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UNIVERSITE RENE DESCARTES U.F.R. BIOMEDICALE 2001-2002 DIPLOME D’UNIVERSITE ASPECTS PHYSIOLOGIQUES ET PSYCHO-SOCIAUX DU STRESS LE SYNDROME D’EPUISEMENT PROFESSIONNEL : ETUDE RETROSPECTIVE AUPRES DE NEUF MANAGERS & CADRES DIRIGEANTS : SYMPTOMES , FACTEURS, CONSEQUENCES . MEMOIRE PASCALE MARMARA

Memoire Stress 1

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Pascale MarmaraDU Aspects biologiques et psychosociaux du stressUniversité Paris Descartes L'épuisement professionnel chez les cadres

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UNIVERSITE RENE DESCARTESU.F.R. BIOMEDICALE

2001-2002

DIPLOME D’UNIVERSITE

ASPECTS PHYSIOLOGIQUES ET PSYCHO-SOCIAUX DU STRESS

LE SYNDROME D’EPUISEMENT PROFESSIONNEL  :ETUDE RETROSPECTIVE AUPRES DE NEUF MANAGERS &

CADRES DIRIGEANTS : SYMPTOMES , FACTEURS, CONSEQUENCES .

MEMOIRE

PASCALE MARMARA

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SOMMAIRE   :

INTRODUCTION

1° DU STRESS PROFESSIONNEL AU SYNDROME D’EPUISEMENT PROFESSIONNEL

1 .1)Maladies de type somatique Stress et statut immunitaire Stress et troubles musculo-squelettiques Stress et maladies cardio-vasculaires

1.2)Maladies de type psychologique Stress, anxiété et dépression Stress et épuisement professionnel Facteurs déclenchants

2° LE STRESS ET L’EPUISEMENT PROFESSIONNEL   : ECHELLE MONDIALE

Europe France Amérique du Nord Japon

3° APPLICATION DE L’APPROCHE TRANSACTIONNELLE DU STRESS PROFESSIONNEL A L’ETUDE DE L’EPUISEMENT PROFESSIONNEL

3.1)Approche physiologique3.2) Approche psychosociologique

4° METHODOLOGIE DE RECHERCHE

4.1) Participants4.2) Choix des instruments de recherche et questionnaires

Inventaire d’anxiété Etat/Trait STAI Maslach Burnout Inventory Questionnaire Bortner Etes vous un type A

5° PROCEDURE

5.1) Format des entretiens individuels Entretiens préalables Entretiens exploratoires

5.2) Etude pilote5.3) Cadre de synthèse des résultats

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6° RESULTATS

6.1) Anxiété Etat et Anxiété Trait

6.2)Typologie A/B

6.3)Syndrome d’épuisement professionnel

6.4)Entretiens exploratoires Participants 1,2,3,4,5,6,7,8, 9

7° ANALYSE

7.1) Correspondance entre échelles de personnalité et sous échelles d’épuisement professionnel

Correspondance entre anxiété et épuisement professionnel Correspondance entre profils type A et épuisement professionnel

7.2) Facteurs de déclenchement Evènements Changements de contexte

7.3) Facteurs communs sous jacents Non reconnaissance des efforts et de la contribution Surinvestissement professionnel Charge de travail et sentiment de débordement

7.4) Facteurs environnementaux, organisationnels, professionnels, sociaux et familiaux Facteurs technologiques, économiques et politiques Facteurs organisationnels : culture- harcèlement moral- rythmes de

travail Facteurs professionnels : carrières, charge de travail et contrôle,

récompenses Facteurs familiaux et domestiques

8° CONSEQUENCES, STRATEGIES INDIVIDUELLES ET RECONSTRUCTION   : L’APRES BURNOUT

Nature irréversible Conséquences et stratégies individuelles : résistance, déni, résilience, accablement,

reconstruction . Thérapies et interventions au niveau de l’entreprise

CONCLUSION

DU STRESS AU TRAVAIL A L’EPUISEMENT PROFESSIONNEL

INTRODUCTION

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Définition du stress : Le contexte général

Dans sa définition classique, empruntée à Selye (Syndrome général d’adaptation), le stress se présente comme réponse non spécifique de l’organisme à l’agent stresseur, une interaction entre les agents stresseurs ou stimulus et la réponse de l’organisme à ces agents, selon les trois phases d’alarme, de résistance et d’épuisement.

Louis Crocq(2002) caractérise cette réaction de stress comme une réaction individuelle d’alarme, de mobilisation et de défense face à une situation imprévue, une menace particulière ou une agression extérieure. S’appliquant à une très grande variété de situations (urgences, crise, accidents, catastrophes, attentats, guerres…), et s’adressant à l’ensemble des individus, cette approche explique et décrit l’utilité des mécanismes biologiques , cognitifs et physiologiques permettant à l’individu de reconnaître le danger, de s’adapter, se protéger et se mobiliser face à cette menace extérieure, et enfin d’appeler l’ensemble de ses ressources physiques et psychologiques pour élaborer et appliquer une stratégie de défense.Cette réaction fait place dans un délai assez court, à une sensation d’immense fatigue, mêlée de soulagement dont la fonction principale est la décompensation.

Les variations individuelles dans le cas de stress aigu :Il existe cependant de grandes variations dans les réactions immédiates individuelles d’adaptation, liées au degré de vulnérabilité des sujets, et au degré d’exception et de violence des évènements déclenchants : On parle par exemple de stress dépassé lorsque l’individu n’est pas apte à se défendre contre une menace, mais bien au contraire s’expose davantage à celle-ci en restant « sidéré », ou extrêmement « agité », voire encore en prenant la fuite de façon éperdue.De grandes variations individuelles s’expriment également au cours de la phase dite « post-immédiate » dont la durée varie de quelques heures à quelques jours après la situation de menace : Après un temps de latence parfois très long, peut s’installer, chez certains sujets, un syndrome psycho traumatique associant à des manifestations diverses de reviviscence, des troubles graves d’altération de la personnalité(évitement, émoussement de la réactivité et de la motivation, blocage de la fonction d’amour et de la relation à autrui)ainsi que des manifestations de type psychosomatique, d’asthénie, d’anxiété . On entre alors dans le tableau clinique du trauma psychique durable, parfois chronique, qui nécessite un travail psychothérapeutique .

Le stress professionnel

Les manifestations de stress professionnel , dont le caractère est bien moins aigu que lors des situations précédemment décrites, peuvent elles aussi avoir des conséquences très gênantes sur la santé et l’équilibre de l’individu ,de par leur caractère souvent répétitif notamment.Il est généralement admis, comme le démontrent les différents travaux de recherche sur le thème du stress au travail effectués au cours des trois dernières décennies, que l’expérience de stress au travail produit des effets indésirables sur la sécurité et la santé des employés (et par là même, sur la performance des organisations).

La réaction de stress professionnel enclenche des processus physiologiques complexes voisins de ceux qui sont observés et répertoriés dans le cadre d’évènements inhabituels et imprévus.

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Les recherches contemporaines font état de variations individuelles dans l’expérience du stress, et dans la propension et l’aptitude à développer des stratégies pour résister au stress : le coping . Un modèle explicatif, proposé par Lazarus, et largement repris dans les différents travaux de recherche revus dans cette étude, nous éclaire sur les processus cognitifs entrant en jeu dans la médiation du stress professionnel . Une approche transactionnelle nous permet de concevoir le stress professionnel à travers la transaction existant entre l’individu, sa perception de ses propres ressources, et la perception de la menace présentée par l’environnement .

Lorsque le vécu du stress professionnel se situe dans un contexte particulièrement éprouvant sur le plan émotionnel, il peut résulter en une dégradation progressive de la motivation de l’individu pour son travail, ou au contraire, en un surinvestissement, s’accompagnant d’un sentiment de vide émotionnel intérieur, de réactions sociales négatives, voire cyniques, et de sentiments d’incompétence et de non performance professionnelles, on parle d’épuisement professionnel ou de « burnout ».Ce mémoire s’étend largement sur les trois dimensions de ce syndrome telles qu’elles sont proposées par Maslach (Maslach et Jackson, 1981) : épuisement émotionnel, dépersonnalisation, et manque d’accomplissement personnel.

De nombreuses recherches se sont penchées sur l’épuisement professionnel fréquemment rencontré dans les professions médicales et sociales, notamment chez le personnel soignant.On parle notamment de l’occurrence du stress destructeur chez le personnel sauveteur.Néanmoins, on assiste aujourd’hui à une extension très large de ce phénomène à d’autres types de population : Professionnels du service, de la fonction publique, de l’éducation, employés et cadres moyens, managers et enfin dirigeants. Il est essentiel de mieux comprendre et analyser les causes de cette évolution radicale des comportements au sein de l’entreprise : Quelle part donner aux facteurs personnels, aux facteurs situationnels, aux styles de management, dans l’analyse des causes épidémiologiques du syndrome de l’épuisement professionnel ?

Mes activités de conseil en ressources humaines auprès de sociétés internationales m’ont amenée à rencontrer 9 professionnels, managers et cadres dirigeants, ayant dans leur passé récent vécu, reconnu ,(et pour certains dépassé) une forme d’épuisement professionnel parfois invalidante.L’administration de deux questionnaires de personnalité et d’un questionnaire d’épuisement professionnel m’a permis d’examiner la variété et la complexité des facteurs déclenchants , de reconnaître la présence des trois dimensions d’épuisement émotionnel, de déshumanisation et de manque d’accomplissement professionnel propres à ce syndrome, et de mieux cerner la nature transactionnelle de la relation existant entre les divers facteurs en jeu (personnels, professionnels, organisationnels, ,économiques, politiques, familiaux…) .

S’ensuit un travail de réflexion et de recherche sur la nature des causes épidémiologiques du syndrome, à travers l’examen des facteurs invoqués par les participants, leur cumul, et la repertorisation des conditions éprouvantes nouvellement rencontrées par les managers . Cette étude se termine par l’analyse des divers modes réactionnels et des stratégies des participants, plus de 18 mois après les premières manifestations du syndrome.

1° DU STRESS PROFESSIONNEL AU SYNDROME D’EPUISEMENT PROFESSIONNEL

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L’étiologie de l’épuisement professionnel se situe à la frontière des domaines psychologique, professionnel, médical et social .Il importe donc de clarifier la relation existant entre l’expérience du stress professionnel et la santé de l’individu : Au cours des 20 dernières années, de nombreux travaux de recherche ont permis de confirmer la relation existant entre le stress et ses conséquences indésirables sur le plan de la santé  , et bien que le stress n’ait pas toujours de séquelles pathologiques sur l’individu, et qu’il agisse souvent dans le cadre des limites homéostatiques de son corps, ces études et observations concourent dans l’ensemble à la conclusion que l’expérience du stress peut affecter la pathogenèse de la personne :On a coutume de distinguer deux grandes familles de troubles de la santé liés au stress ; Il s’avère souvent qu’un individu affecté par le stress soit touché sur plusieurs tableaux cliniques :

Les maladies de type somatique Les maladies de type psychologiques

1.1) MALADIES DE TYPE SOMATIQUE

Stress et statut immunitaire   :

Plusieurs études font état de la relation existant entre l’expérience d’un stress psychologique intense et la fonction immunologique de l’individu ( Bartrop 1975) .En 1993, Glaser démontrait notamment le rôle des corticoïdes et des catécholamines, deux hormones clé dans la physiologie du stress, dans la suppression de la réponse immunitaire cellulaire anti-virale induite par un stress intense.

Les recherches de Cohen & al (1998) aux Etats-Unis démontrent que des événements répétés, provoquant un stress chronique durable (en particulier les conflits relationnels et le stress professionnel) augmentent le risque d’infections virales respiratoires.

Stress et troubles musculo-squelettiques (TMS)

On assiste depuis une vingtaine d’années, à une progression importante de ces troubles, pouvant revêtir diverses formes : Douleurs osseuses, souvent dorsales ou lombaires, articulaires, inflammatoires, musculaires . On estime en France à 70% la part de ces maladies dans les maladies dites professionnelles (Légeron, 2001).Curieusement, ces troubles ne touchent pas seulement les travailleurs dont les taches impliquent un effort physique important, mais, en majorité des travailleurs à faible statut social et à bas niveau de qualification , employés dans des taches souvent monotones, à caractère industriel . A noter que les femmes sont particulièrement touchées.

Stress et maladies cardio-vasculaires

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Lorsque le vécu du stress engendre des émotions liées à la colère, l’hostilité, l’énervement ( Comportements dits de type A)(Friedman et Rosenmann, 1975), le risque de développer une maladie cardiaque s’accroît : C’est ce que confirme l’étude prospective réalisée par Williams & Al (2000) auprès d’une population comprenant treize mille sujets : Ce risque peut être multiplié par 2,7 chez des sujets très coléreux , par rapport à une population de sujets dits peu coléreux.Plus récemment, une étude prospective entreprise en 1973 par Mika Kiwimaki (2002) auprès de 812 employés d’une même usine finlandaise révèle que le nombre de décès à la suite de maladies cardio-vasculaires (représentant 10% de cet effectif), compte une majorité d’employés confrontés à un important « différentiel effort-récompense », et à une forte « frustration professionnelle ».L’étude conclut que le stress professionnel double les risques de décès liés à une maladie cardiovasculaire.

1.2) MALADIES DE TYPE PSYCHOLOGIQUE

Stress,anxiété, et dépression   :

On parle d’anxiété lorsqu’une personne manifeste un comportement d’alarme, d’inquiétude, de tension intérieure, de vigilance exagérée, parfois accompagné de manifestations de type phobique. Sur le plan physiologique, on constate souvent une sollicitation du système neurovégétatif , pouvant entraîner troubles respiratoires, cardio-vasculaires, tensions musculaires, etc.Ce trouble ne devient pathologique que dés le moment où il constitue un réel problème d’adaptation, gênant l’individu dans sa vie quotidienne, avec des modifications parfois invalidantes de son comportement (graves difficultés de concentration, troubles paniques,troubles de la conduite , addictions, phobies, …)

Il est de plus en plus reconnu qu’anxiété et dépression se situent sur un même continuum, la dépression succédant souvent à des troubles anxieux graves et non pris en charge.Selon l’Organisation Mondiale de la Santé , les troubles dépressifs seront en 2005 les maladies touchant le plus de victimes dans le monde (Légeron, 2001).La dépression se rencontre de plus en plus fréquemment dans le monde du travail ( elle est maintenant reconnue comme maladie professionnelle), et s’accompagne par une sorte d’émoussement de la réactivité, avec perte notable d’intérêt pour les activités professionnelles, une forme de détachement et de moindre activité intellectuelle, sociale et physique . On observe souvent des troubles du sommeil, parfois très handicapants, et souvent accentués par un décalage entre la tension psychique accumulée et le manque de décompensation physique.

Stress et épuisement professionnel

Le terme épuisement professionnel est l’une des traductions du concept de burnout, à laquelle on peut préférer le terme de « Brûlure interne », telle que la décrit Freudenberger : (Freudenberger, 1987) .

« En tant que psychanalyste et praticien, je me suis rendu compte que les gens sont parfois victimes d'incendie, tout comme les immeubles.  Sous la tension produite par la vie dans notre monde complexe, leurs ressources

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internes en viennent à se consommer comme sous l'action des flammes, ne laissant qu'un vide immense l'intérieur, même si l'enveloppe externe semble plus ou moins intacte »

Freudenberger a été, dés les années soixante dix, le premier à s’intéresser à ce syndrome, manifeste chez le personnel d’aide rencontré dans le cadre de ses activités auprès de toxicomanes .

L’épuisement professionnel est une complication grave du stress professionnel (Légeron, 2001) et son tableau clinique englobe bien souvent les pathologies de type psychologique précédemment décrites :

L’épuisement se manifeste souvent au départ par des symptômes diffus, parfois vagues : On note un épuisement physique, mélé d’une émotivité excessive, de comportements à caractère anxieux ou dépressif. La personne ressent une impression de vide qu’elle juge soudain, mais qui résulte souvent de l’accumulation du vécu de situations stressantes .C’est la congruence des trois éléments suivants qui caractérise l’épuisement professionnel  :

1° Epuisement émotionnel et physique :Au plan physique, la perte d’énergie est très notable, et la personne parvient difficilement à accomplir son travail habituel, délaissant également parfois ses activités physiques et sociales.Le manque de concentration aggrave cette détérioration de sa performance.Le sommeil n’est plus réparateur.Souvent associées à cette fatigue extrême, se trouvent des pathologies de type somatique, telles que maux d’estomac, céphalées, infections diverses…Les réserves émotionnelles sont également épuisées, et font place à un sentiment de vide,accompagné de susceptibilité accrue, de symptômes dépressifs, souvent de crises d’angoisse.Les sentiments de frustration et d’impatience face à l’épuisement renforcent l’irritabilité.A la présence d’émotions négatives , s’ajoute l’absence d’émotions positives (Maslach & Leiter, 1997)

2° Dépersonnalisation / Déshumanisation de la relationC’est vraiment le noyau dur du syndrome :Le détachement des autres est frappant ; on observe un comportement asocial, avec des manifestations hostiles pour l’entourage,(pouvant parfois, chez les soignants, aller jusqu’à la maltraitance). La personne se replie dans une attitude et des propos cyniques, et fait blocage au changement, raidie dans une attitude négative .On assiste à des réactions agressives, voire punitives.Parfois, ce syndrome conduit à des attitudes de conduite de risque, ou a un activisme immodéré.

3° Manque d’accomplissement personnel

La personne est désorientée, elle a l’impression d’avoir des compétences limitées tandis queses troubles de concentration affectent sa mémoire et son jugement, renforçant son sentiment d’aliénation. Souvent envahie par des sentiments de culpabilité, elle peut, au départ s’investir encore plus lourdement dans son travail .

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Consciente de ne plus faire face à ses responsabilités, et à ses exigences professionnelles, l’individu se démotive et finit par se réfugier dans une forme de fatalisme , de pessimisme qui contribue encore à l’effondrement de son estime personnelle.

Selon Freudenberger (1987),"La vie ressemble à une balançoire à la seule différence que nos dépressions deviennent plus sévères à chaque descente et que nous devons payer un prix plus élevé pour nos expériences à chaque remontée".

FACTEURS DECLENCHANTS / PROFESSIONS TOUCHEES

Ceux-ci peuvent être personnels ou situationnels : Ils feront l’objet d’une analyse approfondie en section  .

La personne est souvent frappée d’épuisement professionnel alors qu’elle a lutté pour préserver quelque chose qu’elle juge important. Le surinvestissement professionnel semble etre le parametre le plus souvent invoqué, à la fois dans les cas extremes, de suicides, et dans l’histoire personelle des individus victimes d’un épuisement professionnel. Parfois, les facteurs dits déclenchants ont un caractère exceptionnel , causant soit un stress aigu, d’intensité immédiate, soit un stress cumulatif, à caractère chronique, répétitif :

Les professions traditionnellement les plus touchées sont les suivantes :- personnel de l’aide d’urgence : sauveteurs, pompiers, personnel soignant, personnel

des organisations non gouvernementales humanitaires, personnel militaire, personnel des organisations internationales gouvernementales ou supra gouvernementales…

- personnel soignant : infirmièr(e)s (notamment en réanimation), puéricultrices, - travailleurs sociaux- personnel de l’éducation

Le concept de stress destructeur a été développé pour qualifier la nature spécifique du stress cumulatif rencontré par les sauveteurs. On remarque parfois chez les sauveteurs, après une période de latence, succédant à une première période d’enthousiasme et d’engagement, voire de surinvestissement, une modification importante du comportement, notamment vis-à-vis des victimes et des impliqués : La motivation et l’intérêt sont émoussés, et font place à la frustration, à l’hostilité parfois ouverte envers les victimes . On explique souvent ce phénomène par un décalage entre les attentes parfois idéalistes, utopistes des nouvelles recrues et leur vécu sur le terrain, dans des conditions extrêmement pénibles, où, au-delà du spectacle de la souffrance humaine, se posent parfois des problèmes complexes d’organisation du travail et des secours. Un deuxième décalage tient à l’absence de gratifications, à un manque de compréhension ou de reconnaissance publique, alimentée par une information souvent superficielle de la part des médias.

2° LE STRESS ET L’EPUISEMENT PROFESSIONNEL   : ECHELLE MONDIALE DU PROBLEME

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Globalement, d’après le rapport publié en 2000 par le Bureau International du Travail, dans la revue « Mental health in the work place », il est estimé que dans le monde,  « un travailleur sur 10 souffre de stress, d’anxiété, de surmenage, risquant de ce fait l’hospitalisation ou le chômage »

En Europe :

Le rapport sur le stress professionnel commissionné par l’Agence Européenne pour la Sécurité et la Santé au Travail ( European Agency for Safety and Health at Work) (Cox, 2000), se réfère à une étude menée en 1996 auprès d’un échantillon de salariés des pays membres de l’Union Européenne . Celle ci révèle que 57% des travailleurs interrogés considèrent que leur santé est affectée par leur travail : Les problèmes les plus fréquemment cités sont les troubles musculo-squelettiques (30% des plaintes) et le stress (28%). Un pourcentage de 23% des personnes consultées affirme que ces troubles ont motivé leur absence au travail au cours des 12 mois précédents. La moyenne annuelle des jours d’absence de cet échantillon était de 4 jours par an, équivalant à un total de 600 millions de jours de travail perdus annuellement au sein de l’Union Européenne.

Une étude récente (2000) menée par la Fondation Européenne pour l’Amélioration des Conditions de Vie et de Travail indique que 28% des travailleurs européens, soit 44 millions de personnes se plaignent de souffrir du stress, tandis que 23% de ceux-ci, soit 36 millions s’estiment touchés par une forme de fatigue générale. Le mal de dos est invoqué par 52 millions d’individus.

En France :

En France, de nombreux indicateurs nous alertent sur la gravité du phénomène :Les accidents du travail ont augmenté de 15% depuis 1996 , chiffres divulgués par le Ministère de l’Emploi (Askenasy , 2001 )La pathologie de la dépression est , depuis 1993, reconnue en tant que maladie professionnelle par les tribunaux et le Comité Régional de reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP) .

L’épuisement professionnel   :

Le nombre de suicides liés au stress professionnel est en augmentation depuis 10 ans :En 2001, le CRRMP a reconnu la nature « directe et essentielle » du lien entre le suicide du directeur adjoint d’EDF Franche-Comté Sud et les exigences de son travail.De plus, en 1999 et en 2000, deux décisions de justice, rendues respectivement par le tribunal de grande instance de Bobigny et la chambre sociale de la cour d’appel de Riom ont retenu la responsabilité de l’employeur dans les cas des suicides d’un agent commercial et d’un salarié.

En Amérique du Nord   :

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Aux Etats-Unis, le stress professionnel semble toucher une population de plus en plus vaste, à un coût de plus en plus élevé : Depuis 1985, l’Institut National pour la sécurité et la santé professionnelles (National Institute for Occupation Safety and Health /NIOSH) et l’Association Américaine de Psychologie (American Psychological Association / APA) travaillent conjointement pour promouvoir la recherche et la formation sur le thème du stress professionnel.Leurs estimations les plus récentes quant à la proportion de travailleurs américains dont la santé est affectée par le stress professionnel font état d’un pourcentage allant de un tiers à un quart de la population active, avec une augmentation des dépenses liées à la santé allant de 50% à 200% pour les travailleurs se plaignant à la fois de stress intense et de symptômes dépressifs.

Au Japon

La proportion de travailleurs faisant état de troubles de l’anxiété et de stress professionnel a augmenté de 53% en 1982-un chiffre déjà très élevé- à 63% en 1997 ( Kawakami, 1999) .La société japonaise se caractérise, on le sait, par une forme de sacralisation du travail , et par des horaires très lourds en comparaison avec les pays occidentaux : Alors qu’en 2000, un américain travaillait en moyenne 1949 heures par an, qu’un allemand y consacrait 1642 heures, le nombre moyen de jours de travail d’un Japonais se situait entre 2168 et 2600. ( Boye Lafayette De Meute (2001) .

Le Karoshi ou la mort par surmenage   :

Ce sont souvent ces horaires excessifs de travail qui sont invoqués dans le contexte du karoshi :Le Conseil national de défense des victimes du karoshi, créé récemment, estime que 10 000 salariés meurent chaque année de surmenage professionnel au Japon. Il est évidemment problématique d’attribuer une cause commune, de nature organisationnelle ou sociale ( horaires excessifs dans une culture de loyauté et de perfectionnisme : les Samouraïs du Travail) à l’ensemble de ces suicides. Néanmoins, en constatant une « aplasie surrénalienne » chez ces victimes(Légeron, 2001), correspondant bien à une stimulation excessive des glandes surrénales produisant les hormones de stress, on a pu invoquer le stress comme élément central dans l’état dépressif des victimes.Des cas de Karoshi toujours plus nombreux sont reportés aujourd’hui également en Corée du Nord.

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3°APPLICATION DE L’APPROCHE TRANSACTIONNELLE DU STRESS PROFESSIONNEL A L’ETUDE DE L’EPUISEMENT PROFESSIONNEL

Le concept d’épuisement professionnel est un concept récent, et encore peu développé. La relation implicite entre stress et épuisement professionnel conduit à rechercher , pour l’étude de celui-ci, une approche propre à l’étude du stress professionnel et apte à rendre compte de l’étiologie particulière de l’épuisement professionnel. C’est l’objet de l’analyse ci-dessous :

Deux traditions de recherche sur le stress co-existent aujourd’hui :

3.1) L’approche physiologique considère le stress soit comme une variable de l’environnement, le stimulus , soit comme la réponse de l’organisme à l’agression (Selye, 1975) , le syndrome général d’adaptation, une réponse non spécifique articulée autour des trois phases d’alarme, de resistance et d’épuisement.Cette approche ne rend pas suffisamment compte des variations individuelles dans la nature, l’intensité et la durée de la réaction au stress : En effet une grande variété de situations produit à son tour une multiplicité de réactions de stress, comme le démontre la grande variabilité des conséquences de la réaction de stress sur le plan de la santé.Ce modèle ne permet donc pas d’expliquer la plus grande vulnérabilité à l’expérience de stress chez certains individus.

3.2) L’approche psychosociologique préfère concevoir le stress comme une variable relationnelle entre l’individu et la situation :Sans remettre en question la validité de la dimension physiologique du stress, et de ses répercussions immédiates sur la performance, cette approche s’intéresse à la relation existant entre l’individu, sa perception de la nature menaçante de la situation, de ses ressources individuelles et sociales, et enfin de sa capacité à y faire face .Baum, Singer et Baum(1982) proposent la définition suivante du stress : « Le stress est le résultat de l’appréhension individuelle de la situation et de la réaction envers cet environnement qui lui fait suite » .

Plusieurs modeles issus de l’approche psychosociologique sont adaptés à l’étude de l’épuisement professionnel :

Le modèle proposé par Lazarus(1976) rend bien compte des différentes étapes lors de l’évaluation individuelle de la menace :Une évaluation primaire permet d’apprécier le danger et les exigences représentés par l’agent stresseur, au vu de l’enjeu ,. Cette évaluation va déterminer la nature et l’intensité de la réaction émotionnelle : Colère, peur,…Une évaluation secondaire projette la personne dans l’analyse de ses propres ressources personnelles, passant en revue les différents scénarios d’action propres à améliorer sa compréhension de la situation, ou à y remédier : De nombreux facteurs viennent influencer cette double évaluation, tels que le degré de croyance en la capacité générale de l’ individu à se défendre (fatalisme) , l’endurance générale, et l’anxiété trait , relative à la tendance de la personne à analyser les situations sous un jour menaçant. Sont également passées en revue les ressources sociales, d’entraide de l’individu.

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C’est cette double évaluation qui oriente ses stratégies de coping, concept qui regroupe la capacité de la personne à s’ajuster, à faire face, voire à contrôler la situation aversive.Une liste des moyens de coping élaborée par Lazarus et Folkman ( Lazarus et Folkman,1984) distingue à travers 8 sous échelles regroupant 67 items 2 types d’attitudes :

- les stratégies de coping centrées sur le problème, la recherche de son analyse et de sa résolution, l’engagement ou la lutte pour le confronter.

- Les stratégies de coping centrées sur le contrôle de l’émotion, la relativisation, la réévaluation positive, la maîtrise de ses émotions, voire l’évitement ou la fuite.

Une dimension utile, celle de contrôle personnel a été développée par Shirley Fisher (1984), qui insiste sur l’importance de l’intention , le but que s’est assigné la personne : Il peut s’agir de pallier les effets du stress dans le cas d’une situation particulièrement stressante, par exemple, ou d’engager des ressources importantes dans le cas d’une situation particulièrement significative , aux yeux de la personne, et susceptible de dépasser son niveau de compétences . Lorsque sa perception du degré de contrôle exercé sur la situation est négative, ce manque de contrôle entraîne, chez la personne, une modification de l’équilibre homéostatique, propre à l’expérience de stress.

Friedmann et Rosenmann(dans Cook & al, 1981) proposent une typologie particulière de la réaction au stress : Un premier type, le sujet de type A (TABP ou Type A Behaviour Pattern) rassemble les personnes de type particulièrement compétitif, faisant preuve d’impatience et d’agressivité, faisant fi de l’opposition et des intérêts d’autres individus, et particulièrement engagés dans la poursuite d’objectifs ambitieux, pouvant entraîner à la fois des émotions de jubilation ou de frustration intense. Ces personnes , de part la forte sollicitation de l’adrénaline qu’implique leurs comportements, sont particulièrement sujet à des pathologies de type cardio-vasculaire : En effet, leur stratégie adaptative , plus axée sur le contrôle de l’environnement sollicite davantage leur système hypothalamo-sympathico-adrénergique (Légeron, 2001), activant la libération de catécholamines.Le deuxième type, ou type B , à l’inverse du type A regroupe des individus en recherche d’équilibre et de sérénité, souvent non compétitifs , orientés vers le concensus et vers l’écoute des autres.Enfin, la description du type C se rapproche de celle de l’anxiété trait.A l’inverse du type A, la production excessive de glucocorticoides par le système hypothalamo-hypophyso-cortico-surrénalien(Légeron,2001), engendrée par la répétition et la durée d’évènement stressants a tendance à produire, chez ces personnes, un affaiblissement du système immunitaire, et une plus grande propension à développer des ulcères.

Dans ces trois approches, la dimension cognitive, comportementale et psychologique de la médiation est capitale :L’histoire personnelle de l’individu, son vécu préalable de situations comparables, sa vulnérabilité, vont véritablement conditionner l’apparition d’émotions qui participent à leur tour à sa perception du contrôle qu’il est à même d’exercer sur la situation.

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De même, son système de croyances et de valeurs va influencer son degré d’adaptabilité à la dite situation . De plus, sa perception du soutien social à sa portée, et sa propension culturelle et personnelle à rechercher ce support seront autant de facteurs médiateurs supplémentaires. Enfin, cette médiation implique des facteurs de traits de personnalité (l’anxiété- trait) , ou de styles personnels de réaction ( Comportements de type A, B, C ) .

L’approche psychosociale du stress s’applique donc naturellement à l’étude de l’épuisement professionnel car elle permet de prendre en compte la variété et la complexité des comportements humains tout en incorporant la dimension physiologique du stress :

Les recherches de Friedmann et Rosenmann démontrent notamment la validité des observations de Selye(1965) selon lesquelles l’engagement des ressources de l’individu pour lutter contre l’agent stresseur peut être plus dommageable pour l’organisme que ce meme stimulus .L’interrelation existant entre les réponses physiologiques, comportementales et cognitives de stress(Légeron ,1993) est complexe  :Les premières, en sollicitant le système nerveux autonome, et en amenant des changements neuroendoctriniens agissent à la fois : - sur les réponses comportementales, orientant la personne vers des modes d’évitement, de fuite panique, de repli, ou vers des comportements d’agréssivité - sur les réponses cognitives pouvant entrainer des altérations mnésiques, des modifications de la concentration et de l’interprétation, ces deux derniers types de réponses provoquant à leur tour des répercussions de type physiologique, cardio-vasculaire, respiratoire, musculaire, cutané, digestif, sanguin…

4°METHODOLOGIE DE RECHERCHE

4.1) LES PARTICIPANTS

Un vécu de l’épuisement professionnelLes 9 participants retenus ont en commun le vécu préalable d’un épuisement professionnel au cours des deux années précédant leur participation à cette étude.Leur identification a été facilitée par leur appartenance à divers réseaux ou associations :

- Deux réseaux d’ « anciens » employés managers de deux entreprises internationales.- Une association d’aide à la recherche d’emploi de cadres .

Bien que d’horizons parfois différents, ils ont tous en effet reconnu et accepté ce « diagnostic » et ont été désireux de revenir sur la description de leur comportement, de leurs émotions, se montrant particulièrement enclins à exprimer leur analyse des facteurs ayant concouru à provoquer cet épuisement professionnel.Un premier entretien laisse entrevoir une contribution importante de leur part dans l’exploration des causes épidémiologiques du syndrome.

Qualification de cette population Il s’agit de participants de sexe masculin, agés de 34 à 51 ans . Leurs nationalités sont réparties ainsi :

4 Français – 1 Britannique – 1 Grec – 2 Canadiens – 1 Suisse .

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(Tous les participants maîtrisant parfaitement l’anglais, les questionnaires seront administrés dans cette langue, par facilité.)

Tous ont exercé ou exercent encore des fonctions de management dans une entreprise :Direction de centre de profit zone géographique – Direction Services Informatiques – Direction financière – Direction technique – Direction de projets – Direction commerciale – Direction Recherche et Développement.. Tous sont mariés et pères de famille. Huit d’entre eux ont eu au moins une expérience d’expatriation au cours de leur

carrière professionnelle .

4.2) CHOIX DES INSTRUMENTS DE RECHERCHE / QUESTIONNAIRES

Le modèle transactionnel dérivé de l’approche psychologique du stress définit le stress comme un état psychologique qui est à la fois l’agent et le reflet d’un processus d’interaction entre l’individu et son environnement professionnel .Comme les perceptions de la personne sont centrales dans ce modèle, il est naturel de mesurer l’état de stress par le biais d’auto questionnaires, mesurant les processus d’évaluation de l’individu, et son expérience émotionnelle du stress.

Bien que l’on puisse établir leur fidélité par des méthodes de type test-retest, la validité de ces instruments ne peut pas être déterminée, ce qui pose un problème méthodologique .

Ce problème est compliqué par l’existence du facteur dit « affectivité négative » , défini comme « un trait général de personnalité, qui reflète les différences individuelles en terme d’émotivité négative et d’auto concept, i.e. une concentration sur les aspects négatifs des choses, et un ressenti de sentiments d’angoisse dans une grande vari été de situations » (Watson & Clarke, 1984).De par les différents niveaux d’évaluation (intensité du stress ressenti, réactions physiologiques et émotionnelles de l’individu , ressources personnelles, environnement…), ce facteur risque en effet de constituer une variable additionnelle provoquant des distorsions.

Dans une perspective de triangulation, il est donc nécessaire de multiplier les modes d’évaluation, en combinant auto-questionnaires, portant à la fois sur le vécu du stress et sur une ou plusieurs dimensions de la personnalité( Anxiété, Personnalité de type A) suivis d’entretiens individuels de débriefing afin d’identifier avec les participants les facteurs susceptibles d’avoir concouru à leur expérience d’épuisement professionnel, d’examiner leur signification particulière dans l’histoire de l’individu , et l’ensemble des conséquences (stratégies de carrière, changements familiaux etc…)

Un deuxième problème méthodologique apparaît : Les questionnaires de stress ne sont généralement pas construits en vue d’une interprétation rétrospective. Or les participants disponibles retenus sont davantage dans une situation de « reconstruction » personnelle qu’au cœur d’une expérience d’épuisement professionnel. Deux solutions se présentent :

- Faire le design d’un questionnaire rétrospectif spécifique.

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- Utiliser un ou plusieurs questionnaires existants reconnus pour leur degré de validité et de fidélité, et s’assurer que les participants soient à la fois satisfaits et capables de se replacer, par la pensée et la mémoire au cœur de leur vécu récent d’épuisement professionnel.

Après une réflexion sur les avantages comparés de ces deux approches, c’est la deuxième qui est envisagée, sous réserve d’effectuer un essai pilote auprès de l’un des participants afin d’identifier les obstacles potentiels au bon déroulement de l’étude.

L’administration de questionnaires portant sur des traits de personnalité n’est pas problématique de ce point de vue, puisque leur interprétation vise avant tout à extraire les facteurs personnels susceptibles d’avoir influencé le vécu du stress et de l’épuisement professionnel.

Les instruments suivants sont finalement retenus :

1° Inventaire d’anxiété état-trait ou State –Trait Anxiety Inventory STAI (Spielberger, 1983)   : Cet inventaire a été utilisé dans de nombreuses études portant sur le stress psychologique (Miller, 1979),(Brook, 1976).Composé de 40 items regroupés sous deux sous échelles, il permet de mesurer le niveau d’anxiété chez les adultes .Les concepts d’Etat et de Trait ont été introduits par Cattel(1966), puis élaborés par Spielberger(1966) :

Le concept d’état se réfère au sentiment subjectif de tension, d’appréhension, de nervosité entraînant une activation du système nerveux autonome.Le concept de Trait, ou « position comportementale acquise »(Campbell, 1963) se réfère à la prédisposition de l’individu à appréhender le monde d’une façon particulière, déterminée en grande partie par son expérience passée.

La sous-échelle STAIS (State   / Etat ) évalue donc essentiellement l’anxiété en tant que condition temporaire.

La personne est encouragée à exprimer l’intensité de son ressenti lors de situations récentes, ou dans le cadre de scénarios futurs ou hypothétiques.

Ex : Je suis contrarié

1 2 3 4Pas du tout Légèrement Modérément Beaucoup

La sous-échelle STAIT (Trait) se réfère au caractère durable, clinique de l’anxiété( « neurotic anxiety)

La personne exprime la fréquence de ses sentiments d’anxiété dans le cadre de situations plus générales.

Ex : Je manque de confiance en moi-même1 2 3 4Presque jamais Parfois Souvent Presque toujours

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Pour chaque item, le choix de la réponse se porte sur une échelle Likert à 4 points, le score 4 indiquant :

un haut niveau d’anxiété pour 10 items de la sous échelle  STAIS et 11 items de la sous échelle STAIT.

L’absence d’anxiété pour 10 items de la sous échelle STAIS et 9 items de la sous échelle STAIT.

Le score final pour STAIS et STAIT s’obtient par l’addition des scores pour chacun de 20 items de chaque sous-echelle.

Des normes d’interprétation sont présentées sous la forme de rangs centiles et de scores positifs pour chacune des deux sous échelles :Pour une population d’adultes actifs de sexe masculin, la moyenne des scores, tous ages confondus est de : (STAIS) : 35.72, avec un écart type de 10.40

(STAIT) : 34.89, avec un écart type de 9.19

La version originale anglophone sera retenue, et distribuée aux participants préalablement à leurs entretiens exploratoires . Les participants seront invités à y répondre de façon spontanée, en se « plaçant » dans leur contexte actuel.

2° MBIL’auto questionnaire d’épuisement professionnel développé par Maslach (Maslach & Jackson ,1981) , dénommé Maslach Burnout Inventory , comprend plusieurs versions, dont la version initiale , le MBI Human Services Survey s’adresse plus particulièrement aux catégories professionnelles dont l’activité est centrée sur la notion de service humain, i.e. essentiellement les professions médicales, paramédicales, éducatives et sociales.

C’est la version dite générale qui a été retenue ici, car s’adressant à une population plus large de professionnels exerçant notamment des fonctions de management dans l’entreprise.

Le MBI(general) comprend 3 échelles :EE (Emotional Exhaustion ou épuisement émotionnel), DP(Dépersonalisation /Deshumanisation) et PA (Personal Accomplishment) .

Il permet de découvrir la perception que l’individu a de son emploi et des personnes travaillant auprès de lui : La personne est encouragée à choisir , sur une échelle allant de 1 à 6, la fréquence de son ressenti à partir d’une liste de 22 propositions :

Ex : « J’ai l’impression de traiter certaines personnes de façon impersonnelle »

0 1 2 3 4 5 6Jamais Plusieurs fois Une fois par plusieurs fois Une fois par Plusieurs fois Tous les jours

par an, ou - mois ou - par mois semaine par semaine

L’échelle EE compte 9 items, l’échelle DP en compte 5, et l’échelle PA , 8.

Les scores sont rapportés à ces 3 échelles, totalisés, confrontés à 3 niveaux (haut, modéré, bas), faisant apparaître les catégories de professionnels à risques :

Ceux-ci ont des scores élevés aux sous échelles EE et DP, associés à un score faible à la sous échelle PA.La version originale anglophone sera retenue.

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3° Le questionnaire de Bortner(1996), dans Légeron(2001) «   Etes vous un type A     ?   »

Il s’agit d’un auto-questionnaire comprenant 14 items . A chaque item, correspondent deux propositions extremes :

I…I…I…I…I…I…I…I…I…I…I…I…I…I…I…I…I…I…I…I…I…I…I…I…I 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24

Ex : Je mets tout en œuvre Je prends les choses comme pour atteindre un but, elles viennent, plutotje m’engage à fond dans une tache insoucieusement

Le scoring est simple, chaque case cochée étant affectée d’une valeur allant de 1 à 24 .Le score définitif, obtenu en divisant par 14 le total des valeurs, permet d’identifier les types suivants :A1(Type A seul ), A2( Type A majoritaire), Type AB (Type A tendant vers type B), Type B4 (Type B majoritaire), Type B5 (Type B seul) .

Le type A, abordé en section 2 , correspond à des comportements compétitifs, énergiques, impliqués, actifs,ambitieux, vindicatifs . Le type B, par opposition, correspond à des comportements sereins, organisés, à l’écoute des autres, soucieux de qualité de travail, satisfaits de leur travail.La version anglophone n’ayant pas été rendue accessible, la version française sera traduite en anglais.

5° PROCEDURE

5.1) Format des entretiens individuels

Deux types d’entretien seront organisés :

1° Entretien préalable, destiné à clarifier l’objet de l’étude, sa nature qualitative, la confidentialité des informations relatives à l’identité des participants et de leurs employeurs, et à vérifier rapidement, en faisant parler les participants, que leur expérience s’inscrit bien dans le domaine de l’épuisement professionnel.Cette précaution conduira à « écarter » l’un des participants volontaires initiaux, qui après avoir pris connaissance de la description du syndrome, conclura que seule la dimension épuisement physique(et, dans une moindre mesure, émotionnelle) le concerne.Ces premiers entretiens ont lieu 3 à 4 semaines avant l’entretien exploratoire(2°), et permettent également de distribuer et commenter les instructions nécessaires à l’administration des tests et questionnaires distribués.

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2° Entretien exploratoireCelui-ci a pour objectif de :

- réaliser le scoring des tests de personnalité, et du MBI, en commenter les résultats, et obtenir l’accord du participant sur leur interprétation, en incorporant leurs commentaires susceptibles de clarifier ou de modifier cette interprétation.

- Explorer en profondeur l’ensemble des facteurs en jeu, sur un mode d’écoute active, favorisant l’énonciation spontanée des éléments d’information propres à chaque participant, qu’ils soient anecdotiques, généraux ou analytiques, afin de favoriser l’émergence de facteurs nouveaux, non anticipés.

- Examiner le rapport transactionnel des facteurs professionnels, organisationnels, individuels, psychosociaux, familiaux…

- Proposer et valider , auprès du participant , la synthèse de ces facteurs ayant conduit à leur vécu individuel du syndrome.

- Prendre en compte tout autre information énoncée par la personne, ayant trait par exemple aux conséquences directes de leur vécu, et à leurs stratégies résultantes .Bien que ce chapitre ne constitue pas le cœur de l’étude, il est important de permettre au participant de s’exprimer sur ce sujet. Par ailleurs, ces informations peuvent etre l’objet ultérieur d’études sur «  l’après burnout ».

L’enregistrement audio de cet entretien ayant été écarté, pour des raisons de confidentialité et de spontanéité, l’enregistrement se fera sous forme de notes . Une grille pré formatée aux contenu des entretiens (description des symptômes, nature des facteurs épidémiologiques, conséquences) favorisera la prise la plus exhaustive possible des notes.Les entretiens avec les quatre participants français auront lieu en français . Les entretiens avec les cinq participants de nationalité différente auront lieu en anglais.

5.2) MINI ETUDE PILOTE   :

Celle-ci vise avant tout à s’assurer que l’outil MBI peut être utilisé sans que le décalage dans le temps entre l’expérience du syndrome et le moment ou le participant remplit son auto questionnaire nuise à l’authenticité et à la qualité des résultats.Le participant N°1 n’exprime pas de difficulté particulière à activer ses souvenirs . Lors de l’entretien exploratoire, on remarque une grande cohérence entre l’ensemble de ses réponses aux tests et ses commentaires libres.Une difficulté apparaît cependant : Le format assez libre de l’entretien ne permet pas d’aborder tous les facteurs dans le laps de temps initialement prévu (2 heures ). Dans ce cas particulier, ce sont les facteurs organisationnels que le participant a à cœur d’aborder, et ce au détriment de facteurs familiaux assez exceptionnels qu’il ne citera qu’en fin d’entretien.Enfin, ce participant semble désireux de s’étendre sur la description comparative de son vécu et de celui de ses collègues, et sur les conséquences de son expérience sur sa propre carrière.La durée de l’entretien exploratoire sera donc étendue à 2H30.

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5.3) CADRE DE SYNTHESE DES RESULTATS (ANNEXE 1)

Celui-ci ne sera définitivement fixé qu’après le « dépouillement » final des résultats combinés aux questionnaires et des notes prises pendant et immédiatement après les entretiens exploratoires.Ses rubriques :

1. Aspects de la personnalite :

Anxiété Etat Test STAI + Entretien exploratoire

Anxiété Trait Test STAI + Entretien exploratoire

Type A1, A2, AB…. Test Typologie A / B + Entretien exploratoire

2. Epuisement professionnel Test MBI + Entretien exploratoire

Résultats aux trois sous-échelles EE, DP, PA

3. Description des symptomes

Aspects transactionnels de la médiation Nature, poids relatif, et organisation interactionnelle des facteurs :

professionnels – organisationnels – sociaux – personnels –familiaux – autres Sratégies adoptées Conséquences - Autres aspects

6° RESULTATS

6.1° Anxiété état et anxiété trait   : STAI

Participant 1 2 3 4 5 6 7 8 9===================================================================Scores : STAIS 51 36 31 45 37 43 50 45 39

STAIT 49 34 31 44 34 40 53 40 43

Huit participants présentent des scores d’anxiété Etat et Trait supérieurs à la moyenne des scores(resp. 35.72 et 34.89) pour une population normative d’adultes actifs de sexe masculin .

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Parmi eux, deux participants (P1 et P7) présentent des scores supérieurs de plus d’un écart type à cette même moyenne, témoignant d’un niveau d’anxiété très élevé, dans sa dimension Trait à caractère durable, tout comme dans sa dimension Etat.

Dans ce premier sous groupe de huit participants, on remarque également une grande variété de scores allant de scores très proches de la dite moyenne ( Participants P2, P5) à des scores se rapprochant d’un écart type à partir de cette moyenne (Participants P4, P6, P8 et P9)

Seul un participant (P3) présente des scores anxiété Etat et anxiété Trait inférieurs( d’environ 4 points) à la moyenne correspondant au groupe normatif retenu.

6.2) TYPOLOGIE A/B   :

Participant 1 2 3 4 5 6 7 8 9 Type dominant A2 B4 AB AB A2 AB B4 A2 AB

Les types représentés sont, par ordre décroissant : AB (4/9), A2(3/9), B4(2/9) , d’où une majorité de types mixtes,avec la présence de 3 personnes ayant un comportement à dominante A et 2 participants à dominante B .

6.3) Syndrome d’épuisement professionnel   :

REPORT DES SCORES   : Les scores des 9 participants aux 3 sous échelles du MBI sont reportés ci-dessous, ainsi que les niveaux auxquels ils correspondent : H : High, M : Moderate, L : Low .Un niveau élevé d’épuisement professionnel implique un score H aux sous échelles EE et DP, associé à un score L à la sous échelle PA.Un niveau modéré d’épuisement professionnel se reconnaît à des scores M sur les 3 sous échelles.L’absence du syndrome est révélée par un score L aux échelles EE et DP, associé à un score H à l’échelle PA .

Participant P 1 P2 P3 P4 P5 Score EE 31/H 33/H 28/H 38/H 35/H Score DP 13/H 9/M 10/M 15/H 11/M Score PA 33/M 34/M 39/L 33/M 32/M

Participant P6 P7 P8 P9

Score EE 21/M 29/H 38/H 52/H Score DP 4/L 14/H 13/H 24/H Score PA 35/M 34/M 33/M 41/L

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INTERPRETATION DES SCORES

1. Huit participants sur neuf présentent, à des niveaux variables, allant de modéré à fort, un syndrome d’épuisement professionnel .

2. Parmi ces huit participants, seul le participant P9 présente des scores particulièrement élevés aux échelles EE et DP, associés à un score faible à la sous échelle PA, rapprochant son « profil » d’épuisement professionnel de ceux que l’on rencontre dans les professions d’aide, telles que personnel soignant.

3. Les sept participants restants présentent des profils d’épuisement assez homogènes, avec un score toujours important à l’échelle Epuisement Emotionnel, un score majoritairement important à la dimension Dépersonnalisation( 5 scores DP « hauts » contre 3 « modérés »), et un score majoritairement modéré à la sous échelle Accomplissement Personnel ( 6 scores « modérés » contre 2 scores « faibles »).

4. Seul le participant P6 présente un profil d’épuisement professionnel incertain, avec un score modéré seulement aux dimensions d’épuisement émotionnel et d’accomplissement professionnel, et un score faible à la dimension dépersonnalisation.L’analyse de son vécu permettra d’éclairer ce décalage entre ces résultats et sa perception d’un épuisement professionnel.

6.4) Entretiens exploratoires   :

Leur contenu est particulièrement dense et révèle des facteurs complexes et interdépendants. L’analyse proposée en section 4 permet de classifier et clarifier l’ensemble des informations extraites des entretiens.

Afin d’éviter toute répétition , seuls les éléments ayant trait aux circonstances générales, aux « facteurs déclenchants », et aux manifestations physiques, émotionnelles et comportementales spécifiques de l’épuisement, seront reportées ici, telles qu’elles sont exprimées par les participants (les symptomes se rapportant aux trois sous échelles EE, DP, et PA ne sont donc pas repris) .

PARTICIPANT 1

Cet homme a partagé sa carrière professionnelle entre deux sociétés multinationales américaines. Son ascension professionnelle a été très rapide, l’amenant notamment à vivre plusieurs expériences d’expatriation d’une durée de 3 à 5 ans dans des pays européens. Un syndrome d’épuisement professionnel s’est déclaré alors qu’il venait d’accéder à des responsabilités de direction générale d’une large zone géographique, coincidant avec un remaniement des membres du « Board of Directors » (Conseil d’administration) américain.Face à des responsabilités auxquelles il n’était pas préparé, et devant les problèmes de conscience causés par un travail particulièrement pénible d’organisation de plus de 200

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licenciements dans sa zone géographique , ce participant a, sur un mode impulsif et conflictuel, demandé sa démission.

Symptômes spécifiques d’épuisement professionnel   : Avant son départ de la société : Crampes d’estomac – sommeil perturbé – tachycardie -violence verbale lors des échanges avec sa direction – Menaces à l’encontre de celle-ci.Après son départ : isolement social – relations superficielles maintenues – sensation de vide lié à un changement brutal d’ identité sociale –Impression d’emprisonnement – Sensation de « mort »- familiarisation avec l’idée de mort-Sensation d’écrasement par la dimension domestique et familiale des conséquences de son départ- Difficultés relationnelles maritales et avec les enfants- Augmentation de la prise de tabac et d’alcool .

Conséquences :La coupure avec un type d’engagement professionnel aliénant est toujours ressentie comme violente. Ce participant déclare qu’il ne pourra jamais plus travailler dans ce type de structure professionnelle. Une activité professionnelle plus flexible et indépendante a été choisie.

PARTICIPANT 2

Cet homme est un spécialiste des services informatiques. Un syndrome d’épuisement professionnel se déclare alors qu’il occupe une fonction de direction fonctionnelle pour l’une des filiales européennes d’un groupe international alimentaire. Il vient de rejoindre celle-ci, en qualité d’expatrié, quand survient l’annonce d’un rachat de cette filiale par une société étrangère. La rationalisation des effectifs qui s’ensuit le projette, après une période incertaine de 10 mois , hors de la société.

Symptômes spécifiques   : Après le rachat de sa société   : Oppression pulmonaire, TMS, troubles du sommeil.Apres son licenciement   : Inertie, silence, déni de l’impact de son licenciement auprès de ses proches, irritabilité croissante, contrôle excessif et autoritaire des activités de sa famille et difficultés relationnelles avec celle-ci- incapacité décisionnelle quant à son rapatriement, sensation d’écrasement par ses responsabilités, difficulté à voir clair, positions contradictoires.Aujourd’hui   : Venant d’installer sa famille dans un nouveau cadre de vie et inscrit ses enfants dans une nouvelle école, ce participant s’est refusé à perturber une nouvelle fois ceux-ci, et a accepté un emploi local moins bien rémunéré, avec perte de son statut d’expatrié, et moins gratifiant . Les effets de son épuisement semblent perdurer. Un rapatriement dans son pays est envisagé pour 2003.

PARTICIPANT 3

Cet homme est un auditeur de formation ayant accédé très rapidement à des fonctions de direction financière, puis de direction générale et enfin de présidence de zone pour une société américaine . Expatrié 12 fois en 15 ans, il a incarné , au sein de son entreprise, un certain modèle d’adaptation et de performance.A l’issue d’une « crise » interne provoquée par des incidents de production au sein d’usines appartenant à sa zone géographique, incidents largement commentés par les médias

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européens, et faisant apparaître de graves dysfonctionnements internes dans leur gestion , ce participant a été vivement critiqué et finalement « limogé » par sa direction.

Symptômes spécifiques d’épuisement professionnel   : Surinvestissement lors de la gestion de la crise industrielle, présence sur tous les fronts, hyperactivité, impression de toute puissance, recherche effrénée de solutions, refus de voir son image assimilée à un échec, aveuglement initial quant à la dimension interne politique du problème, suivi de la réalisation douloureuse d’avoir été « sacrifié » par sa direction.Effondrement de ses valeurs- symptômes dépressifs diffus- déni de l’impact de ces évènements sur son équilibre psychique auprès de son entourage – Refuge dans des valeurs morales : Rapprochement familial .

Conséquences   : Cette personne a refusé plusieurs offres d’emploi équivalentes à son dernier poste, pour se consacrer davantage à sa famille , à partir d’une nouvelle base géographique. Il intervient , en qualité de consultant indépendant , auprès de sociétés multinationales.

PARTICIPANT 4

Cet homme est un autodidacte, ayant exercé des fonctions d’ouvrier, puis de contremaître, et enfin de directeur technique dans une entreprise industrielle ayant délocalisé une partie de son appareil productif . Promu à la direction technique de ces nouveaux sites, et expatrié pour la première fois, il ressent, six mois après son arrivée, de violentes douleurs pulmonaires, et semble développer tous les symptômes d’un infarctus ; Hospitalisé aussitôt, le corps médical ne confirme pas ce diagnostic, mais le met en garde devant la gravité de ses troubles somatiques, attribués à un stress intense, lié vraisemblablement à sa solitude, à la difficulté perçue de ses nouvelles fonctions dans un environnement peu familier, à son refus d’admettre publiquement ses problèmes et de demander de l’aide à sa directionTrès affaibli, il décide de démissionner de ses fonctions et rentre dans son pays d’origine.

Symptômes spécifiques   : Les douleurs pulmonaires et thoraciques se font ressentir encore aujourd’hui , associées à des brûlures au niveau de la trachée et du tube digestif.Il interrompt toute activité physique .Sa démarche est altérée, il se plaint de boiter légèrement.Il constate également des troubles de la mémoire.Sa consommation d’alcool s’intensifie.Il reçoit un soutien important de ses proches.

Conséquences:Le besoin de s’étendre sur les circonstances de son départ et sur son état de santé est très important. Aucune activité physique ou professionnelle n’a été reprise, et aucun projet spécifique n’est encore élaboré, malgré quelques préférences déclarées pour une activité d’entreprenariat .

PARTICIPANT 5

D’origine sud-européenne, ce participant travaille pour le compte d’une société de produits industriels britannique, dans une fonction de management de la production, à partir de son pays d’origine. Les difficultés rencontrées par le groupe le confrontent à deux choix :

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Départ immédiat avec compensation ou acceptation d’une fonction à caractère temporaire plus administratif au sein de la maison mère, au Royaume Uni. C’est la deuxième solution qui est retenue. Pendant l’année qui suit son arrivée, il occupera plusieurs fonctions jugées « non essentielles », et précaires, dans un contexte de législation plus libérale qui le rendra particulièrement vulnérable. Décidé à s’adapter et à reconstituer un réseau relationnel interne, il se heurtera cependant à des difficultés liées à son statut incertain. Un syndrome d’épuisement professionnel, dans un contexte inhabituel de sous activité se développera progressivement.Symptômes spécifiques   : Sautes d’humeur, passage d’un état d’enthousiasme et de dédramatisation à un déroutement et à une perte de confiance , mélée de soupçons et d’agressivité envers son employeur. Surinvestissement relationnel, recherche d’appuis internes. Perte progressive de son auto estime. Peu de douleurs physiques, mais grande variations de son niveau d’énergie, et de son équilibre émotionnel.Aujourd’hui   : Ce participant a finalement réussi son insertion : Après une formation d’une durée de un an,au cours de laquelle se résorbera son épuisement, il a été nommé à des fonctions de management et rattaché à la direction fonctionnelle européenne de production.

PARTICIPANT 6

Ce participant a plus de 35 ans d’expérience dans l’ hôtellerie , et ses fonctions les plus récentes l’ont amené à diriger de grands complexes hôteliers à travers le monde. Des raisons personnelles le décident à s’établir en Asie, ou il investit une partie de son patrimoine dans un complexe touristique dont il prend la sous direction. Il est victime d’une fraude et perd emploi et fonds investis, se trouvant confronté à la nécessité d’une action légale longue et aliénante qui perturbe ses projets personnels de recherche d’un nouvel emploi et l’empêche de se consacrer sereinement à sa famille.Une grande lassitude et un découragement s’ensuivent, mais le syndrome d’épuisement professionnel n’est pas confirmé par le MBI ni par l’entretien exploratoire.Ce participant éprouve néanmoins de grandes difficultés de réinsertion.

PARTICIPANT 7

Cet homme est un ingénieur issu d’une école de grande renommée, dont les 10 premières années de carrière se sont déroulées sans accroc, culminant par une fonction de direction de recherche et développement au sein d’une société française de microélectronique . Des difficultés liées à une charge de travail intense, et à des réductions budgétaires se profilent. Approché par une jeune start-up, il accepte le défi d’en prendre la direction générale. Cet essai se solde par un échec dans un contexte économique peu favorable à ce secteur, les levées de fonds n’ayant pas lieu. L’épuisement professionnel, qui semble avoir « germé » au cours de ses fonctions de directeur R&D, se déclare peu de temps avant la cessation d’activités de sa nouvelle société.

Symptômes spécifiquesFatigue émotionnelle, accompagnée de phénomènes de tétanie.Sensation de décalage entre objectif à atteindre et ressources personnelles, impression de « sonner faux » auprès de sa nouvelle équipe. Culpabilité très importante.

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Difficultés de concentration et d’adaptation aux nouvelles exigences culturelles et organisationnelles de la direction de la start-up . Sensation de régression, de chute de la performance, perte de l’estime de soi.

Conséquences: En recherche d’emploi, cet homme « se reconstitue » progressivement, aidé par son intégration au sein d’un réseau de cadres en recherche d’emploi.

PARTICIPANT 8

Il s’agit d’un cadre à profil Management Commercial/Marketing ayant exercé avec succès de nombreuses fonctions de management d’équipes de vente. Employé dans une société de biens de consommation, il subit un stress important du fait des exigences de sa société en matière de résultats, de la réduction de ses équipes, et d’un contexte grande distribution particulièrement complexe en matière de conditions de vente et de budgets de promotion .Les premiers signes d’épuisement professionnel se manifestent par des accès incontrôlés de violence verbale à l’encontre des « acheteurs nationaux » avec lesquels il est en négociation.S’ensuit une série de délits : excès de vitesse, conduite en état d’ivresse, maltraitance morale et physique de sa famille, aboutissant à une séparation maritale .Signes spécifiques   : Epuisement physique compensé par la prise d’excitants de toute sorte.Addiction au travail, il va même jusqu’à dormir dans son bureau.Conflits ouverts avec sa direction, mais surprotection de ses équipes, solidarité .

Conséquences:Son entreprise n’ayant pas cessé de le considérer comme un élément clé de l’organisation, il a été promu à la direction stratégique Grands Comptes .Tous les signes de burnout n’ont pas disparu : Fatigue chronique, irritabilité latente.

PARTICIPANT 9

Ce participant est employé depuis plus de 15 ans dans un groupe pharmaceutique, où il exerce des fonctions de direction de développement de produits. Il a « survécu » à de nombreux remaniements hiérarchiques, et à un grand nombre de « changements de cap stratégique » résultant notamment en des interruptions soudaines de lignes de produits.L’annonce du rapprochement de son entreprise avec un groupe concurrent étranger le déstabilise soudainement, car il pressent (à raison) que la taille supérieure de ce groupe risque de l’extraire de sa position. Il vit mal les longues semaines au cours desquelles la fusion se matérialise. Il accepte éventuellement un poste à contenu plus médical, au sein du laboratoire nouvellement recréé, mais fait preuve d’une grande résistance vis-à-vis de la nouvelle organisation .Signes spécifiquesSa réaction est affective, il est blessé et humilié, remettant en question l’utilité de son engagement préalable sans faille, et procédant à une reconstruction très négative des diverses étapes de sa carrière.Tous les signes d’épuisement professionnel se manifestent, avec des symptômes dépressifs très marqués, et une déshumanisation caractéristique , y compris à l’égard de ses proches. Aujourd’hui :Sur les conseils de ses proches, il a engagé une psychothérapie, dont il reconnaît les bénéfices. La rancœur à l’égard de son entreprise reste tangible, et il exprime un doute quand à sa capacité à s’investir dans son nouveau poste.

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7° ANALYSE

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7.1) CORRESPONDANCE ENTRE ECHELLES DE PERSONNALITE ET SOUS ECHELLES D’EPUISEMENT PROFESSIONNEL

1°) Dans le cadre de cette étude, il semble exister une certaine correspondance entre échelles d’anxiété STAI et syndrome d’épuisement professionnel :

1. A l’exception du participant P3, tous les participants de cette étude présentent des scores supérieurs à la moyenne pour leur groupe normatif. On remarque notamment que le participant P9 , dont l’épuisement professionnel semble avoir été le plus intense, présente des signes d’anxiété Etat et Trait largement supérieurs à cette moyenne.

2. Les participants P1 et P7, dont les scores STAI sont particulièrement élevés présentent des scores élevés aux deux sous échelles d’épuisement professionnel et de dépersonnalisation. La sous échelle d’accomplissement Professionnel présentant un score moyen seulement.

3. Enfin, les participants P2 et P5, dont deux des sous échelles d’épuisement professionnel présentent des scores « moyens » ont des profils moyennement anxieux.

4. A noter cependant que le participant P3, peu anxieux, développera un syndrome d’épuisement professionnel certain, présentant des signes évidents d’épuisement émotionnel et de manque d’accomplissement personnel.

Lors des entretiens exploratoires, l’ensemble des participants a reconnu que leur interprétation des évènements(évaluation primaire) , dans un contexte de forte compétitivité, d’insécurité, parfois de défiance était parfois teintée d’exagération, voire erronée : Le participant P4 admet par exemple avoir attribué le silence de sa direction alors qu’il était expatrié sur un site industriel lointain , à un manque de confiance dans ses capacités, alors que des raisons de décalage horaire ou de manque de pro activité de sa part paraissaient plus logiques. Cette interprétation ayant par ailleurs précipité ce même participant dans un épuisement professionnel.

Beck(1976) parle de « distorsions cognitives » pour évoquer les interprétations problématiques lorsque les processus cognitifs sont « perturbés » : Il évoque ainsi les différents distorsions des modes de traitement de l’information : - Sur généralisation .- Sélection arbitraire.- Minimalisation ou maximalisation.- Raisonnement dichotomique ou pensée contrastée noir :blanc.- Personnalisation , à rapprocher de la position internaliste.

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De nombreux auteurs ont apporté un éclairage sur la dimension cognitive de la médiation du stress. Outre Lazarus , Folkman et Légeron, cités en section 4, il convient de citer Peterson, Maier & Seligman ( 1988) et leur théorie du « style d’attribution » (attributional style) selon laquelle l’attribution des évènements à une cause globale, stable et interne favorise l’effondrement des attentes, diminue la résistance physique et renforce les sentiments de honte et de culpabilité. On parle également de concept d’ « impuissance apprise » (learned helplessness : Weiner, 1992) .Au contraire, une attribution plus « externaliste », souvent favorisée par un meilleur soutien social, et par un travail de « rééducation cognitive » protège les individus de sentiments dépressifs.

Bien qu’il soit exclus d’attribuer un caractère prédictif à ces deux sous échelles, l’éclairage apporté par les participants lors de l’entretien exploratoire permet de conclure que la dimension anxiété trait est un facteur important dans les mécanismes d’evaluation et de mediation des évènements .

2°) La correspondance entre profils de type A et intensité du syndrome d’épuisement professionnel apparaît plus incertaine:

1. En sa faveur, on peut remarquer que deux des trois profils « A2 »,(P1 et P8) soit les plus « radicaux » dans notre échantillon, présentent des scores très élevés aux sous échelles d’épuisement professionnel et de dépersonnalisation , associé à un score moyen à la sous échelle accomplissement professionnel.

2. En revanche, parmi les participants, le profil d’épuisement professionnel le plus

aigu (P9), correspondant à un profil A/B, de type mixte.

3. Enfin , les deux profils de type B4, correspondant à des comportements « non agressifs » ne sont pas épargnés par un syndrome avéré d’épuisement professionnel : Le participant P7, par exemple présente des scores élevés aux deux sous échelles d’épuisement professionnel et de dépersonnalisation.

4. Le participant ayant souffert de troubles cardiovasculaires apparents(P4) présente un profil mixte : Type AB .

5.On peut en conclure que l’incidence de ces comportements personnels de nature agressive ou non agressive n’est pas le facteur le plus déterminant dans l’expérience de l’épuisement professionnel .Il apparaît également que la dimension « dépersonnalisation » , propre au syndrome, a des conséquences directes sur la permanence de la dimension A/ ou B :

Lors de l’entretien exploratoire, deux des participants présentant un profil AB ou B4 reconnaîtront la permanence de leurs comportements dans une situation de stress professionnel « banal », et leur utilité au niveau de leur stratégie de coping. En revanche, ils douteront, dans le contexte plus exceptionnel de leur

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épuisement professionnel, de cette permanence ( qui peut s’expliquer justement par la dimension dépersonnalisation de l’épuisement professionnel) :Ainsi le participant A3,(type AB) dont l’entretien exploratoire révèlera par ailleurs de fortes exigences morales, se montrera frappé par ses propres attitudes d’agressivité, de compétitivité, de volubilité et de violence verbale lors de la première phase de son épuisement professionnel.(Il constatera même que ce comportement lui a permis de « conserver la tête haute » dans un contexte où sa crédibilité était en jeu, rejoignant en cela la constatation de Légeron (1993)selon laquelle «  les sujets perçoivent souvent les comportements de type A comme une réponse parfaitement adaptée à un environnement particulièrement riche en demandes et contraintes, surtout dans certains milieux professionnels.)Le participant P7(type B4), dont le niveau d’empathie est naturellement important évoquera ses énormes difficultés à se rapprocher des autres lors de son expérience de burnout.

Enfin, la non adéquation d’un comportement authentique sera évoquée :Le participant P2, (type B4) émettra l’hypothèse que ses exigences de respect de l’autre et de recherche consensuelle de solutions l’ont « desservi » dans une situation où les cartes sont « faussées », et où un comportement plus agressif et défensif lui aurait permis de mieux défendre ses intérêts personnels.

7   .2) FACTEURS DE DECLENCHEMENT

Tous les récits des participants débutent avec la description d’un évènement ou d’une situation exceptionnelle, illustrant la recherche de repères et de sens à donner à leur vécu.Ces facteurs ne s’avèrent pas toujours prioritaires dans l’analyse de l’épuisement professionnel, celui-ci étant souvent latent et imputable à une situation prolongée (des années, parfois) de stress intense, non reconnu et non traité.

1. EVENEMENTS

Une revue des « évènements » ayant , dans la reconstruction même des participants, déclenché le syndrome d’épuisement professionnel met à jour le caractère tantôt brutal, tantôt insidieux de ceux-ci :

- Changements stratégiques et/ou structurels au niveau de l’organisation : Nouveau conseil d’administration (P1)Rachat – Fusion, ou menace de fusion (P2)(P9)Licenciements (P1,P2,P5,P7,P8,P9)

- Crise de production pouvant engager gravement la responsabilité de l’entreprise(P2)

- Contexte économique négatif, réductions budgétaires (P4,P7,P8) 

2. CHANGEMENTS DE CONTEXTE

Il peut également s’agir d’un changement dans le contexte professionnel quotidien du participant :

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- Isolement politique ou vécu comme tel (P1,P2, P3, P4,P5,P9)

- Isolement physique lié à une expatriation impliquant une grande distance entre le participant et sa direction (P4)

- Nouvelles contraintes personnelles, familiales liées à l’expérience de l’expatriation (P1, P2, P3, P4).

7.3 ) FACTEURS COMMUNS SOUS-JACENTS

Une fois invoqué l’évènement de déclenchement, et sa fonction essentielle dans le vécu et la reconstruction de ce vécu, les récits des participants permettent de revenir sur des facteurs clé, communs à leurs situations, ayant précédé les événements cités, et largement participé à l’expérience progressive d’épuisement professionnel.

Il est frappant de constater que quelle que soit le profil psychologique du participant, dans sa composante anxiété ou agressivité, et quelle que soit son aptitude à engager des stratégies de coping, ces éléments sont récurrents dans l’ensemble des récits.

En approfondissant l’analyse, on identifie trois éléments clé dans le vécu des participants :

- La non reconnaissance des efforts et de la contribution essentielle du manager .

- Le surinvestissement du participant , renforcé au départ par ce manque de reconnaissance.

- La charge de travail combinée à un sentiment de dépassement.

Le participant P1 illustre bien ce phénomène interactionnel en évoquant le stress intense qu’il ressentait lors de sa visite annuelle aux quartiers généraux de son entreprise en vue de présenter les résultats de sa division, recueillir les commentaires et suggestions (parfois cinglantes) des membres du Conseil d’administration et se voir imposer des objectifs toujours plus ambitieux , et la plupart du temps irréalistes, car déconnectés des réalités sur le « terrain »,et imposés dans une logique de valorisation du capital financier de l’entreprise.(les double digit….)Ces présentations se tenant conjointement pour l’ensemble des directeurs généraux des autres divisions mondiales, les informations quant aux  « sanctions » imposées aux managers dits moins performants circulaient rapidement, entretenant une pression considérable sur leurs pairs. Cette pression se transformait en stress intense dés le retour de notre participant sur son terrain, et se déversait sur tous les membres de son équipe ( phénomène de

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cascade). Désireux de conserver son poste, sa crédibilité, et par là même, de ne pas compromettre l’avenir professionnel des membres de son équipe, ce participant s’investissait encore davantage, jusqu’aux limites de sa résistance physique et émotionnelle, et de celle de ses managers.

1°)La constatation d’un surinvestissement professionnel est à rapprocher de l’analyse proposée par Emery(2002), qui souligne la relation spécifique du Manager à son entreprise, relation chargée d’affects, ou énergie affective, résultant souvent en un niveau de motivation et d’investissement excessif dans sa vie professionnelle..Par ailleurs, la dépendance en une activité unique, au détriment de sa vie relationnelle ou privée entrave le développement d’activités « modératrices de stress ».Emery évoque également « l’appropriation par le cadre d’une partie des responsabilités de l’entreprise », facteur mis en évidence dans le récit du participant P1 ci-dessus, et omniprésent dans les récits des autres participants.Emery souligne enfin l’effet de « dramatisation des enjeux professionnels », liée à des facteurs d’anxiété, et entraînant à la fois une forme de perte de la réalité de ce que sont véritablement les enjeux et une culpabilité accrue.

Motivation, performance et investissement personnel

A l’évidence, les organisations se penchent continuellement sur les modes permettant d’augmenter la performance des salariés, en augmentant leur degré de motivation.Dans l’expérience d’épuisement professionnel, cependant, il apparaît au contraire qu’un surinvestissement professionnel, une sur motivation finissent par épuiser les ressources personnelles de l’individu , entraînant une chute de sa performance .Ceci peut s’expliquer par la difficulté de maintenir un « niveau de stress optimal »(Yerkes et Dodson ,1908) : La courbe de ces auteurs illustre la chute de l’adaptation et de la performance de l’individu (situation dite de « mauvais stress ») lorsque l’intensité de la réaction de stress atteint un niveau extrême.

Dans un contexte organisationnel, Meister(1976) évoque le concept d’exigences de la tache pour caractériser son degré de difficulté : Il propose de différencier le niveau des exigences de la tache en trois régions A,B,C correspondant à un niveau allant de faible à élevé, et stipule que le niveau de performance décline progressivement dés le passage en zone B, pour atteindre un niveau stable et faible dés le passage en zone C .Waard(1996) propose un modèle global, liant les paramètres d’effort et de performance et explicitant la relation inverse existant entre effort et performance, au travers des six régions théoriques : Phase initiale, effort lié au sujet, performance optimale, effort lié à la tache, exigences de la tache, allant de faibles à fortes .En phase initiale, la performance augmente inversement à l’effort fourni, pour atteindre un niveau optimal, de type plateau, alors que l’effort baisse progressivement, en fonction de l’état du sujet, puis remonte lentement, en fonction du niveau des exigences de la tache. Parallèlement à l’apparition du stress, la performance chute avec l’augmentation du niveau des exigences de la tache, alors que l’effort continue d’augmenter.

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Cette chute de la performance est à rapprocher d’un épuisement des ressources énergétiques de l’individu lorsqu’il est engagé dans un processus d’endurance d’une intensité et d’une durée excessives :Une approche physiologique nous indique en effet que les glucocorticoïdes libérées par le cortex durant la phase de résistance au stress , en augmentant le métabolisme de base de l’organisme, peuvent, lorsque cette phase de résistance perdure, épuiser ses réserves énergétiques.La suractivité des systèmes physiologiques et la maintenance à un niveau élevé, de la production de cortisol entraînent, chez l’individu un état de « distress ».

2°) Charge de travail et sentiment d’être dépassé :Dans l’analyse des récits des participants , le concept de charge de travail est récurrent.Les participants évoquent tous la nécessité d’être présent sur tous les fronts et de maintenir en permanence un niveau optimal de connaissances et d’analyse. La prise de décisions est également permanente, accompagnée d’initiatives répétées de communication, de présentation, impliquant à la fois un investissement relationnel et politique fort, consommateur de temps et d’énergie.S’ajoutent des responsabilités importantes propres au management d’équipes, à la gestion de crises humaines, politiques ou économiques.Emery(2002) évoque à ce sujet le  « zapping » permanent du manager.Il en résulte un sentiment d’être dépassé et de ne pas maintenir le niveau d’excellence promu à l’intérieur même de l’organisation .

La multiplicité des facteurs susceptibles de produire un impact sur ces 3 éléments clé (charge de travail, surinvestissement, non reconnaissance perçue de l’effort) est l’objet de l’analyse suivante .La classification ci-après permet d’aborder, de façon exhaustive, tous les facteurs ayant, dans le vécu des participants influencé ou altéré leur relation d’affect à l’entreprise, la nature et l’intensité de leurs comportements .

7.4) FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX, ORGANISATIONNELS, PROFESSIONNELS, FAMILIAUX, ET SOCIAUX

1. Facteurs environnementaux, technologiques, économiques et politiques :

- Le contexte général de concurrence , de globalisation et son effet immédiat sur « la pression sur les résultats ».

- La recherche de résultats à court terme, susceptibles de satisfaire les investisseurs boursiers au détriment de stratégies axées sur la pérennité de l’entreprise.

- Le « rétrécissement » des budgets opérationnels qui en résulte (voir paragraphe 2).

- Les décisions stratégiques de l’entreprise pour faire face à un environnement économique moins favorable : Licenciements, cession, rapprochements, fusions…

- L’innovation technologique permanente, la nécessité de modifier, de mettre à jour les applications et outils de l’entreprise, la complexité des systèmes d’information impliquant un investissement temps et énergie

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croissants pour leur implantation et leur utilisation, et augmentant la masse globale de l’information à traiter.

2. Facteurs organisationnels :

La culture de l’entreprise se modifie :- Sentiment de précarité et d’insécurité engendré souvent par des

facteurs économiques ou politiques .- Fragmentation des liens personnels, éléments de base de toute

communauté. Diminution du soutien mutuel- Dilution des valeurs partagées .- Climat de frustrations , de soupçons, - Nouvelles formes de domination : cas de harcèlement moral.

Le harcèlement moralLe participant N°2 évoque lui même ce concept : La société dans laquelle cette personne travaillait, en qualité de cadre expatrié, a été rachetée par une société étrangère et une nouvelle équipe de direction y a pris place, à laquelle il reporte fonctionnellement. Une évaluation du personnel en place(entretiens, questionnaires et 360°) est immédiatement organisée, et sous-traitée à un partenariat de consultants en Ressources Humaines. L’objectif proclamé est l’amélioration des compétences et la gestion de la performance. Notre participant s’y prête avec une certaine réserve, mais se rend compte que ses relations avec la nouvelle équipe directionnelle se détériorent à l’issue de l’évaluation :Le harcèlement moral au travail, ou mobbing est défini par Hirigoyen (1998) comme « toute action (geste, parole, comportement, attitude, etc..)qui porte atteinte, par sa répétition ou gravité, à la dignité ou à l’intégrité psychique ou physique d’un ou d’une salariée ».Dejours (1996) évoque « l’aliénation sociale » dans le travail, lors de pratiques organisationnelles exerçant une contrainte psychique sur l’individu : Parmi elles, l’évaluation excessive à des fins non nécessairement conformes à son objet initial : Dans le cas du participant N°2, l’évaluation à 360° sert davantage l’objectif de rationalisation des effectifs endossés par la nouvelle direction que la management de la performance ou le développement personnel de l’employé. Ceci est confirmé par le fait que ce participant ne recevra pas de feedback sur son évaluation, autre qu’un commentaire général sur son inadéquation aux nouvelles normes de l’organisation .

Dans ce cas, il n’y a pas de violence psychique directe exercée sur le sujet, mais celui-ci se trouve en quelque sorte marginalisé : La description que ce participant fait de ses réactions initiales d’indignation et de recherche de communication avec ses collègues, et de leur réaction d’indifférence et de prudence montre l’impact social négatif et l’isolement progressif engendré par sa réaction critique. Il est probable que le contexte de précarisation soit un élément clé dans cet isolement ;Selon Valette(2000), « les nouvelles formes d’organisation du travail et de direction des entreprises parviennent à une emprise accrue sur les salariés, mais sans pour autant recourir à la violence…Cette situation cree en fin de compte la faille psychopathologique : l’atteinte de son identité » .

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Rythmes de travail :

Rythmes de travail épuisants : voyages, décalages horaires, réunions tardives, dîners et soirées impliquant toujours une présence active du manager.

Un facteur récurrent : l’extension du travail à domicile, ( ordinateurs,communication permanente par courrier électronique)

3. Facteurs professionnels :

Position difficile des cadres dirigeants et managers leur imposant d’accéder à la fois aux demandes fortes de leurs hiérarchies , d’absorber cette « pression sur les résultats », et de la traduire en objectifs réalistes en vue de maintenir un bon niveau de motivation chez leurs équipes.

Réductions budgétaires ( ressources humaines, budgets promotionnels, recherche et développement…)rendant difficile la réalisation de leurs objectifs. Maslach(1997) qualifie en ce sens le manager d’ « absorbeur de choc ».

Fossé existant souvent entre la position de puissance de l’Etat Major de l’entreprise et le fort degré d’exposition des dirigeants de « terrain » , les premiers ayant tendance à s’attribuer les succés des seconds et à les sanctionner directement en cas de non réalisation des objectifs, ou en cas de crise grave portant atteinte à l’image et à la réputation de la société.

Carrières

La rapidité avec laquelle de jeunes managers accèdent à des fonctions de dirigeants, facteur invoqué par cinq des participants de cette étude.Quand un individu atteint , en moins de 10 ans, le niveau hiérarchique pour lequel il faut communément consacrer toute une carrière, il ne peut pas toujours prendre une distance suffisante avec les composantes fragilisantes de cette ascension rapide : Visibilité, statut et image à maintenir, fortes responsabilités…

Certains participants expriment leur dépendance (passée) à l’égard de la dimension toute puissante de l’entreprise qui leur garantit statut professionnel et prend en charge un grand nombre de décisions domestiques et financières ( « expatriation packages » : location de maisons, financement des études des enfants, contributions aux caisses de retraite privées, assurances médicales…) Ces avantages tangibles peuvent renforcer une certaine forme d’aliénation ( se traduisant par un sentiment de déroute lors de la séparation du cadre dirigeant avec son entreprise).

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La gestion des ressources humaines existant dans certaines organisations les pousse à actionner continuellement un même « vivier » de cadres performants, dynamiques et ayant un sens de l’adaptation très développé.Certains sont ainsi projetés , dans un court laps de temps, dans des fonctions à multiples facettes, et expatriés à un rythme rapide dans de nouveaux pays, où ils devront s’adapter à une nouvelle culture de travail, recréer un réseau relationnel, en endossant à nouveau les valeurs promulguées par leur direction, valeurs parfois peu compatibles avec la culture locale.Souvent, ils sont propulsés dans des situations à risque, où leurs prédécesseurs ont échoué.

Compléxité de la charge de travail  et manque de contrôle:

Celle-ci est toujours plus intense, plus complexe, et plus astreignante (Maslach, 1997) , et repose notamment sur l’aptitude du cadre dirigeant à anticiper les problèmes.Par ailleurs, celui-ci manque de latitude dans l’exercice de ses fonctions, soit pour des raisons de restriction budgétaire des ressources nécessaires, soit en raison de la centralisation du contrôle exercé par l’organisation à travers notamment des politiques spécifiques inscrites dans une stratégie de « micromanagement ». Le modèle dit « éxigences-contrôle », proposé par Karasek(1979)peut être aujourd’hui appliqué à une population de cadres dirigeants. Il permet initialement d’expliciter le stress engendré par des métiers à fortes contraintes et à faible latitude de décisions . Karasek remarque en effet que les niveaux intermédiaires de l’entreprise, traditionnellement associés à ce type de métiers, sont plus propices au développement de troubles cardiaques, l’augmentation du niveau de contrôle réduisant l’intensité des symptômes de stress.

Insuffisance relative des récompenses (rewards) :

Pour une population dont les revenus restent très généreux, et ce malgré l’effondrement de la valeur des actions ou stock-options en leur possession, cette insuffisance a davantage trait à la diminution des compensations  « intrinsèques » du travail , essentiellement le prestige, la crédibilité et la sécurité .A noter que les attentes de cette population sont d’autant plus importantes que leur investissement professionnel engendre certains « sacrifices » familiaux liés aux déménagements fréquents, et à leur absence marquée dans leurs foyers.

4. Facteurs domestiques et familiaux

Ceux-ci ont une importance capitale, car ils renforcent considérablement la culpabilité du manager : Incompréhension du conjoint et des enfants face aux manifestations de stress

intense (mutisme, agressivité, absences…) Tensions provoquées par de nombreuses contraintes familiales, notamment en

cas d’expatriation :- Etudes des enfants. Leur adaptation à de nouveaux systèmes scolaires ou leur éloignement en pension.

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- Prise en charge, souvent à distance des problèmes de santé des parents.- Vécu parfois problématique des conjoints, forcés d’interrompre leur activité professionnelle, et socialement isolés.- Contraintes domestiques liées à la recherche, à l’aménagement d’un logement, aux démarches administratives de déclaration locale de domicile,etc.

Désengagement, ou moindre engagement lors d’évènements familiaux correspondant à de nouveaux cycles de vie maritale : Naissance, départ du premier enfant .

8° CONSEQUENCES, STRATEGIES INDIVIDUELLES ET RECONSTRUCTION  : L’APRES BURNOUT .

L’épuisement professionnel laisse une trace marquée dans la structure psychologique de l’individu :. Le fossé qui s’est peu à peu creusé entre la réalité de son expérience et la

représentation idéalisée de ses fonctions et de sa carrière amène une remise en question radicale sur ses choix et ses comportements passés, sa capacité à comprendre les situations. Le regard qu’il jette sur lui-même et sur son passé professionnel se teinte parfois de cynisme ou d’ironie. L’impression d’avoir été manœuvré, ou trahi, ou exploité est fréquente.

Aux gratifications « narcissiques » qu’il a reçues pendant des années, et à l’omniprésence de son entreprise, succède la réalisation soudaine de sa solitude : nécessité de prendre des décisions capitales : nouvel emploi, rapatriement de la famille en cas d’expatriation, gestion financière du capital touché à l’occasion du départ ou du licenciement, ce capital étant chargé d’une valeur symbolique particulière puisqu’il représente justement la contre partie matérielle de l’expérience d’épuisement professionnel, tout ce qui reste à l’individu .

Tous les participants reconnaîtront la nature irréversible de leur changement.

Certains participants utiliseront des métaphores très fortes pour qualifier le sentiment de vide qui les envahit parfois encore :« Familiarisation à l’idée de mort », « exil », « retraite forcée », « descente », « chute », « emprisonnement », « précipice ».

D’autres, au contraire ont pu dépasser ce sentiment de vide, et évoquent l’opportunité créée par l’épuisement pour recréer les conditions d’ « une nouvelle vie », « une nouvelle mission ».Cette différence de positionnement et de travail d’analyse explique la disparité des conséquences de l’épuisement sur la nouvelle situation du participant, et l’existence de leurs stratégies de changement :

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Conséquences et stratégies individuelles   :

Une période allant de 18 à 30 mois s’est écoulée depuis l’événement déclenchant , pivot symbolisant le début de la réalisation de l’épuisement professionnel

Tous les participants n’ont pas réalisé le même travail d’analyse personnelle .Les entretiens exploratoires mettent en évidence plusieurs types de comportements :

1. Certains participants ont trouvé la force de «   résister   » au sentiment de néant engendré par l’épuisement.:

Parfois cette résistance s’inscrit dans une réaction partielle de déni de la gravité de leur épuisement .Le participant P2, bien que très touché par la dimension PA du syndrome, cherchera à atténuer cette souffrance en reculant la prise de décisions capitales (rapatriement de sa famille, nouvelle orientation professionnelle) et en cherchant à s’insérer le plus rapidement possible dans une nouvelle situation professionnelle, qui, bien que moins gratifiante, lui garantira la permanence de son lieu de résidence et atténuera son insécurité.Seul un examen de sa situation au cours des prochains mois permettra d’évaluer l’impact de cette réaction de déni.

Parfois, l’individu est tiraillé à la fois par le découragement qui succède à l’expérience d’épuisement et la volonté d’y résister : C’est cette positon contradictoire que vit le participant P7, qui s’engage dans une recherche d’emploi tout en étant conscient de ne pas être en mesure de définir clairement ses nouveaux critères de recherche. C’est également le cas du participant P8 qui accepte un nouveau défi dans son entreprise sans avoir parfaitement analysé les causes de son épuisement ni déterminé de stratégie pour faire face à de nouvelles sources de stress potentielles.

Parfois, enfin, cette résistance permettra au participant de « rebondir », et de réussir sa réinsertion : C’est le cas du participant P5, qui après avoir vécu un épuisement professionnel peu classique, avec une souffrance émotionnelle « en dents de scie », saura créer les conditions d’une renaissance en établissant un projet professionnel alternatif, et en s’engageant dans une formation d’une durée d’un an, lui permettant de se dissocier temporairement de son entreprise, de prendre du recul, et de retourner sur son lieu de travail .Ce participant reconnaît le rôle d’éclairage et d’orientation essentiel joué par ses proches.Le concept de résilience développé par Cyrulnik (1999) peut être évoqué ici pour rendre compte de la capacité du participant à non seulement résister mais également à se reconstruire, cette dynamique de rebondissement s’opposant au caractère inéluctable de l’ « effondrement » , implicite dans les modèles de stress classiques .Ce concept permet aussi de souligner le caractère essentiel du soutien social pour la reconstruction de l’individu.

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2. D’autres participants seront accablés par le poids de l’épuisement combiné à la nécessité de faire des choix   :

Cet accablement est très tangible chez le participant P4 , pour lequel l’épuisement professionnel semble perdurer, avec une altération progressive de son état de santé, et une prise en charge importante par ses proches.Ce participant ne parvient pas à entrevoir de nouvelles possibilités, et a besoin de temps pour absorber les implications de son épuisement professionnel sur les plans personnels, et pratiques.

La situation du participant P9 est également incertaine. Il envisage son nouveau poste avec une très grande réticence, en indiquant qu’il aurait finalement préféré recevoir une indemnité de licenciement pour pouvoir envisager un nouveau projet professionnel . Il exprime ainsi sa difficulté à s’engager rapidement, alors que les signes dépressifs perdurent.

3. Une forme originale d’engagement peut succéder à une phase initiale d’accablement   et de remise en question   :

Deux participants ont vécu leur épuisement professionnel comme une véritable coupure avec une forme d’engagement aliénante à l’entreprise, et ont pu ainsi donner un sens particulier à cette expérience, qui les a, dans un premier temps, particulièrement déstabilisés . Après une longue phase de malaise et un travail de réflexion approfondi , les participants P1 et P3 ont opté pour un rythme de travail plus flexible, une activité de conseil ou de service sur un mode indépendant, à moindre niveau de contraintes, leur permettant notamment de se consacrer davantage à leurs familles.

4. L’épuisement professionnel peut-il marquer le début d’une nouvelle vie   ?   :

C’est le message que diffuse Glouberman (2001) dans sa récente publication « the joy of burnout »(le bonheur de l’épuisement professionnel) : « Le burnout est ressenti comme la fin du monde, il s’agit en fait du commencement d’une nouvelle vie ».Cette psychothérapeute, par ailleurs fondatrice de centres holistiques de développement personnel, propose un travail de réflexion et d’ « écoute de sa voix intérieure » basé sur une approche qui emprunte à la sophrologie et à l’hypnose Ericksonienne diverses techniques de relaxation et de visualisation.

La nature multidimensionnelle des facteurs d’épuisement professionnel se prete également à une approche therapeutique comportementaliste et cognitive (TTC), basée sur la notion de traitement de l’information, et la reconnaissance de variables cognitives , de distorsions et de shémas cognitifs de croyance (voir section 2) .

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En reconstuisant l’historique de l’épuisement professionnel de son patient, le thérapeute effectue une analyse fonctionnelle permettant de retracer les origines et l’évolution du syndrome. Le patient s’engage ensuite à effectuer une autoobservation rigoureuse de ses comportements, cognitions, et émotions , motivé par la perspective de conséquences positives à terme. La modification comportementale survient lorsque l’individu est apte à réperer ses contenus cognitifs et ses types de distorsions, et à assouplir ou modifier ses croyances personnelles.Utilisée dans la traitement des troubles de l’anxiété, dans le syndrome de stress post-traumatique, et dans la gestion du stress professionnel, cette thérapie peut constituer un outil adapté à la prévention de l’épuisement professionnel et à la reconstruction personnelle en cas d’apparition du syndrome.

5) Nécéssité d’une intervention au niveau organisationnel

Néanmoins , une approche préventive du syndrome d’épuisement professionnel uniquement centrée sur l’individu ne rend pas compte de la centralité des facteurs organisationnels, professionnels et sociaux dans le développement de ce syndrome.

Maslach (1997) souligne l’urgence de la nécessité d’une intervention, au niveau de l’organisation , et préconise  « l’engagement de l’entreprise » sur les « six voies » suivantes : Charge de travail soutenable Possibilités de choix et de contrôle Reconnaissance et récompenses Promotion de l’esprit de communauté Justice et respect Travail valorisantA travers un modèle d’enquête interne (« Staff Survey »), Maslach propose d’identifier et de solutionner les problèmes critiques présents au cœur des trois domaines suivants :

Le vécu professionnel de l’employé Les inadéquations organisationnelles Le management de l’entreprise

Certains travaux d’analyse sur le management du stress vont dans le meme sens : La proposition de Maslach rejoint les conclusions de Murphy(1992) selon

lesquelles le changement organisationnel et la redéfinition des fonctions restent les approches les plus adéquates du management du stress, de par leur accent sur la réduction ou l’élimination des sources du problème de stress professionnel.

Cox(2000) insiste sur la nécéssité d’une phase de diagnostic des problèmes organisationnels, « une stratégie qui pose des questions avant de proposer des réponses ». Cox fait ainsi allusion aux nombreux programmes de management du stress, aux formats standardisés et inadaptés.Il propose una approche basée sur :

L’identification des dangers

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L’évaluation des risques associés L’implantation de stratégies de contrôle appropriées Le monitoring de l’efficacité des stratégie de contrôle La ré-évaluation des risques La revue des besoins d’information et de formation des employés

exposés à ces risques

CONCLUSION   :

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Cette étude rétrospective a permis de confirmer la réalité de l’expérience d’épuisement professionnelle au sein d’une population de 8 cadres dirigeants.Les scores de ces participants aux sous échelles du Maslach Burnout Inventory ont mis en évidence la centralité de la dimension d’épuisement émotionnel , mais une plus grande variabilité dans l’expérience de la dimension « déshumanisation » et de la dimension « manque d’accomplissement professionnel ».Leurs récits lors des entretiens exploratoires ont révélé un ressenti commun quant à la nature irréversible du changement et au sentiment de vide et d’accablement succédant à l’expérience d’épuisement professionnel. L’examen de leurs situations respectives plus de 18 mois après le déclenchement du syndrome a illustré la grande diversité des mécanismes réactionnels des participants : résistance, déni, résilience, rebondissement, reconstruction progressive.

Une approche interactionnelle, basée sur le recueil, l’examen, et l’analyse des facteurs personnels, organisationnels, sociaux et familiaux ayant participé au développement du syndrome d’épuisement professionnel a permis d’identifier les facteurs communs suivants :

La présence d’un trait de personnalité de type anxiété chez la quasi-totalité des participants.

Le rôle de « déclenchement » particulier joué par des événements ou des situations exceptionnelles, dans la reconstruction, par le participant , du vécu de son épuisement professionnel

La présence d’un niveau de stress professionnel intense au cours de la période précédant l’émergence du syndrome , liée à  la non reconnaissance des efforts et de la contribution essentielle du manager, son surinvestissement, et enfin une lourde charge de travail combinée à un sentiment de dépassement.

Une revue exhaustive des facteurs secondaires récurrents a révélé l’impact de nouveaux facteurs organisationnels, liés à un contexte économique défavorable, susceptible d’entraîner des décisions stratégiques irréversibles( fusions, licenciements..), et d’encourager une forme de pression sur les résultats à court terme et sur la réduction des budgets opérationnels. Ont été également identifiés les facteurs suivants : La complexité de la charge de travail des managers et dirigeants, l’érosion de leur contrôle, leur sentiment croissant d’insécurité et d’isolement, les rythmes de travail et de promotion, et la diminution des compensations intrinsèques .

Cette analyse confirme la nécessité et l’urgence d’interventions au niveau de l’organisation, permettant d’établir un diagnostic des dangers et facteurs de stress intense et d’épuisement professionnel, suivi de l’implantation et du monitoring des stratégies de contrôle adéquates.Une intervention au niveau de l’individu , tant au niveau préventif que thérapeutique est bénéfique, mais ne suffit pas à rendre compte de la nature multidimensionnelle du syndrome d’épuisement professionnel.

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ANNEXE 1   : CADRE DE SYNTHESE DES RESULTATS

Participant 1 2 3 4 5 6 7 8 9===================================================================Scores : STAIS 51 36 31 45 37 43 50 45 39

STAIT 49 34 31 44 34 40 53 40 43

===================================================================Type A/B A2 B4 AB AB A2 AB B4 A2 AB===================================================================

Score EE 31/H 33/H 28/H 38/ H 35/H 21/M 29/H 38/H 52/H

Score DP 13/H 9/M 10/M 15/H 11/M 4/L 14/H 13/H 24/H

Score PA 33/M 34/M 39/L 33/M 32/M 35/M 34/M 33/M 41/L

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ANNEXES

Liste des items MBI version angophone:1. I feel emotionally drained from my work.2. I feel used up at the end of the work day.3. I feel fatigued when I get up in the morning and have to face another day on the

job. 4. I can easily understand how people I work with feel about things.5. I feel I treat some people in an impersonal manner.6. Working with people all day is a strain for me. 7. I deal very effectively with problems people bring meat work.8. I feel burned-out from my work.9. I feel I am making a difference in other people’ s lives through my work. 10. I’ve become more callous toward people since I took this job. 11. I worry that this job is hardening me emotionally. 12. I feel very energetic. 13. I feel frustrated by my job. 14. I feel I m working too hard on my job. 15. I don’t really care what happens to some people I encounter at work.16. Working with people directly puts too much stress on me. 17. I can easily create a relaxed atmosphere with people at work.18. I feel exhilarated after working with people closely on my job. 19. I have accomplished many worthwhile things in this job. 20. I feel like I’m at the end of my rope. 21. In my work, I deal with emotional problems very calmly.22. I feel others at work blame me for some of their problems.