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Me ´ningite a ` Salmonelle chez un nourrisson due a ` une tortue domestique Salmonella meningitis in an infant due to a pet turtle C. Ricard a, *, J. Mellentin a , R. Ben Abdallah Chabchoub b , P. Kingbede b , T. Heuclin b , A. Ramdame c , A. Bouquet a , F. Couttenier b , S. Hendricx a a Laboratoire de bacte ´riologie, centre hospitalier de Douai, route de Cambrai, 59507 Douai, France b Service de me ´decine et chirurgie de l’enfant, centre hospitalier de Douai, route de Cambrai, 59507 Douai, France c Service d’imagerie me ´dicale, centre hospitalier de Douai, route de Cambrai, 59507 Douai, France Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com 1. Introduction Les infections a ` Salmonelles sont un proble `me de sante ´ publique. Elles peuvent e ˆtre graves chez les nourrissons chez qui elles peuvent se compliquer de me ´ningites. Dans ces atteintes me ´ninge ´es, la mortalite ´ de ´passe 50 % et les rechutes pre ´coces ainsi que les abce `s ce ´re ´braux ne sont pas rares [1]. Nous rapportons un cas de me ´ningite a ` Salmonella enterica subsp. enterica se ´rotype Vitkin chez un nourrisson. 2. Observation Ce nourrisson a ˆge ´ de un mois et demi, avait e ´te ´ amene ´ par ses parents au service d’accueil des urgences pe ´diatriques du centre hospitalier ge ´ne ´ral (CHG) de proximite ´ pour fie `vre a ` 38,6 8Ce ´voluant depuis 12 h. A ` l’interrogatoire, on n’avait pas Summary In humans, Salmonella most often causes self-limiting gastroente- ritis, but more severe symptoms such as sepsis and meningitis can also occur and can sometimes have a fatal outcome. Even if the meningitis is not fatal, sequelae such as epilepsy, cranial nerve palsies, and hydrocephalus can occur. In the United States, it has been estimated that approximately 6% of the human cases of salmonellosis can be attributed to contact with reptiles or amphi- bians. The infection may take place by direct contact between reptile and human or indirectly via contact with an environment contami- nated with Salmonella from a reptile. Salmonella enterica subsp. enterica serotype Vitkin is a common gut inhabitant of reptiles. Though human cases due to this organism are exceedingly rare, it may infect young infants and immunocompromised individuals with a history of intimate associations with reptiles. Gastroenteritis is the most common presentation ; others include peritonitis, meningitis and bacteremia. We report a case of meningitis caused by S. enterica subsp. enterica serotype Vitkin in a 1-month-old child due to a pet turtle. ß 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Re ´sume ´ Bien que la majorite ´ des infections a ` Salmonelles non typhiques soit d’origine alimentaire et se manifeste par des troubles digestifs, il existe d’autres sources de contamination telles que les reptiles, un des re ´ servoirs naturels de la bacte ´ rie. Une contamination de l’homme est alors possible par contact direct avec l’animal ou son environ- nement. Les jeunes enfants, en particulier ceux a ˆge ´s de moins de 5 ans, sont tre `s vulne ´rables aux infections a ` Salmonella. Les formes graves sont l’apanage de nourrissons en particulier avant 3 mois ou lorsqu’ils sont atteints de dre ´panocytose ou d’immunode ´ficience. Nous rapportons le cas d’une me ´ningite a ` Salmonella enterica subsp. enterica se ´rotype Vitkin chez un nourrisson de 1 mois et demi contamine ´ par une tortue. ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. * Auteur correspondant. Laboratoire de bacte ´riologie, centre hospitalier de Douai, route de Cambrai, 59507 Douai, France. e-mail : [email protected] (C. Ricard) Rec ¸u le : 16 mai 2013 Accepte ´ le : 20 septembre 2013 Fait clinique ARCPED-3504; No of Pages 3 1 0929-693X/$ - see front matter ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2013.09.019 Archives de Pe ´diatrie 2013;xxx:1-3

Méningite à Salmonelle chez un nourrisson due à une tortue domestique

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Page 1: Méningite à Salmonelle chez un nourrisson due à une tortue domestique

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Fait clinique

ARCPED-3504; No of Pages 3

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Meningite a Salmonelle chez un nourrissondue a une tortue domestique

Salmonella meningitis in an infant due to a pet turtle

C. Ricarda,*, J. Mellentina, R. Ben Abdallah Chabchoubb, P. Kingbedeb,T. Heuclinb, A. Ramdamec, A. Bouqueta, F. Couttenierb, S. Hendricxa

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Recu le :16 mai 2013Accepte le :20 septembre 2013

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a Laboratoire de bacteriologie, centre hospitalier de Douai, route de Cambrai, 59507 Douai,Franceb Service de medecine et chirurgie de l’enfant, centre hospitalier de Douai, route de Cambrai,59507 Douai, Francec Service d’imagerie medicale, centre hospitalier de Douai, route de Cambrai, 59507 Douai,France

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

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SummaryIn humans, Salmonella most often causes self-limiting gastroente-

ritis, but more severe symptoms such as sepsis and meningitis can

also occur and can sometimes have a fatal outcome. Even if the

meningitis is not fatal, sequelae such as epilepsy, cranial nerve

palsies, and hydrocephalus can occur. In the United States, it has

been estimated that approximately 6% of the human cases of

salmonellosis can be attributed to contact with reptiles or amphi-

bians. The infection may take place by direct contact between reptile

and human or indirectly via contact with an environment contami-

nated with Salmonella from a reptile. Salmonella enterica subsp.

enterica serotype Vitkin is a common gut inhabitant of reptiles.

Though human cases due to this organism are exceedingly rare, it

may infect young infants and immunocompromised individuals with

a history of intimate associations with reptiles. Gastroenteritis is the

most common presentation ; others include peritonitis, meningitis

and bacteremia. We report a case of meningitis caused by S. enterica

subsp. enterica serotype Vitkin in a 1-month-old child due to a pet

turtle.

� 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

ResumeBien que la majorite des infections a Salmonelles non typhiques soit

d’origine alimentaire et se manifeste par des troubles digestifs, il

existe d’autres sources de contamination telles que les reptiles, un

des reservoirs naturels de la bacterie. Une contamination de l’homme

est alors possible par contact direct avec l’animal ou son environ-

nement. Les jeunes enfants, en particulier ceux ages de moins de

5 ans, sont tres vulnerables aux infections a Salmonella. Les formes

graves sont l’apanage de nourrissons en particulier avant 3 mois ou

lorsqu’ils sont atteints de drepanocytose ou d’immunodeficience.

Nous rapportons le cas d’une meningite a Salmonella enterica subsp.

enterica serotype Vitkin chez un nourrisson de 1 mois et demi

contamine par une tortue.

� 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

1. Introduction

Les infections a Salmonelles sont un probleme de santepublique. Elles peuvent etre graves chez les nourrissons chezqui elles peuvent se compliquer de meningites. Dans cesatteintes meningees, la mortalite depasse 50 % et les rechutes

* Auteur correspondant.Laboratoire de bacteriologie, centre hospitalier de Douai, route de Cambrai,59507 Douai, France.e-mail : [email protected] (C. Ricard)

0929-693X/$ - see front matter � 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2013.09.019 Archives de Pediatrie 2013;xxx:1-3

precoces ainsi que les abces cerebraux ne sont pas rares [1].Nous rapportons un cas de meningite a Salmonella entericasubsp. enterica serotype Vitkin chez un nourrisson.

2. Observation

Ce nourrisson age de un mois et demi, avait ete amene par sesparents au service d’accueil des urgences pediatriques ducentre hospitalier general (CHG) de proximite pour fievre a38,6 8C evoluant depuis 12 h. A l’interrogatoire, on n’avait pas

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C. Ricard et al. Archives de Pediatrie 2013;xxx:1-3[(Figure_2)TD$FIG]

Figure 2. Tomodensitometrie cerebrale : prise de contraste a latomodensitometrie cerebrale.

ARCPED-3504; No of Pages 3

note d’antecedents particuliers. L’enfant etait ne a terme avecun poids de 3,3 kg, sans contexte infectieux. La sœur aıneeavait presente une infection virale recente. A l’admission,l’enfant etait en bon etat general, sans frissons, avec unepression arterielle normale et un examen neurologique nor-mal. Le bilan biologique avait montre une proteine C-reactiveplasmatique (CRP) < 5 mg/L, une procalcitonine basse a0,13 ng/mL, un ionogramme normal, une hemoglobine a8,9 g/dL avec des leucocytes a 15 900/mm3 et des plaquettesa 525 000/mm3. La radiographie de thorax etait normale.Apres une nuit d’observation sans complication, le retour adomicile avait ete autorise avec des consignes de surveillanceet la poursuite d’un traitement par paracetamol. Le lende-main, devant la persistance de la fievre et la survenue dedouleurs, le nourrisson avait ete amene par ses parents auservice des urgences pediatriques du centre hospitalier regio-nal.L’examen clinique et le bilan biologique n’avaient toujourspas identifie de cause infectieuse. La radiologie pulmonaireetait egalement sans particularite. Une serie d’hemocultureset un examen cytobacteriologique des urines (ECBU) avaientete realises et l’enfant avait ete retransfere au CHG.A son arrivee, une ponction lombaire avait ete realisee etl’examen cytologique du liquide cephalo-rachidien (LCR) avaitmontre la presence de 1200 leucocytes/mm3 dont 37 % depolynucleaires neutrophiles, 27 % de lymphocytes et 36 % demonocytes-macrophages. La coloration de Gram avait mis enevidence des bacilles gram negatif (fig. 1). Sur le plan bio-chimique, il existait une hypoglycorachie a 0,01 g/L associee aune elevation de la proteinorachie a 3,41 g/L. Le bilan biolo-gique avait montre un syndrome inflammatoire avec une CRPa 128 mg/L et une procalcitonine plasmatique a 0,760 ng/mL.Une antibiotherapie probabiliste par RocephineW avait alorsete instauree, associee a une injection unique de 0,8 mg debetamethasone. La culture du LCR avait permis d’identifierune Salmonella sp. de phenotype sauvage. L’interrogatoire des

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Figure 1. Examen direct du liquide cephalo-rachidien : coloration de Grammontrant des bacilles gram negatif.

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parents avait alors revele la presence d’une tortue aquatiqueau domicile familial, manipulee par la mere.La souche de Salmonella a ete envoyee au Centre national dereference (CNR) Escherichia coli, Shigella et Salmonella del’Institut Pasteur de Paris et s’est averee etre uneS. enterica subsp. enterica serotype Vitkin. Elle n’avait pasete retrouvee a la coproculture. Ce serotype, commeS. enterica subsp. arizonae, est present chez les reptiles,notamment les serpents et les tortues, qui sont un reservoirnaturel.Le traitement initial avait ete une antibiotherapie associantl’amikacine a la ceftriaxone durant une journee puis rempla-cee par la ciprofloxacine pendant 15 jours apres l’identificationde la souche. Sur le plan radiologique, la tomodensitometriecerebrale avait montre des prises de contraste (signe desouffrance) sans abces (fig. 2) qui s’etaient normalisees 72 hplus tard. L’evolution sur le plan neurologique avait etefavorable. L’examen clinique 1 mois apres la sortie etaitnormal.

3. Discussion

Les meningites a Salmonelle sont rares en France ou ellesrepresentent environ 0,2 % des meningites bacteriennes chezl’enfant. En revanche, leur prevalence est plus elevee enAfrique ou en Asie ou elles representent entre 1 et 10 %des meningites bacteriennes [1]. Les cas decrits dans la litte-rature concernent principalement des nouveau-nes et desnourrissons s’etant contamines generalement au sein ducercle familial [2]. Aux Etats-Unis, on compte environ 1,4 mil-lion de cas d’infections a Salmonella par an et 400 deces [3].Parmi ces cas, 6 % sont attribues a des contacts avec desreptiles [4]. Ainsi, des 1975, la US Food et la Food and DrugAdministration (FDA) avaient interdit la vente des petitestortues (dont la carapace mesure moins de 10 cm de diametre)pour diminuer les infections a Salmonelles associees aux

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Salmonelle et tortue domestique

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reptiles [4]. Les Salmonelles ont d’abord ete isolees chez lesserpents, les tortues et les lezards dans les annees 1940. Derecentes etudes ont montre qu’aujourd’hui plus de 50 a 90 %de ces animaux en sont porteurs. On trouve ces bacteries dansle tractus gastro-intestinal, au niveau du cloaque, de la peauainsi que dans leur milieu aquatique [3]. Dans notre observa-tion, la recherche du portage par la tortue n’a pas pu etrerealisee car la famille s’etait separee de l’animal peu de tempsapres l’identification de la souche.Le serotype Vitkin a ete pour la premiere fois decrit en1956 pour une souche isolee de tortues en Israel. Le nomde ce serotype vient de ‘‘Kfar Vitkin’’, une ville d’Israel. Trespeu de cas ont ete decrits dans la litterature. En France, le CNRrecoit en moyenne une souche de Salmonella de serotypeVitkin par an, provenant en majeure partie d’enfants de moinsde 5 ans. Ce serotype possede les antigenes suivants : O : 28 ; Hphase 1 : l, v ; H phase 2 : e, n, x. Concernant la sous-especeS. enterica subsp. arizonae, elle a ete trouvee pour la premierefois en 1939 chez des serpents, des lezards et des tortues. Saprevalence semble plus elevee chez les serpents puisque que78 % en sont porteurs. Les reptiles se contaminent essentiel-lement par l’eau et la nourriture. Les premiers cas chezl’homme d’infections dues a cette bacterie ont ete decritsen 1944. Les symptomes les plus classiques sont ceux d’unegastroenterite et 73 % des infections surviennent dans lestrois premiers mois d’exposition a un reptile [5].Les meningites a Salmonella etaient classiquement associeesa des taux de mortalite eleves (> 50 %). Cependant, l’utilisa-tion recente des fluoroquinolones semble diminuer la morta-lite, le risque de rechute et les complications [1,6]. En France,l’utilisation des fluoroquinolones chez les enfants doit suivreles reglementations officielles en vigueur. Le traitement doitetre exclusivement instaure par des medecins experimentesdans le traitement des infections severes de l’enfant et del’adolescent. Certaines indications ont ete definies par lacommission des pediatres de l’International Society of Chemo-therapy et par le comite des maladies infectieuses de l’Ame-rican Academy of Pediatrics. Ainsi, l’usage de ces moleculespeut etre justifie dans les infections mettant en jeu le pro-nostic vital de l’enfant. De ce fait, compte tenu de leursexcellentes penetrations meningee et intracellulaire, ellespeuvent etre utilisees dans les meningites neonatales a Sal-monelle en association a un autre antibiotique [7,8].

4. Conclusions

Toute manifestation septique chez un enfant en contact avecdes reptiles ou ayant consomme des produits derives doitfaire evoquer une infection a Salmonella. La legislation concer-nant le commerce des reptiles est reglementee par 3 textes :

� la Convention de Washington qui a pour but d’instaurer desregles internationales pour le commerce des animauxsauvages ;� la reglementation europeenne ;� l’arrete du 19 novembre 2007 qui fixe la liste desamphibiens et des reptiles proteges sur l’ensemble duterritoire francais et les modalites de leur protection.La prevention primaire passe par le respect des recomman-dations relatives a la prevention de la transmission de Sal-monelles des reptiles a l’homme elaboree par le Centers ofDisease Control and Prevention [9]. Les proprietaires de repti-les doivent respecter des regles d’hygiene strictes notammentlors de la manipulation des animaux. Lors de la vente de cesreptiles, il est d’ailleurs primordial que les clients soientinformes de ces regles ainsi que des risques infectieux encou-rus, en particulier la contamination possible par les Salmo-nelles. Le CNR des Salmonelles de l’Institut Pasteur a Paris metegalement ces recommandations a la disposition du person-nel medical pour qu’il puisse sensibiliser leurs patients.

Declaration d’interets

Les auteurs declarent ne pas avoir de conflits d’interets enrelation avec cet article.

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[9] Centers for Disease Control Prevention. Reptile-associatedsalmonellosis-selected states, 1998–2002. MMWR Morb MortalWkly Rep 2003;52:1206–9.

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