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François Villard Megara Hyblaea In: Mélanges d'archéologie et d'histoire T. 63, 1951. pp. 7-52. Citer ce document / Cite this document : Villard François. Megara Hyblaea. In: Mélanges d'archéologie et d'histoire T. 63, 1951. pp. 7-52. doi : 10.3406/mefr.1951.7360 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-4874_1951_num_63_1_7360

Megara Hyblaea - MEFR 1951

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Report degli primi scavi a Megara

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François Villard

Megara HyblaeaIn: Mélanges d'archéologie et d'histoire T. 63, 1951. pp. 7-52.

Citer ce document / Cite this document :

Villard François. Megara Hyblaea. In: Mélanges d'archéologie et d'histoire T. 63, 1951. pp. 7-52.

doi : 10.3406/mefr.1951.7360

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-4874_1951_num_63_1_7360

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MEGARA HYBLAEA

PAR M. François Villard

Membre de l'École française

I

LES FOUILLES DE 1949

Caractère des recherches.

Si, après une interruption de vingt-huit ans, des fouilles régulières ont pu être reprises à Megara Hyblaea, c'est, avant tout, il faut le souligner, grâce à l'appui constant des autorités italiennes. Les deux campagnes de fouilles effectuées, du 7 février au 18 mars et du 2 mai au 12 juillet 1949 *, par les soins de l'École française de Rome, sous la direction du surintendant aux antiquités de Syracuse, constituent une œuvre commune, accomplie dans un esprit de continue et complète collaboration2. Notre dessein était

1 Les fouilles ont effectivement duré du 7 février au 1 1 mars et du 2 mai au 25 juin. Les périodes du 12 au 18 mars et du 27 juin au 12 juillet ont été consacrées au rebouchage, malheureusement indispensable, ne serait-ce que pour la conservation des constructions découvertes.

2 Le nom du surintendant L. Bernabô-Brea ne peut être dissocié de cette étude. Bien des conclusions ne font que reproduire une opinion qu'il avait tout d'abord exprimée. Les résultats obtenus sont dus, il faut bien le dire, en très grande partie à son bienveillant appui : nous lui devons non seulement l'aide considérable fournie par la surintendance, mais surtout de précieuses directives. Il convient ici de remercier tout particulièrement M. Minniti, assistant au Musée national, qui a suivi, avec un inlassable dévouement, toute la fouille, M. Giucastro, dessinateur au même musée, qui a exécuté tous les relevés, plans et dessins, et l'ingénieur Corso, qui a effectué le relevé topographique du champ de fouilles. Nous avons bénéficié également du concours du cav. d'Amico, de

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d'explorer le cœur même de la cité antique de Megara Hyblaea ; les fouilles exécutées, avant 1890, par Cavallari, d'abord, puis avec l'assistance de P. Orsi, reprises par Orsi en 1917-1921 x, avaient surtout cherché à délimiter avec précision le site antique. Elles avaient mis à jour une riche série de tombes, dégagé une grande partie de l'enceinte. Orsi n'avait fouillé, à l'intérieur, qu'une zone très restreinte, à proximité de la muraille ; il avait pu identifier deux temples archaïques.

Reprenant ce glorieux héritage, profitant de tout le travail déjà réalisé, nous nous sommes efforcés de compléter les résultats obtenus, qu'Orsi avait dû laisser inachevés, faute de moyens. Il n'y a pas à revenir sur l'histoire de la cité, telle qu'elle a été excellemment retracée par Orsi2. On sait l'intérêt que pouvait présenter Megara, fondation de Mégare de Grèce et mère-patrie de Sélinunte, une des plus vieilles colonies grecques de Sicile, détruite par les Syracusains et désertée à partir de 483. De nombreuses trouvailles fortuites, à l'intérieur de la cité, relevées par Orsi8, laissaient à penser que des fouilles pouvaient y être fructueuses. Toute la moitié méridionale du site, plantée en agrumes et en vignes à la fin du xixe siècle, est, pour cette raison, actuellement fermée à toute recherche archéologique méthodique. Mais la partie nord, qui forme le principal des deux plateaux sur lesquels s'étendait la cité, n'est couverte que de champs et de prairies ; là, l'autorisation de fouiller nous fut libéralement accordée4 (fig. 1).

M. Bottaro et de M. di Tomaso, restaurateurs, et de M. Fontana, photographe. Enfin, il ne faut pas non plus oublier que, sans le courageux travail fourni par les ouvriers de Melilli, ces résultats n'auraient pu être obtenus.

1 P. S. Cavallari-P. Orsi, Mon. Ant., I, 1890, col. 689-950. P. Orsi, Mon. Ant., XXVII, 1922, col. 109-180.

2 Mon. Ant., I, 1890, col. 689-710. 3 Ibid., col. 724 ; Not. Se, 1925, p. 313. Et encore, en 1940, le très

beau couros archaïque trouvé, il est vrai, dans la nécropole. * Nous profitons de l'occasion pour remercier M. le comte Cammarata,

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Les recherches ont été concentrées sur la région située entre la voie ferrée nord-sud (reliant Catane à Syracuse et qui, passant en tranchée, coupe en deux le site) et la mer. Nous avons pu ainsi à peu près complètement explorer, au moyen de deux chantiers et d'une série de sondages, une zone d'environ 400 mètres de côté, dominant la mer. Nos visées étaient essentiellement d'ordre historique et archéologique. Il s'agissait de préciser certains points de l'histoire de la cité, notamment la date de sa fondation, très discutée1, et la problématique réoccupation du site à l'époque hellénistique ; également, dans la mesure du possible, tâcher de dresser un tableau de la vie dans une cité grecque de Sicile, au moyen du matériel archéologique provenant, cette fois, non plus des tombes ou des sanctuaires, mais de la ville elle-même. Les fouilles n'ont pas donné lieu à la moindre découverte sensationnelle ou même simplement remarquable. Il n'a rien été trouvé d'autre que des murs de maisons, en pierres sèches, des tessons ou des vases, en grande quantité, il est vrai2, des monnaies, très nombreuses également : vestiges de toute époque, allant de la fin du vine au milieu du ier siècle avant J.-C. Tels qu'ils sont, ils présentent cependant un certain intérêt, puisque Megara est pratiquement la première ville grecque de Sicile dont on se soit décidé à fouiller la zone d'habitation. A cet égard, les résultats dépassent légèrement le cadre strictement local. Nous nous efforcerons d'abord d'examiner les données fournies par le terrain et de retracer les étapes de la fouille, puis nous étudierons les constructions mises au jour et, enfin, le

propriétaire du terrain, à la courtoisie duquel nous sommes redevables de cette autorisation.

1 Cf. encore, en dernier lieu, J. Bérard, La colonisation grecque en Italie méridionale et en Sicile, 1941, p. 298-299, et T. J. Dunbabin, The Western Greeks, 1948, p. 455, tous deux partisans d'une date beaucoup plus basse que la date traditionnelle de fondation (728/7), en raison du caractère relativement tardif du matériel trouvé dans la nécropole.

2 Près d'une tonne de tessons, après un tri fait sur place, a été ramenée au Musée de Syracuse.

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matériel découvert. Et nous verrons quelles conclusions d'ordre historique il est possible d'en tirer1.

La fouille

Conditions naturelles.

Megara Hyblaea est située à 22 km. au nord de Syracuse, au fond du golfe d'Augusta, sur deux plateaux allongés vers l'ouest et réunis par un ensellement. Entre les deux, le rivage forme une courte plage. Au nord, la côte se recourbe en un petit golfe au fond duquel viennent se jeter les rivières Alcantera et Marcellino ; c'était là, dit-on, le port antique. Les deux plateaux sont bas, mais escarpés. Le plateau principal, au nord, atteint une hauteur de 15 m. au-dessus du niveau de la mer. Il est faiblement ondulé, l'ampleur des dénivellations ne dépassant pas 2 ou 3 m. Les deux plateaux sont entourés d'une falaise, au bord de la mer, mais également sur les bordures nord et sud du site. Ce n'est qu'à l'ouest qu'ils sont privés de défenses naturelles. Une eau excellente jaillit de deux sources abondantes situées au pied de la falaise, directement sur la mer. L'aspect général du site n'est pas sans rappeler, en plus réduit, Sélinunte. Mais la campagne est bien plus verdoyante.

Le terrain des fouilles est constitué par environ l^O de terre arable (l'épaisseur maximum atteint 2m20, le minimum lm40). Le sol est tout entier formé de couches archéologiques, à peine grattées par une charrue très primitive, qui n'enfonce guère son soc à plus de 10 cm. de profondeur2. La surface est uniforme et ne laisse rien deviner de ce qu'on peut découvrir au-dessous : on ne voit

1 N. B. : nous n'avons pas voulu donner ici autre chose qu'un compte- rendu provisoire, rédigé moins de deux mois après la fin des fouilles. D'autres études plus détaillées suivront, traitant, notamment, des questions abordées dans les deuxième et troisième parties de cet article.

2 C'est à ce niveau qu'a été recueilli le trésor de monnaies syracu- saines du ïer siècle (voir infra, p. 18-20, 47).

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partout que des pierres, des tuiles, des fragments de meules et de grosse poterie. Dans cette terre, qui n'a pas été remuée depuis l'antiquité, on retrouve, en tous les points où elle a été respectée aux époques les plus récentes d'occupation du site, une véritable stratigraphie géologique : sur le dessus, 15 à 20 cm. d'humus noirâtre, puis, jusqu'à — 60 cm., environ, une terre grisâtre, très fine. Le tout correspond a la première couche archéologique ; elle ne contient que des objets d'industrie humaine, fragments de terre cuite ou de métal, et une quantité de débris de pierres de construction. On rencontre ensuite, sur une épaisseur moyenne de 1 m. (de 80 cm., à peu près, jusqu'à un maximum de lm20), une couche très différente. La terre est nettement brune, beaucoup plus compacte et plus grasse : peu de pierres, mais souvent des lits ou des poches d'une terre sableuse jaunâtre, provenant de la désagrégation du calcaire local. Aux tessons, qui sont très abondante, se mêlent de nombreux débris de cuisine, os d'animaux et charbons. Enfin, les creux de la roche contiennent des poches de 10 à 20 cm. d'humus

noir, fossile. Superficiellement, la roche est irrégulière, creusée de trous ou

bosselée, mais, dans l'ensemble, à peu près plane. Elle offre, une fois débarrassée de toutes les couches archéologiques qui la recouvrent, le même aspect que tout le calcaire dénudé des plateaux qui s'étendent de Syracuse à Megara : des surfaces planes, en apparence, mais criblées d'une multitude de trous, où s'est installé un peu de terre. L'aspect du terrain était certainement celui-là le jour où les Mégariens sont venus s'y établir. La roche est un calcaire

tendre, jaunâtre, friable, contenant beaucoup de fossiles, un peu différent du calcaire de Syracuse, mais aussi facile à travailler ; lavé par la pluie, il prend la même couleur blanche, un peu grise. On l'appelle localement « l'arenaria 1 ». Le plateau rocheux est supporté

1 L'arenaria est naturellement la pierre la plus employée, à Megara, dans les constructions. Le calcaire blanc de Melilli, d'un grain beaucoup

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par un strate de marnes verdâtres, imperméables, s'élevant à peine à 1 m. ou 2 au-dessus du niveau de la mer. Celles-ci, rongées par les vagues, entraînent avec elles de grands morceaux de la falaise. Le recul du rivage, auquel a dû contribuer un mouvement de transgression général en Méditerranée, doit être assez notable depuis l'antiquité : on y remarque, en effet, un silo et plusieurs puits, taillés dans le rocher, sectionnés verticalement. La trace d'autres puits se voit également sur plusieurs blocs de rocher éboulés dans la mer. La présence de ces puits s'explique très facilement : une nappe d'eau abondante coule sur les marnes imperméables. L'eau sourd de partout, presque au niveau de la mer, et baigne constamment le pied de la falaise. Rien n'était plus facile à creuser que ce calcaire tendre pour trouver l'eau, à une douzaine de mètres de profondeur. C'est pourquoi le sous-sol de Megara est entaillé d'innombrables puits1.

Historique des fouilles (jig. 1).

Le premier but fixé était une reconnaissance stratigraphique du terrain. Deux sondages ont donc été effectués, à peu près au centre du plateau, lors de la première semaine de fouilles ; les deux tranchées, l'une de 15 m. χ 3 (n° I)2, l'autre de 12 m. χ 3 (n° II), qui ont été ouvertes au voisinage l'une de l'autre, ont produit, après tamisage de la majeure partie des terres, les résultats attendus : une stratigraphie rigoureusement comparable de l'un à l'autre sondage, nous apportant déjà d'utiles renseignements sur l'histoire de Megara à l'époque hellénistique aussi bien qu'à l'époque archaïque. Pour la période hellénistique, des restes de constructions, un grand

plus fin, est d'un usage moins courant ; c'est le calcaire normalement adopté pour les sculptures.

1 Cf. Cavallari-Orsi, Mon. Ant., I, col. 723. 2 Ces numéros, comme ceux mentionnés par la suite, renvoient aux

chiffres indiqués sur le plan, fig. 1. Les lettres ou les nombres arabes correspondent aux subdivisions de chacun des secteurs principaux.

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nombre de vases et de tessons, un trésor de quarante-sept monnaies d'argent, la plupart du ive siècle, enfermées dans un pot, nous donnaient la certitude que le site avait été réoccupé par les Syracu- sains, au moins de la fin du ive à la fin du me siècle. Pour la période archaïque, une multitude de tessons nous documentaient sur l'histoire de la cité, depuis la fin du vine jusqu'au début du ve siècle.

Au fond du sondage n° II, un silo archaïque, creusé dans le rocher, contenait un abondant matériel de cette époque, avec plusieurs pièces brisées sur place et qui ont pu être reconstituées1.

Presque tout le reste de la première campagne a été consacré à l'exploration d'une vaste habitation hellénistique (n° III) (fig. 2). De nombreux affleurements de murs avaient attiré l'attention sur ce point. La fouille n'a pu être effectuée qu'avec des moyens insuffisants : on a dû se contenter de suivre les deux faces des murs, en entassant la terre à proximité. Toutefois, les pièces principales ont été dégagées ; la cour centrale a été explorée au moyen d'une tranchée. Tous les sondages effectués en profondeur ont montré que, sauf en un point très limité (III c, d), le terrain avait été entièrement bouleversé jusqu'au rocher par les fondations hellénistiques. L'habitation, qui était prolongée par d'autres constructions au nord et au sud, avait son long côté nord bordé par une rue est- ouest, au sol de terre battue ; une autre maison lui faisait face, de l'autre côté de la rue. Celle-ci se prolongeait vers l'est, comme une série de quatre sondages (nos V à Vili) a permis de le constater. D'autres sondages (n°8 X, XIII et XIV), en différents points du plateau, ont prouvé la présence d'habitations hellénistiques de caractère très analogue : partout, le terrain était remanié jusqu'au rocher2. L'un des derniers sondages (n° XII) s'est révélé le plus fructueux ; il est tombé sur un complexe de murs archaïques, rela-

1 Cf., par exemple, fig. 13 et 14, pi. V. 2 Les sondages n08 IV, IX et XI n'ont pratiquement rien fourni,

tant comme construction que comme matériel.

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tivement bien conservés, et de murs hellénistiques, avec une stratigraphie en concordance et beaucoup de matériel. Un petit secteur a. pu être nettoyé jusqu'au rocher, lors de la dernière semaine de fouilles. Mais il a pratiquement marqué le point de départ de la seconde campagne.

Cette dernière campagne est moins longue à décrire : les travaux, bien qu'ils aient duré plus longtemps, ont été pratiquement concentrée sur un seul point. Les méthodes aussi ont été différentes. Partant du secteur déjà dégagé (n° XII), près de la bordure sud du plateau, et d'un autre sondage opéré à proximité, plus à Test (n° XV), on a pu tracer un chantier d'une quarantaine de mètres de long qui a été complètement nettoyé jusqu'au rocher1. Les terres ont été transportées à distance au moyen de chemins de fer portatifs. Le terrain a été divisé en une série de secteurs (quarante et un en tout), chacun d'entre eux étant fouillé selon les principes stratigraphiques (fig. 3). La confusion des murs de toute époque, superposés, enchevêtrés, rendait ce travail indispensable. Presque partout, il a fallu soigneusement relever des stratigraphies très morcelées et compliquées : superpositions de couches accompagnant de constantes superpositions de murs. Cinq époques de constructions ont pu ainsi être distinguées, mais les plans ne sont naturellement claire que pour les dernières d'entre elles. Tessons et vases, surtout archaïques, sont sortis en abondance. Pour l'époque hellénistique, les trouvailles de monnaies ont été également nombreuses, notamment un trésor de quarante-sept monnaies de bronze du Ier siècle avant notre ère. Plus à l'est, un autre sondage, effectué au début de la fouille (n° XVI), a révélé la présence de deux autres habitations hellénistiques tardives, séparées par une rue nord-sud. L'une d'elles contenait un fourneau primitif en briques. Des restes de murs archaïques y ont été également reconnus. Enfin, en dehors de la zone des fouilles proprement dite, un petit son-

1 II est indiqué sur le plan par la lettre A.

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dage a été opéré, à la fin de la première campagne, dans une partie de l'enceinte qui n'avait pas encore été dégagée par Cavallari. Il a permis de constater que les quelques fragments trouvés au pied du mur (une vingtaine) provenaient tous, sauf deux, de poteries communes hellénistiques et que le blocage même de l'enceinte contenait quelques fragments hellénistiques à vernis noir : l'enceinte de Megara serait donc, en réalité, d'époque hellénistique1.

Les stratigraphies.

Les stratigraphies sont trop nombreuses pour qu'on puisse les passer toutes en revue. Nous choisirons seulement quelques exemples typiques auxquels, toutes, plus ou moins, peuvent se ramener, et d'abord les deux premières tranchées stratigraphiques (fig. 4, I-II). Deux couches se distinguaient très nettement dans le sondage n° I, avec les caractéristiques que nous avons décrites plus haut : de 0 à — 60 cm., la couche hellénistique (premier niveau), contenant un matériel qui va de la fin du ive à la fin du 111e siècle (oscillum décoré, petites coupelles à anses appliquées sans décor...); de — 70 cm. jusqu'au rocher ( — 180 cm.), la couche archaïque. Elles étaient séparées par une couche de contact (deuxième niveau), de 10 cm. d'épaisseur, mélange de fragments hellénistiques et de fragments archaïques, allant de la fin du vne à la fin du vie siècle 2 ; ce niveau correspond au hiatus provoqué par la période

1 Cavallari-Orsi, l. l., col. 698 et 727-742, considéraient la muraille comme antérieure à 483, opinion généralement admise. R. Delbrueck, Hellenistische Bauten in Latium, II, 1912, p. 88-89, la date du me siècle. Cf., en dernier lieu, M. E. Blake, Ancient roman construction in Italy from the prehistoric period to Augustus, 1947, p. 83. Il est difficile d'accepter la thèse de Cavallari qui considère cette partie de la muraille où nous avons fait un sondage comme une sorte de digue contre les inondations : aucune trace de mortier n'a été relevée, ni dans le blocage ni dans son parement extérieur. La question sera à reprendre.

2 Notamment un fragment de col de cratère attique à colonnettes, datable des dernières années de la cité archaïque (entre 510 et 480), des fragments corinthiens, de coupes ioniennes, de bucchero étrusque.

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pendant laquelle le site a été déserté. La couche archaïque se subdivisait à son tour en deux niveaux, division très claire, fondée sur la différence du matériel : de — 70 à — 120 cm., le premier niveau archaïque (troisième de la stratigraphie) contenait des fragments archaïques de toute époque, de la fin du vine 1 à la fin du vie siècle. Trois subdivisions arbitraires, dans le sens horizontal, ont montré une progressive disparition des fragments postérieurs à 620 environ (fragments corinthiens, attiques à figures noires, ioniens, bucchero étrusque). Le dernier niveau archaïque (quatrième niveau) était tout entier du vne siècle, avant 620, contenant uniquement des fragments protocorinthiens, géométriques locaux et argiens sans décor, avec une quinzaine de fragments remontant à la fin du vin6 siècle 2. Une petite zone bouleversée, au nord, correspondait à une fondation d'époque hellénistique ; là, le deuxième niveau, mélangé, atteignait une épaisseur de 60 cm. Au-dessous, une poche, s' étendant jusqu'à une petite fosse creusée dans le rocher, contenait une série de quinze petits vases locaux et de nombreux fragments du vie siècle 8. Ailleurs, les divisions dans le sens vertical se sont révélées inutiles.

Le sondage n° II a rigoureusement confirmé cette stratigraphie.

Les mêmes niveaux ont été retrouvés, mais séparés, cette fois, par des sols de terre battue jaune. Le premier niveau (0-60 cm.) contenait un matériel hellénistique identique, encore mieux daté par le trésor de monnaies d'argent. Presque partout, un sol remplaçait le deuxième niveau. Celui-ci ne se retrouvait qu'à l'extrémité nord,

1 Un fragment de skyphos protocorinthien à « files de hérons » : cf., pour la date, J. M. Cook, Β. S. Α., XLII, 1947, p. 145 et 152-153 (vers 710-700), et M. Robertson, Β. S. Α., XLIII, 1948, p. 12, n° 24, f. 2 et 3.

a Un autre fragment de skyphos à « files de hérons » et une série de fragments de coupes-skyphoi géométriques à rebord mouluré.

8 Mélangés à quelques fragments archaïques, provenant de lambeaux du quatrième niveau, notamment encore un fragment de skyphos à « files de hérons ».

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Fig. 2. — Plan du chantier n° 111

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sur une épaisseur de 30 cm. x. Le troisième niveau ( — 70-120 cm.), au-dessous d'un sol de 10 cm., était identique à celui du sondage n° I ; il était séparé du quatrième par un autre sol de 20 cm. d'épaisseur. Ce dernier niveau ( — 140-170/180 cm.) était entièrement de la fin du vine et du vne siècle. Le même matériel, uniquement du vu6 siècle, formait le remplissage du silo creusé dans le rocher2. Un exemple analogue, très net, nous est offert par le sondage n° XVI : premier niveau (0-65 cm.), hellénistique, me siècle ; deuxième niveau ( — 65-100 cm.), mélangé, essentiellement de la fin du ive et du vie siècle ; troisième niveau ( — 100-120/130 cm.), archaïque, de 650 à 550 environ; quatrième niveau ( — 120/130- 170/185 cm.), séparé du précédent par un sol de terre battue jaune, tout entier du vu® siècle3. A 9* nous fournit une stratigraphie beaucoup plus simple : premier niveau (0-70 cm.), hellénistique ; sol de terre battue jaune de — 70 à — 85 cm. ; deuxième niveau ( — 85-120 cm.), purement archaïque, avec quelques fragments du vie siècle au sommet, mais en majeure partie des deuxième et troisième quarts du vne siècle ; second sol, au contact de la roche et de l'humus noir, de — 120 à — 130 /140 cm. Des murs superposés, appartenant à deux époques différentes, correspondent exactement à cette division. Un type de stratigraphie rendu compliqué par de nombreux remaniements nous est fourni par le sondage n° XII (fig. 4). Le premier niveau, hellénistique, s'étend de 0 à — 80 cm. ; le deuxième niveau, mélangé, de 80 à — 120 cm., mais descend, en plusieurs endroits, jusqu'à — 160 cm. ; le troisième ni-

1 L'extrémité nord et une bande longitudinale à l'est se trouvaient entièrement remaniées : voir la coupe transversale, flg. 4.

2 Un fragment de la coupe reproduit flg. 13, pi. V, retrouvée en morceaux dans le silo, provient du quatrième niveau lui-même.

8 La stratification géologique est la suivante : jusqu'à — 80 cm., humus gris. A partir de — 80 cm., terre brun pâle plus compacte, déjà signalée. A — 90 cm. apparaissait l'angle d'un mur archaïque, fondé sur le rocher, passant sous un mur hellénistique.

4 Les numéros renvoient aux secteurs indiqués sur le plan, fig. 3.

Mélange» d'Arch. et d'HUt. 1951. 2

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veau ( — 120-160 cm.), qui recouvre le vne et le début du vie siècle, n'apparaît qu'en un point, au-dessous d'une couche de terre charbonneuse ; le niveau 3 b, à la même hauteur, sous un sol de terre battue, est très légèrement remanié ; le quatrième niveau, enfin ( — 160-180 cm.), se retrouve partout à la base. Il date des trois premiers quarts du vne siècle.

Les stratigraphies du chantier A présentent, en général, un autre aspect : elles sont scindées en une série de petits secteurs, limités par des murs hellénistiques qui, bien que descendant jusqu'au rocher, ont respecté, le plus souvent, les couches archaïques. Tel est le cas, par exemple, des deux secteurs voisins Al et A 2 (fig. 4). Le premier niveau, hellénistique, tardif, du Ier siècle, a une épaisseur d'environ 1 m. (en A 2, une couche de cailloutis, à — 70-80 cm., correspond au sol de la pièce). Puis vient un deuxième niveau, de 15 cm., uniquement du vie siècle. En A 1 il forme, dans sa partie nord, une couche d'incendie, légèrement remaniée. Le troisième niveau couvre uniquement la fin du vine et le vu6 siècle. En A 2, un foyer, de même date1, situé de — 115 à — 130 cm., reposait sur une banquette de terre jaune stérile de 30 cm. d'épaisseur. La stratification en A 20-22 est assez analogue : un premier niveau hellénistique du Ier siècle (0-65 cm.), puis un sol de terre jaune ; un deuxième niveau mélangé (65-90 cm.) ; un troisième niveau ( — 90-115 cm.), datant de la fin du vne et du début du vie siècle, avec de nombreux fragments corinthiens ; un autre sol le séparait du quatrième niveau ( — 115-150 cm.), des deuxième et troisième quarts du vne siècle. Les stratifications, à l'intérieur de la période hellénistique, ne sont pas les moins intéressantes. En A 6 (fig. 4), le premier niveau (0-70 cm.) correspond au remplissage de la pièce ; il est daté du ier siècle par le trésor de monnaies trouvé au même

1 Ce foyer renfermait un fragment d'aryballe globulaire géométrique, le seul, avec deux autres fragments en A 6 (troisième niveau archaïque), qu'on ait trouvé, jusqu'à présent, à Megara.

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niveau dans la pièce voisine (A 3). Le béton, formant le sol de la chambre, recouvrait un deuxième niveau hellénistique ( — 80- 115 cm.), du ine siècle, daté par une monnaie d'Agathocle et une de Hiéron II1. Séparé par un sol de terre battue, le troisième niveau ( — 120-160 cm.) va jusqu'à la fin du vne siècle, la fin du vme siècle étant particulièrement bien représentée. La même stratigraphie, avec deux niveaux hellénistiques séparés par un béton et un niveau archaïque, se retrouve en A4, A 17, et, dans une moindre mesure, en A 16 (partie nord).

Les constructions

Stratification des murs*.

La stratigraphie des constructions est infiniment plus complexe. Elle ne suit pas toujours rigoureusement la stratification des niveaux archéologiques. Là aussi, nous devons nous contenter de choisir quelques exemples typiques. Les cas de superposition de murs archaïques et de murs hellénistiques ne sont pas toujours les plus nets (fig. 5, pi. I). Nous en avons un, très clair, dans le sondage n° XVI 3. Mais la complexité est, en général, plus grande dans le chantier A. En A 7, le mur est, qui fait corps avec le mur nord, tous deux fondés sur le rocher, est recouvert et recoupé, au sud, par un mur plus tardif, dont les fondations sont à 40 cm. au-dessus du rocher. A la limite de A 11, un angle formé par le reste de deux murs, de direction légèrement oblique, par rapport au précédent, et de date plus tardive, passe encore au-dessus de celui-ci (les fon-

1 Le matériel est analogue à celui du sondage n° I, par exemple : petites coupelles à anses appliquées sans décor, fragments du type de Gnathia. . .

2 Les murs indiqués en rouge passent au-dessous des murs en traits pleins, les murs en bleu viennent au-dessus, en troisième position : ceci a simplement une valeur stratigraphique et ne préjuge en rien de leur chronologie.

3 Cf. p. 17, n. 3.

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dations sont à 90 cm. de la roche). Les murs de pierres sèches, séparant les secteurs 8, 9, 12 et 38, sont entièrement noyés dans la couche archaïque1. Ils sont surmontés de petits murs tardifs, à 65 cm. au-dessus du rocher. En A 34 et 31, nous avons, cette fois, une superposition des murs archaïques eux-mêmes. Nous avons d'abord le long mur archaïque nord-sud, celui du sondage n° XII, continuant en A 34 et se poursuivant, par places, en 13 et 14. Appartenant à la même habitation, nous trouvons, en A 34, un mur de refend vers l'est. Celui-ci est surmonté, un peu plus loin, par un autre mur de même direction, mais plus large, qui a utilisé le premier comme fondation. Ce mur est lui-même coupé, à ses extrémités est et ouest, par un troisième mur, parallèle et accolé aux précédents, au sud. Il fait angle à l'est, vers le nord, et à l'ouest, vers le nord et le sud à la fois, passant au-dessus du premier mur ; il se prolonge, d'ailleurs, un peu plus au sud, par un autre fragment, en A 13. Toute cette série de murs est elle-même recouverte par des murs hellénistiques, appartenant à deux époques différentes. Enfin, nous trouvons des cas de superposition d'un autre caractère : des murs archaïques sous des sols hellénistiques, en A 6, sous un béton, en A 22, sous un dallage de pierres irrégulières ; des silos archaïques placés exactement sous des murs hellénistiques, entre A 6 et 17 et en A 14 ; également des puits, par exemple dans le sondage n° XII et entre A 20 et A 28.

Les superpositions d'époque hellénigtique ne sont pas plus simples. On a, au centre du chantier A, une habitation hellénistique dont le plan se distingue assez aisément. Cette construction, en assez bon appareil, recouvre elle-même les restes d'une maison hellénistique plus ancienne, dont les murs apparaissent en A 6, sous le béton (cf. la coupe, fig. 4), se prolongent en A 3 et se poursuivent au delà de l'habitation, en A 36 (fig. 6 et 7, pi. I-II). Ils correspondent à une piemière période hellénistique datée, on l'a vu, par la strati-

1 Cf. la stratigraphie de A 9, décrite p. 17.

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graphie1. La deuxième période hellénistique est représentée par l'habitation elle-même. Mais cette dernière a subi, par la suite, de nombreux remaniements. Une sorte de portique ouvert au sud (A 16 et 17) a été fermé par un petit mur installé sur le béton ; le portique lui-même a été scindé en deux et un seuil installé au centre, posé sur le béton (fig. 8, pi. II). A l'extrémité ouest, la porte donnant sur la pièce A 15 a été condamnée et le seuil bouché (fig. 9, pi. Ill) ; cette pièce a été divisée en deux par un petit mur nord-sud, sans fondations. Deux autres ouvertures ont été percées. Enfin, une série de murs, également sans fondations, ont été adossés à l'ouest (A 13 et 14). Ces constatations sont assez claires. Mais une stratification beaucoup plus compliquée, parce que complète en un même point, permet de préciser encore ces conclusions.

On trouve, en A 24, près de l'angle sud-est du portique déjà mentionné, dans ce qui constituait sans doute la cour de la maison hellénistique, des restes de murs probablement archaïques, fondés sur le rocher et dessinant deux pièces. Un fragment de mur isolé, de direction est-ouest, fondé sur la terre, passe au-dessus d'eux : il est d'époque hellénistique, car les fondations contiennent des fragments de tuiles. Surmontant juste ce petit mur, nous avons un dallage posé sur la terre, formé de dalles irrégulières de 8 cm. d'épaisseur. Il recouvre aussi, naturellement, les murs archaïques et, de plus, un puits situé à proximité2. Exactement au niveau du portique, il est certainement contemporain de celui-ci, donc de toute l'habitation hellénistique avant les remaniements postérieurs3. A l'est de la maison, toute la série de murs visiblement

1 Cf. p. 18-20 et n. 1, p. 20. La fondation du mur elle-même contenait quelques fragments et une monnaie du me siècle.

2 Ce puits est antérieur à l'habitation hellénistique, car l'angle sud- est a été légèrement déplacé pour l'éviter. Il appartient peut-être à la phase hellénistique antérieure ; il était, en effet, comblé de matériaux de cette époque.

3 II recouvre également une canalisation en terre cuite, mais qui est

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adossés à la construction, sans fondations profondes *, et en appareil bien plus médiocre, est sans aucun doute postérieure ; le mur séparant A 21 et 24 en fait également partie. Or, à ce dernier est adossée, à son tour, une construction encore plus tardive, une petite pièce irrégulière avec un seuil ouvrant vers l'ouest. Les murs, sans fondations, qui sont identiques, comme appareil, aux petits murs tardifs qui ont cloisonné l'habitation hellénistique, sont certainement contemporains de ces derniers. Naturellement, les murs de cette pièce recouvrent tous les murs précédents, ainsi que le dallage. On a donc là cinq époques de construction bien distinctes : 1° l'époque archaïque, qui, nous l'avons vu précédemment, peut se subdiviser elle-même en trois périodes ; 2° la première période hellénistique, avec le bout de mur au-dessous du dallage et les murs antérieurs à l'habitation hellénistique ; 3° la seconde époque hellénistique, celle de la maison ; 4° les constructions plus tardives adossées ; 5° les remaniements introduits finalement dans les constructions de la troisième période. Ces deux dernières phases doivent être probablement assez rapprochées dans le temps de la précédente2. Grâce à cette stratification, on peut ainsi arriver à dater, par une série de rapprochements, presque tous les murs mis au jour, avec

contemporaine, car elle traverse les murs séparant A 24 et 16, 16 et 4, et a été englobée dans leur construction ; elle passe sous le béton du portique, mais s'interrompt sous celui du corridor A 4. Ce dernier a dû être refait postérieurement ; on a détruit, à ce moment, la canalisation.

1 Les fondations du mur séparant A 21 et 24 sont à un mètre de la roche.

2 II faut signaler un fait très curieux qui se rattache à la dernière époque hellénistique : un fossé (AIO), de lm50 à 2m20 de profondeur, creusé dans le rocher, coupe tous les murs de toutes les époques, archaïque et hellénistique. Il semble se prolonger vers le nord aussi bien que vers le sud. Il appartient certainement à la dernière période de Megara, car il était comblé d'un matériel hellénistique tardif, mélangé à des fragments plus anciens, et même archaïques. La destination de cet ouvrage demeure mystérieuse (ce n'est ni un fossé de défense, au centre du plateau, ni une conduite d'eau, à contre-pente, ni une carrière de pierres).

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une certitude que n'aurait pas donné le seul examen des techniques de construction.

Les types ds construction.

Les murs archaïques ont des caractères propres qui permettent de les distinguer assez facilement. Ils sont en pierres sèches, toujours soigneusement appareillés, avec des parois bien planes jusqu'à leur pied. Ils sont toujours fondés directement sur le rocher ou sur la mince couche d'humus noirâtre primitif qui sert souvent à aplanir le terrain. Au contraire, les fondations hellénistiques descendant jusqu'à la roche sont formées de pierres irrégulières, non appareillées, mais posées simplement les unes au-dessus des autres, ne formant pas de véritables parois. Le premier type de mur archaïque est assez remarquable (fig. 10, pi. III). La base du mur est formée d'une série de grandes dalles dressées verticalement, accolées deux à deux, mais avec un espace ménagé entre elles. Elles sont de hauteur inégale, vaguement quadrangulaires à la base, polygonales au sommet. Le mur se continue par une série de pierres polygonales, posées de champ, occupant toute la largeur du mur. Des pierres plus petites bouchent, en certains points, les intervalles. En élévation, le mur a un aspect polygonal rudimentaire, avec des pierres soigneusement emboîtées les unes dans les autres. Ce type de mur à orthostates est rare à l'époque archaïque, en dehors des sanctuaires. Le seul autre exemple connu est celui de Troie VII 2, que l'on date du vme siècle 1. A Megara, les murs à orthostates peuvent heureusement être datés avec une relative précision. Tous les spécimens que nous en avons, en A 7 2, avec un fragment au delà du fossé, en A 8, en A 6 et 22, sont englobés dans des niveaux ar-

1 W. Dörpfeld, Troja und Mon, I, 1902, p. 193-201, f. 73-74 ; pour la date, p. 199-201, confirmée par le matériel, p. 296-303.

a C'est là qu'il est le mieux conservé : il atteint lm10 de haut, avec un minimum de 70 cm.

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chaïques purs, tous de même date. Le niveau archaïque, à l'intérieur de la pièce à orthostates (A 7), de — 80 à — 150 cm., est du milieu et du troisième quart du vne siècle. A l'extérieur, à l'est (sondage n° XV), nous avons, sous un sol de terre battue jaune, un niveau de même date ( — 110Ί50 cm.). Au nord (A 41), le niveau ( — 85-150 cm.) est tout entier du vne siècle. Le fragment A 8 est englobé dans un niveau toujours du milieu-troisième quart du viie siècle ( — 85-145 cm.). Comme on l'a vu plus haut, en A 6, le niveau archaïque, de part et d'autre du mur, date uniquement du vne siècle ; en A 22, le quatrième niveau est, lui aussi, des deuxième et troisième quarts du vne siècle ; le mur vient affleurer dans le troisième niveau, qui est de la fin du vne et du début du vie siècle. Il n'est donc pas téméraire de dater les murs à orthostates de la première moitié ou du milieu du viie siècle.

Le second type de mur est plus normal. Ces murs archaïques sont formés d'un appareil de pierres sèches grossièrement polygonal, c'est-à-dire qu'on n'y distingue pas d'assises (fig. 5, pi. I). En coupe, le mur est constitué de deux parements de pierres, intérieurement étroitement imbriquées. C'est le type de mur archaïque le plus fréquent. La plupart d'entre eux ont déjà été mentionnés : presque tous se trouvent dans la partie ouest du chantier A1. Ici, les stratigraphies accompagnant les murs sont malheureusement moins nettes. Nous avons des niveaux archaïques plus minces et plus épars. La majeure partie de ces niveaux est, encore une fois, du viie siècle ; mais on peut se demander si, dans le cas présent, les niveaux ne seraient pas, d'abord, antérieurs aux constructions et, d'autre part, si les niveaux correspondant à l'époque d'occupation de ces habitations n'auraient pas été remués, bouleversés, par les constructions hellénistiques postérieures, qui n'auraient respecté

1 L'ensemble formé par le sondage n° XII, les secteurs A 31, 34, 37, 13 et 14, plus les fragments en A 22 et 32 et le petit groupe déjà étudié en A 24.

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que les niveaux les plus profonds. Deux faits sembleraient corroborer cette hypothèse. On a trouvé, parmi les restes d'un petit mur archaïque écroulé, de direction est-ouest, qui forme la limite méridionale de A 14, un fragment appartenant à un même vase que plusieurs autres fragments trouvés en A 34, également dans le niveau archaïque, au nord du mur est-ouest, transversal au long mur archaïque nord-sud, c'est-à-dire à l'intérieur d'une des pièces de cette habitation. Un autre fragment, enfin, a été recueilli dans le foyer archaïque de A 2. Or, le vase d'où proviennent ces fragments peut être daté de l'extrême fin du vne siècle ou des environs de 600 1. Il prouve l'existence d'une couche archéologique antérieure aux constructions que nous avons mentionnées. Celles-ci seraient donc postérieures à 600 et se seraient installées sur des niveaux d'habitation plus anciens2, dont les murs auraient postérieurement disparu3 ; creusées à une faible profondeur et remuant un matériel de date très voisine, les fondations archaïques postérieures n'ont pu apporter qu'un faible bouleversement, rapidement effacé. La date de ces murs pourrait être encore précisée grâce à une seconde constatation : l'espace compris entre le long mur archaïque nord- sud et le mur hellénistique formant la bordure du chantier A était bourré de vases et de tessons datant tous de la première moitié du vie siècle4. Des fragments analogues, et parfois de mêmes vases, étaient également abondants dans les niveaux mélangés, hellénis-

1 II s'agit d'un bol extrêmement fin, s'apparentant à la fois aux bols rhodiens et aux calices dits naucratites, mais de technique différente, car sans engobe. Il doit appartenir à une fabrique ionienne encore indéterminée. L'intérieur et l'extérieur sont décorés de zones d'animaux et d'oiseaux (ceux-ci de type rhodien géométrique) et de tresses. L'emploi de l'incision, des rehauts de couleur, l'influence corinthienne, très nette, sont les éléments qui déterminent la date proposée.

2 Dont témoigne le foyer en A 2. 3 Le fragment de mur à orthostates en A 6 est peut-être un reste

de ces constructions. 4 Aryballe et alabastre corinthien moyen, nombreux fragments de

coupes ioniennes, fragments de coupes attiques, style de Siana...

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tico-archaïques, à l'intérieur des pièces archaïques. Peut-être sont- ils le témoignage de la couche d'habitation. Ces murs archaïques seraient donc à placer dans la première moitié du vie siècle, les autres murs archaïques superposés étant postérieurs (seconde moitié du siècle?)1.

Il y a moins à dire des constructions hellénistiques. Les meilleures, en appareil relativement soigné, pseudo-isodome, sont aussi les plus anciennes. Les murs sont faits de blocs quadrangulaires, inégaux, formant des assises plus ou moins régulières. Nous ne connaissons qu'un seul exemple de mur qui soit construit de cette manière depuis les fondations (fig. 11 , pi. IV, mur de bordure ouest de A). Ailleurs, les fondations, plus ou moins soignées, descendent jusqu'au rocher (fig. 6 et 7, pi. I-II, A 6, 39) ou sont limitées à un lit assez mince de pierres posées sur la terre 2. Les murs sont souvent faits de blocs réemployés, empruntés à des édifices archaïques3. On a déjà vu le type de fondations de la maison hellénistique, troisième époque4. Ici, bien souvent, les intervalles entre les blocs sont comblés par de la pierraille. La date de ces constructions est moins facilement déterminable. Les premières (deuxième époque : première période hellénistique) se placent, d'après le matériel, entre

1 II resterait à mentionner les petits murs de pierres sèches divisant les secteurs A 8, 9, et 38. Ils sont formés de pierres entassées et n'ont jamais, certainement, constitué des murs d'habitation : il pourrait s'agir, simplement, de murs de clôture. Noyés dans le niveau archaïque, ils sont de date difficilement déterminable.

2 C'est le cas général en III. 8 Peut-être des sanctuaires. De nombreux fragments de terres-cuites

architectoniques archaïques ont été employés dans les fondations hellénistiques.

4 II est remarquable que les tranchées creusées pour ces fondations n'aient pas bouleversé les niveaux archaïques contigus. Elles n'ont pas dû dépasser la largeur du mur et on s'est sans doute contenté d'y entasser des pierres, des fragments de tuiles ou de meules, mais sans apport de terres, ne provoquant ainsi aucun remaniement. Ailleurs, au contraire (en III en particulier), le terrain a été largement remué et les fondations construites sur le côté et non par-dessus.

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la fin du ive et la fin du iiie siècle. On peut penser qu'elles sont du début plutôt que de la fin de cette période et qu'elles datent du moment où les Syracusains ont réoccupé le site. Étant donné que l'époque suivante est encore continuée par deux autres périodes plus tardives, jusqu'au troisième quart du ier siècle, il est préférable d'admettre que les constructions de cette troisième époque appartiennent au début ou à la première moitié du ne siècle. Elles sont, d'ailleurs, très voisines des constructions précédentes, aussi bien en ce qui concerne la forme des seuils, la technique des bétons et des revêtements à la chaux1, partout employés, l'usage de décharge d'eau et de canalisation en terre cuite (III η et A 4, 16, 24), le type de couverture en tuiles plates2, les puits avec leur margelle en encorbellement3. Les murs hellénistiques tardifs n'ont pas de fondations profondes. Ils sont faits de petits matériaux — de petites pierres plates et de nombreux fragments de tuiles — irrégulièrement assemblés, unis par un mortier rudimèntaire4; le mur est souvent plus étroit que la fondation. Cet emploi de débris de terre cuite conduit à une véritable construction rudimentaire en briques. Tel est le cas de la petite cuisine, avec son fourneau de

1 La chaux des bétons est plus souvent mêlée de petits fragments de terre cuite qiie de cailloutis. Un seul revêtement, en III d, est coloré, d'une teinte rosé vif uniforme.

2 Signalons, au passage, que les tuiles plates n'existent pas, à l'époque archaïque, pour les habitations, naturellement ; notons également l'emploi, à l'époque hellénistique, de tuiles plates percées d'une ouverture ronde et servant de lucarnes (fragments dans le sondage n° II et en A 8 sur lesquels M. Bernabô-Brea a attiré mon attention).

3 Le puits à l'extrémité sud de A 9 avait une margelle de type différent : un anneau d'arenaria monolithe. Les fragments en ont été retrouvés à l'intérieur du puits, qui est de la première période hellénistique (cf. p. 22, n. 2). Le puits A 18 avait une margelle de forme rectangulaire. Il était uniquement rempli d'un matériel de la fin du ive et du m® siècle et doit dater, ainsi que le mur auquel il est adossé, du début de la première période hellénistique.

4 Les murs de ce type se trouvent surtout en A 8, 9, 12 et 21, dans le sondage n° XII (fig. 5, pi. I, les deux petits murs du fond) et en A 37.

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briques, dégagée dans le sondage n° XVI. Les murs les plus tardifs sont chaotiques. Ils sont formés de pierres de toutes dimensions, blocs et pierraille, sans fondations1, avec des matériaux hellénistiques plus anciens réemployés. Le revêtement des murs est le même, mais les bétons sont plus rares ; on trouve des sols formés d'un lit de gros cailloux, ou bien, en un cas (III 1), une sorte de mosaïque de petits carreaux de terre cuite. Les tuiles aussi sont différentes : les couvre-joints sont étroits, minces et anguleux. Ces types de construction peuvent être placés entre le milieu du 11e et le troisième quart du Ier siècle, disons, en théorie, dans la deuxième moitié du 11e siècle pour la quatrième époque et la première moitié du Ier siècle pour la dernière.

Les plans.

Il n'y a guère d'espoir de trouver, à Megara, des éléments suffisants pour permettre de reconstituer le plan d'une maison archaïque. Et notre documentation est, malheureusement, partout aussi inconsistante. Les murs du vne siècle, à orthostates, ne nous apportent guère, en fait de plan, qu'environ les trois quarts d'une pièce (A 7 et 8), de 3m50 sur 5 m., située probablement à l'angle nord-est de l'habitation, avec un puits à proximité, entouré d'une margelle formée de dalles analogues à celles qui constituent la base des murs, et daté, par son remplissage, de la première moitié du vne siècle2. On peut supposer l'existence d'une autre habitation,

1 En A 13 et 14, les murs sont formés d'une file de blocs reposant sur un amoncellement de gros galets, de toutes formes et de toutes dimensions, visiblement jetés au hasard : il n'y avait pas de terre entre eux.

2 Sondage n° XV : les fragments étaient presque tous hellénistiques jusqu'à un mètre de profondeur; puis les fragments archaïques devenaient de plus en plus nombreux, éliminant totalement les tessons hellénistiques vers 2 m. de profondeur. De 2 m. jusqu'à 3m50, tous les fragments étaient de la seconde moitié du vne siècle ou du début du vie ; enfin venait la boue stérile de remplissage. Le puits est donc, au plus tard, du milieu du vne siècle.

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à l'ouest de A 6 (mur à orthostates et foyer en A 2), avec un silo en A 14. L'autre silo (A 5-16) devait se rattacher à la première habitation. Ces silos, creusés dans le rocher, en forme de ruches à fond plat, posent, d'ailleurs, un problème de date assez curieux, car ils sont restés sans doute très peu de temps en usage. Le dernier avait été transformé en puits ; pourtant, silo et puits étaient comblés d'un matériel identique, tout entier du vne siècle, et remontant même jusqu'aux environs de 680 : le puits, lui-même, a donc été utilisé peu de temps. Le silo en A 14, comme celui du sondage II, avait un remplissage analogue, tout du vne siècle1. On a plus de murs du vie siècle, mais guère de possibilité de reconnaître véritablement un plan de maison. Nous avons, à l'ouest du chantier A, le mur de fond d'une assez grande maison (18m50 en sont conservés), mais avec une série de cinq pièces s'ouvrant à l'est ; vers le nord, un puits du vie siècle 2, marquant probablement l'emplacement de la cour. Les murs archaïques plus récents ne nous apportent pratiquement rien. Ailleurs, au sud-est (A 24), nous pouvons identifier les restes assez nets de deux pièces contiguës, alignées d'est en ouest. Les orientations des murs sont pratiquement partout conformes aux points cardinaux. On peut penser que le plan d'ensemble présentait une certaine régularité ; une rue passait peut-être derrière le long mur archaïque, à l'ouest de celui-ci, sur l'emplacement occupé, plus tard, par le mur de bordure d'une maison hellénistique.

Le plan de la maison du chantier III, le seul que nous connaissions encore pour la première période hellénistique, c'est-à-dire pour

1 Le silo A 14 contenait même un fragment de skyphos protocorinthien à « file de hérons », ce qui ferait remonter son abandon au tout début du vu6 siècle. Creusés sans doute au moment de l'arrivée des Mégariens, ces silos ont peut-être été jugés, par la suite, mal commodes, parce que trop humides.

2 Sondage n° XII. Les fragments recueillis étaient tous de la deuxième moitié du vie siècle, sauf quelques tessons hellénistiques au sommet. *

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le iiie siècle, est assez bien préservé, mais la distribution et la destination des diverses parties de l'habitation n'en demeurent pas moins obscures. En bien des points, en effet, les murs ne sont conservés que jusqu'au niveau du sol antique, et parfois même, seulement à la hauteur des fondations. La maison a l'aspect d'un rectangle de 42m50 sur 27m50, allongé d'est en ouest, mais dont la partie centrale, au sud, fait défaut. On a une série de pièces formant un quadrilatère ouvert de ce côté ; il semble qu'il y ait toujours eu libre communication, en ce point, entre l'extérieur et la cour intérieure, dépourvue de toute construction (fig. 12, pi. IV). Ce passage formait sans doute l'entrée de la maison. Deux autres pièces, au nord, ouvrent à l'extérieur, sur la rue ; elles ne paraissent pas avoir communiqué avec le reste de l'habitation. Peut-être s'agit-il de boutiques. Les sept pièces inégales, rangées en deux files, à l'est, tournent le dos à la cour centrale. Seule la chambre III d communiquait avec elle. Les deux pièces plus au nord donnaient sur la seconde rangée de chambres qui s'ouvrent, elles-mêmes, sur une sorte de galerie aveugle, ouverte au sud1. Le mur qui la borde est de construction moins soignée ; peut-être forme-t-il simplement une clôture enfermant la maison. Nous avons deux exemples de communication latérale entre les pièces : à l'ouest, deux chambres séparées par une marche et une dalle de seuil, au sud-est, la pièce d'angle s'ouvrant au nord et à, l'ouest. Mais la partie la plus intéressante de l'habitation est cette espèce de galerie étroite, est- ouest (III a), qui borde au nord la cour. Ce ne peut être un couloir, puisqu'il ne met aucune pièce en rapport avec d'autres. On peut penser qu'il s'agit d'une sorte de portique s'ouvrant sur la cour, portique dont la colonnade devait être en bois, portique d'un type particulier à certaines maisons hellénistiques, bordant seulement le côté de la cour le plus exposé au soleil. C'est le type de maison

1 Les seuils, ici, sont partout conservés : cela est dû au fait que le terrain est en pente vers l'est, vers la mer, et que ces pièces sont situées sensiblement en contre-bas.

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qu'on appelle à « pastas 1 ». Nous verrons que la maison hellénistique

plus tardive possède, elle aussi, un exemple, encore plus net, de « pastas ». L'habitation avait deux puits, l'un, ì l'est de la cour, de date incertaine, l'autre sans doute contemporain de la maison, dans la petite' pièce III o2.

Le plan d'ensemble de la ville, au me siècle, paraît avoir été assez régulier, modelé sur le terrain, avec des rues orientées selon les points cardinaux. Nous avons l'enceinte, qui la limite, une longue rue est-ouest, bordant la maison que nous venons d'examiner et se prolongeant vers la mer (sondages nos V à VIII), sans doute une autre rue nord-sud, longeant une autre grande habitation hellénistique de cette époque, présentant un front de 31m30, à l'ouest du chantier A8. Les maisons sont vastes, car la place ne devait pas manquer, dans cette petite cité, occupant une superficie relativement importante. A partir du 11e siècle, les plans deviennent de plus en plus confus et irréguliers ; les orientations ne sont plus respectées et les murs partent dans tous les sens. L'emplacement des rues est difficile à déterminer. Un seul plan d'habitation est clair,

1 C'est la règle à Olynthe : D. M. Robinson-J. W. Graham, Excavations at Olynthus, VIII (The Hellenic House), 1938, par exemple, p. 142, f. 5. On trouve aussi le « pastas » à Pella, à Erétrie et à Délos (p. 148).

2 Le puits en III m, vide, est antérieur ; on a construit un des murs par-dessus. Des traces de remaniements postérieurs doivent être notés ; dans la partie est, au sud, deux murs tardifs ont coupé les murs d'une pièce en III b et le mur terminal de la maison. Ils s'apparentent, comme construction, aux murs des quatrième et cinquième époques en A. D'assez nombreux fragments hellénistiques tardifs ont été trouvés dans cette zone.

8 L'autre côté de la rue subsiste en un point (A 30), sous forme d'un mur hellénistique parallèle, de même type et de même époque, coupé par des fondations hellénistiques tardives ; les murs de première période hellénistique, en A 6 et 36, appartiennent peut-être à cette habitation. Une autre rue, plus étroite peut-être, bordait sans doute la maison du chantier III sur son côté ouest; elle a été postérieurement coupée par une construction plus tardive, avec un grand silo (?), construit au-dessus du sol (flg. 16, pi. VI). On a tenté également d'y creuser un puits, resté inachevé (III i).

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Pl. I

Fro. h. — Murs archaïques et murs hellénistiques, au fond (XII, 1re cami'agne)

tie. 6. — Mur hellénistique et ses fondations ANTKIUKUHS Λ LA ΛΓΑΙ8ΟΧ DE 3« KPOQ.JE (|,KTi>N SUPRHPosk — Λ 6)

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Pl. II

Fig. 7. — Mûrs hellénistiques superposés (Λ fi κτ 3ί>, 2e et 3e époques)

Fia. 8. — Portique nokd nu la maison iikllknisiiqie (3e k CONDAMNÉ PAR UX PEUT MUU ET COUPÉ EN DKIJX PAR UN SEUIL (ì)e ÉP(J(J|ue)

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Pr.. ÏTI

Pic. 1). — Seuil de la maison hellénistique (3n époque) CONDAMNÉ POSTÉRIEUREMENT (Vi" ÉPOQUE)

Fu·. \0. — ùlvn a oitniosTAiKs (Λ 7. t"' μογπκ-miuku di; vii." sikcle)

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Pl. IV

KiG. 11. Ml'R DE BORDL'IIK DUNE MAISON HELLÉNISTIQUE (Λ 'IS HT 14. 2e EPOQUE)

Fio. 12. — Ciia.mbkes sud db la maison hellénistique (ΠΙ. 1 |ϋ campagne)

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Pl. V

Fig. 13. — C(»ui'E archaïque, οκ τυιέ ιονικχ rt dk kahrtîjatton syrauusaink (drrxier quart dt; vne sikc.lk; IIe stlo, lie campagnk)

Imo. 14. — Dtnos archaïque dk fabrication locale (vit" siècle: 11° silo, 1 '" campagne)

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Ρ... VI

Fm. 1Γ>. — Λ hula archaïque en terre-cuite décorée imne scknk de chah (vers 540; XII, 1 l>e campagne")

F\a. 10. — Silo iiellknisttque (III. 1"' c

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MEGARA HYBLAEA 33

celui de la maison troisième époque (deuxième période hellénistique) du chantier A (fig. 3). On reconnaît quatre pièces, allongées d'est en ouest, sur une longueur de 16 m., plus une cinquième, faisant angle, à l'ouest, vers le sud. Les deux dernières pièces à l'est se commandent et communiquent également au moyen d'un corridor. Tout cet ensemble donne sur un portique nord, un « pastas », certainement ouvert, au sud, sur une cour. La partie couverte du portique est, en effet, bétonnée ; le béton recouvre également le mur de soutènement même du portique, qui servait donc bien de passage. Mais le petit mur tardif construit par-dessus pour le boucher ne permet plus de distinguer les traces des colonnes elles-mêmes : elles devaient, vraisemblablement, être en bois. La cour était en partie bétonnée, en partie dallée ; nous avons des témoins de ces deux pavements, le long du portique, à l'ouest et à l'est. La maison ne se refermait pas, selon le type habituel. Nous trouvons simplement, à l'ouest, une file de pièces oblique, s'ouvrant toutes vers l'extérieur et indépendantes les unes des autres : on peut penser qu'il s'agit de boutiques. Les constructions hellénistiques plus tardives n'apportent pratiquement rien en fait de plans. On distingue simplement un fouillis de petites pièces, cloisonnées, entassées les unes à. côté des autres. L'aspect est assez semblable à celui des maisons hellénistiques dégagées par Gabrici sur l'Acropole de Séli- nunte 1.

Le matériel2

La céramique archaïque jusqu'à la fin du VIIe siècle.

Le fait le plus surprenant est l'abondance extraordinaire de la céramique protocorinthienne. Considérée en général comme une poterie de luxe, elle constitue, à Megara comme à Syracuse, le

1 Mon. Ant., XXXIII, 1929, col. 65-68 et 112; Not. Se, 1923, p. 104-108.

2 Nous insisterons surtout sur le matériel archaïque, le plus abondant et, en ce qui concerne la céramique du moins, le plus intéressant.

Mélanges d'Arch. el d' Hist. 1951. 3

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matériel essentiel des niveaux du viie siècle. Les fragments s'en comptent par centaines dans quelques mètres cubes de terrain. Les petits vases protocorinthiens étaient tout simplement la poterie d'usage courant dans les habitations de cette partie de la Sicile. Il s'agit essentiellement de vases à boire, coupes et skyphoi. Au contraire de ce qu'on voit dans les tombes, les petits récipients, aryballes, cenochoés à fond plat, pyxides, sont proportionnellement moins nombreux. Mais ils ne sont pas non plus absents. Tous les types et toutes les périodes de la céramique protocorinthienne sont largement représentés à Megara, par des tessons, naturellement, bien plus souvent que par des vases. Nous avons ainsi, pour la fin du vnie siècle, environ quatre-vingts fragments qu'on peut dater, avec une assez grande certitude, de la période 720-700 : une soixantaine de fragments de coupes-skyphoi géométriques à rebord mouluré, une douzaine de fragments de skyphoi « à files de hérons * », trois fragments d'aryballes globulaires géométriques 2, trois fragments de grands cratères géométriques. Un fragment de cra-

tériskos, d'une forme particulière, et quelques-uns des huit fragments d'œnochoés ovoïdes géométriques peuvent également remonter à cette période. Le reste est du début du vne siècle, en particulier trois fragments, dont un très important, de ces rares cenochoés décorées de spirales (et l'une d'elles d'un oiseau), du type dit « de Cumes ». A la même époque (environ 680) on doit rapporter trois aryballes ovoïdes, du type le plus ancien, dont un parfaitement conservé3, un fragment de grand plat à deux anses, décoré de cercles, d'un type fréquent dans toutes les séries géométriques récentes, mais jusqu'à présent inconnu dans la céramique proto- corinthienne, un calathos, forme également rare, les coupes à, rebord évasé de la forme la plus ancienne (profondes, entièrement couvertes de vernis à, partir des anses), les skyphoi coniques trapus :

x Cf. supra, p. 16, n. 1-3. 8 P. 18, n. 1. 8 II provient du silo A 16.

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deux d'entre eux sont décorés d'une grecque hachurée. Pour le deuxième quart du vne siècle, nous avons les fragments de sept aryballes ovoïdes, dont un du premier style à figures noires (vers 660), des fragments de pyxides (un couvercle porte également un décor à figures noires), d'abondants fragments d'œnochoés coniques et surtout une masse de tessons de coupes et de skyphoi, de type courant, illustrant l'évolution des formes et du décor1.

Après le milieu du vne siècle, et jusque vers 630, ce sont encore, naturellement, les fragments de coupes et de skyphoi qui sont, de très loin, les plus abondants. A côté d'eux, on trouve une série de petits vases protocorinthiens récents, six fragments d'aryballes ovoïdes subgéométriques, plusieurs d'œnochoés plates ou d'œnochoés coniques et de pyxides. Comme fragments appartenant au second style à figures noires, nous possédons le haut d'un grand aryballe, avec une tresse sur l'anse, et un fragment de grande œnochoé ( ?) à décor d'animaux. Cinq fragments, décorés d'écaillés doubles incisées, polychromes (rouge, jaune et blanc), appartiennent à la série très limitée des olpai protocorinthiennes récentes. Les fragments d'olpai « transitional » sont également nombreux (une vingtaine) ; deux fragments d'alabastres datent aussi de cette période. Nous arrivons, avec le corinthien ancien, à. la fin du vu6 siècle ; nous trouvons quatre aryballes, dont un, parfaitement conservé, représente un lièvre entre deux lions, trois alabastres, les fragments de deux bols et d'une phiale, formes rares, d'olpè, de skyphos et de nombreux autres tessons non identifiés. Le fragment le plus intéressant provient d'une grande pinax sur laquelle est figuré un génie ailé courant. Comme dans le reste de la Sicile, à cette époque, les vases importés sont presque tous de provenance corinthienne. On ne trouve, à côté d'eux, et seulement à partir du milieu du viie siècle, que de petites séries d'autre provenance. Il faut faire une exception pour les vases argiens, pratiquement de

1 Coupes de forme de plus en plus aplatie, skyphoi, au contraire, de plus en plus élancés; développement des arêtes à la base...

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même origine que les vases protocorinthiens et de même date : la plupart remontent à la première moitié du νπβ siècle. Ce sont de jolies petites œnochoés coniques ou rondes, faites à la main ; la surface, polie, a l'aspect de l'ivoire. Nous en possédons une vingtaine à décor incisé1, une douzaine sans décor. Les fragments de bols rhodiens à oiseaux (troisième quart du vne siècle) sont assez nombreux ; on en a seize en tout. De même origine rhodienne nous trouvons un askos-couronne, trois fragments de vases orientalisants, dont deux décorés d'une tresse, un fragment de plat à pied et un fragment d'assiette : ceux-ci sont plutôt du dernier quart du siècle. Une douzaine de fragments proviennent de petites coupes ioniennes, du type le plus archaïque, à cercles blancs et rouges (entre 630 et 600 environ) ; un fragment de lydion est de même technique. Quelques autres fragments isolés, de même époque, sont également de fabrication ionienne : un col de dinos orientalisant, de type rho- dien, mais certainement ionien par sa technique, trois fragments de bols, l'un décoré d'oiseaux2, un autre d'une rosette de points, quatre fragments d'amphores, deux cols avec l'ornement caractéristique (deux cercles concentriques entre des zigzags verticaux) et deux fragments de panse « à la brosse ». Signalons enfin une douzaine de fragments de canthares étrusques en bucchero ; comme ceux de Syracuse, ils doivent dater de la fin du vue siècle3.

A côté des vases importés, la céramique de fabrication locale n'est pas pour autant négligeable. Une grande quantité de vases décorés a été, en effet, fabriquée sur place, durant cette période, principalement à Syracuse, mais aussi, probablement, pour une petite série assez limitée, à Megara même. L'existence de ces fabriques locales n'avait pas été, jusqu'à, présent, reconnue. Les

1 Dont une œnochoé conique complète, toujours dans le silo A 16. a Cf. p. 26, n. 1. 8 En dehors de la céramique, le seul autre objet importé que nous

connaissions, pour le vu6 siècle, est une fibule à plaque rectangulaire d'ivoire, décorée de cercles concentriques incisés.

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MEGARA HYBLAEA 37

pièces les plus importantes étaient considérées, malgré l'absence de rapprochements précis, comme argiennes ou cycladiques 1 et rapportées, le plus souvent, à l'époque géométrique, à la période de « précolonisation », le reste du matériel étant passé sous silence. En réalité, la terre de ces vases est typiquement locale, rouge sombre, granuleuse, très dure, contenant de fines particules de calcaire et couverte d'un engobe ivoire solide. C'est une argile qu'on trouve sur place et dans laquelle on a tourné toute la céramique commune de Syracuse, à toutes les époques, et jusqu'à nos jours. Cette poterie est, au vne siècle, essentiellement une céramique d'imitation protocorinthienne2. La copie est littérale en ce qui concerne les coupes, dont les fragments pullulent (les skyphoi sont proportionnellement très rares) : tous les types protocorinthiens se trouvent reproduits. La décoration est également assez simple, de type protocorinthien, sur les vases de petites et moyennes dimensions ; mais les formes ne sont pas du tout celles de la céramique protocorinthienne : on a un grand nombre de petites œnochoés rondes à embouchure trilobée, des amphores, des vases sphé- riques à anses verticales contre un seul fragment d'aryballe, quelques fragments de pyxides et deux minuscules œnochoés coniques. La série la plus importante est celle des grands cratères, du type de ceux trouvés au Fusco, à. Syracuse. Avec les dinoi méga- riens, que nous verrons plus loin, ils constituent pratiquement toute la vaisselle de grande dimension employée à Megara3. Ici, la décoration est beaucoup plus libre ; elle utilise les motifs typiques du protocorinthien, mais en les recomposant, de manière à pouvoir

1 P. Arias, B. C. H., 1936, p. 144-151, spécialement p. 150 : la fabrique locale de Syracuse avait déjà été identifiée, indépendamment depuis plusieurs années, par M. Bernabò-Brea.

2 De même que la céramique locale d'Ithaque : M. Robertson, Β. S. Α., XLIII, 1948, p. 60-95.

* L'absence totale de grands vases dans la céramique protocorinthienne du vu6 siècle a rendu nécessaire une fabrication sur place de poteries de grande dimension.

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en couvrir de grandes surfaces : les groupes de traits parallèles, employés dans tous les sens, les séries de lignes brisées, groupées dans le sons horizontal ou dans le sens vertical, et très souvent placées en oblique1, les arêtes, la pointe en bas, les files de losanges, les triangles quadrillés. Les éléments curvilignes sont plus rares : postes, spirales, rosaces ou tresses. Normalement, la partie supérieure de la vasque porte un cadre rectangulaire où s'inscrit un motif assez dégagé, quelquefois une figure d'animal, dessinée au trait (fauves, oiseaux) ; la partie inférieure est décorée de cercles. La poterie commune (amphores, œnochoés, plats, lekanai) est ornée de cercles et, très souvent, de bandes ondulées 2. Quelques grands vases (œnochoés 3, cratères) portent un décor assez simple, en blanc sur le vernis brunâtre. A ce groupe se rattachent plusieurs imitations de coupes ioniennes archaïques (fig. 13, pi. V)4. Notons encore de petites tasses et des calathoi simplement enduits de vernis. La série mégarienne, de technique légèrement différente, semble se composer uniquement de dinoi portant une décoration assez originale, soit de type géométrique assez simple, comme la pièce reproduite ici (fig. 14, pi. V)5, soit à décor orientalisant figuré, parfois à personnages : on peut mentionner, comme types de représentations, les chevaux, les cavaliers, les guerriers, une file de bateaux, un guerrier attaquant un fauve. Une polychromie assez étonnante est parfois employée.

1 A Ithaque, nous ne trouvons qu'un seul exemple de décor de ce genre : Robertson, Β. S. Α., 1948, pi. 21, f. 322.

2 La bande ondulée n'est pas, comme on le dit généralement, un motif décoratif spécifiquement ionien. Elle dérive du « serpent » proto- corinthien. Son introduction est plus tardive en Ionie qu'à Syracuse ou qu'en Étrurie, par exemple.

8 Une œnochoé entière de cette série (diam. 0m205) a été trouvée à l'entrée du silo, dans le sondage n° II.

* Le type de la coupe ionienne est reproduit en plus grandes dimensions (haut. 0m125 ; diam. 0m19). Même provenance que précédemment.

6 Diam., à l'embouchure, 0m36. Même provenance (II, silo). L'anse plaquée est identique à celle d'un dinos d'Ithaque, sans décor : Robert- son, /. /., pi. 24, f. 383.

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La céramique archaïque après 600.

Les poteries syracusaines du vie siècle sont loin d'égaler, en abondance aussi bien qu'en qualité, celles du siècle précédent. Les grands vases ornés disparaissent. La décoration se limite presque toujours à des cercles ou à des bandes. Beaucoup de petits vases sont simplement recouverts d'un vernis brun noir. Les vases de dimensions réduites sont les plus abondants : petites œnochoés, olpai, pyxides rondes à anses verticales, de type corinthien tardif, minuscules cratères à colonnettes, de forme également corinthienne, bols, assiettes et plats. C'est le type de céramique locale qu'on trouve partout, en Grèce et en Occident, à cette époque1. Les produits un peu plus soignés s'inspirent de poteries importées contemporaines. Nous avons ainsi toute une série de skyphoi à vernis noir et cercles rouges, avec très souvent des arêtes parallèles à la base, qui imitent les skyphoi corinthiens à vernis noir. Les coupes ioniennes à rebord évasé sont très fréquemment copiées : mais les formes sont plus lourdes, le vernis, moins bon, ne recouvre, particularité curieuse, que l'extrémité des anses. On reproduit également les formes des vases attiques à figures noires tardifs, les skyphoi-cotyles, importés en assez grande quantité, et, en un cas, une coupe-skyphos « prolongation », du début du ve siècle. Les fragments figurés sont exceptionnels. Notons simplement un fond d'assiette portant, dans un médaillon, un personnage assez grossièrement dessiné dans le style corinthien. La décadence est évidente. Les terres-cuites de fabrication locale sont peu nombreuses et d'une faible qualité artistique. Mentionnons d'abord deux fragments remontant certainement au vne siècle et trouvés dans des niveaux de cette époque (A 6 et A 20) : le corps d'une statuette virile, d'un travail très primitif, et les restes d'un animal indéter-

1 A Reggio de Calabre, par exemple, il existe une abondante production locale, chalcidienne, de petits vases, exactement semblables, à l'argile près, aux produits syracusains de Megara.

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miné. Deux fragments de statuette se placent au troisième quart du vie siècle : une tête de couros à visage allongé avec une chevelure en nappe sur les épaules et le haut d'une statuette féminine dont la chevelure est tressée en nattes. Un haut de figure féminine assise date de la fin du vie siècle. Signalons encore une petite jambe de cavalier, d'un travail soigné, évoquant, en réduction, les acro- tères faîtiers des temples siciliens. Deux objets de terre cuite méritent, enfin, une mention particulière. D'abord, le haut d'un cylindre-sceau, en terre locale, seul de son espèce, croyons-nous, en Sicile ; deux taureaux passant à droite y sont gravés avec assez de finesse. L'un a la tête de face, l'autre de profil. L'objet peut encore remonter au vne siècle. Puis une arula décorée, sur son long côté, d'une scène de départ de char, en faible relief (fig. 15, pi. VI) 1. Le style est très ionien, avec ces personnages à front fuyant, à nez pointu, à gros yeux globuleux. Le galop des chevaux est également de type ionien. L'ensemble évoque assez les frises de Larissa d'Éo- lide. La pièce doit dater des environs de 540.

Les vases importés, moins nombreux, peut-être, qu'au siècle précédent, sont de provenance plus variée. Jusqu'au milieu du vie siècle, les fragments corinthiens continuent à être les plus nombreux. Le corinthien moyen, du premier quart du vie siècle, est surtout bien représenté. Encore à cette époque, le matériel corinthien constitue la presque totalité des importations. Nous avons plusieurs fragments de grands cratères à décor figuré, un alabastre à zones, deux aryballes, des fragments d'amphore, d'œnochoé, de pyxis, de cothons, surtout de très nombreux fragments de ces grands skyphoi portant une série de lignes brisées tout autour du

1 L'arala, qui mesure Om157 de hauteur, Om37 de longueur et Om16 de largeur, a été recueillie en fragments, remployés dans une fondation hellénistique du sondage n° XII. La terre, brune, grossière, n'est pas forcément locale, mais certainement sicilienne. Une arula très semblable par son sujet et par son style a été trouvée à Gela : Orsi, Mon. Ant., XIX, 1908, col. 53-55, f. 16.

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rebord ; des fragments, en plus grand nombre encore, appartiennent à des formes non identifiées. Presque tous sont décorés d'animaux. Les fragments corinthiens récents, du deuxième quart du vie siècle, sont beaucoup plus rares : un fragment d'amphore décoré d'une scène à personnages, un fragment de skyphos à décor d'animaux schématiques sur un fond de points, quatre petits skyphoi minuscules. Signalons encore une excellente petite tête de couros en terre cuite, de fabrication probablement corinthienne, datant de la première moitié du vie siècle.

D'autre part les importations ioniennes, pour la même période, sont presque aussi abondantes que les corinthiennes. Elles sont, en quasi totalité, constituées par des fragments de coupes à vernis noir à rebord évasé : on en compte environ soixante-

quinze. Quelques fragments seulement, de type plus archaïque, remontent au premier quart du siècle ; tout le reste est du second quart ou du milieu du vie siècle. On ne peut guère relever, à côté des coupes ioniennes, qu'un fragment d'assiette décoré de dauphins et de rosaces de points, probablement de la première moitié du siècle, un fragment de cratère clazoménien à figures noires, du milieu du vie siècle, et un autre fragment ionien à figures noires, peut-être du troisième quart du siècle. Nous avons plusieurs fragments de terres cuites, d'origine voisine, de fabrication rhodienne, toutes de la première moitié du vie siècle : deux proviennent de figurines assises à polos, trois appartiennent à des masques ; l'un d'entre eux est d'une qualité supérieure à la moyenne. Signalons, enfin, deux fragments isolés, le premier laconien, provenant d'un cratère à vernis noir, avec une fausse grecque sur fond blanc dessinée sur le rebord ; le second, pseudo-chalcidien, porte un lièvre courant et les restes d'une inscription.

Mais c'est la céramique attique qui forme la part la plus importante des importations du vie siècle ; on en a, en tout, environ une centaine de tessons. Les vases attiques ne commencent à être im-

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portés qu'à partir de 580, mais ils deviennent rapidement abondants et, comme partout ailleurs, prédominent exclusivement à partir du milieu du siècle. Le plus ancien fragment appartient à une coupe des comastes. On trouve ensuite plusieurs fragments de grands vases à figures noires, dont deux de cratères à colonnettes, une anse avec une tête barbue et un grand fragment portant une scène de banquet (570-560), un autre d'une hydrie, un skyphos à zones d'animaux d'influence corinthienne, tous de même date. En ajoutant huit fragments de coupes de Siana, nous avons l'inventaire complet des importations attiques antérieures à 550. Un fragment de cratère, avec une scène de comos, se place au milieu du siècle. Pour le troisième quart du vie siècle, nous ne trouvons que quatre fragments de grands vases, dont un d'une large amphore à col avec scène de char et inscription (550-540). Les fragments des coupes des petits-maîtres sont bien plus nombreux (vingt-cinq environ) : des coupes à lèvres, dont une pièce assez fine, presque complète (A : cerf. Β : biche. Palmettes. 550-540), et un fond de coupe orné d'un éphèbe cavalier (vers 540) ; surtout des coupes à bandes, s'échelonnant de 550 à 530. On peut mentionner aussi un fragment de coupe de Droop. Les types présentent plus de variété au dernier quart du vie siècle : deux fragments de cratères en calice (520-510), deux de cratères à colonnettes, un de cratère à, anses à volutes, un tesson caractéristique de col d'une amphore de Nikos- thenes, un fragment de petite amphore, sans compter huit autres fragments de vases de moyennes dimensions. Les autres fragments proviennent de vases à boire : sept de coupes, dont trois de coupes à yeux (combat, vers 520 ; silène et mènade dansant, vers 510), un fragment de gobelet, un de skyphos et un autre de skyphos-cotyle. Les fragments de style à figures noires prolongées, du début du ve siècle, ne sont pas rares non plus : quatre lécythes, dont un exemplaire complet représentant une scène de culte dionysiaque, deux fragments de coupes, deux de skyphoi et une douzaine de frag-

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ments de skyphoi-cotyles, qui semblent avoir été particulièrement appréciés. Signalons la présence de cinq tessons à figures rouges de style sévère, également du début du ve siècle, fragments d'amphores, de cratères à colonnettes et de coupe (le fond de coupe date d'environ 480). Il faut mentionner, enfin, deux fragments isolés, certainement postérieurs à la destruction de la cité archaïque : l'un d'une pélikè à figures rouges (haut de deux têtes et frise de pal- mettes), d'environ 470, l'autre d'un bas de skyphos avec un pied masculin figuré de face ; il doit dater du milieu du ve siècle.

La céramique hellénistique et les monnaies.

Après une interruption de plus d'un siècle, le sol de Megara recommence à fournir quelques fragments isolés, à partir du troisième quart du ive siècle, et d'abord un fragment attique, le seul de cette époque, provenant d'un cratère en cloche du style de Kertch et représentant un griffon. Une dizaine de fragments à figures rouges de cratères du style de Paestum remontent également à cette période (l'un d'eux, d'exécution excellente, représente probablement le meurtre de Clytemnestre et d'Égisthe). Les fragments syracusains à, figures rouges, appartenant à des lécythes ary- ballisques, à des pyxides cylindriques, à, des lékanai et à des sky- phoi, sont assez peu nombreux et datent tous, également, du troisième quart et surtout de la fin du ive siècle. C'est vers ce moment, en effet, que les ateliers syracusains recommencent à produire, en assez grande quantité, une céramique de qualité : des vases à figures rouges, d'abord, et puis surtout, pendant toute la période hellénistique, une poterie aussi variée que celle qu'on trouve en Italie méridionale, par exemple. A partir du 111e siècle, pratiquement, tous les vases trouvés à Megara sont de fabrication syracu- saine. Mais les vases peints sont en minorité. La grosse poterie n'est jamais décorée 1. Les petits vases sont souvent simplement recou-

1 Exception faite des grands plats et des vasques à décor architecte-

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verts de vernis noir ou laissés nus ; seuls les plus fins d'entre eux sont ornés. Au me siècle, on trouve une belle série décorée dans un style apparenté à la céramique dite de Gnathia : un dessin polychrome, assez original, sur le vernis noir. Les formes sont principalement des canthares, des skyphoi, des phiales, des bols et des cenochoés. Dans la céramique à vernis noir, il faut noter la fréquence des vases à panse côtelée, des canthares à pouciers, des lampes ; la décoration estampée est assez rare. Les petites coupelles à anses horizontales plaquées, lès marmites à anses verticales appliquées sont des formes typiques de la poterie sans décor. Comme céramique importée, on peut seulement mentionner les amphores rhodiennes, dont huit anses, portant diverses estampilles, ont été retrouvées. A partir du 11e siècle, les types deviennent moins variés. La décoration peinte disparaît. On trouve une série assez particulière de vases à vernis noir : la partie inférieure n'est jamais peinte. Les formes les plus fréquentes sont les skyphoi, les plats et les coupelles. Les grands plats à décor estampé et guilloché sont assez fréquents. Il existe aussi quelques vases à relief : bols à médaillon, à pieds en forme de coquilles et guttus. Quelques fragments de bols à relief, dits « mégariens », sont d'origine grecque. Parmi les vases sans décor, la bouteille allongée à base et goulot étroit est caractéristique. Les terres cuites syracusaines sont de très médiocre qualité. La plupart appartiennent au type banal de la statuette féminine drapée ; on en trouve surtout les têtes : quelques- unes portent un modius. Sortant de l'ordinaire, nous ne pouvons mentionner qu'une statuette d'Artémis, du nie siècle, une figurine et un masque grotesque, deux appliques en forme de masque comique et de masque tragique, enfin cinq supports ornés de têtes, au tiers de la grandeur naturelle : des silènes et un nègre. Les plus belles pièces sont importées et proviennent probablement de

nique en relief, du me siècle, dont on trouve d'assez nombreux fragments.

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Centuripe ; on a recueilli les fragments d'une douzaine de grandes statuettes du me siècle, en majeure partie des danseuses.

Le vase qui renfermait le trésor de monnaies d'argent découvert dans le sondage n° II est un petit lécythe aryballisque à vernis noir, à anse bifide, qui date probablement du 111e siècle et ne peut pas remonter plus haut que la fin du ive (fig. 17, pi. VII). Le goulot avait été volontairement brisé, pour que le vase puisse servir de tirelire. Le pot contenait des monnaies qui lui sont sensiblement antérieures, puisque presque toutes appartiennent au ive siècle, que certaines remontent à la deuxième moitié du νθ et qu'aucune ne peut être datée avec certitude du ine siècle. Le trésor, comme il arrive fréquemment à cette époque, a été formé de monnaies depuis longtemps en circulation, mais certainement, au plus tôt, à la fin du ive siècle. Il marque, en somme, à peu près le début de la cité hellénistique. Il est constitué de quarante-sept monnaies d'argent, tétradrachmes et statères. Les pièces les plus anciennes sont trois monnaies de Syracuse, une du troisième quart du ve siècle (A/ Tête d'Aréthuse à dr. (chevelure allongée réunie en chignon), entourée de dauphins. R/ Bige passant à g., couronné par une victoire ; dauphin), les deux autres du dernier quart du siècle (A/ Tête d'Aréthuse à g., entourée de dauphins. R/ Quadrige passant à g., couronné par une victoire. — A/ Tête d'Aréthuse à dr., entourée de dauphins. R/ Quadrige au galop (chevaux de trois quarts), couronné par une victoire ; dauphin), et un médaillon de Camarine (A/ Tête d'Héraklès barbu, à g.; ΚΑΜΑ[ΡΙΝΙ]ΟΝ· R/ Quadrige au galop (les trois derniers chevaux cabrés) et victoire volant, venant couronner l'aurige ; cygne), du troisième quart du ve siècle1. La plupart des monnaies du ive siècle sont des statères de type corinthien (on en compte trente-trois sur un total de quarante-sept pièces). Quelques-uns sont siciliens et se placent dans la seconde

1 La monnaie reproduite par Rizzo, Monete greche della Sicilia, 1946, pi. V, p. 94, n° 9, est du même type et sort, pour le revers au moins, du même coin ; également celle du médaillier de Syracuse 18409.

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moitié du siècle : trois sont de Syracuse (A/ Tête à. dr. ; ΣΥΡΑ- ΚΟΣΙΩΝ· R/ Pégase à g.), une autre de Leontinoi (A/ Tête à dr. ; derrière, massue; [ΛΕΟΝΤ]ΙΝΏΝ· R/ Pégase à dr.). Les autres proviennent de Corinthe ou de ses colonies. Une seule pièce de Co- rinthe remonte au dernier quart du ve siècle (A / Tête à dr. ; derrière, trident, les pointes en bas. R/ Pégase à dr. très fruste)1. Parmi celles du ive siècle, une seule est d'un modèle un peu différent (A/ Tête à g., entourée de dauphins. R/ Pégase marchant, à g.). Les seize autres sont du type courant (A/ Tête d'Athéna. R/ Pégase volant). Treize d'entre elles portent des symboles monétaires (tête de silène, dauphin, rose, graine, guirlande, lampadaire, trépied, roue) ou des lettres. Trois monnaies proviennent de Leu- kas, deux de Dyrrhachium2, deux également d'Ambracie3, une d'Anactorium 4, une, peut-être, de Metropolis ; une autre est incertaine5, la dernière, enfin, douteuse, parce que trop fruste. Les dix dernières pièces sont des tétradrachmes siculo-puniques, avec la tête d'Aréthuse, de type syracusain, et, au revers, le cheval et le palmier. Certaines sont d'une bonne valeur artistique. Trois d'entre elles portent des inscriptions puniques (deux, et une lettre) non encore signalées. Quelques-unes sortent d'un même coin : trois, d'une part (A / Tête à g. ; grènetis léger. R / Cheval cabré à dr. ; palmier)6, et deux autres (A/ Tête à g.; devant, candélabre.

1 Le sigle caractéristique manque, mais on le retrouve ailleurs : J. B. Cammann, The symbols on staters of corinthian type [Numismatic notes and monographs, n° 53), 1932, p. 116, n° 129. Nous n'avons pu encore, malheureusement, utiliser, pour les monnaies de Corinthe, le récent ouvrage capital d'O. Ravel, Les poulains de Corinthe.

2 L'une d'elles est dans Cammann, I. L, p. 42, n° 23. 3 Elles figurent toutes deux dans la classification d'O. Ravel, The

« coïts » of Ambracia (Numismatic notes and monographs, n° 37), 1928 : n° 53 (A 29 et Ρ 31, pi. 37, pi. V), de la période 426-404 ; n° 91 (A 44 et Ρ 62, p. 49, pi. Vili), 404-360.

4 Cammann, l. L, p. 92, n° 90. 6 Ibid., p. 102, η« 107. • Elles sont identiques à Rizzo, Monete greche della Sicilia, n° 18,

pi. LXV, p. 306 (type d'Euainetos).

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R / Cheval marchant à g. et Nikè le couronnant ; palmier ; entre les jambes du cheval, deux lettres). La prédominance des sta- tères de type corinthien est normale, à cette époque, mais il n'existe pas, semble-t-il, dans la Sicile orientale, de trésor contenant une aussi forte proportion de monnaies siculo-puniques.

Plus de cent cinquante monnaies de bronze ont été trouvées et Megara, s'échelonnant sur environ trois siècles à partir de la fin du ive siècle ; le plus grand nombre date du me siècle. Les monnaies d'Agathocle et surtout de Hiéron II sont les plus fréquentes. Signalons aussi les monnaies d'époque romaine républicaine, as romains et monnaies de Syracuse sous la domination romaine. Mais il serait encore prématuré d'en faire le catalogue. ïl convient d'étudier d'abord la trouvaille la plus importante, celle d'un autre trésor de monnaies, de bronze cette fois, provenant de la chambre A 3. Les quarante-sept pièces qui le composaient ont été trouvées groupées toutes ensemble, à même la terre, au milieu des débris de la maison écroulée. Elles devaient être renfermées dans un récipient en matière périssable, une bourse, par exemple, qui aurait disparu. Ces monnaies, recueillies dans les ruines d'une maison qui a été habitée, on l'a vu, jusqu'aux derniers moments de la vie méga- rienne, doivent donc être à peu près contemporaines de l'abandon définitif du site. Elles permettent de dater, approximativement, la fin de Megara. Elles présentent aussi, par elles-mêmes, un autre intérêt ; c'est, en effet, la première fois que l'on trouve un trésor de monnaies siciliennes de cette époque et la chronologie, jusqu'ici assez flottante, de ces pièces pourra être précisée, tous les types figurant dans le trésor étant sans doute à, peu près contemporains. Sur ces quarante-sept monnaies, qui sont toutes des bronzes de petites dimensions, quarante-trois proviennent de Syracuse. A peu près la moitié (vingt-trois pièces) sont du même type : A / Tête de Core couronnée de feuilles, à dr. R/ Figure féminine drapée, de trois quarts vers la g., un sceptre dans la main gauche, une torche ( ?)

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dans la droite (probablement Demeter) ; autour, ΣΥΡΑΚΟΣΙΩΝ *· Nous avons onze exemplaires de : A / Tête lauree de Zeus à dr. R/ Nikè dans un bige au galop; dessus, ΣΥΡΑΚΟΣΙΠΝ*, huit autres, dont le revers seul est différent : A/ Tête lauree de Zeus à dr. R/ Figure féminine casquée, la tête à g., tenant une couronne murale dans la main droite et une lance ou un sceptre dans la gauche ; autour, ΣΥΡΑΚΟ0Ιί1[Ν]3· Un spécimen isolé est très analogue au second : A / Tête lauree de Zeus à g. R / Nikè dans un bige au galop ; dessous, ΣΥΡΑΚΟΣΙ[ί1Ν]4· Deux autres pièces sont originaires de Catane : A/ Tête de Zeus Ammon à dr.; devant, ΚΑΤΑΝΙΩΝ. R/ Figure féminine tenant une balance dans la main droite et une corne d'abondance dans la gauche (Équité selon Holm) ; trois monogrammes 5, une de Rhegium : A / Tête d'Apollon à dr. R/ Cithare ; de part et d'autre, de bas en haut, RPI ΝΠΝ· La dernière, enfin, est une monnaie municipale d'Henna : A/ Tête d'Artemis à dr. R/ Triptolème, faisant un geste de libation (?); en bas : ... MVNATIV[S] IIVI[R]e. Ce L. Munatius nous est connu comme duumvir d'Henna entre 44 et 36, au temps où Sextus Pompée était maître de la Sicile 7, ce qui permet de placer au ier siècle tous les types que nous avons rencontrés. Cette date, qui est la date terminale de Megara, est confirmée par certaines formes épi- graphiques tardives : le A « en losange » du premier type syracu- sain, le sigma lunaire du troisième, les ligatures dans la monnaie de Rhegium.

1 C'est le type d'E. Gabrici, La Monetazione del Bronzo nella Sicilia antica, 1927, n° 576, p. 188, pi. IX, 15.

2 II ne figure pas dans Gabrici, mais dans A. Holm, Geschichte siciliens im Alterthum, 1898, III, p. 706, n° 546.

8 Holm, 1. I., n° 546, p. 706 ; Gabrici, I. I, n08 608-615, p. 188, pi. IX, 13.

* Gabrici, I. I., n08 563-570, p. 187, pi. IX, 2, 14, 21. 6 Holm, 1. L, n° 575, p. 709 ; Gabrici, I. L, n08 9-14, p. 124, pi. VI, 30. 6 Gabrici, I. I., n° 12, p. 137, et les monnaies apparentées citées par

Holm, l. l, n08 760-761, p. 730. 7 Pauly-Wissowa, R. E., XVI, 1933, col. 536.

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Conclusions historiques.

Les données fournies par les fouilles permettent maintenant de tracer un taMeau assez sûr et relativement précis de l'histoire de Megara, des premiers temps de la colonisation jusqu'à la fin de la cité. Le matériel assez abondant, remontant au dernier quart du vine siècle, prouve qu'il faut placer l'arrivée des Méga- riens aux environs de 720, ce qui correspond, à quelques années près, à la date traditionnelle de fondation (728). A ne considérer que ces mêmes tessons, on serait tenté d'attribuer à Megara une certaine antériorité sur Syracuse. La nécropole du Fusco, à Syracuse, a livré, il est vrai, une douzaine d'aryballes globulaires, datant de la fin du vme siècle ou des environs de 700. Mais les tombes de cette époque n'ont pas encore été découvertes à Megara. Dans la ville de Syracuse, qui a fourni, partout où l'on a un peu creusé le sol, des milliers de tessons, nous n'avons, au contraire, aucun fragment d'aryballe globulaire, deux fragments seulement de skyphoi à « files de hérons », un seul fragment de coupe-skyphos géométrique. Il suffit de mettre en balance les quatre-vingts fragments du νΐπβ siècle trouvés à Megara pour justifier la question que nous avons posée. A en juger d'après le volume des importations, c'est le vu6 siècle qui semble avoir été, du point de vue des relations économiques, la grande époque de prospérité à Megara ; Sélinunte a été fondée à la fin du troisième quart du vne siècle. A cet égard, le vie siècle, comme à Syracuse, d'ailleurs, est une période de relatif déclin : les importations sont bien moins nombreuses. Il paraît inexact de prétendre, comme on a souvent voulu le faire, que Megara soit tombée entièrement, à ce moment, sous la dépendance économique de Syracuse. Les vases importés sont relativement plus nombreux et surtout de provenance plus variée à Megara qu'à Syracuse ; les importations attiques commencent plus tôt et sont beaucoup plus abondantes, surtout pour la deuxième moitié du siècle ; les importations ioniennes tiennent éga-

Mé/anges d'Arch. et d'Hist. 1951. 4

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lenient une place beaucoup plus grande à Megara. La vie à Megara, durant toute la période archaïque, semble avoir été assez confortable : les habitations ont des murs de pierre, soigneusement bâtis, la céramique est toujours d'excellente qualité. On constate l'existence, au vne siècle pour la céramique, au vie pour la sculpture, d'un art local qui n'est pas sans mérites. Tout cela donne une apparence assez florissante à la cité archaïque, trop resserrée dans son petit territoire pour avoir jamais pu acquérir une puissance politique et militaire d'importance. Elle était à la merci de la première attaque syracusaine.

La destruction et l'abandon de la ville en 483 est, en gros, confirmée par l'absence de trouvailles (sauf deux tessons sporadiques) postérieures à cette date. Le site est ensuite resté désert pendant environ un siècle et demi. A part quelques fragments isolés du troisième quart du ive siècle, ce n'est, en effet, qu'à partir du dernier quart du siècle que nous avons des signes indiscutables de réoccupation. C'est donc à l'époque d'Agathocle qu'une nouvelle petite cité s'est installée à Megara, sans doute avant 309, puisque nous savons, par un texte de Diodore1, que Megara était habitée au moment du siège de Syracuse par les Carthaginois. Il serait tentant de rapporter à cette époque, au moment même de la fondation, la construction de l'enceinte. Son utilité s'explique, au temps de la menace carthaginoise, comme une fortification avancée, couvrant Syracuse au nord2. Au me siècle, une telle défense, si proche de Syracuse, n'aurait plus sa raison d'être. Même sous le règne d'Agathocle, il est difficile de comprendre les raisons qui ont amené à construire de toutes pièces, et sur un plan régulier (?), une petite cité fortifiée, à une si faible distance de Syracuse. Peut-être s'agit-il d'une colonie militaire et agricole qu'Agathocle aurait installée là

1 Diodore, XX, 32. 2 Le site désert de Megara, où les Syracusains avaient simplement

installé un fortin, a joué avec succès le même rôle lors de l'expédition des Athéniens, en 415-414 : Thucydide, VI, 75 et 94.

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pour couvrir Syracuse. Pendant tout le ni6 siècle, Megara semble avoir eu une existence assez prospère, se couvrant de vastes maisons assez bien bâties, qui contiennent un matériel de bonne qualité. La fin de la première période hellénistique doit être marquée par une destruction brutale, puisque, comme on l'a vu, il a fallu reconstruire les habitations sur un plan nouveau, superposant de nouveaux murs aux anciens. Il est vraisemblable de rapporter cette destruction au moment du siège de Syracuse par les Romains. On sait, d'ailleurs, par Tite-Live, que Marcellus a pris et détruit Megara en 214 1. La vie reprend ensuite à Megara, mais les constructions et le matériel marquent une nette et progressive décadence : nous sommes à l'époque des pillages de Verres. La dernière destruction et l'abandon définitif du site datent, on le sait, du troisième quart du Ier siècle ; on ne voit guère une autre occasion que la guerre d'Octave contre Sextus Pompée, maître de la Sicile, qui ait pu provoquer cette destruction. Il s'agit probablement d'un épisode inconnu de cette guerre2.

Ces résultats, en partie nouveaux, du point de vue historique, conduisent notamment à préciser les dates initiales et terminales de l'histoire mégarienne. Archéologiquement, la fouille de Megara autorise quelques conclusions d'ordre un peu plus général. Nous trouvons, à, Megara, des éléments qui permettent de dater le matériel archaïque local des vne et vie siècles, jusqu'à présent à peu près inconnu, et aussi toute une partie du matériel hellénistique dont la chronologie reste encore très vague; et cette céramique n'est pas spéciale à Megara, ni même, dans certains cas, à la Sicile. Le travail accompli montre surtout le caractère à la fois instructif et décevant des fouilles opérées sur les sites des villes grecques

1 Tite-Live, XXIV, 1. 2 Les quelques fragments et monnaies isolés d'époque romaine, les

rares tessons et un fragment d'inscription funéraire chrétienne du ve siècle ne suffisent pas à prouver que la ville ait continué d'exister après cette date ; elles indiquent simplement la présence de quelques fermes dans les parages.

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d'Occident, à l'intérieur des quartiers d'habitation ; les belles pièces ne se trouvent que dans les sanctuaires ou les nécropoles. Peut- être sont-elles seulement, là, un peu privées de leur contexte vivant. Ici, on peut reconstituer un peu de la vie des Grecs d'Occident, habitant des maisons qui nous paraissent pauvres, mais qui sont, par rapport aux maisons archaïques de la Grèce propre, construites en pisé, luxueusement bâties en pierres. L'industrie familiale est de règle; les meules, trouvées en abondance, les pesons pyramidaux servant aux métiers à filer, recueillis par centaines, montrent que le blé était moulu et le pain fait à domicile, que les étoffes étaient filées et tissées à la maison. Les objets d'art sont rares, en dehors des vases. Mais il n'y a guère d'espoir de trouver autre chose, car le mobilier le plus précieux a disparu.

François Villard.

FI6. 17. — Trésor DE QUARANTE-SEPT MONNAIES GRECQUES EN ARGENT ENFERMÉES DANS UN VASE (II, ire campagne).