36

Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

  • Upload
    melenig

  • View
    33

  • Download
    2

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925
Page 2: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

y t <'t' N j

~t!

DIVINITES GAULOISES

SUCELLL'~ ET' ~hn~DSL~rA.

DIEUX DE L/ALJTR.E ~J()~T)E

H. HUBIRTî~

!)K/.

M.ACON

PROTAT rp.EUE~ IMPRIMEURS

Page 3: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

I · ~I~~I~;Rlr~

~arl~4Iul~ Ip, '"4

p~~llaI;u' ~hl

I~II~I

II~

~yY,

1o"~

il

Ih

,I, `

i

r

Page 4: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

H. HUBERT

DIVINITÉS GAULOISES

SUCELLUS ET NANTOSUELTA,

EPONA,

DIEUX DE L'AUTRE MONDE

MACONPROTAT FRÈRES, IMPRIMEURS

1925

Page 5: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925
Page 6: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

AVANT-PROPOS

Les deux mémoires ici réunis ont été publies dans desrecueils de Mélanges, l'un offert, en 1912, à mon maîtreCagnat, l'autre, cette année, a mon ami Vendryes. Lesrecueils de cette sorte ne sont pas commodes à consulterj'ai cru bon de réunir ces deux petits travaux pour pouvoirles distribuer.

Le 3mars 192~.

H. HUBERT.

Page 7: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925
Page 8: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

1

NANTOSVELTA, DÉESSE A LA RUCHE 1

Les inscriptions que portent les deux stèles dont il va être

question me permettent de dédier ces quelques lignes à l'épi--

graphiste que f~te ce recueil, mais je n'ai rien à ajouter à leur

commentaire. Ce sont les figures qui me touchent. Elles sont

d'ailleurs connues. Trouvés en 189$, à Sarrebourg, par M. de

Fisenne, ces monuments ont été publiés immédiatement parM. Michaelis puis commentés l'année suivante par M. S. Rei-

nach dans la RevueCeltiqueDu savant commentaire de M. S. Reinach et des notes que

M. d'Arbois de Jubainville y a jointes, j'adopte presque tout. Jeme propose seulement d'y ajouter un peu en expliquant, si j'y

réussis, les attributs des dieux représentés et leur juxtaposition.

1

Nos deux monuments sont des autels votifs, trouvés côte à

côte et ayant appartenu vraisemblablement au même sanctuaire.

Sur le premier (fig. i) sont figurées deux divinités le dieu au

maillet avec ses attributs ordinaires, maillet et olla une déesse

qui tient de la main gauche, levée dans un geste répétant celui du

dieu, une hampe surmontée d'un édicule et fait de la droite,

i. Ce mémoirea été publiédanslesM//«M~Ca~M~,Paris,Leroux,!oi2,p. 2<)ïsqq.

2. Michaelis,~aAr&M~derGw/ ~t~t~<' C~tc~ M;~Aller-~MW~MM~,t. VII(189$),p. !28-t6~.

). S. Reinach,J<~<tM~A~M~<M//a,m ~<'t~<C<f«', ïS~ô, p. 4) sqq.– M., CM/ n't~, t. I, p. 217-2~2.

Page 9: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

6

avec une patère, une libation sur un autel. Au-dessous, un cor-beau au-dessus une inscription

DEOSVCELLO

NANTOSVELTE-BELLAVSVS MASSE F!UVS V S'L M'

Cette inscription a fait jusqu'ici tout l'intérêt du monument,

F'8 Pig.ï.Figg. 1-2. Autels de Sarrebourg.

Page 10: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

71 tcar on y lit le nom, ou l'un des noms gaulois du dieu au maillet,

Sucellus, et celui de sa parèdre, Nantosuelta. Sucellus, selon

d'Arbois de Jubainville, est le « bon frappeur » bien-cellos = ~o-j, d'un thème verbal parallèle à celui du latin

-cello (/w-o) L'étymologie, pour spécieuse qu'elle soit, n'est

pas tout à fait satisfaisante et n'explique pas la diphtongue de la

variante Sucaelus, donnée par une inscription de Mayence Dans

le nom de Nantosuelta, d'Arbois de Jubainville a reconnu un

premier élément Nanto-, qui est le thème du nom du Mars

irlandais A~ (gén. A~) le deuxième élément serait une

forme participielle d'un verbe briller » C'est une déesse

belliqueuse, « brillant dans la bataille », une sorte de N<<

Le deuxième autel (fig. 2) montre une déesse, qui s'appuie,de la main droite levée, sur la même hampe, au même édicute,

que Nantosuelta dans sa main gauche baissée, une cabane,

apparemment ronde, au toit de p~e sans doute. Au-dessus dutoit on aperçoit un oiseau, peut-être un corbeau, peut-être un

coq. Dans l'angle gauche du cadre, aux pieds de la déesse, se

voient, très nettement sur le relief, mal sur la photographie,trois objets circulaires, en tas, qui n'ont pas été commentés. Sur

la base se lit à grand'peine l'inscription

)N H'R'D D

M T)GNVAR)VSV'S'L'M

Notons que, à Sucellus, manque le chien ou le loup, compa-

gnon du dieu au maillet. En revanche, deux animaux figurentsur les reliefs, un corbeau, sur le premier, un autre oiseau, sur

le deuxième, dont je n'essaierai pas d'expliquer la présence.

i. S. Rcinach, c., p. ;o Forme développéede la racine 7~ représentéedans les langues celtiques par gallois c/AM,c/ vieil irlandais f/J/< anc.breton c/< breton M~, épée.

2. C. f. L., XIII, 6730.}. Irlandais M/t' combat, b .taitle, blessure. Les Celtes d'Espagneavaient

un dieu de la guerre A~<M.Cf. Roscher, s. t'. III, ~02. Est-ce le même dieuet le même nom ?

4. Irlandais ~Mt/,ceit.

Page 11: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

8

n

Bien que les attributs des deux figures féminines diffèrent unpeu. il est certain qu'elles représentent la même déesse.Que sont ces attributs et quelle est cette déesse ? C'est un

petit problème encore négligé.La déesse à côté de laquelle s'assied d'habitude le dieu Mmaillet porte les attributs des Abondances et des Déesses m L. 1.Une seule fois il est apparié à une Diane c'est sur un petitmonument cubique, trouve a Kastel, en face de Mayence" ledieu au maillet est partout un même dieu, il est à croire que sa

parèdre est partout la même déesse, car nous sommes en Gaule,che.d .onnetes paysans gaulois, dont les monuments que nousavons de leur religion ne paraissent pas prêter à leurs dieux desan.ours variées. C'était la première fois qu'on voyait en cet appa-reil l'épouse du dieu au maillet. La raison n'est pas suffisantepour croire qu'il en eut changé. Au surplus, peu importe.La déesse de Sarrebourg tient sur des monuments lapatère des Déesses mères. Je ne sais pourquoi M. S. Reinach faitun encensoir de ce qu'elle porte de la main gauche sur l'autre.onument. Ce serait un encensoir en forme de cabane. L'édi-cule du sceptre et cette cabane sont pour moi une seule et mêmechose. C'est le mêmeattribut sous deux

formesdifférentes, pléo-nasme .conotogique qui s'explique de soi.

Chaque fois qu'un dieu porte un sceptre surmonté d'unemblème, l'emblème c),o,si figure, exalté par la hampe. sym-bole typique de son essence divine. C'est souvent l'animal sacré,c'est-à-dire l'aspect animal du dieu. L'édicule de Nantosueltadoit être à la déesse comme l'aigle à Jupiter ou le san~ ~.aDiane des Ardennes J'ai pensé dès l'abord que c'était a défaut

1. Espérandieu,XuueildesBas-RelicJs,III, 1849,1892,etc.

une déessetenant un sceptresurmontéC~ Moulage~?: no Cf.S. Reinach,Cataloprredesbronz~r~f~arisduMr~sla Salnt-Grrmuin,p. so,n' 29(Dianed~uch'M u. sanglier).~C~ p. !o.

Page 12: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

-9- l

d'un animal sacré, son logis, en un mot une ruche et que Nan-tosuelta avait quelque relation avec les abeilles.

Qu'une déesse, habituellement représentée en Abondance, eûtl'abeille pour animal familier, l'association parait raisonnable etconforme à la logique des convenances sympathiques. A l'histoiresurnaturelle de l'abeille le symbolisme de l'abondance fourniraitun long chapitre, comme celui de la pureté. Cette déesse de l'a-bondance a pu revêtir, au moins une fois, la figure de Diane. Orl'abeille était associée au culte de l'Artémis d'Éphèse, dont lesprétresses étaient des abeilles, pL: et l'on sait que l'icono-

graphie religieuse des Gaulois doit beaucoup à la Grèce d'Europeet d'Asie. Je ne crois d'ailleurs ni que la déesse de Sarrebourgait emprunté sa ruche à la Diane d'Éphèse, ni quelle l'ait priseen ~uise de cornuc6pia.

Mais tient-elle bien une ruche ?>Des ruches antiques nous n'avons ni exemplaires certains, ni

représentations authentiques, ni définitions claires Il y en eut

plus d'une sorte. Grecs et Latins en ont fait de paille et de bois,en rotonde (xu'~Xw:,xu'~sv) ou carrées. Les noms nous laissenttoute liberté de nous figurer les choses à notre gré. Pour lesIrlandais, la ruche est un panier (sgeap jM/~M~ panier d'a-

beilles) En bas-breton, le nom de la ruche, n< est celuide l'écorce, qui se dit rusg en gaélique, en cornique, et de

i. Baumeister,DM~t/. I, :}! II, ï~. Weniger,in Ros-cher, I~ttM ~wA. u. row.M~ 11,2638 Id., ~w/'oM in

M~M Mythologie.E. Rolland,~Mw populairele laFr~ III, p. 262-270;Seb!ttot, Le /=c/JLo~ de ~h!w<, III, ~oo sqq., 307 sq., ;!), etc.Grimm,DfM~~~&o/<~M<,658 A. Wuttke,D< ~M/ ~o~M/w~A!M~derC~MttM~,1so,67!, etc. Hendersoo,~o/~ ~MFo/Z. ~<COM~~<~J?~&!MJ,p. 3093 !ï.

t. Bas-reliefduVatican Hûtsen,E/MMuMMw<'M<J~r«/. M«~<w, 1887.C.I.L., VI,)t24. ReliefpubtiéparBoissard,~M~~<7a/ t. VI,pl. 60, trcs

douteux.Cf. Pauiy-WiMowa,~toM~ IV, 4;o.}. A. MacBain,~Metyrnological~M~Mr/ o/ ~t' C<!<<c/<!M~j~<p.motest d'originenordique ~<~M,mesure.Sur l'importancede t élevagedesabeillesen Irlande,cf. O'Curry,MMM~andCt~/ow~ ~~ft<

p. cccLxxvn.

<t

Page 13: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

–!0–

la vient, croit-on, notre mot ruche, panier d'écorce Mais de

quand datent ces expressions et ce nom, d'origine celtique, l'a-vons-nous reçu des Gaulois ? Chez les peuples du Nord de l'Eu-

rope l'élevage des abeilles est chose récente Les Gaulois récol-taient sans doute encore le miel dans la forêt comme leurs cou-

sins, Germains et Slaves, l'ont fait longtemps encores. Toutefoisil est certain que les Gallo-Romains ont pratiqué l'apiculture etle monument de Sarrebourg nous donnerait la meilleure et peut-être la seule figure que nous eussions des ruches antiques si nousavions quelque moyen de démontrer que la déesse aux petitescabanes ait eu des raisons d'y loger des abeilles. Il nous appren-drait entre autres choses que la forme des ruches n'a pas beau-

coup changé depuis lors.

III

Ce moyen, je le trouve dans l'interprétation des attributs du

dieu, son parèdre. Les divinités gauloises forment des ménagesbien assortis dont les conjoints se ressemblent et mettent leursattributs et attributions en commun. Rosmerta porte le caducéede Mercure et, dans les couples où figure l'Abondance, le dieu

parèdre prend volontiers la ~r~M~M Mari et femme se répètenten deux sexes. Des qualités de l'un on peut conclure aux qualitésde l'autre.

t A. MacBain,o. p. ioB.s. v. rM~. Cf. R. Gauthiot,D~ <M~<~r~< la tMC&ten <M<~Mr<~M<'M~MU, !n M/MKMrM ~-< de/<~MM~M,tgto, p. ~64sqq.

2. O. Sehrtder,/M</cj~MHw&M~M/~jcttoM,p. 86 tandisqueles langues!ndo-€uropé<:nu<:sont des expressionscommune pour désignerle miel etl'hydromel,ellesn'en ont pas pourdésignerl'abeilledomestique. Ellesont

employé alternativementles méme<motspourdésignercelle-ciet les<beiHe<sauvages. Cf. R. Cauthiot,o. f., ~t~M.

Cf. pour lesGermains,Anton,D~M~A~f~~w~~Jho/if,l, t6) sqq. –Pour lesSlaves Hehn,~~M~/bM~MMM<<~aM~w~, p. ;6;.

4. ËxpéMndieu.o.7., ÏH, tt66,ChMsey, Muséed'Autun Dieu barbuetvêtu à façondu dieuau maillettenant d'unemain t'o/~ habituelleet del'autreunecorne.d'abondance.Cf. ibid.,!8;6, 18J7,t8;t.

Page 14: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

–tî–

L'un des attributs du dieu au maillet, rare, mais sans doutecaractéristique, est un tonneau. Des dieux au tonneau le recueildu commandant Espérandieu permet de dresser très facilementla liste

Esp. !I, 1621. Gannat à t'Hôtet-de-V~e. Le dieu porte lemaillet appuyé contre son bras gauche à droite, sur le soi, untonneau.

Esp. III, 202$. Lieu dit le

Châtelet, près Cussy-Je-Chate!Musée de 8caune. Le dieu estassis, le pied droit sur le ton-neau de la main gauche, quiest cassée, il s'appuyait sur sonmaillet.

Esp. III, 203~. Lieu dit En

Roussot, à Grandmont, com-mune de Monceau Muséed'Autun Le tonneau, vu de

côté, se reconnaît à ses cercles,derrière le manche du mailler.

(Figurer).

Esp. III, ~o. Vichy chezM. Desbrest, maire. le ditu

_1Jpose son pied droit sur le tonneau et appuie sur s~ c-.isse dro= ele manche de son maillet. Au-dessus du tonneau ~st uneamphore.

Esp. IV, 3537. Malain Musée de Dijon. Le ~anch. du.maillet est posésur le tonneau.

S. Reinach, C~ p. ~6. Bas-rdiefauio.ir-d'hui perdu, trouvé à Toul, connu par un dessin conservé à laBibliothèque Nationale. Le dieu est debout a ses pieds un chienN~re deux grenades; à gauche sont représentées deux barriques

pJie't. laraire, 15sqq. Flouestne –––~pasle tonneau.Je supprimele point d'interrogationque met ici M. S. Reinnch Les

barriquessontparfaitementreconnaissables.~n. t~s

Page 15: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

–î2–

J'ajoute cette liste un petit monument, provenant de Nuitsou de Seurre, qui se trouve au musée de la Société Achéologiquede !)eaune. Il représente le dieu au maillet assis à côté d'uneAbondance. Le manche du maillet repose, à terre, sur un disquequi est sans doute le haut d'un tonneau. Esp. III, 2066.

Je reconnais un dieu au maillet nanqué du tonneau dans un

petit monument d'Autun, nonidentiné par le commandant

Espérandieu et dont le cata-

logue du Musée de Saint-Ger-

main, qui en expose un mou-

lage, fait un Gaulois en costumede chasse. Le tonneau estvisible et le maillet a laisséde sa hampe une trace fortnette. Esp. 111,1843. (Fig. 4).

M. Ad. Blanchet a reconnuun dieu au maiHet sur untesson de vase sigillé provenantde Lezoux. Le personnage,

1vêtu d'une tunique à manche,est assis sur un rocher (?), sur

lequel se détachent des objetscirculaires qui ont l'air de ton-nelets. Du même côté, c'est-

u~u.tc, M marn s appuie sur un bâton, qui peut être lemanche d'un maillet: Le long du bras gauche, un peu tendu,s'allongeait un autre objet. Décheleue, C~la C~~ r~~ t. Il, p. 2!8 Musée de Sa!nt.Germa!n, n"3~88

Un bas-relief de l'ancienne collection Bulliot (Autun) repré-sente un personnage, qualifié de tonnelier, qui tient d'une main

t. Ad. Blanchet,Compterendude Déchelette,~~C.'r~~t,in~M/M~ p. M~. M.Déchue hésiteà admettrecettecon'ectureceseraitle seulexempted'und~u gauloisdanslacéramiquede Lezoux.

Page 16: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

– n–

sur son épaule un tonnelet et s'appuie de l'autre sur une longuehampe, sans terminaison distincte. Je suis tenté de voir un dieudans ce tonnelier qui porte si aisément sa charge. Esp. III, 1882.

Un petit groupe trouvé l'an dernier à Alise par le comman-dant Espérandieu nous montre à côté d'une Abondance un dieuparesseusement appuyé sur un tonneau Je crois que c'est lemême. Il n'a pas de maillet. Mais la chose tire-t-elle à consé-quence ? Il se peut que maillet et tonneau soient la même choseAutre cas de pléonasme iconologique.

Les Gaulois faisaient grand usage de tonneaux. Peut-êtreavaient-ils le droit d'en revendiquer l'invention Que latonnellerie ait donné, dans leurs arts familiers, un emblème àl'un des plus particuliers de leurs dieux nationaux, on ne s'en estdonc pas étonné, sans doute à bon droit. Mais que contenait cetonneau ? Du vin ? C'est possible. Entre les mains de Silvain(et Silvain a prêté au dieu au maillet son nom, ses attributs etpeut-être un peu de sa personne) se voit une grappe. De labière ? C'est plus probable cela convient mieux à la petitessedes tonneaux et c'est plus gaulois. Les Gaulois, buveurs de bière,en fabriquaient de plusieurs sortes et ils ont légué quelquesmots de leur cru au vocabulaire technique de ta brasserie Je

ï. Etpérandieu,Fouillesdela Cro~M/-CAo~ i~n.t. M.S. Reinachm'inviteà considérercommedes barilletslesmassesdesmailletsrayonnantsde V:enne Dieuau mailletde Vienne(Flouest, D~~M~, p. 6d,'pt. XIII) maiUetdu MuséedeSaint-Germain,2220;.I!mesuggèrede compterparmi tesmonumentsdu culte d'un dit'uau ton-neau lapendeloquede Vertaulten formede barillet ~< </<-la~~<M<w, t. 60, 1899,p. 207.

MacBain, o. p. J82, /MMMat.Kluge, ~w~ ~M~ <<<M~ p. ~o;, pensequ'M germaniquele mot estun empruntauceltiquepostérieurau vm. siède s'il étaitgermanique,la premièreconsonneseraitdevenuet enallemand.Cf. PlineVIII, ï6.

4. C(. Grupp,Kulturdera;/M~~M M~G~w<!«M,p. 84 Strabon IV.2os Denysd'Halicarnasse,XIII, Pline,XXII,!64 XIV, ~49 K~utPosidonius,dansAthénéeIV, c. ~SppL..Dio.;coride,II, ïio Mar-cellus Empiricus;t6, irl. Cuirm. Cf. O'Curry,o. CCCLXXI –~< irl. lind., Galt. Cf. O'Curry, o. c., p. cccLXXiu. C~,C~ C~r~M Pline, XXII, t64.

s. Ex.<iM'MM~,~<Mj~r.

Page 17: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

–t4–

suis même porte à croire qu'Us ont inventé le houblonnage etqu'ils en ont fait honneur au dieu au maillet, dieu de la bière.Ils connaissaient le houblon et le nom du houblon, ~~M/~

fait aisément penser au loup familier de Silvain dieu aumaillet, si toutefois ce loup n'est pas un chien.

Entre autres sortes de bières ils fabriquaient de l'hydromelSi le dieu au maillet, dieu au tonneau, est un dieu de la bière.

il est tout a fait conforme aux données de la religion gauloiseque sa parèdre soit une déesse de l'hydromel préside commetelle, à la récolte du miel, aux abeilles et porte la ruche.

IV

Que le dieu au mai!!et ou au marteau, dont les monumentsgaulois nous laissent libres de nous figurer l'usage à notre guise,soit bien un dieu de la bière, la mythologie des Celtes insulairesnous donne là-dessus pleine ~dsfaction.

Plusieurs personnages de la mythologie irlandaise sont des« frappeurs armés de massues eu de marteaux. On a comparéSucellus au Fomore Balar, grand-père du dieu Lug Je le com-pare plus volontiers au forgeron divin Goibniu, qui fait partiedes Tuatha De' Danann. C'est lui qui prépara pour les dieux lefameux « festin de Goibniu jled (~ festin ou beuve-rie, car il s'agissait d'y boire le dtoch,boisson qui rendait immor-tel. Or cette boisson d'immortalité, c'était une bière dont regor-geait, dans l'autre monde, monde des dieux et des âmes, un chau-dron merveilleux, objet des convoitises de tous les grands héros.

t. Pline,XXI,86. L'adjonctiondu houblonpeut résutterde tentativespourconserverla bière. Pline, XIV. !4o, fait honneur aux Celtibèresdepareilsessais.Cf.O'Curry,o. CCCLXXIII 0. Schrader,o. p .772. DiodoreV, 26(d'aprèsPythéas) Athénée,IV, p. c. d Eustathe,'Il., X~6;7(daprès Posidonius).*Af~ vieil irlandaiswJ, galloisnudd.Cf. O'Curry, o.1., p. cccLXXVH.

S. Reinach,C~, I, p. t: D'ArboisdeJubainville,LeCw~~M MM< Coursde Littératureceltique,t. II, p. 206.

4. O'Curry, t. III,p. 380.O'Grady,SilvaGadetica,H, p. Cf.DArb~sdeJubainviUe,o.p. 277.78, ~7. Irl. Goba,for-geron.

Page 18: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

– –

8-

1

Le forgeron Goibniu avait plus d'un métier, c'était un batis-~ur Comme tel, il se confond dans la mythologie avec unautre frappeur, Dagda, aussi grand buveur que mangeur, qui,lui aussi, possède un chaudron dont il peut vider d'un trait lecontenu, porridge ou bière Dagda et Goibniu baissent pourBalar. Les trois grands « frappeurs » sont donc assez près les unsdes autres.

Or, le dieu forgeron n'est pas particulier à t'Mande. Les Mabi-gallois nous font connaître un Govannon, également for-

geron. Govannon est l'oncle de Llew, c'est-à-dire de Lug,dont Balar est le grand-père. Govannon date de loin, car parmies noms de lieu bretons attestés par la géographie latine, noustrouvons un Go&MMm~Mm<, « fort du forgeron », etc.Breton vaut souvent pour Gaulois. En tous cas la Gaule propre,à défaut d'un nom divin qui fasse pendant à Govannon et à

Goibniu, nous a laissé des noms théophores. Gobannicnos enest certainement. un (le fils de Gobannos) Gobannitio 6, )'onc)ede Vercingétorix, en fournit un autre exemple.

Ce dieu forgeron, cousin du Goibniu goidélique, dont on a ledroit de supposer l'existence, c'est sans doute le dieu au maiUetpatron des forgerons c- qui leur prête, sur les stèles funéraires(fig. 5), son chien et jusqu'au coq dont il est flanqué quelquepart 7. Patron des tonneliers également Nommé Sucellus à

racinesap,comportantl'idéede science,d'adresse). Larniiiiie,li~estIr~isl~Folk-Tales,p. Dottin, C~ .7~~ Danscescontes GobhaaS~

Magtured.

~t~ Culloch,TheReligionof tl~eairrcieretCelts,p. 61, 382.Cf. RtvueCeltique,t. XII, p. 85.Mac'Cullncil,o. A,p. 109sq.

4. Gobannion.Holder,~M~/w~ s. v. r~h~selon dArboisde~T~: 5,31,Bannio.

~Tr~ 7290.Cf. p.6. César,B. G., 7, 4, 2.7. r:

~7. NimesDieuaumailletflanquédu coq.

Page 19: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

–l6–

.f'P~ même dieu qui porte à Atés:a le nom de Ucvetiscf. Poisson, Ret~ueCeltique, XXXIII, 19 12, p. 102 Ucvetis serait équivalent~s~'M.s,~ dévots.Le nom de Sucellus, à en juger par la liste des inscriptions, a da être assez

~E?.?~r.~ M~' Catalogue des p. !9, n. w. Statuette dite de Vul-cain, au Musée de S.nt-G~~(n. 34~). M. S. Reinach note la ressem-blance qu'il présente avec un dieu au maillet.

J~ Harrison, Study ~Cr~ Religion, p.~el~ marteau et vigne p.l'Olympe par Dionysos. Iliade, I, v. ~7~, Hephaistos échanson desdieux.

10-

S~rrebourg., Silvain ailleurs (fig. 6), c'est lui peut-être qui se pré-sente encore sous les espècesde Vulcain Tonnelier, forgeron ou1 1

chaudronnier, mais bras-seur en tout cas et fabri-

quant tantôt lechaudron,tantôt le fût, tantôt labière. Cette combinaisonde métiers n'est probable-ment pas accidentelle etfait penser à l'associa-tion que la mythologiegrecque établit entre

Hephaistos et Dionysoss.Elle veut dire, je crois,que, au temps où na-

quirent les dieux, avantd'avoir Ja bière et lemoût fermentes~ le dif-ficile était d'assembler lacuve et de marteler lechaudron Je considèredonc comme démontréle caractère bacchique dudieu au maillet. S'il n'à

pas toujours l'enseigne

4. O'Curry, p. p. cccLxxn.

Page 20: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

–17-- 1

du tonneau, il ne lâche jamais son pot et c'est, je crois, un potà bière.

V

L'étymologie du nom de Nantosuelta, à supposer qu'elle soitexacte, révèle un caractère belliqueux. Qu'à cela ne tienne. Ledieu de la bière a été latinisé encore sous les espèces de Mars.Une inscription bretonne est une dédicace D~ Marti ~r~Braciaca n'est pas, comme beaucoup d'épithètes divines, une épi-thète géographique, mais une épithète de fonction. Le MarsBraciaca est un dieu du malt, bracis ou du brassage. Est-ce lerapprochement établi par les Latins entre Mars et Silvain 3 Est-ce l'humeur belliqueuse du dieu frappeur qui nous a valu unMars dieu de la bière ? Le dieu au maillet, en tous cas, a étéparfois pourvu d'attributs militaires. Il porte une épée nue surun petit monument d'Alise où il voisine avec l'Abondance 4. Ilest pourvu du parazonium sur une statue, trouvée à Escles(Vosges), qui est au Musée d'Épinal Sur un autel carré de Sou-losse, dans la même région, il tient un poignard de la maingauche 6. C'est peut-être le dieu au maillet que l'on voit arméd'une lance et assis à côté d'une Abondance, sur un bas-relief duMont-Auxois, au musée de Dijon 7, et debout à côté de la mêmedéesse sur un relief d'Autun A Combertant, à une heure et

t. C.I. L. VII, !y6, Haddonhouse,prèsBakewe! Cf. Holder,s. r.t. PI:ne,H. N., XVIII,62.Bas-latin~<-<Mw,DuCange,s. v. vieilirlan-

da.s~M galloisbrdg cornique L'extensiondu mot dépasseleslanguesceltiques russebraga,boissonfaited'orgeet de seigte petit russien,brahq;lithuanien,brdgas.Cf. Holder,s.

3. Caton,DeReRustica,LXXXIIILucilius,dansNonnus,p. !!0; C.Z.VI, 48ï, 2894.4. Espérandieu,III. 2347.Muséede Dijon.5. F. Voulot, Ca/a~w <-o/M musée~r/~<.M~/ Vosges,2cpartie,~M lapidaire,no8.6. Id., ibid., n"40.7. Esp.III, 2348.8. Esp.III, 1832.

)'

Page 21: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

–t8–– fo–demie de Beaunc, a été trouvée une petite stèle sur laquelle estsculpté un dieu qui réunit autour de lui et dans ses mains, lebouc et la bourse de Mercure, un chien, une lance, une épée etun bâton qui n'est ~ut-être que le manche d'un maillet 1.

A un Mars dieu de la bière, Braciaca, repondra naturellementune Nemetona, déesse de l'hydromel. Il n'est pas inutile d'ob-server que l'un des nomsde l'hydromel, d'ailleurs devenu anglais,est bragget qui précisément fait pendant à l'épithète du dieu. Adéfaut d'un parallélisme plus exact, le nom de la dea Mfdunas'il est clair, désigne une pareille déesse et prouve que la reli-gion gauloise ne répugnait pas à la concevoir. Mais, qui plusest, notre déesse de Sarrebourg a reçu de son mari des tonneaux.Je les reconnais dans les cercles qui s'entassent à ses pieds à lafaçon des tonnelets de Toul et de Lezoux. I) n'y a pas à s'yméprendre, ses fonctions sont bien indiquées.

VI w

Sainte Brigitte nous garde probablement le souvenir d'unedéesse irlandaise de la bière analogue à celle que nous supposonsen Gaule. Sa vie relate, à la date de Pâques, un miracle de lahère C'était un rite irlandais de Pâques que de faire à l'églised abondantes libations de bière pour rompre'le jeune du carême s.La bière manquant, Sainte Brigitte renouvela le miracle deCana.

ï. Esp.III, 2082.Joyce,7~ C.~r., t. II, p. ,.o. En anglais,le motdésigneunesorted'ale sucréeavecdu miel et diversementépicée.Le mot est empruntéaugallois.SelonCormac,il a p~ du galloisà l'irlandaissous les formesbracaut,lproiccatcesmot. désignentselonlui unesortede bièrepar-ticulièrementbonne(~) faitede~a~

r~d~ Elleestl~ercaua,déessede la colère?

4. Vita7~. S. Brigidae,Ch. IV. Cf. Joyce,o.l., t. tï p. 120; Lynch,Cambr. 137 Lorsquele roi deBrigitte,elle luidonneunecouped'hydromel.

Joyce,o. p. no.

Page 22: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

–19--

L*i- 1), 81Ces libations de bière à l'église sont, elles aussi, un souvenirde l'ancienne religion celtique et elles nous donnent à penserque Sucellus-Braciaca et Nantosuelta, déesse de l'hydromel, n'é-taient pas uniquement ou originairement des dieux de métier et

ÀMW

que la bière dont ils faisaient largesse n'était pas une boisson«

hygiénique », mais une boisson rituelle. Je me propose de lemontrer expressément ailleurs r.

Dans un travail sur le vase de Gundestrup, qui a fait l'objet de plusieurscours à t ~cote des Hautes-Études, et a été interrompu par la guerre. Une p.r-tie de ce travail a été communiquée à l'Institut Français d'AnthropoioKie lejanvier 1920 (Anthropologie, t. XXX, p. i~). Une des plaques extérieuresdu vase a été étudiée dans un article paru dans la Revue C< t. XXXIV

ï9ï3, p. i sqq. G~7- /'o<M~ le canrassir aM~ A titre d'indica-tion, je me contente de citer le passage suivant des Z.R. L. Stevenson, t. II, p. 194 « It may amuse you to hear how it is properto drink 'ava. When the cup is handed you, you reach your arm but some-what behmd you and slowly pour a libation, saying with somewhat the mur-mur of prayer, 7. ele

(high-chief) partaken of by the God. How (hig!chie~ b.autifu! to view isthis (htgh-chtet) gathering.».

Page 23: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

20

Observons seulement que le chaudron à bière de la mytholo-gie se trouve dans l'autre monde, chez les dieux sans doute,mais chez les dieux infernaux Le légitime possesseur du chau-dron est un Dispater. H est assez bien établi que le dieu au mail-let l'est également Cette association de fait a ses raisons l'uneest à mon avis celle que E. Rohde a très finement élucidée enexpliquant comment l'extase bacchique a fourni l'idée d'âmeJ'exposerai les autres en étudiant un jour la bière rituelle desCeltes. Mais déjà je suis prêt à croire que, si les morts gaulois,comme Apinosus (fig. 6), tiennent à la main sur leurs stèlesfunéraires le gobelet ou le pot, ils l'empruntent à ce Dispater,pour boire à son tonneau et trinquer avec lui. Dieu des dou-leurs infinies et éphémères, de la sève vitale qui bouillonne surla mort, des enthousiasmes meurtriers, de Hvresse permise auxjours de fête et du labeur quotidien des gens de métier; dieusingulier, inquiétant, grandiose ou grotesque, peut-être au fondbonhomme, le dieu au maillet, Dispater et Sucellus, le granddieu des Celtes, touche de près au Dionysos, qui a donné labière aux Thraces.~vant de donner le vin aux Grecs, ainsi qu'àl'Orpheus de la philosophie mystique. L'ivresse qu'ils donnentest une ivresse sacrée. La libation qu'ils commandent est un sacri-fice où les dieux boivent avec les hommes et les vivants avec lesmorts le brassage même de la boisson est un acte de sacrifice.Je le montrerai, j'espère, bientôt point par point. Je n'ai vouluavancer pour le moment qu'une chose, c'est que Nantosuelta,parèdre du dieu au maillet, est sa digne compagne et qu'elleporte une ruche où s'élabore le miel du meth.

ï. MacCulloch,o. 7.,p. ~8t..2. S. Reinach,Cultes,I, p. 22~ FroM~figurls,p. ï6;

E. Rohde,P~

Page 24: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

II

LE MYTHE D'EPONA

L'étude des religions celtiques présente cette grave difficulté

qu'aucune ne nous est connue dans son ensemble et qu'elles nenous sont pas connues au même état le travail de comparaison,qui pourrait compléter ce que nous savons de l'une par la tradi-tion de l'autre, est donc fort délicat et leurs images complémen-taires ne s'ajustent pas d'emblée. Des Irlandais et desGallois nousne connaissons guère que la mythologie et surtout à travers la

légende héroïque. Les Gaulois ont sacrifié la leur et leurs dieuxne subsistent que travestis en dieux gallo-romains, le plus sou-vent dieux privés, sans personnalité, semble-t-il, et sans histoire,

simples images de piété. Telle paraît être la déesse aux chevaux,

Epona. Cependant d'Arbois de Jubainville a jadis essayé de décou-vrir des mythes de dieux gaulois dans des légendes irlandaisesPeut-être s'est-il trompé dans l'application de sa méthode maiscelle-ci était à la fois scientifiqueet sensée. Je l'ai suivie et je penseavoir rencontré l'histoire de cette même Epona dans les Mabino-

gion, qui nous ont conservé par miracle, malgré leur rédactiontardive et une longue interruption de tradition, des restes impo-sants de mythologie britonnique. L'histoire d'Epona se trouve-rait à mon avis dans les deux récits intitulés Pwyll, prince deDyved et Manawyddan,fils ~I./)'r.

Ce mémoirea été publié dans les M~M~ Z.<M~MM/«/M~o~r~ àM. rM~M~~awM~M~f~ Paris,Champion,1925, p. 187sqq.

2. D'ArboisdeJubainville,LesCeltes,p. s8 sqq.

Page 25: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

22

1

Une soixantaine de petits monuments, trouvés en Gaule et dansle domaine gaulois du Danube, représentent une divinité assisele plus souvent sur le côté droit d'un cheval passant et pourvuegénéra!ement des attributs d'une Abondance, d'une Fortune, oudes Maires. On y joint quelques autres monuments figurant unedéesse entourée de chevaux. Tous ces monuments sont anépi-graphes, sauf deux de la seconde série, l'un trouvé à Naix,Meuse l'autre plus récemment à Kapersburg, en Allemagne,dans un M~Mwdu //w~ il n'y reste d'ailleurs de la déesse etde ses chevaux que les pieds. On admet cependant sans hésitationque la déesse à cheval ou aux chevaux est l'Epona des inscriptionset des textes, déesse des cavaliers, des palefreniers, et des mule-tiers dont le culte avait été introduit en Italie parles auxiliaireset les esclavesgaulois ses images y étaient peintes dans lesécurieset l'une d'elles a été retrouvée a Pompei.

Le type plastique d'Epona était fixé il comportait néanmoinsassez de particularités et de variantes pour suggérer que la per-sonnalité de la déesse avait encore gardé quelque complexité.Notons d'abord que, lorsqu'elle est à cheval et que son chevaln'est pas immobile, il est au pas. M. S. Reinach, qui a dressé uncatalogue des figures d'Epona, quand il y avait encore du mériteà cataloguer les reliefs gallo-romains, a pensé que deux monu-ments représentaient le cheval auga!o?~. Ces deux monuments,à mon avis, ne font pas exception. D'autre part, où la déessese dirige-t-elle ? Sur l'une des faces d'un piédestal trouvé a

ï. Espérandieu,~M<7 ~.n~ bas-reliefsdela CoM~roMM~ 46!0-C. I. L. XIII,~6;o.2. C. I. L., XIII, 7~8.}. Juvenai,VIII, ï;S7, ~Ao/ J~oMdeawM/tOM«west.4. S. Reinach,.E~WM, ~j~ gauloisedes chevaux,Extraitde la Rem

~9!. P. 3!. Voir n~ ~7, bronze,Reims,et 34, bas-relief,Chevillot(Vosges).Espérand:eu,o. 4783.

Page 26: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

23-

L J~t 1- r*t t t.

J

Waldfischbach, dans le Palatinat la déesse est figurée se diri-

geant vers un bâtiment en forme de tour. Elle fait partie d'unescène. J'en conclus que l'attitude qui lui est donnée par la plu-part de ses représentations n'est, à proprement parler, une atti-tude liturgique que parce qu'elle a <~éune attitude mythique et

que les tailleurs d'images gallo-romains en avaient encore le sen-timent, s'ils ne se rappelaient plus toujours l'épisode du mythed'Epona qu'ils continuaient à illustrer. C'est le pendant de cet

épisode qui se trouverait au début des Mabinogion.Un jour que Pwyll, prince de Dyved, ou Pen Annvwyn, c'est-à-

dire tête, ou chef des Enfers, s'était rendu avec les siens, près de sarésidence d'Arberth, sur un tumulus enchanté, qui s'appelaitGorsedd~~r~, il vit venir une femme « montée sur un chevalblanc pale, gros, très grand. Le cheval paraissait à tous lesspectateurs s'avancer d'un pas égal et lent 2 ». Pwyll la faitsuivre, d'abord à pied, puis à cheval. La dame distance ses cour-riers, sans chinger d'allure. Trois jours de suite on recommence.Le quatrième, Pwyll la poursuit lui-même et s'avoue vaincu enla suppliant de s'arrêter. L'amazone de Gorsedd Arberth, quipasse devant la cour de Pwyll au pas tranquille de son lourdcheval et disnnce les cavaliers les plus légers, s'appelle Rhiannon,fille de Heveidd le Vieux. Dans ~MM~M, on reconnait rhian, ladame, c'est-à-dire la reine, et j'admets sans difficulté que le motprocède d'une forme britonnique *Rigantona, comportant undouble suffixe, dont un augmentatif, et qui signifierait la grandereine ï.

Rhiannon s'hait offerte à Pwyll et devint sa femme à la suited'une contestation, en forme en potlatch, entre Pwyll et un per-sonnage nommé Gwawl, fils de dut Mais elle eut par la

ï. S. Reinach,<7~ 46, p. 2;. Espérandieu,o.2. J. Loth,iM~~M~'o~MZ. Rouge<f<'Af<?tyM/traduitsdu gallois,f édit., t. I, p. 9!). Ed. Anwyl,in Z~th M/w~ Pbilologie,I, p. 288. Id., Celtic

Religion,p. 43. J. A. McCulloch,CelticReligion,p. 111. Pour les finales,voirPedersen,~/w&~ keltischeGrammatik,II, pp. ~7,!07sq.G. Dottin,i<! &!M~M~~M/CW,p. !0.4. languegauloise,lumière.

4. Gu~awlsignifit.-lumière.

Page 27: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

–24

suite un sort pitoyable, poursuivie par la vengeance de Gwawlet des siens. Le fils qu'elle mit au monde lui fut enlevé la nuitmême de sa naissance et transporté par un être fantastique chezun vassal de Pwyll, nommé Teyrnon 7~ Cet homme~t une jument fameuse. Tous les ans elle mettait bas la nuitdes Calendes de Mai, mais son poulain disparaissait mystérieu-sement Cette fois-ci Teyrnon avait veitté; il trancha le bras duravisseur et, en le poursuivant, trouva 1 la porte de son écuriel'enfant de Rhiannon abandonné, Il t'éteva avec le poulain.Pendant ce temps, la mère, accusée par ses gardiennes distraitesd'avoir dévoré son fils, était condamnée à attendre a sa porte leshôtes de son mari, à leur raconter son aventure et à les portersur ses épaules dans l'intérieur de sa maison, ou du moins à leleur onrir.

A la fin de l'histoire, Rhiannon est encore victime de sa des-tinée tragique Elle avait épousé Manawyddan, fils de Llyr, etelle vivait avec son fils Pryderi et la femme de celui-ci, dansleur ancienne résidence d'Arberth mais le pays était devenudésert par enchantement. Pryderi et Rhiannon à sa suite entrèrentun jour dans un château magique et y restèrent prisonniers. Danscet état, dit le Mabinogi, « Rhiannon portait au cou les licousdes ânes, après qu'ils avaient été porter le <bin.. Le texte ajoute« C'est à cause de cela qu'on a appelé cette histoire le Mabinogi

i. J. Loth,o.~p. 106.·

2. Teyrnonestundenvéde 7~ = vieuxcehique~ chef.PourhMttcdunomvoirp.tS.

'w

Ce passageduMab:mg:présentecet intérêtqu'il indiquela date de lafêteà laquellecorrespondnotre mythe, s'il s'agitbien d'un mythe. C'e.t lemythede RhiMnandéputéeentrePwyllet Gwawlpeutet~com.paréà celuide CreiddyladdisputéeentreGwythuret Gwvon,filsde Nudd(J. Rhy.. p. ,M j. Loth, Kuthwchet Olwen,1, pp. 284,~ï). Lecombatannueldeceux-cia lieuà la date du mai On

pourraitdoncconcevoirtout le mytheconcentrésur uneseule tête. Si l'onP~féreen distribuerlesfaitssuçant un ordreplus physiologique,on tombe,pourle mariagedePwyllet de Rh.annon,sur la datedu aoû~ or ta fêtede L~MMj en IrlandeétaitcelledesMariagesde Lug. `_

4. J. Loth,o. p. ï~ sqq.,Manawyddan,filsde Llyr.

Page 28: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

–2!–

e A~yw~ ». c'est.à-Jtr~ M~t~de~etde Mynordd », c'est-à-dire le Mabinogi des licous 1.Enfin Pryderi fut encore, avant de disparaître, le héros d'unehistoire de chevaux. Il avait hérité de son père un troupeau de

porcs, l'un des trésors d'Annwyn. Le Mabinogi suivant, celui deMath, fils de Mathonwy, raconte que Gwydyon, fils de Don, luipersuada d'accepter en échange douze chevaux, créés par samagie

Toute cette histoire fantastique de Pwyll, Rhiannon et Pryderi,dont les épisodes précédents viennent d'être détachés, présenteincontestablement les caractères d'un mythe, bien que sarédactionne soit pas antérieure au x. siede ni le christianisme, ni leroman n'ont réussi à les émousser. Les héros en sont des per-sonnages divins et la déesse mère, Rhiannon, ainsi que son filsPryderi, ont avec t-espece chevaline et avec certaines autresbêtes de somme des rapports qui paraissent mythiques et anciens.Laissons de côté te jeune dieu. La déesse, à ce point de vuenoMappara.tsous deux aspects. Tantôt elle est traitée ette-memeen bête de somme, soit chez elle, soit dans sa prison tantôt elleest montée sur un cheval miraculeux. Sous ce deuxième aspectelle rappelle fort exactement Epona. Je crois que les deux déessessont identiques. On peut objecter toutefois que le culte d'Eponan'est représenté en Angleterre que par un petit bronze, d'un

type presque aberrant <, et deux inscriptions trouvées en territoiremilitaire J cependant il l'est et c'est justement du territoiremilitaire que sont issus les conquérants du pays de Galles. Maisil est à noter aussi que la modeste Epona porte dans deux ins-criptions le titre de Regina 6 commeJunon, Vénus, Isis ou la

J. Lot.o.?. ,~t.Ibid.,p. ;8t.Ihid.,p.

4. S. Reinach,o.l., 61(MuséeBritannique,Wiltshire).~~r:±~ du vallumd'Antonin,à l'est deDunbartonetdel'embouchurede laClyde C. I. L., VII, t t t4 8;, Carvoran,l'ouest deNewcastle,présdu vallumd'Hadrien,C. 1 L., VII,(K~'i~ Julia (Karlsburg). 66 km. au sudde C.u,(Klausenburg),Ihid., t=.ç~

Page 29: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

26

le .r_ .J- n 2- »Fortune, c'ost-à-dire le nom même de Rhiannon ou à peu près.Inscriptions militaires encore, sans doute, mais d'un pays quivoisine avec les pays gaulois et d'ailleurs pourquoi la person-nalité de la déesse et ses titres liturgiques auraient-ils changé,plus que sa figure, du fait que les esclaves ou les spécialistesgaulois de l'armée romaine ont dispersé son culte dans l'empireau hasard de leurs dépècements ? Titres divins de la liturgieromaine ? mais pourquoi auraient-ils été appliqués à Epona, sielle n'en avait pas déjà porté l'équivalent ?

¡ II

La double attitude de Rhiannon invite à supposer des étatsanciens de son mythe, où sa nature aurait hésité entre la forme

1 humaine et la forme animale De même la déesse au cheval,déesse des palefreniers et des chevaux ou des muletiers et desmulets, a vraisemblablement été conçue sous forme d'uncheval divin. Jucher sur le cheval une figure impersonnelle,c'était un degré d'anthropomorphisme. Ainsi pourrait s'expliquerl'image-d'Epona Mais le mythe a toujours devancé l'effigie etles effigies divines, si imprécises qu'on puisse les imaginer, com-portent toujours quelque chose du mythe. La figure classiqued'Epona suppose un mythe, qui doit ressembler beaucoup aumythe de Rhiannon. Je vais essayer d'en donner quelques raisonsde plus. Ce mythe avait évolué longtemps avant que ne fussenttsculptées les premières images d'Epona. En cherchant dans cettedirection, nous aurons chance de voir de plus près la déessechevaline et d'arriver à déterminer ses caractères et ses qualités.

ï LacavaledeTeyrnonpeutêtreéga!ementconsidéréecommeundoubletde Rhiannon.

i. C'esten effetainsique l'expliqueM.S. Reinach.VoirsesC~, JM~&Met ~<<~MMt,t. p. ;o sqq., LestMrMMMM~M<o~ww<MC~~MM~ C< ·.`M. S. Reinacha supposeplustardquele typeplastiquede h déesseà chevalavaitété fourni par l'iconographiearchaïquegréco-latine Z~ t. IV, y.P.!4sqq.,CM«ï~J~<ï.

Page 30: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

–27--

En fait, un certain nombre de figures d'Epona ont des attributsdont l'histoire de Rhiannon rend compte. Tel est le petit monu-ment de Néris, qui représente la déesse debout et met aux piedsde son cheval un enfant accroupi sous la jambe levée de l'animalallusion obscure, à mon avis, au fils de la déesse Mais d'ailleursEpona se présente sous les traits d'une déesse Mère sur le monu-ment de Virecourt (Vosges) elle tient, il est vrai, deuxenfants. Il n'est pas jusqu'aux oiseaux de Rhiannon qui ne seretrouvent auprès d'Epona. Un bas-reliefd'Alttrier (Luxembourg)figure sur les genoux de la déesse, à la place de la patère ou dela corne d'abondance, un chien et un oiseau4. Celui-ci représenteà mon avis les oiseaux fabuleux qui enchantèrent pendant septans, au banquet macabre d'Harddlech, les sept compagnons deBendigeit Vran, revenus d'Irlande avec sa tête coupée, qui attenditen leur compagnie sa sépulture pendant 87 ans.

« Les oiseaux, dit le texte du 2' Mabinogi, qui raconte cette his-toire, se tenaient au loin, au-dessus des flots, et ils les voyaientcependant aussi distinctement que s'ils les avaient eus près d'eux »Il ressort bien nettement de là que ce n'étaient pas des hôtes de cemonde-ci. Ces oiseaux qui « réveillent les morts et endormentles vivants < appartiennent à l'autre monde et probablement

ï. Eyérandieu,o. F., t;68 S. Reinach.~n~ /~«~ in&t'M~&M~ tôt;, H, p. t;; sqq.a. Esperandieu,c.47oï jeconsidèrece monumentnon pas comme

roman,maiscommegallo-romain.). J. Loth,o. Branwen,~!e de L!yr,1, p. t~.4. Espérandieu,o. 7.42~. Lechienpourraitrappeler,s'il fallaitpousserjus-qu'auboutla méthodesuivie,unautrepassagedu Mabinogi.PouraccuseravecvraisemblanceRhiannond'avoirdévoreson fils, lesgardestuèrentles petitsd unechiennedechasseet luibarbouiHèrentde leursangle visageet lesmains

––– Monumentsreprésentantun chiensur les genouxdEpona_Bou~c (Charente),E. ~8o;Saintes, E. 1716;Dalheim(Luxem-bourg), E. 4t8$.

S. J. Loth,o. p. t~g.6. J. Loth,o. Kulhwchet Olwen, p. 307, n. 2. Interpolation(?) du

~M~ 482(Peniarth4) = Yspada.denPenkawrexige cesoiseauxpourchanterau festinde noces. Rhys, ArthurianRomance,p. 258,compareYspadadden(t'aubepine)à Urbainde t'Épiéenoire,unhérosducycle

Page 31: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

–28–

à la faune des passages. Rhys a comparé fort heureusement Rhian-non portant ses visiteurs dans l'intérieur de sa maison et L~t~,épouse de Labraid, roi de l'au-delà, qui vient trouver au bord del'autre monde Loeg, le cocher de Cuchulainn, et lui sert d'introduc-trice J'imagine que Rhiannon et Epona, ou leur cheval, ont étédes psychopompes, comme Manawyddan, le deuxième époux deRhiannon, qui avait, lui aussi, parmi ses attributs, un cheval mer-veilleux En somme Rhiannon appartient au cycle des dieux del'autre monde, comme ses époux Pwyll et Manawyddan, commesans doute aussi Teyrnon Twryv ~/MM/,qui joue dans le Mabinogiun rôle d'utilité, mais qui peut avoir eu précédemment celui demari Teyrnon vient en effet de *Tigernonos,legrand chef, commeRhiannon de *~ï~M, la grande reine son nom, qui ne signi-fie rien (bruit d'étoffe), a été corrigé en Twryv Liant, bruit desflots 4 c'est peut-être un dieu de la mer et il a lui aussi un chevalde qualité. Rhys a supposé que Rhiannon se survécut à elle-mêmesous les espèces de la dame du Lac, NyM~ ou Mt~M, quis'offrit à Pelleas comme Rhiannon s'était offerte à Pwyll il a

expliqué en effet le nom inexplicable deA~M par une transcrip-tion fautive du nom de la déesse galloise Bref, si l'on conclutde Rhiannon à Epona, celle-ci serait un exemple de plus de ces

grands dieux de l'autre monde, mystérieux et troublants, trans-formés en patrons de métiers par la religion populaire desGaulois <

En poursuivant l'iconographie des oiseaux de Rhiannon,

de Perceval,vaincuparcelui-ciau passaged'unguéqu'ildéfendet secouruparunenuéed'oiseaux.

I. J. Rh~S, C<<C~M~M~W, 3e éd., p. 64!. ~y~<! C<WM~M,E. W:ndisch,~rw~ I, pp. 210,éd., p. ;d'Arboisde Jubainv;He,E. Windisch,IrischeTexte,I, pp. 210, 219(I4, 34) d'Arboisde Jubainville,L'<~(~~t~M M /r/CM~,pp. i82, 201.

2. A. Nutt, ~<~<'<M, I, pp. 2 sqq., 42 sqq., 169, 199, 23) 11.pp. 17, ïyS.

). J. A. McCulloch,CelticReligion,p. ïïï.4. J. Loth,o. p. to8, n. 2 J. Rh~s,ArtburianLegend,p. 2;.

Lacavalede TeyrnonpourraitêtreRhiannon,voirplushaut, p. 2$.J. Rh~s,ibid.,p. 284,n. t.

6. H. Hubert,~t~M~a, <d ruche,in MélangesCagnat,p. 281sqq.Voir plushaut, p. t sqq.

Page 32: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

–~–

on risque de renconter des Epona sans cheval. Un bas-relief,trouvé au M' Berny, représente une divinité entourée de quatreoiseaux un cippe, trouvé à Nevers, représentant une déesse

assise, porte dans un registre inférieur deux oiseaux becquetantun objet mystérieux Le Musée de Saint-Germain possède depuispeu une très remarquable statuette de bronze, provenant sansdoute de la Haute-Vienne, d'une déesse ayant eu sur ses genouxdeux oiseaux, dont un seul subsiste 3.Si cette iconographie, toute

récente, de la religion gauloise renète, comme je le crois, les

mythes dont les Mabinogion nous donnent une revue passa-blement complète, c'est au mythe des oiseaux de Rhiannon,quel que soit le nom de la déesse, et non pas à d'hypothétiquescultes d'animaux qu'il faut recourir pour expliquer ces curieuses

figures.C'est ce que je viens de faire pour Epona. Entre le primitif toté-

misme, auquel il faut sans doute remonter en dernière analyse,et les figures qui nous sont données, il y eut bien des degrésintermédiaires. L'évolution des représentations produisit des

mythes dont la légende de Rhiannon peut donner une idée.

L'iconographie fait allusion à ces mythes les figurations d'ani-maux en rappellent des épisodes, comme le chien de saint Roch

rappelle la légende du saint. L'image suggère une action

mythique, connue le bas-relief de Wittelsbach avec un peu plusde clarté seulement que les autres c'est l'apparition d'Epona latour est le palais de l'époux qu'elle s'est choisi. Dans le cas pré-sent le mythe est un mythe de l'au-delà. Il en est d'ailleurs ainsid'un grand nombre de mythes totémiques.

III

Mais que vient faire dans la légende de Rhiannon cette histoired'enlèvement d'enfant, cette fausse accusation d'infanticide et ce

i. Espérandteu,o. 28$o(MuséedeSaint-Germam-sur-Laye,S.Reinach,Catalogueillustré,I, p. ioï).

2. Espérandieu,o. 2181.

3. S. Reinach,Ca~A~~M. II, p. 164,6$i)i.

Page 33: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

–30–

jugement de la mère ? Elle s'y présente évidemment fort biencar elle y introduit le deuxième aspect de la déesse. Mais, à part le

simple fait de l'enlèvement de l'enfant, qui fait sans doute constitu-tionnellement partie du mythe du jeune dieu ce n'est pas autrechose qu'un thème de folk-lore quasi universel dont les exem-

plaires sont répartis de l'Inde à l'Irlande. Sans doutes les contesirlandais qui comportent cet épisode ont-ils de grandes ressem-blances avec le récit des Mabinogion 3. On y trouve la maincrochue du ravisseur la bouche barbouillée de sang de la vic-time. Mais ces récits ne présentent avec l'histoire de Rhiannonaucune ressemblance de structure. Il en est de même des autres.Le thème de l'enfant enlevé et de la mère condamnée apparaîtdans des types de contes assez variés, dont la répartition est sans

signification. Tantôt l'héroïne est frappée dans sa maternité en

punition d'un secret surpris, ou d'une curiosité imprudentesecrets du Paradis (l'enfant de la Vierge Marie) s, secrets d'unmaître anthropophage ou vampire 6 (l'ogre maître d'école ?, etc.),défi porté à la destinée par un vœu fait à la légère Tantôt elleest persécutée par la jalousie de ses sœurs 9 oude sa belle-mère '°,dans des contes appartenant aux cycles de Cendrillon, de Peau-

i J. Rh~s,ArthnrianLegend,p. 308,a cru trouverà la fois le nom deRhiannonet uneallusionà cet épisodede sonmythedansle nomdeRhiannon~<M&ïrM«w/,possesseurde bouteillesmiraculeusesoù le laitne peut tarirYspadaddenPenkawrlesexigepourla nocede safille.Rh~stranscrit RhianrarM<K~et traduit Thesentencè4i(barn, sentence)lady.H suivraitde là quecetépisodeauraitfaitpartiede la suiteclassiquedu mythe.

2. L'enlèvementde Pryderiressembleà celuide A~w, filsdeModron.3. G. Dottin, Contesirlandais,p. n8.4. Id., Conteset ~M~M d'Irlande,p. $osqq.S. Cosquin,CoM~t<~<fM<~JLor~< II, p. 60 sq. Saintyves,LesCo~

dePerrault,p. 36~.6. G. Dottin,Co~Mirlandais,XVII.7. Cosquin, LesContesIndienset l'Occident,p. 120. Saintyves,o.

P. 391.8. Cosquin,Contesindiens,p. 123,9. Cosquin,Étudesfolkloriques,pp. 208, 2t2.ï0. Cosquin.Co~ populairesdeLorraine,I, pp. 186,246,248, 324, 32<,

327.

Page 34: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

–31–

te au Bois Dormant. Les cond'Ane ou de la Belle au Bois Dormant. Les contes de ces divers

types n'ont rien de commun entre eux, sinon la maternité dou-

loureuse de leurs héroïnes.

Mais les thèmesde contes, dont on peut s'appliquer à rechercher

la structure liturgique abolie, gardent dans leur état actuel une

valeur esthétique et dramatique qu'il importe de ne jamais oublier.

Les héroïnes des contes en question sont éprouvées dans leur

maternité, y souffrent et y triomphent, car leurs enfants sont

toujours sauvés et reparaissent à l'épilogue. Leur histoire est une

tragédie de la maternité. Mais d'ailleurs leur maternité est une

maternité insigne leurs enfants ont quelque chose du soleil et de

la lune1 ils naissent avec un joyau d'or, créateur de richesses ils

sont innombrables et forment une armée Rhiannon est égale-ment bénie dans son fils Mais, si Rhiannon explique Epona,on peut l'expliquer par celle-ci. Or, le monument de Virecourt

atteste qu'Epona a été classée parmi les déesses-mères, quidevaient être, après tout, des mères par excellence. PourquoiRhiannon ne serait-elle pasModron,la Grande Mère, mère de Mabon,le dieu-fils, qui fut enlevé comme Pryderi ? Il n'y aurait pas lieu

de s'étonner que, au mythe d'une déesse-mère, ait pu s'accrocher

un roman de la maternité. L'Inde nous offre une contre-partiefort instructive de cette déesse aux traits bonasses et au mythe tra-

gique. C'est Hâriti, la déesse aux enfants, mère de cinq cents fils

et modèle des nourrices Déesse des enfants, invoquée contre

la petite vérole, elle en fut d'abord le mauvais génie. C'est encore

une ~t~~M, mais ce fut une véritable ogresse. Le bouddhisme

l'avait adoptée et racontait que le Bouddha s'en était rendu

maître en la frappant dans son dernier-né, Pingala, qu'il avait

fait disparaître sous son vase à aumônes. Ici, nous avons à la fois

l. Cosquin,~M~/b/Mcrt~MM,p. 212.2. Cosquin,Contespopulaires,I, pp. 186,19$.3. Cosquin,ibid.,p. 196.4. Pryderifutappeléd'abord par sesparentsadoptifsCw~-tWallt Euryn

(auxcheveuxd'or) « parceque toutcequ'ilavaitsur la tête étaitaussijaunequede l'or J. Loth,o. p. 110.

S. Foucher,L'TA~OM<M&(~~MGaM<~jnt,t. II, p. 130sqq.

1

Page 35: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

3-'

r'111itinnc ,1,:0 ~[\I1~~C' C'r\t.C'

MAÇON,PROTAT

FRÈRES,IMPRIMEURS. – MCMXXV.

images, légendes et traditions de toutes sortes. Faut-il poursuivrela comparaison et penser que Rhiannon était réellement suspectedu crime dont on l'accusa La mythologie celtique dans les

parties qui nous en sont conservées, nous a laissé une image géné-ralement bienveillante des dieux de l'autre monde. Ils ont cepen-dant de~ traits obscurs et inquiétants, des associations avouées

ou mal dissimulées, qui font penser aux mythes des maux, des

douleurs et des fautes, dont ils ont pu être les héros et qu'a relé-

gués dans l'ombre le mythe optimiste des bienfaits et des splen-deurs de l'Hadès.

t Dans le mythe de la famine de Don, que résume le Mabinogi de Math,fils de Mathonwy, Arianrhod, fille de Don, est un doublet suspect d.; Rhian-non.

y,

Page 36: Meillet, Divinités Gauloises, Sucellus Et Nantosuelta, Epona, Dieux de 1925

·

3~ y ~Â1;y

r k 't

1! d5

~y,t'Y

a 1 1

F'`~

`:rr1~

~r~`~t

r·,

f~"i't

f~l;~ rh t

..`: r ·~r:yxir ¢ i .d5 ,a~~li ..tj·,

·!· kr,t .d r.,q'Z·e.~r.

~f~ .rt~' y~A~' Ihr~ Jltut 't

w r~ r P. `- ~~ersY

-4~

i .i. f4 ¢:t2~ 'L:><t j ~a t`,' p

~° fYn. Y~'`

.hY~~7~tRid y1i`~1>̀ `. JA v,t,t ir y, yr, J(yx~Cy,1~

'~rl

r..

W'v`Y,`~~.r.

rs1

~"t

~`'i` i Fs

~r

t~t~'i~x~.i~>~

r.»y·.

..1.A i~,`~~,g ~r4 f

*1i.o,Tr.

1

'1

1t

·

4

`

Ît~~A't,y~~PTr

..r.

r

ij·

·

>t,`.J'YV~

~t5

b.e~'r1^r

t nr

r Yr~Jy

k'S'·ie'.w

L`~

,~a~ y', tt~r..

~j'1'tJ9tf,ç~

r4s~

~u~Y.,iS.i 'fr~r'

~'1'

1 ^` t T r.·~frl

Ni 4jf~!i

'.`~6~>z'r ,rii~

.t:.Pé!~1n~5~s

;t'

Jq.~ yrtl

r `.

=

` y~# y

T,x~x~a

~~111~w

(~r tt'Tq,W

av;~·?; 'Tllfid'P4.ir

~~ft'°=~ÿ

Y'

tr~i,x~y~~s:Sa ·

.rv1/~ts

NJ9qt·

`~

r' ~`,..r

t t ~y~~` r:ri~ r,Y

~`~t~é ~·

~t ~tY:·t,t

9~4ts,~1~i~~t rr

v i,

e~~Y

~"s

v ~r3`f

~'?`·

.1 'j