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BA SE Biotechnol. Agron. Soc. Environ. 2013 17(S1), 277-291 Mécanismes et maitrise de la pollution diffuse agricole : le cas du phosphore et sa portée générale Jean-Marcel Dorioz INRA (Institut National de la Recherche Agronomique). UMR- CARRTEL. 75 avenue de Corzent. BP 511. F-74203 Thonon les Bains (France). E-mail : [email protected] Dans la pollution diffuse des eaux, la charge en phosphore est acquise à partir des sols, dans les zones hydrologiquement actives pour les écoulements de surface des bassins versants. Ce phénomène initial (émission) est très variable dans l’espace et le temps en termes d’intensité, de formes du P émis (particulaire / dissous notamment) et de mécanismes. Cette variabilité résulte, en relation avec les propriétés biogéochimiques du P, de celle des sols, du couvert végétal et des pratiques agricoles. Une part de la charge en P émise par les sols des zones actives est interceptée dans diverses zones tampons intercalées sur le trajet des écoulements. Il s’ensuit une « atténuation » des flux transférés. Émissions et atténuations se succèdent et interagissent avec les dynamiques d’écoulements pour former le fonctionnement global du transfert dans les bassins versants. La complexité des structures et des processus impliqués, les forts volumes d’eau et de sédiments transférés et le caractère imprévisible des phénomènes météorologiques qui sous-tendent les transferts diffus de phosphore agricole rendent irréaliste – hormis cas particuliers – un traitement technologique de cette pollution. Sa maitrise relève en fait de la gestion des pratiques, des territoires et des bilans de P, c’est-à-dire d’un ensemble d’actions à organiser de l’échelle de la parcelle à celle du bassin versant et/ou de l’exploitation agricole. Mots-clés. Phosphore, eutrophisation, pollution diffuse, érosion, ruissellement, bassin versant. Mechanisms and control of agricultural diffuse pollution: the case of phosphorus. The movement of phosphorus is primarily a surface phenomenon closely related to surface runoff and erosion. It is a discontinuous process, set in motion during surface runoff events. The potential for surface runoff begins with any process reducing the infiltration rate of the soil surface. The contribution of cultivated fields to surface runoff varies spatially and temporally in relation to their permeability, soil type, land use, and soil cover. The contribution of these fields to P transfer and export varies in the same way but depends also on the P content of the soils, especially at the soil surface. Subsurface flows general carry in much less phosphorus due to its fixation in the subsoil, except in some conditions such as sandy soils, long-term over-fertilization, and agricultural drainage. Some elements of the landscape are considered as buffers because they can filter and thus attenuate the P fluxes transferred in the hydrologic network (grass filter strips which are purposely constructed but also hedgerows and riparian vegetation). Within the network, particulate forms of P may settle and dissolved forms of P may sorb onto sediment particles or precipitate or be taken up by biota. In addition, major obstacles such as wetlands can store and/or transform some of the phosphorus emitted from upstream fields. Thus a set of interacting processes moves P through the landscape within a “transfer system”, which includes emission from sources (mainly soils or sediments) and transport (including transformation and attenuation). This transfer system comprises a highly diverse and complex set of landscape structures arranged in a complex and diverse hydrologic hierarchy and interacting with agricultural practices and management of the hydrologic network. This paper attempts to characterize the key phenomena and structures of the transfer system that determine the flux, storage, transfer and mass balance of phosphorus in agricultural watersheds. Strategies for controlling diffuse phosphorus pollution are also indicated. Keywords. Phosphorus, eutrophication, diffuse pollution, surface runoff, watershed. 1. INTRODUCTION La pollution des milieux lentiques par le phosphore (P) se manifeste par l’eutrophisation, une surproduction végétale dont les conséquences s’apparentent à celles d’une pollution organique (Vollenweider, 1968 ; Barroin, 1992). Chaque été, l’ampleur de ce phénomène se mesure par l’abondance des « pollutions vertes » qui touchent les lacs, les réservoirs, les fleuves et en réduisent la valeur

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BASE Biotechnol. Agron. Soc. Environ.201317(S1),277-291

Mécanismesetmaitrisedelapollutiondiffuseagricole:lecasduphosphoreetsaportéegénéraleJean-MarcelDoriozINRA(InstitutNationaldelaRechercheAgronomique).UMR-CARRTEL.75avenuedeCorzent.BP511.F-74203ThononlesBains(France).E-mail:[email protected]

Dans lapollutiondiffusedeseaux, lachargeenphosphoreestacquiseàpartirdessols,dans leszoneshydrologiquementactivespourlesécoulementsdesurfacedesbassinsversants.Cephénomèneinitial(émission)esttrèsvariabledansl’espaceetletempsentermesd’intensité,deformesduPémis(particulaire/dissousnotamment)etdemécanismes.Cettevariabilitérésulte,enrelationaveclespropriétésbiogéochimiquesduP,decelledessols,ducouvertvégétaletdespratiquesagricoles.UnepartdelachargeenPémiseparlessolsdeszonesactivesestinterceptéedansdiverseszonestamponsintercaléessurletrajetdesécoulements.Ils’ensuitune«atténuation»desfluxtransférés.Émissionsetatténuationssesuccèdentetinteragissentaveclesdynamiquesd’écoulementspourformerlefonctionnementglobaldutransfertdanslesbassinsversants.Lacomplexitédes structures et des processus impliqués, les forts volumes d’eau et de sédiments transférés et le caractère imprévisibledes phénomènesmétéorologiques qui sous-tendent les transferts diffus de phosphore agricole rendent irréaliste–hormiscasparticuliers–untraitement technologiquedecettepollution.Samaitriserelèveenfaitde lagestiondespratiques,desterritoiresetdesbilansdeP,c’est-à-dired’unensembled’actionsàorganiserdel’échelledelaparcelleàcelledubassinversantet/oudel’exploitationagricole.Mots-clés.Phosphore,eutrophisation,pollutiondiffuse,érosion,ruissellement,bassinversant.

Mechanisms and control of agricultural diffuse pollution: the case of phosphorus. Themovement of phosphorus isprimarilyasurfacephenomenoncloselyrelated tosurfacerunoffanderosion. It isadiscontinuousprocess,set inmotionduringsurfacerunoffevents.Thepotentialforsurfacerunoffbeginswithanyprocessreducingtheinfiltrationrateofthesoilsurface.Thecontributionofcultivatedfieldstosurfacerunoffvariesspatiallyandtemporallyinrelationtotheirpermeability,soiltype,landuse,andsoilcover.ThecontributionofthesefieldstoPtransferandexportvariesinthesamewaybutdependsalsoonthePcontentofthesoils,especiallyatthesoilsurface.Subsurfaceflowsgeneralcarryinmuchlessphosphorusduetoitsfixationinthesubsoil,exceptinsomeconditionssuchassandysoils,long-termover-fertilization,andagriculturaldrainage.SomeelementsofthelandscapeareconsideredasbuffersbecausetheycanfilterandthusattenuatethePfluxestransferredinthehydrologicnetwork(grassfilterstripswhicharepurposelyconstructedbutalsohedgerowsandriparianvegetation).Withinthenetwork,particulateformsofPmaysettleanddissolvedformsofPmaysorbontosedimentparticlesorprecipitateorbetakenupbybiota.Inaddition,majorobstaclessuchaswetlandscanstoreand/ortransformsomeofthephosphorusemittedfromupstreamfields.ThusasetofinteractingprocessesmovesPthroughthelandscapewithina“transfersystem”,whichincludesemissionfromsources(mainlysoilsorsediments)andtransport(includingtransformationandattenuation).Thistransfersystemcomprisesahighlydiverseandcomplexsetoflandscapestructuresarrangedinacomplexanddiversehydrologic hierarchy and interacting with agricultural practices andmanagement of the hydrologic network. This paperattempts tocharacterize thekeyphenomenaandstructuresof the transfersystemthatdetermine theflux,storage, transferandmassbalanceofphosphorusinagriculturalwatersheds.Strategiesforcontrollingdiffusephosphoruspollutionarealsoindicated.Keywords.Phosphorus,eutrophication,diffusepollution,surfacerunoff,watershed.

1. INTRODUCTION

Lapollutiondesmilieuxlentiquesparlephosphore(P)semanifesteparl’eutrophisation,unesurproductionvégétale dont les conséquences s’apparentent à

celles d’une pollution organique (Vollenweider,1968; Barroin, 1992). Chaque été, l’ampleur dece phénomène se mesure par l’abondance des«pollutions vertes» qui touchent les lacs, lesréservoirs, les fleuves et en réduisent la valeur

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d’usage (valeur biologique, piscicole, récréative eteaupotable).

EnEurope, les sourcesdeP liées auxeauxusées(dites«ponctuelles»)sontdésormaislargementrédui-tes par les traitements d’épuration. En conséquence,les sources diffuses, notamment agricoles, sontsoit une composante majeure des flux déterminantl’eutrophisation, soit une perspective inquiétante.Elles sont souvent considérées comme un freinmajeuràlaréhabilitationdesécosystèmesaquatiques(CIPEL,1988;Sharpley,1995;Danielet al.,1998;Barroin, 2003; Kronvang et al., 2005). En France,l’importance des problématiques environnementalesliéesauphosphoreayantlongtempsétésous-estimée,lespréoccupations relatives auPdiffus agricole sontdecefaitrelativementrécentes(années2000),encorediscutées et souvent considérées comme secondairesvis-à-visdelaproblématiquenitrates.

Les sourcesdiffuses constituentunenjeudifficileen raison de la complexité des structures et desprocessusencause.Ellessecaractérisentnotammentpar des transferts intermittents de P vers le réseauhydrographique à partir des sols, lors d’épisodespluvieux, par les écoulements de surface. Il s’agitde pollutions sans origine spatiale précise (d’où ladénomination «diffuse») et aussi imprévisibles quelesévènementsmétéorologiquesauxquellesellessontassociées.

LamaitriseduPdiffusalongtempsreposésurdescodesdebonnepratiquevisantàmaitriserl’érosiondessols,phénomèneconsidérécommelemoteurdominantdes transferts de P.Depuis plus d’une décennie, desdonnées nouvelles viennent nuancer ou contredire,selon lesmilieux, cemodèle simplifié. Une certainediversitéestdésormaisreconnueaussibienencequiconcerne les modes d’acquisition de la charge en Pet ses facteurs de régulation, que les effets tamponssusceptibles d’atténuer la charge en P des eaux.Aupréalable,lesconceptionssurl’érosiondansleszonestempérées avaient, elles aussi, largement évolué(Boiffinetal.,1988).Plusrécemment,l’accroissementdes stocks de P mesurés dans la zone racinaire dessols, notamment dans les zones d’élevage intensif, aétémisenrelationavecd’autrestypesdetransferts,sedéveloppantaussienprairies (Haygarthetal.,1999;Hahnetal.,2012).L’objectifdecetextequireprend,en le complétant, un article paru précédemment(Dorioz et al., 2008), est de tenter d’intégrer cesévolutionsdeconnaissancesdansunevued’ensembledes mécanismes des transferts diffus du P agricole.Leproposn’estpasd’êtreexhaustif,maisd’organiserles informations disponibles et d’y intégrer quelquesréflexions opérationnelles relatives à la maitrise desflux diffus, réflexions qui s’appuient en partie surl’expérienceacquiseparl’INRAdanslebassindulacLéman(Doriozetal.,2001;Trévisanetal.,1996).Le

niveau retenupour cette synthèseest celuidubassinversant.

Avecdetelsobjectifs,lecadragedelaproblématiqueprenduneplaceimportante,d’oùunrappelbrefsurlephosphore dans l’environnement. Nous envisageronsensuitelarelationentrelespertesdiffusesetlemoded’utilisationdessols(MUS),puis lesmécanismesdetransfertàl’échellebassinversantetenfinlesstratégiesdegestiondespertesdiffusesenP.

2. LE PHOSPHORE DANS L’ENVIRONNEMENT, SOLS, SÉDIMENTS ET EAUX

LaspéciationduPdansl’environnementafaitl’objetdenombreusessynthèsesdansdesouvragesscientifiques(onconsulteraparexempleRobert,1996).Nousnouscontenteronsiciderappelerquelquespointsclés.

2.1. Le phosphore est naturellement rare

Le phosphore est naturellement rare dans les eauxet les sols relativement aux besoins des végétauxterrestres ou aquatiques. De ce fait, il est fortementcapté par la biomasse et joue un rôle clé dans lecontrôle de la productivité des écosystèmes. Ainsi,jusqu’àl’utilisationmassivedesengraisphosphatés,illimite, selonBoulaine (1992), la production agricoleeuropéenne. Le P est aussi le facteur limitant laproduction végétale des eaux douces et stagnantes(Vollenweider, 1968); il en contrôle donc l’étattrophique.Sesressourcesminièressontlimitées,d’oùla relance actuelle de travaux sur le cycle du P auxéchelles nationale, continentale et planétaire (Elseretal.,2011;Senthilkumaretal.,2011).Enfin,Pestunélémentnonvolatil(pasderéservoiratmosphérique).

2.2. Le phosphore présente une très grande diversité de formes moléculaires

Lesspéciationsproposéesdanslalittératureonttoujoursuncaractèreunpeuarbitrairecartropdépendantesdesprotocolesd’extraction,voiredes limitesdefiltration(Poulenard et al., 2008). Une spéciation classiqueen limnologie est celle de Williams et al. (1976).L’expression «P-particulaire» désigne l’ensembledes formesdeP associées àdesparticulesminéraleset biologiques du fait de processus d’absorption, desorption, de précipitation auxquelles s’ajoutent lesminérauxhéritésdelarochemère.LaforteaffinitéduPpourlaphasesolideetsaforteabsorptionbiologiqueexpliquent la dominance du P-particulaire dans lesmilieuxterrestresetl’accumulationrelativedeP,danslabiomasse,àlasurfacedessolsetdanslessédiments.Les conditions anaérobies peuvent créer des teneursinhabituellementélevéesd’ionsphosphatesdansl’eau

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des sols ou des sédiments. Il en est de même pourles alternances sècheresse-humidité ou gel-dégel quifavorisent la libérationde formes deP dissous (dontl’ensemble constitue le «P-dissous») à partir desbiomasses microbiennes et des complexes organo-minéraux.

2.3. Échanges P-dissous / P-particulaire

Formesdissoutes etparticulairesne sont simplementpas juxtaposées: il existe en fait une dynamiquepermanente d’échanges dissous/particulaire et detransformationsminéral/organique.Cesystèmeréguleactivement la fraction ions PO4 en solution (fractionnotée «P-PO4») en répondant aux modificationsde concentration (fertilisation, absorption végétale,pollutions, etc.) et de dilution (évolution du rapportsolide/liquide important en milieu aquatique). Lesréactionsimpliquéessontdenaturesdiverses:ils’agitnotamment d’échanges ioniques, de dissolutions-précipitationsoud’adsorptions-désorptions.Toutescesréactionsnesontpasinstantanéesetlesétatsobservésdépendentaussidescinétiques(delaminuteàl’année).La fraction rapidement échangeable constitue le«P-labile»,unconceptopérationnelutiliséaussibienenagronomiequ’enlimnologie,maisappliquéàpartirdeméthodestrèsdiverses.

La capacité de fixation mesure l’aptitude d’unéchantillonàfixerlesionsphosphatesensolution.Elledépendenparticulierde la charge initialeenPde laphase solide, de l’abondance des surfaces réactives(argiles, etc.), de la présence d’ions susceptibles deprécipiter PO4 (Ca ou Fe etAl, selon pH) et de lateneurenmatièreorganique.Danslessols,sousl’effetd’apportsexcessifscumulés,cettecapacitédefixationpeut tendre à se saturer, ce qui accroît la teneur enP-dissousdanslasolutiondusoletenconséquencelesrisquesdetransfertversl’environnement(McDowellet al., 2001; Tunney et al., 2003). Le concept decapacitédefixationest aussiutilisépourcaractériserdes suspensions et sédiments en tant que source oupiègedePpourlemilieuaquatique.

2.4. Bio-disponibilité

Seuls les ions PO4 en solution sont totalement etdirectement bio-disponibles, c’est-à-dire assimilablespar les racines ou les algues. Les autres formes,notamment les formesparticulaires,nesontpaspourautant inactives. La bio-disponibilité mesure, enconditions standard (par exemple avec des biotests,voir Hanna et al., 1983), la capacité de celles-ci àgénérerunfluxdeP-PO4assimilable.Ànouveau,ceconcepts’appliqueaussibienauxsolsqu’auxmilieuxaquatiques. Il définit un potentiel d’assimilation quis’exprimeplusoumoinsenconditionsnaturelles.Le

P-Olsen,bienconnudesagronomes,pourrait êtreunindicateur de la bio-disponibilité duP des sédimentscomme le suggère l’existence, pour les sédimentsdes rivières lémaniques, d’une corrélation linéairesignificative entre contenu en P-Olsen et croissancealgale en conditions de biotests (Jordan-Meille,1998). La possibilité d’harmoniser des approchesagronomiques(stocks)etlimnologiques(flux,impacts)estdoncouverte.

2.5. Devenir du phosphore dans les écosystèmes aquatiques sensibles

En général, l’essentiel du P des milieux lentiquesprovientdeleursbassinsversants.LedevenirdecettechargeexternevarieselonlescaractéristiquesdumilieurécepteuretselonlespropriétésduP-totaltransféré.LeP-PO4estdirectementassimilableparlesalguesoulesmacrophytes, une partie des autres formes dissoutesl’estaprèsactionenzymatique.Cecinesignifiepasquece P soit automatiquement consommé: en fait, horspériodesbiologiques,ilestpeuassimilé.LeP-dissouspeut être piégé par des particules en suspension ouprécipité (principalement avec Ca), puis sédimentépour finalement enrichir les sédiments profonds.Réciproquement, un relargage de P-PO4 à partir dessédimentss’observeencasdebrassageetresuspensionou lorsque des conditions anaérobies s’établissentdurablement à l’interface eau/sédiment. Au total,ledevenir et la circulationdes formesdissoutes sontréglésparladynamiquedecesdifférentsphénomènesopposés,eux-mêmescontrôléspardescaractéristiquesclimatiquesetmorphométriquesdumilieuconsidéré.

2.6. Le P-particulaire circule différemment dans l’écosystème (Sharpley et al., 1993a)

Ilpeutsédimenteretconstitueruneéventuellesourcede P à long terme (re-largage ou re-suspension, deP évoqués ci-dessus) et/ou dans la zone photique,interagiravecduvégétaletêtreassimilépartiellement.L’interaction avec les macrophytes se développeprincipalement dans les sédiments où ceux-ci sontenracinés. Les interactions algues planctoniques-particules en suspension dépendent de nombreuxparamètres (vitesse de sédimentation des particules,tempsdecontact,dilution,abondancedescellules,etc.)quieux-mêmesvarientde façonsaisonnière.Dans lamesureoùuneinteractionsedéveloppe,l’assimilationestalorscontrôléeparl’étatphysiologiquedesvégétauxetparla«bio-disponibilité»duP-particulaire.Toutesces données sur le devenir du P dans les milieuxrécepteursconfirmentqu’enmatièred’eutrophisation,il est nécessaire de considérer autant les quantitéstotalesquelespropriétésduPtransférédepuislebassinversant, ceci en relation avec les caractéristiques du

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milieurécepteur(activitébiologique,hydrodynamique,etc.).

2.7. La spéciation du P dans les eaux classiquement adoptée et ses limites

La spéciation du P-total des eaux adoptéeclassiquement (Tableau 1) représente un compromisentre la complexité géochimique du P, l’adéquationauxobjectifsdedécriredesconcentrationsetdesflux,et les contraintes habituelles des suivis de qualitédes eaux (la spéciation doit être appliquée à un trèsgrand nombre d’échantillons, condition nécessairepour une évaluation représentative des flux). Sontdistingués, le «P-total», le phosphore filtrable à0,45µm(voireà0,7)quiestsouventdit«dissous»,mais représenteen toute rigueur leP-totaleaufiltrée(noté «P-tef»). Ainsi défini, le P-tef comprend lesionsphosphates(P-PO4).LeP-tefpeutêtreconsidérécomme une fraction assez homogène en termes decomportement(bio-disponibilitéettransferthydrique).Le P-particulaire, bien que constitué de toute unesérie de composés, n’est dosé que globalement.Unetelle spéciation ne donne donc accès qu’à une partiedesinformationsnécessairespourdéfinirl’impactsurun milieu aquatique: il manque une caractérisation

de labio-disponibilitéduP-particulaire,parexempleuneévaluationsimple,baséesurlamesureduP-Olsendes matières en suspension, comme mentionnéeprécédemment.

3. PHOSPHORE DIFFUS ET MODES D’OCCUPATIONS DES SOLS

3.1. Ordres de grandeurs

Lesexportationsdephosphoreàl’exutoiredesbassinsversantsdépendentglobalementdumoded’utilisationdes sols (MUS).Un type deMUS correspond à uneexportationannuellemoyenneou«flux spécifique»,expriméenkg.ha-1paranetétabligrâceàdessuivisde petits bassins (de 10 à quelques centaines d’ha)considérés comme représentatifs. En pratique, seuleslesgrandescatégoriesdeMUSsontdocumentéesetlesdonnéessontprésentéessousformedefourchettesdevaleurs.Letableau 2récapitulelesinformationsissuesde quelques synthèses bibliographiques (Pilleboue,1987;Leite,1990;Mealsetal.,1994;Haygarthetal.,1997)etinspirelescommentairessuivants:– QuelquesoitleMUSconsidéré,lespertesannuelles de P-total sont de l’ordre du kg deP-total et sont

Tableau 1.Spéciationduphosphoredanslessédiments—Speciation of phosphorus in sediments.

P-TOTALEAU BRUTE(Pteb)

Fraction désignée Grandes caractéristiques chimiques Bio-disponibilité potentielleP-total eau filtrée(Ptef)(<0,45ou0,7µm)

Orthophosphate(P-PO4)P-organiqueTripolyphosphate

forteimmédiatementouaprèsactiond’exo-enzymes

P-particulaire P-labile«sorbé»facilementéchangeableousolubilisable

forteetàcourttermeimmédiate

P-minéralrelativementstableparticipantsouventàdescomposésavecFe,Ca,Al;composéscristallisés

trèsvariableetàlongterme

P-organiquerelativementstableparticipantàdescomplexeshumiques

moyenneetàlongterme

Lesformesenitaliquecorrespondentauxdéterminationsfaitesclassiquementdansleslaboratoires—Forms in italic correspond to determinations made conventionally in laboratories.

Tableau 2.Fluxspécifiquesdequelquesmodesd’occupationdessolsexprimésenkgP.ha-1paran—Specific flow of some land use patterns expressed in kg P.ha-1 per year.Mode d’utilisation des sols

Bassins forestiers et agricoles extensifs

Bassins agricoles Bassins urbains(ruissellement urbain)

Comparaison avec les rejets ponctuels domestiques (*)

Prairies Cultures Résidentiel IndustrielP-totalenkg.ha-1paran(%dePtef)

0,04à0,2(<50%)

0,1à1,1(20à50%)

0,7à2,5(10à40%)

0,5à1,5(≥40%)

1,2à2,5(≥40%)

0,8(80%)

*:rejetsmoyenscalculésàl’échelledelaFrance—means discharges calculated across France.Source:Pilleboue,1987;Leite,1990;Mealsetal.,1994;Haygarthetal.,1997.

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négligeablesvis-à-visdustockd’unsol(del’ordre delatonne).Ellessontégalementnégligeablespar rapport auxflux annuels en jeu dans les échanges sol/plantesouparrapportauxfertilisationscourantes (dizainesdekg);– La charge «naturelle» provenant des bassins forestiers ou de bassins d’altitude est en général trèsbasse (engénéral<0,1kgP-total.ha-1paran). Lespériodesd’exploitationforestièresontrarement prises en compte, bien que l’on puisse suspecter qu’elles déterminent un fort accroissement temporairedespertes;– Lestransfertsverslesous-soldusàl’infiltrationsont trèsmodérés,cequiexpliquelachargegénéralement basse des eaux profondes et des sources ([P-PO4] <10µgP.l-1).Lestransfertsversleseauxdesurface sont plus élevés, de 0,1 à 2,5kgP-total.ha-1 par anselonleMUS.Lesfluxprovenantdecirculations latérales hypodermiques sont rarement étudiés; Haygarthetal.(1999)lesévaluententre1à3kgP.ha1 parandanslesconditionsparticulièresdelysimètres parcelles. Par comparaison, on notera que les flux transférésparlesdrainagesartificielssonteuxaussi nonnégligeablesjusqu’à0,5,parfois1kgP-total.ha-1 paran,selonJordan-Meille(1998);– Dans les bassins agricoles, les pertes moyennes augmententgrossièrementdesherbagesauxcultures. Lefluxspécifiquedeszonesd’herbagessesitueen général endessousde0,4 gdeP-total.ha-1 par an (lesformesdissoutessontdominantes).Cependant, les zones d’élevage intensif font exception avec despertesatteignant1kgdeP-total.ha-1paranvoire plus.Laprésencedeculturesdansunbassinsetraduit souventpardesfluxexportésélevés,principalement sous l’effet d’une forte exportation de formes particulaires. Les pertes habituelles des zones cultivées varient de 0,7 à 2,5 kg P-total.ha-1 par an. En Europe, les pertes maximales, citées dans la bibliographie analysée, correspondent à 6kgP-total.ha-1paranpourdesbassinsconstitués uniquementdecéréalesoudanscertainsvignobles en pente (Noirfalise, 1974; CIPEL, 1988). Les pertesannuellesdeszonesdeculturescorrespondent àdesconcentrationsmoyennesquipeuventatteindre 100à300µg.l-1deP-totalavecplusde50µg.l-1de P-PO4,cequiexcèdelesvaleursseuilsgénéralement admises pour l’eutrophisation, soit pour les plans d’eau,25à50µgP.l-1etpourleseauxcourantes,75 à100µgP·l-1(Pellerinetal.,2005).Ànoterquele fluxspécifiquedûauruissellementurbain,quirésulte delareprisedesdépôtssurdessurfacesimperméables devillesparlapluie,sesituedanslamêmegamme devaleursquelescultures;– LeP-particulaireconstituel’essentiel(50à80%)du P-total exporté annuellement aux exutoires des bassinscultivés(Sharpleyetal.,1993b;Doriozetal.,

1994).Lesexportationss’effectuentsurdecourtes périodesettrèsmajoritairementlorsdesépisodesde crues.Cescaractéristiquesexpliquentquel’érosion des sols ait longtemps été considérée comme le mécanismeprincipald’acquisitiondelachargeenP d’originediffusedeseauxdesurface.

Les flux spécifiques sont utilisés de longue datepour évaluer la contribution des terres agricoles auxexportations à l’exutoire dans des bassins à paysagecomplexe(Beaulacetal.,1982;Zobristetal.,2006).Lemodèleutiliséestsimpliste:ilconsidèrequechaqueMUScontribueselonsonfluxspécifiqueetsasurfaceetquelescontributionssontadditives.Leslimitesdecetyped’approchedoiventêtrereconnuesavantusage:– la variabilité hydrologique annuelle (nombre et intensité des crues) introduit des fluctuations qui peuvent dépasser les bornes de la fourchette de valeursmoyennes;– le concept de flux spécifique repose sur une représentation très simplifiée du transfert de la pollutiondiffuse;– cetyped’approchenepermetpasdedécrirelescauses.

3.2. Peut-on faire l’impasse sur le contrôle du phosphore diffus agricole ?

Tous les flux spécifiques présentés ci-dessus sont àcomparer,àl’échelledelaFrance,aveclestransfertsdeP-totalversleseauxproduitsparlesrejetsdomestiques,ramenésàl’hectareetàl’année(cecalculinclutletauxdecollecteetdedéphosphatationpartraitement).Ainsiestimé, le flux domestique représente 0,8kgP.ha-1par an, soit 2 à 3fois plus que les zones d’herbagesmoyennes et l’équivalent de la valeur inférieure duflux spécifique des zones de culture. L’hamoyen duterritoire français étant approximativement partagéà parts égales entre cultures, herbages et milieuxnaturels, on peut considérer que les contributions àlachargeenP-totaldeseauxdudiffusagricoleetduponctueldomestiquesontdumêmeordredegrandeur.Pellerinetal. (2005),sur labasedesentréesdePauniveaunational,aboutissentàdesordresdegrandeuréquivalents.Cependant,àfluxégaldeP-total,l’impactenvironnemental des rejets domestiques est plus forten moyenne que celui des pertes diffuses agricoles,dufaitd’unespéciationduPdominéepardesformesbio-disponiblesetd’apportsconstantspendanttoutelapériodedevégétation,cequin’estpaslecasdudiffusagricole.Cettedifférenced’impactpotentielnesuffitpourtantpaspourjustifieruneimpassesurlephosphorediffuscar:– il représente souvent, au moins localement, une charge suffisante en lui-même pour maintenir la dégradationetlimiterl’efficacitédesmesuresprises, parailleurs,contrelessourcesponctuelles;

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– le poids relatif des apports diffus va s’accroître inexorablement dans un futur proche, en raison del’améliorationgénéraledel’assainissementetde ladéphosphatationdeseauxuséesetd’unenouvelle baissedurejetmoyenparhabitantliéàlaprochaine interdictiontotaledesdétergentsphosphatés;– dansdenombreusesrégions,lesteneursexcessives en P des sols et la surfertilisation par l’épandage d’effluents agricoles constituent une augmentation notoiredurisquedetransfertdePbio-disponibledes solsversleseaux;– l’absence d’action est incompatible avec l’image de multifonctionnalité et de qualité, choisie par l’agriculturedansnombrederégions;– enmaitrisantlestransfertsdiffusdeP,onmaitrisera aussiletransfert,versleseauxdesurface,d’autres polluantsayantunedynamiqueprochedecelleduP.

Il semble donc logique de mettre en place dès àprésentdesactionsdeluttecontrelestransfertsdiffusdephosphoreagricole.Lesconnaissancesdebasepourlesorganisersontengrandepartiedisponibles;ellesserontprésentées au chapitre suivant. Les effets des actionsserontprobablementlongsàsetraduireenaméliorationdelaqualitédeseauxdufaitdel’inertiedessols,desexploitations et des écosystèmes aquatiques (Mealsetal.,2009),d’oùl’urgencedesdécisions.

4. MÉCANISMES DES TRANSFERTS DIFFUS DE PHOSPHORE

Le transfert du P dans les bassins versants est larésultante d’un ensemble de processus hydrologiquesphysiques, chimiques et biologiques agissant, certainsdanslesensd’uneaugmentationdelateneurenPdeseaux(ils’agitdeprocessusd’émission),d’autresdansle sens d’une diminution de celle-ci (atténuation).Lesprocessusd’émission se localisentdans les zonesde déclenchement du ruissellement et dans les zonesd’érosion (zones hydrologiquement actives). Lesprocessus d’atténuation se développent dans certaineszonesderalentissementoud’infiltrationdeseaux(ils’agitde«zonestampons»).Enfin,àtouteétapedutransfert,ilexistedeséchangesentrephasesolide(suspensionousurfacedesol)etphaseliquidecirculante.Lesprocessusimpliqués dans l’acquisition et l’atténuation serontdécrits en considérant, par commodité, les niveauxd’organisation représentatifs desmouvements du P etdel’eauàl’échellebassinversant.

4.1. Acquisition de la charge en P des eaux (émission)

L’acquisitiondelachargeenPestétroitementassociéeauxpériodesdepluies et aux écoulements de surface

(pourdessynthèses,voirRydenetal.,1973;Sharpleyetal.,1992;Simardetal.,2000;Doodyetal.,2012).

À l’échelle de la station (100 m2).L’eaudelapluien’est pas exempte deP.Dans le contexte lémaniqueparexemple,lesteneursdelapluieenP-PO4varientde 10 à 50µP.l-1 (Pilleboue, 1987). La charge deseaux s’accroît nettement pour atteindre quelquescentaines de µg au contact des feuilles, de la litièrepuis dans la couche supérieure du sol (0-2cm). Àcedernierniveau,duPestextraitde laphasesolidepar dissolution et échange ou par détachement departicules, et de l’eau porale par simple mélange.Quandlesconditionsphysiquess’yprêtent,unelamed’eausuperficiellesedéveloppeavecuncontenuenPquirésultedesprocessusprécédents(Yli-Hallaetal.,1995).

L’intensitédecetransfertinitialsol–eauxdépenddelateneurenformeslabilesduPàlasurfacemêmedu sol et donc des pratiques qui aboutissent à sur-concentrer le P en surface, soit de façon constante,soit temporairement (décalage entre l’épandage defertilisantsorganiquesetleurenfouissement).Ilexisted’ailleursdesrelationssignificativesentreleP-labilede la surface du sol et les teneurs en P-dissous desécoulements(Sharpleyetal.,1993a;Sharpley,1995;Hahnetal.,2012)cequitraduit,pourcesformesdeP,unlienfortentrefluxetstocks.

La fractionde l’eau s’infiltreet, engénéral,perdprogressivement sa charge dissoute au contact de lamatrice du sol (pouvoir fixateur). Ce phénomèneexplique les faibles teneurs en P-tef et P-PO4 deseauxdusous-sol.Ilperdsonefficacitédanslecasdetransfertsrapidesd’eauet/oudefortesconcentrationsenPdanslesol,situationsquiaccroissentlamobilitéduPdansleprofil.Lestransfertsrapidessontassociésauxdrainagesouàl’existencedevoiespréférentiellesd’écoulement ou à des textures sableuses (Haygarthetal., 1997; Beauchemin et al., 1998; Sims et al.,1998). Les teneurs élevées en P sont fréquentes(Tunneyetal.,2003);ellesrésultentdesexcédentsdePaccumuléslorsdesdernièresdécennies(cettetendanceà la sur-fertilisation tend, depuis quelques années, àse limiter aux zones d’élevage intensif). Les fortesteneursgénèrentunepossibilitéaccrued’exportationsdeP-tefparlesécoulementsdesub-surface,avecdeseffetsdeseuils(Heckrathetal.,1995).

À l’échelle du bassin versant (1-10 ha). Lesécoulementss’organisentd’abordàl’échelledubassinversant(Figure 1).Ilssontd’originesdiversesetpassystématiquementérosifs; il s’agitde ruissellementsdelamesd’eausuperficielles(hortonienousursurfacesaturée)oude ruissellementsde sub-surface, chacuncorrespondantàdesmodesspécifiquesdetransfertdeP.

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Mécanismesetmaitrisedelapollutiondiffuseagricole 283

Dans le cas de ruissellements en nappe, la lamed’eau s’écoule sans entaille érosive, les teneurs ensuspensions restent faibles avec un détachementpréférentiel de particules fines souvent à teneursélevéesenP.Lafractiondissouteconstitueengénérallachargedominante.Cetypedesituationestrencontrélorsque le ruissellement ne possède pas une énergiede cisaillement suffisamment forte, c’est le cas surprairie,enraisond’unefortecohésionsol–végétation,ouduruissellementsurzonesaturéedontlesvitessesd’écoulement sont réduites du fait de sa localisationpréférentiellesurdesbasdeversantsàpentesfaibles.

Lesformesderuissellementlinéaire,soitgénéraliséetliéàlapente,soitconcentrélocalementparletasse-ment(tracesderoues)oulatopographie(dépressions),présentent une énergie de cisaillement plus forte etsouvent suffisante pour détacher massivement desparticules.Cecisetraduitparl’acquisitiond’unefortecharge en P-particulaire qui devient alors la fractiondominanteduP-total et peut atteindreun àquelquesmgdeP.l-1.LaquantitédeP-totalmobiliséevarieselonla sensibilité des sols à l’érosion, caractéristique quidépend de facteurs pédologiques et culturaux bienconnus (intensitédespluies,étatde surfacedes sols,couvertvégétal,topographie).Dansuncontexteérosif,la teneur en P des horizons de surface n’influe quesecondairementsurlesquantitésdeP-totalexportéesàl’exutoire.LeparamètreteneurcontrôlenéanmoinslefluxdeP-dissousetprobablementlabio-disponibilitédu P-particulaire transféré (Yli-Halla et al., 1995).Finalement,lesrelationsstocks(teneurs)/flux,lorsdutransfertduPdeshorizonsdesurfacedessolsauxeauxdesurface,sontcomplexes:lachargeenP-dissousetlespropriétésduP-particulairetransférédépendentdu

stock(teneur),alorsquelaquantitédeP-particulaire,etdonccelledeP-totalexporté,estcontrôlée,elle,surtoutparl’intensitédesmécanismesérosifs(Figure 2).

Danslarégionlémanique,lesentaillesérosivessontlimitéesauxpremierscmdel’horizondesurfaceetlesteneursenP-particulairede l’eau ruisseléeatteignent2à3mg.l-1.Danslecasdecéréaliculture,surdessolslimoneuxtrèssensiblesàlabattancetelsquelessolsdu Nord-Ouest de la France, le ruissellement érosifpeutprendreuncaractèrespectaculaireets’apparenterà des coulées boueuses. Ce type d’évènement estrelativementpeufréquentmaisprovoquedestransfertsmassifsdeP-total(Angeliaume,1996)avecdeschargesexceptionnellement élevées (jusqu’au kgP-total.ha-1pour une seule crue), autant sous formes dissoutes(P-PO4 jusqu’au mg.l

-1) que particulaires (parfois>10mg.l-1). Les écoulements de sub-surface sontmoins connus (Haygarth et al., 1999; Doody et al.,2012). Leurs concentrations moyennes peuvent êtreélevées:100-200µgP.l-1(P-tef;Simsetal.,1998).

À l’échelle du bassin versant (en général > 10 ha).L’échelle bassin versant se traduit par de nouvellesorigines possibles pour le P-total. Une chargesupplémentaire de P-dissous peut être produite parcertainsbas-fondsinondés,enconditionsréductrices.Du P-particulaire est fourni par l’érosion des bergeset par la re-suspension des sédiments du réseauhydrographique. Ces matériaux constituent parfoisdes sources de pouvoir fixateur et peuvent de cefait contribuer à la rétentiondeP-PO4auniveaudessédiments. Il existe enfin des érosions de parcellescultivées dues à des débordements de fossé, oudes écoulements à partir de routes. Dans la région

Figure 1.Exempletypedevariabilitédestransfertsdephosphoredessolsauxeauxdesurface,enzonedecultureetàl’échelledubassinversant ; relationavec lavariabilitédu ruissellement—Typical variability of phosphorus transfer from soil to surface water in crop area and catchment scale; relationship with the variability of runoff.

1. Ruissellement de pente(intensité des pluies) 2. Ruissellement lié à la battance (effet de pluies cumulées)

3. Ruissellement sur surfaces saturées(pluies cumulées)

4. Érosion berges, sédiments(selon intensité des crues)

Substrat morainique

100 m

P-particulaire P-particulaire

P-particulaire

P-tefP-tefSol Sol

Sol

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lémanique, 20% des parcelles sont affectées par cephénomène(Trévisanetal.,1996).

4.2. Réduction de la charge en P dans les zones tampons (atténuation)

À l’aval d’une zone d’émission, toute une série dephénomènespeuventintervenirpourréduirelachargeen P des eaux de surface. Ce type d’effet qualifiéd’effet tampon se développe dans des éléments depaysagespécifiques, les«zonestampons».Pourunediscussionapprofondieduconceptdezonetampon,onconsulteraViaudetal.(2004).

Lephénomènedéclenchantuneffettamponest,engénéral,unralentissementdesécoulementsdesurfacedûàunchangementderugositéet/oudetopographieet/ouàuneinfiltration(Figure 3a).Leralentissementprovoqueunebaissedelacapacitédetransportdelacharge solide (Figure 3b), d’où une décantation dessuspensionsetunerétentiondelachargedissoutedansunezonedestockagedel’eau,notammentdanslessols(Figure 3). Il s’ensuit un stockagedeP-total.Un telenchainementdeprocessusphysiquessedéveloppedansdiversesstructurespaysagèresquisontsoitconstruitesdans le but de réduire les flux–il s’agit surtout de«dispositifs filtrants enherbés» aussi dénommés«bandesherbeuses»—,soitnonconstruitesàdessein,résultant d’autres pratiques ou conditions de milieu,mais réalisant potentiellement cette fonction commecertainsbordsdeparcelles, interfacesentreparcelles,certaines prairies permanentes, haies, certainsmaraisouripisylves.

Ledevenirdesstocksainsicréésestvariableselonles caractéristiques dumilieu concerné. La rétentionestparfoistropéphémère(remiseencaused’unecrueà l’autre) pourmodifier réellement la dynamique detransfert du P. Si la rétention est durable, le P-total,n’étant pas volatile, s’accumule mais peut alorschangerdespéciation,dufaitsoitd’insolubilisations,soitdetransformationsentreP-minéraletP-organique.Fréquemment,unepartduPretenuettransforméeestrelarguéesousformedissoute,typiquementenpériodehivernale,àpartirdulessivagedeslitièresouàlafaveurdepériodesanaérobies(UsiKämppäetal.,2000).

Dans ce contexte, une structure paysagère seraune «zone tampon» si son bilan rétention/pertesest positif à l’échelle annuelle et si elle génère uneréduction du risque potentiel. Si une part du fluxentrantesttransféréeàl’aval,l’effettamponobtenuestune«filtration»;avecunblocagedetouttransfertdesurface,l’effetobtenuestuneffet«barrière»(Viaudet al., 2004). Le type d’effet et les performances(rapport entrées/sorties) dépendent principalementdes dimensions du dispositif (pour les dispositifsenherbésouanalogues,engénéral,lalargeur)etdelanaturedesécoulementsentrantsetauseindelazone(ruissellementennappeplusfavorablequeconcentré).Un couvert végétal dense et continu est souventindispensable à des performances significatives. Untampondetypebarrièreestobservédansdesprairiesdefauche(évoquéesci-après),lesmaraissecomportant,eux,plutôtcommedesfiltres(Doriozetal.,2011).

À l’échelle de la parcelle. Des rétentions netteset significatives (>50%) du P-particulaire et du

Figure 2. DéterminismesdesfluxetdescaractéristiquesduP-totalexportépardessolscultivés:unepartseulementdufluxeststockdépendante—Determinism of the flow and the characteristics of the total exported by P-cultivated soils: only a part of the flow is dependent on stock.

Écoulements

Facteurs

pédologiques

SOLS ExtractionsFertilisation

Travailde sol FLUX DE P

DISSOUS

FLUX de P-TOTALSPÉCIATION PROPRIÉTÉS

FLUX deP-PARTICULAIRE

BIO-DISPONIBILITÉDU P-PARTICULAIRE

Pratiques

STOCK de P.LABILE

ÉROSIVITÉ

ÉROSION

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Mécanismesetmaitrisedelapollutiondiffuseagricole 285

P-dissous exportés par des parcelles cultivées sontenregistrées sur de relativement longues durées (dela saison à 1à 3années d’expérimentation) dans laplupartdesdispositifsfiltrantsenherbésderéférencesconstruits selon les standards (ces résultats sontdiscutésnotammentparDoriozetal.,2006).Maislesdonnées expérimentalesdisponiblespour caractériserles performances des diverses zones tampons sontincomplètes: il existepeud’études sur les structurespaysagères non construites mais potentiellementtampons et peu d’études vont au-delà d’un bilanentrées–sorties à court terme et de P-total. Leséléments de paysage non construits (haies, prairiesavals, etc.) et présentant une situation, une structureet des propriétés analogues aux dispositifs enherbésstandards,offrentprobablementunpotentiel tampon.Celui-ci est bien documenté pour NO3 mais moinsconnu pour P. On peut citer le travail expérimentalde Trévisan et al. (2000) portant sur des prairies defauche situées à l’aval de cultures et montrant unequasi suppression du P-particulaire au bout d’unedizainedemètresderuissellementdanscemilieu.Leschangementsdespéciationaussisontrarementprisencompte.Or, toutes les zones tampons sont aussi destransformateursdespéciation,cequin’estpasforcémentbénéfique. Ainsi, par exemple, l’effet filtre portantpréférentiellementsurlafractionparticulairegrossière,donc lamoinsbio-disponible,onobservesouventunaccroissementrelatifdelaproportionP-bio-disponibleetdeP-dissousdanslessortiesdesdispositifsenherbés.

Autreexempledéjàévoqué,ilexistefréquemmentlesrelargagessaisonniersdeP-dissous.Enfin,laquestiondurisquedesaturationàlongterme(10–20ans)deszonestampons,bandesherbeusesouautres,saturationphysiquepardépôtsdesédimentset/ousaturationenphosphore,estégalementpeupriseencompte(Doriozetal.,2006).Cesévolutions,quisemblentinexorables,devraient s’accompagner à terme d’une perte despouvoirs tampons, voire de la création de nouvellessources de P. Une façon de retarder cette échéance,comme de limiter les relargages saisonniers deP-dissous,consisteàentretenirlesystèmetamponenrétablissantunétatdesurfacerégulieretenexportantlabiomasseproduite(quinemaitrisequelacomposantePdurisquedesaturation).Unelimiteàl’utilisationdessystèmestamponsestdonclerisquedecréer,àtermeet/oudufaitdepratiquespasadaptéesàcettefonction,denouvellessourcesdeP.

À l’échelle du bassin versant. Le problème de lacapacitétamponseposeaussiglobalementàl’échelledu bassin versant, en considérant tout d’abord leszones tampons potentielles spécifiquement associéesauréseauhydrographique,c’est-à-direcertaineszonesripariennes ainsi que les marais intercalés dans leréseauhydrographique.Leszonesripariennessontunpassageobligédesfluxdiffusetpeuventjouerunrôledefiltresurtoutsiellessontassociéesàdesripisylves.Cesontaussiparfoisdes interfaces inondableset,decefait,deslieuxd’échangesréciproquesdematières

ZONE TAMPON(dispositif enherbé filtrant) SORTIESENTRÉES

RuissellementSuspensions Eau et

suspensions

Légende flux

Source(cultures)

a

b Capacité de transport

Dépôts d’érodats

taille moyenne des particulestransportées

Distance (m)

Piègeage du P dissous(horizons du sol)

Déposition

Infiltration

Rétention du P-particulaire

Surface du sol

Figure 3. Fonctionnementd’unezonetampontype,ledispositifenherbéfiltrant;a:distributionspatialedesprocessus;b:conséquencessurletransportensuspension—Operation of a buffer type, grassed filter device; a: spatial distribution of the process; b: impact on transport in suspension.

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avec la rivière.Dans ce contexte, les stockagesdePsont probablement facilement réversibles; les bilansde ces zones restent à établir en tenant compte deschangements de spéciation. Les marais sont mieuxconnus; ils constituent toujours des discontinuitéshydrologiques, sédimentologiques et géochimiqueset sont susceptibles, selon la plupart des études, deproduire une rétention non négligeable du P-totaldiffus (Wang et al., 2004). La bibliographie fournitcependant des résultats contradictoires,montrant desmaraissoittrèspeuactifs,soitsourcesdePcarsaturésde sédimentsoudeP.Uneévaluationaucasparcasseraitdoncàenvisager.

Les effets tampons mis en évidence sont plusmarquéspourleP-particulaire,maisilssemanifestentaussisurleP-dissousetceci,àbassesteneurs(Doriozetal.,1994).Leseffetstamponsàbasseconcentrationmoyenne de P-dissous (<50µg.l-1) sont intéressantscar susceptibles de s’appliquer à des écoulementsdiffus agricoles déjà concentrés spatialement etinsuffisamment atténués ou atténuables à l’échelleparcelle (Dorioz et al., 2011). Le même constatjustifie la construction de marécages artificiels pourtraiter les pertes diffuses d’ensemble de parcelles oude ruissellements associés à des bâtiments ou desinfrastructures agricoles (des exemples existent enSuissenotamment).

À l’échelle du bassin versant se pose aussi laquestiondelocaliserdefaçonoptimalelaconstructiondedispositifstamponsoulemaintienetlerenforcementde zones tampons naturelles ou semi-naturelles.Deux situations doivent retenir toute l’attention dupraticien: les«zones sources critiques»,parcelles àrisquemaximumen termes d’émission, du fait de lacoïncidence entre ruissellement, forte teneur enP delasurfacedusolainsiquelesbordsdeparcellesdontlastructure,l’étatoulamicrotopographiefavorisentlaconcentrationdeseauxdesurfacecomme,parexemple,lescoinsavaldesparcellesoulesentréesdeparcellesou de parcs pâturés subissant un tassement récurrent(Heathwaiteetal.,2005).

On peut enfin s’interroger sur l’effet cumulé desdiverstypesdezonetampond’unpaysage,surlesfluxdeP(Viaudetal.,2004).Cettecapacitétamponglobald’un paysage est difficile à évaluer. La démarchespontanée consistant à extrapoler spatialement lesrésultatsindividuelsobtenusdansdessitesderéférencen’est pas envisageable. En effet, le fonctionnementdes structures tampons varie énormément selon desconditionslocalesnonmesurablesentouspointstellesque lamicro-topographie, selon lespositionsdans lepaysage et selon l’état des réseauxd’écoulementquipeuvent,ounon,connectercesstructurestamponsavecleszonesémettrices(Mérotetal.,1997).Lesprincipauxoutilsdisponiblespouruneapprocheglobalesontdoncdes modélisations et des expérimentations en vraie

grandeur. Quelques modèles empiriques basés surl’analysedesrelationsfluxdePmesurés/occupationdesols/organisationdupaysage,validentl’hypothèsed’uneréductionglobalenonnégligeabledelaquantitéde P-total transférée dans des paysages diversifiés.AinsiWangetal.(2004)évaluentà¼lefluxretenulorsdecruesparl’ensembledesmaraisdegrandsbassinsagricolesduVermont.Lamiseenplaced’unensembledezonestamponsdansunbassinpiloteconstitueuntestenvraiegrandeur:Michaudetal.(2005)enregistrentainsi30%debaissedesfluxdeP-totalexportésdèslapremièreannée,grâceàunaménagementcompletdedispositifsenherbésdansunbassindegrandesculturesdu sud Québec auparavant totalement dépourvu dezonestampons.

Encequiconcerneleszonestampons,lemessageà retenir est le suivant: l’installation ou lemaintiende zones tampons est une pratique pertinente. Laconstruction de dispositifs enherbés permet ungain appréciable dès la première année et pour undimensionnement d’autant plus modeste (quelquesmètresdelarges’ils’agitdebandes)quel’interceptionconcerne du ruissellement non concentré. Ces effetslocauxsedoublentd’effetsglobauxcomplémentairesà l’échelle du bassin versant, si bien qu’il estprobablement presque toujours possible d’associer àune zone d’émission, une zone tampon. Pour autant,ilimportedenepasmiserexclusivementsurleseffetstamponspoursupprimerlapollutiondiffusephosphatéedesparcelles.Plusons’éloignedessourcesd’émission,plusuneffetperformantestdifficileàobtenir(cequin’estpaslecaspourNO3).Leszonestamponstendentàsesatureràterme.Ils’agitdoncaussidemettreenplaceunegestionglobalementmeilleureduP,dessolsémetteursetduruissellement,avecunesynergieentremesurespuisquelaréductiondel’émissionàl’amonttendàaccroitre,à l’aval, lesperformancesdeszonestampons.

4.3. Les petits bassins versants agricoles, comme « systèmes de transfert » du P

Relativement aux pertes diffuses de P, le bassinversantnesecomportedoncpascommeunesommedeparcellesémettricesdontlesapportss’additionnentdans la rivière, avant d’être transportés passivementàl’exutoire.Ilfautplutôtconcevoirlebassinversantcommeun«systèmedetransfert»,c’est-à-direcommeun ensemble interactif et hiérarchisé de structuresnaturelles et anthropiques, organisées partiellementen cascades amont aval, qui stockent, transforment,émettent du phosphore et finalement le transfèrentà l’exutoire via des connections hydrologiques(Figure 4). Le fonctionnement global, et donc lerégimed’exportationàl’exutoiredusystème,dépendd’unetripledynamique:

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Mécanismesetmaitrisedelapollutiondiffuseagricole 287

– lacréationdestocksmobilisables:l’élaborationde ces stocks à la surface des sols est associée aux cyclesbiologiquesetàdesapportsdusauxpratiques defertilisation;– le fonctionnement hydrique de la couverture pédologique qui conditionne l’époque, les lieux (zones hydrologiquement actives) et lesmodalités du transfert initial sols-eaux; la nature des écoulements détermine les formes dominantes du phosphoretransféré;– letransport,via lesécoulementsdesurfacepuisle réseau hydrographique, qui s’accompagne à la foisdebaissesdelachargepolluantedansdeszones tamponsetdemobilisationdenouvellessourcesde Ptellesquel’érosiondesberges;lafonctiontampon s’accompagne obligatoirement de la création de stocks intermédiaires, souvent partiellement re-mobilisables.

Letransfertdanslebassinintervientlorsdescrueset s’effectue avec des intensités très variables selonles caractéristiques hydrométéorologiques, l’étatdu bassin et de ces stocks (état des sols, épandages,etc.).L’essentieldufluxdeP-totalannuel sortantestengénéralexportéparunpetitnombred’évènementsruisselants voire érosifs. Les épisodes de reprise

hydrologique semblent être les époquesprivilégiéesd’exportationsduPdissous(Jordan-Meilleetal.,1998).

5. QUELQUES RÉFLEXIONS RELATIVES À LA GESTION DES TRANSFERTS DE P DIFFUS

La volonté d’éclairer les décisions publiquesenmatière de lutte contre la pollution diffuseaccompagne la plupart des recherches sur ladynamique du phosphore dans les bassinsversants. Les décisions ou recommandationsgénéralesàl’échelledepaysrelèventdesynthèsesréalisées par des groupes d’experts telles quecellesréaliséesenFranceparleCORPEN(1998).Une synthèse récente à l’échelle européenneest produite par le COST869 («Mitigation options for nutrient reduction in surface water and groundwaters », http://www.cost869.alterra.nl/).Lesinterventionsoulesdiagnosticss’organisentégalementrégionalement(Latreilleetal.,1993;Aurousseau,2002)oulocalement(quelquesdizainesdecommunes)parexempledans le cadre d’actions contre l’eutrophisationde lacs ou de retenues (Trévisan et al., 1996).Les réflexions proposées dans ce paragraphesont représentatives de mesures préconisablespourlesactivitésagricolesetledéveloppement

local,àceséchellesrégionalesetlocales,danslecadredemilieuxàclimattempéré.Ellessontprésentéesdefaçon caricaturale selon les niveaux d’organisationcaractérisantlesystèmedetransfert(Tableau 3):– Agir à la source, au niveau de sols, en ajustant lesquantitésépandueset lecalendrierd’épandage. Lepremierparamètreàcontrôlerestlaforteteneur temporaire en P dans les premiers cm du sol en évitantquedesapportscoïncidentavecunepériode àrisquederuissellement(pertesditesincidentes)et en réalisant, surculture,un travaild’incorporation dans le sol le plus rapidement possible après l’épandage de fertilisants. Parallèlement, il est nécessaired’éviterlesexcédentscumulésdePdans l’ensemble du sol en limitant les apports de phosphoreauxbesoinsdelaculture(Pellerinetal., 2005), ce qui peut signifier de faire des impasses sur la fertilisation minérale pour tenir compte desexcédentsantérieurs.Cespréconisationsvalent pourtouteslesexploitationsettouslesMUS;elles supposent,dansleszonesd’élevage,uneamélioration descapacitésdestockagedesmatièresorganiques, cequiestindispensablepourréaliserunevéritable gestiondecesfertilisants.Untraitementparticulier visant à réduire la teneur en P de sols peut être envisagédansleszonessourcescritiques;

Flux agronomiques Bassin versant

EXPORTATIONSEXUTOIRE

PLUIES

ÉCOULEMENTS

FLUX DE P-TOTAL

SOLS AGRICOLES

zones actives

STOCK initial

SOLS – VÉGÉTATIONdes zones tamponsenherbées et des haiesSTOCKS 2 intermédiaires,partiellement recyclables

SOLS – VÉGÉTATIONSdes zones TAMPONSassociées auréseau hydrographiqueSTOCK 3

PP

PP

P-dissous

P-dissous

BERGES

SÉDIMENTS

STOCK 4

PPruissellement

P-dissousruissellement

P-dissoussubsurface

Figure 4. Représentation schématique du système de transfertdu P à l’échelle du bassin versant (tête de bassin)— Schematic representation of the transfer system P across the watershed (headwater).

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– Réduire le ruissellement à l’échellede laparcelle. Une baisse de fréquence et d’intensité du ruissellementlimitelespertesdephosphore.Defait, laplupartdesmesuresdeluttecontreleruissellement et l’érosionse traduisentparunebaissedespertes deP-total(CORPEN,1998).C’estlecastoutd’abord despratiquesoudesusagespermettantd’améliorer la couverture du sol notamment en hiver, ou de limiter la battance et le compactage. Le travail simplifiédu sol est discuté en cequi concerne les pertesdeP(Castillonetal.,2007):ilpermetcertes une réduction du compactage,mais n’entrainepas systématiquementuneréductionduruissellementet tendàaugmenterlateneurenphosphoreensurface dusol,cequipourraitaugmenterlabio-disponibilité delachargeenPdeseaux(Koroetal.,1995).Un compromis est donc à trouver. Les actions à la parcelle doivent être renforcées dans les zones sourcescritiques.Leruissellementsurzonesaturée et les bas-fonds pose un problème spécifique: les pratiques correctrices ou atténuantes sont encore peu évoquées. Un minimum consisterait à limiter autantquepossibleletassementdesfondsdelabours quilimitelapercolationverticaledel’eauetentraine une amplification des transferts latéraux. Une solution optimale consisterait à y installer ou maintenir en priorité des zones d’herbages en y contrôlanttoutefoislesentréesdematièreorganique etleurrépartition;– Développer les zones tampons à l’échelle du parcellaire et du bassin versant. Les prairies, notamment celles du voisin, intercalées entre les

culturesouenbasdeversant,jouenttrèsfréquemment lerôledezonetampon.Undesmeilleursatoutspour la maitrise de la pollution diffuse est donc probablement la diversité des assolements et des systèmes d’exploitation. Ceci justifie, quand c’est possible, un soutien spécifique aux exploitations baséessurl’herbeetpeuintensifiées,potentiellement «productrices» de pouvoir tampon. Ceci justifie aussi le développement de dispositifs enherbés organisés et entretenus pour optimiser à long terme leurs effets tampons vis-à-vis de P. Enfin, toutescesmesuresn’ontdesensquesi,parailleurs, l’aménagement agricole et du territoire en général épargneetgèreleszonestamponsnaturellesousemi- naturellesdéjàexistantes,tellesquecertaineshaies etlesripisylves,etlimitentsonimpactnégatifsurle réseau hydrographique (imperméabilisation, calibrages excessifs de fossés, simplifications hydrologiques, toutes actions qui favorisent la connexionhydraulique).Lesaménagementsabusifs, dont les conséquences sont de supprimer ou de court-circuiter les zones tampons, constituent une façon insidieuse et non répertoriée d’accroître la pollutiondiffuse.– Enfin,laluttecontrelephosphorediffusàl’échelle régionalenereposepasquesurl’agriculture:c’est le développement local dans son ensemblequi est concerné,enpremier lieuà travers l’aménagement paysagerethydrauliquementionnéci-dessusetqui dépend,lui,d’autresacteurslocaux.Lescontraintes socio-techniques et règlementaires qui pèsent sur l’agriculture,dufaitdudéveloppement,sontaussià

Tableau 3.Vued’ensembledelastratégiedemaitriseduPdiffusagricole—Overview of the strategic control of diffuse agricultural P.

Phénomènes à contrôler Indicateurs possibles Modes de contrôles (exemples types)

Composantes contrôlées

Émissions (facteurs de risque)Parcelle AccumulationdePlabile

ensurfacedessolsPratiquesetcalendrierdefertilisationetdelabours

Pratiquesd’épandageFertilisationraisonnéeStockaged’effluents

Qualité:bio-disponibilitéetratiodissous/particulaire

Ruissellementsub-surface Teneurdel’horizoncultivé-profilculturalTypededrainage

Pratiquesetoutilsdetravaildusol

Versant Ruissellementsursolsaturé

Analysetopographiqueettypedesols

MaintienprairiePassageàlaprairie

Quantité:fluxannueldeP-totaletdeP-particulaireRuissellementhortonien

(balance,tassement)Étatsdesurfacedessols Pratiquesetoutilsde

travaildusolAtténuation ( = effets tampons)

VersantBassinversant

InterceptiondesruissellementsetstockagesdurablesduP-total

Typologiedesconnexionsparcelles-réseauhydrographique

MaintiendeszonestamponsexistantesDispositifsenherbésDiversitéparcellaireetprairiespermanentes

Quantité:fluxannueldeP-totaletP-particulaire

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prendre en compte comme facteur déterminant lamargedemanœuvredesexploitationsagricoles. Ainsi, dans la région lémanique, le mitage périurbainprovoqueunespécialisationdesparcelles liéeauxrestrictionsgéographiquesdesépandagesde lisier, limite lesperspectivesd’investissementvers des techniques correctives et change les pouvoirs tampons, autant de facteurs qui modifient profondément le fonctionnement du système de transfertduP(Doriozetal.,2001).Danscecontexte, une véritable renégociation de la place de l’agriculturedevraitaccompagnertoutpland’action localourégional.

DufaitdurôledupaysagedansletransfertduPetdel’interactionentreagricultureetdéveloppementlocal, la réponse à la question de départ–cellede maitriser le P diffus agricole– sort donc d’unchamppurementtechnique,souventàlasurprisedesgestionnaires des eaux. D’autres extensions de laproblématiquePversunegestionglobaledesfluxàl’échellenationalesontàprévoiràcourttermeetnousserontimposéesparlabaisseattenduedesressourcesminièresenP.

6. CONCLUSION

Les solutions au problème de l’eutrophisation setrouventdanslagestionàlafoisduphosphoreetdesbassinsversants(paysageetactivités).LaréductiondessourcesponctuellesdeP liéesauxrejetsd’eauxusées diverses ayant beaucoup progressé, il n’estpas possible d’envisager l’impasse sur les sourcesdiffusesdePagricoles.Celles-cidevraientmêmeêtredesprioritésfortesdanscertainesrégions,notammentensecteurd’élevagetrèsintensif,pourdesmisesenœuvreurgentes.

Le transfert du phosphore est rarement unesimpleconséquencedel’érosionetdecefait,laluttecontre lespertesdiffusesne saurait êtreune simpletranspositiondelaluttecontrel’érosion.Lesystèmede transfert du P vers l’exutoire associe des zonesémettricesetdeszonestampons.Ilsecaractériseparunefortevariabilitéspatialeettemporelledeszonesactivesetdesmécanismesd’émissionetd’atténuationduP-totalenrelationaveclerythmedesévènementsmétéorologiques, des saisons et des pratiquesagricoles.Dansceschémagénéral,leP-totaltransféréprovient initialement de divers types d’émetteursdifférantentermesdespéciation,demoded’émissionetderéponseauxconditionshydrologiques.Onnoteune tendance à un découplage partiel, entre formesdissoutesetparticulairesduP,entrefluxetstocksdusol,entreimportationssurlebassinetexportationsàl’exutoire.

La recherche sur la pollution par le phosphorediffusagricolen’alongtempsaboutiqu’àdescodesde«bonnespratiques»ouàdeszonagesgéographiquesderisques.Cesdeuxapprochessontimportantes;ellesseréfèrentàdesdiagnosticsetàdesactionscentréessurlacomposante«parcelle»duterritoireagricole.Or,lesparcellesnesontpas lesuniqueslieuxdudiagnostic,del’actionetdeladécisionetlespratiquesagricolesquiysontappliquéesnesontgénéralementniisolées,niindépendantesdesgrandschoixdudéveloppementagricole. Le transfert du P et le problème de lapollutiondiffuseengénérals’inscriventaussidansunedynamiquededéveloppement.Àl’échelledupaysageetdesonaménagement,lesagriculteursnesontpaslesseulsacteursimpliqués.Enconséquence,lesstratégiespourréduirelespertesdiffusessontdescombinaisonsd’actions complémentaires prenant en compte lesspécificitésrégionalesetlocalesdesbassinsversants,ainsi que les marges de manœuvre disponibles àl’échelledel’exploitation,dansuncontextediversifié.

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