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Les conflits sociaux

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Les conflits sociaux

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Plan

Introduction générale

Chapitre 1 : les fonctions des conflits sociaux.

Section 1 : Le conflit n’est pas fondamentalement dysfonctionnel, il a des fonctions positives

1. Caractérisation du conflit 2. Fonctions positives du conflit

Section 2 : Le conflit est une composante essentielle des relations sociales

1. Le conflit émerge structurellement de toute relation sociale 2. Le conflit est un mode de réalisation d’une relation sociale

Section 3. Le caractère dysfonctionnel du conflit n’est pas intrinsèque mais il est le produit d’une réaction structurelle

1. Conséquences fonctionnelles du conflit interne selon la structure du groupe 2. Conséquences fonctionnelles du conflit externe selon la structure du groupe :

Chapitre 2 : Changement social et conflit

Section 1 . Le conflit peut être facteur de changement social

Section 2. Les conflits de travail existent toujours mais ils sont moins nombreux

Chapitre 3 : La négociation dans les conflits sociaux

Section 1 : Les acteurs

Section 2 : La violence dans les conflits

Introduction générale

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Les conflits sont les manifestations d’antagonismes ouverts entre deux acteurs

(individuels ou collectifs) aux intérêts momentanément incompatibles quant à la

possession ou à la gestion de biens rares (matériels ou symbolique) ils peuvent faire

affronter des états (guerres) ou, au sein d’une même société, des groupes religieux

nationaux ou ethniques, des classes sociales ou toute autre institution sociale (église

partie entreprise organisation et association divers). Au sein d’une même collectivité

(famille, syndicat) ils peuvent opposer entre elle deux catégories d’individus aux

statuts et rôles différents.

Les conflits sociaux (toutes rivalités collectives déclarées à enjeux politiques,

économiques ou sociaux) d’intensité et de violence variable (du débat scientifique à la

révolution politique en passant par la grève ou le Lock out, ) l’émeute et la guerre

civile ) ne sont pourtant pas des conséquences nécessaires des conditions objectives

qui les engendres : ils n’apparaissent que dans la mesure où l’un des partenaires veux

imposer sa volonté contre la résistance de l’autre.

Pour la tradition marxiste le conflit est inscrit dans la nature même du sociale, et

procède du caractère essentiellement contradictoire du rapport sociaux de production.

Les conflits sociaux historiquement important sont donc tous ramené à des conflits de

classe définit par la propriété ou la non propriété des moyens de production, et

aboutissent inéluctablement aux révolutions qui transforment l’organisation

économique politique et sociale (Marx 1948). Outre la mise ou jour de l’aspect

structurel des conflits sociaux et leur rôle dans le champ social, Marx montre aussi la

nécessité, pour que des contradictions objectives engendrant des conflits, de la prise de

conscience par les acteurs de leurs intérêts politique de classe. Toutefois, on peut

facilement dénoncer chez Marx, à l’instar de R. Dahrendorf 1957, la réduction des

conflits sociaux ou conflits de classes et de ces deux derniers aux conflits de

propriétés. D’abord, l’évolution du capitalisme montre que propriété et contrôle de

moyens de production peuvent se dissocier, et que s’est ce dernier constitue l’enjeu

dominant des conflits de classes, ensuite, les conflits sociaux n’ont pas les seules

classes pour auteurs : dans toute association, c’est la distribution nécessairement inégal

de l’autorité qui en crée les conditions essentielles. Le conflit de classe ne serait donc

que la conséquence de la superposition des différents conflits opposant les différents

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groupes d’intérêts ; aussi l’analyse devrait elle partir du phénomène de la répartition

dichotomique de l’autorité dans chacun du secteur de la société et non de la société

globale.

Dans la pensée fonctionnaliste classique les conflits sociaux témoignent plutôt d’un

disfonctionnement du système de régulation par lesquels est assuré le consensus sur les

normes qui dirigeant l’action et sur les valeurs qui l’orientent. E. Durkheim 1893 y

voit l’effet pathologique d’un affaiblissement de la solidarité sociale lorsque l’anomie,

consécutif aux crises du changement social, remplace la coopération à la concurrence,

faute de règles collectives s’imposant aux acteurs sociaux. Ce mode général d’analyse

a le mérite de montre que l’ordre social résulte d’une institutionnalisation des normes

et des valeurs propre à prévenir des conflits d’intérêt toujours latente et que les

divergences ou oppositions d’intérêts ne se transformant en conflits qu’en fonction de

l’interprétation par les acteurs.

En autre le fonctionnalisme moderne souligne de nombreuses contributions

positives du conflit, en particulier par le renforcement de l’intégration des groupes

sociaux concernés er par l’induction des changements sociales ( Coser 1956).

L’application de la théorie des jeux a l’analyse des conflits sociaux ( Schelling

1960) montre que ceux-ci sont les plus souvent des < Jeux à somme non nulle ( ou

mixtes) > dans la mesure ou l’opposition des intérêts et rarement totale. La structure

d’interdépendance des attentes impose donc aux protagonistes un certain degré de

coopération conduisant chaque a élaborer sa stratégie en fonction des objectifs de

l’autre. Ainsi dans le domaine du travail G. Adam et j. d. Reynaud 1978 analysant le

conflit comme < la poursuite de la négociation par d’autres moyens>.

Ces auteurs affirment que le conflit peut constituer un processus parfaitement

rationnelle de changement social : en effet qu’il respect les regèles institutionnalisé <

Jeux fixe > ou on vienne à les violer < Jeux glissant> tout conflit a pour objet de

changer les rapports de force dans le champ social

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Chapitre premier : les fonctions des conflits sociaux.

Section1 : Le conflit n’est pas fondamentalement dysfonctionnel, il a des fonctions positives

1/ Caractérisation du conflit

Le conflit est une interaction qui manifeste ouvertement un antagonisme dans une relation sociale. Il ne faut pas le confondre avec des sentiments d’hostilité ou avec des antagonismes latents.

Il s’agit d’un fait social qui, comme les autres, s’explique dans la dynamique d’une interaction et ne peut être ramené à des pulsions ou des tendances hostiles dont l’étude serait déléguée à la psychologie.

2/ Fonctions positives du conflit

Signification de la fonctionnalité : Un phénomène dont la fonctionnellement positif est un phénomène qui permet l’existence (genèse et maintien) de relations sociales au sein d’un système. Un phénomène dysfonctionnel favorise donc la rupture des relations.

Le conflit oppose des personnes ou des groupes : Par là, il établit les frontières entre les groupes au sein d’une société ; il distingue les systèmes sociaux. Cette idée rejoint Karl Marx et George Sorel : il n’y a de classe que si les individus sont unis par une lutte contre un groupe extérieur, sans quoi ils sont en compétition les uns avec les autres.

Le conflit affermit les liens dans de nombreuses relations sociales :

- Il accroît parfois la cohésion entre les sous-groupes d’un groupe en conflit avec l’extérieur, au point qu’un groupe peut avoir intérêt à l’apparition d’un ennemi extérieur pour resserrer les liens entre ses sous-groupes.

- Il établit au moins une forme de relation entre les adversaires alors que ceux-ci s’ignoraient auparavant (Rome impériale, colonialisme).

- Il suppose un certain degré de consensus entre les adversaires, au moins sur le fait qu’ils maintiennent une relation (conflictuelle) alors qu’ils pourraient y mettre fin. A terme, il est même producteur de consensus sur le comportement à adopter dans une telle relation : production du droit, et des structures institutionnelles pour le faire appliquer.

- Il conduit ceux qui ont un intérêt commun à s’allier contre l’ennemi qui le menace ; il établit ainsi une relation entre les alliés.

Le conflit assainit les relations : Son irruption décharge une relation sociale des tensions qui émergent nécessairement entre les participants à la relation et qui s’étaient

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accumulées. Il préserve ainsi le groupe contre la dissolution qu’entraînerait le retrait de ceux des participants devenus incapables de supporter le degré de frustration engendré par une relation d’hostilité.

En cela, le conflit s’apparente aux Ventilsitten, ces institutions de régulation de la pression exercée sur les individus par les tensions émergées de la relation sociale (Le théâtre cathartique, le match de boxe, les parentés à plaisanterie).

Il importe ici de distinguer le conflit réaliste du conflit irréaliste. Seul le premier se distingue des Ventilsitten dans la mesure où il agit sur l’objet qui est source de tension alors que les Ventilsitten ou le conflit irréaliste ne permettent qu’une décharge passagère de l’agressivité sur un objet de substitution.

- Conflit réaliste : Provoqué par la frustration de demandes spécifiques au sein de la relation. Les participants sont dirigés par l’attente de gains et s’adressent à ce qu’ils présument être à l’origine de la frustration. Il existe des alternatives fonctionnelles quant aux moyens. Une action conflictuelle réaliste est un moyen pour obtenir des résultats. L’émergence du conflit réaliste est donc moins probable quant existent des moyens alternatifs à l’obtention du résultat. Par exemple, pour obtenir une augmentation, les salariés peuvent faire la grève, séquestrer le patron, marchander, négocier, débrayer, etc. Le conflit réaliste est typique des conflits dans les relations internationales : il y a certes des frustrations nationales qui cherchent à s’exprimer, mais elles sont négligeables en balance avec la recherche de ressources rares de pouvoir, qui expliquent la formation des alliances et des antagonismes.

- Conflit irréaliste : N’est pas provoqué par des fins rivales, mais parce que certains des participants ont besoin de relâcher la tension. Il ne s’agit pas d’obtenir un résultat spécifique mais la satisfaction vient de l’acte agressif lui-même : il existe des alternatives fonctionnelles quant aux objets. Lorsqu’un employé agresse son patron comme figure substitutive du père, c'aurait pu être un policier ou un agent de maîtrise.

- Conflit équilibre : Les répulsions réciproques maintiennent un système social en équilibrant les sous-groupes les uns par rapport aux autres. Le tissu social se voit renforcé, lorsqu’une société est traversée de part en part par de multiples lignes de front entre les groupes qui la composent, si celles-ci ne sont pas superposées mais qu’elles se neutralisent les unes les autres.

Si la balance des pouvoirs (chance d’influencer le comportement d’autrui dans une direction souhaitée) est connue, les participants à une relation sociale chargée d’antagonisme n’entrent pas en conflit. Paradoxalement, seul le conflit donne une mesure certaine de cette balance (à l’exception du pouvoir financier qui peut être connu certainement hors d’une épreuve conflictuelle.).

Ces fonctions montrent que, loin d’être systématiquement dysfonctionnel, le conflit a maintes occasions d’assurer la pérennité des relations sociales. Le conflit se révèle parfois éminemment sociatif.

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Section 2 : Le conflit est une composante essentielle des relations sociales

1/ Le conflit émerge structurellement de toute relation sociale

a. Rareté des biens sociaux, compétition structurelle et frustration :

Les biens sociaux sont rares (statut, pouvoir, ressources). Leur recherche entraîne une compétition structurelle dont le résultat est une frustration pour ceux qui se voient exclus de leur possession. Cette frustration conduit à l’émergence de sentiments d’hostilité et donc de tension au sein de toute relation sociale.

La distinction entre les biens convoités et les conséquences psychologiques de la frustration est au fondement de la dichotomie qui oppose les conflits réalistes aux conflits irréalistes. Ces derniers proviennent de l’adhésion à des valeurs conflictuelles, à des frustrations tirant leur origine dans le procès de socialisation et des obligations de rôle.

b. Quel que soit le degré d’engagement de la relation

Coser distingue les relations qui demandent un engagement total de la personnalité et celles qui ne demandent qu’un engagement périphérique de celle-ci. L’émergence de conflits est un phénomène normal de chaque type de relations.

Toute relation intime est construite certes sur des tendances convergentes mais aussi sur des tendances divergentes (Cf. concept freudien d’ambivalence) nées des frottements qui ont lieu au cours de l’interaction. Une relation secondaire est traversée des conflits liés aux intérêts divergents des membres qui participent à d’autres groupes.

Le conflit n’est pas l’indicateur d’instabilité que l’on croit, car il n’appartient qu’aux caractères manifestes de la relation, dont la réalité latente est masquée par l’absence de conflits. La fréquence des conflits indique le haut degré d’explicitation sur lequel sont construites les relations.

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2/ Le conflit est un mode de réalisation d’une relation sociale : 

Les sentiments d’hostilité doivent être distingués du comportement conflictuel. À la différence des premiers, le conflit est une forme d’interaction, c'est-à-dire une inscription d’une relation sociale dans des actes. Il est susceptible de changer les termes de la relation alors que les sentiments d’hostilité non.

Le conflit n’est pas seulement un accident des relations sociales qui serait associé à une crise décisive dans l’allocation des biens sociaux entre les groupes et les personnes ou à la décharge des tensions accumulées par le système social. Il s’agit aussi d’une manière d’établir des relations.

- L’existence d’un conflit participe à la création d’acteurs antagonistes, lorsque la partie engagée dans un conflit a intérêt à trouver un ennemi qui se batte sur le même niveau d’action qu’elle, c'est-à-dire de force organisationnelle à peu près égale (normes communes, éventail d’armes conventionnelles). Simmel donne l’exemple des conflits du travail dans lesquels les syndicats ou les coalitions patronales participent à la constitution d’un adversaire avec qui traiter. Coser y ajoute celui des armées régulières opposées à des guérillas.

- Un groupe conflictuel ne voit son existence garantie que par l’existence d’adversaires, sans quoi il perd sa raison d’être et sa cohérence interne s’affaiblit. Il s’engage alors dans la quête d’adversaires préalablement constitués

(Passer à un nouvel adversaire après avoir vaincu le précédent), fantasmés ou provoqués (Désigner un groupe comme agressif, ce qui le provoque à son tour à répondre à la menace.).

C’est en rapport avec sa puissance créatrice de relations sociales qu’il faut comprendre l’institutionnalisation du conflit : en prenant des formes institutionnalisées, le conflit facilite la mise en relation des membres du système social. Il exprime également ainsi la nature de ces relations.

En opérant une dichotomie entre les conflits réalistes et irréalistes, Coser redonne la possibilité de mener une sociologie du conflit qui ne soit pas inféodée à des perspectives économicistes ou à des approches qui relèguent la signification du conflit à ses aspects purement psychologiques. En effet, le conflit est un phénomène structurel, dont les déterminants et les conséquences s’inscrivent dans le fonctionnement même des relations sociales.

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Section III. Le caractère dysfonctionnel du conflit n’est pas intrinsèque mais il est le produit d’une réaction structurelle

1/ Conséquences fonctionnelles du conflit interne selon la structure du groupe

Type sectaire Type ecclésial

Ces groupes demandent un engagement personnel total (close relations).

Ces groupes demandent un engagement personnel périphérique.

Cela correspond à un degré de consensus élevé pour former la base de la relation.

La relation est formée sur une base à degré de consensus faible [single-issue].

Faible tolérance envers la divergence (radicalisme). Le conflit atteint plus fréquemment (c’est mécanique) la base consensuelle (Dans un mariage : désir ou non d’avoir des enfants) au lieu de rester superficiel (Projets de vacances et dépenses familiales).

Tolérance envers la divergence élevée (libéralisme).

La base numérique absolue est plus faible (du fait de la tendance à l’exclusion hors du groupe et de la réluctance à l’admission).

Base numérique relativement élevée.

Rareté des conflits : Devant les risques de rupture qu’ils impliquent, les conflits sont refoulés.

Multiplication des conflits : La tolérance étant plus importante, l’expression des frustrations n’est pas découragée.

Tendance à l’irréalisme des conflits : D’origine réaliste ou non, ils se mâtinent d’irréalisme.

Tendance au réalisme : La fréquence des conflits les décharge de toute agressivité.

Violence importante du conflit interne et à l’engagement passionné est accrue : Raison structurelle interne : Refoulés, les conflits internes superficiels laissent s’accumuler les tensions au sein du groupe jusqu’à la violente décharge. Raison combinant la structure des relations avec l’extérieur et la réponse structurelle interne au conflit externe : le groupe a besoin d’un engagement interne plus important.

Violence réduite du conflit interne : Multiples conflits à faible animosité (l’importance de l’engagement personnel est faible et l’accumulation d’agressivité n’a pas eu lieu). Tolérant, le groupe ne tire pas sa cohérence d’un besoin d’opposition.

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Instabilité du système autour d’un clivage fondamental.

Stabilité du système sur une superposition de lignes de front.

Forme affinitaire du conflit : Conflits internes rares mais critiques, avec une tendance forte à la rupture des relations (exclusion des membres à tendances divergentes ou éclatement du système).

Forme affinitaire du conflit : Conflits fréquents mais anodins, avec renforcement des liens dû à l’équilibrage relatif des conflits

Parti communiste, sectes religieuses. Rotary, chambre de commerce.

2/Conséquences fonctionnelles du conflit externe selon la structure du groupe :

a. Différenciation fonctionnelle et cohésion sociale :

Le conflit extérieur influence la différenciation technique et la cohésion interne (=union des volontés derrière l’autorité). L’effet total dépend du consensus et de la structure initiaux.

Cohésion interne initiale de niveau au moins satisfaisant :

- En cas de conflit non guerrier : l’accroissement de la cohésion interne en cas de conflit extérieur prend la forme du despotisme (=contrôle autocratique, absolu et irresponsable) lorsque la cohésion initiale est faible ou d’une réaffirmation du système des valeurs communes, contre le défi posé par « groupe de référence négatif » (Secte qui lutte contre le monde des damnés et dont chacun des membres exerce le contrôle sur les autres).

- En cas de conflit guerrier : différenciation technique et centralisation/subordination.

Cohésion interne initiale insatisfaisante : risque d’anomie.

b. Réduction de la flexibilité interne et adaptation au conflit extérieur :

Diminution générale de la flexibilité interne : Les groupes engagés dans des conflits externes continuels sont moins aptes à tolérer la dissension interne que ceux engagés dans des conflits sporadiques, car ils ont besoin de l’engagement total de tous leurs membres contre l’ennemi extérieur.

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Réaction des deux types de groupes au conflit externe :

Type sectaire Type ecclésial

Ecclesia pura. Manifestation visible de la communion des saints d’où sont exclus les damnés : exclusive.

Administratrice de la grâce : inclusive.

Rigidité. Flexibilité. Elasticité structurelle.

Scissions et défections (Mencheviks vs. Bolcheviks).

Brouillage des frontières et dissolution dans l’environnement.

Lutte continuelle. Lutte occasionnelle.

Conflits externes irréalistes Conflits externes réalistes.

Conflits externes aigus. Conflits externes d’importance mineure.

Trois figures du dissensus interne :

- Renégat : Dans un groupe proche, il menace l’unité, d’autant plus fortement qu’en plus de combattre son ancien groupe, il est attaché par une loyauté plus forte à son nouveau groupe et persuade celui-ci de la justesse de sa cause.

- Hérétique : Concurrence le groupe sur le terrain même de la poursuite des buts en proposant une alternative de moyens là où le groupe ne veut pas qu’existe une alternative. Il ne combat pas le groupe mais cherche à l’affaiblir en lui retirant d’autres membres. Pire que le renégat car, sans être un adversaire déclaré, l’hérétique prétend garder le consensus. Le groupe de combat s’engage dans une purification sans cesse renouvelée pour maintenir très vaste la base sur laquelle le consensus doit être maintenu.

- Objecteur : Dans une secte, il est pire encore que l’hérétique, il prétend être encore dans le groupe, portant ainsi la confusion à son comble. La secte ne voit dans l’objecteur qu’un possible renégat alors que l’Eglise lui offre une possibilité d’expression dans la structure.

c. D’autres facteurs

Structure des relations extra-groupales :

L’interdépendance des groupes et des individus a un effet protecteur contre la rupture radicale, mais pas sur les différences d’intérêts qui conduisent au conflit.

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Engagement individuel ou représentatif du groupe :

Le rôle de représentant du groupe intensifie l’engagement individuel par un double mouvement d’extension de la personnalité dans le groupe, qui fait de toute menace sur le groupe une menace sur la personnalité propre :

- Introjection des buts et du pouvoir du groupe.

- Projection de soi dans le groupe.

Objectification du conflit :

Dans une société où l’intérêt individuel n’est pas totalement légitime, l’engagement voit sa respectabilité accrue lorsqu’il sert une cause collective. L’objectification du conflit sert ainsi l’intensification du conflit parce qu’elle témoigne de ce que l’engagement sert un but collectif qui transcende les intérêts individuels.

Le rôle de l’idéologie et des intellectuels est prégnant, dans les sociétés européennes marquées par la féodalité, pour la prise de conscience de soi de la classe, en transformant les conflits d’intérêts individuels en système théorique et idéologique Mais le syndicalisme américain apolitique se méfie du marxisme comme de tous les intellectuels.

L’objectification influence la relation entre les parties en conflit, qui se refusent aux attaques personnelles.

Effet des anticipations à propos de la forme de conflit attendue sur l’adaptation préventive des structures. Effet réciproque de la forme des structures sur l’intensité attendue ou actuelle du conflit. Une fois la structure du groupe définie par l’anticipation du type de conflit, la réaction contre les dissensions internes est déjà définie.

Le caractère dysfonctionnel ou non du conflit dépend des structures sociales qu’il rencontre. Il naît de contradictions structurelles qui favorisent son émergence occasionnelle ou continuelle, sur un mode réaliste ou irréaliste et qui déterminent aussi forme qu’il prend. L’effet, associatif ou dissociatif mais aussi différenciateur, qu’il exerce sur la relation et ses structures, dépend des propriétés structurelles initiales de celle-ci et qui ont présidé à l’émergence du conflit.  

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Chapitre II : Changement social et conflit

Durkheim a donné une image harmonieuse de l’organisation sociale. Ce qu’il

privilégie, c’est la stabilité qu’entraîne la solidarité. La source des conflits vient de la

nature des liens sociaux. Le conflit est le résultat d’un manque : l’anomie. Marx,

Dahrendorf et Touraine insistent sur le rôle du conflit en tant que moteur du

changement social. Le point de départ de cette analyse est bien sûr l’analyse marxiste.

On peut alors se demander si l’analyse marxiste du conflit est toujours d’actualité.

Section 1 . Le conflit peut être facteur de changement social

Le changement social est la transformation durable de l’ensemble ou d’une partie

du système social dans son organisation, dans sa structure et dans ses modèles

culturels. Le changement social est caractérisé par les transformations sociales

importantes de la société (les congés payés en 1936 par exemple).Le conflit est

créateur : il pousse les acteurs à inventer de nouvelles formes sociales. Le conflit social

a une action dynamique sur l’organisation sociale qui l’oblige à évoluer. Le conflit a

une fonction d’intégration des acteurs sociaux car il se déroule au nom d’objectifs

communs. Selon Simmer (1858-1918), le conflit remplit 2 fonctions :

il révèle les antagonismes sociaux il permet de reconstruire l’unité de la société en suscitant des transformations

Selon Marx, le changement social passe par la lutte des classes, qui est le moteur de

l’histoire. Chaque société est supposée connaître une succession d’étapes, chacune se

caractérisant par un mode de production spécifique mais qui dans tous les cas de figure

est à l’origine d’une césure entre dominants et dominés. Cette opposition conduit à la

lutte, le système éclate lorsqu’elle devient exacerbée. Dans le cadre des sociétés

capitalistes, la lutte découle de la confrontation entre la bourgeoisie seule détentrice

des moyens de production et le prolétariat, détenteur de sa seule force de travail.

Depuis le 19ème siècle, les conflits de travail ont beaucoup marqué le changement

social. Les conflits ont permis des progrès significatifs dans l’amélioration des

conditions de vie, de travail, de la durée du travail, des droits sociaux. Les conflits de

travail sont profondément liés au mouvement ouvrier et à sa représentation au sein des

syndicats. Temps forts du changement social :

1936 : congés payés 1945 : comité d’entreprise et sécurité sociale

1950 : SMIG (Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti). Il devient le SMIC

(Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance) en 1970

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1968 : section syndicale dans les entreprises et 4ème semaine de congés payés

1982 : lois Auroux

Toutes ces avancées sociales ont été obtenues à partir de conflits massifs et

généralisés : les conflits de travail ont donc profondément marqué le changement

social.

Section 2 Les conflits de travail existent toujours mais ils sont moins nombreux

On assiste à une baisse de ces conflits à la fin des années 1970. Cette époque

marque un tournant avec la baisse du taux de syndicalisation. Les conflits de travail

ont laissé la place à d’autres formes de conflits sociaux, les nouveaux mouvements

sociaux, qui ont aussi un rôle à jouer dans le changement social. Ces conflits dépassent

le cadre du travail et mettent en jeu des acteurs sociaux éloignés du mouvement

ouvrier traditionnel : ils dépassent le clivage traditionnel salariés/employeurs et

syndicats/patronat.

Chez Alain Touraine, les nouveaux mouvements sociaux sont de nouvelles

formes de conflits sociaux (mouvements féministes, écologistes, régionalistes…)

apparus en réponse aux modifications économiques et sociales et au renforcement du

pouvoir des technocrates caractérisant la société post-industrielle.

A) L’analyse marxiste du conflit

Le sociologue allemand Karl Marx (1818-1883) est l’auteur du Manifeste du Parti

Communiste (1848) et Le Capital (1867). L’objet central de l’analyse de Marx est la

critique du système capitaliste. Toute l’histoire des sociétés est structurée autour d’un

conflit binaire : on parle alors de bipolarisation de la société. C’est la lutte des classes

qui fait avancer la société par le changement social. La lutte des classes est le moteur

de l’Histoire et du changement social. Selon Marx, les classes sociales ont 3

caractéristiques.

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1 – La place dans les rapports de production

La bourgeoisie est propriétaire des moyens de production alors que le prolétariat ne

possède que sa force de travail. Cette force de travail, les prolétaires sont obligés de la

vendre contre un salaire sous-rémunéré, ce qui permet à la bourgeoisie de réaliser un

plus-value. Une plus-value est une augmentation de valeur, dans le cadre de l’analyse

marxiste, c’est la différence entre la valeur crée par la force de travail et la

rémunération de cette force de travail, le salaire, qui ne correspond qu’au coût de la

reproduction de la force de travail.

2 – La conscience de classe

Les membres de la classe prennent conscience de leur unité et de leur séparation

avec les autres classes. Marx ne sépare pas la notion de classe de celle de lutte de

classe : la bourgeoisie exploite le prolétariat, ce sont donc deux classes antagonistes.

3 – La lutte pour le pouvoir

Les prolétaires vont s’organiser et lutter de façon à se réapproprier les moyens de

production. La lutte mène donc à la dictature du prolétariat. Cette dictature ne

représente qu’une transition vers l’abolition des classes, vers une société sans classes.

Les conflits de classes, selon Marx, peuvent être moteurs du changement social

(rôle primordial des syndicats et du parti communiste dans la lutte des classes). Les

classes sociales sont des des regroupements d’individus ayant des conditions

matérielles d’existence identiques (revenu, habitat…) et qui, de ce fait, partagent des

intérêts communs qui les opposent aux autres groupes sociaux. Autrement dit, la classe

sociale se définit de façon conflictuelle. Pour Marx, une classe sociale n’est réelle qu’à

partir du moment où il y a conscience de classe ; aussi convient-il de distinguer la

classe en soi qui n’est que le regroupement d’individus partageant des conditions de

vie objectives identiques, de la classe pour soi qui correspond au regroupement

d’individus qui ont pris conscience de la similitude de leurs intérêts et qui

entreprennent une lutte commune.

B) Les analyses du conflit selon Dahrendorf et Touraine

Dahrendorf et Touraine placent le conflit au centre du changement social. Ces deux

sociologues ne considèrent pas que l’origine du conflit soit essentiellement la

recherche de la détention des moyens de production.

a) L’analyse de Dahrendorf : la lutte pour le contrôle de l’autorité

Ralf Dahrendorf est un sociologue allemand, auteur de Classes et conflits de

classes dans la société industrielle (1957). C’est un théoricien du courant d’analyse des

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conflits d’intérêts. Dahrendorf est dans la lignée de Marx. Tout en critiquant l’analyse

marxiste, il est d’accord sur plusieurs points :

la structuration en classes l’existence d’un rapport dominants/dominés le rôle du conflit comme moteur du changement social

Le conflit est dû à la distribution inégale de l’autorité. Certains exercent une autorité et

d’autres y sont soumis : une division s’opère en tre les dominants (détenteurs de

l’autorité) et les dominés (soumis à l’exercice de cette autorité). Il existe un pluralisme

de conflits : l’autorité peut s’exercer dans plusieurs domaines (autorité politique,

professionnelle, syndicale, religieuse…). Il n’existe pas seulement 2 classes aux

frontières bien établies. Les classes se structurent selon les intérêts à défendre. Ces

regroupements sont multiples et évoluent.

Dahrendorf établit une différence entre :

les intérêts latents : mal explicités, au degré de conscience collective faible : incapables de lutter de manière organisée : conflits d’intérêts non-organisés (conflits latents)

les intérêts manifestes : explicités, au degré de conscience collective important : lutte organisée, conflits d’intérêts organisés (conflits ouverts)

b) L’analyse de Touraine : la lutte pour le contrôle de l’historicité

Alain Touraine (1925 – ….) est un sociologue français, auteur de La conscience

ouvrière (1966) et La société post-industrielle (1969). Comme pour Marx, il existe

aussi une opposition entre dominants et dominés. La domination résulte de la capacité

qu’a un groupe à maîtriser les grands choix de la société, les grandes orientations (35

heures) qui modèleront le devenir de la société. Les dominants définissent l’orientation

et l’image de la société et imposent leur modèle culturel. Ils possèdent le savoir,

l’information et ces différentes actions entraînent le changement social. Touraine dit

que dans les sociétés post-industrielles, les décisions sont prises par les l’appareil

économique et politique.

Société industrielle Société post-industrielle

- l’ordre économique est dominant

– l’ordre économique n’est plus l’ordre dominant

- le combat se structure - le monde ouvrier n’est plus au coeur du

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autour du monde ouvrier conflit

- les conflits sont concentrés dans l’entreprise

- les conflits se diffusent dans la société toute entière

- travail ≠ capital - appareil de décision économique et politique

≠ ceux qui en dépendent (usagers)

- forme classique du conflit - la forme classique du conflit est bousculée

- acteurs sociaux : salariés, employeurs, syndicats

- acteurs sociaux : femmes, minorités, jeunes…

- champ concerné : le travail - champ concerné : valeurs, ville, culture…

Moteur du changement social

Moteur du changement social

Conclusion

Ces mouvements ne se revendiquent plus d’une identité de classe. Ils sont souvent

l’émanation de classes moyennes salariées qui ont un certain niveau culturel. Leur

force de pression est souvent importante lorsqu’elle est relayée par les média. En

dehors des élections, les citoyens peuvent donc se faire entendre par ces groupes de

pression.

C) La réalité des classes sociales : peut-on parler de la "fin des classes ouvrières" ?a) Le passé historique

Les ouvriers constituaient une image homogène : conditions de travail identiques

(travail d’exécution directement sur la matière) et conditions de vie semblables

(quartiers ouvriers, uniformisation de leur consommation). Ce monde était clos sur lui-

même et prônait l’hérédité sociale : fierté d’être ouvrier et endogamie. Les ouvriers

sont porteurs et symboles du changement politique et social car ils créent de la

solidarité. Ils sont associés au syndicalisme (lutte collective) et votent majoritairement

à gauche. Ils avaient donc une identité et un projet fort.

b) Un monde en évolution : l’éclatement de la classe ouvrière

Au niveau des conditions de travail, il y a de plus en plus d’ouvriers spécialisés

(OP) et un développement des fonctions de contrôle. Il existe un clivage entre OS et

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OP. Il n’y a plus de mode de vie spécifique aux ouvriers bien que leur taux

d’équipement soit moins important que celui des autres classes sociales. Ils vivent

dans des quartiers socialement composites et ont accès à la propriété immobilière et

aux voitures (éloignement du lieu de travail). Les conditions de vie diffèrent cependant

selon les ouvriers. Au niveau de la psychologie sociale, on assiste à une baisse de la

fécondité et à une baisse de l’endogamie. Le destin n’est plus tracé à l’avance, il existe

désormais une mobilité sociale ascendante et un changement du rôle socialisateur de

l’école et de la famille. Mais, il reste un clivage entre ceux qui s’en sortent

("aristocratie ouvrière") et les autres ainsi qu’un dualisme : le recul de l’identité

ouvrière et la baisse de la culture ouvrière. La baisse du taux de syndicalisation et la

crise du militantisme marquent la fin des projets communs et de la solidarité.

Le monde ouvrier semble se scinder en deux : un groupe plus âgé (tradition

ouvrière) et un groupe plus jeune (plus promotionnel, plus individualiste, imprégné de

la logique de rentabilité). Les freins à la solidarité sont :

l’âge la qualification le statut de l’emploi (CDD/CDI) la nationalité

D- La remise en cause de l’analyse marxiste ?a) Les raisons

déclin quantitatif du nombre de conflits acteurs, formes, enjeux… sont-ils toujours les mêmes ? importance des nouveaux mouvements sociaux (NMS) recul général de l’action collective baisse du taux de syndicalisation hausse de l’individualisme passage de la société industrielle à post-industrielle la moyennisation de la société la baisse des conflits de classe

b) La classe moyenne

Subit de plus en plus la taylorisation. Certains parlent même de moyennisation

mais aussi de prolétarisation de la classe moyenne. Il y a une remise en cause des

privilèges de la classe moyenne qui revendiquent comme les ouvriers auparavant..

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Chapitre III : La négociation dans les conflits sociaux

Section 1 : Les acteurs

Quatre catégories d’acteurs jouent un rôle dans les conflits :

- les personnels ; leurs enjeux concernent fondamentalement les salaires, la retraite,

les conditions et l’organisation du travail et les problèmes de management ;

- les syndicats ont un rôle institutionnel de défense et de représentation des

salariés; les élections professionnelles ayant lieu tous les deux ans, six mois après une

élection, nous sommes déjà dans la campagne électorale suivante : l’enjeu d’un

syndicat est alors d’augmenter son audience, afin d’obtenir de la direction plus de

moyens, de gérer davantage d’activités sociales, et de s’attirer la confiance de toujours

plus d’adhérents ;

- les cadres; l’exercice de leur fonction est parfois difficile ; les grèves sont

l’occasion de remettre en cause, par exemple, leur style de management, leur pouvoir

sur l’organisation du travail, leur emprise sur les agents ou leurs rapports avec la

direction;

- la direction; ses enjeux sont les coûts, les recettes, les dépenses, et sa maîtrise

contrôlée de l’organisation de la production.

De nouveaux acteurs :

Les " entrepreneurs de mouvements sociaux " sont chargés de placer des

personnes qui sont en marge de la société dans l'espace des médias.

En effet, ces personnes qui sont en quête d’identité sont pris en charge par des

entrepreneurs moraux qui ont pour fonction de mobiliser l’opinion publique. Il y a en

effet un paradoxe à être en marge (involontairement le plus souvent) et en même temps

chercher à être connus.

Le rôle des médias est crucial.

Ces entrepreneurs de mouvements sociaux doivent mobiliser les médias comme la

télévision et la radio, car ils ont un grand pouvoir, dans notre société. La publicité que

les médias donne à une action revendicative est essentielle à la pérénité des

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mouvements sociaux, qui ont donc, besoin d’eux. En effet, aujourd’hui, les médias ont

le pouvoir d’interpeller les hommes politiques et grâce à cette médiation, les

entrepreneurs pourront faire valoir leur problème. L'image a aujourd'hui un poids

essentiel.

Section 2 : La violence dans les conflits

Partant d’un constat fondé sur une longue expérience - la grève n’est que la

poursuite des rapports sociaux, mais par des moyens violents -, je vais exposer en quoi

les thèses de Clausewitz peuvent être intéressantes pour un praticien du social. Voici

des exemples typiques de violence.

La violence physique :

Des employés d’entretien des voitures Corail étaient en grève sur le site de Villeneuve-Saint-Georges ; sans l’intervention de certains dirigeants, ils étaient sur le point d’en venir au pugilat avec l’encadrement ; cette violence s’expliquerait par une certaine forme d’exaspération, tant la communication avec la hiérarchie était vécue comme mauvaise ou absente.

La violence verbale :

J’ai été amené à déclarer solennellement au comité de la région que je n’acceptais pas la diffusion de caricatures injurieuses ou d’attaques personnelles portant atteinte à la vie privée des cadres ; d’une certaine façon, cette déclaration était violente de ma part puisque je n’avais pas respecté le rituel selon lequel les syndicats s’expriment d’abord; mais c’était délibéré, je voulais marquer le coup, on était allé trop loin ; la violence verbale est aussi présente dans les manifestations ou en d’autres occasions, mais elle n’est pas très grave si l’on sait garder du recul.

La violence symbolique

C’est une façon d’exprimer fortement son mécontentement, mais sans toucher à l’intégrité des personnes : on bloque les trains, on envahit une réunion paritaire, etc.

La violence subie par la clientèle

Il est clair que les grèves visent à créer un rapport de force, et qu’en pareil cas la clientèle subit effectivement, elle aussi, une forme de violence, tout particulièrement notre clientèle francilienne, parfois exaspérée de se sentir prise en otage.

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Référence à Clausewitz

Il y a donc de la violence dans les conflits. Travaillant dans un environnement confrontée à de nombreux conflits sociaux, je veux ici faire référence à la pensée de Clausewitz qui peut éclairer le jeu des acteurs dans les conflits sociaux. En voici quelques éléments bien utiles.

L’action réciproque :

« La guerre est un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notrevolonté. » Ainsi commence L’art de la guerre. Bien sûr les enjeux de la grève ne sont pas aussi vitaux que ceux de la guerre, et les conséquences n’ont rien à voir. En revanche le mécanisme d’enchaînement de la violence présente des analogies. Par exemple Clausewitz souligne la notion d’action réciproque : en agissant, les deux protagonistes s’influencent mutuellement et conditionnent en permanence le champ des possibles de l’autre. Cette notion joue à plein dans mon rôle de dirigeant, sauf que je n’ai pas d’ennemi, mais plusieurs partenaires - les syndicats - qui se déterminent non seulement par rapport à la direction, mais aussi les uns par rapport aux autres.

La connaissance imparfaite :

Clausewitz souligne que la connaissance imparfaite de la situation est une des caractéristiques de la guerre. Lors d’un conflit social vous passez votre temps à essayer de savoir ce qui se passe, vous êtes abreuvé d’informations contradictoires et parfois fausses. Vous avez des collaborateurs qui vous disent : « ça va mieux, il y a des frémissements de reprise, ouf ! on en voit le bout ! » En réalité, ce sont deux agents revenant de congé qui ont repris le travail sans être au courant de la grève. Certes le nombre de grévistes chute, et pendant deux heures vous pensez que votre action commence à porter ses fruits. Hélas, ce n’était qu’illusion !

La friction :Clausewitz dit qu’il y a friction lorsque le dirigeant ne sait pas exactement ce qui se passe; les informations sont incomplètes, voire incohérentes ; les ordres ne sont plus suffisamment synchronisés et peuvent finir par se télescoper et devenir contradictoires.

Les changements de cap

Dans le chapitre 2 du livre I, Clausewitz écrit : « Les intentions politiques se modifient au cours de la guerre et peuvent devenir à la fin totalement différentes, précisément parce qu’elles sont en partie déterminées par le succès et par le résultat probable ». Dans la conduite des conflits sociaux, vous avez au départ une ligne stratégique et des objectifs politiques ; il est bien rare que vous ayez les mêmes à la sortie ! Pourquoi ? parce que de nouveaux événements se sont produits, des personnels ou des syndicats ont, de leur côté, amené d’autres éclairages à la situation. Cela pose au dirigeant un problème redoutable : comment expliquer ces évolutions en cours de conflit à l’encadrement qui risque, du coup, de ne plus rien comprendre ?

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L’engagement

L’engagement, c’est pourrait-on dire, la bataille. « En raison de leurs conséquences, les engagements possibles doivent être considérés comme réalisés », écrit Clausewitz. En d’autres termes, lorsque dans la dynamique du conflit vous atteignez un point où la mobilisation et la surenchère sont telles que la guerre - la grève - est devenue inéluctable, la question n’est plus de l’éviter, mais de savoir quelles modalités trouver pour que le conflit s’exprime.

Dans le cas où plusieurs conflits se développent en même temps, je peux me demander s’il est opportun de grouper toutes les grèves - les perturbations pour le trafic seront les mêmes -, ou bien d’essayer de les découpler. Il s’agit bien là d’un choix stratégique, mais qui dépend de votre capacité physique, de votre résistance morale, du contexte général de l’entreprise, toutes choses difficiles à apprécier de façon théorique a priori

La montée aux extrêmes

Clausewitz explique la spirale de la guerre en partant de l’enjeu, de la mobilisation des forces en vue de cet enjeu, de l’engagement ensuite et, en fonction des conclusions de l’engagement, de la redéfinition des buts de guerre pour repartir dans une nouvelle forme de mobilisation.Ce cycle se reproduit jusqu’au moment où les protagonistes, ayant épuisé leurs capacités de mobilisation, considèrent qu’il faut peut-être faire autre chose que la guerre, tout simplement parce qu’on n’en peut plus, physiquement et moralement.

L’usure de l’engagement

Le principe de « l’épuisement graduel des forces physiques et de la volonté au moyen de la durée de l’action » est une conception centrale chez Clausewitz. De la même manière, un conflit est fatiguant pour les grévistes comme pour les cadres et la direction. Cet épuisement est cependant contrebalancé par une forme d’exaltation morale : on y croit, on va gagner quelque chose, on va résister. Cela dit, chaque protagoniste peut compter sur cette usure pour parvenir à ses fins : par exemple en infléchissant votre ligne politique, vous introduisez le doute chez les gens d’en face, ce qui affaiblit considérablement leur moral. Le dirigeant doit bien sûr entretenir le moral de ses cadres, et les leaders syndicaux ont le même souci vis-à-vis de leurs troupes; mais les changements d’attitudes des uns peuvent ébranler la résistance des autres.

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Bibliographie :

[1] Coser ( Lewis A.) 1956, Les fonction du conflit social, tr. Fr. Paris Presses universitaires de France, 1982.

[2] Clausewitz, C. von, De la guerre, trans. Denise Naville. Editions de Minuit, 1955, rereleased 1998, Paris, 759pp. (Foreword by C. Rougeron, introduction by P. Naville.)

[3] Aron, R., Penser la guerre. Clausewitz, t.1, Gallimard, 1976, Paris, 472pp.

[4] Aron, R., Sur Clausewitz, Complexe, 1987, Bruxelles, 188pp. (This is a compilation of already-published articles.)