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©

PUV,

Saint-Denis,

1984

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MEDIEVALES

Revue

semestrielle

publiée par

les Presses

et

Publications

de l'Université

de

Paris VIII

-

Vincennes à Saint

Denis,

avec

le concours du Centre National de la Recherche

Scientifique

COMITE

DE REDACTION

_

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ļ

Jérôme

BASCHET

_

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fCTÍ

ir

*

François-Jérôme

EAUSSART

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Bernard

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JACQUESSON

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Christln^LAPOSTOLLE

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OrlandoEde°RUDDER

gip

Wkī?J

Le

numéro

44

F

Abonnements

-

2

numéros

82 F

(étranger

95

F)

-

4

numéros

155F

(étranger

180

F)

Les

manuscrits,

actylographiés

ux

normes

habituelles

ainsi

que

les

ouvrages pour comptes

rendus,

oivent

tre

envoyés

:

MEDIEVALES

Centrede RechercheUniversité aris VIII

2,

rue

de la

Liberté

93526

aint-Denis

edex

02

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MOYEN

AGE,

MODE D EMPLOI

Parler

du

Moyen

Age.

Parlerdes médiévistes. aire

parler

es

médié-

vistes du

Moyen

Age

et d eux-mêmes. ar le

Moyen Age

est

aussi

fait

des

passions,

des

goûts,

des adhésions t

des haines de ceux

qui

le

fabriquent,

e

démolissent,

e

reconstruisent.

Nous

présentons,

ans ce

numéro,

es résultatsd une

enquête

dans

laquelle

nous avons souhaité

faire

pparaître

es

motivations,

es

impli-

cations des médiévistes.Nous

y voyons

se dessiner

un

Moyen Age

imaginaire, lein des lectures et des rêves d enfance, ôtoyant es

discours

scientifiques

t

auquel beaucoup

de

médiévistes

émoignent

de

leur attachement.

l n est donc

pas

inutilede faireune

place

à cette

dimension ecrète

qui,

qu on

le veuille ou

non,

participepleinement

notre

perception

e

l époque

médiévale. e

Moyen

Age

est bon à rêver

Ivanhoé

et Marc

Bloch,

a

main dans

la main.

Bien

sûr,

il

ne

s agit

pas

de s en tenir

à des

images

d Epinal,

ni

d oublier

que

le

Moyen Age

est

aussi

un discours

construit,

laboré.

C est en montrant es

variations,

es

évolutions,

travers

une

analyse

historiographique,

u on

le fait le mieux sentir.

Par

exemple,

l

nous

semble

que

la recherche

française

est souvent

encline

à

considérer

l étiquette«MoyenAge comme une pure convention.A l inverse,

Ovidio

Capitani interroge

ci

sur a

définition

un

unitédu

Moyen

Age.

Dans

une

perspective

ui

illustre

exigence

de

réflexion

héorique

de

l école

italienne,

l

entenddonner

une

rigueur

onceptuelle

l idée

de

Moyen

Age.

Pourtant,

a

périodisation

e l Histoire ur

laquelle

nous

vivons ne

va

pas

sans

poser

de

problème.

Pour

Jean

Devisse,

l entité

«

Moyen

Age

ne se

justifie

n

aucune

manière,

ni

économiquement,

i

politi-

quement.

Au-delàde cette

critique,

auteur

montre,

vec sa

double

expérience

e l histoire

médiévale t surtout

de

l histoire

de

l Afrique,

combien

idée de

«

Moyen Age

procède

de la

certituded une

supé-

riorité e l Occident, une exclusiondes autres cultures.

Discours

tranchés,

pposés

?

Sans

doute,

mais seulement

i l on ne

voit

pas qu ils

ne

parlent

pas

exactement e

la

même

chose,

qu ils

ne

visent

pas

le même

champ.

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6

Par

ailleurs,

e

discours sur

le

Moyen Age

s élabore

au sein

d un

système énéral

e

pensée.

Cette

dépendance pparaît

travers

emploi

des notions

ď

«

enfance et

ď

«

origine

,

couramment

mployées

our

définire

MoyenAge

par

la

distance

qui

nous

en

sépare.

Or,

l article

d Antoine

eillon

montre

ombien

a

métaphore

de

l enfance

est

un

outil

dangereux

our

qui

le manie sans

méfiance.

Notre

enquête

e

montre

la recherche

st

aussi

une

pratique,

ndis-

sociable

de certains

ieux.

A

partir

de

l exemple

de

la

Bibliothèque

Nationale,

Michel

Pastoureau

xamine

pour

nous les

manières

e biblio-

thèqueet nousmontre ombien e rapportdes chercheurs leurs ieux

est riche

de sens.

A

travers

es

différentes

pproches,

nous voulons

faire sentir

om-

bien

le

Moyen Age

est

impliqué

dans

les

pratiques

et les

savoirs

d aujourd hui,

ans

la

démarche

t la

personnalité

es chercheurs.

n

définitive,

e

MoyenAge

n a

de sens

que

pour

autant

qu il

existe

pour

nous

(et

c est aussi

pourquoi

l

peut

ne

pas

en

avoir).

Ici,

l unité

du

MoyenAge

rejoint

sa

dimension

maginaire.

l

n est

pas,

aujourd hui,

e

période

qui

se

prête davantage

notre

maginaire,

car

il

n est

pas

de

période

plus

cohérente

our

nous,

dès

lors

qu on

la

définit

au-delà

de la

périodisation

raditionnelle)

omme

l envers

de

notre ivilisation.

C.L.

et

J.B.

Nous sommestrèsheureuxde voir démarrer a chronique-jeuue

PatriciaMulhouse

iendra ésormais

u

fildes numéros.

Nous

y voyons

l occasion

d en

apprendre

lus

sur

un des

aspects

de

la vie

médiévale,

et

en même

temps,

a certitude

e bien nous

amuser.

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Jérôme

BASCHET

Christine

LAPOSTOLLE

Michel

PASTOUREAU

Yvonne

REGIS-CAZAL

PROFESSION MÉDIÉVISTE

La

mode

des

questionnaires

t des

sondages persiste

dans les

magazines

t les revues et il

était

impossible ue

Médiévales

n'y

aille

pas

aussi du sien

(1).

Ainsi

envoyions-nous,

oici

à

peu près

un

an,

à

tous nos

abonnés,

une

cinquantaine

de

spécialistes

de la littérature

et

de la

linguistique

u

MoyenAge,

une

cinquantaine

'historiens,

rne

vingtaine 'archéologues

t

d'historiens e l'art de

la

même

époque,

la

liste des

questions

reproduites

lus

loin. Nous

annoncions,

n intro-

duction, ue

ce

questionnaire

'adressait

«

à

tous ceuxqui s'intéressentau MoyenAge, uelles que soient eursdisciplines t leurspériodesde

prédilection

. Ce

que

nous souhaitions

«

que

les

motivations

des

médiévistes

pparaissent

ans leur

diversité dimension nstitutionnelle

de la

recherche,

njeux

épistémologiques

t

politiques...

mais aussi

implications ersonnelles

u

chercheur,

rop

souvent

ccultées

par

les

enjeux scientifiques

.

Autrement

it,

essayer

de faire

parler

es médié-

vistes en

tous

genres,

non

pas

du

Moyen

Age

mais

des

coulisses de

leur

Moyen Age,

de leur

Moyen Age

privé qui

se

cache,

sous-tend,

s'entremêle

vec leur

démarche

publique, cientifique.

Nous avons

envoyé

trois cents

questionnaires

t

reçu

trente-cinq

réponses.C'est la proportion abituelle dans ce genred'enquête.La

modestiede notre

entreprise,

a forme

de nos

questions

ne nous ont

pas

semblé

appeler

un traitement

es

réponses

par

pourcentages,

statistiques,

tc.

Le nombre

éduit

des

réponses

mais

aussi,

souvent,

a

longueur

de

chacune,

es

développements

uxquels

elles donnent

ieu,

nous ont

engagés

à nous

orienter

lutôt

vers un

traitement e

détail,

à

prêter

ttention

on seulement

ux

informations

onnées

mais à

la

manièredont elles

sont formulées.

1.

Exemples

e

questionnaires

médiévaux

dans a revue

Rapport

Net

FranseBook,

3,

année

1983,

ené

Stuip

et

MartijnRus,

«

Nos étudesmédiévales, la mode?», pp. 154-178,t dans le magazine ire n° 91,

mars

1983,

es Stars

du

MoyenAge

«

Quelles

ont,pour

es

Français,

es

trois

ersonnalités

ymbolisant

e mieux e

Moyen

ge

»,

pp.

22-23.

n

pense

aussi

à certaines

uestions

u concours

ancé

par

es

Editions

odiaque,

ur

l'art

roman,

ans es

numéros

'été

1984)

u Monde

Dimanche.

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8

Pour

plus

de

clarté,

nous

reprendrons

ans

la

présentation

es

réponses

dont

l'analyse

sera

étayée

de

larges

citations,

'ordre dans

lequel

les

questions

étaient

posées.

D'autre

part,

comme

il

n'est

pas

dans

nos intentions e

prétendre quelque

scientificité

ue

ce soit

et

qu'une

vraie

analyse sociologique

n'est

pas

non

plus

dans

nos

compé-

tences,

nous avons choisi

de varier

es

points

de vue

en

répartissant

entre

quatre

personnes

2)

le

travail

d'analyse

des

réponses,

eci

expli-

quant

de

possibles

changements

de ton

de la

présentation

d'une

question

l'autre.

l

convient,

vant de

passer

à

cette

présentation,

e

nous fairepart de nos réflexionsoncernante déroulement e cette

enquête.

Qui

a

répondu

?

Voici

d'abord

quelques

chiffres

-

6

des

personnes

yant

répondu

ont

plus

de

60

ans,

3

entre

50

et

60

ans,

8

entre

0 et

50

ans,

7

entre

30

et 40

ans,

9

entre

20 et 30 ans

(deuxpersonnesne donnent as leurâge).

-

18

réponses

émanent

de littéraires

t de

linguistes,

viennent

d'historiens,

viennent

'archéologues,

d'historiens e

l'art,

1

d'un

théologien,

nfin

de médiéviste mateur

sans

spécialisation.

-

18

réponses

viennentde

Paris,

8

viennentde

province,

9

de

l'étranger.

-

19

de

nos

interlocuteurs

ont des

enseignants

u

Supérieur,

des

enseignants

u

secondaire,

des

étudiants,

exercentd'autres

profes-

sions

sans

rapport

direct

avec

le

Moyen Age.

La

répartition

es

âges,

des

professions,

es lieux de

résidence

eflète

à peu près la situationde départ.On constatedonc d'embléeque les

enseignants

du

Supérieur, parisiens,

masculins sont

surreprésentés

(plus

de la

moitié

des

réponses).

Nous

n'avons

pas

d'explication particulière

concernant e

petit

nombre es

réponses

féminines

8

sur

35 et aucune chez les

historiens).

Leur

proportion

st inférieure celle

qui

les

représente

ur la liste

des

questionnaires

nvoyés.

Ce

qui

nous semble se

dégager

e mieux

ici

est

qu'à

proportions

d'interrogationgales,

es littéraires

épondent lus

nombreux

ue

les

historiens.

l

faut bien sûr

prendre

en

compte

le fait

que

la revue

a d'abordtouchéun public ittérairece qui n'estplus vrai aujourd'hui

2. Les

questions

,

2

et 3 sont

présentées

ar

Michel

Pastoureau,

a

question

est

présentéear

Yvonne

egis-Cazal,

'introduction

t a

question

Ear

postolle,

hristine

la

question

apostolle,

7

et

a

la

uestion

conclusion

par

par

vonne

Jérôme

egis-Cazal

Baschet.

et Christine

Ear

postolle,

a

question

et la

conclusion

ar

Jérôme

aschet.

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9

le

partage

s'équilibre),

mais

il

nous semble

pouvoir

dire

tout

de

même

que

cette différence

st

en

partie

'effet 'une

certaine

réticence

de l'historien

laisser de côté

pour

un moment son

attitude

de

«

scientifique

alors

que

le littéraire

e

sent

probablement

lus

à

l'aise

face au

type

de

questions,

la

façon

dont celles-ci ont

posées.

Autre

particularité

e ce

sondage

plus

de

la moitié

de ceux

qui

y

ont

participéy

ont été invité

directement,

arfois

avec

insistance,

par

l'un

des membres e

l'équipe

de Médiévales.

Ce

qui

sera

présenté

ici reflète

onc les

attitudes

d'un

noyau

de

personnes

relativement

prochesde la revue d'autrepart, l fautprendre n compte 'influence

de

l'interrogation

irecte ur

la

réponsequi

lui

est faite.

Cette

situation,

i elle enlève

à ce

qui

va

être

présenté

ci toute

prétention représenter

es médiévistes

d'aujourd'hui

«

en

général

,

a

permis

en

revanche e contact avec

une

catégorie

habituellement

délaissée celle des

gens

interrogés

mais

qui

n'ont

pas répondu.

Les

réactions

que

nous

avons

rencontrées

hez ceux-ci sont

diverses

contestation

'une curiosité mal

placée

»,

concentration

ur

des

ques-

tions

purement

necdo

iques, reproche

du caractère

peu

sociologique,

peu professionnel

e notre

démarche.

Mais

il

est

apparu,

dans

le

plus

grand

nombre des

cas,

que

les

destinataires nt

lu le

questionnaire

et y ont réfléchi. partirde là, la gammedes excuses va de l'oubli

à

la

réponse qu'une

fois

rédigée

on

préfère

ne

pas

soumettre

u

tiers.

Entre es

deux,

ceux

qui

se sont

«

creusé

la tête et sont

sortis

tout

troublés

de

cette

interrogation,

eux

qui jusqu'à

la dernière

minute

nous

avons

parfois

été

terribles,

multipliant

ans

pitié

les

assauts)

ont

promis

qu'ils répondraient...

En

tenant

ompte

de

la

place

de

la

politesse

dans

les

«

c'est

inté-

ressant

mais...

qui

viennent

'être

évoqués,

il

nous

semble

tout

de

même

légitime

d'attacher

une

certaine

importance

à

l'espèce

de

malaise

suscité chez certains.

l

nous

semble tenir à

deux

raisons

principales le ton des questions, otre nsistance direque les choses

auxquelles

nous

nous

intéressionstaienthabituellement

achées,

qu'il

fallait

«

lever

un voile

»

pour

les dire

d'autre

part

la lourdeur

de

chacune

de

ces

questions

suggérant

ouvent

dans leur formulation

a

réponse

à

faire et ne

laissant

parfois guère

de

place

à

l'imagination

de

la

personne

nterrogée.

Quelles

réponses pour

quelles questions

?

Les

questions,

n

le verra

dans

l'analyse

qui

suit,

n'ont

pas

toutes

été abordées

de la

même

façon.

Il faut notamment

distinguer

a

question

4

(sur

les souvenirs

d'enfance)

qui,

comme on nous l'a

fait

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10

remarquer,

ncite à

traquer

dans

la mémoire

le moindre

épisode

d'enfance

yant

eu un

rapport

avec

le

Moyen

Age

et

qui,

dans

un

autre

contexte,

e serait

pas

forcément

pparu

comme

déterminant.

La

question

7

sur

le

rapport

du

Moyen

Age

au

monde

contemporain

(cf.

infra)

est aussi

à isoler.

Elle

introduit

ouvent

une

rupture

vec

le ton des

réponses

ux

questions

précédentes.

lle

est

perçue

comme

plus grave,

parfois gênante

«

Quant

à

la

question

de

"l'actualité"

d'une

pratique

de

recherche,

'est tout

autre

chose

»

On sent

souvent

que

l'on

n'a

pas

affaire

xactement

u

même

degré

de sincérité.

ans

les questionsprécédentes,n se livrait, ci, on se reprend u encore

on choisit

de

ne

pas répondre.

A cause

de sa formulation

mais

plus

encore

sans

doute à cause

d'une

attitude

plus générale,

es

dernières

années

face à ce

type

d'interrogation,

n sent

qu'il

existe

en

filigrane

comme

une

sorte de

«

bonne

réponse

à

cette

question

par

rapport

à

laquelle

on

prend

mplicitement

osition.

Ainsi

eux

qui

ne

présentent

pas

ce

problème

omme

étant

le

centre

de

leurs

préoccupations

er-

çoivent

ux-mêmes

ils

sont

deux)

leur

réponse

comme

relevant

de

la

provocation.

D'une

manière

générale,

e

plan

du

questionnaire

été

suivi

de

très

près.Les questions ont e plus souvent eprises

dans

le

détail

de

leur

formulation. 'est très frappant, urtoutpour les questions4 et 5

(cf.

infra).

Souvent,

es

exemples

donnés

dans ces

questions

ont

été

directement tilisés

«

(question

4).

En ce

qui

concerne

a

visite à

Chartres,

n

effet,

j'y

suis

allé,

mais

je n'y

ai

rien trouvé.

Quant

à

l'étiquette

e

boîte

de

camembert,

e

n'en

mange pas...»

La

longueur

es

réponses

st

variable.

Elle est

en

moyenne

e deux

ou

trois

pages.

Plusieurs

réponses

vont

jusqu'à

sept pages.

Quelques

autres sont très succinctes t tiennent ntre les lignes de la feuille

de

questionnaire

ui

nous

a été

retournée

«

pas

vraiment

,

« assez

minime

...

La

place

accordée

à

chacune

des

questions

est à

peu près

équivalente,

n

peu

moindre

our

a

question

3,

es

questions

1,

5 et

7 se

partageant

es

réponses

es

plus

longues.

Les

questions

ne sont

en

général

pas

commentées

ar

nos

inter-

locuteurs.

On relève

seulement

uelques

remarques

brèves

«

question

trop personnelle»

questions

3

et

5),

«la deuxième

moitié

de

votre

question

st

moins claire»

(question

7).

Dans

un

cas,

la

question

3

est

retournée

«

Plutôt

que

de

parler

de ce

que je

n'aime

pas

dans

le

Moyen

Age, e

préfère

arler

de

ce

que j'aime...

D. Alexandre

idon.

Le commentairee plus précisest celui de Paul Zumthor

«

De

vos

sept

questions,

a

plus

importante

ans cette

perspective

(celle

de

l'implication

ersonnelle

u

chercheur

ans son

travail)

ast

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11

évidemmenta dernière.

a

réponse

que

Ton

y

donne

mplique

en fait

les six

précédentes.

ersonne,

me

semble-t-il,

e

peut,

sans se

disqua-

lifier omme

chercheur,

rester ndifférent.

Les

réponses

ous formede lettres

elles

sont

au nombre

de

neuf),

en abandonnant

a

structure

du

questionnaire

ui font

perdre

son

aspect anecdotique

t le

synthétise

n

général

n

une

questionglobale

«

Quel

est

mon lien

personnel

vec le

Moyen

Age

et avec ce sur

quoi

je

travaille

n

particulier

»

Dix réponses,d'autrepart,sont introduites ar une lettreséparéede leur contenu.

ettres

de

politesse

et

d'encouragements

ui

mettent

parfois

'accent ur notre

uriosité,

'excusent

u

temps

que

leur

auteur

a

mis

à

répondre,

e

la

rapidité,

uelquefois

du

narcissisme

de cette

réponse

dont

on dit

qu'elle

a

au

moins

le mérite

d'être sincère.

Ces

lettres

nous donnent

quelques

définitions t

commentaires

u

ques-

tionnaire

ue,

pour

continuer ans e

narcissisme,

ous

pouvons

voquer

ici

«

Votre dée

de

faire cette

enquête

me

semble

excellente

utile

et

peut-être

écessaire

.

«

Même

après

avoir subi cet

examen

de cons-

cienceprofessionnel,e n'yvois pas tropclair... « Vous nous conviez

là à abandonner

es

défroques

dont nous

habillonsnos

passions,

et

ce

n'est

pas

chose facile.

La fraîcheur 'âme

n'est

pas

ce

qui

caractérise

l'universitaire

rançais,

habitué

à situer ses

entreprises

dans

un

système

du monde.

Que

n'avez-vous ffaire

ce

type

de

professeur

anglo-saxon ui

avoue

ingénument

ue

telle

direction

e recherche

ui

a

été

inspiréepar

une

promenade

dans

la

campagne

.

Il se

dégage

de ces lettres

e fantôme 'une sorte

de

réponse

déale,

celle

que

l'on aurait

faite

si

l'on

avait eu le

temps

de

répondreplus

longuement

t,

qu'à

défaut de

temps,

l'on

a

remplacé par

«une

petitecontribution, faite « par une sorted'acquit de conscience et

«

puisque

vous voulez

"absolument" savoir

ce

que pensent

vos lec-

teurs

,

de

«

brèves considérations

«

au

fil de

la

plume...

qui

ont

du

moins,

nous

dit-on

ncore,

e

mérite de

la

spontanéité.

hacun

sait,

derrière es

excuses

que

cette

réponse

ne

saurait,

quel que

soit le

temps

u'on

y

passe,

être

formulée,

ue

tout

cela n'est

que

construction

à

partir

d'éléments

électionnés

ui,

dans

d'autres circonstances

our-

raient être sensiblement

ifférents. ersonne

et

l'on

comprend

que

l'intérêt

orté

à

ce

questionnaire

'aille

pas jusque

là)

ne

s'est

amusé

à

nous

envoyer

plusieurs réponses

à

chaque

question.

Pourtant,

'un

de

nos

interlocuteurs

ous dit

«

C'est

un

problème

difficile

de

s'interroger

ur

la

part

de

soi-

même

que

l'on met

dans

la

recherche)

t

plus

encore

qu'il

n'y

paraît,

car

la

solution

se

dérobe sans

cesse.

Il

me

semble

qu'elle

excède

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8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf

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12

toujours

ce

qu'on

est

capable

d'en dire...

Personnellement,

e

crois

pouvoir répondre

de

plusieurs

façons,

sans

que

je

sois

-

en

toute

honnêteté

capable

de décider

aquelle

tient

e

plus

de

vérité...

Moyen Age

et

moyenne d'âge

Finalement et tout

e monde sans doute en sera

soulagé

-

il ne

se

dégage pas

de

cette

enquête

de

portrait ype

du médiéviste

ecteur

de Médiévales. Les convergences, on pas de points de vue mais

d'attitude,

face aux

questions

posées

se

remarquent

davantage

au

niveau des

générations

u'à

celui des

disciplines.

i

l'on

devait classer

les

réponses

n

groupes,

a

distinction

a

plus pertinente

e ferait

ntre

ancienneet nouvelle

génération

'enseignants

u

supérieur,

tudiants

et amateurs.

Ceci,

non

pas

tant,

comme nous

l'avons

déjà

dit,

pour

le contenudes

réponses

que pour

leur ton. On

peut,

de ce

point

de

vue,

faireun certain

nombre

de

remarquesgénérales

t

qui

ne

surpren-

dront sans

doute

pas

(tout

en

précisant

qu'il

existe,

bien

sûr,

dans

chaque

catégorie,

es

exceptions)

ce sont

en

général

es

enseignants

les plus âgés qui dénigrente monded'aujourd'hui u profit u Moyen

Age.

On

distingue

ssez clairement, ans le

groupe

des moins de

trente ns

un ton

plus léger, lus

porté

à

la

plaisanterie

t à

parler

du

Moyen

Age

comme

«

fiction

.

C'est

dans cette même

catégorie

ue

l'on

rencontre

e moins de

gens

parlant

avec admiration

de

leurs

profes-

seurs.

Sans doute

e recul eur

manque-t-il...

e

groupe

des

enseignants

jeunes

a tendance

parler

davantage

de

sa

recherche

ue

de lui-même

il

constitue

a

catégorie

a moins

homogène.

On

y

remarque

tout de

mêmeune volonté

e

parler

du

MoyenAge

de

façon

nouvelle t

moderne

à

l'égard

de

laquelle

les

enseignants

lus âgés

se montrentméfiants

«

Je

suis défiant

peut-être ar incompétence

t

ignorance)

vis-à-vis

des études rop ystématiquesu abstraites, es applications ropméca-

niques

de

"grilles"

modernes

ux

textes

médiévaux,

urtout

orsqu'elles

sont

une fin n elles-mêmes

t

non d'abord

au service du texte .

Cette

remarque

e

double du

fait

que

les

enseignants

es

plus âgés

parlentplus

volontiers

e la beauté des œuvres

qu'ils

aiment

et

énu-

mèrentaissant ux

plus eunes

e soin de

parlerproblématique

t

théorie

(ceci

peut-être

urtout

u niveau des littéraires

t des

linguistes).

a

dernière

atégorie

st celle des

amateurs,

de ceux

dont la

profession

est sans

rapport

avec le

Moyen Age

et

qui

s'intéressent

celui-ci

pendant

eur

temps

de

loisir.

La forme

e leurs

réponses

e

caractérise

par la modestie ui les fait renoncer uelquefois certaines uestions

et

par

le

rappel

à

répétition

dans

une lettre

d'accompagnement

ais

aussi

-

et

parfois

à

plusieurs

reprises

-

dans le texte de

leur

réponse)

de leur

situation

ď

«

amateurs

.

Ajoutons

enfin

u'à

notre

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13

grandregret

ous n'avons

reçu

aucune lettre

d'insultes

sans

doute

es

gens qui

pensaient

du mal du

questionnaire

'ont-ils

as pris

la

peine

de

nous

répondre

il

n'est

pas trop

tard)

ni aucune

réponse

canular.

« L'historien

peut-il

tenir de tels

propos

?...

»

Il nous faut encoreévoquer

e

«

commentaire

ur

la

réponse,

dans

la réponse dont nous gratifient peu près la moitiéde nos interlo-

cuteurs,

ceci sous

forme de

parenthèses,

de

petites

phrases

excla-

matives

«

Le choix

de

me

spécialiser

n art

médiéval...

st dû

à

l'influence

de

certains

professeurs,

pécialistes

t

milieux

ceci

pour

dire

que

le

milieu

des

médiévistes

st

super

)

»

supposant

parfois

es réactions

du

lecteur

«

J'ai

horreur

l'historien

eut-il

enir de

tels

propos

-

de

la

période

1661-1789

«

j'ai

une aversion

profonde

et

scandaleuse

)

pour

l'histoire u droit et des institutions...ou encore nterpellentirecte-

ment

le

questionnaire

«

S'il me

faut

toutefois,

our

jouer

le

jeu,

choisir

coup

sûr

une

de ses

périodes...

«

veuillez excuser

e bavar-

dage

théorique

«

propos

de

la

question

6)

C'est

le revers

de

la

question

2 ».

Si la

plupart

des

réponses

font

savoir

qu'elles

n'impliquent

ue

celui

qui parle

«

je

pense que

pour

moi...

«

en ce

qui

me concerne

quelques-unes

d'entre

elles,

pourtant,

manant

d'enseignants,

e

pré-

sentent

uvertement,

u

parfois

de

façon

déguisée,

omme

yant

valeur

générale,

omme

une

éthique

du médiéviste

u

encore

comme

une

diatribecontre e mondemoderneou un certain « type de médié-

viste.

En voici

quelques

témoignages

«

Le

médiéviste

n'a

pas

à

être

dans le

vent,

ni à

fréquenter

es conférences

e

Beaubourg.

Son rôle

véritable

st

de maintenir...

«

(je

déplore)

la

conception

ue

se

font

de

l'histoire

n nombre

croissant

d'historiens,

t souvent

eunes,

qui

dans

le

sillage

d'une

«

nouvelle

histoire

qui

ne l'est

guère,

vont

jusqu'à

oublier

'homme...

«

Je crois

qu'il

est

bon d'avoir

des

préoc-

cupations

à

la fois

verticales

t horizontales...

e

crois

nécessaire

et

agréable

de

fréquenter

es

institutions

ifférentes

...

Nous

vous

laissons,

maintenant,

écouvrir

es

réponses

qui

ont

été

faites

à

chacune

de

nos

questions.

Nous

remercions

haleureusement

les trente-cinq édiévistesui ontpris a peinede nous répondre. 'est

avec

joie,

bien

sûr,

que

nous

publierons

dans

un

prochain

numéro

de

Médiévales

es

commentaires

ue

vous souhaiterez

nous faire

sur

cette

enquête,

qui

sait,

peut-être

es

réponses

des

265 retardataires...

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8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf

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QUESTION

1

Après

avoir

succinctement

présenté

vos thèmes

de

recherches,

pourriez-vous

xposer,

au-delà

même

de

leur intérêt

scientifique,

les motifs

personnels

pour

lesquels

ils vous retiennent

a)

Cette

question

est

la seule à

laquelle

tout

le monde

ait

répondu,

du moins dans

sa

première artie.

Présenter es thèmes

de

recherches

n'effraie

i

ne déroute

personne.

En

revanche,

e

concept

«

thème

de

recherches est

fortement

lastique pour

deux chercheurs

ont les

préoccupations

t

les

enquêtes

sont

fort

voisines,

es

réponses

peuvent

être aussi

éloignées

ue

«

la

littérature

médiévale d'une

part,

et

«

la

brancheVIII du

Roman

de

Renart de

l'autre.Dans bien

des

cas,

en

effet,l sembleque les thèmesde recherches e peuvent treque ceuxen cours-

thèse, ivre,

rticle même- et de ce fait ls sonténoncés

de manièrerelativement éductrice.

Pour savoir

qui

est

qui,

qui

fait

quoi

et

pour

établir

quelques

statistiques,

l

nous

a donc fallu

parfois

xtrapoler

t

enquêter

u-delà

des

questionnaires

t

de ce

qu'ils

nous

appprennent.

tudiants

et

jeunes

chercheurs,

otamment,

réfèrent

ire avec

précision

ce sur

quoi

ils

travaillent

ctuellement,

lutôt

que

de

se

présenter

omme

archéologues,

inguistes

u historiens

e

tel

ou

tel domaine.

Timidité

certes.Mais aussi

souci vivificateure

faire

tomber es barrières

ntre

les

disciplines

t,

parfois,

de

donner a

priorité

la

problématique

sur les documents. a différencest ici nette entre les générations

les

plus âgés

se dotent volontiers

d'étiquettes

les

plus jeunes

les

refusent.

A ce

jeu

des

étiquettes, pontanément

evendiquées

u

bien attri-

buées

d'office,

es

«

littéraires

,

au sens

large,

sont

majoritaires.

lus

de la moitié

20)

des

personnes

yant

répondu

à

notre

questionnaire

peuvent

n effet tre

considérées

omme

telles,

qu'il s'agisse

de lin-

guistes,

de

philologues

ou

d'historiens

e

la littérature

roprement

dite. Viennent

nsuite

es historiens

es structures

ociales,

ceux des

mentalités

t

de la

sensibilité,

eux de

la vie

religieuse; puis

les

historiens 'art et les spécialistesde l'image.Les archéologues erment

la marche.

Toutefois,

e

développement

e

l'anthropoloiehistorique

enlève

ouvent

ces

découpages

oute

pertinence,

otamment

our

les

recherches

ui

sont

le

fait

des

plus

jeunes. L'archéologue

'affirme,

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15

juste

titre,

«

historiende

la

civilisation

matérielle

et le

philologue

«

historien

es

phénomènes

ittéraires

u

linguistiques

.

b)

La seconde

partie

de cette

première

question

a

souvent

été

escamotée,

oit

qu'on

Tait

purement

t

simplement

autée,

soit

qu'on

se soit

contenté 'un

laconique

«

c'est

ça

qui

me

plaît

et

que

j'aime

»

(R.

H.

Bloch)

ou d'un

énigmatique

le

Moyen

Age

était

un

âge

raison-

nable

qui

ne

cherchait

as

à tout

compliquerpar

la raison

(H.

Nied-

zielski).

Les

réponses

ux

questions

4 et 6

et,

surtout,

la

question

7

compensent eureusementette lacune.On est toujours plus bavard,

moins

méfiant

u

moins

susceptible

la fin d'un

questionnaire

u'en

son début.

Plusieurs

personnes

nt

avoué être

incapables

de dire exactement

pourquoi

lles avaient

été

attirées

par

tel ou

tel thèmede recherches

«

On ne sait

jamais

bien la

raison d'êtrede

ce

qui

nous

occupe...

Ou bien

on

aime ce

que

l'on

fait,

t on voit

mal

qu'on

aille écrire

des

pages

sur les

raisons

pour

lesquelles

on

le

fait,

alors

que

le

plaisir

suffit...

u bien on

n'est

pas

satisfait

de ce

que

l'on

fait,

t

alors cela

vaut

la

peine

de

se chercher

des

justifications

our

continuer.

Mais

ce sont

des

justifications

t

non des raisons.

Et

de

plus c'estbien triste (J.Baschet).

Ou encore

«

Des

motifs réels

de mon

attachement

ux lettres

médiévales,

u-delà

des avatars d'une

formation

niversitaire,

e

ne

sais

ou

ne

puis

rien dire

(J.-C.

Huchet).

D'autres ont

fait dès

cette

première

uestion

appel

à

leurs

souvenirsd'enfance

voir

question

4),

ou

bien

ont

mis

en avant

l'influence 'un

maître

(cas

fréquent

l'étranger,

lus

rare en

France),

d'un

grand

historien,

oire

d'un seul

livre

L'automne

du

Moyen

Age

de J.

Huizinga

est

plusieurs

fois

cité).

L'attrait

pour

l'inconnu,

'exotique,

e

féerique, 'imaginaire

st une

dizaine

de fois

présenté

omme

un

motif

atalysateur,

l'époque

l'on était encoresur la lignede départ. l en sera longuement arlé

à

propos

des

questions

suivantes.

Signalons

toutefois

ci

que

le mot

imaginaire

qu'il

soit

adjectif

ou

substantif,

st

probablement

u

long

des

sept

questions

celui

qui

revient

e

plus fréquemment,

t

à

tout

propos,

sous

la

plume

de nos

interlocuteurs.

n

rêve

encore

aujour-

d'hui

a

façon

dont

on a

rêvé

ou

dont on

voudrait

voir

rêvé e

Moyen

Age

orsque

'on

était

plus

eune,

l

y

a

dix

ans,

vingt

ns,

cinquante

ns.

Il en

va de

même du

plaisir

et du

jeu

qui

peuvent

xpliquer,

u

en

tout

cas

justifier,

el ou tel

type

de recherches

on

y

fait

ici une

timide

allusion

(ainsi

A. Boureau

«

j'y

trouve

en effet...

'exaltation

ludique

de

l'enquête

jouent

alternativement

a découverte

et

l'attente... t le plaisir d'engendrer, 'animerce qui semblaitcomme

mort,

oublié,

dépourvu

de sens...

),

mais

on

préfère

reprendre

t

développer

e tels

motifs

dans la

réponse

à

la

question

7.

Ici,

ils

ne

semblent

uère

avouables.

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16

Quant

aux motivations

plus

intellectuelles,

lles sont

souvent

présentées

e manièretrès

banale,

au

moyen

de mots

et

de formules

galvaudées

«

j'ai

souhaité

faire

parler

e

passé

»

;

«

j'ai

été attiré

par

la nouveautéde ces

problèmes

;

«

j'ai

cherché

atteindre

a

pensée

profonde

t les

sentiments

rais des

hommesdu

Moyen

Age

.

Il faut

donc

chercher

lus

loin

les

véritables

motivations

péculatives yant

suscité

telle ou

telle

pratique

ou

telle ou telle

recherche.

Plusieurs

hercheurs, nfin,

nt reconnu

u'ils

n'étaient

pas

person-

nellement

l'origine

de

leur

spécialité

actuelle,

mais

que

la

paternité

en revenait des professeurs u à des collègues, une institution,

une

équipe

dont

ils ont

fait

partie,

u

hasard,

à

Dieu

même...

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17

QUESTION

2

Dans la

même

optique,

pourriez-vous

parler

de

votre

attachement

au

Moyen

Age

dans

son

ensemble,

ou à l'une

des

périodes

particu-

lières

du

Moyen

Age

?

Cette

deuxième

question

est celle

qui

a

suscité les

réponses

les

plus

courtes.

Probablementétait-elle

maladroitement

osée.

Notre

«

dans la même

optique

, notamment,

'a

pas

été

compris,

t beau-

coup

de nos

interlocuteurse

sont

contentésd'énumérer

es siècles

ou les

groupes

de

siècles

qu'ils

aimaient sans vraimentnous dire

pourquoi.

En

outre,

six

personnes

n'ont

pas

répondu

à

la

question,

et

six autres

ont

répondu

qu'elles

n'avaient

pas

de

période

de

prédi-

lection.Parmi ces dernières, eux seulement nt justifié et attache-ment d'ensemble

par

une

explication

d'ordre ntellectuel t non

pas

par

une

vague

affection,

olle

ou

marécageuse.

Ainsi Alain Boureau

«

J'aime

e

Moyen

Age

dans

son ensemble mon

type

de recherche

me

promène

d'un

bout à l'autre de la

période,

et cette mobilité

déjoue

la lassitudeou

l'accoutumance...

e

Moyen

Age,

globalement,

m'attire

n

ce

qu'il

mêle,

plus

que

toute

autre

période,

'étrangeté

et la

familiarité,

a

clôture

des

temps

et des

documents)

t l'ouver-

ture

les

indéfinis éseaux

à

parcourir).

Au

plus près

de

l'espace

et

de la

culture,

l

offrea

plus

grande

distancede

variation t autorise

un

regard nthropologique

t

totalisant.

Quelques autressignalent, imidement,eur intérêtpour la longue

durée,

en

général

de

l'Antiquité

ardive au xvn*

siècle,

mais

sans

guère

fournir e détails.Par

là mêmenous a

heureusementté

épargné

le

traditionnel t

désormais

peu

supportable

discours

sur les

limites

du

MoyenAge,

ur les

découpagesprétendûment

rtificiels es manuels

scolaireset

universitaires,

t sur

la

façon

dont

l'historien 'aurait

pas

le droit

d'enfermer ne

époque

entre deux

dates. Ce

type

de

préoccu-

pation

ne semble

plus

guère

ntéresser

ersonne.

Parmiceux

qui

ont

reconnu n amour

particulier our

telle ou telle

période, resque

tous

ont tenu

à

souligner

néanmoins

leur attache-

mentau MoyenAge dans sa globalité.On sent là commeune gêne,

ou ime

petite

honte,

u

même une certaine

peur

vis-à-vis u discours

historique

ominant,

ui depuis

déjà

un certain

temps

condamne

tout

sectarisme

hronologique

troit.

Au

reste,

nous

le

verrons,

os médié-

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18

vistes

ont

parfois

peur

peur

d'être

mal

compris,

peur

d'être

à côté

des modes

du

moment,

eur

de

ne

pas

savoir

ou

de

ne

pas

avoir

su

«

accrocher

e

bon

wagon

. Certes

ls

ne l'avouent

as,

bien

au

contraire,

mais

la manière dont

ils

répondent

nos

questions

-

qu'il

s'agisse

d'une

confession

ttendrie,

'une

prise

de

position

trop

nuancée

ou

d'une

violente

provocation

traduit

finalement

ette

même

crainte

d'être

«

à côté

de

la

plaque

»,

cette

même

peur

de ne

pas

répondre

e

qu'il

«

faut

répondre

ujourd'hui

.

Et

que

dire

de tous

ceux

(plus

de

200)

qui

ne

nous

ont

pas

retourné

eur

questionnaire...

Nous n'avonsrelevéqu'un seul cas de hainechronologique éclarée.

Mais

ici

encore

le

propos

est

peut-être

rop

sainement

orrosif

pour

avoir

une

réelle

portée

«

J'éprouve

e la

répulsion l'égard

du Haut

Moyen

Age,

t

parti-

culièrement

es

temps

carolingiens.

our

des

raisons

que je

crois

bonnes

l'extase

Charlemagne

plonge

les

maniaques

de

la

"Renaissance"

(?)

carolingienne,

u

nos

collègues

llemands,

m'irrite

plus qu'elle

ne

me fait

rire,

car du

fait

quelle

me semble

totale-

ment

njustifiée

n

comparaison

de ce

qui

s'est

passé

ensuite,

e

m'impatiente

e

lire ou

d'entendre

es

appréciations

yperboliques,

historiquement

nexactes

(R.

Fossier).

Les

médiévistes

iment tous la

période

sur

laquelle

ils travaillent.

Ici,

pas

d'aigreur,

peu

de

regret,

et

malheureusement

ussi

peu

d'appétit

déclaré

pour

voir

vraiment

e

qui

se

passe

ailleurs,

très

en

amont

ou

très en

aval.

Un

seul

universitaire

voue

un

léger

décalage

entre

a

période

qu'il

étudie

et la

période

qui

le

fascine

«

Le hasard

a

voulu

que

mes travaux

portent

ur

le

xive

siècle,

mieux

pourvu

n

documents

ur

la

culture

matérielle

t

plus

riches

en sites

désertés,

ccessibles

à

l'archéologue.

Mais

je

ne

suis

pas

loin

de

le

regretter.

e

vrai

MoyenAge,

i

je puis

m'exprimer

insi,

ce

sont

es

xie-xn"

iècles,

tout se

met

en

place,

où se

dessinent

les grands traits de cette civilisationrurale qui me fascine...

(J.-M.

esez).

Pour

tous

les autres

il

y

a concordance.

Cette

concordance

st-elle

une

forme

de

résignation

ui

s'est

progressivement

tablie

au

fil des

années

d'études

et des

hasards

de la

carrière

u de

la recherche

Ou

bien

traduit-elle

ne

pleine

réussite

pour

avoir

su

et

pu

mettre

en

accord

la

période

pratiquée

et

la

période

rêvée

Nous

ne le

saurons

jamais,

ou

du moins

pas

cette

fois-ci

ar nos

médiévistes

ont

avares

de

précisions

et

d'explications

ur

ce

problème,

comme

si

en

ce

domaine

tout

allait

de soi.

Au tableaud'honneur es périodespréférées,e MoyenAge central,

et

particulièrement

es

xn' et

xiir

siècles,

rrive

n

tête.

C'est

le

«

vrai

Moyen

Age

;

«

quand

je

dis

Moyen

Age,

e

pense

essentiellement

ux

xir et

xine siècles

». C'est

aussi

«

l'âge

d'or

de

la

littérature

médié-

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19

vale

»,

l'époque

«

que

je

sens le

mieux

,

celle

«

je

suis

chez

moi

»

et

qui marque

«

le

début de

notrementalité

moderne

.

Vientensuite

e bas

Moyen

Age,

vec

une

mention

articulière

our

le

XV*

iècle

qui

attire

tout

spécialement

es

jeunes

chercheurs

t les

étudiants.

ls en

retiennenturtout

es

mutations

t

les innovations

t

plusieurs

ont tentés

de

fairedes

rapprochements

vec

notre

xx*

iècle.

Inversement,

e

haut

Moyen

Age

ne fait

plus

recette.

Deux

réponses

seulement ur

35

le citent

omme

période

de

prédilection.

'une émane

d'un universitaire

e

69

ans,

l'autre

d'un

jeune

professeur

e

30 ans.

Cettedifférence'âgeréconfortantee ferme as complètementa porte

sur ces

siècles

aujourd'hui

délaissés.

Enfin

ignalons

que plusieurs

chercheurs

t

étudiants

ont

préféré

ici

dire ou

redire

eur attachement

un

objet

(le

livre,

'image,

a

campagne)

plutôt

qu'à

une

époque

déterminée.

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20

QUESTION

3

Pouriez-vous aussi

parler

de ce

que

vous

n'aimez

pas

dans

le

Moyen

Age (période,

pays, type

de

document,

de

problématique,

de

pratique...)

?

Faire avouer aux

médiévistes e

qu'ils

n'aiment

pas

dans

le

Moyen

Age

ou

dans la

médiévistique

'est révélé

moins facile

qu'on

aurait

pu

le croire de

prime

abord. Ordinairement

out discours

se

fait

prolixe

lorsqu'il

'agit

de disserter ur ce

que

l'on

rejette

u

que

l'on

condamne,

sur

ce

qui

nous est

désagréable, mportun,

oire

étranger.

Cela

n'a

pas

été le

cas

ici.

Les

réponses

ont été courtes t

parfois

rès évasives.

Pudeur timidité

lâcheté

Question

ui

a fait

peur

?

Ou,

plus

simple-

ment, uestion laquelle nos médiévistes 'avaient amais pensé?

Six

d'entre

ux ont

occultéou

contourné

e

problème,

oit

en

passant

directement u

point

2

au

point

4,

soit en

noyant

'ensembledes trois

premières

uestions

dans une

réponse

globale,

vantant es

méritesde

ce

qu'ils

aimaient t

passant

sous silence

complet

ce

qu'ils

n'aimaient

pas.

Faut-il

our

autant en

conclure

ue

ce

qu'ils

n'aiment

as

c'est

ce

dont ils

ne

parlent pas

?

Un

septième,professeur

l'université

e

Berkeley,

emble avoir été

proprement

ffrayé

ar

notre audacieuse

indiscrétion t

répond

«

Question

trop

personnelle

dans

le

contexte

de

nos institutionsctuelles .

Ce

dernier

membre e

phrase

ne

manque

pas

de laisser rêveur sur la

façon

dont est

parfois

vécu

le milieu

universitaireméricain.

Quatre

autres

lecteurs,

bon

public

mais dont

l'enthousiasme

st

cependant

quelque

peu

suspect,

ont

répondu qu'ils

aimaient tout

«

j'aime

tout

proclame

joyeusement

t

simplement

H. Niedzielski

(les

médiévistes

cette

enquête

l'a montré

ont souventdes

joies

simples),

t

«

d'un amour

qui

ne se divise

pas

»

ajoute

P.-T.

Cornède.

«

Tout est

bon,

il

n'y

a rien

à

jeter

»

écrit

de

son côté J.-P.Hible.

Affirmationrès rafraîchissante

orsque

l'on

sait

que

le

Moyen

Age

a

longtemps

té la

poubelle

des historiens mais

affirmation

ui

aujourd'hui

st néanmoins

eut-être

n

peu

trop

hygiénique.

e même

cette

profession

e foi d'Anne Labia

:

«

j'ai

toujours

eu

horreur

de

l'histoiremais j'aime le MoyenAge parce qu'il est admirable .

Parmi ceux

qui

ont osé confesser eurs

antipathies,

l

y

a les

timides,

majoritaires,

ui

pour

ce faire ont banalement

recours à

la

géographie

t à la

chronologie

je

n'aime

pas

telle

région, e

déteste

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21

telle

époque)

les

semi-timides,

ui

ont reconnune

pas

aimer telle ou

telle

discipline

et les téméraires

les

provocateurs

)

qui

ont

avoué

une

aversion

pour

tel

type

de

problématique

u

pour

telle

manière

actuelle

d'envisager

u d'écrire

'histoire. es

derniers ont

évidemment

les

moins

nombreux.Mais

il

s'en trouve

out

de

même six

pour

oser

condamner a

«nouvelle

histoire»,

ses

méthodes,

es

préoccupations,

son

«

sectarisme

troit et son

«

jargon

ridicule

. Par les

temps qui

courent

mais

pour

combien

de

temps

ncore

),

condamner

a

nouvelle

histoire raduit

eut-être

n certain

ourage,

u du

moins

me

certaine

inconscience. moinsqu'il ne s'agisse que d'une forme e dandysmela

recherche

toujours

eu ses

snobs)

ou

bien,

plus

cyniquement,

'une

stratégie

our

se

préparer

éjà

au discours uivant

t

devancer

a

mode.

Les balanciers

de

l'historiographie

e sont

pas

immobiles,

t

leurs

retours

apides gnorent

a

longue

durée.

Pour

des

raisons tout à fait

autres,

RobertFossier est

le

plus

viru-

lent

il

conteste

'appellation

de

«

nouvelle histoire

une nouvelle

histoire

qui

ne

l'est

guère»),

lui

reproche

«d'oublier

l'homme»,

d'abandonner

'histoire t

de

glisser

vers

«

une

sorte de

sociologisme

anthropologique

ans

aspérités,

ans

douleurs,

donc

particulièrement

aseptique,

c'est-à-dire aux

et endormeur

. Et il

conclut

«

attitude

typiquementonservatrice, our ne pas dire réactionnaire. Quatre

autres

chercheurs isent eur aversion

pour

l'abstrait,

our

«

l'abstrac-

tion,

qu'elle

soit

le fait de l'homme

médiéval

dans les débuts de

la

scholastique,

ans

les

excès

de

la

symbolique

u de la

poétique,

ou

qu'elle

soit le

fait

du médiéviste

uand

il

réduit

a

vie à des schémas

économiques, uand

il

enferme

'art médiéval dans un

système

d'in-

fluences,

quand

il

limite

l'archéologie

à

des

typologies

stériles

(J.-M. esez).

Les

«

grandes

généralisations

et

les

«

grandes ynthèses

suscitent

galement

eur

colère

parce qu'elles

«

semblent

articiper

e

la

même

démarche

éductrice

.

Cette

méfiance is-à-vis e

l'abstraction

est,

il faut e noter mais

non s'en

étonner,

e

fait

de

quatre

archéo-

logues.Tous disent,hurlentmême, eur passionpour le concret « je

veux

pouvoirparler

du

pain

en

ayant

en tête

'image

du

pain,

sa

forme,

sa

taille,

e

plaisirqu'on prenait

le consommer...

écrit

oliment trop

joliment

)

D.-A.Bidon.

A

l'opposé,

M.

Pastoureau,

bien

que

chartiste

(?),

proclame

qu'il

est

«

de

ceux

qui

donnent

riorité

la

problématique

ur

la documen-

tation et

qu'il

lui semblerait aberrant

de

prendre

un ensemble de

documents

t,

sans

horizons

problématiques

i

idées

préconçues,

de

voir

ce

qu'ils

peuvent

nous

apprendre».

Mais est-il

vraiment incère

en

écrivant

ela

?

Autre façon contestée d'écrire l'histoire,celle qui n'est pas

«

sérieuse

,

qui

est

«

trop romantique

u

trop

romancée

(S.

Mosca-

delli),

celle

qui simplifie

t

qui

nous

montre

e

Moyen

Age

«comme

un bloc

monolithique»

F.

Rappenne)

ou celle

qui

en

donne

une

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22

«

vision

rose

et

mièvre,

comme le

fait

par exemple

la romancière

Jeanne

Bourin

(M.

Miguet).

Curieusement e

plaidoyer

pour

une

histoire

cientifique

st

surtout e fait

de lecteursde Médiévalesdont

la

profession

'a

aucun

rapport

vec le

MoyenAge

ni

avec la recherche

historique.

L'un

de

ces

lecteurs,

gérant

d'un

garage

«

exploitant

une

pompe

à

essence

à

la

sortie de

Montluçon

,

exige

une

«

histoire

a

plus

rigoureusepossible,

n'avançant

rien

qu'elle

ne

puisse prouver

scientifiquement;

il

souhaite

«

le recours ux

moyens echnologiques

les

plus

modernes

pour exploiter

a

documentation

ue

nous ont

transmisees sièclespassés».Parmi les

disciplines,

a

grande

victime

de

notre redoutable

ques-

tion 3 c'est

l'histoiredu

droit,

parfois plus

archaïquement

ualifiée

ď

«

histoire

du

droit et des

institutions. La

majoirté

des

personnes

ayant

répondu

au

questionnaire

tant des

«

littéraires

,

il

ne faut

probablement

as

s'étonner 'un

tel

rejet.

Mais certains

historiens

es

structures

ociales

ou

des

mentalités

ondamnent

galement

'histoire

du

droit

«

telle

qu'elle

est

pratiquée

e

plus

souvent,

lle

me semble

purement

théorique

et

normative,

ectaire, desséchée,

totalement

coupée

des

réalités

vécues,

de la

sensibilité t

de

l'imaginaire

. En ce

sens,

es

réponses

u

questionnaire

eflètent

arfaitement

ur

ce

point

l'opinion ctuellede la plupartdes médiévistes. 'histoire conomique-

est-ce

vraiment

lus

surprenant

-

n'est

guère

mieux traitée

que

l'histoire u

droit.

Trop éloignée

de leurs

préoccupations

our

les

uns,

trop

«

démodée

pour

es

autres.

ci

aussi le retourde balancier

paraît

avoir

été

brutal,

même

si

l'on est

souvent

gêné

de

ne

pas apprécier

une

discipline

aguèreportée

ux nues

«

l'histoire

conomique,

ont

e

sais

l'importance

t

l'utilité,

me semble anesthésier

omplètement

e

rapport

ffectif,

oire

esthétique, ue

le

chercheur

eut

et doit avoir

avec sa recherche

(M. Pastoureau).

L'histoire événementielle este

elle aussi

une mal

aimée,

mais

plus

discrètementt

probablement lus

pour

ongtemps.

our

une

condamnation

éritable,

otre

questionnaire

vientquinzeans troptard pour ime réhabilitationomplète, l vient

cinq

ans

trop

tôt.

Géographiquement

n ne

relève

qu'un

seul

cas de nationalisme

«

je

préfère

vant

tout travailler n

France

et

sur

la France

(affirmation

pour

le moins

étonnante sous la

plume

de

quelqu'un qui

se dit

médiéviste).

L'Europe

occidentale

-

signe

des

temps

-

est

en

revanche élébrée et aimée comme un tout.

Avec toutefois ne

petite

réserve

pour

la

péninsule

bérique

(«est-ce

vraiment

'Europe?»

se

demandeun universitaire

elge).

Mais la vraie victime

éographique

st

l'Orient. 'Orient

ui

a tant et tant fasciné es

populations

médiévales,

ne semble

plus

exercer

de séduction sur

nos médiévistes.

Byzance,

notamment,st qualifiée e « civilisation -médiévale (?) et ne suscite

aucune

sympathie.

l semble bien

qu'en

ce domaine

on n'aime

pas

ce

qu'on

ne connaît

pas.

Ce

qui,

à

la

réflexion,

st

quelque peu

inquiétant.

A moins

qu'il

ne

s'agisse

plutôt

d'un

problème

de

sensibilité.

lusieurs

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23

chercheurs nt ainsi reconnu

«

mieux sentir telle

zone

géographique

que

telle

autre,

ou telle

période que

telle

autre.

A

ce

palmarès

du

flair,

es

vainqueurs

ont

l'Europe

du

Nord-Ouest

t le

Moyen

Age

central

voir

la

question

2

pour

les

problèmes

de

prédilections

hro-

nologiques).

Autres

ictimes

e

marque

de notre

questionnaire,

mais

assassinées

par

les

seuls littéraires

les

chansons

de

geste

et

leur

«

grandiloquence

stéréotypée

qui

se

situe

fort oin de

notre sensibilité

d'aujourd'hui.

Un

lecteur,

ui

demande à

garder 'anonymat,

empère

toutefois

es

mots trèsdursqu'il a tenuscontre es chansonsde gesteen précisant

«

il

est

vrai

que

je

n'ai

jamais

pu prendre

u

sérieux

'opéra,

auquel

je

préfère

'opéra-bouffe...

(?).

A

la

chanson de

geste

tout le

monde

préfère

e

roman,

spécialement

e roman

arthurien.

ci,

encore

et

toujours,

e

Moyen

Age,

e vrai

Moyen Age,

c'est

Arthur

t

non

pas

Charlemagne.

e

dont l faut

probablement

e

réjouir.

Enfin,

our

en

terminer

vec cette troisième

uestion, ignalons

e

cas de trois

ecteurs

ui

n'hésitent

as

à

juger

le

passé

et à

reprocher

au

Moyen Age

sa

«

cruauté

et

ses

«

pratiques

sanguinaires

.

Les

croisades

sont

directement

ccusées

«

car sous

le

prétexte,

onorable

certes,

'aller

convertir

es

infidèles,

n tuait sans

pitié

des

innocents

.

L'humanisme niversitaireerait-ilndélébile On sembleen toutcas

encore

écrire

'histoire

vec de

bons sentiments.

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24

QUESTION

4

A

côté

des

thèmes

généraux,

l

se

peut

qu'une

attirance

plus ponc-

tuelle

et moins rationnelle

vous ait

orienté

vers le

Moyen

Age

(souvenir

d'enfance,

séduction

d'une

visite

à Chartres

ou d'une

étiquettede boîte de camembert...) Pourriez-vous n parler?

Une invitation

à

la

fraîcheur

La

question

4

engageait

les médiévistes

à

peser

l'influence

de

l'anecdotique

u de

l'obscur dans

leur orientation

ers le

Moyen

Age.

Plus

que

les

autres,

lle

invitait

«

dépouiller

es

défroques

dont

nous

habillons

nos

passions

(J.-M.

esez).

Il

lui fut

répondu,

omme

ses

termes e suggéraient,ur le mode plaisant.C'est de bonnegrâce que

les chercheurs

même

confirmés

nt

déchaussé

leurs

pieds

d'argile,

reconnaissantvec

réticence

our

certains,

vec

bonheur

our

beaucoup

que

c'étaient

eux-làmêmes

qui

leur avaient donné

des

ailes.

Les

réponses

données

fournissent

e

l'attendu

mais aussi

des

sur-

prises.

Le moinerondouillet

es

couvercles

e boîtes

de

camembert 'a

pas

suscité de

vocations

fulgurantes.

as

de

dangereux

enchant,

on

plus, pour

a Bénédictine...

Trois

médiévistes

eulement ur

trente-cinq

e

répondent

as

à cette

question.

Ne

surinterprétons

as

leur

silence.

Il

y

a aussi

parmi

les

chercheurs

es

gens

distraits

u

convaincus

ue

l'essentiel

st

ailleurs.

Si la plupart 17) répondent irectement la questionpour en recon-

naître

15)

ou en

rejeter

2)

la

pertinence

our

eux-mêmes,

es autres

font

précéder

eur

réponse

d'un

commentaire,

lus

ou

moins

explicite,

de

la

question.

Certains

bondent

dans son

sens

«

Dans

l'affirmation

e

nos

choix,

l

y

a

plus

de

hasard

que

de

nécessité.

J'ai

aimé

entendre

el

médiéviste

élèbre

reconnaître

u'à

l'origine

e sa

vocation,

'histoire

es

batailles

a

joué

un

plus grand

rôle

que

l'histoire

conomique

et

sociale

ou

celle des

idées.

Cela

commence

vec Walter

Scott,

pas

avec

Marc

Bloch»

(J.-M.

esez).

D'autres

relèvent

laisamment

a lourdeur

de nos

suggestions,

iant

farouchement'être amais abîmés « dans la contemplation'uneboîte

de

camembert). G.

Zink).

Une

réponse

met

le

doigt

sur

ce

que

sup-

posent

d'identification

l'objet

de

recherche

a

question

4

et

peut-être

l'ensemble

u

questionnaire

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25

«

Je ne

dirais

pas,

comme

Brassens,

que je

suis né avec

cinq

siècles

de retard.

Tout

simplement,

a

période

du

moyen

français

-

en

particulier

a fin

du

xv*

siècle

-

m'a fourni a

matière

de

deux

livres

(M.

Wilmet).

Un

autre

groupe,

forméde

sept réponses,

st visiblement éservé.

Leurs auteurs

mentionnent

ne

anecdote,

n

fait mais

n'y

voient

ûre-

ment

pas

une motivation

rofonde.

eurs

réponses

commencent

ar

«

Il

est

certain

ue,

e

dois

peut-être

ignaler

ue...

»

s'excusant

resque

de

l'imperfection

e

leur

alibi

«

J'ai eu une attitude n

peu

romantique

vis-à-vis u Moyen Age... Leur prudence ncite à faire la part du

caractère

éremptoire

e

la

question

pour

l'analyse

des

questionnaires.

A

l'opposé,

certains

surenchérissent vec enthousiasme.

Ce sont

principalement

eux

qui

ont surtout retenu

la

mention

«

souvenir

d'enfance et

qui,

à cette

occasion,

se dessinent n

destin,

bauchent

une

biographie,

n

parcours imaginairecharpentépar

le

médiéval.

«

Mon attirance

pour

le

Moyen

Age

remonte n effet

ort

oin,

à des lectures out

à

fait

fortuites

(M.

Frachette),

De nombreux

souvenirs

me reviennent n ce domaine...

(P.-T.

Cornède),

«

Quant

aux

motivations

ui

m'ont ttaché et

m'attachent

oujours

au

Moyen

Age,

l

y

aurait

toute

une

histoire,

oute une

biographie

ous

un angleparticulier, vous raconter» H.U. Gumbrecht).

Ces

réponses

retiennent

ar

leur fraîcheurmais

elles ne sont

pas

majoritaires.

Quand

les médiévistes e souviennent

e leur

première

rencontre

vec

le

Moyen Age,

c'est

de

leurs maîtres

qu'ils parlent

en

premier.

« Ces

nouveaux Abélard »

(J.-Ch. Huchet)

Ce sont

es

professeurs

e

lycée

ou d'université

ui

ont su commu-

niquer eur intérêtpour les textes, a langue ou l'histoiredu Moyen

Age.

Treize de

nos

réponses

voient dans

l'enseignement

e

point

de

départ

de leur

vocation.

Quand

le cadre fut e

collège

ou

le

lycée,

euls

le

contenu,

a nouveauté

mportent

'adhésion.La

chanson

de Roland

est la

plus fréquemment

itée. Ses héros suivis

de bien

près par

le

personnage

de Jeanne

d'Arc,

entraînent a

«

fascination

,

le

«

rêve

sur la

société médiévale . Pour J.-C.

ayen,

a

découverte

e la litté-

raturemédiévale

alimenteun talent de

pasticheur,

ne

activité

créa-

trice

«

...en

troisième,

'avais

alors

entrepris

d'écrire une

chanson

de

geste.

Quand

la

découverte lieu au

moment

de la

spécialisation,

n

faculté, aradoxalemente contenude l'enseignement un rôle moins

décisif

que

les

qualités

de

l'enseignant,

on

prestige

cientifique,

on

pouvoir

e séduction. n

effet,

a matière

lle-même

eut

rebuter,

ernie

par

son

appartenance

u

cursus universitaire. e

spectre

de

l'épreuve

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26

obligatoire

des concours

de

recrutement

banalise

toute

rencontre,

évite toute

sidération

(J.-C.

Huchet).

Mais

«

la

façon

méthodique

t

sympathique

ont

e

professeur

eschiere

Amsterdam)

ous

présentait

langue

t littérature e

l'époque

a faitnaître

n

moi

le

désir

d'en

savoir

davantage

(R.

Stuip),

«

l'influence

ositive

ou

négative

de certains

professeurs,

pécialistes

ou

milieux»

(B. Buettner),

e

talent

d'un

Gustave

Cohen,

tienne

Gilson,

Jacques

Le

Goff ont ntrer

es

étudiants

dans le

Moyen

Age,

pris

au

jeu

de

«

l'identification

et de l'admiration.

Parfois,

a rencontre

ut

préparée,

'enseignant

onfirme

t conso-

lide « Ce fut a conjonction e deuxévénements,n certificat'ancien-

français

et

la visite-découverte

e

châteaux forts...

(J.-P.

Hible).

Il

éclaire

d'un

jour

neuf

des

lectures

enfantines,

onne

une caution

scientifique

une fascination

ncienne.

Après

«

une

approche

omplètement

rrationnelle

t

romantique

u

Moyen

Age,

provoquée

par

des lectures

d'enfance,

...)

découverte

ardive,

au séminaire

de

Jacques

Le Goff

'abord,

à Vincennes

nsuite,

de

l'extraordinaire

t

passionnante

omplexité

e

la

période.

La réalité

dépassait

a

fiction

(M.

Miguet).

Au-delà es

qualités

ntellectuelles

t de l'enthousiasme

édagogique

des

maîtres,

es motifs

de l'orientation

ers le

Moyen

Age

peuvent

e

révéler lus subtils.La séduction eutémanerdu « discoursde l'ensei-

gnant

,

«

du

grain

d'une

voix,

disait

Roland

Barthes

. A

côté des

raisons

intellectuelles

et

la

question

4 est bien une

question

de

l'à

côté

-

le

Moyen

Age,

el

qu'on l'enseigne

l'Université,

eut

être

e

bénéficiaire

nattendu

'un

discours

éducteur.

Portrait

du médiéviste en

explorateur

Pour

ceux

qui

ont

rencontré

e

Moyen

Age

sur le

mode

de l'irra-

tionnel t du coup de foudre oudain, es termesqui décriventeur

découverte

ont

révélateurs

'une

certaine

oonception

u

Moyen

Age.

Personne,

n

effet,

'oserait

plus

affirmer

ue

la

période

médiévale

st

un monde

ténébreux

mais

l'obscurité

ont

on

l'a souvent

axée se

reva-

lorise

n

mystère

«

Attirance

ussi

pour

e

mystère

e

la

métamorphose

des

langues

(G.

Zink).

Les

âges

noirs

se renversent

n

terres

vierges

à

explorer.

e

préjugé

changé

de

signe.

Mais c'est

ui

que

l'on

rencontre

et

que

l'on

souligne

«

C'est

surtout

e côté

méconnu

de

cette

période,

habituellement

onsidérée

omme

obscure,

dans

le monde

de la

pensée,

analyse

dans

laquelle j'ai

pénétré

grâce

à

l'exploration

atiente

de

son

art

»

(P.

Variet).

Ou encore

«

Le

triage

du

temps

fait

qu'on

a

toujours

'impression

e tra-

vailler à

partir

de

la matière

première.

n

plus,

et c'est ceci

qui

compte

e

plus,

on

a si souvent

'impression

e toucher

quelque

chose

pour

a

première

ois

(R.-H.

Bloch).

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TI

Ce

n'est

pas

un

«

autre

MoyenAge

,

vainqueur

des idées

préconçues

mais le

monde de

l'Autre

ue

l'on

pressent

t

qui

se

dessine.

«

Révé-

lation d'une

ittérature

ui

n'étaitni cornélienne i

hugolienne

t d'un

autre

français

(G. Zink).

Si les

métaphores

ui

accompagnent

a

des-

cription

e

la

découverte e

cet

inconnudemeurent

patiales,

es rêves

enfantins

'exploration

e sont rabattus ur l'échelle du

temps.

L'exal-

tation st la

même

«

J'eus

'impression

xaltantede me

trouver

our

la

première

ois

sur les

rivages

d'un Nouveau Monde

(P. Zumthor),

et

semblable a

fierté

«

Et

puis,

l

est

toujours

séduisantde

se sentir

un petit xplorateur e terres nconnues (P. Buettner).

Ce

Nouveau

Monde est celui de la liberté.Celle du

pionnier

devant

un

matériau

qu'on

dirait

rajeuni par

le

temps

et l'oubli

«

Je me

suis rendu

ompte, l'âge

de 20 ans

que

je

serais

capable

de

bouger plus

de

matière,

de franchir

lus

de

seuils,

de casser

plus

d'icônes dans le domaine médiéval

qu'ailleurs.

C'était au

momentde

l'éclatement

e la

nouvelle

critique qui

semblait

avoir

le

monopole

du 'T et du 19e siècles et le 20e était

trop près

»

(R.-H.

Bloch).

Que

cherche

'explorateur

l'historien

)

sinon a source des fleuves

et l'originedes choses ? Dans un mouvement ue les réponsesdisent

de

«

remontée

,

jouent

curieusementes

sentiments

e

servitude

t de

délivrance

«

J'ai rencontrée

Moyen

Age par

hasard,

comme

Jacques

le

Fataliste son

maître,

n remontant u

xvie

siècle

où le hasard des

sujets

de

thèse avait cru m'enfermer

(J.

Chocheyras).

Monde nouveau

et

fort

ncien,

qui

délivre

mais

aussi

protège

«

Le

goût

de

l'altérité,

d'un

autre

monde,

d'une "terra

incognita"

qui

serait

à la fois

un

refuge

t

un

abri,

un mondede l'enfance

êvé et

idéalisé .

Le

Moyen

Age,

dans ses

modes

de

découverte,

la forme

des rêves

de

«

Frontière des médiévistes.

Le

Moyen Age

raconté aux enfants

A

l'inverse 'autresmédiévistes

et ils sont les

plus

nombreux

entretiennentne

grande

familiarité vec

le

Moyen Age.

S'ils

l'ont

découvert

n

jour,

c'est

tout

enfant,

travers es

lectures

u des films

qui

ont

inspiré

eurs

eux

et

alimenté eur

imagination.

our

eux,

pas

de

distance,

pas

d'inconnu

mystérieux

mais une identificationmmé-

diate à tel ou tel

héros. Le

premier

de ce

hit-parade

nfantin st

incontestablement

vanhoe

(cité

onze

fois).

On

joue

à être Ivanhoe

«

L'attachement

ue je

ressens

pour

cette

période

st né dans mon

enfance

-

à

l'âge

où on

lit

Walter

Scott,

l'on

joue

à être

Ivanhoe

j'étais

usuellement

on

écuyer,

vanhoe

tant

ma meilleure

amie de

l'époque

-

j'avais

12

ans

au

plus

»

(D.

Alexandre-Bidon).

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29

On

croit e rencontrer

u

coin

d'un

bois

«

Mais ce

qui

m'a le

plus frappé

fut la

lecture du

début

du

roman,

lors

que l'orage

et la nuit

pprochaient,

t

qu'il

me semblait

voir,

au détour

d'une

allée

cavalière,

e

prieur

de Jorvaulx t le

chevalier Brian de

Bois-Guilbert,

e

diriger

vers

la

demeure de

Cedric e Saxon

»

(P.-T.

Cornède).

Il

est

compagnon

e

jeux

«

Mes deux frères

maginaires,

ont

je

contais

les

aventures

qui

voulait les

entendre,

vanhoe et

Thierry

(à cause de Thierrya Fronde) (C. Lapostolle).Au succès du roman

de

Walter

Scott contribue

'adaptation

cinématographique

e

Richard

Thorpe

en

1954

«

Ce

Moyen Age

plus

ou moins

cinématographique

tait

mon

Far

West.

...)

Je

passais

mes vacances

dans un

village

breton,

ont

le cinéma

paroissial

était administré

ar

la

grand-mère

e l'un de

mes camarades. Un été

-

j'avais

huit

ans

-

ce

camarade a fait

l'ouvreuse

endant

outeune semaine

pour

remplacer

ne

personne

malade.

Grâce à lui

je

suis entré

gratuitement chaque

séance et

j'ai

vu

ainsi

sept

ou

huit fois

le film

vanhoe.

(...)

Je

me

souviens

encore de la

plupart

des

scènes

et des

dialogues

(M. Pastoureau).

Ensuiteviennent es Contes et Légendesdu Moyen Age,suivis de

Victor

Hugo

et

d'ouvragesplus

datés

qui

ne sont cités

qu'une

fois

Le

bois du

templierpendu

d'Henri

Béraud,

Les trois couleurs de

Montaiglon,

ne

adaptation

de la

Vulgate

de

Boulanger,

'Histoire de

Saint

Louis

de Joinville

t la

Jeanned'Arc

de

Michelet,

lectures

out

à fait

fortuites

,

pêchées

dans la

bibliothèque

familiale.Aucun

souci

éducatifn'a

obligé

ces

lectures,

d'où

la fraîcheur

t le bonheur des

souvenirs

u'elles

ont

forgés.

i

les

parents

'en mêlent t les

proposent

c'est

pour

canaliserun

trop plein d'énergie

table

« Plus immédiatement,t en ce qui concerne e MoyenAge,c'estla lecture des Récits des

temps

mérovingiens 'Augustin hierry,

habile remouture

e

Grégoire

e

Tours,

dmirablereconstitutionu

Haut

MoyenAge

mon frère t moi

devions

être

nsupportablesje

devais avoir 10

ans)

parce

que

nos

parents,

pour

nous faire taire

sans

doute,

nous

faisaient

à

tour

de

rôle

lire

à haute voix

des

chapitres

durant e

repas.

Très mauvaise

hygiène

d'ailleurs,

mais

nous nous

disputions

e

privilège

e lire

»

(R.

Fossier).

C'est

parfois

a

méfiancedes

auteurs

de

livres

scolaires

pour

les

textes

modernes

ui

oriente

e

goût

de

l'apprenti-lecteur

ersces

époques

reculées. Dans mon

cas,

j'attribue

ne

certaine

mportance

u fait

que

mon

premier

ivre de

lecture it été un

"Malet"

de

1916

il

s'arrêtait

en 1610 (je ne m'en suis avisé que tardivement) (J.-M. esez).

A

ces

supports

ittéraires e

l'imaginaire, 'ajoutent

des

objets plus

concrets château-forts

n carton

bouilli,

déguisement

e

Merlin,

e

fée,

«

fascination

pour

les

belles dames

en

hennin

-

quelle

déception

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30

d'apprendre

plus

tard

que

les hennins

avaient

été si

peu représen-

tatifs

du

Moyen Age

»,

tout

ce

qui

permet

des

«

identifications

très

mythiques

contes

de

fées,

châteaux et

princes

charmants

(B.

Buettner).

A

travers es

souvenirsdes

médiévistes e

dessine ce

Moyen Age,

raconté ux

enfants,

impliste

t

romantique, lus

proche

du

Western

que

de la

réalité

historique,

vant

tout

prétexte

u

jeu,

à

l'identification.

Romantique

ui,

à

l'excès

même,

parfois

de

mauvais

goût,

es

réponses

le

soulignent

vec

tendresse

t

nostalgie.

Elles

s'en méfient

ussi

«J'ai

toujours

un

peu

peur

de mettre n scèneun

Moyen

Age

que

je

m'invente,

n

Moyen

Age

qui

me fait

plaisir,

plus

coloré,

plus

émotionnel

que

celui

que

nous font connaître

les documents

(M.

Pastoureau).

Habit« le

Moyen Age

A

l'opposé

de

ceux

qui,

dans

le

Moyen

Age,

ont

été fascinés

par

l'inconnu

t

le

mystère,

e

placent

ceux

qui

semblent

'avoir

toujours

connu,y être nés. Abus de langage Pas sûr Le Moyen Age a, dans

nos

réponses,

uelque

chose

à voir avec

une

quête

de

l'origine.

ans

être

dupes

de cette

llusion,

es

chercheurs,

uand

leur

histoire

erson-

nelle

le

permet,

evendiquent

ne

naissance ou

une

enfance

«médié-

vale

»,

un

destin

dont 'unité

es enchante.

Le

faitd'êtrené et de vivre

encore

dans me

ville Sienne de

grande mportance

cette

période,

qui

conserve ncore

ujourd'hui

a

trace

de son

passé

»

(S.

Moscadelli).

Plus

qu'un

décor,

c'est un lieu

que

l'on

parcourt,

u à défaut

de se

retrouver,

n

ne

peut

se

perdre

«

Je

suis

née

et

j'ai passé

mon

enfance

jouer

et à me

promeneren forêt e Brocéliande.J'ai faitdes dizaines de promenades u Val

sans

retour.

...)

Je

crois

honnêtement

e

pas

pouvoir

me

perdre

n

forêt e Brocéliande

(C.

Lapostolle).

Sous cet

angle

subjectif

et

pour peu que

l'on soit

né dans une

province

cartée,

a

distance

n'est

pas

si

grande

ui sépare

e

médiéviste

du

MoyenAge

il

date

de

son

enfance

«

La

raison

profonde

e mon attachement

our

le

Moyen

Age

?

Il

faut

la

chercher

ien

loin

dans mon

passé.

Toute ma

jeunesse

s'est

déroulée dans

une

région

d'un

type

particulier

le

Borinage)

où,

par

bien des

côtés,

e mode de vie est encore

médiéval.

Dans

mon enfance l n'yavait ni eau couranteni électricité. es familles

étaient fixéesdans

le même hameau

depuis

des

générations,

mon

arrière-grand-père

abitait

déjà

la

maison

je

suis né.

L'exogamie

était

à

peu

près

nexistante.

es

traditions

vaientune

force

dont

un

parisien

n'a

pas

la

moindre dée»

(P. Ruelle).

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31

Les

bouleversementse la

guerre

lacent

es

écoles dans es châteaux.

Même s'ils ne

sont

pas

tout fait

médiévaux,

a

coïncidence rouble e

souvenir,

ransforme

étrospectivement

e

hasard

en nécessité

«

J'ai

appris

à lire à

l'école de mon

village,pendant

a

dernière

guerre,

ans

une

salle du

château du

pays

transformé n

salle de

classe et

qui

n'est rien

d'autre

que

la

salle de l'Edit de

Roussillon,

où Charles

X

signa

l'édit confirmant

elui de Paris et

qui

faisait

commencer

'année civile

au

1er

anvier

Charles

IX

n'est

pas

du

MoyenAge

mais le château

de cette

seigneurie

u

Roussillon

emon-

tait,pour quelques parties

u

moins,

u xine

siècle

»

(M. Frachette).

La

guerretoujours,qui

détruit

es

villes,

peut

les

transformern

lieux de tournois

our

des

enfants-chevaliers

«

Je

me

souviens

que,

comme

un

bon

représentant

e la

géné-

ration allemande occidentale

d'après-guerre,e jouais

aux

cheva-

liers Ritter

pielen

dans es ruinesde la

guerre

e mon

quartier.

A

cette

époque-là,

e

"jeu chevaleresque"

était

la concrétisation

typique

des

rêves

d'un

enfant.

...)

D'ailleurs,

es ruines-là

ffraient

une

scène

théâtrale

presque

idéale

(bien

que quelquefois

un

peu

dangereuse)

H.U.

Gumbrecht).

Le MoyenAgese lit dans l'environnement,ans le mode de vie et

dans les

espaces

de

jeux

mais aussi

dans

le

dialecte

maternel. e

qui

procure 'impression

'être de

plain-pied

vec sa

littérature,

e

parler

sa

langue

«

Surtout,

out e monde

parlait, e parlais

et

je parle

encore

-

quand

l'occasion s'en

présente

un dialecte

picard

remarquable-

ment

rchaïque.

Pourvu de ce

bagage linguistique

éréditaire

t

du

français

de

l'école,

e

ne me suis

pas

senti

dépaysé,

contrairement

à

la

plupart

de mes camarades

d'université,

evant

des textes

en

ancien

français

(P.

Ruelle).

Parler la langue du Moyen Age ce peut être aussi lui emprunter

images

et

modèles

pour

tenirun

discours

non

plus

de

médiéviste,

mais

un

discours

ur

soi

:

«

Lorsqu'il y

a

une

vingtaine

d'années,

'ai

ressenti e

besoin,

à tort

ou

à

raison,

d'écrireune

sorte

de

confession-journal,e

n'ai

pu

le faire

que

par

le

truchement

'images

médiévales

ç'a

été mon

Puits de Babel

paru

en

1969,

ous le label de

"Roman" mais

qui

pour

moi était tout

autre chose

»

(P. Zumthor).

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32

QUESTION

5

Le

Moyen

Age

exerce-t-il ne influence ur votre vie

privée

(cadre

de

vie,

prénoms

et éducation de vos

enfants,

ctivités de

loisir et

de

vacances...)

et

sur

votre

imaginaire (place

du

Moyen Age

dans

vos goûts personnels,dans vos rêves...) ?

Mises

à

part quelques réponses

clairs

du

type

«

pas

vraiment

ou

«

question roppersonnelle

,

tout

e

monde

répondu

cette

question

de manière ssez

développée.

La

plupart

des

réponses

eprennent

ans

Tordre t s'en tiennent

ux

thèmes

proposés

par

la

question,

e

qui

réduit

souvent

à une

forme

assez

schématique

a

notionde

«

vie

privée

. On

peut

s'étonner

u'une

définitioni restrictive 'ait pas été critiquée davantage.On imagine

très bien

que, posée

autrement,

t sans cette énumération

'exemples,

la

question

urait fait

apparaître

une autre

image

de la vie

privée

du

médiéviste.

e toute

façon,

cette notion

est d'un

maniement

élicat,

sa délimitation st incertaine.

eules deux

personnes

nous

ont

fait

remarquer u'une

distinction

vie

privée/vie ublique

(?)

ne valait

guère

pour

eux

«

Pour

moi

la recherche

e

se

sépare pas

de

la "vie

privée"

elle

détermine

es

lectures,

es

amitiés,

des

rencontres

(A.

Boureau).

«Mon

attachement

mon

travail

de "médiéviste"

dépasse,

et

j'en suis heureuse, 'intérêt niquementntellectuel t professionnel.Je me considèredans ce sens commeprivilégiée ans la mesure

il

n'y

a

pas pour

moi de

limites trictes ntre

travailet

intérêts,

enthousiasmes,

oisirs...

ersonnels...

(C.

Rabel).

La

façon

la

plus

simple

de rendre

compte

des

résultats

de cette

question

sera

de

reprendre

'un

après

l'autre les

exemples

proposés.

Les

développements

ui

les

concernent ont

en

général

précédés

d'une

remarque

brève concernant 'évaluation

uantitative

et

subjective)

de

la

place

du

Moyen Age

dans

la vie

privée

de

chacun.

Les

réponses

commencent

ar

des

phrases

comme

«

Une

influence ncontestable.

«

Il est certain

que

l'influence

u

Moyen

Age

sur

ma vie n'est

pas

à

négliger... «Aucunement. inon parfois.... Certains émettentdes

réserves

quant

à leur

capacité

à

évaluer cette

influence

«

A ce

que

je

sache...

,

«

Consciemment,

on

»,

«

Le

Moyen

Age,

si

ce mot

a un

sens,

n'exerce ucune

nfluence ur

ma vie

privée...

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33

Plus de

la moitiédes

personnes nterrogées

ont avoir

que

le

Moyen

Age

nfluence

un

peu

»

leur vie

privée.

Un

quart

des

gens

lui trouve

une

grande

nfluence.

uelques-uns, arfois,

disent-ils,

râce

à

notre

questionnaire,

nt

découvert

u'il

n'en avait

presque

aucune

«

Votre

nquête

m'a fait

prendre

onscience

ue

le rôle

du

Moyen

Age

dans

ma vie

privée

et familiale)

st

beaucoup

moins

mportant

que je

ne le

pensais

(H.U.

Gumbrecht).

Sous

une

forme

qui

est

souvent

celle de

l'inventaire

d'objets,

de

prénoms, e lieuxmédiévaux)on perçoitaussi clairement,uivant es

réponses

ne

gradation

ui

va de la

résignation...

«

Pendant

nos

vacances

en

France

et

en

Espagne,

nous

voyons

les

monuments

médiévaux...

omme

tous les

touristes

cultivés"

se

sentent

bligés

de

voir tous

les

monuments

(H.U.

Gumbrecht)

...à l'amour

passionné

«

Quand

je

pars

en

voyage,

l

m'arrive

de ne

jamais

arriver

u

but ou

au

pays

de

destination

cause de

quelques

monuments

rencontrés

e

long

de la

route,

vieilles

villes

allemandes,

hâteaux

autrichiens u fortificationsénitiennes e Dalmatie pire,de plus

apprécier

a

Rome

paléochrétienne

u

la

Grèce

byzantine

t

franque,

que

les immortels

hefs-d'œuvre

e

l'antiquitéclassique.

(P.-T.

Cornède).

Notons tout

de

même

que

tout

cela

reste dans

le cadre

du raison-

nable. Nous

n'avons

pas

détecté

de

cas

pathologiques,

de

fous

du

MoyenAge

ou

autres

Don

Quichotte.

L'habitat du médiéviste

Avant

de

passer

à

quelques

descriptions

détaillées

concernant

l'habitat

médiéviste,

ignalons

out

de

même un cas de forteréticence

au décor

médiéval

M.

Pastoureau

«

Il me semblerait

consternant

e

tapisser

les murs

de mon

appartement

e

reproductions

e

miniatures t

d'armoiries...

Voyons

maintenant

uelques

intérieurs

« J'ai derrièremonbureau une reproduction 'un manuscrit u

XIIIe siècle

(tomba

di

San

Francesco).»

«

J'aime

décorer

mon

appartement

vec des

reproductions

e

gravures

des

XIIIe,

XIVe

ou

XVe

siècles,

que

l'on trouve

chez les

bouquinistes

ar

exemple.

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34

«

Je

suis attirée

par

les éléments de

décoration

qui

évoquent

pour

moi le

MoyenAge,

'ai

commencé

broderune

petite

ongueur

d'une

reproduction

e

la

tapisserie

e

Bayeux...

«

Mon

appartement

st

peuplé

d'objets

-

malheureusement,

éné-

ralement

es

reproductions,

ussi fidèles

que possible

-

évoquant

le

MoyenAge

statuettes,ceaux,

ableaux, nluminures,

hotos,

tc.

»

«

J'ai

déterré hez un étameur un vitrail

gothique

qui produit

chez moi

un

effet

plendide.

«

Le

MoyenAge

balise mon

espace

de

travail,

n

l'espèce

d'affiches

des films

ui

mirent n

scène

quelques

grands

extes

de

la

littérature

médiévale

(Lancelot

de

Bresson,

Perceval le

Gallois

de

Rohmer,

Excaliburde Boreman).Ainsi, u-dessusde monbureau, 'affiche ePerceval e Galloisne cesse de me rappeler e premier rticlepublié

sur la

littératuremédiévale.

«

Comme

décor d'accueil

dans l'entrée de

notre

appartement,

une

photo

du

chapiteau

de Gislebert

eprésentant

a

Sainte

Famille

lors

de

la fuite n

Egypte

dans

la

pièce

je

travaille,

-

un

papier

peint

sur

un

panneau

entier)

représentant

es motifs

de

tapisserie

u

XVe

siècle,

-

la

coquille

rapportée

ors du

pèlerinage

e

Saint

Jacques

congrès

de la

Société

Rencesvals

1978),

-

une

copie

de

statuette

médiévale

icilienne

cadeau

d'étudiant),

-

une

photographie

'une

statue de Saint

Jacques,

-

l'affiche e

l'exposition

Les

Fastes du

Gothique".

Ainsi,ceux qui aimeraientdécorerleur appartement e manière

médiévalemais ne

savent

que

choisir uront-ils

u

trouver ci

quelques

suggestions...

Tybert

et Matthieu

Pour ce

qui

est de

la

place

tenue

par

le

MoyenAge

dans

le

choix

des

prénoms

des

enfantsdes

médiévistes,

n

rencontre,

omme

dans

le

cas de

l'habitationmais

chez un

interlocuteur

ifférent,

n

seul

cas

de réticence éclarée

«

...Jeme refuse...

affichermon

"médiévisme"

par

des

signes

extérieurs

ussi artificiels

ue

les

prénoms

des enfants...

Dans

les autres

cas,

ce

qui

frappe

n

premier

ieu

est le caractère

hautement

ubjectif

de la

perception

d'un

prénom

comme médiéval.

Ainsi,

i

«

Laure et Anne sont

des

prénoms intemporels

,

«

François

et

Gilles

correspondent

des

questions

de

civilisationmédiévales

rencontrées,

ous

dit

leur

père,

à

l'époque

de

leurs naissances

respec-

tives. En

revanche,

«

Renaud et France

«

pourraient

seulement)

présenter ne vagueconnotationmédiévale bien que « à la réflexion,

il

s'agit plutôt

de

francophilie

.

Même

type

de

nuances subtiles

entre

«

Anne et

Margot

ainsi

baptisées

«

pour

des

raisons

de

souvenirs

d'enfance t d'affinités

oétiques

contemporaines

Margot,

mon

page,

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35

de

Brassens)

alors

que

leur frère

Olivier,

en

revanche,

porte

ce

prénom arce qu'on

avait

en tête

«

Roland

et le

preux

Olivier . Alors...

A

vous

de

juger

nous

dit

leur

mère. En effet...

n

rencontre

ncore

une

«

Camille

pour

laquelle

«

le souvenir

de

Virgile

'a

emporté

ur

l'Eneas

». Mais le

plus énigmatique

este cette

proposition

aconique

et sans

commentaire

«

Mon fils

se

prénomme

Matthieu

. Là

encore,

à vous de

juger...

Ce

que

nous avons

de

plus

médiéval

est

peut-être

es

«

prénoms

de comtes

de Flandre

reçus

par

les

filsd'un

de nos

interlocuteurs

ui,

malheureusement,e nous en ditpas plus.Quantà Tristan, i l'on a pu

croire

un instant

u'il

venait

nous consoler

de tous

les

Lancelot,

Mélu-

sine,

Aucassin,

Yseult,

etc.,

que

nous

ne

rencontrerons

as,

ne nous

y

fions

pas

car,

s'il

s'appelle

ainsi,

c'est

«

plus

pour Wagner

que

pour

Beroul et

Thomas

...

Les

animaux

domestiques,

élas

trop

peu

représentés,

ont

baptisés

d'une

manière

plus

franchement

médiévale

«

Un

chien

que

nous

avons

gardé

quelque

temps

fut nommé

"Roonel"

et

un chat

"Tybert".

Mais, pour en finir vec ce chapitredes prénoms,nous devonsreconnaître

ue

tous nos

espoirs

reposent

maintenantur celui de nos

interlocuteurs

ui

annonce

que

:

«

Les

enfants

ue j'aurai

peut-être

orteront

robablement

es

noms

mpruntés

ux héros

des textes

ongtemps

réquentés

(rien

de

sûr encore

une

fois)

et

il

ajoute

«

Ce serait

d'ailleurs

moins

une

manière

de faire

coïncider

a

mémoire

ulturelle

ue

de

souligner

comment

e

Moyen

Age

met

tout

un chacun

sur

la voie

de "cet

obscur

objet

du désir"

dont

parlait

Bunuel.

Education des enfants

Parmi

les

cinq personnes

qui

ont abordé

ce

thème,

me seule est

véritablement

réoccupée

de

la

transmission

u feu sacré

«

J'essaye

d'éveiller

'intérêt

e mes enfants

t de mes

étudiants

pour

cette

époque.

»

Celle-ci

e

sera

sans

doute

aussi

mais

il

s'agit

de

l'avenir

«

Lorsque 'aurai

des

enfants,

e

leur

dirai

chaque

soir

quelques

pages

du

Roman

d'Alixandre

u

du

Lancelot

en

prose

dans

le

texte.

Si H.U.

Gumbrecht

egarde

ans commentaire

on

fils

se livrer

ui

aussi

à

des

jeux

médiévaux

«

Mon fils

il

a

cinq

ans),

lui

aussi

joue

aux

chevaliers...

on

note

chez

les autres un

désintérêt,

oire un refus

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36

de

l'initiation

u

Moyen

Age.

D. Alexandre

idon,

qui

aime

à retrouver

dans

les

«

techniques

e

puéricultures

ctuelles

nombre

e celles

recensées

déjà

au

XIVe

siècle

par

les

médecins

ne fait

pas

entrer

e

Moyen

Age

dans

l'éducation

de

ses enfants

,

mais elle

ajoute

«

l'éducation

de

ma fille

n'a

pas

à être

modelée

par

mon

métier

et mes

goûts

de

médiéviste,

t

je

me sentirais

oupable

de

la

pré-

déterminerar des contraintes rofessionnellest personnelles elle

doit

pouvoir

'épanouir

n

pleine

iberté,

n

bénéficiant,

utant

que

faire e

peut,

de

mes

compétences

t de

ma

culture

le

Moyen

Age

ne

peut

donc

occuper

dans cette

éducation

qu'un

place

modeste,

à

égalité

vec tous

es autres

centres

'intérêt

ue

constituent

outes

les

civilisations

t

toutes

es cultures

uropéennes

u

non,

de

l'Anti-

quité

à nos

jours.

»

M. Pastoureau

va encore

plus

loin

«Ma famille

st

dispensée

de

Moyen

Age...

Je ne

cherche

nulle-

ment

faire imer

e

Moyen

Age

à

mes

filles.

A la

limite,

e

serais

presque peiné

et

déçu

qu'elles

l'aiment.

Je

préférerais

e

beaucoup

que leurs goûts, eurs attiranceset leurs rêves viennentd'elles-mêmes et non

pas

de moi...

Vacances, visites,

voyages

Sur les chemins

de la

promenade,

resque

tous

les

médiévistes

e

retrouvent.

Mis à

part

notre contradicteur

abituel,

M.

Pastoureau,

«

nos vacances

ne sont

nullement

rganisées

en fonction

e

la visite

de lieux

médiévaux

,

le

médiéviste

fait

des

promenades

médiévales

(plus

de la moitié

des

réponses

n

parlent).

La

gradation

a

(cf.

supra)

de l'intérêt bligé à la passion.Certainesréponsesne retiennentue

cet

aspect

ambulant

de

la

vie

privée

«

des

vacances

sans

églises

romanes

ont

des

vacances

assurément

ernies

...

C'est

le château

qui

revient

e

plus

souvent

8

fois)

sur

les

itiné-

raires.

l

passe

avant

l'église

(6

fois),

'abbaye,

a

ville,

e tout

étant

quelquefois

désigné

sous

le terme

de

«

monuments

.

Ces

visites sont

une

occupation

dominicale

possible

«

quelques

promenades

dominicales

dans

quelque

château,

abbaye

ou

endroit

qui,

dans

les

environs

e

ma

ville

(Sienne),

garde

des

traces du

Moyen

Age

(S.

Moscadelli).

Souvent, a visite médiévale,même avec quelques concessionsà

d'autres

types

de

vacances,

entre

dans

une

perspective

ui

a

quelque

chose

de

catégorique,

'irrémédiable,

'est

une

habitude de

toujours

sur

laquelle

on

ne

reviendra

as

:

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37

«

Je

ne

connais

que

l'Europe

-

et si mal

-

car toutes mes

vacances et

tous mes

voyages

ma

femme

t mes enfants

artagent

heureusement

es

mêmes

goûts)

sont

choisis

en

fonctionde l'art

médiéval

-

ce

qui

n'empêchepas,

sur

place,

de

découvrir t de

goûter

beaucoup

d'autres

distractions.

«

Hors

quelques

jours

de

montagne

u dans la

famille,

es seuls

déplacements

mportants

ue

nous

ayons

faits

ces

dernières

nnées

ont

correspondu

des

congrès

médiévaux.Et

en cas

de tourisme

limité

par

rapport

un

lieu de

séjour,

le

but est le

plus

souvent

médiéval

une

abbaye,

un

château,

un

monument...

«

Lorsque je voyageen France, 'aime visitertoutes es églises,découvrireurs sculptures,eurs vitraux t parfois es manuscrits

qu'elles

conservent

(C.

Poussard-Joly).

On

connaît,

ans les lieux

du

MoyenAge

des

émotions

ortes

«

Je

visite es

cathédrales

et

les

hautes nefs se mirantdans

l'eau

des

bénitiers,

es

verreries

blouissantes

omme

des tentures

de

pierreries,

es

tombeaux u

fond des

chapelles,

e

jour

incertain

des

cryptes,

out,

usqu'à

la fraîcheur

es

muraillesme cause un

frémissemente

plaisir,

une

émotion

religieuse

(N.

Maximovitch).

On

s'y

retrouve ans

son élément

«Je ne me sens jamais si à l'aise que dans le cadre d'une ville

comme

York,

ou commeGand

(tout

en

sachant,

à

aussi,

a

part

des

restaurations

(J.-M.

esez).

On va

de

l'abbaye

à la

bibliothèque

t de la

bibliothèque

l'abbaye

«

Exemple

de

quête

sans

queue

ni

tête

il

y

a

quelques jours,

e

me

suis offert

Art

Gothique

chez

Mazenod

hier

j'ai

revu,

avec

plaisir,

es

châteaux

du

Coudray-Salbart

t de Niort.

Ceci,

dans les

jours

qui

viennent

a

me

replonger

ans mes livres ur

'architecture

médiévale.

«

Je

suis un

amateur.

Enfin,

uelques

buts

de visite cités

les

expositions

ur

Childeric,

«

des

Burgondes

Bayard

,

la

tapisserie

de

Bayeux,

Exeter,

Padoue,

Evreux,

Ratisbonne...

Le

prix

du

billon

Restent

uelques

thèmes,

hobbies et

passions évoqués

individuelle-

ment n dehorsdu cadre que nous proposions

-

la

musique,qui

revient

uatre

fois

«

J'aime a

musique

ancienne.

Je

sais

bien

que

celle

qu'on

entend

n'est

pas

exactement

elle

qui

était

ouée

mais on

peut supposer ue

ça

ressemble

uand

même...

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38

-

Le tir à

l'arc,

e

cinéma,

a collection

e

monnaies

«

si

on se

limite

au billon

(les

nigri

denarii),

ce

n'est

pas

ruineux...

,

wagner

qui

redouble

e

goût pour

le

Moyen

Age

d'un

goût

pour

son

image

à

travers les

siècles

qu'il

faut

conjuguer

avec

son

approche

de

chercheur

«Je nourris

une solide

aversion

pour

le

"moyen-âgeux".

ncore

que...

ma

wag

nérophilie

elève

un

peu

de

cette

nclination

outeuse,

que je

me défende

mal

d'un

goût

prononcé

pour

les ruines

médié-

vales

(tout

en

sachant

qu'elles

faussent

a

vision

du

médiéviste,

surtout 'il estarchéologue), oiremêmepour es films e chevalerie

(tout

en

pestant

contre

les

contresens

qu'ils

véhiculent...)

(J.-M. esez).

Rêveries,

lectures,

contaminations

Deux

personnes

eulement

ous disent

«

rêver

médiéval

.

La

réponse

de la

première

st

malheureusement

eu

lisible,

'autre

nous

dit

«

Il

m'est arrivé

de

faire des rêves

médiévaux,

ien situés

chronologique-

ment, t d'un réalismequi me laissait stupéfait u réveil (P.-T.Cor-

nède).

Pour deux autres

médiévistes,

e

Moyen

Age

est

une source

d'inspi-

ration

poétique.

On

évoque

aussi

les

lectures,

es

achats

de

livres

concernant

e

MoyenAge

«

Influence

ur

ma vie

privée

Essentielle-

ment

une

bibliothèque

nvahissante

(P.

Ruelle).

«

J'achète

tous

les

livres

qui

s'intéressent

e

près

ou

de loin

au

Moyen

Age

(C.

Pous-

sard-Joly).

On

cite le

Nom de

la Rose

d'Umberto

co

(trois

fois),

the distant

mirror e B.W.

Tuchman

trois

fois).

Une réponsefaitpart d'un «manque d'intérêt ans doute fâcheux,

pour

ce

qui

est...

postérieur

1500

. Une

autre

dit être

«

bien

davan-

tage

sollicité

par

les

œuvres

majeures

de la littérature

ontemporaine

que

sont

Le désert

des

Tartares...

u

Le

rivage

des

Syrtes...

ue par

les

grandes

œuvres

de

la littérature

médiévale

.

On

signale

à

plusieurs

reprises

e

jeu

de

va-et-vient

ui

s'instaure

entre

lectures

médiévales

et

lectures

modernes.

Le

nom

de

Villon

revient

lors

«

Je

n'aurais

pas

la

même ecture

de

Baudelaire

ou

d'Apollinaire

si

je

n'avais,

une

fois,

imé

Villon

(F.

Rappenne).

Plus

largement,

e thème

du

Moyen

Age

comme

formateur

u

goût,

omposante

mportante

e

l'appréhension

ensible,

visuelle,

itté-

raire...du

monde

moderne

st

évoqué

par

quatre

personnes

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39

«

Il

est bien

possible

que

mon

propre

système

de

valeurs doive

quelque

chose aux

codes du

Moyen

Age

le

prud'homme

lutôtque

l'honnête

omme

(J.-M.

esez).

«

Dans

mes

goûts personnels,

e

seul

-

ponctuel

-

que

j'ai

jamais

relevé st

une

passade,

influencée

ar

la

mode

-

mais

c'est

le

système

t

non sa

reprise

mon

compte qui

est

intéressant

étudier

des

vêtements ont

la

partition

olorée est

inspirée

des

livrées

d'écuyers

médiévaux.

Cette

bipartition

as

si

éloignée

du

goût pour

l'art

abstrait,

emble

recueillir

ujourd'hui

un étonnant

succès.

Mais sans

doute seule

ma

familiarité

vec les

miniatures

médiévales

m'a-t-elle

oussée

à

y

souscrire Par

amusement,

t

non

par besoin» (D. Alexandre-Bidon).

«

Il

me

semble^

ue

malgré

moi

j'ai

une

certaine

perception

médiévale

(moyenâgeuse

)

de

ce

qui

m'entoure.

Notammentdu

point

de

vue

visuel.

Je

n'aime

que

les

peintres

primitifs

t les

peintres

modernes u

contemporains.

'ai une

aversion

particulière

pour

la

peinture

vénitienne,

spagnole

et

française

des XVIe

et

XVIIe

siècles.

Est-ce

n raison

d'un œil

médiéval »

(M.

Pastoureau).

Une

seule

personne

nous

parle

du

Moyen

Age

comme

d'un lieu

utilisé

non

pas

seulement

dans

l'enfance

mais encore

aujourd'hui,

comme

un

terrain

de

rêveries

« Le

MoyenAge

est donc

quelque

chose

que

je

vis seul et

que

je

tiens à

vivre

seul. Je ne

rêve

pas

médiéval

pendant

mon

sommeil.

En

revanche,

marcher

dans

Paris,

prendre

e

métro,

e

raser ou

assister

à une

messe

peuvent

être

pour

moi

l'occasion

de rêves

éveillés

où le

Moyen

Age,

et

spécialement

a

légende

arthurienne,

joue

un

rôle. Cela

toutefois st de

moins en

moins

fréquent.

Dernier

hème,

xclusivement

éminin,

elui

qui

consiste

s'imaginer

vivant u

MoyenAge,

poser

cette

époque

dans

sa

globalité

n

balance

avec le

temps

présent.

i

l'on a

parfois

quelques

regards

nostalgiques

sur

ce

bon vieux

temps...

«A une époque où tout est

pour

nous

industrialisé,

lectrifié,

automatisé,

etrouver es

gestes

qui

filent a

laine,

la

teignent,

a

tissent,

ont es

objets

usuels en

bois...

non

pas

parce

que

"c'était

mieux

dans 'ancien

emps"

mais

parce

que

c'était

utile

à

la

vie.

»

«

Je

n'oublie

pas que

la

pauvreté

t

les

guerres

croisades

urtout)

sévissaient

ussi,

mais

je

reste

sensible

à la

douceur

de

vivre

qui

se

dégage

de cette

époque

telle

que

l'on

peut

la

découvrir

d'après

certaines

ectures

(C.

Poussard-Joly).

...le

plus

souvent,

n

est bien

content

'y

avoir

échappé

«

Je ne

souhaite en

rien me

retrouver

mêlée

à un

temps

qui

m'apparaîtbeaucoup tropdifficile vivre,beaucoup tropinconfor-

table...On

ne

peut

s'empêcher

e faire

e

point

avec

notre

xistence

protégée

tous

points

de vue où

les

femmes

ne

voient

plus

mourir

leurs nouveau-nés t où une

infection

entaire

ne

vous

envoie

plus

ad

patres...

(D.

Alexandre-Bidon).

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40

QUESTION

6

Il est

permis

de

penser qu'à

côté des thèmes d'étude

eux-mêmes,

le caractère

particulier

du travail

que

ceux-ci

réclament,

es

règles,

les

méthodes,

es lieux dont ils

impliquent

a

fréquentation

iennent

une place importantedans l'attachementdu chercheur à sa pra-

tique.

Comment 'évaluez-vous

pour

vous-même

Les

26

réponses

qui

ont

été faites à

cette

question témoignent

e

la

satisfaction es

médiévistes

ils aiment e travail

en

bibliothèque,

les

déplacements

ue

leur

objet

d'étude eur

impose.

ls

tiennent

ux

règles

et

aux

méthodes

qui

les

maintiennent ans

le chemin

de

la

recherche aisonnable

t

fructueuse.

uand

on

pense

aux

difficultés

e

travailler

n

bibliothèque

i facilement

voquées

dans les

conversations,

aux griefs réquents ontre a lenteurdu « service , la restriction es

horaires

'ouverture,

a

prépondérance

njuste

de Paris sur

la

province,

on est

surpris

qu'une

seule

personne

nous ait fait

part

de

son

mécontentement

«

...letravail

de

bibliothèque

st

rendu

nécessaire

par

le

manuscrit

(parce que pour

a

photocopie,

'est

difficile,

ong

et

coûteux),

e

prêt

est

parcimonieux,

es délais

incroyables

t les

horaires honteux.

Quand

tout

marche

bien c'est

parfait.

Mais

comparé

un chercheur

moderneou

contemporain,

uel

travailleur

la chaîne

(le

médié-

viste)

presque

pas

de

livres

chez

soi,

la

plupart

des

textes étant

inédits

Ni le soir

après

17 h ni le

matin avant

10 h. Ni le

dimanche...

Sur la route

Première

onstatation,

e médiéviste

ravaille

urtout

n dehors

de

chez

lui. Sa

pratique

des documents

riginaux,

a rareté

t

l'ancienneté

des

ouvrages

qu'il

consulte

ui

imposent

un travail

sur

le terrain.

e

terrain arie

bien sûr

en

fonction

e

la recherche

menée.

La

vedette

restetoutefois

'inévitable

ibliothèque

Nationale

« Quel chercheur, plus forteraison médiéviste, eut ne pas

habiter

dans

le

périmètre

mmédiat e

la B.N.

?

»

(A.

Labia)

et,

dans la

Bibliothèque

Nationale,

e cabinet

des

manuscrits,

ilencieux

et hors

du

monde,

ient

pour

certains

e

rôle de cocon

salutaire

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41

«

J'aime e cabinet des

manuscrits,

ar

je m'y

sens en confiance

et

comme

protégée

par

les manuscrits

ui

nous

entourent,

'atmo-

sphère

toute

particulière

e ce

cabinet

que

l'on ne retrouve

pas

ailleurs,

m'aide à

travailler,

ar

je

me sens isolée des

oppressions

du monde

extérieur,

t

je

peux

travailler dans le calme et

la

solitude

(C.

Poussard-Joly).

«

J'aime tre assise à la

salle

des

manuscrits e

la B.N.

(surtout

près

de la

fenêtre)...

L'émotion atteint son comble

quand

arrive le manuscrit tant

attendu

«

...le

plaisir

du lieu

et

de tenir

n main des

livres

qui

sont

'éma-

nationdirectede l'homme

médiéval

(D.-A.

Bidon).

«

Mais ce

que j'aime par

dessus

tout,

'est consulteres manuscrits

car leur lecture ouventdifficile

blige

le lecteur entrer n com-

munion

vec eux afin

ue

nul

détail ne lui

échappe...

«

Mon attachement la

pratiqueprofessionnelle

st

actuellement

certes

ié à mon ieu de

travail,

e fondLatin du cabinetdes

manus-

crits

trésor e livres

ux

vénérables

eliures,

enfermant

es

trésors

inconnus 'enluminuresncore

plus

merveilleux...ans les

meilleurs

moments,

et

endroitme

grise...

(C.

Rabel).

mais quelquefois n se sentcoupablede rompre insi avec le monde

«

...dansd'autres

moments),

on ambiance ombre t fermée

evient

pour

moi le

symbole

même

du

danger

de

glisser

dans

une vie de

chercheurs

eclus,

loigné

de

toute

réalité...

(C. Rabel).

Cependant,

'est

l'amour de la

bibliothèque

t du

livre,

e

plaisir

de

la

lecture olitaire

ui

l'emportent...

«

J'ai

toujours prouvé

une sorte de

plaisir physique

déambuler

dans

les salles d'archives u

les

rayons

des

bibliothèques

je

m'in-

terroge our

savoir

s'il

s'agit

d'un

goût congénital

silence,

ontact

physiqueavec le témoignagehumain,possibilité d'imaginer)qui

m'aura orientévers les

Chartes,

u

si c'est l'Ecole

qui

m'a

façonné

à cet

égard

(R.

Fossier).

«

Le fait

que

les

textes

oient

à

première

vue

si

peu

abordables

me force

lire très entement et c'est

ce

temps

d'assimilation

ui

rend la

lecture

médiévale si intéressante t si

productrice

.

La

bibliothèque,

'unicité

du

document ont en

général

une raison

de

déplacements

ouvent

ppréciés

du

médiéviste

«

L'obligation

de recourir des documents

vec

les

aléas,

les

déplacements

t

les

surprises que

cela

implique m'apporte

une

coupurebénéfique ar rapport u travailde cabinet (A. Boureau).« C'estpourmoi un immenseplaisirde parcourir es régions t

des

pays

très différents.

t dans une même

ville,

e

crois nécessaire

et

agréable

de

fréquenter

es

institutions ifférentes

bibliothèques,

archives,

musées.

l me

serait très

pesant

de conduirema recherche

dans une seule

institution,

ne seule

ville,

un seul

pays.

Cette

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42

fréquentation

'endroits rès

éloignés

et

très divers

est une

des

raisons essentielles

ui

m'attachent l'histoire

médiévale

(M.

Pas-

toureau).

«

J'ai

beaucoup

de

plaisir

à travailler ux

Archives,

ans

une

ambiance tudieusemais

généralement

ccueillante

t "bon

enfant",

où l'on fait

beaucoup

de rencontres

ympathiques

t enrichissantes

.

En

revanche,

e médiéviste

ui

a dû

quitter

sa

provincepour

se

rapprocher

e la

Bibliothèque

Nationale verra

au

contraire

e

dépla-

cement

omme une occasion de

repos,

peut-être

mer

«Quelle délicieuseperspective ue celle d'un couple de jeunes

chercheurs

assant

deux nuits

à

l'hôtel,

quand

le

besoin s'en

fait

sentir,

ans la lointaine

province

»

(A.

Labia).

Il existeaussi

des médiévistes

ui,

ayant

renoncé ux sources

pari-

siennes,

ivent

ependant

ne

joyeuse

vie de chercheurs

n

province

«

Ma

"pratique

de chercheur" st

aléatoire,

ombinatoire t asso-

ciative.

Je

poursuis

un chemin buissonnier

-

sans

objectif

à

atteindre et

je

grapillonne

u

gré

de

ce

que je

trouve...

n

pro-

vince,

n ne

peut

que

prendre

e

qui passe

à notre

portée

»

Mais qu'il aille vers les documents u qu'il les attire à lui, la vie

du médiéviste oûte

cher

«

Compte

tenu de

l'éloignement

e la

bibliothèque

universitaire

(60 km...)

j'ai

dû acheter tous les

grands

dictionnaires

t bon

nombre

d'autres

ivres,

ui

m'étaient

ndispensables.

ela ne laisse

pas

d'avoir

des

conséquences

financières t de réduire

l'espace

habitable...

(P.

Ruelle).

«

(je

fais)

..un

usage

immodéré e la

photocopie...

«

Pour

nous,

a

photocopie

'est

difficile,

ong

et

coûteux...

Ce

qui

se

dégage

de

l'ensemble,

'est la

dépendance

de l'Université

dans laquelle se trouve le médiéviste.Un travail de médiéviste n

solitaire st

difficilement

oncevablemais

l'Université

'est

pas

toujours

aussi

accueillante

u'on

le

souhaiterait

«

A la différence

u

vingtiémiste,

e médiéviste

emeure

nextri-

cablement

ié à

l'Universitéu à ses

annexes.Et

lorsqu'il

n'y

enseigne

pas,

sa

recherche

n

pâtit, grevée

qu'elle

est

par

de

multiples

démarches

isant

à obtenir

e

que

l'universitaire

sous la main

(J.-C.

Huchet),

et,

dans

le

même ordre

d'idée,

le travail de

groupe

semble une des

caractéristiques

u chercheur

médiéviste,

otamment n histoire t en

archéologie

«

J'apprécie

ortement

n métier

qui,

un

mois ou

plus par

an,

me

pousse

à travailler

la terre"

sur un chantier

de

fouille)

ôte à

côte

avec ceux

qui

sont mes

employeurs

u

mes

collègues

et

mes

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43

amis

par

conséquent

qui,

le reste de

l'année,

me

fait travailler n

équipe,

solidairement...

ul

doute

que

ce besoin

de travailler

n

commun,

écouvert

lors

que

j'étais

encore

étudiante,

e soit issu

d'un

certain rt

(avec

un

petit

)

de vivre

caractéristique

u

Moyen

Age

(D.

Alexandre-Bidon).

Seul

l'amateur ne

ressent

pas

comme un

besoin son

rattachement

l'Université

«

étant

-

au

niveau du

pain

quotidien

-

médecin

libéral...

e

considère

omme

des

vacances

es

journées

ou

les

semaines

passées

dans les dépôtsd'archives travailler... la journéecontinue...

L'équipement

du

médiéviste

Le

travail

qui

l'attend

uppose

au

médiéviste n

bagage

qui

n'est

pas

seulement

matériel. l

doit,

uivant

on

terrain e

travail,

résenter

des

dispositions

l'effort

hysique

«

Il

va

de

soi

qu'un

archéologue

du

village,qui

n'aimeraitni la

terre,

i

la

campagne,

i

le

plein

air ni

l'effort

hysique,

i

la com-

munauté e vie d'unchantier,eraitbienmalheureux

ou

encore

posséder

un

certainnombre

de

langues

peu

courantes

«

Très

tôt,

e

fis

l'effort

écessaire

pour

apprendre

es

langues

romanes

nciennes...

eaucoup plus

tard

'ai

ajouté

à ma

collection

le

moyen

haut

allemand

et le

moyen

nglais

et

je

déplore

comme

une

infirmité

'ignorer

ratiquement,

ujourd'hui

ncore,

e

norrois

et le

slavon

(P.

Zumthor)

mais ce

qu'on

lui

conseillera,

uel

que

soit

son

domainede

prédilection,

c'est

la

patience

« la méthode précision, atience,durée... (D. Alexandre-Bidon).

«

Recherche

modeste,

ongue, parcellaire

et

souvent

anonyme,

"travail

de

fourmi"

dit le

visiteur

d'un

chantier

de

fouille»

(P-T.

Cornède).

De

l'utilité des

contraintes

de la

méthode

Comme e

travail

n

bibliothèque

ient,

n

alternative u

travailde

cabinet,

quilibrer

a

vie du

médiéviste,

es

contraintes

ue

lui

imposent

sa méthode t son sujet de travailsont souventperçues comme un

pendant

nécessaire son

imagination

u

à

une

forme

de

pensée

trop

uniquement

héorique,

un

terrain

sur

lequel

celle-ci

peut

s'exercer,

une

manière

de la

canaliser

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44

«

Les

règles

t

les

méthodes e

l'histoire

pposent

une

contrainte

féconde ux

tentations

hétoriques

t

généralisatrices

ui

guettent

le

chercheur

n

sciences

humaines

(A.

Boureau).

«

Le

fait

d'aborder

mon

travail

ussi

rationnellement

ue

possible,

en m

efforçant

'éliminer

e

qui

chez

moi

peut

être

trop

"affectif"

me

semble

un

objectif

essentiel

réaction

contre ma

nature

pro-

fonde

)

(M.

Miguet).

«Je

trouve

ue

les

méthodes

t

règles

que

réclament

mon

travail

m'apportent

ne

certaine

larification u

savoir

dans

mon

esprit

.

Le

terme

ui

revient e

plus

fréquemment

7

fois)

est

celui

de

rigueur,

joyeusementcceptée

«

La

règle

-

et la

joie

-

est la

juste

compréhension

u

texte.

La

seule

règle

st la

rigueur...

pprendre

ussi à

aimer

cette

rigueur

malgré

es

snobismes t

les

systèmes...

(J.-C.

ayen)

ou voie

ouverte

ers a

joie

:

«

Plus cette

ommunion

st

difficile

lus

e

travail

st

riche

d'ensei-

gnements,

lus

la

joie

d'avoir

trouvé

st

grande

.

Mais

tout

cela est

bien

abstrait

t

il

nous faut

voquer

es

formes

rises

par

cette

rigueur

«

Un

travail

nalytique

ar

toujours

en

prise

sur la

réalité

l'ar-

chéologue

de

la

culture

matérielle

manipule

des

objets

et non des

idées

abstraites...»

D.

Alexandre-Bidon).

«

J'ai

hérité

de la

fréquentation

es

textes

médiévaux

a

rigueur

méthodologique

t la

minutie

d'analyse qui

me

semblent

ndispen-

sables

à toute

pproche

érieusedes

phénomènes

e

langue...

«

Description,

lassification,

xpérimentation

t

explication

ppli-

quant

à des

objets

sociaux

es

méthodes es

sciences

de la

nature .

Si

ces

discours et

l'ensemble

de

leurs

préoccupations

émoignent

avant

tout

d'une

attitude

de

chercheur

les

formulations

arient

mais

les

préoccupationsdes historiens, ittéraires t archéologuesayantrépondu ici s'avèrentassez semblables les unes aux

autres)

deux

personnes,

outefois,

ous

apprennent

ue

leur

goût

se

porte

n

premier

lieu

sur

'enseignement

«

La

présence

d'un

public

me

mobilise

puissamment

u

pointque

je

me

soupçonne

d'être

un

comédien

refoulé .

«

Je

prise

davantage

'enseignementue

la

recherche,

uestion

de

caractère,

ans

doute»

(R.

Fossier).

Opération

portes

ouvertes

Pour

finir,

emarquons

ue

ce

vers

quoi

les

médiévistes

nterrogés

disent

tendre,

e

qu'ils

réclament

ous

des

termes

différents

pluri-

disciplinarité,

résupposés théoriques

fournis

par

la

sociologie

et

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45

l'anthropologie,

uverture,

ectures

plurielles,

nterdisciplinarité),

'est

le décloisonnement

ntre

es différentes

isciplines

«

Encore

convient-il

e

concevoir

elle-ci,

on comme

a constitu-

tiond'un

pot-pourri'allégations

étérogènes,

ais

comme

ne

ouver-

ture.Du

moins

i

ce

que

nous

disons des textes

poétiques

médiévaux

ne

peut

trouver

de

prolongement

ans

les

recherches

d'histoire

événementielle,

olitique, conomique,

oire

ethnologique

u

Moyen

Age,

l

y

a

des chances

pour que

notrediscours

soit

vicié

par

cette

fermeture,

t tombe

dans un trou

sans écho

»

(P.

Zumthor).

Le danger st donccommeon l'a vu déjà de travailler solé et c'est

aussi

à cause

de cette

aspiration

la

pluridisciplinarité

ue

le

médié-

viste recherche

e travail

d'équipe,

craignant

omme

un

danger

de se

renfermer

ur

sa

trop

grande

pécialisation

«

Je

ne

pense

pas

qu'un

bon

chercheur

uisse

être

étroitement

spécialiste

d'un

problème,

'un

type

de

document,

'une

région,

ni

même

d'une

période.

l

faut

s'intéresser tout

et avoir

différentes

spécialités.

N être

que spécialiste

d'héraldique

me semblerait

touf-

fantet

débilitant.

l en

est

de

même des lieux et

des institutions.

Je suis hostile

tous cloisonnements

(M.

Pastoureau).

Ainsi, l'ensemble des contraintesmatériellesqui s'imposent

au

médiévistemais aussi des contraintesméthodologiquesu'il s'impose

lui-même

ont-elles,

e

la

manière

a

plus

générale,

etournées

ar

le

chercheur

n éléments

positifs

qui

l'empêchent,

onformément

ce

rêve de

communication

ntre ous les

médiévistes,

e sombrer

dans

la

tristesse

du travail

enfermé

t solitaire

et

les élucubrations

valeur

strictement

ersonnelles

ui

risqueraient

e

s'ensuivre.

'un

d'eux donne

même

l'impression

e s'être

parfaitement

ondu à

ce

que

les

autres

auraient

e

plus

souvent

tendance

à

faire

apparaître

comme

contrai-

gnant

«

Les

règles

et

les

méthodes

me

paraissent

difficiles

apprécier

quant aux satisfactions ersonnelles u'elles m'apportent ar elles

sont

vraiment

evenues

une

seconde

nature...

(M.

Frachette).

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46

QUESTION

7

Comment

pensez-vous

que

puisse

se

définir e

rapport

du

MoyenAge

au

monde

contemporain (origine,

altérité,

proximité...)

Y

a-t-il

dans les

motivations

de votre

travail sur

le

Moyen Age

une

part

de

visée du monde moderne,on pensez-vousau contraire quii n'est

pas

nécessaire

de déterminer

«

l'actualité

»

d'une

pratique

de

recherche

La

septième

uestion

est

quelque peu

différente

u reste du

ques-

tionnaire

elle

interroge

on l'individu

chercheur

mais la société

à

laquelle

l

appartient.

eux

aspects

sont

distingués

le

premier

oncerne

le

rapport

u

MoyenAge

ui-même u monde

actuel

(le

chemin

ui

les

lie, a distancequi les sépare), e secondsubstitue l'objet d'étude e

discours

u'on

tient

ur

lui. Certains

n'ont

répondu

u'à

l'une des

deux

questions,

uivant ans

doute

eurs

préoccupations

ominantes.

Sur le

premier oint,

deux citations uffiront

fairesentir ombien

les

positions

outenues

peuvent

tre contraires

«

Le

fait de base est

l'altérité,

ar

rapport

à

nous

et à notre

culture,

u

MoyenAge.

Cela me

paraît

une

évidence

fondamentale.

Néanmoins,

ette altérité

n'est ni totale

ni absolue.

Si

elle

l'était,

l

serait

mpossible

e

dire

quoique

ce soit sur

le

MoyenAge

tout

au

plus,à proposde lui,en tournant utour du vide.Il y a donc aussiune relative

proximité

u

Moyen

Age.

De

plus,

dans la

ligne

dia-

chronique

ou

génétique,

u sens

physiologique

u

terme),

l

est

possible

de dire

du

Moyen

Age

qu'il

constituenotre

origine.

Mais

cette

dernière

ossibilité

omporte

n

danger

onsidérable.

a

notion

d'origine,

ncore

iée aux

séquelles

de l'idéalisme

omantique,

st une

idée

mythique

lus

qu'historique.

lle dissimule

a

réalité

fuyante

du

temps

humain,

amène

par métaphore

es cultures

u

modèle

des

organismes

ivants.

«

Altérité-proximité

double

détermination,

u

double statut de

notre

objet.

Puisqu'il

est

proche,

nous

pouvons

e

saisir

du

regard

puisqu'il

est

autre,

nous

ne

pouvons

sans erreur n

parler

comme

de notre dentité

résente

(P.

Zumthor).

«

Si

je

vois

le

Moyen

Age

partout je

n'ai

qu'à

ouvrir

e

journal

pour

retrouver

a

marque,

dans les événements

nternationaux,

es

mœurs

politiques

seule

peut-être

'économie

y

échappe),

c'est

parce

qu'il

continue,

dans

l'ignorance

générale,

marquer

nos

compor-

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47

tements

on

ne

se

débarrasse

pas

de

1

100

ans d'histoire

esante

en

l'espace

de

cinq

siècles

seule l'imbécile anitéde nos

contemporains

se

l'imagine

(R.

Fossier).

C'est

sur

ces bases

que

s'affrontenta

plupart

des

réponses

neuf

soulignent

'altèri

é,

autant a

proximité

u

Moyen

Age.

Trois se situent

à

égale

distancedes

deux

positions.

Neuf autres ne se

prononcent as

sur ce

point,

oit

qu'elles

s'en tiennent u

second

aspect

de

la

question,

soit

qu'elles

rejettent

plus explicitement

'alternative

roposée.

Ainsi

pour

R.-H.

Bloch,

«

ce

n'est une

question

ni

d'origine,

i

d'altérité,

i

de proximité,mais de pertinence, celle-ci tenant à l'importance e

l'étude

de

la

langue

médiévale

pour

la

critique

moderne.

Ces

chiffres

ne

tiennent

as

compte

de

cinq

réponsestrop

allusives

sur l'ensemble

des

questions).

Sans tirer

es conclusions

rop

précises

de ces

chiffres

ien

modestes,

on

peut

toutefois

mettre

n évidence

certainestendances.Une bonne

majorité

de

réponses

prendparti

sur

l'option

ltérité/proximité,

e

qui

après

tout

ne va

pas

de

soi.

Surtout,

es

deux

positions

extrêmes e

retrouvent

ace à

face,

aussi défendues 'une

que

l'autre.

l

n'y

a donc

ni

consensus,

ni

position

dominante,

mais bien

répartition quilibrée

des réponses.

A

la rencontre de l'Autre

Cette

hématique

araît

relever e

deux

phénomènes.

i elle constitue

le

pivot

d'une attitude

méthodologique,

lle est d'abord

l'expression

d'une

façon

personnelle

de

percevoir

'époque

médiévale.

Ainsi,

les

partisans

de l'altérité

voquent

bien

souvent

e

MoyenAge

sur

le

mode

d'une

rencontre,

'une

découverte

oudaine,

génératrice

e

choc intel-

lectuel.Cet épisode est fréquemmentitué au moment des études

supérieures

quatre

réponses, uxquelles

s'ajoute

celle

de J.-C.

Huchet

«

la

véritable

encontre

ut

lieu

plus

tard

).

Le

Moyen

Age

est

alors

perçu

comme

un domaine

à

explorer

voir

question

4).

Ce

qui

est

«

inconnu

est

en même

temps

«

différent

.

Le monde

que

découvre

e médiéviste uscite un

sentiment 'étran-

geté,

mais

plus

encore,

une volonté de

comprendre ui

le contredit.

Dans

l'entre-deux,

roismots

résument'attitude u

médiéviste

«

curio-

sité

»,

«

attirance

,

«

fascination

.

«

Attirance est le

plus

employé

le

terme

semble

tenir

la

juste

dose

de

désir,

ni

trop

futile,

ni

trop

pesante,

ue

fait

naître

'objet

MoyenAge.

La

relation u

Moyen Age

est ainsi décrite rencontre, ésir,appropriation.

Dès

lors,

on

peut

s'inquiéter

e la durée du

goût pour

e

MoyenAge.

Le

médiéviste

e finit-il

as par

être à l'unisson avec

son

objet

?

Ne

faut-il

as

alors établir

de

nouvelles

relations,

ans la

familiarité

Il

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48

semble

bien

que

non. La connaissance

peut

accroître

a conscience

des

parallèles,

elle ne fait

pas pour

autant

disparaître

e

sentiment

e

l'altérité.

elle

est

l'opinion

du Dr Frachette

«

Si

j'aime

à

souligner,

l'occasion,

es

racines

médiévales

de

telle

ou telle de nos

«

habitudes

actuelles,

je préfère

mettre

l'accent sur l'altéritéde ces deux

mondes,

et

c'est

précisément

e

sentiment

'étrangeté

t

de

dépaysement

ue

j'éprouve

en

fréquen-

tant

e

MoyenAge

qui

me

le

rend encore

plus

attrayant

c'est

un

perpétuel oyage

dans

le

temps

et

l'espace

de toute

'Europe que je

peux

faire n restant

ma table de

travail,

ace aux

documents

ui

nous permettentette merveilleusevasion...

D'autre

part,

es

métamorphoses

u thèmede

l'altérité

ui

permettent

de résister la durée.L'altérité

du

Moyen

Age

n'est

pas

seulement

n

sentiment

écu,

elle

peut

devenir

'axe d'un

discours,

d'une

position

de

principe.

Pour P.

Zumthor,

'est un

postulat méthodologique,

ne

garantie

ontre

'anachronisme

«

Il serait aisé

d'alléguer

des

exemples

de distorsions

dues

à

l'oubli,

par

les

chercheurs,

u facteur

d'altérité

le

plus

manifeste

à mes

yeux

réside

dans

l'emploi

fait couramment

e

l'expression

de

"littérature

médiévale"

...)

je

suis

profondément

onvaincu

ue

rien

(ou

à

peu près)

des

idées,

des

images

et

présupposés

qu'elle

véhicule n'est applicable à l'époque antérieure la diffusion e

l'imprimerie.

nversement,

'est

le même

rejet

de

l'altérité

ui,

en

dépit

des

apparences,

dicte

à

de bons

esprits,fatigués

du monde

moderne,

es

assertions elles

que

«

le

MoyenAge

est mon

refuge

.

Le médiéviste

ultive

partout

ette différence

éconde.

l la

traque,

cherche

la

saisir sans

la détruire.

'est me

quête

dont

'aboutissement

est

sans cesse

remis. l

y

a là une volonté

de

feinte,

mais

aussi la

conséquence

de l'immensité

du domaine

médiéval.

En

fait,

selon

J.-C.

Huchet,

l

y

a

une

«

irréductibilité

u

Moyen

Age

à

nos savoirs

et

à

nos

pratiques

.

L'objet

impose

sa

loi,

mais de

son

côté,

e cher-

cheur choisit

sa

posture

«

Il

faut cultiver

'altéritédu

Moyen Age

.

Au-delàdes salutairesefforts e méthode, 'altéritédoit provoquer

toute

une attitude

d'esprit

«

Il faut aborder

cette

période

dans un

état

de fraîcheur

conquérir

chaque

instant

. Le

Moyen

Age

apparaît

comme

l'occasion

d'une remise

en

cause,

d'une ouverture.

Non

qu'il

propose

un modèle

de

pensée

le même

chercheur

eut

souligner

a

fécondité

ntellectuelle

e cette

démarche,

out

en étant

profondément

dégoûtépar

l'essentiel

des

valeurs

que

propose

e

Moyen

Age.

Le

Moyen Age parmi

nous

Sans bien

sûr

nier es

différences,

n certain

nombrede chercheurs

préfère

nsister

ur

l'imité

de civilisation

ui englobe

le

Moyen

Age

et le monde

ctuel.Dans

son

combat rdent

pour

rendre

u

Moyen

Age

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50

«

Evidemment,

ous

vivons

aujourd'hui

dans

une culture

(qui

est

d'ailleurs

éclatée

et

multiple) qui

n'est

plus

par

elle-même

expression

u

vêtement e

la Foi. Nous sommes

ainsi comme

tirés

entredeux

extrêmes,

mais

l'expérience

montre

ue

c'est

parfaitement

vivable.

Précisément,

l

faut

prendre

dans

chacun

des deux

mondes,

ce

qui

est

vivant

t

nourriture e

vie ».

Plus

radical,

J.-C.

ayen érige

e

Moyen

Age

en modèle exclusif

«

Le

monde moderne

st celui des

ruptures

avec

les

traditions,

avec le

terroir).

e tourne

e dos à

l'informatique,

ux

portillons

u

métro, u matraquagedes médias. Le Moyen Age est un antidote

nécessaire.

'actualitédu

Moyen

Age,

'est

le besoin

d'enracinement,

d'essentiel,

e

retour ux vraies valeurs

.

Ici,

rupture

t

continuité e

rejoignent

le fil des civilisations

st

rompu,

mais les

défenseurs clairés

de la tradition

ue

sont

es médié-

vistes

savent

retrouver

a continuité.

Un deuxième

ype

de considérations

'organise

autour

des notions

de

«

racine

,

de

«

filiation

,

ď

«

origine

. La différence

st

claire

délaissant

un lien

par

la

ressemblance,

n s'en tient

à

un lien

par

la

généalogie.

ormulation

lus descriptive,

lus

discrète

uant

à

l'impli-

cationpersonnelle ue l'on tire de cetteproximité. n met alors en

avant le rôle

du

MoyenAge

dans la

genèse

du monde

actuel.

Comme

chez R.

Fossier,

ette affirmation

st une réaction ontre

'indifférence

ou

l'ignorance

ue

l'on

prête

au sens commun.

«

Il

y

a bien

plus

de

filiations

irectes

qu'on

ne

l'imagine

normalement

(C.

Rabel)

Sur

quels objets

privilégiés

e

fixe cette

quête

des

origines

Les

réponses

obtenues llustrent

'idée

que

le

Moyen Age

est

le moment

fondateur

e la Nation.

En

outre,

rois

points

de

jonction

ont souvent

évoqués

la

langue,

es

monuments,

a

religion

chrétienne.

Chacun

évaluera à

sa

guise

a

part

de

permanence

ue

cela

peut

constituer

u

sein de notre ociété).

La

notion

de

«

racine

est

fréquemmentmployée,

lus

que

l'idée

équivalente

«

origine

pourtant roposée

dans

la formulation

e

la

question.

«

Racine

»

est dans

l'ordre

du

lieu,

ce

qu'

«

origine

est

dans

l'ordre

du

temps.

Or,

on

sait

l'importance

u

terroir

t du sol

national

dans

l'image

que

l'on

se fait du

Moyen Age.

Surtout,

'expression

possède

une

ambiguïté

emarquable,

usceptible

e

réunir

es

opinions

opposées.

«

Racine

peut

aussi

bien

désigner

notre

propre

identité

(Y.

Congar),

qu'un

passé

lointain

t révolu

(«Je

cherche connaître

une

époque

et des

mentalités

ui

ne sont

plus

les

nôtres,

mais

dont

nous sommes

es

héritiers.

e souhaite

être

conscientde

ces

racines

(J.-P.Hible). Les racines déjà l'arbreou avant l'arbre La notionde

racine,

dans sa

molesse

conceptuelle,

ermet

d'exprimer

n

goût

du

passé,

sans

avoir à

trancher

ur le

statut

que

l'on donne à

ce

passé,

sur

le

rôle

qu'il joue

dans

notre

monde ou

dans nos savoirs.

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51

Quels

clivages

?

Jusqu'ici,

n

a voulu

cerner es

deux

positions

opposées

(sans

pour

autant

masquer

les

plages

de

rencontre).

n

peut

maintenant

'inter-

roger

sur

les critères

xternes

ui permettent

e rendre

compte

de

cette

opposition.

u

vu

des

réponses

btenues,

l

ne semble

pas

y

avoir

de

clivage

en fonction

es

disciplines.

On

défend

a continuité

u

la

rupture

ussi

bien

chez les

littéraires

ue

chez les

archéologues

u

les

historiens.

En

revanche,

l

est

probable

que

les centres

d'intérêt

privilégiés

jouent

un rôle

décisif.

l

est

sûrement

lus

aisé

de

déceler

des

conti-

nuités dans

les

paysages

ruraux,

es

modes

d'alimentation,

ue

dans

les

goûts

musicauxou les

systèmes

e

représentation

e

l'univers.

n

fait,

es tenants

de

l'altèri é situent

elle-ci

principalement

u niveau

des mentalités.

Bien

que

les

constituants

e

l'étrangeté

médiévale

oit

peu

détaillés,

on

relève des

expressions

omme

«

façon

d'agir

et de

penser»,

«culture

inconnue»,

«mentalité

surprenante»).

On

peut,

peut-être,

oir à

une

conséquence

de

l'influence

e

l'anthropologie

ur

l'histoire

es

mentalités

ne

suggère-t-elle

as

cette

problématique

e

l'Autre

Inversement,

n

peut

s'étonner

e

voir

les tenants

de la

continuité

citer maints

exemples

à

l'appui

de leur

thèse,

tout

en

délaissant

es

mentalités.

t c'est

R. Fossier

ui-même

ui,

ailleurs,

décrit

es

façons

primitives 'agir

et de sentir

ui

caractérisent

'homme

du

Moyen

Age.

Qu'est-ce

lors

qu'un

monde

proche

l'on

sent,

pense,

vit,

i

différem-

ment

Le domaine

des

mentalités

t

de

la sensibilité

pparaît

bien

comme

un

bastion

de

l'altérité.

Une

autre

frontière

e

dessine,

elle des

convictions

eligieuses.

'est

très

logiquement

u'environ

a moitié

des

partisans

de

la

continuité

témoigne

'un

intérêt

lus

ou moins

manifeste

our

la

religion.

Plus

généralement,e choixde valeurspersonnellesembledéterminantvoir

la

réponse

de

J.-C.

ayen).

Entre

ncore

en

jeu,

l'expérience

ue

chacun

peut

avoir

des

aspects

les

plus

traditionnels

u

monde

actuel.

Voyons

'opinion

de

P.

Ruelle

(éclairée par

son

témoignage,

oir

question

4)

:

«

La

vraie

rupture

ntre

e

MoyenAge

et nous

s'est

produite

u

début

de

ce

siècle,

orsque

la

société

agricole

et stable

(ce

qui

ne

veut

pas

dire

"satisfaisante"

)

a

cédé la

place

à une société

ndus-

trielle

t

mobile.

N'étaient

es

témoignages

isibles

aissés

par

l'archi-

tecture,

e

dirais

que pour

la société

urbanisée

d'aujourd'hui,

e

MoyenAgen'a pas plus de réalitéque l'Antiquitéu la Préhistoire.

On

peut

admettre

que

cette

mutation

ne cesse

de se

prolonger,

aujourd'hui

ncore,

dans

ses

aspects

sociaux

et culturels.

Dès

lors,

e

problème

e

pose

bien différemment

our

celui

qu'enflamme

es

sou-

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52

venirs

d'une enfance

rurale,

d'un

système

de

vie

traditionnel,

t

pour

les sans-racines

es

cités modernes.

'idée

traverse

plusieurs

réponses

que

les derniers

spects

vécus du

Moyen

Age

s'effacent

ous

nos

yeux.

Certains

n sentent

ncore e

poids,

voire

s'y

attachent

délibérément.

D'autres n'ont

en rien

'expérience

e

ce

qui, aujourd'hui,

araît

lié à

l'idée de notre

Moyen

Age.

Actualité de la

recherche

?

En

fait,

a

deuxième

artie

de

notre

uestion

uscite

peu

de

réponses

(moins

de la

moitié).

Contrairement

u

premier

point,

l

n'existe

pas

de

positions

ien

tranchées.

t,

si les

formulations

ont

très

différentes,

on

y

décèle

un

large

consensus

le

savoir

des

médiévistes

'est

pas pure

connaissance

il

est

d'une

façon

ou d'une

autre,

impliqué

dans

les

préoccupations

es hommes

d'aujourd'hui.

Ce

qui

crée,

pour

une bonne

part,

des

écarts

dans

les

réponses,

c'est

la réaction

que

suscite e

terme

«

d'actualité

.

Choqués,

certains

répondent

vivement

«

Déterminer

l'actualité

d'une

pratique

de

recherche

me semble

une

hérésie

(D. Alexandre-Bidon).

Il serait

vain

de penser ue nos travaux ur e MoyenAgepourraientvoirune réper-

cussion

quelconque

sur le

monde

moderne

(P.

Ruelle).

Ceux-là

paraissent

oucieux

de soustraire

a recherche

toute

finalisation,

ux

impératifs

e la

mode,

t

plus

encore

ux directives

u

politique.

Une

pratique

de recherche

'a

pas

à

se

justifier

ar

rapport

l'actualité,

sinon

c'est

a condamnation

e

toute

recherche

ondamentale

une

pra-

tique

de

recherche

oit

être

indépendante

e

toute

visée

pratique

et

pragmatique

.

Ici,

l'emprunt

ux sciences

dites

exactes

de

la notion

de recherche

fondamentale

ide

le

médiéviste

à

se

protéger

des

exigences

roductivistes

et

peut-être

ussi

des

scrupules

d'une

certaine

inutilité).

D'autres

chercheurs

plus

sensibles

peut-être

ux

guillemets

ui,

dans

la formulation

e

la

question,

largissaient

a notion

d'actualité)

n'ont

pas

vu dans

ce

terme

'occasion

de

défendre

eur territoire.

insi

en

va-t-il

our

es

tenants

d'une continuité

ntre

e

Moyen

Age

et nous.

De cette

prise

de

position

découle

assez

logiquement

ne

conception

du statut

de

la recherche

si la connaissance

u

Moyen

Age

est

connais-

sance

de

nous-mêmes,

on

inscription

ans

le

présent

devient

vidente.

La recherche

met à

jour

un savoir

qui

concerne

directement

'homme

d'aujourd'hui,

arce

qu'il

parle

de

lui,

de son

présent.

D'où

également

e

désir

de

diffuser

ette

connaissance

visée

du

grandpublic,enseignement. insi,pour R. Fossier

«J'ai

dit

que

ce

rapport

[entre

le

Moyen

Age

et

aujourd'hui]

est étroit

comment

omprendre

uoique

ce soit

au

Moven-Orient

pour

prendre

un douloureux

xemple)

c'est

pourquoi

la vue

du

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53

monde

moderneme

soutient,

t

l'inverse,

ans

l'étudedu

Moyen

Age,

et

je

voudrais

e

faire entir

peut-être

st-ce

a raison

pour

laquelle

l'enseignement,

e souci de

faire

savoir,

m'attire

plus

que

la médi-

tationde

la

recherche.

n

somme,

y

réfléchir,

'est

1'

«

instruction

civique

à base

médiévale

ui

m'est a

plus

familière.

On voit

bien ici le lien

entre es deux

aspects

de

la

question

posée.

Parfois

même,

'idée d'un

Moyen

Age

actuel semble

a

conséquence

'une

volonté

de rendre

plus

évidente

'utilité

du chercheur

« Il me semble mportantd'actualiser" le MoyenAge,ou plutôtde rechercher...) des

témoignages

t des problématiquesmodernes

(...)

Je

définise

rôle de l'historien

omme

celui

d'un

éducateur.

ela

n'aurait

pas

de

sens d'étudier

e

Moyen

Age,

ou

une

autre

période,

en

soi,

et sans

voir

les

profonds

arallèles

qui

existent

ntre hier

et

aujourd'hui

(S.

Moscadelli).

L'idée

d'une

«

actualisation

peut

paraître

étrange

comme

si l'on

pouvait

hoisir

ntreun

Moyen

Age

en

soi,

sans

efficacité,

t

un

Moyen

Agepour aujourd'hui.

n

tout

cas,

il

est clair

qu'un

discours

u

présent

est nécessairement n

discours

ur

le

présent.

Pour

d'autres,

l'inverse,

arler

pour

aujourd'hui

ne

suppose

pas

que l'on parle d'aujourd'hui.Ainsi, e choix d'un MoyenAge lointain

n'implique

as

un

savoir

étranger

u monde

moderne.

implement,

e

rapport

st

plus

complexe,

ndirect.

.

Alexandre-Bidon,

arallèlement

à

l'inutilité

économique)

de

l'historien,

ffirme

u'il

est

«

absolument

utile,

u-delà de toute

contingence

(dès

lors

que

l'on se

place

à

un

niveau

philosophique).

Chez les

partisans

d'une utilité

non-immédiate,

n reconnaît

n

pre-

mier

lieu,

le discours

qui

célèbre

les

vertus

d'une connaissance

du

passé.

«

Plus mes travaux

m'éloignent

e

l'actualité,

lus

se

fait

ucide

le

regard

ue je jette

sur

elle.

La

compréhension

'ici-maintenant

asse

par

la connaissance

'hier-ailleurs,

'est

bien connu

(G.

Zink).

Position

du sage qui sait relativiser,u simplementonsciencedu rôle que le

passé

doit tenir

dans

la formation

ntellectuelle

e l'homme

cultivé

Surtout,

'est

un

souci

théorique

ui

rend son

actualité

ce

Moyen

Age

ointain.

n cesse

d'y

voir

'occasion

d'un savoir

qui

dit,

on

y

prend

la matière

pour

un savoir

qui

se forme.

ans

parler

de

ressemblance

ou

de

différences,

e

Moyen

Age

doit

tenir

a

place

dans

l'élaboration

d'un savoir

général

de l'homme.

«

L'horizon

de

la

recherche

st

toujours

comparatif

our

moi.

Au-delà

es

thèmes

articuliers,

u-delà

des

pures

mutations,

l

s'agit

de

poursuivre

d'éventuels

universaux,

e

chercher

es

limites

de

l'historicité, 'évaluer les différentesitesses

du

changement

ul-

turel (A.Bourreau).

Pour J.-C.

Huchet,

'altérité

st

la condition

même

de ce rôle théo-

rique.

Loin

«

qu'il

faille

à

tout

prix

s'arranger

our

que

le

Moyen

Age

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54

serve

la

"

modernié"

»,

l'altèri é

«

constitue

une force

critique

qui

relance

la

recherche

,

et

fait

«

avancer la

théorie

ittéraire

n

lui

permettant

e découvrir es

insuffisances

ans la confrontation

vec

son

Autre. Puisse les troubadours

et leur

érotique

conduire,

par

exemple,

un

"affinage"

onceptuel

e

la

psychanalyse

igne

de cette

alchimiedu

désir

par

la

langue

que

fut a

"fin'amors"

.

A travers es différentes

ositions,

e souci du

présent

emble

faire

l'unanimité.

ar,

e

chercheur

'inquiète

de sa

légitimité

ociale

«Mes efforts out au moins théoriquestendentdonc toujoursà ne

pas

perdre

de vue

l'importance

e mes éventuels ravaux

pour

l'époque

contemporaine

d'où

également

égulièrement

es

scrupules

à

prendre

n

plaisir

trop pur

et

égoïste

à mon travail

actuel à

la

B.N.

»

(C.

Rabel).

Pourtant,

ertains hercheurs

efusent a

facilité

d'un discours

us-

tificatif

«J'ai

toujours

trouvé

suspectes

les

justifications

u

"métier

d'historien"

ui

l'aident se défendre

ontre

'accusation

d'inutilité

(sociale).

Mêmes

bonnes,

se sont des

justifications

posteriori

(J.-M. esez).

M. Pastoureau st plus radical. Sans faire de la recherche ne acti-

vité futile

«

Pour

moi,

être

médiéviste,

'est une

façon

de

chercher

à mieuxconnaître

'homme,

pécialement

'homme

vivant n société

),

l'essentielde

son

propos

en réduit a

portée

-

le sérieux

«

Je

revendique our

le

chercheur,

uel

qu'il

soit,

e droit

de se

faire

plaisir.

Jecrois à l'enthousiasme

t à ses

vertus

ur

a

recherche.

Je

crois

qu'un

chercheur

le droitd'être

«

égoïste

lorsqu'il

choisit

tel

sujet

d'enquête lutôt

ue

tel autre.

Je connaisdes

chercheurs

ui

n'aiment

pas

leurs recherches

je

connais

des médiévistes

qui

n'aiment

pas

le

Moyen Age

cela me semble

proprement

ffarant.

De

la même

façon

e

suis sidéré

devant des

étudiants n année

de

maîtrise ui ne saventpas quel sujet de mémoire hoisir, ui n'ontaucune

préférence

our

tel

domaine,

elle

époque,

tel

problème.

«

En définitive

et

je

devrais

avoir honte de

le

dire

-

j'ai

parfois

'impression

ue

le

Moyen Age

est

pour

moi

plus

un

jeu

qu'un enjeu.

Mes recherches

ur les

couleurs,

les

animaux,

les

emblèmes,

nt

souvent

un caractère

udique.

Est-ce condamnable

Scandaleux Est-ce

une fuite

pour

ne

pas

affronteres

«

vrais

problèmes

Je crois

beaucoup

au

Moyen Age

comme

fuite.

Et

ce,

pour

tous

les

médiévistes,

u'ils

le reconnaissent

u

non

».

Opinion

ui

ne

manque pas

de

courage,

ompte

tenu

de

la

pression

du discours

dominant.

La

préoccupation

u

plaisir

l'emporte

ur

le

sérieux,

e soi

sur le

monde.

Plus besoin alors de

référer

a

pratique

à une utilité ociale.

Ainsi,

'étiquette Moyen

Age

suscite des discours

fort

différents,

ce

qui

n'est en

rien

surprenant.

es

opinions

sont

tranchées,

mais

ne

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55

cessentde

se

rejoindre

n

un

certain

point.

Altérité

u

proximité

On

l'a

dit tout

dépend

de

quel aspect

du

Moyen

Age

on

parle,

des

valeurs

personnelles ue

l'on

affiche,

t aussi du souci

que

l'on se

fait

du

monde

actuel.

Une

autre

ligne

de

partage

semble

émerger

la

façon

dont

chacun

perçoit

e

temps,

t se montre ensible

plutôt

à

la

tradition,

ou

davantage

la nouveauté.

Comparant

'enfant

t l'homme

qu'il

est

devenu,

ira-t-on

«

c'est le

même

,

ou

bien

«

comme

l a

changé

?

Il

serait absurde de

voir a

véritédans

un choix.

Pourtant,

n

ce

qui

concerne

e

Moyen

Age,

es

discours se

veulent,

e

plus

souvent,

'un

côté ou de l'autre.

En arrière

plan, quelques questions

se

dessinent.

Croit-on

une

histoire

qui

rétablit e

fil

ininterrompu

t

régulier

du

temps

Ou

perçoit-on

n

agencement

e blocs

instables,

ordés

de

failles

Consé-

quemment,

e

statut

des

«

permanences

istoriques

apparaît

comme

crucial.

Quoique

tenant

e discours

de

la

continuité,

. Rabel

s'interroge

«

un

système

ncore

existant

fonctionnant

Comment

Avec

quelles

permanences

Quels

changements

-

aujourd'hui

.

Qu'est-ce

qu'une

permanence,

ne survivance

D'un état

historique

un

autre,

qu'y

a-t-il

de

comparable

Sur

ce

problème

celui

du

temps,

en

quelque

sorte),

tout

est,

comme

souvent,

ffaire

de sensibilité

utant

que

de

principede méthode.

«

Si

un

portrait

e

quelqu'un,

montré

vingt

ersonnes

ui

connaissent

e

modèle,

st

reconnu

par

neuf,

non

reconnu

par

onze,

dira-t-on

ue

ce

portrait

ontient

/20

de

vrai,

11/20

e

faux,

u le

contraire

«

Mais

supposé

que personne

n'ait

connu

ce

modèle

Il

arrive

lors

ceci de

merveilleux

que

les

gens

n'en

dispu-

teront

as

moins

ardemment

e

la ressemblance

.

Paul

Valéry.

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LE

CHERCHEUR,

LE « JE

»

ET L'OBJET

«

et

moi,

t

moi et

moi...

En

proposant

e

questionnaire

ux

médiévistes,

ous avons

suscité

des discours

personnalisés (pas

autant

certes

que

nous

l'aurions

souhaité,

mais assez toutefois

our

nous

satisfaire).

e

n'est

certes

pas

un souci

pervers

e dévoiler

es dessous

de l'histoire

ui

nous

a animé.

Simplement,

ous avons

cru

pouvoir

profiter,

n toute

tranquillité,

e

la

mort

du vieux démon

positiviste

pour qui

toute

connaissance

valable

se doit

d'ignorer

e

sujet

connaissant

,

et sonder

'espace

de

liberté

qu'elle

a ouvert.

Pourtant,

l n'est

pas

dans nos

intentions

e

relancer a rhétorique sée qui, aux prétentionscientistes, ppose la

révélation

elon

laquelle

le discours

scientifique

st autant

expression

de l'homme

ui

étudie

que

dévoilement

e

l'objet

étudié.

L'acquis

théo-

rique, depuis

H.-I.

Marrou,

A.

Besançon,

M.

de Certeau

et

beaucoup

d'autres,

st suffisant

our

éviter

de

justifier

ne

nouvelle fois

cette

idée. Ce

qui importe

davantage,

c'est

de

cerner les

pratiques

qui

découlent

e

ce

principe,

e

préciser

es

modalitésde sa

mise en

œuvre.

Mais,

es résultats e

notre

uestionnaire

'invitent-ils

as

à

nuancer

le constat

d'évidence

ue

je

viens

de dresser

Le nombre

de

réponses

obtenues

st

resté

imité.N'est-ce

pas

le

signe

d'une

incompréhension,

voired'une hostilité l'encontre e questions ugées «métaphysiques,

«

subjectives

et

«

futiles à

la fois

Ou

encore,

'expression

d'irne

résistance

des

universitaires,

etranchés

ans

un discours

strictement

professionnel

Cela

n'est

pas

si sûr

qu'il

y

paraît

au

premier

bord

voir

l'introduction).

ien souvent

en

effet,

eux-là

même

qui

ont

pris

la

question

très

au sérieux

ne sont

pas

parvenus

mettre

n

forme

eur

discours.

A vouloir

aller

trop

loin

dans

l'introspection

même

profes-

sionnelle),

n

peut

être

pris

de

vertige.

urtout,

i

l'on

veut

tout

dire

de ses

motivations,

n

risque

bien

de ne

jamais

en

finir.

n

fait,

nous

sommes

conscients

que

notre

questionnaire

ne

pouvait

recevoir

de

réponses

complètes

et définitives.

e

sont

des

questions

dont

on

n'attendait as de résolution. our pouvoir y répondre,l me semble

qu'il

fallait

accepter

de se

livrer

une

sorte

d'exercice

ittéraire,

ui

soit

un

équilibre

ntre

ce

à

quoi

l'on

tient,

e

que

l'on croit

savoir

et

la

part

d'incertitude

t

d'ignorance

e soi-même.

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57

Entre

un

refus e

la

question

t

sa

survalorisation,

ne autre

attitude

mérite

éflexion.

ertaines

personnes

nt en

effet

éclaré,

qu'en

dépit

de leur

bonne

volonté,

lles ne

savaient

nullement

ue

répondre.

Que

de

jeunes

chercheurs,

manquant

du

recul

nécessaire,

ne

soient

pas

en

mesure

d'analyser

eurs

propres motivations,

ela

se

comprend.

Ce

point

de vue

est

beaucoup plus

surprenant

orsqu'il

est le

fait

de

cher-

cheurs

confirmés.

ar,

en fin

de

compte,

l

s'agit

d'un

exercice

banal

(Pourquoi

e

MoyenAge

?

Pourquoi

vous

?)

auquel

le

chercheur

oit

bien

être

convié,

de

temps

à

autre,

par

son

entourage

ocial.

Pourtant,

l

semblebienque l'attitude e G. Duby « Monmétier,e le fais, t je ne

réfléchis

as

tellement

dessus

»

1)

soit

partagée

par

beaucoup

de

médiévistes.

A

l'inverse,

uelques-unes

es

réponses

qui

nous sont

parvenues

e

prononcent

lairement ur

le

principe

même de

notre

entreprise.

'est

avec

un

vif

plaisir

que

nous

lisons

es

propos

de P.

Zumthor

«

Votre

enquête

souligne

implicitement

a

nécessité

d'un

lien

personnel

ntre

e

chercheur t

l'objet

de sa

recherche. n

ne

saurait

trop

nsister

ur

ce

point.

Une

certaine

onception

e

1'

"objectivité"

scientifique

omme im-

ou

dé-personnification

st non

seulement

dépassée

aujourd'hui,

mais

par

là-même

devenue

pour

nous

impro-

ductive.«

L'idée

que

nous

nous

faisons,

hacun

pour

notre

propre

ompte,

de

notre

rapport

nos

recherches

ait

partie

ntégrante

que

nous

en

soyons

conscients u

non)

de

notre

position

pistémologique,

t

celle-ci,

même

non

explicitée,

étermine a

validité

de

toute

activité

dite

"scientifique".

«

Il

est,

à mon

avis,

bien

regrettable

ue

trop

de

savants

surtout

peut-être

ans ma

génération)

'aient

amais

perçu

clairement

es

implications,

'ils

ne les

ont même

purement

t

simplement

éniées .

Discours

social

et

discours

narcissique

A

ce

point

de

l'analyse,

l

convient

de situer

notre démarche

en

écho avec

les

théories

déjà

exposées

par

un

certain

nombre

d'auteurs.

En

somme,

e

qui

sous-tend

otre

ntreprise

essemble

ort u

principe

cher à

H.-I.

Marrou

«

l'histoire

est

inséparable

de

l'historien

(2).

Proposition

ui

vise

à ruiner

e

concept

d'objectivité

el

que

l'avaient

conçu

les

positivistes,

oit

l'illusion

d'une

connaissance

ans

point

de

vue. Pour

eux,

le

savoir

vrai

est le

produit

d'une

soustraction

celle

qui

élimine

du

discours sur

l'objet,

la

part

de

déformation

ue

le

savant

y

introduit.

insi,

eignobos,

e

grand

maîtrede

l'histoire

osi-

tiviste,

ntroduit

on

Histoire

politique

par

l'énoncé

de

ses

opinions

1.

G. DUBY

et G.

LARDREAU,

ialogues, aris,1980,

.

38.

Affirmation

faussement

aïve, ue

tout e

livre

ément.

2.

H.-I.

MARROU,

e

la

connaissance

istorique,

e

éd.,

Paris,

Point-Seuil,

1975,

hap.

(lre d.,

1954).

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58

libérales

«

Si

je

me suis

trompé,

e lecteur est averti

du sens dans

lequel

il

est

possible que

j'aie penché

(3).

Ainsi,

a

vérité,

'est

le

livre

moins

a

préface.

A

l'inverse,

.-I.

Marrou nsiste ur

l'impossibilité

'une telle

opéra-

tion. Les deux

termes,

e

sujet

connaissant t

l'objet

d'étude,

ont si

intimement

mêlés,

qu'aucune

dissociation

ne

saurait

être

entreprise.

Qu'entre

ux,

on

parle

de

rapport,

e

dialogue,

e

rencontre,

l est clair

que

retirer

n

des facteurs erait

une

aberration.

Tout

savoir

sur le

passé

est finalement e

qu'un

individu,

telle

époque,

par

ses

propres ésirs, ans un environnementcientifiqueonné, puconnaître

et

dire

de tel

sujet.

Dès

lors

que

l'on

veut

atteindre

e dernier lément

seul,

tout s'évanouit.

omme e dit M. de

Certeau,

la vérité st

dans

cet entre-deux

entre

l'objet

et le

sujet

de

la

recherche],

ont

une

œuvre

pose

les termes ans

pouvoir

créer un

objet

qui

se

substitue

ce

rapport

(4).

Cette dée de la connaissance omme fusion

de

l'objet

et du

sujet

semble

rassembler,

ar

delà les

divergences,

e

point

de vue

du catho-

lique

libéral

et

celui des marxistes.

Ainsi,

Marx,

loin

de chercher

retranchere

point

de vue de

l'historien,

onsidère

ue

c'est

précisément

en tant

que sujet pris

dans l'histoire

ue

l'historien

eut

atteindre

ne

certaine vérité (5). Chez Marrou,c'est dans la mesuremême où il

s'engage

ue

l'historien

onnevaleur son

œuvre.

l

ne

s'agit pas,

bien

évidemment,

e

gommer

'écart

qui

sépare

ces

opinions.

On

veut seule-

ment

ouligner

'identité u mouvement

ui

fonde a validitédu discours

historique

la

critique

dressée

à

la

connaissance e

retourne

n condi-

tion même de

ce

savoir.

De

ce

point

de

vue,

a seule différence

otable

est

que

le

produit

de cette démarche

st

dit

«

objectif

chez

les uns et

«

subjectif

chez

les autres...

Et,

pratiquement,

e sont

bien les tenants

'une

philosophie

ritique

de l'histoire

d'une

part,

les historiens

d'inspiration

marxisted'autre

part,qui se sonttenusau plus près des questions qui nous occupent.

Ainsi,

PierreVilar

inaugure

sa thèse sur la

Catalogne

en

rappelant

que

«

l'historien

st

dans l'histoire

. Il

explique

comment

haque

étape

de sa

recherche

a été

déterminée

ar

des circonstances

la fois très

générales

et

très

personnelles,

xtérieures

l'œuvre

entreprise,

mais

dont

le retentissement

ur elle

n'a

pas

été seulement

matériel,

mais

aussi

intellectuel,

méthodologique

(6).

Aussi

raconte-t-il,

ans

une

longue

préface,

'histoire

e

l'historien.

l réfère a

recherche

l'histoire

collective,

montre

'influence

'événements

els

que

la

guerre

d'Espagne

ou

la seconde

guerre

mondiale.

Deux ordres

de considérations ont

3. C. SEIGNOBOS,Histoire olitique e l'Europe ontemporaine,aris,

1897,

.

XI.

4.

M. de

CERTEAU,

'écrituree

l'histoire

Pans, 1975,

.

75.

5. Sur

ce

point,

oir

1 ntroduction

e

G.

Lardreau

ux

Dialogues,

.

9-17.

6.

P.

VILAR,

La

Catalogne

ans

l

Espagne

moderne,

e

ed.,

Pans,

1983,

vol.

,

p.

11.

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59

encore

nvisagés

le

contexte

istoriographique

certaines

irconstances

institutionnelles

ouchant

personnellement

auteur

(rappel

prématuré

à

Paris,

nominations...)

'est de ces trois

composantes ue

résulte

a

démarche

de l'auteur. Conformément

l'inspiration

ociale

chère

au

marxisme,

e

sujet

connaissant

désigne

n

lui,

pour

l'essentiel,

a

voix

de

l'Histoire.

l n'en

est

pas

moins

un

sujet, qui

dit

«

je

»

et se

raconte,

même s'il

est

avant tout 'hommed'une

époque,

d'un contexte.

Ce sont

les mêmes

préoccupations

ue

l'on

retrouve

hez M.

de

Certeau.

orsque

celui-ci nsiste

ur le rôle du

«

présent

de

l'historien

dans l'élaboration e la connaissancedu passé, il l'invite prendre n

compte

sa relation au

«

corps

social

»

(faute

de

quoi,

son

discours

cesserait d'être

scientifique),

'est-à-diree

lien à

son

présent

d'être

social

d'une

part,

sa

place

institutionnelle

'autre

part.

Quant

à

la

voix

plus personnelle

d'un

individu,

ris

comme

sujet

narcissique,

lle ne

perce

ci

que

bien timidement.

'est

chez

H.-I. Mar-

rou,

en

revanche,

u'elle s'épanouit

tout

à loisir.

Pour

lui,

«

l'histoire

est une aventure

pirituelle

ù

la

personnalité

e l'historien

'engage

tout

entière

pour

tout

dire en

un

mot,

elle est

douée,

pour

lui,

d'une

valeur

existentielle,

t c'est de

qu'elle

reçoit

son

sérieux,

a

signifi-

cation

et

son

prix (p.

197).

Ou

encore,

'historien

poursuit,

ans

son

dialogueavec le passé, l'élaboration ...) du problèmepour lui fonda-

mentaldont

a

solution,

ar

des

voies

quelquefois

étournées

t

souvent

mystérieuses,

mporte

son

destin,

engagera

sa

vie et

sa

personne

entière

(p.

201).

On ne saurait

nsister

lus

vigoureusement

ur

l'idée

d'une

implication

personnelle

du

chercheur.

Rappelons

toutefois

e

caractère très

nuancé de

la

position

d'H.-I.

Marrou.

L'importance

accordée

au

sujet-historien

onnaît

trois

limites

-

une limite sociale

la

conclusion

de

l'ouvrage

entend

prévenir

l'accusation

'individualisme

t

rappelle,

omme

une

évidence,

es

liens

étroits

ui

unissent

'aventure

ersonnelle

t

les

«

besoins

et

aspirations

de la collectivité

.

On ne dissocie

pas

l'individu

e son

contexte

ocial

- une limiteméthodologique l individu-chercheure saurait se

livrer

ans

retenue

ses

inclinations.

es

outils

de la méthode

t

les

nécessités

e la

rigueur

'exigent

-

une limite

uantitative

la

prise

en

compte

des

sentiments

t des

passions

doit

être

mesurée,

discrète.

Elle

doit

se

garder

de toute

lourdeur,

e tout

débordement

e

pathos.

Sur ce

point,

on s'étonne

de voir

H.-I.

Marrou

décider

quelle

est

la

forme

t le ton

justes

que

l'historien

oit

adopter.

Prisonnier

'une

esthétique

classique,

il

fait

prévaloir

un

discours

clair,

lumineux,

raisonnable,

et

qui

surtout,

exorcise

oute

ngoisse

ce

mot constituant a

cible

privilégiée,

p.

200-

201).

Aussid'accordqu'on puisse être avec l'idée d'une implication er-

sonnelle,

es

propos

d'H.-I.

Marrou,

ue

nous avons

rappelés,

uscitent

la

critique.

e vocabulaire

même

ne

peut

manquer

de

faire

frissonner

ceux

qui

ne

partagent

as

les convictions

eligieuses

ui

s'y

dessinent,

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60

ou

encore ceux

qui

jugent

sa

teinture

xistentialiste

ien

désuète.

D'une

façon

ou d'une

autre,

ces

phrases

sont

chargées

d'une

lourdeur,

d'un souci d'atteindre'essentiel

«

sérieux

,

«

fondamental

,

«

destin

,

«

engage

sa vie tout

entière

)

dont on

peut

accepter

qu'il

anima

H.-I.

Marrou,

mais

qui

devient franchement

nsupportable

dès

lors

qu'il

est

donné comme

obligatoire.

L'historien-philosophe

éfinit

ne

norme,

xclut de

l'analyse

de

la démarche

historique

tous

ceux

qui

ne

conçoivent

as

leur

vie lestée

d'une

quête

de

l'essentiel

tous

les

athées,

finalement

).

H.-I.

Marrou

fait

peser

sur

tous

les

historiens

une fondamentalebligation e sérieux.

En

fait,

a

position

st

étroitement

épendante

de ses

conceptions

religieuses.

Quelle

est

cette

aventure

pirituelle

ont

on

nous

parle

?

A travers sa

recherche,

'historien

encontre

es

hommes

du

passé.

Ceux-ci

ui

apparaissent

différente

lui-même,

eurs

façons

de

penser

étrangères.

Mais

grâce

à sa

faculté

de

compréhension,

l

parvient

transformer

'Autre

n Même.

Du

mouvement

e

sympathie

ui porte

l'historien,

ésulteune

«

communion

pirituelle

avec les hommes

dont

il retrouve

a trace. Une

chose

est claire

ce

qui

fonde

cette

commu-

nion,

c'est

l'idée chrétienne

'une universalité

u

fait

humain,

d'une

unité de

l'homme

n

Dieu. Sans

la

Foi,

sans

le désir

de

saisir

l'incar-

nation de Dieu dans l'Histoire, a sympathie, t donc la démarche

historique,

n'aurait

pas

de sens.

L'aventure

spirituelle,

'est

la

ren-

contre

de Dieu.

Enfin,

'engagement

ersonnel

me

paraît

trop

étroitement

éfini

ar

H.-I.

Marrou,

t cela

de

deux

points

de

vue

-

Il

concerne

uniquement

e

sujet

que

l'historien

borde,

le

pro-

blème dont

l traite.

Certes,

'idée

que

le

destin

emprunte

des voies

quelquefois

détournées

et souvent

mystérieuses

suggère

d'autres

dimensions,

mais

l'auteur

néglige

de

les

explorer.

Or,

-

et

notre

ques-

tionnaire

st

pour

le

rappeler

-

,

l'engagement

u chercheur

st

aussi d'ordre

nstitutionnel

il vise

parfois

'élaboration

'un

problème

théorique énéral. n outre, 'attachement la recherche euts'ancrer,

plus

que

dans

le discours

tenu,

dans

une

pratique

qui

convient

à

l'individu,

ar

son

aspect

obsessionnel,

u

pour

le

moins,

rassurant.

H.-I.

Marrou

néglige

que

l'histoire,

out

en

étant

une

approche

de

problèmes mportants,

st aussi

-

et

le mutisme

es

historiens

ur

eux-

mêmes

e

souligne

un

moyen

d'échapper

d'autres

questions

non

moins

entrales.

'essentiel

t

le

futile,

a

quête

et

la fuite

e

rejoignent

parfois.

-

L'engagement

u chercheur

st

situé,

out

ntier,

ans sa

démarche

consciente

t

volontaire.

n

l'a dit

le

discours

de

la

profondeur

even-

diqué par

H.-I.

Marrou

doit,

paradoxalement,

mprunter

es

chemins

de la clartéet de la lumière divine ). Mais, le point de vue de la

conscience

aisonnable

st

une

citadelle

ssiégée,

u

milieudes

réflexions

théoriques

u

xxe siècle.

Cheval

de

Troie

de

rigueur

Freud

se cache

derrière

ophocle.

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62

scrupuleuse

peut apporter

à ce

qu'en

termes

empruntés

Sartre

j'avais

proposé d'appeler

sa

"psychanalyse

xistentielle"

p.

232).

Cela

concerne ussi

bien

l'énoncé

de

ses

postulats,

on

itinéraire

ntérieur,

que

le récit de la

genèse

de son œuvre. Cette

pratique

tend,

aujour-

d'hui,

à se

développer

dans

le

cadre des

préfaces,

lors

même

que

H.-I.

Marrou,

onscient

es difficultés

e

l'exercice,

référait

miser sur

les

vertus du

recul

chronologique

t donc

de

l'analyse

rétrospective.

(Ce

qu'il

fit

ui-même

n

ajoutant,

reize ns

après,

une retractado

sa

thèse

sur saint

Augustin).

'exemple

n'a

guère

été

suivi,

et le

discours

que nous analysonsreste,avant tout,proposé comme une mise en

garde

préliminaire.

Encore celui-ci onnaît-il es

formes rès variées.

Outre

e texte

de

P. Vilar

déjà

évoqué, e

me limiterai

deux

exemples.

Dans

l'intro-

duction de son

livre,

Le

péché

et la

peur,

J.

Delumeau,

fort de

la

constatation

ue

les

historiens

s'impliquent

ans

leur

enquête

et

s'en-

gagent

dans

ses conclusions

et du souci

d'honnêteté

ui

en

découle,

veut se

garder

de

«

dissimuler

son]

propre

sentiment

ur

le dossier

qu'[il]

présente

(8).

Aussi,

avoue-t-il

a

croyance

u

péché.

C'est

en

fonction

e

celle-ci

u'il

entend

montrer

e

qu'il

considère

omme

une

présence trop

forte de

la

culpabilité

dans

l'Europe

moderne.

Toute

l'entreprise eposesur l'idée que l'auteur e faitdu « trop , ou encore

sur sa

propreconception

u

péché.

l n'est

donc

pas

mauvais

qu'il

se

livre à

une

déclarationd'intention.

Mais,

par rapport

à

nos

préoccu-

pations,

l

s'agit

d'une

position

minimale,

n ce

qu'elle

réduit

'introspec-

tion à l'énoncé d'un

point

de

vue

(du

type

«

voilà

ce

que j'ai

voulu

dire

).

Ce texte

rapide

ne

peut

que

faire

regretter

'émouvant

récit

des

premières

mages

de

la mort

vécues

par

l'auteur,

qu'on

lit au

début

de

son

précédent

uvrage,

a

peur

en

Occident.

On

trouve,

n

revanche,

lus

de

profondeur

ans

l'introduction

u

livre de

J.

Chiffoleau,

a

comptabilité

de

l'au-delà.

En

reprenant

quelques lignes

de

Michelet

«J'aimais

la

mort...»),

'auteur

suggère,

avec forceet discrétion,a complexitédes rapportsque l'historien

entretient

vec

la

mort,

ainsi

que

les

problèmes

qui

en

découlent

pour

a recherche t

l'écriture

ans

leur ensemble

9).

Ici,

aucun

rapport

conscientn'est

établi

entre

ce

qu'on

pose

comme

caractéristique

u

sujet

connaissant

t ce

qu'on

livrecomme

connaissance

e

l'objet.

Utile

précaution

ontre

e

risque

d'un

retour à

la soustraction

ositiviste.

Il me semble

que,

s'il

y

a

actualité

du

problème,

'est

au niveau

des

pratiques

du discours

de

l'implication

u'elle

se situe.

Quelques

phrases

posées

en

guise

d'avertissement

e suffisent

as

à résoudre

le

problème.

l

n'y

a

pas

de

solution

déale

à

proposer.

Mais,

il me

semble

que

la

question

de

l'implication

oit

être intimementmêlée à

8. J.

DELUMEAU,

e

péché

t

a

peur

Paris, 983,

.

10-11.

9. J.

CHIFFOLEAU,

a

comptabilité

e l

au-dela. es

hommes,

a mort

t

a

religion

ans

a

région

'Avignon

la

fin

du

Moyen

Age,

Rome-Paris,980,

p.

11.

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63

l'ensemble

u

travail

t,

d'une

façon

ou d'une

autre,

'intégrer

ans

la

démarchemême

qui

se veut

rigoureuse,

u

au

moins

en certaines

de

ses

articulations,

e ses zones cruciales.

De ce

point

de

vue,

es

Dialogues

de

G.

Duby

et

G.

Lardreau

consti-

tuent un

exemple remarquable

d'introspection rofessionnelle.

vec

l'aide de

qui

débat avec

lui,

'historien

herche éclairer

sa démarche

épistémologique,

es

concepts,

es

présupposés

philosophiques

ui

la

sous-tendent.

ulle

part

le désir de

réfléchir

ur

soi ne rencontre

lus

de difficultést ne doit montrer utant

de ténacité

ue

lorsque

G.

Duby

évoque « les pulsionsdu désirqui s'introduisentans le travailmême

de

l'historien

. Pour

lui,

l'histoire

st une forme

d'auto-analyse,

mais

lorsqu'il

e demande

«

pourquoi suis-je

devenu historien

»,

il

ne

peut

que

reconnaître

'étendue e son

ignorance

10).

Lorsqu'on

revient

u

cadre

des

«

livres

d'histoire

proprement

it,

la

question

est

plus

délicate.

Que

doit-on

aisser voir de ce

dialogue

avec

soi-même

Cettedémarche

oit-elle tre

ivrée u lecteur u

rester

à

usage

personnel

Dans

quelle

mesure

A

cet

égard,

il

n'est

pas

inutile

e

rappeler

ue

la

formule

ameuse

de

Michelet

«

Biographer

l'histoire,

omme d'un

homme,

comme

de

moi

»

-

est,

pour

lui,

l'expression

'une

«

méthode

ntime

,

qu'il consigne

dans

le secret

de

son journal.

Au terme

de cette relecture

e

quelques

textes,

l

apparaît

que

le

discours

du

«

je

»,

par

la banalité

qui

est

devenue

a

sienne,

doit se

mêler d'autres

ypes

d'analyse,

t non

plus

être mis en

avant,

omme

lorsqu'il

tait

encoreoccasion

de manifeste.

e

qui importe

ujourd'hui,

c'est

de

multiplier

es

pratiques.

On

a,

certes,

nsisté ur

e

discours

narcissique,

ans toutefoismettre

en

place

un terrorisme

e

l'auto-analyse,

n

dogmatisme

e

l'introspec-

tion-confession.

n

fait,

notre

questionnaire

llustre

a

diversitédes

motivations

u'il

est

légitime

e faire ntervenir.

our

certains,

'atta-

chement

u

sujet

de

la

recherche

'emporte,

mais

ce

peut

être aussi

le MoyenAgedans son ensemblequi susciteune rêveriepersonnelle,

ou

encore

a

problématique

énérale

de

la

discipline

hoisie

et éven-

tuellement

es visées

politiques.

Pour

d'autres,

e

MoyenAge

relève

du

jeu,

ou

simplement

e tient

ucune

importance pécifique.

nfin,

out

dépend

du

type

de

sujet

choisi

on

ne s'attend

guère

à une ardente

10.

Dialogues, .

45-49. ans

vouloirfaire

parler

ceux

qui

n'ont

pas

répondu

notre

uestionnaire,

n

voit

ue

les

propos

e G.

Duby

ont ans

e

sens

de notre

nterrogation.

n même

emps,

ls

suggèrent

omment

lle a

pu,

dans

de nombreux

as,

rester

ettremorte. n

relèvera

ue

G.

Duby

développe

essentiellement

e thème

u

goût

pour

l'histoire,

onçu

commefortement

névrotique.

Je

me demande

i avoirdu

goûtpour

'histoire,

e

mettre

"fairede l'histoire", 'estpas le symptôme'unenévrose...) Pourcelui

qui

choisit

'histoire,

e

départ

e fait

par

ntroversion,

nfoncement

ers

es

racines.

l est

repli,

rotégé,

alfeutré.

ilence ne

pas

parler

ux

autres,ire,

déchiffrer,

onverservec

des ombres.

Monologue,

u

fond.

Un

départ

ui

n'enest

pas

un rester

nfermé

ans

une chambre les

archives,

es

biblio-

thèques,

e

refuge

les

chuchotements,

'odeur

u vieux

apier...

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64

participation

u moi

chez

qui

étudie es

fluctuations

es

prix

agricoles

ou

la

comptabilité

ontificale.

Quoi

que...)

En

fait,

nier

l'existence

e

l'implication

ous

prétexte u'un

travail

e

déroule

dans

les

eaux

glacées

du

calcul et de

la

technique,

onduirait

réduire

ette

notion

à

l'atta-

chement

u

sujet

traité,

oit

finalement

la

sympathie

marrouienne.

Or,

nous

avons

insisté

sur

la nécessité

d'analyser

a

pratique

du cher-

cheuret

les satisfactions

ntimes

ui s'y

glissent.

Reste

que

le

dévelop-

pement

de

l'histoire

es

mentalités,

n

plaçant

le

dialogue

entre

sujet

et

objet

au

plan

des

façons

de

penser

t

de

sentir,

e

peut

que

favoriser

l'usaged'untonplus personnel ans l'analysede l'implication.

Enfin,

l

est

une

limite

que

le

discours

de

l'implication

e doit de

reconnaître,

t

qu'il

ne

peut

outrepasser

ous

peine

de se

disqualifier.

La

prise

de conscience

laquelle

l convie

ne

saurait

tre

conçue

comme

le

moyen

e

parvenir

un

contrôle

otal

du

discours.

Même

a

psychana-

lyse,

pourtant

ncline

ce

genre

de

rhétorique,

e

garde

bien

d'affirmer

que

la connaissance

e

l'obstacle

st

suffisant

our

e

surmonter.

ussi,

n'est-il

pas

question

de

promouvoir

n

idéal

de

la

maîtrise

de

soi,

accessible

grâce

aux

vertus

e

l'auto-analyse.

cet

égard,

l

se

peut

bien,

dans

certains

cas au

moins,

qu'une

démarche

aveugle

ne

soit

pas

moins

«

rentable

que

de

patients

fforts

'introspection.

'irait-on

as

jusqu'à une revalorisation aradoxale de la non-conscience e soi ?

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WALTER COTT

(éd.

illustrée

ar

Edouard

rère, aris,

856)

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Ovidio CAPITANI

LE MOYEN

AGE,

UNE

MENTALITÉ DU MULTIPLE

Les médiévistes

es

plus

conscients surtout

es italiens

-

se

demandent

ujourd'hui

s'il

est

légitime,

'il est

possible,

de résoudre

le

problème

de la

conceptualisation lobale

d'une

période

aussi riche

en éveils et en

origines

ue

le

Moyen

Age

en trouvant

ne reductio

d

unum

qui

rendrait

ompte

de

son

originalité,

e son

essentialité,

ui

en

somme e définirait.

'historiographie

n

œuvre

depuis

la findu siècle

dernier

fait

cette

tentative,

ui

s'est réalisée en

quatre

directions

-

celle de

l'intégralisme eligieux

le

Moyen

Age

chrétien,

a

Christianitasn tantqu'institution lobaleet epitoméde la société,de

ses

problèmes

t de

ses contradictions

-

celle de

la

découverte

d'une élite du

sang,

charismatique,

ans

laquelle

la

tradition

ermanique

de la

noblesse des

armes et

la reli-

giosité

e fondaient

n

une

expression

e vie sociale non

réductible la

dialectique

de classe

qu'objectivement

n

trouvedans

la

société

ndus-

triellemoderne

-

celle des doctrines

conomiques

d'inspiration

marxiste

-

celle du

spontanéisme

caractère

pluraliste

de

ce

qu'on appelle

«

giurisdizione

pontanea

,

particulièrement

ttrayant

our

l'historio-

graphiemédiévale talienne,ttentive saisir,dans ses caractéristiques

les

plus

profondes,

'histoire ommunale

ans ses

aspects

nstitutionnels

et sociaux

qui

ne

se

laisse

jamais

réduire aux éléments d'un état

rationnel.

A

qui regarde

ien,

ces

quatre

tentatives

istoriographiques

on seu-

lement

orrespondent

quatre approchesméthodologiques

ifférentes,

mais

-

en

l'état

actuel

de

l'historiographie

édiévale a

plus

accré-

ditée

-

elles

sont toutes

sensiblement

quivalentes

ustementparce

qu'elles

se

réfèrent

u

Moyen

Age.

Pour

la

première

irection

n

pourrait

iter e moderniste

afEaelo

Morghen

ui

propose

de

définir

lobalement

e

Moyen

Age

comme

une

périodedominéepar l'espritreligieux hrétien,ui inspireraitoutesa

vie

sociale,

vec

une

pétition

e

principe,

i l'on veut

puisqu'on

e

fonde

sur le

caractère

religieux

'une

période

nclue dans sa

chronologie

ui

reste

à

démontrer

et

est

indémontrable])

ui

finit

ar

masquer

tout

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67

Christianisme

vait induitedans la société était

de loin

plus puissante

que n'importe uelle

déviance,

ustement

parce

qu'elle s'appuyait

ur

une

mentalité

ien

affirmée.

Il a été

dit,

non

sans

esprit, ue

l'histoire es mentalités

st

l'histoire

des

lenteurs,

es

processus

longs

et

non

homogènes

bloquer

l'his-

toiredes

autoreprésentations'esprit

ollectif n

une

dialectiqued'op-

positions

entre l'institutionnelt le

religieux,

e conformisme

t

la

déviance,

'a

pas

de sens. C'est une attitude

moraliste

uisque,

comme

pour

l'économie,

es faits

quantitatifs

ont

d'un

poids

certain

dans

l'appréciation es mentalités.Mais je ne voudraispas par là êtremal

comprispuisque

j'ai

d'abord mentionné

uatre

tentatives

istoriogra-

phiques,

or nous n'avons relevé

les traits essentiels

que

d'une

seule.

Parmi les autres

il

n'en est

pas

une,

Dieu

merci,

qui par

réaction

contre

'importance

ccordée

aux

phénomènes

de déviance

songe

à

faire du

Moyen

Age

le lieu

privilégié

u conformisme

eligieux,

as

même omme

xpression

'une nstitution

lobale

appelée

Christianitas

En

réalité,

es autresdirections

istoriographiques

nt cherché

e

façon

plus

ou moins

évidente,

une définition

xempte

de

contradictions

internes alors

que,

nous l'avons

vu,

a

première

entative

n

compor-

tait

-

,

et donc

plus

ouverte

ux éléments

es différents

rocessus

que

la réduction otalisantedu MoyenAge chrétienne réussissaitpas à

contenir,

t moins

encore à

comprendre.

n

substance,

e caractère

contradictoire

e la

définition

piritualiste

ésidait

dans

la dévaluation

totale

du moment nstitutionnel

ans

lequel

l'Eglise

elle-même

'ailleurs

s'était

définie

près

le

XIe

siècle,

avec les formes

de

pouvoir

monar-

chique, seigneurial,

ommunal

de

l'Europe

centrale

et

occidentale.

D'autre

part,

une histoire

médiévale

qui

serait

une

anticipation

de

l'histoire

des

rapports

entre

l'Eglise

et l'Etat était

rigoureusement

impensable

t c'est

justement

a

faillite

pectaculaire

de cette

concep-

tion

historiographique

atant de la fin

du XIXe siècle

qui

avait suscité

la réaction

d'au moins trois

des écoles

historiographiques

uxquelles

nous avonsfaitallusion, l'exception e celle qui se réfère ux thèses

générales

marxistes.

n

réalité

un des

plus graves problèmes

que

se

posent

ujourd'hui

es

médiévistes,

'est

ustement

a

place qu'il

faudrait

donner

l'institutionnel

t à

sa

corrélation,

ommeon

dit

aujourd'hui,

avec le

politique,

ustement

travers

a

fonctionnalité

ou

la non-

fonctionnalité,

e

qui

est

la même

chose

-

des institutions.

l est désor-

mais

inopportun

e

parler

de

la continuité e

l'Etat,

même si c'est

par

l'intermédiaire

e

l'adaptation

des

modèles

«

romano-germaniques

et

au delà

des formules

mitatives

'un

Cassiodore

dans les

Variae,

ou

dans les

apologues

de

la

Laus

Hispaniae

d'Isidore de

Séville,

u dans

le

mimétisme

ormatif

es

Leges

Wisigothorum

u

Burgundionum,

our

finalementboutiraux expressionsde type politologico-religieuxes

cercles

ntellectuels

e

l'école

palatine,

des

Specula Principům

arolin-

giens

et

post

carolingiens.

Mais à ce

point

l

reste

deux

problèmes

résoudre

l'Etat,

de structure

t de

fonctionnement

mpérial

romain,

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68

n'existe

plus

mais

cela

ne veut

pas

dire

que

le

problème

du

pouvoir,

et

par

conséquent

du

politique,

ne

se

pose pas.

D'autant

plus

que

ces

problèmes

taient névitablementiés à

la

conscience

même de

la tradi-

tion

culturelle

omano-chrétienne

ce n'est

pas

par

hasard

que

nous

avons cité

Cassiodore,

nous

croyons

en effet

ue,

si le

pouvoir

est

culture,

a cultureest

pouvoir

-

et aussi

à la

tradition

germanique

dans

ses

aspects

de

violence

et

prédominance

militaire.

Certes,

e

pouvoir

et le

politique

ne

sont

pas

l'Etat.

L'organisation

politico-territoriale

érovingienne,

a

vitalité

politique

des duchés

péri-

phériquesque les Carolingiensvaientvolontairementaissé survivre,le recours des

moyens

ui

nous

apparaissent

lutôt

ommedes

expé-

dients

déologiques

destinés à entretenir

ne cohésion

entre des

élé-

ments

composites

de ce

qu'on

appelle héritage

mpérial carolingien,

tous ces

éléments

ne

sont

que

des faits

macroscopiques

ui

dénoncent

l'impossible

transmutation

u

politique

à

l'étatique

et

qui frappent

notre

magination

t

éveillent otre

uriosité ntellectuelle

'autant

plus

que

la

comparaison

vec

la réalité actuelle de notre

Etat

peut

nous

incliner

tenter

des

rapprochements

ans doute

anachroniques,

mais

sûrement

mpressionnants.

Dans

la

lignée

de la

sociologie

allemande

d'entre

es deux

guerres,

on a tellementepoussé oute dée « libérale d'Etatagissant u Moyen

Age

que,

devant

uand

même

expliquer

e

phénomène

e

l'organisation

du

pouvoir

ur

lequel

on buttecontinuellement

u

Moyen

Age

-

et ici

la

distinctionntre

Haut et Bas

Moyen

Age

est sans

importance

uisque,

une fois admis

le

principe,

l

n'y

a

pas

de différence ormelle

ntre

l'empire

arolingien

t

la

commune

talienne on

a eu recours

à un

grand

raffinement

philologique

dans la

terminologie

istoriogra-

phique appliquée

à ces thèmes.

Considérer 'Etat

et la société

comme

des

organisations

istinctes

uivant

des

concepts pératoires

our

l'état

libéral et encore

aujourd'hui

dominants

n'a

pas

de sens

pour

les

historiens llemands

qui

ont le

plus

d'audience

parmi

les

médiévistes

comme Otto Brunner t Karl Bosl.

Les

distinctions,

e

que

nous

appelons

en italien

a

«

separatezza

et

dans

une certaine

mesure

la

dialectique

entre

le

corps

social

et

celui de

gouvernement,

'institution,

t

le

politique,

ont

pour

toute

a

période

ui

va du VIe

siècle à la crise de

la

Querelle

des

Investitures

t

du

conflit

ntre es

Souabes,

a

Papauté

et

les Communes

XII-XIII*

s.)

une

transposition

onceptuelle

ndue

(dont

nous sommes

responsables,

nous,

es historiens

u

XXe

siècle),

dans

un tissu

historique

t

social

beaucoup plus

«

simple

et

compact.

Plusieurs iècles

et toute

une

aire

politico-culturelle,

elle

que

nous

pourrions

définir omme

eurogermanique,

nt

vu

les tentatives

sommetoutepositivespour cette école sociologiqueallemandedont

nous avons

cité

es deux

plus grands

maîtres de faire

«

fonctionner

la

société

selon

la

tradition

nobiliaire

du

pouvoir,

ù

seuls

les liens

de

sang,

les

alliances

familiales,

e

prestige

militaire,

permettaient

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69

l'adhésion

une institution

omme a monarchie

es

aristocraties

ha-

rismatiques

ermaniques.

ette structure

ociale,

celle

du

Moyen

Age

eurogermanique

'était

pas

déchirée

ar

des conflits els

qu'entreEglise

et

Etat,

puisque

l'Eglise

elle-même

tait insérée dans

la tradition

de

puissance

familiale e la

noblesse,

u tels

qu'entre

monarchie

t aristo-

cratie,

puisque

la

transformatione

la noblesse d'élément

ocial

supé-

rieur

en élément

social

de service

n'intervient

ue

tardivement

ou

encore

moins

de conflits

e classes

tels

qu'une

partie

de

l'historiographie

médiévale

moderne

e l'est

imaginé.

La seule mobilité ocialeque cettevisionde l'histoire t de la société

médiévale

nvisage

st verticale

t elle

n'agit

qu'à

l'impulsion

u haut

à

la société des

nobles libres

qui

font du

souverain

un

primus

nter

patres

se substitueront

es

ministeriales,

ne noblesse

de

service.

A

la

puissance

de la

possession

héréditaire t

du

pouvoir

sur

les hommes

se

substitue

a

puissance

du service

dû au

roi,

mais

les

changements

n'ont

ieu

qu'en

haut.

Puis,

tout

d'un

coup,

c'est

la

rupture

quand

l'Eglise

se

dégage

du

corps

même de

la

structure

rganique

de

la

société

du

Haut

Moyen

Age

et

quand émerge

ne

force

ocio-économique

elle-aussi

substantiellement

trangère

la tradition

de

la noblesse

charismatique

ermanique

dont

a

puissance

tait

d'origine

oncière

celle de la cité communale t de ses groupes ociauxqui dans la ville-

indépendamment

e

leur condition

'origine

noble

ou

non)

-

trouvent

leur

identité

n

des

caractéristiques

ui

étaient

étrangères

u monde

germanique.

Il a été

dit et

répété ustement

par

Brunner t

par

Bosl

que

très

peu

étaient

eux

qui

en ce

monde

ouissaient

de

la liberté.

a condition

sociale

moyenne

tait

celle de

la liberté

non libre

parce

que

condi-

tionnée

par

le lien

vassalique, par

la

fonctionnalité

u service

rendu,

parce

que,

au

fond,

cette

liberté était

perçue

plutôt

comme

l'accès

aux conditions

d'existence

et

d'affirmation

es meilleures

dans

un

contexte ù ce qui comptait e plus c'était es rapportsde forceet les

possibilités

éfensives.

e

seul vrai

homme

ibre

-

pour

l'école socio-

logique

allemande

était

au

Moyen

Age

celui

qui pouvait

se

défendre

seul

-

condition

arissime.

Ne

me

demandez

pas

comment

out

cela

peut

concerner

'Italie,

comment

on

explique

certaines

mutations

radicales

et

imprévues,

V

Aufbruch,

e

Zusammenbruch

ui

sont

à mon

avis des instruments

conceptuels

nsuffisants,

a

représentation

l'intérieurmême

des

Communes

es

rapports

rofessionnels

t sociaux

qui

en se

reproduisant

continuent

e

garantir

a

fonctionnalité

ociale

dans un

cadre où

le

pouvoir

este

figé

ntre

es

mains de

groupes

amiliaux

ien

particuliers.

L'histoire ociale qui, suivant 'analysede ces historiens,endde plus

en

plus

à

se

considérer

on

seulement

omme

une

histoire

des

usages

mais comme

une

histoire

des

mentalités,

st actuellement

u

centre

des

débats

entre

es

médiévistes

n

Italie

et hors d'Italie.

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70

Il

ne faut

pas

oublier

que,

si

l'on refuse

d'appliquer

des

concepts

modernes la

compréhension

e

l'histoire

médiévale

-

ou tout au

moins à

une

partie

considérablede

l'histoire

médiévale de l'Occident

européen

c'est

que

l'on

constate

en

dernière

nalyse

que

le

Moyen

Age

ne

peut

se

comprendre

u'à

condition e

l'approcher

omme une

réalité

sociale

profondément

utre,

puisque,

à

ces

problèmesqui

ne

sont

qu'apparemment

nalogues

aux

nôtres,

lle a

fourni

es

solutions

bien

différentes.a

vraie

mentalité

médiévale,

embleraient

uggérer

les

historiens t les

sociologues

llemands est

celle

qui,

ustement

ur

le plan du quantitatifulturel e montre idèle la tradition e cohé-sion fonctionnelle

ntre

les divers

éléments sociaux

opérant

dans

l'Eurogermanie

t,

en

partie

aussi en

Italie. Cette

école

sociologique

isole

vraiment

es mentalités

«

Née en

grande partie

d'une réaction

à

l'impérialisme

e

l'histoire

conomique,

'histoire

es mentalités 'est

ni

la

renaissance

d'un

spiritualisme

épassé

-

caché sous le

vague

concept

de

psyché

ollective

par

exemple,

'idée de

Croisade,

ui

anime

plusieurs

mouvements

pontanés

de croisés en

différentes

ériodes

du

MoyenAge,

mais

surtout ux

XIe,

XIIe

et XIIIe

siècles)

-

ni l'effort

de

survivance d'un

marxisme

vulgaire

qui

y

chercherait

a facile

définitione

superstructures

ées

mécaniquement

es structures ocio-

économiques .

La

mentalité

'est

pas

un

«

reflet .

Je voudrais

jouter

que

la menta-

lité est la

consciencede

l'existant

historique.

Une conscience iée au

contexte t

non

pas

aux

interprétations

istoriques

es siècles suivants.

A

bien

regarder,

'histoire es

mentalités st une manière

de

faire de

l'histoire

ociale

(et

donc

inévitablement

e

l'histoire

conomique)

en

cherchant

ne

pas

oublier

'homme

omplet,

'homme

ui,

avant d'être

protagoniste

e

l'histoire,

st

protagoniste

e

l'existence

de manière

consciemment

onditionnée. t

même,

si vous

voulez,

l'histoire

des

usages

il

s'agit

de

voir si

l'attention e l'historien e

porte plus

sur

la

définition es éléments

politico-culturels

u sur

celle de

comporte-

mentssociaux liés à ces éléments,mais il ne s'agit en aucun cas de

présupposer,

our

ensuite

démontrer,

es

rapports

de cause à

effet,

privilégiant

e

comportement.

Dans cette

optique, qui

d'ailleurs

n'est

pas

celle de la

sociologie

allemande mais

française

mais la

position

historiographique

ran-

çaise

ne

serait

pas

compréhensible

ans

les

présupposés

conceptuels

et

terminologiques

llemands

-

il

est même

possible

de

résoudre

e

problème

des contradictions

pparentes

entre es

différents

ypes

de

mentalités

oexistants.

uisque

la

mentalité 'est

pas

un

réflexe uto-

matique,

nous la

reconnaîtronsmême au-delà des facteurs

homogènes

que

nous historiens

modernes,

ous cherchons tout

prix

à rassembler

autour d'un typedéterminé e mentalité. a schématisation st inévi-

table,

dans

un

champ

déterminé,

mais

plus

pour

distinguer

ue

pour

niveler.

Ce

n'est

pas

un

hasard si l'un des

livres e

plus

souvent

cité

-

avec un très

large

consensus

par

les

historiens-sociologues

ile-

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71

maneis

est

précisément

e très

élèbreAutomne

u

Moyen

Age,

poque

de contrastes

psychologiques

rès

vifs,

de

souverains

machiavéliques

(avant

a

lettre)

t

qui

pourtant

e révèlent otés

d'une

grande

pietas.

Il

est

vrai

qu'on peut

refuser e

voir en Louis

XI

-

parfaite

llustration

de cette

manièred'être

ouverain

le modèle

d'une

application

atis-

faisante

de

l'histoiredes

mentalités

u

Moyen

Age justement

parce

qu'il

est situé dans

la

seconde

moitié

du

XVe

siècle,

l

est

encore

plus

vrai

que l'apparente

ontradiction

ntre

ses

actes

-

appui

à

la bour-

geoisie

contre

a noblesse

qui

sortait

puisée

de

la

guerre

de 100

ns

-

et son comportement religiosité t cynismepolitique

-

se révèle

l'unique

dimension ohérente

pour

comprendre

n

personnage

ons-

cient et attentif

t

donc

«

coexistant

aux

processus

évolutifs

ivers

de

la

société.

Mais avec

cela

on n'est

pas

encore

arrivé

à réduire

complètement

'histoire

du

Moyen

Age

à une

histoire

des

mentalités.

Même

Jacques

Le

Goff e

l'a

pas

osé,

bien

qu'il

soit

sans

aucun

doute

une des

personnalités

es

plus

stimulantes

'historien

t

médiéviste,

dotée d'une

nlassable curiosité.

Admettons

ue

le sur le

plan

des

«

mentalités

,

du

«

quantitatif

culturel

,

qui

se traduit

n

processus

ents d'évolution

ociale

et en

durées

économiques

non

traditionnelles,

a

problématique

e

la socio-

logieallemandepartantd'un renversementu privilège ue l'historio-

graphie

médiévale raditionnelle

vait attribué

ux

problèmes

Eglise/

Etat

»,

-

nous

l'écrivons

volontairement

ntre

guillemets

cette

problématique

vait remis

en

question

un des

aspects

fondamentaux

de la vision

du

Moyen

Age,

e

veux

dire l'isochronie

es

processus.

Je

m'explique

ce n'est

pas

seulement

a tradition

colastique

-

qui

pour

un

grand

nombre

st encore

fraîche

qui

nous

porte

«

unifier

et à

«

connoter

d'une

manière

homogène

out ce

qui

est

compris

dans

notre

millenium.

Un

des

plus grands

historiens

de l'économie

et de

l'histoire

ociale

du

Moyen

Age

dans

la

première

moitié

du

XXe

siècle,

Henri

Pirenne,

cru bon

de

couper

son

Moyen

Age

en

l'amputant

de

quelques sièclesau débutde la périodetraditionnelle,ommençantu

VIII® siècle

plutôt

qu'au

Ve

siècle,

avec Mahomet

plutôt

qu'Odoacre,

dans

la conviction

ue

les

processus

politiques,

conomiques,

ulturels,

spirituels

t

surtout

ociaux

étaient

llés

du même

pas

(en

isochronie

justement)

de

façon

à

arriver

u seuil

de

l'époque

moderne

dans

le

cadre

d'une

réalité

européenne

ssez

compacte,

u

moins en

Occident.

Ainsi

concluait-il,

n

1925

à

Princeton

puis

en 1927 à

Bruxelles son

livre

Les villes

du

Moyen

Age

«

laïque

et

mystique

out

à la

fois,

a

bourgeoisie

u

Moyen

Age

se

trouve

insi

singulièrement

ien

préparée

au

rôle

qu'elle

jouera

dans

les deux

grands

mouvements

'idées

de

l'avenir

la Renaissance

fille de

l'esprit

aïque

et

la

Réforme,

ers

laquelle conduisait e mysticisme eligieux.

Même

en

tenant

compte

du

point

de vue

particulier

ù

se

plaçait

Pirenne

celui

de

la

ville

-

et

peut-être

lus

encore

en se

plaçant

à

ce

point

de

vue

particulier

omme

au lieu

géométrique

ù

peuvent

e

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72

rencontrer

t se rencontrent

es

processus

et

des

mentalités

diver-

geants,

l est

certain

ue

l'historien

elge

était

pour

la vision

opposée.

Exactement

0 ans

plus

tard,

Otto

Brunner,

vec

une ouverture

ur

l'histoire

ui

reste

difficile

étiqueter

on

a dit

de

lui

«

historien

e

quoi

?

»)

écrivaitdans

son

histoire ociale

du

Moyen

Age

Souvent

e

Moyen

Age

a été

représenté

omme

un monde

en

soi,

opposé

à

l'époque

moderne...

es

Lumières

et le

Romantisme

distinguent

e

la même

manière

es

deux

époques

historiques...

Moi

au

contraire,

e

voudrais

mettre

n évidence

'unité

de l'histoire

uropéenne...

es

phénomènes

typiquement édiévauxubsistentusqu'au XVIIIe etmême u XIXe s. ;

des tendances

pécifiquement

odernes e

peuvent

tre

comprises

ans

leur évolution

istorique ue

si

l'on

remonte

ustement

leurs

origines

médiévales

. Pour

comprendre

oute

la

portée

de

ces

affirmations

l

faut

rappeler

que

Brunner

st

un

spécialiste

d'histoire

graire,

mais

qu'il

n'a

jamais

compris

ette

histoire

omme

e

simple

hamp

d'enquête

d'un

seul

processus

historique.

l

y

a

repéré

la diffusion

e

ce

qui

pour

ui est

un ethos

propre

de

la vie noble

à

la

findu

monde

nobiliaire

même

première

moitié

du

XVIIIe

siècle).

L'ethos

que

le

protagoniste

du

livre,

e noble

autrichien

on

Hohlberg,

manifeste,

appelle

e

Moyen

Age

par

l'intérêt

u'il porte

à

la

science

agraire,

ar

son

attitude

erei-

nementpaternaliste nversles paysans,par le respectqu'il montre

envers

des

croyances

tranges

le

grain

qui

tombe

du

ciel,

l'ensorcel-

lement

des

animaux),

par

sa

méfiance

nvers

'alchimie,

ar

son

atta-

chement

des

formes

d'économie

rurales

caractéristiques

e la

sei-

gneurie

foncière,

ar

l'intérêt

t

la

compétence

vec

lesquels

il

gère

sa

propriété

mais

aussi

par

son

incapacité

réelle

(démontrée

ans

ses

écrits

sur

l'agriculture)

percevoir

es

principes

fondamentaux

u

cycle

conomique

t

de

l'économie

olitique

ue

pourtant

a

scholastique

avait

déjà

perçus.

Dans

ses

écrits,

à

une

époque

qui

était

celle

du

mercantilisme,

es

conceptions

mercantilistes

'apparaissent

qu'occa-

sionnellement

t

superficiellement.

Si je me suis attardé ur cet exemple 'est aussi par goûtdu para-

doxe

car

von

Hohberg

xprime

ellement

a survivance

e

mentalités

et

de

conditions

ocio-économiques

médiévales

-

plutôt

même

des

premiers

emps

du

Moyen

Age

-

qu'il

semble

pour

ainsi

dire

«en

retard»

non

seulement

ar

rapport

ux

conceptions

mercantilistes,

l'économie

olitique,

l'absolutisme

u

XVIIe et

plus

loin

du

XVIIIe s.

mais

aussi

à

l'éthique

conomique

u

Moyen

Age,

ux

premières

ormu-

lations

du

concept

même

de

capital,

qui

remontent

ux

XIII* et

XIV*

siècles.

Un

bloc

erratique

Nous

sommes

oujours

plus

convaincus

que

non,

i

nous

pensons

ux

conditions

e la

propriété

oncière,

urant

ces

mêmes

siècles,

en

Italie

méridionale.

L'importantst d'accepter u départ a possiblité ue les processus

évolutifs

e

sont

pas

isochroniques

t

que

des

formes

'Etat

absolu

et

de

société

bureaucratisée

oexistent

gagnantes

ou

perdantes,

peu

importe

avec

des

formes

de

féodalité,

e

seigneurie

nobiliaire,

e

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73

commune.

u'elles

soient

gagnantes

u

perdantes,

e

le

répète, mporte

peu,

parce

que

considérer

n modèle

comme

gagnant

u

perdant ignifie

qu'on

ne croit

pas

à

la

simultanéité

ffective

'éléments

ifférents

ui

réciproquement

'influencent.

eci est

capital

si on

veut

comprendre

aussi

la

vive

réaction

ui

s'est

manifestée,

urtout ans

l'historiographie

consacrée

ux

origines

des Communes

n Italie centrale

t

septentrio-

nale

-

dans

leur

phénoménologie

rbaine,

rurale ou

castrale

-

face

à toute tentative

de

liaison avec

le

système général

d'organisation

publique

l'intense

pplication

de

la

micro-analyse

u

territoire,

es

familles, es liens de parenté,des propriétés, es structures graires,rendait ainetoute formede coordinationohérente ntre des

noyaux

politico-sociaux

ui apparaissaient

hétérogènes.

'autonomie

des com-

munes

par rapport l'organisation

ationalisée

de

la structure

mpé-

riale

-

il

suffit

e

penser

une fois de

plus

aux

surprenantes

onstruc-

tions

uridiques

d'un

Bartolo et d'un

Baldo

-

est

une nécessité

dans

un

système

rationnel et

homogène,

mais cette

condition

n'est

pas

pour

autant réalisée

une fois

pour

toute

après

la

paix

de

Constance

les

tensions

ntre es Communes

t

l'Empire

se

poursuivirent

'une

manière ncore

plus

dramatique

usqu'à

Frédéric

I

et

dans

me certaine

mesure,

usqu'à

Henri

VII. Ceci

pour

dire

que

les thèses

du

sponta-

néisme, e l'autojuridictionolontaire, ermettente saisir le moment

initial

de certains

phénomènes

'agrégation

olitique

et sociale

(nous

pensons

aux communautés

as

traies,

à l'établissement

e

rapports

contractuels

ntrecollectivités

t

seigneur,

l'érosion

des

pouvoirs

de

l'évêque

par

des

groupes

de

vassaux et

capitami)

mais

ne

peuvent

pas

conduire

exalter

une

histoire ocale

au sens

strict.

Justement,

'accu-

sation

de chaos

comme

dérivé

négatif

'un

certain

ationalisme

istorio-

graphique

aractéristique

e

la

fin

du

XIXe

siècle,

que

l'intérêt

enou-

velé

pour

l'histoire

ocale

de

bon ou

excellent

niveau

veut

justement

rejeter,

n démontrant

u'il

n'y

a chaos

que

si

l'on

présuppose

un

ordrerationnel

t une

relation

ntre es

différentes

omposantes

ocio-

politiquesdu mondemédiéval,précisément ette accusation, juste

titremise

à la

porte,

risque

de rentrer

ar

la fenêtre

i l'on

n'a

pas

pris

a

précaution

e se

rappeler

ue

ces

composantes

elevaient

imul-

tanément e

plusieurs

processus

historiques.

Un

organisme

cclésias-

tique

en tant

que

tel ne cessait

pas

d'être

un formidable

noyau

de

pouvoir

économique

et

même

souvent

militaire

d'être

relié à

une

structure

énérale

omme

'Eglise,

d'avoir

des

obligations

t

des clien-

tèles

qui réagissaient

es

unes

aux autres.

L'important

st

de

ne

jamais

oublier

uand

on

étudie

es

phénomènes

ocio-politiques

u

Moyen

Age,

le

caractère

minemment

t

objectivement

ontractuel

e

la

rationali-

sation

de la vie

collective

qu'est

l'organisation

uridique

générale,

a

pacification,a fidélitéurée, e lien féodal objectivementontractuel

puisqu'instable,

e valeur

proportionnelle

sa

capacité

de

maintenir

et

de

dépasser

des

conditions

ui

avaient,

un

moment

onné,

ssuré

un

équilibre

déterminé.

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74

Ce n'est

pas

le

règne

du

désordre,

ni le

règne

du

provisoire,

mais

bien celui

de la

conflictualité,

es tensions

ntrinsèques.

Un

exemple

spectaculaire

Frédéric

Barberousse

voulait

sans

aucun

doute

promou-

voir

t

multiplier

es

liaisons

entre

des réalités

particulières

seigneuries,

communes,

rganismes

cclésiastiques)

et

l'organisation

ublique,

au

moyen

du

rapport

féodal

qui

assurait

à

l'Empereur

a continuité

e

l'aide

militaire

t

financière,

t

garantissait

e

pouvoir

eigneurial,

aci-

litant

d'une

certaine

façon

un

processus

de

recomposition

olitique

mais

parallèlement

cette

politique

il en

amorçait

une

autre,

de

contrôle urementmilitaire, ar la constitutione noyauxfortifiés,e

postes

d'observation,

u seinmêmede collectivités

uxquelles

on offrait

par

ailleurs

une

pleine

autonomie.

Ce n'était

pas

seulement

ne

ruse,

un

expédient

olitique

passager,

mais

cela

exprimait

ne

réelle

cons-

cience

de

l'instabilité

u schéma

politique

complexe

que

l'on voulait

promouvoir.

ue

l'on ait

privilégié,

ans

la

proposition

e

liaison

entre

Communes

et

Empire,

a

forme

du

lien

féodal,

voilà

qui

«

est

en

harmonie

vec

la

mentalité,

a sensibilité

propres

aux

classes

domi-

nantes

et

aussi certainement

onforme

la

représentation

u

rapport

politico-institutionnel

ue

se

faisaient

es

groupes

ou

ces éléments

ui

étaient

devenus

dominants

râce

à

la

constitution

en

libres tenta-

tivesde domination olitique de communautés e typeset origines

différents.

eci

apparaît

encore

plus

vrai

si l'on

pense

que

ce

type

de

rapport

end

exprimer

es

relations

ans

les domaines

es

plus

divers

même

en

dehors

des

champs politique,

conomique

t

social

le condi-

tionnement

ntrinsèque,

e

qu'on

a

appelé

«

l'élasticité

es

applications

de

la relation

éodale

garantit

tous

ceux

qui

le nouent

a libre

nter-

prétation

e ce

rapport

même.

La

définition

uridique

des

institutions

éodo-vassaliques

e

renforça

et se

perfectionna

n

même

temps

que

se réduisait

e

besoin

que

pou-

vaient

avoir

ces

institutions,

daptables

à

n'importe

uel

contenu,

de

renvoyer

ux

fictions

énérales

onçues

comme

ssentielles

e

la

société

médiévale. a relative ixité es conceptualisationsmodernesdes insti-

tutions

d'Etat,

norme,

négociation,

ui

est

une donnée

spécifique

de

notre

mentalité

st

totalement

trangère

celle

du

Moyen

Age.

Même

l'interprétation

rganiciste

lassique,

de

la société

comme

corps,

si

récurrente

ous

la

plume

des

auteurs

de

théologie

t

de théorie

poli-

tique,

se

dissout,

dans

les

polémiques

entre

tenants

du

roi

et

de

la

curia,

en

une

dispute

ur

le

légitime

onctionnement

es

parties

de

ce

corps.

Et

voici

que

nous

reprenons

insister

ur

a différence

ondamen-

tale

entre

a

mentalité

médiévale

t la

nôtre,

mais

conscients

ésormais

que, parlant

de

Moyen

Age,

nous

nous

référons

on

pas

à

une

masse

compacte

de

siècles,

mais

à

une

composante

e

notre

histoire

ui

ne

se

réduitpas à une pureet simpleanticipation es thèmesdominants e

notre

ociété,

même

si

elle

les

annonce

et

si

elle

leur

offre

n

quelque

sorte,

n

support

e

projection.

Ainsi

a continuité

ntre

e

Moyen

Age

et

l'époque

moderne

marque

aussi

la

différence

éelle

entre les

deux

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75

époques

la

frontière

orrespondustement

la

définition,

la

simpli-

fication

des

modèles

socio-politiques

t

économiques,

suivant

des

schémas

tables,

ortementationalisés

partir

d'éléments

ouant

diver-

semententre

eux. Le véritable

Moyen

Age

existe dans

la faculté

de

participer

imultanément des réalités t des conduites

différentes

ui

composent

'histoire

uropéenne,

n une

ligne

chronologique ui

dans

certains as

pénètre

bien avant

dans

le

monde dit

moderne,

t aussi

dans

la

complexité

es

rapportsque

nous,

nous

sommes habitués à

saisir

dans leurs

conséquences

t dans l'évidence

e

leurs automatismes

(le fonctionnemente l'appareildes servicesde l'état, 'inévitable rédo-minance es modèles es

plus

rationnels 'association l'uniformitées

structures

e

gouvernement,

tc.)

et

que, par

erreur,

ous cherchons

à

où ils ne

pouvaient as

être,

parce que

justement

ans

ce

qu'on appelle

le

Moyen Age personne

ne

songeait

à les

chercher,

les considérer

comme

els.

Il

nous

reste à

parler,

brièvement,

'une

certaine

conceptualisation

globale

du

Moyen

Age,

sous

l'angle

économique,

omme

époque

du

mode

de

production

éodal,

puisque

ce

que

nous

appelons

es

«

forces

de

production

a

bien

sûr

dû avoir

un

poids

et un rôle

dans cette

«

constante nstabilité où nous est

apparu

le

Moyen Age,

si nous

voulons considérer 'exploitationde masses de serfs et d'hommes

libres,

ndifféremment,

omme

conséquence

de l'arrêt

dans

l'expansion

conquérante

es

Francs,

après

la

grande

dilatationde

l'empire

caro-

lingien.

A

ce

propos,

comme

l'a récemment

éaffirmé

eorges Duby

dans un livrecélèbre Les trois

ordresou

l'imaginaire

u

féodalisme

«

Obscurément,

n mouvement e mit dès lors

en branle

qui

retourna

vers 'intérieur out

e

système

militaire,

'est-à-dire

e

goût

de

prendre

de

force,

es

déprédations...

'avidité des

gens

de

guerre

détermina

l'intensification

u

travail

rural,

a

mise

en valeur des

terres

vierges,

le

perfectionnement

es

techniques

gricoles

(pp.

188,

190).

Le nivelle-

ment ntre ibres t non

ibres,

a

préoccupation

'avoir

pour

fondement

de leurpouvoir politique t économique nonpas tant une grande

extensionde

terres,

qu'un grand

nombre

de

travailleurs,

ut

aussi

pousser

les

seigneurs

qui

n'étaient

absolument

pas

contrôlés

par

une

institution

onarchique

rop

faible,

Yimbecillitas

egum

à favo-

riser cette

croissance

démographique

'après

l'an

1000,

qui

reste un

des facteurs écisifs

e toute 'histoire

e

l'Europe

et

qui

a

suscité,

u

long

des

générations

'historiens,

es

explications

es

plus

diverses.

A

propos

de cette

présentation

ui

doit

beaucoup

à une

terminologie

courante,

mais

pas

vraiment onfirmée

comme

pourrait

e

prouver

une

simple

confrontation

vec un

classique

en

ce

domaine,

je

veux

parler

de la Théorie

Economique

du

Système

Féodal de Witold

Kula,

qui se réfère 'ailleurs ux XVP-XVIIP siècle en Pologne- Giovanni

Tabacco,

qui

est un de

nos

plus grands

médiévistes,

fait

des obser-

vations

pénétrantes

ui peuvent

e

résumer

n deux

points

a)

si

la

conception lobale

du

Moyen

Age

comme

période

des

«

modes

de

produc-

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76

tion féodauxdoit

être

comprise

omme

conjointe

une

réelle

auto-

nomiedu

processus

conomique,

n

tant

que

facteur éellement

nifiant

des différentes

rticulations

e l'évolution

historique,

aire remonter

ses motivations l'action d'un élément

xtérieur

l'élément

politico-

militaire e la noblesse

signifie,

ncore

une

fois,

econnaître

a subor-

dination,

eut-être

même

xcessive,

u moment

conomique

u moment

politique

b)

dans

la

présentation

ue

nous venons

de

rappeler,

n

admet

que

durant a

période

carolingienne,

ans les

aires où

ce

phéno-

mène

«

d'orientation

l'intérieur u

système

militaire

ranc

t ce

nivel-

lement ntre ibres et non libres se seraienteffectivementroduits,simultanémente sont déroulés es

processus typiques

de l'économie

qu'on

considère

érivée

des modes de

production

éodale.

Or,

d'un

côté,

il

reste

à

prouver

ue

la

période

carolingienne

it été une

période

de

croissance

conomique

uniforme d'un

autre

côté,

en

Italie,

à

la survi-

vance de certains

ignes

positifs

n économie

ux

IXe-Xe

iècles corres-

pond

la

persistance

e

noyaux

d'hommes

ibres,

ctifs,

ncore

posses-

seurs de terres t

capables

-

comme

en

témoigne

a

documentation

a

plus

anciennerelative

l'Italie

septentrionale

d'initiatives

omplète-

ment autonomes

de déboisement

t de

bonification

es

marais

ces

faits

pouvaient

e

rapporter

dans

leur

origine

non

pas

toujours

à un dessein exclusivementolitique (qui certainement,n plusieurs

cas,

agit

délibérément

u-delà

des connotations

e

classe)

mais à

une

reprise

«

naturelle

(je

le dis entre

guillemets)

près

une

période

qui

avait connu

des

invasions

des

Normands

ux

Sarrasins

t aux

Hongrois)

des

épidémies,

es famines.

Au

fond,

e

plus

grand

historien

e

l'époque

féodale,

Marc

Bloch,

n'a

pas

insisté,

eut-être

vec

raison,

ur

a

«

peur

qui

était si

courante

au X*

siècle,

ur

le

souci

de sécurité

personnelle

ui préoccupait

même

les

puissants,

ur

ces

«

aventures

u

corps

(et

il vaudrait

mieux

parler

de

mésaventures)

ui,

dans

la

période

dont

on

parle,

ne

dépassait

que

rarement

ne

moyenne

e

cinquante

ns. La thèse

de Witold

Kula,

déjà

cité, ppliquéeau contexte e l'Europeoccidentale, e tientpas quand

il

affirme

ue

«

les

calamités

naturelles

t

les dévastations

e la

guerre,

considérées

omme

phénomènes

ocialement

éterminants

taient

es

éléments

tables,

normaux

u

fonctionnement

u

système

éodal,

ù le

rendement

es

instruments

e

travail

était

bas...

»

Même

une connaissance

modeste

et

superficielle

es

phénomènes

démographiques

t de

l'histoire

pidémiologique

montre

u'en

France

t

en

Italie

justement,

a

période

qui

suit

celle où

se

serait

constitué

e

«

mode

de

production

éodale

et

justement

n

concomitance

vec

la

crise

de

«

certains

modes

de

production

,

dans

des

régions

déterminées

où s'affirmaient

ar

exemple

des

phénomènes

omme

le

phénomène

urbain, économiquement ifférentses processus qui se déroulaient

dans

les

campagnes

t

pourtant

nfluant

irectement

ur ces

processus,

il

y

eut

une

croissance

ninterrompue

e

la

population

qui

conduisit

les

campagnes

à

la

crise

et

les

villes

au

gigantisme,

vec toutes

les

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77

conséquences

ien

connues

même

avant

e tournant

ocial,

économique

et moral

que

fut

a

grande

peste

de 1348.Jamais

autant

qu'en

relisant

La

Société Féodale

de Marc

Bloch on

n'a la sensation

ussi

nette

que

si

l'on

veut

qualifier

vec cet

adjectif,

dont on

a tant

abusé,

même

tout à

fait

à

tort en

l'appliquant

à une structure

ocio-économique,

quand

on

doit dire

seigneuriale

si on

veut,

disais-je,

qualifier

ne

époque,

une

«

civilisation

dans

le sens

du mot

allemand Kultur

on

doit se

préoccuper

des

autoreprésentations

ui,

si elles

sont

toujours

en corrélation

vec les

idées,

ont

pourtant,

eaucoup plus

que

celles-ci,

dissociéesdes constructionsystématiques elles ont une profondeur

variable,

d'ailleurs

amais

très

grande,

lles émanent

de ces

situations

qui

doivent

onfluer ans

une vision

complexe,

lles

ont,

e

le

répète,

un indéniable

apportmajoritaire,

e

que

nous

entendons

ar

l'expres-

sion

quantitatif

ulturel.

Il existe

alors

un

MoyenAge,

qui

n'est

pas

uniquement je

dirai

qui

n'est

pas

surtout

un bloc

homogène

u seulement

ichotomisé

entre e Bas

et le

Haut

Moyen

Age,

mais

qui

fait

référence

une

manière

d'être,

de

penser

et

de

vivre,

ntrinsèquement

t structurelle-

ment

polydirectionnel,

mprévisible

t,

si

vous

voulez,

pensant

aux

nivellements

xistentiels

e notre

époque, beaucoup

plus

«

libre

que

ne l'est - je ne dirais pas seulement 'époque moderneet contem-

poraine

mais

que

nous-même

e réussissons

l'imaginer

t à le recons-

truire,

l'aide

d'une

philologie

qui

est

pourtant

aujourd'hui

très

aguerrie.

elle-ci

evra nous

fournires

morceaux xacts

du

«

puzzle

:

mais

le

dessin

de ce

dernierne

nous sera

jamais

fourni

xclusivement

ni même

principalement

ar

les

modèles,

aujourd'hui

presque

sans

alternative,

e notre

ociété.

Et c'est

précisément

our

cela

que

parler

du

MoyenAge

a encore

un sens *.

*

Cet article

aru

en italien

dans la

revue

ntersezioni

II-1-1983,

été

traduit

ar

Lada

Cáillat-Hordynsky

t Odile

Redon.

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Jean DEVISSE

QUE

FAIRE DU « MOYEN AGE

» ?

L'unedes plusgrandesdifficultésue recontre'organisationhrono-

logique

de

l'histoire e

l'Occident st celle de la

périodisation.

orgée

après coup

et

par mépris

des siècles

qu'elle

enferme ous

une dénomi-

nation

commune,

'expression

Moyen

Age

est

peu

adéquate.

L'idéo-

logie

chrétienne

cette construction es hommes

qui

n'a

que

des

rapports

ndirects vec la

foi en

un

Dieu

unique

-

pouvait

à la limite

s'en

accommoder,

u

prix

de

quelques

contradictions

t tensions

c'est

un

Jésuite

qui

a

«

inventé e

Moyen Age

.

On

pouvait,

à

n'y

pas

regarder

e

tropprès

considérer

es

dix

siècles

concernés

omme ceux

s'est

épanouie

a foi chrétienne

plus

sommairement

ncore,

n

n'a

parfoispas hésité à y reconnaîtree « tempsdes cathédrales » - ces

monuments

u'un

esprit

vengeur

traiterait

n

jour

de

«

gothiques

,

c'est-à-dire

arbares. A la limite

'expressionpouvait

garder

un

sens

pour l'Europe

Occidentale,

condition

d'évacuer du

Moyen

Age

en

question

es milliersd'êtres

qui

ont

vécu

dans

l'Islam

depuis

l'Hégire,

les millionsd'Africains ont l'histoire

st continue

depuis

10

000

ans,

les milliards

d'Asiatiques

maîtres

de culturesantérieures

u christia-

nisme

pour

ne rien

dire des

vrais

Américains,

ui

ont

presque

disparu

de leur terre

après

1492.

A la limite

encore,

'unité était

perçue

non

seulement

ar

la

foi commune

si riche

en variations

égionales

ite

baptisées

«

hérétiques cependant

mais aussi

par

la

langue

latine,

commune ependant de faiblespourcentages es peuplesconcernés.

Peut-être n sentiment

égatif

de l'unité

a-t-il onsisté

dans la

peur

«

des autres

.

Les

«

autres

: Scandinaves

et

Slaves,

Turcs

puis

Mon-

gols puis

Ottomans,

Musulmans,

Africains

Noirs,

sont à des

degrés

différents,

ongtemps

perçus

comme

menaçant

l'existence

même de

l'Europe.

«

Païens

»

ou

«

schismatiques

,

«

fils

du diable

»,

ils

rappellent

au

moins

usqu'au

XIII* siècle

-

et de

nouveau

u

XV*

ncore

que

dans

un tout utrecontexte

le souvenir

magnifié plaisir

des

«

Invasions .

Les

Germains,

utre

type

de

«

l'autre

qu'il

a

fallu

dompter

t

éduquer

constituent

ne

image

motrice

de l'histoire

de

l'Occident

usqu'au

XX*

siècle

et

aussi

-

c'est

plus

étonnant

un

topique

irrationnel-

lement ransposé ans l'histoire es autrescontinents. ui n'a pas eu,

dans l'histoire

que

nous avons

fabriquée

pour

les autres

mondes,

sédentaire

t

«

civilisé

,

à

éduquer

ses

«

germains

ou

turcs,

Scandi-

naves,

slaves...

-

plus

ou

moins

nomades,

barbares

et

à

la limite

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79

«

régénérateurs

de

civilisations

languies

La

«

structureMontes-

quieu

»

fonctionne

ncore à

merveille.

Après quelques

lustres

de

réflexion ur l'histoire

des

autres conti-

nents,

out

spécialement

e

l'Afrique,

orce

st

bien,

pour

moi,

aujour-

d'hui,

d'écrire

ue

la

notionde

MoyenAge

n'a aucune

pertinence our

les mondes extérieurs.

ien

entendu

e

ne retiens

ci,

pour

ne

pas

allonger

nterminablementes

réflexions,

ue

l'emploi

le

plus

banal,

le

plus

plat,

de

cette

xpression,

elle

qui

permet

e

désigner

n

espace-

temps

qui

va du

V*

au

XV*

siècle ne

chicanons

pas

sur 1453

ou

1492 Je n'entrepas dans la discussion,si intéressante ependant,

de

la

pertinence

mondiale ou non

?

-

de la

notion,

érivéeon sait

bien

comment,

e

«

mode de

production

éodal

:

ce

serait

un autre

thème

pour

une autre

réflexion.

Mon

interrogation

ctuelle,

à

partir

des constats

qui précèdent,

consiste

savoir si

«

MoyenAge garde

une valeur même en

Europe

occidentale.Je

pense que

non. Je voudrais dire

pourquoi.

Le

temps

des

comptables

Dans toutes es sociétés dont nous

connaissons

ujourd'hui

e

passé,

les hommes

nt

vécu

à l'intérieur e

temps

concrets,

ythmés

ar

des

phénomènes

onstatables le

jour

et

la

nuit entre deux

levers du

soleil,

le

«

mois

»

entre

deux

apparitions

comparables

de la

lune,

1'

«

année

entre deux

retours de

plantes

cueillies ou

cultivées,

de

gibiers

nimaux u

aquatiques

fidèles

u

rendez-vous

e

rythmes

iolo-

giques

bien

observés

puisque

toute

survie

dépendait

de cette

obser-

vation.

Mon

ami Robert Delort

est,

aujourd'hui,

'un des scrutateurs

les

plus

attentifs e ces

rythmes

t

des

calendriers

u'en

ont

tirés

es

hommes.

Les travauxrécemmentonduits, ous l'autorité u Professeur aul

Lemerle,

nous ont

montré

qu'une

telle

organisation

u

temps,

biolo-

gique

et

répétitive,

'avait

pas longtemps

uffi satisfaire a

curiosité

des

hommes.

a

profondeur

e leur

passé

ancestral es

préoccupe

vite,

même si

la

computation

énéalogique

demeure

très souvent

centrée

sur

la

subjectivité

t les

préoccupations

'un

groupeparfois

restreint

la controverse

ur le

passé

de

l'espèce

humaine

se

trouve

placée

au

centre

de

toutes

es discussions ntre

uifs

et

chrétiens

elle fait

appa-

raître

es

Chroniques,

ieu du

déploiement

es souvenirs

mportants

sur

une trame

continue et

plus

mathématiquement

esurée.

Rome

avait

donné,

vec

le calendrier

ulien,

une

première

mesure

abstraite

du tempsqui passe : le christianisme'a adoptéd'autantplus aisément

qu'il

était

riche,

déjà,

d'un environnement

pectaculaire

'observations

astronomiques

t

mathématiques.

e

temps,

ependant,

'avait,

n

soi,

aucun

contenu

déologique

il

pouvait

recevoir

'empreinte

déologique

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80

que

chaque

culture

voudrait ui

donner,

ar

le

choix,

par

exemple,

u

point

d'origine

e la

computation

ontinue

nous

pouvons

'appeler

a

par

commodité.

éjà,

entre a

Rome

antique,

e

judaïsme

et les milieux

chrétiens,

ans

l'empire

romain,

a

discussion allait bon train

sur

la

situation

absolue

de ce

point

a

:

création de Rome ou

création

de

l'homme

par

Dieu ?

Il

est inutile

d'entrer ci

dans le

détail,

mais

il

faut

sans

cesse

se

rappeler

que

cette

préoccupation, ui

nous semble

aujourd'hui

dérisoire,

occupé beaucoup

de

bons

esprits

pendant

plusieurs

iècles.

Saint

Augustin

'était efforcé e

créer

pour

la chrono-

logie de l'espèce humaine une dimensionthéocentrée,ui donnât à

l'homme e

sens de la

durée et une

certaine

possibilité

d'approcher

a

notion

d'éternité

deux

perceptions

u

temps

singulièrement

bsentes

des

computations

ntérieures. l a

appartenu

au

disciple

trop

zélé

d'Augustin,

'Espagnol

Paul

Orose de traduire es

intentions n

institu-

tions,

créant une

situation

rréversible ont nous

n'avons

guère pu

sortir

usqu'à

nos

ours.

D'une

part

Orose

organise

e

temps

de l'histoire

de manière

désormais

ndéformable,

auf

à sortir

du

christianisme.

Aux

premiers

emps,

'homme été créé

libre de toute utre

contrainte

excepté

d'obéiren

tout

aux

ordres

divins aucune loi ne

pesait

sur lui.

Il a

librement

hoisi

-

deuxième

temps

de

l'histoire de

désobéir

et toute 'humanité st tombée, ès lors,sous le coup de la loi contrai-

gnante.

Dieu a

délégué

e Christ u

rachat

des

hommes,

es libérant

à

nouveau

par

la

grâce

nul,

cependant

ne

peut

obtenircette

grâce

sans

adhérer u

Christ

s'ouvre ainsi le troisième

emps

de

l'histoire,

dont

'aboutissement,

mprévisible, oint

Ū

que

Dieu seul

connaît,

era

le

Jugement.

u

même

coup

Orose

cristallisedeux dimensions ssen-

tielles

pour

a

suite des

temps.

Tout d'abord a

certitude

ue

l'histoire

a

un sens

irréversible t

téléonomique,

ompréhensible

eulement

l'intérieur

u

christianisme

d'autre

part que chaque phase

de

cette

Histoire st en

rapport

dialectique

nversé vec la

précédente.

n

peut

sans

peine

mesurer

ue

les enfants 'Orose

sont

présents

ans le monde

bien au delà de 1492 Jusqu'à Teilhard de Chardincompris, ucun

penseur

ui

n'ait cherché situer 'a

et

l'Q

et surtout a

signification

des

phases dialectiques.

Tout

le

débat

de l'Occident vec lui-même

st

contenu

à-dedans tout son

problème

de

comptabilisation

inéaire

du

temps,

oute sa

perception

ccidentalocentrée e

l'évolution,

oute sa

croyance

u

progrès

matériel,

éificationnversée

par rapport

u

Dieu

originel

t

projetée

sans réserve

vers

Q

est en

puissance

contenudans

Orose. Et avec ces

croyances

la véritédu

système

e

comptabilisation

du

temps pparaît

aussi la

conception

omptable

de son écoulement t

probablement

ne

perception

matérialiste

ésespérée

de la brève exis-

tence

humaine,

détachée

aujourd'hui

et du

temps

des

ancêtreset

du

tempsde Dieu et de toutprojet collectifgénéreuxde créationd'une

cité humaine

qui dépasse

la

vie

de

l'individu.

Les

contradictions

internes,

enues d'Orose dans notre

manière d'évaluer et

de

vivre

e

temps

n'ont,

l'évidence,

ien à voir avec le

«

MoyenAge

.

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81

Kaléidoscope

économique

L'un des

plus

dramatiques

ombats

qu'ait

mené

l'homme

est

celui

de

sa

subsistance,

elui de

la satisfaction

e ses

besoins

alimentaires,

non

seulement

our

a survie

de

l'espèce,

ondition

minimale,

mais

aussi

pour

sa

croissance

raisonnable.

Nous

avons sous

les

yeux,

ujourd'hui,

en

Ethiopie,

u Sahel

africain,

u

Bengladesh

par

exemple,

des

images

spectaculaires,

outes

proportions

ardées,

de

ce

qu'on

dut

être

les

difficultés

es

groupes

humains

dans

ce

domaine,

assées

les

premières

centainesde milliersd'annéesoù l'espace ne manquait pas encore-

même si

le

risque

environnemental

tait alors

incomparablement

lus

grand

qu'aujourd'hui.

'adaptation

de la

production

ux

besoins

a été

très

lente

en

Europe

Occidentale,

e

déséquilibre

entre

besoins

et

production

'a été

supprimé

u'au

cours

du

deuxième

uart

du

XIX* s.

il

ne

l'est

pas

encore

dans

certaines

régions

de

l'Eurasie

il

est

loin

de

l'être

dans

«

le

Sud

».

Les

véritables

volutions

mportantes

ont

très

entes et

très

ongues

dans

ce

domaine

on

les

suit,

en

Occident,

continûment,

e

l'époque

romaine

nos

jours.

Certes

a forte

poussée

démographique

es

IXe

?)-XIIIe

siècles

a

grand

ntérêt

t

importance

elle

éclaire

probablement

ne

certaine

frénésie

de

conquête

de

lieux

nouveauxoù produire, aute d'intensifieréellement t aisément es

rendements

mais

elle

est

compensée

ar

la

grande

dépression

umaine

des

XIVe-XVe

iècles

et

les

éléments

décisifs

de la

progression

es

rendements

atent

du

XVIIIe

siècle.

Où,

dans

tout

cela,

retrouver

os

chères

bornes

de

mesure

du

Ve et du

XVe

siècle

?

Peut-être

aut-il lors

abandonner

e

terrain

froid

des

phéno-

mènes

économiques ongs

pour

se

pencher

ur les

formes

ociales

de

la

production.

Qui,

aujourd'hui,

croit

encore

totalement,

u

progrès

décisif,

umainement

arlant,

de

l'esclavage

au

servage.

Certes

l faut

continuer

de

défendre,

moralement,

'impossibilité

'admettre

qu'un

hommedevienne ne chose entre es mainsd'un autre mais est-il rai

que,

en

tant

que

force

de

travail,

ous

les

esclaves

-

en

Europe

-

aient

été

globalement

t

moyennement

eaucoup plus

malheureux

ue

tous

les

serfs,

héoriquement

ibres,

mais

tout

aussi

dépendants

cono-

miquement

Notre

époque

sait

mieux

séparer

l'étude

des statuts

personnels

e

celle

des

situations

de

production

elle

n'envisage

pas

forcément

'admettre

ue

la

liberté

civile

et

le droit

à l'existence

religieusement

econnue,

'ils

sont des

conditions

nécessaires

-

au

«

Moyen

Age

-

sont

des

conditions

uffisantes

'une réelle

amélio-

ration

du

sort

des

producteurs.

'inégalité

de traitement

es

produc-

teurs

par

les

possesseurs

du sol

est

pour

une

faible

part

fonction

es

différencese statut ocial elle l'estbienplus largement es conditions

globales

du

rapport

de

force,

n

chaque

point

considéré

de

l'Occident.

Un

moment

squissée

par

les

historiens,

'histoire

ongue

de la force

de

travail

n'a

pas

été

traitée,

oncrètement,

vec le même

soin,

usqu'à

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82

présent,

ue

celle de

la

production

lle-même

ou,

au

niveau

théorique,

celle des modes de

production.

ur ce

point,

es

travauxconduits ur

les

sociétés

africainesm'ont

appris

à

regarder

utrement es

rapports

de la forcede travaildes

hommes t

de leurs statuts

ociaux.

Si

l'on tente

de

comprendre

omment

'opèrent

es

mutations ucces-

sives de la

capitalisation,

es

choses ne sont

pas,

non

plus,

très

simples

chronologiquement.

omment onsidérer

es

producteurs

erriens

rra-

geois

du

XII*

siècle,

étudié

adis

par Lestocquoy,

ui

réinvestissaient

«

dans

le

drap

»

une

partie

des bénéfices irés de

la terre Comment

comprendree que nous a montréToubert de la gestionde certaines

abbayes

taliennes,

ès le

IX*

siècle,

oucieusesde

rentabilité inancière

de leurs terres Le

dégagement

e

surplus

capitalisables

st ancien.

l

a

été

plus

ouvertement

éalisé et réussi dans

le monde musulman

ue

dans

le

chrétien

ù,

usqu'aux

renversements

e

faitdu

XI

I*

siècle,

e

«

scandale de la richesse dans une

société

globalement auvre

est

demeuré

un

topique

dominant. ombiende

siècles

faut-il,

n

Occident,

à

partir

de ce

XIII'

pour que

les

formes

uccessives

tudiées et nom-

mées

avec

soin

par

les économistes t

les

historiens,

'accumulation

du

capital,

du

capitalisme rimitif,

ommercial

uis

industriel

e

déve-

loppent

il n'est

guère

difficile 'admettre

u'il

a fallu

six siècles

pour

que le phénomène rennetoute son ampleuret développeses consé-

quences,

souvent

i

négatives

t si

dangereuses

pour

les

producteurs.

Quel

espace-temps

aut-il

ès

lors,

étudier

pour

comprendre

et autre

phénomène

ong

? En

tout

cas

pas

«

le

MoyenAge

.

L'étude

des mécanismes

monétaires

onduirait de semblables nter-

rogations,

de

semblables

hésitations,

robablement

des conclusions

identiques.

lle

entraîne,

n tout

cas,

inévitablement,

s'interroger

ur

les

pouvoirs.

Fascination monarchique

Le

christianisme c'est le

moins

qu'on

puisse

dire

-

a eu du

mal

à

s'accoutumer

la

démocratie.

l

a fourni

ux

pouvoirs

d'Occident n

modèle

monarchique

de

fonctionnement

ui,

lui

aussi,

perdure

bien

au

delà

de 1492.

Beaucoup

de

théologiens

nt

défendu 'idée

que

l'auto-

rité,

conséquence

du

péché

originel,

st

voulue

par

Dieu

pour

gêner

l'action

du

diable

au milieu

des hommes t

maintenir

'ordre,

gage

de

paix.

Aux

vieux

rapports

e

force,

rès

physiques

t

souvent

anglants

des

royautés ermaniques,

la

perception

ationnelle

mais

bien abstraite

du

pouvoir

impérial

romain,

'Eglise

a

apporté,

en

particulier

en

EspagneWisigothiqueu VIP siècle, nAngleterreu VIII* et en Gaule

et

Germanie,

eu après,

une

construction

déologique

neuve. Oint

par

Dieu

dans

sa fonction

in

regimine

le

roi

-

rex

qui

dirige, ui

guide

-

est

intouchable,

omme

oint,

tant

qu'il

respecte

a

loi

chré-

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83

tienne.

on contrat

'a

plus

rien

d'égal,

n'a

plus

de

contrepoids

umains

réels

-

sauf

lorsqu'il

consent

à

négocier,

de

gré

ou de

force

des

contrats.

De

l'onction

n

peut

aisément

tirer

e

droit absolu

de

gou-

verner

sous

le

regard

de

Dieu

»

:

Franco

ou Pinochet

nt

été ou

sont,

de

ce

point

vue,

dans

l'absolue

logique

du

système.

l n'est

pas

automatiquement

es monarchies

bsolues

ou

des

dictatures

de

ce

contrat

vec

Dieu.

Mais

il

est

singulièrement

clairant,

pour

en

com-

prendre

'importance,

e

voir,

au

XVI*

siècle,

e

Mani

du

Kongo,

que

nous nommons

Alfonso

er,

éaliser

pleinement

es

avantages

que

lui

procure, ans l'exercice olitairedu pouvoirce typede relation vec

Dieu,

par

rapport

ux relations

i

astreignantes

vec

les

contrepouvoirs

humains

ue

lui

imposait

a

tradition

fricaine.

Une

trace

indélébile

été

imprimée

la

pensée

politique

occidentale,

partir

de

ce schéma.

A.

Camus

a bien

vu,

dans

un

beau

chapitre

de

YHomme

révolté

les

Déicides

-

que

les

plus

lucides

des révolutionnaires

vaient

enti

qu'on

ne

pouvait

e

débarrasser

e ce

modèle

de

pouvoir

u'en

«

tuant

Dieu

».

Les

philosophes

u XVIII*

siècle

avaient

tenté

de faire

a

part

du

feu

en

équilibrant

et

exorbitant

ouvoir

par

de

savants

équilibres,

dont

très

peu,

finalement,

nt

été

durablement

éalisés

en

Occident.

Thomas

d'Aquin

avait,

plus

tôt,

pensé

rétablir

a

justice

par

le

célèbre

«per

populum qui lui paraissaitune garantiede la délégation onsentie u

pouvoir.

Rien

n'y

a réellement

ait Rousseau

est

probablement

e

seul,

avant

Marx et

combien

différemment,

avoir

compris

que

la

fasci-

nation

monarchique

que

celle-ci

fût

ncarnée

en

un homme

ou

en

des

oligarchies

de

types

divers

-

n'avait

qu'un

substitut

décisif:

la

démocratie

irecte.

En

Occident,

epuis

des

siècles,

es

grenouilles

e

cessent

point

de

demander

n

roi,

quitte

le

guillotiner,

our

'exemple,

de

temps

à

autre.

Tant

est

implantée

ette

idée,

d'origine

hrétienne

mais

aussi

romaine,

ue

le

pouvoir

a

besoin

d'être

incarné

dans

un

personnage

uissant.

Même

si

la

généralisation

u

«

per

populum

a

fondédans

le

principe

a

démocratie

moderne

d'Occident,

même

si

le

pouvoirn'estdéléguéque temporairement,ême s'il est soumisà des

contrôles,

a vieille

mage,

plus

vieille

même

que

le

christianisme

u

Rome,

du

chef

régulateur

re

-

est

toujours

présente

t

la tentation

de

la démocratie

irecte

emeure

peu près

nulle.

Dieu a

été

remplacé,

comme

uge

de

la conformité

u

rex,

par

le

Parti,

par

le

Parlement,

par

des

syndicats

divers

d'intérêts,

a

structure

monarchique»

du

pouvoir

demeure.

e

désir

de se

reposer

ur

elle

en

lui

déléguant

oute

responsabilité,

'accompagne

e

l'affection

uand

elle ne

déçoit

pas,

de

la

mauvaise

humeur

uand

elle

heurte

es

préjugés

ou

les intérêts.

Mais

la taille

des

pays

en

cause

-

Rousseau,

ncore

une

fois

'avait

bien vu

-

a

supprimé,

u

moins

jusqu'à

une

date

récente

et

à

l'exception

de

quelques cantons uisses, e goûtde la gestiondirecte t collectivede

la cité.

rattacher, hronologiquement,

ne

si

longue

tradition

à Rome

dès

le

premier

iècle,

à

l'Espagne

du

VIP siècle

apparaît

'onction,

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85

terre

e

sauvagerie

mais

elle

va

rapidement

evenir erre

d'exploitation

de la marchandise umaine

ici

comment

ouper

en

1492,

lors

que

le

courant

d'exportation

des esclaves

d'Afrique

Occidentale

s'amorce

après

1470 t

qu'il

n'a

pas

cessé

jusqu'au

XIXe

siècle

Fier de ses réussites

conomiques,

u

développement

e ses tech-

niques

et

de

l'épanouissement

e sa

science,

'Occident

ontracte,

ente-

ment

mais

sûrement,

n

complexe

de

supériorité

ait

pour

une

part

de la revanche ur tant

de

frustrations

assées.

Les

Byzantins,

n

1204,

ont,

parmi

es

premiers,

ait

'expérience

e ce

que

devient

peu

à

peu

le méprisde l'Occident ourles autrescultures,orsquecelles-cine se

laissent

ni

convaincre

i assimiler. e

fier

u'il

était

déjà

au XIIIe

siècle,

grand

iècle

d'épanouissement

ans tous es

domaines,

'Occident

evient

facilement

ominateur,

eux

ou trois siècles

après.

Et

il

en

a

gardé

e

goût

bien

au delà

de 1960.La domination e colore

ici, aisément,

de

l'alibi

du devoir

de civiliser es

«

attardés

,

de la construction

rogres-

sive de

la totale certitude

ue

la croissance

économique

et

démogra-

phique

de

l'Europe

est normale

et

quasiment prédestinée.

On

n'a

même

plus

besoin,

u

XVIIIe

siècle,

de recourir

Dieu

pour

expliquer

le

«

miracle

uropéen

: le

progrès

ndéfini

ui

s'ouvre

l'esprit

d'entre-

prise

européen

est le

gage

de

l'intelligence

t de la réussite

du Pro-

méthéemoderne. l peut se passer de protecteur t il s'institue e

protecteur

aturel

de tous les

autres

peuples.

L'athéisme

puis

le

posi-

tivisme

ont

permis

d'assumer,

«

dans

un

esprit

de

progrès

et

de

liberté toutes

les formeset toutes les

valeurs de cette conscience

de

supériorité

enue

du

XIIIe

siècle,

en

rejetant implement

on habit

et ses

attendus

hrétiens.

n

n'en

a

pas

moins,

pour

autant,

onfié

ux

missionnaires

ne

tâche

de

supplétifs

e

la

colonisation,

même au delà

de

la

séparation

de 1905.

ans

aucun

doute

pour

moi,

cette conscience

de

supériorité

ue

rien ne

justifie,

onstitue-t-elle

otre

principal

pro-

blème

culturel

t

politique,

face

aux

autres

mondes,

en cette

fin

du

XXe siècle.

l n'est

même

pas

nécessaire,

ujourd'hui,

ue

des connais-

sances fondent e réflexe il est devenu évident t «nécessaire . Le

«

petit

blanc

»

est

le fils

naturelde ce

long

courant

il

naît

supérieur

t

n'a besoin

d'aucune

démonstration

our

le sentir.

Voici au moins

sept

siècles

que

ce

phénomène

e

mentalité 'est installé

au cœur

de

notre

système

de

pensée

et d'éducation.

Encore le

long

terme...

Que

faire

du

«

Moyen

Age

? Au

total,

l

m'apparaîtqu'aujourd'hui

cette

manière

de

périodiser

'histoire

mondiale

st,

bien

entendu,

nad-

missible

elle

n'est

d'ailleurs

plus

du tout admise

par beaucoup

d'histo-

riens

non

européens.

Même

en

Europe

occidentale,

l me semble

qu'elle

joue un rôlepernicieux. lle masque,on en a vu plusieurs xemples,es

évolutions

ongues

les seules

qui

aient,

au

total,

une valeur et

un

poids

décisif

dans

l'histoire

es

hommes.

Dans une

large

mesure,

on

existence

même,

comme

double

repoussoir

d'une

Antiquité

et de

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86

l'époque

contemporaine,

ieu de

toutes

es

libérations,

ermet 'y puiser

en

toute

quiétude

des

héritages,

ont

beaucoup

sont du reste ncontes-

tables,

rremplaçables

t

fondamentaux

our l'esprit

humain,

tout en

refusant

'enveloppe

«

totalitaire

chrétienne

u

sein de

laquelle

ces

héritages

'inscrivent

t

s'éclairent.Du même

coup,

cela

dispense

de

tout effort

ritique

relatif

certainsde ces

héritages

ui pèsent

sur

notre

analyse

du

monde actuel.

L'expression

st

née

du

mépris

dans

lequel,

même

l'intérieur

e

l'Eglise,

es

«

modernes

tenaient

es siècles

«

balbutiants :

bien

entendu,

e

ne

saurais

reprendre

ette

analyse

à

moncompte.Jecrainsqu'aujourd'hui lle serve aussi à occulter, ans

le

passé

lointain,

bscur

des

occidentaux,

os réactions actuelles de

mépris

à

l'égard

des

autres cultures. Patrimoine ommun

des occi-

dentaux

ui

le

considèrent

vec

respect

ou

amusement,

cepticisme

u

agressivité,

e

MoyenAge

est en toutcas le lieu

d'enracinementhrono-

logique

de la

plupart

des traditions ont nous vivonsencore.

Et

pour-

tant,

l

me semble bien

que

cette

expression

ne

correspond

rien de

très sérieusement

iscernable,

ujourd'hui,

pour

un

historien.

i

l'on

devaitfinalementonserver

ette

expression our

l'histoire

ccidentale,

j'aimerais

bien

pouvoir

enser

ue

nous

allons,

dans

quelques

décennies,

commencer

sortir

du

MoyenAge...

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Antoine PEILLON

INFANTILISME ET

PRIMITIVITĚ DU MOYEN AGE

A

propos

de

quelques

lieux

communsd'une

historiographie

moderne

Le

Moyen Age

ou F «

Enfance de

l'Europe

»

«

L'histoire

de l'An Mil

est donc

possible.

Mais,

c'est celle d'une

première

nfance elle

balbultie, lle fabule.

G.

Duby,

'An

Mil,Paris,

nouvelle

dition,

1975,

.

10.

Un récent

ivre

d'histoiredu

Moyen

Age

a

pour

titre

Enfance

de

l'Europe

..

(2 tomes, aris,P.U.F.,

ollection

NouvelleClio

»,

1982).

on

auteur,

Robert

Fossier,

professeur

la

Sorbonne,

st l'un des

maîtres

incontestés e l'actuelle

histoiremédiéviale

1).

Le

titrede

ce

livren'est

pas

accidentel,

ni

arbitraire,

t

R. Fossier

consacre

ime

importante

«

Introduction

(p.

67

à

84

du t.

1)

à

expliquer

et

justifier

on choix

du terme « enfance , pour caractériser es traits fondamentaux el'Occident des

X*,

XI* et XII* siècles. Cette introduction

qui

s'affirme

xplicite uant

au

point

de

vue

nécessairement

articulier

e

l'auteur ur les

problèmes,

pproches

et

objets

de sa

recherche

2)

-

nous

permet

e

relever ertaines aisons

historiographiques

t,

au-delà,

philosophiques

d'un nouvel

usage

de

la

traditionnelle

métaphore

de

l'enfance

n histoire.

1.

Parmi ne

œuvre

cientifique

bondante

La

Terre t les hommes n

Picardie

usqu'à

la

fin

du

XIII

*

siècle

2

vol.,

Paris-Louvain,

968

Histoire

socialede VÔccident

édiéval

Paris,

970

(avec

J.

Chapelot)

e

village

t la

maison

u

Moyen

ge,

aris,

980

comporte

n

chapitre

ur

«

le

Moyen

Ageadulte ) ; (sous la directione R. Fossier)Le MoyenAge,3 vol. Paris,

1982-1983

Paysans

'Occident

XIe

XIV

siècle,

aris,

984.

2.

«

Qu'on

m'entendelairement...écritR. Fossier

propos

du

terme

marxiste

féodalisme

,

page

69. Son introduction

l'Enfance

e

l'Europe

procède

oute ntière

vec a

même ranchise.

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89

«

système

et

ustifie

es rivalités

e

classe,

e

suis

convaincu

u'elle

est

exacte

et

qu'elle passe

bien avant

la

désintégration

u

pouvoir

ou le

poids

du

sacré

pour expliquer

ce

Moyen

Age (p.

69).

Si R. Fossier

«

récuse

le terme

e "féodalisme"

...),

cet

abus de

langage

(6)

il

n'en

reste

pas

moins

que,

selon

lui,

'économique

t

le

social sont

des infra-

structures

éterminantes,

andis

que

l'institutionnel

t le culturel ont

tout

compte

fait

des

superstructures

ui passent

bien

après

et n'ex-

pliquent

ien.

Enfin

et c'est ici

que

le

propos

initial

(revalorisation

lobale

du

MoyenAge)nousapparaîtcontredit, . Fossierprocèdeà une dévalori-

sation

radicale de

la culture t de la mentalité

médiévales.

Bien

que

Raoul Glaber

et Thietmar e

Mersebourg

oient

reconnus

comme étant

des

«

témoins

lairvoyants

e

la

naissance

d'une

Europe

chrétienne

(p.

67)

et

malgré

e fait confirmé

ue

«

rien ne vaudra

davantage

ue d'interroger

es témoins

ur

ce

qu'ils

ont

vu et

compris

de leur

époque

»

(p.

76),

R.

Fossier

fait

profession

'un

véritable

mépris

pour

«

l'écrasante

majorité

de

ces

témoins

t

pour

leur

culture,

insi

que pour

l'art

et

la littérature

e

leur

époque

«

ceux

qui

nous ont

laissé

un

jugement

ou

une

preuve

sont,

en

écrasante

majorité,

es

hommesde

l'Eglise

(7),

attentifs

u siècle

certainement,

onnêtes

eut-

être,mais sans compétence echnique u simplementociale pénétrés

des schémas

plus

ou

moins

valables de

leur

temps,

l

nous

parlent

de

salut,

de

péché,

et

pour

couper

court

à leurs tirades

moralisantes

l'historien

'a

que

le

médiocre recours

de

l'art

ou

de

la littérature

romancée

encore

'ombre

u'y

projette

'Eglise usqu'en

1200

y

est-elle

épaisse

»

(8)

(p.

76 et

77)

de

même

«

Lorsqu'un

moine du

XP

siècle

entreprend

e décrire

son

temps,

l débute

toujours

par

un

rappel

de

la Création t

poursuit grands

pas jusqu'au

petit

horizon ù

il

se

confine nsuite

(p.

77).

Ce

méprisflagrant

our

les

clercs et

leur

culture,

our

l'art

et

la

littérature

u

MoyenAge,

tient

ssentiellement

u matérialisme isto-

rique de R. Fossier,de son marxismerelevéprécédemment,e cette

philosophie

e l'Histoire

qui

n'est

pas

seulement

méthode

d'historien,

mais

comporte

ussi

une morale

politique.

Au cœurde

la

culture

médié-

vale et

cléricale,

R. Fossier

isole

et

critique

un élément

déologique

6.

A

part

Guy

Bois

(1976),

Georges uby

1978)

t Alain

Guerreau

1981),

la

plupart

es

historiens

y

compris

marxistes

évitent

'employer

e

terme féodalisme

pour

voquer

'Occident

édiéval

même

'ils définissent

celui-ci n

premier

ieu

par

son

mode

de

production

ont

e

rapport

e

production

st le

servage)

t lui

préfèrent,

omme

R.

Fossier,

e terme

«

seigneurial

. Cette

uestion

e vocabulaire

st

en fait

mpropre

définir

la

position

'unhistorien

is-à-vis

u marxisme.

7.

Comme

hietmar

e

Mersebourg

t Raoul

Glaber,

ustement,

1

veque

allemandt le moinede Bourgogne,émoinslairvoyants...(p. 67).

8.

Pourtant,

ecrasante

majorité

es historiens

e la

littérature edievale

considère

ue

c'est

justement

partir

de 1200 nviron

ue

le

roman

st

réellement

t

complètement

hristianisé.

'ombre

rojetée

par l'Eglise

est

certainement

lus paisse

ur e

Lancelot

raal

ue

sur e

Perceval

e Chrétien

de

Troyes,

i ombre

l

y

a.

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90

-

«

imaginaire

dirait

G.

Duby

(9)

-

fondamental

la

«

théorie

des

trois

ordres

p.

78

à

80).

Pour

lui,

si

«

une vision aussi

conservatrice

du monde

peut

(...)

résister

la

pression

ociale

ou

économique

,

c'est

que

«

la théorie e défend

bien

par l'ignorance

'abord,

en

refusant

à ce

qui

n'est

pas

clerc,

'accès

à la

parole

divine

(...)

par

la

condam-

nation

quand

elle

le

peut

par

l'exclusion

t le

soupçon

à

l'égard

de

qui

n'entre

pas

dans

le schéma

. Et

si

cette

culture

manifestement

coercitive

comporte

comme

compensation,

u comme

issue

imagi-

naire

10),

«

l'image

de la

roue de Fortune

précipitant

ans

l'ignominie

le puissantet hissant e plus humbleau pinacle , il s'agit alors d'un

«mythe

somme

toute

"décourageant

et

réactionnaire"»

(11).

Cette

critique

ocio-politique

e

la culture

médiévale

s'étend

évidemment

ses modes

d'expression

«

Laissons

donc les

moines,

es

évêques

et les

rois,

et

tentons

e toucher

ous

les autres.

Est-ce

possible

puisque

les

clercs

parlent

our

eux,

que l'iconographie

st à

peu près

toute

d'Eglise,

que

la

littérature

rop

souvent

ne concerne

ue quelques-uns

(p.

81).

Par

là,

R. Fossier

reprend

'idée

déjà

ancienne

que

la

croyance

n

«

la

volonté

divine

-

bref,

a

religion

n'est

que

«

l'argument

érisoire

et

odieux

du

dominant u

dominé

(p.

80),

'opium

du

peuple

médiéval.

De

culture en

religion,

a dénonciation

des valeurs

cléricales

et

aristocratiques 'un certainMoyenAge- celui des « dominants - ,

la dévalorisation

de

ce

qu'on

appelle

communément

a civilisation

médiévale

non

compris,

bien

sûr,

la

«

civilisation

matérielle

)

et la

mise en

question

de

la

«

compétence

«

des hommes

de

ces

temps

(p.

76),

entreprise

ar

R.

Fossier en

introduction

son

Enfance

de

l'Europe

..,

s'étendent

la

mentalité

et à

la

psychologie

ollective

médiévales.

Ainsi,

malgré

a difficulté

ocumentaire

our

«

toucher

ceux

qui

ne sont

pas

moines,

évêques

ou

rois,

R. Fossier

«

semble

discerner

rois

dées

constantes

hez 'homme

ui

ne

fait

pas profession

de

penser

: lé

«

culte de

la

coutume

,

«

le

culte

de

la force

et

«

le

sentiment

e

la

peur

»

(p.

81

et

82).

Parmi

ces

«

trois

dées constantes

,

R. Fossiers'attarde ur la peurdes hommesdu MoyenAge p. 82 à 84)

et

affirme

ue

c'est

elle

qui

est

la

source

de

1'

«

irrationnel

médiéval,

de cet

irrationnel

ui

est

un trait

dominant

de

la vie

au

Moyen

Age

puisqu'

«

à

tant

d'attitudes ociales

qui

heurtent

otre

aison

ans

doute

n'y

a-t-il

as

d'autre

explication

(12).

Pour

en finir

vec le contenu

décidément

misérable

de

la mentalité

médiévale,

R. Fossier

déclare,

9. G.

Duby

emploie

ndifféremment

es termes

imaginaire

,

«

fran-

tasmes

,

«

idéologies

,

«

structures

entales

,

«

théories

,

«

mythologies

,

«

mentalités

,

pour

désigner

e

même

bjet

cf.

A.

Lysberg,

Entretienvec

G.

Duby...

,

L'Histoire

10,

mars

1979,

.

70 et 71.

10.Telleque l'analyse athanWachtel,ansLa vision esvaincusPans,Gallimard,971),hez es Indiens u Pérou, uMexiquet du Guatemala.

11.P.

79-80.

. Fossier

ite ci

Jacques

e

Goff,

a civilisation

e l'Occident

médiéval

Paris,

Arthaud,

964,

.

211.

12.

ci,

'irrationnel

e se

définit

as

comme

e

qui

est contraireu

irré-

ductible

la

raison,

mais

omme

e

«

qui

heurte

otre aison

.

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91

avant

de

conclure

son

«

Introduction :

«

ce

qui

traduit

a

peur

des

hommes

est

l'irrationnel

t

l'instabilité.

'irrationnel,

ar

un

monde

qui

approche

de sa

fin

...)

ne

peut plus

tenir

qu'en

la

main

de

Dieu

le

surnaturel t

l'inconnaissable,

mieux

l'étrange

et

l'extraordinaire

dominent

a

terre le

chrétien

st

écrasé

par

le

mystère

ue

ses

yeux

ne

peuvent

ntrevoir

mais

qui

s'étend

au-delà

de

l'apparence,

par

le

miracle

qui

manifeste

a

providence

divine,

par

le

symbole

se

réfugie

'incompréhensible

(13).

En

clair,

e

MoyenAge

n'a donc

pas

fini

'être

«

cette

époque

obscure,

sservie,

mère de

toutes es

supersti-

tions , cette successionde « siècles sombres et frustes, bref,ces« ténèbres

médiévales

qui

offraient

le

spectacle

de

la

mortet

de

la

prosternation

tupide»

(14).

2. Ces

prises

de

position

historiographiques

t

philosophiques

de

R.

Fossier

trouvent

ans la

métaphore

e l'enfance

eur

expression

a

plus

simple

(15).

Simplicité,

mais

aussi

fondement,

mage générative

de

la

vision

d'une

Histoire

volutive

primitivité

elative u

Moyen

Age)

et

d'un

matérialisme

istorique

ffirmé,

'une

philosophie

e

l'Histoire

implicite

16),

qui

commencent

ar

la

conjugaison

d'une

idée

parti-

culièrede

l'enfance

construite

partir

de

divers

postulatsplus

empi-

riques

que

scientifiques)

vec le

transfert 'un

mot

désignant

un

phénomène e la vie des individus la description 'unphénomène e

société

métaphore

e

l'enfance).

La

métaphore

e

l'enfance

'énonce

par

deux

fois

comme

évidence

brute,

la

première

t

à

la

dernière

page

de 1'

«

Introduction de

l'Enfance

de

l'Europe...,

hème

primordial

xposé

en

ouverure t finale

du

texte

«

Je

vois

dans

l'Occidentde ces

temps...

;

ce sont

les

traits

de l'enfance

(p.

67

et

68) et,

«

les

deux

siècles

et

demi

que

doit

parcourir

mon

récit

offrent

ous

ces contrastes

mêlés comme chez

l'enfant

(p.

84).

Démarche

qui

postule

nécessairement ne

identité

mentale u

psychologique

ntre ollectif

t

individuel,

ersonnalisant

t

psychologisant

a

société à

l'image

d'un

seul homme.

Recours

pratique

13.

Propos

ui

relève u

rationalismee

plus

pur

et fait

bon

marché es

travaux

ontemporains

ur

le

mythe,'imaginaire

t le

symbolisme,

otam-

ment eux

de G.

Bachelard,

.

Caillois,

G.

Rosolato,

H.

Corbin,

l.

Lévi-

Strauss,

M.

Eliade,

J.-P.

ernant,

.

Gusdorf,

.

Durand,

.

Todorov,

. Ser-

vier,

A.

Virel,

.

Sperber,

tc.

14.

Cf.

G.

Dubv,

An

Mil

Paris,

nouvelle

dition, 975,

.

9,

à

propos

e

l'historiographie

es

Lumières.

15.

«

...enfance.

ourquoi

e

pas

s

arreter

ce

mot

imple

»

(p. 68).

16. l

va sans dire

que

R.

Fossier e défend

'être e

tenant 'une

quel-

conque

héorie,

ût-ellene

philosophie

e

l'Histoire

«

e

laisse

d'autres

e

soin

de

découvrire

substantifn

-isme

ui

lui

vaudrad'être dmis

par

les

doctrinaires

(p.

70).

En

cela,

l

ne fait

que

sacrifier

la méfiance

bligée

deshistoriensour a philosophie,istoriensui au mieux ne s'autorisent

plus

qu'une

réflexion

pistémologique

ur

la

démarche

e

la

connaissance

historique(G.

Bourdé t H.

Martin,

es

écoles

historiques,

aris, 983,

.

58).

«

Car

a

philosophieervertit

'historiographieu'elle

roit

panouir

...)

Pour

Clio,

e

risque

de

philosopher,

'est

celui de

mourir»

Ch.-O.Carbonnel,

L'Historiographie,

aris,

1981,

. 81).

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92

à une forme

ssez

répandue

de

psychologie

istorique,

mais

néanmoins

jugé

«

inacceptable par

les

quelques

spécialistes

e cette

discipline

17).

A

cette

métaphore

de

l'enfance,

conditionnée

par

une certaine

psychologie

historique,

'articule

une idée

particulière

de

l'enfance,

donnée

pour

universelle. ous écrivions

ue

cette

dernière

st

construite

à

partir

de

divers

postulats

empiriques

t

pseudo-scientifiques,

arce

que

son

exposition mprunte

bscurément

t tout

la fois

à la

biologie,

à la

physiologie,

la

psychologie

t même

ndirectement

la

botanique

(il

est

question,p.

72,

de

«

germes

de

maturation,

oire

de

pourisse-

ment ). Voici doncce qu'est l'enfance, 'aprèsR. Fossier « des forces

qui

se cherchent

ncore,

d'impérieuses

xigences

peu

à

peu

tempérées,

une

ignorance

ui

se comble

entement,

ne sensibilité

iguë

tout

en

contrastes

déroutants,

ne

confiance

dans

les

autres

qui

deviendra

confiance

n soi

»

(p.

67 et

68),

et

«

chez

l'enfant,

'opposent

des

exigences

t

des

pulsions

galement

iolentes,

e

mêlent

'inquiétude

e

l'avenir t

l'appétit

du

présent

(p.

84).

Mais

surtout,

omme

e

monde

médiéval,

'enfant

a une

passion:

la

lumière;

tout

ce

qui

est sans

clarté

'épouvante

...)

tout

ce

qui

brille

'attire

(18),

de

même

que

les

colliers

de verre

plaisaient

ux naïfs

et

bons

sauvages

amérindiens

e

Christophe

olomb

(19).

Infantilisme

t

primitivité

e

confondent

u

MoyenAge.

3.

Au-delà

d'un

matérialisme

historique

relativement

rthodoxe,

a

philosophie

e l'Histoire

de

R.

Fossier tient

directement

u

positivisme

sa

croyance

mplicite

n un

progrès

e

l'humanité

u cours

de

l'Histoire.

En

effet,

ans

ses

derniers

crits,

Auguste

Comte

applique

directement

sa

«

loi

des trois

états

(20)

à l'évolution

es sociétés

occidentales

t

imagine

a

progression

e

l'esprit

humain

par

étapes,

selon

un

rythme

ternaire.

Au

Moyen

Age,

'esprit héologique

urait

mposé

a

reconnais-

17.

Cf.

R.

Mandrou,

L'histoire

es mentalités

,

dans

Y

ncyclopedia

UniversalisParis, 970,. 8,p. 437 J.Le Gofft P. Nora,Fairede l'histoire,t. 3,Nouveau bjets, aris,Gallimard,974, . 83 M. Vovelle,déologies t

mentalités

Paris,Maspéro,

982,

.

85

100

J.-P.

ernant,

Sur es

recherches

de

psychologie

omparative

istorique

,

Journal

e

psychologie,

960

«

His-

toire

t

psychologie

,

dans

L'histoire,

cience

humaine

u

temps

présent,

XXVe

emaine

e

synthèse,

aris,

965

«

Qu'est-ce

ue

la

psychologie

isto-

rique

Cahiers

e

philosophie,

°

1,

1966.

18.

Ce

que

fc,.

anorsKy

eleve

ous

le terme

e

«

meiapnysique

e ia

lumière

(

Architecture

othique

t

pensée

colastique,

aris,

d.

de

Minuit,

1967,

.

33

à

47)

et G.

Duby

ous

l'expression

e

«poétique

de la lumière»

(Le temps

es

cathédrales...,

aris,

Gallimard,

976,

.

121

162)

emble

tre

une

passion

aisonnable

t

extrêmement

omplexe.

19.Cf.

Les

plus

belles

lettres

e

Christophe

olomô

(presentees ar

Marianne

Mahn-Lot),

aris,

Calmann-Lévy,

961

«

Afin

ue

ces

gens

nous

prissent

n

amitié,

e

donnai

certains

'entre

ux,

des bonnets

e couleur

et des

colliers

e verre

u'ils

se

mettaient

u

cou,

ainsi

que

d'autres

etites

choses epeudevaleur,e dont ls eurent eaucoup e plaisir (p. 19).20.Cf.

Auguste

omte,

oursde

philosophie

ositive, . 1, raris,18Ò4,

p.

8 à 10.

Selon

'inventeur

e la

sociologie,

otre

onnaissance

asse

succes-

sivement

ar

trois états

théoriques

ifférents:

' «état

théoîogique

,

ou

«

fictif

1'

«

état

métaphysique

,

ou

«

abstrait

1'

«

état

scientifique

,

ou

«

positif».

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93

sance d'une

autorité

acralisée,

ne

confusion es

pouvoirs

emporels

t

des

pouvoirs

spirituels,

une

stricte

hiérarchie

sociale,

influençant

toute

l'organisation

es

institutions éodales

(21).

Or,

en

principe,

la

«

loi des trois

états

concerne en

premier

ieu la

psychologie

et une certaine

structure e

l'intelligence

umaine,

a

connaissance

«

chacun

de

nous,

en

contemplant

a

propre

histoire,

e

se

souvient-il

pas

qu'il

a

été successivement

...)

théologien

ans son

enfance,

méta-

physicien

ans sa

jeunesse,

t

physicien

ans

sa virilité

»

(22).

Ainsi,

our

R. Fossier

-

comme

pour

Auguste

Comte,

a

philosophie

évolutionnistet progressiste e l'Histoireprocèded'une certaine dée

du déroulement

e la vie humaine

notamment

a

vie

mentale),

dée

selon

laquelle

l'enfance est

synonyme

e

violence,

d'ignorance,

de

naïveté

ou de fiction.

Cette idée

nous est

toujours

donnée

comme

évidente

t

universelle,

yant

'autoritédu vécu

individuel

u

collectif,

bref,

omme

un axiome

scientifique,

lors

qu'il

ne

s'agit

en

fait

que

d'un

système

de

postulats

empiriques

à

partir duquel

se

déduit et

s'autorise

e

principe

ositiviste

e

progrès, uis,

de

là,

tout

matérialisme

historique

t

dialectique.

BOHORT T

LES

COCHONS

NOIRS

Gouache

ur

toile, 977,

oll.

H.C.)Fantasme ictural e l'unde noscollaborateurs.equel

21.Cf.G. Bourdé t H.

Martin,

p. cit.,

.

71.

22.A.

Comte,bid.,

.

11.

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94

Métaphore

de l'enfance et

concept

de

progrès

:

petite

archéologie

des

philosophies

de l'Histoire

(23)

«

L'histoire

universelle

présente

donc

les

étapes

de

l'évolution

du

principe

dont

le

contenu st

la

conscience

de la liberté...

La

première

poque

dans

laquelle

nous consi-

dérons

'Esprit

doit

être assimilée à

l'esprit

enfantin.

ci

règne

a

prétendue

nité vec

la

nature que nous trouvons dans le monde

oriental

Cet

esprit

naturel

est celui

qui

demeure

ncoredans

la

nature,

ui

n'est

pas

encore

uprès

de soi

et

par

conséquent

n'est

pas

encore

ibre,

t

n'a

pas

connu

e

proces-

sus

de la liberté.

Hegel,

La Raison

dans

l'Histoire

Paris,

U.G.E., 10-18,

965,

p.

184

et 185.

La métaphorede l'enfance

L'usage

de

la

métaphore

e l'enfance

n histoire

st une

figure

éjà

ancienne

t

pour

ainsi

dire

imposée

de

la

pensée

occidentale.

De

plus,

c'est

à

la

philosophie

rançaise

lassique

que

revient

'immense

mérite

d'avoir

la

première

achevé

de briser e cercle

magique

des

éternels

retours,

our

ouvrir

a voie à l'idée

de continuité

ans

l'Histoire

par

l'effet

es

progrès

de

la

Raison,

notamment

u fait

de

la

faculté

et

propriété

u'a

la connaissance

de se transmettre

t de

s'accumuler.

Dans son

Tableau

philosophique

es

progrès

uccessifs

de

l'esprit

humain discours atin prononcéen Sorbonne, e 11 décembre1750),

Turgot

projette

de reconstituer'enchaînementes

âges

de la société

selon

une

filiation ontinue

t

nécessaire,

haque âge

étant

la cause

efficiente

e

l'âge

suivant

«

Tous

les

âges

sont

enchaînés

es uns

aux

autres

par

une suite

de causes

et d'effets

ui

lient

l'état

présent

du

monde

tous

ceux

qui

l'ont

précédé.

Les

signes

arbitraires

u

langage

et de

l'écriture,

n donnant

aux hommes

le

moyen

de s'assurer

la

possession

de

leurs dées

et de

les

communiquer

ux

autres,

nt

formé

23.Cf.

H.-I.

Marrou,

la

théologie

e

l'histoire

,

Enc.

Univ.,

970,

.

8,

p.

441

«

dans

a

pensée

de ses

fondateurs

Turgot

1751),

oltaire

1765),

Condorcet

1795) ,

la notion t

l'expression

ême

de

«

philosophie

de

l'histoirevaient ne valeurpolémiqueêtre«philosophe, c'étaitopposer

les

umières

e la raison

umaine

ux

superstitions

t

préjugés

e

l'obscuran-

tisme

t

adopter

ue attitude

ritique

t

sceptique

l'égard

de la

religion

établie

. Cette econde

partie

de 1 rticle

doit

beaucoup

un cours

poly-

copié

d'Angèle

remer-Marietti

ur e Discours

ur

l'esprit

ositif 'Auguste

Comte

1983).

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95

de

toutes les

connaissances

particulières

n

trésor commun

qu'une

génération

ransmet

l'autre,

insi

qu'un héritage oujours augmenté

des découvertes e

chaque

siècle

et le

genre

humain,

onsidéré

depuis

son

origine,

paraît

aux

yeux

d'un

philosophe

un tout immense

qui,

lui-même,,

comme

chaque

individu,

on enfance t

ses

progrès

(24).

Ainsi,

e

savoir,

e

«

trésor ommun

de

l'humanité,

ait

de

celle-ci

un

seul et même

homme,

omme Pascal

l'avait

déjà

énoncé,

dans une

for-

mule

célèbre,

n siècle

avant

Turgot

«

la même chose

arrive

dans

la

successiondes hommes

que

dans

les différents

ges

d'un

particulier.

De sorteque toute a suite des hommes, endant e cours de tantde

siècles,

doit

être

considérée comme

un

même homme

qui

subsiste

toujours

t

qui apprend

ontinuellement

(25).

Formule

que

Condorcet

et

Auguste

Comte

reprendront,

près

Terrasson

(26),

et

qui,

selon

A.

Comte,

été

inspirée

Pascal

par

«

la

marche ontinue

es connais-

sances

positives

et

explicitait

«

la

première

notion

rationnelle

du

progrès

humain,

nécessairement

trangère

toute

l'ancienne

philo-

sophie

(27).

Si

les

Entretiens ur la

pluralité

des mondes

(1686)

de

Fontenelle

constituent

e

premier uvrage

de

vulgarisation

cientifique

oulignant

les

progrès

de

la

science

et si Fontenelle

'en

prend

aussi,

avant

Ter-

rasson, u préjugéde la supériorité es « anciens sur es «modernes,

dans sa

Digression

ur les anciens

et les

modernes

1686),

omme

dans

son

Histoire dès

Oracles

(1687),

'est

Julien

Offray

e

la Mettrie

ui

écrit

le

premier

toute

la

«

phénoménologie

du

progrès

de

l'esprit

(avant

Condillac

qui

en

reprendra

e

projet)

et

qui

la

publie,

en

1745,

dans son

Histoire

naturelle 'une

âme. Cet

ouvrage

omprend

'exemple

célèbre

qui propagea

certainement

a

métaphore

de l'enfance

celui

d'un enfant

nouveau-né,

ecevant es

soins nécessaires

d'une

nourrice

muette,

ans un souterrain

eu

éclairé et

insonorisé

ù

il vit

jusqu'à

l'âge

adulte.

Cet

exemple

vait

pour

raison de mettre

n lumière

u'un

fils

d'homme,

insi

élevé,

n'aurait aucune

notion,

ni

même aucune

langue, gnorant ue les sons peuvent ignifieruelque chose,et sem-

blait

faire

la

preuve

par

l'absurde

de

la

dialectique

humaine

de la

nature t

de la raison

sans

les

sens,

pas

d'idées

et,

peu

d'instruction,

peu

d'idées

(28).

24.

Turgot,

uvres,

aris,Alean, 913,

ol.

,

p.

215.

25.

Pascal,

Fragment

un

traite u

viae,

Pensees

t

opuscules,

d. Brun-

schvick,

.

80.

26.Cf.

La

philosophie

pplicable

tous

es

obļets

e l

esprit

t de la raison

(Paris,

hez

Prault,

754)

ui

combine a formule

e

Pascal à

la

métaphore

de l'enfance

l'espèce

humaine,

omprise

omme n enfant

ui

se

développe,

doit

on

progrès

u savoir

n mouvementans

'Histoire.

27.A.

Comte,

iscours

ur l

esprit ositif,

d. Soc. Posit.

nternationale,

Paris, 898, . 93.

28. La

Mettrie

oit et

exemple

Arnobe

Adver

us

nationes,

I,

ch.

XX),

père

de

l'Eglise

260

-

327),

dont

'hypothèse

insi

proposée

vait

pour

fin

la réfutation

e la

théorie

latonicienne

e l'âme dans

'exemple

epris ar

La Mettrie

n chercherait

n vain

'idée d'une âme

divine,

éjà

savante

t

éclairée,

enant

'unir

u

corps.

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96

Cependant,

'est

Condorcet

qui

réalise

véritablement

'articulation

explicite

de la

métaphore

e l'enfance

vec

le tableau

des

progrès

de

l'esprit

humain.

En

effet,

elon une

phénoménologie

ensualiste

qu'il

condense dans l'introduction

e son

Esquisse

d'un

tableau

historique

des

progrès

e

l'esprit

humain

1794),

ondorcet

montre omment

'indi-

vidu

combine,

ompare,

ttache des

signes

aux

objets,

suivant n cela

sa

«

faculté

de recevoir

des sensations

,

faculté

développée

«

par

l'action des

objets

extérieurs

(29).

Aussi,

si

Condorcet

distingue

ce

qu'il

nomme

«

métaphysique

,

au

niveau de

l'individu,

e ce

qu'il

nomme « tableau des progrèsde l'esprit humain , au niveau des

générations,

our

lui,

les

lois du

développement

e l'individu

t celle

du

développement

es

générations

articipent

u

même

concept

de

progrès,

éritable

oint

focal de

sa

philosophie

«

Ce

progrès

des

géné-

rations)

est soumis

aux

mêmes ois

générales

qui

s'observent

ans le

développement

ndividuel

e nos

facultés,

uisqu'il

est le résultat e

ce

développement

onsidéré

n même

temps

dans

un

grand

nombred'indi-

vidus réunis n

société

(p.

76).

De

plus,

il n'est

pas

indifférent

e

relever

que

Condorcet,

omme

tout savant

d'alors,

tait

grand

ecteur

des récits

des

voyageurs.

Aussi,

connaissait-il ertainementes Relations des Iles Pelew (1793) de

Georges

Keate,

les

Voyages

en

Afrique

t en Asie

(1794)

du Chevalier

Thunberg,

es

Voyages

hez

différentes

ations

auvages

de

l'Amérique

septentrionale

an

II)

de J.

Long,

ainsi

que

les

«

voyages

qu'évoque

Rousseau

dans son

Discours

ur

'origine

t les

fondements

e

l'inégalité

parmi

es hommes

1755),

'est-à-dire

eux de

Battel,

Chardin,

Corréal,

Dapper,

Dutertre,

Kämpfer,

Kolben,

La

Condamine, aët,

Merolla,

et

l'Histoire

générale

des

voyages

citée

par

Y.

Goguet

dans son

traité

De

l'origine

es

lois des arts et

des sciences

et de leurs

progrès

hez

les

anciens

peuples

1758).

Or,

à

la

suite

de

la découverte

e

l'Amérique,

qui

pourvoit

oudain

'Europe

en

«

bons

sauvages

,

l'histoire

t l'ethno-

logie se sont constituées omme disciplines la fois parentes elles

l'étaient

déjà,

dès

l'Antiquité

recque)

(30)

et

contradictoires,

ntrete-

nant entre

elles

des relations

complexes

qui

découlent

des

positions

relatives

de

deux

catégories

ssentielles,

e

temps

et

l'espace,

dans

la

pensée

occidentale.

Tandis

que

les

progrès

de

l'homme,

ux

yeux

de

l'Occident

«

moderne

,

sont scandés

par

ceux

de

lTEtat-Nation

31),

l'ethnologie

naissante

est réservée

aux

groupes

humains

élémen-

29.

Esquisse...,

d.

Sociales, aris,

971,

.

75.

30.

Cf. F.

Hartog,

e

miroir 'Hérodote.

ssai sur

la

représentation

e

VautreParis, 980.

31.

Ainsi,

es deux

premières

hrases

e l'introduction

u

premier

hapitre

du Siècle

ae Louis

XIV

de Voltaire

«

Ce n'est

pas

seulement

a vie

de

Louis

XIV

qu'on

prétend

crire

on se

propose

un

plus

grand

objet.

On

veut

essayer

e

peindre

la

postérité,

on

les actions

d'un seul

homme,

mais

'esprit

es hommes

ans

e

siècle

e

plus

éclairé

ui

fut

amais.

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97

taires

32).

Cependant,

ès le

XVIIIe

siècle,

une

échelle

de valeur

unique

assujettit

e

«

voyage

à

l'étude

de

l'hommedans

le

temps.

Dans les

classifications

ibliographiques

lassiques,

les

récits

de

voyages

font

partie

des

livres

ď

«

histoire

: ils

en forment

ne

sous-catégorie,

consacrée la

description

es

pays

étrangers

t notamment

xotiques.

D'ailleurs,

n

rapportant

u

lecteur es

mœurs

de

populations

loignées,

le

voyageur

e cherche

pas

seulement

vulgariser

e

pittoresque

e la

différence

il ramène

de

l'espace

lointain

mais

contemporain

une

image

du

passé.

Le

sauvage

est

devenu

'enfance

du civilisé

et

l'ethno-

logie règnealors sur un enversde l'histoire, la fois immense et

marginal

c'est

le domaine

particulier

e l'oral

contre

'écrit

33),

de

l'immobile ontre

e

changement,

u

primitif

ontre e

progrès.

En

bref,

andis

que pour

Terrasson

'ordre

historique

st

analogue

à l'ordre

naturel,

'Histoire

étant

«

ordre de

raison

,

«

de

nécessité

,

de

«

mouvement

ocal

»

dans le

temps,

une

hypothèse

écessaire

34),

tandis

que pour Turgot

e moteur

e l'Histoire

st le

progrès

des

idées,

aussi bien

quant

à

la société

en

général

que pour

les sciences

et

les

mathématiques

n

particulier,

our

Condorcet,

'Histoire

possède

en

propre

un élément

dynamique.

L'Esquisse...

(1794)

se

propose

de

démontrer par le raisonnementt par les faits qu'il n'y a aucune

limite u

perfectionnement

es

facultés

humaines,

ue

la

«

perfectibilité

de

l'homme

est

réellement

ndéfinie

et

que l'espèce

humaine

s'est

constamment

modifiée

u cours

des

siècles,

dans

une

marche

vers

la

vérité

t le

bonheur,

es

deux

termes

de

l'Histoire,

ar tous

les maux

ne viennent

ue

de

l'ignorance

t

nullement

des

péchés.

Enfin,

es

éléments

moteurs

de

l'Histoire

obéissent

à des lois

que

l'observation

du

passé

humain

permet

de

découvrir

les

lignes

directrices

e l'His-

toire,

dégagées

par

Condorcet,

ont

la destruction

e

l'inégalité

ntre

les

nations,

a réalisation

e

l'égalité

entre

es hommes

à l'intérieur

d'une

nation

et

enfin

e

perfectionnement

ontinu

de l'être humain

en général.Evidemment,e progrèsde l'humanitén'est autre pour

Condorcet

ue

la marche

de

la

Raison

universelle

'incorporant

ans

chaque

événement

istorique,

t

poursuivant

ans

son ascension

cons-

tamment

e même

but,

comme

chaque

enfant

oursuit

naturellement

t

nécessairement

on

apprentissage

u contact

des

objets

extérieurs.

32.

L'

«

ethnologie

voit

son statut

cientifique

e fixer u

XVIII* siècle

etreçoit onnomd'Ampèrecf.G. de Rohan-Csermak,La premièreppa-rition u terme thnologie, Ethnologiauropea...,ol. I, 1967, ° 4, p. 170

à 184.

33.

Cf.

Michel

e

Certeau,

'Ecriture

e

l'histoire,

aris,

Gallimard,

975,

p.

215

à

248

«

Ethno-graphie.

'oralité

u

l'espace

de l'autre

Léry

,

et

L'absent

e

l'histoire,

aris,

973,

.

169 180: «Altérations».

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99

mots sont des

métaphores

t les

premières hrases

des

allégories,

t

il

montre

omment

es

prêtres

tiennent e

peuple

dans

l'ignorance

n

faisant e cette

angue

originelle

n instrument e

tromperie.

'est

que

le

progrès

de la

philosophie,

la

quatrième période,

e

progrès

des

sciences,

la

cinquième,n'empêchèrent

as

l'essor

du christianisme.

Désormais,

es

«

prêtres

dominateurs

ne sont

plus qu'un moyen

de

manipulation olitique

entre les mains du

pouvoir

les

«

Lumières

finissent e

dépérir

la sixième

période,

du

Ve au XIII*

siècle,

durant

cet

obscur

Moyen

Age

mis

en

scène,

dès

la findu

XVe

siècle

et

«

dans

les triomphes u nouvelhumanisme, par le «méprisque professait

la

jeune

culture

'Occident

l'égard

des siècles sombres

t

frustes ont

elle sortait

(36).

Au

contraire,

a

période

suivante,

du XIII«

au XV*

siècle,

voit

renaître

'énergie

u

peuple par

la réaction

ue

détermine

'intolérance

des

prêtres.Après

'invention e

l'imprimerie,

ommence

a huitième

période,

elle de

Copernic

et

de

Galilée,

celle de Bacon

aussi

-

qui

révéla

«

la

véritable

méthoded'étudier

a nature

(par

l'observation,

l'expérience

t le

calcul).

La neuvième

période,

allant

de

Descartes

«

jusqu'à

la formation

e la

République française

,

voit

«

la Raison

soulever es chaînes (p. 203).C'est alors que, dans

les

catégories

es

plus importantes

e la vie sociale, e progrès st manifeste. nfin,me

nouvelle octrine

'impose

tous,

«

la

doctrine

e la

perfectibilité

ndé-

finie

de

l'espèce

humaine,

octrinedont

Turgot,

rice et

Priestley

nt

été les

premiers

t les

plus

illustres

pôtres (p.

221).

En

définitive,

our

Condorcet,

t

d'après

l'observation

istorique,

e

progrès

des connaissances

des

sciences

notamment)

t

le

dévelop-

pement

de l'Histoire

vont de

pair

la

Révolution

rançaise

n est

un

exemple

ncontestable,

éalisant

au niveau du

citoyen

une

libération

accomplie uparavant

u

niveau de

l'esprit

p.

231

à

238).

En ce

sens,

la science

est révolutionnaire.

ependant,

oin

de

se bercerde

tableaux

apaisants,Condorcet iretoutes es conséquencesde cettepenséede la

continuité

t

du

perfectionnement

ndéfini,

n

soupçonnant

ue

la

ligne

continue

du

progrès

comprend

toutefois a

contradiction

même

du

progrès.

Outre

ce

que

l'on

peut

appeler

un

«

progrès

dialectique

,

Condorcet

postule

encore

la finitude

du

temps historique

«

Cette

oscillation

dans les

sociétés

arrivées

ce termene

serait-elle

as

ime

cause

toujours

subsistante

e

misères,

n

quelque

sorte

périodiques

Ne

marquerait-elle

as

la

limite où toute améliorationdeviendrait

impossible,

t à la

perfectibilité

e

l'espèce

humaine,

e

terme

qu'elle

atteindrait

dans

l'immensité des

siècles,

sans

pouvoir

jamais

la

dépasser

»

(p. 269).

Condorcet

devance ici le

pessimisme

des écono-

mistes ibérauxMalthus t Ricardo,pessimisme tténuécependantpar

36.

Cf.

G.

Duby,

'Ari

Mil, p.

cit., .

9.

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101

Ensuite,

pour

penser

le

développement

e

l'homme,

l a fallu

procéder

u

banissement es

causes

finales

40)

il

a

fallu

supposer

un

ordre fondamental e

la

nature,

'est-à-dire

evenir la

conception

épicurienne

e la

nature comme

fixée,

ermanente

t

stable

(41).

Ce

bannissement

es

causes finales

aisse seules subsister es différences

en

nombre,

n

grandeur,

n forme t en coordination.

r,

pour Epicure

et

Lucrèce,

a racinede la connaissance e résidenulle

part

ailleurs

que

dans

la

perception

ensible Lucrèce nie la

possibilité

d'archétypes

u

monde,

d'idées

existant de toute éternité dans des

raisons trans-

cendantes 42).

Ainsi,

'idée

d'un devenir

humain en

progrès

tient

en dernière

instanced'un

sensualisme

ui perdure,

'une certaine

manière,

usque

dans nos actuelles

«

théories

e

l'apprentissage

(nous

pensons

notam-

ment

la

psychologie

e Jean

Piaget)

(43).

Au milieu du

XVII*

siècle,

Gassendi revient ux thèses

de

l'épicurisme ntique,pour

les

opposer

à Aris ote et à Descartes

tel

est

l'objet

de

son

Manuel de

philosophie

ď E

picure

(1649),

'un des

documents fondamentaux

u

sensualisme

moderne.

Mais,

contrairement

l'épicurisme

ntique, qui

attribue

e

progrès

du

genre

humain à

l'historicité

pécifique

de l'homme

(44),

Gassendi

xpliquepar

le

même mouvement

la

fois

a transformation

incessantedes atomes et l'activitéhumaine mue par l'exigencedu

progrès.

C'est

par

que,

à

partir

du

milieu

du XVIIIe

siècle,

rationalisme,

progressisme,

ensualisme t

métaphore

de l'enfance e

commandent

les uns

les

autres.

Avec

A.

Comte, ationalisme,

ensualisme

t

progres-

sisme sont

fondus dans

le

corps

du

positivisme,

uquel

s'articulent,

au

XIX*

et

XXe

siècle,

matérialisme

t évolutionnnisme.

40.Arisotedistinguaituatre spècesde causes la cause matérielleparexemple,ansunestatue,a matière ont lleestfaite),a causeformellela

figure ue

la

statue

eprésente),

a cause

efficiente

le sculpteur),

a cause

finale

désir

de la

gloire

u

du

gain

chez le

sculpteur).

a

«

cause finale

d'une

chose est

comprise,

n

général,

omme a

fin

elle-même,

omme

a

raison 'être

e la chose.

41.La

permanence

e la substance

onfirme,

hez

Epicure,

ette

ensée

e

Démocrite

elon

aquelle

rienne vient e rien rien

e ce

qui

existe e

peut

être néanti.

out

changement

st

agrégation

u

désagrégation

e

parties

(qui

devient

e

«

rienne se

perd,

ien

ne se

crée de

Lavoisier).

es atomes

d

Epicure

béissent

une loi

mécanique,

mathématique

t dénuéede

toute

finalité.

42.

Le

livre

V,

vers469et

suivants,

u De Natura

Rerum, xpose

ette

théorie

ensualiste

e la

connaissance,

ui

amènera

onséquemment

ucrèce

à affirmer

ue

les

dimensions u soleil sont comme

notreœil

les voit

(livreV,vers 92 613).43-Cf.Centre oyaumont,héoriesulangage,héoriesel'apprentissage

le débat

entreJean

Piaget

et

Noam

Chomsky,

aris, Seuil,

1982

nouvelle

édition), .

20 à 75.

44.

Cf.

Léon

Robin,

Sur

la

conception

picurienne

u

progrès

,

Revue

de

Métaphysique

t de

Morale,

XXIII,

1916.

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102

Une autre

enfance

pour

un

autre

Moyen Age

«

Si on

pense

réellement

u'un

enfant

peut

croire

ļue uand

on

agite

un

chaton

engendre

des

quantités

de chats ou

qu'un objet peut

ne

pas

être

identique

à

lui-même,

lors,

je

ne vois

pas

quel

type

d'entraînementonce-

vable

persuaderait

'enfant

ue

le mondeest

tel

que

nous

semblons

e

percevoir.

J.Mehler, A proposdu développement

cognitif»,

ans

E. Morin et M. Piatelli-

Palmarini,

L'unité

de

l'Homme,

t.

2,

Le

cerveau humain

Paris, Seuil,

Nou-

velle

édition, 978,

.

48.

Par

ce

qui

précède,

nous

connaissons

ue

la

métaphore

e l'enfance

est au fondement 'une chaîne

déologique

particulièrement

actuelle

au sein de

«

la culture t

(de)

la mentalité

ommunes e notre

poque

»,

culture

t mentalité

rofondément arquées

par

les

philosophies

isto-

ricistes t

empirites

e

1'

«

Aufklärung

(45).

Il

importe

e

comprendre

que les différentslémentsde cette chaîneidéologique ont solidaires,

nécessaires

es uns

aux

autres,

et

qu'ils

sont

logiquement

rticulés

entre

eux.

Il

n'est

pas

aujourd'hui

de matérialisme

istorique ui

ne

comprenne,

xplicitement

u

implicitement,

u

positivisme

t de l'évo-

lutionnisme,

t

réciproquement.

e ce

fait,

a

métaphore

de l'enfance

n'est

aujourd'hui ignifiante

ue

dans un

discours

qui participepleine-

ment à cette

chaîne

idéologique

discours

dont

le

paradigme

est

le

concept

de

progrès

cf.

Tableau),

comme utrefois

XV*-XVIIIe

iècles)

elle n'était

ignifiante

ue pour

et

par

ceux

que

prêchaient

es Lumières

dont l'avènement

evait

reléguer

jamais

les valeurs

de l'Occident

médiéval et

chrétien u

rang

des

«

superstitions

othiques

.

PROGRES

,

»

Enfants

APPRENTISSAGE

Construe

i

víame

^

Adultes

Primitifs ESPACE

E

hnocentrisme

Civilisés

Anciens

TEKiPS:

Historieis

me

y

Modernes

A

partir

e cette

ocalisation

déologique

e la

métaphore

e l'enfance

en philosophie e l'Histoire t en histoire, t du fait de « l'usure et de

la mise

en

question

de

l'idéologie

du

progrès

ur

laquelle

avait misé

45.

Cf.H.-I.

Marrou,

p.

cit,,

t Noam

Chomsky,éflexions

ur

e

langage,

Paris,

Maspéro,

977,

.

19

à 23.

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103

l'Europe

de l'ère libérale

(46),

se

lèvent

quelques

questions

qui

cons-

tituent

utant

d'esquisses

convergentes

'une

critiqueépistémologique

de

l'idée selon

laquelle

le

Moyen

Age

est l'enfance

de notre

modernité

et

le

stade

primitif

e notre

société ou civilisation.

n

1949,

Claude

Lévi-Strauss ormulait

éjà

l'essentielde

ces

questions,

propos

de

l'assimilation ourante

de

la

pensée

primitive

qu'il appellera,

n

1967,

«

la

pensée

sauvage

)

à la

pensée

enfantine

47).

A

partir

de

«

la

constatation

rès

simple qu'il

n'existe

pas

seulement

des

enfants,

es

primitifs

t des

aliénés,

mais aussi

-

et

simultanément

des

enfants

primitifst des primitifs liénés (p. 103),Cl. Lévi-Strausspouvait

affirmer

ue

«

la culture

a

plus primitive

st

toujours

ime

culture

adulte

(p.

107).

De

plus,

le

fait constaté

que,

«

pour

le

primitif,

es

attitudes

u civilisé

correspondent

...)

à

ce

que

nous

appellerions

es

attitudes

nfantiles»

p.

111)

permet

de mettre

jour

et

de

dénoncer

le

mécanisme

«

d'une

illusion

subjective,

t

qui

se

reproduirait

ans

doute

pour

des

adultes

de

n'importe

uelle

culture

comparant

eurs

propres

enfants

vec des

adultes relevant

d'une culture

différente

(p.

110).

Et

Cl.

Lévi-Strauss

vance

que

c'est

la nature

même

de

l'enfance

ui

est

la

première

aison de

«

l'illusion

rchaïque

:

l'enfant,

comme

a

psychanalyse

reudienne

e

disait

déjà

à

propos

de la

sexualité,

estun « polymorphe(l'adulte tantunenfant spécialisé ) et « il n'est

pas surprenant

ue

dans

ce

«

panmorphisme

,

les différences

ous

frappent

lus

que

les

similitudes,

i bien

que, pour

une

société

quel-

conque,

ce sont

toujours

ses

propres

enfants

qui

offrent

e

point

de

comparaison

e

plus

commode

avec des

coutumes

et

des attitudes

étrangères

(p.

110 et

111).

Ainsi,

'assimilation

lassique

de

la

pensée primitive

la

pensée

enfantine

ient

de

ce

que

nous

ne

percevons

que

le niveau

le

plus

simple

«ce

niveau très

élémentaire»

p.

111)

-

d'une

pensée

pour-

tant

«

aussi

complètement

t

systématiquement

ocialisée

que

la nôtre

(p. 113).

De

que

l'adulte

Navaho

et l'adulte

médiéval ont

des

adultes

à partentière,u mêmetitre ue Cl. Lévi-Strausst R. Fossier. l n'en

reste

pas

moins

que,

pour

Cl.

Lévi-Strauss,

'enfant

demeure

encore

relativement

nfantile

si le

primitif

t l'ancêtrene

sont

plus

de

grands

46.

l ne

s'agit

pas

de

recommencer

ci la

critique

u

concept

e

progrès.

Chacun

dmet

isément

ujourd'hui

ue

ce

concept,

el

qu'il

se

cristallise

dans a

seconde

moitié

u

XVIIIe

siècle,

'est

u mieux

u'une xtrapolation

du

changement

echnique

t matériel

l'évolution

orale t

intellectuelle

e

l'humanité.

ette

xtrapolation

eut

encore

e

défendre,

ais au

titrede

postulat

on

ne

peut

a

démontrer,

i démontrer

on

contraire},

'anthro-

pologie

ontemporaine

CL

Lévi-Strauss

n

particulier)

yant

définitivement

relativisée point evue occidentalur e reste e l'humanité.e relativismeanthropologiqueientd'unecriseépistémologiqueajeure, erceptiblen

Occident

epuis

plus

d'un

demi-siècle

cf. J.-P.

Vernant,

Mythe

t

pensée

chez

es

Grecs...,

aris,

Maspéro,

965,

.

286.

47. Cl.

Lévi-Strauss,

tructures

lémentaires

e la

parenté,

aris,

2*

éd.,

1967, .

98

à

113

chapitre

II

:

«

L'illusion

rchaïque

.

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104

enfants,

'enfant st

toujours

un

primitif

niversel.

'il

est

évident

ue

«

l'enfant

résente

n très haut

développement

ocial

»

et

si

«

dès les

toutes

premières

nnées

de la

vie,

la

pensée

de

l'enfant

pparaît

avec

des caractères

complètement

t

intégralement

umains

(p.

109),

il

n'empêche

ue

«

l'esprit

de

l'enfant st

égocentrique

t

précausal

...)

en

raison de son

ignorance,

t

de l'insuffisance e

ses

expériences

rga-

nisées

(p.

107).

Pourtant,

l.

Lévi-Strauss

emarquait juste

titre

«

jusqu'à

quel

point

a

pensée

enfantine

ormalediffère-t-elle

e

façon

rréductible,

e

la penséeadultenormale, u seind'une sociétédonnée,rested'ailleurs

toujours

une

question

ouverte à

controverse

(p.

104).

De

même,

l

rappelle

un

certain nombre

de

critiques

formulées

l'encontre

du

constructivisme

e

Piaget

par quelques

autres

psychologues

L.

Deshaies,

G. Kreezer

et

K.M.

Dallenbach,

Th. Mead

Abel),

Piaget

étant

-

entre

autre

un évident

artisan

de

l'assimilation

e la

pensée primitive

u

antique

à

la

pensée

enfantine.

n

définitive,

évi-Strauss

eprenait

e

propos

de

S. Isaacs :

«

les

attitudes

ognitives

es

petits

nfants,

même

à un

âge peu

avancé,

ont,

près

tout,

rès

proches

des nôtres

(p.

106),

mais sans

poursuivre

ésolument

ans ce

sens

la

critique

de l'ethno-

centrisme e nécessitant as

alors une

critique

de

l'adultocentrisme.

Malgré

tout,

aujourd'hui,

i la

loi

biogénétique

d'A.

Serres

(1786-

1868)

elon

aquelle

'ontogénie

eproduit

a

phylogénie

st

généralement

considérée

omme

contestable,

lle

reste

néanmoins

«

une

des orien-

tations

de recherche

référées

e l'école

de Genève

(celle

de J.

Pia-

get)

»

(48)

et bénéficie

ertainement

u

fait

qu'elle

va dans le sens

«

de

la

pensée

dominante

es

quelque

trois cents

dernières

nnées,

tant

en

psychologie

u'en philosophie

(49).

Quoiqu'il

en

soit,

a

loi

de Serres

n'est

pas

plus

infirmée

cientifiquement

u'elle

n'est démontrée.

lle

reste un

postulat

possible,

à

partir

duquel

se

déduit

et s'autorise

a

métaphore

e

l'enfance,

insi

que

toute

a

philosophie

e l'Histoire

t

l'historiographieui en découlent.Ce qui est, par contre,définitive-

ment

dépassé,

c'est

l'image

classique

de l'enfance

lle-même

tous

les

travaux

récents

de

psychologie

xpérimentale,

e

psycho-linguistique,

portant

ur

le nourrisson

t l'enfant

50),

montrent

ue

le

«

dévelop-

pement

de

l'individu

e

fait

par

«

désapprentissage

,

par

perte

de

nombreuses

facultés

innées,

par

«

baisses

temporaires

de

perfor-

48. Centre

oyaumont,

p.

cit.,p.

242.

49.

bid.,

.

219.

50.Cf. en particulierC. Trevarthen,. Hubley t L. bheeran, Lesactivitésnnées u nourrisson, La Recherche, ai 1975, ° 56,p. 447 458

(vol.

VI),

et

H.

Montagner,

Communication

on verbale

t

discrimination

olfactive

hez

es

jeunes

enfants

approche

thologique

,

dans L'Unité

de

l'homme,

.

1,

Le

primate

t

l'homme,

aris,

1978,

ouvelle

dition,

.

246

à 270.

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105

mance

(51)...

Bref,

'enfancen'est

plus

ce

qu'elle

était

elle n'est

plus

un

vide

que

comble un

apprentissage

rogressif,

i

un

état véritable-

ment

tranger

l'âge

adulte

(52).

Or,

il

est à

parier que

si l'assimilation e la

pensée

ou

mentalité

médiévales

ux

pensées

ou

mentalités

rimitives

t infantiles

erdait

toute

possibilité

d'être

péjorative,

elle

perdrait

du même

coup

sa

raison d'être et cesserait d'être

le lieu commun déterminant 'une

historiographie

oderne et

positiviste.

Alors,

a mentalitémédiévale

devenant out à la

fois

respectable

t

objet

de

science,

u

même titre

que la pensée de l'enfant t que « la pensée sauvage , l'histoire

comme a

psychologie

t

l'anthropologie

ctuelles

-

s'échapperait

u

cercle vicieux des discours

«

hétérologiques

(53)

qui

n'ont

d'autre

motif

ue

de se

produire

eux-mêmes.

'histoire

participerait

nfin

«

la nouvelle alliance

que

constitue e

projet

d'une

«

anthropologie

fondamentale

(54),

répondant

la

question

de Marc

Bloch

«

Il

n'y

a

donc

qu'une

science des hommes

dans le

temps,

et

qui

sans

cesse

a besoin d'unir l'étude des

morts

à celle

des vivants. Comment

l'appeler

»

(55).

1

51. E. Morin

t

M.

Piatelli-Palmarini,

'Unité e

l'homme,

.

2,

Le cerveau

humain,

aris,

1978,

ouvelle

dition,

.

17 à 95. Cette nversion u

propos

communur

e

dévelopement

e l'individu

orrespond

une autre nversion

d'après

es

rechercheses

plus

récentes n

psychologieognitive,

a

pensée

rationnelleeraitpré-symbolique,t non l'inverse cf. Dan Sperber, Lapensée ymboliquest-elle re-rationnelle, dans La Fonction

ymbolique

(ouv.

ollectif),aris,

Gallimard,979,

.

17

à

42,

insi

que

les

p.

357 372

de

Centre

Royaumont,

p. cit.,

et René

Thom,

Modèles

mathématiques

e

la

morphogénèse,

aris,

Ch.

Bourgeois,

980

nouvelle

dition) .

261 277.

52. L'idée

que

le

MoyenAge

e

faisait

e l'enfance

faible

différenciation

entre

'enfant t

l'adulte)

n'était

peut-être

as

aussi

fruste

u'on

le dit

souvent,

uisque

'enfant

pparaît ujourd'hui

ouvent

lus

adulte

t

l'adulte

plus

enfantin

u'on

ne

voulait e croire

epuis

a

findu XVII* siècle.Outre

Ph.

Ariès,

'enfant

t la

vie

familiale...,

aris,

Seuil, 1973,

f. J. Le

Goff,

«

Images

e

l'enfant

éguées

ar

e

Moyen ge

,

Les cahiers

ranco-polonais,

1979,

.

139

155,

t P.

Riché,

L'enfant

u

MoyenAge

,

L'histoire,

°

18,

déc.

1979,

.

41 à

50.

53.Cf.M. de

Certeau,

'absent e

l'histoire,

aris, 973,

.

171 180.

54.Nouspensonsnparticulierla perspectiventhropologiqueuverte,en France, ar E. Morin Le paradique erdu la naturehumaine, aris,

Seuil,

1973 avec M.

Piatelli-Palmarini,

'Unité e

l'homme,

aris, euil,

1974

Centre

oyaumont,p.

cit.

55.

M.

Bloch,

Apologie

our

'histoireu métier

'historien,aris,

nouvelle

éd.,1974,

.

50.

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Michel PASTOUREAU

COTÉ

VERT

ET COTÉ

GRIS

S'asseoir à la Bibliothèque nationale, travailler, lire,

écrire,

dormir,

rêver,

se souvenir

d'avoir

aimé

Les

lieux

fréquentés

ar

les

chercheurs

ont

souvent

des

lieux

à

forte

charge

onirique.

En ce

domaine,

a

grande

salle

de

lecture

du

département

es

Imprimés,

la

Bibliothèque

nationale,

st

probable-

ment e

lieu

parisien

e

plus

fortement

chargé

: architecture

erro-

viaire, mobilier « victorien (parfois «mussolinien), sonorité de

piscine,

umière

crépusculaire.

ue

ce soit

pour

s'en

réjouir

ou

pour

s'en

scandaliser,

nombreux

ont

toujours

été

les

commentaires

ur

l'atmosphère

isuelleou

sonore

voire

olfactive)

e

cette

salle.

L'organisation

de

l'espace,

en

revanche,

n'a

guère

suscité

de

remarques

u

de

critiques.

Ce

silence

est

d'autant

plus

étonnant

ue

cet

espace

est structuré

e

manière

subtile

et

contraignante,

t

qu'il

conditionne

on seulement

e

travail

de

lecture

des

chercheurs,

eurs

déplacements,

eurs

facilités

'accès

aux

catalogues

et

aux

usuels,

mais

aussi leurs

capacités

de

concentration,

eurs

chimères,

eurs

états

d'âme.

D'où l'idéed'une timide nquêtepourchercher savoirqui s'assiedoù,

qui

a des

préférences

t

qui

n'en

a

pas,

qui

demande

telle

ou

telle

place, qui

choisit

telle

ou telle

zone,

qui

exige

tel

ou

tel

côté

(1).

Car

il

y

a deux

côtés

dans

la

grande

salle

de travail

de

la

Bibliothèque

nationale

un

côté

vert

droite

orsqu'on

entre)

et

un côté

gris

gauche).

Et

le résultat

e

plus pertinent

e

l'enquête

a

été

de mettre

en

valeur,

au-delà

des

petites

manies

de

chacun,

'existence

de deux

camps

bien

marqués

il

y

a des

chercheurs

erts

et

il

y

a des

cher-

cheurs

gris.

1.Je ne connaispas d'enquête emblable oncernant

'autres

ieux

de

rechercheu de documentationréquentésar des médiévistes,i même,

plus généralement,

ar

des

historiens,

a

grande

alle

de

travail

u

Depart-

ment

f

Printed

ooks,

la

British

ibrary

e

Londres,

vec

sa structure

n

étoile,

a

luminosité

e

paquebot

t ses

couleurs

astel,

e

prêterait

rèsbien

à une

telle

pproche.

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107

Vert et

gris

Dans

l'histoire de

la

sensibilité

emblématique,

u'elle

soit

fran-

çaise

ou

européenne,

e

vert

t le

gris

n'ont

amais

entretenu e

rapports

d'association

ou

d'opposition

remarquables.

Et

c'est un

couple

de

couleurs

dont la

signalisation

ontemporaine

e

se sert

pour

ainsi

dire

amais.

On

lui

préfère,

ien

évidemment,

es

systèmes

lanc/noir,

blanc/rouge,

oire

rouge/bleu.

Alors

d'où vient

qu'à

la

Bibliothèque

nationale

e

lecteur

qui

franchit

e

seuil de la

grande

salle de

lecture

reçoive neplaquette erte u uneplaquette rise,ndiquant onnuméro

de

place

et

déterminant

ar

même

e côté

il

doit s'asseoir

côté

vert

1

à

180)

ou

côté

gris

181à

360)

?

La

réponse

est

donnée

par

l'histoire

immobile

des bulletins

servant

demander

es

livres.Ces

bulletins ont

aujourd'hui

verts ou

gris

selon

que

l'on

est

assis sur

le côté

droit ou

sur

le

côté

gauche.

Bien

que

de

format

utre

et de

typographie

ifférente,

es bulletins

étaient

déjà

verts

ou

gris

l

y

a

vingt

ns,

il

y

a

cinquante

ns,

il

y

a

plus

d'un

siècle.

Les

plus

anciens

qu'il

m'ait été

donné

de retrouver

avec

ces

couleurs,

atent n

effet

e la

findu

second

Empire

2).

Pour-

quoi

verts et

gris

Je

ne

suis

pas

en

mesure de

répondre.

J'observe

simplementue ce sont dès cetteépoque, et aujourd'huiencore,des

verts

et

des

gris peu

soutenus,

délavés,

«

pisseux

.

Probablement n

aurait-il

té de

même

s'il

s'était

agi

de

jaunes,

de

beiges

ou

de

roses.

Sous leur

tonalité

délavée,

ce

sont

là,

depuis

fort

ongtemps,

es

cinq

couleurs

ordinairesdes

cartonnages 'imprimerie,

es couvertures e

tirés

à

part,

des

étiquettes

t

des

bons de

toutes

natures. Verts et

gris Pourquoi

pas.

Ce

que

l'historien oit

en

revanche

ouligner

'est

la

longue

durée,

la

très

longue

durée de la

fonction

mblématique

des

couleurs,

pour

les

lieux

comme

pour

les

personnes.

La

Bibliothèque

nationale,

sa

grandesalle de lectureet ses lecteurs semblent insi à tout jamaisemblématisés

ar

le vertet

par

le

gris.

l

s'agit presque

d'un

drapeau.

Et seul

les

révolutions

ici

l'informatique

)

peuvent

changer

les

drapeaux.

Qui

s'assied où ?

A

la

Bibliothèque

nationale

plus

de 80

%

des

lecteurs sont

des

historiens

u des

personnes

s'adonnant

à

des

recherchesde

nature

historique pourcentage onsidérable, ffrayant ême,mais dont ni

2. Je

dois

remercierci

mes amis

conservateurs

ui

m'ont

idé dans ces

recherchest

qui

ont

facilité

mon

enquête

Maxime

réaud,

Michel

opoff/

Patricia

Mulhouse,

lfred

ierro,

ominique

oq.

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108

l'administration

e rétablissement

i ses différents

inistères

e tutelle

n'ont

amais

voulu tenir

ompte

3).

Et

parmi

ces

historiens,

es

médié-

vistes, urieusement,

nt

longtemps

majoritaires.

l

serait

intéres-

sant

de chercher

savoir

pourquoi

absence à

Paris

d'une

grande

bibliothèque pécialisée

dans

les études

médiévales

4)

(ce qui

n'est

le

cas ni

pour

l'Antiquité

i

pour

l'époque

moderne

ou

contemporaine

Formation

chartiste

d'un nombre

mportant

e

conservateurs

Ou

surtout

présence,

u

premier

tage

de

la

Bibliothèque,

e

la salle

de

travail

du

département

es

Manuscrits

autre

ieu

onirique

de

la médié-

vistique,plus feutré, lus confiné,mais tout aussi « atmosphérique)

et

donc

possibilité

pour

les

médiévistes

d'aller

le

même

jour

dans

les deux

salles

?

Mais

là n'est

pas l'objet

de

la

présente

nquête.

Celle-ci

ne concerne

que

la

géographie

e

la

grande

salle

de travail

des

Imprimés,

t se

propose

seulement

de

répondre

à cette

question

qui

s'assied

?

Pour

ce faire

e

n'ai

(sauf

quatre

exceptions)

nterrogé

ue

des

médié-

vistes,

n tout

une

cinquantaine

parents,

mis,

collègues,

onnaissances,

inconnus.

'enquête

été

totalement

mpirique

et

donc

d'autant

plus

performante

).

Les

interrogations

nt

surtout

onsisté

n

conversations

débridées,

ans

les couloirs

de

la

Bibliothèque,

ans

la

rue,

dans

le

métro, u café,ailleurs.J'ai souventeu du mal à faire comprendre

mes

questions.

J'ai

parfois

encontré

'indifférence,

e

mépris

u

l'agres-

sivité.A

cela d'une

part

le caractère

«

futile

,

«

ridicule

,

voire

«

poli-

cier» de

ma

problématique

«qui

s'assied

où »);

d'autre

part,

la

dégradation

es conditions

e travail

à

la

Bibliothèque

nationale

ces

dernières

nnées,

t

le discours

nécessairement

iolent

ue

cela

entraîne

chez ses

usagers.

Toutefois,

ce

sujet,

il faut

remarquerque

cette

dégradation

indéniable

-

a eu

pour

le

problème

qui

m'occupe

des

conséquences

avorables

moinsde

lecteurs,

moins

d'attente,

avan-

tage

de

sièges

disponibles,

donc

possibilités

accrues

de choisir

sa

place,sa zone,son côté.

Car

il va

sans

dire

qu'à

la

Bibliothèque

nationale,

hoisir

sa

place

ou

son

côté

est un

luxe

que

l'on

ne

peut

s'offrir

u'à

certaines

heures,

tôt

le

matin,

ou

après

le

milieu de

l'après-midi.

ntre

10 heures

et

16

heures,

l

faut se

contenter

e

rêver

de

pouvoir

choisir

a

place,

et

à

la

question

posée

répondre

non

pas

«

je

m'assieds

ici

»,

mais

«

j'ai-

merais

m

asseoir

là-bas

.

3. Je

pense

n

particulier

ux

expositions

rganisées

ar

la

Bibliothèque

nationale

elles

se veulent

resque

toujours

littéraires

,

parfois

«

artis-

tiques , jamais «historiques. Et, de fait, a problématiqueistorique,udumoinsa problématiquees historiens'aujourd'hui,esttoujoursbsente.

Un

accord

même

passé

avec es

Archives

ationales,

ui

seules

uraient

compétence

our

organiser

es

expositions

istoriques

4. La

Bibliothèque

e l'Ecole

des

chartes,

ui

pourrait

emplir

e

rôle,

st

réservée

ux

seuls

élèves

t

anciens

lèves

de

cette

cole.

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109

Préoccupations

érudites

?

Demander

une

place

précise,

lorsqu'on

arrive

tôt le

matin,

que

cela est

encore

possible

et

que

le

préposé

à la

distribution

es

plaquettes

est

bienveillant,

st une

«

manie d'un

autre

âge

».

Aucun

médiéviste e

moinsde

cinquante

ns

ne semble voirune

telle

exigence.

Elle

n'est

pas

si

rare,

en

revanche,

hez les

chercheurs

lus

âgés,

et

paraît

constituer

e

reliquat

de

pratiques

utrefois

quand

?)

courantes.

Un cas

limite

est

représenté

ar

la

singulière

lace

n° 90

(côté

vert,

contre 'allée centrale)qui susciteune affection lurielle deux cher-

cheurs a

revendiquent.

'un

d'eux

(moderniste,

l

est

vrai)

a

accepté

de

répondre

mes

questions

t

m'a

expliqué que

c'était

probablement

là l'endroit

ui

le

protégeait

e mieux

des

importuns

irculantdans

l'allée

centrale.

Cette

place

est

donc une

cachette

il

y

en a

d'autres,

à

mon

avis

plus

efficaces)

mais elle

présente

un

inconvénient le

bruit.

Encore

qu'il

soit

permis

de se

demander si le bruit

est

réel-

lement

une

gêne

dans une

bibliothèque plusieurs

médiévistes

ont

affirmé

ue

cela ne les

dérangeait

ucunement

et certains nt

même

poussé

le

paradoxe

aujourd'hui

banal)

jusqu'à prétendre

ue

ce

bruit

lancinant t

cotonneux

ui

règne

dans

la

grande

salle était

indispen-sable à leurconcentration.

Plus

fréquente ue

la

demande

de

place

est la demande

de

zone.

On

souhaite tre

assis non

pas

à telle

ou telle

place précise

mais

près

de tel

ou tel

endroit.

a

raison

généralementnvoquée

est

la

proximité

de

telle ou

telle

catégorie

d'usuels.

Raison

pratique,

un

peu

décevante,

mais

inévitable.

ourquoi

es

chercheurs

nt-ils esoin

d'être assis

près

des

usuels dont ils se servent Pour

ne

pas

perdre

de

temps

Pour

«

ne

pas déranger

?

Pour se

sécuriser Pour

surveiller

eurs

petites

affaires On ne le saura

jamais

car ils

ne

parviennent

uère

à

s'expli-

quer

clairement ur

ce

point.

C'est

comme

ça.

Cela

semble faire

partie

de la règledu jeu, des conventionsu lieu. l en estcependant uelques-

uns,

peu

nombreux,

n

peu

menteurs,

n

peu

«

frimeurs

,

qui

affirment

souhaiter tre assis

loin,

très oin des

usuels

qu'ils

utilisent. cela

des

préoccupations tratégiques

se

lever, circuler,

bserver,

e

montrer.

Nous

entrons

à

dans

une

nouvelle

catégorie

de

motivations,

moins

studieuses,

lus

affectives.

Stratégies

du désir

?

Les

médiévistes,

n

effet,

e vont

pas

à la

Bibliothèque

nationale

seulement

our

travailler. ls

y

vont

aussi

pour

voir,

pour

être

vus,

pour

rencontrer,

our

«

draguer

. Et

pour

ce

faire

l

y

a

des

places,

des

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8/9/2019 Medievales - Num 7 - Automne 1984.pdf

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110

zones

et,

surtout,

n côté

le côté

vert.

C'est le côté

où Ton ne travaille

pas,

ou

peu.

C'est le côté le

plus proche

de

l'escalier

qui

descend à

la

salle

des

catalogues.

tratégiquement,

'est

que

l'on

observe

e

mieux

les

allées

et venues des autres

lecteurs,

eurs

gesticulations,

eurs

débauchesde

signes

qui

se

lève,

qui

passe,

qui

va

où,

qui

parle

à

qui

(tous

es

médiévistes,

n le

sait,

sont

des

«

concierges

)

?

C'est

là aussi

-

quoi

qu'en

disent es locataires de

la

place

90

-

que

les chances

d'être

remarqué,

'être

sollicité

ont les

plus grandes.

Et

c'est souvent

ce

que

l'on

espère

quand

on est

un

tenant

du côté vert.

D'où l'aversion rèsgrandedes fidèlesdu côté gris pour cet espace

vert,

ruyant, gité,

mbouteillé,

angereux.

e côté

vert c'est

«

le côté

du

cirque

,

la

«

saturnale

permanente

( ).

Et,

de

fait,

on ne

drague

pas

à

gauche (gris)

mais

à

droite

vert).

Dans

ce

but,

les

meilleures

places

sont es

places

périphériques

la

première

t

la

dernière

angée

dans leur

totalité,

u

bien les

places

situées

aux

deux extrémités

e

chaque rangée

(dont

la fameuse

place

90

).

On

peut

aussi

opérer

debout.

Dans

ce cas le lieu le

plus

propice

est

situé devant

es usuels

«

dictionnaires

e

langues

(tout

de

suite

à

droite,

en entrantdans

la

salle).

Derrière e

long

pupitre,

n faisant

semblant

de

consulter

le

dictionnaire

e Du

Cange,

ou

celui de

Godefroy,

n

dispose

d'un

observatoire rivilégié our regarder, rendre on temps,choisir, e

préparer.

ans

avoir des desseins

aussi

peu

érudits,

'est

également

à

l'endroit

e

plus

efficace

our

chercher

uelqu'un

et le trouver.Du

côté

gris

on est

presque

toujours

bredouille

uand

on tente

de

repérer

un

collègue

ou un

ami. Les

lecteurs,

ous

assis,

ont la couleur

du lieu

vestimentairement,

harnellement

scientifiquement

)

ils sont

tous

gris

(d'où

l'utilité

es

écarts

chromatiques

ans

le vêtement

orsque

'on

est

assis

dans cette

moitié).

En

face,

du côté

vert,

es

lecteurs,

ont

beau-

coup

sont

debouts,

ont

moins

uniformes,

lus

bariolés,

plus signalé-

tiques.

Le

repéragey

semble

plus

aisé.

Au-delàde

ces

comportements

ociaux

et

stratégiques,

ne autre

motivation,lus égoïsteet plus émotionnelle,xpliqueque l'on puisse

avoir

telle ou

telle

préférence.

'est la

joie

de retrouver

e

connu,

chère toutes

es

psychanalyses.

lusieurs

médiévistes,

ue

l'on

pourrait

qualifier

e

«

proustiens

,

aiment

ainsi s'asseoir

près

de

la

place

ou

dans

la

zone

ils se

sont assis

la

première

fois

qu'ils

sont venus

travailler

la

Bibliothèque

nationale. ls

éprouvent

eur

plus grand

plaisir

et

je

reste

persuadé

que

l'on

peut

venir n ce lieu aussi

pour

se faire

plaisir

-

non dans

la nouveauté

mais dans

l'habitude.N'inno-

vons

jamais

Esthétique de l'indifférence?

Reste,

l'opposé,

es

indifférents,

eux

qui

ont

fait

semblant

de ne

pas comprendre

a

question

posée,

ou

qui

ont

affirmé

'avoir aucune

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Ill

préférence,

rendre

e

qu'on

leur

donne,

'y

trouver

ien,

s'y

trouver

mal,

peu

importe.

Ces

médiévistes-là

e sont

pas

majoritaires,

mais

ils forment

éanmoinsun

groupe

relativement

mportant

Et

ils se

mettent

n colère

quand

on

leur fait observer

u'être

ndifférent

'est

une

façon

de vouloir e

démarquer,

onc

d'être

nfluencé

ar

les

autres,

par

ceux

qui

ne sont

pas

indifférents

t

au

groupe

desquels

on

ne veut

pas

se

joindre.

Ces

médiévistes-là

nt

été

les

plus agressifs

l'un

-

ou

plutôt

'une

-

d'entre

ux

a

qualifié

mon

enquête

de

«

fascisante

)

et

les

plus

volubiles

pour

discourir

ur

la

scandaleuse

dégradation

des

conditions e travail à la Bibliothèquenationale.Quelques-uns,ssez

nombreux,

nt

refusé

u

chercheur

e

droit

d'avoir

des

préférences,

e

se

faire

plaisir,

voire

e

simple

droit

de

se raconter.

D'autres

ont

nié

tout

rapport

affectif

ntre

le chercheur

t les

lieux

qu'il

fréquente.

Pour

eux,

la

grande

salle

de lecture

de

la

Bibliothèque

nationale

ne

véhicule

ucune

palpitation,

ucune

charge

onirique,

ucune

dimension

magique.

C'est

«

seulement

n

lieu

de travail

(faut-il

ire

ici

«

on

croit

rêver

?).

Chez

quelques

étudiants,

nfin,

n

remarque

non

pas

l'indifférence

mais

une

volonté

délibérée

de

multiplier

es

expériences,

'essayer

es

deux

côtés,

de

vérifier

es charmes

et les

inconvénients

es différentes

zones,de tester outes es places.Attitudeoyeuse, eune,enthousiaste,

parfois

ainement

rovocante.

u'en

restera-t-il

ans

dix

ans,

lorsqu'ils

seront

devenus

des

chercheurs

lasés,

des

lecteurs

grincheux,

es

uni-

versitaires

aniteux

t

insupportables

Pour

le

savoir

donnons-nous

endez-vous

ans

dix

ans,

avec

le

numéro

de Médiévales

qui

paraîtra

dans

le second

semestre

de

1994.

La

revue,

ertainement,

xistera

ncore,

fructueuse,

uxueuse,

lorieuse.

Mais

la

Bibliothèque

ationale

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Patricia

MULHOUSE

JEUX

(jeux)

«

La

civilisation

médiévale

st une

civilisation

u

jeu

».

Cette

phrase

aujourd hui

un

peu

défraîchie

longtemps

leuri ous

la

plume

des

meilleurs

uteurs.

Je n ai

eu

aucune

difficulté

our

la

cueillir

et

la

placer

en

exergue

de

cette

page

annonçant

a création

d une rubrique«Jeux» dans les prochaines ivraisonsde Médiévales.

Cette

rubrique

e

veut

souple,

ouverte,

ébridée.

Elle se

propose

d abord

de

présenter

n

certain

nombre

de

jeux

de

société

je

prends

ette

expression

ans

un sens

large)

médiévaux,

en

expliquer

es

règles

et

les

pratiques

sociales,

d en

retracer

a diffusion

dans le

temps

t

dans

l espace,

d en

souligner

a

portée

nthropologique.

Elle

essayera

également

de

soumettre

nos

lecteurs

un

certain

nombre

de

problèmes,

d énigmes,

de

grilles,

de

casse-tête,

de

jeux

modernes

ur

les

jeux

médiévaux.

Peut-être era-t-elleussi tentéede franchire gué qui sépare le

mélange

des

jeux

du

mélange

des

genres

Le

milieu

des

médiévistes,

les structures

niversitaires,

e

monde

de

l érudition

euvent

e

révéler

des

terrains

e

jeux

étonnants

our

qui

sait

en

transgresser

es

règles

et

voyager

dans

l au-delà

de

la recherche

t

de

l enseignement.

es

structures

e notre

univers

cientifique

emblent

e

prêter

aux

rêves

et

aux

dérives

es

plus

ludiques.

Toute

littérature

idactique

est

une

littérature

évasion.

Les

médiévistes

ont-ils

oueurs

?

Les hommes t

les

femmes

du

MoyenAge

l étaient.

Qui

veut

ouer

avec

eux? Ce sont

d agréables

compagnons

de

jeu.

Même s ils sont

parfois

un

peu

tricheurs.

Mais

nous

le

sommes

ussi...

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NOTES

DE

LECTURE

Jeanne

ourin

Les recettes e

Mathilde

Brunei,

uisine

médiévale

our

table

d'aujourd'hui,

aris,Flammarion,

983,

48

pages.

La cuisine des châteaux-forts

à

l'usage

des

ménagères

modernes...

Après

e succès de

son

roman

La Chambredes Dames

dont

'intrigue

se

situe

au

Moyen

Age,

J. Bourin

pour

répondre

ux

nombreuses

ettres

de ses lecteurs eu l'idée de

composer

un

livre

de recettes

de cuisine

médiévaledont

le sous-titre

Cuisine médiévale

pour

table

d'aujour-

d'hui

précise

d'emblée

a

portée.

Dans une édition

gréablement

onçue,

lle

nous

propose

160

recettes,

extraites e

cinq

textes ulinairesmédiévaux

ccompagnées

d'une

pré-

sentation

apide

et

de

quelques pages

de

remarques.

Nous

ne nous

appesantirons as

sur ces brefstextes ntroductifs

ont e seul

mérite

est d'exister. n effet,a présentationui prétendnous instruireur le

repas

médiéval n'est

qu'une

mise

bout

à

bout d'un certain

nombre

d'idées

reçues,

de lieux communs

t de

quelques

connaissances

écentes

dans le

domaine,

ans

le moindre

ssai de réflexion u

d'analyse.

Mais

le

but

de J.

Bourin

était

de faire

un

livre

de cuisine

s'adressant

ux

ménagères

'aujourd'hui

t non

un livre

d'histoire.

En

revanche,

uivanten cela le

parti-pris dopté par

ses

prédéces-

seurs

canadiennes C.B. Hieatt et S.

Butler,

auteur de

Pain,

vin et

venaison,

un livre de

cuisine médiévale

(Montréal,

L'Aurore, 1977),

J. Bourin ffre

ortheureusement son lecteur e texte n

langue origi-

nalede chacunede ses 160recettes uivid'une nterprétationermettant

son exécution

ans les conditions

ui

sont celles de nos cuisines

d'au-

jourd'hui.

aluons

comme

l

le

mérite

et effort

e mise

à

la

portée

d'un

grandpublic

de textes

ntrouvables

t difficilest ce

souci

de

guider

e

lecteurdont

on

imagine

mal

qu'il

puisse

se

dépêtrer

irectementvec

les textes sans

l'aide d'une version

adaptée.

Mais,

tout le

problème

de

cet

ouvrage

réside

dans la

manièredont est menée cette

adaptation

et dont

J. Bourin

repense

en

quelque

sorte a cuisine

médiévale.

Tout

d'abord,

pour permettre robablement

cette cuisine

«

an-

cienne

d'entrer

de

plain-pied

dans nos

usages,

J. Bourin donne un

planmoderne son livredivisé n « Potages, ntrées, oissons,Viandes,

Volailles,Gibiers,

égumes,

Desserts,Sauces,

poudres

et

préparations,

Boissons

,

ajoutant

pour

le

plaisir

un

chapitre

de

«

Recettes

mpos-

sibles

»

et

de

«

Trucs et

astuces . Elle

a donc

sélectionné

u fil des

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114

traités

médiévaux

es

recettes

ui

pouvaient

onvenir

nos

catégories

actuellesde

plats.

Et ce choix ui fait

perdre

du même

coup

la

première

occasion

d'instruire on lecteur

sur la

conception

du

repas

médiéval,

radicalement ifférente

es

nôtres,

puisque par exemple,

e

rôt,

caté-

gorie

disparue

de nos menus actuels

en était e

pivot,

t

que

les entre-

mets,

pparaissant

près

le rôt

ne

correspondaient as

nécessairement

aux

plats

sucrés

qu'ils

sont devenus

ujourd'hui.

D'ailleurs,

e livre entier est une occasion

perdue

pour

le

lecteur,

qui,

s'il

ajoutera quelques

recettes

xotiques

à

son

répertoire,

'aura

quasiment

rien

appris

sur la cuisinemédiévale.Car J. Bourinn'a pas

compris

qu'une

cuisine d'une

époque

ou d'une contrée

quelconque

ce

n'est

pas

seulement

ne liste

de

recettes,

mais

que

c'est

un

ensemble

structuré

ont

l

faut mettre

jour

les

règles

de

combinaison

cer-

tains

ont

même

parlé

de

grammaire

ulinaire

-

pour

en saisir

la

signification

t

pouvoir

n

jouir

et

en

jouer.

D'une manière

générale,

e

qu'on peut

donc

reprocher

J. Bourin

ce n'est

pas

d'avoir

choisi et

adapté

des recettes

médiévales,

mais de

l'avoir

fait

n'importe

omment,

'est-à-dire

ans souci

réel

du

contexte

historique

t sans

respect

du

texte

ui

devient

implement

n thème

partirduquelelle exécutedes variations. ourquoi pas Mais il aurait

alors

fallu ntituler

'ouvrage

Ma cuisine médiévale

et

ne

pas

laisser

croire

que

l'interprétation

onnée de

chaque

recette tait

la

plus

litté-

rale

possible compte

tenu des

nécessités ctuelles.

Les

textes

ulinaires

médiévaux

ont

parfois

i

allusifs,

es

mesures

si

souvent

absentes

qu'il

est

nécessaire de

les

«

traduire

pour

le

lecteurnon

médiéviste.

Mais,

plus

on a de

connaissances ur

la cuisine

médiévale

n

particulier

t sur

l'histoirede

la cuisine

en

général,

t

plus

on a de chances

de

proposer

une

version

«

vraisemblable

de ces

recettes.

t

malheuresuement,

uand

on

constate 'étendue

des lacunes

de J. Bourinen la matière, n n'estguèretentéde lui faire confiance.

Quelques

exemplespris

au hasard suffiront

illustrer eci

Si l'on en

croit

'interprétation

ue

fournit

J. Bourin de

la recetteChaudun

de

porc

devenue ous

sa

plume

Saucisse au

gingembre,

lle n'a

même

pas

lu

avec

attention

e

Ménagier

e Paris

(dont

elle tire

un

grand

nombre

de

recettes)

ui

dit

clairement

ue

«

le chaudun e

sont es

boyaux

...)

et aussi

sont-ce

es

boyaulx

menus sont

l'en fait boudins

et saucisses

et

aussi

en

est

la

pance

»

(

M.P.,

éd.

Brereton,

.

31).

Le chaudun

de

porc

est

une recette

de

tripes

et non

de saucisses De

même,

es

dictionnaires

ous

apprennent

ue

la

petite

ce

n'est

pas

une

petite

oie comme

le

suppose

J.

Bourin,

mais

les

abattis de

l'oie,

ce

qui

donneun contenu iendifférentu Potaged'unepetite é que J.Bourin

imagine

tre

une

Oie

rôtie

la

sauge.

D'autres erreurs

plus grossières

sont

probablement

ues à

la

négligence

lus

qu'à

l'ignorance.

omment

J.

Bourin,

crivain

pécialisé

sur le

Moyen

Age, peut-elle

éduire son

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115

explication

de

«

à

jour

de

poisson

à

«

en

carême si

ce n'est

par

facilité.Et

c'est

probablement

our

des

raisons

identiques

que

la

recette

Rissoles à

jour

de

poisson

est étourdiment

losée

Petits

pâtés

de

porc.

De même

pourquoi

commenter

'illustration

ntitulée

esticuli

et

représentant

eux

femmes

pprêtant

rois

coqs

-

les

crêtes

rouges

témoignent

'elles-mêmes

l'une tenant la

main

un saladier

rempli

de ce

qui

semble

effectivement

tre

des

rognons

blancs,

par

«

Bien

avant Henri

V,

la

poule

au

pot

était à

l'honneur... t

au

menu

Il est dommage ussi que notreauteur n'ait pas pris la peine de

s'informer

uprès

d'un

bon

épicier

de la

gamme

d'épices

vendues

à

Paris. Elle aurait ainsi

appris

que

la

maniguette

'achète

couramment

chez certains

piciers pécialisés

t

que

le

garingal

e trouve

fraisdans

grand

nombre

d'épiceries

siatiques

et séchés

parmi

es

produits

d'épi-

cerie

fine.

Cela

lui

aurait

évité

de

remplacer

a

maniguette

ar

de la

cardamone alors

que

la

maniguette

une saveur

plus

poivrée

que

parfumée

t le

garingal

par

du

gingembre

t

de l'eau de

rose

parce

qu'elle pense

-

qui

sait

pourquoi

-

que

le

garingal

st

un

rhizome

ressemblant

u

gingembre

t au

goût

de rose très

prononcé

N'ayantpas cherché comprendreéritablemente qui caractérisait

la cuisine

médiévale,

mais

sachant

comme

tout

un chacun

que

les

épices

en sont

un élément

obligé,

J.

Bourin,

à

l'instar de

la

plupart

des auteurs

de

livres similaires

u

sien,

les met à toutes

les

sauces,

comme

si

l'abondance

et

la variété des

épices

constatées

utorisaient

qu'on

les utilise

sans

règles.

Ainsi,

lle associe

le

poivre

au sel

comme

nous

en avons

l'habitude

ujourd'hui,

faisait

abstraction

de son

exis-

tence

ou

de son

absence

dans

le texte

original.

lle

«

oublie

»

certaines

épices,

mais

pas

de

manière

systématique

i bien

qu'il

est

difficile

de

comprendre

es

raisons.

La

maniguette

u'elle

remplace

donc

par

la

cardamone

st

absente

de

la

Soupe

à

l'oignon

u

de

la

Soringue

d'an-

guillealors qu'elle est mentionnée ans le texteoriginal.De mêmele

poivre

ong,

pour

lequel

elle

choisit comme

équivalent

e

poivre

de

cayenne,

n'apparaît

pas

dans

la Tourte ď

espinoches

ou

la Gelée

de

poisson.

Même

si le choix

du

poivre

de

cayenne

comme

substitut

u

poivre

long

n'est

pas

très

heureux

-

le

poivre

de

cayenne

malgré

son

nom

est

un

piment

qui

ne

parviendra

en

Europe qu'après

la

découverte

des

Amériques

pourquoi

ne l'utilise-t-elle

as

chaque

fois

qu'il

apparaît

dans

la recette

riginale

La noix de

muscade,

peut-

être

parce

qu'elle

s'appelle

«

noix

muguette

est la

plus négligée.

Elle

est

presque

toujours

oubliée,

de

même

que

le sucre

orsqu'il

ntredans

la

composition

e

plats

considérés

omme

salés

par

J. Bourin.

Mais,

le

plus surprenantst encore 'ajout d'épicesnon mentionnéesu la sup-

pression

de

certaines

fort

courantes

au

profit

d'autres.

Pourquoi

le

cumin

prend-il

out

à

coup

la

place

de la

cannelle,

du clou de

girofle

et

de

la

graine

de

paradis

dans

Mortereul

t

faulx grenon

recette

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116

appelée

par

J. Bourin

Potage

crèmede volaille

Plus

ennuyeux

ncore,

un

bouquet garni

st

systématiquement

jouté

où elle l'estime

néces-

saire alors

que

les aromates

autochtones

pparaissent

peu

dans

les

ouvrages

culinairesmédiévaux.

J.

Bourin

ustifie

parfois

ses

abus en

expliquant

u

lecteur,

u'il

serait bien étonnant

u'il

n'en

ait

pas

été

ainsi

Elle

parfume

donc

de

cannelle,

este

de citronet

eau

de fleur

d'oranger

)

la Cresme

fritte

our

laquelle

le

texte

original

ne

prévoit

aucun

parfum

i ce n'est

du sucre.

Mais,toutautantque les épices,un subtilusage des graissesselon

les

temps

de

l'année,

ainsi

que

la

combinaison

de certains

modes

de

cuissson

sont des traits

ignificatifs

e la cuisine

médiévale.

J. Bourin

ne

s'en est

guère aperçue,

elle

qui prépare

au beurre les

limassons

(escargots)

t les

renoulles

grenouilles)

lors

qu'ils

doivent

tre

frits

en

huile,

u

qui

ajoute

crème,

beurre

et

petits

uisses

( )

à des sauces

à base d'éléments

cides dont la

nature même est d'être

maigres.

Contrairement

nos

usages

actuels,

dans la cuisine

médiévale,

ni le

beurre,

ni

la crème

ne sont considérés et utilisés

comme

agent

de

liaison.

De

même,

ue

la recette

prescrive

e

faire

frire

n

poisson

ou

de

faire

bouillir une viande

n'empêche

nullement

J. Bourin

de

les

rôtir u four.Et de manièregénérale, es doubles cuissons, i carac-

téristiques

es

potages

médiévaux,

e sont

pas respectées.

Jamais

par

exemple,

J. Bourin ne

replace

le

«

grain

dans

sa sauce

pour

le faire

recuireun

peu,

comme cela

est souvent

précisé

dans les

recettes

de

potages.

D'ailleurs la

plupart

du

temps,

on

sent bien

que

J. Bourin

n'a même

pas

essayé

de réaliser

a recette elon

es indications

u texte.

Cela

est

frappant ar

exemplepour

le Taillis

qui

est une

finebouillie

de

pain

et

de fruits uite

dans du lait

d'amande,

qui,

après

refroidis-

sement,

rend

en consistance

e flan ur une assiette

et

que

l'on

peut

découper

n tranches.

J. Bourin

e

baptise

Pudding

ux raisins

et

aux

pommes

et

le

prépare

à

partir

d'une

bouillie au lait de

vache addi-

tionnée e poudred'amandes « unebouillietrèsépaisse et qui reste

forcément

rumeleuse

précise-t-elle

-

qu'elle

fait

cuire ensuite

au

four

parsemé

de noisettes

e beurre.

Nous

pourrions

ontinuer

l'envi cette accumulation

'inepties

ui

démontre

ue

J. Bourin

n'a

pas

cherché

prendre

u sérieux es

textes.

Certes,

nous

venons de

le

dire,

J. Bourin

ne

connaît

pas grand

chose

de son

sujet

et nombre

de ses

interprétations

eflètenton

ignorance.

Mais

J.

Bourin n'est

pas

la

première agir

de la sorte.

C.

Hieatt,

S. Butler t

leur

traductrice

.

Thaon,

pourtant

médiévistes

i elles

se

sont

montrées

lus

avisées

en ce

qui

concerne es

usages exposés

dans

leur introduction 'ont pas agi autrement n ce qui concerneles

recettes.

eurs

interprétations

ont

parfois

encore

plus

burlesques

et

éloignées

du texte

que

celles

de

J.

Bourin.

Alors

pourquoi

Pourquoi

ces textes

ulinaires

ont-ils

raités

vec tant de

légèreté

Au-delàdes

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117

raisons

ntrinsèques ue

nous venons

d'évoquer,

l en

est

d'autres

qui

tiennent,

notre

avis,

d'une

part

au texte culinaire

comme

genre

d'écrit,

'autre

part,

u statutde l'art culinaire

dans notre

culture,

t

enfin ux motivations

t aux

objectifs

profonds

de J.

Bourin,

uteur

d'un certain

ype

de romans succès.

Le

texte

ulinaire,

e

par

sa fonction

même,

n'est

pas

un

genre

très

respecté.

C'est

l'écrit-objet

ue

l'on

place

souvent dans

la cuisine

et

qu'on

ne

craintni de

tacherni de

déchirer,

t

paradoxalement,

lus

on

l'aime,plus on l'utilise et plus on l'endommage. arallèlement la

fragilité bligée

de

son

support

matériel,

e texteculinaire

st souvent

considéré

ommeune

simple

référencendicative

ue

l'on

peut

et

que

l'on doit

dépasser.

Elles sont

légion

es

cuisinières

ui

affirment

vec

fierté

u'elles

ne suivent

amais

dans

tous les détails les

prescriptions

d'une recette

écrite. Elles

se

comportent

insi

car

il

serait un

peu

ridiculede

vraiment

rendre

u sérieux

une recettede cuisine

et aussi

parce que

dans notre

culture,

'art

culinaire ela

peut

être

l'affaire

e

n'importe

ui

car

la cuisine st le

lieu le

plus

immédiat ù

la créativité

de

chacun trouve à

s'exercer.

En

effet,

uiconque peut

se

déclarer

cuisinier t les

grands

professionnels

oivent

pour s'imposer,

xécuter

de véritables rouesses ui les placent ans contestationossibleà cent

coudées au-dessus

de la masse

cuisinante. t être

cuisinier,

ans notre

culture

'est essentiellement

aire

preuve

d'imagination.

ar,

ce

qui

est

valorisé

dans

notre radition

ulinaire,

e n'est

pas

seulement

a

faculté

de

réaliser

la

perfection

ne recette

lassique,

mais surtout

e

génie

créateur

de celui

qui

innove.

On

comprend

lors

que

respecter

la

lettre

une recette

'est

un

peu

comme réciter

par

cœur

un texte

que

l'on

ne

comprend as.

Quant

à

J. Bourin

l

ne

faut

pas

oublier

que

son

objectif,

omme

dans ses

autres

ivres,

st

de

parler

de la vie des

«

habitantsdes

villes

et des villages,alors peuplés en grandemajorité de marchandset

d'artisans,

'est-à-dire

e ce

que

nous

appelons

maintenant

es

"classes

moyennes"

(p.

13),

pour

montrer l'art

de

vivre d'une

époque

beau-

coup

plus

évoluée

qu'on

ne le

pense

d'ordinaire

(4e

de

couverture).

Nul doute

que

l'ambition

de J. Bourin est

de

s'adresser

à la

«

classe

moyenne

d'aujourd'hui

pour

qu'elle

se retrouve

dans les

membres

de

la famille

Brunei,

représentants

e la

«

classe

moyenne

médié-

vale

( ).

Le

souci

majeur

de J. Bourin st

de

plaire

à ses lecteurs

u'elle

ne doit

ni

décourager

i

effrayer

outen les

distrayant peine.

Elle

leur

offre

onc

un

texte

riginal,

urprenant, arant

de son

sérieux,

ontelle

corrige

mmédiatement

'âpreté

par

une

version

raisonnable,

epensée

en termesfamiliers. e lecteurn'a qu'à se laisser guider aveuglément

par

son

interprète.

nutile

pour

lui de faire 'effort e lire les

textes

originaux

ui

n'ont

pas

de

réalité,

l lui

suffit e

faire

confiance u

jugement

de J. Bourin.

En

quoi

il

a bien

tort,

car le

jugement

de

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118

J.Bourin

st celui d'un

auteur succès

qui

sait

que

ses

lecteurs,

malgré

leur désir

d'être charmés

par

des mondes

étranges

nt surtout

esoin

d'être

onfortés ans

eurs certitudes.

Françoise

Sabban.

Jean-Pierre

eguay,

La rue au

MoyenAge.

Ouest

France,Rennes,

1984.

Depuis

quelques

années,

grâce

à

différentestudes

sur

la

société

médiévale

et à

de nombreuses

monographies

rbaines,

a

ville et

le

citadin

médiéval

nous

paraissent

un

peu

moins obscurs.

J.-P.

Leguay,

se

propose

de

porter

n

éclairage

nouveau

sur

le

paysage

urbain

et

les

individus

ui

y

passent

et

y

vivent,

n

s'attachant

la

rue,

microcosme

de

la ville.L'auteur

imite on

étude

dans le

temps

de

Ph.

Auguste

u

XVP

siècle)

et dans

l'espace

(la

France).

Dans un premier emps, 'étudeporte sur la rue dans le paysage

urbain

s'appuyant

sur

de nombreux

documents,

J.-P.

Leguay

nous

confirme,

u'au Moyen

Age,

es

«

maîtresses

rues

»

(plus

de

6 mètres

de

large)

sont

rares

et les sections

rectilignes,

xceptionnelles

rue

de

l'Angle

Droit à

Agen)

d'autre

part,

es

riverains

mpiètent

ur

la

rue

par

le

haut

(les

encorbellements

es

étages

à

pignon)

ou

par

le

bas

(les

étals

dressés

par

le

commerçant)

les

rues se

présentent

comme

une

succession

d'étranglements

t

d'élargissements,

emblables

aux

verrous

et

aux ombilics

des

vallées

glaciaires

(J.-P.

Leguay).

Elles

sont,

pour

la

plupart,

ormées

ransversalement

e deux

plans

inclinés

vers un

caniveau

central

pour

permettre

'écoulement

ui,

lorsqu'il

est

tropviolent, blige e piéton « tenir e haut du pavé».

L'une

des

richesses

de

l'ouvrage

st

de s'attacher

ouvent

la

topo-

nymie,

évélatrice

e

l'aspect

de

la rue

les

immondices,

rdures,

t

autres

«

fiens

ui engendrent

estilences

(et

qui peuvent

tre

l'origine

de

grandes

nfections)

e

devinent

ans

les

«

Rue

Sale

»

ou

«

Foireuse

(Angoulême),

Passage

Merdeux

(Chartres),

«Rue

Merdière

(La-

gny),

tc...

Pourquoi

cette

saleté

et

ces odeurs

dans

la rue

médiévale

Problème

d'éducation

du

riverain

Oui,

répond

'auteur,

mais

pas

seu-

lement

à

cette

cause,

viennent

'en

ajouter

beaucoup

d'autres

les

enceintes

mpêchent

'écoulement

ors de

la

ville,

es insuffisances

es

« retraits ou « chambres ourtoises (latrines),'abondance esmétiers

nuisibles

à

la salubrité

publique

(bouchers

qui

égorgent

ans

la rue

Rue

de

l'Ecorcherie

à

Paris),

foulons,

einturiers,tc.),

des

habitudes

encore

rurales

élevage

d'animaux

ur

la

chaussée)

et

enfin,

es

tenta-

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119

tives

trop

timides,

de

la

part

des autorités

urbaines,

d une

«

ratio-

urbanistique

(J.

Le

Goff).

lle

se limite

à la

création de

dépotoires

(fosses),

égouts,

uelquefois

un

service

éboueurs

dès

le XIII* siècle

à

Montpellier pparaissent

des

«

probi

homines

),

au

pavage

de

quelques

rues

Leguay

note,

avec

beaucoup

de

justesse,

que

les

premières

mentions

e chaussées

pavées

coïncident

vec l essor

urbain

des XIe et XIIIe siècles et

le

développement

u trafic ommercial

le

passage

de

plus

en

plus fréquent

es

sabots des

animaux,

des

grosses

roues ferrées

égradent

ite es sols

mal

protégés

es rues

principales.

Le pavagedevient lors une nécessité dès 1270 Troyes, n lève un

nouvel

impôt

«

le denier

de la chaussée

).

Les

édits traitant

de

l hygiène

ublique,

e

multiplient

la

findu

Moyen

Age

et sont

plus

nombreux

souvent

mieux

appliqués)

dans les

«

grandes

villes

,

mais

leurs

répétitions euvent

faire douter

de

leur totale

application.

L auteur

conclut on observation

e

la rue dans

le

paysage

urbain,

par

l étude très

udicieuse

du décor de

la chaussée

(enseignes,

mont-

joies

»...)

et des

noms de rue où

l évocation

eligieuse

rédomine

«

Rue

de la

Cathédrale

,

«

des Cordeliers

...)

mais

s exprime galement

a

vie

économique

(«Rue

de

la

Draperie»)

ou

la

topographie

«Rue

Pen u

»,

«

Rue

Courbe

).

Pour

l auteur

il

semble

que

la

ségrégation

sociale horizontale e développe la findu MoyenAgeet donc que la

distinction

ntre

les rues bien

fréquentées

t les zones

de

taudis,

s accentue.

Mais

la

ségrégation

ociale

verticale

au

sein

d un même

immeuble)

este

argement

rédominante

riches t

pauvres

coexistent

dans la mêmerue.

D ailleurs,

a seconde

partie

de

l ouvrage

attache décrire e monde

de la rue

description

rès

minutieuse,

rès

documentée,

rès

réalistede

la sociabilité

médiévale,

ui

corrobore

t

précise

les

superbes

études

d A.

Farge

1)

et de

J.

Kaplow

(2)

pour

le Paris

du XVIIIe

siècle

(il

est

très

intéressant

e

comparer

ces

deux mondes

que séparent

quatre

siècleset de noter es trèsfaibles volutions).

Quelles

sont les

remarques

de l auteur Les

activités artisanales

débordent

ur

la chaussée. Les métiers

e

regroupent

«

Rue des

Tan-

neurs

)

par

obligation

matérielle

ou

technique proximité

de

l eau)

ou

pour

faciliter

es

opérations

de contrôle

«

le travail

au noir

est

juridiquement

t

moralement

nacceptable

pour

l hommemédiéval.

On

pénètre

nsuite

dans

le monde des

petits

métiers

ui

déambulent ans

la

rue,

toute cette

masse

flottante u

travail,

i

difficile

saisir

pour

l historien.

a

rue est

aussi

le domaine des

loisirs,

du

jeu,

de

la fête

(«on

s esbaudit

aisément»

au

Moyen Age).

Mais c est

également

e

1. A. FARGE

Vivre ans

a rue

à

Paris au

XVIIIe

siècle,

oll.

Archives,

Paris,

979.

2. J.

KAPLOW

Les noms

des

rois,

es

pauvres

e Paris à

la veillede la

Révolution,aris,

974.

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120

rendez-vous

es

«

sans

logis,

ne

adveu,

ne

mestyer

,

le domaine

de

la

marginalité,

e

la

violence,

de

la

délinquance,

es

truands,

désormais

mieux connu

grâce

aux travauxde

Br. Geremek

3).

Face

aux

dangers

que

représentent

es dernières

catégories

d individus,

J.-P.

Leguay

s interroge

ur l attitude

des autorités

t

note

que

la

répression

em-

porte

ur

la

prévention,ue

la

propriété

emble

mieux

protégée

ue

le

corps

(la

société

médiévale

st intraitable

is-à-vis u

vol).

La rue nous

permet

enfin

de saisir le collectif

«

le bon

peuple

qui

manifeste on dévouement

ux

grands

de ce monde

(lors

d une

entréeprincière ar exemple)mais aussi le « peuple en émoi», celui

qui

se révolte

la

«

Harelle

à Rouen

ou les

«

rebeynes lyonnaises)

Le

grand

ntérêt

de

l ouvrage

de

J.-P.

Leguay

est de se

consacrer

uniquement

la rue.

Après

a lecture

de ce livreon

ne

peut

plus passer

dans une de nos

vieillesrues

médiévales ans

s interroger

ur

son

nom,

son

aspect,

on

décor.

Didier Lett.

Françoise

Ferrand,

Esprit

et

fonctions

e

la

danse

au XI P siècle

,

La Recherche

n

danse,

Université

e Paris

IV,

1,

uin

1982,

p.

29

à 38.

L article de

F. Ferrand

fait

le constat

préalable

d un

manque

des

recherches

istoriques

ur une

part

importante

e la vie

quotidienne

et de

la culture

médiévales les

travaux modernes sur la danse

au

MoyenAge

sont

trop peu

nombreux.

ependant,

es

difficultés

étho-

dologiques t la raretédes sources, ui expliquent ssentiellementette

lacune,

ne

suffisent

as

à

décourager

e

chercheur.

Une

étudedes

sermons,

ar

exemple,

claire

rapidement

e

médiéviste

sur un

certain nombre

de

pratiques gestuelles,

andis

que

toute

une

série

de

documents

conographiques

este

à

inventorier

t

à

analyser...

Quoiqu il

en

soit,

e

XI P siècle voit véritablement

e fixer es

grandes

formes

poétiques

et musicales

accompagnant

a

danse

-

désignée

e

plus

souvent

par

le

terme

«

carole

»,

mais surtout n

dansait

manifes-

tement

eaucoup

et souvent

cette

époque.

Après

une

définition

tymologique

e la carole

(de

l étymon

cho-

raula

»

: flûtiste

e

chœur),

F. Ferrandnous en donne une

descriptionconcrète. l

s agit

d une danse collective n chaîne,circulaire u demi-

3. Br. GEREMEK

Les

marginauxarisiens

u

XIVe et

au XVe

siècles,

Paris,

976.

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121

circulaire,

ur une mélodie

porteuse

de

paroles

et

accompagnée

ven-

tuellement

ar

des

instruments. ans

un

second

temps,

F.

Ferrand

relèveet

analyse

-

est l essentielde son

propos

-

trois

fonctions

particulières

e la

danse

au XIIIe

siècle celle-ci

eut

être,

out

d abord,

la célébration e

vieilles fêtes

païennes plus

ou

moins christianisées

elle

peut

être

aussi

une

louange

de Dieu

dans

la

célébration

du

culte

religieux

hrétien elle

est,

enfin

t

surtout,

n

divertissement

ondain

associé aux

plaisirs

de

l amour.

Si l article étendrelativementeu sur la place des carolesdans les

ancienscultes

naturalistes,

aute

de

documents t

parce qu au

XIIIe s.

beaucoup

de ces cultes se confondaient vec des fêtes

chrétiennes,

l

aborde

pourtant

lairemente

problème ociologique

osé par

le

phéno-

mène.Les caroles du

printemps,

ouvent onsidérées omme des

mani-

festations

une

religion

dite

populaire,

sont

pratiquées

en fait

par

l aristocratie

hevaleresque

elles

relèvent

e la même culture

magico-

religieuse

ue

celle véhiculée

ar

la

littérature ourtoisedont

e

«

mer-

veilleux

exprime

n

paganisme

n voie de christianisation.es

limites

sociologiques

de

l étude étant ainsi

posées,

il

importe

principalement

de

concevoir

a carole commeun

système

e

représentationfiguration

du mondequi fut créé en cercle, ffirmatione la ressemblance ntre

le monde visible et le monde

nvisible,

vocationde

l analogie

qui

lie

le microcosme-hommevec le macrocosme-univers.

Mais

la

danse,

définie

par

les

«

théoriciens du

XIIIe

siècle,

fait

partie

de la

Musique

bien

plus

qu elle

n a

un

pouvoir

magique

ou

mystique

uelconque,

omme e sera le

cas deux siècles

plus

tard

chez

Marsile

Ficin,

par exemple).

Or la

Musique

est

la

science des

nombres

régissant

univers,

es

mouvements es étoileset du cours des

saisons,

des

rythmes

iologiques

de

l homme,

utant

qu elle

est

l art

des

sons

proprement

it. Dans cette

conception

hiérarchisée e

la

musique,

a

carole est une médiation rivilégiéentre homme, on monde et leur

créateur. l faut

admettre

vec F.

Ferrand

que

la

carole reflète

leine-

ment

esthétique

t

la

métaphysique

u

Moyen Age

elle

n est

pas

simplement

e

fait

de

licences ccordéesen certains as

limités

par

une

Eglise

soit disant

répressive. Eglise,

en

effet,

e refusait

pas

à

la

danse

la

capacité

d exprimer

e

sacré,

même si elle lui

reprochait

a

sensualité,

oire sa

lascivité,

ans

certaines

de

ses formes

ui

sont ici

enfin

récisées.

Cependant,

a

fonction a

plus importante

e

la

carole est

de faire

danser aristocratie

hevaleresque,

a

société

courtoise

e vivant nten-

sémentpar les chants et par les danses.La carole se fait ainsi miroir

de

la

beauté

de

l apparence

et des

corps,

signe

par

lequel

la

noblesse

se reconnaît

t

se

distingue,

ite de

l élite

spectatrice

elle-même. a

danse,

parce qu elle

est

circulaire,

ermet

e

regard

sur autrui et

le

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ISSN

0751-2708

SOMMAIRE

7/

AUTOMNE

1984

MOYEN

AGE,

MODE

D EMPLOI

Page

Editorial

5

Enquête

Profession

médiéviste

J.

BASCHET,

C.

LAPOSTOLLE,

M.

PASTOUREAU,

Y. REGIS-CAZAL

Présentation u

questionnaire

7

Analyse

es

réponses

14

Le

chercheur,

e

«

je

»

et

l objet

56

Le

MoyenAge

une

mentalité

u

multiple

OvidioCAPITANI 65

Que

faire

du

«

Moyen

Age

?

Jean

DEVISSE

78

Infantilisme

t

primitivité

u

MoyenAge.

A

propos

de

quelques

lieux communs

une

historiographie

oderne

Antoine

PEILLON 87

Côté

vert,

côté

gris.

S asseoir à la

Bibliothèquenationale,

tra-