares ne fonctionnent pas. J’espère que nous serons capables de concevoir de tels modèles à l’avenir.

Bruno Detournay J’ai entendu des erreurs de part et d’autre. Une évalua-tion économique n’est pas un bilan financier ; elle per-met de mettre en rapport un différentiel de coût et des résultats de santé. L’évaluation économique se base sur des données cliniques d’efficacité comme de tolérance. La réflexion économique s’inscrit donc en complément des données médicales et épidémiologiques et aide les décideurs politiques.

de 60 millions d’euros de financement, pour des projets de 4 à 6 mil-lions d’euros. Lancé en février 2016, un appel à projets portera sur les TIC permettant au patient de s’approprier davantage sa maladie et de communiquer des informations au médecin.Le portail http://ec.europa.eu/research/participants/portal présente les financements et les lignes thématiques. Comme le dispositif est complexe, il ne faut pas hésiter à s’appuyer sur les relais présents dans les établissements. D’autres possibilités existent en marge de Horizon 2020. E-Rare est une initiative qui regroupe des agences de financement européennes et lance des appels à projets visant à promouvoir des collaborations transnationales dans le domaine de la recherche sur les maladies rares. Il sera ouvert le 7 décembre 2015. Dans le cadre de l’appel ANR dédié au montage de réseaux scienti-fiques européens et internationaux, des propositions de montage de réseau scientifique européen ou international devront être déposées le 12 janvier 2016.Le programme COST (European Cooperation in Science and Technology) permet de monter des réseaux, pour ensuite travailler ensemble dans un contexte européen. La prochaine « collection date » a été fixée au 9 février 2016. À cette date, les lettres d’intention qui auront été déposées seront analysées par les experts et certaines équipes seront invitées à poursuivre leur demande avec un dossier complet.Les Points de Contacts Nationaux en Santé des différents pays euro-péens (réseau européen HNN2.0) ont mis sur pied un brokerage event, qui se tiendra le 13 janvier 2016 à Paris. Cette initiative permettra aux équipes de mettre en ligne leur carte de visite et de participer à des rendez-vous présélectionnés avec les structures ayant envie de postuler sur une certaine ligne dans les programmes-cadres européens.

Christian DeleuzeAprès la table ronde sur les registres, au cours de laquelle il a été rap-pelé que l’État français se désengageait, il est appréciable d’entendre que l’Europe prend le relais. J’espère que cette orientation constituera un appel d’air et une ressource pour les acteurs concernés par la col-lecte de données. ‡

ÉCHANGES AVEC LA SALLE

De la salleLes études médico-économiques présentent-elles un intérêt lorsque l’absence de traitement de certaines maladies entraîne rapidement et malheureusement le décès des patients ?

Bruno DetournayLes économistes considèrent généralement la fin de vie comme une période quelque peu indépendante des pathologies qui sont à l’origine de cette fin de vie. Les coûts les plus élevés sont toujours enregistrés

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les progrès qu’il va apporter aux malades. Elles évitent donc les choix guidés par des questions financières. Je sais toutefois qu’une pression financière de diminution des budgets va peser sur le prix des médicaments, et va donc interférer. Les données d’efficience donnent du sens aux progrès thérapeutiques et cliniques. Il ne faut pas faire d’erreur de concept sur ces études.

Bruno DetournayAu-delà du consentement collectif à payer, il y a toujours un renoncement à payer d’autres choses. Par conséquent, un arbitrage doit être établi. De l’argent alloué aux maladies rares n’ira pas à la vaccina-tion ou à d’autres actions préventives ou curatives. L’arbitrage est complexe, mais il doit être pris en compte pour repenser le modèle économique des médicaments.

Christophe DuguetDes arbitrages sont effectivement opérés entre dif-férentes dépenses, qui ne sont pas uniquement liées à la santé. Les arbitrages ne mettent pas en concur-rence différentes maladies, mais différentes dépenses publiques. Le consentement collectif doit s’appuyer sur des arbitrages globaux. En tant que patients, nous pou-vons considérer que le fait d’apporter une amélioration pour des personnes aujourd’hui sans traitement ni pers-pective mérite d’être placé à un niveau de priorité assez important dans les dépenses publiques. ‡

LIENS D’INTÉRÊTB. Detournay déclare avoir une participation financière dans le capital de l’entreprise CEMKA-EVAL et déclare avoir des liens durables avec l’entreprise CEMKA-EVAL.C. Deleuze déclare avoir des liens durables avec l’entreprise Sanofi-Genzyme.V. Handweiler, C. Duguet déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concer-nant les données publiées dans cet article.

Christophe DuguetUne autre erreur serait de penser que la rationalité des hypothèses et de la rigueur de la méthode des économistes lorsqu’ils mènent leurs études soit comprise de cette façon par les décideurs publics. Les études économiques sont réalisées avec cohérence, mais elles ne sont pas toujours facilement utilisables par les décideurs publics. Nous voyons aujourd’hui toutes les limites dans l’utilisation par le payeur des travaux de la CEESP. Celle-ci, avec l’aide de méthodologies rigou-reuses, montre dans trois quarts des cas que les problèmes métho-dologiques rencontrés ne permettent pas de vraiment conclure. De son côté, le payeur ne sait pas quoi faire de tels résultats. L’essentiel ne réside pas dans la qualité de l’étude et de sa méthodologie, mais dans ce qu’en comprend le décideur et dans sa façon de l’interpréter. Aujourd’hui, le risque est que le payeur interprète une étude écono-mique dans une logique financière et budgétaire, et non dans une logique de comparaison économique et d’efficience.

De la salleQuelle est la proportion de projets retenus dans E-Rare ?

Valérie HandweilerSur les deux premières années de programmation, un projet sur deux ou trois a été retenu de la première à la deuxième étape. Environ 10 % des projets sont retenus à l’étape suivante. Il existe d’autres financements intéressants qui permettent de créer des réseaux scientifiques qui peuvent ensuite préfigurer le montage de projets européens. L’Agence Nationale de la Recherche (ANR) a mis sur pied un appel à projets « Montage de Réseaux Scientifiques Européens ou Internationaux (MRSEI) : un premier appel a été lancé en en 2015 ; un second a été lancé le 19 novembre pour un dépôt en janvier 2016. Il est donc tout à fait opportun de postuler pour mieux se positionner ensuite en Europe.

François MeyerJe partage les propos de M. Detournay. Il y a une mécompréhension totale des études d’efficience. Celles-ci permettent justement la prise en compte de données sur le rapport entre le prix du médicament et

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Ateliers A1 à A4

Atelier A1 – Déficience intellectuelle et maladies rares : quelles perspectives pour la prise en charge et les traitements ?

Pierre Sarda, CHRU de MontpellierCet atelier a été marqué par deux particularités : le faible nombre de personnes présentes (une quinzaine) et la très grande intensité des discussions. J’espère qu’il sera reconduit dans les années à venir.Cet atelier a permis d’aborder les nouvelles perspectives de prise en charge des enfants présentant une défi-cience intellectuelle. Pendant des années, la personne avec une déficience intellectuelle a simplement été prise en charge de manière peu spécifique par les kiné-sithérapeutes et les orthophonistes essentiellement ; à l’âge adulte, elle intégrait une structure d’adulte le plus souvent sans poursuite d’une « stimulation » adaptée.Grâce aux connaissances neurophysiologiques et à la neurobiologie, des prises en charge très spécifiques sont en train d’émerger. Dans la majorité des cas, une déficience intellectuelle est due à un gène déficient. Celui-ci ne rabaisse pas l’ensemble des capacités céré-brales à des valeurs inférieures à la normale qui serait mesuré par un QI abaissé de manière uniforme ! Un gène déficient a des actions dans certaines fonctions du cerveau. Certaines sont altérées, responsables de la déficience observée, tandis que d’autres sont conser-vées, voire même améliorées par rapport à une personne non déficiente.La vision que nous devons avoir en 2015 des personnes présentant une déficience intellectuelle est qu’elles ont certes des déficiences à rééduquer mais surtout des capacités à valoriser ! Chaque maladie étant dif-férente, chaque enfant doit bénéficier d’une prise en charge adaptée à sa pathologie génétique. L’atelier a permis à quatre intervenants de présenter des techniques qui viennent d’être découvertes, mais qui auront une importance majeure à l’avenir.Une technique simple, aisément généralisable, consiste à utiliser une tablette tactile. Des centaines d’appli-cations – jeux, tracé, écriture, mémoire visuelle immé-

diate, etc. – sont utilisées pour rééduquer des fonctions défaillantes (motricité fine, langage, mémoire, calcul…), mais il est très difficile d’avoir une vision des applications existantes. La présentation a été faite par Madame Bilgi Ancel de l’IME de La Salette à Bédarieux qui a décidé d’utiliser des tablettes tactiles sur une vingtaine d’enfants. Ces appareils proposent trois niveaux de programmes. Ceux-ci sont utilisés pendant plusieurs mois. À la fin de l’utilisation d’une strate du pro-gramme, l’enfant est évalué. Dans la majorité des cas, ces tablettes sont proposées par les orthophonistes. Comme elles sont mobiles, elles peuvent être utilisées par un professionnel, la famille ou l’enfant. Cet outil aura un grand avenir. Une réflexion sur l’évaluation des résultats obtenus devrait être initiée. En outre, un site web devrait être créé pour faciliter la circulation dans cette « jungle » des logiciels. Enfin, il serait intéressant que des entreprises conçoivent des programmes adaptés à des déficits très spécifiques d’enfants déficients. Caroline Demily étant absente, nous avons pu cependant présenter ses données. Cette psychiatre de Lyon travaille actuellement sur les remédiations cognitives. Des programmes informatiques sont créés dans des laboratoires de neurosciences pour améliorer une fonction très particulière, comme la reconnaissance des émotions faciales des personnes que l’on a en face de soi. Caroline a créé des programmes informatiques qui sont utilisés 45 minutes par semaine pendant quatre mois. Des personnes atteintes de délétion 22q11 (Association Généra-tion 22) ont pu, après ces remédiations, reprendre une vie sociale plus adaptée (se promener en ville, par exemple).L’évaluation réelle de ces programmes sophistiqués devrait être for-malisée. En outre, l’utilisation de ces outils pourrait être généralisée et mise en place non seulement par les familles ou les professionnels paramédicaux de proximité, mais aussi dans des structures médico-éducatives des jeunes (IME, IMPro…) ou des centres de vie des adultes (ESAT, foyers de vie, ateliers occupationnels, MAS, FAM…).Enfin, Monsieur Xavier Liogier Dardhuy, responsable des projets scienti-fiques, travaillant dans le laboratoire pharmaceutique Roche, a présenté un projet en cours de développement dans la trisomie 21. La molécule élaborée par le laboratoire a pour but de diminuer le déficit intellectuel des enfants trisomiques. Monsieur Xavier Liogier Dardhuy nous a expliqué comment Roche procède, à partir des connaissances neurobiologiques récentes apportées par les neurosciences, pour élaborer une molécule possiblement thérapeutique pour une maladie génétique très précise. Les résultats de cet essai thérapeutique, chez les personnes trisomiques âgées de 12 à 30 ans, sont en attente pour l’année 2016.De son côté, Mme Poher, membre de l’Union nationale des associa-tions de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis ( UNAPEI), a fait écho aux différents outils présentés. Elle a insisté sur

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santé et l’organisation de la santé. La volonté politique vis-à-vis des personnes atteintes de maladies rares a posé question, car les participants s’interrogent beau-coup sur la mise en œuvre d’un 3e PNMR. Si celui-ci ne voit pas le jour, les objectifs des filières ne seront sans doute pas concrétisés jusqu’au bout.· La communicationLa communication s’opère entre nos tutelles réglemen-taires et les acteurs. Des stratégies, des perspectives et des plans d’action doivent être définis. Un premier appel à plan d’action a été lancé en juin 2015. Il a montré que la communication devait être précisée et améliorée, à travers notamment davantage de transversalité, de décloisonnement et de lisibilité. Un véritable continuum de communication doit exister entre les tutelles de santé et tout ce qui compose ces filières (le sanitaire, les laboratoires de diagnostic, le médico-social, les associations, les sociétés savantes, la recherche fonda-mentale, les industries – qui ne sont pas mentionnées dans la circulaire de 2013).· L’harmonisationIl nous est demandé dans les objectifs de travailler sur l’épidémiologie, sur des bases de données. Hier, nous avons vu qu’un nombre impressionnant de bases de données existaient dans la prise en charge des maladies rares et dans les différents centres. Il est certain que ces bases doivent être harmonisées. La notion de codage est essentielle. Les acteurs des filières ont de fortes attentes et inquiétudes vis-à-vis de cette harmonisa-tion. Par ailleurs, les acteurs présents ont estimé que les réseaux européens de référence souffraient d’un déficit de communication. Le manque de présence de la France au niveau européen suscite une réelle inquiétude. Enfin, les associations doivent jouer un rôle majeur en matière d’harmonisation. Une représentante d’une association a expliqué qu’elle ne se reconnaissait pas dans les filières existantes. L’harmonisation concerne donc l’organisa-tionnel, mais aussi l’associatif. · La gestion et le budgetUne inquiétude a été exprimée concernant la gestion et les budgets. Les CHU se sont vus confier des missions natio-nales de gestion de budget qu’ils sont incapables de gérer. Pour résoudre ce problème, des référents filières régionaux devraient sans doute être désignés au niveau des ARS. · L’identificationL’identification est très importante. La visibilité et les mis-sions des centres de référence et des filières ont été rappe-lées. Les rôles de chacun des acteurs doivent être respec-tés dans une transparence et une confiance transversale.

De la salleDes solutions ont-elles été discutées durant l’atelier ?

la capacité des jeunes à s’approprier l’outil numérique. Elle propose ainsi d’encourager ces techniques, de les évaluer et de mieux les inté-grer dans des programmes pédagogiques notamment. Concernant les remédiations cognitives, Mme Poher a insisté sur l’importance et le bénéfice d’un bilan neuropsychologique, car, trop rare encore, il per-met de faire le point sur ce que la personne est capable d’apprendre, sur ses fonctions préservées et sur les fonctions qu’il faudra réédu-quer. Enfin, Mme Poher a souligné la nécessité de rechercher la pleine adhésion des personnes et de leurs proches dans le cadre d’essais thérapeutiques, avant, pendant, et après leur mise en œuvre. Et tout particulièrement après, lorsque l’essai n’est pas positif, il importe de prendre le temps de partager les résultats dans un climat de confiance réciproque. Il s’agit, pour Mme Poher, d’élaborer et de savoir mettre en œuvre aujourd’hui des réponses aux constats et aux manques, connus et partagés, dans un souci d’égalité d’accès de tous au progrès, dans le respect d’une médecine fondée sur les preuves et de règles éthiques strictes.

Atelier A2 – Mise en place des filières maladies rares : quelles sont les clés de la réussite ?

Laure Druetta, GenzymeUne cinquantaine de personnes, dont dix représentants d’associations de patients, dix représentants de la partie académique et clinique, huit représentants industriels et plus de vingt représentants de la coordination des filières ont participé à cet atelier.

Claude Desnuelle, CHU de NiceLa question posée dans le cadre de cet atelier était ambitieuse. Le dispositif mis en place par la circulaire du 23 juillet 2013 a permis de définir des objectifs généraux sur l’amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de maladies rares, ainsi que sur le décloison-nement, car ces filières doivent être un lieu de regroupement, d’identi-fication et d’échanges entre un ensemble d’acteurs intervenant autour de la prise en charge de personnes atteintes de maladies rares. Pour atteindre ces objectifs généraux, des objectifs opérationnels ont été identifiés. Ils visent notamment à renforcer l’expertise – en particulier la pluridisciplinarité, qui constitue un mot-clé dans les centres de référence –, à formuler des recommandations de bonnes pratiques sous forme de PNDS ou de recommandations de fonctionnement, à aller dans le sens de la recherche et de la coordination des projets de recherche, à prendre une large part dans l’épidémiologie – c’est-à-dire le développement de bases de données –, à assurer des forma-tions, et à orienter les regroupements vers l’Europe, en particulier vers les réseaux européens de référence. Les facteurs clés de succès suivants permettent d’atteindre ces objectifs :· La volonté politiqueLe pilotage des filières est assuré par le ministère de la Santé, alors que les objectifs s’inscrivent dans plusieurs domaines (santé, recherche, partages internationaux). L’association d’autres ministères serait peut-être nécessaire pour ne pas limiter ces filières à la vision

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l’importance, en particulier en cas d’errance diagnos-tique, de la continuité de l’accompagnement de la personne par le centre de référence de génétique. · Le point de vue médicalBeaucoup sont intervenus pour expliquer que le méde-cin généraliste devrait pouvoir poser le diagnostic. Ce professionnel de santé ne pouvant connaître les 7 000 maladies rares, il serait préférable de travail-ler sur la culture du doute. Certains ont souligné la mauvaise connaissance des ressources maladies rares par les professionnels hors maladies rares. Un travail de communication/formation sur les maladies rares devrait donc être mené en direction des médecins généralistes et spécialistes, en particulier en ambu-latoire. À cette fin, le projet de mettre en place une stratégie pluriannuelle et coordonnée de toutes les ressources a ainsi été évoqué. · Le point de vue sociétalLes conséquences de l’errance diagnostique ont éga-lement été abordées au cours de l’atelier. Le lien de confiance avec la personne malade me semble impor-tant. Trop souvent, des personnes arrivent dans nos associations après une longue errance diagnostique, et sont un peu en révolte vis-à-vis du système. Une longue errance constitue un accroc dans la relation de confiance, y compris dans le cadre des essais cliniques.· Le point de vue des chiffresL’expérience (enquête de l’Observatoire des Maladies Rares) montre que plus de 4 fois sur 10, le diagnostic est réalisé dans l’année. Plus de 3 fois sur 10, le dia-gnostic est posé entre 1 à 5 ans. Plus de 2 fois sur 10, l’errance est supérieure à 5 ans.La formation constitue un levier essentiel pour dévelop-per la culture du doute. Il importe que les profession-nels se posent les bonnes questions et sachent orienter vers les personnes ad hoc. Les outils (plaquettes infor-matives, blogs, signes d’appel) constituent un autre type de levier. Les nouvelles techniques de séquençage ont été abor-dées au cours de l’atelier et présentées par un film : http://www.anddi-rares.org/axes/informer/supports-numeriques-de-la-filiere-anddi-rares.html. Ces nou-velles techniques devraient être utilisées pour les personnes concernées par une très longue errance dia-gnostique. Des verrous liés au coût de ces techniques sont en train de sauter. Au cours de la décennie à venir, le prix du séquençage sera très accessible. Cette tech-nique doit toutefois faire l’objet d’un accompagnement spécifique. De nombreuses questions ont été posées au cours de l’atelier. La notion d’errance ne se limite pas au dia-gnostic ; elle concerne également le parcours de vie du

Claude DesnuelleLes solutions consistent à améliorer les points listés. Ceux-ci sont actuellement identifiés par les acteurs comme des difficultés rencon-trées dans le fonctionnement.

Christian DeleuzeHier, a été abordée la question de la non-harmonisation du dispositif des Réseaux Européens d’Excellence avec les principes du dispositif français maladies rares. En avez-vous discuté au cours de l’atelier ?

Claude DesnuelleCe sujet a été abordé dans le cadre de l’atelier, mais il est plus de la responsabilité des animateurs de filière ou des responsables de centres de référence. Après échanges, il est apparu que les hôpitaux eux-mêmes devaient se faire intégrer dans ces réseaux. Un travail d’information vis-à-vis des centres de référence et des acteurs doit être mené pour qu’ils se regroupent et intègrent ces filières. Dans ce dispositif, les États valident les demandes, c’est donc aux Autorités de santé de chaque État à qui il revient de faire des choix.

De la salleDes initiatives ont-elles été formulées lors de l’atelier ?

Claude DesnuellePour l’heure, nous ne disposons pas de remèdes. Le bilan d’un an de fonctionnement fait apparaître quelques défauts. Nous devons être vigilants vis-à-vis des inquiétudes exprimées. Aucune initiative de correction de défauts n’a été formulée au cours de l’atelier.

Atelier A3 – Errance diagnostique : comment informer et accompagner le malade ?

Anne-Sophie Lapointe, Vaincre les Maladies Lysosomales, filière AnDDI-RaresCet atelier présentait une grande complémentarité entre Maladies Rares Info Services, la filière AnDDI-Rares et le laboratoire Shire. L’errance diagnostique est un réel enjeu pour tous les acteurs dans le champ des maladies rares.Le Larousse définit ainsi la notion d’errance : « action d’aller sans direction précise, de chercher son chemin ». Au regard du diagnostic, l’errance correspond à un délai significatif entre les premiers symp-tômes et le diagnostic. Il existe également une problématique dans les enjeux d’absence de diagnostic versus l’errance. Deux types d’errance ont été mis en évidence au cours de l’atelier : l’errance liée au fait que le diagnostic n’est pas posé alors que la maladie est connue ; l’errance liée au fait que la maladie n’est pas encore connue.Les enjeux varient selon les points de vue de chacun :· Le point de vue de la personne maladeNous avons eu beaucoup de retours de la salle sur l’errance dia-gnostique par rapport à la personne malade, avec la nécessité de l’accompagnement psychologique par le centre de référence et la famille. La psychologue Éva Toussaint de Bordeaux a souligné

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deux pays a fait le bon choix, mais il serait intéressant de savoir si la France fait les efforts nécessaires pour apprendre de l’expérience italienne.

Pierre-Henri Gandon, Coopération SantéDes disparités de prise en charge de diagnostic existent. Sur le plan territorial, des départements ou des régions sont-ils sinistrés ? Par ailleurs, je m’occupe de l’Asso-ciation MG France, qui est très favorable à la création d’un cycle de formation et d’information. L’administra-teur qui représente Coopération Santé a vu quatre cas en 40 ans de carrière professionnelle. Il ne savait rien sur ces maladies.

Anne-Sophie LapointeLes différences sont peut-être moins entre les terri-toires qu’entre les structures hospitalières avec spé-cialistes et les structures avec médecins généralistes. La solution de MG France consiste à passer par un syn-dicat de médecins généralistes et à former l’ensemble des généralistes. Les médecins doivent être capables d’orienter la personne malade vers le bon centre.

Ségolène AyméJe m’étonne que la solution d’aide au diagnostic infor-matisé n’ait pas été évoquée dans la première partie de l’atelier. C’est pourtant « la » solution. Dans le domaine de la génétique, nous utilisons cet outil depuis 30 ans. Compte tenu de la multiplicité des syndromes existants, nous ne saurions travailler sans cet outil. Celui-ci ne présente pas encore une convivialité adaptée pour être utilisé par les médecins en ville. L’offre d’aide au dia-gnostic doit être développée, car elle constitue la voix d’avenir. Le système d’aide au diagnostic disponible sur Orphanet est l’une des fonctionnalités du site les plus utilisées.

Anne-Sophie LapointeCette solution n’a effectivement pas été abordée dans l’atelier.

Pierre SardaUne personne sur 20 a une maladie rare. En 40 ans de carrière, un médecin ne voit pas seulement quatre cas ; le problème est que les autres cas ne sont pas repérés. Les outils utilisés par les généticiens tous les jours devraient être démocratisés pour les médecins.

Christian DeleuzeDans un département du centre de la France, 15 % des médecins généralistes ont connaissance des PNMR. Les outils existent, mais ils ne sont pas suffisamment

malade et l’articulation médicosociale. Un accompagnement multidis-ciplinaire est indispensable. Dans ce domaine, les centres de référence jouent un rôle essentiel, car l’impact humain est grand.La question de la caractérisation génotype-phénotype a été posée, car les maladies rares présentent une grande hétérogénéité ; en outre, les résultats cliniques peuvent être très différents pour une même anomalie. Le travail de mise en commun de l’information entre les professionnels de santé a été mis en avant.Un travail est en train d’émerger entre Maladies Rares Info Services et la filière AnDDI-Rares. Les personnes sans-diagnostic représentent la moitié de la file active de la filière. Comme aucune association ne les représente, la question de leur accompagnement se pose. Maladies Rares Info Services recevant chaque année plus de 1 100 demandes de personnes qui n’ont pas de diagnostic, il a été décidé avec la filière AnDDI-Rares de créer une offre de services dédiée pour apporter une aide concrète aux patients et à leurs proches.L’errance pose un questionnement éthique. Réduire le temps d’errance constitue en effet un acte de bienveillance par rapport aux personnes. L’absence de nom de maladie fait obstacle à la recherche et au déve-loppement d’un traitement thérapeutique – ce qui pose un problème d’équité et d’accès au traitement. En l’absence de diagnostic, la famille ne peut pas faire de choix. Enfin, il faut veiller à la bonne inter-action entre le soin et la recherche.

Antoine Bernasconi, laboratoire Orphan EuropeJe suis surpris que la question du dépistage néonatal n’ait pas été abordée au cours de cet atelier. Il s’agit en effet d’un des outils permettant de réduire l’errance diagnostique. En France, seules cinq maladies sont dépistées à la naissance. Dans d’autres pays européens, un dépistage néonatal beaucoup plus large a été mis en place. Pour-quoi la France n’utilise-t-elle pas pleinement cet outil, notamment pour dépister les maladies progressives ?

Anne-Sophie LapointeAu cours de l’atelier, nous avons abordé la question de l’amélioration des outils de diagnostic. Pour la maladie de Pompe, le diagnostic était initialement réalisé avec des biopsies musculaires ; il est maintenant réalisé avec le test de Guthrie. Le diagnostic est maintenant posé par des techniques moins invasives et plus faciles à mettre en place rapidement.Le dépistage néonatal pose la question du lien entre génotype et phé-notype. En outre, il interroge sur l’explication des résultats du dépis-tage à donner aux parents alors que la maladie ne se déclarera pas forcément ou alors très tard à l’âge adulte avec une forme modérée. Quand le lien entre génotype et phénotype sera clairement caracté-risé, la solution du dépistage néonatal pourra être déployée à une plus grande échelle.

Christian DeleuzeJe me demande pourquoi les pays européens ont une approche si diffé-rente dans ce domaine. L’Italie a fait le choix de l’action, alors que la France a opté pour l’inaction. Nous ne savons pas encore lequel de ces

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l’histoire naturelle de la maladie (avant l’arrivée d’un traitement) et à la démonstration de preuve. Le vrai enjeu est donc de définir les critères méthodologiques permettant, d’une part, de démontrer l’efficacité de médicaments – notamment en termes de ralentisse-ment de l’évolution de ces maladies progressives – et, d’autre part, de permettre l’accès des malades à ces traitements.À titre d’exemple, un test de marche de six minutes démontrant une progression de 25 mètres du malade peut-il être considéré par les autorités comme un cri-tère suffisant pour avoir un niveau de preuve et une notation importants permettant l’accès à ce traitement à un niveau d’évaluation suffisant ? La distance de 25 mètres ne représente rien en termes méthodolo-giques, mais elle peut faire une différence considérable dans le quotidien de certains patients. La notion de qualité de vie est difficilement démontrable, mais elle est essentielle pour ces personnes.La question des interactions entre l’évaluation euro-péenne et l’évaluation française a été posée lors de l’atelier. Les méthodologies d’évaluation jusqu’à l’AMM sont définies de manière internalisée, notamment avec les autorités européennes, sur des critères faisant l’objet d’un accord. Toutefois, les laboratoires ont par-fois l’impression que le dossier d’AMM est intégralement réévalué par l’autorité française. Cette pratique est chronophage et pose des interrogations sur l’interac-tion entre les agences française et européenne.Les critères d’évaluation aujourd’hui essentiellement basés sur l’efficacité et la tolérance ne permettent pas de reconnaître l’innovation de certains traite-ments. Si le traitement d’une maladie chronique par voie intraveineuse – à raison d’une perfusion tous les 15 jours tout au long de la vie – pouvait être remplacé par une forme orale, le patient pourrait retrouver une vie quotidienne normale. Or, le traitement oral reçoit une ASMR 5. L’amélioration de la qualité de vie et de la mise au traitement de certains patients est aujourd’hui malheureusement très peu reconnue.Enfin, il convient de souligner le manque de transpa-rence et de lisibilité des prix. Dans le secteur public, le médicament orphelin est perçu comme cher. Le prix doit-il être fixé en rapportant l’investissement au nombre de patients ? Le gain représenté par le traitement doit-il être pris en compte ? Un élément à prendre en compte lorsque l’on évoque le coût de ces traitements est que le prix officiel, publié au Journal Officiel, n’est pas le prix « réel » générant le chiffre d’affaires du laboratoire. Un article de l’accord cadre définissant les relations entre le LEEM (représentant les entreprises du médicament) et le CEPS (Comité

connus des médecins généralistes. Un travail d’information/formation reste à faire.

De la salleUne articulation avec le cluster sur les services à la personne sociale et médico-sociale permettrait d’expérimenter des détections et des prises en charge innovantes.

Anne-Sophie LapointeLa sensibilisation des acteurs médico-sociaux (IME, MAS, etc.) à la problématique des maladies rares est très importante. Il faut savoir que des personnes atteintes de la maladie de Niemann-Pick type C sont hospitalisées en hôpitaux psychiatriques, alors qu’un traitement améliorerait considérablement leur prise en charge. Cet exemple souligne l’importance pour les médecins et les psychiatres de ne pas limiter leur diagnostic aux malades psychiques mais ils doivent être capables de se poser la question : et si c’était une maladie génétique ?

Atelier A4 – Le mécanisme de l’évaluation et de la fixation des prix des médicaments orphelins est-il adapté ?

Neil Bernard, GenzymeNous n’avons pas eu la chance de bénéficier du point de vue des autorités d’évaluation lors de cet atelier. Avec Christophe Duguet, Antoine Bernasconi et les participants dans la salle, nous avons évoqué l’ensemble des problématiques pouvant se poser dans les méthodologies d’évaluation de fixation du prix et de financement des médicaments orphelins et plus globalement des médicaments destinés à traiter des maladies rares. Nous avons également réfléchi aux freins actuels à la mise à disposition de ces traitements. L’atelier a réuni un assez grand nombre de participants. Les échanges ont été vifs, ce qui prouve leur intérêt pour ces sujets. Nous sommes partis d’un constat général. La première attente et le premier défi dans les maladies rares, commun à l’ensemble des acteurs, est la mise à disposition de traite-ments pour les malades. Une première remarque : la méthodologie aujourd’hui appliquée est commune à l’ensemble des médicaments ; il n’existe pas de mécanisme d’évaluation français spécifique aux médicaments orphelins. La deu-xième remarque, plutôt positive : notre système permet, de manière générale, la mise à disposition, le remboursement de la quasi-totalité des médicaments évalués et la prise en charge intégrale du coût de ces médicaments par la société. Des biais existent cependant dans la méthodologie d’évaluation, de fixation du prix et, de manière plus générale, dans la compréhension des maladies rares, ne permettant pas que cette prise en charge soit optimale.Notre postulat n’était donc pas de savoir si notre système est idéal (nul système ne l’est) ou s’il est perfectible, mais plutôt d’envisager les solutions permettant d’optimiser les conditions d’évaluation, de mise à disposition et de prise en charge de ces traitements.La première difficulté inhérente à ces médicaments réside dans les biais techniques et méthodologiques dans leur évaluation. Les biais techniques sont liés à la rareté des patients, à la méconnaissance de

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coûteux, la démonstration de leur valeur doit être établie dans le temps et dans un modèle collaboratif. Par consé-quent, tous les acteurs devraient collaborer pour générer ces données. En général, le financement de la collecte de données repose sur le seul industriel. Celui-ci se voit en outre demander de ne pas trop les regarder et de pouvoir répondre aux questions que posent les progrès apportés par son traitement.

Neil Bernard Le consentement collectif à payer suppose un consen-tement des autorités à mener les démarches régle-mentaires et administratives nécessaires à l’utilisation d’outils d’évaluation adaptés à ces problématiques.

De la salleVa-t-on vers un prix maximum acceptable pour la société pour un médicament orphelin ?

Christian DeleuzeLa loi fixe à 50 000 euros par patient et par an le prix maximal pour lequel il n’y aurait pas de discussion particulière. Au-delà de ce prix, le CEPS peut décider de fixer une enveloppe maximale qui rémunérera le laboratoire, à condition qu’il s’engage parallèlement à traiter tous les patients qui devraient bénéficier de ce traitement. Comme la population des malades n’est pas précisément connue au moment du lancement d’un médicament, le laboratoire doit accepter de se lancer dans un véritable pari. Si nous admettons que les autorités de santé sont une émanation du pouvoir politique, lequel représente la population, il nous appartient de décider collective-ment. Il faut éviter que ces décisions soient prises dans des cabinets obscurs.

Neil Bernard Pour compléter les propos de Christian Deleuze, le prix maximum accepté par les autorités pour le financement et la prise en charge du médicament orphelin existe fina-lement déjà aujourd’hui via le dispositif de plafonnement de chiffre d’affaires et les enveloppes contraintes dans lesquelles fonctionnent les organismes payeurs. ‡

LIENS D’INTÉRÊTC. Deleuze déclare avoir des liens durables avec l’entreprise Sanofi-Genzyme.P. Sarda, L. Druetta, C. Desnuelle, A.S. Lapointe, A. Bernasconi, P.H. Gandon, S. Aymé, N. Bernard, S. Jamot déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

économique fixant les prix des médicaments) définit la notion de plafonnement de chiffre d’affaires dans les maladies rares. Ce mécanisme, évoqué hier, précise que si le laboratoire dépasse un plafond de chiffre d’affaires fixé avec le CEPS (à savoir un prix X, multiplié par un nombre de patients Y, préétablis), il doit intégrale-ment reverser l’excédent à l’assurance-maladie. Le prix officiel n’est donc pas le prix réellement payé par les pouvoirs publics. Les conclusions et propositions suivantes ont été formulées au cours de l’atelier : • ne pas remettre en cause les évaluations européennes, en particulier sur des questions méthodologiques ;• démocratiser davantage le système d’évaluation, en le rendant plus collaboratif, plus prédictible et plus encourageant ; • faciliter l’évaluation du bénéfice thérapeutique d’un traitement à partir de toutes les sources d’information disponibles ;• intégrer d’autres critères d’évaluation, afin d’encourager toutes les formes d’innovations utiles aux malades ; • accepter une « prise de risque » pour les maladies rares (compte tenu du manque de données et de recul lors de l’arrivée du traitement, le LEEM encourage une évaluation et une fixation de prix conditionnées à une démonstration en vie réelle du médicament).

Laure JamotS’agissant de l’ASMR des molécules développées pour les maladies rares, nous sommes confrontés à un écueil spécifique d’évaluation des coûts directs et indirects de la maladie. La procédure classique de calcul du coût direct consisterait à réaliser une requête auprès du Système national d’information inter-régimes de l’assurance-maladie (SNIIRAM) ou des CRAM. Or, toute requête est refusée en l’absence de traitement spécifique, ce qui impliquerait donc de faire une recherche nominative des soins dont bénéficient des patients identifiés. Mais le Conseil d’État refuse tout « requêtage » nominatif. Dans ce contexte, le coût direct de la maladie ne peut jamais être calculé. En outre, le coût indirect n’intéresse aucune agence réglementaire. Nous ne sommes pas parvenus à trouver des systèmes cohérents per-mettant de calculer le coût de prise en charge d’un malade par une famille. Ce coût devrait inclure l’absentéisme au travail, la kinésithé-rapie, la mise aux normes de la maison et du véhicule, etc. Face au grand flou actuel, aucune solution ne s’offre à nous.

Christian DeleuzeVous venez de résumer les thèmes abordés au cours de la première ses-sion de ce matin. Pour démontrer la valeur apportée par un traitement, il faudrait comparer les résultats qui seront produits à l’existant. Or, malgré la bonne volonté de tous les acteurs, les données sur la situation antérieure ne sont pas disponibles et les données sur la situation actuelle ne sont disponibles que dans 115 registres parcellaires. La mise en œuvre de modèles économiques est aisée si les données existent. Or, celles-ci font cruellement défaut. Les traitements pour les maladies rares étant

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> Pharmacienne, je suis responsable des affaires médi-cales chez iHealth, qui intervient sur le marché français depuis fin 2013. Il dispose d’un laboratoire chargé de fabriquer des produits de santé connectés.

La révolution technologique des objets connectésLes objets connectés connaissent un fort développe-ment. Plus de 2 milliards d’objets connectés sont prévus pour 2020 en France, et près de 100 milliards dans le monde. Tout appareil peut être « connecté » : une corde à sauter, une tasse à café, un pot de fleurs, etc. Les objets connectés sont souvent assimilés à des gadgets, alors que les objets connectés de santé cliniquement validés répondent à une vraie problématique de santé.La gamme de dispositifs médicaux développés par iHealth inclut des tensiomètres, des oxymètres de pouls et des glucomètres. iHealth propose également une gamme à disposition des professionnels de santé, composée d’ECG et de tensiomètres. Ces dispositifs de santé sont connec-tés ; ils permettent ainsi de collecter des données et de les transmettre par la technologie bluetooth directement dans les applications installées sur tablette ou smartphone. La sécurisation de ces données constitue un sujet important. Les données collectées par les dispositifs médicaux déve-loppés par iHealth sont confiées à un hébergeur agréé don-nées de santé. Les données sont anonymisées et cryptées, et le caractère personnel de ces données est respecté.Le patient est équipé d’une gamme d’appareils connec-tés. Il peut ainsi prendre sa tension, prendre son poids, suivre son activité, etc., transférer ses données sur son smartphone pour ensuite suivre leur évolution. Un patient atteint d’une maladie chronique pourra constater qu’en

Conférence 3La révolution technologique des objets connectés et son impact sur la prise en charge des maladies raresSéverine Lemelle

marchant davantage, il perd du poids et réduit ainsi sa tension. Il pren-dra ainsi conscience de l’interrelation existant entre l’ensemble des paramètres vitaux. Dès lors, le patient devient acteur de sa santé. L’ensemble des professionnels de santé – et non pas uniquement le médecin – doit être également impliqué. La santé connectée permet de faciliter la communication entre ces professionnels et leurs patients.

L’impact des objets connectés sur la prise en charge des maladies raresLes objets connectés font partie de la médecine de demain. Ils per-mettront le passage d’une médecine curative à une médecine à la fois préventive, prédictive, personnalisée et participative. En effet, ces appareils effectuent la mesure à domicile des différents paramètres vitaux des patients (tension, pouls, poids, glycémie, rythme car-diaque, température, fréquence respiratoire, saturation en oxygène). Le médecin peut ainsi dépister des anomalies et suivre les éventuels effets indésirables des médicaments.Les objets connectés alimentent une grande base de données (big data) qui permettra de créer une intelligence collective. Il sera ainsi possible d’améliorer un diagnostic et un traitement en les comparant à des modèles conçus à une plus grande échelle. Il sera également pos-sible de suivre l’évolution d’une maladie rare en tenant compte d’un certain nombre de facteurs environnementaux.La médecine va devenir plus personnalisée. La communication entre le médecin et le patient sera simplifiée. Le patient récupère toutes ses données de santé. Celles-ci sont automatiquement transférées dans la fiche patient du médecin. En outre, des systèmes d’alerte et de messagerie instantanée peuvent être mis en place. De plus, le dia-gnostic et le traitement peuvent être personnalisés de manière fine.

iHealthLabs, France

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De la salleComment évaluer le coût en termes d’honoraires médicaux ?

Séverine LemelleNos appareils transmettent de nombreuses informa-tions et facilitent la communication entre le médecin et le patient. Des discussions entre les différents acteurs concernés devront être menées pour mettre en place la meilleure solution.

De la salleLes données collectées peuvent-elles être revendues à des tiers ?

Christian DeleuzeLes données collectées par votre iPhone sont déjà revendues à des tiers.

Séverine LemelleUn iPhone n’est pas un objet de santé. Les lois fran-çaises sur la protection des données personnelles sont très strictes. De plus, l’hébergement des données de santé sur des serveurs agréés empêche la revente de données. En outre, les données hébergées sont anony-misées et cryptées.

De la salleLorsqu’un patient est connecté à son médecin et qu’un événement d’intérêt comme un AVC survient, le médecin se doit de gérer l’alerte. Comment gérez-vous l’aspect juridique des informations transmises au médecin ?

Séverine LemelleÀ ce jour, le médecin ne prend pas d’engagement. Le patient autorise simplement le médecin à suivre ses données de santé. Des plates-formes de gestion, en cours de mise en place, vont aider le médecin à suivre le patient 24h/24, en déclenchant par exemple l’envoi d’une ambulance en cas d’AVC. La mise en place de ce dispositif en France prendra du temps car les contraintes réglementaires sont nombreuses, notamment en termes de protection des données.

De la salleCela signifie que le médecin n’est pas le seul praticien à accéder aux données du patient. ‡

LIENS D’INTÉRÊTS. Lemelle déclare être employée chez iHealth : Medical Affair Manager.C. Deleuze déclare avoir des liens durables avec l’entreprise Sanofi-Genzyme.

Dans le cadre d’une médecine plus participative, la collecte de don-nées sera facilitée. Ce sujet fait encore l’objet de controverses en France, alors que cette pratique est très développée aux États-Unis. Le site www.patientslikeme.com permet aux patients d’échanger sur leur pathologie et de partager leurs données. Celles-ci sont renseignées par le patient ou par les objets connectés. Les données sont ensuite utilisées dans le cadre de la recherche épidémiologique. Les enjeux des objets connectés de santé sont multiples : • dépister précocement des symptômes, des anomalies, des maladies, des effets indésirables ; • suivre les paramètres vitaux des patients et les effets indésirables des médicaments ; • responsabiliser et impliquer le patient en étant acteur de sa santé ;• faciliter le suivi personnalisé des patients par les professionnels de santé.Ce sujet appelle toutefois à la vigilance. La fiabilité des dispositifs de mesure connectés, la protection des données personnelles (respect de la vie privée) et l’utilisation des données pour faire de la recherche épidémiologique (ce qui pose des questions d’ordre éthique et juri-dique) devront faire l’objet d’une attention particulière. ‡

ÉCHANGES AVEC LA SALLE

De la salleAvez-vous déjà rencontré des patients équipés d’objets connectés qui ne voulaient pas connaître les données de santé qu’ils transmettent à leur médecin ?

Séverine LemelleOui. La connaissance de ses propres données peut constituer un facteur de stress. Les appareils d’iHealth peuvent fonctionner en mode « aveugle ».

De la salleDans le cadre des maladies rares, qui va financer ces outils connectés et analyser ces données ?

Séverine LemelleC’est effectivement quelque chose qu’il faudra définir.

Christian DeleuzeLa multiplication des objets de santé connectés pose la ques-tion de l’état de santé du médecin. Comment va-t-il gérer le flux d’informations ?

Séverine LemelleL’utilisation de ces appareils doit conduire à redéfinir la relation entre le soignant et le soigné, en intégrant l’ensemble du corps médical. L’infirmière peut faire le lien entre le médecin et le patient. De plus, le médecin peut mettre en place des alertes pour éviter de gérer un flux trop important de données.

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Table ronde 5Le médicament orphelin est-il en danger en tant que médicament développé dans les règles de l’art ?

Antoine FerryCette table ronde risque d’être un peu agitée, car la répétition que nous avons faite pendant la pause-café a donné lieu à des échanges vifs.Nous allons commencer par un panorama sur la vie du médicament, en pointant les éventuels dangers, qui ne sont pas là où l’on pense. Malheureusement pour les patients, un médicament ayant obtenu une AMM européenne ne sera pas forcément accessible dans les différents États européens. Le parcours jusqu’à l’AMM s’apparente à un vrai parcours du combattant. Après l’AMM, s’engage un autre parcours du combattant, qui ne semble pas s’améliorer au fil du temps.Décomposé en quatre étapes, le schéma du danger a beaucoup évolué au cours de la décennie passée. Il y a dix ans, j’aurais considéré que le danger devait être positionné de façon prépondérante dans les phases préclinique et clinique, et de façon mineure au niveau de l’enregistrement et de la commercialisation. Aujourd’hui, la situation s’est malheureusement inversée.

Jean PougetDe vrais dangers menacent encore les étapes précli-nique et clinique de l’essai d’un médicament. Ainsi, je considère qu’après une décennie, la situation ne s’est pas améliorée dans ces étapes précoces du développe-ment du médicament.

Serge BraunLes dangers sont tout aussi importants à chacune des quatre étapes.

Christian DeleuzeLa phase préclinique démarre souvent à partir de rien. Les données physiopathologiques sont en effet peu nombreuses. L’identification de la cible présente une réelle difficulté. La validité et la prédictibilité des modèles in vitro sont faibles. De plus, les modèles animaux sont souvent inexistants. Des appels à projets pour des modèles animaux ont été lancés, notam-ment par la Fondation Maladies Rares. Nous espérons

La table ronde est animée par Antoine Ferry (Laboratoires CTRS)

Participent à la table ronde : Serge Braun, AFM TéléthonAntoine Ferry, Laboratoires CTRSFrançois Meyer, HASJean Pouget, AP-HM

qu’ils aboutiront pour pouvoir avancer plus rapidement sur la partie préclinique.

Serge BraunJ’estime que les dangers sont moindres à l’étape préclinique. L’origine de la pathologie rare est très souvent connue puisque 80 % des mala-dies rares sont génétiques et plus de 50 % de la moitié des gènes res-ponsables sont connus. En outre, la physiopathologie de ces maladies est connue. C’est d’ailleurs une source très intéressante de connais-sances fondamentales de la biologie, dans la mesure où un gène qui ne fonctionne pas renseigne sur la fonction de ce gène. La cible est parfois connue. Les modèles in vitro présentent des limites ; il en va de même pour les modèles animaux. Pour les maladies rares, nous avons un avantage puisque le gène équivalent existe chez l’animal. Il est donc possible d’accéder à une source très intéressante d’informations sur le plan physiopathologique et ensuite sur le plan thérapeutique.

Jean PougetJe ne suis pas d’accord. La plupart des maladies rares sont certes génétiques, mais, dans la majorité des cas, l’identification du gène ne suffit pas à comprendre la physiopathologie. La compréhension de la protéine mutée, découverte au travers du gène muté, n’est pas

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pas, de l’avis de l’ensemble des experts, à un bon para-mètre pouvant servir de critère principal d’évaluation. Il a pourtant été utilisé.S’agissant des biomarqueurs, les agences ne vont pas se contenter d’une efficacité sur un biomarqueur, mais sur une amélioration fonctionnelle significative de la vie du patient. Il serait peut-être judicieux de lancer des appels d’offres sur la méthodologie des essais dans les maladies rares.

Serge BraunLes difficultés de recrutement sont bien sûr inhérentes aux maladies rares. Les règles de l’art de médicaments de thérapies fréquentes ne peuvent bien évidemment pas être appliquées aux maladies rares. Les premiers essais de thérapie génique menés au début des années 1990 sur les déficits immunitaires ont fait apparaître un taux de réussite de 90 %. 25 ans plus tard, aucun produit n’a été mis sur le marché. Ce constat est-il lié à un problème d’évaluation, à un problème d’appréciation par les agences réglementaires, à des problèmes de production ? La question continue de se poser. Le test des six minutes est intéressant, mais il ne peut pas être appliqué aux patients qui ne marchent pas. Des paramètres de mobilité et de qualité de vie doivent donc être définis avec les agences, les associations de patients et les patients eux-mêmes.S’agissant des surrogate endpoints, je souhaiterais par-tager une courte histoire. Un produit fait l’objet d’une demande d’AMM pour la myopathie de Duchenne. La FDA a rejeté l’utilisation du surrogate endpoint portant sur l’expression de dystrophine – c’est-à-dire la protéine manquante au niveau des muscles. Lorsque les données cliniques ont été transmises, la FDA a demandé que soit étudié le surrogate endpoint, alors que ce n’était pas prévu au départ. Cet exemple montre que la barre est placée très haute pour les maladies rares. Trois mois de survie dans le cancer s’apparentent à un grand succès ; il en irait tout autrement pour la maladie de Duchenne.

François MeyerL’opposition entre les maladies n’est pas souhaitable.Le règlement sur le médicament orphelin a été construit après de nombreuses années de discussions. L’un de ses considérants est ainsi formulé : « Il importe que les patients souffrant de maladies rares aient droit à des médicaments dont la qualité, la sécurité et l’efficacité sont équivalentes à celles des médicaments dont béné-ficient les autres patients ; il y a donc lieu de soumettre les médicaments orphelins à la procédure d’évaluation habituelle. » Il ne faut donc pas que les médicaments orphelins fassent l’objet d’une évaluation « au rabais ».

toujours implicite. L’anomalie génétique, n’impliquant pas forcément une protéine de structure ou une protéine enzymatique, intervient de manière complexe dans le fonctionnement cellulaire.La construction de modèles animaux transgéniques constitue certes un progrès, mais ces modèles sont très souvent imparfaits. Ils nous ont beaucoup déçus dans la mesure où l’efficacité d’un certain nombre de traitements dans les modèles animaux ne s’est pas retrouvée chez l’homme. Le modèle animal est peut-être imparfait. Il se peut éga-lement que le produit agisse à des moments différents de la maladie chez l’animal et chez l’homme. Les modèles in vitro permettent d’aborder la physiopathologie, mais ils ne peuvent en aucun cas représenter un paramètre d’efficacité théra-peutique. Le modèle intégratif – basé sur l’animal entier – est toujours préféré au modèle cellulaire et au modèle in vitro. De nombreux pro-grès doivent encore être réalisés dans la physiopathologie, que ce soit dans les maladies auto-immunes rares ou dans les maladies neurodé-génératives. Ce champ d’investigation demeurant totalement ouvert, il ne permet pas de répondre aux questions précliniques dans la majorité des maladies rares.

Antoine Ferry La phase clinique est soumise à la rareté des pathologies. Le recrute-ment pour les études cliniques est difficile. L’expression clinique de ces pathologies présente une forte hétérogénéité. De plus, les données sur leur évolution naturelle sont généralement absentes. Par conséquent, la définition des critères de jugement (endpoints) pour les études cliniques est complexe ; le recours à des preuves indirectes de l’effi-cacité (surrogate endpoints) permet de quantifier l’efficacité d’un traitement, mais ces preuves sont rarement acceptées de facto par les autorités, notamment par l’EMA. Enfin, des problèmes de métabolisme différents selon les malades se posent. Le manque de prévisibilité peut poser des problèmes d’interprétation des résultats.

Jean PougetLe nombre de patients à inclure dans un essai thérapeutique présente des difficultés. Se pose également le problème de l’identification des patients pouvant être inclus. Le travail de constitution et d’actua-lisation des bases de données doit se poursuivre. Celles-ci doivent inclure des données phénotypiques. Des bases de données de qualité peuvent être utilisées à la fois pour la recherche clinique et les essais thérapeutiques. Cela pose la question de vouloir constituer un guichet unique pour les essais thérapeutiques au niveau européen. Certaines structures vont essayer de fusionner les bases de données nationales, qui présentent des niveaux de qualité différents et qui contiennent des données diverses. Il faut donc trouver le bon interlocuteur, sans cher-cher à simplifier les choses via un guichet unique qui n’en est pas un. Ce dernier ne représente pas forcément la solution.Le problème du critère principal d’évaluation est loin d’être résolu dans les maladies rares, car le consensus d’experts fait encore défaut. Les laboratoires et les agences se tournent vers les experts. Comme ils n’ont pas les bonnes réponses, l’essai sera bancal dès l’origine. Pour la maladie de Duchenne, le test de marche de six minutes ne correspond

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Serge BraunLe placebo peut être nécessaire. Il peut parfois être remplacé par les connaissances sur l’histoire naturelle de la maladie. Celle-ci suppose l’allocation de moyens très importants pour créer des bases de données de malades. Pour beaucoup de pathologies dans lesquelles nous sommes directement impliqués, nous constatons que les moyens financiers nécessaires reposent sur les associations. Ce problème de santé publique devrait être posé.

François MeyerLe grand succès du règlement européen sur les médica-ments orphelins est que ces médicaments ne sont plus tout à fait orphelins. L’arrivée de grands laboratoires sur ce marché marque une réelle évolution. Des labo-ratoires viennent parfois nous voir en nous expliquant que la première étude qu’ils entendent mettre en place porte sur l’histoire naturelle de la maladie. Le finan-cement n’est donc pas exclusivement associatif. Dans certains cas, les laboratoires comprennent la nécessité de mettre en place ce type d’études. Tout n’est pas pour autant réglé. De grands besoins de financement demeurent.

Jean PougetJe ne suis pas sûr que les cohortes historiques puissent remplacer le placebo parce que le médicament ne constitue pas le seul élément des prises en charge. La qualité de ces dernières s’est grandement améliorée. Nous disposons de multiples preuves pour montrer que la prise en charge des conséquences de la maladie a significativement influé sur la fonction et la survie. Il convient donc de comparer les choses à qualité de prise en charge équivalente, ce qui peut poser problème dans les essais internationaux. Des référentiels de prise en charge existent, mais ils sont probablement appliqués de manière disparate dans les différents pays. Dans l’évolution naturelle, il convient de tenir compte de l’aspect temporel. Plus l’apparition de la maladie est précoce, plus la maladie sera évolutive. Pour des maladies extrêmement chroniques, la durée d’un essai thérapeutique (d’un à deux ans) ne peut pas rendre compte d’une aggravation « mesurable » dans l’évo-lution naturelle de la maladie. Si l’essai doit durer plusieurs années, des problèmes de coût et de réalisa-tion se poseront. En outre, l’évaluation des maladies d’évolution lente est plus difficile.

Antoine FerryDans la phase d’enregistrement, se posent des diffi-cultés d’évaluation de la qualité pharmaceutique et

Il existe bien évidemment des particularités dues à des difficultés méthodologiques liées aux faibles effectifs, à la mauvaise connais-sance de l’histoire naturelle de la maladie, à la difficulté de se mettre d’accord sur des points de jugement clinique faisant consen-sus. Ces difficultés ne sont pas toutes spécifiques aux médicaments orphelins. Ainsi, les dispositifs médicaux visent souvent de petites populations. Les agences réglementaires et d’évaluation ont compris que la diffi-culté de définir des points de jugement appelle à un dialogue précoce entre les développeurs de nouveaux médicaments et les autorités. Ce dialogue est mené depuis de nombreuses années avec les autorités d’enregistrement. Pour les médicaments orphelins, il s’agit de l’assis-tance protocolaire ou de l’avis scientifique. Depuis 2009, et surtout depuis 2012, les autorités d’évaluation pour le remboursement telles que la HAS se sont aussi engagées dans ce dialogue. L’identification du bon critère de jugement présente une réelle difficulté.Force est de constater que pour les médicaments orphelins mis sur le marché, la qualité des données cliniques disponibles n’a pas toujours été optimale. À l’occasion du 10e anniversaire du règlement médi-cament orphelin organisée à l’EMA, de nombreux cliniciens avaient expliqué et regretté que l’effet de certains médicaments orphelins sur l’évolution clinique des patients n’était toujours pas connu. Il est de notre responsabilité collective de faire en sorte que ce problème ne se pose plus. Les agences d’évaluation prennent leur part sur ce sujet, à la fois par leurs initiatives personnelles et leur travail en commun. Dans la définition des critères de jugement, des dialogues précoces par produit peuvent être conduits. En outre, l’EMA donne la possibilité de qualifier de nouveaux critères de jugement, lorsque les critères exis-tants ne sont pas adaptés. Un suivi dans la vraie vie par des registres ou des cohortes permettra de confirmer que l’évolution clinique a été bénéfique. La situation est encore plus complexe au niveau de l’évaluation en vue du remboursement. L’AMM quantifie le rapport bénéfice/risque, alors que les agences doivent évaluer le gain en santé. Ainsi, nous parta-geons totalement les difficultés des cliniciens dans ce domaine. Nous devons tous travailler ensemble pour essayer de définir les meilleurs critères – un vrai mouvement est en train de s’amorcer en ce sens.

Antoine FerryNous poursuivons la présentation des problèmes rencontrés en cli-nique. La méthodologie statistique est spécifique aux faibles effectifs, ce qui pose un problème de recevabilité réglementaire.Par ailleurs, il faut savoir que certains États-membres, au niveau des comités d’éthique, refusent les comparateurs (placebo, « gold stan-dard » reconnu par l’agence, etc.).Des produits de qualité pharmaceutique doivent être fabriqués pour mener des études cliniques. La production de ces petits lots consti-tue un vrai défi pour les industriels. Les sites disponibles étant peu nombreux à l’échelle européenne, les délais de production peuvent être relativement longs. De plus, les coûts de production sont élevés car les guidelines de fabrication des médicaments (GMP) ne sont pas adaptées au volume de production.

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pharmaceutique commence à s’intéresser aux maladies rares – cette évolution est à saluer. Le marché visé doit cependant présenter une taille minimale pour permettre à la fois le retour sur investissement et la déclinaison des technologies développées sur des pathologies plus fréquentes.Nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins, ce qui explique l’enthousiasme de nos discussions. L’arrivée de nombreuses thérapies innovantes dans des domaines très variés est une vraie bonne nouvelle. Cette évolution conduira à nous interroger sur le poids socio-économique de ces thérapies coûteuses qui seront appliquées à un nombre croissant de malades et de pathologies.

Antoine FerryAprès l’obtention de l’AMM européenne, la phase de commercialisation peut débuter. L’Europe se caractérise par une forte hétérogénéité d’accès aux traitements et aux marchés. Si l’accès au marché est immédiat en Allemagne, l’Italie fait preuve d’une grande lenteur dans ce domaine. En outre, certains pays imposent de mener des renégociations de prix au niveau régional. Les obligations d’études post-AMM et d’études médico-économiques impactent également la durée avant la commercialisation. La directive stipule que le médicament orphelin, en tant que médicament à part entière, doit répondre aux mêmes critères post-AMM que les autres médicaments. En outre tous les États-membres doivent se doter d’une structure nationale de pharmacovigilance et d’une structure d’information médicale, et respecter de nom-breuses contingences réglementaires, même si la patho-logie concerne moins d’une trentaine de personnes en Europe réparties entre cinq à six États-membres. Une concertation devrait être menée avec les autorités de régulation car l’impact financier de ces dispositions est considérable pour les médicaments ultra-orphelins traitant 20 à 40 patients. À titre d’exemple, le coût de ces contingences en Lituanie s’élève à 14 000 euros alors que le pays ne compte aucun malade !S’agissant des systèmes de fixation de prix et de cap-ping sur des données de population incertaines, force est d’admettre que l’utilisation des registres et des cohortes permettrait de disposer de données communes fiables sur lesquelles les industriels et les autorités de régulation pourraient statuer.Par ailleurs, il faut savoir que certains pays ne res-pectent pas la directive européenne en continuant à réaliser des préparations hospitalières, vendues à des prix ridiculement bas. D’un côté, la directive impose le respect d’impératifs de sécurité, de surveillance ; de

de l’efficience de certaines thérapies innovantes. Des efforts doivent encore être faits sur l’appréciation de ces produits.Un problème réglementaire se pose avec les Plans d’Investigation Pédiatrique (PIP) en concordance avec le calendrier général de l’éva-luation du dossier d’enregistrement. Sauf dérogation, le PIP est obli-gatoire avant l’AMM. Le calendrier du CHMP et le calendrier du Comité Pédiatrique se chevauchent, ce qui provoque parfois des situations de blocage très préjudiciables.Par ailleurs, certaines obligations relatives aux Bonnes Pratiques de Fabrication (BPF) ont un impact financier parfois considérable. Les mêmes règles de production doivent être appliquées. Même si le laboratoire ne produit que quatre lots, il doit chaque année en mettre un en stabilité pour avoir les données de stabilité. In fine, les coûts élevés des lots de ces petites séries doivent être amortis sur le prix du produit.

François MeyerLe règlement pédiatrique est issu de la même philosophie que le règle-ment orphelin. Les avantages sont compensés par des obligations. Je comprends les difficultés de faire une concordance. Je m’étonne que le Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC) de l’EMA ne soit pas mentionné sur ce transparent. Il aura peut-être des choses importantes à dire sur les médicaments orphe-lins. Issu de l’ancien groupe de travail de pharmacovigilance, le PRAC est devenu un comité à part entière. Il pourra formuler des demandes d’études supplémentaires après l’AMM, non seulement sur la sécurité, mais aussi sur l’efficacité. Le paysage réglementaire européen s’est considérablement enrichi ; les acteurs sont multiples et leurs inte-ractions nombreuses. Ainsi, je comprends les difficultés que cela peut générer. L’évaluation de l’efficience est nécessaire et bénéfique ; il est nor-mal que la société sache si aux fonds investis dans le domaine de la santé correspond bien un progrès thérapeutique en rapport avec l’effort financier consenti. Il est logique que les citoyens s’assurent que l’argent investi a permis d’obtenir des données probantes et un progrès réel.S’agissant de la qualité et de l’évaluation clinique, nous essayons d’améliorer les choses avec les dialogues précoces et les avis scien-tifiques. Beaucoup d’expérience doit encore être accumulée dans ce domaine. Le concept de l’arrivée en deux temps des nouveaux médicaments (appelés Adaptive pathways) pourrait s’appliquer plus particulière-ment aux médicaments orphelins.

Serge BraunS’agissant des aspects qualité et efficience des thérapies innovantes, nous apprenons en marchant. Dans le secteur des biotechnologies, les standards sont parfois définis avec les inspecteurs parce qu’ils apprennent eux-mêmes de ces technologies. Le dialogue s’est ins-tauré, et doit se poursuivre à tous les niveaux, y compris dans la négociation des prix. Les interactions entre les acteurs sont primor-diales à tous les niveaux du processus de développement. L’industrie

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ont été très peu nombreuses. Une réflexion a débuté sur ce sujet, en veillant à ce que chaque État-membre conserve la liberté de fixer son propre prix et visant à permettre la mise à disposition du médicament dans l’ensemble des pays. Cette réflexion a été accélérée par l’exemple des nouveaux médicaments de l’hépatite C.

Antoine FerryDes obligations réglementaires excessives pourraient générer les risques suivants :• un frein important au développement pour les équipes de recherche ;• un désinvestissement des industriels, notamment sur les projets de repositionnement ou hors brevet ;• une surenchère des coûts réglementaires non amortis-sables pour les industriels.La diminution des investissements représenterait une perte de chance pour les malades et leurs familles.Trois propositions mériteraient d’être étudiées : • le renforcement des recherches épidémiologiques ;• l’introduction d’une certaine flexibilité réglementaire tant en pré-AMM qu’en post-AMM ;• la sécurisation du marché par le respect du cadre juri-dico-réglementaire et de la jurisprudence. ‡

ÉCHANGES AVEC LA SALLE

De la sallePourquoi un traitement dont les études cliniques ont démontré sans équivoque l’efficacité est-il limité en quantité de remboursement, entraînant 50 % de la facture payée par les laboratoires pharmaceutiques, et mettant les professionnels de santé en difficulté vis-à-vis de leurs « fournisseurs » qui pourraient à l’avenir se retirer du marché français ?

Antoine FerryLa notion de capping sous-tend cette question. Le capping du nombre de patients traités par un industriel existe dans de nombreux pays européens ; ce n’est pas une particularité de la France.

Christian DeleuzeLes autorités de santé en France raisonnent en enve-loppe fermée via la loi de financement de la Sécurité sociale. Chaque année, le coût global de tous les médicaments en France doit baisser de 1 à 2 %. Si cette baisse n’est pas respectée, un système de rembourse-ment par les laboratoires est organisé.

l’autre, les pharmacies hospitalières ne sont tenues à aucun impératif. Je ne critique pas pour autant les pharmacies hospitalières. En France, elles s’abstiennent de produire des préparations hospitalières dès lors qu’un médicament est disponible sur le territoire national. Une étude menée aux États-Unis a fait couler beaucoup d’encre sur une contamination provoquant des méningites fongiques. Plus de 700 patients ont été contaminés et 60 personnes sont décédées à cause d’une préparation hospitalière. Quelques études prouvent la variabilité des teneurs de ces préparations. Si un industriel venait à présenter une variabilité du principe actif comprise entre 67 et 268 %, l’EMA serait peu encline à lui accorder un avis positif. Lorsqu’un traitement a été évalué et parfaitement quantifié, la direc-tive doit être respectée. Tous les États-membres n’ont pas encore fait le choix d’interdire les préparations hospitalières dès lors qu’un médi-cament est disponible sur leur territoire national.

Jean PougetEn France, en maladie de la jonction neuromusculaire, un produit fabriqué par la pharmacie de l’AP-HP est passé en fabrication indus-trielle, entraînant une hausse de prix de 20 centimes à 20 euros. Ce facteur de correction est-il justifié par les obligations de la fabrica-tion industrielle ?

Antoine FerryUne succession d’obligations doivent être respectées en production et après l’AMM. L’impact financier de ces obligations, divisé par un petit nombre de patients, explique l’augmentation considérable du prix du médicament. Une simple règle de trois s’applique. En rapportant 2 millions d’euros de dépenses fixes (c’est-à-dire réglementaires) d’un médicament rapportés à une vingtaine de patients, vous obtenez l’impact du coût de traitement de ces obligations réglementaires. La pharmacie hospitalière ne connaît pas cette problématique, parce qu’elle n’est pas contrôlée de la même façon sur le principe actif et sur la qualité de la production ; en outre, elle n’est pas tenue de respecter des obligations en pharmacovigilance.

Jean PougetSur un plan de politique financière, ne vaudrait-il pas mieux améliorer la qualité de fabrication des pharmacies hospitalières plutôt que de confier la production de médicaments à un industriel ?

François MeyerLe règlement est européen. Si une AMM est demandée, le règlement doit s’appliquer. Il y a parfois des réactions très fortes à des diffé-rences de prix paraissant – à juste titre ou non – excessives. S’il y a des mesures mises en place par certains pays qui ne sont pas conformes au règlement, ces mesures doivent être supprimées. Comme nous sommes dans un marché unique, des importations de produits à partir d’un pays où il serait vendu à un prix assez bas vers un pays à prix élevé sont possibles. Ceci est une limite à l’indépendance de la fixation des prix par chaque État-membre. Jusqu’à présent, les collaborations européennes entre décideurs en termes de prix et de remboursement

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Antoine FerryDifférentes modalités d’évaluation – et non diffé-rentes agences – peuvent aboutir à des conclusions différentes. En France, la HAS via la Commission de transparence adresse son évaluation au CEPS. Dans d’autres pays, les commissions sont mixtes. Certains pays disposent même de trois entités, en fonction du type de produit et de son évolution sur le mar-ché. Les systèmes d’évaluation s’appuient sur des critères similaires, mais l’impact économique inter-vient parfois beaucoup plus tôt dans l’évaluation de l’« efficience ».

François MeyerIl est normal que différentes agences aboutissent à des conclusions différentes sur un même dossier. Il en a toujours été ainsi, car tout jugement revêt une dimen-sion humaine. Nous sommes aujourd’hui habitués aux AMM centralisées. Pour rendre une seule conclusion, il faut tous se réunir dans une même pièce. Lors des ren-contres précoces avec les industriels, nous observons de plus en plus que nos convergences sont beaucoup plus importantes que nos divergences.

De la salleLa HAS serait-elle prête à envisager des programmes de risque avec les industriels ?

Antoine FerryLes risques financiers seraient pris par le CEPS, et non par la HAS. Cette question est liée à la problématique du contrat de performance. À titre personnel, je pense que nous devrions travailler sur cet impératif. RARE 2017 sera sans doute l’occasion d’échanger sur ce sujet. ‡

LIENS D’INTÉRÊTA. Ferry déclare avoir une participation financière dans le capital de l’entreprise Laboratoire CTRS et déclare avoir des liens durables avec l’entreprise Laboratoire CTRS.C. Deleuze déclare avoir des liens durables avec l’entreprise Sanofi-Genzyme.F. Meyer, S. Braun, J. Pouget déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

François MeyerSi la population cible d’un médicament a été sous-estimée, une réé-valuation reste possible. Le risque de retrait du marché français est donc limité.

Antoine FerryLe retrait du marché français serait la politique de l’industriel. Il s’agit seulement d’une menace.

Jean PougetLe même système d’enveloppe finie existe aussi pour la tarification à l’activité.

De la sallePouvez-vous nous en dire un peu plus sur les qualification meetings pour validation des critères cliniques ?

François MeyerLes questions posées à l’EMA dans ce cadre (qualification d’un nouveau critère de jugement ou d’une nouvelle approche méthodo-logique pour le développement d’un médicament) sont actuellement faites par une seule firme, dans le cadre du développement clinique d’un médicament donné. Nous faisons pression pour que cette disposition puisse être ouverte à plusieurs laboratoires et que ses résultats ne soient pas confidentiels. En pratique, imaginons que pour une affection donnée deux nouveaux traitements sont en cours d’essai, et que l’utilisation de nouveaux critères d’évaluation, non encore validée, semble nécessaire. Un nouveau critère d’évaluation ou une nouvelle méthode d’évaluation peut être proposée à l’EMA, et probablement demain également aux agences d’évaluation en vue du remboursement.

De la salleLa FDA et l’EMA peuvent-ils avoir des avis discordants ?

François MeyerDes discordances sont possibles, mais des réunions communes sont organisées pour échanger.

De la salleComment expliquer que différentes agences aboutissent à des conclu-sions différentes, alors que le dossier est le même ?

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médecine/sciences 2016 ; 32 (hors série n° 1) : 48-54

m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016DOI : 10.1051/medsci/201632s112

Table ronde 6Quelles sont les responsabilités de la société vis-à-vis des personnes atteintes de maladies rares ?

Gilles RocheLa problématique des maladies rares est fortement liée à l’allocation des ressources. Les contraintes économiques figurent souvent au premier plan, et ce aux dépens d’autres sujets. Les ressources n’étant pas illimitées, il importe de savoir qui décide d’allouer les ressources disponibles à telle ou telle maladie. En fait, nous ne savons pas.Ce ne sont pas les patients, qui sont en concurrence avec d’autres malades. Ce ne sont pas les cliniciens, qui sont les professionnels de première ligne. Ce ne sont pas non plus les industriels, qui sont pourtant des partenaires essentiels de la santé publique. Ce ne sont pas les politiques ni le législateur, qui suivent théoriquement ce que souhaite la population. En fait, c’est la Société qui décide. Comme la décision appar-tient à tout le monde, le risque serait de penser qu’elle n’appartient à personne. Ce n’est pas vrai. La Société est un ensemble de groupes de personnes qui s’expri-ment de façon extrêmement diffuse et complexe. Toute personne a le droit d’exprimer son point de vue et de le porter devant le décideur – cela s’appelle le lobbying, au bon sens du terme. Ensuite, il appartient au décideur d’évaluer en toute intégrité de ce qu’il faut faire en confrontant tous les avis et en essayant de satisfaire le plus de gens possible. Ainsi, se déroule le processus démocratique.Au cours de cette table ronde, nous aborderons plu-sieurs sujets. Le premier est celui-ci : le critère de rareté est-il pertinent ? La notion de « maladies rares », telle un paquet commun et un ensemble de politiques, a-t-elle un sens ? Un cancer rare est-il plus proche des autres cancers ou d’autres maladies rares ?

Brigitte ChabrolJe parlerai plutôt d’une maladie neurologique rare par rapport à une maladie neurologique plus fréquente, ou d’un handicap très rare par rapport à un handicap d’origine plus fréquente.

La table ronde est animée par Gilles Roche (Eurobiomed)

Participent à la table ronde : Florence Bordon-Pallier, GenzymeBrigitte Chabrol, Neuro-pédiatre, Aix-Marseille UniversitéPierre Le Coz, philosophe, espace éthique méditerranéen/UMR 7268 ADES/AMU/EFS/CNRSAnne-Sophie Lapointe, Eurordis/VMLVololona Rabeharisoa, sociologue, PSL MINES ParisTech

Il faut surtout savoir le décliner dans la relation individuelle qui caractérise la relation médicale entre le patient et son médecin. Qu’il s’agisse d’une cause extrêmement rare ou plus fréquente, la démarche médicale doit rester dans des règles de base identiques pour tous, c’est-à-dire partir d’une réflexion pour tirer une hypothèse qui doit être confirmée avant d’établir un diagnostic, celui-ci constituant la plate-forme indispensable pour mettre en place une prise en charge. L’expérience et la compétence du médecin qui reçoit le patient sont très importantes pour définir une organisation des soins. La question doit être posée à ce niveau plus qu’à la rareté de la maladie.Une maladie très rare est mal connue, alors qu’une maladie fréquente est plus connue. C’est vrai dans la population générale médicale. Comme je ne vois que des enfants porteurs de maladies très rares, mon domaine de compétence concerne beaucoup plus les maladies très rares que les maladies très fréquentes.Par conséquent, un circuit bien déterminé et une très bonne orien-tation importent plus que la notion de rareté. Le médecin doit savoir reconnaître ses limites de compétence pour orienter le patient vers un circuit déterminé et lisible.

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lien avec la vision sociétale pour l’équité des soins entre malades.

Anne-Sophie LapointeJe m’insurge totalement contre l’expression « enfant gâté ». Les personnes atteintes de maladies rares ont une double peine. Ils sont non seulement malades, mais aussi la rareté de leurs maladies complexifie le dia-gnostic et les isole davantage. Les soins liés aux maladies rares sont chronophages. La tarification à l’acte (T2A) n’est sans doute pas valori-sée suffisamment pour ces actes spécifiques.

Vololona RabeharisoaL’expression « enfant gâté » pose la question de prio-risation des problèmes de santé de façon provocatrice sans la traiter au fond. Les personnes qui fument, qui ont un cancer des poumons et qui sont traités pour cette maladie pourraient aussi être considérées comme des enfants gâtés de la médecine. Lorsque l’épidémie de Sida a commencé, d’aucuns considéraient que les malades n’auraient pas dû se livrer à certaines pratiques dont les conséquences médicales coûtent cher à la société. Les personnes atteintes de maladies rares ne sont pas des enfants gâtés car elles ont été longtemps igno-rées. Des efforts spécifiques sont désormais faits à leur endroit. La question de l’équilibrage des priorités publiques et de l’allocation des ressources s’en est trouvée transformée.En effet, il faut reconnaître que ce qui a été fait pour les maladies rares, par exemple en termes de soins, a des effets sur la prise en charge d’autres pathologies. Les recherches que j’ai effectuées avec mes collègues montrent, par exemple, que des associations concernées par des maladies non rares se réfèrent à ce qui est fait pour les maladies rares, et réfléchissent à la transposition de certaines solutions, par exemple les centres de référence.

Pierre Le CozPour prolonger ce qui a été dit, il faut rappeler que l’une des caractéristiques de la maladie rare est d’être souvent précédée par une période d’errance diagnos-tique qui retarde la prise en charge. Cet aspect a été fortement souligné par Marie-Hélène Boucand qui a soutenu cette année une thèse sur les maladies rares. L’enquête qu’elle a menée pendant trois ans a montré que les patients subissent des dommages psychiques spécifiques car leur maladie suscite autour d’eux peur, intrigue et incrédulité. Ils sont soulagés de savoir que leur maladie a un nom après une longue errance diagnostique. Après cette phase où ils retrouvent un peu espoir, les patients se rendent compte que les

Gilles RocheLe critère « maladies rares » n’est donc pas fondamental, mais il ne faut pas le jeter non plus.

Vololona RabeharisoaMon point de vue sera peut-être différent et complémentaire. Le cri-tère de rareté est-il pertinent pour définir une politique publique spé-cifique à ces maladies ? Ma réponse sera en deux temps. En tant que critère d’action politique, la rareté est un critère pertinent. En effet, il a permis à des populations invisibles de devenir visibles, car on les a comptées. Or, la politique est une affaire de compte, au sens noble du terme : on compte les gens pour faire en sorte qu’ils comptent dans les affaires publiques. Le critère de rareté, qui est un critère épidé-miologique conventionnel, permet de faire compter des problèmes qui longtemps n’ont pas été pris en compte. Une fois que ce critère est établi comme critère de politique publique, la question de ce que cela produit se pose. Après plusieurs décennies de politiques spécifiques aux maladies rares, en particulier en France, il importe de s’interroger sur ce que ces politiques redistribuent vers la société, sous forme de bénéfices en matière de recherche, de ges-tion des affaires publiques pour d’autres catégories de pathologies et d’autres populations de malades.Le critère de rareté est tout à fait pertinent, pour autant qu’il soit discutable.

Anne-Sophie LapointeLe critère de rareté est pertinent dans le sens où il répond à des besoins. Les besoins non couverts dans le champ des maladies rares sont plus importants que pour des maladies plus communes : errance de diagnostic, maladies peu connues, malades isolés, absence de trai-tements. Au cours de ces 15 dernières années, la prise en compte de ce critère de rareté et de ses conséquences a permis de répondre à des besoins. Les deux PNMR et le règlement de 1999 sur les médicaments orphelins ont pris en compte ce critère pour répondre aux besoins, notamment celui d’avoir des thérapies.

Gilles RocheLa notion de maladies rares a permis de les rendre visibles et de s’en occuper. Après avoir été négligés, les patients atteints de maladies rares seraient-ils paradoxalement devenus les enfants gâtés de la médecine, comme j’ai pu l’entendre dire de façon surprenante ?

Brigitte ChabrolL’expression « enfant gâté » est provocatrice et non adaptée car ces personnes sont atteintes d’une maladie rare. L’organisation des soins très particulière mise en place grâce aux deux PNMR assure une recon-naissance et une lisibilité bien meilleures. En outre, la distribution sur le territoire national a considérablement évolué ces dernières années. Par ailleurs, les organisations mises en place ont permis de renforcer des équipes. Il ne faudrait pas que cette évolution s’opère au détri-ment d’autres équipes, car les ressources en termes de soins courants, d’équipes de soignants et de médecins sont limitées. Ce sujet est en

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celle des utilitaristes. La vision populationnelle de l’homme doit sans cesse être mise en balance par la vision personnalisée de l’homme pour éviter d’entrer dans une logique sacrificielle

Gilles RocheL’approche utilitariste nous ramène rapidement à des raisonnements économiques. Or, les études d’efficience doivent inclure des questions qui ne sont pas purement économiques.

Florence Bordon-PallierNous parlons de besoins médicaux, de traitements, des besoins des patients. Si j’étais dans un fauteuil roulant, je trouverais sans doute que les innovations permettant d’accéder à mon domicile, de pouvoir écouter de la musique et d’utiliser un GPS devraient être prises en compte dans l’évaluation médico-économique de ma maladie.

Anne-Sophie LapointeJe m’inscris beaucoup plus dans l’idée d’efficience que dans la logique du plus grand nombre. Pour être effi-cient, il faut travailler par rapport à la singularité de la personne et aux besoins pertinents par rapport à la maladie. Ces besoins et critères pertinents doivent être remontés par les personnes malades et leurs proches. Ces critères donneront la valeur et l’efficience du médi-cament. Ils doivent pouvoir être utilisés dans l’évalua-tion thérapeutique du médicament et ensuite lors de cette évaluation en vie réelle. Cette somme des singula-rités doit être appréhendée en prenant en compte cette somme d’expérience des patients. Le grand nombre n’apporte pas forcément la qualité du produit. Ce qui compte, c’est d’être assuré d’avoir de bons critères d’évaluation en dehors du critère principal d’innocuité du médicament (safety). Dans ce contexte, les données de qualité de vie des personnes malades devraient pou-voir être mieux prises en compte dans les évaluations d’efficacité des traitements thérapeutiques.

Gilles RocheNous fonctionnons avec une enveloppe de ressources finie. De nombreuses ressources ont été mobilisées pour les maladies rares. À l’échelle de la société, cette allocation de ressources a-t-elle été efficace ? Les contribuables s’y retrouvent-ils ?

Vololona RabeharisoaDes évaluations seront sans doute nécessaires pour répondre à votre question. Mais pour reprendre ce que Anne-Sophie Lapointe vient de dire, je trouve la notion

thérapeutiques sont généralement limitées. Ils épuisent leur temps et leurs ressources à essayer de se faire reconnaître comme des per-sonnes à part entière au sein de la cité.

Florence Bordon-PallierLa notion de rareté n’est pas pertinente d’un point de vue individuel, car un malade atteint d’une maladie rare ou fréquente est un malade. Du point de vue du traitement, le fait d’être atteint d’une maladie rare ou fréquente n’assure pas qu’elle puisse être traitée et que le traite-ment soit accessible.

Gilles RocheIl existe des maladies rares et des maladies ultra-rares. Si la société a 100 euros à dépenser en recherche, en développement de produits ou en paiement des médicaments et la prise en charge, faut-il privi-légier l’égalité de l’accès à la prise en charge individuelle de tous les patients, y compris ceux qui ont une maladie rare ? Ou la société doit-elle raisonner au niveau global en allouant ces 100 euros de manière aussi efficace que possible, probablement en mettant cette somme plutôt sur une maladie fréquente ?

Pierre Le CozLa valeur de justice admet deux composantes qui coexistent par-fois avec difficulté : l’égalité et l’équité. L’égalité signifie que quels que soient son âge, sa maladie, son statut socio-économique, l’être humain a une valeur absolue. Notre dignité n’est pas tributaire des contingences. L’égalité implique que la société fasse des efforts pour réduire les disparités entre les bien-portants et les malades. La justice consiste donc à lutter contre les discriminations, à affaiblir les écarts entre les patients et les autres membres de la société.La justice présente aussi une composante d’équité. Par exemple, si je suis professeur à la faculté de médecine, l’égalité signifie pour moi que tous les étudiants ont droit aux mêmes enseignements. Mais le sens de l’équité implique qu’à l’issue du concours, seuls les 10 % qui auront le plus souffert et lutté contre la tentation du divertissement auront réussi. Grâce à l’étalon du mérite, il est possible de hiérarchiser les étudiants sans attenter au principe de justice. Or, en matière de santé, il n’est pas possible d’utiliser le critère du mérite. Les égalitaristes-déontologistes mettent plutôt l’accent sur le fait qu’on ne peut jamais complètement calculer les conséquences, que celles-ci sont souvent aléatoires, qu’un effet microscopique pro-duit par une recherche sur une maladie rare peut avoir un effet en cascade sur des maladies plus fréquentes. De leur côté, les utilitaristes cherchent à produire le plus grand bon-heur pour le plus grand nombre de personnes, ce qui conduit, dans le domaine de la santé, à réduire le plus possible de souffrances chez le plus grand nombre de patients. Le bonheur de tous n’étant pas possible, des décisions difficiles de priorisation doivent parfois être prises, en privilégiant par exemple les personnes qui ont une plus grande espérance de vie.Le bon positionnement éthique se situe entre l’égalité que représente l’école de pensée déontologiste, et l’équité qui est représentée par

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Anne-Sophie LapointeLa question de l’autonomie des associations se pose. Il leur appartient d’être inventives pour aller chercher de nouveaux modes de financement. De jeunes associa-tions inscrivent leur action dans une dynamique extrê-mement positive, notamment à travers du crowdfun-ding. Les associations les plus connues sont présentes depuis la fin des années 1950.

Gilles RocheJe pensais à la maladie de Charcot, avec le célèbre joueur de baseball Lou Gehrig. Sans cette célébrité, la collecte de fonds aurait été autrement plus difficile. Est-ce juste ?

Pierre Le CozLe lobbying suscite certaines inquiétudes chez nos concitoyens qui ont l’impression que des décisions touchant l’intérêt général se jouent dans des couloirs, ou que les dossiers sont livrés à des rapports de force, à des relations intertribales. Le lobbying comporte la menace d’empêcher l’expression de la volonté générale, qui est le fondement de la loi dans un État de droit. Le groupe d’intérêt qui prédomine est celui qui parle le plus fort sur la place publique. Dès lors, l’universalité républicaine se trouve biaisée. Pour éviter ce travers, une éthique de la discussion – c’est-à-dire une bonne représentativité de tous les lobbyings – est nécessaire. Il faudrait, de plus, veiller à la traçabilité des fonds et à l’équité de répartition des milieux associatifs pour pondérer le risque de disparités.

Gilles RocheLe principe est intéressant, mais sa gestion pratique pose question.

Anne-Sophie LapointeEn matière d’équité, nous avons besoin de locomo-tives. Certaines associations ont entraîné une dyna-mique positive dans le mouvement des maladies rares. Celui-ci se serait structuré de manière bien différente sans l’AFM-Téléthon à la fin des années 1980. L’AFM-Téléthon a en effet beaucoup poussé les associations à se créer pour que les gens s’autonomisent et se prennent en charge par rapport à leur pathologie. Ce mouvement d’impulsion était très positif et le reste encore. Il est à noter que le règlement de 1999 pour le médicament orphelin doit beaucoup à l’action impor-tante d’Eurordis. Eurordis a été créé en 1997 grâce à l’action conjointe de Vaincre la Mucoviscidose, la Ligue contre le Cancer, l’AFM-Téléthon et Aides. Il y a un réel accompagnement et une transmission de savoirs et de

de rareté intéressante car elle oblige à s’interroger sur la singularité de la situation de la personne, à la fois au plan médical et au plan social. Le vrai défi des systèmes de santé, mais aussi des systèmes d’éducation, est de faire en sorte que la singularité soit au cœur de l’action tout en se souciant de la transposition possible d’une action ou d’une solution vers d’autres situations. L’enjeu est de faire en sorte que la singularité d’une situation puisse nourrir des réflexions sur les solutions à mettre en place dans d’autres situations. Cette logique, qui peut paraître abstraite, est en train de se développer dans différents secteurs de l’action publique.

Pierre Le CozLa singularité se reflète sur le visage. L’éthique commence lorsque nous levons les yeux sur le visage de l’autre : tel est l’enseignement qui nous a été légué par Emmanuel Lévinas. Dans l’univers de la santé, nous avons parfois tendance à raisonner en termes de retour sur inves-tissement et à nous focaliser sur la traçabilité. La démarche médicale risque alors d’être dévoyée par l’intelligence administrative, parasitée par une logique gestionnaire et protocolaire. Le risque est alors de dissoudre l’humanité du patient dans des procédures et des items. Cette intelligence désincarnée nous conduirait presque à oublier que la personne a un visage. Quand une famille ne paie pas son électricité, un agent administratif n’aura pas tellement de difficulté à décider de faire couper le courant ; il en sera tout autrement pour le techni-cien qui se rendra sur place et croisera le visage de la mère et de ses enfants. Le médecin se retrouve parfois dans la même situation que le technicien. La responsabilité pour autrui est le cœur de métier du médecin et lui assigne sa vocation humaniste.

Brigitte ChabrolJe souhaiterais revenir sur la question initiale relative à l’impact médico-économique. L’organisation des soins est prédéterminée. En revanche, l’évaluation de l’apport ajouté pour un malade et sa famille des pres-criptions proposées. Un joli travail a été réalisé sur une population d’enfants polyhandicapés suivis à Rabat au Maroc sans kinésithérapie et sur une population d’enfants suivis à Paris avec des protocoles extrê-mement clairs. En termes de qualité de vie, de rétraction de douleurs, les résultats observés chez les deux populations étaient comparables, voire plus positifs à Rabat. Au sein de familles marocaines totalement impliquées, les grands-mères continuaient à faire des massages avec de l’huile d’argan matin et soir. L’apport des sciences humaines doit être pris en compte dans les soins chroniques que nous mettons en place. Nous devons vraiment sortir d’un schéma classique.

Gilles RocheDes ressources ont été allouées aux maladies rares. Pour autant, celles-ci ne sont pas toutes logées à la même enseigne. Si un enfant de star est atteint d’une maladie donnée, celle-ci bénéficiera d’une reconnaissance extraordinaire, voire de ressources financières sup-plémentaires. Les associations de patients qui n’ont pas de star ou qui n’ont pas su médiatiser leur cause disposeront de ressources plus limitées. N’y a-t-il pas là une certaine injustice ?

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entre autres, s’est interrogé sur la construction d’une société qui ne repose plus sur les liens traditionnels de solidarité. Avec le recul, il semble que le foisonnement des associations a permis d’empêcher l’atomisation sociale. L’association a été le chaînon manquant entre l’individu et l’État. Certes, l’individu tend à délaisser l’intérêt commun, mais il peut encore s’intéresser à la société via des micro-groupes dans lesquels il s’implique. Le milieu associatif peut toutefois conduire à des excès lorsqu’il est traversé par des courants militantistes. Ainsi, lors des débats sur la loi de bioéthique en 2004, certaines associations ont cherché à inciter le légis-lateur à autoriser le clonage thérapeutique, qui était censé affranchir les patients de toutes sortes de mala-dies incurables. Aujourd’hui, plus personne n’évoque cette solution. Par ailleurs, le déficit de recherche sur les embryons a été, à l’époque, présentée comme un obstacle à la mise au point de nouvelles thérapeu-tiques. Or, on sait que, depuis la fin des années 1990, l’Angleterre n’a pas fait de progrès significatifs dans la mise au point de thérapeutiques à partir de recherche sur l’embryon. Il apparaît ainsi, avec le recul, que les difficultés que rencontrent les chercheurs ne tiennent pas au simple fait que la loi pose des limites. Il ne suffit pas de changer la loi pour changer le destin des malades.

Gilles RocheLa société française alloue un certain nombre de ressources aux maladies rares pour la recherche fon-damentale, le développement de médicaments et de moyens de prise en charge, et la prise en charge des produits à disposition. Les ressources allouées ont-elles permis de répondre aux vrais besoins médicaux ?

Florence Bordon-PallierLa recherche et le développement avancent avec des hypothèses que les chercheurs testent. Les ressources ont bien été utilisées puisque les outils mis en place permettent d’augmenter le niveau de connaissance. En outre, les chercheurs ont à leur disposition de nouvelles hypothèses à tester qui pourraient mener à de nouvelles thérapeutiques permettant d’améliorer la qualité de vie des patients. J’ai l’impression que nous sommes aujourd’hui dans la bonne dynamique.

Brigitte ChabrolAu niveau de l’organisation hospitalière, la tarifica-tion particulière qui est appliquée incite les équipes médicales à avoir des attitudes quelque peu « schi-zophréniques ». Au cours d’une même consultation de

connaissances entre les plus grosses associations et des plus petites. Les réunions inter-membres de l’Alliance Maladies Rares (Rime) servent à partager les informations et à former toutes les associations maladies rares qui le souhaitent.

Gilles RocheNous parlons de la responsabilité de la société vis-à-vis des patients qui ont une maladie rare. À l’inverse, les associations de patients ont-elles une responsabilité vis-à-vis de la société ? Le militantisme d’un groupe peut-il aller contre l’intérêt global de la société ?

Vololona RabeharisoaLe lobbying est une activité professionnelle reconnue qui répond à une codification précise, sauf en France. Les lobbies sont des acteurs parmi d’autres, et il ne faut pas confondre lobbying et construction de nos intérêts collectifs. Ceux-ci se construisent ensemble par des discus-sions, des négociations et, parfois, des renoncements ; ils ne sont pas posés tels quels devant nous. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, je dirais qu’il en va de même de nos intérêts particuliers : ils ne sont pas donnés ; nous les découvrons en discutant avec d’autres. Telle suggestion faite par un tel peut nous conduire à prendre conscience de nos intérêts individuels. Pour sortir des oppositions, il faut remettre au cœur de la discussion les modalités que nous nous donnons pour construire ensemble nos intérêts collectifs.Les associations de patients ont bien sûr un devoir vis-à-vis de la société puisqu’elles sont les porte-parole des malades qu’elles réu-nissent. Les recherches que j’ai menées avec mes collègues montrent que les associations remplissent pleinement leur devoir vis-à-vis de la société : elles prennent leur part dans l’effort collectif, discutent au sein de comités des modalités de prise en charge des malades, réflé-chissent à la portée de leurs actions. Mais j’aimerais ajouter que chacun doit exercer ses responsabilités, en veillant à éviter que les uns se substituent aux autres. En particulier, les autorités publiques, dont je déplore l’absence à cette table ronde, ont un rôle à jouer et devraient contribuer à cette réflexion collective ; les cliniciens ont aussi leur rôle à jouer. La difficulté est de trouver les bonnes modalités pour définir ensemble qui fait quoi.

Gilles RocheNous avons invité plusieurs députés à cette table ronde, mais aucun n’a répondu présent. Les représentants de l’autorité publique ont été particulièrement absents à cette édition de RARE, alors qu’ils ont davantage participé aux éditions précédentes de RARE. Les autorités publiques sont dans une sorte de psychose à l’idée de se « compro-mettre » dans des événements auxquels participent des représentants de l’industrie pharmaceutique. Espérons que cet état d’esprit ne durera pas.

Pierre Le CozAu XIXe siècle, des sociologues et des philosophes se posaient la ques-tion de savoir si la démocratie naissante, basée sur la souveraineté de l’individu, n’allait pas s’atomiser et se démembrer. Tocqueville

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message : elle est capable de faire preuve de démesure par amour pour l’humanité.

Gilles RocheQuand on fait venir un enfant d’Afrique subsaharienne pour l’opérer d’une cardiopathie congénitale, on peut se demander si la même somme pourrait être utilisée à nourrir des enfants et à traiter des diarrhées infec-tieuses. Le débat sur l’allocation des ressources est compliqué car l’arbitrage entre l’individu et le groupe est difficile.

De la salleOn parle beaucoup des fonds consacrés à la recherche et aux médicaments, mais qu’en est-il des aides pour le quotidien des patients et de leur famille ?

Gilles RocheAu cours de notre discussion, nous n’avons pas fait de distinction entre la recherche, le développement, le remboursement des médicaments, le diagnostic, etc. Nous n’avons pas exclu les aides pour le quotidien.

Pierre Le CozEffectivement, l’amélioration de la santé de la popu-lation ne se réduit pas à la recherche biomédicale et à la distribution de médicaments ; elle doit conduire à mettre en œuvre tous les moyens susceptibles d’apaiser les maux du quotidien (ergothérapie, amé-nagements urbains, etc.). Selon la définition de la santé donnée par l’Organisation mondiale de la santé, la santé est « un état complet de bien-être physique, mental et social ». Il s’agit d’une définition maxima-liste, peut-être un peu trop ambitieuse. La définition de la santé par la négative comme « absence de maladie ou de handicap » pourrait déjà constituer un louable objectif. Si les hommes pouvaient déjà s’en tenir à un principe de non-malfaisance, c’est-à-dire se dispenser d’aggraver la souffrance que la vie se charge de leur imposer, ce serait déjà un grand progrès pour l’humanité.

De la salleLe mot « démocratie » n’a pas été prononcé au cours de cette table ronde.

Vololona RabeharisoaEn philosophie politique, la démocratie revêt deux sens. Le premier est l’égal accès de tous aux biens communs. Le second pose la question de la prise en compte de la voix de tous dans la fabrication des biens communs. Le critère de rareté est très intéressant parce qu’il lie ces

30 minutes, elles peuvent en effet passer d’un paiement à l’acte puis à une MIG ; et bientôt elles appliqueront le schéma pour les handi-caps rares. La situation est donc complexe. L’argent dépensé a permis d’améliorer l’état des hôpitaux publics et l’organisation des soins, ce qui profite à l’ensemble des patients. L’évaluation finale de toutes ces actions – en vue de leur reconduite – me semble particulièrement complexe.

Vololona RabeharisoaLa question de la bonne allocation des ressources est une question classique d’économie politique ; elle n’est pas propre aux maladies rares. Cette question renvoie à une seconde question : la population générale a-t-elle un égal accès aux services de soin ? Ma réponse à cette question sera nuancée. En France, l’accès aux soins est pro-bablement sans égal par rapport à d’autres pays. Cependant, tout dépend de ce qu’on appelle soin, et ici, je voudrais prolonger les remarques de Brigitte Chabrol.L’un de mes anciens doctorants, Pierre-André Juven, a réalisé une thèse remarquable sur l’histoire de la T2A dans les hôpitaux publics et privés en France, thèse pour laquelle il vient d’obtenir le Prix Le Monde de la recherche universitaire 2015 en sciences humaines et sociales et qui sera publiée aux Presses Universitaires de France. Il a en particulier étudié une action menée par l’association Vaincre la Mucoviscidose qui s’était émue du fait que la T2A avait tendance à jouer en défaveur d’activités de soins non techniques et non réalisées à l’hôpital en pré-sence du malade, par exemple la coordination de l’équipe infirmière avec l’école, l’éducation thérapeutique du patient, l’accompagnement des familles. Ces soins (au sens de « care » en anglais) ne figurent dans aucune comptabilité. Les ressources sont probablement bien allouées si l’on s’en tient aux actes techniques. Mais si on considère l’ensemble des activités nécessaires à une bonne prise en charge des patients, dont les effets sur la qualité de vie et le bien-être au quoti-dien sont importants, on peut légitimement se demander ce à quoi les ressources ont été employées.

Anne-Sophie LapointeCompte tenu des contraintes budgétaires actuelles, les ressources consacrées au développement de médicaments doivent être allouées sur la base de critères pertinents pour le malade ; ainsi, le gâchis dans des essais cliniques mal construits serait évité et l’efficacité du médi-cament pourrait mieux être évaluée.

Pierre Le CozEn dehors des questions d’allocations des ressources, on doit tenir compte des bénéfices symboliques. Par exemple, en novembre 2005, une greffe de la face a été réalisée dans le Nord de la France. Si on raisonne en termes utilitaristes, on dira que les millions d’euros investis dans cette opération auraient pu être utilisés pour résorber une plus grande quantité de souffrances. Au lieu de faire ce calcul, l’équipe médicale a pris en compte la singularité de la personne ; elle l’a envisagée sous l’angle de sa dignité, de sa valeur inconditionnelle. À travers cette opération, la société s’est adressée à elle-même un

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patients. Les premières n’apportent pas que des traite-ments aux maladies, mais elles offrent aussi une écoute et une aide à tous les acteurs qui accompagnent les patients.En tant que partie intégrante de la société, les entre-prises ont une responsabilité. Notre entreprise base sa responsabilité sociétale sur plusieurs piliers, et notamment la planète, l’éthique (en particulier dans les essais cliniques) et les patients.

Gilles RocheIl est bien de rappeler que les entreprises prennent très au sérieux leur responsabilité sociétale et dédient des équipes à ce domaine.Nous arrivons au terme de cette table ronde, et nous remercions chaudement nos experts pour leur engagement, et la salle pour sa participation. ‡

LIENS D’INTÉRÊTFlorence Bordon-Pallier déclare être salariée de l’entreprise Sanofi-Genzyme.G. Roche, V. Rabeharisoa, B. Chabrol, P. Le Coz, A.S. Lapointe déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

deux définitions. Il a permis à une population longtemps à la marge des espaces communs d’accéder à la connaissance et à la reconnais-sance, à la médecine, à la citoyenneté pleine et entière. Dans le même mouvement, le critère de rareté a constitué un ferment très important de la démocratie au second sens que je viens de donner, c’est-à-dire qu’il a permis de donner la parole et de faire compter des individus qui étaient jusqu’ici sans voix. Nous devrons, je crois, faire advenir davan-tage encore cette seconde définition de la démocratie afin d’entendre ce que les personnes à la marge de nos espaces communs ont à nous dire. Il s’agit là du plus beau défi que nous offrent les personnes atteintes de maladies rares.

Brigitte ChabrolCette table ronde reflète très bien l’intérêt du « travail ensemble ». Chacun dans son domaine de compétence permet à tous d’avancer dans le même sens. Le travail mené avec les associations depuis ces dernières années a permis aux médecins de les connaître. Les associations ne sont pas uniquement des acteurs de lobbying. La connaissance du quotidien des patients permet d’essayer de les soulager au mieux.

Florence Bordon-PallierIl est très important de souligner que nous travaillons tous ensemble. Les entreprises ont appris à travailler avec des associations de

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m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016DOI : 10.1051/medsci/201632s113

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Xavier TabaryAu cours de ces rencontres – une première pour ce qui me concerne – j’ai entendu des échanges très riches et intelligents. L’humanité qui se dégage de ces rencontres m’a procuré un grand bonheur. Je vous donne rendez-vous en 2017, car Eurobiomed continuera à soutenir ces rencontres sur les maladies rares. ‡

Didier LacombeNous remercions beaucoup Gilles Roche et Caro-line Morel. Ces rencontres revêtent aujourd’hui une importance significative et devront se poursuivre afin de permettre les échanges entre acteurs du monde aca-démique, du monde associatif et du monde industriel dans le domaine des maladies rares.

Conclusions des rencontres RARE 2015

www.medecinesciences.org

À retourner à : EDP Sciences - Service abonnement17, avenue du Hoggar - P.A. de Courtaboeuf - 91944 Les Ulis Cedex A, France

Tél. : +33 (0)1 69 18 75 75 - Fax : +33 (0)1 69 86 07 65 - [email protected]

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N° P36 Une enquête nationale pour mieux décrire le paysage des bases de données existantes dans les centres de référence maladies raresCéline Angin1, Amélie Ruel1, Claude Messiaen1, Rémy Choquet1,2, Paul Landais3

1Banque Nationale de Données Maladies Rares (BNDMR), Paris ; 2LIMICS, Inserm UMRS_1142 ; 3BESPIM, CHU de Nîmes, France [email protected] centres maladies rares doivent à la fois assurer une mission de soin, de recherche et de surveillance épidémiologique. Pour répondre à ces besoins, une multitude de bases de données, aux finalités différentes, ont été créées. Mais leur grand nombre et l’absence d’interopérabilité rend leur mise en œuvre (collecte, qualité, exploitation) et leur maintenance difficiles. La mise en place de la BNDMR et des filières de santé à l’occasion du PNMR2 sont une opportunité pour mieux appréhender le paysage des bases de données maladies rares. Ainsi, une enquête auprès des centres de référence, avec l’appui des FSMR, a été menée du 20 mai au 30 juin 2015. L’objectif était de mieux décrire les bases de données, leurs finalités, les catégories de données collectées et la charge de travail induite pour la collecte et l’exploitation de ces bases. Au 10 juin 2015, 128 bases de données avaient été recensées. Une grande disparité était observée entre les filières, qui identifiaient de 1 à 25 bases. Les résultats seront analysés en regard des autres recensements effectués par Orphanet et le portail des registres d’AVIESAN. Les données consolidées seront présentées en septembre 2015 à l’ensemble des acteurs. Cette enquête permettra de mieux décrire le paysage des bases de données nécessaires aux professionnels des centres maladies rares pour les missions qui leurs sont confiées. Des stratégies nationales pourront ainsi être établies par les FSMR pour les pro-chaines années : nouveau recueil, adaptation de bases existantes, mutualisation de bases et de ressources entre centres et sites. La multiplication des outils est un frein à leur mise en œuvre effec-tive et le grand nombre de maladies ainsi que la spécialisation des réseaux rendent cependant leur intégration difficile. Des outils d’interopérabilité sont proposés par la BNDMR mais ne couvrent pas tout le champ des besoins recensés. LIENS D’INTÉRÊT : AUCUN.

N°P38 OrphanDev, plate-forme accélératrice du développement des médicaments orphelinsMarine Berro, Cécile Colomban, Olivier Blin OrphanDev, PiiCi-INT Secteur de Pharmacologie Intégrée et Interface Clinique et Industrielle-Institut des Neurosciences de la Timone (Aix-Marseille Université et UMR 7289 CNRS), Marseille, France www.orphan-dev.orgEn 2000, la communauté européenne a mis en place la désignation médicament orphelin (ODD) afin d’inciter les laboratoires pharma-ceutiques à développer des thérapies dans les maladies rares. 15 ans après sa mise en place, ce dispositif est un succès, avec 1 406 ODD accordées par la Commission européenne, et 97 Autorisations de Mise sur le Marché (AMM) obtenues. Cependant, il reste mal connu du secteur académique alors qu’il est souvent à l’origine de l’établisse-ment de la preuve de concept et de la création des start-up ou PME. L’obtention de l’ODD au cours du développement d’une molécule dans une indication rare permet de bénéficier de nombreux avantages sur le plan scientifique et financier : bénéficier de réduction des charges (gratuit pour les PME) pour le « protocol assistance », la demande d’AMM, et de 10 ans d’exclusivité commerciale après l’AMM. Tenir compte des recommandations de l’Agence Européenne du Médicament (EMA) (protocol assistance) permet de réduire le temps d’évaluation des dossiers de demande d’AMM, le nombre d’objections majeures, et d’améliorer les chances de succès des dossiers. Selon un bilan de l’EMA, près de 30% des dossiers déposés n’obtiennent pas l’ODD (opi-nion négative ou retrait des dossiers au cours de la procédure). Ces données mettent en évidence : 1) la nécessité d’expertiser les dossiers en amont afin d’estimer leur recevabilité ; 2) l’intérêt d’être accom-pagné par une structure spécialisée dans ces démarches. OrphanDev, plate-forme nationale labellisée FCRIN, est spécialisée dans les essais cliniques maladies rares. Elle a pour vocation d’accélérer le dévelop-pement des thérapeutiques orphelines. Elle a mis en place des outils pour informer les acteurs du domaine (fiche pédagogique ; formation « Orphan Drug & Rare Diseases Seminar »). En 2014, OrphanDev a accompagné 11 porteurs de projet jusqu’à l’obtention de l’ODD, parmi lesquels 6 ont répondu à l’appel à projet H2020 New therapies for rare diseases. LIENS D’INTÉRÊT : AUCUN.

Résumés des posters sélectionnés et présentés à RARE 2015

N° P42 Formations « explique-moi les essais cliniques » : principes des essais cliniques enseignés aux membres d’associations de malades dans le champ des maladies raresCécile Colomban1, Marine Berro1, Yolande Adjibi1, Leïla Bachir2, Allan Wilsdorf3, Eric Balez3, Laurent Chiche4, Marion Mathieu5 1OrphanDev (INT, AMU et CNRS UMR 7289), Marseille ; 2F-Crin (Inserm UMS 015), Toulouse ; 3Association François Aupetit, Paris ; 4Hôpital Européen, Marseille ; 5Tous Chercheurs, Marseille, France [email protected] Introduction : Les associations de patients jouent un rôle grandissant dans les essais cliniques. Elles peuvent faciliter la diffusion de l’infor-mation concernant la mise en place d’un essai clinique et motiver la participation. Une meilleure connaissance des principes des essais cliniques est souhaitable, notamment dans le domaine des maladies rares. L’association Tous Chercheurs, OrphanDev/F-CRIN, et l’Asso-ciation François Aupetit (AFA) ont initié, en octobre 2014, le projet novateur « Explique-moi les essais cliniques » sur le thème des essais cliniques dans le champ des maladies rares. Méthode : Le projet comportait deux volets : d’une part, la mise en place d’une formation et, d’autre part, la réalisation d’un film. L’objectif de la formation, d’une durée de deux jours, était de donner des clés de compréhension aux membres d’association sur les grands principes des essais cliniques. Durant la formation, l’AFA a réalisé un film éducatif sur les essais cliniques pour répondre à la demande de

malades qui méconnaissent les possibilités de participation et restent méfiants vis-à-vis d’un « système » perçu comme peu compréhen-sible. 19 membres, provenant de 14 associations de malades, ont participé à une première session de formation les 14 et 15 octobre 2014 à Marseille. Résultats : La note globale de satisfaction donnée par les partici-pants a été de 16,7/20. Les participants ont particulièrement apprécié l’interactivité et le caractère concret (tables rondes, mises en situation, rencontre des différents acteurs des essais cliniques). Les échanges ont été riches, notamment lors de la table ronde sur les rôles potentiels des membres d’associations de malades dans la mise en place et la réussite de ces essais aux différentes étapes : recrutement des patients, rédac-tion du consentement, relais de l’information au sein de leur associa-tion. Une seconde session a été planifiée en septembre 2015 et la dif-fusion du film éducatif sera pour début 2016. LIENS D’INTÉRÊT : AUCUN.

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AMATSIGROUPAmatsigroup est une société française spécialisée dans le développement pharmaceutique de produits à usage humain et vétérinaire. Les expertises et capacités des différents sites opérationnels d’Amatsigroup sont intégrées pour permettre d’accompagner les projets tout au long des phases précliniques et cliniques. Les prestations incluent ainsi le screening de formulations, la fabrication de lots pilotes, de lots cliniques voire même de lots commerciaux pour certains produits prescrits pour des maladies rares. Amatsigroup intervient également dans la génération de données analytiques nécessaires aux différentes étapes de développement et à la validation réglementaire d’un produit phar-maceutique sur les différents marchés internationaux.L’offre est segmentée stratégiquement autour des 4 axes suivants :· Bioservices (études in vivo et bioanalyse préclinique et clinique).· Analyses pharmaceutiques (développement analytique, études de stabilité et contrôle qualité des principes actifs et des produits finis).· Développement de formulation et fabrication de lots de petites tailles (formes injectables et formes solides).· Conditionnement secondaire, étiquetage d’unités thérapeutiques et distribution sur sites cliniques.Le design et la gestion des projets de développement pharmaceutique sont sous le contrôle de l’équipe CMC & Affaires réglementaires intégrée au sein d’Amatsigroup.Les équipes hautement qualifiées ont participé sur les 15 dernières années au développement de plus de 30 médicaments à usage humain et de 20 produits vétérinaires. Aujourd’hui, les sites Amatsigroup regroupent plus de 250 collaborateurs basés en Europe et aux États-Unis.Un outil adapté aux petites séries et une grande flexibilité opérationnelle font d’Amatsigroup un partenaire privilégié pour de nombreux inter-venants dans les médicaments pour les Maladies Rares.http://www.amatsigroup.com/

CYTELLe développement clinique de médicaments et de dispositifs médicaux est crucial pour le bien-être humain. Cytel a à cœur d’aider ses clients dans cette entreprise en améliorant la conception et la mise en œuvre des essais cliniques grâce à l’application d’outils innovants en statis-tiques, la recherche de l’excellence opérationnelle, et la technologie de l’information. C’est la volonté exprimée par les deux co-fondateurs de Cytel, Cyrus Mehta et Nitin Patel, depuis sa création en 1987.Les services proposés par Cytel incluent les activités suivantes :· Consulting (Designs adaptatifs et non-adaptatifs).· Programmation et Analyses Statistiques.· Randomisation.· Développement EDC & IWRS (Rave/InForm/eCOS).· Data Management.· Gestion des Comités de Revue des Données (DMC) (incluant la sélection et la gestion des contrats avec les experts).· Migration CDISC (SDTM, ADaM).· Rédaction médicale.· Support pour les soumissions réglementaires (ISS/ISE, CSS/CSE).Cytel est aujourd’hui présent sur les continents Américain, Européen et Asiatique et bénéficie, quelle que soit la localisation du support, d’équipes aguerries aux essais cliniques, expérimentées et bénéficiant d’une solide formation.Avec l’accord de Raptor Pharmaceutical Corporation, nous évoquerons un exemple d’étude pédiatrique dans le domaine des maladies rares, domaine qui nous est cher : PROCYSBI®. Ce produit est prescrit dans le traitement de la Cystinose Néphropathique. Cytel a conçu le design adap-tatif de l’essai pivot et a défendu ce design avec succès auprès de la FDA et de l’EMA. La programmation et l’analyse statistique, la rédaction du rapport d’étude clinique, mais également la migration des données au format CDISC (6 études) et la préparation des ISS/ISE pour la soumission ont été assurés par Cytel (http://www.cytel.com/case-studies/clinical-data-and-trial-design).Cette étude a été couronnée de succès avec l’autorisation de mise sur le marché obtenue en Europe (MAA) mais également aux États-Unis (NDA) en 2013. Nous présenterons ses enjeux, ses challenges, les solutions apportées par Cytel et en particulier le design adaptatif innovant mis en place pour cette étude.

Présentations d’entreprises

GENZYMEDécouvrir et mettre au point des traitements innovants qui améliorent significativement la vie des malades pour lesquels les besoins médi-caux sont insuffisamment ou non couverts est notre vocation. Cet engagement de plus de 30 ans dans les maladies rares constitue le cœur de métier historique de Genzyme.Genzyme fut le premier laboratoire à proposer un traitement enzymatique substitutif contre la maladie de Gaucher, une avancée thérapeutique sans précédent qui a transformé la vie des patients et s’est imposée comme la norme de soin pour cette pathologie. L’expertise de Genzyme en génie génétique et en production de protéines recombinantes a permis la fabrication à grande échelle de traitements enzymatiques substitutifs pour plusieurs maladies lysosomales jusqu’alors incurables : la maladie de Gaucher, la maladie de Fabry, la maladie de Pompe et la mucopoly-saccharidose de type I (MPSI).Genzyme s’est alors imposé comme un pionnier, tous les traitements enzymatiques substitutifs de Genzyme ayant été les premiers traitements disponibles pour ces patients et sont parfois, aujourd’hui encore, les seuls.Notre volonté de tenter et d’entreprendre pour les patients ne s’est jamais relâchée, y compris dans les maladies dans lesquelles nous sommes déjà présents. Cette ténacité à comprendre les difficultés et les besoins des patients inspire nos scientifiques et tous nos collaborateurs. Dans

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Orphan Europe (Recordati Group)Laboratoire pionnier, fondé en France en 1990, avec pour objectif de fournir des traitements aux personnes atteintes de maladies rares, Orphan Europe devient Orphan Europe groupe Recordati suite à son acquisition en 2007. Bénéficiant des ressources d’un groupe international, Orphan Europe Recordati Group est entièrement dédié à la recherche, au développement, à la fabrication et à la commercialisation de produits pharmaceutiques. Avec maintenant 25 années d’expérience, 8 médicaments innovants (dont 3 bénéficient d’une ASMR I et 2 d’une ASMR 2) sur le marché et d’autres en cours de développement, la motivation des 175 employés répartis sur tous les continents est chaque jour nourri par la conviction que chaque patient atteint d’une maladie rare doit pouvoir bénéficier du meilleur traitement.Au fil des années, Orphan Europe Recordati Group s’est développé à travers le monde, d’abord en Europe avec des filiales dans tous les pays européens puis sur tous les continents avec notamment des filiales au Moyen Orient, aux États-Unis, en Russie et plus récemment au Brésil, au Mexique et en Colombie.Depuis 25 ans, le groupe s’est enrichi d’une expérience inégalée dans le développement de médicaments dans les maladies rares, de la mise en place d’essais cliniques soumis aux exigences réglementaires et de production spécifique jusqu’à sa distribution à travers le monde entier.Tout en contribuant activement au développement des registres, des associations de patients, d’échanges entre experts ou de professionnels de santé, Orphan Europe Recordati Group s’engage également à fournir une offre de formation à travers des sessions pédagogiques (Recordati Rare Diseases Fondation d’entreprise - http://www.rrd-foundation.org/fr), ayant pour objectif d’aider à la connaissance et ainsi d’améliorer le diagnostic et la prise en charge des maladies rares.www.orphan-europe.com

INSERM TRANSFERTCréée en 2000, Inserm Transfert est la filiale de droit privé détenue à 100% par l’Inserm, disposant d’une Délégation de Service Public de ce dernier pour ses activités de transfert de technologies et de connaissances. Inserm Transfert gère ainsi la valorisation et le transfert des technologies et des connaissances issues des laboratoires de recherche de l’Inserm vers l’industrie, depuis la déclaration d’invention jusqu’au partenariat industriel. Au service des chercheurs de l’Inserm, elle propose aussi ses services dans le montage et la gestion de projets européens et internationaux ; elle dispose d’un savoir-faire unique en matière de projets de grande envergure en santé publique, pour des cohortes et des biobanques. Enfin, depuis 2009, elle gère une enveloppe de maturation annuelle d’environ 2 M€. Inserm Transfert est un partenaire privilégié des industriels (grands groupes, PME ou start-ups) en santé humaine opérant à l’échelle nationale ou internationale. Ce dispositif de l’Inserm en matière de valorisation, outre Inserm Transfert, est complété par le fonds d’amorçage dédié aux sciences de la vie, Inserm Transfert Initiative.Forte de ses expertises métiers reconnues en matière de valorisation en santé humaine, Inserm Transfert s’inscrit dans le continuum transla-tionnel, de la recherche fondamentale et technologique à la recherche clinique, pour une création de valeur économique et sociétale bénéfi-ciaire à l’Inserm et à ses partenaires ; elle intervient dans tous les domaines de recherche abordés par les équipes de recherche de l’Inserm, dont les maladies rares. Inserm/Inserm Transfert en chiffres (2014) :1 279 familles de brevets.34 projets en gestion (7e PCRD & Horizon 2020).36 nouveaux projets de maturation financés dans l’année (2,4 M€).8 nouveaux projets de start-ups ; 3 partenariats stratégiques industriels d’envergure ; nouveaux partenariats industriels pour 3 cohortes.33,5 M€ de revenus rapportés à l’Inserm.www.inserm.fr www.inserm-transfert.frwww.it-initiative.fr

la maladie de Gaucher, après 15 ans de recherche, nous développons actuellement une petite molécule par voie orale, une avancée majeure dans la vie des patients. Une petite molécule orale est également en développement dans la maladie de Fabry, complétant ainsi l’offre de soin. Dans la maladie de Pompe, nous travaillons sur le développement d’une nouvelle enzyme de 2e génération. Le développement clinique d’une enzymothérapie dans la maladie de Niemann-Pick de type B, maladie lysosomale sans traitement, permet d’envisager là-aussi un nouvel horizon pour les patients en attente de traitement. En France, nous nous sommes ouverts à des partenariats avec la Fondation Maladies Rares et l’Institut Hospitalo-Universitaire Imagine de Necker, notamment, afin de faciliter le passage de la recherche fondamentale à la phase d’essais cliniques d’un plus grand nombre de médica-ments candidats et de permettre aux traitements d’arriver rapidement au chevet des patients. Genzyme bénéficie, au sein du Groupe Sanofi, de la taille et des ressources de l’une des plus grandes entreprises pharmaceutiques du monde, avec laquelle elle partage le même engagement au service des patients et la volonté d’améliorer leur qualité de vie. www.genzyme.fr

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PFIZER : UNE RECHERCHE POUR TOUSPfizer, groupe leader pharmaceutique, construit depuis plusieurs années une expertise dans différents domaines thérapeutiques majeurs, ce qui lui permet aujourd’hui d’être reconnu comme la référence des sociétés biopharmaceutiques innovantes :· Pfizer compte parmi les portefeuilles de médicaments les plus larges des laboratoires pharmaceutiques (16 domaines thérapeutiques, 130 produits) en commercialisant des produits reconnus pour leur qualité et pour lesquels la sécurité des patients est une priorité absolue.· Aussi, Pfizer développe des médicaments innovants (jusqu’à 3 lancements par an) issus d’un pipeline riche de plus de 80 molécules dans différentes aires thérapeutiques pour lesquelles les besoins médicaux restent insatisfaits (cancer, vaccins, maladies rares, neurosciences/immunologie…).Pfizer s’engage mondialement dans la recherche et le développement de médicaments orphelins, l’amélioration de l’aide au diagnostic et l’accès au traitement du plus grand nombre de patients ; en tenant compte de leur diversité et leurs besoins à chaque étape de leur vie. Dans ce but, Pfizer sou-tient, auprès des différents acteurs impliqués dans la prise en charge des maladies rares, une politique adaptée à leurs spécificités. En effet, améliorer le quotidien des patients atteints de pathologies rares doit être l’ambition de TOUS. Pour ce faire, Pfizer se mobilise autour de trois axes prioritaires :· Développement de nouveaux médicaments : Pfizer met au service des patients son expertise et ses ressources pour répondre aux besoins médi-caux non couverts, en témoigne un portefeuille de médicaments étoffé incluant des thérapies dans des aires thérapeutiques aussi diverses que l’hémophilie, l’endocrinologie, l’hypertension pulmonaire artérielle, l’amylose, etc. L’investissement récent de Pfizer à travers des partenariats de co-développement avec des entreprises de biotechnologies telles qu’Opko et Spark Therapeutics démontre la volonté de Pfizer de se posi-tionner comme acteur incontournable dans le traitement de pathologies rares.· Partenariats et programmes de recherche : Pfizer est particulièrement engagé auprès de professionnels de santé et d’unités de recherche via le développement de partenariats de recherche clinique ou fondamentale. Pfizer soutient également des programmes d’accompagnement et de développement dédiés aux professionnels de santé engagés dans les maladies rares. Depuis 2012, plus de 60 projets en endocrinologie, hémo-philie et HTAP ont été menés à bien grâce à l’engagement de Pfizer.· Soutien des associations de patients : comprendre, améliorer et accompagner le quotidien des patients est notre ambition majeure, c’est pourquoi Pfizer soutient et accompagne les associations de patients impliquées dans la prise en charge thérapeutique, au niveau européen (EURORDIS) mais également au niveau national. Près de 30% des dons associatifs ont été attribuées à des organismes dédiés aux maladies rares. Nous les accompagnons dans leurs missions, les aidons à construire et promouvoir leurs projets, notamment à travers la mise en place de colloques, de sessions de formation ou encore la création de fiches pratiques.

SHIREShire ambitionne de devenir une société de biotechnologie mondiale fournissant principalement des médicaments à des patients atteints de maladies rares. Nous sommes soucieux de travailler avec la communauté Maladies rares dans le but de trouver des solutions de traitement pour les maladies rares pour lesquelles il n’existe pas de thérapies satisfaisantes et de permettre aux personnes atteintes de ces maladies affectant leurs conditions de vie, de vivre mieux. Cela signifie que nous nous concentrons sur le développement de traitements pour des maladies pour lesquelles l’impact de nos médicaments peut faire une différence en proposant une « thérapie » offrant de nouvelles perspectives aux patients atteints d’une maladie rare telle que le syndrome de Hunter, les maladies de Fabry, de Gaucher et l’angio-œdème héréditaire (AOH). Nous travaillons en partenariat avec des médecins, des patients, des professionnels de santé et des responsables politiques au niveau mondial, pour nous assurer que les patients aient accès à nos thérapies innovantes et au support dont ils ont besoin. Aujourd’hui, les personnes atteintes de maladies rares peuvent accéder à nos médicaments dans presque 70 pays.L’innovation est au centre de notre croissance future dans les maladies rares, stimulant la recherche dans des activités visant à améliorer la compréhen-sion de l’histoire des maladies génétiques rares et s’appuie sur une équipe de Recherche et Développement (R&D) interne dédiée. Notre expertise dans la découverte de nouvelles thérapies pour des maladies génétiques rares engageant le pronostic vital, ainsi que dans le développement de médicaments pour les patients traités par des médecins spécialistes, confirme notre dévouement constant envers les patients et les professionnels de santé qui les prennent en charge. Au travers d’une collaboration et d’un partenariat permanent avec les médecins et les autres responsables de santé, nous bâtissons une offre de médicaments qui, nous l’espérons, améliorera réellement la vie des patients, maintenant et dans le futur. Nos programmes actuels de recherche se concentrent principalement sur la leucodystrophie métachromatique, l’ataxie de Friedreich, et la maladie de Sanfilippo de type A.

Le LFB, laboratoire des maladies raresL’engagement du groupe LFB dans le domaine des maladies rares constitue un axe structurant et pérenne de l’activité du Groupe.Le groupe LFB réalise plus des deux tiers de son activité dans le domaine des maladies rares : plus de 70% des médicaments LFB prescrits le sont à des patients atteints d’une maladie rare. Depuis sa création en 1994, le LFB a ainsi permis de prendre en charge des centaines de milliers de patients atteints de maladies parfois très rares (quelques dizaines de patients), appelant une prise en charge chronique, dans les domaines de l’immunologie, de l’hémostase et de la pneumologie principalement.Les investissements importants du groupe LFB dans la recherche et développement, pour développer de nouvelles protéines thérapeutiques et des thérapies innovantes, sont un pilier de l’engagement du Groupe dans le domaine des maladies rares. Plus de la moitié des investissements en R&D sont dédiés à des médicaments ayant une indication potentielle dans une maladie rare. Aujourd’hui, quatre médicaments sont en développement clinique avancé pour enregistrement en Europe ou aux États-Unis, avec des indications potentielles dans des maladies rares.Le groupe LFB est un acteur industriel ambitieux dans le domaine des thérapies innovantes, produisant des médicaments dans ce domaine pour répondre à des situations précises, parfois sans solution thérapeutique. Enfin, le LFB est un partenaire de longue date et pérenne d’acteurs institutionnels majeurs du domaine des maladies rares, notamment en France, Alliance Maladies Rares, et au niveau européen, EURORDIS. Le LFB est un partenaire important d’ORPHANET depuis plusieurs années également, nonobstant les nombreux partenariats du groupe avec différentes associations de patients dans le domaine des maladies rares.Poursuivre son engagement dans le domaine des maladies graves et rares est une volonté stratégique du groupe LFB, en France comme à l’inter-national où le groupe réalise aujourd’hui le tiers de son activité.

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• HCERES : Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur

• HCSP : Haut conseil de la santé publique• HTA : Health technology assessment• IAPO : Association internationale des associations de patients• IGAS : Inspection générale des affaires sociales• IHU : Institut hospitalo-universitaire• IME : Instituts médico-éducatifs • IMI : Innovative medicines initiative• INCa : Institut national du cancer• Inserm : Institut national de la santé et de la recherche médicale• INvS : Institut de veille sanitaire• IRDiRC: International rare diseases research consortium

(Consortium International de recherche sur les maladies rares)• IRM : Imagerie par résonance magnétique• ISI : Innovation stratégique industrielle• ITR : Index thérapeutique relatif• JEI : Jeune entreprise innovante• LEEM : Les entreprises du médicament• MAIA : Maison pour l’autonomie et l’intégration des malades

d’Alzheimer• MALO : Centre national de référence des malformations ORL rares• Mas : Maison d’accueil spécialisée • MDPH : Maison départementale des personnes handicapées• MERRI : Missions d’enseignement, de recherche, de référence

et d’innovation • MIG : Missions d’intérêt général• MIGAC : Missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation• MRSEI : Montage de réseaux scientifique européens ou internationaux• NGS : Nouvelles générations de séquençage• PAI : Projet d’accueil individualisé• PCN : Point de contact national• PCRD : Programme cadre de recherche et développement• PFMI : Plates-formes mutualisées d’innovation• PHRC : Programme hospitalier de recherche clinique• PI : Propriété intellectuelle• PIIS : Projet individuel d’intégration scolaire• PIP : plans d’investigation pédiatrique• PMSI : programme médicalisé des systèmes d’information• PNDS : Protocoles nationaux de diagnostic et de soins• PNMR : plan national maladies rares• PPP : Partenariat public-privé• PRAC : Comité pour l’évaluation des risques en matière de

pharmacovigilance • PRS : Projets régionaux de santé• PRTS : Programme de recherche translationnelle en santé• PSPC : Projets de R&D structurants des pôles de compétitivité• PTT : Protocole de traitement temporaire• PUT : Protocole d’utilisation thérapeutique• RaDiCo : Rare disease cohorts• RCP : Résumés des caractéristiques du produit• RTU : Recommandation temporaire d’utilisation • SATT : Société d’accélération du transfert de technologies• SEED: Shaping European early dialogues for health technologies• SHS : Sciences humaines et sociales• SIBA : Société d’investissement de business angels• SMR : Service médical rendu• SNS : Stratégie nationale de santé• T2A : Tarification à l’activité• TIC : Technologies de l’information et de la communication• UNAPEI : Union nationale des associations de parents, de

personnes handicapées mentales et de leurs amis• UnetHTA : European network for health technology assessment

(Réseau européen d’évaluation des technologies de santé)• VIH : Virus de l’immunodéficience humaine• VML : Vaincre les maladies lysosomales

• ACMG : American college of medical genetics and genomics• AERES : Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur • AFH : Association française des hémophiles• AFSSAPS : Agence française de sécurité sanitaire du médicament et des produits

de santé• ALD : Affection de longue durée• AMM : Autorisation de mise sur le marché • ANPGM : Association nationale des praticiens de génétique moléculaire• ANR : Agence nationale de la recherche• ANSM : Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé• ANTEL : Association nationale de télémédecine• AP-HP : Assistance Publique-Hôpitaux de Paris• ARIIS : Alliance pour la recherche et l’innovation des industries de santé• ARS : Agence régionale de santé• ASGH : American society for human genetics• ASMR : Amélioration du service médical rendu• ATU : Autorisation temporaire d’utilisation • ATUc : ATU de cohorte• ATUn : ATU nominative• BaMaRa : Base de données maladies rares• BNDMR : Banque nationale de données maladies rares• BPF : Bonnes pratiques de fabrication• CE : Commission européenne• CEA : Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives • CEESP : Commission d’évaluation économique et de santé publique• CENGEPS : Centre national de gestion des essais de produits de santé• CEPS : Comité économique des produits de santé• CER : comité d’évaluation des registres• CEREDIH : Centre de référence déficits immunitaires héréditaires• CHMP : Committee for medicinal products for human use• CIC : Centre d’investigation clinique • CIR : Crédit d’impôt recherche• CNAM : Caisse nationale d’assurance maladie• CNAMTS : Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés• CNCR : Comité national de coordination de la recherche• CNR : Centre national de référence• CNSS : Caisse nationale de sécurité sociale • Cospro : Comité de suivi et de prospective• CPOM : Contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens• CPP : Comité de protection des personnes• CRMR : Centres de référence maladies rares• CRO : Contract research organisations• CT : Commission de la transparence• DCF : Discounted cash flow• DGOS : Direction générale de l’offre de soins• DGRI : Direction générale de la recherche et de l’innovation• DGS : Direction générale de la santé• DSS : Direction de la sécurité sociale• DU : Diplôme d’université• EFPIA : Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques• EMA : European medicines agency (Agence européenne du médicament)• EPHP : Établissement pharmaceutique des hôpitaux de Paris• ESID : European Society for immunodeficiencies (Société européenne des

déficiences immunitaires)• ETP : Éducation thérapeutique des patients• EUCERD : European union committee of experts on rare diseases (Comité

européen d’experts sur les maladies rares)• EuNetHTA : Réseau européen pour l’évaluation des technologies de santé• FBU : Fiche de bon usage• FSMR : Filières de santé maladies rares• FUT : Fiche d’utilisation thérapeutique• GHS : Groupe homogène de séjours• GIS : Groupement d’intérêt scientifique• GMP : Good manufacturing practice• HAS : Haute autorité de santé

Liste des acronymes

60 m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016

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