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UNIVERSITÉ PARIS II - UFR DROIT ET SCIENCE POLITIQUE MASTER 2 RECHERCHE ETUDES POLITIQUES Le parti Anti-sioniste : de la nébuleuse idéologique au parti politique incrusté dans les tensions communautaires. Mémoire présenté par Germain ISERN Sous la direction de Monsieur le Professeur Fabrice d’ALMEIDA

Mémoire M2

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UNIVERSITÉ PARIS II - UFR DROIT ET SCIENCE POLITIQUE

MASTER 2 RECHERCHE

ETUDES POLITIQUES

Le parti Anti-sioniste : de la nébuleuse idéologique au parti politique incrusté

dans les tensions communautaires.

Mémoire présenté par Germain ISERN

Sous la direction de Monsieur le Professeur Fabrice d’ALMEIDA

30 JUIN 2010

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Avertissement

Le contenu de ce mémoire n'engage que son auteur. Les thèses soutenues

dans ce document n'ont reçu aucune approbation ou improbation de la part de

l'université Panthéon-Assas Paris II, de l'Institut Français de Presse ou du

directeur de mémoire.

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Remerciements

Je tiens à remercier en premier lieu mon directeur de mémoire, M. Fabrice

d’Almeida, pour tous ses conseils, ses suggestions innombrables et toujours stimulantes,

ainsi que pour toutes ses critiques qui ont participées à l'enrichissement de ce travail.

Je remercie également les professeurs qui ont participé à ce projet, tant sur le

plan intellectuel que méthodologique, en particulier M. Diamanti pour son aide

précieuse sur la question du populisme, M. Lambert pour avoir aiguisé ma curiosité

envers sa sémiotique de la croyance, M. Millet pour son influence holiste et

constructiviste et M. Chevallier pour tous ses conseils méthodologiques.

Je tiens enfin à remercier toutes les personnes qui ont influencé ce travail : les

amis à la base de ce projet, Yannick, Hannah, François et Marion, et les personnes qui

m'ont permis d'ouvrir de nouvelles pistes de réflexion.

Ces remerciements sont bien plus qu'une obligation méthodologique. Ils sont la

preuve qu'un mémoire est aussi un travail collectif, issu d'une réflexion à plusieurs

niveaux et de nombreuses discussions.

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Liste des abréviations

CRIF : Conseil Représentatif des Institutions juives de France

CSA : Conseil Supérieur de l'Audiovisuel

FNJ : Front National de la jeunesse

GUD : Groupe Union Défense

IPA : Institute for Propaganda Analysis

Licra : Ligue contre le racisme et l'antisémitisme

PAS : Parti Anti-Sioniste

UEJF : Union des Étudiants Juifs de France

OPNI : Objets Politiques Non Identifiés

OLP : Organisation de Libération de la Palestine

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Sommaire

INTRODUCTION GÉNÉRALE

PARTIE 1. La transhumance socio-structurelle du PAS

Chapitre 1 : Des origines idéologiques extrêmes et globalisées.

Section 1 : La nébuleuse anti-sioniste française.Section 2 : La filiation avec un certain antisionisme international.

Chapitre 2 : La rupture des élections européennes de 2009

Section 1 : Bataille judiciaire et bataille médiatique : le Déclic Dieudonné.Section 2 : La création de la liste anti-sioniste : des personnalités et des ressources hétérogènes

Chapitre 3 : Une sociologie complexe.

Section 1 : Un fonctionnalisme anti-système stratégique.Section 2 : Le refus du déterminisme social : l’électorat de banlieue.

PARTIE 2 : L’antisionisme radical : une stratégie médiatique fondée sur un programme- récit extrême.

Chapitre 1 : Mécanismes de propagande et théorie du complot.

Section 1 : La fabrique d’objets de croyance antisioniste.Section 2 : La propagande du PAS.

Chapitre 2 : Une nouvelle forme de stratégie politique.

Section 1 : Un néopopulisme renouvelé.Section 2 : L’utilisation scabreuse de l’humour en politique.

CONCLUSION

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

Présentation du sujet et hypothèse de départ

Le 1er décembre 2003, sur France 3, dans l'émission On ne peut pas plaire à tout

le monde, présentée par Marc-Olivier Fogiel, un scandale prend forme lors d'un sketch

d'un humoriste français. Il s'agit de Dieudonné, qui monte sur scène déguisé en colon

sioniste (treillis militaire, cagoule, chapeau orthodoxe juif et fausses papillotes), et qui

enchaîne provocations cyniques et dénonciation des extrémistes israéliens, finissant son

apparition avec un salut nazi et en criant, tel un instructeur militaire, ce tristement

célèbre : « Isra-heil ! »1. Personne alors ne fait mine d'être choqué, même si l'on sent

que l’animateur de l'émission est un peu gêné par la prestation. Les jours qui suivent

voient la consternation et la protestation quasi unanimes de tous les médias, du monde

politique et associatif2, jugeant le dérapage de l'humoriste comme antisémite et insultant

toute la communauté juive. Très vite interdit de salle par les maires de plusieurs

communes, Dieudonné pense voir derrière ces interdictions les pressions exercées par le

« lobby sioniste » en France et décide de s'engager politiquement contre « cette force

obscure ». C'est alors qu'il décide de créer le parti Anti-sioniste en mai 2009, à

l'occasion des élections européennes.

La création de ce nouveau parti nous a semblé alors intéressante car, au-delà des

polémiques et des scandales qu'il a engagés, il nous a paru tel un « opni »3, non pas au

sens strict de Martin, mais comme phénomène politique inhabituel, comme nouvelle

porte d'entrée dans le politique, ambivalente et contradictoire, ciblée et hétéroclite à la

fois, scandaleuse mais discrète. S'attacher à l'analyse du PAS s’est très vite avérée

malaisée, par manque d'informations, de renseignements, et de contacts, elle n'en fut pas

moins passionnante, conduisant à une analyse globale d'un petit parti à travers le prisme 1 Mot d'esprit hasardeux et dont la véracité est controversée puisque certains affirment que l'humoriste a simplement dit « Israël ! » et n'a jamais associé ce pays à un quelconque concept nazi. Il est en effet difficile de trancher puisque l'animateur de France 3 parle en même temps et qu'on ne peut donc pas entendre parfaitement les mots de l'humoriste.2 Le CSA censure le sketch, le président de France télévision, Marc Tessier, et l’animateur de l'émission, Marc-Olivier Fogiel, présente publiquement des excuses. Les condamnations des hommes politiques pleuvent, ainsi que celle de nombreuses associations comme la Licra, le CRIF, ou l’UEJF.3 MARTIN Denis-Constant, Sur la piste des OPNI (Objets Politiques Non Identifiés), éd. Karthala, 2002.

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de plusieurs sphères de réflexion. Il ne s'agit pas ici de faire le procès de l'humoriste, de

savoir si oui ou non il est antisémite ainsi que la liste qu’il conduit, ou au contraire s'il

existe bien un lobby sioniste qui a fait pression.

Notre travail qui se veut scientifique a pour but d'analyser une structure

particulière, dans le but d'en déceler les principaux enjeux qui lui sont attachés. Ce sont

tous ces enjeux qui gravitent autour du PAS et qui sont notre ligne de mire, notre

objectif. Y parvenir n'est pas tâche facile. Plusieurs difficultés se sont présentées à nous,

principalement due à la jeunesse du mouvement concerné, au peu d'ouvrage concernant

la question, à l'émotion que suscite la question de l'antisémitisme et aux « débats de

sentiment ». D'autres problèmes, plus théoriques, ont élevé le niveau de difficulté,

comme par exemple les multiples définitions et les nombreux débats dans le monde de

la recherche autour de notions telles que « l'extrême droite », les « lobbys », ou encore

le « populisme ». Il est donc malaisé - et certains diront impossible car trop proche de

nous historiquement, de reconnaître la place du PAS dans la sphère politique française.

Pourtant, nous ne reculons pas devant la difficulté et posons dès le départ

comme hypothèse que nous sommes en présence d'un parti politique qui a su agréger

différentes mouvances antisionistes jusqu'alors très discrètes, profitant des élections

européennes pour envahir la scène électorale et mieux faire connaître cette idéologie.

Nous avons doublé cette hypothèse structurelle par une hypothèse sociétale en posant

l'idée que la construction d'un tel parti participe si ce n'est à l'augmentation des tensions

intercommunautaires, tout du moins à leur diffusion et leur préservation.

État des connaissances, méthodologie et structure.

La problématique principale étant découverte, il est facile de l'inscrire dans un

cercle méthodologique nous aidant à la confronter à la réalité. Cette méthodologie

consistera à utiliser une analyse organisationnelle du PAS dans un premier temps, puis

de nous pencher sur une analyse du discours et de la stratégie médiatique. Ces deux

points d'entrée successifs dans l'analyse du parti politique nous conduiront ainsi à mieux

comprendre sa position dans le système institutionnel français.

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Ce projet de mémoire se veut scientifique, c'est-à-dire qu'il vise modestement,

mais sûrement, à apporter une pierre à l'édifice des sciences politiques. Marie-Claude

Bartholy disait de la science qu'elle était « une connaissance discursive, établissant des

rapports nécessaires entre les objets d’un langage, entre les phénomènes physiques et

entre les faits humains ».4 Tout apport scientifique doit se placer dans cette posture

discursive. La vérifiabilité  est donc une composante essentielle de la science ; ce qu’on

ne peut pas vérifier empiriquement n’est pas scientifique. Karl Popper parle ainsi de 

« vulnérabilité empirique », de « falsifiabilité de la science »5 ; une proposition n’est

alors science que si on peut démontrer sa réfutabilité ou sa possible amélioration. Le

chercheur s’inscrit donc dans un « cycle scientifique » pour ne s’attacher qu’aux

problèmes non résolus. Et pour combler ces vides, il faut commencer par se poser les

bonnes questions de départ et voir quels sont les vides laissés par la science à propos du

sujet à traiter. Nous suivrons donc la pensée du philosophe des sciences en estimant à sa

suite que la recherche est impossible en faisant table rase du passé. Au contraire il faut

connaître ce passé et s’en imprégner pour en extraire un problème à résoudre. Dans

cette optique, l'état des connaissances en rapport à notre sujet suivait, comme nous le

pressentions déjà en élaborant notre méthodologie une double direction. La première

concernait la longue tradition de l'étude des partis politiques et de leur sociologie. La

deuxième, plus jeune, plus éparse et plus controversée, s'attachait à la question du

discours et à la stratégie politique de l'antisionisme. Cet « état des lieux » nous pousse à

redéfinir quelques notions et à les replacer dans le contexte qui nous intéresse.

En ce qui concerne l'étude du PAS comme structure politique nous ne pouvions

ignorer les enseignements judicieux d'Ostrogorski lorsque celui-ci plaidait un siècle plus

tôt déjà pour une refondation des partis, pour substituer à l'inefficacité des parties

« omnibus » une rationalité pragmatique de partis « ad hoc », s'intéressant à un « single

issue », c'est-à-dire à une question précise, beaucoup plus « mobilisante » pour le

citoyen. Il entrevoyait déjà le scepticisme démocratique qui nous envahit aujourd'hui

4 BARTHOLY Marie-Claude, ACOT Pascal, Philisophie - épistémologie, précis de vocabulaire, Magnard, 1975. Propos retranscrits par PAOLETTI Marion, cours sur les techniques d'enquête, M1 science politique, Université Montesquieu - Bordeaux IV.5 POPPER Karl, La Logique de la découverte scientifique, Payot, 1978.

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avec l'apparition de « partis attrape-tout »6 (catch-all party), voire de « partis- cartels »7,

affiliés au pouvoir politique. Si cette proposition de partis « ad hoc », présentée telle

quelle, peut paraître farfelue et utopique, l'idée sous-jacente de « parti-groupe de

pression », menant bataille contre une offre électorale éclatée et qui voit de plus en plus

leurs différences programmatiques diminuées, a été un des vecteurs déterminants de nos

recherches. Il nous semble alors que les quatre critères classiques de définition des

partis politiques tels que les ont exposés La Palombara et Weiner8 sont aujourd'hui trop

restrictifs pour décrire un parti politique tel que le PAS et doivent être dépassés pour

mieux insister sur « le caractère associatif et relationnel d'un parti politique, composé

d'individus et de sous-groupes qui doivent articuler ensemble leur volonté »9. Grâce à

cette définition plus large des partis politiques, nous nous extirpons des carcans exigus

de la théorie classique des partis, ne voyant dans le PAS qu'un simple « rassemblement

partiel et partial, en concurrence effective ou potentielle avec d'autres

rassemblements »10. Cette liberté nous a permis de nous consacrer à ce qui fait

l'originalité du parti antisioniste, ce qu'il appelle la « nouvelle ligne de fracture » et qui

nous amènera à considérer avec intérêt la théorie de Stein Rokkan selon laquelle

l'existence des partis est étroitement liée aux différents conflits centraux dans une

société11. Nous verrons ainsi comment les leaders du PAS interprètent cette idée, en

faisant de l'axe sioniste/antisioniste, à la suite des axes Eglise/Etat, centre/périphérie,

urbain/rural, possédants/travailleurs, occidentaux/orientaux, le nouveau conflit central

de la société française. Dans un monde de plus en plus complexe, où les institutions

politiques, tels que les partis, semblent entrer dans une crise par rapport à la société

civile, il nous semble important de voir comment se situe le PAS et quels sont les

enjeux qu'il croit attacher à cette posture. Comment celui-ci essaye de renouer avec une

tradition partisane classique, montrant un fonctionnalisme certain et bien en vue pour

chaque citoyen. Le PAS, parti atypique, classé par le ministère de l'intérieur à l'extrême

droite, proche dans le discours des communautés noire et arabe, nous devions nous

6 KIRCHHEIMER Otto, « The Transformation of the Western European Party Systems », in Joseph LA PALOMBRA Joseph et WEINER Myron (sous la direction de), Political Parties and political development, Princeton (N. J.), Princeton UniversityPress, 1966, p. 177-200.7 KATZ Richard S. et MAIR Peter, « Changing Models of Party Organization and Party Democracy : the Emergence of the Cartel Party », Party Politics, 1 (1), 1995, p. 5-28.8 Une organisation durable, complète, avec pour objectif la conquête du pouvoir, reposant sur un soutien populaire, PALOMBRA Joseph et WEINER Myron, Ibid.9 BRECHON Pierre, Les partis politiques, Montchrestien, Clefs/politique, 2001, p.19. 10 GRAWITZ Madeleine et LECA Jean (dir), Traité de Science politique, PUF, 1985, p.443.11 LIPSET Seymour M., ROKKAN Stein, Party Systems and Voter alignements, Free Press, 1967.

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pencher sur sa sociologie électorale et sur les enjeux qu'elle implique. Appréhender

cette problématique n'est pas une mince affaire. Nous avons essayé de replacer nos

travaux dans la lignée de ceux, devenus classiques, de Nona Mayer sur « les

comportements politiques » et « les modèles explicatifs du vote »12. Nous avons essayé

de les enrichir d'études plus hétéroclites sur l'impact des médias et de la violence sur le

vote en banlieue, en gardant toujours un œil sur notre problématique des tensions

communautaires.

En ce qui concerne l'état des connaissances sur la stratégie politico-médiatique

antisioniste, il nous paraît évident que la controverse principale qui le lie à de

l'antisémitisme reste aujourd'hui encore très vivace, et ne semble pas s'évanouir grâce

aux apports des différents auteurs qui s'y sont attachés. Pour ne pas rester dans

l'émotivité, nous avons décidé de suivre tout d'abord un chemin relativement balisé,

celui de la manipulation à travers la propagande, devenu aujourd'hui une véritable

technique de communication politique. Basé sur quelques ouvrages de référence,

fondateurs d'une théorie plurielle sur la propagande (Ellul, Miller, Domenach,

Chomsky, d’Almeida ou encore Gervereau13) et sur son effet sur le citoyen dans les

démocraties, nous essaierons d'ouvrir ce champ de réflexion dans la continuité des

travaux de Frédéric Lambert dont les précieux enseignements nous ont amené à

réfléchir « autrement » sur la fabrication de ces messages et sur la manière d'y adhérer.

Cette problématique nouvelle, judicieusement appelée « sémiotique de la croyance »14,

nous semble intelligente et appropriée dans l'analyse du PAS. Elle nous permet aussi,

nous l'espérons, de prouver que la recherche en sciences sociales n'est pas seulement

qu'un « fait de labo » et de professeurs émérites, mais qu'elle peut s'enrichir aussi d'une

émulsion entre les étudiants et leurs professeurs. Si peut conventionnelle qu'elle soit,

cette démarche nous semble primordiale et nous la renouvelons à plusieurs reprises dans

cet écrit, en incorporant des thèses et des problématiques issues de nos dernières années

d'études. Par cette posture, nous ne disons pas autre chose que M. Lambert lorsqu'il

12 MAYER Nonna et PERRINEAU Pascal, Les comportements politiques, Armand Colin, Cursus, 1992. MAYER Nonna (ss la direction de), Les modèles explicatifs du vote, L’Harmattan, 1997.13 Voir notre bibliographie sélective en fin de mémoire, Image et Propagande – Complotisme et mythe.14 LAMBERT Frédéric, «Images, langages et médias : essai pour une sémiotique de la croyance», in Médias, information et communication (ss la direction de LETEINTURIER Christine et CHAMPION Rémy).

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affirme que « tout enseignement, s'il est partagé, si l'étudiant se l'approprie, profite à la

recherche et à son écriture »15.

Toujours de façon relativement classique, nous essayons de replacer la stratégie

médiatique du parti antisioniste dans une théorie qui peut paraître aujourd'hui une

coquille vide aux vues des nombreuses applications qu'on lui prête et à sa polysémie

fourre-tout, mais qui reprend à notre sens toute sa légitimité depuis quelques années

sous la plume de directeur de travaux tels que Taguieff16 et Souchard17 : le populisme.

Nous nous inscrivons encore une fois dans la lignée d'un de nos séminaires sur les

régimes politiques comparés, conduit par Ilvo Diamanti18, et qui nous a encouragé à

déceler de façon « holiste », c'est-à-dire de façon déductive et inductive, un certain

« retour du populisme » en Europe occidentale. Basées sur de nombreux travaux de

chercheurs, nos propres réflexions nous amèneront dans de nouveaux territoires de

réflexion, liant cette problématique - de ce que nous appelons désormais

« néopopulisme », avec le comportement et le discours antisioniste du PAS.

Beaucoup plus épineuse, la controverse directe entre antisionisme et

antisémitisme nous a frappé de plein fouet dès le début de nos recherches. La grande

question qui nous était posée était de savoir s'il y avait un lien entre l'antisémitisme

classique, issu de la fin du XIXe siècle jusqu'à la fin de la deuxième guerre mondiale, et

l'antisionisme contemporain, mais surtout si celui-ci ne cachait pas un renouveau

judéophobe depuis les années 70 et la prééminence du conflit israélo-palestinien sur la

scène politico-médiatique. Ces questions trouvaient quelques réponses classifiées et

différenciées dans des typologies dès les années 9019 : antisionisme de gauche,

antisionisme arabe et tiers-mondiste ou antisionisme occidental, des catégories que nous

réemployons dans notre développement pour éclairer notamment les origines

idéologiques du PAS. Malheureusement, cette clarification n'a pu empêcher la

15 Idem, p. 262.16 TAGUIEFF Pierre-André, Le retour du populisme, un défi pour les démocraties européennes, Encyclopaedia Universalis, 2007.17 SOUCHARD Maryse (et al.), Le populisme aujourd’hui, Vallet : m-éditer, 2007.18 ILVO Diamanti, cours « Régimes politiques comparés», Master 2 Études Politiques, université Panthéon-Assas Paris II, 2010.19 WISTRICH Robert (éditeur), ouvrage collectif, Anti-Zionism and Antisemitism in the Contemporary World, New York, New York University Press, 1990.

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controverse de grossir. La cause principale en est peut-être les désaccords à la base de la

réflexion.

Certains auteurs, tels que Maxime Rodinson20, insisteront par exemple sur « le

problème juif » comme problème politique et culturel. Pour lui, en tant que marxiste

originel, le sionisme est né d'un sentiment impérialiste et colonialiste, suggérant

l'implantation d'un « état parfait » en Palestine : le sionisme n'est autre qu'une politique

de puissance menée par un groupe qui a réussi à s'imposer aux institutions

internationales. Il rappelle, à l'appui de faits historiques, que les différentes

communautés juives composant la diaspora dans le monde entier n'ont jamais établi de

culture commune, ni politique, ni religieuse, ni territoriale, ni linguistique nécessaire à

la légitimation d'une ethnie en tant que telle. Il n'existerait aucun « substratum

permanent » pour soutenir la construction d'un Etat israélien. Pour d'autres en revanche,

le sionisme est directement dépendant du judaïsme et de la terre d'Israël. Après le

malheur enduré par les juifs, « le sionisme redonne la parole à des opprimés en tant

qu’opprimés »21. Ainsi, pour le sionisme, les juifs constitueraient « une entité distincte

qui ne possède pas seulement des attributs religieux mais nationaux »22. Des auteurs

comme l’historien français Georges Bensoussan, plutôt critique face au nationalisme

banal du sionisme, rappelle quand même aux chercheurs avides de connaissance sur la

question que « sans le substrat religieux, le fait national juif demeure abstraitement

vide »23. D'autres vont plus loin dans la fusion entre sionisme et judaïsme, imposant

ainsi la thèse selon laquelle tout antisioniste est antisémite puisque « le judaïsme a

toujours comporté trois composantes : Dieu, la Torah et Israël, transcrites en gros en

tant que foi, pratique et peuple. Et ce Peuple juif a été conçu comme celui vivant dans le

pays juif appelé Israël. On peut prétendre que l’Etat moderne d’Israël a été fondé aux

dépens des Arabes vivant dans la zone géographique connue sous le nom de Palestine

(il n’y a jamais eu de pays ou de nation appelée Palestine) ; mais cela ne permet en

aucune manière de rejeter le fait indiscutable que le sionisme fait partie intégrale du

judaïsme »24.

20 RODINSON Maxime, Peuple juif ou problème juif ?, (1980) , La Découverte, 1997.21 BENSOUSSAN Georges, « De quoi le sionisme est-il le nom ? Le sionisme, une décolonisation du sujet », Controverses, n° 11, mai 2009, p.4.22 BENSOUSSAN Georges, Une histoire intellectuelle et politique du Sionisme, (1860-1940), Fayard, 2002, p. 277.23 Idem, p. 867.24 PRAGER Dennis, « Séparer antisionisme et antisémitisme ? », www.desinfos.com, mardi 30 mai 2006.

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Cette « guerre idéologico-politique » a été renforcée par le débat religieux et

théologique autour de l'attachement du peuple juif à la Terre promise. Certains auteurs

affirment que le retour des populations juives était nécessaire sur le sol palestinien, tout

simplement par continuité religieuse et par « droit au retour » des peuples opprimés sur

leur terre d'origine. D'autres, au contraire, estime que ce projet de retour n'est que

politique et contraire au judaïsme. Il suffit de se pencher sur le livre de Shlomo Sand,

sur la création du peuple juif, pour avoir un bref aperçu de toutes ces contestations

émanant de la diaspora juive et du monde rabbinique25. Certains membres de la

communauté juive expriment en effet leur désaccord face à ce qu'ils considèrent comme

un acte violent (la création d'un État israélien sur des terres arabes) et inutile, voire

contre-productif pour toute la communauté, encourageant la montée de la haine et

répondant à un besoin qui n'en est pas un puisque la diaspora juive a toujours selon eux

très bien fonctionné. Cet argument a son penchant religieux radical, avec certains

cercles juifs qui considèrent que seul le Messie, grâce à la main de Dieu, pourra fonder

un Etat juif en paix avec le monde (exemple des juifs orthodoxes de Neturei Karta).

Cette querelle d’intellectuels et de religieux, bien qu'ayant peut-être alimenté les

fantasmes de certains membres au sein du PAS et poussé à quelques alliances de

circonstance, nous a semblé très vite sans issue et relativement éloignée du message

politique du parti. En effet, il nous semble que la critique du sionisme par le PAS si elle

entre dans cette controverse sur l'antisémitisme, le fait de manière plus subtile, plus

insidieuse. Elle pose comme axiome de base (ignorant ainsi certainement les arguments

précédents) une différenciation totale entre le sionisme et le judaïsme. Ce qui motive

leur dénonciation du sionisme c'est le projet politique qu’ils croient déceler derrière

certains groupements et certaines décisions politiques. Ainsi, nous sommes loin du

débat sur la judaïcité et ses liens avec le sionisme. Les auteurs cités précédemment se

battaient pour la plupart à l'époque contre l'émergence du négationnisme et contre la

modification d'une mémoire collective. Le PAS se situe lui dans la « manipulation » de

cette mémoire, de ce que Norman Finkelstein appelle « l'industrie de l'holocauste »26.

Nous espérons ainsi voir comment cette théorie a été renouvelée par ces antisionistes à

travers leurs discours et quels sont ses liens, avérés ou non, avec un possible

antisémitisme.25 SAND Shlomo, Comment le peuple Juif fut inventé, Fayard, 2008.26 FINKELSTEIN Norman D., L'industrie de l'Holocauste : réflexions sur l'exploitation de la souffrance des juifs, La Fabrique, 2001.

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Enfin, comme une cerise sur le gâteau, nous ne pouvions passer à côté d'une

composante essentielle de la stratégie du PAS, à l'origine de sa formation et portée par

son leader charismatique Dieudonné : l'humour. Si nous adhérons à la thèse d'une

période de crise dans nos sociétés (crise démocratique, crise économique, et plus

largement malaise social…), ce que nous ne manquons pas de faire, nous ne trouvons

pas curieux, bien au contraire, que la position du parti antisioniste, dénonciatrice et

radicale, s'accompagne d'un populisme humoristique. Sorte d' « impératif social

généralisé »27 pour essayer de rendre plus heureux le message délivré, le rire et le

politique sont ainsi amalgamés dans le programme de communication du parti. Dans cet

« ère de dérision universelle »28, le comique est devenu omniprésent, dans les médias,

dans l'opinion publique, sur la scène politique. Cette dernière s'est toujours révélée

frileuse à l'utilisation de l'humour en son sein (nous pensons par exemple avec émotion

à la candidature de Coluche lors des élections présidentielles de 1981). Pourtant, la

tentation ne date pas d'hier : « il faut à la fois rire et philosopher ! » proclamait

Montaigne à la suite de Démocrite. Un précepte aujourd'hui entré dans les mœurs

sociales et qui demandait un réexamen approfondi quant à la position de ce « rire » dans

le cadre de la campagne contre l'antisionisme. Des auteurs classiques tels que Bergson

ou Freud seront à la base de notre réflexion pour essayer de dégager les enjeux

personnels, sociaux et politiques qui découlent de cet humour antisioniste. À la fois

ludique et intelligent, nous espérons que ce paragraphe viendra compléter notre

réflexion sur la fonction latente d'exacerbation des tensions entre communautés.

Ne laissons pas plus longtemps la curiosité intellectuelle envahir le fond de notre

travail. Comme nous y précipite notre méthodologie, notre problématique, ainsi que le

bref état des lieux des connaissances que nous venons de faire, le plan de ce mémoire

s'articulera naturellement autour de deux parties.

Nous commençons ainsi notre exposé par une première partie faisant l'analyse de

la transformation structurelle opérée par le PAS et de son implication dans le système

électoral français.

Puis dans une deuxième partie, nous essaierons de comprendre la stratégie

médiatique mise en place à travers un programme-récit antisioniste et radical.

27 LIPOVETSKY Gilles, L'ère du vide : essai sur l'individualisme contemporain, Gallimard, 1989.28 MINOIS Georges, Histoire du rire et de la dérision, Fayard, 2000.

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PARTIE 1. La transhumance socio-structurelle du PAS

L'étude des partis politiques en sciences politiques est devenue traditionnelle,

indispensable à la compréhension de nos institutions. Elle a été portée par de grands

noms, qui ont essayé de dégager toutes les composantes de ces structures principales

dans notre paysage politique. Pour envisager la construction d'un parti, il nous est paru

indispensable de commencer par ce qui lui préexiste, c'est-à-dire l'idéologie et les

structures qui lui ont donné vie (Chapitre 1). Comme notre objet d'étude semble tout

neuf et s'est construit très rapidement, nous avons voulu rendre compte de ce temps

charnière qui l’a fait basculer dans l'arène électorale, de ce laps de temps très court où

tout se joue, où les hommes se lancent, avec leurs mobiles et leurs objectifs (chapitre 2).

Enfin, nous devions finir en analysant l'aboutissement de tout ce travail, en essayant de

comprendre en profondeur le parti et dégager les principaux enjeux in fine qui lui sont

attachés (chapitre 3).

Chapitre 1 : Des origines idéologiques extrêmes et globalisés.

Comme nous l'avons rappelé en introduction, il est très difficile de dégager une

base bibliographique sur laquelle nous nous appuierions pour comprendre les

mécanismes du PAS. Nous avons donc confronté les données idéologiques dégagées

empiriquement avec quelques cadres théoriques. Pour entamer ce travail de recherche,

en ce qui concerne la construction du parti, sa base intellectuelle, nous avons choisi

deux directions principales. La première, beaucoup plus concrète dans son influence sur

le PAS, est celle de la nébuleuse d'idées antisioniste française (Section 1). La deuxième,

beaucoup plus théorique en France, se rapporte à la filiation au mouvement antisioniste

international (Section 2).

Section 1 : La nébuleuse anti-sioniste française.

Nous avons décidé dans cette section de différencier l'idéologie antisioniste

selon un axe qui nous semble le plus clair possible, sans pour autant effacer les liens qui

peuvent exister entre les deux. Cette distinction n'est pas canonique mais nous a paru

être la plus révélatrice, non pas de tout l'antisionisme français, mais de la base du

discours et de la construction du PAS. Il s'agit tout d'abord de comprendre la

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convergence de plusieurs extrémismes dans la sphère politique, vieux relents

conservateurs d'un antisémitisme primaire (A), mais aussi de s'interroger sur une

nouvelle forme d'antisionisme, apparue dans les années 2000, prenant appui sur une

certaine pensée de l'islamisme radical et sur la cause palestinienne (B).

§ 1 : L’antisionisme politico-extrémiste.

Contrairement à ce qu'a pu dégager Taguieff dans nombre de ses ouvrages, il ne

nous semble pas que la France soit dans « une phase d'augmentation ou de réactivation

conjoncturelle d'un vieil antisémitisme »29. Toutefois, sans tomber dans l'alarmisme d'un

retour certain des détracteurs absolus du peuple juif, il est évident qu'une certaine

influence de la droite conservatrice, de l'extrême droite nationaliste et xénophobe, et

aussi du communisme marxiste, soit à la base d'un discours renouvelé en Europe de

l'Ouest. Ce discours extrémiste renouvelé a donné lieu à de nombreuses appellations

théoriques essayant de « concurrencer l'ancienne appellation d’extrême droite »30. Mais

plutôt que de se confronter à tous ces nouveaux modèles théoriques (droite nationaliste,

nouvelle droite, droite radicale, droite nationale populiste etc.), nous avons voulu

privilégier le recoupement de ces analyses dans le cas du PAS.

Nous parlons ainsi d' « extrémismes » au pluriel, puisque cette résurgence des

vieux discours d'extrême droit et d'extrême gauche sont présents tout à la fois dans le

même discours et ne permettent pas, il nous semble, de coller une étiquette convenable à

ce genre de mouvement. Nous allons donc essayer de voir où se situe le PAS dans cette

convergence des idées extrémistes, de droite comme de gauche.

Le chef de file de cette idéologie au sein du PAS et bien entendu le célèbre

polémiste Alain Soral, d'abord communiste convaincu, puis ancien membre du Front

National, il est le principal animateur de cette mouvance au sein du parti, substituant

avec malice et beaucoup d'intelligence la cause palestinienne à la cause prolétarienne

qu'il défend depuis toujours. Mais ce qui nous intéresse dans cette section, c’est son

29 TAGUIEFF Pierre-André, op. cit., 2004, p.82.30 PERRINEAU Pascal, « L'extrême droite en Europe : des crispations face à la `'société ouverte''», in PERRINEAU Pascal (ed.), Les croisés de la société fermée. L'Europe des extrêmes droites, Editions de l'Aube, La Tour d'Aigues, 2001, p. 5-10.

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discours « nationaliste-marxiste », xénophobe par nécessité puisqu'il dénonce sans arrêt

une influence néfaste d'une population étrangère sur la France. En effet, pour lui, le PAS

« est une fois de plus à l'avant-garde » du combat politique :

« Nous nous battons contre cette « espèce d'union sacrée que

l'on pourrait appeler ‘’libéral atlanto-sioniste’’ qui crève les yeux et

qu'on a déguisé de façon malhonnête comme une ouverture à gauche

(...). Une union sacrée qui a pris totalement le pouvoir en France, qui

est en train de détruire le Quai d'Orsay, l'armée française (…). En

fait, la France est entièrement aux mains des sionistes aujourd'hui. »31

On retrouve ici une rhétorique simpliste issue de ses années au Front National,

de ce « combat pour la France »32 : dans une tradition dialectique nationaliste, c'est-à-

dire contre le « mondialisme » ou encore le « cosmopolitisme ». Le PAS revendique le

respect des frontières, qu'elles soient physiques ou idéologiques, puisque la

mondialisation serait au service des grandes puissances occidentales et détruirait

l'identité de chacun en la « noyant dans un grand marché inégalitaire »33. En mettant

l'accent sur la mainmise des « sionistes » sur toutes les composantes de l'État, jusqu'à la

plus régalienne, la plus sacro-sainte, c'est-à-dire les forces armées, Alain Soral ajoute à

son discours une dimension encore plus conservatrice et surtout sécuritaire.

Si tous au sein du parti ne sont pas xénophobes, il y a une tendance lourde à

rejeter l'immigration en bloc puisque c'est elle qui est à l'origine de la

communautarisation, des tensions, de l'exclusion, et surtout de la manipulation et

l'exploitation du « petit Français moyen, tourneur-fraiseur »34 par les grands patrons,

eux-mêmes soudoyés par le lobby sioniste.

Outre cette idée, on retrouve dans le discours du PAS cette vieille rengaine d'un

monde manichéen, où lui-même représente le bien, contre l'ennemi sioniste, le mal.

Lorsque l'on se place dans cette perspective, aucun débat n'est possible, seule la

violence à sa place pour résoudre le problème que connaît le pays. On est donc bien en

31 Interview par le centre Zara d’Alain Soral, 9 août 2009.32 Conférence de presse pour les élections européennes, loc. cit.33 Idem.34 Interview par Thierry Ardisson d’Alain Soral, 9 août 2009

Page 19: Mémoire M2

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présence d'un modèle violent où la fin justifie les moyens, et où les leaders de ce parti

peuvent se permettre de pratiquer ce que David Martin-Castelnau appelle le

« haineusement correcte »35 contre les pilleurs de nation, contre l'hégémonie extérieure,

contre l'impérialisme, etc. Les termes employés pour parler dans la sphère politique sont

des termes de « lutte », de « combat », d' « objectif final », d' « éradication », etc.

Plus concrètement, on retrouve dans la rhétorique du PAS de vieux slogans

d'organisations politiques comme le FNJ (que connaît bien Alain Soral pour y avoir

participé en tant que conseiller en communication), ou encore le GUD, premier

mouvement à avoir fait l'amalgame entre Israël et États-Unis comme comploteurs contre

l'humanité, tout en intégrant une dimension anti-système : « ni gauche, ni droite,

antisioniste !». D'autres groupes viennent alimenter cette nébuleuse d'extrême droite

florissante notamment grâce à l'essor d'Internet. On peut penser à la toute jeune

organisation Renouveau Français, qui dit pratiquer un « nationalisme d'inspiration

contre-révolutionnaire et catholique, visant à défendre les intérêts de la France et des

Français dans tous les domaines »36 ou encore à Égalité & Réconciliation, menée par

Alain Soral, résumant assez bien la synthèse ou la convergence des deux extrémismes

dont se revendique l'écrivain avec la page d'accueil de son site Internet, où sont

regroupés pêle-mêle comme icône Che Guevara, Fidel Castro, Hugo Chavez, Charles

De Gaulle, Mahmoud Ahmadinejad, etc. et avec pour slogan : « gauche du travail et

droite des valeurs : pour une réconciliation nationale »37.

C'est ainsi que l'on peut voir que toute cette « nébuleuse » d'extrême droite

nationaliste, convergente avec une extrême gauche néo-marxiste, tous deux des courants

traditionnels qui resurgissent grâce à Internet en France et à quelques porteurs d'idées

charismatiques, sont clairement à la base idéologique du PAS. Mais son originalité ne

vient pas de ce nationalisme d’extrême droite arrosé d'une sauce prolétarienne d'extrême

gauche. Elle puisse ses ressources dans un nouveau courant de pensée antimondialistes,

née dans les années 70 avec les événements de mai 69 et la guerre des six jours en

Israël, et qui renaît depuis les années 2000 et la seconde intifada en France. Il s'agit de

l'antisionisme islamiste ou tout du moins propalestinien.

35 MARTIN-CASTELNAU David, les francophobes, Paris, Fayard, 2002, p.135 à 166.36 Page d'accueil du site Internet : http://www.renouveaufrancais.com/.37 Page d'accueil du site Internet, en annexe 2 : http://www.egaliteetreconciliation.fr/.

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§2 : L’antisionisme islamiste et propalestinien.

Sans plonger tout de suite dans la dénonciation facile des écueils du discours

antisémite de l'extrême droite, nous devons relever avant tout ce qui fait la base du

discours du PAS : l'« anti-atlantisme post seconde guerre mondiale » et ses

répercussions sur l'État d'Israël. Le PAS revendique en effet son idéologie en filiation

directe avec les idées du Général de Gaulle qui, dans un discours fondateur pour le

PAS38, semble selon les cadres du parti expliquer ce qu'est le sionisme et pourquoi

celui-ci deviendra dangereux. C'est là le point de départ de convergence entre la

nébuleuse extrémiste que nous avons dégagée plus haut et l'antisionisme islamiste. Une

convergence d'ailleurs très bien représentée par la présence de Jean-Marie Le Pen,

leader de l'extrême droite française avec le FN, aux divers rassemblements du centre

Zahra France39 dont le « but est de faire connaître le message de l'Islam à travers le

regard du Prophète et de sa famille »40.

Le leader du Front National a rappelé à ces occasions qu'il a toujours été un

« ami de l'Iran (…), c'est-à-dire du côté des Nations libres et qui n'acceptent pas le

diktat d'autres pays » et qu'il était « scandalisé de voir que dans un grand silence de

l'opinion mondiale (…) on écrasait ce petit pays [la Palestine], Qui est un véritable

camp de concentration, où les gens ne peuvent ni entrer ni sortir. Et qu'une armée

moderne avec une aviation, des blindés etc., traitait ce pays de manière parfaitement

inhumaine ».

Les nombreuses prises de position de Jean-Marie Le Pen depuis quelques années

concernant le Moyen-Orient et le monde arabo-musulman conforte ainsi son image de

défendeur des nations fasse au mondialisme et au nouvel ordre mondial que voudrait

imposer « l'axe américano-sioniste ». Sur ce sujet, Taguieff rappelle dans son livre une

anecdote assez révélatrice ; celle de l'appel de Kamal Khan sur Radio Islam en 2002,

appelant tous les musulmans a voté pour Jean-Marie Le Pen en ces termes :

38 Discours en vidéo et en texte sur le site du PAS et reproduit en annexe 3.39 Présence notamment lors de la cérémonie fêtant le 30e anniversaire de la révolution islamique d’Iran à Paris : http://www.dailymotion.com/video/x8c5s5_la-verite-du-president-le-pen-inter_news .40 Voir le site Internet http://www.centre-zahra.com/ .

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« M. Le Pen n'est pas raciste. C'est un Français qui lutte pour

libérer la France de la domination juive - comme vous luttez pour

libérer vos pays de cette occupation -, ce qui est normal. M. Jean-

Marie Le Pen milite pour liquider les forces du mal qui veulent

asservir la France comme elles ont asservi la Palestine et de

nombreux autres États. »

On arrive donc sans mal à faire le lien entre les propositions d'extrême droite

nationaliste, protectrice de la nation française contre « l'envahisseur américano-sioniste

», et des groupes d'intérêts islamiques dénonçant les conditions de vie en Palestine et

plus largement le colonialisme ou le ségrégationnisme israélien. D'où ce slogan lancé

par le GUD en 2002 : « à Paris comme à Gaza, intifada ! », repris depuis par plusieurs

organisations que l'on qualifierait plutôt « de gauche » pour organiser des

manifestations partout en France, à l'effigie des drapeaux du Hamas ou du drapeau

palestinien. Il ne s'agit pas ici comme le font certains auteurs de dénigrer cette cause

palestinienne. Bien au contraire, nous sommes conscients de son importance et du rôle

du gouvernement israélien dans le malheur de ce peuple. Ce qui nous intéresse ici est de

savoir comment certaines organisations ont récupéré cette cause pour l'importer en

France et en faire un cheval de bataille « antisioniste absolu », c'est-à-dire « fondée sur

un amalgame polémique entre juifs, Israéliens et sionistes »41.

Certaines organisations ne franchissent en effet jamais le pas de cet amalgame

est, profondément touchés par la situation de la Palestine, arrêtent leurs critiques au seul

gouvernement israélien en place et à ses membres extrémistes, demandant à la

communauté internationale d'agir rapidement. Ce fut le cas en 2004 avec la liste Euro-

Palestine aux élections européennes. Cette même liste qui, quelque temps après les

élections, se voit « désolé que Dieudonné préfère la fréquentation des Alain Soral et

Ginette Skandrani à celle d’Euro-Palestine, fréquentations qui (…) pesaient

particulièrement comme nous le lui avions fait savoir à plusieurs reprises »42. On

s'aperçoit déjà des mouvements qui sont en train de s'opérer entre Dieudonné l’anti-

communautaire de gauche, Alain Soral le nationaliste-néomarxiste et Ginette Skandrani,

propalestinienne convaincue d'extrême gauche, ancienne fondatrice des verts exclus

41 TAGUIEFF Pierre-André, 2002, op. cit., 2004, p.12-13.42 Communiqué Euro-Palestine/CAPJPO, « Dieudonné sur une pente très glissante », 29 octobre 2004.

Page 22: Mémoire M2

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pour avoir tenu des propos antisémites. Aujourd'hui, elle s'occupe d'une organisation

propalestinienne, farouchement antisioniste, Entre la plume d'enclume, destiné à « taper

sur les sionistes jusqu’à plus soif, à l’endroit, à l’envers, d’en haut, par en dessous, de

travers, en les retournant dans tous les sens »43.

Encore une fois, on ne reprochera pas à des journalistes de dénoncer l'horreur

des conditions en Palestine. Ce que nous relevons sera plutôt l'« opposition

manichéenne massivement diffusée : les victimes innocentes (arabe - palestiniens)/les

bourreaux sanguinaires (juifs - Israéliens) »44 et la propagande qui s'ensuit autour

d'amalgames, dans le discours autant que dans les images (nous le verrons dans la

deuxième partie consacrée à la stratégie médiatique du PAS). Tous ces propos ayant été

censurés et les sites où elle s'exprime interdits en France, il est pourtant très difficile de

dégager le vrai antisionisme du vrai antisémitisme dans le discours propalestinien de

Ginette Skandrani. Les seules sources de méfiance viennent de ses fréquentations, celles

qui ont poussé les Verts à lui faire quitter le bureau, notamment des négationnistes des

camps de la mort reconnus comme tels depuis longtemps : Roger Garaudy, Serge Thion,

Mondher Sfar, Pierre Guillaume, Robert Faurisson ou encore Maria Poumier. Tous se

défendent d'être négationnistes et demande seulement « un seul État démocratique en

Israël-Palestine sans la barbarie de ce soi-disant peuple élu »45.

Concernant cette dérive de l'antiracisme vers le racisme, Alain Finkielkraut croit

déceler une espèce de « transfert mécanique d’imputation » où « le véritable auteur de

tout acte délictueux commis par un dominé est, et il ne peut être, que le système de

domination »46. Une explication abrupte, mais qui semble éclairante dans le cas de

certains antisionistes absolument convaincus du mal que peut faire l'axe « sioniste -

Israéliens - peuple élu - juifs ». Ces penseurs d'extrême gauche ou d'extrême droite qui

prenne en bloc une réalité historique, celle de la condition palestinienne en Israël, et qui

en font une icône, une « image-martyr », pour justifier leur discours sur l'éradication

d'un pays ou d'un peuple. Le seul principe structurant des relations internationales est

alors pour eux celui d'une destruction d'Israël, nation construite de toutes pièces par les 43 Profession de foi sur le site Internet http://www.plumenclume.net/. 44 TAGUIEFF Pierre-André, La nouvelle Judéophobie, op. cit., p.93.45 Ginette Skandrani, au théâtre de la main-d'œuvre, conférence sur le reportage de MUKUNA, 13 FÉVRIER 2010.46 BRAUMAN Rony et FINKIELKRAUT Alain, LÉVY Elisabeth, La Discorde : Israël-Palestine, les Juifs, la France, Flammarion, 2008, p.266.

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occidentaux dans un pays déjà habité par un peuple, sous prétexte de réparation d'un

dommage causé (la Shoah). De ce principe, jamais appliquée par l'ONU - ou par

quelque autre partenaire influent sur la scène internationale, découle incidemment celui

de « résistance à l'oppression, pensé comme droit fondamental »47. Cette

« palestinophilie néo-gauchiste », comme la nomme Taguieff, est loin d'être une

faiblesse de cœur et se base sur la réalité des faits, mais emporte avec elle quelques

lacunes de compréhension dans un monde aussi complexe. À la suite de l'Abbé Pierre

qui déclarait en 1991 : « je constate qu'après la constitution de leur État, les Juifs, de

victimes, sont devenus bourreaux »48, nombreux furent les hommes de gauche à se saisir

du problème palestinien dans ce qu'il a de plus tragique, en accusant Israël de tous les

maux de l'humanité. Ce discours peut même, à l'extrême, devenir caricatural et desservir

la cause des palestiniens. Magyd Cherfi, le leader du groupe Zebda, rappel ainsi dans

une interview :

« On avait surtout compris que crier: «Vive la Palestine!»,

c’était devenir un héros. On avait un public acquis d’avance. Il y a

des causes, dans un milieu d’extrême-gauche, qui te rendent

intouchables. La Palestine, les beurs, ça crée parfois l’unanimité (…).

Il y a des juifs aux motivé-e-s. Ils sont plus propalestiniens que les

Arabes, comme s’ils se sentaient responsables... En général, les

copains français, gauchistes, sont plus radicaux que les beurs. Nos

potes juifs sont des marginaux par rapport à la communauté juive

officielle. Celle-là, je ne la connais pas. Je n’ai pas spécialement

envie aujourd’hui d’aller dialoguer avec les juifs, de jouer au jeu de

l’échange judéo-beur…»49.

Cette pensée d'extrême gauche est en totale adéquation avec un discours

islamiste éradicateur, purificateur, porté en France par quelques associations telles que

le Centre Zahra France ou encore la Fédération des Chiites de France, deux formations

assez discrètes dans le paysage politique, mais qui opèrent un réel travail de fond,

notamment auprès des jeunes musulmans de banlieue dans le nord de la France. Mais il 47 Brauman Rony, in Retour de Palestine. Campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien (ouvrage collectif), Paris, Mille et une nuits, 2002, préface.48 Interview de l'Abbé Pierre, La vie, 29 mars 1991.49 CHERFI Magyd, « On n'aimait pas les juifs, sauf ce qu'on connaissait... », Le Nouvel Observateur, n° 1942, 24-30 janvier 2002. http://hebdo.nouvelobs.com/sommaire/dossier/047591/on-n-aimait-pas-les-juifs-sauf-ceux-qu-on-connaissait.html.

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s'agit aussi pour la plus éclectique d'entre elles, le Centre Zahra France, d'organiser des

manifestations regroupant tous les lobbys ou les groupes d'intérêts autour de la question

palestinienne, de la défense et de la glorification du régime iranien ou encore de

l'altermondialisme français. Deux exemples de ces organisations, de ces groupes

d'intérêts, tous deux dirigés par un futur fondateur du PAS, Yahia Gouasmi, qui est

devenu aujourd'hui le principal animateur de ces organisations sur Internet. Ce même

Gouasmi qui, en voyage à Téhéran pour fêter le 30e anniversaire de la révolution

islamique d’Iran, déclare dans une interview d'une chaîne télévisée iranienne : « les

occidentaux ne sont pas libres. Ils sont dans une prison. La prison du

sionisme (…) demain, l'Iran sera le symbole de toute l’humanité et Israël la malédiction

»50. Le lendemain, il se rend à Téhéran, sur la place d’Azadi, où a lieu la plus grande

manifestation de soutien au régime et à la révolution islamique, et surenchérit sur la

chaîne de télévision Sahar : « un jour viendra où le monde changera et c'est à partir de

Téhéran que les choses vont changer. Dieu a voulu pour changer le monde nous

ramener cet islam vivant de notre bien-aimé prophète »51.

En conclusion, on attirera l'attention sur la multiplicité des sphères de pensée

étudié (intellectuels, artistiques, politiques, confessionnelles...), sur leurs hétérogénéités,

sur leurs nombreuses sources, sur leurs différences profondes dans la manière d'entrer

dans le problème sioniste. C'est pour toutes ces raisons que nous avons appelé cette base

idéologique qui servira plus tard, directement ou indirectement, à la construction du

PAS, une « nébuleuse idéologique ». Il s'agit en effet d’un objet difficilement

identifiable en tant que tel, puisque il est construit par une multitude d'éléments très

diffus et discrets lorsqu'ils sont étudiés séparément. Mais, en prenant du recul, on

s'aperçoit que l'on peut étudier ce « corps céleste » en essayant de recouper ses

éléments, leur composition idéologique, et les traces qu'il laisse dans notre espace

politique. Ici, avec des compositions aussi hétéroclites que des nationalistes d'extrême

droite antimondialistes, des humanistes propalestiniens de gauche, des islamistes

radicaux s'élevant contre la domination judéo-chrétienne dans le monde, on a à faire à

une constellation d'idées qui gravitent autour d'un seul concept, celui de l'antisionisme.

50 Interview donnée à la chaîne IRINN (Islamic Republic of Iran News Network), 09 février 2009.51 Yahia Gouasmi, Sahar TV, Téhéran, place d’Azadi, 10 février 2009.

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Section 2 : La filiation avec un certain antisionisme international.

Il est très dur de remonter à la source de cet antisionisme international. Après la

grande crise que connut la communauté juive à la fin du XIXe siècle et au début du

XXe siècle, puis avec l'épisode tragique des camps de concentration et des camps de la

mort, il devient « difficile » de continuer à dénigrer ce peuple par le discours antisémite

traditionnel. Ce discours, très ancrée en Europe et en Union soviétique à l'époque, a dû

trouver d'autres moyens de s'exprimer. Avec la création de l'État d'Israël en 1948, sous

la direction de l'ONU, les réticences commencent à se faire entendre dans la sphère

internationale et beaucoup de voix vont s'élever pour critiquer la politique mise en place

par le gouvernement israélien jusque dans les années 70. C'est là que sont apparus pour

la première fois les critiques contre les juifs avec certaines « précautions rhétoriques

pour les désigner comme les ennemis de l'humanité en marche vers un monde

meilleur »52.

Depuis 1975, et la résolution 3379 de l'Assemblée générale des Nations unies

condamnant le sionisme comme « une forme de racisme et de discrimination raciale »53,

la synthèse reconnue entre sionisme et racisme permet de perpétuer la propagande

extrémiste de l'ennemi juif. Sur cet amalgame, il est d'ailleurs intéressant de se pencher

sur le livre de Joël et Dan Kotek sur les nouvelles caricatures antijuives dans le monde

depuis la seconde intifada, c'est-à-dire les années 2000. On y trouve toutes les vieilles

recettes de l'antisémitisme d'après seconde guerre mondiale, mélangé avec l'actualité du

« sionisme », le tout dans un mélange d'amalgames odieux et d'anathèmes récurrents

autour du peuple juif : nazisme, racisme, banquiers escrocs, colonisateur, apartheid,

génocide, croix gammées sur drapeau israélien, voilà quelques exemples que l'on peut

trouver dans cette étude étonnante54 et qui sont issus de l'idéologie antisioniste (et ici

clairement antisémite) internationale.

52 TAGUIEFF Pierre-André, Prêcheur de haine, op. cit., 2004, p.15.53 Résolution 3379 de l’Assemblée générale de l’ONU, votée le 10 novembre 1975. Elle sera abrogée le 16 décembre 1991, avec la résolution 46/86, par ces quelques mots : « THE GENERAL ASSEMBLY, DECIDES to revoke the determination contained in its resolution 3379 of 10 November 1975 ».54 KOTEK Joël et Dan, Au nom de l'antisionisme : L'image des Juifs et d'Israël dans la caricature depuis la seconde Intifada, Complexe, 2005.

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Qu'elle soit radicale, absolue, ou simplement de bonne foi, cet antisionisme

international a nourri les nombreux discours et l'idéologie du PAS, qui s’en revendique

très largement. Nous allons notamment voir les plus importantes références qui sont

invoquées.

§ 1 : Les juifs antisionistes.

A. La controverse politico-religieuse originelle.

Il convient ici de commencer par le début et de remonter aux origines du

sionisme et de la création d'Israël. La théorie à l'origine du sionisme et celle de

Théodore Herzl (1860-1904), journaliste et écrivain juif autrichien, qui fonda cette

théorie politique au Congrès de Bâle en 1897. Il est l'auteur de Der Judenstaat (« L'État

des Juifs ») en 1896 et il est le principal fondateur du Fonds national juif pour l'achat de

terres en Palestine. Cette théorie s'articule autour de trois points fondamentaux :

1. L'existence d'un peuple juif, Peuple élu selon les écrits de la Torah.

2. L'incapacité des autres peuples a accepté ce peuple juif parmi eux et

son corollaire, c'est-à-dire l’impossibilité pour les juifs de s'assimiler

avec d'autres populations.

3. La conséquence des deux derniers points : la nécessaire création d'un

État juif, à l'emplacement de la Terre sainte d'où ils ont été exilés :

« tout roule sur la force motrice. Et qu'est cette force? La détresse

des Juifs »55.

Cette théorie se base sur les écrits saints juifs, en apparence du moins, car dès sa

parution, certains intellectuels et religieux juifs orthodoxes s'élèvent contre ce projet,

qu'ils jugent être une utopie laïque en contradiction avec l'esprit des écritures. Deux des

plus célèbres d’entre eux, Rabbi Yoel Teitelbaum56 (1887-1979) et Rabbi Elchonon

Wasserman (1875-1941), furent les premiers à dénoncer toute forme de sionisme en se

basant directement sur une autre interprétation de la Torah. Là où Théodore Herzl croit

en la volonté de l'homme pour rétablir le peuple juif sur sa terre, les deux rabbins 55 Herzl Theodore, Der Judenstaat, Herzl Press, 1896, préface.56 Son livre, Vayoel Moshe, Brooklyn, New York, Jérusalem Book Store, 1985, écrit en 1958, est considéré comme le texte fondateur de la théorie juive antisioniste.

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orthodoxes croient au contraire que la pérennité du peuple juif passe par la volonté de

Dieu et de son messie. Ainsi, on ne peut pas pousser le destin religieux d'un peuple par

de simples politiques humaines. Ils ne remettent pas en cause l'existence du Peuple élu

mais insiste sur le fait que celui-ci peut très bien s'assimiler avec d'autres peuples

puisque c'est Dieu qui les a disséminés dans le monde. Toute tentative de contrecarrer le

projet divin est une offense et doit conduire à la destruction de l'identité juive.

B. Construction d'une idéologie juive antisioniste.

La controverse religieuse originelle va nourrir les débats jusqu'en 1948, date de

la création d'Israël, et voir la théorie sioniste s'imposer en 1967 avec les premières

colonisations massives des territoires palestiniens. Mais toute une frange de religieux et

d'intellectuels juifs orthodoxes continuent aujourd'hui de dénoncer « la putréfaction

intérieure que le sionisme a injectée dans l'âme juive »57.

Le chercheur juif canadien Yakov M. Rabkin, professeur titulaire au

département d’histoire de l’Université de Montréal, insiste sur l'éloignement, à l'origine,

des fondateurs du sionisme avec le judaïsme : le sionisme serait issu de la sécularisation

des juifs d'Europe, au XIXe et XXe siècle, et de l'envie de fonder une Nation (au sens

politique du terme) où s'arrêteront les persécutions. Le sionisme serait donc avant tout

un projet politique qui cherche à se camoufler derrière une image religieuse. Ainsi, pour

Élie Barnavi, « le sionisme fut une invention d'intellectuels et d'assimilés, ce ‘’parti de

l'intelligence’’ qui a tourné le dos aux rabbins et aspire à la modernité, et qui recherche

à corps perdu un remède à son mal de vivre »58.

À partir de ce constat va se cristalliser l'antisionisme juif, surtout dans les pays

occidentaux, en Europe et aux États-Unis, puisque « les adversaires judaïques du

sionisme sont souvent absents de l'historiographie d'Israël (…). La grande majorité des

histoires du pays écrite en Israël et ailleurs ne faisant aucune référence à la résistance

rabbinique »59. La résistance au sionisme et au colonialisme israélien va se structurer

57 RABKIN Yakov M., Au nom de la Torah. Une histoire de l'opposition juive au Sionisme, Presses de l’Université Laval, Montréal, Canada, 2004, p. XIV.58 BARNAVI Élie, « Sionismes », in BARNAVI Élie et FRIEDLÄNDER Saul, Les juifs et le XXe siècle - dictionnaire critique, Calmann-Lévy, Paris, 2000, p.218.59 RABKIN Yakov M., op. cit., p.11.

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autour de ces intellectuels et de ses rabbins orthodoxes, qui seront à la base de groupes

d'intérêt faisant connaître leur théorie à travers le monde. C'est le cas notamment des

juifs orthodoxes antisionistes du mouvement Neturei Karta, proche aujourd'hui du PAS,

qui demande la liberté pour la Palestine et la fin de l'occupation des territoires occupés

par l'Etat d'Israël, au nom de la Torah et des préceptes de Dieu :

« L'établissement d’un Etat en Palestine est une chose qui

viole la Torah, la loi religieuse juive. Il contredit les dispositions

s’agissant des punitions et de l’exile décrétés par Dieu à l’époque du

Temple. L’établissement de l’État sioniste contredit la volonté de Dieu

en cherchant un remède matériel à une condition spirituelle. Nous

déclarons que le peuple palestinien a le droit à sa patrie ; ainsi que le

droit à la restitution monétaire pour les dommages et les pertes

infligés.

Les réfugiés palestiniens ont le droit de retourner à leur

patrie, la Palestine historique, aussi tôt que possible. »

 En attendant la rédemption et le geste de Dieu pour redonner aux juifs un

territoire de vie, il faut accepter la diaspora à travers le monde, qui est source

d'enrichissement pour tous les juifs et qui est le seul moyen de les mettre à l'abri de

l'antisémitisme, contrairement à ce qui est affirmé dans L’Etat Juif où Théodore Herzl

explique que « les peuples chez lesquels habitent des Juifs sont, sans exception,

ouvertement ou honteusement antisémites »60. En France, le principal soutien de la liste

antisioniste sera un rabbin orthodoxe, Schmiel Borreman, militant belge du mouvement

d'association d'études rabbiniques Yechouroun, dénonçant lui aussi la création de l'État

d'Israël comme étant anti-judaïque. En ce qui concerne la politique française, il critique

la « main basse du sionisme sur les partis et les institutions de France » ainsi que

« l'hystérie agressive du CRIF et autres organisations sionistes, non représentatives du

judaïsme ni de l'ensemble des citoyens juifs français »61. Il est ainsi le faire-valoir du

PAS contre les accusations d'antisémitisme. A la question maligne d'un reportage de

France 2 qui lui demande : « vous êtes pour une alliance des chrétiens et des

musulmans ? Mais contre qui alors ? », Gouasmi répond tout aussi habilement : « contre

60 HERZL Theodore, « considérations générales - la question juive », Der Judenstaat, op. cit., p.3.61 BORREMAN Schmiel, Appel à voter pour la liste antisioniste : http://www.dailymotion.com/video/x93u1m_avec-la-liste-anti-sioniste_news.

Page 29: Mémoire M2

29

le sionisme bien-sûr. Nous avons déjà une alliance, vous pouvez regarder et vous

documentez, une alliance avec les juifs contre le sionisme »62. Le rabbin Borreman fera

même parti de l'affiche de la campagne électorale aux côtés de Dieudonné, Gouasmi et

Soral (voir annexes 5).

Cette base religieuse sera très importante dans le discours et dans la

représentation du PAS, multipliant les apparitions avec ces mouvements juifs

orthodoxes antisionistes. Et contrairement à ce qu'ont pu affirmer des intellectuels

comme Taguieff, Finkielkraut, ou encore Henri-Lévy, cet antisionisme juif ne semble

pas ressortir d'une « haine de soi », de « lâcheté », de « faiblesse d'esprit », de « honte

de leurs origines », « d'anticonformisme » etc. Ces accusations manquent en effet de

subtilité lorsque l'on regarde la construction théorique de cette idéologie qui s'est forgée

pas à pas, à travers les siècles et des auteurs savants, par une certaine interprétation du

Talmud. L'agressivité de cette « nouvelle vague d'intellectuels » juifs envers leurs

compatriotes qui critiquent l'État d'Israël semble plus relever de l'émotion que de la

raison. C'est ce que nous avons essayé de prouver dans les paragraphes précédents en

cherchant les raisons profondes de l'antisionisme de certains orthodoxes juifs plutôt que

de camper sur des positions psychanalytiques faciles et sans fondements.

Au-delà de cette conception religieuse de l'antisionisme juif, plusieurs

chercheurs et intellectuels juifs ont essayé de donner une critique politique du sionisme.

C'est le cas notamment du politologue américain renommé Norman G. Finkelstein, dont

le cheval de bataille est le combat contre les « groupements sionistes » aux États-Unis,

qui, s'appuyant sur la mémoire de la Shoah en tant que génocide unique dans l'histoire

de l'humanité, profiteraient de cette position pour en retirer des avantages, notamment

une domination morale mais aussi des bénéfices financiers de réparation des dommages

causés pendant la seconde guerre mondiale63. Finkelstein s’attache bien à différencier

l'holocauste, fait historique avéré qu'il ne nie pas (d'autant plus qu’il est lui-même

descendant d'une famille exterminée dans les camps de concentration), et l’Holocauste

62 Interview réalisée par France 2 le 25 mai 2009, http://www.partiantisioniste.com/videos/titre/33-elections-europeennes-interview-de-m-yahia-gouasmi-par-france-2.html. 63 « Our present interpretation of the Holocaust has been deliberately devised by American Jewish groups for purposes of ethnic supremacy, political advantage and financial gain ... In more recent years, the Holocaust industry has effectively turned into a shake-down racket in which more and more countries throughout Europe are being bludgeoned into coughing up compensation. » FINKELSTEIN Norman G., The Holocaust Industry - Reflections on the Exploitation of Jewish Suffering, Verso, 2001, p.36

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avec un grand H, « industrie de la mémoire » utilisée par le sionisme pour faire

pression. C'est ce « dogme de l'unicité », qui sera repris plus tard par Dieudonné et le

PAS, que le chercheur américain combat car selon lui « ce dogme n'a aucun sens.

Fondamentalement tout événement historique est unique, ne serait-ce que pour des

raisons de lieu et de temps, et tout événement historique a des éléments qui le

rapprochent et le distinguent d'autres événements historiques. Quel autre événement

historique y a t-il qui soit essentiellement considéré en fonction de son unicité

catégorique ? Les caractères distinctifs de l'Holocauste sont soulignés pour pouvoir le

classer dans une catégorie absolument à part. Mais on n'explique jamais pourquoi les

nombreux aspects qu'il partage avec d'autres événements doivent au contraire être

tenus pour triviaux »64.

C'est cet argument que développera plus tard Dieudonné sur ses scènes de

spectacle et dans ses interviews politiques, notamment à Alger en 2005 (annexes 8) ou

l'humoriste parle « de pornographie mémorielle », reprenant l'expression d’Edith Zertal

dans la version anglaise de son livre65, pour dénoncer tout le tapage fait autour de

l'Holocauste et la manipulation du peuple par ce sentiment de culpabilité. Cette

manipulation serait organisée par le CRIF, « organe d'inquisition », qui contrôle tout ce

que disent les gens. Dieudonné prend ainsi à la fin de l'interview l'exemple de son ami

Djamel, qui le soutient en privé mais pas en public, preuve pour l'humoriste antillais du

bâillonnement dont il fait preuve.

§2 : Les mouvements antisionistes du Moyen-Orient.

Nous allons voir dans ce paragraphe l'influence exercée par certaines

organisations antisionistes du Moyen-Orient sur l'idéologie naissante du PAS. Pour

éviter de brouiller les pistes, nous nous consacrons uniquement aux mouvements dont se

revendiquent directement le leader du parti, c'est-à-dire les organisations paramilitaires

de Palestine et l'idéologie antisioniste iranienne.

64 FINKELSTEIN Norman, L’industrie de l’holocauste, reflexion sur l’exploitation de la souffrance des juifs, La Fabrique, Paris, 2001, p.44 et suiv.65 Idith Zertal, La nation et la mort - La Shoah dans le discours et la politique d'Israël, La Découverte, 2008.

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A. Les organisations paramilitaires du Moyen-Orient.

La base antisioniste la plus radicale qui vient alimenter le parti antisioniste se

trouve dans la politique de certaines organisations paramilitaires du Moyen-Orient.

Stigmatisant une politique israélienne dans des termes comme « colonialiste », « régime

d'apartheid », « impérialiste », « génocidaire », ces organisations vont baser leur combat

sur un seul principe fondamental : l'éradication de l'État juif par la résistance66.

1. Les mouvements palestiniens sous Yasser Arafat.

Le Fatah (ou Mouvement de Libération de la Palestine) est fondée par Yasser

Arafat en 1959. C'est la première organisation clandestine, « laïque et politiquement

neutre » à appeler à la lutte contre l'État d'Israël dans le but final de « libérer tout le

territoire palestinien de l'entité sioniste ». L'objectif final est de pouvoir créer un État

palestinien indépendant et démocratique où tous les citoyens seraient égaux. C'est le

début de la rhétorique antisioniste/antisémite des organisations islamistes en Palestine.

Quelques années plus tard, en 1964, l'Organisation de Libération de la Palestine

(OLP) voit le jour, avec un objectif différent de celui de la création d'un État palestinien

puisqu'elle revendique la lutte pour la « libération de la Palestine dans le cadre plus

vaste de l'avènement d'une République arabe ». Après les événements de 1967,

l'organisation décide d'entrer dans la lutte armée contre Israël. C'est le début d'une

longue série d'attentats au Moyen-Orient et surtout de la doctrine antisioniste de l'OLP,

proclamée dans sa charte en 1968 (voir Annexe 6). En ce qui concerne le peuple juif, la

charte contient deux éléments primordiaux. Tout d'abord, seuls les juifs sur le sol

palestinien depuis 1917, c'est-à-dire ceux « qui demeuraient en Palestine jusqu'au début

de l'invasion sioniste », pourront être considérés comme palestiniens (article 6). Puis, la

charte insiste sur le fait que « les Juifs ne constituent pas une nation unique avec son

identité propre ; ils sont citoyens des états auxquels ils appartiennent » (article 20),

dénonçant ainsi la constitution d'un État juif fondé sur le sionisme. Au contraire, le

peuple palestinien peut prétendre à un État puisque son identité est « authentique,

essentielle et intrinsèque » (article 4). Enfin, l'article 15 est le plus intéressant en ce qui 66 Certains parleront de « terrorisme islamiste », mais nous ne prendrons pas parti sur cette question-là, jugeant que ce type de qualification doit se faire à la lumière de l'histoire et non pas sur des considérations émotionnelles d'une « histoire à courte vue ».

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nous concerne puisqu'il dispose que « la libération de la Palestine (…) est un devoir

national et vise à repousser l'agression et l'impérialisme sioniste contre le foyer arabe,

et vise à l'élimination du sionisme de la Palestine ». En disposant ainsi, et en insistant

sur le fait que « la partition de la Palestine en 1947 et l'établissement de l'état d'Israël

sont entièrement illégaux » (article 19), l'OLP refuse de reconnaître l'État d'Israël et le

tient pour seul responsable de l'état actuel de la Palestine. L’impérialisme sioniste,

gangrène pour les peuples arabes, doit être éradiqué par tous les moyens, notamment la

violence et la lutte armée. Ce discours structuré dans une charte se retrouve

fréquemment dans le discours du PAS qui s'en sert comme une déclaration de bonne foi

et s'appuie dessus comme un texte primordial dans le droit international.

2. Le Hamas (Mouvement de R ésistance I slamique) et les Frères Musulmans

Le mouvement des Frères Musulmans a été fondé en Egypte dans les années 20.

Après la Guerre des six jours en 1967, elle décide de mener des actions en Palestine,

notamment dans la bande de Gaza. Alimenté par la rage des nationalistes palestiniens

islamistes, bénéficiant de moyens financiers et matériels importants de la part de pays

arabes étrangers (notamment l'Arabie Saoudite), elle s'impose peu à peu dans le paysage

comme « un mouvement sociétal ne visant pas à conquérir le pouvoir, mais à

transformer la société »67. Issu de ce mouvement, le centre islamique de Gaza est crée

en 1973 et dirigées par le cheikh Ahmed Yassine. Après la première intifada de 1987, le

mouvement se radicalise sous l'influence des nationalistes palestiniens et ces derniers

décident de se lancer dans la lutte sans merci contre Israël. Cette période marque l'acte

de naissance du Hamas qui adopte sa charte constitutive68 le 18 août 1988, entérinant

dans le texte sa filiation directe avec le mouvement des Frères Musulmans et ses

objectifs finaux : l'éradication d'Israël et du sionisme sur les terres de la Palestine, puis

la création d'un État palestinien indépendant respectant la loi de la charia. La charte

constitutive du mouvement est de loin la plus radicale contre le sionisme, et fait même

parfois preuve d'un antisémitisme avéré, caché sous des considérations historiques ou

religieuses.

67 FRANÇOIS-PONCET Jean et CERISIER-ben GUIGA Monique, au nom de la commission des affaires étrangères, rapport d'information du Sénat, n° 630 (2008-2009), 25 septembre 2009, « le Moyen-Orient à l'heure nucléaire », p.29-30 : http://www.senat.fr/rap/r08-630/r08-63013.html.68 Charte du Hamas publiée en 1988 (traduction de Jean-François Legrain, chercheur au CNRS) http://www.gremmo.mom.fr/legrain/voix15.htm

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On peut lire ainsi à l'article 32 : « le plan sioniste n'a pas de limite ; après la

Palestine, ils ambitionnent de s'étendre du Nil à l'Euphrate. Lorsque ils auront

parachevé l'assimilation des régions jusqu'aux quelles ils seront parvenus, ils

ambitionneront de s'étendre plus loin encore, et ainsi de suite. Leur plan se trouve dans

les Protocoles des Sages de Sion. » L'utilisation de ce faux célèbre censé décrire le plan

d'un complot juif international est le principal document de propagande antijuive du

XXe siècle dans lequel les juifs incarnent l'ennemi absolus, assoiffés de sang et

mystiques, déployant leurs mains agiles sur la planète entière69. Aujourd'hui, cette

conspiration juive internationale s'est peu à peu transformée dans le discours en complot

sioniste mondial. L'article 22 est encore plus révélateur et se rapproche grandement des

déclarations faites par quelque leader du PAS :

« Grâce à l'argent, ils [les juifs] règnent sur les médias

mondiaux, les agences d'informations, la presse, les maisons d'édition,

les radios, etc. Grâce à l'argent, ils ont fait éclater des révolutions

dans différentes régions du monde pour réaliser leurs intérêts et les

faire fructifier. Ce sont eux qui étaient derrière la révolution

française, la révolution communiste. […] Ils ont obtenu la déclaration

Balfour et ont jeté les bases de la Société des Nations pour gouverner

le monde à travers cette organisation. Ce sont eux qui étaient derrière

la Seconde Guerre mondiale, qui leur a permis d'amasser d'énormes

profits grâce au commerce du matériel de guerre. Ils ont préparé le

terrain pour l'établissement de leur État et ce sont à leurs instigations

qu'ont été créés l'ONU et le Conseil de sécurité pour remplacer la

Société des Nations, afin de gouverner le monde à travers eux ».

Le chef du Hamas ne sont pas en reste avec cette idéologie antisémite et

continuerons dans cette direction jusqu'au début du XXIe siècle. En 2003, Abd Al-'Aziz

Al-Rantisi, cofondateur du Hamas et porte-parole médiatique, écrit un article exalté où

il explique une de ses théories sur le sionisme :

69 Pour une explication plus complète, voir Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion: Faux et usages d'un faux, Fayard, 2004.

Page 34: Mémoire M2

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« The Zionists, who excel at false propaganda and misleading

media, have had phenomenal success in changing the facts. To do this,

they relied on the rule of lie and lie until everyone believes you. They

have managed to present themselves to the world as the only victims

of the Nazis, excelling at misleading until they turned the greatest of

lies into historical truth. I do not mean that they have succeeded in

misleading the West and making it believe in the false Holocaust, but

that they succeeded in persuading the Western world of the need to

market these lies. The West is convinced of this because its interests

intersect with those of the Zionist enterprise. »70

Nous n'irons pas plus loin dans le décryptage de la charte du Hamas et de

l'idéologie de ses dirigeants, ces quelques lignes peu équivoques quant à leur nature

antisémite et négationniste résumant assez bien la haine que nourrit ce mouvement

islamiste envers l'État d'Israël et les juifs. Ce qui est plus inquiétant, c'est de voir

qu'aujourd'hui encore, en France, des hommes politiques soutiennent ouvertement les

positions de cette organisation qu'ils jugent avec clémence comme simple « mouvement

de résistance ». Pire encore, la liste de Dieudonné, Gouasmi et Soral, a déclaré « avoir

le soutien du Hamas et du Hezbollah » lors de la présentation de la liste au Théâtre de la

main d'or. Certainement issu d'une « blague », pour « glisser une quenelle » aux

journalistes, Dieudonné ne cessera de faire référence au Hamas et au Hezbollah, sur la

scène politique mais aussi sur la scène de ses spectacles, bien que des membres du

Hamas aient très vite démenti l'information : « Nous ne connaissons pas ces gens-là.

Nous n’avons même pas connaissance de l’existence de cette liste. Nous militons certes

contre le sionisme, dont l’objectif est de nous chasser de nos terres, mais nous n’avons

jamais accordé notre soutien à cette liste. Nous en profitons d’ailleurs pour réaffirmer

que nous ne luttons pas contre les juifs, mais contre l’occupant israélien et contre tous

ceux qui emploient la terreur pour nous transformer en réfugiés »71. Mais quelques

mois plus tard, Dieudonné et Gouasmi s’envole pour l'Iran, où ils affirment avoir parlé

entre autres avec le chef du Hezbollah, photos de la rencontre à l’appui (voir annexes 7

»). L'Iran, dont l'idéologie antisioniste viendra renforcer la base idéologique du PAS.

70 AL-RANTISSI Abdel Aziz, “Which is Worse - Zionism or Nazism?”, in Al-Risala, 21 août 2003.71 CAPJPO-EuroPalestine, « Le Hamas ne soutient pas le Parti Antisioniste », 2 juin 2009, http://www.europalestine.com/spip.php?article4154.

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B. L’idéologie antisioniste iranienne.

L'influence de l'idéologie antisioniste arabe, et plus particulièrement iranienne

est fondamentale dans la construction du PAS. Les leaders montrent sans cesse une

affection démesurée pour ce pays de révolution et de résistance à l'axe américano-

sioniste. Ce mouvement d'amour et de mimétisme est avant tout l'œuvre de Gouasmi,

religieux chiite proche des institutions iraniennes si l'on en croit le livre édifiant de

révélations de Jean-Noël COGHE72. Ce reporter nordiste qui l’a suivi dans les années

80, met à jour un passé d'agent trouble, et des relations très étroites avec les leaders

iraniens tels que Rafsandjani (ex président iranien) et l'ayatollah Khomeiny. Il semble

qu’aujourd’hui encore cette tradition d'amitié se soit perpétuée. Le religieux musulman

est proche de Mahmoud Ahmadinejad et a fait plusieurs voyages en Iran et dans le

monde arabe.

Des amitiés très controversées depuis que le président iranien a déclaré en 2005

être tout à fait d'accord avec les propos de l’Ayatollah Khomeiny sur le fait que « Israël

doit être rayé de la carte » et que « bientôt, nous connaîtrons un monde sans Israël et

sans les Etats-Unis (…). La nation musulmane ne permettra pas à son ennemi

historique de vivre en son cœur même »73. Des propos contre Israël que reprendront très

majoritairement les antisionistes de tout poil et qui seront un des leitmotivs du parti

antisioniste. Plus troublant encore, il tiendra des propos ouvertement négationnistes la

même année, peu de temps après la publication des caricatures danoises de Mahomet

qui ont fait scandale. Il va dénoncer notamment le « mythe du massacre des Juifs » et

pose la question du choix du pays où a été créé Israël, cette « tumeur », se demandant si

il n'est pas plus normal, au vu de la culpabilité de l'Europe et du monde occidental dans

l'holocauste, si jamais celui-ci est avéré, que l'État du peuple juif soit créé en Europe,

aux États-Unis, en Allemagne ou au Canada. On est loin ici du discours raisonné ou

polémique autour de l'impact médiatique et culpabilisant de l'Holocauste tel que le peut

le développer des auteurs comme Finkelstein, puisqu'il s'agit ici d'exprimer « des

doutes sur l'existence de la Shoah »74.

72 COGHE Jean-Noël, Le blues du reporter, Le Castor Astral, 2002.73 Propos retranscrits par NAÏM Mouna, « En voie de radicalisation, l'Iran veut "rayer" Israël de la carte », Le Monde, 27 octobre 2005.74 « M. Ahmadinejad qualifie Israël de « tumeur » et doute de la Shoah », Le Monde, 10 décembre 2005.

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Pourtant, malgré ces déclarations chocs, les leaders du PAS vouent une

admiration sans faille à ce pays et à leurs leaders, comme le prouve cette déclaration

d’Alain Soral :

« L'Iran est un des pays qui résiste au nouvel ordre mondial.

C'est un pays qu'on doit diaboliser par tous les moyens. Je crois qu'il

y a eu une tentative d'après ce que j'ai compris d'une révolution verte,

c'est-à-dire de déstabilisation de l'intérieur. (…) Elle a échoué, ce

dont je me félicite. Ce qui veut dire que derrière nous risquons

malheureusement assisté à une attaque militaire de l'Iran car je ne

vois pas les sionistes, quelque sois même les réticences américaines,

laissées les Iraniens avançaient sur cette voie d'indépendance et

d'affirmation sans réagir. (…) Malheureusement, j'ai peur que le

scénario se soit comme à chaque fois qu'il a des crises très graves : la

réponse par la guerre. Guerre déclenchée par l'oligarchie mondialiste

dont Israël est l'une des composantes »75.

Ces déclarations font suite au voyage de Gouasmi et Dieudonné en Iran pour

récolter des fonds pour que ce dernier puisse faire son film sur l'esclavagisme, « le code

noir », puis éventuellement un film sur la guerre d'Algérie. De retour, ils expliquent aux

journalistes qu'ils ont réussi à lever des fonds, « l'Iran et son président ayant compris

que sur ce terrain-là [culturel] il était important de se réapproprier l'histoire ». Sur le

plan politique, Dieudonné réaffirme son adéquation avec l'idéologie antisioniste

iranienne, sans jamais émettre aucune réserve quant au négationnisme ou aux

« soupçons » d'antisémitisme qui pèse sur Mahmoud Ahmadinejad. La nébuleuse est en

train de se construire. Les bases idéologiques sont posées : « l'axe du mal pour nous qui

somme ici, et en Iran, c’est cet axe américano-sioniste qui organise des guerres et qui

pille le monde depuis trop longtemps. Qui a organisé l'esclavagisme sur cette planète.

Qui organise le colonialisme aujourd'hui encore »76.

Après avoir observé ces bases idéologiques antisionistes qui vont alimenter

l'imaginaire des futurs leaders du PAS et qui, nous venons de le voir, sont très

75 Interview d'Alain Soral au Centre Zahra France, 9 août 2009 : http://www.dailymotion.com/video/xa5inc_accueil-dalain-soral-au-centre-zahr_news. 76 Conférence de presse de Dieudonné, au théâtre de la Main d’Or, le 28 novembre 2009 : http://www.dailymotion.com/video/xbbs2o_rencontre-avec-le-preysident-iranie_news?start=294.

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37

disparates, très hétérogène, très diffuses dans le temps et dans l'espace, nous allons nous

attaquer à la création et à l'organisation proprement dite du parti antisioniste (Chapitre 2

et 3). Toujours en gardant à l'esprit l'objectif principal de ce mémoire, c'est-à-dire

d’essayer d'en tirer une analyse socio-structurelle éclairante quant à sa position dans les

institutions politiques et sociales en France.

Chapitre 2 : La rupture des élections européennes.

Le passé de Dieudonné, plutôt gauchiste démocratique, anti-communautaire et

tolérant, engagé contre le Front National, ne laissait présager aucunement un passage à

l'extrême droite, ou tout du moins à un nationalisme exacerbé contre l'ennemi sioniste.

Nous venons de voir le terreau idéologique dans lequel il puisera ses idées. Mais nous

nous devions de comprendre le moment du passage à l’action. Si la liste antisioniste,

puis le parti antisioniste ont pu voir le jour, cela est dû certainement à la forte

personnalité de Dieudonné. L'humoriste a en effet toujours voulu avoir un pied en

politique et nous verrons que son environnement a joué en faveur du basculement vers

l'extrême droite. Car si tout vient de lui, c'est en partie en réaction à la lassitude qu'a

entraînée chez lui l'acharnement politico-médiatique au début des années 2000 (Section

1). Faisant bourgeonner son antisionisme sur un terreau idéologique déjà formé, il va

réussir à construire un mouvement très hétérogène, tant sur le plan des personnalités que

sur celui des ressources disponibles, pour faire vivre ses idées dans la sphère électorale

(Section 2).

Section 1 : Bataille judiciaire et bataille médiatique : le Déclic Dieudonné.

Comme nous l'avons indiqué en introduction, tout commence le 1er décembre

2003, dans l'émission On ne peut pas plaire à tout le monde, diffusée en prime-time sur

France 3. Dieudonné, pourfendeur des extrémistes de tous bords, s'en prend cette fois-ci

aux extrémistes sionistes, dans un sketch plus ou moins réussi, finissant ainsi :

« j'encourage les jeunes gens qui nous regardent aujourd'hui dans les cités, pour vous

dire, convertissez-vous comme moi, essayez de vous ressaisir, rejoignez l'axe du bien,

l'axe américano-sioniste (…) Israël ! »77. Condamné en première instance le 26 mai

77 Propos de Dieudonné dans l'émission On ne peut pas plaire à tout le monde, France 3, 1er décembre 2003.

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2004, Dieudonné sera finalement relaxé en appel le 10 décembre 2004 par la cour

d'appel de Nîmes. Cependant, la polémique est lancée. Tous les journaux s'emparent de

l'affaire et cible l'humoriste en essayant de dénicher son antisémitisme derrière son

antisionisme. Certains insisteront d'ailleurs sur le commentaire de la présidente de la

cour d'appel, Laurence Trebucq qui, au moment de rendre le jugement, rappelle avec

colère à Dieudonné que « ce n'est pas parce que la justice ne le sanctionne pas sur une

prévention précise que cela veut dire qu’il a raison dans ce qu'il dit »78. La presse se fait

alors discrète sur la relaxe, les journaux télévisés boycottent l'artiste. Il ne sera plus

jamais invité sur un plateau de télévision pendant de longs mois. En parallèle,

l'humoriste continue à se produire dans son théâtre avec son spectacle Mes excuses !

Peu mécontent du traitement médiatique qui lui est fait, il insiste sur la question du

sionisme, dont le lobby serait le principal acteur de la censure dont il fait l'objet : « Oui,

je recommencerais, puisque c'est mon travail (…) Mon nouveau spectacle reprend en

grande partie les lignes de ce sketch »79. Quelques mois plus tard, le spectacle de

Dieudonné Le Divorce de Patrick, donné à la Bourse du travail de Lyon, est interrompu

par un groupe d'extrême-droite pro-israélien, injuriant l'humoriste : « Dieudo, sale

négro, les juifs auront ta peau ! », et blessant quelques spectateurs avec de l'acide. Les

principaux suspects sont relâchés rapidement après leur garde à vue et aucun média ne

semble vouloir relayer l'incident. Après cet épisode, beaucoup de salles décommandent

son spectacle de peur des dérapages et des représailles.

Seule exception au boycott médiatique, Thierry Ardisson l'invite dans son

émission Tout le monde en parle, le 11 décembre 2004. L'humoriste, blessé par sa

situation professionnelle qui s'enlise à cause d'un sketch, avance alors pour la première

fois des arguments sur le « monopole de la souffrance » qu’entretient le lobby sioniste

en France. Il tente de rappeler sans succès qu'il a été relaxé par la cour de justice. Il

essaie d'exposer pourquoi, en tant qu'humoriste, il s'attaque à tous les racismes et donc

au sionisme en particulier. Il tente de se justifier en rappelant le déchaînement de la

presse, le boycott télévisuel, et surtout l'agression de Lyon qui pour lui est assimilable à

une « action terroriste ». En vain, Dieudonné refuse de donner des excuses et Thierry

Ardisson enchaîne sur les points controversés de l'humoriste. L'entretien ne se finira pas

mieux et sera une des dernières apparitions de Dieudonné sur une chaîne publique 78 Propos retranscrits dans MUKUNA Olivier, Egalité zéro ! : Enquête sur le procès médiatique de Dieudonné, 2005, p.9.79 Tout le monde en parle, France 2, 11 décembre 2004.

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pendant des années. Cette première sortie en tant qu'antisioniste convaincu aux yeux du

public va l'amener à élargir son réseau, notamment en invitant, à l'occasion de

l'hospitalisation de Yasser Arafat, quatre rabbins de Netureï Karta au Théatre de la Main

d’Or, qui exposeront leurs combats pour les palestiniens et contre le sionisme israélien.

Les années qui vont suivre seront déterminantes pour Dieudonné. Allant de

propos controversés en « attentats humoristiques », d'interdiction de salles de spectacles

de plus en plus nombreuses à une agression en Martinique par un groupe extrémiste pro-

israélien, il décide d'intensifier son discours sur le sionisme jusqu'à cette fameuse

conférence d'Alger le 16 février 2005 (annexe 8). Le traitement médiatique qui lui est

alors réservé ne fera qu'écorcher vif encore plus l'artiste qui désormais dans ses

spectacles, commence systématiquement par raconter son histoire, d'abord en se

présentant comme la victime du lobby sioniste, puis en insistant sur le « deux poids deux

mesures » de la mémoire en France. La presse et la télévision étant unanimes sur le

personnage, Dieudonné est désormais montré du doigt comme antisémite : c'est « le

diable, (…) désormais incarnation du nouvel antisémitisme, lâché par ses amis,

conspué par la totalité de la presse et du monde politique 80».

Cette année 2005 est bien l'année charnière pour Dieudonné. Privé d'audience

médiatique, il décide d'organiser des coups médiatiques, des « attentats humoristiques »

qui lui coûteront cher et qui lui feront passer petit à petit la ligne jaune du combat

politique. Il se rapproche par exemple de certains membres du Front National et va

même jusqu'à rencontrer Jean-Marie Le Pen, son ancien ennemi, le 11 novembre 2006 à

la fête des bleus-blancs-rouges du FN. En juillet 2008, Dieudonné ira même jusqu'à

faire croire au baptême de sa fille Plume par l’abbé traditionaliste controversé Philippe

Laguérie, avec pour parrain Jean-Marie Le Pen81. Au-delà des pitreries humoristiques,

Dieudonné opère un rapprochement stratégique avec l'extrême droite, un rapprochement

basé sur un « ras-le-bol du système et de la pensée unique » : « Il y a quelques années

nous nous sommes beaucoup battus avec Jean-Marie Le Pen. On ne peut faire la paix

qu’avec ses adversaires. Je pense qu’un jour la périphérie et les extrêmes se rejoindront

contre le centre. Les gens de l’extrême sont très attachés à la justice. Ma rencontre avec

Le Pen est un débat sur le colonialisme, l’indépendance des pays africains, le 80 ASKOLOVITCH Claude, « Enquête sur un antisémite », Le Nouvel Observateur, 24 février- 2 mars 2005.81 « Le Pen parrain d'un enfant de Dieudonné », L'express, 16 juillet 2008.

Page 40: Mémoire M2

40

nationalisme. Je préfère que les gens débattent et ne soient pas d’accord »82. Poussée

dans ses derniers retranchements par la pression politico-médiatique, Dieudonné prend

de plus en plus des positions d'extrême gauche propalestinienne et antisioniste radical,

avec une « volonté de transgression très forte, car vouloir éradiquer Israël, démoniser

les Juifs, c'est s'attaquer à l'idée même d'une loi et d'une morale communes  »83. Lâcher

par tous sauf par son public, il verra de nombreuses personnalités s'élever contre la

censure dont il fait l'objet, dont la plus importante sera Alain Soral qui explique qu'il

s'est rapproché de lui « au moment où il se faisait lyncher (…), estimant que sa

marginalisation, après son sketch que l'on a appelé « son dérapage » chez Fogiel (…)

Était dégueulasse »84.

Dans le même temps, il renforce sa position à l’extrême gauche lorsqu'il annonce

en 20007 sa candidature pour les élections présidentielles. Il n'obtiendra pas les

parrainages nécessaires pour participer au premier tour, mais son programme de

politique nationale, basé sur l'anti-communautarisme et la critique acerbe du

néolibéralisme capitaliste, ainsi que son programme de politique internationale

antisioniste et propalestiniens lui vaudra les soutiens de personnes controversées, proche

des négationnistes tels que Ginette Hess-Skandrani ou Maria Poumier. Il réussit ainsi un

tour de force en étant « l'entrepreneur de mobilisation » d'un mouvement jusqu'alors

éparse (voir chapitre 1 : la nébuleuse antisioniste). Il arrive à agréger autour de sa

personnalité des antisionistes de tous bords qui n'ont que cette obsession comme point

commun. Il ne restait plus alors qu'à se lancer dans le combat politique ce qu'il fit en

2009 en créant la liste antisioniste pour les européennes.

Section 2   : La création de la liste anti-sioniste   : des personnalités et des ressources hétérogènes.

Le travail de Dieudonné pour trouver des colistiers antisionistes ne se fit pas

naturellement. Bien isolé au départ dans sa lutte politique, l'enjeu de structuration d'un

groupe d'intérêts en parti politique s'avère en effet complexe. Pour qu'un intérêt explose

82 Propos retranscrits sur le site http://lesogres.info/article.php3?id_article=4017. 83 CAMUS Jean-Yves, « Une volonté de transgression très forte », propos recueilli par Pascal Virot, Libération, 20 décembre 2006.84 PIGNÈDE Béatrice et CONDEMI Francesco, Sans forme de politesse, regard sur la mouvance Dieudonné, 2009, 00:02:53.

Page 41: Mémoire M2

41

sur la scène de l'opinion publique et participe à la compétition électorale, il faut qu'il

soit pris en charge par un certain nombre d'individus, des entrepreneurs de mobilisation,

qu'il quitte son statut de groupe latent et qu'il émerge comme une alternative sérieuse.

Dans le cas du PAS, cette structuration a été très difficile et reposait principalement sur

la conscience d'un intérêt commun, d'une entité commune (§1). Nous adoptons ici une

sociologie constructiviste, qui considère les faits comme un construit social.

L'expérience accumulée par ces acteurs très hétérogène va donc comporter certaines

pratiques politiques. Nous verrons ainsi les contraintes objectives issues de ce

mouvement, notamment en ce qui concerne la mise en place de leurs ressources et de

leurs modes d'action (§2).

§1   : Le difficile effort de rassemblement.

Début 2009, Dieudonné donne une conférence en compagnie de son ami Alain

Soral et lance l'idée « que ces insoumis, que ces gens qui sont attachés profondément et

réellement à la liberté d'expression, la véritable, puisse se retrouver »85. Un mois plus

tard, Dieudonné explique dans une autre conférence de presse quelles sont ses

motivations pour la création d'une liste :

« Le parti socialiste et l’ump m'ont déclaré une guerre

culturelle suite à un sketch qui n'a pas été apprécié par tous. Je me

suis dit que j'allais affronter mes adversaires sur leur terrain : le

champ politique. Saisissant l'occasion de ces élections européennes,

j'ai décidé d'emmener un élan (…) C'est un appel que je lance à tous

les insoumis de ce système pour qu'ensemble nous nous battions. Moi,

clairement pour une liberté d'expression : je suis né dans ce pays est

aujourd'hui on m’interdit d'entreprendre, de travailler, de nourrir mes

cinq enfants. Je n'ai donc pas d'autre choix que d'aller me battre sur

ce terrain-là, jusqu'à Bruxelles s'il le faut »86.

A. Une contrainte identitaire forte

85 Conférence de presse, Théâtre de la main d'or, 4 février 2009.86 Conférence de presse, Théâtre de la main d'or, 21 mars 21 mars 2009.

Page 42: Mémoire M2

42

Jusqu'à présent, la mobilisation d’un groupe antisioniste en France s'avérait

impossible à cause d'un facteur endogène très simple : l'immobilisme des leaders

d'opinion dans des étiquettes plus vagues (écologistes, socialistes, communistes,

nationalistes etc.). Pour arriver à former un groupe uni, Dieudonné va transcender tous

ces clivages pour mettre en place un groupe de « single issue » contre le sionisme. Il

décide donc dans un premier temps de contacter toutes les personnes susceptibles

d'avoir cette sensibilité et de les fédérer autour de cette seule idée. C'est le principe que

défend par exemple Marc George, membre du Front National et bras droit d'Alain Soral

dans son association Égalité & Réconciliation, pour expliquer assez maladroitement son

adhésion au mouvement antisioniste de Dieudonné : « ce n'est pas le lieu dans lequel on

exerce la politique qui fait qui on est, c'est qui on est et le contexte politique donné qui

fait qu'on choisit d'inscrire ce qu'on est dans telle ou telle structure » 87.

Pour se mobiliser, la liste antisioniste a dû aller contre cette contrainte historique

de la position de chacun sur l'échiquier politique traditionnel, car cette contrainte de

l'identité pèse sur le groupe et sur ses actions. Dans le cas du PAS cette contrainte

d'identités éclatées s'est transformée en une autre contrainte identitaire : elle montre

certes une unité de façade contre le sionisme, mais au vu de la controverse qu'inspire ce

combat, elle empêche toute utilisation d'une quelconque ressource de notoriété (si ce

n'est les contacts avec quelques groupes d'extrêmes droite ou d'extrême gauche, mais

qui restent rares) et amoindrit les chances d'utiliser la ressource du nombre.

Tous les courants sont mélangés, de l'extrême droit à l'extrême gauche. Chacun a

son passé et son rôle à jouer. Dieudonné, l'ancien « gauchiste » convaincu, doit

représenter « le noir » qui s'élève contre l'oppression sioniste en organisant « un grand

marronnage »88. Gouasmi, religieux chiite et porte-parole du parti, représentera « la

sagesse » islamique face au « chaos sioniste ». L'intellectuel iconoclaste Alain Soral,

ancien du PCF et du Front National, créateur d'Égalité & Réconciliation, sera le

penseur, l'intellectuel agitateur et polémiste contre la pensée unique. Le rabbin

Bormann, juifs orthodoxes antisionistes vient fermer la marche transcommunautaire en

incarnant le « gentil juif », conscient du mal que représente Israël et dénonçant le

sionisme. Ginette Hess-Skandrani, journaliste et ancienne cofondatrice des verts, tiendra 87 PIGNÈDE Béatrice et CONDEMI Francesco, Sans forme de politesse, regard sur la mouvance Dieudonné, 2009, 00:51:50.88 Conférence de presse, Théâtre de la main d'or, 21 mars 2009.

Page 43: Mémoire M2

43

le rôle de « l'émotion », de la propalestinienne enragée face à la misère et au « génocide

du peuple palestinien ». Il y a aussi des intellectuels (Roger Garaudy) ou des

universitaires (Maria Poumier), proche des milieux négationnistes et s'occupant de la

démystification du complot de la « Shoah business internationale ». Il serait inutile

d'égrener ainsi toutes les fortes personnalités qui composent le parti89.

Ginette Hess-Skandrani explique pourquoi le bureau du PAS « n'est pas aussi

hétéroclite que ça » :

« Nous sommes d'accord sur trois points. Sur la république, et

sur la place de chaque citoyen et citoyenne dans cette république.

Nous sommes aussi d'accord sur la liberté d'expression : nous sommes

tous pour la liberté d'expression sans tabous. Et le troisième point,

c'est que nous sommes tous solidaires du peuple palestinien. Nous

sommes aussi contre la guerre qui se prépare en Iran et en Syrie.

Nous sommes aussi pour la solidarité avec le peuple irakien et les

peuples exclus. Et nous sommes aussi pour un véritable débat sur le

colonialisme (…) et sur l'esclavage. Et donc c’est nos points

communs. Ce sont déjà énorme ces points-là ! Pour le reste... On

verra ! »90.

Toujours est-il que le PAS reste un parti de personnalités qui, pour exister, doit

s'agiter localement (avec une position anti-système) tout en essayant de garder un

positionnement global et abstrait (en gardant le leitmotiv de l’antisioniste international).

Plus qu'un parti de cadres, le parti antisioniste est un parti de personnalités

charismatiques, iconoclastes et controversés. Il ressemble plus à la définition d'un

« parti club » tel que l'envisageait James Q. Wilson91, c'est-à-dire « une structure

d'accueil d'amateurs éclairés, fortement motivée par l'action politique

programmatique ». C'est un « type de partie où le mouvement est probablement

exceptionnel, transitoire et dépendant, du fait notamment des insuffisances de

l'amateurisme pour l'action politique permanente »92.

89 Pour la liste détaillée, voire http://fr.metapedia.org/wiki/Liste_antisioniste. 90 PIGNÈDE Béatrice et CONDEMI Francesco, Sans forme de politesse, regard sur la mouvance Dieudonné, 2009, 00:55:40.91 WILSON James Q., The Amateur Démocrat, Chicago, The University of Chicago Press, 1962.92 GRAWITZ Madeleine et LECA Jean (dir), Traité de Science politique, PUF, 1985, p.489.

Page 44: Mémoire M2

44

B. Le bouleversement du cadre cognitif pour une meilleure unité.

Pour devenir ce « parti club », ou « parti ad hoc »93, le PAS a dû utiliser des

ressources cognitives et redéfinir le cadre de son action collective, c'est-à-dire construire

un ensemble de croyances orientées vers l'action et qui servent à mobiliser les individus

autour d'une cause légitime. Contrairement aux recommandations du sociologue

Goffman et de sa sociologie interactionniste94, qui montre qu’un groupe d'intérêts doit

faire correspondre son cadre au cadre dominant de la société, le PAS a justement choisi

de se mettre en porte-à-faux par rapport à ce qu'il appelle « la pensée unique ». On

retrouve ainsi dans le discours du PAS les quatre principaux processus de cadrage :

- L’opération de connexion : il s'agit de faire des liens entre différentes

revendications en les mettant sous la bannière de la même cause. Dans le cas du parti

antisioniste, le problème de la crise de la république française et de son système

politique, le problème de la liberté d'expression, le problème de l'exclusion des pays du

tiers-monde (et en particulier le problème palestinien), le problème de la

communautarisation etc. sont tous imputables à la même cause : « l'axe américano-

sioniste ».

- L’opération d'extension, qui consiste en l'agrégation de revendications diffuses

pour une même cause. Le parti revendique une « nouvelle ligne de fracture »,

l'antisionisme, censée concerner toutes les sphères de la société et toutes les tendances

politiques (nationalisme, républicanisme, écologisme, tiers-mondisme…).

- L'opération d'amplification, en utilisant un registre moral, en insistant sur les

valeurs, en idéalisant le combat. Le PAS prône la défense de l'intérêt général, de toute la

république française et de ses citoyens, « d'une dynamique de libération, (…) entraînant

une véritable révolution (…). La liberté est une quête ultime qui appartient à la

conscience de chacun mais il n'y a pas d'autre finalité à la vie que de se libérer »95.93 OSTROGORSKI Moisei, La démocratie et les partis politiques, Seuil, 1979. Le politologue russe proposé de substituer au parti « omnibus », nécessairement manichéens et globaux, des partis plus petits, concentrée sur un problème précis et sur un unique objectif, plus facile à atteindre.94 GOFFMAN Erving, Les Cadres de l’expérience, Les Editions de Minuit, 1991.95 Dieudonné, Conférence de presse de présentation de la liste antisioniste, Théâtre de la main d'or, 8 mai 2009.

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- L'opération de transformation enfin, objectif final du parti, mais plus difficile à

mettre en place. Il s'agit d'essayer de transformer le cadre cognitif global de la société en

insistant sur l'ampleur de la mainmise du sionisme en France. Il faut que cette idée

devienne l'idée motrice de la république pour « l'opinion publique [qui] doit prendre

conscience que la France est un enjeu particulier pour le sionisme et que le lobby

sioniste y est extrêmement puissant »96.

L'objectif final de ce parti et donc, avec un bureau formé de personnes venant de

tout horizon, d'avoir le plus de résonance possible auprès du public, surtout auprès des

« déçus du système » qui pourront se retrouver dans une multitude de causes et dans une

multitude de personnalités, le tout regroupé sous un même engagement, la lutte contre le

sionisme.

§2   : Ressources et répertoire d'action : un casse-tête pour le PAS

Quant au répertoire d'action et aux ressources disponibles, chaque groupe

d'intérêts puisse dans un stock en fonction de l'expérience de ces acteurs et de sa

position dans le système. Si on prend en compte la théorie de Charles Tilly sur

l'évolution des répertoires d'action97, on a un premier répertoire d'action classique, du

XVIIe siècle à la première moitié du XVIIIe siècle, basé sur du local, avec à sa tête un

médiateur, des actions spécifiques souvent violentes et concrètes, puis un deuxième

répertoire d'action jusqu'à aujourd'hui, plus nationale, avec des organisations de

médiation à leur tête, une certaine abstraction dans leurs revendications et une

continuité dans les mobilisations. Le PAS se situerait alors dans un nouveau répertoire

d'action, hybride. Tout d'abord parce qu'il emprunterait des éléments aux deux

répertoires d'action précédents. En ce qui concerne sa politique nationaliste, on est dans

un répertoire de type classique avec des enjeux et soutiens locaux, des actions coup de

poing etc. et en ce qui concerne sa politique contre le sionisme en France, on se trouve

plutôt dans un répertoire de type 2, plus actuel, plus transversale, plus abstrait, en se

greffant à des mouvements plus globaux, notamment dans les manifestations (pro

96 Idem.97 DIACON Eric et TILLY Charles, La France conteste, de 1600 à nos jours, Fayard, 2008.

Page 46: Mémoire M2

46

palestinienne, écologistes, nationalistes d'extrême droite etc.). Mais la limite du modèle

que présente Tilly, c'est-à-dire son ethnocentrisme européen, fait aussi l'originalité du

répertoire d'action du PAS qui, concernant sa politique internationale, s'appuie sur un

répertoire d'action caractérisée par « une logique plus transnationale fondée sur des

valeurs solidaires »98 : participation à des sommets internationaux, voyages à l'étranger

pour rencontrer des personnalités importantes, appel au boycott, importance de l'outil

médiatique et surtout d'Internet…

Pour faire un tour rapide des ressources dont dispose le PAS lors de sa création,

on pourrait dire qu'elles sont quasiment nulles ou en tout cas discrètes. Après

renseignements, il est impossible de savoir d'où vient concrètement la ressource

financière. Avec un nombre peut important d’adhérent, la réponse des intéressés serait

que chacun aurait « participé au projet dans la limite de ses moyens »99. En ce qui

concerne les autres ressources « traditionnelles »100 d'un parti politique, peu sont mises

en place. Il y a peu ou pas d'organisation : faible division hiérarchique, géographique ou

fonctionnelle des tâches. Il n'existe qu'un pôle, celui de Grande-Synthe, qui regroupe la

présidence, le bureau des membres, le secrétariat, le pôle informatique etc. la seule

délocalisation se trouve au Théâtre de la Main d'Or, à Paris, lieu des conférences de

presse pour des raisons évidentes de facilité d'accès aux médias. La ressource de

compétences et d'expertise, si elle existe, et très peu reconnu ou très peu mise en avant,

si ce n'est les « compétences » de décryptage et d'analyse du président Gouasmi sur le

site Internet du parti. La seule ressource complémentaire très utile au PAS et celle du

« recours au scandale »101, notamment le scandale médiatique ou rhétorique (ressources

que nous développons dans la partie 2).

Après ce tour d'horizon de la « construction physique » du PAS et des enjeux qui

lui sont attachés, nous allons nous consacrer dans une troisième section à étudier

l'aspect sociologique rattaché à cette nouvelle structure.

Chapitre 3   : une sociologie complexe.

98 MILLET Marc, Cours de sociologie politique, Université Panthéon-Assas Paris II, 2010.99 Conférence de presse, Théâtre de la main d'or, 21 mars 2009.100 On prendra comme référence de départ ici : GRAWITZ Madeleine et LECA Jean (dir), Traité de Science politique, PUF, 1985, p.498 à 505.101 OFFERLÉ Michel, Sociologie des groupes d'intérêt, LGDJ / Montchrestien, 1998.

Page 47: Mémoire M2

47

Ce chapitre nous fait entrer pleinement dans notre réflexion de départ, à savoir le

rôle que joue le PAS dans le système politique et social français, et que Michel

Wieviorka replace dans un « processus de fragmentation culturelle qui, sur fond de

crise sociale, font que des identités culturelles deviennent visibles, voir s'affirment dans

l'espace public »102. En tant que « parti-groupe de pression », il était intéressant de se

pencher sur la sociologie mise en place par le parti à travers deux axes. La première

section reviendra sur l'importance du fonctionnalisme et sur la place qui lui est attribuée

au sein du parti. La deuxième section s'interrogera plus spécifiquement sur l'électorat,

les sympathisants, en quelque sorte « la base » de soutien du PAS, pour essayer d'en

dégager un principe de positionnement systémique. Nous essaierons ainsi d'éclairer

notre hypothèse de départ quant au traitement politique exacerbé de la différence

culturelle.

Section 1: un fonctionnalisme anti-système stratégique.

Comme l'ont montré de nombreux auteurs au fil de leurs recherches sur les partis

politiques, ceux-ci sont souvent amenés à remplir différentes tâches, différentes

fonctions dans l'espace politico-social. Le principal rôle qu'entend jouer le PAS et celui

de critique du système, refuge des déçus et des opprimés, c'est-à-dire remplissant

officiellement une fonction tribunitienne antisystème (section 1). Mais, outre cette

fonction manifeste, le parti offre plusieurs orientations à leurs sympathisants,

notamment un repositionnement autour de l'axe stratégique sioniste/antisioniste (section

2), et surtout la possibilité de créer un lien social, une sorte de grande famille où tous

peuvent s'exprimer et être représentés sur la scène politique, ce que Brechon appelle « la

fonction latente de sociabilité »103 (section 3).

§1   : Revendication de la fonction tribunitienne.

102 WIEVIORKA Michel et al., Violence en France, Seuil, 1999, p.42.

103 BRECHON Pierre, op. cit., p.77.

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Avec son objectif principal, celui de réunir « tous les insoumis » autour d'une

même lutte contre le sionisme et contre le système communautarisé de France, le parti

antisioniste fait partie des « parties extrêmes, qui critiquent le système politique ou qui

parle au nom d'un groupe social qui se sent exclus du nous communautaire, exercent de

manière privilégiée la fonction tribunitienne. Mais en exprimant les malaises sociaux,

ils peuvent contribuer indirectement, de façon latente, à stabiliser le système qu’il

critiquent »104. C'est cette fonction que revendique clairement le parti antisioniste. Se

définissant comme un mouvement de libération pour tous les opprimés, le PAS ne fait

aucune distinction entre les déshérités qu'il est censé représenté : classes sociales les

plus défavorisées, communautés stigmatisées, peuples du monde exploités ou colonisés.

Une fonction tribunitienne très large pour pouvoir cibler un public non pas à travers

l'identité de chacun mais à travers un ennemi commun. Cette fonction clairement

affichée a pour objectif de créer « une onde de choc jusqu'à l'Élysée jusqu'à ce qu'elle

s'effondre »105. Il est donc bien question de détruire le système existant, « gangrené par

le sionisme » pour pouvoir reconstruire une République dont tous les citoyens, « blacks

blancs beurs » seront réconciliées. C'est un discours important que l'on retrouve aux

extrêmes de l'échiquier politique français et qui permet à la démocratie de créer du

débat autour de certaines questions. C'est d'ailleurs un des objectifs poursuivis

incidemment par Dieudonné, c'est-à-dire être en agitateur de conscience, imposant de

nouvelles questions, une sorte de « terroriste humoristique » avec pour principale arme

ce qu'il appelle des « saillies drolatiques ».

Mais ce côté révolutionnaire anti-système, quoiqu'on en dise, permet ici deux

choses. Tout d'abord d'exprimer le malaise de ceux qui se sentent « opprimés par ce

lobby sioniste », permettant ainsi une plus grande liberté d'expression, ce que

revendique par ailleurs Dieudonné. Elle permet d'autre part au système de se stabiliser,

puisque l'humoriste et ses compagnons de lutte s'expriment à travers des moyens

d'expression démocratiques, acceptant de répondre aux questions des journalistes,

s'exposant ainsi à la critique. Il est alors plus facile pour le système de combattre ces

positions lorsque celles-ci ne sont pas cachées et lorsqu'elles ne font pas parti d'un

refoulement d'une partie de la population. La liberté d'expression, notamment des

groupes extrémistes, participe donc selon nous à un épanouissement du système. 104 Idem, p.79. 105 Dieudonné, Conférence de presse de présentation de la liste antisioniste, Théâtre de la main d'or, 8 mai 2009.

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Lorsqu'une bataille est lancée par un parti ou par groupes d'intérêts, qu'elle a un fort

potentiel de médiatisation (ce qui est le cas du PAS puisqu'il regroupe des personnalités

très controversées) et qu'elle fait l'objet d'une censure par le monde politico-médiatique,

il serait quasiment politiquement irresponsable de ne pas la prendre en compte. Au

contraire, nous rejoignons la réflexion de Frédéric Lambert en estimant que lorsque

deux croyances opposées sont en interaction, il ne sert à rien de baisser les bras et de

décréter le débat impossible. Bien au contraire, c'est bien dans ces situations que

l'expression des divergences devient simultanée et fructifiante pour les acteurs du débat.

Car c'est cette intransigeance, notamment du monde médiatique, qui a fait le jeu calculé

de Dieudonné pendant des années et qui l'a poussé à construire un parti politique alors

que le sionisme aurait pu rester dans le domaine du débat public. Au contraire, en

poussant à la création de ce parti antisioniste, le calcul nous semble mauvais puisqu'il a

permis à une minorité extrémiste n'ont pas de s'exprimer (ce que nous ne reprochons

pas, bien au contraire) mais de s'exprimer dans une sphère particulière qu'est celle du

politique, radicalisant les discours, enfermant les acteurs dans leur propre rôle et

empêchant un débat serein et constructif sur le sujet. Aujourd'hui, c'est bien le système

qui est perdant avec deux camps qui se renvoient la balle.

De plus, il faut bien comprendre que le parti antisioniste a fait le challenge d'être

un groupe complètement en dehors de l'appareil de décisions gouvernementales et de

toute alliance politique. Si on reprend les trois critères de cette intégration proposée par

le politologue américain Samuel J. Eldersveld106, on s'aperçoit :

- Qu’il y a un rejet du PAS par le pouvoir politique (et on pourrait compléter

l'analyse en ajoutant un rejet des médias), poussant ainsi aux actions d'agitation et de

résistance.

- Qu’il y a une combativité hors normes présente chez tous les colistiers

antisionistes. C'est-à-dire une volonté inébranlable, de forts caractères, et une foi en

l'idéologie du parti sans faille. Elle permet ainsi une capacité de résistance aux pressions

et à la poursuite de l'action inouïe.

106 ELDERSVELD Samuel J., « American interest groups : a survey of research and some implications for theory and methods”, in Henry Ehrmann, Interest groups un on four Continents, Pittsburgh University Press, p.173-196.

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- Enfin, que l'image du groupe est volontairement provocatrice, engageant des

réactions très émotives de la part de l'opinion publique, suscitée par le seul nom du

groupe et ses connotations immédiates. Cette image néfaste fait partie du statut

sociologique complètement intégré par le PAS.

Comme nous l'avons indiqué en introduction, nous pensons que d'une manière

globale, les partis politiques agissent directement sur les principaux conflits de la

société. En acceptant le PAS dans le champ politique, le système fait donc honneur à sa

nouvelle proposition, c'est-à-dire à la nouvelle ligne de fracture centrale qu’est le

sionisme/antisionisme.

§2   : La formation de l’opinion   : «   la nouvelle ligne de fracture   ».

Comme l'indique Pierre Brechon, « les partis expriment et réguler les conflits

centraux d'une société »107. C'est une thèse qui a était développée très tôt par Stein

Rokkan108 et qui nous paraît très éclairante dans ce cas puisque, inconsciemment, les

fondateurs du PAS veulent redonner sa place à un nouveau conflit de société qui selon

eux est central aujourd'hui et détermine toute la politique française. Il y aurait une

nouvelle typologie à mettre en place entre leur parti, antisioniste, et tous les autres partis

de France, dirigés directement par des sionistes ou sous leur influence : « L'antisionisme

sera la grande ligne de fracture qui nous opposera à tous les autres grands partis. Le

sionisme gangrène la France, c'est un danger »109. S'estimant à « l'avant-garde du

combat, perpétuant une vieille tradition gauloise », Alain Soral insiste sur le rôle de

régulation des conflits dans un « système communautaire exacerbé », en préconisant

une « réconciliation nationale ». Mais, nous pensons au contraire que l'analyse binaire

de Rokkan n'a de sens que si elle est l'expression de l'opinion publique, expression

mesurable par les sondages ou par les élections et surtout, et si cette nouvelle ligne de

fracture emporte une fonction programmatique différenciée entre les deux pôles.

107 BRECHON Pierre, Les partis politiques, Montchrestien, Clefs/politique, 2001, p.20.108 LIPSET Seymour M., ROKKAN Stein, Party Systems and Voter alignements, New York, Free Press, 1967.109 Dieudonné, Conférence de presse de présentation de la liste antisioniste, Théâtre de la main d'or, 8 mai 2009.

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51

C'est d'ailleurs la grande question des journalistes aux membres du PAS lors de

la conférence de presse de présentation de la liste. Bloqués sur la question de cette

nouvelle ligne de fracture qui structurait la société, Dieudonné et Alain Soral arrive à

contourner le problème en expliquant que l'antisionisme n'est pas un principe structurant

la société mais une manière d'aborder chaque problème de celle-ci. À la question d'un

journaliste qui demande si au-delà de la polémique du nom du parti le PAS a

véritablement un programme politique, Alain Soral prend le micro pour expliquer qu'ils

ont un véritable programme sur de nombreux sujets qui, dans la manière dont ils sont

traités, « sont aujourd'hui autant de métaphore (…) de cette oligarchie sioniste en

France ». Il nous semble en effet que la tentative d'instaurer une nouvelle dualité en

France est impossible tant que règne un clivage principal. Au contraire, il est plus

judicieux - et les leaders de la liste antisioniste l'ont bien compris, de suivre la voie de

Jean Charlot110 et de caractériser les partis et leur idéologie par le choix qu'il représente

concernant chaque conflit social. Le PAS n'a donc pas de réelle fonction

programmatique d'ensemble et préfère se concentrer sur sa fonction d' « agitateur

d'esprit » antisioniste sur chaque petit sujet qu'engagent les élections européennes.

Dieudonné considère que le fait d'avoir pu se rassembler et présenter une liste aux

élections est déjà une grande victoire sur le sionisme et permettra aux esprits de

« trouver la lumière ». Outre cette fonction tribunitienne très marquée, il nous faut

revenir sur un concept plus discret mais sur lequel comptent beaucoup les antisionistes :

le partage et la socialisation des populations les plus exclus.

§3   : L’agrégation sociabilisante du PAS.

À l'instar de Brechon, nous affirmons en effet que le PAS remplit une « fonction

latente de sociabilité »111. Organisant des débats, sortant dans la rue pour rencontrer des

gens, pour tracter, coller des affiches, le mouvement antisioniste essaye de créer du lien

social entre ses dirigeants, ses militants, ses adhérents ou ses simples sympathisants.

Dieudonné, très à l'aise en communication, ne recule devant aucune poignée de main,

aucune discussion chaleureuse, et de nombreuses vidéos sont mises en ligne sur Internet

pour attester de la sociabilité de l'homme ou pour montrer qu'il ne recule devant aucune

110 GRAWITZ Madeleine et LECA Jean (dir), op. cit., p.429-36.111 BRECHON Pierre, op. cit., p. 77.

Page 52: Mémoire M2

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provocation, même en pleine rue et malgré les menaces112. Il essaie toujours d'entretenir

une certaine chaleur entre lui et ses compagnons de route, contrepoids à toute la colère

et le dédain qu'il entretient envers les médias. Le jour de la présentation de la liste par

exemple, il convie tout le monde dans son théâtre, sur scène, pour se présenter et dire

quelques mots sur le combat antisioniste113. Il traite de la même manière tous ceux qui

l’ont rejoint, les faisant ainsi « sortir de l'anonymat et de l'isolement. Si, comme tout

groupe organisé, les partis contribuent à tisser des liens de sociabilité, reconnaissons

cependant que d'autres organisations sont mieux placées pour cette fonction »114. Ce

constat semble faire mouche dans le cas du PAS puisqu'effectivement nous avons vu

que son « statut sociopolitique », c'est-à-dire les réactions émotives qu’il provoque, ne

joue pas en sa faveur et favorise le conflit. En allant un peu plus loin, on pourrait même

affirmer que cette posture de sociabilité de la part du PAS fait partie intégrante de sa

stratégie de victimisation. En planifiant des sorties tapageuses, avec ce slogan crié dans

les rues : « sionistes, racistes, assassins ! »115, il n'est pas étonnant de voir quelques

mouvements hostiles apparaître au détour des rues.

De plus, les vidéos de « propagande » les mieux réussis sur cette « fonction de

sociabilité » sont tournés à l'occasion de fêtes organisées par le centre Zahra ou en

banlieue parisienne. Cela nous amène à formuler une autre hypothèse, niée naïvement

ou stratégiquement par Dieudonné et les membres du PAS, mais qui nous semble

relativement intéressante, celle du déterminisme social dans le vote antisioniste.

Section 2 : Le refus du déterminisme social : l’électorat de banlieue.

Une des questions fondamentales autour de l'analyse d'un parti politique est celle

de son électorat et de sa fidélité. C'est-à-dire d'essayer de comprendre quels sont les

données importantes qui peuvent éclairer un vote. Plusieurs explications théoriques ont

été soulevées au cours du XXe siècle. Pour essayer d'analyser les mobiles de l'électorat

112 Sur le marché des Pyrénées (paris 20e). « Dieudonné et Antisionistes VS antifa 2 », dailymotion, 31 mai 2009.113 Dieudonné, Conférence de presse de présentation de la liste antisioniste, Théâtre de la main d'or, 8 mai 2009.114 BRECHON Pierre, ibid., p.78.115 « Dieudonné et Antisionistes VS antifa 2 », loc. cit., 31 mai 2009.

Page 53: Mémoire M2

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antisioniste, nous ne pourrons échapper aux grands « modèles explicatifs du vote 116»,

qui sont encore aujourd'hui des modèles canoniques en ce qui concerne l'analyse

partisane. Nous tenterons ainsi de mettre en évidence deux composantes dans le choix

électoral du PAS. Un paradigme sociologique certain tout d'abord (§1), bien qu'il soit

généralement renié par les membres du parti. Puis, nous questionneront l'idée de

rationalité chez les électeurs antisionistes (§2).

§1   : Le paradigme sociologique   : des résultats communautarisés.

La liste antisioniste ayant été confectionnée et la campagne menée, les élections

européennes du 7 juin 2009 donnent enfin les résultats tant attendus par le clan de

Dieudonné. Au soir des résultats, ceux-ci semblent déçus du peu de voix qu'ils

obtiennent, mais le communiqué de presse du PAS du 9 juin indique que « la liste

antisioniste se réjouit du score réalisé en Ile-de-France, où avec 1,3 % (36 398 voix)

elle réalise près du double du score d’une formation aussi structurée que  Lutte

Ouvrière et fait jeu égal avec l’opposition bidon de NPA dans de nombreuses villes. A

titre d’exemple, les scores réalisés à Villetaneuse (5,52%), Saint-Denis (4,18%), la

Courneuve (4,31%), Bobigny (4,84%)   ou  Clichy (5,18%), malgré une abstention

massive délibérément provoquée par le pouvoir et une absence totale de moyens

financiers ou médiatiques, viennent souligner le potentiel de l’opposition

révolutionnaire antisioniste »117.

La liste antisioniste n’était présente qu'en Île-de-France, et un tel score pris

globalement semble montrer le désintéressement complet des Français pour leur cause.

Pourtant, la science politique nous apprend à décortiquer les résultats et à les croiser

avec d'autres données pour obtenir une analyse significative. C'est pour cela qu'il est

intéressant de se pencher sur le tableau des résultats de la liste antisioniste en détail

(annexe 9), pour s'apercevoir des scores réels obtenus dans certaines zones

géographiques spécifiques. On ne peut en effet s'empêcher d'observer les scores

relativement bons du PAS dans certaines villes de banlieue à fort problème d'intégration

116 MAYER Nonna (ss la direction de), Les modèles explicatifs du vote, L’Harmattan, 1997.117 Communiqué de Presse du 09 Juin 2009, liste antisioniste, http://www.partiantisioniste.com/communications/cp-elections-europeennes-2009-liste-antisioniste-communique-de-presse-du-09-06-09.html.

Page 54: Mémoire M2

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sociale telle que Gennevilliers (6,35 %), Garges-lès-Gonesse (6,03 %) ou Clichy-sous-

Bois (5,18 %), d'autant plus qu'ils sont relevés avec fierté par le parti lui-même dans son

communiqué. Une idée acceptée par Dieudonné lui-même alors que quelques années

auparavant, lorsqu'on lui demandait de s'expliquer sur le fait que « certains jeunes de

banlieue d'origine maghrébine et affichant leur antisémitisme »  se reconnaissaient en

lui, il prétendait que cette affirmation était « instrumentalisée par la propagande de ces

associations [CRIF et UOIF] afin d'illustrer une montée de l'antisémitisme en

France »118.

Deux modèles explicatifs de vote nous paraissent les plus convaincants pour

comprendre ce vote dans les villes de banlieue. Le plus connu d'abord, celui des

déterminants sociaux du vote, développé par Lazarsfeld, Berelson et Gaudet, qui insiste

sur la relation entre une orientation politique, un choix de vote, et le milieu social dans

lequel on vit. Le fait d'appartenir à un groupe social serait une prédisposition

déterminante dans le choix du vote119. Cette théorie appliquée nous semble encore

opérationnelle aujourd'hui, bien qu'il nous faut garder en tête que « ces modèles

sociologiques ou anthropologiques sont qualifiés de déterministes car ils font seulement

apparaître des prédispositions, socialement façonné, a voté de telle ou telle manière.

(…) D'autres variables entrent en ligne de compte, qui tiennent à l'histoire personnelle

de l’électeur et au contexte économique et politique spécifique à chaque élection, qui

font du vote un choix toujours recommencé »120. En effet, les bases idéologique du parti

antisioniste, anti-système, propalestinien, « arabophile », soutenu par un leader

charismatique tel que Dieudonné, correspondent à un vote de banlieues dites

« sensibles ». Tout d'abord parce qu'il correspond à une reproduction de l'identité

d'extrême-gauche dans les banlieues. Une identité qui impose depuis les années 70

« une représentation duale de l'univers social »121, une représentation manichéenne avec

pour clivage des oppositions telles que petit/gros, pauvre/riche, cité/bourgeois. Si l'on

croise ses observations, basé sur le déterminisme de la classe sociale, en le complétant

par « une forte influence de la religion sur le vote »122 , on peut comprendre aisément

pourquoi l'antisionisme, qui possède une réelle source idéologique dans le monde 118 MUKUNA Olivier, Dieudonné, Entretien à cœur ouvert, op. cit., p. 47-48.119 LAZARSFELD Paul, BERELSON Bernard, Gaudet Hazel, The People’s Choice, Columbia University Press, 1944.120 MAYER Nonna, ibid., p.16.121 BRACONNIER Céline et DORMAGEN Jean-Yves, La Démocratie de l’abstention, aux origines de la démobilisation électorale en milieu populaire, Gallimard, 2007, p.158.

Page 55: Mémoire M2

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musulman et qui est porté en France par un religieux chiite, soit parvenu à séduire la

population musulmane de banlieue. Une tendance plus ou moins radicale, que l'on a pu

vérifier à travers Internet, le seul vecteur officiel d'informations du PAS. Sur les forums

sociaux et les blogs dédiés au parti, les réactions des électeurs montrent leur

attachement à ce vote d'identité, contre le sionisme, contre les oppresseurs, mais aussi

malheureusement bien souvent contre la communauté juive. Un exemple parmi tant

d'autres, le commentaire de la vidéo postée sur Dailymotion qui retrace l'agression de la

liste antisioniste sur le marché des Pyrénées le 31 décembre 2009 :

« Le Juif Julien Terzics derrière l'agression menée par la CNT

contre Dieudonné Il s'avère que c'est le Juif "d'extrême gauche"

Julien Terzics qui menait les sionistes de la CNT au cours de

l'agression contre Dieudonné et ses colistiers. Durant l'altercation et

dans une inversion accusatoire typiquement Juive, celui ci accuse

Dieudonné d'être un "bounty", c'est à dire quelqu'un qui cache son

identité derrière une apparence trompeuse. Vous comprenez tout de

suite que le Juif Terzics parle en réalité de lui même et qu'il transfert

sur Dieudonné ses propres névroses: c'est bel et bien Terzics qui

pense et agit secrètement en Juif. Ce qui explique cette névrose et

cette inversion accusatoire du Juif Terzics c'est qu'il a eu des

problèmes avec son papa et une relation très spéciale avec sa maman,

comme le Juif Freud nous l'a si bien expliqué. Vous constatez donc

que, de gauche ou de droite, athée ou religieux, internationaliste ou

"plus français que les français", les Juifs, de Kouchner à Henri Lévy,

de Glucksmann à Terzics, ont une structure mentale identique et

qu'ils sont de redoutables nationalistes qui ne supportent pas que

l'on s'oppose à leur projet de domination globale. »123

Pour clore son descriptif, l'auteur de ce billet proprement antisémite donne

l'adresse de l'homme qu'il dénonce à plusieurs reprises « pour toute réclamation auprès

de l'intéressé », sous-entendu à peine caché de représailles. Pas une seule fois ce billet

n'emploie le mot sioniste ou sionisme. Ici, il est seulement question d'une haine contre

les juifs, oppresseurs, racistes et manipulateurs par essence. Une nouvelle dérive

antisémite qui n'avait pas eu lieu en 2004 lors des actions européennes avec la liste 122 MICHELAT Guy et SIMON Michel, Classe, religion et comportement politique, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques et Editions sociales, 1977.123 http://www.youtube.com/watch?v=BTMk2GW09SI&feature=related.

Page 56: Mémoire M2

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Euro-Palestine. Cette liste avait choisi le même mode de publicité (c'est-à-dire au plus

près du public) et ne revendiquait qu'une seule cause : la défense de la cause

palestinienne. Pourtant, Braconnier et Dormagen montraient que, « si le clivage entre la

gauche et la droite demeurait floue, voire, dans bien des cas, largement

incompréhensibles »124, et que la population de banlieue recherchait un autre repère qui

leur permette de mieux comprendre le monde, le vote pour la liste Euro-Palestine n'était

qu'un simple vote d'identité  « pour opérer un retournement de stigmates, emportant sur

la scène politique à des fins de valorisation leur origine ethnique »125.

Le PAS a voulu radicaliser le discours en mélangeant ce vote identitaire

« propalestinien », qui se veut un discours « d'appartenance au monde arabe », de

revendications identitaires et de soutien international à un peuple. Il a en effet complété

son « attirail rhétorique » d'une dimension révolutionnaire antisystème, contre un

« ennemi commun », Israël et les sionistes. Une posture non modérée mais beaucoup

plus imagée, que le « spectacle ésotérique » produit par les autres parties, et dont le

risque est de voir éclore la haine chez les électeurs les plus radicaux. Avec ce cadre

d'analyse, ces résultats montrent bien que si l'objectif affiché du PAS était la

« réconciliation nationale », le vote antisioniste a surtout eu pour fonction d'exprimer et

d'exacerber des tensions et des conflits entre communautés. En effet, bien qu'il ne soit

pas antijuif dans son discours, le parti hétéroclite de Gouasmi permet aux électeurs de se

placer de façon différente sur l'axe antisioniste et de s'engager dans la dénonciation de

plusieurs manières : contre le système français, contre la politique du gouvernement

israélien et pour les palestiniens, contre le « lobby sioniste » en France, pour

l'éradication d'Israël et enfin, « contre la domination juive dans le monde » pour les plus

extrêmes.

Cependant, ces modèles déterministes liés au milieu social, à la religion ou

encore à la famille ne sont pas les seuls à expliquer le vote PAS. Car, si l'électeur est

sensible à ces émotions, à la dialectique, c'est-à-dire à tous les stimuli psychologiques, il

se voit confronté tous les jours à un environnement qu'il analyse consciemment ou

inconsciemment, et qui le pousse à faire des choix réfléchis et rationnels.

124 BRACONNIER Céline et DORMAGEN Jean-Yves, op. cit., p. 112.125 Idem, p. 174 à 78.

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57

§2   : Le vote rationnel.

Cette idée de rationalité est centrale dans le programme est dans le discours du

PAS. C'est un des paradigmes revendiqué le plus souvent par Alain Soral, qui s'exprime

souvent en dénigrant la façon « illogique » de penser des autres parties et leur manière

irrationnelle de faire de la politique. Il cherche sans cesse à toucher l'attention et le bon

sens de l'électeur, en lui demandant de se réveiller, de devenir actif et logique. Ce

discours volontariste va dans le sens de la théorie de Vladimer Orlando Key qui montre

que le vote est un véritable choix politiques ou l'électeur est actif face aux candidats qui

lui sont proposés126. Le politologue américain ne croit pas en la soumission ou la

passivité de l'électeur fasse à son milieu social, sa religion, ou son éducation. Dans ce

contexte, le vote est indécis, il se fait en fonction de chaque élection, selon les

problèmes qui sont posés et les enjeux qui en découlent « les électeurs semblent voter

de plus en plus en fonction de leur position sur les enjeux centraux de l'élection »127.

Cette variable est prise en compte par le PAS qui ne laisse pas son discours

flottait dans une campagne abstraite contre le sionisme. C'est pour cela qu'il détaille

avec précision, point par point, quel serait le monde sans le sionisme et quels sont les

avantages à retirer du vote antisioniste : « une Europe plus à l'écoute », « un système

politique plus avantageux pour les déshérités », « un monde sans guerre », etc. Le bilan

coût/avantage opérer par l'électeur se révèle alors alléchant et participe à son choix.

Lorsque l'on regarde de plus près les sympathisants du parti présent lors de la soirée

électorale, on s'aperçoit en effet que nous sommes loin de l'explication sociale

déterministe comme variable lourde. On y rencontre, côtoyant les « vieux briscards de

la politique », de nombreux jeunes, de moins de 30 ans, ayant accompli pour la plupart

des études supérieures et qui ne sont pas tous issus, loin de là, de l’immigration128.

On a donc un mélange assez curieux entre une variable socioreligieuse lourde

opérationnelle dans l'électorat de banlieue et une variable de rationalité que l'on retrouve 126 KEY V. O., The Responsible Electorate: Rationality in Presidential Voting 1936–60, Harvard University Press, 1966.127 BRECHON Pierre, op. cit., p.90.128 Constat rapporté par Yannick, 23 ans, d’origine française, étudiants, issus de la classe moyenne, sympathisant antisioniste, soirée électorale du 7 juin 2009, Théâtre de la main d'or.

Page 58: Mémoire M2

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dans l'électorat proche des leaders du parti. Une complémentarité qui a été mise en

évidence par Himmelweit qui voie le choix électoral à travers un prisme à deux

facettes : une prise de position par rapport à l'enjeu spécifique de l'élection et une

fidélité à un système de valeurs souvent issues du milieu social ou familial129.

La grande force du parti antisioniste est d'avoir su combiner dans son discours

ces deux attentes, socio-structurelles et conjoncturelles, en opérant une division de ce

travail entre deux piliers du parti : Gouasmi et Soral. Le premier, la sagesse, distille sur

Internet des vidéos où il explique les grands principes qui sont défendus par les

antisionistes. Il y parle de la paix, du partage, de l'importance de la famille, de la

domination d'un clan sur toute une population, etc. De son côté, le deuxième adopte un

comportement plus pragmatique, plus proche du système institutionnel français et

essaye d'en décrypter les failles. S'appuyant sur de nombreux exemples concrets, il

essaye de dénicher et de démontrer la mainmise du sionisme dans tous les problèmes

que connaît aujourd'hui la France. Cette stratégie d'influence électorale, parfaitement

rodée entre les deux hommes est maintenue en lien par un ciment exceptionnel en

matière de communication qu’est l'humoriste Dieudonné. Ils arrivent ainsi à donner

l'impression à l'électeur qu'il n'est « ni prisonnier du carcan des variables

sociologiques, ni ‘’vibrion’’ sans attaches réagissant au gré de la conjoncture 130». Au

contraire, ils appellent à un « grand mouvement de libération » de la « pensée unique »

et à réfléchir sur « les enjeux concrets du vote antisioniste ».

Cette stratégie socio-structurelle complexe et ambiguë explique certainement

« l'engouement relatif » dont a fait preuve la liste dans certaines villes de banlieue. Loin

d'être un « parti de provocateurs » à ne pas prendre au sérieux, ils ont su créer une liste à

la fois « intellectuelle » et idéologique, tout en gardant une attitude proche du peuple :

« par les corps, la manière de se tenir, par le niveau de langage employé, par les

expressions et les intonations mobilisées (…) Et une offre électorale peu présente dans

les médias mais activement diffusés au sein de l'espace dionysien »131.

129 HIMMELWEIT Hilde T., HUMPHREYS Patrick, JAEGER Marianne, How voters decide ?, in Open University Press, 1985.130 MAYER Nonna et PERRINEAU Pascal, Les comportements politiques, Armand Colin, Cursus, 1992, p.110.131 BRACONNIER Céline et DORMAGEN Jean-Yves, op. cit., p.120 et 174.

Page 59: Mémoire M2

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L'analyse du parti serait incomplète si nous nous arrêtions simplement à cette

analyse organisationnelle et socio-structurelle. Nous nous sommes donc attachés dans

une deuxième partie à comprendre qu'elles ont été les ficelles médiatiques du PAS, et à

travers quel discours (parti 2). En complément de cette première partie, nous espérons

ainsi illustrer notre hypothèse de départ sur le rôle qu'ont joué Dieudonné et ses

colistiers antisionistes quant à l'exacerbation des tensions communautaires en France.

Page 60: Mémoire M2

60

Partie 2 : L’antisionisme radical : une stratégie médiatique fondée sur un programme-récit

extrême.

Bill Gates a déclaré au début de ce siècle : « maîtriser les images c’est dominer

les esprits ».  Prenant ce conseil à bras le corps, le parti antisioniste va dès sa création

mettre en place des stratégies médiatiques pour essayer de dominer le débat d’idées par

la communication. Il s’agit de montrer comment cette communication s’est construite

autour d’un récit antisioniste fabriqué et étendu à l’ensemble de la société, inspiré par

des techniques de propagande « complotiste ». Ce chapitre sera donc axé sur une

analyse de communication, en mélangeant le plus pertinemment possible quelques

analyses classiques et d'autres, plus spécifiques et plus stimulantes dans la

compréhension de la stratégie médiatique du PAS.

Le premier chapitre analysera les mécanismes de propagande qui sont mis en

place par le PAS, et s'attaquera donc à des logiques de création, de construction du

message.

Le deuxième chapitre adoptera une position moins conventionnelle sur la

nouvelle façon dont le PAS et ses leaders organisent la diffusion de leur discours

politique.

Chapitre 1 : Mécanismes de propagande et théorie du complot.

Plusieurs types d'analyse traverseront ce chapitre sur le discours narratif du PAS.

La première section s'intéressera d'un point de vue sémiologique à l'étude du récit

d'unité construit par le parti pour promouvoir son programme politique. Cette

construction narrative nous paraît très importante dans le cas du PAS puisqu'elle fait

partie des récits qui « se profilent toujours à l'arrière-plan de nos opinions, plus que

cela, il leur fournisse un socle, une assise, à partir de laquelle elles peuvent se

déployer »132. Elle est d'autant plus pertinente qu'elle a fait l'objet d'un cours de Master

2133 et qu'elle est en grande partie à l'origine de ce mémoire.132 ARQUEMBOURG Jocelyne, « sémiologie des médias », in Médias, information et communication (ss la direction de LETEINTURIER Christine et CHAMPION Rémy), p.239.133 LAMBERT Frédéric, « Images, langages et société : croyances et rituels », Master 2 Études Politiques.

Page 61: Mémoire M2

61

La deuxième partie reprendra des thèses plus classiques sur les messages de

propagande politique et sur la construction de ceux-ci dans le cadre de la campagne

électorale de 2009.

Enfin, la troisième section s'intéressera à l'influence qu'a le mythe moderne du

complot mondial dans le discours et dans les images qui sont proposées par le PAS.

Section 1 : La fabrique d’objets de croyance antisioniste.

Chaque société possède ses identités, construites à travers un certain nombre de

récits qui ont forgé une histoire commune aux individus qui la composent. L'identité

politique n’échappe pas à cette logique et est souvent issue de la représentation que l'on

se fait du monde. Mais, avec l'apparition des nouveaux médias à la fin du XXe siècle,

les récits qui sont à l'origine de nos « croyances » sont beaucoup plus manipulables :

photographies de la réalité, construction, reconstruction, représentation, mélange, ils

sortent de l'imaginaire naïf pour entrer dans un monde fictif qu'il faut s'employer à

déconstruire pour en comprendre les enjeux. Une fois ce travail de « déconstruction »

accompli, nous pousserons l'analyse de ce récit antisioniste, avec un corpus d'images-

récits façonnant la politique du PAS.

§1 : Déconstruction et recontextualisation de la rhétorique médiatique.

Cette phase de déconstruction pose plusieurs questions. Tout d'abord, parce

qu'elle touche à des objets vivants, des signes, mais aussi parce qu'elle façonne un

« imaginaire commun », une « communauté de croyants antisionistes ». Nous appelons

« croyance », dans la lignée des travaux de M. Lambert, la manière dont les individus,

qui reconnaissent appartenir à une même histoire, adhèrent au récit de celle-ci. Cette

adhésion n'est pas évidente et demande un partage, des compromis, « il faut accepter

d'être dupé tout en sachant qu'on l’est. Pour mieux être dedans, il faut qu'une parcelle

reste dehors »134. Essayons donc de garder ce « pied en dehors » le temps de l'analyse et

de comprendre les enjeux des images diffusées par le PAS. Pour ce faire, nous avons 134 Marion Philippe, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », cité par Lambert Frédéric, op. Cit., p.254.

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sélectionné un corpus d'images, toutes issues du site Internet du parti, que nous

égrènerons au fil du récit pour illustrer plusieurs hypothèses.

A. Le logo du parti   : son identité visuelle.

Le logo d’un parti est très souvent révélateur de la

représentation du monde qu’il se fait et des idées qu'il va défendre.

Comme nous l'avons précisé en introduction de cette partie, il

s'agit d'une image virtuelle, construite grâce aux nouveaux outils

de communication. Symbole du PAS créé en 2009 à l’occasion de

la formation du parti, c’est un mélange de dessin et de collage

d’images préexistantes, par informatique (copier / coller / retouches, etc.…).

La forme générale représente l’hexagone français, où est planté un drapeau

français flottant au niveau de la capitale. Au milieu se trouve le drapeau israélien barré

en rouge et juste au dessous se trouve une bannière grise avec le nom du parti écrit avec

les trois couleurs du drapeau français ; bleu, blanc, rouge. Que veut nous dire ce logo ?

Qu’elle identité veut-il donner au groupe qu’il symbolise ?

Tout d'abord, ce document fait clairement référence à une appartenance

républicaine et nationaliste française. Il arbore toutes les références nécessaires pour que

le récepteur comprenne ce message nationaliste (territoire, drapeau, couleur,

capitale…), pour qu’il se place dans ce système de croyance. C'est la première strate de

l'identité visuelle du PAS, celle de sa politique nationaliste et de son attachement à la

République française. Mais, il fait appel à un autre système de croyance avec le drapeau

israélien barré, symbole qui met en place la dialectique du rejet d’Israël comme pays

colonisateur et oppresseur en Palestine. C’est un symbole maintes fois repris dans la

rhétorique propalestinienne et anti-israélienne extrémiste et qui est historiquement

utilisé par les leaders de cette idéologie.

Les intentions de l’auteur sont donc de promouvoir des idées nationalistes,

entrainant une entente nécessaire avec le peuple palestinien « résistant » et l’idéologie

islamiste de destruction d’Israël, Etat oppresseur. Ce logo construit une croyance autour

d'un amalgame entre Israël/France, politique nationale/politique internationale,

Page 63: Mémoire M2

63

Français/Palestiniens etc., il est donc parfaitement inscrit dans l’idéologie du parti que

nous avons décrite dans la première partie, c'est-à-dire dans le domaine de la lutte anti-

Israël (jusqu’à son éradication), de la compassion pour les victimes palestiniennes et de

son soutien à la résistance, tout en affirmant son

attachement à l’identité française et aux valeurs

républicaines. Ces parallèles ne sont pas anodins

car, comme l’a plusieurs fois soutenu Gouasmi, le

sionisme agit partout dans le monde et fait des

Français des Palestiniens chez eux.

B. Le symbolisme excessif et simpliste.

Toute une partie de la communication du PAS est fondée sur des montages

d'images pour pouvoir illustrer les articles publiés sur le site Internet. Ces images,

choisies avec soin, sont le plus souvent empreintes d'un code très particulier de

symboles, icônes célèbres, images conventionnelles, etc., des objets indispensables qui

fabriquent nos imaginaires à travers un certain nombre de stéréotypes. Elles figent

l’histoire de l'humanité dans un seul bloc, celui du mal, Israël, contre le reste du monde.

Le PAS a compris que la puissance de ces images vient du fait que « sensibles, les

icônes ne parleraient jamais à la raison (…) Comme si l'expression graphique brisait la

logique »135.

Bien qu'elles ne correspondent pas au réel, qu'elles soient tout à fait artificielles

sans s'en cacher, ces images racontent grâce à ce symbolisme excessif, mais simple à

comprendre, une histoire. Elles font entrer les « croyants antisionistes » dans un rituel

où chacun redéfinit sa représentation du monde et où tous adhèrent collectivement, par

« déni de langage », à un seul récit. Ici, peu importe ceux qui construisent le message et

si celui-ci est biaisé, fabriqué. Ce qui importe, c'est que le récepteur de cette histoire

croit au monde ainsi recréé, dans le sens où il adhère aux principes, aux lois, aux

engagements qu'elle implique.

En guise d'illustration, voyons cette image accompagnant un article dénonçant le

colonialisme et l'expansionnisme des colonies Israéliennes en Palestine. Tous les

135 D’ALMEIDA Fabrice, La manipulation, Que sais-je ? n°3665, Puf, deuxième édition, 2006, p.94.

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ingrédients de cette « démonisation » de l'État hébreu face à la détresse palestinienne

sont mis en place. Le bulldozer israélien arborant fièrement l'étoile juive avec en son

centre le Z de « Zionism », les gravats des maisons palestiniennes détruites jonchant le

sol, et la détresse d'une réfugiée palestinienne qui a tout perdu, criant son désespoir en

regardant le ciel et en espérant la compassion de Dieu. Cette image n'est pas une

photographie du réel mais bien un montage, une construction correspondant à

l'imaginaire antisioniste. Elle engage une vaste « compromission entre les producteurs

et les consommateurs »136 de cette histoire, qui s'engage à lutter contre cette machine de

guerre qu’est l'État d'Israël. Le symbole devient caricature, exagérant et stigmatisant les

acteurs de ce conflit, emportant avec elle un certain discours, du débat et une certaine

conception partagée de la barbarie du sionisme.

C. Une histoire du sionisme universel.

« Quand les images n'ont plus d'auteur, elles font autorité »137. Le PAS joue sur

cette ambiguïté de l'origine. Grâce à l’anonymisation des images, un double sens peut

être donné au réel. Tout d'abord, l'image devient une image acheiropoïète, c'est-à-dire

une image « non faite de main d’homme »138, émanant d’un monde inconnu de l'humain,

directement de Dieu, pour nous rappeler une vérité qui nous a pendant longtemps

échappé. De plus, puisqu'aucune institution ne semble vouloir revendiquer la fabrication

de ce récit, celui-ci paraît appartenir à un ensemble d'individus partageant les mêmes

croyances, une « collectivité d'esprit » dont le ciment vient justement de cet anonymat.

Dans le cas de l'antisionisme le plus radical, ce manque de clarté autour d'un spectacle

anti-israélien anonyme désamorce toute critique, empêche le débat, fixe dans le marbre

un récit qui serait déjà inscrit dans les veines de l'humanité et qu'il appartiendrait

aujourd'hui à chacun d'intérioriser.

§2 : Une généalogie narrative assumée.

136 LAMBERT Frédéric, op. cit., p.260.137 LAMBERT Frédéric, « Images, langages et société : croyances et rituels », op. cit.138 SCHMITT Jean-Claude, Le Corps des images. Essais sur la culture visuelle au Moyen Âge, Gallimard, 2002.

Page 65: Mémoire M2

65

Pour traiter plus en profondeur de la mise en place de ce récit antisioniste, nous

avons privilégié l'étude de cas. Tout d'abord, d'un

point de vue pratique, il résume de manière

symptomatique et avec beaucoup de fidélité le

contenu image/vidéo/discours que l'on retrouve sur

le site Internet du PAS. Ensuite, d'un point de vue

méthodologique, nous voulions confronter nos

théories à des exemples précis et concrets. Enfin, parce que la stratégie médiatique du

PAS est étudiée dans sa globalité à la fin de ce mémoire. Nous avons donc choisi un

clip vidéo, diffusé le 13 avril 2009 sur le site

internet du Parti-Antisioniste, intitulé « Appel

pour l’union des citoyens contre le

sionisme »139. Nous n'avons aucune information

sur l’auteur de la vidéo. C’est un montage

informatique : une succession rapide de 15

vidéos et images afin de dénoncer l’« impact

néfaste du lobby sioniste » à travers un temps court, celui du début du 21ème siècle, et un

espace international.

A. Une vidéo en phase avec son temps   :

Il faut nécessairement « recontextualiser » cette vidéo, replacer son discours

dans son environnement discursif et dans son univers de croyance. Ici, il est pluriel :

- L’environnement international autour de la crise israélo-palestinienne avec de

nombreuses images mettant en avant l’affrontement inégal dans cette région

entre Tsahal et les groupes armés arabes (Hezbollah, Hamas, milices…). Elles

appuient sur la puissance des premiers, les envahisseurs, et la faiblesse des

seconds, les résistants.

- L’intervention de la communauté internationale et plus particulièrement des

Etats-Unis, avec l’administration Bush, symbole de l’interventionnisme armé en

139 « Appel pour l’union des citoyens contre le sionisme », Site Internet du PAS, 13 Avril 2009. [http://www.partiantisioniste.com/videos/titre/17-appel-pour-l-union-des-citoyens-contre-le-sionisme.html].

Page 66: Mémoire M2

66

ce début de siècle. La dialectique de l’axe américano-sioniste contre le monde

arabe est mise en jeu.

- Le contexte politique français des émeutes de banlieues en 2005, expression des

tensions communautaires et du mal-être de certains jeunes de banlieues. Période

où M. Sarkozy était ministre de l’intérieur.

- Plus largement, un contexte des grandes catastrophes naturelles du début de

siècle (Ouragan, Tsunami, Cyclone, tempête, tremblement de terre…) et des

inquiétudes liées au climat.

Cette vidéo s’adresse donc à une communauté de croyants très large qui voit un

lien, si ténu soit-il, entre tous ces événements, entre tous ces objets. Elle fait appel à

l’imaginaire du complot mondial qui détruit le monde : racisme, superpuissances,

exploitation occidentale, haine « arabophobe », dérèglement climatique, etc. Le lecteur

de cette histoire se retrouve au sein d’un « dispositif », tel que le définit Michel

Foucault, c'est-à-dire un cadre de

représentations mis en place pour diriger ou

influencer les comportements et les pensées.

Grâce à la technique du zapping qui insinue le

rôle originel que joue le récepteur dans la

succession et le choix des images, alors qu’il

s’agit bien d’un montage « hors-volonté ». Par

cette participation imaginaire, le lecteur impuissant devient acteur omnipotent de ce

récit historique.

B. « Hystoricité » du récit produit.

Page 67: Mémoire M2

67

Ce récit écrit une certaine histoire. Il met en place une fuite en avant d’images

(16 objets en 35 sec.) sans liens entre elles prises séparément, mais qui forment une

causalité forte lorsqu’elles sont déroulées ainsi. Les objets s’enchaînent avec hystérie,

mais avec une logique de causalité : l’origine (image de la Terre ci-dessus), le chaos et

ses vecteurs et ses conséquences désastreuses pour le monde, avec notamment l’image

finale :

Chaque récepteur est invité à s’approprier cette

histoire. Chaque image est reliée par une

« surcausalité » événementielle due au montage. Le

récit devient alors un tout global, comme une possible

lecture de l’histoire.

On a un récit d’un monde malade, en voie de destruction à cause de certains

acteurs (Bush, Israël, Sarkozy, l’Occident

en général…). La plus grande

représentation de ce « chaos mondial

comploté » étant les émeutes des

banlieues, le dérèglement climatique et

surtout l’atrocité de la situation en

Palestine.

C. «   Médiagénie   » et «   mnémogénie   » des clips.

Pour que ce récit soit facilement approprié, il faut faire appel à une véritable

mythographie, à une généalogie alimentée par de nombreux symboles connus de tous. Il

faut que le récit soit « médiagénique »140, c'est-à-dire qu’il corresponde à l’image que

l’on se fait d’un récit. L’histoire complexe du monde au début du 21ème siècle doit

140 MARION Philippe, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », in Recherches en communication. Le récit médiatique, Université catholique de Louvain, n°7, 1997.

Page 68: Mémoire M2

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devenir une évidence incontournable pour celui qui adhère au message. Elles sont aussi

« mnémogéniques » puisque ce sont elles qui fabriqueront la mémoire collective de tous

les adhérents à cette croyance antisioniste. Cette vidéo est truffée de ces objets média- et

mnémo- géniques que l’on nommera plus vulgairement « objets-clichés » porteur de

sens. C'est-à-dire une série d'images « prêt-à-porter », qui vont venir conformer le

mythe antisioniste à la réalité.

Les compagnies de CRS, les flashballs, les voitures en feu, les images de

Nicolas Sarkozy sont les objets indiciels des émeutes de banlieue de 2005 en France.

Les images de Bush, de Katrina, des G.I. en mission, des bombardements au Moyen-

Orient sont des objets-clichés des Etats-Unis comme hyperpuissance colonisatrice et

destructrice. Enfin, les villes arabes bombardées, les réfugiés palestiniens, le mur en

construction en Palestine, raconte une histoire de la destruction de la Palestine par le

sionisme, et plus globalement, en l’associant à l'étoile de David, par les juifs.

On est en présence d’un récit antisioniste radical, faisant la part belle à l’idée du

complot mondial, dominé par l’axe américano-sioniste et ses alliés. Le peuple juif y est

dénoncé à travers Israël comme une grande diaspora secrète et internationale dominant

le monde, écrasant les pays les plus faibles (surtout arabes) et pillant les ressources

mondiales jusqu’à épuisement ou catastrophe. Tout est lié (même les événements non-

directement imputables aux hommes) par cette histoire qui fait sens, d’autant plus

facilement dans le contexte de mondialisation qui, au début du 21ème siècle, s’ouvre de

plus en plus à l’autre et donc se complexifie, se brouille. Le besoin de réponse reste

intact dans un monde où les questions se multiplient. La théorie du complot, et en

particulier celle du complot sioniste mis en avant dans cette vidéo, permet ainsi de se

rassurer en adhérant à une croyance simple mais explicative. Elle participe dans le

même temps à la survivance de la haine anti-juive contemporaine, à travers la

propagande extrémiste qu’elle met en place (Section 2).

Section 2 : La propagande du PAS.

Page 69: Mémoire M2

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Le mot propagande a connu de nombreuses acceptions et a souvent désigné une

multitude de techniques ou d'outils différents. On peut cependant la définir globalement

comme une « action psychologique qui met en œuvre tous les moyens d'information

pour propager une doctrine, créer un mouvement d'opinion et susciter une décision »141.

Certains auteurs insistent sur ce caractère monopolistique142 pour rattacher

systématiquement le mot propagande aux régimes totalitaires et préfèrent parler dans

une configuration démocratique de « persuasion politique »143. À l'instar de Jacques

Ellul et de sa « propagande d'action »144, nous avons choisi au contraire de garder le

mot « propagande », considérant que les techniques décrites au XXe siècle, qu'elles

soient dans des régimes démocratiques ou des régimes autoritaires, ont gardé toute leur

pertinence aujourd'hui. De plus, cette appellation nous semble intellectuellement plus

honnête, puisqu’elle fait référence à un système pernicieux de diffusion d'un message et

de communication d'une organisation ou d'un État à des fins de soumission ou d'action

d'une ou plusieurs personnes.

Nous allons voir ainsi quelques techniques et stratégies mises en place par le

PAS pour convaincre le public du bien-fondé de son combat contre l'axe du mal

sioniste. Cet espace de réflexion s'articulera autour de deux points capitaux : la

propagande discursive classique (§1) et un point plus spécifique : la propagande autour

du complot mondial (§2).

§1 : La propagande rhétorique classique du PAS.

Nous avons vu dans la première section que le discours du PAS tentait de faire

adhérer le plus de personnes possibles à la sphère de croyance antisioniste. Il fait ainsi

appel à quelques techniques de propagande mises en avant tout au long du 20ème siècle et

qui, par l’emploi d’euphémisme, de rhétorique ou plus simplement de manipulation

émotionnelle du public, parviennent à produire un message biaisé et purement

propagandiste. En utilisant quelques grilles synthétiques, comme celle de Clyde

141 « Propagande », Centre national de ressources textuelles et lexicales, 2009.142 LANDRIN Xavier, « Propagande », Encyclopaedia Universalis, 2010 : « un ensemble variable dans le temps de techniques de diffusion idéologique, de savoirs et de stratégies de pouvoir mis en forme par des groupes aux prétentions monopolistes ou hégémoniques »143 CHARLOT Monica, La persuasion politique, Armand Colin, 1970.144 ELLUL Jacques, Propagandes, Armand Colin, 1962, p. 75-93.

Page 70: Mémoire M2

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Miller145 ou de J. M. Domenach et en la complétant par nos propres réflexions, on peut

aisément déconstruire quelques messages diffusés par le PAS.

A. «   L a règle de simplification et de l'ennemi unique   » 146

Selon Domenach, c'est la première règle de fonctionnement du discours de

propagande. Ce mécanisme simple fait appel aux deux premiers leviers dégagés par

Miller, c'est-à-dire au « levier d'adhésion » (virtue device) et au « levier de rejet »

(poison device). Le premier dispositif consiste à se montrer comme étant le bien, le

deuxième dispositif sert lui à dénoncer un ennemi unique en l'associant à des images et

des expressions néfastes. Dans le cas du PAS, il s'agit de mettre en place un dispositif

associant l'antisionisme à une posture vertueuse et le sionisme à des choses

monstrueuses. Ainsi, l'objectif est de créer un monde plus simple, manichéen, avec d'un

côté la sagesse et le bien, et de l'autre le mal absolu. Ce dernier levier est renforcé par la

« personnalisation de l’ennemi » autour de quelques figures reconnues : Sarkozy, Bush,

Israël etc. Il faut utiliser toutes les ressources pour créer l'unanimité autour de cette

bipolarité bien/mal, quitte à user et abuser de « valorisations sémantiques »147, c'est-à-

dire à faire appel à de grands principes au-dessus de tout soupçon pour justifier une

cause moins noble. Soral déclarait ainsi être « du côté du peuple, du côté de la justice,

du côté de l'égalité sociale »148. Une autodéfinition que personne ne peut venir

objectivement critiquer et qui doit remporter l’adhésion des personnes de bonnes

raisons, des sages et des justes.

Pour amplifier cet objectif de dualité manichéenne, le parti antisioniste doit

s'appuyer sur des faits véridiques ou des hommes de prestige. C'est le « levier

d’autorité » (testimonial device) : il faut récupérer la notoriété d'un homme ou d'une

cause pour pouvoir illustrer ce qui est bien ou mal. C'est ainsi que le PAS revendique sa

filiation avec le général De Gaulle149, ainsi que le soutien de plusieurs juifs antisionistes

145 MILLER Clyde, Propaganda Analysis, NY: Institute for Propaganda Analysis, 1937.146 DOMENACH Jean-Marie, La Propagande politique, 1950, p. 49 à 53.147 CHOMSKY Noam HERMAN Edward, « Un modèle de propagande », in La fabrication du consentement : De la propagande médiatique démocratie, 2008, éd. Agone, 2008. (Première parution New York, Pantheon Books, 1988).148 Conférence de présentation de listes antisioniste, loc. cit.149 Alain Soral déclarait : « j'ai l'impression étrangement d'être aujourd'hui un français qui a subi la défaite de 40 et entendant d'une certaine manière l'appel du général De Gaulle  », conférence de presse, 21 mars 2009.

Page 71: Mémoire M2

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tels que les rabbins Cohen et Feldmann. Ceux-ci expliquaient lors d'un sommet

international, peu avant les élections européennes, que « le sionisme était complètement

opposé au judaïsme, son but étant de s'imposer aux populations palestiniennes en les

soumettant et en ignorant leur espoir d'autodétermination »150 car, « les juifs sont en

exil et sont supposés vivre en paix avec les autres nations dans le respect des lois de ces

nations »151. Ces témoignages d'autorité sont exposés pour conforter le phénomène

d’adhésion derrière la cause palestinienne, qui rencontre déjà une large adhésion dans le

monde entier et particulièrement dans le monde arabe.

Ce qui nous amène au quatrième levier dégagé par Miller, le « levier de

conformité » (together device) qui fait appel au poids de

la masse des partisans de la lutte antisioniste (qui sont

nombreux et de nature différente) ou à l’appartenance à

une entité supérieure telle que la Nation, la République,

le Peuple français etc. La pression est ainsi renforcée par

le conformisme qui règne autour de la cause

palestinienne. Ce conformisme passe encore une fois par

une simplification des faits, autour de symboles forts et simples comme les images

provenant de Gaza et de la guerre en Palestine, devenues « images reines »152,

incontestables, dont la plus connue est celle du lanceur de pierres palestinien face aux

chars israéliens ou encore celle de ce petit palestinien mis en joue par un soldat de

Tsahal153 :

150 Rabbin Araon Cohen, conférence « Durban 2 », Genève, 20-24 avril 2009.151 Rabbin David Feldmann, idem.152 D’ALMEIDA Fabrice, La manipulation, op. cit., p.93.153 Photos issues du clip « Hommage à la Palestine, victime de la barbarie sioniste », site du PAS [http://www.partiantisioniste.com/videos/titre/47-hommage-a-la-palestine-victime-de-la-barbarie-sioniste.html].

Page 72: Mémoire M2

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Toute cette propagande est soutenue par le grossissement et la défiguration, à

travers des généralités évidentes, des schémas simplistes et des « décontextualisations »

d’images et de discours : explication simplifiée des problèmes au Moyen-Orient, de la

crise des banlieues ou encore des dérèglements climatiques. En traitant ces sujets à

minima et toujours de la même manière, le PAS a la volonté de montrer l’œuvre

satanique des meurtriers israéliens (incendies, crimes, guerres, malheurs…)

B. Diabolisation et comparaison avec les régimes totalitaires.

Il s'agit ici de l’un des principaux angles d'attaque du PAS pour dénoncer Israël.

Une fois la propagande autour du malheur palestinien, et plus globalement du monde

arabe face à la « machine de guerre » de l'État juif mise en place, l'amalgame entre

celui-ci et les pires régimes qu’a connu l’histoire devient facile. Les juifs sont les

nouveaux racistes planétaires qui pratiquent un génocide organisé sur leur territoire,

assassinant femmes et enfants, déportant des millions d'individus, créant de nouvelles

frontières en érigeant des murs... Ils sont les nouveaux parias du monde contemporain, à

l'instar du régime nazi d'Hitler, ou du régime d'apartheid. C'est ce qu'expriment les

intervenants autour de Mahmoud Ahmadinejad lors de la conférence de Durban 2 à

Genève : Israël est un État terroriste et raciste. L'antisionisme est donc un

« antiracisme », « anticolonialiste », « anti-impérialiste », à l'image de la résistance des

peuples européens lors de la seconde guerre mondiale contre l'expansion du troisième

Reich. Cette réductio ad Hitlerum154 permet de disqualifier a priori tous les arguments

de leurs ennemis. Comment en effet ne pas s'ériger contre la barbarie « nazisraël » ?

C'est un cas classique d'amalgame, renforcé par le sentiment de fierté national de la

résistance française : « aujourd'hui, personne ne reproche au résistant Jean Moulin

d'avoir tué ou fait tuer des Allemands avant d'être exécuté. Nous devons soutenir et

respecter autant le combat actuel des palestiniens que celui des résistants français, hier,

contre le nazisme allemand »155.

Outre les mots, le PAS étoffe cette propagande de comparaison entre Israël et

l'Allemagne d'Hitler par les images, notamment avec la diffusion d'un diaporama d'un

154 STRAUSS Leo, Natural Right and History, University Of Chicago Press, 1999.155 Dieudonné, in MUKUNA Olivier, Dieudonné, Entretien à cœur ouvert, op. cit., p. 40 – 41.

Page 73: Mémoire M2

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montage photo mettant en parallèle des situations qu'ont vécues les juifs pendant la

seconde guerre mondiale et la situation aujourd'hui en Palestine156 :

Ce

parallèle douteux, grâce à une « falsification d'images »157 entre le régime nazi et Israël,

a au moins l'avantage pour les leaders du parti antisioniste d'être un mécanisme de

propagande très efficace, puisqu'il joue sur la corde sensible du récepteur, manipulant

des émotions humaines universelles.

La peur tout d'abord, engendrée par ces images toutes violentes, de guerre, de

destruction, de massacre, de danger, de prison, de répression etc. et qui place le sujet

dans un état d’adhésion à la « croyance » antisioniste, plus facile à atteindre. La

dramatisation du message participe en effet à une meilleure écoute et à son

appropriation passive par le public.

156 Diaporamas, « Le Nazisme d'hier et le Sionisme d'aujourd'hui », Site Internet du PAS.157 Un des principaux dispositifs de propagande dans une démocratie selon le « modèle de propagande » de Herman et Chomsky (op. cit.).

Page 74: Mémoire M2

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La désapprobation générale par transfert ou amalgame ensuite, c'est-à-dire

l'utilisation de figures très controversées (ici, la férocité du régime nazi et la

dénonciation des horreurs de la guerre) pour les appliquer à un message (la défense de

la cause palestinienne). Pour être efficace, la propagande doit reposer sur un

conditionnement « dont l'essentiel réside dans la répétition »158. C'est une direction

prise par Gouasmi, le doctrinaire du PAS, qui martèle avec ferveur le même message

depuis les élections européennes, sur la puissance du lobby sioniste, sur le génocide

palestinien, sur l'emprisonnement idéologique de la France, etc. Il mélange ainsi avec

beaucoup de ruse la manipulation cognitive et l'appel aux émotions, le tout encadré par

la peur que suscite le « complot sioniste ».

§2 : Théorie du complot.

La théorie du complot est un terme hyper-polysémique et très galvaudé aujourd'hui. Il

regroupe toutes sortes de théories, de comportements, d'états d'esprit, etc. Si nous

devions replacer le type de conspiration que dénonce le PAS, nous le placerions dans la

typologie de Michael Barkun159 comme une « conspiration systémique » (systemic

conspiracy theory), c'est-à-dire une dénonciation d’un complot global, fomenté par un

collectif (une alliance, une communauté, un lobby, un club…) qui cherche à s'insinuer

dans tous les rouages décisionnels du monde pour pouvoir le dominer et en tirer profit.

Le groupe dont il est question, c’est ce que Gouasmi appelle dans ses communiqués

« l'entité sioniste » ou « le lobby sioniste »160. Il ne s'agit pas de dénoncer le peuple juif

dans sa totalité mais certains groupes influents qui manipulent le sentiment de

culpabilité occidentale de la Shoah pour diriger le monde et plus particulièrement pour

instaurer un régime de terreur en Palestine. Il convient alors de décrypter cette

propagande contre le complot sioniste (A) avant de se demander si, à la suite de

nombreuses controverses, cette dénonciation ne fait pas écho à un certain antisémitisme

(B).

158 D’ALMEIDA Fabrice, La manipulation, op. cit., p.77.159 Dans son étude, A Culture of Conspiracy: Apocalyptic Visions in Contemporary America (University of California Press, 2003), Barkun dégage trois types de conspirationnisme selon la portée de son influence dans le monde : événementiel (Event conspiracy theory), systémique (systemic conspiracy theory) ou total (superconspiracy theory).160 Voir les nombreux articles publiés sur http://www.partiantisioniste.com/.

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A. La propagande autour du complot sioniste

La première démarche du PAS pour dénoncer ce complot est de remonter aux

origines du sionisme : la création d'Israël. Les agents sionistes, très actifs dans le monde

et surtout en Europe et aux États-Unis, auraient profité de leur position pour négocier

des accords secrets. Ainsi, les sionistes à l'ONU auraient fait pression pour obtenir une

terre en Palestine. À partir de leur installation au Moyen-Orient, ce complot

« occidentalo-sioniste » n'a eu de cesse de s'accroître. C'est notamment l'explication que

donne Gouasmi quant à l'arsenal nucléaire israélien :

« C'est la France qui a livré ses centrales nucléaires à Israël

(…) Avec un accord secret entre Londres, Paris et Tel-Aviv. Israël

devait intervenir au canal de Suez pour déclarer la guerre à l'Égypte.

C'était les socialistes qui étaient au pouvoir, avec à leur tête le

sioniste Guy Mollet (…) En échange, elle [Israël] avait le droit à son

arsenal nucléaire et terroriste. Ceci est l'œuvre du sionisme

parisien »161.

Voici donc un exemple typique de la propagande complotiste. Aucun fait,

aucune preuve tangible, aucune statistique n'est apportée dans le discours ; on ne parle

alors que « d'accords secrets », « de compromis officieux », « d'échanges stratégiques »,

etc. On expose simplement quelques faits historiques de façon à ce que ceux-ci forment

une histoire, un récit facile à comprendre. On s'efforce ainsi de transformer notre

monde, de mettre en conformité tout ces faits avec un récit antisioniste, évitant ainsi

toutes « dissonances cognitives »162 par rapport au cadre que se sont fixés les leaders du

PAS. C'est l'une des manipulations les plus simples mais aussi les plus efficaces pour un

public non averti et avide de comprendre le monde. De plus, elle a pour intérêt de

désigner des coupables à la situation en Palestine ; les coupables de l'époque certes,

mais qui font écho à une culpabilité contemporaine avec des tournures telles que

« socialistes sionistes » ou « sionisme parisien ». Elle permet d'identifier ces coupables

d'hier et d'aujourd'hui qui soutienne le sionisme par intérêt moral ou financier.

161 Gouasmi, « Tremblez sionistes on vous aura!!!!! », dailymotion, 27 février 2009.162 FESTINGER Léon, RIECKEN Hank, SCHACHTER Stanley, L'Échec d'une prophétie, PUF, 1993 (édition originale de 1957).

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Cela permet ainsi de s'interroger sur la culpabilité des personnes jugées comme

sioniste aujourd'hui en France. Le président de la fédération des chiites de France

déclare ainsi lors d'une conférence :

« Le sionisme a gangrené notre société. Il occupe une place

majeure qui ne lui est pas destinée. Il gère les médias. Il gère

l’éducation de nos enfants. Il gère notre gouvernement… et tout cela

pour l’intérêt de l’étranger. L’intérêt de l’entité sioniste israélienne.

(…) Ils ont pris le pouvoir en France, le pouvoir des médias, les

trusts, la politique. Croyez-moi : gauche comme droite n’est que du

sionisme. Il n’y a rien d’autre. Tout ça c’est une magouille, à grande

échelle. Et nous sommes là pour la dénoncer. Et dénoncer tous les

hommes politiques qui font l’apologie et le soutien du sionisme, quels

qu’ils soient et dire qui sont les vrais Français et qui défend les

intérêts de la nation »163.

Nous sommes encore une fois en présence d'une propagande complotiste

flagrante avec une assimilation de l'ennemi à une maladie (gangrène, virus, pandémie

etc.) qui se propage à toute vitesse à l'ensemble du corps social, « les vrais Français » si

l'on ne coupe pas la partie malade, c'est-à-dire le lobby sioniste en France, dont

notamment le CRIF, premier visé par ces accusations, mais aussi les partis politiques,

l'Europe, l'OCDE, etc. Pour les antisionistes, le complot est déjà lancé, il se trouve dans

toutes les sphères de la société : dans la sphère publique en premier lieu (administration,

médias, politique, justice, culture…) mais aussi dans la sphère privée (éducation,

famille, amis…). C'est en tout cas ce que pensent déceler Gouasmi dans la suite de son

discours :

« Le sionisme il est en train d’éduquer tes enfants. Tu n’as

plus autorité sur tes enfants. Il est en train de les orienter comme ils

veulent, où ils veulent, même comment il faut voter. Le sionisme est

chez vous, et chez nous. Il divise le foyer. Il divorce le foyer. A chaque

divorce, moi je vous le dis, il y a un sioniste derrière. A chaque chose

qui divise une nature humaine, il y a derrière un sionisme. C’est ce

163 Conférence de presse, Théâtre de la main d'or, 24 avril 2009.

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que nous croyons. Et c’est ce que nous allons démontrer. Pour nous,

le sionisme, c’est un mal. »164

À l'instar d'Anna Arendt, nous voyons dans ce ridicule fourre-tout antisioniste

« une condamnation du monde dans lequel [les masses] sont contraintes de vivre et ne

peuvent subsister, puisque la contingence est devenue la loi suprême de la réalité et que

les être humains ont besoin de transformer constamment les conditions chaotiques et

accidentelles en un schéma d'une relative cohérence ».165 Ainsi, en partant des origines

concrètes de la formation du sionisme (la création d'Israël), jusqu'à son implication dans

la sphère très privée de tous les citoyens, en passant par la situation politique en

Palestine, l'interventionnisme américain du dernier siècle, les administrations et la

manipulation de l'opinion publique en France , le sionisme est absolument partout : c'est

le « principe structurant » nos sociétés selon les antisionistes radicaux. En plus de

pouvoir expliquer et agencer le monde de façon simple, cette théorie complotiste a un

autre avantage psychologique : elle permet de se déresponsabiliser des failles que

connaît la société en général mais aussi des échecs personnels les plus répandus

aujourd'hui (pauvreté, chômage, divorce…), permettant ainsi de mieux supporter les

aléas de la vie.

Nous rejoignons donc le constat du sociologue français Jean-Bruno Renard selon

lequel « la société postmoderne, parce qu’elle n’offre plus un système stable de

catégorisation du réel, ne peut que favoriser les idées négatrices et

conspirationnistes »166. La théorie du complot est une sorte de palliatif, face à un monde

de moins en moins intelligible et de plus en plus complexe, où les anciens principes

structurants les sociétés s'effacent et laissent un vide. C'est cette peur du vide qui joue

sur les émotions des individus, dont l'angoisse et l'incertain, qui deviennent les

principaux moteurs d'une paranoïa individuelle ou collective. Dans les deux cas, elle

opère « un réenchantement négatif par le fantastique »167, une réaction à la perte de

repères, de sens, d'évidence, qui était autrefois assurée par les institutions et un ordre

social structuré.

164 Idem.165 ARENDT Hannah, Le système totalitaire, Seuil, 2005, page 79.166 RENARD Jean-Bruno, « Les rumeurs négatrices », 2006, Revue Diogène, PUF, n° 213, 2006, p.74.167 TAGUIEFF Pierre-André, L’imaginaire du complot mondial. Aspect d’un mythe moderne, Mille et une nuits, 2006, p.198.

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78

En conclusion, nous répondrons à ceux qui pourraient s'étonner que dans un

monde aussi informé sur les techniques de diffusion du message politique, que ce soit à

travers la parole ou l’image, nous nous soyons attachés à démanteler le message de

propagande du PAS. Le citoyen semble en effet aujourd'hui plus que jamais armé pour

comprendre et déjouer lui-même ce message. En guise de réponse, nous citerons cette

conclusion éclairante de Fabrice d’Almeida, qui fait parfaitement écho aux thèses de

Frédéric Lambert sur le déni du langage comme façon d'adhérer à une croyance : « tous

les regards ne sont pas des rejets, et tous les détours la marque d'un soupçon. La

curiosité, la sympathie même, remplace parfois la méfiance. Symboles et figures

retiennent l’attention et poussent à la réflexion. L'image est source pour l'historien. Elle

soutient désormais la défaillante mémoire des hommes »168.

Cependant, aux vues des accusations d'antisémitisme dont fait preuve la liste

antisioniste et la controverse qui naît de cette ambiguïté entre antisioniste et antisémite,

il nous faut revenir sur les liens que peuvent avoir la lutte contre « le complot sioniste »

et la lutte contre le vieux « complot juif mondial ».

B. Le complot antisioniste : un renouveau antisémite   ?

En 1968, suite à une question sur le sionisme, Martin Luther King aurait

déclaré : « Quand les gens critiquent les Sionistes, ils veulent dire les Juifs ». L'objectif

de ce paragraphe n'est pas de rajouter une pierre aux nombreux débats autour de cette

théorie de l'antisioniste antisémite. Cette querelle d'intellectuels et de chercheurs nous

semble irrésoluble, tout d'abord à cause de la trop grande implication des uns et des

autres en faveur de tel ou tel camp et de l'émotion qu'elle suscite chez eux, ensuite parce

que les théories échafaudées font appel directement ou indirectement à un combat

politique idéologique sans issue (entre une vision néomarxiste anti-impérialiste de

l'histoire, une théorie constructiviste et une vision libérale néoréaliste), et enfin parce

que celles-ci sont mélangées à des visions théologiques ou religieuses contradictoires.

L'objectif de ce paragraphe est d'essayer de resituer les multiples facettes du discours du

PAS à travers le prisme de cette controverse, mais en essayant de ne jamais tomber dans

ce « piège rhétorique et idéologique ».

168 D’ALMEIDA Fabrice, Images et propagande, Casterman, 1995, p.182.

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79

Disons en introduction que le lien entre antisioniste et antisémite n'est pas une

vue de l'esprit, imaginé par certains auteurs dont les émotions et la rhétorique couplent

automatiquement l'un avec l'autre (Taguieff, Finkielkraut, Giniewski, Lévy...). Il existe

en effet une théorie radicale et absolue de l'antisionisme antijuif en France, décrite pour

la première fois par les premiers négationnistes français tels que Maurice Bardèche et

Paul Rassinier, et qui assimilait directement le sionisme au judaïsme, en insistant sur le

fait que les juifs, sioniste par nécessité historique, puisaient leurs forces du sentiment de

culpabilité des occidentaux après la Shoah. Leur doctrine ne sera reprise est synthétisée

qu'à partir des années 70, par des hommes comme Serge Thion, Roger Garaudy169 ou

encore le bien connu du parti antisioniste, Robert Faurisson170. Celui-ci envoie en 1978

un papier fondateur du négationnisme à de nombreuses rédactions où il énonce sept

points de dénonciation de la « vision exterminatrice » de l'histoire :

« 1. Les "chambres à gaz" hitlériennes n'ont jamais existé.

2. Le "génocide" ou la "tentative de génocide" des juifs n'a jamais eu

lieu : en clair, jamais Hitler n'a donné l'ordre (ni admis) que

quiconque fût tué en raison de sa race ou de sa religion.

3. Les prétendues "chambres à gaz" et le prétendu "génocide" sont un

seul et même mensonge.

4. Ce mensonge, qui est d'origine essentiellement sioniste, a permis

une gigantesque escroquerie politico-financière dont l'État d'Israël est

le principal bénéficiaire.

5. Les principales victimes de ce mensonge et de cette escroquerie

sont le peuple allemand et le peuple palestinien.

6. La force colossale des moyens d'information officiels a, jusqu'ici,

assuré le succès du mensonge et censuré la liberté d'expression de

ceux qui dénonçaient ce mensonge.

169 Roger Garaudy a été condamné le 27 février 1998 pour contestation de crimes contre l’humanité et diffamation raciale. À propos de son livre Les Mythes fondateurs de la politique israélienne, le tribunal souligne que « loin de se borner à une critique du sionisme (…) Roger Garaudy s’est livré à une contestation virulente et systématique des crimes contre l’humanité commis contre la communauté juive (…) Bien qu’il s’en défende, il présente sous forme d’une critique politique d’Israël ce qui n’est qu’une mise en cause de l’ensemble des Juifs ».170 Après le scandale du zénith en 2006 et la montée de Robert Faurisson sur scène aux côtés de Dieudonné, celui-ci s'était défendu « de ne pas connaître les thèses du négationniste ». Pourtant, quelques années plus tard, en 2009, le Théâtre de la main d'or accueilli en privé les amis de Robert Faurisson pour son 60e anniversaire (Maria Poumier, Dieudonné, Ginette Hess-Skandrani, etc.).

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7. Les artisans du mensonge savent maintenant que leur mensonge vit

ses dernières années ; ils déforment le sens et la nature des

recherches révisionnistes ; ils nomment "résurgence du nazisme" ou

"falsification de l'histoire" ce qui n'est qu'un juste retour au souci de

la vérité historique. »171.

On peut alors douter des intentions des leaders du PAS qui soutienne

ouvertement des personnes aussi controversées ayant tenu ce genre de propos. Selon

Dieudonné, il ne s'agit que d'un soutien de principe à la liberté d'expression et contre la

loi Gayssot, qu'il tient pour responsable d'un chantage à l'antisémitisme à grande

échelle. Dieudonné renverse même la critique du complot : « Il faut arrêter aussi avec

ce chantage systématique à l’antisémitisme. (…) Moi je déteste cette théorie d’un grand

complot antisémite qui s’organise dans le monde. Je crois qu’il faut sortir de cette

paranoïa absolument ; il faut sortir de cette théorie du complot : il n’y a pas de complot

antisémite sur la planète (…) »172. En effet, si nous laissons de côté ses affinités plus qu'

ambiguës, il est clair que l'humoriste n'a jamais sombré dans la « dénonciation du

complot juif mondial ». Il explique d'ailleurs très clairement qu'il ne s'agit pas d'un

« complot » sioniste, mais d'un « choc frontal avec des individus parfaitement

identifiés : l'extrême droite de la communauté juive, ce groupuscule sioniste, raciste,

pro-Sharon, et en guerre permanente contre quiconque évoque la situation en

Palestine »173.

Nous pensons d'ailleurs, à la suite de Guillaume Weill-Raynal174, qu'il serait

erroné, voire contre-productif, d'attacher systématiquement les thèses antisioniste à de

l'antisémitisme. Car, comme nous l'affirmons depuis le début de ce mémoire, une

véritable critique d'Israël et du sionisme, entendu comme « mouvement politique visant

à l'établissement puis à la consolidation d'un État juif (la Nouvelle Sion) en Palestine

»175, est possible, et même incontournable : expansionnisme, déplacements de

populations, traitement indécent des non-juifs sur le sol Israélien, la liste serait longue et

a déjà fait l'objet de nombreuses critiques. Le mouvement « d'intellectuels sionistes »,

171 FAURISSON Robert, « Les conclusions des auteurs révisionnistes », 1978.172 Conférence de presse, Théâtre de la main d'or, 24 avril 2009.173 MUKUNA Olivier, Dieudonné, Entretien à cœur ouvert, op. cit., p.42.174 WEILL-RAYNAL Guillaume, Une haine imaginaire. Contre-enquête sur le nouvel antisémitisme, Armand Colin, 2005.175 Le nouveau Petit Robert de la langue française, 2009.

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dénonçant avec acharnement et simplicité l'antisionisme comme le nouvel

antisémitisme, semble ainsi défendre l'arbre qui cache la forêt et empêcher toute critique

envers Israël. S’il est vrai que l’antisionisme du PAS dérive parfois vers quelque formes

d'antisémitismes (et nous l'avons montré à plusieurs reprises dans nos développements),

notamment à travers le discours et les images de propagande véhiculées dans des

milieux enclins à l’ultra-communautarisme et à la haine de l'autre, il est tout aussi sûr

que le mouvement n'est pas à proprement parler antisémite et n'use pas en permanence

de la carte du « complot juif ». Il reste que le spectre de ce complot flotte toujours avec

ambiguïté autour des membres du parti, notamment lorsque ceux-ci s'expriment

librement.

On notera ainsi que la critique de Taguieff, quoique fortement documentée et

précise, se révèle tantôt excessive, tantôt opérationnelle. Excessive, lorsque «  la

référence à l’antisémitisme est commode, (...) qu’elle sert d’explication passe-partout,

de tactique, de stratégie, d’alibi », remplaçant « la pensée, la réflexion, l’analyse »176. Il

peut s’agir, selon « la typologie de l’hostilité aux juifs »177 de Maxime Rodinson, d’un

simple mot d’esprit ou d’un cliché drolatique sur des traits caricaturales d’une Nation et

de son peuple (le français ronchon, béret sur la tête, baguette de pain sous le bras,

l’anglais précieux et son tea break, l’américain excessif, superficiel et obèse d’avoir

trop mangé de fast food, etc...) ; d’une critique d’un groupe politique et de ses

manifestations, par exemple lorsque les colistiers antisionistes ne s'attachent qu’à une

critique stricte de l'État d'Israël et de son gouvernement, ou dans le cadre national, des

manifestations sionistes radicales, soutenues plus ou moins ouvertement par la

République (dénonciation du dîner annuel du CRIF, de la protection des locaux fournis

pour des réunions de soutien à l'armée israélienne, de l’impunité de certaines « milices

sionistes radicales », etc.) Comme l’explique l’historien orientaliste, « il ne faut pas

nécessairement assimiler toutes ces manifestations, si déplaisantes qu’elles puissent

être, à la judéophobie essentialiste (...) dans la mesure où le groupe juif impliqué ne

représentait pas la totalité des juifs, dans la mesure où il avait ses torts »178. Qu'on

laisse donc de côté l'accusation d'antisémite lorsque Dieudonné, à la suite de comiques

tels que Pierre Desproges179 ou encore Coluche180, s'en prend ouvertement mais avec

humour aux juifs. Personne ne peut se soustraire à cet exercice de blessures dans l'ego 176 RODINSON Maxime, Peuple juif ou problème juif ?, La Découverte, 1997.177 Idem, p. 261 à 272.178 Idem, p.267.

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national à travers quelques « blagues », qu'elles soient inspirées ou non. Qu'on laisse

l'étonnement, la surprise, et pourquoi pas même le sourire et le rire naïf (et humain !)

d'une personne devant un signe extérieur d'appartenance à la communauté juive telle

que le chapeau à papillotes. Car ces signe « d'hostilité » font heureusement parti de la

nature humaine et permettent à tous de ne pas sentir un écart entre les différentes

communautés, ou un régime de privilèges pour l'une d'entre elles.

Opérationnelle, lorsque la critique antisioniste s'embarque impunément dans de

vieux travers antisémites, et que les manifestations d’hostilité ne sont que le masque de

« vieux poncifs anti-juifs », que ce soit au niveau de la propagande rhétorique, lorsque

Dieudonné par exemple parle de « négriers reconvertis dans la banque, dans le

spectacle et aujourd’hui dans l’action terroriste qui manifestent leur soutien à la

politique d’Ariel Sharon»181, ou au niveau des images diffusées comme nous l'avons vu

un peu plus haut. En guise d'illustration supplémentaire de cet antisémitisme camouflé

par l'antisionisme, nous rapportons ces deux images commentées sur le site du PAS

pour clôturer une vidéo antisioniste182 :

179 DESPROGES Pierre, « Les juifs », (disponible sur Internet) : « il est vrai que les Allemands de leur côté ne cachaient pas une certaine antipathie à l'égard des juifs… Mais enfin ce n'était pas une raison pour exacerber cette antipathie, en arborant une étoile à sa veste… pour montrer qu'on n'est pas n'importe qui ! Qu'on est le Peuple élu ! ‘’Et pourquoi j’irais pas été au vélodrome d'hiver ?’’, ‘’et qu'est-ce que c'est que ces wagons sans banquettes !’’, ‘’ et j'irai aux douches si je veux !’’… quelle suffisance ! »180 COLUCHE, Le jeu de la vérité, présenté par Patrick Sabatier, le 27 septembre 1985 : « il y a quatre preuves que Jésus-Christ était juif, il y a quatre preuves : d'abord, il a vécu 33 ans avec sa mère (faut être juif !). il a cru qu'elle était vierge pendant 33 ans (ça aussi faut être juif  !). Elle, elle a dit partout que son fils c’était le Bon-Dieu (ça, faut être juif !) Et il a quand même monté une affaire qui est devenue une multinationale ! »181 Dieudonné, Le Journal du Dimanche, 8 février 2004182 « Appel pour l’union des citoyens contre le sionisme », loc. cit.

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Nous avons le droit ici à un terrifiant amalgame théologique, purement

propagandiste, fusionnant le passé et l'histoire contemporaine avec simplicité, comme

une prédiction de la marche historique du monde. Il y a tout d'abord ce rappel à la

création d'Israël et au judaïsme, avec cette référence à la mer Rouge qui laisse un

passage au peuple juif en exil d'Égypte, puis un fondu subtil nous ramenant à une réalité

reconstruite : un parterre de réfugiés palestiniens, encadrés par des murs de béton et des

miradors d'où coule du sang, et une petite fille palestinienne enchaîné, levant les poings

en signe de révolte et de promesses d'une libération future. On aperçoit enfin

furtivement derrière les écritures, surplombant ces réfugiés, l’étoile de David, le

symbole du judaïsme, avec en son centre le Z de « Zionism ». L'amalgame entre juifs et

sionistes est donc double, en référence d'une part à la religion, d'autre part à la politique,

et forment ainsi un axe du mal évident : sionistes- Israël- juifs. Le PAS renouvelle ainsi

avec un certain antisémitisme en jouant sur « la simplicité de ses thèmes et de ses

images, qui s'impriment facilement dans les esprits et viennent se couler dans des

moules préexistants »183.

Prudence est donc bien mère de sûreté lorsqu'il s'agit de dénicher un potentiel

antisémitisme derrière l'antisionisme du PAS. Notre critique antérieure, celle de la

tentation manichéenne, se retrouve à la fois chez les détracteurs de l'antisionisme et

chez ceux qui le prônent. Pour ne pas tomber dans les mêmes travers dans notre analyse,

nous avons essayé de faire la part des choses, en se reposant sur des exemples concrets,

et en essayant de différencier les messages, les images, mais aussi les hommes qui les

portent. Il ne s'agit pas de tirer une conclusion en faveur de l'un ou l'autre des camps,

183 GINIEWSKI Paul, Antisionisme : le nouvel antisémitisme, Cheminements, 2005, p.69.

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c'est-à-dire de faire de « l'antisionisme le nouvel antisémitisme » ou au contraire de

légitimer l'antisionisme comme tout à fait sain. Nous avons préféré adopter un point de

vue à plusieurs facettes en montrant qu'un « antisionisme, revendiqué ou masqué, et

éventuellement entachées d'arrière-pensées suspectes, est fort possible, mais nullement

automatique »184. Cependant, en alliant les deux faces de l'antisionisme, celle de la

critique juste du sionisme et celle plus controversée d’une posture antisémite, nous

plongeons avec certitude dans une atmosphère ambiguë qui vient renforcer notre

hypothèse de départ sur l'exacerbation des tensions communautaires. En effet, le parti

de Gouasmi et Dieudonné, en entretenant ce double langage, offre un terreau

exceptionnel à la haine de l'autre. Une aubaine pour tous les extrémistes radicaux,

avides de manipuler ce message, qui opère avec subtilité un « passage de la propagande

à la communication politique »185, une communication politique  basée sur une nouvelle

forme de stratégie politique (chapitre 2).

Chapitre 2   : Une nouvelle forme de stratégie politique.

Il s'agit dans ce deuxième chapitre de donner une nouvelle impulsion à notre

hypothèse de départ. Nous venons de voir dans ce début de deuxième partie, consacrée à

la stratégie médiatique du PAS, l'influence de la propagande et de la théorie du complot

sur celle-ci. Mais au-delà de ces manifestations grossières de la communication d'un

parti, il nous paraît évident de consacrer quelques pages supplémentaires à une analyse

plus globale de cette stratégie. Un passage à la communication politique d'autant plus

nécessaire qu'il est à la base de la représentation du PAS dans la sphère sociale et

politique. Il faut donc se pencher dans une première partie sur la posture adoptée par le

parti dans la sphère politique et surtout électorale. L'hypothèse à laquelle nous nous

confrontons est celle d'un renouvellement d'une attitude généralement associée aux

groupements d'extrême droite : le populisme (section 1). Cette hypothèse se dédouble

alors d'une manière originale puisque le porteur du projet se trouve être à la base un

humoriste. Il était donc absolument nécessaire de voir le cheminement entre l'humour et

le politique, en analysant les enjeux liés à leur imbrication (section 2).

184 WEILL-RAYNAL Guillaume, op. cit., p.47.185 D’ALMEIDA Fabrice, Images et propagande, op. cit., p.181.

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Section 1 : Un néopopulisme renouvelé.

Dès sa création, le PAS va se constituer autour d’un homme, celui par qui le

projet est né : l’humoriste Dieudonné. Interdit de salle, car suspecté de tenir en public

des propos antisémites, il y voit une censure du « lobby sioniste » au plus haut sommet

de l’Etat et décide de rassembler des hommes autour de lui ; des hommes qui

entrevoient comme lui ce « danger pour la liberté d’expression » qu’est le sionisme.

Le PAS fera sa campagne en ne présentant des listes qu’en Ile de France et fera

de bons scores dans certaines villes de banlieue dites « sensibles ». La création du parti

et la campagne électorale qui l’accompagne s’est faite sur une stratégie médiatique

maitrisée, jalonnée d’ « attentats humoristiques » et autres pieds-de-nez au monde

politique.

Cette attitude face à la crise de confiance démocratique que traverse la France

fait entrer le parti dans une attitude néopopuliste au sens de Taguieff, c’est-à-dire

comme « style politique ». Il a en effet emprunté des éléments très classiques des

populismes modernes, voir « postmodernes »186 pour pouvoir s’imposer dans l’esprit de

l’opinion publique, des médias et des politiques (A). Mais la particularité du PAS est

d’avoir renouvelé cette posture autour de nouveaux sujets et d’un nouveau mode

d’approche du public, que nous expliquerons à travers le terme « Shopulisme » (B).

§1 : Le PAS et les logiques classiques du populisme.

Peu de recherches ont été consacrées au phénomène populiste, mais toutes

s’accordent à voire un renouveau du phénomène depuis les années 80 dans les

démocraties pluralistes occidentales187. Toutes ont pour principal constat qu’il ne s’agit

que d’un « symptôme »188 d’une maladie plus étendue qu’est « la crise de confiance à

186 Ainsi que les nomme Guy Hermet dans Les populismes dans le monde. Une histoire sociologique (XIX – XXème siècle), Paris, Fayard, 2001.187 Voir SOUCHARD Maryse (et al.), Le populisme aujourd’hui, Paris, éd. M-éditer, 2007, p.18.188 DORNA Alexandre, « Faut-il avoir peur du populisme ? », in Le Monde diplomatique, nov. 2003.

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l’égard des institutions et des élites gouvernantes »189. Une crise de confiance et une

défiance envers les pouvoirs politiques traditionnelles qui resurgit au moment des

élections européennes de 2009 et dont l’élan n’est pas ralenti depuis (bien au contraire si

on en croit le taux d’abstentionnisme record des élections régionales en France en mars

2010, d’environ 53%, ou encore des grandes manifestations populaires en Grèce en ce

début d’année). Le sentiment de malaise est donc bien à l’ordre du jour et le populisme

va s’offrir une nouvelle jeunesse en profitant de ce moment démocratique, et en

manipulant le sentiment anti-système ambiant. Ainsi, en reproduisant certains caractères

classiques de ces mouvements protestataires, on peut analyser le PAS comme un de ces

nouveaux partis à la rhétorique néopopuliste. Tout d’abord dans le modèle de

domination charismatique du leader, qui est à l’origine de tout (1) et puis dans la forte

reproduction du schème « peuple versus élites »190 (2).

A. Dieudonné   : un modèle de leader charismatique en lien direct avec le peuple.

L’origine de la création du PAS vient de l’initiative d’un homme, en réaction à

la censure dont il juge faire l’objet : Dieudonné Mbala Mbala. Le 21 mars 2009 il

annonce à la presse la création de la liste pour les élections européennes. Sur scène

depuis 1991, il fait ses débuts avec Elie Semoun, puis se lance dans une carrière solo en

1997. Brillant comique, sarcastique et puisant son inspiration dans les défauts de la

société, sa renommé ne fera qu’accroitre jusque dans les années 2000, où il sera

considéré par son public mais aussi par sa profession comme un des meilleurs, voir « le

meilleur humoristes de sa génération »191. Comme pour mieux imprégner le public

français, il choisira de laisser de côté son nom africain et se fera appeler par tous,

« Dieudo », un pseudonyme dont il aime jouer en insistant sur la consonance religieuse

évidente.

Dieudonné est alors une icône comique du politiquement incorrect, de la liberté

d’expression et de la satire cinglante contre le communautarisme et ses dérives racistes.

Parallèlement, sur la scène politique, il fait ses débuts à gauche comme défenseur actif

189 TAGUIEFF Pierre-André, Le retour du populisme, Paris, Encyclopaedia Universalis, 2004, p.7.190 TAGUIEFF Pierre-André, L’illusion populiste, Paris, Flammarion, 2007, p.199.191 Un titre reconnu notamment par une génération d’humoriste plus ancienne tel que Jean-Pierre Bacri, Daniel Prévost ou Guy Bedos, mais aussi par la nouvelle vague tel que Djamel Debbouze, Bruno Solo ou encore Pascal Eboué.

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de la cause des noirs en France et lutte contre le Front National, la « bête-cancer »192 du

paysage politique français. Il est ainsi très médiatisé et se présentera même aux

législatives de 1997 contre le candidat du FN. La machine politico-médiatique est

lancée et le charisme de Dieudonné sera confirmé par toute l’attention dont il fera

l’objet au cours de cette première décennie 2000, tant au niveau artistique, avec ses

spectacles solos ou ses apparitions remarquées dans le cinéma, qu’au niveau politique,

où il assume sa propre caricature du noir anti-lepéniste.

Dieudonné va alors séduire les classes populaires communautarisés qui se

sentent « lâchées » par les pouvoirs politiques et qui ont peu d’emprise sur les décisions.

Il va rassembler autour de lui tout types de militants politiques « déçues du système » et

qui viennent d’horizon très différentes mais qui ont tous un jugement négatif sur

l’importance et l’influence du « lobby sioniste » en France : ancien communistes

syndiqués, membre ou ex-membres du FN, militant écologistes, féministes,

propalestiniens, anarchistes, etc. Tous ces militants déçus de leur formation vont se

retrouver autour de cette nouvelle « ligne de fracture » : l’antisionisme.

C’est ainsi qu’il prend le contrôle d’une nébuleuse anti-système, en utilisant une

rhétorique propre au populisme : contre l’Etat, contre le « deux poids / deux

mesures »193, contre l’exploitation du peuple par ses dirigeants. Il va s’ériger comme la

victime de ce système et décide de prendre les armes pour s’ériger comme unique

homme politique honnête et sérieux, porte-parole des opprimés, véritable guide vers « la

lumière », jouant à la fois sur ses talents d’humoriste et de très bon orateur. Il sera ainsi

le guide contre le mal. Son attitude et son projet sont alors portés par un style

résolument populiste, notamment en contournant les vecteurs de médiatisation

traditionnels.

Dieudonné est un chef charismatique qui ne veut pas s’embarrasser d’un appareil

de parti gigantesque. Il a toujours revendiqué le côté humain de son action politique et

préfère donc travailler dans une structure familiale, à taille humaine. Il décide donc de

192 In « Un métisse pas maté », in Le Nouvel Observateur, 6 novembre 1997.193 L’expression favorite des leaders du PAS pour expliquer leur engagement et que l’on retrouve à plusieurs reprises dans chaque discours à la presse, notamment 7 fois dans la conférence d’annonce de création de la liste au Théâtre de la main d’or.

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s’exprimer et de travailler dans son Théâtre de la Main d’Or à Paris. Toutes ses

conférences de presse, ses débats internes, ses réunions de travail, ses rencontres se

feront à partir de ce lieu.

Autre lien direct avec le peuple pendant la campagne, il préfèrera toujours

l’exercice de la rue plutôt que celui de la rencontre avec les journalistes. Il fera ainsi

plusieurs démarchages directement auprès « des gens simples », « des véritables

français », en arpentant les rues de la capitale, et plus particulièrement dans les quartiers

populaires (20ème, 19ème et 18ème arrondissements), ou en se rendant dans les villes de

banlieues sensibles. Facilement abordable, refusant de pratiquer « la langue de bois », il

ne craint pas, à l’instar de populiste reconnu comme Jean-Marie Le Pen en France, de

débattre et sait parfaitement comment décontenancer un adversaire politique : sa réparti

entre humour et dénonciation en font un très bon orateur, écouté et parfois même admiré

par ceux qui sentent en lui un porte-parole enfin crédible. Mais tout bon orateur ne peut

pas se démarquer et être médiatisé à long terme s’il ne rencontre pas un public qu’il a

définit au préalable ; un public qui sera dans le cadre du néopopulisme le peuple (B) !

B. L’appel au soulèvement du «   vrai   » peuple contre ses ennemis.

Dieudonné s’appuie donc sur son charisme médiatique et, à la manière d’un

Berlusconi, va construire « un cadre politique personnalisé, dont il constitue à la fois la

première référence de pouvoir et le fondement idéologique »194. Le peuple est la seul

base légitime de son apparition en politique et il en fera systématiquement le départ de

toute réflexion. Le peuple dont on peut citer ici avec pertinence les deux acceptions de

Mény et Surel195 :

- Comme « électorat », c'est-à-dire comme unique source de légitimité à travers

les élections, reléguant à un rôle de marionnette toutes les autres institutions.

- Comme « opinion publique », que l’on retrouve grâce aux médias et au institut

de sondages. Inutile de préciser que l’opinion publique dont se réfère Dieudonné est 194 DIAMANTI Ilvo, in Le retour du populisme, op. cit., p.57195 MÉNY Yves et SUREL Yves, Par le peuple, pour le peuple, le populisme et les démocraties, Fayard, 2000.

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souvent celle qui ne peut pas s’exprimer, où celle qui est invisible, sauf dans ses salles

de spectacles.

« Dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas », voilà la maxime

populaire qui pourrait résumer le projet politique des néopopulistes et de Dieudonné. Ce

que Maryse Souchard dénonce avec justesse dans son ouvrage collectif sous le nom de

« société du micro-trottoir et de la connaissance spontanée »196. Il s’agit ici de sortir des

voies de l’expertise « élitiste et corrompu » pour revenir à la sagesse populaire, au bon-

sens du peuple, depuis trop longtemps bâillonné. Ce chemin populaire, très attractif à

prime abord dans une perspective de démocratie, permet ainsi de manipuler ceux qui se

sentent égarés par la gestion de plus en plus complexe de nos institutions par une élite

administrative ou politique. On en arrive à un relativisme absolu de la pensée où le

peuple reprendrait un pouvoir dans le processus politique, pouvoir que lui aurait

confisqué depuis longtemps ces élites.

On est ici au cœur de ce que Taguieff appelle le « populisme-mouvement »,

c'est-à-dire « un populisme qui apparaît d’abord comme un type de mobilisation des

classes populaires (…), victimes d’une injustice, et symptomatique de l’irruption des

masses dans l’espace sociopolitique ».197 Le peuple vertueux est ainsi soutenu par

Dieudonné qui voit contre celui-là un complot fomenté par un ennemi étranger (dans ce

cas, il s’agit du sionisme, mais nous y reviendront dans la deuxième partie). Dieudonné

se réfère alors au peuple, mais au peuple au sens de plebs, c'est-à-dire les classes

populaires : les communautés laissées pour compte (noires et arabes de France), les

ouvriers, les chômeurs ou encore les personnes en situation précaires. Tous ceux qui

peuvent avoir se sentiment d’abandon par le pouvoir politique et qui sont donc de bons

sujets à la manipulation anti-système.

C’est à ces nouvelles classes sociales que va s’adresser le message du PAS, en

« agitant sans cesse la bannière du peuple souverain »198. Hermet dégage quant à lui

dans ses recherches trois manières rhétoriques pour les populismes modernes d’être

antipolitique ; trois explications qui semblent importantes dans le cas du PAS :

196 Idem, p.21.197 TAGUIEFF, L’illusion populiste, op. cit., p.189198 MASTROPAOLO Alfio, « Populisme du peuple ou populisme des élites », in Le cours de la recherche, Université de Thurin, 2002.

Page 90: Mémoire M2

90

- L’utilisation de la protestation virulente pour investir l’arène électorale, en

s’appuyant sur des entrepreneurs de mobilisations charismatiques. Dans des systèmes

politiques occidentaux bouchés de toute part, il faut qu’un leader prenne en main un

groupe de protestation latent pour en faire un parti populaire (contre la fiscalité, contre

l’Etat Providence, contre l’Europe, ou dans ce cas contre le sionisme).

- L’utilisation des nouvelles formes de revendications du « peuple de Seattle ».

C’est-à-dire un fondamentalisme des droits de l’homme exacerbé, sur fond de droit à la

différence ou au respect de toutes les communautés, sans aucun régime d’exception

pour une d’entre-elle en particulier (revendication d’un traitement identique pour la

communauté noire et arabe de France que pour la communauté juive).

- La critique de la complexité obscure du politique et de l’administration,

corrompue, lente, de connivence avec les médias, confisquant son pouvoir au peuple.

C’est le cas de Dieudonné, qui n’aura de cesse depuis 2009 de critiquer

ouvertement un système français qu’il juge corrompu dans toutes les hautes sphères :

« ce centre nerveux, ce système corrompu à tout les niveaux, expliquant tous les

dysfonctionnements de notre République »199. La critique première, celle qui le pousse à

créer un pari anti-sioniste, est celle du milieu artistique et plus globalement celle des

médias. Ils les accusent d’être aux mains du lobby sioniste et se pose en victime de ce

système entant que noir : ce sont une « meute de chiens enragés qui ont organisé le

lynchage dont je suis la cible »200. Il accusent notamment « les grands médias d’être

devenus des entreprises de communication à but essentiellement lucratif » et « tout en

affichant une indépendance de façade, d’être des outils qui servent remarquablement

l’appareil politique »201. Il utilise ici la thèse simpliste et incomplète mais très populaire

du journalisme de connivence et de mensonge au peuple, organisé collectivement par

les élites politico-médiatiques. Une critique relayée par le numéro trois du parti, Alain

Soral : « Le niveau de débat [dans les médias] est maintenant misérable. Les

intellectuels ont été remplacés par des guignols. Notre presse est l’une des plus serviles

199 Conférence de presse annonçant la création de la liste antisioniste, 25 mai 2009.200 In MUKUNA Olivier, Dieudonné, Entretien à Cœur ouvert, Anvers, éd. EPO, 2005, p.33.201 Idem, p.74.

Page 91: Mémoire M2

91

du monde. (…) Les libéraux atlanto-sionistes ont pris totalement le pouvoir en

France »202.

La deuxième sphère concernée par les attaques de l’humoriste est celle des

hommes politiques. A la question ‘’qu’est-ce qu’un Président de la République

aujourd’hui ?’’, il répond : « ce n’est qu’une marionnette aux mains de la haute finance

et des multinationales »203. Critique qui permet de montrer le lien obscur entre le

politique et l’économique, souvent dénoncé par les classes moyennes et populaires, et

qui fonctionne d’autant plus pendant les périodes de crises financières, comme celle que

vit l’Europe depuis 2008.

Aucun rouage de l’Etat n’échappe à sa critique, puisqu’il dénonce aussi le

pouvoir judiciaire et notamment les magistrats, qu’il accuse d’ « être englués dans un

système où, finalement, il est plus simple de condamner lourdement un voleur

d’autoradio et, le soir, d’aller diner avec un marchand d’armes »204. Le temps lent de la

justice étant effectivement un des problèmes majeurs de nos démocraties (ce qui a été

plusieurs fois dénoncé par la CJCE), il est très facile de critiquer violemment une

administration qui s’enlise pendant des années sur des procès compliqués de « cols

blancs », alors qu’il existe tout une batterie de procédures rapides contre les délits du

quotidien. Injustice « de temps » inévitable au vu du niveau de complication des procès,

mais qui devient « injustice politique » dans la bouche des néopopulistes faisant de l’œil

à des classes populaires souvent en mal avec l’administration judiciaire.

Toute cette critique antipolitique cherche à remettre le peuple au centre du

discours et des préoccupations de la République, quitte à dénigrer le temps long

nécessaire à une politique démocratique, à l’art du gouvernement. Les néopopulistes

méprisent cette prudence politique en proclamant « que les attentes même les plus

complexes et grosses d’effets pervers (…) pourraient se trouver satisfaites si les élites

en place n’y faisaient obstacle »205.

202 Conférence de presse, loc. cit.203 In MUKUNA Olivier, op. cit., p.89204 Idem, p.36.205 HERMET Guy, op. cit., p. 446.

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92

§ 2   : L'originalité du populisme du PAS : Le "shopulisme".

Comme le dit très justement Pascal Perrineau, « à se focaliser sur les filiations,

on risque de passer à côté de ce qui fait l’ampleur et l’originalité d’un phénomène

politique nouveau »206. S’il était donc judicieux de rappeler la filiation évidente du PAS

avec les néopopulismes émergents à la fin du 20ème siècle, il est encore plus stimulant de

voir dans quelle mesure il renouvelle le style, à travers un véritable show autour du

débat sur le « chantage à la Shoah », c’est ce que nous avons appelé le « shopulisme ».

A. Un show populaire autour du leader.

Peter Mair a écrit à propos des changements dans nos démocraties que « le plus

plausible à l’avenir sera le déclin continu de l’engagement et de la participation des

masses en politique et son remplacement progressif par la politique plus incertaine et

assez indifférente du spectacle de masse »207. C’est ce schéma politique du spectacle de

masse qu’a choisi de privilégier le PAS avec à sa tête un humoriste, Dieudonné, qui va

s’adresser directement au peuple par l’intermédiaire de l’humour et de ses spectacles. A

l’image d’un Berlusconi utilisant tout les instruments du marketing208, « Dieudo » va lui

s’en remettre à toutes les ficelles du milieu du spectacle et surtout, à cette institution en

France qu’est le droit pour les artistes d’user (abuser ?) de leur sacro-sainte Liberté

d’expression. Si depuis quelques mois cette liberté est remise en question de plus en

plus dans les médias (notamment autour d’humoriste tel que S. Guillon ou Dieudonné),

il est encore reconnu que la scène reste un endroit où l’artiste à le droit de s’exprimer

librement puisque toute intervention est alors présupposée être dans le domaine de

l’humour (que l’on soit choqué ou indifférent au propos tenus). Jean-François Copé,

Président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale, rappelait par exemple à ce sujet

qu’il ne pouvait y avoir d’autres « limiteurs » que la propre conscience de l’artiste et le

public, qui est le seul à pouvoir donner sa légitimité ou au contraire à sanctionner un

humoriste en allant voir ou non son spectacle209.

206 PERRINEAU P., in Le retour du populisme, op. cit., p. 28207 MAIR Peter, “Représentation and Participation in the Changing World of Party Politics”, European Review, mai 1998, p.173.208 DIAMANTI Ilvo, op. cit., p.54 à 56.209 Emission de télévision, On n’est pas couché, 10 Avril 2010.

Page 93: Mémoire M2

93

Partant de ce constat, Dieudonné se réfugiera sans cesse derrière cette liberté

d’humour et de scène. Notamment lorsqu’il décide de critiquer dans ses spectacles le

sionisme ou même de caricaturer tout simplement la population juive dans la pure

tradition de l’humour noire anti-juive, ce qui ne constitue pas une injure en soi, puisque

d’autres avant lui s’y sont essayer210 et que toutes les communautés se trouvent

attaquées dans son show. Ce qui fait que l’on peut s’interroger sur ce bouclier de l’Art,

c’est lorsque l’humoriste le brandit dans une autre sphère : celle du politique et de

l’arène électorale.

Car en effet, qu’il s’agisse de faire venir le politique sur scène, en faisant parler

un négationniste reconnu devant le public211, ou de manier l’humour sur la scène

politique, dans ce qu’il appelle des « attentats humoristiques », Dieudonné fait une

confusion salvatrice entre la critique politique du gouvernement israélien et l’humour

autour d’une communauté de croyant (l’humour contre les juifs). C’est cette confusion

des genres et l’utilisation de l’arme humoristique en politique que lui reproche la

majeure partie des observateurs, car c’est ce show antisioniste continu, dans toutes les

sphères de sa vie publique, que l’opinion publique admire et qui lui vaut tant de

sympathie. L’humour devient alors l’arme imparable d’une politique extrémiste, d’un

populisme faisant sa propagande à l’intérieur et à l’extérieur des salles, mais toujours

sur le thème du spectacle.

Si on devait relever un dernier exemple de ce « shopulisme » à la Dieudonné,

quoi de plus symptomatique que de parcourir l’affiche de campagne des Européennes de

2009, véritable affiche de cinéma (Annexe 5). Le format de l’affiche, les caractères

employés et le positionnement des éléments sont typiques de l’affiche

cinématographique. Les représentants de la liste sont présentés en gros plan au milieu,

dans un ordre pyramidal de hiérarchie (avec donc Dieudonné, le leader, en premier

plan). Cette affiche amène sciemment le récepteur à mobiliser plusieurs sens et brouille

les sphères de compréhension :

210 On peut penser notamment au sketch de P. Desproges, « les juifs » ou encore les scènes où Dieudonné jouait le noir contre son ami E. Semoun qui jouait la caricature du juif.211 Le 28 décembre 2008, Dieudonné profite de son dernier spectacle pour faire monter sur la scène du Zénith Robert Faurisson, négationniste reconnu et plusieurs fois condamné pour contestation de crimes contre l’humanité dans les années 80.

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- Une lecture ludique tout d’abord ; celle d’un film ou d’une pièce de théâtre.

L’auteur veut placer son public dans la position d’un spectateur devant une pièce

comique, devant une parodie. Cela promet ainsi de sortir de l’univers ennuyeux de la

politique et provoquer l’étonnement, le sourire (le rire ?), l’envie de partager un bon

moment.

- Une lecture socioreligieuse ensuite. Toutes les communautés sont rassemblées

dans cette liste. C’est la croyance en une République française black-blanc-beur (ou

chrétien-musulman-juif), en la fin du communautarisme qui « gangrène la société », en

une paix possible grâce au rapprochement des peuples. C’est le message ultime de la

tolérance intégratrice : tous sont égaux et unis par un même but.

- Une lecture politique enfin. Le projet unificateur est justement le slogan de

l’affiche et le titre : « Unis contre le sionisme » - le titre du « film », sionisme qui se

niche partout et explique les tensions sociales. L’auteur associe les sionistes aux

spéculateurs : un levier sensible en période de crise financière et une association qui

n’est pas sans rappeler en background le vieux mythe du juif banquier accapareur. Le

sioniste se trouve aussi à l’OTAN qui est vu dans les milieux extrémistes comme le bras

exécutant de l’axe américano-sioniste en Europe. Enfin, la liste se bat contre le sionisme

qui exacerberait les tensions communautaristes et qui serait l’institution occulte d’une

nouvelle censure, empêchant la liberté d’expression en France.

Toute cette peur-dénonciation du sionisme est donc enrobée d’un emballage

alléchant de jeu, de non prise au sérieux, d’ « attentats humoristiques », de farce

politique… pour essayer de rendre le message le moins « ultra » possible, le moins

extrême possible. L’euphémisme iconographique et rhétorique vient renforcer cette

utilisation du show dans la lutte politique du PAS : le combat contre le sionisme, la

nouvelle ligne de fracture (B).

B. La «   nouvelle ligne de fracture   » autour de l'humour sur la Shoah : le combat

contre l'ennemi sioniste.

C’est ce que Taguieff nomme « l’appel à la rupture purificatrice ou

salvatrice »212, incarnée par le chef du mouvement. Le leader affirme avoir les clefs

pour opérer une rupture avec les modèles précédents et pour changer véritablement le

212 TAGUIEFF, Le retour du populisme, op. cit., p.23

Page 95: Mémoire M2

95

système. Et cette rupture doit passer nécessairement par la discrimination de certains

individus, généralement par leurs origines ethniques ou culturelles ; c’est la dominante

xénophobe ou raciste des néopopulismes européens de la fin du 20ème.

Mais l’originalité du PAS vient de ce penchant discriminatoire, qui est dans ce

cas politico-confessionnelle. C'est-à-dire une demande d’expulsion de la République

française des sionistes, qui sont devenus aujourd’hui les principaux dominateurs du

peuple. On passerait alors d’un populisme raciste à un populisme antiraciste puisque

Dieudonné forge sa rhétorique haineuse envers le sionisme sur le fait qu’il s’agit en fait

d’une idéologie politico-religieuse totalitaire et islamophobe, ayant pour but d’instaurer

un régime d’apartheid en Israël213.

Une posture de fracture entre l’ancien système corrompu et un espoir de

changement, résumée par le second leader du PAS :

« A chaque chose qui divise une nature humaine, il y a

derrière un sionisme (…). La France est occupée par le sionisme.

C’est ce sionisme qui a été pointée du doigt par De Gaulle, cet

atlantisme. Nous sommes là pour libérer la France. Nous allons le

combattre, ici, en France. Si nous réussissons ici en France, à

montrer sa nature, qui il est ; si le peuple prend conscience ; alors je

vous assure la Palestine sera libérée, la France sera libérée, l’Europe

sera libérée, l’Amérique sera libérée, le Monde sera libéré, (…). Nous

avons une juste cause : c’est le Mal et le Bien et nous représentons la

partie du Bien »214.

L’antisionisme du PAS est donc fondé sur une méthode de diabolisation de

l’ennemi, le « Mal », fondée sur un amalgame entre nazisme et sionisme ou encore entre

la situation en Palestine et le régime d’Apartheid. Dieudonné déclarait sur ce point, dans

son style humoristique toujours aussi cynique et cinglant : les sionistes, « ce sont tous

ces négriers reconvertis dans la banque, le spectacle et aujourd'hui l'action terroriste

qui manifestent leur soutien à la politique d'Ariel Sharon. Ceux qui m'attaquent ont

fondé des empires et des fortunes sur la traite des Noirs et l'esclavage. Ils m'accusent

213 Un passage d’un racisme anti-juif, de 1880 jusqu’au troisième Reich, à un antiracisme anti-juif, de la création d’Israël à aujourd’hui, très bien expliqué dans Prêcheurs de haine, de Taguieff, en introduction p.15-16.214 Conférence de presse, loc. cit.

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d'être antisémite. Ça n'a aucun sens, personne dans ma famille n'a servi dans la

Wehrmacht. Mais c'est Israël qui a financé l'apartheid et ses projet de solution

finale »215. Comme tout régime totalitaire, il est donc nécessaire de revendiquer la

destruction d’Israël et de ses mandataires qu’il envoie dans le monde entier pour

masquer son vrai visage. Car, le lien entre cette critique d’Israël (qui n’est pas dénuée

de toute base avérée) et les autres pays est bien au cœur du projet du PAS. La critique

du juif sémite oriental, « infiltré partout », notamment dans le domaine de la Banque, a

cédé sa place à celle du Juif-sioniste occidental, « dominateur » de l’Occident

impérialiste et hégémonique, représenté par l’axe Tel Aviv – Washington. Cet « axe

américano-sioniste », prendrait appui sur l’Europe, notamment à travers l’Otan, pour

s’imposer au monde.

C’est avec ce schéma, dans la lignée des théories conspirationnistes, que le PAS

justifie aujourd’hui le malaise qui règnerait en France, notamment dans les institutions

de la République. Car, pour préserver la naïveté du monde envers Israël, le sionisme

prendrait appui sur des élites, notamment en France, et inhiberait de l’intérieur toute

critique envers l’Etat juif. Pour ce faire, le PAS relève l’utilisation du sentiment de

culpabilité européen après l’extermination de la seconde guerre mondiale : « chantage à

l’antisémitisme » et « pornographie mémorielle »216 de « l’évènement médiatique de la

Shoah », voilà à travers quoi le sionisme dominerait aujourd’hui la France.

C. Médiatisation du scandale et survivance grâce au cyber-militantisme.

Aujourd’hui, la puissance des médias est telle, qu’elle est devenue la première

instance « relais » entre les politiques et le peuple. On peut remarquer d’autant plus

facilement cette prédominance médiatique si l’on se trouve en période électorale et

pendant laquelle chaque parti ou homme politique essaye d’utiliser au mieux les médias

et les nouvelles techniques de communication et d’information. Cette évolution vers une

fuite en avant effrénée dans les média pour être le plus populaire possible, marque ce

que Taguieff appelle le « télé-populisme » : «  le démagogue efficace de la

postmodernité est devenu le tribun télégénique »217. Il s’agit de sortir le politique des

215 Le Journal du Dimanche, 8 février 2004, p. 27.216 Conférence de presse à Alger, Annexe 8. 217 Taguieff utilise pour la première fois le terme dans un article : « Le populisme et la science politique. Du mirage conceptuel au vrais problèmes », Vingtième siècle. Revue d’histoire, 56, 1997, p.42. Il

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97

institutions traditionnelles pour le rendre directement audible par le public. Mény et

Surel y voit la relégation du parti au rang d’ « accessoire », au profit d’un lien

médiatique plus direct et surtout qui bénéficie d’une meilleure visibilité et

accessibilité218.

On retrouve cette nouvelle manière d’envisager la politique (à travers la

manipulation des médias) dans la création du PAS, qui se veut un parti avec un noyau

très faible, quasi-inexistant, et une multitude d’électrons, qui ne sont que des

entrepreneurs, soit politique, c’est le cas du numéro 3, Soral (homme politique de

formation et polémiste politique, ancien directeur de communication du Front

National), soit en communication, comme Dieudonné, l’humoriste télégénique, ou

Gouasmi, qui s’occupe d’alimenter chaque jour le blog du PAS par une vidéo ou un

article polémique sur le sionisme.

L’avantage de ses entrepreneurs de mobilisation est évidemment de ne

pas avoir de compte à rendre à un parti omnipotent ou à une base militante qui se

réunirait régulièrement. Plus important encore, n’ayant rien à perdre et tout à gagner, ils

vont pouvoir alimenter les médias de scandales, de phrases provocatrices, de vulgarité

même. Nous l’avons vu il y a quelques lignes, si cette omniprésence médiatique est

couplée avec un droit irrépressible de liberté d’expression, les représentants du PAS

vont pouvoir miser sur ce show scandaleux pour « coller au mieux aux exigences de

l’impact télévisuels »219.

L’exemple typique de ce shopulisme, brouillant humour-spectacle et politique

plébiscitaire, est ce sketch de Dieudonné sur un plateau de télé, déguisé en colon

israélien (vêtements militaires, cagoule, chapeau traditionnel et papillotes juives), et

finissant son intervention par un salut nazi en disant « Israël ! »220. L’impact est fort.

Dieudonné fait son show sur une chaine du service public, en prime time, en tant

qu’invité humoriste, et peut - sans détours et explications compliquées ou ennuyeuses

qu’implique souvent le politique pour un amateur - dénoncer son ennemi politique : le

développera ensuite ce concept dans tous ses ouvrages traitant du populisme, et en fera une thèse centrale de ces recherches.218 MÉNY et SUREL, op. cit., p.123 à 126.219 BALANDIER Georges, Le pouvoir sur scènes, Paris, Balland, 1992. 220 Emission On ne peut pas plaire à tout le monde, France 3, 1er décembre 2003.

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sionisme (ou plus précisément comme il le dira lui-même dans ce sketch « l’axe

américano-sioniste »).

Ce que peu d’observateurs ou de chercheurs n’ont en revanche pas encore relevé

dans ce renouveau populiste et ses liens avec les médias, c’est l’influence d’internet et

du cyber-militantisme. Et pour cause, il est encore aujourd’hui très difficile de connaître

son véritable impact. Toujours est-il que c’est le premier moyen d’action de

l’organisation anti-sioniste, sa première ressource. Car on l’a vu, Dieudonné et ses

camarades restent très critiques face aux médias traditionnels (même s’ils aiment en

jouer), et revendiquent un autre moyen de s’exprimer et de participer à nos

démocraties : « puisqu’aujourd’hui, je suis – enfin, nous sommes, privés de la scène

médiatique ou politique dites traditionnelles, nous avons décidé de continuer le combat

avec les français, avec ceux qui veulent débattre et faire avancer la République

directement »221. Mode de médiatisation alternatif aux grands médias, le site du PAS est

modifié chaque jour par un billet du président Gouasmi, par des vidéos-montages, des

témoignages, des liens facebook et twitter multiples, et bien entendu le programme

détaillé du parti et un lien pour l’adhésion en ligne.

Ce qui est intéressant ici, c’est qu’internet permet une continuité et une stabilité

du populisme dans la pratique car il donne au parti un support visible et actif, mais

surtout dans la rhétorique même du mouvement, qui reste parmi le peuple en continuant

à l’informer et le faire participer à la démocratie. C’est un autre moyen de légitimation :

puisque les médias les oublient, sous la pression des politiques, et puisque ceux-ci ne

veulent pas débattre avec eux et avec les français, alors ils s’engageront dans le cyber-

militantisme qui reste encore le seul moyen d’expression libre et global.

Si Mény et Surel mettent en évidence que ces nouvelles « idoles populistes sont

souvent aussi vite brûlées qu’elles ont été adorés »222, il en va différemment avec

l’utilisation d’internet qui permet, si ce n’est une actualité quotidienne, tout du moins

une survivance jusqu’aux prochaines élections, ou jusqu’au prochain scandale. Elle

permet de passer plus facilement le « creux de la vague» entre chaque échéance et donc

aux différents acteurs du PAS de garder une visibilité et une légitimité.

221 Conférence de presse, loc. cit.222 MÉNY et SUREL, op. cit., p.126

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De plus, l’énorme capacité de ressources et de liens qu’offre internet permet de

créer tout un réseau militant, bien au-delà de la seul étiquette PAS, que ce soit à travers

les réseaux sociaux (facebook, twitter…) ou les forums, mais aussi avec d’autres sites

en ligne qui partagent les mêmes préoccupations (journalistes alternatifs, associations,

groupes de pressions, etc…). Cela permet de gonfler (artificiellement ou non) le nombre

de cyber-militant anti-sioniste et de « faire nombre », ce qui reste une des ressources les

plus recherchées dans le monde politique.

En conclusion, nous relèverons avec Mastropaolo ce paradoxe résumant assez

bien la pensée des chercheurs qui ont écrit sur le populisme post-moderne et qui, nous

pensons, reflète la situation du PAS dans la sphère politique française et plus

profondément dans le malaise des démocraties pluralistes en ce début de siècle : « le

néo-populisme est au fond une forme d’agitation. Cela le rend assurément inquiétant et

justifie la vigilance à son égard. Reste qu’il est sage de ne pas le dramatiser »223.

Car le parti anti-sioniste s’il se joue des règles de la démocratie (de son temps

long, de sa rhétorique si particulière, de ses compromis difficiles, de ses principes

constitutionnelles et institutionnelles…) n’est pas pour autant un parti « fascisant »,

puisqu’il respecte ces règles imposées. La vigilance passerait alors plutôt par un

contrôle de ses dérives plébiscitaires que sont l’apologie de la haine envers une

communauté, sous couvert d’un show humoristique rendu aujourd’hui possible par la

tolérance médiatique et populaire envers la liberté d’expression. C’est là tout l’enjeu

des risques liés au PAS et de ce que nous avons appelé le « shopulisme ».

Une dérive d’autant plus dangereuse qu’elle a à sa disposition les nouveaux

moyens de communication, dont internet et le vecteur le plus étendu, et qui fonctionnent

tout au moins comme disque de sauvegarde, tout au plus comme animateur latent, mais

qui reste actif et global dans le cas du PAS, et qui permet la survivance de cet

antipolitique primaire qui fleurit dans notre « société du spectacle » ou comme le dit

Bernard Manin dans notre « démocratie du public »224.

223 Loc. cit, p 66.224 MANIN Bernard, Principes du gouvernement représentatif, Paris, Flammarion, 2008.

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Section 2 : L’utilisation scabreuse de l’humour en politique.

Dieudonné a compris que « l’irrévérence et l’irrespect étaient les valeurs sûres

de la société moderne »225 et que l'impératif pour plaire dans cette « société ludique »226,

était de pratiquer le cynisme. En effet, le rire a envahi aujourd'hui toutes les sphères de

la société, et est omniprésent jusque dans la politique. Mais alors, comment comprendre

le comique Dieudonné, comment comprendre son projet humoristique et politique ?

Peut-être, à travers cette phrase : « ma définition de l'humour, c'est lorsqu'on parvient à

faire rire avec des messages à dimension politique sociale (…), mon job, c'est de

chercher dans les recoins du sacré les travers de l'humanité »227.

Une approche de son métier qui n'est pas sans rappeler ce qu'a défini Henri

Bergson en 1912 à travers son concept du « mécanique plaqué sur du vivant ». Dans

cette lignée, le rire a pour origine le ridicule, il doit être humiliant pour celui qui en est

l'objet afin qu'il se perfectionne. Cette théorie morale du comique présente une grande

utilité pour comprendre le positionnement comique de dénonciation de Dieudonné (§1).

Mais on ne peut pas s'arrêter à ce simple constat mécanique et il faut essayer de dévoiler

les véritables enjeux de l'humour antisioniste de l'humoriste (§2).

§1 : L’utilisation du comique comme dénonciateur et correcteur social.

Loin d’être un « faux-comique », « humoriste sans humour, d’une lourdeur sans

pareille, un sous-Coluche hargneux »228, comme le pense la plupart des chercheurs qui

ont travaillé sur ce cas, Dieudonné a su travailler son humour avec toute les ressources

dont il dispose. Pour ne citer qu’un exemple (mais il y en aurait beaucoup d’autre) :

« Mais si tu regardes bien le problème de Jésus… c’est qu’il a

eu la fine équipe au cul, hein, c’est clair… Il a fait un sketch qu’à pas

plu… Son numéro là avec la multiplication des pains, ça faisait

225 GRABY François, Humour et comique en publicité : parlez-moi d’humour, EMS / Management et société, 2001, p.12.226 COTTA Alain, La Société Ludique. La Vie Envahie Par Le Jeu, Grasset, 1980.227 MUKUNA, op. cit., p. 61.228 TAGUIEFF Pierre-André, Prêcheurs de haine, 2004, p.388 et suiv.

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marrer que lui et ses copains… ben il s’est retrouvé avec tout le lobby

boulanger sur la face !... ben oui : les autres ils sont debout jusqu’à

4h du matin et lui, en plein après-midi, il distribue des pains ! ».

« Discours allusif », « métaphore anachronique » de sa propre histoire,

« nonsense », « fausse naïveté », « inadaptation entre le ton et le contenu », sans oublier

le jeu de scène très présent dans les spectacles de Dieudonné… Des ressorts bien connus

des chercheurs minutieux autour de l’humour229 et qui donne à réfléchir quant au

dénigrement systématique et excessif dont fait l’objet l’humoriste. Au contraire, il nous

semble plus sage de prendre en compte cette force comique, de lui redonner toute sa

valeur pour pouvoir expliquer pourquoi Dieudonné fait scandale avec son humour dans

la sphère politique. Ne pas reconnaitre ce talent nous semble fermer définitivement la

porte d’une critique juste. Car dans l’obscurité de ses salles de spectacles, Dieudonné ne

cherche pas la plaisanterie niaise et les grosses ficelles du comique, mais au contraire à

faire travailler le public sur sa perception du monde. C’est d’ailleurs ce qu’il revendique

ouvertement : « oui, la réalité du monde dans lequel on vit, la bêtise et l’ignorance sont

des sources d’inspiration quasiment intarissables. L’objectif est de pouvoir les mettre

en scène, en situation, afin de créer le rire, puis de transmettre une réflexion »230.

Bergson n'est pas le premier à avoir mis en lumière cette fonction morale du rire.

Déjà dans l'Antiquité, Aristote et Platon avait envisagé cette possibilité d’un rire de

moquerie, de dénonciation des travers humains. Hobbes un peu plus tard allait lui aussi

dégager « ce moment inattendu du triomphe narcissique que procure le spectacle des

faiblesses des autres »231. Mais aucun pont solide ne sera tissé entre le comique et la vie

sociale jusqu'à Bergson. Le rire participerait à sa façon à une sorte de système de

contrôle social de toute société, à côté des systèmes de contrôle traditionnel qu'elles

connaissent : 

« Le rire doit être quelque chose de ce genre, une espèce de

geste social. Par la crainte qu’il inspire, il réprime les excentricités,

tient constamment en éveil et en contact réciproque certaines activités

d’ordre accessoire qui risqueraient de s’isoler et de s’endormir,

229 Voir not. EVRARD Franck ou GRABY François ou DEFAYS Jean-Marc, op. cit.230 MUKUNA, op. cit., p. 61.231 DEFAYS Jean-Marc, Le comique, seuil, 1996, p. 4.

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102

assouplit enfin tout ce qui peut rester de raideur mécanique à la

surface du corps social. Le rire ne relève donc pas de l’esthétique

pure, puisqu’il poursuit (inconsciemment, et même immoralement

dans beaucoup de cas particuliers) un but utile de perfectionnement

général232 ».

Pour Dieudonné, cet effet comique de socialisation passe par la dénonciation des

individus qui mécanisent la société, la gangrène, sans que les autres individus de la

société s'en rendent compte. Il veut notamment pointer un dysfonctionnement de l'État

français mais aussi de la sphère internationale qui, à cause de l'histoire de la Shoah, se

serait laissé volontairement dominer pour se faire pardonner et effacer un sentiment de

culpabilité après les camps de la mort. Toujours sur un ton humoristique pour amener le

spectateur à rire du ridicule d’une situation :

« Moi j'ai discuté tu sais avec les juifs, mais les juifs tu sais ils

ne voulaient pas s'expliquer non plus hein… Moi je leur disais : mais

pourquoi ? Eux ils disaient ‘’oui mais on est le peuple élu !’’ Ben,

mais qu’est-ce-que c’est que ça là… C’est quoi ça le peuple élu et dis-

donc? On n’a pas voté nous !»233.

Il aime jouer sur ce que la société (où ici plus précisément une communauté) a

figé dans le marbre et que tout le monde s’est approprié. C’est ce que Bergson avait

dégagé dans sa théorie du « mécanique plaquée sur du vivant » en l’étendant à une

raideur de la réalité « en général ». Pour se faire, l’humoriste utilise régulièrement les

ficelles reconnu de l’humour tel ce signifié habituel du « peuple élu » qu’il rapporte à

un « signifiant inhabituel » 234, bien connu mais inattendu dans le cas de la communauté

juif : l’élection, le vote, la démocratie, etc.

En exprimant un biais reconnu ou intériorisé par tous et en le grossissant,

Dieudonné «  exprime donc une imperfection (…) collective qui appelle la correction

immédiate. Le rire est cette correction même. Le rire est un certain geste social, qui

souligne et réprime une certaine distraction spéciale des hommes et des

232 BERGSON Henri, Le rire : essai sur la signification du comique, PUF, 2007, p. 15.233 DIEUDONNÉ, Pardon Judas, Bonnie production, 2000, 01:03:05.234 EVRARD Franck, L’humour, Hachette, 1996, p.44.

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103

événements »235. Ici, le rire de la salle permet de « corriger » ce qu’il perçoit comme une

source de conflit, c’est-à-dire qu’un peuple se considère au-dessus des autres.

C’est cet humour décalé et dénonciateur qui fait scandale lorsque Dieudonné

l’utilise comme arme politique et que nous avons expliqué par le terme

« shopulisme »236. Mais derrière cette attitude, cette posture du scandale populaire, quels

sont les véritables enjeux philosophiques et sociétales ? (B)

§2 : Les enjeux de l’humour politique chez Dieudonné.

Il ne s’agit plus ici de comprendre pourquoi nous rions, quelles sont les ressorts

du comique, mais de savoir comment et dans quel but (conscient ou non) nous le

faisons. Quelle est cette fonction du rire qui semble échapper aux détracteurs de

l’humoriste politique ? Pour Bergson, l’humour corrige – et nous venons de voir que

c’est avant tout le but de Dieudonné. Pour d’autre, l’humour défie l’intelligence du

récepteur : va-t-il saisir l’incongruité de l’histoire racontée ? La surprise de sa résolution

va-t-elle amener le rire ? Pour d’autres enfin, plusieurs fonctions sont attachées au rire :

« agressive », « sexuelle », « sociale », « défensive », « intellectuelle »237… Mais il nous

semble que les explications les plus éclairantes nous viennent de la psychanalyse de

Freud et de son étude Le mot d’esprit et sa relation à l’inconscient238. Car on peut

s’efforcer de dégager une théorie dite « classique » sur l’humour de Dieudonné :

Une théorie morale ou pessimiste où l’humoriste essaie de montrer un

sentiment de supériorité et de dégradation de l’ennemi.

Une théorie cognitive ou « intellectualiste » où l’humour n’a ici

d’existence que par le jeu entre le locuteur et le récepteur qui doit

décrypter une incongruité.

235 BERGSON, op.cit., p. 66.236 Partie 2, Chap. 2, Section 1, B1, Un show populaire autour du leader.237 5 fonctions avancées dans ZIV Avner et DIEM Jean Marie, Psychopédagogie expérimentale, EME Editions Sociales Françaises (ESF), 1989.238 FREUD Sigmund, Le mot d’esprit et sa relation à l’inconscient, Gallimard, 1988.

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Une théorie sociale, celle développé par Bergson, situant le rire dans son

milieu naturel qui est la vie socioculturelle de tout groupe, lui conférant

ainsi une fonction précise, celle de participer au contrôle social.

Mais si toutes ces théories ont un intérêt certain pour comprendre l’humour de

Dieudonné, celle de Freud semble si ce n’est englober les autres, donner un regard plus

étendu sur le rire. Dérivée de la théorie de Spencer qui envisageait le rire comme un

processus de décharge ayant une fonction « homéostatique », il va en tirer sa fameuse

théorie économique du rire.

En effet, pour le psychanalyste autrichien, le mot d’esprit est un mécanisme qui

vise le plaisir en satisfaisant une tendance (obscène ou hostile) qui se heurte à un

obstacle extérieur (respect, position de force…) ou intérieur (moral, éducation,

politesse, refoulement…). Le fait de s’épargner une dépense d’inhibition ou de

répression, en contournant l’obstacle, amène au plaisir.

La « tendance agressive » dégagé par Freud est très éclairante pour comprendre

la direction de l’humour de Dieudonné :

« Dans le cas de la tendance agressive, il [le comique] utilise

les mêmes moyens pour transformer l'auditeur, qui au début était

indifférent, en un compagnon de haine ou de mépris et il créé à son

ennemi une foule d'adversaires, là où initialement il n'y en avait qu'un

seul […] Il renverse à nouveau le jugement critique, qui, en d'autres

circonstances, eut examiné le litige. D'une façon générale, le mot

d'esprit se met au service de tendance réprimée »239

Ces tendances réprimées peuvent être l’obscénité, la grossièreté, ou dans le cas

de Dieudonné (et d’autres), l'irrévérence. Pour le moment, il faut voir que cette

transformation de l’auditoire en compagnon de route contre le sionisme demande un

effort de la part du comique pour construire son humour, de façon à ce que cette

construction soit cachée, que le public s’épargne une réflexion difficile et considère tout

de suite les traits d’esprits comme un plaisir. Il faut pour que le comique produise tout

son effet une « anesthésie momentanée du cœur »240, que le public entre en connivence

239 Idem, p. 247-249.240 BERGSON Henri, Le rire : essai sur la signification du comique, PUF, 2007 (1898), p. 6.

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avec l’auteur, qu’il fasse l’économie d’un effort critique. Dieudonné utilise pour ça des

techniques simples de victimisation tout d’abord, puis d’utilisation d’un pathos reconnu.

§3 : La victimisation comme moyen de légitimation.

Dans le cadre de la victimisation, il met en scène systématiquement à chacun de

ses spectacles depuis 2002 quelques histoires qui lui sont arrivés : interdiction d’antenne

sur le service public, acharnement politico-médiatique, agression physique dans les

Antilles « par quatre bonhommes porteurs du passeport israélien »241, interruption de

son spectacle à Lyon par le Bétar. Tout son humour prend source dans cette

« storytelling »242 de victime qu’il met en scène, jouant des vérités factuelles, des

allusions, des amalgames humoristiques, etc. Dans son dernier spectacle, il met ainsi en

scène avec humour son histoire pour pouvoir « capter les émotions et les désirs du

public »243 :

« C’est la vérité que j’suis en train de te dire… Parce que

sous la pression du Crif - on est tout en haut là, j’te cache pas que

c’est décidé en Israël directement – et là moi, ils veulent éradiquer

mes spectacles…hein, y’a un projet de solution finale… concernant

ma liberté d’expression. Et donc leur projet c’est de ne plus jamais me

voir dans une salle de spectacle. Donc y font pression sur les maires,

ils les menacent et tout : ‘’Risque de trouble à l’ordre public’’. Donc

c’est pour ça que moi je fais ça dans un autocar. Parce que

‘’Rassemblement interdit sur la voie publique’’ d’accord ! Mais dans

un autocar… t’as les pneus ! »244

On reconnait bien là les ficelles classiques de l’humour, où l’on retravaille sa

propre histoire en caricaturant tout les personnages afin de créer une ligne entre le bon

et le méchant. Par suite, le public est amené à rire du ridicule des personnes incriminées

241 Émission de télévision Ce soir ou jamais !, présentée par Frédéric Taddei, 8 mars 2010.242 SALMON Christian, Storytelling : La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, La Découverte, 2007.243 RIEFFEL Rémy, « Du pouvoir des médias en démocratie : le cas de l'information politique », in Médias, information et communication (ss la direction de LETEINTURIER Christine et CHAMPION Rémy), p.129.244 DIEUDONNÉ, Sandrine, Les productions de la plume, 2009, 00:06:37.

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comme pour les punir, rejoignant ainsi la théorie morale du rire. Des personnes

ridiculisées qui sont nombreuses dans les spectacles de Dieudonné et jamais choisi par

hasard, car si les personnages sont souvent inventés, il existe une communauté où les

noms sont très visible dans les sketchs du comique. Pour n’en citer que quelque uns :

Patrick Bruel, Pierre Benichou, Alain Finkielkraut, Bernard-Henri Lévy, Arthur, Elie

Wiesel, Elisabeth Lévy, etc.

Mélanger persécution et humour, voici la clé de Dieudonné pour s'assurer que la

« décharge psychique » passera par le rire, en détournant l'attention de l'auditeur du

« processus technique » du mot d'esprit : le rire se fera alors « de façon automatique »245.

Ce processus technique est très habile chez Dieudonné et là encore les

enseignements de Freud nous serons très utile pour le comprendre. En effet, le

psychanalyste avait compris que le comique devait épargner à son public un travail

intellectuel sérieux de compréhension, c'est-à-dire une « dépense psychique d'analyse »

en le « court-circuitant »246. Cela peut passer par un appel aux sonorités et à l'acoustique

primitive plutôt qu’à la signification du mot lui-même (exemple du « peuple élu »), ou

encore revenir à du familier et du connu plutôt qu’à du nouveau inconnu à analysé : « la

menace sioniste ! Les soldats de l’autre connasse de Yahvé qu’on a aux miquettes là

depuis le mois de janvier »247. De la sorte, Dieudonné s'épargne, ainsi qu'à son public,

grâce aux mots d'esprit, comique de répétition, raccourci, amalgames, une dépense de

répression face à l'obstacle extérieur : le respect dû au peuple juif et à leur souffrance.

§4 : Pathos simpliste et hiérarchique victimaire.

Comme le dit très bien Olivier Mongin dans son chapitre Le rire ethnique ou

l'art de la métamorphose, « poursuivre Dieudonné dans le contexte de la loi Gayssot est

délicat : le provocateur ne remet pas en cause le crime contre l'humanité en tant que

tel, bien au contraire, il est dans la surenchère et en appelle à la reconnaissance de tous

les crimes contre l'humanité, et pas uniquement de la Shoah. Ce qui le conduit non pas

245 FREUD Sigmund, op.cit., p. 276.246 Idem, p.228.247 DIEUDONNÉ, Mes excuses, Bonnie production, 2004, 00:13:54.

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à nier l’existence du crime contre l'humanité mais l'unicité, le caractère spécifique de la

Shoah qui témoigne selon lui de la volonté juive de s'approprier ce type de crime »248.

Pour comprendre comment et pourquoi Dieudonné fait de cette vision du monde

son cheval de bataille à travers son humour, il faut revenir sur ce que Freud appelle « les

mobiles du mot d'esprit »249, autre que celui du gain de plaisir, complétant la théorie de

Bergson, c'est-à-dire « l'humour comme processus social ».

En effet, plus que de simples « mobiles », nous pouvons déceler derrière

l'humour de Dieudonné des conditions subjectives de construction de son humour : des

conditions subjectives « personnelles » et des conditions subjectives « sociales ».

A. Des conditions subjectives personnelles.

Le premier mobile personnel à relever ici dans ce travail d'analyse, ce sont les

conditions historiques de construction de l'homme, son passé. En effet, Dieudonné

garde des liens très étroits avec son père camerounais et son pays d'origine. Il ne cesse

d'en faire référence à la fois sur scène et dans la sphère politique pour légitimer son

appartenance à la communauté noire, blessé par l'histoire, mais oublié depuis les

événements tragiques touchant la communauté juive.

D'autre part, nous pouvons relever sans trop de difficultés toute la pression et la

nervosité qui touchent les hommes publics, qu'ils soient politiques ou comiques. C'est ce

que Freud appelle l’affection névrotique : en regardant « ces personnes (…) qui sont

connues dans leur milieu comme étant des faiseurs de mots d'esprit fort répandu, on

peut être surpris de découvrir que cette personne spirituelle est une personnalité clivée

prédisposée aux affections nerveuses »250. Une névrose contre les sionistes dont

Dieudonné se sert pour s'imposer comme la personnalité politique qui unifie les beurs et

les noirs de cité contre les juifs qui incarnent la figure de l'élite. « Dans ses diatribes

antijuives, Dieudonné associe désormais noirs et arabes »251, et fait de cette association

le socle de son humour politique.

248 MONGIN Olivier, op.cit., p. 109-110.249 FREUD Sigmund, op.cit., p. 259 à 266.250 Idem, p. 261.251 MERCIER Anne-Sophie, La vérité sur Dieudonné, 2005, p.54.

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Enfin, l'humoriste est souvent enclin à obtenir une image publique plus grande, à

toucher le plus de monde possible, sorte de pulsions d'ego que le psychanalyste analyse

comme « une poussée ambitieuse afin de montrer son Esprit, être en présentation, une

pulsion qui s'assimile à l'exhibitionnisme dans le domaine sexuel »252. Dieudonné a

toujours revendiqué son envie d'être le plus médiatisé possible dans un monde qui lui

refuse la publicité. À coups de scandales et d'exhibition ambiguë, il revendique le fait

d'utiliser les médias à leur insu pour obtenir une plus grande couverture :

« J’ai été obligé. Tu sais combien ça coûte une campagne de pub sur TF1 ? Je

n'avais pas les moyens, je suis fini moi… Donc faut être inventif, faut trouver des

astuces. Au départ j'avais pensé simuler une fausse agression, je leur ai fait ça dans le

19e arrondissement juste à côté, les caméras sont déjà sur place… mais j'ai un copain il

m'a dit ne fais surtout pas ça Dieudonné, tu vas te faire démonter la gueule pour pas un

rond. Si c’est toi, les médias ils ne se déplaceront jamais les mecs… Je lui ai dis ‘’non

mais j'aurais mis une kippa’’ ! »253.

Ici, tout le passé politique que s'est construit Dieudonné autour de son image de

défenseur des communautés noire et arabe de banlieue est mise en scène et présentée

devant un large public, pour pouvoir s'attaquer à ce peuple juif qui selon lui

monopolisent le sentiment de victimes en France et dans le monde.

B. Des conditions subjectives sociales.

« Nul ne peut se satisfaire d'avoir fait un mot d'esprit pour soi tout seul. Au

travail du mot d'esprit est indissolublement lié le profond besoin de communiquer avec

autrui ». Il faut une tierce personne en bonne condition d'humeur pour retirer tout le

succès d'une plaisanterie : le rire. Il faudra ainsi parfois désamorcer toutes les réticences

potentielles. C'est un travail très difficile pour l'humoriste mais Dieudonné semble

arriver à mettre le récepteur de ses critiques envers le sionisme dans un parfait état de

compréhension et surtout d'approbation. Il arrive à maintenir ce paradoxe qui consiste à

maintenir simultanément l'auditeur captivé, c'est-à-dire capable de décrypter ses jeux de

mots et tous ces sous-entendus, et à la fois inhibé dans sa mobilité, c'est-à-dire laissant

tous ces non-sens et cette stupéfaction l'envahir, comme une sorte d'intériorisation 252 Idem, p. 262.253 DIEUDONNÉ, J'ai fait l'con , Bonnie productions, 2009, 00:05 ans en ont ou :14.

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malgré lui de concept ambigu à travers l'humour. Ce plaisir n'aboutit enfin totalement

qu'après avoir obtenu un « alignement général » grâce au rire de l’auditoire.

Il semble donc que l'humour de Dieudonné a pour base une simple technique de

communication, ce qui lui sera très utile dans sa campagne du PAS. Car avec humour,

tout change. Sans humour, « l'émetteur ne serait qu'un individu grossier et désagréable,

le récepteur qu'une pauvre victime de sarcasmes »254. Encore une fois, l'humour est mis

au service d'une meilleure communication sur des sujets qui ne pourraient pas être

abordés sérieusement en ces termes sans être très controversé ou dénoncés. Dieudonné

s'en sert pour exprimer ce qui aurait été difficile à dire ou entendre dans un cadre plus

politique. Le problème, c'est que plutôt que de rester dans une sphère purement

artistique, il a décidé d'importer cet humour construit de longue date dans une arène

beaucoup plus sceptique et conventionnelle : celle du politique. On peut alors se

demander si tout ce trajet ne dessert pas un projet qui, sous couvert de dénonciation

amusante, flirte dangereusement avec une certaine rhétorique antisémite.

254 GRABY François, Humour et comique en publicité   : parlez-moi d’humour , EMS / Management et société, 2001.

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CONCLUSION

Après avoir mis un point final à notre développement, plusieurs conclusions, ou

plutôt plusieurs sens, nous semblaient apparaître pour confirmer ou infirmer notre

hypothèse de départ. Certains points nous semblaient tenir de l'évidence, d'autres,

entretenir l'ambiguïté autour du parti antisioniste et de leur rôle dans la société

française. À la manière d'un Rubik's cube intellectuel, il nous a été très difficile de

reconstruire avec netteté toutes les facettes de ce sujet, chaque proposition venant

bouleverser plus ou moins profondément la précédente où la suivante, chaque

découverte sur une petite « unité » impliquant un remaniement du « tout ». Cependant,

trois points saillants de notre démonstration doivent être mis en exergue pour éclairer ce

travail.

Nous avons tout d'abord utilisé au mieux les cadres de la théorie sur les partis

politiques pour mettre en avant les spécificités intrinsèques du PAS. Conscient qu'aucun

idéaltype n'est absolument présent en réalité, nous nous appuyons comme Weber255 sur

une définition large du parti politique, permettant ainsi d'envisager sereinement les

modes d'action, les fonctions, les objectifs etc. Le PAS est donc bien selon notre

conception un parti politique puisqu’ il offre une étiquette sous laquelle peuvent se

présenter des candidats. Mais l'originalité de ce parti, c'est l'origine et l'hétérogénéité de

ces candidats. Son personnel politique très hétéroclite, issus de différentes mouvances, a

réussi à s'agréger autour d'un même projet, donnant une nouvelle visibilité à un

« système de croyance » jusqu'ici confiné à une existence discrète, voire secrète en

France. La nébuleuse antisioniste préexistante s'est donc transformée, sous l'impulsion

d'entrepreneurs de mobilisation engagés, tels que Dieudonné, Gouasmi et Soral, dans ce

que nous appelons un « parti-groupe d'intérêts », capable de mobiliser son électorat sur

une question spécifique jusqu'à ce que celle-ci soit résolue. Si l'on suit la sociologie

constructiviste de Millet, on ne pouvait s'arrêter à cette conclusion sans voire en toile de

fond les transformations politiques et sociales de notre société qui ont favorisé cette

émergence. Cette « transhumance » de l'antisionisme, des pâturages ignorés de la

société civile à la constitution d'un groupe atteignant les sommets de la lutte électorale

255 « Associations reposant sur un engagement (formellement) libre ayant pour but de procurer à leurs chefs le pouvoir au sein d'un groupement et à leurs militants actifs des chances - idéales ou matérielles - de poursuivre des buts objectifs, d'obtenir des avantages personnels, ou de réaliser les deux ensemble », (WEBER Max, Économie et société, tome 1, p. 371 – 376).

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111

et de la visibilité politico-médiatique, prend en effet selon nous, et c'est bien ici notre

hypothèse qui s’en trouve confortée, un appui déterminant sur l'état de notre société et

sur les tensions qui la traversent.

Notre deuxième réflexion insiste en effet sur ce malaise démocratique, cette

défiance des Français face aux politiques, qui transparaît dans nos travaux lorsqu'il s'agit

d'étudier le comportement de ce nouveau parti. Entré en totale adéquation avec son

temps, manipulant avec beaucoup de malignité ce sentiment de malaise, le PAS intègre

parfaitement le concept de l'infotainment, croissant information et divertissements,

devenu aujourd'hui « un mode de traitement privilégié de la politique »256. Plusieurs

axes nous ont amené à cette conclusion. Tout d'abord, la fabrication d'un support

idéologique à travers images, vidéos et discours, brouillant volontairement la distinction

absolue entre le vrai et le faux, « entre un monde pur, entièrement vidé de tout

intermédiaire d'origine humaine, et un monde répugnant, composé de médiateurs

d’origine humaine, impur »257. Ensuite, parce que cette stratégie médiatique jongle avec

subtilité avec des concepts jugés parfois obsolète, tels que le populisme, le

propagandisme politique ou encore le complotisme. Ces trois composantes stratégiques

essentielles, renouvelés par le PAS, ont pour point commun d'entremêler la diffusion

d'un message qui se veut « vérité », mais une vérité construite, remaniée, caricaturale

dans sa manière d'être proposée aux citoyens. Une position d'autant plus attrayante et

divertissante pour celui-ci puisqu'elle est porté avec humour par un leader des plus

charismatiques. Un renouveau stratégique censé alimenter une nouvelle ligne de

fracture sociétale entre sioniste et antisioniste, et un nouveau système de croyance

opérationnelle dans certains milieux et auprès de certaines communautés.

Car, c'est là notre troisième direction, le point de chute de notre analyse sur la

place du PAS dans notre univers d'adhésion politique : en basant sa légitimité électorale

sur un nouveau débat en France, il entre parfaitement dans un système de « querelles

stériles autour du nouvel antisémitisme, de la souffrance noire, du racisme anti-blanc,

de la mémoire coloniale etc. qui ont pour premier effet de dresser les gens et les

communautés les uns contre les autres »258. En effet, nous l'avons vu, l'antisionisme du

parti de Dieudonné, s'il a pour principal qualité de nous rappeler les ravages causés par 256 RIEFFEL Rémy, « Du pouvoir des médias en démocratie : le cas de l'information politique », in LETEINTURIER Christine et CHAMPION Rémy, op. cit., p. 123.257 LATOUR Bruno, Sur le culte moderne des dieux faitiches, La découverte, 2009, p. 139.

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le gouvernement israélien et les extrémistes sionistes sur la population palestinienne, ne

peut cependant pas cacher le principal défaut de l'antisionisme absolu, celui d’être un

masque pour un antisémitisme renouvelé, consciemment ou inconsciemment.

Malheureusement, cette posture ambiguë et hasardeuse, qui plonge ses racines dans des

idéologies plus que controversées, entretient en France ce que l'on pourrait appeler le

« choc des communautés ». Elle met en place un double discours dont l'impact est

néfaste pour notre démocratie. En opposant l'intégration bienfaisante et unificatrice de

la République aux dangers du particularisme des différentes communautés, il réactive ce

vieux sentiment d'injustice chez ceux qui adhèrent à la théorie de la hiérarchie

victimaire et de la suprématie du cas juif sur les autres souffrances, notamment celle des

noirs et des beurs, principal public visé par le PAS. Particulièrement latente dans

certains milieux, notamment les plus défavorisés - et les moins pris en compte par les

pouvoirs politiques ou médiatiques, cette atmosphère de tension favorise l'émergence

d'une nouvelle haine, d'un nouveau « clash » entre des populations déjà trop

stigmatisées. Cette atmosphère est d'autant plus présente qu'elle obtient le soutien d'une

certaine frange d'intellectuels, qui s'opposent avec véhémence depuis quelques

décennies sur le sujet : Taguieff vs Weil-Raynal, Levy vs Sand, Badiou vs Milner,

Finkielkraut vs Brauman etc.

Ce travail n'avait pas pour objectif de jeter une nouvelle pierre dans ce marécage

de querelles stériles, d'entretenir certains mythes ou certaines croyances, de dénicher le

vrai du faux, la vérité de la réalité. Adhérant certainement à « l'idée que la vérité

n'existe pas (…), qu’elle est perpétuellement provisoire et qu'elle sera falsifiée

demain »259, ce mémoire à au contraire essayé de déconstruire un courant minoritaire, de

désamorcer l'amplification de croyances, qu'elles soient sionistes ou antisionistes, tout

en n’occultant pas les implications qu'elles ont dans notre imaginaire collectif. Nous

sommes alors en total accord avec cette proposition de Wieviorka : « plutôt que

d'opposer l'universalisme de la république de la nation et le particularisme des identités

culturelles (…), il est possible, non seulement de chercher à les concilier théoriquement,

mais aussi à les articuler concrètement, dans la pratique. Le traitement démocratique

de la différence n'est pas incompatible avec l'affirmation des principes de la République

et la reconnaissance des différences culturelles n'est pas nécessairement corrélative 258 WEILL-RAYNAL Guillaume, à propos de son livre Les nouveaux désinformateurs, entretien publié sur le site de Palestine-Solidarité.259 VEYNE Paul, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, Seuil, 1983, p. 125.

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d'un affaiblissement de l'idée de nation »260. En réactivant sur la scène politique et

électorale cette opposition néfaste, le PAS prend le contre-pied de ce vœu pieusement

démocratique et pacifique de réconciliation. Éphémère ou permanent, ce débat reste

ainsi latent, survivant grâce aux nouvelles technologies et notamment Internet. L'avenir

du parti sur la scène politique et médiatique sera selon nous un indicateur déterminant

de l'avancée de ces querelles, qui n'auraient certainement pas mérité une telle ampleur

dans notre société déjà si préoccupée par le problème communautaire.

« Sortir des fantasmes »261 et « ne pas croire que l'autre croit »262 : deux préceptes

qui ont nourrit notre réflexion tout au long de ce travail et qui semble être des clefs

déterminantes pour apaiser cette situation. Deux propositions, idéalistes très

certainement, rejetées par les manipulateurs de cette « histoire intercommunautaire »,

trop présente encore dans notre quotidien pour être doucement évacué, mais trop

émotionnelle et subjective selon nous pour être politique. Nous espérons pourtant, sans

trop y croire, au vu de l'activisme des mouvements exacerbant ces tensions, tel que le

PAS, que celles-ci quitteront le domaine politique pour revenir dans les domaines

historique ou discursif, plus libres et apaisés.

260 WIEVIORKA Michel et al., op. cit., p. 337.261 WEILL-RAYNAL Guillaume, op. cit., p. 236.262 LAMBERT Frédéric, cours « Images, langages et société : croyances et rituels », op. cit.

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Liste des annexes

Annexe 1 : Résolution 3379 de l’Assemblée générale de l’ONU (10 novembre 1975)

Annexe 2 : Page d'accueil du site Internet Égalité Réconciliation

Annexe 3 : Extrait de la conférence de presse du général De Gaulle le 27/11/1967.

Annexe 4 : Extraits de la Charte du Réseau International Juif Anti-Sioniste.

Annexe 5 : Affiche de campagne de la liste antisioniste pour les élections européennes

de 2009.

Annexe 6 : Extraits de la Charte de l’OLP (ou Chartre Nationale Palestinienne).

Annexe 7 : Rencontre entre M. Gouasmi et M. Nasrallah à Téhéran.

Annexe 8 : Extraits de la Conférence d'Alger donnée par Dieudonné, 16 février 2005.

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Annexe 1   : Résolution 3379 de l’Assemblée générale de l’ONU (10 novembre 1975)

THE GENERAL ASSEMBLY,

RECALLING its resolution 1904 (XVIII) of 20 November 1963, proclaiming the United Nations

Declaration on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination, and in particular its affirmation

that "any doctrine of racial differentiation or superiority is scientifically false, morally condemnable,

socially unjust and dangerous" and its expression of alarm at "the manifestations of racial discrimination

still in evidence in some areas in the world, some of which are imposed by certain Governments by means

of legislative, administrative or other measures",

RECALLING ALSO that, in its resolution 3151 G (XXVIII) of 14 December 1953, the General

Assembly condemned, inter alia, the unholy alliance between South African racism and Zionism,

TAKING NOTE of the Declaration of Mexico on the Equality of Women and Their Contribution

to Development and Peace 1975, proclaimed by the World Conference of the International Women’s

Year, held at Mexico City from 19 June to 2 July 1975, which promulgated the principle that

"international co-operation and peace require the achievement of national liberation and independence,

the elimination of colonialism and neo-colonialism, foreign occupation, Zionism, apartheid and racial

discrimination in all its forms, as well as the recognition of the dignity of peoples and their right to self-

determination",

TAKING NOTE ALSO of resolution 77 (XII) adopted by the Assembly of Heads of State and

Government of the Organization of African Unity at its twelfth ordinary session, held at Kampala from 28

July to 1 August 1975, which considered "that the racist regime in occupied Palestine and the racist

regime in Zimbabwe and South Africa have a common imperialist origin, forming a whole and having the

same racist structure and being organically linked in their policy aimed at repression of the dignity and

integrity of the human being",

TAKING NOTE ALSO of the Political Declaration and Strategy to Strengthen International Peace

and Security and to Intensify Solidarity and Mutual Assistance among Non-Aligned Countries, adopted at

the Conference of Ministers for Foreign Affairs of Non-Aligned Countries held at Lima from 25 to 30

August 1975, which most severely condemned Zionism as a threat to world peace and security and called

upon all countries to oppose this racist and imperalist ideology,

DETERMINES that Zionism is a form of racism and racial discrimination.

[Source : http://www.upjf.org/detail.do?

noArticle=9188&noCat=127&id_key=127 ]

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Annexe 2   : P age d'accueil du site Internet É galité R éconciliation

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Annexe 3   : Extrait de la conférence de presse du général De Gaulle le 27/11/1967.

« Le sionisme vu par le Général de Gaulle... »

« L’établissement, entre les deux guerres mondiales, car il faut remonter jusque là, l’établissement d’un

foyer sioniste en Palestine et puis, après la deuxième guerre mondiale, l’établissement d’un Etat d’Israël,

soulevaient, à l’époque, un certain nombre d’appréhensions. On pouvait se demander, en effet, et on se

demandait même chez beaucoup de juifs, si l’implantation de cette communauté sur des terres qui avaient

été acquises dans des conditions plus ou moins justifiables et au milieu des peuples arabes qui lui sont

foncièrement hostiles, n’allait pas entraîner d’incessants, d’interminables frictions et conflits. Certains

même redoutaient que les juifs, jusqu’alors dispersés, qui étaient restés ce qu’ils avaient été de tout temps,

un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur, n’en viennent, une fois qu’ils seraient rassemblés dans

le site de leur ancienne grandeur, à changer en ambition ardente et conquérante les souhaits très

émouvants qu’ils formaient depuis dix-neuf siècles : l’an prochain à Jérusalem.

Cependant, en dépit du flot tantôt montant tantôt descendant des malveillances qu’ils

provoquaient, qu’ils suscitaient plus exactement, dans certains pays et à certaines époques, un capital

considérable d’intérêt et même de sympathie s’était accumulé en leur faveur, surtout, il faut bien le dire,

dans la chrétienté ; un capital qui était issu de l’immense souvenir du Testament, nourri par toutes les

source d’une magnifique liturgie, entretenu par la commisération qu’inspirait leur antique malheur et que

poétisait chez nous la légende du Juif errant, accru par les abominables persécutions qu’ils avaient subies

pendant la deuxième guerre mondiale, et grossi depuis qu’ils avaient retrouvé une patrie, par leurs travaux

constructifs et le courage de leurs soldats. C’est pourquoi, indépendamment des vastes concours en

argent, en influence, en propagande, que les Israéliens recevaient des milieux juifs d’Amérique et

d’Europe, beaucoup de pays, dont la France, voyaient avec satisfaction l’établissement de leur Etat sur le

territoire que leur avaient reconnu les Puissances, tout en désirant qu’ils parviennent, en usant d’un peu de

modestie, à trouver avec leurs voisins un modus vivendi pacifique.

Il faut dire que ces données psychologiques avaient quelque peu changé depuis 1956, à la faveur

de l’expédition franco-britannique de Suez on avait vu apparaître en effet, un Etat d’Israël guerrier et

résolu à s’agrandir. Ensuite, l’action qu’il menait pour doubler sa population par l’immigration de

nouveaux éléments, donnait à penser que le territoire qu’il avait acquis ne lui suffirait pas longtemps et

qu’il serait porté, pour l’agrandir, à saisir toute occasion qui se présenterait. (…)

Israël, ayant attaqué, s’est emparé, en six jours de combat, des objectifs qu’il voulait atteindre.

Maintenant, il organise sur les territoires qu’il a pris l’occupation qui ne peut aller sans oppression,

répression, expulsions, et il s’y manifeste contre lui une résistance, qu’à son tour il qualifie de terrorisme.

(…)

 

[SOURCE : http://www.partiantisioniste.com/sionisme ]

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Annexe 4   : E xtraits de la Charte du Réseau International Juif Anti-Sioniste

Nous formons un réseau international de Juifs et de Juives qui s'engagent de façon inconditionnelle en faveur de la lutte pour l'émancipation des êtres humains. Nous considérons que la libération du peuple palestinien et de sa terre forme un volet essentiel de cette émancipation. Notre engagement porte sur le démantèlement du régime d'apartheid israélien, le retour des réfugiés palestiniens et la fin de la colonisation israélienne sur la Palestine historique.

(…)

Le sionisme - idéologie fondatrice de l'Etat d'Israël et qui en est le soutien actuel, est issu du colonialisme européen et s'est diffusé à la suite du génocide nazi. Le sionisme s'est nourri des épisodes les plus violents et oppressifs de l'histoire du dix neuvième siècle, marginalisant ainsi l'engagement de nombreux Juifs dans les mouvements de libération. Pour  retrouver une place au sein des vibrants mouvements populaires actuels, il faut mettre fin au sionisme sous toutes ses formes

C'est la priorité des priorités, en raison des conséquences du sionisme sur les Palestiniens et les peuples de l'ensemble de la région; en raison aussi du fait que le sionisme porte préjudice à la mémoire de la persécution et du génocide des Juifs d'Europe en l'exploitant pour justifier et perpétuer le racisme européen et le colonialisme.

(…)

Nous nous engageons à : Nous opposer au sionisme et à l'État d'Israël.

Le sionisme est raciste. Il exige l'allégeance à un ordre politique, juridique et économique qui privilégie et valorise les Juifs ainsi que les Européens et leurs cultures par rapport aux peuples autochtones et à leurs cultures. Le sionisme n'est pas seulement raciste, il est aussi antisémite. Il reprend à son compte l'imagerie européenne et antisémite du "Juif de la diaspora" efféminé, cupide et faible, et y  lui oppose celle d'un "Nouveau Juif", violent, militariste et sexiste, un Juif qui est l'auteur d'une violence raciale plutôt que d'en être une victime.

(…)

Le sionisme perpétue l'exception juive. Pour justifier ses crimes, le sionisme présente une version de l'histoire juive déconnectée de l'histoire et de l'expérience d'autres peuples. Il promeut un narratif selon lequel l'holocauste nazi est exceptionnel dans l'histoire de l'humanité. Il place les Juifs à part, par rapport aux victimes et aux survivants d'autres génocides, au lieu de nous unir à eux.

Israël fait cause commune avec des Chrétiens fondamentalistes et d'autres qui appellent à la destruction  des Juifs, sur la base d'une islamophobie partagée et d'une volonté de contrôler le Moyen Orient et plus largement l'Asie occidentale. Ensemble, ils appellent à la persécution des Musulmans. Cette promotion commune de l'islamophobie a pour but de diaboliser la résistance opposée à la domination économique et militaire occidentale. Elle s'inscrit dans une longue histoire de collusion du sionisme avec des régimes répressifs et violents, de l'Allemagne nazie au régime d'apartheid d'Afrique du Sud jusqu'aux dictatures réactionnaires d'Amérique du Sud.

(…)

Nous nous engageons à : Rejeter l'héritage colonial et l'expansion colonialiste en cours.

Dès l'instant où le mouvement sioniste a décidé de bâtir un état juif en Palestine, il est devenu un mouvement de conquête.  A l'instar de tous les mouvements de conquête et des idéologies colonialistes en Amérique ou en Afrique, le sionisme s'appuie sur la ségrégation entre les peuples ; par la confiscation de la terre, il s'engage dans le nettoyage ethnique qui repose sur une violence militaire implacable.

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(…)

Avec l'expansion permanente des colonies et le Mur d'apartheid, l'engagement colonialiste d'Israël l'a amené à détruire l'environnement ainsi que les paysages de la Palestine. Cette politique, qui n'a pas réussi à stopper la résistance palestinienne, conduit l'Etat d'Israël à toujours plus de violence et à des politiques qui, lorsqu'elles sont menées à leur point ultime, finissent en génocide. A Gaza, l'État d'Israël dénie l'accès à la nourriture, à l'eau, à l'électricité, à l'aide humanitaire et aux fournitures médicales, c'est l'arme qu'il utilise contre les fondements même de toute vie humaine.

Israël, qui a été en son temps l'outil favori des Britanniques et des Français contre l'unité arabe et l'indépendance, est devenu le plus jeune associé de l'alliance US pour le contrôle militaire, économique et politique au niveau mondial, qui vise plus particulièrement la domination de la région stratégique du Moyen Orient/Asie du Sud-ouest. Le danger d'une guerre nucléaire représenté par une attaque israélo-américaine sur l'Iran nous rappelle qu'Israël est une bombe atomique qui devrait faire l'objet d'un démantèlement urgent, en vue de sauver les vies de toutes ses victimes actuelles et potentielles.

Nous nous engageons à : Nous opposer aux organisations sionistes.

Non content de donner forme à l'Etat d'Israël, le sionisme a fondé sa politique internationale de domination militaire et d'hostilité envers ses voisins et a instauré un réseau mondial complexe d'organisations, de lobbys politiques, d'entreprises de relations publiques, de clubs universitaires, et d'écoles pour appuyer et propager les idées sionistes au sein des communautés juives et dans l'opinion publique de façon générale.

Un flot de milliards de dollars américains abreuve Israël année après année, pour soutenir l'occupation et la brutalité de son armée hyper moderne. La machine de guerre qu'ils financent fait partie intégrante de l'industrie mondiale de l'armement qui, à elle seule, draine les ressources dont manque une humanité désespérément privée d'eau, de nourriture, de soins sanitaires, de logement et d'éducation. Pendant ce temps-là, L'Europe, le Canada et les Etats-Unis soutiennent l'infrastructure d'occupation israélienne sous couvert d'aide humanitaire au peuple palestinien. Ensemble, les Etats-Unis et leurs alliés coopèrent au renforcement de la domination de la région et à l'écrasement des mouvements populaires.

Nous nous engageons à : Etre solidaires et à travailler pour l'apaisement et la justice.

(…)

Nous soutenons sans équivoque le Droit au Retour des Palestiniens sur leur terre.

(…)

Nous sommes partenaires des grands mouvements de résistance populaire de notre époque qui défendent et chérissent les vies de tous les peuples et de toute la planète, conduits par ceux qui souffrent le plus de la conquête impériale, de l'occupation, du racisme et de la domination mondiale, de l'exploitation des hommes et des ressources. Nous sommes pour la protection de la nature. Nous défendons les droits des peuples indigènes sur leur sol et pour leur souveraineté. Nous défendons les droits des migrants et des réfugiés pour qu'ils puissent se déplacer librement et en toute sécurité à travers les frontières.

(…)

International Jewish Anti-Zionist Network (IJAN)

[SOURCE : http://www.ijsn.net/atranslation/234 ]

Page 121: Mémoire M2

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Annexe 5   : A ffiche de campagne de la liste antisioniste pour les élections européennes de 2009.

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Annexe 6 : E xtraits de la Charte de l’OLP (ou Chartre Nationale Palestinienne).

Adoptée par le Conseil National Palestinien, le 1-17 juillet 1968:

Article 4: L'identité palestinienne est une caractéristique essentielle, inérente, et

autentique. Elle est transmise par les parents aux enfants. (…)

Article 6: Les Juifs qui demeuraient en Palestine jusqu'au début de l'invasion

sioniste, seront considérés Palestiniens.

Article 15: La libération de la Palestine, d'un point de vue arabe, est un devoir

national (qawmi) et vise à repousser l'agression et l'impérialisme sioniste contre le foyer

arabe, et vise à l'élimination du sionisme de la Palestine. (…)

Par conséquent, la nation arabe doit mobilier toutes ses capacités militaires,

humaines, morales, et spirituelles pour participer activement avec le peuple palestinien à

la libération de la Palestine. Elle doit, particulièrement dans la phase de la révolution

armée palestinienne, offrir et fournir au peuple palestinien toutes les aides possibles,

matérielles et humaines, et mettre à sa disposition les moyens et les occasions qui leur

permettront de continuer à jouer leur rôle de leader dans la révolution armée, jusqu'à la

libération de leur patrie.

Article 19: La partition de la Palestine en 1947 et l'établissement de l'état

d'Israël sont entièrement illégaux, en depit de tout passage du temps, parce qu'ils sont

contraires à la volonté du peuple palestinien et à ses droits naturels sur sa patrie, et qu'ils

sont incohérents vis-à-vis des principes instaurés dans la Chartre des Nations Unies,

particulièrement en ce qui concerne le droit à l'auto-détermination.

Article 20: La Déclaration Balfour, le Mandat pour la Palestine, et tout ce qui a

été fondé sur eux, sont déclarés nul et non-avenus. Les prétentions à des liens

historiques et religieux des Juifs avec la Palestine sont incompatibles avec les faits

historiques et la véritable conception de ce qui constitue une nation. Le judaïsme, étant

une religion, ne constitue pas une nationalité indépendante. De même que les Juifs ne

constituent pas une nation unique avec son identité propre; ils sont citoyens des états

auxquels ils appartiennent.

[SOURCE : http://www.medea.be/?page=2&lang=fr&doc=805 ]

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Annexe 7 : R encontre entre M. Gouasmi et M. Nasrallah à Téhéran.

Page 124: Mémoire M2

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Annexe 8 : E xtraits de la conférence d'Alger donnée par Dieudonné, 16 février 2005.

« J'ai simplement besoin, ne serait-ce que par rapport à mes enfants aujourd'hui,

de leur expliquer : voilà, donc tes ancêtres n'étaient pas forcément gaulois, tu es

descendants d'esclaves, voilà comment les choses se sont passées. Ça, ça nous est

confisqué par ce lobby sioniste qui cultive l'unicité de la souffrance… Il n'y a qu’eux

qui ont souffert sur cette planète. La souffrance des noirs c'est de la merde, ça n'existe

pas… des Arabes j'en parle même pas ! Parce que bon, en plus de ça aujourd'hui, ils

sont… Entre les communautés il y a une vraie tension qui n'a pas de sens puisque les

valeurs de la république a priori devraient nous préserver de ça. Mais il y a le CRIF, cet

organe aujourd'hui… d'inquisition, qui est là et qui donne… là il y avait 17 ministres de

la République, Raffarin en personne qui était au CRIF le week-end dernier qui m'accuse

maintenant (parce que le CRIF il faut toujours paraître… Toujours leur lécher le cul à

cette équipe de malfrats, cette mafia qui est en train de… d'entraîner la république

française dans la guerre civile s'il continue à faire ça !

(…)

Encore une fois, quatre cents ans d'esclavage et je ne vous parle même pas de la

colonisation... Et on essaie de nous faire pleurer. Soyons raisonnables. Soit on partage

tous ensemble... On dit, c'est la souffrance de l'humanité, et chaque fois qu'il y a un

problème, on en parle. Mais qu'on n’essaie pas de cette façon-là, de manière aussi...

Moi, je parle aujourd'hui de pornographie mémorielle. Ça devient insupportable. Ça

devient... (Une journaliste suggère le mot ‘’overdose’’), overdose, oui, et puis ça devient

malsain …vraiment malsain ! Bon, je crois que cette parole-là, au sein d'une république

et d'une démocratie, elle a le droit d'exister. Je comprends que certains ont vécu ça dans

leur chair et ont du mal à entendre ça. Mais ils doivent comprendre que moi aussi, c'est

dans ma chair. Et nous, si on doit remonter, c'est encore plus ancien… Et puis, il y a du

‘’violé’’. C'est-à-dire que la population antillaise, elle est né du fruit du viol sur quatre

cents ans, je ne sais pas si vous imaginez ? Chacun le porte encore, c'est extrêmement

présent. Donc je crois qu'il n'y a pas de leçons de morale à donner.

[source : http://www.dailymotion.com/video/x12u2x_dieudonne-a-alger_news ]

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Annexe 9 : Tableau récapitulatif des résultats aux élections européennes de 2009 pour la liste antisioniste en Île-de-France (IDF).

[Source : http://chriqui.blog.lemonde.fr/2009/06/09/listes-anti-sionistes-les-villes-

malades-de-l%E2%80%99antisemitisme-des-banlieues/ ]

Page 126: Mémoire M2

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www.plumenclume.net

www.renouveaufrancais.com

Page 135: Mémoire M2

135

Table des matières

Avertissement.................................................................................................2

Remerciements...............................................................................................3

Liste des abréviations......................................................................................4

Sommaire.......................................................................................................5

INTRODUCTION GÉNÉRALE....................................................................................7

Présentation du sujet et hypothèse de départ....................................................................7

État des connaissances, méthodologie et structure............................................................8

PARTIE 1. La transhumance socio-structurelle du PAS..........................................17

Chapitre 1 : Des origines idéologiques extrêmes et globalisés...........................................17

Section 1 : La nébuleuse anti-sioniste française............................................................17

§ 1 : L’antisionisme politico-extrémiste....................................................................18

§2 : L’antisionisme islamiste et propalestinien.........................................................21

Section 2 : La filiation avec un certain antisionisme international................................26

§ 1 : Les juifs antisionistes........................................................................................27

A. La controverse politico-religieuse originelle...............................................................27

B. Construction d'une idéologie juive antisioniste..........................................................28

§2 : Les mouvements antisionistes du Moyen-Orient..............................................32

A. Les organisations paramilitaires du Moyen-Orient.....................................................32

1. Les mouvements palestiniens sous Yasser Arafat.......................................................32

2. Le Hamas (Mouvement de Résistance Islamique) et les Frères Musulmans...............33

B. L’idéologie antisioniste iranienne...............................................................................36

Chapitre 2 : La rupture des élections européennes...........................................................38

Section 1 : Bataille judiciaire et bataille médiatique : le Déclic Dieudonné...................39

Section 2 : La création de la liste anti-sioniste : des personnalités et des ressources

hétérogènes................................................................................................................................42

§1 : Le difficile effort de rassemblement..................................................................42

A. Une contrainte identitaire forte.................................................................................43

B. Le bouleversement du cadre cognitif pour une meilleure unité.................................45

§2 : Ressources et répertoire d'action : un casse-tête pour le PAS...........................47

Chapitre 3 : une sociologie complexe................................................................................48

Page 136: Mémoire M2

136

Section 1: un fonctionnalisme anti-système stratégique..............................................49

§1 : Revendication de la fonction tribunitienne........................................................49

§2 : La formation de l’opinion : « la nouvelle ligne de fracture »..............................52

§3 : L’agrégation sociabilisante du PAS....................................................................53

Section 2 : Le refus du déterminisme social : l’électorat de banlieue...........................54

§1 : Le paradigme sociologique : des résultats communautarisés............................55

§2 : Le vote rationnel................................................................................................59

Partie 2 : L’antisionisme radical : une stratégie médiatique fondée sur un

programme-récit extrême........................................................................................62

Chapitre 1 : Mécanismes de propagande et théorie du complot.......................................62

Section 1 : La fabrique d’objets de croyance antisioniste.............................................63

§1 : Déconstruction et recontextualisation de la rhétorique médiatique................63

A. Le logo du parti : son identité visuelle........................................................................64

B. Le symbolisme excessif et simpliste...........................................................................65

C. Une histoire du sionisme universel.............................................................................66

§2 : Une généalogie narrative assumée....................................................................67

A. Une vidéo en phase avec son temps :.........................................................................67

B. «Hystoricité» du récit produit....................................................................................69

C. « Médiagénie » et « mnémogénie » des clips.............................................................69

Section 2 : La propagande du PAS.................................................................................71

§1 : La propagande rhétorique classique du PAS......................................................71

A. « La règle de simplification et de l'ennemi unique »..................................................72

B. Diabolisation et comparaison avec les régimes totalitaires........................................74

§2 : Théorie du complot...........................................................................................76

A. La propagande autour du complot sioniste................................................................77

B. Le complot antisioniste : un renouveau antisémite ?.................................................80

Chapitre 2 : Une nouvelle forme de stratégie politique.....................................................87

Section 1 : Un néopopulisme renouvelé........................................................................87

§1 : Le PAS et les logiques classiques du populisme.................................................88

A. Dieudonné : un modèle de leader charismatique en lien direct avec le peuple.........89

B. L’appel au soulèvement du « vrai » peuple contre ses ennemis.................................91

§ 2 : L'originalité du populisme du PAS : Le "shopulisme"........................................94

A. Un show populaire autour du leader..........................................................................95

B. La « nouvelle ligne de fracture » autour de l'humour sur la Shoah : le combat contre

l'ennemi sioniste................................................................................................................97

C. Médiatisation du scandale et survivance grâce au cyber-militantisme......................99

Section 2 : L’utilisation scabreuse de l’humour en politique.......................................103

Page 137: Mémoire M2

137

§1 : L’utilisation du comique comme dénonciateur et correcteur social................103

§2 : Les enjeux de l’humour politique chez Dieudonné..........................................106

§3 : La victimisation comme moyen de légitimation..............................................108

§4 : Pathos simpliste et hiérarchique victimaire.....................................................110

A. Des conditions subjectives personnelles..................................................................110

B. Des conditions subjectives sociales..........................................................................112

CONCLUSION...............................................................................................113

Liste des annexes.........................................................................................118

Annexe 1 : Résolution 3379 de l’Assemblée générale de l’ONU (10 novembre 1975).....119

Annexe 2 : Page d'accueil du site Internet Égalité Réconciliation....................................120

Annexe 3 : Extrait de la conférence de presse du général De Gaulle le 27/11/1967........121

Annexe 4 : Extraits de la Charte du Réseau International Juif Anti-Sioniste.....................122

Annexe 5 : Affiche de campagne de la liste antisioniste pour les élections européennes de

2009...............................................................................................................................................124

Annexe 6 : Extraits de la Charte de l’OLP (ou Chartre Nationale Palestinienne)..............125

Annexe 7 : Rencontre entre M. Gouasmi et M. Nasrallah à Téhéran...............................126

Annexe 8 : Extraits de la conférence d'Alger donnée par Dieudonné, 16 février 2005....127

Annexe 9 : Tableau récapitulatif des résultats aux élections européennes de 2009 pour la

liste antisioniste en Île-de-France (IDF)..........................................................................................128

Bibliographie sélective................................................................................129

Générale / Théorie des sciences politiques......................................................................129

Populisme........................................................................................................................130

Art de l’humour et politique............................................................................................131

Antisionisme –Antisémitisme...........................................................................................131

Image et Propagande – Complotisme et mythe...............................................................133

Sur les acteurs du PAS......................................................................................................133

Autres sources.................................................................................................................134

Ressources vidéo.........................................................................................136

Sitographie..................................................................................................137

Table des matières...........................................................................................138