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Les hutong de Pékin : émergence, instruments et limites de la politique de préservation d’un patrimoine urbain INTRODUCTION..................................................2 I. LA LENTE ÉMERGENCE DE LA POLITIQUE DE PRÉSERVATION DES HUTONG.......................................................6 1. LA RECONNAISSANCE DES TISSUS URBAINS ANCIENS COMME OBJET DE PATRIMOINE ............................................................ 6 2. 1949-1978 : DÉMOLITION DE LORDRE IMPÉRIAL ET CONSTRUCTION DUNE CAPITALE SOCIALISTE.............................................9 3. 1979-1999 : PRÉSERVATION ET RENOUVELLEMENT URBAIN..............11 4. DEPUIS 2000 : MODERNISATION ET PATRIMOINE COMME VECTEURS DE RECONNAISSANCE INTERNATIONALE....................................13 II. PRESCRIPTIONS LÉGALES ET USAGES : DES ZONES DE PRÉSERVATION AU PASTICHE..................................................15 1. LES LOIS ET RÈGLEMENTS......................................15 2. LES DIFFÉRENTS PLANS........................................16 3. LES PROJETS PILOTES........................................17 4. LA RÉNOVATION ET LA VALEUR DAUTHENTICITÉ......................20

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Les hutong de Pékin :émergence, instruments et limites

de la politique de préservation d’un patrimoine urbain

INTRODUCTION........................................................................................................................................ 2I. LA LENTE ÉMERGENCE DE LA POLITIQUE DE PRÉSERVATION DES HUTONG...........................6

1. LA RECONNAISSANCE DES TISSUS URBAINS ANCIENS COMME OBJET DE PATRIMOINE...............................62. 1949-1978 : DÉMOLITION DE L’ORDRE IMPÉRIAL ET CONSTRUCTION D’UNE CAPITALE SOCIALISTE............93. 1979-1999 : PRÉSERVATION ET RENOUVELLEMENT URBAIN.................................................................114. DEPUIS 2000 : MODERNISATION ET PATRIMOINE COMME VECTEURS DE RECONNAISSANCE INTERNATIONALE.................................................................................................................................... 13

II. PRESCRIPTIONS LÉGALES ET USAGES : DES ZONES DE PRÉSERVATION AU PASTICHE....151. LES LOIS ET RÈGLEMENTS.................................................................................................................. 152. LES DIFFÉRENTS PLANS......................................................................................................................163. LES PROJETS PILOTES........................................................................................................................174. LA RÉNOVATION ET LA VALEUR D’AUTHENTICITÉ...................................................................................20

III. LES RAISONS D’UN ÉCHEC.............................................................................................................231. L’ABSENCE DE VOLONTÉ POLITIQUE.................................................................................................... 232. UNE GOUVERNANCE MÉTROPOLITAINE INSUFFISANTE...........................................................................243. UNE POLITIQUE EN CONTRADICTION AVEC LES POLITIQUES DE MODERNISATION.....................................264. L’ABSENCE D’ETAT DE DROIT..............................................................................................................28

CONCLUSION : PATRIMOINE ET MODERNITÉ...................................................................................31BIBLIOGRAPHIE..................................................................................................................................... 33Annexe..................................................................................................................................................... 34

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Introduction

« Peut-on oublier que Pékin, il y a encore vingt ans, était toujours une des plus belles

villes du monde, dont le plan était l’une des conceptualisations les plus parfaites de la pensée

urbaine, et dont les constructions horizontales et serrées respectaient les monuments, leurs

formes et leurs hauteurs, l’émergence de leurs toits et de la végétation des cours, parcs et

jardins ? »1

Oui, l’œil novice peine à reconnaître dans cette description le Pékin actuel. Le vieux

Pékin se réduit aujourd’hui à quelques quartiers épars, cachés derrière les tours et les grandes

avenues. Ce tout harmonieux, structuré au cours des siècles et selon des règles architecturales

rigoureuses a disparu pour laisser place à un ensemble urbain dépourvu d’unité. Loin de se

ralentir la transformation de la capitale chinoise s’est accélérée au cours des deux dernières

décennies. Selon un scénario toujours identique le signe chai (à démolir) est peint sur les murs

des maisons à détruire, vites remplacées par de nouveaux édifices, sans caractère, construits à

la hâte, avec des matériaux de mauvaise qualité. Tout ce qui faisait le cachet du vieux Pékin,

ces entrelacs de ruelles ombragées, bordées de maisons traditionnelles aux longs murs gris et

portes rouges, considéré comme sans intérêt par les responsables de la ville, a été livré aux

promoteurs. Entre 1990 et 1999, plus de 4 millions de mètres carrés de la vieille ville de Pékin

ont ainsi disparu.

Pékin a décidé de se doter des attributs d’une capitale moderne, de revêtir des habits de

verre et d’acier, faisant surgir du même coup la question du patrimoine. Ici, comme hier en

Europe, la construction de la ville contemporaine est liée à la notion de patrimoine par un

rapport complexe, changeant, par une tension permanente. A Pékin, cette tension atteint son

paroxysme. Parce qu’elle est à la fois une des capitales dont le plan est le plus ancien 2 et celle

qui connaît les transformations urbaines les plus importantes. Parce que dans son désir de

rejoindre le concert des grandes métropoles mondiales, elle en néglige son passé. Parce

qu’enfin, l’amélioration des infrastructures, la résorption de l’habitat insalubre ou délabré et

l’amélioration des conditions de vie des habitants ont pris la forme de mesures drastiques et

fortement destructrices. Stimulée par le syndrome de la perte, l’émergence de la notion de

1 ZHANG LIANG, La naissance du concept de patrimoine en Chine, XIXe-XXe siècles, Paris, Editions recherches/Ipraus, Archithèses, 2003, 287 p.2 Pékin existe en tant que ville depuis 3000 ans et en tant que capitale depuis 800 ans.

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patrimoine accompagne le processus de modernisation de la ville. Comme le souligne F.

Choay, « la notion de patrimoine urbain historique s’est constituée à contre courant du

processus d’urbanisation dominant »3. Destruction et préservation seraient les deux versants

d’un même mouvement de modernisation.

La charte de Venise4 considère comme patrimoine « la création architecturale isolée

aussi bien que le site urbain ou rural qui porte le témoignage d’une civilisation particulière,

d’une évolution significative, d’un évènement historique ». Autrement dit, tout objet de

patrimoine porte la marque manifeste d’une continuité historique. Cependant, cette approche

générale n’est pas suffisante. Alain Bourdin rappelle que « la définition du patrimoine – la

patrimonialisation – s’opère par la sélection, selon divers processus, d’objets qui deviendront

aux yeux de la loi, de groupes particuliers ou d’une opinion publique des objets patrimoniaux,

c’est-à-dire porteurs de tout ou partie des valeurs qui sont attachées à l’idée de patrimoine, et

qui constituent « l’essence du patrimoine »5.

Quels sont donc les objets patrimoniaux du vieux Pékin ? Son plan général, tout

d’abord, ordonné autour d’un axe nord-sud. La Cité interdite, les temples, autels, palais et

anciennes demeures aristocratiques, qui se distinguent par leur grandeur et leur somptuosité,

ensuite ; auxquels s’ajoutent certains monuments de l’époque révolutionnaire. La liste de ces

bâtiments a été établie, l’étude de leur préservation mériterait un examen particulier.

On s’attachera ici à un autre élément de la ville traditionnelle, les tissus urbains dont

les caractères sont justement la neutralité, la simplicité et une certaine banalité. Là où le gris

des briques, des tuiles ou des murs, dominent, où les décorations se font discrètes, où les

parcelles sont de tailles modestes et les ruelles étroites. Car au-delà des monuments, c’est cette

morphologie urbaine qui fait la particularité du vieux Pékin. Une morphologie dictée par les

principes de la géomancie traditionnelle et née de la juxtaposition de siheyuan, maisons

traditionnelles s’organisant autour d’une cour carrée, ou de dazayuan, grandes résidences

traditionnelle morcelées en plusieurs habitations individuelles6. Certes, cette description

3 CHOAY F., L’Allégorie du patrimoine, Paris, Seuil, Les couleurs des idées, 1992, 272 p.4 Charte Internationale sur la Conservation et la Restauration des Monuments et des Sites (dite Charte de Venise), adoptée en 1964 par le IIème Congrès International des Architectes et Techniciens des Monuments Historiques.5 BOURDIN A., « Sur quoi fonder les politiques du patrimoine urbain, professionnels et citoyens face aux témoins du passé », Annales de la Recherche Urbaine, n°72, 1996, p. 7-14.6 Les quartiers résidentiels anciens, que l’on regroupe sous le terme générique de hutong, se regroupaient en deux zones, d’une surface totale de 62 km2. La plus grandes des deux mesure 38 km2 et était à l’origine encerclée par les murs d’enceinte, qui ont été remplacés au cours des années 1960 par le second périphérique. La seconde zone historique, connue sous le terme de ville extérieure, mesure 24 km2 et se situe au sud de la porte Qian Men. Au cours des années 1950 et de la Révolution culturelle, les maisons à cour carrée furent divisées, et afin d’accueillir

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générique mériterait d’être précisée et nuancée, tous les quartiers anciens ne se ressemblent

pas, mais ce n’est pas l’objet de cette étude. On regroupera donc sous le terme de hutong – qui

désigne la ruelle desservant ces habitations7 – l’ensemble des quartiers anciens, résidentiels ou

commerçants.

Si ces derniers sont des composantes à part entière du vieux Pékin, quel contenu

donner à ce patrimoine ? S’agit-il seulement d’un tissu urbain, d’une enveloppe matérielle, ou

ne faut-il pas étendre cette réalité à un mode de vie qui est perçu comme un élément essentiel

de la culture chinoise ? G. Giovanni, inventeur de la notion de patrimoine urbain, soulignait

que ces tissus anciens n’avaient pas seulement une valeur muséale ou historique, mais une

valeur d’usage exceptionnelle. Une valeur d’usage qui n’est pas celle de la circulation ou de la

production, mais liée au besoin qu’ont les hommes de s’arrêter, de se rencontrer ou d’habiter

un lieu8. Par conséquent, la notion de patrimoine urbain, dans laquelle s’inscrit les quartiers de

hutong, impliquerait une politique de préservation s’attachant tout à la fois au tissu matériel

qu’au tissu social, au bâti qu’à la façon d’habiter, aux espaces publics qu’à la communauté des

habitants.

Des remarques précédentes il ressort que les quartiers de hutong, du fait de leur

banalité même, sont des éléments du patrimoine pékinois particulièrement vulnérables dont la

préservation s’avère plus difficile encore que celle des monuments historiques. D’où l’intérêt

de comprendre comment a émergé et s’est structurée la politique publique visant à les

protéger. Le constat dressé au début de cette introduction sur la destruction des hutong semble

contester d’emblée la pertinence de cette interrogation. N’y a-t-il pas en effet un paradoxe à

s’interroger sur la constitution d’une politique publique de préservation alors que l’observation

empirique semble prouver son inexistence. C’est justement ce paradoxe qui interpelle. Depuis

cinquante ans, les lois et les règlements, les études et la création d’institutions, aussi bien que

les tentatives pratiques n’ont pas manqué. Le vieux Pékin a été l’objet de procédures de

préservation d’ordre international, national et local. Pourquoi les faits contredisent à ce point

les intentions affichées ?

les milliers de sans abris suite au tremblement de terre de 1976, de nouvelles divisions furent opérées, entraînant la construction de nouveaux bâtiments qui occupent toute l’ancienne cour. Les habitants ont également souvent modifié ou reconstruit tout ou partie des bâtiments anciens. En dépit de ces dégradations, la structure historique reste perceptible.7 Un hutong est une ruelle étroite. Le terme serait d’origine mongole et apparaît pour la première fois à Pékin sous la dynastie Yuan. Plusieurs théories s’affrontent quant à l’origine du mot.8 Sur. G. Giovanni, se reporter à CHOAY F., op.cit.

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L’examen de la politique publique de préservation des tissus urbains anciens invite à se

pencher sur les interrogations suivantes. Quelle fut sa genèse ? Quels sont son contenu actuel

et la réalité de sa mise en œuvre ? Et enfin, puisque les résultats ne sont manifestement pas à la

hauteur des espérances, quels sont les limites et les obstacles auxquels elle fait face ?

A ces questions générales, assez classiques dès lors qu’il s’agit d’analyser une

politique publique, s’ajoutent des interrogations plus spécifiques. Comment concilier

préservation du passé et volonté de modernisation dans un pays en voie de développement ?

Quelles évolutions de ces tissus urbains sont admissibles ? Quels types de rénovation peuvent

être engagés ? Comment concilier préservation du patrimoine bâti et le maintien de la vie

sociale qui s’est développé en son sein ? A quelles conditions cette morphologie urbaine,

héritée du passé et dont les caractéristiques semblent inadaptées au fonctionnement d’une

métropole moderne, peut-elle s’insérer dans le mouvement général de transformation de la

ville ?

Le risque d’incompréhension est grand sur un sujet qui dévoile, en dépit d’échanges

séculaires, une distance culturelle immense entre Occidentaux et Chinois. Mais puisque la

Chine a entrepris d’ouvrir le dialogue sur cette question, tentons de dépasser le stade de la

désolation et de la condamnation, pour éclairer les raisons de la mort annoncée du vieux

Pékin.

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I. La lente émergence de la politique de préservation des hutong

Avant d’envisager leur protection, il a d’abord fallu que ces tissus anciens soient

reconnus comme un élément constitutif de la vieille ville de Pékin, de son paysage. Or, cette

reconnaissance ne va pas de soi. Elle est le résultat d’un processus, dont les inflexions

reprennent parfois les grandes lignes de l’histoire chinoise des soixante dernières années et

notamment des rapports entre la République populaire de Chine et le reste du monde.

1. La reconnaissance des tissus urbains anciens comme objet de patrimoine

Avant toute chose, il convient de s’interroger sur la caractérisation des quartiers

anciens de Pékin comme objet de patrimoine urbain. Pourquoi en effet, les quartiers de hutong

peuvent-ils être considérés comme appartenant au patrimoine pékinois? Quelle est la valeur de

ce patrimoine qui justifierait sa protection ?

Le premier critère est celui de l’historicité. La dessin actuel de Pékin date de 1272,

lorsque Kublai Khan de la dynastie Han conçu le plan de la ville. Dès lors, elle connaîtra un

développement méthodique et planifié, fondé sur de vastes et rectangulaires sections dessinant

un damier qui structure, encore aujourd’hui, la ville. Ce qui fait de Pékin, l’une des plus

anciennes villes dont l’urbanisme a été planifié par le pouvoir central - elle a été le siège du

pouvoir impérial de 1370 à 1924 - et un des rares exemples vivants de la planification urbaine

chinoise traditionnelle9.

C’est aussi à cette époque que la structure résidentielle de la ville – les hutong et

siheyuan – fut construite. Les deux sont aujourd’hui intimement liés à la ville dans la

perception des pékinois comme des étrangers, si bien qu’ils sont pratiquement synonymes de

Pékin. C’est la variété infinie mais cependant clairement identifiable des arrangements

spatiaux au sein de ce modèle de la cour carrée qui fait la richesse de l’espace urbain de Pékin.

La teinte grise des siheyuan forme la toile de fond des monuments du vieux Pékin. De la 9 Les principes de l’urbanisme traditionnel ont été compilés vers fin de la période Chun Qiu, et disposent un maillage de rue à angle droit avec un palais au centre, entourés de temples et de marchés, ainsi que neuf portes dans des différentes directions. Ces principes furent suivis sous la dynastie Yuan pour établir la trame formée par les hutong. Cette trame fut plusieurs fois élargie et adaptée pour prendre sa forme définitive sous la dynastie Qing (1664-1911).

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même façon, les hutong10, étroits chemins desservant les complexes résidentiels que

représentent les siheyuan, sont considérés comme la quintessence du vieux Pékin. Conçus

pour protéger du vent, ils procurent un puissant sentiment d’intimité et ont vu se développer en

leur sein une vie collective, de rue, unique et intense.

En dépit d’une certaine uniformité de hauteur et de variations stylistiques limitées,

différents quartiers résidentiels se distinguent, présentant encore aujourd’hui des

caractéristiques propres et reflétant les différences sociales des groupes qui y habitaient. Les

commerçants des provinces chinoises avaient coutume de se rassembler dans des quartiers

propres, dont le style architectural s’inspirait de leur région d’origine. Ainsi, la ville extérieure

(au sud de la cité intérieure) est traditionnellement une zone commerciale, tandis que la partie

nord de la ville intérieure presque exclusivement résidentielle.

Les bâtiments11 d’un siheyuan ont une structure en bois, avec des murs en briques et

des toits de tuiles. La couleur rouge des piliers et des poutres en bois contraste avec le gris des

briques et des tuiles, créant ainsi la spécificité des hutong pékinois. Sous l’empire, les

siheyuan étaient soumis à des limites strictes de hauteur, de couleur et de décoration. Les

restrictions étaient liées au statut social du propriétaire. Les prescriptions concernaient la

couleur et le style des tuiles, la couleur des murs extérieurs et la décoration de la porte

principale. Avant 1911, dans la cité intra muros, aucun bâtiment d’habitation à étage n’était

autorisé. Il était impensable qu’un être ordinaire puisse posséder une maison plus haute que les

murs de la Cité interdite.

A l’origine, un siheyuan était conçu et construit pour une famille, mais depuis les

années 1950, beaucoup ont été divisés en habitations pour plusieurs familles locataires. Cette

division et le manque d’infrastructures rendent aujourd’hui, les conditions de vie dans un

siheyuan peu conformes à celles dans un appartement moderne. Cependant, cette évolution de

la façon d’habiter un siheyuan, autrement dit sa division, fait aussi partie du patrimoine

pékinois.

10 Les hutong sont généralement de direction est-ouest et débouchent de chaque côté sur de petites ou grandes rues de direction sud-nord.11 Traditionnellement un siheyuan est composé de bâtiments de faible hauteur disposés autour d’une ou plusieurs cours. Dans un siheyuan, le bâtiment principal (zheng fang) est généralement placé au nord de la cour et regarde vers le sud, avec deux pièces, une de chaque flanc (er fang). Sur le côté ouest et le côté est sont les Xiang Fang. Le côté sud comporte le bâtiment donnant sur la rue (dao zuo fang) et le mur d’ombre (yin bi). On accède à la cour par une porte principale, sur le côté sud, et souvent, il y a une porte de sortie sur le côté nord. Le bâtiment principal fait face au sud, afin de bloquer les vents froids venus du nord tout en permettant au soleil d’éclairer les pièces principales. Ce plan est tout à fait adapté au climat de Pékin. L’un des intérêts majeurs est son atmosphère paisible et recluse, offrant intimité et calme, à l’abri du tumulte de la ville.

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L’ancienneté et l’exemplarité de ces formes urbaines sont les premiers éléments

permettant de les désigner comme élément de patrimoine. La valeur historique et culturelle de

cette forme urbaine réside aussi en ce qu’elle témoigne de l’organisation sociale antérieure à la

République populaire tout autant qu’à un rapport à la nature particulier. Mais la valeur du

vieux Pékin est supérieure à la simple somme des monuments historiques et des maisons

traditionnelles, ou même au fait que le nombre de vestiges culturels ou de bâtiments

historiques est bien supérieur à celui de n’importe quelles autre ville chinoise. C’est la

combinaison de tous ces éléments, et l’infinie variation de formes et de couleurs qui donne à

Pékin son allure singulière et unique. D’où la nécessité de préserver, non seulement les

principaux bâtiments historiques, mais aussi leurs abords, comme partie intégrante d’un

complexe unique. Il en va ainsi, par exemple, du contraste créé par la juxtaposition des toits

gris des maisons basses et des hauts toits jaunes de la Cité interdite.

Cependant la valeur patrimoniale des tissus urbains anciens dépasse cette simple

fonction d’écrin des monuments historiques de la ville. G. Giovanni a montré que les tissus

urbains anciens, y compris ceux composées de bâtiments vernaculaires, banals, ou sans

architecture avaient une légitimité intrinsèque à faire être considérés comme patrimoine. Au

début de la République Populaire, l’architecte Liang Sicheng, reprend cette idée en distinguant

trois niveaux de patrimoine architectural et urbain : le monument historique, la structure et la

morphologie urbaine, le tissu des quartiers d’habitations12. Et il considère que la rue et la ruelle

pékinoises constituent tant dans leurs directions et leurs dimensions, le caractère essentiel de la

structure.

Au total, les tissus urbains anciens de Pékin répondent aux quatre valeurs définissant le

patrimoine urbain, énoncées par F. Choay : l’historicité, l’exemplarité, l’authenticité, et

l’identité 13. L’historicité a été démontrée précédemment. L’exemplarité également puisqu’ils

constituent le module de base d’un des rares exemples de planification urbaine traditionnelle.

L’authenticité est peut-être la notion qui suscite le plus de réserve. 14 Si l’habitat traditionnel

construit avec des matériaux à durée de vie limitée, est soumis à reconstruction périodique, la

permanence des réseaux viaire et parcellaire répondent au critère d’authenticité. Enfin, cette

morphologie urbaine fait partie de l’identité chinoise et pékinoise en ce qu’elle témoigne de

12 Rappelé par ZHANG LIANG, op.cit.13 CHOAY F., op.cit.14 Sur la notion d’authenticité dans la pensée chinoise du patrimoine, ZHANG LIANG, op.cit.

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l’organisation sociale antérieure à 1949 comme des soubresauts de la République. Que l’on

songe par exemple à la division des siheyuan sous la Révolution culturelle.

Si la communauté scientifique chinoise ou internationale s’est très tôt accordée pour

reconnaître les quartiers de hutong comme partie intégrante du patrimoine pékinois, sa

reconnaissance officielle ainsi que les premières mesures de protection ont été plus tardives.

Rappelons en brièvement les étapes.

2. 1949-1978 : démolition de l’ordre impérial et construction d’une capitale socialiste

Comme l’a démontré Yue Zhang, L’attitude des autorités vis-à-vis du Pékin comme les

inflexions données à la politique de préservation se révèlent étroitement liée aux grandes

ruptures qui scandent l’histoire de la Chine communiste15.

De 1949 à 1978, alors que l’idéologie socialiste est la source de la légitimité politique

du gouvernement, le pouvoir considère les bâtiments anciens du vieux Pékin comme des

reliques de l’ordre impérial, ce qui induit une politique de destruction plutôt que de

préservation. Le nouveau pouvoir s’attache alors à démolir l’ordre impérial et à édifier une

capitale socialiste.

Dans les premières années de la République populaire, un grand débat eu lieu sur la

localisation du nouveau pouvoir. Fallait-il le centrer sur le vieux Pékin, le nouveau pouvoir se

substituant à l’ancien ou créer un nouveau centre administratif à l’ouest de la vieille ville,

comme le préconisait les professeurs Liang Sicheng et Chen Zhanxiang. Liang Sicheng

proposa de « conserver la vieille ville et de construite une nouvelle ville au-delà des murs

d’enceinte ». Mais cette proposition ne fut pas retenue. Bien que la seconde alternative eût été

plus pratique, c’est la première, soutenue par les experts soviétiques, qui fut choisie par les

décideurs politiques. Ce choix entraîna de nouvelles constructions dans le centre historique et

compromit la conservation de la structure et du paysage existants autour de la Cité interdite.

Le développement de Pékin à partir de cette date, se fait sans véritable règle et

régulation de préservation. Les siheyuan sont considérés comme des reliques de l’ère féodale,

incompatibles, tant d’un point de vue symbolique que pratique, avec le nouveau régime. Le 15 YUE ZHANG, Urban Preservation as A Political Construction : Cases of Beijing, Paris, and Chicago, dissertation prospectus, Princeton University, Department of Politics, octobre 2004, 29 p.

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Schéma directeur de 1953 déclare même qu’« un danger majeur pour Pékin est un respect

extrême des vieux bâtiments qui contraindrait le développement de la ville ». Le Schéma de

1957 recommande la démolition de 90 000 m2 de vielles maisons, par an. De la même

manière, peu de valeur est accordée aux hutong, le régime privilégiant les vastes rues et

avenues, symboles du prestige du nouveau régime.

Cependant, les projets du gouvernement restèrent pendant de nombreuses années

irréalisés. Le gouvernement n’ayant simplement pas les fonds nécessaires pour démolir et

reloger les résidents. En conséquence, la plupart des nouvelles constructions furent impantées

en dehors de la vieille ville. Mais, rien ne fut fait pour préserver les vieux siheyuan, qui se

dégradèrent. La plupart d’entre eux se densifièrent, des constructions spontanées peuplèrent

les cours. Une telle évolution affaiblit de manière dramatique les arguments en faveur de leur

préservation. Si les siheyuan ont été endommagés à un point tel qu’ils ne pourraient qu’être

reconstruits, ne serait-ce pas la pire des préservations ?

La destruction des anciens murs d’enceinte au cours des décennies 50, 60 et 70 sonne

le glas de la structure de base de la cité. Leur disparition permet au gouvernement de

construire des routes majeures et de larges avenues qui endommagent fortement le réseau de

rues et les tissus urbains de Pékin. De même, afin de promouvoir, le développement industriel,

le gouvernement central décida que Pékin devait passer d’une ville de consommation à une

ville de production. D’où la construction d’usines, y compris dans vieille ville, source de

pollution et de congestion.

La Révolution culturelle avec son slogan « détruire les 4 vieux » (vielle pensée, vieille

culture, vieilles coutumes, vieux habits) porte une nouvelle atteinte à la vieille ville. De 1966 à

1976, les vieilles structures de Pékin connurent des dommages irrémédiables. Le bureau de la

planification urbaine fut fermé, ce qui provoqua une occupation incontrôlée du sol. La densité

d’occupation des siheyuan augmenta fortement.

3. 1979-1999 : préservation et renouvellement urbain

Depuis 1979 et l’ère des réformes, la croissance économique s’est substituée à

l’idéologie communiste comme source de légitimité politique. L’heure n’est plus à

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l’édification d’une capitale socialiste mais au développement économique, à la modernisation

de la ville et à la construction immobilière, plus destructeurs encore.

L’aménagement urbain avait disparu en Chine avec la Révolution culturelle, au milieu

des années 1960, entraînant la dispersion des équipes d’urbanistes. Avec l’ère des réformes, on

assiste très vite, à la reprise des études urbaines, et à un retour de la planification urbaine

fortement influencée désormais par les modèles occidentaux, spécialement ceux d’Amérique

du nord.

L’état de l’habitat traditionnel s’est sérieusement dégradé au cours des décennies

précédentes et la raison pour laquelle de nombreux siheyuan et hutong demeurent dans les

années 1980 est le manque de fonds du gouvernement pour les démolir. Cependant, les

conditions de vie misérables et la majorité des habitants du vieux Pékin poussent le

gouvernement à prendre des mesures pour les améliorer. Au cours des années 1980 la seule

réponse a été la construction de logement en dehors de la vieille cité afin d’alléger la pression

s’exerçant sur le vieux Pékin, autrement dit pour abaisser la densité démographique de ces

tissus urbains. Au début des années 1990, une série de mesures de libéralisation économique –

en particulier l’introduction d’un marché foncier et d’un marché immobilier – font du

redéveloppement du vieux Pékin une possibilité pour la première fois économiquement viable,

pouvant équilibrer les coûts de « réhabilitation ».

La politique d’amélioration des conditions de vie du gouvernement se tourne alors vers

le renouvellement urbain, et ce dernier lance le Programme de rénovation des logements

anciens et délabrés (Old and dilapidated housing renewal, ODHR). A l’origine, le programme

vise à reloger sur place le plus possible d’habitants et de vendre la surface de logement ou de

commerce juste suffisante pour rendre l’opération profitable. La préservation du patrimoine

doit avoir pour outil ce programme de renouvellement urbain. Cependant, au fur et à mesure,

l’ ODHR a dérivé. Une majorité de résidents – parfois la totalité- sont relogés dans des

logements meilleurs marché, en banlieue, les sites originaux étant destinés au développement

du commerce ou des logements de luxe, dans des immeubles à plusieurs étages. La visée

sociale de l’ODHR a été abandonnée pour devenir un mécanisme de production de charges

foncières pour une industrie immobilière naissante16.

Les quartiers à pourcentage important de maisons délabrées ont été désignés comme

zone de renouvellement urbain. Toutefois, la nature de l’ODHR passant d’un programme

16 Sur les dérives du programme ODHR se reporter par ailleurs à la troisième partie du mémoire.

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social à un programme de développement immobilier, le choix des quartiers à redévelopper,

motivé par la recherche de taux de rentabilité élevés, ne se fait pas tant en raison de leur degré

de dégradation, mais plutôt de leur localisation et de leur valeur foncière. Ce faisant, une part

importante de siheyuan et de hutong a été détruite, alors que certains d’entre eux étaient de

bonne qualité.

Pourtant, « La reconnaissance du patrimoine urbain dans la politique de l’Etat chinois

allait se révéler progressivement au cours des années 1980 dans les décrets administratifs, les

arrêtés ministériels, les procédures et les documents d’urbanisme »17. Sous la pression des

intellectuels, des historiens de l’architecture particulièrement, du réveil de l’opinion, mais

également du développement du tourisme culturel, se met en place une politique de

préservation. En 1982, le Conseil des affaires nationales vote un décret instituant les « villes

célèbres d’histoire et de culture », démontrant la volonté du pouvoir central de préserver le

patrimoine urbain de certaines viles, dont Pékin. Ce texte souligne l’importance des vieux

quartiers, des vestiges, des sites anciens, des monuments historiques, des demeures de

personnes célèbres, des sites paysagers, des vieux arbres et des plantes exceptionnelles. Mais

si plus de 200 bâtiments et sites comme les palais impériaux, les bureaux gouvernementaux,

les temples, jardins et autres complexes historiques majeurs ont reçu une attention particulière,

la préservation des quartiers résidentiels traditionnels n’a pas été perçue comme une priorité.

En 1993, le Schéma directeur fixe, sans succès, des limitations de hauteur pour les différentes

zones de la ville. Au cours des premières années de l’ère Deng Xiaoping, la préservation a été

limitée aux bâtiments historiques dans leur individualité, plutôt qu’à la conservation organique

du tissu urbain. Pour cela il faut attendre la décennie suivante.

En 1999, le gouvernement municipal délimite 25 zones de préservation de la vieille

ville. Pour la première fois, le gouvernement établit un objectif de préservation de rues et de

quartiers entiers, plutôt que des monuments18.

4. Depuis 2000 : modernisation et patrimoine comme vecteurs de reconnaissance internationale

17 ZHANG LIANG, op.cit.18 Cf. Carte en annexe.

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Au commencement du nouveau millénaire, la situation reste préoccupante. Sur les

7000 hutong existant en 1950, ils en restaient seulement 3900 au à la fin des années 1980. En

2000, le tiers de la vieille ville a été reconstruite, tandis que plus de la moitié des hutong de la

ville auraient disparus. Au cours des deux dernières années de la décennie 1990, les hutong

disparaissaient à un rythme de 600 par an, et seul 1000 siheyuan resteraient encore dans la

ville. Les démolitions et l’élargissement des rues ont brisé la continuité urbaine. De même que

l’importation du modèle de la banlieue pékinoise : condominium d’habitants appartenant à la

même catégorie sociale.

Les maisons anciennes, faute d’entretien, sont souvent en mauvais état. Les

pathologies les plus fréquentes sont des toits qui fuient, des structures en bois endommagées,

des infiltrations d’humidité dans les murs. Le niveau de confort est resté très faible : un seul

robinet d’eau pour plusieurs familles, chauffage au charbon, toilettes publiques. D’après Wang

Shiren, seuls 30% des siheyuan de Pékin sont dans un état de conservation satisfaisant19.

Les problèmes auxquels sont confrontés les tissus urbains anciens de Pékin peuvent

être résumés ainsi : une grande majorité des bâtiments ont connu des remaniements successifs

dégradant leur caractère originel, une densité d’habitants trop forte (entre 900 et 1000

habitants par hectare), un manque d’équipement et une vulnérabilité au feu comme aux

intempéries, enfin un paysage dégradé par la construction d’immeubles de grande hauteur.

Dans ces conditions, la conservation des quartiers historiques n’implique plus

seulement la préservation du bâti, mais une rénovation des habitations afin d’y apporter le

confort moderne et un niveau de sécurité suffisant. En outre, ces quartiers ont besoin de

recevoir les infrastructures et équipements modernes.

C’est dans ce contexte de délabrement des quartiers anciens, et de la poursuite de leur

destruction, que la politique de préservation prend à partir de la fin des années 1990, un

nouveau tournant. La Chine cherche alors à s’insérer sur la scène internationale et le pouvoir

politique puise de plus en plus sa légitimité dans une reconnaissance internationale, comme en

témoigne l’entrée du pays dans l’Organisation mondiale du commerce et l’obtention par Pékin

de l’organisation des Jeux Olympiques de 2008. En réponse à la double demande de la société

internationale d’un Pékin moderne et du maintien de son patrimoine architectural, Pékin a

19 WANG SHIREN, “Some Insights in Conservation of Historic Streets”, Social Sciences in China, vol. XXIV, 2003, p. 107-112.

13

Page 14: mémoire

accéléré sa modernisation et renforcé sa politique de préservation. Dans la pratique, il y a un

conflit évident entre ces deux visées, le plus souvent au détriment de la seconde.

Cependant, la pression internationale oblige Pékin à reconsidérer son attitude vis-à-vis

du de son patrimoine urbain. La disparition du vieux Pékin est devenue une préoccupation

nationale et internationale. La Chine a ratifié dès 1985 la convention de 1972 sur la protection

du patrimoine culturel et naturel. En lien étroit avec des instances internationales comme

l’Unesco ou l’Union européenne, plusieurs projets de réhabilitation sont aujourd’hui à l’œuvre

à Pékin20. Un centre sino-européen d’échange de réflexions et d’expériences sur la protection

des patrimoines de l’humanité a été fondé par l’université normale supérieure de Pékin en

collaboration avec le bureau de l’Unesco à Pékin. En 2002, un plan de conservation de la ville

historique a été adopté et le nombre de zones de protection porté de 25 à 40. Le premier

ministre Wen Jiabao a demandé aux dirigeants des grandes villes de placer sur un pied

d’égalité les considérations culturelles et les considérations économiques.

Qu’en est-il donc aujourd’hui de la politique de préservation du vieux Pékin ?

20 On peut citer notamment les projets de Yandaixiejie et de Baimixiejie.

14

Page 15: mémoire

II. Prescriptions légales et usages : des zones de préservation au pastiche

Il ne faut pas s’arrêter à la sécheresse des prescriptions légales mais interroger la réalité

des usages. Après avoir présenté les principales mesures en vigueur, qu’elles soient de nature

législatives ou qu’elles relèvent de la planification, il conviendra donc de s’interroger sur leur

mise en œuvre ainsi que sur les projets pilotes qui sont initiés ici ou là.

1. Les lois et règlements

Depuis 1949, le gouvernement chinois a installé progressivement des mesures

juridiques en matière de protection du patrimoine, toutefois la prise en compte des tissus

urbains anciens est plus tardive. Le concept de baohu qu (périmètre de protection) apparaît

sans doute pour la première fois en 1961 dans les institutions officielles sur les mesures de

protection du monument historique. Il permettait de distinguer deux périmètres affectés aux

abords du monument historique : la zone précise de protection et la zone de protection

générale. L’intérêt pour la préservation des tissus anciens est d’abord né du souci de préserver

l’environnement immédiat et les panoramas qui englobent les monuments historiques.

En 1982, est promulguée la loi fondatrice sur la protection du patrimoine culturel.

Cette loi définit notamment autour des monuments ou unités protégés, un secteur protégé,

dans lequel les constructions nouvelles sont très strictement encadrées. La même année est

publiée la première liste de Villes célèbres d’art et d’histoire. La vieille ville dans son

ensemble devait être protégée. Toutefois, comme le souligne Zhang Liang21 le concept de Ville

célèbre a débouché sur celui de « secteur historique sauvegardé » (lishi baoliu diduan).

« Comme les quartiers anciens et les tissus d’habitation ont, dans une large mesure disparu, il

y a lieu de remettre en question la « Ville célèbre » et se de défaire de l’illusion de l’unité du

patrimoine urbain. »

En 1986 émerge donc la notion de « quartier historique ». « Ils répondent à une triple

exigence : Insérer les biens séculaire classés dans un contexte matériel harmonieux, préserver

l’habitat traditionnel et populaire qui tend à disparaître, sauvegarder tout ce qui relève du

« patrimoine intangible ». […] Le maintien de la dynamique sociale répond à cette priorité.

21 ZHANG LIANG, op.cit.

15

Page 16: mémoire

Ces quartiers ont vocation à se moderniser, en conservant tout ou partie de leur population, en

y assurant le maintien d’activités quotidiennes, commerciales, compatibles avec le site. »22.

Dans ces zones, le retour au style ancien, préalablement choisi, s’accomplit chaque fois que

cela devient possible. L’aspect extérieur des édifices doit faire l’objet d’une protection

rigoureuse.

A la législation nationale s’ajoutent les règlements locaux et les documents de

planification.

2. Les différents plans

En 1985, guidé par la peur que les immeubles de grandes hauteurs endommagent le

paysage traditionnel, le gouvernement municipal annonce une politique de limitation de la

hauteur des constructions. En 1990, la municipalité élabore un « Règlement provisoire de

gestion urbanistique des zones de protection d’histoire et de culture de Pékin » visant à

contrôler les hauteurs des toits, les formes et les couleurs, les décorations, les enseignes et les

publicités, ou encore le mobilier urbain. Le Schéma directeur de 1993 renforce cette mesure et

fixe des limitations de hauteur strictes à l’intérieur de la vieille ville. Mais les interdictions ne

sont guère respectées. Ainsi, la construction de la zone commerciale de Wang Fu Jing a

particulièrement altéré l’environnement immédiat de la Cité interdite.

En 1990, le Bureau de l’urbanisme de Pékin entreprend la délimitation de 25 zones

historiques soumises à un plan de protection. Pour la première fois, le gouvernement établit un

objectif de préservation de rues et de quartiers entiers, plutôt que des monuments. Le plan

prévoit de préserver approximativement 17% du tissu urbain du vieux Pékin, cependant que de

nombreux commentateurs estiment ce chiffre insuffisant, arguant que l’intégrité artistique de

Pékin suppose la protection de la ville entière, et pas de petites parts de celle-ci. Ce travail

mettra neuf ans à aboutir. En 1999, au terme de réductions successives, les périmètres précis et

définitifs sont enfin fixés.

En 2000, le gouvernement municipal adopte en un « plan de conservation de la ville

historique et culturelle de Pékin ». Ce plan fournit des règles détaillées pour la protection au

sein des zones historiques (limites de hauteur, couleurs et natures des matériaux, styles de 22 FRESNAIS J., La protection du patrimoine en République populaire de Chine, 1949-1999, Paris, Editions du C.T.H.S., 2001, 653 p.

16

Page 17: mémoire

construction, conservation des arbres, etc). Il ne s’agit plus seulement de préserver ces tissus

comme écrin des bâtiments historiques mais préserver la ville ancienne en tant que telle. Les

principes affichés devant guider la rénovation sont les suivants : préservation du paysage

urbain et des hutong, préservation de l’authenticité du patrimoine, utilisation de moyens

gradués et mesurés, amélioration des infrastructures et des conditions de vie des habitants,

encouragement de la participation des habitants. Ces principes représentent un tournant décisif

dans la politique de préservation de Pékin, dans la mesure où c’est la première fois que le

renouvellement urbain comme méthode de préservation est écarté. Pourtant, ces lignes

directrices peinent à se concrétiser dans la réalité.

En 2003, 15 nouvelles zones de préservation ont été désignées, dont cinq dans la vieille

ville. Ce qui porte à 21% de la surface du vieux Pékin le pourcentage des zones de

préservation. Par ailleurs, le plan de protection du Pékin historique sera doté d’un budget de

72 millions d’euros d’ici 2008. S’il est encore trop tôt pour juger de l’efficacité de ce plan – le

scepticisme reste de rigueur – l’examen de quelques projets pilotes de rénovation donne des

indications sur la réalité des usages en matière de préservation des quartiers anciens.

3. Les projets pilotes

La restauration des quartiers anciens est tout sauf évidente. Délabrement des

habitations, surpopulation, faiblesse des moyens. Où reloger les habitants, lesquels garder sur

place ? Qui doit payer pour le relogement et la réhabilitation de la zone ? L’une des

principales difficultés concernant les zones de préservation est qu’on attend des opérations de

réhabilitation qu’elles génèrent un profit, ou du moins qu’elles soient équilibrées, dans la

mesure où elles sont gérées par des opérateurs privés. Compte tenu de ces difficultés, peu de

projets ont été mis en œuvre.

Au milieu du flot des destructions ou des négligences coupables, quelques projets de

réhabilitation, ciblés sur des espaces limités, tentent toutefois de trouver des alternatives au

programme de renouvellement urbain à fin exclusivement lucrative.

Les projets les plus anciens remontent à 1987, voici l’analyse qui en est faite par Zhang

Liang23. « En 1987, la municipalité de Pékin a mis en route quatre projets pilotes pour la

23 ZHANG LIANG, op.cit.

17

Page 18: mémoire

rénovation des vieux quartiers : Ju’er hutong dans l’arrondissement est, Xiao huocang hutong

dans l’arrondissement ouest, Caochang toutiao dans l’arrondissement de Chongwen, Dongnan

yuan et Chunfeng dans l’arrondissement de Xuanwu.

Le projet de Xiao houcang hutong est l’un des exemples achevés. La conception du

plan masse consiste à essayer de regrouper les espaces vides ; les toitures sont dotées d’une

pente courbée et les couleurs des nouvelles constructions sont le gris pour les murs, le rouge

pour la menuiserie des fenêtres et les garde-corps, afin de rendre au mieux le caractère

pékinois. Il y eut aussi la volonté de conserver le contexte du site : la trame existante est plus

ou moins respectée, en standardisant seulement les dimensions : 3,5m et 6m. Les murs bas des

hutong sont rebâtis dans les limites latérales du secteur, […] les façades sont traitées en

redents pour garder le gabarit dans la partie de corniche de hutong, quelques anciens arbres

sont également sauvegardés. »

« Ces opération pilotes, lancées sous l’égide de la municipalité, ont cherché des

méthodes de financement en accord avec la réforme immobilière et foncière, tout en respectant

la structure du quartier et la continuité visuelle. Elles ont néanmoins échoué : les habitants ont

été, dans une large mesure, obligés de partir ; les maisons anciennes n’ont pas été prises

suffisamment en considération pour être conservées […]. Arrêté de lui-même, ce type

d’opération a été jugé non rentable car la densité du bâti y était déjà compromise et

insuffisante. »

« Le projet de Ju’er hutong est une opération modèle réalisée sur un quartier

d’habitation de manière à dialoguer avec le vieux tissu urbain pékinois. Bien que ce quartier

n’ait pas été doté d’un statut de secteur historique sauvegardé, l’orientation du projet a permis

de mener une première expérience sur les habitations anciennes. Les maisons anciennes ont

été remplacées par des immeubles à deux ou trois étages disposés autour d’une cour ». Le

choix de Ju’er hutong révèle une nouvelle stratégie de la politique de rénovation urbaine qui

tente de remodeler la ville par une continuité figurative. Les arbres ont été maintenus comme

moyen symbolique de conserver l’esprit du lieu. Ce projet expérimental a reçu une

reconnaissance internationale. Si ces réalisations sont incontestablement plus respectueuses

des tissus anciens, elles ne conservent que très peu l’ancien bâti.

La préservation et la rénovation du quartier de Nanchizi, quartier limitrophe de la Cité

interdite, illustre le dilemme auquel sont confrontées les zones de préservation. Ce projet est

considéré comme un tournant majeur dans la politique de protection du vieux Pékin dans la

18

Page 19: mémoire

mesure où c’est la première tentative de préservation d’un quartier historique menée

conjointement avec une opération de modernisation des infrastructures.

Mais des désaccords sont apparus entre le gouvernement municipal pour qui seul 4%

des bâtiments avaient une valeur historique indiscutable, et les membres de la commission de

planification et de l’université de Tsing Hua, ainsi que de nombreux experts, qui étaient en

faveur d’une conservation plus large de la texture urbaine (microcirculation entre les

maisons…). Cette proposition fut rejetée par le gouvernement du district, qui mit en avant

l’infaisabilité technique et financière d’une telle proposition. La décision fut prise en 2001,

d’un redéveloppement global du quartier. Comme cela se passe pour une opération de

redéveloppement classique, le gouvernement de district était en charge de l’entière opération

et s’associa à une compagnie privée pour gérer l’opération. Seules 9 des 240 maisons à cour

carrée ne furent pas démolies, remplacés par des immeubles à deux niveaux.

Si les constructions adoptèrent un style plus conforme à l’esprit traditionnel que dans

les opérations de renouvellement classique, il est difficile de conclure à une préservation

réussie. La trame viaire a été complètement modifiée pour laisser place à des rues de largeur

standardisée en raison des normes incendies (aucune route ne fait moins de 4 mètres). Les

authentiques siheyuan ont laissé place à des pastiches.

La préservation d’un quartier situé dans une des 25 zones historiques protégée s’est

donc traduite par la destruction presque totale des anciennes maisons comme de l’ancien

parcellaire. Sur le plan social, seuls 30% de l’ancienne population a été conservée et le

processus de gentrification a mis fin à l’ancienne vie sociale. Les principes définis pour

l’opération de Nanchizi sont pourtant ceux qui le gouvernement souhaitent répéter ailleurs.

La modification radicale du vieux Pékin a attiré l’attention de l’UNESCO, notamment

en raison des conséquences sociales de cette transformation. Sous son patronage un projet

pilote de réhabilitation a été lancé : Yan Dai Xie Jie, dans le district de Xicheng. Le but de ce

projet est d’associer de manière active la population dans le programme de renouvellement

urbain et de démontrer la possibilité d’un développement urbain modeste et durable. Il est

encore trop tôt pour porter un jugement sur ce projet en cours de réalisation. Mais l’association

de la population ne semble pas freiner les évictions, la gentrification, l’envahissement du

quartier l’industrie touristique et récréative.

19

Page 20: mémoire

4. La rénovation et la valeur d’authenticité

Ces opérations de renouvellement ou de réhabilitation ne laissent pas d’interpeller l’œil

occidental habitué à des interventions plus respectueuses de l’intégrité des bâtiments. En ce

domaine les différences apparaissent immenses. Même si, comme l’a montré Zhang Liang24, le

dialogue avec l’Occident a modifié les conceptions traditionnelles chinoises.

Ainsi, l’opération de Nanchizi, qui conservé bien peu de choses de l’état existant, est

qualifiée par les autorités chinoises comme une « rénovation modérée ». C’est que

« L’authenticité matérielle est notoirement absente de la conception du monument oriental et

l’accent est mis sur une représentation et une culture immatérielle vivante. […] Cette notion

relativement moderne, concept-clé du patrimoine historique, a été ignorée, négligée par la

société chinoise. […] La première idée est qu’il existe une opposition entre absence de

préservation matériellement authentique et respect des valeurs spirituelles et morales du passé.

Le passé n’est pas logé dans des bâtiments mais dans des écrits qui constamment en raniment

l’esprit. […] La deuxième idée touche la question de l’appréhension de la mémoire et du

temps par la pensée chinoise : l’éternité habite les gens plutôt que les pierres, l’architecte mais

non l’architecture. La destruction et la reconstruction continuelle d’un bâtiment sur le même

site est la matérialisation et de cette conception. […] Le passé vit dans le souvenir, et cela est

plus important que toute réalité matérielle ».

La notion d’authenticité appliquée au cadre bâti est relativement récente en Chine. En

outre la fragilité des matériaux de construction traditionnelle a toujours obligé à des

restaurations fréquentent qui altèrent le caractère « historique » de ce dernier.

Ces remarques ne doivent toutefois pas conduire à accepter les destructions ou la

pratique du pastiche, au nom d’un relativisme culturel. La confrontation avec l’Occident a

aussi touché et transformé le concept du patrimoine en Chine et nombreux sont les chinois que

ces pratiques désolent.

Zhang Liang rappelle que « sous l’influence des Chartes internationales et des

recommandations de l’Unesco dans le milieu des années 1980, la terminologie chinoise de

protection du patrimoine urbain s’est enrichie des mots baoliu, gaijian, chaijian, zhengzhi,

gengxin, soit conservation et préservation, reconstruction, réhabilitation, rénovation et

transformation. […]. Le terme baohu chinois peut se traduire en français par « protection ».

24 ZHANG LIANG, op.cit.

20

Page 21: mémoire

Mais le sens de ce mot chinois variant selon l’endroit, il peut signifier diversement la

« conservation », la « préservation » ou la « protection ». L’équivoque sémantique de ce terme

se répercute au niveau de l’action patrimoniale. Au nom de la protection (et non de la

préservation), certains monuments et lieux patrimoniaux on été entièrement reconstruits. »

Le cas de Nanchizi est là encore éloquent. Les habitations ont été reconstruits selon les

codes du style traditionnels : larges toits, murs et toits gris, décoration, en s’appuyant sur une

sorte de synthèse uniformisante empruntant des éléments décoratifs à divers époques.

Imitations appauvries du passé. Pour beaucoup, le mieux qui puisse être fait pour respecter la

tradition est effectivement d’utiliser des motifs traditionnels comme décoration venant se

placer sur des structures de bâtiments modernes. On est loin des règles de restauration

énoncées par Camillo Boito, en particulier celle qui exige de signaler visiblement toute

intervention moderne25.

Par conséquent si la réhabilitation s’opère selon les mêmes principes que ceux de

Nanchizi, la valeur historique et culturelle des zones préservées diminuera fortement. Au

regard des pratiques actuelles, Pékin ne semble pas menacée par les excès d’une préservation

muséale qui rendrait tout quartier ancien intouchable, figé dans une forme idéale. En revanche,

deux spectres planent sur ces opérations : celui de la gentrification et celui de la

transformation en attraction touristique. Il y a peu de chances que les quartiers anciens

« réhabilités » y échappent, puisque c’est ce que souhaitent les responsables pékinois. Wang

Shiren, responsable de chef de la recherche à l’institut pékinois des bâtiments anciens,

membre de la commission de la planification et de la construction de la capitale et du comité

pour la préservation des Villes célèbres d’Histoire et de culture de Chine, n’écrivait-il pas

récemment qu’ « une minorité des [siheyuan] qui seront préserves pourront devenir des

mémoriaux, des musées, restaurants et hôtels, ou des résidences pour des groupes de

population spécifiques comme des anciens officiels ou de riches hommes d’affaires. Les autres

pourront être ouverts aux touristes ou conservés pour ceux qui choisiraient de rester vivre dans

un siheyuan, au détriment de conditions de vie meilleures. »26.

En tout état de cause, la focalisation sur la notion d’authenticité des projets de

réhabilitation ne doit pas faire oublier qu’ils ne concerneront qu’un part réduite du vieux

25 Camillo Boito, architecte italien et historien de l’art de la fin du XIXème siècle et du début du XXème, a restauré des monuments de Venise, Padoue ou encore Milan et mené une réflexion sur la conservation et la restauration du patrimoine architectural.26 WANG SHIREN, art.cit.

21

Page 22: mémoire

Pékin. Des doutes peuvent être nourris sur la pertinence du principe même des zones

historiques de protection. Leur délimitation ne semble être qu’une concession face à

l’ensemble des destructions en cours.

Pour Wu Langyong27, « L’axe central dominant, la trame géométrique et la

composition architecturale, l’harmonie des couleurs, la mise en valeur des bâtiments

importants, le rythme et la variation de la cime de la ville, l’intégration de la ville à la nature

environnante sont autant d’éléments importants de la politique de conservation de Pékin.

Ensemble ils forment l’intégrité de la ville, et doivent par conséquent être appréhendés de

façon simultanée. Toute politique de préservation qui traiterait de manière isolée ces différents

éléments ne peut réussir. » De plus, une politique de préservation n’implique pas seulement la

protection des vestiges du passé, une attention particulière doit être apportée aux réalisations

nouvelles, en ce qu’elles ne dégradent pas les plus anciennes.

Ce n’est qu’à ces conditions que peuvent être évités les deux termes de la macabre

alternative entre muséification et destruction.

27WU LIANGYONG, Rehabilitating the Old City of Beijing, a project in the Ju’er Hutong Neighbourhood, Vancouver, UBC Press, 1999, 236 p.

22

Page 23: mémoire

III. Les raisons d’un échec

« L’abondance des textes publiés pendant cinq décennies ne saurait faire illusion ni

masquer les faiblesses des actions concrètes réalisées jusqu’à présent. »28 Dans le cas de Pékin,

les plans ne manquent pas, mais la loi n’est pas suffisamment forte pour rendre effectives les

préconisations et obligations énoncées dans les plans de préservation. Ces derniers sont donc

contournés, manipulés au profit de ceux qui sont justement chargés de les mettre en œuvre, ou

de s’y conformer. C’est sans doute la première raison de ce décalage entre les intentions

affichées et la réalité, mais ce n’est pas la seule.

1. L’absence de volonté politique

Il ne manque pas de règles de préservation, mais une volonté politique réelle de la part

de décideurs que la culture, la progression de leur carrière, les intérêts économiques éloignent

de la protection du patrimoine.

Les décideurs politiques ne sont pas sensibilisés à la question du patrimoine,

l’inculture règne en la matière. En outre, le référentiel des acteurs chargés de mettre en œuvre

cette politique de préservation est d’abord celle de la reconstruction systématique, encore

vivante dans la culture chinoise, et celle, plus récente de la modernisation. Le remplacement

de l’habitat traditionnel par des constructions modernes de grandes hauteurs est perçu comme

un symbole de la modernisation du pays par les hommes politiques de tous les niveaux de

gouvernement. Pour le gouvernement central et municipal, il s’agit de signifier au monde

entier que la capitale de la Chine – comme le pays tout entier – connaît un développement

économique, moderne et cosmopolite. Ainsi, de nombreux projet du début des années 1990,

comme l’Oriental Plaza ou l’élargissement de l’avenue Ping’an furent réalisé en prévision du

cinquantième anniversaire de la République populaire de Chine, évènement qui reçu une

médiatisation à l’échelle mondiale.

Au niveau local, les hommes politiques sont plus responsables devant leur hiérarchie

que devant les citoyens. Or le développement économique étant devenu la priorité du

28 FRESNAIS J., op.cit.

23

Page 24: mémoire

gouvernement chinois, la performance et la carrière des hommes politiques se mesure

principalement sur leur performance économique. La priorité pour ces derniers devient donc

de démontrer la contribution de leur territoire à la croissance économique. En manipulant le

programme ODHR qui visait à rénover le vieux Pékin et en vendant des droits de propriété

aux promoteurs, les hommes politiques locaux rendent tangible la croissance économique de

deux manières différentes. Tout d’abord, la principale source de revenu local étant la vente de

droits de propriété et d’usage de la terre, les gouvernements de districts peuvent accroître leurs

revenus en vendant ces droits aux promoteurs. Deuxièmement, la construction d’équipements

commerciaux et de maisons de luxe est supposée intensifier la croissance économique, et aide

à atteindre les objectifs économiques, tel que le PIB de district. Dans ces conditions, les

administrateurs locaux ont tout intérêt à ce que les quartiers anciens fassent l’objet d’opération

de renouvellement urbain.

En 2003, le maire Liu Qi a déclaré qu’au cours des deux prochaines années, la carrière

des officiels seraient mesurés en fonction de leur performance dans le domaine de la

préservation, et plus seulement en fonction de leur capacité à générer de la croissance

économique. Mais une telle motivation ne risque-t-elle pas de mener à des pratiques

contestables , la politique de préservation se concentrant sur le maintien ou la restauration des

grands monuments historiques et la construction bon marché de pastiches pour tenter de

donner une meilleure image de Pékin ,. pratiques pour le moins critiquables dès lors qu’on

réfléchit à la préservation du vieux Pékin sur le long terme ?.

2. Une gouvernance métropolitaine insuffisante

Les hommes ne sont pas seuls en cause, l’organisation administrative même favorise

les dérives. Sur le plan national, le ministère en charge de la protection des villes historiques

est celui de la … Construction. Mais le principal problème ne réside pas là, car la Chine a un

système de gestion du patrimoine décentralisée. Dans le cadre légal et des politiques fixées par

le pouvoir central, avec, le cas échéant des subsides de ce dernier, les gouvernements locaux, à

chaque échelon (provinces, municipalités, districts),ont en charge le patrimoine du territoire

qu’ils administrent. Le bureau d’Etat du patrimoine ne peut intervenir dans le travail des

autorités locales.

24

Page 25: mémoire

Au niveau municipal le bureau du patrimoine culturel et le comité de la planification

de la capitale se partagent le sujet. Mais le pourvoir de la municipalité est limitée. Pékin est

divisé en plusieurs districts qui établissent chacun un projet d’urbanisme. Si les règles de

préservation sont établies par la municipalité, ce sont les gouvernements de districts qui ont en

charge leur application29. Or, la logique de ces derniers est toute autre.

Il existe en effet, trois niveaux d’administration dans la ville : le gouvernement central,

le gouvernement municipal, et les gouvernements de districts. Afin de se débarrasser du poids

financier de la construction, le gouvernement central a décentralisé sa gouvernance au cours

des années 1990. Le gouvernement municipal comme les districts ont reçu des pouvoirs accrus

en échange de la responsabilité de leurs revenus fiscaux pour gérer leur territoire. Outre le

partage des impôts centraux, les gouvernements locaux sont encouragés à générer des sources

de revenus localement afin de financer leurs nouvelles attributions. Cette incitation à

augmenter leur revenu a eu des conséquences dramatiques sur le développement urbain, qui

constitue un mécanisme majeur pour générer des ressources. Ainsi, à la fin des années 1990, le

district de l’ouest a développé son propre centre financier et commercial, qui a gravement

endommagé la vieille ville de Pékin, en totale contradiction avec le schéma directeur qui

prévoit de construire le quartier d’affaires, à l’est de la ville, à l’extérieur de la vieille ville,

dans le district de Chaoyang. Suivant cet exemple, le district de l’est a construit l’Oriental

Plaza à Wangfujing, tandis que le district Xuan Wu se dotait d’un International Financial

Centre.

Sans une régulation plus forte à l’échelle du grand Pékin et d’un contrôle strict, les

projets motivés par des intérêts locaux rentreront en conflit avec les intérêts de la ville prise

dans son ensemble, dont celui de la préservation des tissus urbains anciens. Selon Wu

Liangyong30, la planification urbaine est faible en Chine. La municipalité n’est pas en mesure

d’utiliser la planification urbaine afin d’infléchir les projets de développement des districts

dans un sens qui serve le développement de la ville dans son ensemble.

Ainsi, la pratique expérimentée au cours des années 1980 consistant à donner à un

promoteur immobilier un terrain en périphérie comme compensation pour la prise en charge

d’une opération faiblement rémunératrice de renouvellement urbain dans le cœur historique de

Pékin, n’a pas apporté les résultats escomptés, faute de coordination entre les districts centraux

29 Pékin est divisé en seize districts. La vieille ville, à l’intérieur du second périphérique en compte quatre  : Dong Cheng, Xi Cheng, Chong Wen, Xuan Wu.30 WU LIANGYONG, art.cit.

25

Page 26: mémoire

et ceux de la périphérie. Si chaque district doit satisfaire ses objectifs de développement à

l’intérieur de ses limites administratives, il est alors illusoire de limiter la production

immobilière – source de revenus pour les districts – dans la vieille ville.

La question de la préservation du patrimoine urbain de la ville est donc intimement liée

à celle du développement général de la métropole et de la région métropolitaine Pékin-Tianjin-

Hebei ainsi que de sa gouvernance. En tout état de cause, la construction d’un polycentrisme

est une des réponses à la pression excessive à laquelle doit faire face le centre de Pékin. Car

« on ne répétera jamais assez l’avertissement de G. Giovanni : les centres et les quartiers

anciens ne pourront être conservés et intégrés dans la vie contemporaine que si leur nouvelle

destination est compatible avec leur morphologie et leur échelle ».31

3. Une politique en contradiction avec les politiques de modernisation

La politique de préservation des tissus anciens révèle les conflits d’intérêts entre le

niveau municipal et les districts. Mais ce conflit est aussi présent au cœur même de la

municipalité pékinoise dont les objectifs en matière de logement, de transport ou de tourisme

apparaissent difficilement compatibles avec la protection des quartiers anciens.

Cette dernière relève en partie des services d’urbanisme, car elle nécessite le

relogement d’une partie de la population et l’amélioration des infrastructures. Le département

du logement est en effet également responsable de la protection du patrimoine quand celui-ci

fait office de logement et d’habitation. Mais ce dernier n’a pas suffisamment d’argent pour

entretenir les bâtiments destinés au logement social, dont l’état se dégrade avec le temps. Cette

carence de la restauration et de l’entretien immobiliers est à l’origine d’un mécanisme pervers

qui alimente la politique de la table rase.

En effet, les quartiers anciens, avant d’être perçus comme un patrimoine à conserver,

sont d’abord considérés comme des quartiers dangereux, dégradés et inférieurs aux normes

modernes d’habitation. Cette tension, au cœur de la politique de réhabilitation et de protection,

s’est jusqu’à maintenant soldée par la démolition de ces quartiers. La politique de

« rénovation » des logements délabrés et « en péril » a ainsi été le vecteur privilégié de la

disparition de nombreux tissus anciens.

31 CHOAY F., op.cit.

26

Page 27: mémoire

D’un point de vue social, la politique de relogement systématique des habitants en

périphérie, a tué le tissu social existant et le sentiment de communauté. En effet, les

compagnies de renouvellement urbain ont carte blanche pour redévelopper une zone, la seule

condition étant de reloger les habitants. Afin de maximiser leur profit, les compagnies

choisissent de reloger les habitants dans l’extrême périphérie, là ou les terrains sont les moins

chers. La plupart des habitants n’ayant pas les moyens d’acheter un logement dans leur

quartier d’origine une fois réurbanisé.

C’est ainsi que des projets immobiliers purement lucratifs ont démoli des pans entiers

de la vieille ville, sous couvert de réhabilitation de l’habitat dégradé, obtenant, qui plus est,

des subventions du gouvernement au titre de la rénovation de l’habitat. En outre, afin de

rendre l’opération encore plus profitable, ces compagnies ont négocié avec le gouvernement

de dépasser les limites de hauteur et les coefficients d’occupation du sol. Les promoteurs

s’occupent d’abord des zones les mieux desservies en infrastructures de transport, laissant de

côté les autres zones. Ce ne sont donc pas des critères patrimoniaux qui déterminent l’urgence

d’intervention, mais la capacité à générer un profit important.

Cette logique n’a pas été abandonnée. Par conséquent le rythme du renouvellement

urbain n’a pas ralenti. En 2001, le dixième plan quinquennal de développement économique et

social de Pékin prévoit la démolition de 3.03 millions de m2 de maisons anciennes et

dégradées du vieux Pékin, et prévoit d’achever le programme de renouvellement urbain en

2005. En comparaison des 4,99 millions de m2 de maisons anciennes et dégradées démolis

entre 1990 et 2000, la démolition de 3,03 millions de m2 entre 2000 et 2005 représente une

entreprise sans précédent et sonne la fin des anciens tissus urbains.

Il en va des hutong comme des siheyuan. Le percement de large route à l’intérieur des

tissus anciens, loin de résoudre les problèmes de circulation à l’intérieur de la vieille ville,

augmente le trafic et accentue les problèmes. La conversion de la ville à la voiture rend

impossible la survie des ruelles perçues comme des espaces publics, supports d’une vie

sociale, parfois communautaire, particulièrement développée. Les plans de transport sont

actuellement déterminés à partir du seul critère de l’efficacité et n’intègrent pas une réflexion

sur les structures traditionnelles de la ville. L’élargissement des rues opéré pour améliorer la

circulation détruit non seulement l’ancien tissu urbain, mais a aussi des répercussions sur le

plan économique, avec la disparition des petits commerces et de l’animation des quartiers.

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Troisième coups de semonce portée aux quartiers, le développement du tourisme.

Comme le souligne Aurore Merle et Peng Younjun32, les officiels voient les monuments et les

quartiers anciens comme des ressources touristiques et non comme des ressources culturelles33.

C’est donc le marché qui fixe la valeur des bâtiments susceptibles d’être protéger et la façon

dont sera mise en œuvre cette protection. La subordination du patrimoine à des intérêts

économiques conduit par conséquent à privilégier des rénovations rapides au goût des

touristes, au détriment d’un véritable travail de restauration. Une fausse rue ancienne, Liu Li

Chang, a même été créée, pour des raisons exclusivement commerciales.

La fonction touristique est privilégiée au détriment du site même et des habitants. Les

quartiers anciens apparaissent moins comme des objets de patrimoine que comme des objets

de consommation. Une nouvelle menace pèse alors, celle d’une transformation des tissus

anciens en espace purement récréatif, ou quartier de nuit, peuplés de bars, restaurants et

magasins de souvenirs. Cette menace est aujourd’hui perceptible autour du lac de Shishahai.

Mais peut-être est-ce la seule condition de leur survie ?

4. L’absence d’Etat de droit

La modernisation de la ville, l’amélioration du confort des logements, l’ouverture de la

ville aux touristes, ne sont pas les seuls ressorts de la destruction des tissus anciens. Il est des

logiques moins philanthropiques qui mettent en jeu les intérêts bien compris de ceux qui

tiennent les rênes du pouvoir.

La collusion maintes fois observée entre décideurs politiques et promoteurs

immobiliers fonctionne telle une logique implacable. A partir de la fin des années 1980, dans

le sillage de la libéralisation et du développement du marché immobilier, les hommes

politiques locaux se sont associés de manière intime avec les promoteurs et les entreprises de

démolition et de relogement qui tirent leurs bénéfices des opérations de renouvellement

urbain. Ce fut particulièrement perceptible au cours des années 1990 ; lors de la délimitation

des 25 zones historiques de protection, des pressions fortes ont été exercées pour réduire leur

32 MERLE A., « Pékin entre modernisation et préservation », Perspectives chinoises, n°74, 2002, p. 39-43.33 Ce qui peut conduire à la reconstruction de monuments anciens, à l’instar de la porte Yondingmen au sud de la ville, détruit dans les années 1950, et reconstruite en 2004.

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superficie. Aujourd’hui, sur les 3000 siheyuan recensés à Pékin, 600 ont une valeur

patrimoniale importante. Le bureau du patrimoine possède cette liste, mais ne l’a pas encore

publiée. La publication officielle de cette liste est un véritable enjeu tant pour les défenseurs

du patrimoine que pour les promoteurs immobiliers. Car si les siheyuan sont reconnus

officiellement comme devant être protégés, ils seront comme des « clous » dans le paysage

urbain de Pékin, qui rendront difficile la destruction entière de zones. Raison pour laquelle elle

n’est toujours pas publiée.

Pire, ceux qui protègent officiellement le patrimoine sont parfois les premiers à le

détruire. Par exemple, la société immobilière Donfang kangtai appartient au bureau du

patrimoine du district de Dongcheng. Le cumul par certains fonctionnaires ou dirigeants

politique des fonctions d’administrateur et d’entrepreneur rend particulièrement difficile la

possibilité d’un contrôle et d’un recours en justice. Cette collusion fait deux victimes : le droit

et les habitants. Zhang Wenbin, directeur de l’administration d’Etat pour le patrimoine,

reconnaît lui-même que la loi de 1982 est violée par les autorités légales.34 Quant aux

habitants, non seulement leur sort est souvent ignoré, mais leurs droits de propriété sont

parfois bafoués.

Comme l’a démontrée Yue Zhang35, la préservation des quartiers anciens est

directement influencée par les interactions entre les trois acteurs que sont l’Etat, le marché et

la société d’un pays, et la préservation d’un quartier dépend souvent de la mobilisation des

habitants. On a vu les rapports de collusion et parfois de corruption qu’entretiennent les

autorités publiques et les acteurs du marché. Face à ces forces, la société civile a peu de poids.

Les lois existent mais comment les faire respecter dans un pays comme la Chine qui n’est pas

un Etat de droit ? Les recours devant la justice de la part d’habitants dont la maison a été

détruite sont peu nombreux et les jugement en leur faveur encore plus rares.

Certes la sensibilisation au patrimoine au sein de la population chinoise est faible,

beaucoup voient d’un œil positif la modernisation de la ville, mais tant que le gouvernement

n’aura pas de compte à rendre aux citoyens, on peu nourrir des inquiétudes pour le patrimoine

urbain.

34 ZHANG WENBIN, “Institutional Building for the Management of Cultural Relics in China in the New Era”, Social Sciences in China, vol. XXIV, 2003, p.151-159.35 YUE ZHANG, Urban Preservation as A Political Construction : Cases of Beijing, Paris, and Chicago, dissertation prospectus, Princeton University, Department of Politics, octobre 2004, 29 p.

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Conclusion : patrimoine et modernité

« La boulimie de construction menace, entame les vieux monuments, les architectures

anciennes, détruit leurs abords et enfin les avale »36. Sur les 7000 hutong du vieux Pékin, 4000

avaient échappé à la destruction en 1980. Au cours des années 1990, leur nombre décrut à un

rythme de 600 ans par an, soit 4 millions de m2 rasés en dix ans. Aujourd’hui, seul un tiers des

hutong subsiste.

Le désir de reconnaissance internationale conduit Pékin à un double mouvement de

modernisation de son paysage urbain et de préservation « symbolique » de son patrimoine

architectural. Mais sans conversion sincère, cette préservation ne dépassera pas le stade des

déclarations d’intention.

« Entrée tardivement dans le processus de modernisation, après la parenthèse maoïste,

Pékin vit de manière beaucoup plus forte que Paris ou Chicago, la tension entre

développement urbain et préservation du patrimoine bâti. Le rattrapage du retard se traduit par

une survalorisation des images de la modernité et un rejet des traditions. Les gratte-ciel sont

perçus comme les symboles de cette modernisation, en comparaison desquels les siheyuan

paraissent des vestiges dépassés. Dès lors, la rénovation urbaine est perçue comme une

nécessité, bien plus que la préservation »37.

Mais la modernisation pourrait être interprétée de manière différente, d’une façon qui

permettrait de concilier tradition et modernité. La tension entre modernisation et tradition est

une construction sociale liée à une simplification excessive de ces deux pôles à des images

caricaturales. Une harmonie peut-être trouvée si elles sont interprétées d’une manière moins

symbolique. Pour Alain Bourdin, « c’est dans la tension entre patrimoine et projet que se

révèle la modernité. Il n’est d’ailleurs pas sûr que la seule affirmation de projet, sans ancrage

patrimonial, ne soit pas également dangereuse, dans la mesure où elle déréalise la modernité et

lui donne un caractères intemporel au lieu d’en faire un rapport historique fortement inscrit

dans le temps ».38

Les habitants aspirent à une amélioration de leur condition de logement, mais ils ne

réalisent pas que cet objectif ne passe pas nécessairement pas la destruction des habitations

36 ZHANG LIANG, op.cit.37 YUE ZHANG, art.cit.38 BOURDIN A., art.cit.

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anciennes. Le niveau de confort pourrait être amélioré tout en préservant l’aspect extérieur des

siheyuan et les hutong. Pourquoi en effet, une typologie urbaine qui a montré une remarquable

capacité d’adaptation - depuis l’époque féodale et la propriété unifamiliale, à l’époque

moderne et la cohabitation de plusieurs familles - serait-elle irrémédiablement rangée au rang

de vieillerie ou de demeure de luxe réservée à quelques riches propriétaires ou touristes

étrangers ?

Tant sur le plan formel que sur celui des modes d’intervention, le champ des

possibilités est loin d’avoir été entièrement exploré. Celle du renouvellement « organique »

n’a jusqu’à ce jour, pas fait l’objet d’une expérimentation véritable, si ce n’est sous la forme

du rachat d’un siheyuan par ou pour un riche propriétaire qui se charge de la restauration. Le

micro-management s’appuyant sur les projets des habitants et un investissement public

important pour améliorer les infrastructures mériterait d’être essayé. La préservation ne peut,

en effet, se faire sans la participation des habitants, tant ce qui fait la valeur de ces quartiers est

l’imbrication de cette forme urbaine si particulière au mode de vie qu’elle suscite ou du moins

abrite. Il ne s’agit pas de figer ces quartiers dans une image d’Epinal, une pure nostalgie, mais

de trouver une économie qui préserve la morphologie urbaine. Se moderniser sans se détruire.

Mais comment trouver les solutions, sans un soutien politique franc, une volonté non

feinte ? Une préservation toute symbolique a été entreprise pour répondre aux attentes des

touristes chinois et étrangers, comme de la communauté internationale que représentent des

organes tels que l’Unesco, le Comité international Olympique ou l’Union européenne. Faut-il

s’en contenter ? Après tout la Chine est un pays en voie de développement qui a d’autres

priorités. Les occidentaux oublient peut-être un peu vite qu’eux aussi ont maltraité leur

patrimoine.

En Europe, justement, la protection est venue de la mobilisation des habitants et du

combat juridique. Sans mobilisation sociale le gouvernement chinois se contentera de cette

préservation fantoche. L’avenir du vieux Pékin - ou de ce qu’il en reste - suppose donc une

montée en puissance de la société civile et la constitution d’un Etat de droit.

Sans leur avènement, nous risquons fort d’être les spectateurs impuissants des derniers

jours de Pékin.

Bibliographie

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Annexe

Les 25 zones historiques de protection (en grisé)

source : Conservation planning of 25 historic areas in Beijing old city; Pékin, Beijing municipal City Planning Commission, 2002, 383 p.

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