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SPORTVIVRENSE MBLEPATRIMOIN EESPACEPUBLIC MEMOIREVILLEPA RTAGECULTURE# Le stade Philippe Marcombes, du vélodrome à l’espace public Frédéric SANTAMARIA | Mémoire | 22 janvier 2015 MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE D’ARCHITECTURE DE CLERMONT-FERRAND Domaine d’étude METAPHAUR : moire des Techniques de l’Architecture du Patrimoine HAbité Urbain et Rural

Mémoire stade philippe marcombes santamaria2015

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Mémoire de Master 2 d'Architecture Domaine d'étude METAPHAUR Consacré au stade Philippe Marcombes de Clermont-Ferrand. Auteur: Frédéric SANTAMARIA

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SPORTVIVRENSEMBLEPATRIMOINEESPACEPUBLICMEMOIREVILLEPARTAGECULTURE#

Le stade Philippe Marcombes, du vélodrome à l’espace publicFrédéric SANTAMARIA | Mémoire | 22 janvier 2015

MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATIONÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE D’ARCHITECTURE DE CLERMONT-FERRANDDomaine d’étude METAPHAUR :MÉmoire des Techniques de l’Architecture du Patrimoine HAbité Urbain et Rural

Le stade Philippe Marcombes| 2

Le stade Philippe Marcombes| 1

MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATIONÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE D’ARCHITECTURE DE CLERMONT-FERRANDDomaine d’étude METAPHAUR :MÉmoire des Techniques de l’Architecture du Patrimoine HAbité Urbain et Rural

MÉMOIRE DE 5e année - Master 2

LE STADE PHILIPPE MARCOMBES,DU VÉLODROME A L’ESPACE PUBLIC

Auteur : Frédéric Santamaria

Directeur d’études : Yvon CottierSecond lecteur : Gwenn Gayet Enseignants : Mathilde Lavenu Marie Charbonnel Loïs De Dinechin Brigitte Floret

Date de soutenance : le 22 janvier 2015

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SOMMAIRE

AVANT PROPOS page 5

INTRODUCTION page 7

I- LE STADE PHILIPPE MARCOMBES1- Au Chevet d’un nonagénaire page 92- Du monument au patrimoine page 143- Regain d’intérêt page 17

II- LE PARC MUNICIPAL DES SPORTS1- La vision de Philippe Marcombes: restitution du projet originel dans son contexte page 212- L’héritage de Philippe Marcombes : Génese, de 1919 à 1936 page 243- Le temps de l’oubli page 32

III- VERS UN RENOUVEAU1- L’ADN du Marcombes page 352- Mémoire et prospective page 373- Jeux, tu, il page 39

CONCLUSION page 43

ANNEXES page 47

BIBLIOGRAPHIE page 53

Ci-contre : Photographie de l’auteur

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AVANT PROPOS

L’ouvrage que vous vous apprêtez à lire a pour ambition de questionner la notion de patrimoine au travers du cas concret du stade Philippe Marcombes à Clermont-Ferrand.

C’est en effectuant mes premières recherches sur cet édifi ce que j’ai appris l’existence du projet de restructuration initié par la mairie. Certes, des démolitions avaient déjà eu lieu, mais je les avais alors assimilées à des travaux d’urgences. Mon travail n’a en aucun cas la prétention de se substituer aux différents audits ou diagnostics qui ont pu être réalisés en préa-lable de la phase programmatique, mais a plutôt vocation à élargir le champ de réfl exion en abordant les dimensions philosophiques inhérentes à l’acte de construire : pourquoi et comment préserver la mémoire des lieux? Quel héritage transmettre? Qu’est-ce que la modernité?

Avant d’aborder le vif du sujet, je tiens à exprimer toute ma reconnaissance aux enseignants encadrant le mémoire au sein du domaine d’étude METAPHAUR et plus particu-lièrement à Yvon Cottier et Gwenn Gayet, pour leurs regards critiques et l’intérêt qu’ils ont porté à ma démarche.

Je remercie les employés des archives municipales de leur disponibilité et Christine Dulac Rougerie d’avoir consacré une heure de son temps à s’entretenir avec moi.

Je veux exprimer toute ma gratitude à Mme Christine Thomas, aux archives départementales du Puy-de-Dôme, qui m’a permis d’accéder aux dossiers en cours de classe-ment, ainsi qu’à ses collègues qui ont accédé à toutes mes requêtes.

Et puisque l’architecture est autant question de savoir que de ressenti, je tiens à saluer les employés du stade pour leurs analyses « non savantes» mais pleines de justesse et les habitués du bar du stade pour leur érudition.

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INTRODUCTION

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Situé au sud du territoire communal de Clermont-Ferrand, à proximité de la ville voisine de Beaumont, le stade Philippe Marcombes profi te de sa retraite au coeur du quar-tier résidentiel de Vallières. Non pas que le lieu soit abandonné, il est quotidiennement fréquenté par les employés communaux (ceux des services techniques et de la direction de la jeunesse et des sports) et les bénévoles des nombreuses associations sportives hébergées sur les lieux, mais il semble baigné d’une douce torpeur, à peine troublée par les grappes de joggeurs qui tournent dans le site.

Bien que passablement décati et dépourvu de cohérence, le site, dont l’his-toire débute en 1922 par la construction du vélodrome, possède une indéniable élégance. L’an-neau de vitesse à double courbure, les tribunes élancées, ainsi que quelques détails d’architec-ture rassemblés autour de deux axes généreusement arborés, viennent rompre la continuité du tissu urbain et capter l’attention du fl âneur. Hier, stade de football, vélodrome, théâtre d’exploits dont les noms des protagonistes sont familiers des seuls passionnés, il est aujourd’hui un parc de loisirs fréquenté par les sportifs amateurs et les promeneurs du dimanche.

En 2022, le stade Philippe Marcombes fêtera ses 100 ans, paré de nouveaux atours. En effet, les démarches des pouvoirs publics sont déjà engagées et une enveloppe de trente millions d’euros a été attribuée pour la réalisation d’un ambitieux projet de restructuration. Les autorités responsables de la protection des monuments historiques, invitées à se prononcer sur son cas n’ayant pas lancé de procédure de classement, il a été décidé de démolir l’ensemble des constructions existantes.

Doit-on pour autant considérer que le stade Philippe Marcombes n’est pas le dépositaire d’une mémoire ? A-t-il des choses à nous raconter sur l’évolution de la ville de Clermont-Ferrand ? Je vais tenter ici de mettre en évidence ses caractéristiques uniques, qui sont les résultantes d’une histoire qui doit autant à la détermination d’un homme, le docteur Marcom-bes, qu’à une certaine distance des décideurs publics, vis-à-vis du site.

Ci-contre : Montage de l’auteur d’après vues aérien-nes, issues de google map — https://maps.google.fr/maps?t=h&ll=45.7602397, 3.0832055&spn=0.0131751, 0.0251797&q=stade+philippe+marcombes&output=classic&dg=opt — page consultée le 6 septembre 2014 — Échelle inconnue.

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I. LE STADEPHILIPPEMARCOMBES

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1. AU CHEVET D’UN NONAGÉNAIRE

C’est à la fi n des années 90 que j’ai commencé à fréquenter le stade Phi-lippe Marcombes. Je ne connaissais alors rien à l’Architecture, cependant, même pour un pro-fane, le site était intrigant, parce que hors d’échelle : c’est un objet à la plastique singulière, posé dans un vaste écrin de verdures et de vide, d’espaces impensés. Le site, à l’écart des grands axes et de l’agitation de la ville, semblait sous-exploité. À moins que ses dimensions, son cadre n’aient été démesurés, pensés pour un autre temps et un autre lieu.

J’ai décidé de commencer mon étude en restituant l’image du stade dans cet état, qui a perduré jusqu’en 2013, au moment où ont eu lieu les premières destructions, qui constituent déjà les préliminaires au projet de restructuration. Cet état — avant destruction — per-met de comprendre quels ont été pendant 80 ans les éléments structurants du site, ses perma-nences.

À Clermont-Ferrand, plus qu’ailleurs, la topographie joue un rôle essentiel lorsqu’il s’agit de comprendre l’évolution urbaine. Le stade Philippe Marcombes, situé au creux d’une rupture du relief, est dominé à l’ouest par le puy de Montaudoux (589 m), au sud, par le puy de Montpoly (497 m), sur le versant duquel s’est développé le bourg de Beaumont et, enfi n, le plateau Saint-Jacques (entre 410 et 430 m), à l’ouest. Le quartier de Vallières s’est donc constitué dans une sorte de berceau ouvert vers le centre-ville. L’effet d’enclave est renforcé par le lacet de la voie ferrée qui vient encercler le quartier. En effet, le ruban de ballast ne peut être franchi qu’au niveau du Pont de Vallières et de la rue Étienne Dolet, ce qui concentre les nuisances auto-mobiles sur l’avenue de la Libération, mais donne parfois aux piétons l’impression d’évoluer dans un cul-de-sac.

Le vélodrome et les installations adjacentes sont situés sur une parcelle de 66775m²1, en forme de pentagone irrégulier (vous retrouverez cette silhouette dont de nombreu-ses illustrations de ce volume) et il est possible d’en faire le tour. Pourtant, si vous tentez l’expé-rience, vous n’apprendrez rien de plus sur le stade, puisqu’il est ceint dans un mur continu de 2,5 m de hauteur excepté, le long de l’avenue de la Libération (son plus petit côté) où il a été remplacé par un muret de 1 m surmonté d’une grille qui permet aux automobilistes de deviner que des choses autres se déroulent ici. C’est là que se situe l’entrée principale du stade, marquée de la présence de la maison du garde, aujourd’hui occupée par le comité de quartier.

1| Source: http://www.cadastre.gouv.fr - page consultée le 15 juillet 2014Ci-contre : Photographie de l’auteur

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PAVILLON L’ancien Institut d’éduca-tion physique construit au début des années 30 abrite aujourd’hui terrains de bas-ket et bureaux des services

municipaux des sports.

AIRE DE JEUX

PRATIQUES LIBRES Plateforme bitumée, répar-tie en terrasses, comprenant deux terrains de basket-ball, deux terrains de volley-ball et une aire de saut peu uti-lisée.

FOOTBALLTerre battue

TENNIS CLUBIci se trouvent les installations de la section tennis du stade clermontois. 4 terrains sont répartis autour du club house, dont deux peuvent être cou-verts par des structures gonfl ables.

Trois tennis outdoor

Mur de pelote bas-que

Deux tennis couvertsStructure légère

Deux tennis couvertsBâtiment type gymnase, charpente : bois lamellé-collé.

skatepark Partiellement couvert d’une structure en bois lamellé-collé, il est constitué de mo-dules disposés sur une plate-forme bitumée.

TRIBUNE

GRADINSAujourd’hui démolis

PASSERELLE PIÉTONNE SUD

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Ci-contre, voici une vue du site, qui comprend actuellement :-la piste cycliste, constituée de deux hémicycles en béton armé relié par

deux parties planes, la piste de course à pied et un terrain de football au milieu.-La tribune d’honneur, abusivement attribuée à Eiffel, semble aujourd’hui

bien démesurée. Lorsque le stade accueille des championnats régionaux d’athlétisme, on peut y apercevoir des groupes de jeunes athlètes en train de se restaurer à l’abri du soleil ou des intem-péries, entre deux épreuves sportives, mais elles ne sont jamais remplies. Le reste du temps, per-sonne, à moins qu’une âme égarée ait trouvé le temps de scruter l’horizon au-dessus du plateau Saint-Jacques qui lui fait face.

-Les gradins, aujourd’hui démolis, étaient en béton armé, peints en blanc. Leur forme épurée en escalier contrastait fortement avec les courbes du vélodrome et les formes élancées de la tribune d’honneur.

-onze cours de tennis, dont deux couverts et deux couverts périodiquement par des structures gonfl ables. Le pôle tennis est complété par un club house.

-Un pavillon : construit par l’Université de Clermont-Ferrand, qui eut la jouis-sance du terrain par établissement d’un mail emphytéotique en 1932, il abrite aujourd’hui des salles de sport, un sauna et les bureaux de la direction de la jeunesse et des sports de la ville de Clermont-Ferrand.

-Un skatepark. En fait, le seul de la ville de Clermont-Ferrand.

Dans sa confi guration actuelle, qui correspond à un état transitoire entre une période de gestion « hasardeuse » et un renouveau annoncé, le stade est un agglomérat d’édifi ces et de fonctions. Diffi cile de différencier les stationnements des espaces de promenade, les nombreuses activités étant disséminées autour du stade. L’indétermination programmatique, caractéristique des espaces permet tous types d’appropriation et l’émergence de pratiques im-pensées, la dernière en date étant le street work-out, dont le principe est d’utiliser les éléments de mobilier urbain comme support à des exercices de musculation.

Certains week-ends, lorsque le temps est clément, l’affl uence est importan-te. Les terrains de pratiques libres (basket ball et volley ball) ainsi que le skatepark sont bondés. Les équipes se constituent spontanément et les joueurs se relaient. En l’absence de banc, les accompagnants s’assoient sur les talus herbeux. Le long de l’axe traversant ombragé, les autos stationnées diffusent de la musique. L’ambiance est détendue, le sentiment d’appartenance à un groupe est fort, même si celui-ci est voué à se dissoudre aussi vite qu’il s’est constitué. Je n’ai malheureusement pas eu l’occasion de questionner ces usagers, mais il serait utile d’avoir leur point de vue. Adolescents, jeunes parents, partageant les mêmes codes vestimentaires et com-portementaux, ils sont partie prenante de ce que l’on appelle communément la culture urbaine. Le tumulte qui les accompagne a sur le stade l’effet d’un élixir de jouvence.

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Vue sur le site,depuis l’angle des rues Poncillon et Albert Thomas.

Les tribunes d’honneur.

Vue sur le pôle tennis, avec le club house en arrière-plan et les faça-des de la rue Paul Doumer.

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Le pavillon abrite la direction de la jeunesse et des sports.

Le Skatepark.

Vue sur les terrains de pratique libres,depuis le jardin d’enfants...Le «quartier des coureurs»

Le vélodrome et les tennis couvertsen arrière-plan..

... et depuis le skatepark.

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À la une de l’édition du 14 et 15 juillet 1951 du quotidien La Montagne, on peut voir cette photographie du cycliste cler-montois, Raphaël Géminiaini, franchissant la ligne d’arrivée de la 9e étape du Tour de France1.

1|Informations et photographies, issues de l’édition des 14 et 15 juillet 1951, du quotidien régionale La Montagne - A.D., 4 Mi 156

2. DU MONUMENT, AU PATRIMOINE

Le patrimoine est aujourd’hui un thème en vogue : patrimoine génétique, naturel, culturel, le terme revient dans une litanie de nouveaux concepts qui correspond selon certains à une quête de points d’ancrage solides en réaction à un monde en développement accéléré.

Ce terme désigne à l’origine : « l’ensemble des droits, des dettes et charges d’une personne, bien d’héritage qui descend des père et mère à leurs enfants2. »

Cette défi nition montre l’ambivalence entre la jouissance et les obligations que la transmission du patrimoine suppose. Ce n’est que très récemment que, par analogie, le terme a embrassé le champ de l’histoire de l’art et des monuments historiques.

Le mot monument vient lui, du latin, monumentum, dont la signifi cation pre-mière est « tombeau ». Quant au verbe monere, dont est issu ce mot, il signifi e « se remémorer », mais aussi « avertir ». En se penchant sur l’étymologie de ces termes, on perçoit la dimension so-lennelle qui nous lie aux objets du passé. Les monuments nous ramènent toujours vers un passé chargé. Ils nous obligent à ne pas oublier les événements graves de notre passé commun, pour peu que le souvenir de ces événements soit entretenu.

Cependant, la loi fondatrice de 19033, qui stipule : «les immeubles dont la conservation présente, au point de vue de l’histoire ou de l’art, un intérêt public, sont classés comme monuments historiques», a permis d’intégrer dans le régime des sauvegardes une plus large gamme d’objets construits, contribuant ainsi à donner aux mots patrimoine et monument, des usages plus étendus, tout en estompant les dimensions de solennité et de gravité qui leur étaient auparavant associées.

Cependant, malgré les extensions conceptuelles, chronologiques, catégo-rielles et topographiques qui constituent l’acception actuelle du mot patrimoine, le stade Phi-lippe Marcombes n’a pas été intégré au corpus des ouvrages à sauvegarder. Ce n’est pourtant plus aujourd’hui une question de durée, puisque le temps de la patrimonialisation n’excède pas dans certains cas une génération.

Il est vrai que le stade Philippe Marcombes n’est pas le dépositaire d’un sou-venir de nature à enrichir notre récit commun ni « une belle machine célibataire d’architecte », selon l’expression d’Olivier Mongin : on n’y trouve nulle trace d’un savoir-faire singulier ni d’une exemplarité conceptuelle. Pour autant, la décision de l’architecte des bâtiments de France alors

2| Littré Emile, Dictionnaire de la langue française (abrégé par Beaujean), Editions universitaires, Paris, 19633| Jamot Francis, Marx Jean, Audibert Martine, Denante Sylvie, La protection des immeubles au titre des monuments histori-ques, Ministère de la culture et de la communication, Direction de l’architecture et du patrimoine, 2003http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/guides/dapa-protection/introduction.pdf, page consultée le 12 novembre 2014

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C’est le 12 janvier 19641, que le stade Philippe Marcombes connut sa plus grande affl uence, lorsqu’il accueillit la rencon-tre opposant l’AS Monaco, alors champion de France et le club de seconde division du SA Thiers. Ce match de 32e de

1|Informations et photographies, issues de l’édition du 14 janvier 1964, du quoti-dien régionale La Montagne - A.D., 4 Mi 281

en fonction est cependant à nuancer, à mettre en perspective pour au moins deux raisons :

— la première, c’est que lorsque les services du SDAP (Service Territoriale de l’Architecture et du Patrimoine) ont été saisis, la question de la place du patrimoine dans le déve-loppement de la ville était largement accaparée par le projet de construction du Carré Jaude 2, un programme de galerie marchande et de logements, édifi é au pied du quartier historique de la butte et qui a nécessité de raser tout un îlot ancien. Ce projet a été largement débattu et a fait l’objet de nombreux aller-retour entre les maîtres d’ouvrage et les services du patrimoine. Des échanges que l’on suppose tendus, tant les enjeux fi nanciers et politiques, ainsi que les attentes du public, étaient considérables. C’est dans ce contexte diffi cile que la décision de ne pas en-glober le stade dans l’inventaire des édifi ces à sauvegarder a été prononcée. La préservation et l’entretien du patrimoine sont des enjeux culturels et identitaires décisifs pour un état ou une com-munauté, mais qui englobent, en outre des critères savants, de multiples contraintes budgétaires et réglementaires. Chaque fois que l’on classe un monument, les répercussions sont nombreuses, pour les services de l’état, comme pour les éventuels propriétaires et riverains. Le gel des parcelles provoque l’ire des investisseurs. Et il y a la sempiternelle question du devenir de ces édifi ces, dont les coûts de remise en état sont parfois supérieurs au coût de construction du neuf.

— La seconde raison pour laquelle, j’ai voulu reconsidérer le cas du stade Philippe Marcombes, tient dans le fait que les décisions négatives du SDAP, sont souvent com-prises comme des injonctions à la démolition. Ne pas classer un édifi ce, ça ne revient pas à dire que ce n’est pas du patrimoine. Au même titre que l’on ne peut pas transformer toutes les églises de France en musée, on ne peut pas enlever aux villages de France leur dimension patrimoniale, sous prétexte qu’ils ne sont pas classés. C’est là un des grands paradoxes de la politique des mo-numents historiques qui, si elle permet la sauvegarde des chefs d’œuvre de la création humaine, sert de justifi cation à la destruction d’objets de moindre envergure, dont on mesure la perte, qu’après coup, en considérant l’objet de substitution.

Le choix de ne pas avoir classé le stade Philippe Marcombes, ne lui retire donc pas sa valeur d’ancienneté et plutôt que de l’envisager comme une occasion de se dé-barrasser d’un patrimoine encombrant, je préfère y voir une invitation à laisser s’exprimer la créa-tivité.

En tant qu’aspirant-architecte, je pense que se confronter au patrimoine (et plus largement aux différents éléments préexistants sur les sites d’opérations) est un exercice qui permet de se dépasser et de s’affranchir des solutions standardisées. Cela est d’autant plus vrai, lorsque cette démarche s’effectue libérée des contraintes drastiques de la conservation et que le site en question ne possède pas de caractère sacré et n’est pas le dépositaire d’un passé douloureux.

La rénovation du stade Philippe Marcombes pourrait permettre de faire dia-loguer héritage et modernité au travers de la recomposition d’espaces ludiques et d’envisager

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le patrimoine avec distance et légèreté, quand beaucoup y voient encore un sujet rébarbatif, synonyme d’église froide et humide ou de livres poussiéreux.

Dans l’ère de « surcharge mémorielle » dénoncée par Olivier Mongin4, il faut percevoir la décision des instances en charge du Patrimoine, non pas comme un droit à l’oubli, mais comme un droit au renouveau et l’occasion d’instaurer un rapport inédit à l’histoire. Car si la valeur historique du site du stade n’est pas de nature à alimenter les livres d’histoire, elle demeure forte sur le plan local et participe à la composition de l’identité clermontoise. La mémoire du lieu est véhiculée au travers de l’évocation d’événements populaires, qui ont été en leur temps de grands moments de liesse et de partage. Le stade Philippe Marcombes fut un haut lieu du « vivre ensemble », théâtre d’événements rassembleurs, qui sont encore susceptibles d’exalter l’imagi-naire. Ce n’est pas anecdotique, comme j’ai pu le penser moi-même. À l’heure d’internet, il est bon de rappeler que les moments de communion que permettent les espaces publics sont de nature autre que ceux proposés au sein du monde virtuel. Même si les réseaux sociaux permet-tent de s’affranchir des limites géographiques, ils restent malgré tout des espaces cloisonnés, où s’opère une sélection, alors que les espaces publics sont ouverts à tous et laissent une vraie place au hasard de la rencontre.

Si pour beaucoup le terme de mémoire évoque le passé, le culte du souvenir, je préfère l’envisager comme une somme d’acquis qui nous permet d’évoluer dans le présent et de nous projeter dans l’avenir. La mémoire du stade Philippe Marcombes est un des composants de l’identité de la ville de Clermont-Ferrand. Comme nous le verrons plus tard, sa construction a contribué, à son époque, à lui donner sa dimension de capitale régionale et les événements qui y ont été organisés sont rattachés à la mémoire collective au niveau national. Il est vrai que le souvenir de ces événements ne subsiste que par bribes et est transmis par les quelques érudits locaux, mais un projet architectural peut-être l’occasion de le ranimer. Mais le régime de trace que constituent les documents, en l’occurrence, les archives qui m’ont permis d’exhumer ces quelques événements, parmi d’autres, ne doivent pas occulter, ce qui nous intéresse, en premier lieu, l’architecture. Car sur le site du stade Philippe Marcombes, le passé se manifeste avant tout par la plastique. Son esthétique et sa vétusté permettent de situer le site dans un autre temps et lui confère son caractère unique.

Si on laisse de côté le regard du sachant et que l’on considère les lieux avec les yeux de l’individu lambda, le site du Marcombes a la capacité d’émouvoir. Il n’est plus fonc-tionnel, mais il possède le charme des choses imparfaites. Lorsque l’on aperçoit les immeubles du plateau Saint-Jacques au loin, un transfert s’opère : on oublie l’intériorité de la double enceinte constituée des murs et de l’anneau du vélodrome pour se croire hors de la ville.

4| Olivier Mongin interrogé par Emmanuel Laurentin, la fabrique de l’histoire, France culture, émission du 21 octobre 2013, http://www.franceculture.fr/emission-la-fabrique-de-l-histoire-patrimoine-14-2013-10-21, page consultée le 08 octobre 2014

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3. REGAIN D’INTÉRÊT

Les premiers actes concrets, annonciateurs de l’intérêt nouveau des pou-voirs publics pour le stade Philippe Marcombes ont donc eu lieu en 2013 : tout d’abord, les gra-dins datant de l’époque de Philippe Marcombes ont été démolis, puis l’entrée principale a été réaménagée dans la hâte afi n de limiter l’accès aux places de stationnement aux seuls usagers du stade. «On avait été obligé de se mettre, pas en confl it, mais en tension avec non seulement des riverains, mais aussi les clubs sportifs pour leur dire que le stade Philippe Marcombes n’était absolument pas un parking, et où on a instauré le système de barrières qui a fait débat, mais qui au fi l du temps a apporté aux sportifs à l’intérieur du stade Philippe Marcombes un confort et une sécurité.»

C’est ainsi que Christine Dulac-Rougerie, adjointe au maire de Clermont-Ferrand, chargée des sports, est revenue sur les événements consécutifs à ces travaux, lorsque je l’ai rencontrée, le 26 mai 2014, pour évoquer le projet de restructuration du stade, qui en était alors au stade de la programmation. Au cours de notre entretien, celle-ci a confi rmé le statut par-ticulier du stade : « ...je pense que la particularité de ce stade, c’est toute cette mixité en plein coeur de ville (...) ça on souhaite le garder bien sûr, on souhaite garder l’identité du lieu (...) ce n’est pas uniquement un stade de sport, c’est vraiment un stade urbain, qui est ludique...»

Retranscrire ici l’intégralité de notre entretien serait inutile. Je vais tenter de résumer ici ses propos, énoncés alors de manière informelle en les structurant. Ceux-ci ne sont pas à prendre comme des décisions unilatérales de sa part, mais comme le fruit de longues concer-tations avec les équipes techniques, le comité de quartier, et différents clubs sportifs intervenants sur le stade ou sur l’agglomération. J’en ai extrait différentes idées fortes, rassemblées, ci-dessous, par thématiques. Tout d’abord, les objectifs du projet :

-moderniser, sécuriser, faciliter l’entretien et le gardiennage : le pavillon abri-tant les services des sports est «une structure sous avis défavorable depuis des lustres (des commis-sions de sécurité, NDLR) (...) il est temps pour les services de travailler dans de bonnes conditions». Dans le domaine du sport, les progrès technologiques sont constants. Les avancées en matière de revêtements de sol synthétiques notamment doivent permettre aux installations du stade qui sont rudement éprouvées par les intempéries de gagner en confort et en durabilité.

-«faire tomber ce mur (le mur d’enceinte, NDLR), avoir une vue sur l’exté-rieur, comme l’extérieur peut avoir une vue, donner plus de lisibilité.» Tant au niveau esthétique, dans un but de valorisation de l’espace, qu’au niveau sécuritaire, pour éviter les espaces qui échappent à la vigilance des gardiens.

-«avoir des pratiques qui soient mieux confi rmées» car plus un équipement répond aux attentes du public, plus il est fréquenté : Rénovation et regroupement des courts de tennis, rénovation du skatepark, reconduite du jardin d’enfants. Cela veut dire aussi «avoir des

VUE SUR LES GRADINS DÉMOLIS EN 2012 :Carte postale publicitaire de 1920, portant la légende :« Parc municipal de la ville de Clermont-Ferrand, gradins en ciment armé, longueur 106 mètres. Travaux exécutés par la so-ciété anonyme “Le CIMENT ARME DEMAY FRERES”, Reims.Architecte de la ville : M. Pincot à Clermont-Ferrand »Le descriptif des travaux, trouvés aux archives départementa-les, précisait : construction de mâts pour support des orifl am-mes »

AD, 507 Fi 4332, 303 — Parc municipal des sports de la ville de Clermont-Ferrand [...], Éd. Bienaimé, Collection : Louis Saugues,

L’emplacement des gradins après démolition

Photo de l’auteur.

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espaces libres qui ne soient pas des dépotoirs». L’exemple des pratiquants de yoga qui doivent composer avec des pelouses pleines de déjections canines est risible, mais cela reste cependant un problème récurrent au sein des espaces publics.

-Confi rmation des pratiques sports-loisir et sport santé.-un stade d’athlétisme dans la continuité de ce qui se passe au stadium

Jean Pellez d’Aubière, mais en extérieur, avec la possibilité des tribunes amovibles de 1500 à 2000 places.

Quid des existants?-Le pavillon «tout cet espace doit disparaitre, doit être reconstruit»-«Nous avions un souci avec le vélodrome bien sûr, mais il a été pris le parti

de le supprimer, il n’est plus dans l’air du temps de tout faire (...) sur un stade. L’athlétisme, le vé-lodrome, un terrain au milieu, etc. Et nous essayons de regarder avec les cyclistes pour proposer un autre projet, autrement qu’intégré au stade (…) c’est une partie de l’histoire du stade qui va s’en aller avec cette piste on en est bien conscient, on essaiera de mettre des rappels, pour faire en sorte que l’histoire ne disparaisse pas.»

-Je ne reviens pas sur la décision de l’architecte des bâtiments de France qui fut brièvement évoquée lors de cet entretien.

-Christine Dulac-Rougerie évoquera aussi son souhait de tenter de sauve-garder la grande entrée dédiée aux cyclistes, située sur la façade nord du vélodrome qui était surmontée de l’inscription «Quartier des coureurs», modelée en creux dans l’enduit. Mais celle-ci a été déposée quelques mois après, suite à la détérioration de l’enduit qui s’effritait et tombait en lambeaux.

-Conservation des arbres «qui font partie du lieu»

À l’issue de cet entretien, je fus assez satisfait de constater que les services municipaux étaient conscients des particularités intrinsèques du stade Philippe Marcombes, qui est à la fois un équipement sportif et un espace public. Cependant avec le recul, je reste pessimis-te quant à l’issue du projet de restructuration. Je sais par expérience qu’il faut faire preuve d’une solide détermination pour que les intentions formulées à la genèse d’un projet ne se trouvent pas dissolues par les vicissitudes fi nancières et réglementaires liées à la maîtrise d’œuvre. Sans un acte fort de conservation, la dimension mémorielle peut rapidement se trouver étouffée derrière un modernisme de façade. Si l’on construit, beau et effi cace, on n’aura aucun mal à faire oublier l’ancien stade et c’est bien là qu’est le danger. L’uniformisation galopante de notre cadre de vie, entre zones commerciales et galeries marchandes, immeubles de standing et pavillons douillets, ne peut être endiguée que par une volonté d’affi rmer les identités locales, dont l’histoire est une des composantes. Mais comment conserver l’esprit du lieu? Quel dispositif de substitution peut garantir la pérennisation d’une situation qui a mis des décennies à se mettre en place?

Les objectifs du projet sont louables et légitimes et vont dans le sens d’une valorisation du site, cependant les moyens mis en oeuvre sont-ils vraiment adéquats? Le site du

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stade est parcouru de nombreuses lignes de force : fractures de relief, axes qui sont tous en relation avec la fi gure structurante du vélodrome : Édifi ce ouvert, sculpture dans laquelle on entre, on sort, et autour de laquelle on circule, le vélodrome est l’objet qui selon moi donne son identité au site et c’est pour cette raison qu’il doit être conservé.

Même s’il ne peut plus remplir sa fonction première, il est à l’image des rem-parts de certaines villes médiévales, le marqueur fondamental du site et du quartier. Parce qu’il est le repère spatial et temporel de cette partie de ville, seule sa préservation peut permettre de signi-fi er, à ses riverains, ainsi qu’à ses nombreux usagers, leur participation à un récit commun.

La cathédrale

La cité universitaire Dolet(1200 lits), située à moins de

300 mètres à vol d’oiseau.

Le skatepark Vestiairesprovisoires

Tribunesd’honneur

Tennis couverts(structure lamellée collée)

Tennis couverts(structure légère) Pavillon

Plateau St-Jacqueset CHRU

Puy de Montaudoux

Perceptions depuis le site (talus coté rue Paul Doumer)illustration de l’auteur.

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Philippe Marcombes, en 1933.Source : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9034817d.r=.langfr — page consultée le 25 juin 2014.

Ci-contre : Photographie par G. Mangot, non datée.http://www.delcampe.net/page/item/id,114687808,var,real-photo-stade-velodro-me-de-clermont-ferrand-ballets-danse-phot-g-mangot-fetes-1918-,language,f.html — Page consultée le 18 novembre 2014

1. LA VISION DE PHILIPPE MARCOMBES : RESTITUTION DU PROJET ORIGINEL DANS SON CONTEXTE

Le plus ancien document faisant référence au parc municipal des sports que j’ai pu retrouver est un extrait du registre des délibérations de la commission administrative des hospices de Clermont-Ferrand daté du 26 décembre 1919 (voir fi gure 1, en annexe). Cette commission est alors présidée par le Dr Philippe Marcombes, qui vient tout juste d’être élu maire de la ville. Lors de cette séance, celui-ci remet à l’ordre du jour la possibilité déjà évoquée lors de la séance du 11 septembre 1919, de céder à la mairie de Clermont-Ferrand des terrains ap-partenant aux Hospices. Ce sont en fait de petites parcelles cultivées, sans doute louées à des agriculteurs et totalisant « 1 hectare, 52 ares, 60 centiares ». Le projet de la commune nécessitant « 6 hectares, 06 ares et 30 centiares », le reste du foncier sera acquis par les Hospices de Clermont-Ferrand.

Les terrains en question sont situés en bordure de la « Route de Beaumont » (actuelle avenue de la Libération) à la périphérie sud de la ville de Clermont-Ferrand, entre le centre-ville et la voie ferrée qui forme à cet endroit une boucle épousant le relief.

Un plan (voir fi gure 2, en annexe), étrangement daté de 1923, alors que les travaux avaient largement débuté, présente l’état du foncier avant l’implantation du pro-gramme sportif. On y voit de petites parcelles en lanières, vierges de toutes constructions et des-servies au sud-est par le chemin de sous Cote pet (future rue Cotepet) et à l’est par le chemin de Vallières (future rue Poncillon). Les sportifs fréquentent déjà le secteur, puisqu’au nord-est, sur la parcelle 450, se trouve un terrain d’entraînement, appartenant à la Manufacture Bergougnan à l’emplacement des actuelles installations sportives de l’Université Blaise Pascal.

Ce document nous donne à voir les planifi cateurs en action, au travers des deux axes colorés en rouge qui viennent structurer un parcellaire qui était auparavant de type rural : diffi cile d’expliquer aujourd’hui ce qui a généré cette forme d’îlot hexagonal, puisque les premiers tracés coupent les différentes parcelles en diagonales, mais ces sécantes, dont ni l’ori-gine, ni la destination ne peuvent être déterminées et qui deviendront les rues Paul Doumer et Albert Thomas, délimitent de façon défi nitive l’emprise du futur parc des Sports selon un tracé arbitraire. Le terrain d’assiette ainsi délimité présente un différentiel d’altitude de 12 m entre le point haut et le point bas.

Un plan d’ensemble daté de 1925 (voir page suivante), nous révèle ce à quoi aurait dû ressembler le parc municipal des sports : Un parc donc, avec de nombreux espa-ces plantés et enherbés où seraient disséminés différents équipements sportifs :

— Deux terrains de rugby : un pour les entraînements, le long de la limite est du parc, qui restera longtemps la propriété de la société Bergougnan et un terrain d’honneur, au

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Ci-dessus : Vue sur les tribunes d’honneur.Carte postale par A. Breuly, non datée — Source : http://www.delcampe.net/page/item/id, 205 296 345, var,—clermont-ferrant--carte-photo-du-stade-philippe-marcombes-le-jour-dune-rencontre-sportive--voir-le-scan-du-dos, language,f.html, page consultée le 28 août 2014.

Ci-contre : Photographie non datée, d’une équipe de rugby, devant les gradins aujourd’hui détruits.Source : http://www.delcampe.net/page/item/id, 237885059, var, clermont-ferrand--equipe-de-rugby--superbe-carte-photo-a-breuil, language, f.html — page consultée le 16 septembre 2014.

centre, encerclé par la piste de course pédestre, elle-même dans l’emprise de la piste cycliste et fl anquée à l’est par les gradins et à l’ouest par la tribune d’honneur.

— La tribune d’honneur : à ce stade de projet, seule son emprise est défi -nie.

— Les gradins : ils apparaissent déjà dans leur confi guration défi nitive, sous la forme de six blocs, séparés par des circulations.

— Un promenoir : en arc de cercle, il fl anque le virage sud de la piste. Pour-vu d’escaliers, il est situé en surplomb de l’anneau de vitesse.

— Cinq terrains de tennis et une aire de gymnastique le long de la première voie à créer (future rue Paul Doumer et appelée « rue nouvelle » au moins jusqu’en 1932).

— Deux terrains de jeux de boules et un terrain de basket-ball le long de la seconde voie à créer (future rue Albert Thomas).

— Une piscine était également prévue à l’est, à l’angle des rues Poncillon et Cotepet. Ce projet perdurera quelques années puisqu’il y est fait référence dans un dossier de consultation pour la construction de sanitaires en 1934. Deux versions de ce projet existent : la pre-mière illustrée ici, la seconde prévoyant une localisation, le long de la limite nord de la parcelle.

Ces différents espaces de culture physique sont complétés par des pro-grammes annexes : la maison du garde et les guichets (ou conciergerie), les garages (équiva-lents des actuels parcs de stationnement), un espace, dédié aux agrès entre la piscine et le ter-rain d’entraînement et bien sûr un édicule abritant des sanitaires dans un petit espace paysagé dans l’angle nord-est du terrain, en prolongement du terrain de basket-ball.

Ce plan fait apparaitre quatre accès principaux : l’entrée latérale depuis la route de Beaumont, où se trouvent les guichets, une autre entrée à l’opposé, vers le terrain d’en-traînement, ce qui crée une rue intérieure est/ouest. Deux autres entrées sont prévues au nord le long de la rue nouvelle, face à la ville :

La première mène en courbe douce vers la piste cycliste en passant devant la tribune d’honneur. Destinée aux seules bicyclettes, elle doit permettre la transition entre la route et l’anneau du vélodrome lors des courses.

La seconde est une entrée monumentale, paysagée, axée sur une «grande avenue projetée» qui ne verra jamais le jour. Elle est composée de deux volées d’escaliers, sépa-rées par des plantations.

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PARC MUNICIPAL DES SPORTSPlan d’ensemble (projet 1925)Ce plan représente le projet originel, tel qu’il a été conçu par le Maire Philippe Marcombes et ses collaborateurs.Source: A.D., 33 Fi 113, série de plans et illustrations produits par les services communaux.

Terrain de rugby(entraînement)

Piscine(première localisation)

Promenoir

Vélodrome(piste cycliste)

Piste pédestre

Tribune d’honneur

Tennis

Emplacement réservé(foncier en attente)

Maison du gardien

Garages(aire de stationnement)

Jeu de boules

Grande avenue projetée

Quartier des coureurs

Basket-ball

Gradins

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2. L’HÉRITAGE DU DOCTEUR MARCOMBES : GENÈSE, DE 1919 À 1935.

Philippe Marcombes (1877-1935) fut trois fois maire de Clermont et décéda le 13 juin 1935, un mois après avoir entamé son troisième mandat. Il remporte sa première élection en 1919, alors qu’il dirige les Hospices clermontois et dès le mois de décembre, il opère la transac-tion qui permettra à la municipalité d’acquérir les terrains nécessaires à la construction du Parc municipal des Sports.

On peut supposer qu’il avait déjà mûrement réfl échi ce projet. Pensait-il en terme d’urbanisme ou avait-il seulement vu dans le site l’emplacement idéal pour édifi er le stade dont il avait rêvé pour sa ville ?

VISION URBAINE

Lors de sa construction, le parc municipal des sports est le premier édifi ce implanté à la périphérie sud de la ville. Le site se trouve alors en rase campagne. Les autres pro-jets structurants viendront bien après : l’ancienne usine Banania, qui est aujourd’hui un centre tertiaire, a été construite pendant la Seconde Guerre mondiale, pour pallier la destruction de la première usine en 19405. La gare routière, bien qu’envisagée à partir de 1942, ne sortira de terre qu’en 19616, l’ensemble de bâtiments monumentaux structurant la place des Salins, à l’extérieur du premier boulevard de ceinture, œuvres, eux aussi de Valentin Vigneron, datent de 19737. La cité Dolet date, elle, des années 608.

La municipalité Marcombes ambitionnait de faire du parc municipal des sports un édifi ce structurant pour les faubourgs qui n’allaient pas manquer de se développer au sud de la ville. C’est ce que démontre le tracé de la « grande avenue projetée » fi gurant sur le plan d’ensemble de 1925 (voir p.23). À sa vue, on plonge dans une uchronie, dans laquelle, le stade Philippe Marcombes serait relié au centre-ville clermontois par un boulevard monumental tracé au cordeau, aboutissant sur une entrée majestueuse et un parvis paysager. Si cette volonté première a été abandonnée, les traces en sont encore tangibles, sous la forme d’une placette si-tuée rue Albert Thomas et qui sert de parvis à l’école Édouard Herriot. Parvis qui n’a aucune utilité puisque l’accueil des élèves se déroule à l’entrée située rue Poncillon.

5| http://tpechocolat2012.weebly.com/les-industriels.html – page consultée le 12 juin 20146| http://www2.archi.fr/docomomo-fr/fi che-gare-routiere-clermont.htm – page consultée le 12 juin 20147| http://www.clermont-ferrand.fr/Valentin-Vigneron-une-autre-facon.html – page consultée le 12 juin 20148| http://www.clermont-ferrand.fr/Operation-de-demolition.html – page consultée le 12 juin 2014

Ci-dessus :Vue aérienne sur la placette située rue Albert Tho-mas. Celle-ci résulte de la volonté de Philippe Mar-combes et de son équipe de créer à partir d’ici une avenue vers le centre-ville.

Source : http://www.geoportail.gouv.fr/accueil

Rue Albert Thomas

StadePhilippe Marcombes

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Cependant, l’idée d’une belle avenue desservant le site a per-duré jusque dans les années 60, puisque le boulevard Joseph Girod, situé à quelques centaines de mètres du site d’étude a été construit en 1969, en suivant la trajectoire exacte amorcée par l’embryon d’avenue datant de 1919, et ce, malgré l’édifi cation de l’école Édouard Herriot sur cette même trajectoire. Ce boulevard, ainsi que la moi-tié nord de la rue Poncillon sont dotés de dimensions importantes (de 15 à 18 mètres d’alignement à alignement, contre 13 mètres maximum pour l’avenue de la Libéra-tion, l’artère la plus importante de cette zone, qui relie Beaumont à la place des Salins) qui ne peuvent être justifi ées par le trafi c relativement faible sur ces voies. Aussi peut-on supposer que ces largeurs exceptionnelles trouvent leurs origines dans la volonté des pouvoirs publics, de créer, à un moment donné, un axe équivalent à celui prévu sur le plan originel de 1925

Suite à mes recherches, il m’apparait aujourd’hui évident que l’implantation du Parc municipal des sports dans cette zone s’inscrivait dans un schéma global prévoyant également la construction d’un boulevard ceinturant les faubourgs clermontois, dont le tracé a évolué avec le temps.

Page suivante, fi gure un plan datant de 1885, sur lequel cette nouvelle voie est dessinée, en prolongement du boulevard Berthelot. Elle constitue une sorte de pénétrante pour les visiteurs venant de l’est de la ville. Ce projet de boule-vard a longtemps était un des serpents de mer de l’urbanisme clermontois. Il perdure encore aujourd’hui sous l’appellation de liaison urbaine sud-ouest9 (LUSO) et pourrait, contre toute attente, se voir concrétiser dans les quinze ans à venir. C’est en tout cas, ce que prévoit le plan de déplacement urbain établi en 2011 par le syndicat mixte des transports clermontois (voir page 25). Cet ouvrage changerait considérablement le statut du stade Philippe Marcombes, puisqu’il se retrouverait alors en bordure d’une rocade jouant un rôle majeur dans la desserte de l’agglomération clermontoise.

9| http://www.smtc-clermont-agglo.fr/fi le/Telechargements/2011/PDU/document_general_pdu_71_148.pdf - page consultée le 27 décembre 2014. Voir pages 79 et 125 et fi gures 37 à 46

LA LUSO : LIAISON URBAINE SUD-OUEST.Le plan de déplacements urbains (PDU) de l’agglomération clermontoise conçu en 2011 par le syndicat mixte des transports en commun (SMTC), maintient le projet de création du dernier tronçon du grand boulevard ceinturant le grand Clermont : en reliant le carrefour Europe de Chama-lières au quartier St- Jacques, il complétera la rocade qui devrait désen-gorger les axes pénétrants.Lors des délibérations du conseil municipal du 21 février 2014 (voir fi gure 4 en annexe) les élus clermontois ont pris acte de la déclaration d’inten-tion d’aliéner une maison d’habitation dans le but de s’assurer la maîtrise foncière nécessaire à la réalisation de la LUSO, ce qui prouve la détermi-nation des pouvoirs publics à voir aboutir le projet.

Source : http://www.smtc-clermont-agglo.fr/fi le/Telechargements/2011/PDU/document_general_pdu_71_148.pdf — page consultée le 27 dé-cembre 2014. Voir pages 79 et 125 et fi gures 37 à 46

StadePhilippe Marcombes

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1885La ville de Clermont-Ferrand ne s’étend pas au-delà du premier boulevard de ceinture.

Plan de section, réalisé aux alentours de 1885.

Source : A.D, côte 33 Fi 113.

1946La ville s’est densifi ée autour du stade. Le fon-cier est divisé en lanières perpendiculaires aux voies.

Source : www.géoportail.gouv.frmission C2531-0071_1946_F2531-2631_0231 — Cliché N° 231page consultée le 4 août 2014

1926Le parc municipal des sports comprend le vé-lodrome et la tribune d’honneur. Les gradins n’ont pas encore été construits.La zone est encore peu construite.

Source : A.D, côte 33 Fi 113.

Le second boulevard de ceinture a été construit. Il correspond aux actuels boulevards Aristide Briand, Jean Jaurès et Côte Blatin.

Projet de création d’un se-cond boulevard de ceintu-re reliant le boulevard Ber-thelot au boulevard Fleury.

Projet de création d’un contournement antici-pant le développement des faubourgs. Cette voie tangente la commune de Beaumont et part vers l’est, en direction de la plaine de Sarlièves.

Les voies secondaires dessi-nant le pentagone ont été réalisées, ainsi que l’amor-ce de « grande avenue projetée ».

Le parc municipal des sports a été construit, en bordure de la voie prévue sur le plan de 1885.

Le stade Philippe Marcombes| 27

1954

Source : www.géoportail.gouv.frmission C2530-0021_1954_F2530-2532_0084 — Cliché N° 84

page consultée le 10 octobre 2014

1960

Source : www.géoportail.gouv.frmission C2531-0081_1960_F2431-2631_0153 — Cliché N° 153

page consultée le 4 août 2014

Barres d’immeubleconstruites en symétrie, sur la trajectoire de la « grande avenue projetée ».

Ecole Édouard Herriot

Nouvelle voie de desserte

Le boulevard Joseph Girod a été construit sur la trajec-toire exacte de la « grande avenue projetée ».

Réserve foncière opération-nelle pour création de la LUSO

Tracé approximatif de la LUSO. Dernier tronçon de la rocade clermontoise reliant le carrefour Europe de Cha-malières au CHRU.

2014

Source : www.géoportail.gouv.fr

page consultée le 10 juillet 2014

Modifi cation du carrefour existant suivant trajectoire de la « grande avenue pro-jetée ».

La rue Charles Bruyant, do-tée d’un seul trottoir et où ne peuvent se croiser deux personnes, constitue le seul accès piétonnier au stade depuis la cité U

Passerelle piétonne sud

Cité universitaire Dolet

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VISION ARCHITECTURALE

J’ai reproduit ci-dessous, l’élévation nord du projet originel de piste cycliste, trouvée aux archives municipales. Une photographie du document original fi gure en fi n de ce volume. Celle-ci comprend notamment une entrée monumentale, surmontée de l’inscription « Quartier des coureurs ».

Au contraire de l’entrée des artistes dans les théâtres, discrète et éloignée des voies principales, l’entrée destinée aux sportifs était ici prévue pour être positionnée en face de l’entrée et axée sur une voie rayonnante directement depuis le centre-ville. Elle aurait donc dû être visible de très loin. Je ne suis pas en mesure de savoir si les fl èches ont un jour existé, mais cette élévation d’inspiration néo-classique démontre la volonté de Philippe Marcombes de créer un édifi ce-vitrine pour la ville de Clermont-Ferrand.

Élévation nord, « quartier des coureurs », reproduction de l’auteur, d’après archives.(Source A.M, côte: 1 M 1 85 : Parc des sports -1920-1929)

Ci-dessus :Vélodrome de Vincennes. Cette photographie du promenoir qui surplombe la piste du vélodrome de Vincennes, inauguré en 1896, illustre ce à quoi aurait pu ressembler celui fi gurant sur le plan d’en-semble de 1925.Source : http://www.delcampe.net/page/item/id, 260 930 895, var,vincennesval-de-marne-le-velodromecyclisme,language,f.html, page consultée le 3 octobre 2014.

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À l’emplacement du promenoir jamais construit, l’espace résiduel est devenu une circulation, amé-nagée à minima, encaissée entre la piste cycliste à droite et le mur de soutènement, à gauche.Source : Photographie de l’auteur, septembre 2014.

Outre la piscine et l’entrée monumentale, il est un troisième élément remar-quable fi gurant sur plan originel du parc municipal des sports qui diffère de ce qui a été réalisé. C’est le promenoir, dont la réalisation aurait permis de donner à la piste cycliste une vraie cohé-rence.

Cette structure, située à l’opposé du «quartier des coureurs», de l’autre côté de l’anneau de vitesse, avait été pensée de manière à épouser le virage sud de la piste cycliste, tout en suivant sa pente. Au point le plus haut de l’édifi ce, elle aurait constitué une plate forme d’observation en surplomb du terrain, au même niveau que le chemin sous cote pet. Ce dispositif aurait permis de créer des interactions originales entre le parc des sports et son environnement proche (voir croquis, ci-dessous). À la fois parvis et promontoire, cet espace aurait pu devenir un espace intermédiaire entre deux espaces publics aux fonctions différenciées, mais ce « prome-noir » n’a jamais vu le jour.

Cependant, son emprise est toujours demeurée à l’état de friche. Le prome-noir est désormais matérialisé par le vide qu’il a laissé, sous la forme d’une faille entre deux murs de béton. Loin de se faire oublier, il apparait en creux (voir photo ci-contre). Son absence crée un manque, alors que personne ne se rappelle qu’il avait été un jour prévu.

Fonctionnement du promenoir entre le vélodrome et la rue Cotepet.Croquis de l’auteur d’après plan et descriptif disponibles aux archives.

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Le Parc municipal des sports est le projet de Philippe Marcombes, un pré-sent à la ville et à ses citoyens. Il répond à des préoccupations hygiénistes, de divertissement et à une problématique urbaine de développement des faubourgs.

Pour avoir une idée suffi samment exacte de ce que représente alors la construction du parc municipal des sports à Clermont-Ferrand, au lendemain de la Première Guerre mondiale, il faut se replacer dans le contexte historique et social de l’époque. Au début du XXe siècle, la compétition cycliste devient «un spectacle de masse, destiné essentiellement aux couches ouvrières urbaines10». Le succès du Vel’d’hiv’, construit en 1909, à l’initiative d’inves-tisseurs privés et comprenant 17000 places, est là pour en attester, même si l’édifi ce entrera dans l’histoire pour d’autres raisons, bien plus sinistres11. La construction du parc municipal des sports est donc un événement qui permet à Clermont-Ferrand de rivaliser avec la capitale, en donnant ac-cès, à tous, aux divertissements en vogue. Car la popularité des courses cyclistes préfi gure alors, ce que l’on nomme aujourd’hui le sport-spectacle. Un fait d’autant plus notable qu’en 1958, 13 départements français n’étaient toujours pas pourvus de salle de sport et 11 n’avaient pas de stade12.

Jusqu’à sa mort, il montrera un attachement particulier à ce projet qu’il a initié. Ce plaidoyer pour la construction des tribunes populaires est assez révélateur de son obsti-nation :

EXTRAIT DU REGISTRE DES DÉLIBÉRATIONS DU CONSEIL MUNICIPAL — 18 mai 1926(voir fi gure 3, en annexe)

« Je suis entièrement d’accord avec vous pour n’accorder aux jeux du sta-de que la place qu’ils méritent dans la vie de la cité. C’est à dire, celle d’une saine distraction et d’une activité physique utile, mais non primordiale.

À l’heure où le budget de notre ville a de lourdes charges et se voit sollicité par des tâches capitales ; à l’heure où nous devons répondre à des améliorations constantes à un accroissement continu et presque sans précédent ; à l’heure où il faut créer des écoles, bâtir des logements, aérer, assainir, agrandi, embellir, il pour-rait sembler paradoxal de venir demander des crédits pour le parc des Sports et engager de nouvelles dépenses qui ne semblent pas indispensables.

C’est pour cela mes chers collègues que je veux en deux mots et vous mar-quer l’esprit du projet que je vous soumets et vous en montrer l’utilité.

10| Ehrenberg Alain, Aimez vous les stades? Les origines des politiques sportives en France 1870-1930, in Recherches, N°43, Paris, 198011| Bissekri Feriel, La commande des équipements sportifs à Paris: une approche historique, Conte Richard et Tabeaud Martine (sous la direction de), A vos marques! Sport, Art et Architecture, Publications de la Sorbonne, 2002.12| Chiffl et Pierre, Falcoz Marc, La construction publique des équipements sportifs, aspects historique, politique et spatial, in Les annales de la recherche urbaine, No 79, juin 1998

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La ville a fait de gros sacrifi ces pour créer un parc des Sports qui est aujourd’hui reconnu comme un des plus beaux de France. L’aménagement, je dirai esthétique, n’en est pas encore terminé. Il s’achèvera en son temps. Pour le moment nous n’en parlerons pas et je ne vous demande absolument rien dans cet ordre d’idées.

Mais, par contre, le stade auquel vient d’être adjoint un vélodrome, tout en donnant satisfaction aux pratiquants du Sport, se révèle insuffi sant au point de vue du public. Il y manque des places et particulièrement des places populaires.

Ceux qui ont la charge de faire vivre le stade en y organisant des manifesta-tions susceptibles d’intéresser la population, ne peuvent y parvenir et ne peuvent en prendre la responsabilité que s’ils sont assurés d’être en mesure d’y accueillir les spectateurs, appelés par le succès.

Je vous disais qu’il manque des places populaires. C’est une moins-value im-portante dans le budget des organisateurs, c’est aussi une lacune que ne saurait tolérer notre municipalité.

Ceux qui sont peu fortunés — et ont bien le droit, je pense, de trouver leur distraction dans le sport, aussi bien qu’ailleurs — ne peuvent, surtout si leur famille est nombreuse payer, je ne dis pas un tarif trop élevé, mais hors de portée de leur bourse.

(...) Leur contenance serait d’environ 2000 personnes debout ou 1000 person-nes assise. »

Ce discours démontre l’attachement du docteur Marcombes à ce projet dont il fut l’instigateur. Il plaide pour que son développement se poursuive, et ce, malgré les dif-fi cultés fi nancières auxquelles doit faire face la commune, mais je m’interroge sur la perception de ce projet au sein de l’équipe municipale : « L’aménagement, je dirai esthétique, n’en est pas encore terminé. Il s’achèvera en son temps. Pour le moment nous n’en parlerons pas et je ne vous demande absolument rien dans cet ordre d’idées. » Dans ce passage, il semble vouloir se discul-per de toute coquetterie et anticiper les réticences de ses confrères.

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3. LE TEMPS DE L’OUBLI : ÉVOLUTION DE 1936 À NOS JOURS

Philippe Marcombes, décède subitement, à l’Élysée, juste avant le conseil des ministres du 13 juin 193513, un mois après avoir été réélu à la mairie de Clermont-Ferrand. Cette date marque irrémédiablement le destin du stade.

Suite à l’absorption de la société Bergougnan par Michelin, le parc munici-pal des sports, marqué de l’empreinte du rival local de Bibendum, a pu souffrir d’une mise au ban volontaire. Toujours est-il que les résultats économiques et sportifs de Michelin ont vite éclipsé le stade vélodrome, qui ne représentait plus qu’un intérêt mineur, un équipement de quartier et une réserve foncière intéressante pour dépanner la municipalité.

Les grands projets, tels que la piscine, sont défi nitivement abandonnés. En 1937, une annexe à l’école des Salins est construite à l’emplacement actuel des terrains de tennis couverts, à l’angle des rues Poncillon et Cotepet. Elle sera détruite en 1953.

En 1955, le parking situé à l’angle nord-ouest devient un jardin d’enfants et le restera jusqu’à aujourd’hui.

Malgré l’identité forte qui émane de ce bâti de par ses dimensions, il souffre d’un handicap majeur : c’est qu’il est demeuré à l’état d’ébauche. Non seulement les années ont fait leur labeur. Mais il accuse son âge d’autant plus sévèrement qu’il n’a jamais atteint l’état de complet achèvement que ses concepteurs ambitionnaient. C’est cet état de fait, plus que le poids de 8 décennies qui donne au stade ce degré de vétusté.

13| Couderc Denis, Deschamps Marie, Camus Christophe, Clermont-Ferrand, le guide, Les éditions du dimanche, 2003

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ÉTAT 1919Le terrain d’assiette est constitué de terres agri-coles. Au nord-ouest apparait la route de Beau-mont, à l’est, le chemin de Vallières (future rue Poncillon) et au sud le Chemin sous Cote Pet.

PROJET 1919tracé de deux voies nouvelles, délimitant arbi-trairement un pentagone, qui correspond ap-proximativement à l’emprise actuelle du site : la future rue Albert Thomas au nord et la future rue Paul Doumer, à l’est.

PROJET 1925Vélodrome, tribunes et gradins apparaissent dans leur confi guration défi nitive. L’accès prin-cipal est situé au nord, au milieu de la rue Albert Thomas, une avenue reliant le centre-ville doit être créée dans son axe. La piscine en bleu et le promenoir en vert ne seront jamais construits. Les hachures correspondant à l’emplacement réservé.

ÉTAT 1935Vélodrome, tribunes et gradins sont construits.L’idée de l’entrée monumentale au nord a été abandonnée, l’amorce de la grande avenue subsiste.L’institut de culture physique a été construit au niveau de l’emplacement réservé; elle possè-de sa propre entrée.

PROJET 1936La construction d’une piscine est à nouveau envisagée, mais, cette fois, au nord de la par-celle. Ce nouveau projet est établi après le dé-cès de Philippe Marcombes.

ÉTAT 1946Une annexe à l’école des Salins (en jaune), dis-posant de sa propre entrée, est construite.Celle-ci accueillera quelques années plus tard une salle de musculation, avant d’être démo-lie.

ÉVOLUTION DU BÂTI SUR LE SITE DU STADE PHILIPPE MARCOMBES, DE 1919 À NOS JOURS.

Ces plans synthétisent les différentes sources d’archives auxquelles j’ai eu accès. (Source : A.D., documents issus du préclassement de la sous-série 2 O)

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III. VERS UNRENOUVEAU

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Beaucoup de Clermontois regretteront la décision de ne pas préserver le stade Philippe Marcombes dans sa confi guration actuelle. Il est vrai que l’attachement aux édi-fi ces du passé fait aujourd’hui partie de notre culture. De Paris, jusque dans les campagnes, on peut observer des initiatives privées, réunissant amateurs de belles choses et simples riverains qui se mobilisent spontanément dès que se profi lent des projets de restructuration touchant à des constructions existantes. Ce comportement correspond à une pulsion atavique qu’il faut parfois apprendre à l’inhiber pour aller de l’avant.

Cependant, le site qui nous intéresse ici possède d’indéniables qualités qui, elles, méritent d’être préservées, afi n d’enrichir le patrimoine des générations à venir. L’enjeu étant de créer un repère durable, un jalon pour la postérité. De concilier ce qui a été et ce qui peut être. Or une bonne équipe de techniciens saura construire sur ce site un équipement sportif satisfaisant aux usages qu’on attend de lui, mais seul un regard sensible et attentif peut permettre au stade d’accéder au rang de patrimoine, porteur de valeur.

1. L’ADN DU MARCOMBES

L’édition 1964 du dictionnaire Émile Littré donne du mot, mémoire, la défi -nition suivante :

« Faculté de rappeler les idées et la notion des objets qui ont produit des sensations »

Le terme de sensation me paraît ici important, car ce qui donne à une construction, aussi modeste soit-elle, un caractère d’architecture, c’est justement, sa capacité à émouvoir. C’est pour cette raison que le stade Philippe Marcombes constitue une belle ma-tière à projet : l’étendue du site, les perceptions qu’il donne sur les hauteurs environnantes ou au contraire, qu’il offre de lui-même, le sentiment de pouvoir circuler en toute liberté sont autant de stimuli à nos sens et donc de points d’ancrage pour la mémoire.

Aujourd’hui, le souvenir du stade projeté, et jamais réalisé est aussi présent en moi que le souvenir du site que j’ai arpenté. Il est vrai que cette image idéale est plus plaisante à l’esprit. Cependant si elle est aussi présente en moi, c’est surtout parce qu’elle répond à de multiples interrogations. Elle permet de combler certaines lacunes, comme si l’on assemblait les dernières pièces d’un puzzle. Il faut souligner l’importance du régime de trace documentaire14 sans lequel la mémoire du lieu se serait défi nitivement évaporée : l’héritage spirituel, perçu de manière inconsciente par les usagers, a nécessité la médiation des fonds d’archives pour être

14| Merzeau Louise, Du monument au document, in La confusion des monuments, cahier de médiologie N°7, Gallimard, Paris 1998, pp47-57

Montage de l’auteur, produit à partir de photographies per-sonnelles et des différents documents référencés dans ce vo-lume.

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exhumé : il convoque les fantômes du passé : constructeurs, athlètes, spectateurs et riverains, qui ont trouvé dans le stade Philippe Marcombes, une source de fi erté et de satisfaction, un lieu de liesse ou un cadre de vie pour s’installer. Quant aux plans réalisés par le maître d’ouvrage, ils ont permis la transmission des ambitions premières du projet.

Par ses dimensions et son passé, le stade Philippe Marcombes peut être considéré comme un monument, dans le sens actuel qui désigne un objet dans lequel se projette un imaginaire collectif. Sa construction et les événements qui s’y sont déroulés ont participé au rayonnement de la ville et à la constitution d’un état d’esprit citadin propre à ses habitants. Le réduire aux seules fonctions de terrains de sport serait une grossière erreur. La déqualifi cation des espaces, opérée de facto, suite au non-achèvement du projet originel, a permis l’installation de nombreux usages spontanés.

Dans cet espace singulier, les limites d’usages sont devenues vagues, il s’est opéré un transfert de statut. Les riverains y ont trouvé l’espace public qui leur manquait. Équipe-ment de proximité, espace vert, lieu de travail et de sociabilisation : le stade Philippe Marcombes est un lieu de mixité intergénérationnel où se manifeste le «vivre ensemble».

Dire d’un équipement municipal qu’il est un espace public peut paraître une lapalissade, cependant, il est important de se questionner : les équipements publics sont-ils tous des espaces de vie ? Les équipements sportifs sont-ils tous accessibles 7 jours sur 7, de 7h à 22h, y compris les jours fériés ? (Cette politique démontre bien par ailleurs que la municipalité a conscience des spécifi cités du lieu.) La restructuration de ce site doit être l’occasion pour la ville de Clermont-Ferrand de moderniser son image en se dotant d’un véritable parc urbain.

Ce vocable, souvent utilisé dans le cadre de réaménagement de friches industrielles, je l’oppose à la conception plus classique du parc jardin aux pelouses impeccable-ment tondues. Autant minéral que végétal, le parc urbain concilie différentes exigences de la vie citadine : respiration, jeux, sport, concert, spectacle, etc., tout ce qui peut favoriser le « vivre ensemble ». Hormis les concerts, le stade Philippe Marcombes remplit déjà tous ces rôles, mais de manière dilettante.

Ainsi, malgré ses vides et ses imperfections, l’esprit du site reste fi dèle au pro-jet d’origine. Et si dans l’esprit, le stade Philippe Marcombes correspond bien à ce qu’on pourrait attendre d’un parc municipal des sports, l’affi rmation de cette identité ne peut se passer d’inter-ventions architecturales fortes.

Sur ce schéma, l’emprise bâtie totale, y compris les gradins démolis en 2012, apparait en noir. En gris, apparaissent les terrains de sport, dont l’ac-cès est réglementé : tennis et skatepark, pelouse au centre du vélodrome. Autour, on trouve les vi-des. Espaces verts, stationnement, terrains en ac-cès libre, circulations, etc. Peu ou mal structurés, ils favorisent pourtant l’appropriation par le public et l’émergence de pratiques libres à l’image des « es-paces blancs » conçus par Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa, les architectes japonais de l’agence Sanaa.Illustration de l’auteur.

BÂTI

13 %8295 m²

TERRAINS CLOS

37 %24 778 m²

ESPACE LIBRES

50 %33702m²

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2. MÉMOIRE ET PROSPECTIVE

Quelle nouvelle machine architecturale pour succéder au vénérable no-nagénaire qu’est le stade Philippe Marcombes ?

L’heure n’est plus à déplorer l’état de décrépitude du stade Philippe Mar-combes. L’héritage construit est bien maigre, usé, et il est nécessaire de considérer le site de haut, dans sa globalité. Cependant, sa dimension spirituelle demeure et demande à être magnifi ée. Elle constitue le substrat essentiel qui donnera sa substance au nouveau stade.

À mes yeux, comme tout objet de patrimoine, le stade Philippe Marcombes constitue « une sorte de réserve d’énergies millénaires. Il ne compte donc que par une intima-tion, une séduction, une saveur que le sommeil lourd des choses au musée ne restitue pas à tout coup15. » Comment peut-on mieux canaliser cette énergie qu’en lui laissant une place, en lui per-mettant de circuler à son aise? Convoquer sa mémoire, c’est pour interroger le présent et scruter l’avenir. Se remémorer l’endroit d’où l’on vient pour déterminer celui où l’on veut se rendre. C’est une fonction cognitive, qui demande un engagement intellectuel, quand hériter reste un acte passif.

Au fur et à mesure qu’arrive le moment de conclure mon travail, au cours duquel je me suis interdit d’esquisser un projet qui aurait pu fi ger ma réfl exion, je n’ai qu’une cer-titude : le projet de rénovation doit s’organiser autour de la fi gure emblématique du vélodrome, même si aucun vélo ne doit plus jamais rouler dessus.

Le projet de restructuration doit concilier ses différents visages, ce qui n’est pas possible avec une juxtaposition de réponses standardisées. Plus qu’un équipement sportif, c’est un espace public, un lieu de vie permanent. À la manière iconoclaste d’un Adolf Loos, il faut se prémunir de la satisfaction facile des objets qui véhiculent la tendance. Là où le parc municipal des sports est littéralement sorti de terre, le futur stade s’élèvera sur ses ruines. Un ouvrage conve-nablement contextualisé peut permettre au quartier de se renouveler et à la ville de se doter d’un pôle d’attractivité singulier, généré par un contexte et une histoire. À l’heure où de nombreuses voix s’élèvent contre le développement d’une ville générique, assemblage de constructions dé-nuées d’âme et d’affect, il faut prendre garde à la tentation du neuf et du clinquant, qui fl atte le regard, mais qui, à long terme, dépoétise notre paysage urbain.

Faire preuve d’imagination ne signifi e pas forcément rechercher l’originalité et le tape-à-l’œil, mais requiert plutôt des aptitudes à l’empathie, une perméabilité sensorielle. Les brochures des fabricants de matériaux nous encouragent à laisser parler notre créativité. Comme dans un catalogue de prêt-à-porter, libre à nous de choisir notre style et de l’accessoiriser. Le pro-

15| Babelon Jean-Pierre et Chastel André, La notion de patrimoine, Editions Liana Levi, Mayenne, 2013.

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blème est que dans le cas des bâtiments, qui constituent, il est toujours utile de le rappeler, notre cadre de vie, il n’est pas possible de changer les vêtures trop rapidement passées de mode.

La question de la mémoire ne doit pas être considérée comme une option, mais doit apparaitre comme une réelle volonté du maître d’ouvrage, sous peine de se retrouver noyée au milieu de tous les aspects techniques du projet. Non pas que je doute de la compé-tence ou de la bonne volonté des architectes qui seront choisis. Mais concevoir un équipement qui fonctionne, qui soit à la fois, à la pointe techniquement, plastiquement satisfaisant, répondant à toutes les réglementations en vigueur en matière de sécurité, d’accessibilité et de performance thermique est une tâche déjà considérable.

Ce qui m’amène à penser que la rénovation du site devrait faire l’objet de plusieurs projets, faisant chacun l’objet d’un concours spécifi que. La superfi cie du site est bien sur un des éléments à prendre en compte. Le stade Philippe Marcombes est un îlot urbain, dans lequel pourraient tenir deux places de Jaude et qui possède cinq façades donnant sur l’espace public. Il est marqué par l’empreinte du passé et par de nombreuses lignes de fracture qui sé-quencent le site. L’évolution de son environnement, pendant un siècle, a profondément com-plexifi é les enjeux de son inscription dans le site. Une part de sa contemporanéité réside dans sa perméabilité qui ne demande qu’à exploser. Son réseau de circulations concentriques qui tan-gente les voies le long des cinq faces que comprend la parcelle est déjà prêt à recevoir sportifs et visiteurs. Le tissu urbain, qui s’est constitué autour du stade, doit aujourd’hui servir de matrice à sa transformation, dans une sorte de coévolution. Certes, Mme Dulac Rougerie a confi rmé qu’un des objectifs du projet est d’ouvrir le site en le débarrassant de son enceinte, mais à mon sens ce n’est pas suffi sant. Il faut aller vers un enrichissement des interactions entre le stade Philippe Mar-combes et le quartier alentour.

C’est le rapport d’échelle entre la place de Jau-de (en gris), place emblématique de Clermont-Ferrand, qui totalise 35000m² et l’enceinte penta-gonale du stade Philippe Marcombes (66 775 m²).

Illustration de l’auteur. Source : http://www.cadastre.gouv.fr

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3. JEUX, TU, IL.

Mettre le sport, en tant que loisir, au centre d’un projet urbain et architec-tural, voilà un concept novateur. Mais cela ne peut se faire sans une prise en compte de l’histoire du site. Celle-ci est constituée du souvenir des événements qui s’y sont déroulés, mais aussi du récit de sa construction. Le choix du site de Vallières, il y a de cela presque 100 ans, s’inscrivait dans une logique qui a encore aujourd’hui une pertinence. Faire écho à cette histoire au travers de la préservation d’éléments forts, comme le vélodrome, c’est la garantie de donner au projet de rénovation un ancrage solide, une plus-value sociale et anthropologique.

Comme le souligne Alain Charre : « Œuvrer dans un milieu existant et un acte essentiellement écologique, social et politique16 ».

La position que je défends ici ne doit pas être réduite à une position carica-turale de l’architecte qui défend bec et ongle les vieilles pierres ou en l’occurrence, le béton. Le questionnement sur le bien fondé des destructions dans le cas du stade est légitime. Est-il oppor-tun pour la ville de Clermont-Ferrand de nier les qualités de ce qui existe, au risque de se doter d’« un éléphant blanc17 », c’est-à-dire un équipement hors d’échelle?

Le projet, tout en apportant tous les agréments d’un équipement moderne, doit permettre de réactiver le souvenir d’une citadinité, où le sport joue un rôle de cohésion, en substituant le jeu à la compétition, la pratique collective au cheminement individuel vers la per-formance.

Une architecture frugale peut servir de grandes ambitions. Augmenter l’at-tractivité du site du Marcombes ne nécessite pas à mes yeux une débauche de moyen, mais un éventail d’opérations modestes visant à améliorer le confort des usagers et à élargir le panel des activités qui y sont proposées, tout en laissant de l’espace à l’« impensé ». Des pratiques s’y sont installées sans être encouragées et confi rmées. De légers aménagements peuvent permettre à ces usages d’accéder à une certaine légitimité, sans que les espaces deviennent trop spécialisés et donc inappropriés pour d’autres activités. De plus, certains manques présentent des aspects rédhibitoires pour l’accueil d’un public plus important : l’absence de bancs, d’espaces de repos abrités et de sanitaires notamment. Agir dans le sens d’une amélioration du confort devient ur-gent et cela s’accompagne par un cantonnement du fl ux automobile.

Dans cette logique, l’option de diviser la rénovation en plusieurs opérations,

16| CHARRE Alain, Hans-Walter Müller et l’Architecture de la disparition, Crossborders, archibooks, 2012

17| À ce propos, vous pouvez consulter le dossier «Grands stades en quête d’urbanité», la revue urbanisme, No 393, été 2014, et notamment l’article de Christopher Gaffney, Les stades du mondial seront des éléphants blancs, pp26 et 27.

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régies par un schéma directeur et un cahier des charges communs, m’apparait être une bonne manière de préserver l’essence du site, tout en l’enrichissant. Ainsi les activités prépondérantes sur le site (tennis, skateboard, direction de la jeunesse et sport, parc pour enfants) pourraient faire l’objet de projets séparés, s’insérant dans un parcours dont le vélodrome serait le centre. Cha-cune d’entre elles serait pensée comme une entité ayant sa propre entrée, afi n de tisser de nou-velles relations avec l’environnement immédiat. De petites espaces publics viendrait ainsi animer les 5 rues ceinturant le domaine. Des interactions de toutes sortes peuvent être mises en place au travers d’interventions simples et modestes. Décalages de mur, percements, peuvent amener les riverains à prendre possession des lieux. Cette organisation aurait aussi la vertu de disperser le stationnement en bordure du site au lieu d’avoir à le concentrer en un point donné.

Pour étayer cette hypothèse, je me dois de détailler brièvement ce que pourrait être ces différentes entités :

-le pôle tennis, qui est la section tennis du stade clermontois et accueille de ce fait des compétitions, il devra retrouver sa cohérence en rassemblant autour d’un édifi ce unique les différents cours de tennis. Son club house, doté d’une terrasse, accueille les licenciés jusqu’à 20h et constitue à lui tout seul un lieu d’animation qui peut être mis en valeur en lui attri-buant une entrée dédiée.

-Le skatepark doit être entièrement repensé. Dans l’hypothèse d’installa-tions en dur, pourquoi ne pas utiliser la topographie du site pour l’insertion de rampes et de half pipe en lieu et place des nombreux talus qui structurent le site? Des objets dont la forme fait écho aux courbes du vélodrome.

-Sans me prononcer sur la conservation du pavillon existant, les bureaux de la direction de la jeunesse et des sports pourraient rester localisés dans la même zone. Toutefois, un agréable parvis pourrait leur être donné, en rattachant les espaces plantés existants aux rues adjacentes.

-Il est tout souhaitable de faire du jardin d’enfants un lieu unique en le do-tant d’une structure originale conçue pour le lieu et d’y inclure des parcours dans les arbres.

-Quant aux éléments de patrimoine qui sont l’objet de mon propos, leur rôle est d’affi rmer l’identité du site. La conservation du vélodrome ne compromet pas l’usage de la piste de course à pied et permet d’envisager l’emploi de tribunes temporaires en cas d’organisa-tion de compétitions comme le prévoit le programme actuel. De plus, la réalisation du promenoir permettrait de proposer un point de vue original aux spectateurs, tout en libérant un espace de stockage abrité à l’usage des employés communaux, en dessous.

En ce qui concerne la tribune d’honneur, sa destruction permettrait un gain d’espace considérable au coeur du site, à moins que la structure métallique existante ne puisse être utilisée pour abriter de nouveaux usages.

Enfi n, puisqu’il nous faut considérer le stade dans son environnement, il me semble que la question des accès piétons est un enjeu important. La fréquentation du site doit être encouragée par tous les moyens possibles. L’aménagement d’une passerelle permettant de

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franchir la voie ferrée et intégrée dans un parcours paysagé permettrait de favoriser la fréquen-tation des étudiants de la cité universitaire Dolet (1200 lits) et des habitants du plateau Saint-Jac-ques, quartier populaire à forte densité de logements sociaux. Certes une passerelle de ce type existe déjà plus au sud (voir illustration page 12), mais elle est trop excentrée. La plupart des étu-diants empruntent donc l’itinéraire passant par la rue Charles Bruyant, qui n’est dotée que d’un seul trottoir et où deux personnes ne peuvent se croiser. Une passerelle judicieusement localisée permettrait de diviser la longueur du trajet par 2.

Voici présentées, de façon succincte, des orientations d’aménagement qui pourront je l’espère inspirer les concepteurs du futur stade Philippe Marcombes. L’objectif est de créer un espace social dynamique, conciliant héritage et modernité. Un équipement sportif performant, en adéquation avec les pratiques contemporaines, combiné avec un vaste espace vert, où perdurent ça et là, les témoignages d’une époque où l’art de construire était autre. Un espace qui privilégierait le caractère d’espace public déjà présent sur le site, cependant, grâce au pôle tennis et à la piste d’athlétisme, je ne doute pas que le site du Marcombes soit encore, dans le futur, le cadre de belles compétitions et d’exploits sportifs.

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CONCLUSION

L’histoire du stade Philippe Marcombes court sur trois générations, ce qui est relativement peu, dans une ville aussi ancienne que Clermont-Ferrand, où les sujets et les ob-jets patrimoniaux abondent. Pourtant, le souvenir de ses belles heures est moins vivace que ce que l’on pourrait supposer. Comme s’il était passé un peu à côté de l’histoire.

C’est que ce stade, avec son vélodrome si singulier, est un lieu hors du temps, qui fut conçu, au début du XXe siècle, comme le premier jalon d’un processus de conquête du territoire rural par la ville. Un processus interrompu trop tôt. Au cours des trente glorieuses, l’agglo-mération clermontoise s’étend vers le nord-est, sous l’infl uence de la fi rme Michelin. Dès lors, la ville a tourné le dos aux faubourgs du sud. L’avenue monumentale et le boulevard de ceinture sensés structurer leur développement ne seront jamais créés et le parc municipal des sports se retrouve au fond d’un cul-de-sac. Figé dans une attente de prés d’un siècle, il s’est trouvé une nouvelle raison d’être, en devenant un parc urbain à vocation sportive et ludique, loin des gros-ses machines que représentent le stade Marcel Michelin et le stade Leclanché, respectivement dédié au rugby et au football.

Mais le projet de restructuration dont il est aujourd’hui l’objet, ainsi que le maintien du projet de création de la LUSO18 sous quinze ans, peuvent nous laisser espérer que le stade Philippe Marcombes acquiert dans les années à venir la stature et le rayonnement qu’il n’a que trop brièvement connus durant son premier centenaire.

Cet ilot urbain, à la silhouette pentagonale si reconnaissable, ne sera pas livré aux spéculateurs immobiliers et restera au service des Clermontois. On peut s’en réjouir, on peut aussi ne pas s’en contenter. Avoir un vaste équipement sportif, confortable et performant, proche du centre-ville est une bonne chose, mais si celui-ci est dépositaire d’une mémoire, pou-vant devenir le support d’un projet social et culturel, ce site deviendra, à coup sûr, un pôle d’at-tractivité majeur.

Une ville qui ambitionne d’accéder au rang de capitale européenne de la culture se doit de se montrer imaginative en matière de mise en valeur de son patrimoine.

La ville de Clermont-Ferrand brandit bien haut les fl èches de sa cathédrale gothique et assume la noirceur de ses murs. Mais ces vieilles pierres sont une image d’Épinal qui occulte les véritables enjeux patrimoniaux actuels : Les sites de la gare routière et de l’Hôtel Dieu, lui aussi héritage de la municipalité Marcombes, demeurent depuis plus d’une décennie à l’état de statu quo. Le quartier de rabanesse s’est vu morcelé pour un projet de Quartier latin qui ne verra fi nalement pas le jour et enfi n, l’immense site de Cataroux, en l’absence d’un schéma

18| Liaison urbaine sud-ouest - voir page 25

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d’aménagement cohérent, va être divisé à l’emporte-pièce. Et je ne parle pas ici de parcelles noyées dans la ville, mais de sites qui sont à l’échelle de quartiers entiers. Des sites qui sont dénués du caractère pittoresque qu’il est aisé de vendre sur les brochures touristiques, mais qui appar-tiennent indéniablement à la mémoire vivante.

Cette schizophrénie patrimoniale, où s’opposent valorisation des richesses médiévales et mépris du patrimoine moderne, est-elle due à une position dogmatique des pou-voirs publics ou à un simple manque d’ambition ? Le caractère moins consensuel de cet héritage, ainsi qu’un phénomène d’autodépréciation, combiné à des injonctions à faire beau et neuf, empêchent parfois les décideurs à envisager les constructions du XXe siècle comme une vraie matière prospective. Pourtant les exemples de réappropriations urbaines réussies ne manquent pas, le plus renommé étant celui des quais à Bordeaux, où un projet urbain utilisant les friches industrielles comme substrat, a permis aux habitants de redécouvrir leur ville et par la même leur patrimoine, non pas en le muséifi ant, mais y ramenant la vie.

« Le vrai monumentum, ce n’est pas d’ériger des monuments, mais de faire en sorte qu’existe la trace et y compris la trace de la destruction. La mauvaise manière de résou-dre cette question concrète de la mémoire dans la ville consiste soit à tout détruire, soit à tout garder19. »

À mes yeux, la valorisation du patrimoine n’a pas pour but de fi ger la ville sous une forme idéalisée. Je l’envisage plutôt comme un processus de consolidation et de déve-loppement. Une ville nécessite plusieurs générations pour se constituer et devenir un écosystème effi cient. Détruire revient à repartir à zéro. Bien sûr, l’organisme-ville a besoin de se régénérer, de faire des purges. Il doit se créer de nouveaux organes quand de nouveaux besoins se présentent. Mais, par souci d’économie, il doit savoir recycler ce qui peut l’être. La sérendipité conduisant parfois à découvrir des usages insoupçonnés à des lieux existants de longue date. Voilà pourquoi la politique de la table rase peut meurtrir une ville.

Même si elle englobe des noyaux anciens dans son périmètre, l’agglomé-ration du grand Clermont est de constitution récente. Aujourd’hui encore, des quartiers entiers sortent de terre, pour lesquelles des décennies seront nécessaires afi n de se doter d’une mémoire, cette notion si volatile et pourtant si essentielle, par sa capacité à fi xer notre appartenance à un territoire. Dans ce contexte mouvant, où la nouveauté tient son rôle, la préservation de points d’accroche à nos souvenirs prend tout son sens. Car si elle est souvent réduite à la dimension d’évocation du passé, «la mémoire est un phénomène toujours actuel, un lieu vécu au présent éternel20», un espace où investir son affect, pour se construire et se projeter vers l’avenir.

19| Dollé Jean-Paul, Monument et mémoire vive, in le diable probablement, N°3, 3e trimestre 2007.20| Nora Pierre, sous la direction de, Les lieux de Mémoire - tome 1, Gallimard, collection Quarto 1994, Paris

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ANNEXES

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Figure 1: Extrait du registre des délibérations de la commission adminis-trative des hospices de Clermont-Ferrand - 26 décembre 1919Source: A.D, archives antérieures à 1940, non cotées (en cours de re-classement lors de ma première consultation, documents issus du pré-classement de la sous-série 2 O — tutelle de l’État sur l’administration communale)

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Figure 2: Plan parcellaire - 15 octobre 1923Source: A.D, archives antérieures à 1940, non cotées (en cours de reclassement lors de ma première consultation, documents issus du préclassement de la sous-série 2 O — tutelle de l’État sur l’administration communale)

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Figure 3: Extrait du registre des délibérations du conseil municipal — 18 mai 1926Source: A.D, archives antérieures à 1940, non cotées (en cours de reclassement lors de ma première consultation, documents issus du préclassement de la sous-série 2 O — tutelle de l’État sur l’administration communale)

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Figure 4: Extrait du registre des délibérations du conseil municipal, 24 février 2014, format pdf -disponible sur: http://www.clermont-ferrand.fr/docs/delib/CM21022014/21%2002%202014_ODJ12.pdf

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BIBLIOGRAPHIE

LIVRES :

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Charre Alain, Hans-Walter Müller et l’Architecture de la disparition, Crossborders, archibooks, 2012

Couderc Denis, Deschamps Marie, Camus Christophe, Clermont-Ferrand, le guide, Les éditions du dimanche, 2003

Ehrenberg Alain, Aimez-vous les stades ? Les origines des politiques sportives en France 1870-1930, in Recherches, No 43, Paris, 1980.

Merzeau Louise, Du monument au document, in La confusion des monuments, cahier de médiologie No 7, Gallimard, Paris 1998, pp47-57.

Nora Pierre, sous la direction de, Les lieux de Mémoire - tome 1, Gallimard, collection Quarto 1994, Paris

REVUES

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Chiffl et Pierre, Falcoz Marc, La construction publique des équipements sportifs, aspects historique, politique et spatial, in Les annales de la re-cherche urbaine, No 79, juin 1998

La revue urbanisme, No 393, été 2014

AUTRES PUBLICATIONS

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Syndicat mixte des transports en commun de l’agglomération clermontoise, Plan de déplacements urbains, 2011, 178 pages, format pdf - dispo-nible sur : http://www.smtc-clermont-agglo.fr/fi le/Telechargements/2011/PDU/document_general_pdu_71_148.pdf

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SOURCES AUDIO

Laurentin Emmanuel, La fabrique de l’histoire - Patrimoine 1/4, invité : Olivier Mongin, émission diffusée le 21 octobre 2013, sur France Culture - disponible sur : http://www.franceculture.fr/emission-la-fabrique-de-l-histoire-patrimoine-14-2013-10-21 - page consultée le 8 octobre 2014

Laurentin Emmanuel, La fabrique de l’histoire - Patrimoine 4/4, invitées : Marie Cornu, Nathalie Heinich et Arlette Auduc, émission diffusée le 24 octobre 2013, sur France Culture - disponible sur http://www.franceculture.fr/emission-la-fabrique-de-l-histoire-patrimoine-44-2013-10-24 - page consultée le 8 octobre 2014

ARCHIVES :

Archives départementales (AD) archives antérieures à 1940, non cotées (en cours de reclassement lors de ma première consultation, docu-ments issus du préclassement de la sous-série 2 O — tutelle de l’État sur l’administration communale)

Archives départementales (AD), côte 33 Fi 113.

Archives municipales (AM) : -1 M 1 85 : Parc des sports (stade Philippe Marcombes) 1920-1929 -1 M 1 85 : Parc des sports (stade Philippe Marcombes) 1921-1938 -1 M 1 85 : Parc des sports (stade Philippe Marcombes) 1920-1927 -1 M 1 85 : Parc des sports (stade Philippe Marcombes) 1922-1937 -1 M 1 85 : Parc des sports (stade Philippe Marcombes) 1921-1931 -1 M 1 85 : Parc des sports (stade Philippe Marcombes) 1924-1939

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06.64.13.83.76