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Mémoire de fin d'études - Habitat participatif et système classique de production du logement

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Problématique: L'habitat participatif comme alternative au système classique de production du logement: mythe ou réalité? Cas de l'autopromotion.

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SOMMAIRE

Remerciements ……………………………….……………….…………………………..............…..p.04

Introduction …………….………………………………………………………….....................…. p.05

Partie 1 - Rapport de stage ………………………………………………………….……………….. p.07

1. L’organisme d’accueil ……………………………………………………………………………… p.08 2. Le projet Habionome ……………………………………………………...………………….. p.10 3. Contexte du stage ………………………………………………………...………………….. p.13

4. Déroulé des missions ….……………………………………………………………………………. p.13

Partie 2 - Question de recherche : L’habitat participatif comme alternative au système classique de production du logement :

mythe ou réalité ? Cas de l’autopromotion …..………………….................................….. p.17

A. Urbanisme, logement, participation : liaisons dangereuses …………………………… p.19

1. Urbanisme et participation en France : origines anciennes d’une problématique

actuelle …………………………………………………………………………………………………… p.19

a. La démocratie participative : rappels ………………………………………………………… p.19 b. Un concept qui a évolué de pair avec les changements fondamentaux des outils de

planification et de régulation politico-administratifs ………………………………….. p.19 c. Problématiques et enjeux de la participation en urbanisme ………………………… p.21

2. L’habitat participatif en France: entre volonté de démocratisation … …………….. p.22

a. Habitat et participation : toute une histoire ………………………………………………. p.22 b. Quels apports de la loi ALUR en matière d’habitat participatif ? …………………… p.23

3. … et désillusions ………………………………………………………………………………………. p.25

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B. L’autopromotion en France :

une alternative crédible au système classique de production de l’habitat ? ………… p.27

1. L’autopromotion: un mode « risqué » de production de l’habitat? …………………. p.27

a. Les Baugruppen en Allemagne : un modèle à suivre ? …………………………………. p.27 b. La France, en retard sur cette problématique ? ………………………………………….. p.29 c. Le montage du projet Habionome : un parcours semé d’embuches ………………. p.30

2. L'autopromotion « accompagnée » comme solution pour surmonter des obstacles de

poids ……………………………………………………………………………………………………….. p.31

a. Habionome : rappels …………………………………………………………………………….. p.31 b. Encadrer, professionnaliser pour mieux gérer ……………………………………………. p.32

3. Jeu d’acteurs et habitat participatif : des concessions nécessaires ………………..…. p.33

C. De maîtres d’ouvrage à experts en marketing urbain :

quels défis pour les porteurs d’un projet d’autopromotion ? ………………………..…… p.36

1. Marketing territorial : quelles règles à suivre ? …………………………………….…… p.37

2. Facteurs de réussite du marketing urbain : études de cas ……………………..…….. p.39

a. Paris-Saclay : jouer sur toutes les échelles ………………………………………….……... p.39 b. Lyon-Confluence : tirer profit des nouvelles techniques de communication …..… p.41 c. Chamarel à Vaulx-en-Velin : faire table rase du passé …………………………………. p.42

3. Quels enjeux pour l’opération Habionome ? ………………………………………………… p.45

Conclusion …………………………………………………………………………………................... p.48

Bibliographie ……………………………………………………………………………….............….. p.50

Fiche de renseignements ….…….…………………..…………………….….....................….. p.51

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REMERCIEMENTS

Avant toute chose, je souhaite adresser mes remerciements aux personnes rencontrées

dans le cadre de mon stage au sein de la SCOPHEC. Les échanges avec ces dernières m’ont

en effet beaucoup appris, ce qui m’a en grande partie permis de réaliser ce mémoire.

Pour commencer, je tiens à remercier Laurent Rassak de m’avoir accordé sa confiance en

m’accueillant au sein de sa société. Son écoute, son honnêteté, ses conseils et sa

disponibilité m’ont énormément apporté, tant dans le cadre de mon expérience

professionnelle que pour ce mémoire qui n’aurait pas été ce qu’il est aujourd’hui sans son

aide.

Je souhaite également adresser mes sincères remerciements à l’équipe pédagogique de

l’Université Paris Ouest Nanterre la Défense qui par ses enseignements m’a, je l’espère,

permis de fournir un travail de qualité au sein de la SCOPHEC.

Enfin, je tiens tout particulièrement à remercier Hélène Nessi qui m’a été d’un grand soutien

dans la difficile période de recherche de stage.

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INTRODUCTION

L’urbanisme de participation est, comme le développement durable, une thématique très en vogue dans le domaine de l’aménagement, et ce, depuis le début des années 2000. La démocratie participative est pratiquement « cuisinée à toutes les sauces » aujourd’hui : il est question d’intégrer les citoyens dans bon nombre de démarches touchant de près ou de loin à la thématique de la ville, et c’est un élément que j’ai noté au cours de mes études universitaires, en travaillant notamment sur la place allouée à la participation habitante dans toute une série de projets urbains. Il reste toutefois important de souligner que si ces études m’ont confronté à la réalité du terrain, elles m’ont également défait de l’idée d’une pratique de la participation en aménagement qui se voudrait totalement transparente, sans aucune instrumentalisation du processus, que ce soit par des politiques ou d’autres acteurs de l’urbanisme. Certes, la thématique fait grand bruit, mais une adaptation des procédés qui y sont liés dans la pratique de l’urbanisme français apparaît quelque peu complexe, le système n’étant pas nécessairement en avance sur cette problématique, à la différence d’autres comme l’Allemagne. Logiquement, le problème se retrouve dans le domaine du logement qui pour de multiples raisons, suscite bon nombre de débats et polémiques sur le territoire. Mal-logement ou encore loyers trop élevés participent effectivement des sujets qui font l’actualité des journaux télévisés et articles de presse depuis de nombreuses années. On notera qu’à cela, s’ajoute aujourd’hui la problématique de l’habitat participatif, pratique très développée dans les pays nordiques, et qui tend à faire parler d’elle depuis quelques temps en France, si bien qu’elle constitue l’un des points clés de la loi ALUR de Cécile Duflot, votée en 2014. Cette loi permet d’encadrer un mode de production et gestion de l’habitat encore peu connu dans notre pays. Aussi, il m’a paru intéressant de me confronter à la réalité du terrain en optant pour un stage de fin d’étude me permettant de lier deux thématiques majeures du domaine de l’urbanisme : la participation habitante et le logement. C’est ainsi que j’ai intégré la SCOPHEC, Société Coopérative et Participative d’assistance à la maîtrise d’ouvrage de projets d’habitat écologique et coopératif, afin non seulement d’acquérir une expérience professionnelle dans un milieu qui m’intéresse tout particulièrement, mais aussi pour trouver des réponses à une question fondamentale : est-ce qu’en France, l’habitat

participatif peut constituer une alternative réelle au système classique de production du

logement ? La SCOPHEC, qui accompagne actuellement un projet d’autopromotion à Saint-Denis, m’est apparue comme la structure adéquate pour répondre à cette interrogation qui fera le cœur de mon mémoire de stage. Il s’agira d’y répondre en deux temps :

• Une première partie fera état de mon expérience au sein de la structure, expérience qui pour de multiples raisons, a orienté la thématique de ce mémoire.

• Dans une seconde partie, il sera question de répondre plus concrètement à la problématique énoncée, tant à partir de mon expérience de stagiaire, que de textes touchant à la thématique de la participation dans le domaine du logement.

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On soulignera enfin que le stage ayant été centré sur l’accompagnement à la maîtrise d’ouvrage d’un projet d’autopromotion, c’est sur cette variante de l’habitat participatif que nous nous baserons pour répondre au thème de recherche.

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Partie 1 : Rapport de stage

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1. L’organisme d’accueil

La SCOPHEC La SCOPHEC (Société Coopérative et Participative d’assistance à l’Habitat Ecologique et Coopératif) est une Scop-SARL privée créée en 2011 à la Plaine Saint-Denis par Laurent Rassak. Elle est spécialisée dans l’assistance à la maîtrise d’ouvrage de projets d’habitat participatif gérés en autopromotion. Plus précisément, la société accompagne des porteurs de projets durant les étapes clés du montage de leur opération, en proposant toute une série de services parmi lesquels :

• l’initiation et le montage de projets participatifs, à travers la recherche active de foncier ainsi qu’une aide à :

o la concertation avec les pouvoirs publics et le premier noyau de porteurs du projet ;

o la réalisation d’études préalables (diagnostics) et d'études de faisabilité technico-économique ;

• le recrutement de porteurs de projets d’autopromotion, via des méthodes de communication adaptées à l’autopromotion croisant à la fois des outils classiques d’annonces, des réunions d’information et de formation, des « Happening » …

• le conseil et ingénierie de montage de projet d’autopromotion, en offrant : o une méthodologie spécifique à ce type d’opérations, aussi bien sur le plan

juridique que financier en vue de sécuriser l’acte d’achat des coopérateurs ; o la formation des coopérateurs à la maîtrise d’ouvrage collective, à

l’animation, à la démocratie participative, à l'éco-conception et à l’éco-construction ;

• l’assistance à la maîtrise d’ouvrage collaborative et au suivi administratif, en développant une méthodologie d’assistance à la maîtrise d’ouvrage collective qui assure à la fois une gestion démocratique du projet et des prises de décisions dans le respect des coûts et des délais en associant les coopérateurs à des médiateurs de projets, ou encore des professionnels du bâtiment;

• le contrôle renforcé des travaux et de la performance énergétique, en vue d’assurer la qualité de la mise en œuvre qui est essentielle dans le cadre des objectifs de performance énergétique Effinergie+, caractéristique des opérations accompagnées par la SCOPHEC, et notamment du projet Habionome dont nous parlerons dans la suite du rapport.

La SCOPHEC emploie actuellement une seule personne, son créateur, Laurent Rassak, qui a mis cette structure sur pieds afin d’accompagner le groupe de porteurs du projet d’autopromotion cité plus haut, Habionome. L’OPHEC est l’association qui regroupait jusqu’en juillet 2014 le groupe de porteurs. Aujourd’hui, ces derniers font partie de l’association ASSO-HABIONOME pour de multiples

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raisons qui seront évoquées dans la suite du propos, mais avant, un bref historique de cette association OPHEC et du projet Habionome, qui a constitué le centre de mon stage, paraît nécessaire. Il permettra de comprendre le pourquoi de la création de la SCOPHEC. L’OPHEC En 2007, après des expériences désastreuses dans sa recherche du « logement idéal », Laurent Rassak, accompagné d’un certain nombre d’habitants de la commune de Saint-Denis, décide de se lancer dans la recherche d’un terrain afin d’y bâtir un projet qui soit participatif, écologique et économique. C’est ainsi que l’association OPHEC (Office Pour l’Habitat Ecologique Coopératif) est créée en 2008, pour définir un cadre légal au groupe d’habitants, facilitant ainsi les négociations avec le territoire ou tous types d’acteurs susceptibles d’être impliqués dans le montage de l’opération souhaitée. A cette date, le projet Habionome est officiellement initié. Un protocole de réservation foncière est signé en 2011 entre la SCOPHEC - société créée pour accompagner l’association OPHEC dans toutes les démarches relatives au projet Habionome, fournissant assistance à la maîtrise d’ouvrage et conseils juridiques et financiers - et la SEM Plaine Commune Développement, et c’est en 2014 que la cession des parcelles nécessaires à l’opération est accordée par la ville de Saint-Denis et le bailleur social Vilogia. La maîtrise d’ouvrage déléguée de l’opération est assurée par le ‘géant’ de l’habitat social, le bailleur I3F, impliquant un certain nombre de concessions à faire pour la SCOPHEC, soit le groupe de porteurs indirectement. C’est là un élément qui sera développé dans le mémoire. L’OPHEC se définit comme un laboratoire d’idées ouvert à tous, destiné à réunir les personnes désireuses de faire partie ou de proposer un projet d’autopromotion et de s’entendre sur ses objectifs sociaux et écologiques. Hormis la volonté, comme il l’a précédemment été dit, de faciliter les échanges entre le groupe de porteurs d’un projet d’autopromotion et les acteurs institutionnels voués à intervenir dans le cadre de ce dernier, diverses motivations ont poussé Laurent Rassak et ses collaborateurs à créer cette association. On pourra citer parmi elles :

� le prix élevé du logement sur le marché privé, plus particulièrement à proximité de la capitale ;

� la faible qualité de construction ;

� l’absence de la maîtrise d'usage ;

� ou encore l’absence d’offre de logements écologiques en région parisienne. Le projet Habionome apparaît donc comme un excellent moyen de combler ces problèmes et manques identifiés par ses porteurs. La suite du propos permettra de déterminer de quelle manière.

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2. Le projet Habionome

Situé dans le quartier en pleine rénovation urbaine qu’est Cristiano Garcia à Saint-Denis,

quartier richement desservi par les transports en commun et localisé à proximité d’une

multitude d’équipements publics, le projet d'habitat Habionome est présenté par la

SCOPHEC comme concrétisant des valeurs de divers ordres : bioclimatique, humaine et

économique.

Initié par les membres de l’OPHEC (aujourd’hui ASSO-HABIONOME), cette opération

d’habitat participatif en accession à la propriété est présentée comme « permettant de

concrétiser [le] rêve d'appartement, d'espace d'activité ou encore de commerce ou de toute

autre type de surface » (Source : http://www.habionome.com).

Le projet visant à être géré en autopromotion, différents objectifs répondant à un cahier des

charges stricte font sa spécificité. Parmi ces objectifs, on pourra citer :

� la place importante dédiée à la participation dans le montage d’opération, ce qui

permet aux futurs acquéreurs d'être arbitres sur tout le processus de production de

leur logement ;

� la possibilité pour les porteurs d'assurer un cahier des charges visant des objectifs

environnementaux « exceptionnels », tels que :

� la construction biosourcée du futur bâtiment ;

� l’implantation d’un jardin potager sur le toit du projet.

� la performance énergétique Effinergie+;

� la ventilation naturelle ;

� l’emploi de matériaux sains n’émettant pas de Composé Organique volatil

(C.O.V.) comme la paille et la terre crue;

� l’isolation phonique supérieure à la norme en vigueur ;

� la mise en œuvre de qualité, grâce au suivi de chantier renforcé.

En mettant en application le concept d’AutoVEFA (autopromotion+VEFA), à travers le

montage de projet en autopromotion et en collaboration avec un bailleur social, la

SCOPHEC affirme assurer « le même niveau de sécurisation qu'une vente sur plan réalisée

par un promoteur immobilier », avec encore une fois, la possibilité de créer un logement

sur mesure. La date de livraison du projet est prévue pour le courant de 2017. A ce moment-là, l’association regroupant les porteurs devient une « Société Civile Coopérative de

Construction Vente (SCCCV) ad hoc [la SCCC-Habionome], qui se porte acquéreur en leur nom.

Ainsi les porteurs ont un double statut : en tant que sociétaire, chaque coopérateur est

propriétaire de parts de la société, contribue à sa capitalisation et prend part aux décisions ; en

tant qu'acquéreur, chaque coopérateur s'engage à acheter un ou plusieurs lots. » (Extrait de : L’ATELIER, Centre de ressources de l’économie sociale et solidaire, « OPHEC / SCOPHEC - Participer à la conception de son lieu de vie », article disponible sur le site http://www.atelier-idf.org).

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Localisation du projet Habionome

(Source : Ibrahima TENDA)

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Esquisse du projet Habionome

(Source : SCOPHEC)

Schéma : maîtrise d’ouvrage du projet Habionome

(Source : SCOPHEC)

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3. Contexte du stage

Après de longues années de travail et négociations, le projet Habionome entre aujourd’hui en phase opérationnelle. Le concours de sélection de l’équipe de maîtrise d’œuvre a été lancé au début du mois de juillet, pour une désignation du lauréat prévue pour la fin 2014. Il reste toutefois important de souligner que l’opération et l’OPHEC ont fait l’objet de nombreuses péripéties, l’association ayant volé en éclat pour toute une série de raisons qui, par respect pour mon employeur, resteront confidentielles. Cette scission a eu pour conséquence l’appropriation de la plateforme et du nom OPHEC par certains des membres fondateurs de cette structure, membres non porteurs du projet Habionome. Laurent Rassak, qui pour rappel a fondé la SCOPHEC et l’OPHEC et lancé l’opération, se doit donc aujourd’hui de faire face à de nouvelles missions, à savoir :

� créer une nouvelle association de porteurs du projet, ces derniers ne disposant plus du « cadre associatif » de l’OPHEC ;

� mettre en place une campagne de recrutement de nouveaux porteurs, le groupe étant en nombre réduit pour diverses raisons qui seront explicitées dans le mémoire ;

� développer une stratégie de communication efficace autour du projet afin d’attirer

des acquéreurs potentiels. C’est dans ce contexte de crise qu’a démarré mon expérience de stagiaire au sein de la SCOPHEC, certaines des missions qui m’ont été octroyées découlant implicitement de la scission intervenue au sein de l’association OPHEC.

4. Déroulé des missions

Mission 1 : Rédaction d’un contrat d’étude d’amorçage (document confidentiel) Les modalités du montage de l’opération Habionome ont été quelque peu modifiées par la collaboration de l’association de porteurs avec le bailleur social I3F. Aussi, ma première mission a consisté en la rédaction du contrat d’étude d’amorçage pour le projet. Ce contrat a pour objectif de définir les modalités de contribution financière des porteurs de l’opération à la réalisation de cette étude qui est destinée à préciser les conditions de réalisation du projet Habionome, parmi lesquelles :

� la recherche des partenaires pour le financement de cette étude d’amorçage et la sélection de prestataires pour sa réalisation;

� une partie des modalités de recrutement des porteurs Habionome ;

� une pré-programmation du projet Habionome ;

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� la commande d’un concours de maîtrise d’œuvre auprès du bailleur social I3F

en vue de produire : � une étude de faisabilité dont la réalisation d’une esquisse avec trois variantes ; � un bilan et un montage financiers prévisionnels d’opération faisant

apparaître les différentes variantes de coût de construction ; � une offre de contrat de maîtrise d’ouvrage déléguée.

De même, il a été question de définir les modalités de:

• financement prévisionnel du projet Habionome ;

• montage juridique prévisionnel dont la préparation des statuts de la SCC-Habionome et la préparation des différents contrats que devra signer la SCC-Habionome ;

• formation à la maîtrise d’ouvrage collective des porteurs;

• l’animation du groupe de porteurs lors de la phase d’amorçage de l’opération ;

• la recherche de subventions pour l’étude d’amorçage et pour le projet en lui-même. Enfin, il s’agissait de détailler les différentes missions impliquées par cette étude d’amorçage, et d’en définir les jalons. Mission 2 : Réflexion et rédaction portant sur les statuts de l’association des porteurs du projet Habionome, l’ASSO-HABIONOME (document confidentiel) Parallèlement, suite à la « crise de l’OPHEC », l’urgence a été de créer une nouvelle association pour les porteurs du projet Habionome. Dénommée ASSO-HABIONOME, sa rapide mise sur pieds a été nécessaire, afin de poursuivre la campagne de recrutement d’investisseurs dans le projet en devenir. Aussi, ma seconde mission a consisté à contribuer à la rédaction des nouveaux statuts de l’association, définissant ainsi clairement les droits de chacun des porteurs en s’engageant dans le projet Habionome, ainsi que ceux des sympathisants de l’association, donateurs et partenaires (dont le statut est encore en réflexion).

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Mission 3 : Développement d’une stratégie de communication autour du projet Habionome Comme indiqué précédemment, l’association regroupant les porteurs du projet Habionome, l’OPHEC, a volé en éclat en juillet dernier. Cette scission a eu pour conséquence l’appropriation de la plateforme et du nom OPHEC par certains des membres fondateurs de cette structure, forçant ainsi les porteurs du projet Habionome à créer une nouvelle association pour ce projet. Le groupe de porteurs étant en nombre réduit aujourd’hui, l’urgence est d’en recruter de nouveaux, ce qui implique de développer une campagne de communication efficace autour de cette opération. C’est ce qui a fait l’objet de la troisième mission de mon stage, durant laquelle il a été question de développer et mettre en œuvre une stratégie de communication autour d’Habionome. Pour ce faire, il a été question de :

� reprendre tous les articles rédigés sous le nom de l’OPHEC (Facebook, Twitter, site internet de la SCOPHEC), en élidant ce nom au profit de celui de la SCOPHEC et/ou de l’ASSO-HABIONOME ;

� participer à la création d’un nouveau site internet dédié à l’opération ainsi qu’à la « modernisation » du site internet de la SCOPHEC ;

� contribuer à la conception de flyers destinés à faire la promotion du projet auprès du

public, et plus particulièrement des investisseurs potentiels ;

� créer un dossier de presse et (re)prendre contact avec un certain nombre de journalistes pour obtenir des articles traitant de la concrétisation d’Habionome.

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Les différentes missions qui m’ont été octroyées durant le stage au sein de la SCOPHEC m’ont amené à me poser un certain nombre de questions qui ont fortement orienté mon choix de sujet de recherche pour la suite du mémoire. En effet, la rédaction des statuts de l’association regroupant les porteurs du projet, ainsi que du contrat d’étude d’amorçage de l’opération Habionome, ont témoigné du caractère particulièrement complexe du montage d’une opération d’autopromotion. La scission de l’OPHEC n’a fait que me conforter dans cette idée. De plus, sept longues années ont été nécessaires au groupe de porteurs aujourd’hui en nombre réduit, pour qu’Habionome entre en phase opérationnelle. Beaucoup d’éléments peuvent expliquer ce long délai, parmi lesquels la question politique. Le soutien de la ville de Saint-Denis n’a en effet pas été constant durant le montage de l’opération, ce qui au passage, démontre en partie que l’étiquette politique n’a peut-être pas tend d’importance que cela dans les questions d’aménagement relatives à certaines localités. L’ensemble de ces éléments nous amène à l’interrogation centrale qui sera traitée dans la seconde partie de l’écrit : Est-ce que l’habitat participatif géré en autopromotion constitue réellement une alternative crédible au système classique de production du logement ? Ou est-ce que cela relève du mythe ? Il paraît difficile de répondre par l’affirmative à cette question, au vu des nombreuses péripéties auxquelles l’opération Habionome et son groupe de porteurs ont été confrontés. Il reste toutefois important de souligner encore une fois que le projet est tout de même parvenu à entrer en phase opérationnelle, en s’associant notamment avec le bailleur social I3F, ainsi que la société d’assistance à la maîtrise d’ouvrage SCOPHEC. Aussi, de nouvelles questions émergent : Collaborer avec un ‘géant de l’habitat’ serait-il le seul moyen de « réussir » son projet d’autopromotion en France ? Et en quoi l’assistance à la maîtrise d’ouvrage permet-elle de surmonter un certain nombre d’obstacles fréquents dans le montage d’un projet d’autopromotion ? Ce sont là deux interrogations auxquelles nous nous attacherons à répondre dans la seconde partie de l’écrit. Enfin, le travail sur la communication à adopter autour de l’opération Habionome a constitué une partie très importante de mon stage, la nécessité de recruter de nouveaux porteurs étant majeure pour la réussite de l’opération. Aussi, il m’a paru intéressant d’identifier les défis auxquels les porteurs d’une opération d’autopromotion doivent faire face en matière de promotion de leur projet. Y a-t-il des règles/exemples à suivre en matière de marketing urbain ? Et si oui, comment les adapter au projet Habionome dont les porteurs n’ont pas nécessairement les moyens de faire appel à une agence de communication spécialisée dans le marketing territorial pour promouvoir leur projet ? C’est là un point qu’il m’a paru essentiel de traiter, les questions de communication étant majeures dans la mise en forme d’un projet d’aménagement, et plus particulièrement d’un projet d’autopromotion.

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Partie 2 : Question de recherche : « L’habitat participatif comme alternative au système classique de production du logement : mythe ou réalité ? Cas de l’autopromotion

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Pour répondre à la problématique définie suite aux différentes missions exercées dans le cadre du stage, la seconde phase de l’étude est scindée entre trois parties. La première, intitulée « Urbanisme, logement, participation : liaisons dangereuses », a pour objet de contextualiser le sujet ; l’histoire liant urbanisme, logement et participation habitante remontant à de nombreuses années. Aussi, dans ce premier point, il est question de se baser sur les écrits d’un certain nombre d’auteurs qui se sont penchés sur la thématique de la participation en urbanisme et dans le domaine du logement, ainsi que sur le texte de la loi ALUR, définissant un certain nombre de nouvelles règles quant à l’habitat participatif en France. La seconde partie se focalise davantage sur la thématique de l’autopromotion et permet de définir si cette variante de l’habitat participatif peut constituer une alternative crédible au système classique de production du logement. Pour répondre à cette interrogation, il s’agit en premier lieu de s’intéresser aux origines de l’autopromotion, née en Allemagne, pays où ce mode de production et gestion de l’habitat est totalement entré dans les mœurs. Par la suite, nous nous intéresserons au cas français, ce qui permettra de présenter les obstacles auxquels les porteurs de projets d’autopromotion sont confrontés, et nous chercherons en troisième point à expliquer de quelle manière l’autopromotion peut être couronnée de succès, en prenant l’exemple du projet Habionome qui n’a pas lésiné sur les moyens pour voir le jour. Les matériaux utilisés pour cette partie sont essentiellement des articles de presse et dossiers d’études ayant traité de la thématique de l’autopromotion en France et en Allemagne. La troisième partie est quant à elle centrée sur la double casquette des porteurs d’un projet d’autopromotion : celle de maître d’ouvrage et d’expert en marketing urbain. Elle permet de définir, si elles existent, les règles à suivre pour une communication réussie autour d’un projet d’aménagement. Rappelons par ailleurs que le groupe de porteurs du projet Habionome est actuellement en nombre réduit, et que l’enjeu pour la SCOPHEC est d’en attirer de nouveaux, ce qui explique la nécessaire mise en place d’une campagne de communication efficace et peu onéreuse autour de l’opération. A partir des écrits d’experts traitant de la thématique du marketing territorial ainsi que d’exemples de stratégies de communication bien menées autour d’opérations urbaines, il s’agit d’identifier les outils qui peuvent être réadaptés à la campagne de communication de l’opération Habionome, afin, encore une fois, d’attirer de potentiels acquéreurs.

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A. Urbanisme, logement, participation : liaisons dangereuses

1. Urbanisme et participation en France : origines anciennes d’une problématique actuelle

a. La démocratie participative : rappels La démocratie participative est une forme d’échange, de partage, fondée sur une pluralité d’acteurs et de valeurs, dans le but de renforcer la participation citoyenne à travers le débat et la négociation. Ce concept, fortement débattu, s’est largement développé depuis le début du siècle, notamment dans les pays anglo-saxons, et s’est ainsi vu enrichi par de nombreux questionnements apparus au fur et à mesure de l’évolution et de la modélisation des institutions et procédés politico-administratifs qui le mettent en œuvre. Les dispositifs participatifs existants et réalisés jusqu’à présent sont nombreux et variés car ils répondent à des problématiques et enjeux propres aux territoires concernés, eux-mêmes de tailles et d’influences variables. En France, cette question de la participation a été étudiée et développée avec attention par de nombreux chercheurs et théoriciens. Les travaux indiscutablement reconnus de Loïc Blondiaux, docteur en science politique à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, permettent de contextualiser l’évolution de ce concept dans le cadre national, tout comme ceux de Marie Hélène Bacqué, sociologue et urbaniste, professeur à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense et d’Yves Sintomer, professeur en sciences politiques à l’Université Paris 8. b. Un concept qui a évolué de pair avec les changements fondamentaux des outils de

planification et de régulation politico-administratifs Ce point de l’étude est basé sur les écrits suivants ; • Marie Hélène Bacqué, Chapitre 1, « Gouvernance et urbanisme de participation », La

Fabrication de la ville, 204p., dir. Véronique Biau et Guy Tapie, Editions Parenthèse, 2009. • Loïc Blondiaux, La délibération, norme de l’action publique contemporaine ?, 11 p., C.E.R.A.S., 2001. La démocratie participative aujourd’hui étoffée et largement diffusée, connaît des procédés d’application divers et variés, exploités dans le monde entier, notamment dans le domaine de l’aménagement, de l’urbanisme et de la programmation architecturale où elle s’est forgée une position capitale.

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Comme l’indique Marie Hélène Bacqué dans le premier chapitre de « Gouvernance et

urbanisme de participation », les premières initiatives de participation furent établies en France avec les mouvements contestataires des années 1960, opposés d’une part au principe d’une « modernité faisant table rase du passé », et d’autre part, au concept d’intérêt général (plan nationaux et État Jacobin). Ces mouvements contestataires s’inscrivent ainsi initialement dans une logique revendicatrice ou du moins contestataire, mais occupent à présent une place de choix au sein des projets d’aménagement mis en place par les collectivités. Ce phénomène s'explique par un second changement majeur intervenu progressivement et ayant participé tant à la valorisation qu'à l’intégration de ces procédés participatifs au sein des dynamiques d’aménagement : il s'agit du passage d’une logique de plan à celle d'une dynamique de projet. De ce point de vue, Marie Hélène Bacqué identifie une qualité stratégique qu'elle juge inhérente au projet par son inscription au centre de la planification et souligne par la même son caractère pragmatique. Ces deux idées sont selon elle inéluctablement liées dans le domaine de l’aménagement, de l’urbanisme et de la programmation architecturale, à la concertation et à la négociation. Ainsi, on peut considérer qu’en plus d’avoir évolué de pair avec les transformations occasionnées par le processus de décentralisation enclenché en France dans les années 1980, le concept de participation s’est également développé en concubinage avec le passage progressif d’une logique de plan à une dynamique de projet en aménagement. Loïc Blondiaux, dans son article « La délibération, norme de l’action publique contemporaine ? », désigne le changement moral porté par la décentralisation et une idéologie nouvelle basée sur le principe de la gouvernance. Selon lui, « ni l’intérêt général porté par l’Etat, ni la volonté

majoritairement exprimée par le suffrage ne suffisent plus à justifier les choix démocratiques.

La norme n’est légitime que si elle résulte d’un processus de délibération inclusif et équitable ». Issue du grec « demos » (peuple) et « kratos » (autorité), la démocratie est un système de gouvernance où le peuple exerce la souveraineté. Dans le cadre de la démocratie participative, on peut distinguer deux grandes « voies participatives » pour les citoyens avec d’une part, l’émergence de nouvelles formes de coordination et de mobilisation à l'initiative des pouvoirs publics et sollicitant leur intervention, et d'autre part, la participation relevant d’une initiative citoyenne réfléchie et engagée. Il a été démontré que l’habitat participatif s’est fortement développé au fil du temps en lien avec cette idée d’une participation réfléchie et engagée, initiée par les citoyens. Nous y reviendrons dans la suite du propos. On notera également que deux approches issues de l'anglais et elles aussi récurrentes dans les travaux portant sur la démocratie participative sont à identifier : il s’agit des approches « bottom-up » et « top-down ». De manière générale, on considère dans le domaine de l'aménagement que les politiques et les projets ont d'abord suivi une dynamique « top-down » (décidée par le « le haut ») et se tournent à présent vers le peuple, légitimant ainsi son opinion à travers des politiques « bottom-up » directement liées aux dispositifs de démocratie participative. Le regard citoyen porté sur les diagnostics, expertises, sur la programmation, la prise de décisions ou encore la construction des projets, s’introduit par le biais d’initiatives et/ou de revendications variées, et se matérialise selon des formes multiples. On distingue alors des groupes d'acteurs de plus en plus diversifiés (associations, syndicats, citoyens, acteurs privés…) s’associant par le biais de dispositifs nombreux et établis en réponse aux enjeux et problématiques délibérés.

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c. Problématiques et enjeux de la participation en urbanisme Outre les débats portant sur l'aspect sémantique du concept de participation ou encore sur la forme des dispositifs participatifs, un certain nombre de questionnements subsistent. En effet, la démocratie participative, bien qu'elle fût initiée durant les années 1960 et qu'elle ait « irrigué » le processus de décentralisation, s’est en réalité « généralisée » depuis une dizaine d'années seulement sur le territoire, et continue de s'affirmer en France, à la différence, par exemple, des pays anglo-saxons où elle occupe aujourd'hui une place des plus légitimes. Ainsi, parmi les problématiques récurrentes liées au concept, beaucoup traitent de sa légitimité scientifique et politique, tant depuis ses prémices à l'étranger qu’en France, tandis que d'autres sont plus directement liées à l'adaptation de ces procédés participatifs à notre système. Le débat entre savoir scientifique et savoir profane en aménagement prend donc ici tout son sens, au même titre que la question du portage politique dans les initiatives participatives, ou encore de la transparence dans les procédés voués à faire entendre la voix citoyenne dans les processus décisionnels relatifs à l’aménagement, à petite ou grande échelle. En 1995, les sociologues Christian Topalov et Henri Coing, dans leur texte « Crise, urgence et

mémoire : où sont les vraies ruptures », dénonçaient une omniprésence de l'Etat dans les questions relatives au logement en France, critiquant par la même l'utilisation d'un « objet logement » dans une quasi-unique perspective économique. Aujourd'hui, si ce problème tend à s'estomper avec une décentralisation qui prend plus en plus de place dans les décisions relatives aux questions d'aménagement, s'ajoute aux problèmes du mal-logement, ou encore des loyers trop élevés (en agglomération parisienne notamment), celle de l'intégration des dispositifs de participation dans la production de l'habitat, sujet d'ailleurs intimement lié à la question de l'urbanisme participatif présentée plus haut. Cette thématique suscite de nombreux débats, la France étant considérée comme en retard sur le sujet en comparaison à des pays comme l'Allemagne. Toutefois, la loi ALUR de Cécile Duflot, ancien ministre du logement, permettra peut-être de pallier ce problème, la problématique en constituant l'un des éléments clés. C'est ce que nous nous attacherons à déterminer dans la suite du propos.

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2. L’habitat participatif en France: entre volonté de démocratisation … a. Habitat et participation : toute une histoire Aujourd'hui, le schéma classique d’acquisition d’un logement neuf se fait selon deux modes précis :

• la Vente en État Futur d’Achèvement (VEFA), définie dans l'article 1601-3 du Code Civil par « le contrat par lequel le vendeur transfère immédiatement à l'acquéreur ses

droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes, [avec un vendeur qui] conserve les pouvoirs de maître de l'ouvrage jusqu'à la réception des travaux » ;

• le Contrat de Construction de Maison Individuelle (CCMI) qui offre à l'acquéreur des garanties financière et de livraison à un prix et délai déterminés en amont.

De manière générale, ces deux schémas offrent une forme juridique protectrice aux futurs acquéreurs. Toutefois, il reste important d'indiquer que d’autres modes de production de l’habitat ont fait leur apparition au fil du temps, au travers d’opérations plaçant l'habitant au cœur même de la construction et la gestion de leur logement. On pourra citer parmi eux:

• le Phalanstère, ce grand bâtiment de logements destiné à la vie communautaire, très en vogue dans les milieux intellectuels français du XIXe siècle ;

• ou encore les coopératives de logement, mettant en place un principe de location-accession et de gestion coopérative.

Soulignons également l’émergence, au fil des années, d’organisations et structures ayant opté pour un mode de production et de gestion de l’habitat réduisant les intermédiaires entre producteur et acquéreur de logements. C’est ce dont il est question dans le domaine de l’habitat participatif qui aujourd’hui, dans un contexte de développement durable et de territorialisation des politiques publiques en France (décentralisation, déconcentration), tend à prendre davantage de place dans le débat public, en permettant aux habitants de contribuer activement à la conception de leur logement. C’est donc logiquement que cette thématique de l’habitat participatif a constitué un point central des orientations de la loi pour l'Accès au Logement et un Urbanisme Rénové (loi ALUR) du 24 mars 2014. Rappelons que pour cette loi, l'enjeu majeur est de « combattre la crise du logement,

marquée depuis de nombreuses années par une forte augmentation des prix, une pénurie de

logements et une baisse du pouvoir d'achat des ménages (…) selon trois axes complémentaires

qui marquent la volonté de garantir l’intérêt général, [en étant] porteuse:

• d'une démarche de régulation, [en permettant] la régulation des loyers, la régulation

écologique des constructions, la régulation des professions de l’immobilier et du

logement ;

• d'une logique de protection, [en protégeant] les propriétaires et les locataires contre

les abus et les risques, [et en favorisant] une relation apaisée entre eux ;

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• et d'une dynamique d'innovation, [en encourageant] la simplification des démarches

et [soutenant] les expérimentations de nouvelles formes d’habitat »

(http://www.territoires.gouv.fr/la-loi-alur).

De ce fait, la loi ALUR soutient « les capacités d'innovation des acteurs du logement en

matière d'habitat participatif, présenté comme [une] alternative viable entre le

logement individuel et l'habitat collectif » (http://www.fr.wikipedia.org – Article portant sur la loi ALUR). Elle légitime ainsi des modes de production et d’acquisition de logement s’éloignant du schéma conventionnel (VEFA, CCMI).

b. Quels apports de la loi ALUR en matière d’habitat participatif ? La thématique de l’habitat participatif est traitée dans le l’article 47 du chapitre VI de la loi

ALUR (intitulé ‘créer de nouvelles formes d’accès au logement par l’habitat participatif’). Dans

cet article, il est très clairement indiqué que par le biais de la loi, les Sociétés d’Habitat

Participatif (SHP) pourront prendre deux formes juridiques, leur garantissant ainsi une

légitimité certaine ainsi qu’une cadre législatif précis. Pour rappel, ces SHP visent à créer un

cadre juridique permettant à des personnes physiques de s’associer entre elles, et/ou

éventuellement avec des personnes morales dans l’optique de concevoir « leur logement et

des espaces destinés à un usage commun, de construire ou d’acquérir un ou plusieurs

immeubles destinés à leur habitation et, le cas échéant, d’assurer la gestion ultérieure de ces

immeubles » (http://www.legifrance.gouv.fr/ - LOI n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès

au logement et un urbanisme rénové). Dans le cas d’une association impliquant des

personnes morales (organisme HLM, société d’économie mixte, organisme agréé …), un

nombre de logements proportionnel à leur participation dans le capital de la société leur

sera attribué. C’est un élément particulièrement important qui joue un rôle capital dans le

montage de l’opération Habionome, au cœur même de mon expérience de stagiaire. Nous y

reviendrons ultérieurement dans la suite de l’étude.

On notera également qu’avant le commencement des travaux, « la société doit fixer les bases

techniques et financières du projet [ainsi que] la répartition des coûts. [Elles doivent aussi] justifier d’une garantie d’achèvement de l’immeuble afin de sécuriser l’opération de

construction » (http://www.loi-alur.fr/habitat-participatif ). C’est là un des éléments qui peut amener à se demander si l’habitat participatif ne constitue pas une alternative réelle au système classique de production de logement, comme la VEFA ou la CCMI vues précédemment. Ceci étant, grâce à la loi ALUR, les deux formes juridiques que peuvent prendre les Sociétés d’Habitat Participatif sont les suivantes :

� les coopératives d’habitants, qui d’après l’article L. 201-2 de la loi, « ont pour objet

de fournir à leurs associés personnes physiques, la jouissance d'un logement à titre de

résidence principale et de contribuer au développement de leur vie collective […]. Pour

cela elles peuvent :

� Acquérir un ou plusieurs terrains ou des droits réels permettant de construire ;

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� Construire ou acquérir des immeubles à usage principal d'habitation destinés à

leurs associés ;

� Attribuer la jouissance de ces logements à leurs associés personnes physiques au

moyen du contrat coopératif […] ;

� Gérer, entretenir et améliorer les immeubles mentionnés au 2. du présent article

;

� Entretenir et animer des lieux de vie collective ;

� Offrir des services à leurs associés et, à titre accessoire, à des tiers non

associés.» (http://www.legifrance.gouv.fr/ - LOI n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové).

� les sociétés d’attribution et d’autopromotion, qui d’après l’article L. 202-2 de la loi

ALUR, « ont pour objet d'attribuer aux associés personnes physiques, la propriété ou la

jouissance d'un logement à titre de résidence principale et d'entretenir et animer les

lieux de vie collective qui y sont attachés. Pour cela, elles peuvent :

� Acquérir un ou plusieurs terrains ou des droits réels permettant de construire ;

� Acquérir ou construire des immeubles à usage d'habitation en vue de leur

division par fractions destinées à être attribuées aux associés en propriété ou en

jouissance à titre de résidence principale ;

� Gérer, entretenir et améliorer les immeubles leur appartenant ainsi que les lieux

de vie collective qu'ils comportent ;

� Offrir des services à leurs associés et, à titre accessoire, à des tiers non associés,

selon les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat […]. »

(http://www.legifrance.gouv.fr/ - LOI n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové).

La loi ALUR apparaît donc comme le moyen de remédier au problème du manque d’outils juridiques pour encadrer les projets d’habitat participatif, tout en permettant :

� « d’assurer que les projets respectent l’environnement et la biodiversité,

� de simplifier les démarches juridiques,

� de proposer des dispositifs financiers plus sûrs,

� de préserver une certaine souplesse pour favoriser la diversité des projets et les idées

citoyennes.» (http://www.loi-alur.fr/habitat-participatif )

Soit des orientations qui entrent en adéquation avec des problématiques d’actualités touchant de près à la thématique de l’habitat. L’ensemble de ces éléments témoigne très clairement d’une volonté étatique d’encadrer l’habitat participatif en France, de sorte à en faire une véritable alternative au système classique de production du logement.

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On soulignera toutefois que « sur le terrain », la question semble quelque peu épineuse, les projets de ce type étant confrontés à un certain nombre de difficultés, à la différence des opérations dites classiques de logement C’est ce que nous nous attacherons à démontrer dans le point suivant.

3. … et désillusions

(Source : CENTRE D’ETUDES TECHNIQUES DE LYON, Département Construction Aménagement Projet, L'habitat participatif : Une solution pour le logement abordable?, 2013) Le schéma ci-dessus tiré de l'étude « L'habitat participatif : une solution pour le logement

abordable ? » fait état d'une corrélation évidente entre le risque de non achèvement d’une opération portée par un groupe de citoyens et le caractère participatif du montage d'un projet d'habitat. C’est ce que nous démontrerons à travers une présentation de divers types de montages d'opérations de logement laissant plus ou moins de place à la participation habitante. Aussi :

� la VEFA (Vente en État Futur d'Achèvement), comme il l'a précédemment été vu, correspond au principe de vente sur plan réalisée par la promotion immobilière dans la construction neuve. Ce système garantit la conception du projet d'habitat ainsi qu’un support du risque de non-achèvement du projet par le promoteur immobilier. On notera également que la Garantie Financière d'Achèvement (GFA) permet d'assurer l'acquéreur en cas de problème intervenant sur le projet, et notamment le non achèvement de l'opération. La VEFA se présente donc comme un système de vente de logement particulièrement sécurisé, avec toutefois une place inexistante dédiée à la participation habitante dans le montage de projet.

� Le CPI (Contrat de Promotion Immobilière) correspond quant à lui au contrat qu'un

groupe d'habitants ou une personne morale établit avec un promoteur/constructeur

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pour l'élaboration et la réalisation de son projet de logement. Il permet lui-aussi aux futurs acquéreurs de bénéficier d'une GFA prise par le promoteur/constructeur, tout comme de la garantie « dommages-ouvrages » qui « permet d'obtenir une réparation

de dommages de construction du logement » (http://vosdroits.service-public.fr ).

� la DMO (Délégation de Maîtrise d'Ouvrage) se traduit par le fait qu’un groupe d’habitants conçoive puis remette son projet à un professionnel (promoteur, bailleur) pour le réaliser. Le professionnel délégué pourra ainsi agir en tant que maître d'ouvrage pour ce qui est des passations de marchés, du paiement des prestataires, de l'élaboration et la signature des différents contrats impliqués par le projet, du choix des entreprises et fournisseurs partenaires de l'opération, ou encore de la gestion administrative et financière, et ce, avec un groupe d'habitants qui dispose d'un droit de regard sur ses « faits et gestes ». On soulignera néanmoins que « les dépassements de prix et les obligations des locateurs d'ouvrage ne sont pas

garantis dans le contrat de délégation de maîtrise d'ouvrage, contrairement au contrat

de promotion immobilière. [Toutefois, bien que] le maître d'ouvrage délégué n'assume

pas de mission de conception, le droit privé [le] soumet à la responsabilité décennale

des constructeurs et à l'obligation d'assurance, notamment l'assurance dommages -

ouvrage. » (CENTRE D’ETUDES TECHNIQUES DE LYON, Département Construction Aménagement Projet, L'habitat participatif : Une solution pour le logement

abordable?, 38 p., 2013)

� Enfin, l'autopromotion peut se définir comme « une initiative et un regroupement

volontaire de particuliers qui montent et conduisent collectivement pour eux-mêmes, à

titre de maître d'ouvrage, une opération immobilière dans une perspective qualitative et

non spéculative, ayant pour objet la construction ou la réhabilitation d'un immeuble qui

réponde de manière optimale et personnalisée à leurs besoins en logements ou locaux

professionnels, cet immeuble étant destiné à être partagé en propriété ou copropriété.

(Alain Meyer, 2007) » (CENTRE D’ETUDES TECHNIQUES DE LYON, Département Construction Aménagement Projet, L'habitat participatif : Une solution pour le

logement abordable?, 2013). Cette définition suggère l’absence de professionnels du logement dans le montage d’un projet d’autopromotion, ce qui peut effectivement expliquer une prise de risque de la part des acquéreurs bien plus importante qu’en VEFA. En effet, dans ce cas précis, le groupe d'habitants assume son entière responsabilité, à la différence de la VEFA où cette responsabilité relève du promoteur.

La présentation démontre une corrélation certaine entre le risque de non achèvement d’un projet d’habitat et le degré d’intégration de la participation habitante au montage d’une opération de logement. De plus, elle met implicitement en exergue la question de la place du professionnel de l’urbanisme dans ce type de procédures : la présence de l’expert est-elle vraiment nécessaire pour mener à bien un projet d’habitat participatif ? Une réponse par l’affirmative semble des plus probables étant donné les obstacles majeurs auxquels doivent faire face les porteurs d’un projet d’habitat participatif, et plus particulièrement lorsque ce dernier relève de l’autopromotion. C’est ce qu’il s’agira d’étudier dans la suite du propos.

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B. L’autopromotion en France : une alternative crédible au système

classique de production de l’habitat ?

1. L’autopromotion: un mode « risqué » de production de l’habitat? a. Les Baugruppen en Allemagne : un modèle à suivre ?

Exemple de Baugruppen en Allemagne

(Source : http://www.vauban-im-bild.de)

L'autopromotion est un concept né en Allemagne, dans le cadre du projet d'éco-quartier Vauban à Freiburg, et ce, dans un contexte de crise du logement. Pour rappel, cet écoquartier a par ses caractéristiques environnementales notamment, bénéficié d'une importante promotion dans le monde entier, à l'origine de son titre de «Capitale Verte» allemande. Notons également que la participation citoyenne fait l'essence même de ce projet, fruit d'une coopération entre professionnels de l'aménagement, élus et citoyens, ces-derniers étant représentés par le Forum Vauban, acteur central de l'opération.

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Cette association d'habitants désignée comme coordinatrice principale de la participation citoyenne a en effet fortement contribué à la genèse du projet, en définissant notamment les grandes orientations pour la planification du quartier, et c’est à travers cette dernière que le concept des Baugruppen, projets d'habitat en autopromotion, voit le jour. La mise en œuvre concrète de ce concept est très bien expliquée l’article de Thomas Dreyfus, pilote d'un projet d'habitat participatif, intitulé « Baugruppen : habitat groupé,

autopromotion ». D'après lui, « le principe est de se regrouper pour construire ensemble. Des

familles souhaitant accéder à la propriété, se regroupent, achètent en commun un terrain,

embauchent un architecte et construisent un ensemble immobilier. La motivation première de

cette démarche n’étant pas de réaliser un placement immobilier mais de fabriquer un habitat

collectif qui n’est pas proposé par le marché classique de la construction ».Les porteurs du projet d'habitat, à savoir les familles, deviennent ainsi maîtres d'ouvrage de l'opération, ces derniers, en collaboration avec l’architecte, participant activement à la création d'un logement personnalisé au sein d'un ensemble collectif. L'ensemble des demandes est ensuite synthétisé et pris en compte par le maître d'œuvre qui les intègre au projet d'habitat. On notera, toujours d'après l'article de Thomas Dreyfus, que « outre la conception

personnalisée, l’un des avantages des Baugruppen par rapport à un projet d’immobilier

classique est l’économie réalisée [, qui] dans le quartier Vauban, [...] peut atteindre jusqu’à

moins trente pour cent ». L'argent économisé est ainsi réinvesti dans l'utilisation de matériaux écologiques de construction de bâti, de manière à favoriser les économies d'énergie. C'est là un élément qui peut d'ailleurs permettre aux porteurs du projet d'autopromotion de négocier des tarifs auprès des fournisseurs d'énergie, et ainsi de voir leur facture énergétique réduite, au même titre que les charges imposées par le statut de copropriétaire. Dans un autre registre, on soulignera que le fait que la constitution du groupe de porteurs de projet se fasse en amont de celui-ci permet la création de relations de voisinage solides, ce qui participe d'une volonté évidente de la part des habitants du quartier de développer une vie communautaire, qu'elle soit à l'échelle du bâtiment ou du quartier. Pour terminer, on rappellera qu'il est de renom que les pays nordiques ont été pionniers en matière d'urbanisme de participation, et il se trouve que l'éco-quartier Vauban ne déroge pas à la règle. En effet, d'après l'article étudié, « aujourd’hui, [en Allemagne], un tiers des

constructions émanent d’une volonté citoyenne et 150 projets ont déjà vu le jour. Le concept

des Baugruppen s’essaime petit-à-petit [...], des municipalités [réservant] jusqu’à 15 % du

foncier pour des projets d’autopromotion. L’idée et la volonté sont bien ancrées, la démarche

devient un modèle politique. ». A la lecture de ce propos, on ne peut que se demander ce qu’il en est de cette question de l’autopromotion en France. Peut-on affirmer qu’elle constitue ici aussi une alternative au système classique de production du logement ? C’est ce à quoi nous répondrons dans la suite de l’étude.

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b. La France, en retard sur cette problématique ? En France, l'autopromotion, variante de l'habitat participatif, présente son lot d'avantages mais aussi d'inconvénients. Certes, elle peut permettre un accompagnement des futurs acquéreurs de logements de divers ordres (social - à travers la gestion de la participation et de la conception –, opérationnel – par la délégation d'un maître d'ouvrage -, ou encore juridique - via le montage immobilier et/ou financier -), mais elle présente un certain nombre de risques parmi lesquels :

� l'absence de garantie, qu'elle soit de construction ou d'achèvement du projet, ce qui peut avoir des conséquences financières et juridiques non négligeables pour les acquéreurs ;

� le problème des temporalités, avec un délai entre les premières initiatives et

l'entrée dans le logement pouvant être très long, ce qui peut facilement « décourager » les futurs acquéreurs ;

� le fonctionnement intrinsèque du groupe, l’entente entre les « participants » au

projet n’étant pas garantie dans ce type d’opération. En effet, il n’est pas aisé de faire fonctionner un groupe de personnes sur un temps long, ces personnes pouvant naturellement, même si elles sont liées par un objectif commun, avoir des divergences d’opinions/convictions qui peuvent être sources de frictions. Ce point met en exergue la problématique de la gouvernance dans les projets autogérés, qui peut être à l’origine de tensions et de difficultés de leadership. Ajoutons également que l'implication forte des participants, nécessaire à l’élaboration d’un projet d’autopromotion, peut entraîner quantité non négligeable de « démissions » d’un certain nombre d’entre eux. Le nombre de participants a effectivement tendance à diminuer de moitié entre le lancement d'une opération de ce type et son terme (information tirée d’une intervention de Tamar Fougeras Lavergnolle, directrice de l'association 1+1, dans le cadre du cours ‘Production et

gestion de l’habitat’ du master ‘Politiques urbaines, projet urbain et montage

d’opérations’. L’association 1+1 participe des structures offrant un mode alternatif de production et de gestion du logement en France).

� l'accès au foncier, ce dernier pouvant être difficilement accessible en milieu urbain

où les copropriétés sont nettement plus nombreuses qu’en milieu rural, ce qui peut forcer à des négociations multiples et pas nécessairement fructueuses. On peut également ajouter que les lots tendent logiquement à être de taille plus importante en milieu urbain, ce qui peut poser problème à un groupe d’habitants n’étant pas nécessairement grand. Pour pallier ce problème, une association du groupe avec un opérateur peut être réalisée, de sorte à ce que ce dernier développe un programme sur une partie du lot, tout en collaborant sur une autre avec les participants au projet d’autopromotion. C’est ce dont il a été question dans le cadre du projet Habionome .

� l'accès au crédit et aux assurances, étant donné qu’actuellement, lorsqu'il s'agit

d'un montage hors VEFA ou CPI, l'accès au crédit reste la difficulté majeure. Les banques hésitent effectivement à prêter aux particuliers, surtout dans le cas de

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montages en autopromotion, étant donné qu’il n’y a pas ou peu de garantie suffisante quant à l’achèvement du projet. Aussi et de fait, la « fragilité » des montages d’opérations d’autopromotion explique la réticence des banques à investir dans ce type de projets. Ceci est bien expliqué dans la citation suivante, extraite de l’étude « L'habitat participatif : une solution pour

le logement abordable ? » : « Dans le cas de montages en VEFA ou CPI, le promoteur

doit prendre à son compte la garantie financière d'achèvement qui l'assure contre une

défaillance financière en cours de réalisation du projet. En cas de défaillance, les

sommes avancées par les futurs acquéreurs sont prises en charge par l'assurance et

remboursées si le projet ne se fait pas. Sans cette garantie; les sommes avancées pour le

projet sont perdues. En dehors des montages VEFA et CPI, cette garantie n'est pas

obligatoire et coûte très cher d'autant plus si les souscripteurs ne sont pas des

professionnels de la construction. Ceci est notamment le cas des groupes d'habitants.

Dans ce contexte, le projet est financièrement moins sécurisé et présente un risque

accru pour la banque prêteuse. » (CENTRE D’ETUDES TECHNIQUES DE LYON, Département Construction Aménagement Projet, L'habitat participatif : Une solution

pour le logement abordable?, 2013). Au vu de ces éléments, le montage d’un projet d’autopromotion apparaît comme particulièrement complexe, et l’opération Habionome ne déroge pas à la règle. C’est ce que nous verrons dans la suite du propos. c. Le montage du projet Habionome : un parcours semé d’embuches Apres de longues années de travail acharné, Laurent Rassak voit aujourd’hui son projet initié en 2007 se concrétiser, avec l’entrée récente de ce dernier en phase opérationnelle. Le concours architectural relatif à l’opération a été lancé en juillet dernier, pour une sélection du projet lauréat prévue pour la fin 2014. Il reste toutefois important de souligner qu’Habionome, comme bon nombre de projets d’autopromotion, a fait face à une multitude d’obstacles expliquant les nombreuses années qu’a nécessitées son montage. On pourra citer parmi ces obstacles :

• la complexité des négociations avec le territoire de Saint-Denis, étant donné le caractère complexe du contexte foncier en milieu urbain, et qui plus est dans la zone concernée ;

� la disponibilité réduite d’un certain nombre d’acteurs locaux forcés de se focaliser

sur d’autres projets d’habitat, la commune étant en profonde mutation urbaine, en témoigne la floraison de multiples projets de logements sur son territoire ;

� la difficulté d’accorder une véritable crédibilité à un projet d’habitat participatif,

thématique encore faiblement développée en France ;

� la difficile mobilisation d'un bailleur social, le projet Habionome ayant, pour des raisons techniques, été forcé d’élargir son périmètre initial et de s’associer avec un bailleur social pour consolider son montage financier, ce qui n’a pas été évident à

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faire étant donné la réticence d’un certain nombre de bailleurs sociaux à s’associer à des projets non conventionnels ;

� un nécessaire temps d'apprentissage, Laurant Rassak n’étant pas un professionnel

de l’aménagement, au même titre que les membres porteurs du projet. Aussi, un important temps d’apprentissage du métier de la promotion immobilière ainsi que de thématiques urbaines, juridiques et financières a été nécessaire, ce qui a participé de l’important délai entre la date de lancement du projet et son démarrage opérationnel.

L’ensemble de ces éléments témoigne d’un réel problème lié aux projets d’autopromotion en France. Le montage de telles opérations s’amalgame en effet à un parcours semé d’embuches dont il paraît difficile de se détacher. Toutefois, il est à noter qu’un certain nombre de projets de ce type réussissent à voir le jour sur le territoire, et c’est notamment le cas d’Habionome à Saint-Denis. Alors comment ce projet a-t-il surmonté les nombreux obstacles auxquels les opérations d’autopromotion doivent aujourd’hui faire face en France ? Nous répondrons à cette interrogation dans la suite du propos, en nous focalisant sur le principe de « l’autopromotion accompagnée », mis en œuvre par l’association de porteurs du projet Habionome.

2. L'autopromotion « accompagnée » comme solution pour surmonter des obstacles de poids

a. Habionome : rappels

Esquisse du projet Habiome

(Source : SCOPHEC)

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En 2007, après avoir fait face à de nombreuses difficultés dans sa recherche du « logement idéal », Laurent Rassak, créateur de la SCOPHEC, décide avec un groupe d’habitants de la commune de Saint-Denis de se lancer dans la prospection d’un terrain, afin d’y développer un projet d’habitat. Le projet Habionome est ainsi lancé en 2008, avec pour objectif de rendre possible la production d’un type d’habitat qui soit :

� écologique, car le projet est voué à exercer un impact environnemental positif (label bâtiment biosourcé, ventilation naturelle, construction en paille, haute performance énergétique …) ;

� participatif, parce que comme tout projet d’autopromotion, il permet aux habitants

de concevoir et gérer eux-mêmes leur futur logement en tant que maître d’ouvrage ;

� économique, étant donné que « la prise en compte du coût global dans la conception

des logements permettra aux habitants de réaliser d'importantes économies sur les

charges de consommation et d'entretien ». On notera également que les prix d’acquisition des logements proposés dans le cadre de l’opération sont destinés à être en deca des prix du marché sur le territoire de Saint-Denis.

Par le biais de l’opération Habionome, il s’agit de pallier un manque cruel de logement en France qui soit écologique, à un prix abordable et participatif, thématique qui d’ailleurs, selon plusieurs études récentes, intéresserait près d’un tiers des Français. Dans l’idéal, la SCOPHEC souhaiterait faire émerger une réelle offre d’habitat en zone urbaine qui pourrait constituer une alternative réelle à la VEFA classique. b. Encadrer, professionnaliser pour mieux gérer Il est évident que les objectifs du projet Habionome sont louables. Il n’en demeure pas moins que, comme il l’a été vu précédemment, l’autopromotion, bien qu’elle présente des qualités indiscutables (notamment du point de vue de la participation habitante), présente un certain nombre de risques pour les futurs acquéreurs de logements relevant de ce type de procédure. C’est pour cette raison que « l’autopromotion accompagnée » a été mise en avant pour le projet Habionome, au détriment de l’autopromotion dite classique, afin que le montage de l’opération soit accessible à tous, c’est-à-dire aux initiés comme aux non-initiés aux thématiques de l’habitat. Ainsi, en développant une offre professionnalisée, l'association ASSO-HABIONOME (anciennement OPHEC) créée spécialement pour le projet afin de mettre en place une structure juridique pour favoriser les échanges avec les différents acteurs du territoire de Saint-Denis, apporte une aide précieuse aux futurs habitants, notamment dans la constitution et l'animation de leur groupe, ainsi que la mise en forme de leur projet. Concernant la sécurisation du montage de l’opération, elle est assurée par la Scop SCOPHEC qui fournit l’assistance à la maîtrise d’ouvrage ainsi que des conseils juridiques et financiers, ce qui permet aux non-initiés un gain de temps considérable dans la constitution de leur projet. On notera que cette structure a également été mise en place pour surmonter

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un obstacle majeur à la réalisation de l’opération, à savoir, la réticence de structures diverses (entreprises, bailleurs sociaux …) à contractualiser avec une « simple » association. Notons enfin que Laurent Rassak, gérant et créateur de la SCOPHEC, joue le rôle d’interlocuteur entre les différents acteurs impliqués dans l’opération et les porteurs du projet, ces derniers étant systématiquement tenus informés de toutes les thématiques et problématiques traitées ou abordées lors des réunions entre ‘acteurs du projet’. L’application du système « d’autopromotion accompagnée » n’est cependant pas la seule raison de la concrétisation du projet Habionome, après sept longues années. En effet, des concessions de la part des porteurs ont été nécessaires pour ce faire, notamment à travers la collaboration de ces derniers avec un acteur majeur de l’habitat social, le bailleur I3F. L’autopromotion accompagnée et gérée en collaboration avec des professionnels de l’habitat de renom serait-elle donc LA solution pour réussir son projet d’autopromotion ? Ou cette réussite serait-elle le point culminant d’une « histoire d’€ » ? C’est ce que nous nous attacherons à déterminer dans le point suivant de l’étude.

3. Jeu d’acteurs et habitat participatif : des concessions nécessaires « Les bénéficiaires de chaque projet d'habitat sont directement impliqués dans la conception et

l'agencement de leur lieu de vie, démarche qui suppose des prises de décision collectives.

Juridiquement, ils se regroupent au sein d'une Société Civile Coopérative de Construction Vente

(SCCCV) ad hoc, qui se porte acquéreur en leur nom. Ainsi les porteurs ont un double statut : en

tant que sociétaire, chaque coopérateur est propriétaire de parts de la société, contribue à sa

capitalisation et prend part aux décisions ; en tant qu'acquéreur, chaque coopérateur s'engage

à acheter un ou plusieurs lots. » (L’ATELIER, Centre de ressources de l’économie sociale et solidaire, « OPHEC / SCOPHEC - Participer à la conception de son lieu de vie », article disponible sur le site http://www.atelier-idf.org) A la lecture de ces quelques lignes extraites d’un article de l’Atelier, centre de ressources de

l’économie sociale et solidaire portant sur la SCOPHEC et le caractère novateur de son projet Habionome, on ne peut que souligner la place majeure allouée à la participation dans cette opération. Cependant, il reste important de noter que la réalité se veut nettement moins « lisse ». Comme il l’a été dit précédemment, le projet Habionome est aujourd’hui en phase opérationnelle et le concours d’architecture lui étant relatif a été lancé. Toutefois, les dernières réunions traitant du projet qui ont mobilisé divers acteurs comme le bailleur social I3F, partenaire et financeur de l’opération, ou encore des représentants de la communauté d’agglomérations Plaine Commune, ont démontré que la participation habitante n’occupait plus une place si importante aux yeux de certains de ces acteurs. Il apparaît que les professionnels de l’habitat et autres experts jouant un rôle capital dans la construction du projet, disposent d’un pouvoir de décision particulièrement important, en raison de leur statut, et ce, malgré la volonté indéniable de Laurent Rassak de faire entendre

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la voix des porteurs du projet dans la construction de ce dernier. En témoigne la remise en question du mode de sélection de l’équipe d’architectes lauréate pour l’opération Habionome - qui pour rappel fera partie d’un projet plus large géré par le bailleur social I3F - voué à théoriquement fonctionner sur le modèle suivant : Neuf votants répartis en trois collèges:

� le collège maître d’ouvrage composé de trois personnes (parmi lesquels le directeur de l’architecture d’I3F, l’administrateur d’I3F, un représentant des participants au projet Habionome)

� le collège professionnel composé de trois professionnels de l’aménagement (urbaniste de l’atelier JAM, SEM Plaine Commune Développement, Plaine Commune …)

� Trois personnalités (politiques …)

Cette répartition des votants a entraîné une vive réaction de la part de Laurent Rassak qui, comme indiqué précédemment, souhaite voir le nombre de voix habitantes augmenté, de sorte à maintenir le caractère participatif du projet Habionome. Au jour d’aujourd’hui, cette question reste en suspens mais il serait très intéressant de voir si la répartition des votants sera revisitée en ce sens. L’avenir nous le dira. On notera d’autre part que si les orientations premières de l’opération (jardin sur le toit, espaces partagés …) sont vouées à être intégrées à l’architecture du bâtiment Habionome, il apparaît que la conception de l’unité logement reste aux mains de l’équipe de maîtrise d’œuvre et des professionnels de l’habitat impliqués dans le projet, au même titre que d’autre éléments fondamentaux. Le fait que la construction en paille en tout point du futur bâtiment, élément qui participe de l’essence même d’Habionome, soit actuellement remise en question en est effectivement une bonne illustration. L’ensemble de ces éléments nous amène à soulever un certain nombre de questions : pour arriver à son terme, un projet d’autopromotion nécessiterait-il l’intervention de professionnels de l’habitat et les apports financiers de bailleurs sociaux de renom ? Le cas du projet Habionome pourrait nous amener à répondre par l’affirmative, ce qui nous pousserait à nous interroger sur la thématique de la participation habitante : l’association d’un groupe d’habitants à un important bailleur social pour le montage d’un projet d’autopromotion forcerait-il à des concessions, notamment du point de vue de la pratique de cette participation ? L’interrogation reste entière, le projet Habionome n’en étant qu’à son démarrage opérationnel. Toutefois, on ne peut que souligner le fort impact des questions pécuniaires dans ce type d’opérations, questions qui peuvent forcer à prendre des décisions lourdes de conséquences, notamment du point de vue de ce qui fait l’essence même d’un projet.

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Habionome entre aujourd’hui en phase opérationnelle, après sept longues années d’un montage particulièrement complexe. Ce long délai a poussé un nombre considérable de porteurs potentiels du projet à le quitter, ce qui explique que le groupe de participants soit actuellement en nombre réduit. L’enjeu est donc de recruter un maximum de porteurs afin de les amener à investir dans les logements proposés dans le cadre de l’opération. Aussi, la question de la communication prend tout son sens, et c’est ce que nous nous attacherons à démontrer dans la suite de l’étude. Y a-t-il une marche à suivre pour promouvoir un projet d’autopromotion et ainsi attirer des investissements ? Et le projet Habionome a-t-il été jusqu’à lors un bon élève en la matière ? Ces interrogations feront l’objet d’une étude approfondie à partir de l’analyse des stratégies de communication développées autour de projets d’aménagement, et dont la réussite ne fait nul doute, ou encore des écrits de spécialistes sur la thématique du marketing urbain.

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C. De maîtres d’ouvrage à experts en marketing urbain : quels défis pour les porteurs d’un projet d’autopromotion ?

A l'image d'une commune comme Vaulx-en-Velin, très médiatisée dans les années 1970-1980 en raison des violentes émeutes urbaines qui y ont eu lieu, la ville de Saint-Denis a elle-aussi longtemps « bénéficié » d'une réputation de banlieue dite « sensible » ; le commun des mortels ayant en grande partie eu tendance à amalgamer les faits divers relatés dans la presse, propres à cette localité, et la localité en elle-même. Pour ma part, il relèverait d'ailleurs du mensonge que d'affirmer ne pas avoir partagé, ne serait-ce qu'un tant soit peu, cette perception négative et tronquée de la ville. Délinquance, cités, ou encore bâti dégradé semblent en effet être les maîtres mots de ce qui fait la carte d’identité de cette commune, et c’est une chose dont Laurent Rassak, « lanceur » de l’opération Habionome, est tout à fait conscient, étant lui-même habitant de cette ville depuis de nombreuses années. Aussi, un problème se pose : comme il l’a précédemment été noté, Habionome est un projet d’autopromotion qui nécessite d’être porté par un groupe de futurs habitants, les porteurs. Or, les nombreux retards dont a souffert l’opération ont découragé un certain nombre d’entre eux, ce qui fait que le groupe est actuellement en nombre réduit. Il est donc aujourd’hui question d’attirer de nouveaux « participants » et de les pousser à investir dans le projet. Aussi, plusieurs questions sont à dénombrer :

� Comment pousser des gens à investir dans un projet implanté à Saint-Denis, au vu de la légendaire réputation de cette commune ?

� Comment leur prouver qu’il s’agirait d’un bon investissement ?

� Comment faire la promotion d’un territoire suscitant crainte et méfiance ?

� Comment véhiculer l’image d’une opération répondant à des enjeux d’actualité ?

L’ensemble de ces questions met en exergue la thématique du marketing territorial qui a elle aussi fait le cœur de mon expérience professionnelle au sein de la SCOPHEC. Y-a-t-il des règles à suivre pour la promotion réussie d’une localité, et à plus petite échelle, d’un projet d’aménagement comme Habionome ? Existe-t-il de bons élèves en la matière ? C’est ce qu’il s’agira de déterminer dans la suite de l’étude, car l’entreprise cherche effectivement à mettre en place une stratégie marketing pour susciter l’intérêt d’individus souhaitant

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investir dans l’immobilier, et plus particulièrement l’immobilier participatif proposé par Habionome.

1. Marketing territorial : quelles règles à suivre ? D'après l'article « Marketing territorial et positionnement mondial » de Marc-Urbain Proulx et Dominic Tremblay (2006), « l’utilisation de techniques promotionnelles par les territoires n’est

pas un phénomène nouveau ». Les études menées par Stephen Ward en 1998 démontrent en effet que le développement de stratégies de communication et de promotion menées par les localités pour attirer habitants ou encore touristes remontent à près d’un siècle et demi. Proulx et Tremblay indiquent toutefois et à juste titre qu’au fil du temps, l’offre territoriale et les messages publicitaires ont évolué en concubinage avec les changements culturels locaux et mondiaux. On soulignera également que l’implication de professionnels destinés à adapter les techniques contemporaines de marketing aux territoires est un phénomène relativement nouveau : concrètement, il s’agit d’attirer habitants et investissements multiples en soulignant le caractère attractif d’une localité donnée, et on notera que dans une perspective de rayonnement, qu’il soit local, régional, national ou international, ce type de pratique est aujourd’hui très répandu, à travers des vecteurs de communication multiples. Indiquons néanmoins que, toujours d’après les auteurs de l’article, « le territoire n’est pas un

produit tangible facile à décrire, mais plutôt une entité à multiples facettes qui peut être

« consommée » de milliers de façons différentes par des centaines de groupes différents » (PROULX Marc-Urbain et TREMBLAY Dominic, Marketing territorial et positionnement

mondial, Géographie, économie, société, 2006/2 (Vol. 8)). La question des messages à développer et des publics cibles à identifier dans une stratégie de communication et de promotion à mettre en œuvre autour d’un territoire prend donc ici tout son sens. Marc-Urbain Proulx et Dominic Tremblay identifient le marketing territorial comme ayant pour vocation de mettre en valeur les avantages d'un territoire, de sorte à concurrencer les autres espaces d’innovation. Son but serait de mettre en place les atouts du territoire en occultant ses faiblesses, de façon à confirmer qu'il est bien plus intéressant en matière d’investissements que d’autres. D’après eux, les objectifs de la stratégie de marketing résident en trois points essentiels :

� Accroître la visibilité et la notoriété du territoire ;

� Attirer de nouveaux projets ;

� Valoriser les acteurs économiques du territoire en les connectant à des réseaux de grande envergure ;

Pour ce faire, Marc-urbain Proulx et Dominic Tremblay distinguent quatre types de composantes du marketing territorial :

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� La segmentation des marchés qui consiste en un découpage du territoire en sous-ensembles de domaines où le territoire possède des avantages et des opportunités ;

� L’optimisation du marketing mix, favorisant la synergie entre les acteurs de

l’innovation ;

� Le positionnement perceptuel, se manifestant par les moyens communicatifs mis en œuvre par le territoire de façon à montrer ses avantages et à attirer les investissements ;

� L’investissement marketing, relatif aux véhicules promotionnels utilisés pour

publiciser l'espace en question. Il se trouve que les analyses de Proulx et Tremblay se sont vérifiées à de nombreuses reprises, bon nombre de territoires ayant mis en œuvre des campagnes de promotion de localité ou d’opérations urbaines reprenant les quatre composantes du marketing territorial citées plus haut. On soulignera cependant qu’aujourd’hui, le fait de développer une stratégie de marketing territorial autour d’un territoire, d’un quartier ou d’un projet d’aménagement est une chose onéreuse qui nécessite souvent l’implication d’une agence spécialisée sur cette thématique. Il paraît donc utopique d’envisager le recrutement de tels spécialistes pour faire la promotion d’un projet d’habitat participatif en autopromotion, les porteurs ne disposant pas nécessairement des ressources financières suffisantes pour mener à bien une telle action. Néanmoins, l’expérience montre qu’avec des outils simples, une stratégie de communication peut être particulièrement bien menée, et ainsi attirer tant des habitants que des investisseurs ou divers autres publics cibles vers un territoire donné. C’est ce que nous nous attacherons à démontrer dans la suite de l’étude dans laquelle nous présenterons des outils de communication simples, mis en place par des structures de divers ordres, outils qui pourraient éventuellement être réutilisés par la SCOPHEC dans l’optique d’attirer des porteurs de projet pour l’opération Habionome. Pour ce faire, nous nous intéresserons aux éléments forts de stratégies de marketing territorial fortes de succès, développées autour de trois entités spatiales : le cluster Paris-Saclay, l’éco-quartier Lyon-Confluence et le projet d’habitat participatif Chamarel à Vaulx-en-Velin. A noter que mon choix s’est volontairement tourné vers des entités spatiales totalement différentes, notamment du point de vue des échelles et des moyens mobilisés dans les campagnes de communication qu’elles ont générés. Toutefois, il m’a paru intéressant de relever les éléments forts propres à ces stratégies couronnées de succès, éléments qui pourraient par la suite être réadaptés au projet Habionome, sans nécessiter de gros moyens financiers, ou la mobilisation d’une structure spécialisée sur dans le marketing territorial.

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2. Facteurs de réussite du marketing urbain : études de cas

a. Paris-Saclay : jouer sur toutes les échelles Ci-après, un extrait du schéma de développement territorial du Plateau de Saclay : « S’appuyant sur un ensemble scientifique et économique exceptionnel, pleinement intégré

dans la métropole parisienne, le projet Paris-Saclay entend faire émerger un écosystème de

l’innovation de rayonnement mondial. Il s’agit aussi de réussir ce développement en harmonie

avec un territoire, ses habitants, ses collectivités, son patrimoine tant urbain que paysager, en

valorisant et en mobilisant les ressources de ce territoire. »( ETABLISSEMENT PUBLIC PARIS SACLAY, Schéma de développement territorial, une ambition mondiale, un projet de territoire, 13 janvier 2012 ) Nous entamerons ce volet de l'étude en procédant à une analyse lexicale et sémantique de l'extrait du schéma de développement territorial du plateau de Saclay présenté plus haut. Ce paragraphe, situé au début du document, est en effet particulièrement révélateur de toute la stratégie marketing mise en place pour promouvoir ce cluster en devenir. Il est question de se baser sur un existant fort de potentialités et de l'améliorer, et c'est ce qu'on retrouve assez facilement dans l'expression « s'appuyant sur un ensemble scientifique

et économique exceptionnel ». Il s'agit effectivement d'insister sur une unicité, une particularité propre au territoire en question, relative à son offre tant en matière de sciences que d'économie. Le caractère novateur des orientations du projet est lui-aussi mis en avant, avec le terme d'«innovant» que l'on retrouve à de très nombreuses reprises dans le dossier. De plus, l'objectif de développement d'un projet à fort impact positif, tant à l'échelle mondiale que métropolitaine ou encore locale, transparaît lui-aussi éminemment. Les termes de «rayonnement mondial », de « territoire », et l'évocation des « habitants », des « collectivités » ou encore du « patrimoine urbain et paysager » en sont des exemples plus que révélateurs. Les niveaux mondiaux et locaux ne sont pas mis en concurrence, bien au contraire. D’une manière générale, l’étude de la stratégie de communication élaborée autour du cluster de Saclay permet de relever que l'ensemble des points tirés de l'écrit de Marc-Urbain Proulx et Dominic Tremblay s’y vérifient. Il y a une évidente promotion faite de toute une série d'opportunités existant au sein de ce territoire, ce qui participe éminemment de la réussite de la campagne promotionnelle mise en œuvre autour de ce dernier. L'accent se veut mis en premier point sur le pouvoir scientifique fort du site, en vue d'un rayonnement international, tout comme sur l'existence d'un patrimoine urbain et paysager particulier. Ajoutons également les louanges faites sur la dimension du site, tout comme sur sa position stratégique, à proximité de la capitale française. L'ensemble de ces éléments relève de la segmentation des marchés. Du point de vue de l'optimisation du marketing mix, les acteurs du projet de cluster n'hésitent pas à souligner une volonté de lier toute une série d’éléments, dans une perspective de rayonnement du territoire (local, national et international). Spatialement, cette idée se retrouve dans la mise en avant de l'optimisation du réseau de transports permettant de

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désenclaver le site, et ainsi de relier la capitale à des pôles d’excellence mondialement connus. Le positionnement perceptuel se retrouve dans la volonté de montrer que Paris-Saclay est un espace à potentialités novatrices indiscutable, capable de regrouper les plus hauts services technologiques, les plus hautes universités et les plus hautes industries, le tout dans un environnement à haute qualité paysagère, dont la spécificité est renforcée par les racines agricoles du territoire. Dans cette perspective, les outils de communications sont nombreux. Nous soulignerons enfin un fort investissement marketing, avec l’utilisation de nombreux véhicules promotionnels pour faire connaître le territoire (plaquettes, sites internet, affiches …).

Insister sur la proximité du cluster Paris Saclay avec la capitale

(Source : ETABLISSEMENT PUBLIC PARIS SACLAY, Schéma de développement territorial,

une ambition mondiale, un projet de territoire, 13 janvier 2012 )

Miser sur la portée internationale du cluster

(Source : ETABLISSEMENT PUBLIC PARIS SACLAY, Schéma de développement territorial,

une ambition mondiale, un projet de territoire, 13 janvier 2012 )

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b. Lyon-Confluence : tirer profit des nouvelles techniques de communication L'opération Lyon-Confluence est un projet dont la renommée n'est plus à faire, étant donné l'importante communication dont il a fait l'objet. Ses objectifs sont louables et ils pourraient considérablement renforcer le rayonnement de la commune lyonnaise, et à plus grande échelle, de la communauté urbaine du Grand Lyon. Aussi, le projet étant d’envergure métropolitaine et locale, la stratégie de communication mise en œuvre autour de ce dernier joue sur les deux tableaux, et c’est ce que l’on peut observer au travers des messages développés dans cette campagne, relatifs à :

� la présence d’une trame verte et d’une trame bleue sur le site, particulièrement denses ;

� le maintien de la biodiversité sur le territoire ;

� la présence de bâtiments à énergie zéro ou à énergie positive ;

� la position stratégique du site de l’opération, richement desservi en transports en

commun ;

� l’accessibilité au logement ;

� la mixité, qu’elle soit sociale (notamment dans le domaine du logement) ou fonctionnelle ;

� la place importante allouée à la participation habitante dans la construction du

projet ;

� le fort potentiel de rayonnement économique de la ville apporté par l’opération et ses nombreux bâtiments de bureaux, dont 70 000 m² de tours, symboles de puissance économique.

Pour diffuser ces messages, de nombreux supports ont été mis en œuvre ; certains, onéreux, d’autres nettement plus abordables et faciles d’accès/d’utilisation. C’est le cas par exemple de lettres électroniques d'information, diffusées régulièrement sur le site internet de l’opération, ou encore des techniques modernes de communication comme les réseaux sociaux. Les comptes « @Lyon_Confluence » sur Facebook, Twitter et Instagram sont en effet particulièrement actifs et comptent de nombreux abonnés, ce qui peut, indirectement et en extrapolant, attirer investisseurs, touristes et habitants (121 000 « fans » sur Facebook, 3 640 « followers »/ 2 307 « tweets » sur Twitter, et dans une moindre mesure, 380 abonnés/115 publications sur Instagram). On notera également que de nombreux supports/actions ont été créés pour que le dialogue entre citoyens et professionnels de l'aménagement n'en soit que facilité ; en témoigne la création d’un site internet interactif prévu à cet effet.

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@Lyon_Confluence : un compte Twitter particulièrement actif

(Source : Twitter.com) c. Chamarel à Vaulx-en-Velin : faire table rase du passé Chamarel est le nom d’un projet d’autopromotion implanté à Vaulx-en-Velin en banlieue lyonnaise. Comme il l’a précédemment été noté, cette commune n’a pas toujours bénéficié d’une bonne réputation, bien au contraire : encore aujourd’hui, l’évocation de ce nom suscite la crainte de bon nombre d’individus, ce qui n’a pourtant pas découragé les porteurs de l’opération d’habitat participatif. En effet, la stratégie de communication menée par ces derniers a porté ses fruits, l’opération ayant à ce jour mobilisé vingt-quatre actionnaires dans la société coopérative créée dans le cadre du projet. A noter que neuf d’entre eux sont de futurs habitants. Aujourd’hui à la recherche de nouveaux candidats, le groupe base sa campagne de recrutement via de nombreuses réunions d’information à destination du public ciblé par l’opération : les personnes âgées. Chamarel se définit en effet comme un projet coopératif voué à offrir « une manière alternative vieillir ». Les réunions ne sont toutefois pas les seuls moyens mis en œuvre pour promouvoir l’opération. Le projet a en effet fait l’objet de nombreux articles de presse, qu’elle soit locale ou nationale. Ces articles, comme le site internet de l’opération, traitent essentiellement du caractère solidaire, écologique, non-spéculatif et citoyen de la résidence en devenir, en occultant volontairement et logiquement sa commune d’implantation, en profonde mutation depuis de nombreuses années (chose que je peux moi-même certifier en tant qu’ancien habitant de Vaulx-en-Velin). Les porteurs du projet ont également participé à un certain nombre de réunions à Paris, centrées sur la thématique de l’habitat participatif. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de les rencontrer durant l’une de ces réunions l’an dernier, lors de ma première expérience de stage au sein de la SCOPHEC.

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Concernant le montage de l’opération qui n’est pas sans rappeler celui des Baugruppen allemandes, il a été géré par les porteurs du projet eux-mêmes. Après avoir acquis une parcelle appartenant à la municipalité, ces derniers ont embauché un cabinet d’architectes, « Arkétype », afin de créer un type d’habitat correspondant au mieux à leurs aspirations. Le dépôt du permis de construire est espéré pour le courant 2014. Chamarel démontre donc qu’il est possible de faire du participatif réel en France ; en témoigne le nombre d’actionnaires dans la société coopérative créée pour ce projet. On ajoutera également que le fait qu’un public cible, à savoir les personnes âgées, ait été clairement identifié par les lanceurs de l’opération, participe très probablement de la réussite de la campagne de recrutement mise en œuvre par ces derniers. On soulignera toutefois que l’important travail de promotion et de communication instauré pour Chamarel illustre encore une fois la nécessité d’une implication forte de la part de porteurs pour faire connaître leur projet et attirer des investissements. C’est là une des conséquences du montage d’opération d’habitat en autopromotion : les moyens financiers des porteurs ne permettent pas nécessairement de faire appel à de grandes structures spécialisées dans le marketing pour promouvoir leur projet, ce qui les force indirectement à « mettre les mains dans le cambouis », et a utiliser tant la casquette de maître d’ouvrage que d’expert en marketing.

La presse locale, un atout promotionnel pour Chamarel …

(Source : http://www.vaulx-en-velin-journal.com)

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… de même que la presse nationale

(Source : http://www.rue89lyon.fr/)

Aussi, quels éléments pourrait-on tirer de ces analyses et réutiliser pour le projet Habionome ? A quels enjeux ou problématiques l’opération est-elle aujourd’hui confrontée ? Et quels impacts ces enjeux pourraient-ils avoir sur la stratégie marketing à adopter pour l’opération ? C’est ce qu’il s’agira de déterminer dans la suite de l’étude.

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3. Quels enjeux pour l’opération Habionome ? A la différence des Baugruppen allemandes ou du projet Chamarel de Vaulx-en-Velin, le groupe de porteurs de l’opération Habionome n’en est qu’aux prémices de sa constitution, un certain nombre de participants ayant quitté le projet en raison des nombreux retards dont il a fait l’objet. De plus, l’association créée spécialement pour Habionome, l’OPHEC, a volé en éclat très récemment, ce qui a eu pour conséquence la récupération de la plateforme ‘OPHEC’ par des membres autres que Laurent Rassak, initiateur de l’opération. Cette plateforme avait servi de vecteur d’information et de communication pour le projet Habionome, et ce durant de nombreuses années. L’ASSO-HABIONOME nouvellement créée pour le projet se doit donc de « tout reprendre à zéro », ce qui implique une charge colossale de travail. Aussi, un certain nombre d’objectifs sont à identifier pour tenter de rattraper le ‘retard’ créé par la scission de l’association qui avait pourtant fait connaître le projet Habionome. Il s’agira de :

� souligner le caractère novateur de l’opération, l’habitat participatif n’étant pas très développé en France ;

� identifier différents publics cibles, de sorte à maximiser les chances d’attirer divers « types » d’habitants, pour répondre à l’objectif de mixité sociale présenté comme central pour le projet ;

� souligner le caractère participatif d’Habionome, non sans jouer la carte de la

transparence, le financement de la construction du projet par l’important bailleur social I3F impliquant en effet la mise en place d’un concours architectural laissant relativement peu de place à l’expression de la voix habitante dans le dessin de son logement ;

� insister sur la proximité du projet avec la capitale, tout en valorisant les changements

intervenus sur le territoire de Saint-Denis, la commune étant en profonde mutation depuis quelques années (renouvellement du bâti, richesse en espaces et équipements publics …);

� mettre l’accent sur la portée écologique du projet, notamment avec la construction

en paille, élément central d’Habionome. On pourra toutefois se questionner sur le degré d’insistance sur cette thématique à intégrer à la communication propre au projet. En effet, divers acteurs se questionnent sur l’utilisation d’un tel matériau, alors que « d’autres pourraient parfaitement faire l’affaire ». Il s’agira donc de légitimer non seulement l’utilisation de la paille comme matériau économique et écologique de construction au financeur du projet, à savoir I3F, et parallèlement, d’en faire la promotion auprès des investisseurs potentiels. La question de la réduction de leur facture énergétique peut d’ailleurs être un argument de poids.

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� tirer profit des techniques modernes de communication comme les réseaux sociaux,

mais aussi la presse. Ils sont effectivement des vecteurs d’information sans nom que beaucoup de structures ont utilisés pour parvenir à leurs fins, autrement dit pour attirer des habitants, des investissements, des touristes … .

� souligner ce qui fait la spécificité du projet, que cette spécificité soit relative à son

implantation aux portes de Paris, à l’écologie, à la participation … ;

� créer un certain nombre de documents graphiques simples permettant de véhiculer une image positive et attractive de l’opération. Indirectement, il s’agira de miser sur diverses échelles, comme il en a été question dans le marketing territorial spécifique au cluster Paris-Saclay.

L’ensemble de ces problématiques a été largement pris en compte dans le cadre du stage, et témoigne encore une fois de la forte implication que nécessite la promotion d’un projet d’habitat participatif, et qui plus est en autopromotion. Des notions en matière de marketing, d’urbanisme et de géographie, qu’elle soit humaine ou spatiale, sont capitales pour mener à bien ce type de mission. Ces connaissances ont d’ailleurs considérablement nourri mes propositions faites pour la constitution de flyers de présentation du projet, flyers destinés à être distribués aux sorties de métro, marchés ou autres manifestations susceptibles de faciliter des rencontres avec des investisseurs potentiels dans le projet Habionome. On soulignera cependant le risque d’une représentation trop concrète de l’opération dans les documents de communication y étant relatifs. En effet, l’un des slogans d’Habionome est qu’il s’agit d’un projet d’autopromotion laissant la possibilité aux participants de contribuer activement à la conception de leur logement. Toutefois, même si le montage du projet financé par un gros bailleur social a clairement montré que cette liberté de conception risquerait d’être quelque peu réduite, n’y aurait-t-il pas contradiction entre le slogan soulignant la portée participative du projet, et la représentation d’une volumétrie de ce dernier, aussi peu avancée soit-elle ? C’est là une des problématiques qui subsistent quant à la stratégie de communication graphique à adopter pour Habionome.

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Esquisse de flyer promotionnel pour Habionome

(Source : Laurent RASSAK et Ibrahima TENDA)

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CONCLUSION

L’étude démontre que l’habitat participatif dispose de qualités indéniables. Il permet effectivement une expression de la voix des habitants dans la construction de leur logement, ce qui constitue le rêve de bon nombre d’entre nous. Il reste néanmoins important de souligner que le fait de « mettre les mains dans le cambouis », par le biais du stage effectué au sein de la SCOPHEC, permet tout de même de prendre un certain recul quant à ce système de production du logement. L’expérience montre en effet que le fait de monter un projet de ce type semble davantage relever du parcours du combattant que d’une manière simple de faire de l’habitat autrement. Le système français semble quelque peu réticent à soutenir ce type d’opérations, ce qui explique très probablement les difficultés que rencontrent bon nombre de porteurs de projets d’autopromotion: les garanties, qu’elles soient financières ou encore relatives à l’achèvement de leur projet sont souvent considérées comme insuffisamment solides, notamment par des banques difficilement prêteuses. Le travail de Laurent Rassak sur le projet Habionome démontre cependant qu’il est possible de surmonter ces difficultés. En effet, en favorisant l’accompagnement du projet d’un groupe de personnes par une société d’assistance à la maîtrise d’ouvrage, il a permis la concrétisation de ce dernier, ainsi qu’un gain de temps considérable pour ceux qui ne sont pas forcément initiés aux thématiques financières ou encore juridiques intimement liées au montage d’une opération participative d’habitat. On soulignera néanmoins que la collaboration avec un bailleur social pour la réalisation du projet a forcé ses porteurs à un certain nombre de concessions, ce qui met en exergue la question jeu d’acteurs dans le domaine de l’habitat participatif : est-il régi par une logique financière ? Est-ce qu’il ne participerait d’une vaste « histoire d’€ » ? Il est difficile de répondre à cette interrogation par un simple oui ou non, mais il n’en demeure pas moins que la voix des financeurs tend à y avoir davantage de poids que celle de « simples porteurs ». La loi ALUR parviendra peut-être à changer la donne. Du point de vue des missions qui m’ont été déléguées dans le cadre du stage, elles m’ont permis de me faire une opinion réelle sur le pratique de la participation dans le logement. La loi ALUR apparaît comme un moyen de démocratiser le processus en France, néanmoins, il est à relever qu’un certain nombre de connaissances, qu’elles soient d’ordre urbanistique ou même juridique, semblent nécessaires pour comprendre et mener à bien un projet d’autopromotion. Elles permettent en effet d’éliminer un temps de formation considérable mais nécessaire pour les non-initiés qui ne souhaitent pas voir le montage de leur projet s’éterniser dans le temps. C’est là un élément qui en ajoute au caractère capital du rôle de l’assistance à la maîtrise d’ouvrage dans le domaine de l’habitat participatif, dont la quantité astronomique de travail reste à souligner. Pour poursuivre, penchons-nous sur l’idée générale que l’on a de l’urbanisme. On le définit souvent comme pluridisciplinaire et je dois avouer que mon stage au sein de la SCOPHEC n’a fait que me conforter dans cette idée. Certes, j’ai eu l’impression de ne pas vraiment faire valoir mes connaissances en travaillant sur la rédaction du contrat d’étude d’amorçage d’une opération ou des statuts d’une association de porteurs de projet d’autopromotion ;

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cependant, il en a été tout autre lorsqu’il a été question de développer une stratégie de communication autour de l’opération Habionome. Ce travail a en effet nécessité la mobilisation de multiples notions (géographie, architecture ou encore marketing urbain), que j’ai fortement été amené à développer au cours de mon cursus universitaire. Pour terminer, nous nous intéresserons à la loi ALUR. Comme il l’a été vu dans le mémoire, elle a pour objectif d’encadrer l’habitat participatif de manière à faciliter le montage d’opérations de ce type. Le stage au sein de la SCOPHEC a cependant démontré l’important travail de communication et de promotion qu’impose ce genre de projets. Aussi, mettre en place un système de budgets pour les sociétés d’assistance à la maîtrise d’ouvrage de projets participatifs d’habitat ne serait-il pas envisageable ? Certes, en temps de crise, l’évocation d’une telle idée paraît utopique, toutefois, sa mise en application pourrait considérablement faciliter le travail de ces structures, ce qui pourrait encourager les porteurs de projets d’habitat participatif à y faire appel. Ainsi, les jeunes urbanistes seraient peut-être davantage susceptibles de se lancer professionnellement dans le domaine complexe mais passionnant qu’est celui de l’assistance à la maîtrise d’ouvrage de projets d’habitat participatif.

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BIBLIOGRAPHIE

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Fabrication de la ville, 204 p., dir. Véronique Biau et Guy Tapie, Editions Parenthèse, 2009. BLONDIAUX Loïc, La délibération, norme de l’action publique contemporaine ?, 11 p., C.E.R.A.S., 2001. CENTRE D’ETUDES TECHNIQUES DE LYON, Département Construction Aménagement Projet, L'habitat participatif : Une solution pour le logement abordable?, 38 p., 2013. COING Henri et TOPALOV Christian, « Crise, urgence et mémoire : où sont les vraies ruptures », dans ASCHER François, Le logement en questions, La Tour d’Aigues, Editions de l’Aube, pp. 261-270, 1995. DREYFUS Thomas, « Baugruppen : habitat groupé, autopromotion », Le colibri solidaire et

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mondial, Géographie, économie, société, 2006/2 (Vol. 8), 120 pages Sites WEB http://www.cooperativechamarel.wordpress.com/ http://www.fr.wikipedia.org (Article portant sur la loi ALUR) http://www.habionome.com http://www.habitatparticipatif.net/la-nouvelle-loi-alur http://www.legifrance.gouv.fr http://www.loi-alur.fr/habitat-participatif http://www.lyon-confluence.fr http://www.scophec.com http://www.territoires.gouv.fr/la-loi-alur http://vosdroits.service-public.fr

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Travaux d’étudiants :

Renseignements à indiquer sur les documents

pour les bibliothèques de géographie et/ou aménagement-urbanisme

• Etudiant :

Université Paris Ouest Nanterre La Défense

Nom, Prénom : TENDA Segbenu-Ibrahima

Type de document : Rapport de stage

Annexe (s) : non

Intitulé du diplôme, parcours : Urbanisme, aménagement et durabilité des territoires

Niveau d’études : M2

Année universitaire : 2013-2014

Lieu de stage : SCOPHEC – 6, avenue Henri Rol Tanguy / 93210 La Plaine Saint-Denis

Délai de communication au public : non

Mots-clés : Habitat participatif – Loi ALUR - Autopromotion

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Travaux d’étudiants :

Renseignements à fournir pour les bibliothèques de géographie et/ou aménagement-urbanisme

• Enseignant

Mots en page liminaire justifiant la conservation en bibliothèque : Conservation pour …

Bonne ou très bonne note (avec la note indiquée ou non)

Mais aussi, parfois :

Thématique particulière, rareté du sujet, qualité rédactionnelle…

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