6
MENSUEL DE L’ AMR ET DU SUD DES ALPES, club de jazz et au tres musiques impr ovisées juste quelques images Au soir du 10 février à l’instant de confier ce nu- méro 366 du Viva la Musica à l’imprimeur, on ne connaissait pas encore le nombre définitif de signa- tures réunies ces dernières semaines contre les coupes financières décidées par le Conseil munici- pal mais l’on savait néanmoins que la première étape de ce combat est pleinement réussie. Dans 24 heures, les référendums seront déposés au Ser- vice des votations et élections, la barrière des 4000 signatures pour chacun d’eux largement franchie. On ne peut que se réjouir de l’impressionnante mobilisation des milieux culturels contre les coups de sabre ténébreux que la droite politique lui porte même si la bagarre va encore être âpre & longue. Pour marquer ce premier succès je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager quelques lignes du communiqué enjoué publié par Fabienne Abramo- vich dès que les responsables de la vérification des signatures ont su que la porte était franchie. « Huit personnes (Ariane Arlotti, Claude Ratzé, Claire Goodyear, Natacha Jaquerod, Madeleine Amsler, Leila Kramis, Barbara Giongo et Fabienne Abramovich) ont vérifié toutes les signatures jusque tard dans la nuit de dimanche soir et lundi soir. Nous étions ivres de joie – et que de joie – car vivre ensemble ce moment historique marque notre force de citoyens et citoyennes. Rassurez-vous, nous ne rêvons pas en ce qui concerne la votation populaire et nous devrons vraiment travailler car cela sera difficile et certainement pas gagné. Voilà, fatigué-e-s nous sommes mais notre récompense est là: en effeuillant les signatures des référendums, hier soir, nous sommes tombés sur deux pages complètes signées, d'une belle écriture… Hélène, Myriam, Liliane, Eglantine, Raymonde, Ida, Josette, Yvette, Lilly, Charles et Alice, toutes résidant dans un IEPA (immeuble avec encadrement pour personnes âgées) et toutes né-e-s entre 1923 et 1940, soutiennent LA CULTURE LUTTE! Sans oublier les signatures de personnes qui s'annoncent sans adresse et SDF. On vous aime beaucoup! Merci !!! Merci aussi à tous les récolteurs et récolteuses sur le terrain, irremplaçables par leur énergie. Merci à toutes les femmes qui ont tenu le pavé avec force puisque sur le doodle on décompte quarante femmes pour quatre hommes sur le terrain. De nombreuses personnes et structures ont récolté aussi de manière anonyme mais très organisée : des anges sans genre.Haut les cœurs ! » dernière minute: 9540 signatures pour le référendum 1, 9404 pour le 2! Référendums de « La culture lutte » une première victoire «Un problème surgit devant la duchesse: devait-elle marquer la mesure avec son éventail, commeses voi- sines ou s’abstenir? Une approbation aussi directe de sa part ne paraîtrait-elle pas trop grasse aux musiciens? Alors la dame bleue se sortit d’embarras: elle se mit à mouvoir son machin en écaille de tortue, mais pas au rythme de la musique qu’on jouait, non, à contre-me- sure, histoire d’indépendance.» Ossip Mandelstamm, «La quatrième prose» p. 109 - Christian Bourgois - 1993 M A R S 1 6 6 3 6 des écrivains, des musiciens

MENSUEL DE L’AMR ET DU SUD DES ALPES, club de jazz 3 6 une … · 2017-07-24 · MENSUEL DE L’AMR ET DU SUD DES ALPES, club de jazz et au tres musiques impr ovis ées juste quelques

  • Upload
    others

  • View
    3

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: MENSUEL DE L’AMR ET DU SUD DES ALPES, club de jazz 3 6 une … · 2017-07-24 · MENSUEL DE L’AMR ET DU SUD DES ALPES, club de jazz et au tres musiques impr ovis ées juste quelques

MENSUEL DE L’ AMR ET DU SUD DES ALPES, club de jazzet autres musiques improvisé e s

juste

quelques

images

Au soir du 10 février à l’instant de confier ce nu-méro 366 du Viva la Musica à l’imprimeur, on neconnaissait pas encore le nombre définitif de signa-tures réunies ces dernières semaines contre lescoupes financières décidées par le Conseil munici-pal mais l’on savait néanmoins que la premièreétape de ce combat est pleinement réussie. Dans24 heures, les référendums seront déposés au Ser-vice des votations et élections, la barrière des 4000signatures pour chacun d’eux largement franchie.On ne peut que se réjouir de l’impressionnantemobilisation des milieux culturels contre les coupsde sabre ténébreux que la droite politique lui portemême si la bagarre va encore être âpre & longue.Pour marquer ce premier succès je ne résiste pas auplaisir de vous faire partager quelques lignes ducommuniqué enjoué publié par Fabienne Abramo-vich dès que les responsables de la vérification dessignatures ont su que la porte était franchie.

«Huit personnes (Ariane Arlotti, Claude Ratzé,Claire Good year, Natacha Jaquerod, MadeleineAmsler, Leila Kramis, Barbara Giongo et FabienneAbramovich) ont vérifié toutes les signaturesjusque tard dans la nuit de dimanche soir et lundisoir. Nous étions ivres de joie – et que de joie –car vivre ensemble ce moment historique marquenotre force de citoyens et citoyennes.Rassurez-vous, nous ne rêvons pas en ce quiconcerne la votation populaire et nous devronsvraiment travailler car cela sera difficile et certainement pas gagné.Voilà, fatigué-e-s nous sommes mais notre récompense est là: en effeuillant les signaturesdes référendums, hier soir, nous sommes tombéssur deux pages complètes signées, d'une belleécriture… Hélène, Myriam, Liliane, Eglantine, Raymonde, Ida, Josette, Yvette, Lilly, Charles et Alice, toutes résidant dans un IEPA (immeubleavec encadrement pour personnes âgées) et toutes né-e-s entre 1923 et 1940, soutiennentLA CULTURE LUTTE! Sans oublier les signatures de personnes qui s'annoncent sans adresse et SDF. On vous aime beaucoup! Merci !!!Merci aussi à tous les récolteurs et récolteuses surle terrain, irremplaçables par leur énergie. Merci à toutes les femmes qui ont tenu le pavéavec force puisque sur le doodle on décomptequarante femmes pour quatre hommes sur le terrain. De nombreuses personnes et structures ont récolté aussi de manièreanonyme mais très organisée: des anges sansgenre.Haut les cœurs!»

dernière minute:9540 signatures pour le référendum 1,9404 pour le 2!

Référendums de «La culture lutte»

une premièrevictoire

«Un problème surgit devant la duchesse: devait-ellemarquer la mesure avec son éventail, commeses voi-sines ou s’abstenir? Une approbation aussi directe desa part ne paraîtrait-elle pas trop grasse aux musiciens?Alors la dame bleue se sortit d’embarras: elle se mit àmouvoir son machin en écaille de tortue, mais pas aurythme de la musique qu’on jouait, non, à contre-me-sure, histoire d’indépendance.»

Ossip Mandelstamm, «La quatrième prose»p. 109 - Christian Bourgois - 1993

MA

RS

16

63 6

d e s é c r i v a i n s , d e s m u s i c i e n s

Page 2: MENSUEL DE L’AMR ET DU SUD DES ALPES, club de jazz 3 6 une … · 2017-07-24 · MENSUEL DE L’AMR ET DU SUD DES ALPES, club de jazz et au tres musiques impr ovis ées juste quelques

VIVA LA MUSICAmensuel d’ information de l’AMRassociAtion pourl’encourageMent de la musique impRovisée

10, rue des alpes, 1201 genèvetél. (022) 716 56 30Fax (022) 716 56 39 www.amr-geneve.ch

coordination rédactionnel le : jean f irmann ,viva.stampa@gmail .com publ i c ité : tarif sur demandemaquette: les studios lolos, [email protected]

imprimerie genevoise tirage 2200 ex. + 2200 flyers géants ISSN 1422-3651

devenez membrede l’Amr !nom et prénom

adresse

NPA-localité

e-mail:

à retourner à :

soutenez nos activités (concerts ausud des alpes, festival de jazz etfestival des cropettes, ateliers, stages)en devenant mem bre de l’AMR: vousserez tenus au courant de nos activitésen recevant vivalamusica tous lesmois et vous bénéfic ierez de ré -duc tions appré ciables aux con certsorganisés par l’AMR

AMR, 10, rue des Alpes, 1201 Genèvenous vous ferons parvenir un bulletinde versement pour le montant de lacotisation (50 francs, soutien 80 francs)��������������������������������

UN BANDIT DIT

« L’ORCHESTRE QUI A FAILLIJOUER À PARIS»

texte et photographies de Jean Firmann

ci-dessous deux sculptures de Marusha Nemelka-Roschi

jouer à paris! »C’est à une rarissime sérénade, à un concertimprobable et bien réel pourtant, à une ré-surrection musicale improvisée que j’ai eu lebonheur d’assister le dimanche 7 février encompagnie d’une bonne vingtaine deconnaisseurs ravis. C’était en vieille ville deGenève à la galerie Chausse-Coq, (rue dumême nom), une des dernières galeries d’artde Genève ayant encore dégaine chaleu-reuse & visage humain, loin de l’aigre pré-tention des marchandards, de la livide clin-quance des marchands d’art. Une galerie quibien sûr, par les temps enfriqués qui courentva très bientôt, corps & biens sombrer dansl’océan financièrement correct de Genève.Marusha Nemelka-Roschi y clôturait uneexposi- tion de sculptures, bois, marbre &pierres taillées et poncées en parfaitesépures accompagnées d’autres œuvres plusfantasques & délurées combinant comme enun rêve anciens outils artisans, boules & bou-tons aux vieux laitons des portes, plots deporcelaine d’antiques lampadaires pour en-fanter animaux, totems et personnagesfabuleux, un vivant très beau travail! Et laclôture de cette exposition – et non le finis-

sage, comme les impies le disent – fut super-bement marquée par un concert improvisédu trompettiste et flûtiste Laurent Pera-dotto, (non ça n’est pas un mythe, oui ilexiste! & son souffle est de cristal), ducontrebassiste Sandro Rossetti et de ClaudeTabarini, le percuteur, armé ce jour-là justed’un très fertile darbouka. L’extraordinaireest que ces trois musiciens n’avaient plusjoué ensemble depuis le début des années1970. Depuis le temps du Trio Jonction, «l’or-chestre qui a failli jouer à Paris» comme ilssouriaient à le nommer du haut de leursvingt ans de partisans fous de jazz, en untemps ou l’AMR grimpait insolemment surles fonts baptismaux et où des dizaines demusiciens gravitant notamment autour de lacommune de Peschier, entendaient bien sor-tir de leurs caves pour faire sonner au grandjour leur libre musique inventée. Et ce petitconcert à Chausse-Coq fut un bijou sonore,une perle rare de rivière, une légende aucœur qui bat. Et Peradotto, Rossetti, Taba-rini, qu’on se le dise, ne sont pas plus ancienscombattants que le jazz n’est une guerre. Juste la vie, la vraie, qui roule.

«Il n'y a rien de mieux que l'adversité. Chaque défaite,chaque déchirement, chaque perte, contient comme une grainela leçon de comment faire mieux la prochaine fois.» Malcolm Little, dit Malcolm X

63 6

matthieu épiney

et aloys

lolo

GUTEN TAG, HERR GRAPHpar Jean-Luc BabelRue Ben-Vautier le bombage en belle ronde estchez lui comme un cheval fou rue de la Débri-dée, comme un détective rue de la Filature, unegauloise bleue rue des Allobroges. Comme unpendu rue des Cordiers, une ballade place deJargonnant, un loir à la rampe Quidort, une gei-

sha rue du Soleil-Levant.Chante, poulet, comme une merletterue d’Aubigné!Plante, amour, comme un beaudiable rue d’Enfer!Comme une première taffe ruedu Premier-Juin, un éléphantpassage des Alpes, un paraton-nerre rue Franklin, un bout-fil-tre rue du Cendrier, un tube ruede la Scie, une esperluette rue

Gutenberg, une cuillère de mielrue Leschot.

Le tag est respectable comme un Benja-min rue du Centenaire.

EnvoiEcoute, l’Effaceur, arrête un peu le bras!Ce ne sont pas des tags que tu jettes à bas.Ne vois-tu pas le sang, lequel coule en bavure,De la muse qui meurt sous ta triste lavure?

Ça y est, les référendums contre les coupes budgétaires ont été déposés– très honorable récolte –, il nous reste maintenant le gros morceau, àsavoir lancer la campagne pour les votations avec ferveur et capacité à

impro-v i s e rs a n scesse ,

toutes choses que nous a apprises l'adversité qui s'en prend à nous cestemps derniers! Car nous autres humains n’apprenons guère du bon-heur, aussitôt vécu oublié…Ces temps derniers donc, eut lieu une rencontre très intéressante entreles travailleurs de l'AMR, rencontre qui a fait suite à un sondage lancépar le comité… Si le genre sondage, ici comme ailleurs, ne fait pas l'una-nimité, il faut reconnaître que ce qu'il provoqua fut très constructif.Précisons – et rendons à César… – que cette rencontre a été animéepar un facilitateur, sorte de médiateur bien dans ses chaussures, quinous a proposé un système simple et efficace, à savoir… travailler en-semble sur des sujets concrets, plutôt que se perdre en prises de tête etde bec. Les sujets traités, au nombre de quatre, furent extraits des ré-sultats de ce sondage, qu'on pourrait résumer – c'est le reproche quirevient le plus souvent dans ce sondage – par «manque de communica-tion». Les personnes présentes se sont partagé ces quatre sujetsen groupes d'intérêt, et après réflexion, dialogue, écoute, di-verses commissions ont été créées qui vont plancher prochai-nement et dont je ne manquerai pas de vous parler. Dansl'immédiat, le comité s'est engagé à satisfaire une de-mande qui a très vite fait consensus: multiplier les AGtout au long de l'année. Pour l'heure, nous en avonsagendé deux, une statutaire le dimanche 10 avril à 18 h,avec l'habituel cohorte de rapports officiels (comité,comptes, programmation, ateliers) et l'élection du nou-veau comité; une autre, extraordinaire celle-ci, le lundi 18avril à 20 h, avec la possibilité de proposer d'ores et déjàet jusqu'au 28 mars les points que nous aimerions y aborder.Ainsi, dans le Viva du mois prochain, nous trouverons en noirsur blanc les sujets à l'ordre du jour de cette AG extraordinaire,dont nous pourrons débattre en toute connaissance de cause. Dans l'en-cadré ci-dessous et deux pages plus loin, vers les montagnes, le résuméde ces AG prochaines!And last but not least, laissons-nous surprendre par le programme du35e AMR Jazz Festival qui déroulera ses volutes incantatoires du 15 au20 mars en nos murs au 10 rue des Alpes ! Un programme tonique, épi -que, lyrique, magique, dont vous trouverez le détail au milieu de cejournal, et qui annonce délicieusement le printemps, le renouveau,l'amour comme une promesse, puissions-nous en tirer quelque chose!

LA (CULTUR)LUTTE CONTINUE!éditorial, par colette grand

CONVOCATION DES MEMBRES DE L’AMRÀ L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE STATUTAIRE 2016 DE L’ASSOCIATIONL’assemblée générale statutaire de l’AMR se tiendrale dimanche 10 avril à 18 h dans la salle de concertdu Sud des Alpes... vous y êtes attendus très nombreux.ORDRE DU JOUR• rapport du représentant des élèves et élection du nouveau représentant• rapport de la présidente• approbation du PV de l’AG 2015• rapport de l’administrateur• rapport de la commission de programmation• rapport du coordinateur des ateliers • décharge administrateur et comité 2015/2016• présentation des candidats au comité 2016/2017

MA

RS

16

Page 3: MENSUEL DE L’AMR ET DU SUD DES ALPES, club de jazz 3 6 une … · 2017-07-24 · MENSUEL DE L’AMR ET DU SUD DES ALPES, club de jazz et au tres musiques impr ovis ées juste quelques

enveloppe

je suis allé...

Je suis allé voir Lou Grassi. Il ne ressemble pas du tout à un loup grassouillet(qui, langue pendante, frapperait de ses mille pattes mille tambours tel unedivinité de l’Inde) que l’imaginaire langagier allié à la légende du jazz noussuggérerait, mais plutôt à quelque ouvrier italien à la barbe drue attendantl’âge imminent de la retraite pour exercer ses talents cachés de mandoliniste.Il était avec le Nu Band dont tous les membres sont habillés. Il y avait là MarkWhitecage à la queue de cheval blanche dont le très beau son d’alto n’a decesse de s’envoler et de revenir à cette cage de pureté qui fait de la cage elle-même un envol; à la trompette Thomas Heberer (que l’on dit avoir travailléavec Misha Mengelberg), un grand «jeune homme» dégingandé que l’on vou-drait dire typiquement germanique dans le meilleur sens du terme, sorte de«Taugenicht» du XXIe siècle tout à la fois innocent et travailleur et Joe Fondaà la contrebasse. Je trouve qu’il a quelque ressemblance avec Sandro Rossetti(pour ceux qui le connaissent et pour les autres tant pis!). Tout cela tient sonorigine du fameux quartette sans piano d’Ornette Coleman qui nous a quittésil y a peu mais ne cesse de revivre en de nombreux lieux d’innocente beauté.A la pose il y avait des disques à vendre (depuis que je suis à l’AVS je m’achèteencore plus de disques qu’avant, on peut compter sur moi pour relancer laconsommation!). C’est le «loup grassouillet» lui-même qui m’a servi. Dixfrancs que cela coûtait. Je lui tendis un billet de vingt francs mais, venu deNew York il n’avait pas de monnaie. Nous nous rabattîmes sur deux pièces decent sous (ou de sans-le-sou) qui traînaient au fond de ma poche. Mon choixne s’était pas porté sur le Nu Band dont j’avais précédemment acquis certainsde leurs opuscules, mais sur le Po Band. C’était dû au fait que sur la pochette,à côté de Lou Grassi figurait le nom de Marshall Allen. Ça n’est pas que je soisun véritable fan de Sun Râ dont le cirque ambulant, bien que d’un point devue touchant, ne me semble pas exempt de quelque vulgarité, mais j’aimebien Marshall Allen. Il suffit de l’étrange pureté d’un cri obstiné pour générercette obscure gloire qui ressemble à de l’amour. Telle est la merveille.

par claude tabarini

Les références à la petitereine étant nombreuses dansMajor Taylor (comme en atteste déjà le nom de laformation lui-même), unequ e s tion vient spontanémentà l’esprit : aucun héros dutour de Suisse n’ayant jamais légué à la postéritéde standard de jazz, pourautant que je sache, surquels critères avez-vous établi votre répertoire?

Martin Wisard: Nous appré-cions donc le vélo, sa pra-tique mais aussi toutes sesréférences historiques: il y adu mythe, de la poésie, destragédies, de l’engagement,des descentes de cols à viveallure dans le vélo. Des gail-lards capables de pédaler surdes pentes interminables, surleurs simples machines qu’ilsbichonnaient. Le parallèleavec le musicien n’est doncpas usurpé : il faut faire sesgammes, transpirer sur soninstrument (qui n’a certes pasdeux roues lui, mais dont lesréglages ont aussi toute leurimportance), faut envoyercomme on dit, s’engager,avec aussi le risque d’unesortie de route. Bon ça faitquand même moins mal,sinon aux oreilles. On neconnaît pas non plus le résul-tat final, les «événements»musicaux qui jalonneront lesimprovisations. Il y a de l’in-certitude dans le jazz, com -me dans les courses de vélo.Le répertoire de Major Tay-lor est composé de morceauxcomposés par des membresdu groupe, mais aussi dequel ques per les de DonCher ry («Guinea», «Mali-nea ») et des huit mesurespleines de poésie de cethymne « You ain’t gonnaknow me ‘cos you think youknow me», de Mongezi Feza(une superbe version sur l’al-bum «Spirits Rejoice!»,1978, Louis Moholo), une

autre tour-nette sujette à undéveloppement improvisé deKapsberger, un Vénitien,1589-1651.Mais bien sûr, Major Taylor,champion de cyclisme. Unevraie figure de ce sport, aumême titre que les grandesfigures du Tour (Coppi,Bartali, Koblet, An-quetil …). Mais noir-américain lui. Unecertaine liberté grâceaux coups de pédale, etle premier sportif noiraméricain reconnu. Lescoups de pédale, c’estquand même mieux queles coups de fouet dansles champs de coton.On a donc choisi un ré-pertoire qui ne nous en-ferme pas, mais qui, onl’espère, permet unecertaine liberté, un es-pace d’expression col-lectif. Ce qui ressembleà ce que nous considé-rons comme une sibelle approche du jazz :Don Cherry, Art Ensem-ble, Louis Moholo… çavit, frémit, même pas peurdes taches de cambouis.

La première fois que jevous ai entendus, c’étaitaux Cropettes en 2014,la seconde, au début dumois de novembre 2015,à la cave de l’AMR.Qu’avez-vous fait aucours de l’année écou -lée? Est-il encore rela-tivement facile detrouver des dates enSuisse pour se produire,lors qu’on joue pareillemusique?

MW: D’abord débutjuillet, il y a les trois se-maines du Tour. Ce qui laissepeu de place à la rigolade.Ensuite il faut récupérer.Blague à part, on a joué finjuillet à Zurich, dans le loftd’architectes qui organisentparfois des concerts.

En fait on n’a pas beaucoupdémarché... ou pas du tout,chacun engagé alors dansd’autres projets.

Grâce à ces quatre jours à laCave de l’AMR, on aura duson pour aller de l’avant.Mais il est vrai que la Suisse

est petite… il y a des supersfestivals, Schaffouse parexemple, quelques salles quiprogramment du jazz. Maisça ne va pas de soi. Les Ro-mands en Romandie, lesSuisses Alfreds chez eux…

Mais là on a envie de mettrele grand plateau et aller del’avant. On verra alors la cartedes étapes du prochain Tourde Suisse.

Tu parles de Tour de Suisse,est-il donc encore plus difficile pour une formationromande de s’exporter quede jouer au pays? Ou est-ceun choix de Major Taylor de ne pas vouloir tenter sa chance hors des frontièresnationales?

MW: Il n’est pas facile dejouer hors des frontières na-tionales. Il vaut mieux pour cefaire rouler en Ferrari plutôtqu’à vélo. Il est bon d’avoirdes «antécédents» (avoir jouédans tel lieu une fois avec ungroupe), ça facilite la reprisede contact. C’est toujours unpeu exponentiel. Le festivalJazzcontreBand vise juste-ment à briser un peu les fron-tières franco-suisses.Mais comme déjà dit, va fal-loir qu’on mette le grand pla-teau pour fournir du matosconcret aux éventuels organi-sateurs.

Pour le moment, tu as sur-tout évoqué les reprises quevous faites (Don Cherry,

etc.) mais certains membresdu groupe composent aussi(je pense notamment àJean-Jacques «Anquetil»Pedretti). Peux-tu nous diredeux mots sur cet aspect devotre répertoire et pensez-

vous le développer davantage dans un avenirproche?

MW: Effectivement nousavons quelques composi-tions personnelles : «Siena»et «Oayo» de Jean-JacquesPedretti ainsi que «Brooksthe Wise» (Giger-Wisard). Eton a déniché ce morceau pro-pice à l’improvisation de cecompositeur Kaps berger. Cesont tous des morceaux per-mettant «d’ouvrir» les im-provisations, en ce sens d’é- vi ter les petits tours à véloautour de grilles standards,mais plutôt de partir parmonts et par vaux, au gré del’énergie du moment (136:les kilomètres de l’échappéevictorieuse d’Hugo Koblet). Nous allons effectivementdévelopper cet aspect descompositions personnelles,mais nous voulions aussi par-tager des compositions demusiciens qui nous sontchers.Le programme proposé àl’AMR nous correspondaitbien, nous le pensons, per-mettant à chacun d’y trouverun espace d’expression, et augroupe de trouver un son etune énergie propres. Et çac’est finalement ce qui im-

porte le plus.

Corrige-moi si jeme trompe, maisje n’ai pas l’impression quela scène suisse romande soit particulièrementbien documentéesur disque depuisquelques années,contrairement àce qui pouvaitêtre le cas quandexistaient encoredes labels,comme, parexemple, «Plainisphare»ou «Doron jazz».Il y a certainementbeaucoup de raisons à cela,comme l’étroi-tesse du marché,les coûts de fabrication élevés, la mortannoncée du CD,etc. Personnelle-ment, qu’est-ceque vous en pensez? Ledisque est-il significatif pourMajor Taylor et sioui, à quel titre?

MW : Major Tay-lor considère en-core le d i sque

com me un objet important.Parce qu’il a la forme d’uneroue de vélo, et ça ce n’estpas négligeable. De plus, ilreprésente une façon con -crète de présenter le travaildu musicien, cette part d’ar-

tisanat liée à la démarche ar-tistique. Les coûts sont évidents, maisils résident surtout dans lesétapes d’enregistrement, mi -xage, mastering. Le marchéest évidemment plus qu’é troit,mais le CD permet justementd’être proposé lors des con -certs. C’est un peu comme çaque ça marche du reste, etaussi pour certaines «poin-tures». Donc le CD est unsupport qui, avec la musiquequ’il contient, les photos,textes, etc. rend compte del’aspect humain qui relie lemusicien aux auditeurs. LeCD peut s’offrir, se vendre.On perd ses clés, et les USBaussi, mais on égare plus dif-ficilement un CD.Et finalement, nous redou-tons le jour où les coureursdu Tour se mesureront defaçon virtuelle, chacun surun simulateur. Là, ça le ferapas.

En parlant de virtualité, que pense Major Taylord’un outil tel que «Band-camp» qui, pour ceux quil’ignoreraient, permet aussibien de vendre des CD quedes fichiers numériques?L’album virtuel est-il unealternative satisfaisante?

MW: Ce qui permet la diffu-sion de la musique est poten-tiellement intéressant ; aprèscomment on s’y retrouvedans une bibliothèque infi - nie ? La proximité est essen-tielle, paf ! tiens je te refilenotre enregistrement.D’avoirla possibilité d’imaginer unediffusion plus large, bien sûrc’est intéressant, après il y atellement de productions…Le peloton du Tour est lui li-mité à vingt-deux équipes deneuf coureurs, ce qui fait untotal de cent nonante-huitcou reurs. On s’y retrouveassez facilement. « Band-camp», c’est un autre pelo-ton, niveau nombre de parti-cipants. Mais l’un (l’objetphysique) n’empêche pasl’autre (le mp3).

La publication prochained’un disque est-elle déjà envisageable pour MajorTaylor ou est-ce encorebeaucoup trop tôt? Vousavez aussi, il me semble, en-registré vos quatre con certsà la cave du Sud des Alpes,à quoi va donc servir le matériel recueilli?

MW: On n’a pas prévu en-core de période d’enregistre-ment pour Major Taylor. Jepense que c’est encore unpeu tôt. Le matériel enregis-tré à la cave permet de pren-dre du recul, de se rendrecompte de certaines cho ses,d’apprécier le résultat ou dese faire des cheveux gris.Parfois juste un peu d’huilepermet de meilleurs enchaî-nements. Ou bien il vautmieux abandonner tel ou telmorceau. Il permet aussi de

réaliser une petite démo afinde démarcher, d’avoir «duson» comme on dit.

A la cave, avec vos photosde cyclistes collées un peupartout, vos maillots coloréset votre pompe à vélo, vousdeviez bien être une des premières formations gravi-tant autour de l’AMR à nepas arriver les mains dansles poches pour jouer…L’aspect visuel est-il important pour Major Taylor et à quel titre? Pensez-vous par ailleurs ledévelopper davantage et,pourquoi pas, à l’instar desaustères habits de soirée duModern Jazz Quartet ou desdéguisements futuristes desmembres de l’Arkestra deSun Râ, créer un maillot etdes cuissards qui pourraientdevenir la signature vesti-mentaire du groupe? Ce serait classe, non?

MW: Donc les mains dansles poches c’est pas forcé-ment notre genre, et c’est pashyper prudent à vélo. Quantau costume de scène, nousn’avons pas encore fait lepas, quoique. Un truc qu’ilfaut savoir avec le vélo, c’estqu’il faut y aller «à cru»,sinon bonjour le loup…Il y a eu mise en scène cy-cliste du lieu qui nous rece-vait, parce qu’on trouvait çaplutôt accueillant, voire hu-moristiquement poétique, etça c’est important quandmême d’accueillir le public,avec photos, pompes, cham-bre à air, cadre et autres mail -lots distinctifs ; et les musi-ciens de Major Taylor ont(peut-être) eux aussi respectélors de ces quatre soirées à lacave de l’AMR cette règle debase qui veut donc que toutcycliste est à poil sous soncuissard, sinon bonjour lefrottement à l’entre-jambe…une signature vestimentairepeu habituelle dans le mondede la musique improvisée,mais empreinte de prudencetoutefois.

La ligne d’arrivée vientd’être victorieusement franchie… Quelques mots à ajouter?Des projets immédiats?

MW: Rien à ajouter. C’estl’hiver, on ne sort pas le vélo,pas de Tour dans l’immédiat.Major fait donc ses gammes,avant le retour des pâque-rettes. Sinon chaque membredu quatuor a des engage-ments immédiats dans di-verses formations. On tra- vaille aussi sur la démo issuedes quatre soirs à la cave del’AMR. Et on investira dutemps dans le démarchage.

Encore merci Martin et bonne route!

propos recueillis entre le cinqdécembre deux mille quinze et le onze janvier deux mille seize

«major Taylor» est un quartet jazz d’origine helvétique composé de brooks «Coppi» Giger à la contrebasse, Jean-Jacques «Anquetil»Pedretti au trombone, nelson «bartali» Schaer à la batterie et martin«Koblet» Wisard au saxophone alto. Il est ainsi nommé en hommageà marshall Walter Taylor, cycliste afro-amé ricain de renomméein ternationale (1878-1932).Après s’être produits à la Fête des Cropettes en 2014 (sous une pluietorrentielle), le groupe a joué quatre soirs de suite à la Cave de l’Amren novembre-décembre 2015. C’est à cette occasion que je les ai approchés et leur ai proposé de leur poser quelques questions. Ce qui a donné lieu à l’interview reproduite ci-après, initialement publiée dans les numéros sept et huit de «la machine à démonter letemps et l’espace». voici le lien pour en lire la version complète & imagée:

http://issuu.com/lefossoyeur/docs/lmad_-_promo_major

taylormajor InTervIeW de mArTIn WISArdpar Stéphane Venanzi

CONVOCATION DES MEMBRES DE L’AMRÀ L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALEEXTRAORDINAIRE 2016 DE L’ASSOCIATIONL’assemblée générale extraordinaire de l’AMR se tiendrale lundi 18 avril à 20 hdans la salle de concert du Sud des Alpes,vous y êtes attendus très nombreux.

ORDRE DU JOURfaites-nous parvenir d’ici au 28 mars les pointsdont vous aimeriez discuter à l’adresse e-mail suivante : infos@genève-amr.ch

Page 4: MENSUEL DE L’AMR ET DU SUD DES ALPES, club de jazz 3 6 une … · 2017-07-24 · MENSUEL DE L’AMR ET DU SUD DES ALPES, club de jazz et au tres musiques impr ovis ées juste quelques

outilspourl’improvisation par Eduardo Kohaninvitée: Maria Kim Grand

María Grand est née à Genève en 1992 etjoue le saxophone dèsl’âge de 10 ans. Elle asuivi des cours à l’Ecoleprofessionnelle del’AMR-CPM et au CityCollege de New Yorkoù elle habite depuis2011. Elle est en cemoment un membrerégulier du Doug Ham-mond Quintet; elle atourné avec AntoineRoney, et joue dansplusieurs projets deSteve Coleman depuis2014.

Aspects linguistiques de la musique de John Coltrane

Voici les deux premierschorus d’une compositionde Coltrane, 26-2.Je propose d’analyser sonsolo de trois manières dif-férentes:Harmoniquement, Col-trane utilise des mouve-ments systématiques trèsclairs à cette période desa vie. Ces mouvementssont relativement répéti-tifs mais sont utiles dansle développement d’unlangage harmonique in-novateur. Coltrane, enpratique, raccourcit ladurée d’une dominante àdeux notes clés, la sep-tième et la quarte de latonalité visée. Cela luipermet de changer de to-nalité rapidement. Parfoisces deux notes sont pré-sentes, parfois une desdeux notes seulement. Exemples: mesure 4, 4e

temps de la mesure 5,mesure 9 (3e temps), me-sure 10 (3e et 4e temps).Un exemple intéressant àla mesure 13: le F et le Abexpriment le changementde tonalité de manièretrès brève. A la mesure

25, le changement de to-nalité est exprimé par leBb après le 2e temps; l’ac-cord de dominante estuniquement exprimé parle Bb et le Ab. Tous cesmouvements pourraientêtre transformés hypo-thétiquement sans chan-ger l’utilisation limitéedans l’espace temporel, etdonc toujours permettrele passage rapide d’unetonalité à une autre.Coltrane est très systéma-tique dans son explora-tion harmonique. Il utilisele même chemin mais estcapable de résoudre surn’importe quelle note del’accord.Exemple: comparez lesmesures 4-5; 19-20; 28-29; 36-37; il résout par-fois sur le Bb, parfois surle D ou le F.Une chose intéressante ànoter: à cette période,Coltrane utilise presqueexclusivement ce quej’appelle des accords dedominante positifs, c’est-à-dire que pour exprimerun mouvement de domi-nante il reste dans la to-nalité de destinationmajeure. Cela signifie quela dominante n’est pas al-térée; Coltrane ne jouejamais la sixte mineure dela tonalité de destination.C’est une donnée impor-tante qui montre un desaspects extrêmement mé-thodiques de sa person-nalité. Cette manière defaire peut être très béné-fique pour acquérir unnouveau vocabulaire; no-tons cependant que mal-gré cette recherchesystématique, Coltranepréserve une variété derythmes imprévisibles.

Mouvements rythmiquessystématiquesColtrane utilise très sou-vent l’outil rythmique dedeux noires d’affilée dansce morceau. Un des as-pects fascinants de cerythme est la diversité de«feel» qu’il emploie: par-fois les deux notes sontplus rapides, parfois pluslentes. Parfois on pourraitles écrire comme deuxcroches ou deux triolets.Si vous écoutez le mor-ceau en prêtant plus at-tention à ce que fait ElvinJones, vous verrez que,par rapport à Coltrane, iljoue beaucoup plus denotes, c’est-à-dire qu’iljoue des subdivisions plusrapides et plus extrava-gantes. La réponse deColtrane à ce qu’Elvinjoue est très subtile, il estmaître du temps élas-tique, il étire le temps unpeu en avant ou en ar-rière, et son rythme dedeux noires qui se suivent

s’y prête à merveille. Re-gardez aussi où Coltraneplace ces deux noires: lapremière est toujours surun temps fort, mais pastoujours sur le premiertemps. Cela crée un pré-cédent, une habitudepour notre oreille. Ce pré-cédent peut servir pour la«chute» d’une improvisa-tion, quand le rythme au-quel on est habitué surgitsoudain à un momentcomplètement différentet, ainsi, surprend notreoreille.Un autre rythme très dy-namique utilisé par Col-trane est ce que j’appellele «battement de cœur»:c’est en quelque sorteune version rapide desdeux noires suivies. Ousimplement deux crochesqui se suivent. Ces crochespeuvent exprimer la finou le début d’une phrase ;selon où elles sont pla-cées dans le temps, ellesfonctionnent comme unevirgule ou comme unpoint. Exemples: mesure 12, lesdeux croches sur le 2e

temps fonctionnentcomme une virgule. La réponse est donnée à lamesure 13 et le pointfinal apparaît sur le 3e

temps de la mesure 16. Ala mesure 29, le 2e tempsexprime une virgule sui-vie par une conjonction(comme un «et ça») etune deuxième virgule surle 2e temps. Une brève ré-ponse intervient à la me-sure 30, mais on sait quele point n’est pas finalparce que la phrase setermine sur le 4e temps dela mesure 31.Un moment intéressantcommence à la mesure41: deux affirmations sesuivent, avec deuxcroches se résolvant sur lepremier temps de la me-sure 42 et une autrephrase se résolvant aussisur le premier temps de lamesure 43. Cependant,l’histoire continue et à lamesure 45, notre virgulese prolonge dans unedanse rythmique qui per-dure jusqu’au point finalde la mesure 48. Exami-nez la diversité rythmiquede ces 8 mesures.

En général, les débuts etfins de phrases de Col-trane sont variés et im-prévisibles même lorsqueses chemins harmoniquessont très répétitifs. Celapermet à l’auditeur derester intéressé et à lamusique d’éviter la mo-notonie. Même dans unthème comme celui-ci,Coltrane raconte une his-toire pleine de surprisessémantiques. A ce niveau-

là, il utilise une gram-maire similaire à CharlieParker: peu de mots mu-sicaux différents mais unplacement rythmique im-prévisible et varié.Mélodiquement, Col-trane utilise énormémentde mouvements mélo-diques qui entourent sesnotes de départ ou d’arri-vée. C’est évident dans lapremière phrase du solooù la note Bb est entourée par C et Ab(mesures 1-2); la note F#est entourée par les notesG# et E (mesures 2-3), etla note D est entouréepar les notes E et C (me-sure 3). Donc, la note dedépart est entourée pardeux notes, la dernièrenote étant la note de des-tination.Ce mouvement mélo-dique est ensuite inverséà la mesure 6 (4e temps):les notes G et B entourentla note A! On retrouve lemême mouvement mélo-dique à la mesure 14, 4e

temps et ensuite, son in-version, à la mesure 15(en partant du 3e temps,la note de départ Bb estentourée par les notes Cet A). Ce genre de mou-vements se poursuit danstout le solo.Ces mouvements mélo-diques sont très simpleset efficaces. En général,plus la musique est com-plexe, plus les principesde base utilisés dans uneimprovisation doiventêtre simples, sinon le ré-sultat est incompréhensi-ble.

Cette période de Coltraneest intéressante parce queson approche est très sys-tématique et donc facileà comprendre. Armésd’une compréhension debase de son vocabulaireet de ses méthodes detravail, nous pouvonsdonc:1. former notre proprevocabulaire rythmique etmélodique en utilisantdes méthodes de travailsimilaires; écoutez aussiles deux chorus suivants,où il continue à dévelop-per son histoire de ma-nière encore plus riche etcomplexe.2. analyser sa musiqueplus tardive en utilisantles mêmes méthodes etdécouvrir une logique ca-chée mais évidente:comme il l’a dit lui-mêmedans une interview, il atoujours continué à faireessentiellement la mêmemusique, même dans sondeuxième quartet, avecAlice Coltrane et RashiedAli. Ecoute/analyse suggé-rée: Ogunde, de l’albumExpression.

Questions sur cet article: [email protected], suggestions, idées d’article, contactez-moi: [email protected] mon site, eduardokohan.com, vous trouverez tous les «Outils pourl’improvisation» publiés depuis mars 2007 dans Viva la Musica.Lecture inspiratrice: Le Temple dans L'Homme de R.A. Schwaller de Lubicz

InouïssableCe qui devient difficile, pour nousautres humains présumés sensibles,en cette époque-cide notre histoire col-lective, c’est le sur-plus croissant denotre environnement quotidien démo -graphi que, urbain, médiatique et cul -turel.Il y a trop de congénères autour demoi, trop de voitures et de chantiersdans la ville que j’habite, trop d’in-formations qui m’assaillent où queporte mon regard, et trop d’exposi-tions picturales ou de concerts quicharrient leur lot respectif de promo-tions et de commentaires.Il s’ensuit ceci: j’en suis rendu moinsapte à me définir comme individumobile et désireux de société – etd’autant plus écrasé, à l’inverse,jusqu’au degré le plus arithmétique-ment nul de mes marges de manœu-vre intellectuelle et psychique. Je suiscet «homme des foules» angoissédont Edgar Poe brossa le portraitvoici plus de cent cinquante ans.C’est à ce point qu’on peut entrepren-

dre une petite méditation sur les arts,en prenant pour point de départ lapeinture et pour point d’arrivée lamusique. Quel rapport ces deuxformes-là d’expression entretiennent-elles avec le surplus indiqué tout àl’heure? L’alourdissent-elles ou lerendent-elles plus léger? Le rendent-elles plus massif et plus affirmatif, ouplus propice au doute, à l’interroga-tion voire à l’élévation de soi?En 1897, Claude Monet peignit un ta-bleau qu’il intitula Bras de Seine prèsde Giverny, évoqué par Marcel Proustdans Jean Santeuil, son livre de jeu-nesse inachevé: «Quand (…) la ri-vière dort encore dans les songes dubrouillard, nous ne la voyons pas plusqu’elle ne se voit elle-même. Ici c’estdéjà la rivière, mais là la vue est ar-rêtée, on ne voit plus rien que lenéant, une brume qui empêche qu’onne voie plus loin».Et plus bas, l’écrivain précise: «A cetendroit de la toile, peindre ni ce qu’onvoit parce qu’on ne voit plus rien, nice qu’on ne voit pas puisqu’on nedoit peindre que ce qu’on voit, maispeindre qu’on ne voit pas, que la dé-faillance de l’œil qui ne peut pas vo-

guer sur le brouillard lui soit infligéesur la toile comme sur la rivière, c’est

bien beau».Peindre, donc, le faitmême de ne pasvoir – voilà la per-

spective ultime de Monet, et voilà ladirection de son effort évidemmentirréalisable en tel que tel. Or cet effortn’est pas ridicule et pas vain puisquel’artiste, affamé de vouloir peindre cequ’il ne voit pas, troue ses toiles decette utopie même en les constellantde vibrations chromatiques sublimes.Fixe dans ses images, en somme, cequi ne cesse de leur échapper.Ainsi peut se traiter l’espace insaisis-sable qui travaille le monde saisissa-ble et saisi. L’espace insaisissable quitravaille les êtres et qui les perfore in-visiblement, ou les anime, ou les dé-route, ou les aspire, ou les consume.L’espace que les artistes tels queMonet ne parviennent guère à travail-ler, mais que peu d’entre eux s’achar-nent à suggérer.En poésie, on nommerait cet espace-là l’informulable. En fiction roma-

nesque, l’irracontable. Encinéma, l’inmontrable ou l’infil-mable que seuls suggèrent par-fois miraculeusement le zoom, letravelling, le montage desscènes, ou le travail extraordi-naire que Jean-Luc Godard ac-complit depuis une dizained’années – ce travail d’ingiénerieformelle qui ne déconstruit pasles canons de la construction fil-mique usuelle, mais les vire plu-tôt, et radicalement, du bal obèsede la culture consommable.Peinture, poésie, fiction roma-nesque, cinéma… Et la mu-sique? Est-elle exclusivementgrosse de dynamiques quasi-ment narratives et de décibelsaussi peu signifiants que lessignes typographiques péremp-

toires des journaux, ou parvient-ellequelquefois à conduire ses auditeursvers ce qui lui manque en tant quemusique? Vers ce qu’elle est incapa-ble d’exprimer, ou vers ce qu’elle ad’inouïssable, si je puis dire?Qu’aurait écrit Proust de Monet si cedernier avait été musicien? Allons-y:«A cet endroit de la symphonie, com-poser ni ce qu’on entend intérieure-ment parce qu’on n’entend plus rien,ni ce qu’on n’entend pas puisqu’onne doit composer que ce qu’on en-tend, mais composer qu’on n’entendpas, que la défaillance de l’oreille quine peut pas aller dans l’estompementdes sons lui soit infligée dans la sym-phonie, c’est bien beau»…Ah, quelle merveille nous aurions-là!Car il faut bien concevoir qu’après lefait de ne pas voir selon Monet, oul’informulable de la poésie, ou l’irra-contable de la fiction romanesque, oul’infilmable du cinéma, ou l’inouïs-sable de la musique, c’est peut-être del’invivable de la vie qu’il pourraits’agir pour chacun d’entre nous – aufond du fond des choses.

sculpture de Marusha Nemelka-Roschi

par Christophe Gallaz

91

Page 5: MENSUEL DE L’AMR ET DU SUD DES ALPES, club de jazz 3 6 une … · 2017-07-24 · MENSUEL DE L’AMR ET DU SUD DES ALPES, club de jazz et au tres musiques impr ovis ées juste quelques

Ils ont de la suite dans les idées et une ténacité superbe, ils ai-ment toujours autant le jazz et la musique improvisée au 28 del’avenue Lance-Eugène au Centre Marignac, centre de loisirs etde rencontre de Lancy puisqu’ils mettent sur pied en ce mois demars la vingt-deuxième édition de leur festival

LES JEUNES PARMI LE JAZZ

C’est à la salle de la Plageque résonneront à nouveaules belles harmonies pro-pres à la note bleue. Uneoccasion d’applaudir etd’encourager les élèves-mu-siciens de plusieurs établis-sements de l’enseignementpost-obligatoire genevoisqui révéleront leur talent etpartageront leur passionavec le public. En secondepartie de soirées, comme àl’accoutumée, vous pourrezdécouvrir les projets origi-naux proposés par des mu-siciens confirmés de la région.Cette édition est à marquer d’une pierre blanche car elle accueil-lera pour la première fois les élèves de l’Ecole de culture généraleJean-Piaget. Les réjouissances se dérouleront sur cinq jours: levendredi 4 et le samedi 5 mars puis, la semaine suivante le jeudi10, le vendredi 11 et le samedi 12 mars.Voici en détails le pro-gramme:

vendredi 4 mars à 20 h,ATELIER JAZZ DE L’ECOLE DE CULTURE GENERALEJEAN-PIAGET, direction : Nathalie Saudanà 21 h 30, MALDRACORPhilippe Dagonetti, guitarePhilippe Cornaz, vibraphone Ivor Malherbe, contrebasseSi MalDraCor est un médicament,alors il soigne tous les étatsd’âme… sans effet secondaire! SiMalDraCor est un mets, il vous ap-portera des saveurs aux domi-nantes jazz et latines. Composi-tions originales ainsi que quel -ques classiques bien choisis et lemenu est fait! Si MalDraCor estun navire, vous serez certainsd’accoster des rivages accueil-lants. Ce sera plutôt une felouquevu l’instrumentation pratique etmobile.

samedi 5 mars à 20 h,ATELIER JAZZ DU COLLÈGE ANDRE-CHAVANNEdirection : Jean-Marc Lamprechtet à 21 h 30, KALAKUTI ORKESTRAManuel Gesseney saxophone alto / Aina Rakotobe, saxophone baryton / Cédric Schaerer, claviers, fender rhodesCyril Moulas basse / Bruno Duval, batterieinvité : Tom Brunt, guitareEn direct de Kalakuta Republic, cuisiner la légende Kuti avecstyle, mélanger les ingrédients suivants dans une grande casse-role: du ju-ju et du highlife avec des rythmes afrobeat authen-tiques, ajouter le mélange d’épices original Kalakuti Spices etfaire bouillir tout en agitant nerveusement, jazzifier et servirchaud! Les membres du Kalakuti Orkestra revisitent le réper-toire de Fela Kuti avec brio. Ils proposent une musique pulséeet communicative, un jazz sauvage envoûté par les rythmesafrobeat!

LES JEUNES PARMI LE JAZZjeudi 10 mars à 19 h 30,ATELIER REGGAE ET ATELIER JAZZ & RYTHM’N’BLUESDU COLLÈGE DE SAUSSURE,direction : Alexandre Kaeppel et Philippe Dragonetti et à 21 h 30, MATHIEU ROSSIGNELLY TRIOMathieu Rossignelly, piano / François-Régis Gallix,

contrebasse / Charles «Chuck »Clayette, batterieCréé en 2014, le «Mathieu Rossignellytrio» joue un répertoire essentielle-ment constitué de compositions origi-nales. Au fil des différentescompositions, la musique se fait tour àtour subtile, intimiste, puissante, voireendiablée. Les références à la grandetradition des trios de jazz sont omni-présentes, et elles servent de tremplinvers des développements improviséspendant lesquels toutes les interac-tions sont permises. Ce trio présenteraau public une musique variée et faciled’accès, dont l’originalité se situe dansla capacité des trois musiciens à s’ap-

proprier un langage commun et à en extraire un son de groupetrès personnel.

Vendredi 11 mars à 20 h,ATELIERS JAZZ DES COLLÈGES CLAPAREDE ET EMILIE GOURDdirection : Raphaël DANIEL et Gabriel SCOTTIet à 21 h 30, ALBERTINE !Martin Wisard, saxophone / Ludo Lagana, trompetteAina Rakotobe, saxophone baryton / Ian Gordon-Lennox, tubaSylvain Fournier, batterieFormé en 2014, Albertine! est un orchestre cuivré et flanquéd’une batterie un peu bricolée dont la musique gravite autourdu funk, et de ses multiples dérivés, le tout cristallisé dans descompositions originales. Quelque chose entre Tower of Power etla Nouvelle-Orléans. Un jazz un peu poisseux et du swing binaire (!)servi par des improvisateurs qui font jaillir la tempête de leurstrompes ! La musique d’Albertine! est festive, joyeuse, dansante,acoustique, énergique!

Samedi 12 mars à 19 h 30,ATELIER JAZZ DU COLLEGE DE SAUSSURE direction : Philippe DRAGONETTIet à 21 h 30, ORGANIC FLOWERS SOUL CONNECTIONDavid Robin, guitare / Cédric Schaerer, orgue / Noé Frankle, batterie / invités : Yael Miller et Ernie Odoom, chantOrganic Flowers s’est donné comme mission de faire bouger lescorps et de réchauffer les cœurs avec un répertoire soul jazzconcocté tout exprès pour ses invités, Yael Miller et Ernie Odoom.Ces deux belles âmes du chant élec-triseront le public et les trois musi-ciens d’Organic Flowers qui avec ceprojet, le deuxième du genre aprèsleur hommage à Jimmy Smith, réaf-firment leur inclination pour un jazzfondé sur la pulsation et la danse.

Au rez-de-chaussée de la FermeMarignac : buvette, restauration,concerts retransmis en direct surécran géant; prix : 10 fr. et 15 fr.Ferme Marignac, 28, avenueLance-Eugène, 1212 Grand-Lancywww.centremarignac.ch

photographies de Nati Poletti

CENTRE MARIGNACMembres de l’expédition: Salvatore Dardano, ingénieur du sonLaurent Klunge, manager Marc Erbetta, batterie Erik Truffaz, trompetteChristophe Cham bet, basse électriqueBenoît Corboz, claviers

mardi 19 novembrePris au piège de cet hôtel, bunker deluxe casé dans un no man’s land ensortie de ville, Christophe et moi ten-tons courageusement une sortie tou-ristique en fin de matinée. Après une traversée de route sportiveet périlleuse, nous gravissons une pe-tite colline abrupte et nous retrou-vons pour notre plus grand bonheurdans un quartier populaire de ban-lieue, où les petites maisons résiden-tielles à deux étages et les cabanes detôles rudimentaires cohabitent joyeu-sement. Comme quoi la mixité so-ciale existe aussi de ce côté dumonde. Quelle que soit leur maison,les habitants nous accueillent tousavec le même sourire ensoleillé.L’ambiance me rappelle beaucoupcertains quartiers de Salvador deBahia au Brésil. Du haut de la col-line, la vue sur le paysage environ-nant atteste que la forêt tropicalen’est pas bien loin. Même piétinée,saignée, étouffée par les infrastruc-tures humaines, elle ne demandequ’à profiter d’un instant de répitpour reprendre du terrain.Nous redescendons la colline parl’autre versant en direction de lamer.  Alors que nous cherchons laplage, nous nous retrouvons complè-tement par hasard, par surprise et parerreur au cœur du centre d’entraîne-ment des forces spéciales de la po-lice anti-émeutes!En plein soleil au milieu d’une sortede terrain de foot desséché, des cen-taines de tenues de CRS jonchent lesol tandis que les jeunes recrues ex-ténuées prennent leur pause en si-lence à l’ombre des baraquements etdes palmiers de la plage voisine.L’ambiance n’est pas à la fête. Le vi-sage marqué par l’effort et la peaudégoulinante de sueur, ils sont assis,recroquevillés sur eux-mêmes, oucouchés dans le sable; pas uneconversation, pas un bruit, rien. Anotre passage certains lèvent la têteet nous regardent hébétés, mais laplupart nous ignorent et continuentde fixer le sol, tête baissée, commesoumis ou résignés. Autour d’eux, la mer et le sable sontcouverts de détritus, de morceaux debois pourris, de tôles rouillées, ça etlà des oiseaux affamés s’acharnentsur les contenus de sacs en plastiquedépecés. En arrière-fond, les plate-formes de pompage et les super-pé-troliers œuvrent en silence.  Quelmerveilleux paysage de carte pos-tale!Soudain, plusieurs coups de feu etdécharges de mitraillettes claquentdans notre dos! En cherchant laplage, Christophe et moi sommesvenus nous placer juste derrière lemur de leur stand de tir. Moyenne-ment confiants quant à l’étanchéité

de la construction, nous préférons nepas trop nous attarder. Plus loin, à l’autre coin du terrain, lebar de la police et sa petite terrasseaccueillent les instructeurs et les gra-dés, les vrais carrés d’épaules qui ont

du poil au menton, et des poignardsou des pistolets au ceinturon. Lagorge sèche et la peau grillée par lesoleil, nous profitons également dece petit coin ombragé le temps deconsommer une boisson fraîche. Lajeune tenancière un peu étonnée denotre présence nous sert sans sour-ciller. Au milieu de ce troupeau de biscotosgalonnés l’ambiance est un peu par-ticulière. Je suggère à Christophe, qui fait unpeu de tri parmi ses dernières photos,d’y aller un peu molo avec son appa-reil. Pas certain que ce soit bien vupar ici. Assis quelques tables plus loin, undes gradés du type poignard à laceinture se lève et s’avance versnous. D’abord je ne sais pas trop cequ’il veut. Il se plante juste devantmoi sans rien dire, un vrai costaud,pas une once de graisse, que du mus-cle. Puis, après un moment d’attenteun peu angoissant, il me tend lamain. Je fais de même. Ce type a unepoigne d’acier!

Après quoi, tranquillement et sans unmot, il retourne à sa table finir sonrepas. A midi pile un coup de sifflet marquela fin de la pause. C’est le signal du ralliement.

Les centaines de recrues se regrou-pent toutes au milieu du terrain et récupèrent leurs combinaisonscom plètes. Par cette chaleur acca-blante, avec bottes, casques, gilets deprotection, boucliers et matraques,rien ne leur est épargné. Tandis quela tenancière du bar abaisse et cade-nasse rapidement le large store mé-tallique rouge qui donne sur la rue,les centaines de recrues se mettent enrangs par trois et entament unelongue procession dans notre direc-tion. Le pas lourd et régulier, ils dé-filent longtemps devantnous comme de gros in-sectes téléguidés, en nousgratifiant d’un chant àl’unisson très relatif. A mesure que s’éloignentles apprentis CRS, se mêleà leur mélopée lancinantela prière d’un muezzinsorti de nulle part, ajoutantà cette scène une toucheétrange et irréelle. Ce n’est qu’une fois restésseuls sur la terrasse que

nous parvenons à authentifier la pro-venance de ce chant religieux im-promptu: la voix sort d’un téléphoneportable logé dans la poche d’unceinturon oublié sur notre propretable.  Nous abandonnons le prieur solitaireet à notre tour partons courageuse-ment affronter les grandes chaleurs,muni de notre combinaison légère detouristes. Le soir venu, nous jouons dans uneambiance bruyante et un air condi-tionné glacial pour les cadres deTotal au grand complet, employés,femmes et enfants. Le bar fonctionneà plein régime et l’hôtel doit faire debonnes affaires. A la fin du concertnos disques se vendent comme despetits pains. Les séances photos etdédicaces se succèdent à n’en plusfinir. Pour ces expatriés du bout dumonde, qui ont sacrifié leur confortde vie sur l’hôtel du profitd’une  multinationale à laquelle ilsvouent respect et allégeance, les dis-tractions doivent se faire rares entemps normal. Ce soir est exception-nel, plus qu’un simple concert c’estune vraie soirée de fête, de fête dupersonnel. La fête de la grande fa-mille Total! «Total, aux techniques d’extractionles plus modernes et respectueusesde la nature» par-ci; «Total au savoirfaire inégalable» par-là, «Total, queles Indonésiens ne tarderont pas à re-gretter amèrement s’ils ne consen-tent pas à renouveler leur concessionde quarante ans qui arrive très bien-tôt à échéance», ben tiens! «Total,bien sûr ce n’est pas tout rose, maisles autres sont tellement pires…», çac’est sûr! Etonnant à quel point les employésfont corps avec leur firme!Marc fait la connaissance d’un cadresupérieur, ingénieur géologue, aumême patronyme que lui. Ils sontprobablement cousins éloignés carleurs visages se ressemblent vrai-ment. Le type est très sympathiquemais, là encore, il ne peut s’empê-cher de nous faire l’article sur l’op-portunité de l’extraction des gaz deschiste, dont les méfaits ne sontd’ailleurs même pas encore prou-vés… «Oui, peut-être bien que ça pourraitpéter, mais rien, vraiment rien à côtéd’une catastrophe nucléaire…»En tout cas, ce soir là, ce sont desbouchons de champagne que Totalfait péter à Balikpapan.

le mois prochain: mercredi!

… et j’ai vu ce que l’homme a cru voir. Arthur Rimbaud

oil, oil, oil, oil & co, co, co, co

Le monde des fourmis sud-est asiatique, novembre 2013, par Benoît Corboz

Page 6: MENSUEL DE L’AMR ET DU SUD DES ALPES, club de jazz 3 6 une … · 2017-07-24 · MENSUEL DE L’AMR ET DU SUD DES ALPES, club de jazz et au tres musiques impr ovis ées juste quelques

8888888888888888888888888888

MNMNMNMNMNMNMNMNMNMNMNMNM

7 10

Allan Broomfield,piano

Louis Matute, guitare

Samuel Jakubec, batterie

Alvaro Soto, contrebasse

Venus d'une lointaine galaxie, les chevaliers Skywalkers sont heureux de présen-ter leur nouveau répertoire. Entre hip-hop et jazz moderne, ce quartet interstel-laire fait la part belle aux solos qui s'entremêlent bien au-delà des étoiles. Cettenouvelle formation, réunie autour des compositions du pianiste Allan Broomfield,joue un jazz résolument binaire dans lequel l'improvisation est reine.

d E l U N d I à j E U d I 8 9à la cave à 20 h 30

M A R S

MARdI 1 JAM SESSION à 21 hi m pr o v i s é e s

Le Grupetto, orchestre à quatre têtes, s’apprête ce soir à vernir non pas un, mais plusieurs cd! Ceux-ci ont été gravés lors du projet inédit "Como en studio", consistant à enregistrer en public quatrerépertoires des quatre compositeurs du Grupetto en quatre soirs à l'AMR ! En voici donc enfinle résultat, après une longue et fructueuse gestation artisanale, pleine d'amour et de surprises !

MARdI 22 JAM SESSION à 21 h

Sauf indication contraire, les concerts ont lieu a 21h30 au Sud des Alpes,10 rue des Alpes à Genève.

Suivez les logos:

Sur présentation de leur carte, les élèves des Ateliers de l’AMR bénéficient des la gratuité aux concerts hors faveurs suspendues

La prélocation se fait à l’AMR ou chez Disco-club, 22 rue des Terreaux-du-Templeà Genève, tél. 022 732 73 66 (sauf pour les concerts organisés par les ADEM)

20 francs (plein tarif) 15 francs (membres, AVS, AC, AI, étudiants) 12 francs (carte 20 ans)

35 francs (plein tarif) 20 francs (membres, AVS, AC, AI, étudiants) 15 francs (carte 20 ans)

et ce logo pour dire que c’est gratuit; lors des soirées à la cave, le prix des boissons est majoré

20 h 30 un atelier jazz moderne d'Alain Guyonnet avec Thilo Pauly, trompetteMelanie Montagnol, sax alto / Ramin Mahnad, sax ténor Anne Schlotheuber, piano / David Zanni, basse électrique

21 h 30 un atelier jazz moderne de Luca Pagano avec Jean-Pierre Gachoud-Ramel, sax ténor / Jacques Ferrier, flûte / Emmanuel Stroudinsky, guitareRaphaël Herrera, piano / Yann Emery, contrebasse / Varoujan Chetirian, batterie

22 h 30 un atelier Jim Hall de Nicolas Lambert avec Nicolas Deville, flûte Flavian Mèche, violoncelle / Alexandre Nicoulin, guitareLovis Von Richthofen, piano / Yann Mondehard, batterie

MARdI 8 JAM SESSION à 21 h

LE GRUPET

TO

jEUdI 10 L E S AT E L I E R S D EL’A m r en COnCerT

20 h 30 un atelier jazz moderne d'Alain Guyonnetavec Coralie Desbrousses, trompette / Filippo Cattafi, guitareOlivier Favre, piano / Luc Vincent, basse électrique / Davide Cortorreal, batterie

21 h 30 un atelier Mothership connexion de Tom Brunt avec Marian Hassan, chant / Benjamin Tribe, chant Frank Cohen et Christoph Schroeder, sax ténor / Xavier Bengoa, barytonAnthony Merton, guitare / Bernd Hatlanek, guitare / El Hanni Manamani, basseélectrique / Richard Wagner, batterie / Dominique Cirlini Voyame, percussion

22 h 30 un atelier du jazz au funk de David Robin avec Yehudith Tegegne, chant / Michel Ribaux, guitareAndrei Pervikov, guitare / Yavor Lilov, basse électrique / Théo Péricard, batterie

jEUdI 3 L E S AT E L I E R S D EL’A m r en COnCerT

vENdREdI 4

Sylvain Fournier, batterie

Stéphane Métraux, saxophones ténor et soprano

Maël Godinat, claviers, saxophone alto

Yves Cerf, saxophones basse, ténor,

et soprano, kena

(((((((((((((((((((((((((((((((((

POWer QuInTeT

Le Power Quintet, réuni par le trompettiste JeremyPelt, est formé de cinq extraordinaires musiciens dela scène Jazz new-yorkaise, tous grands virtuosesdans leur domaine, chacun apportant sa propre ins-piration stylistique au fabuleux édifice qu'ils cons -truisent ensemble. Une ébullition de talents à nerater sous aucun prétexte. POWER!

MERCREdI à la salle de concert2

CONCERTS & JAM DES ATEL IERS

20 h 30 un atelier jazz moderne de Pierre-Alexandre Chevrolet avec Marine Meylan, chant / Yannick Lavall, sax ténorValentino Stangherlin, guitare / Natalia Vokatch, pianoRaphaël Herrera, batterie21 h 30 un atelier big-band AMR / CPMDT d'Alain Guyonnet et Ian Gordon-Lennox avec Coralie Desbrousses, trompetteDaniel Da Costa Marques et Didier Estrada Gonzalez, tromboneBasile Rickli, Florian Erard, Xavier Lavorel et Nils Buffard, sax alto-Théo Hanser, sax ténor / Andrea Bosman, sax barytonGrégoire Gfeller, guitare Benjamin Tribe, pianoBenoît Gautier, contrebasse / Théo Péricard, batterieet la jam à 22 h 30

MERCREdI à la cave23CONCERTS & JAM DES ATELIERS

20 h 30 classe des élèves chant de Christine Schaller du Conservatoire populaire de musique CPMDT avec Emmanuelle Bonnet, Camille Burkhard, Stella Caicedo,Violeta Lozano, Roxane Wolff / accompagnateurs : Evaristo Perez, piano

Antoine Ogay, contrebasse / Philippe Staehli, batterie21h 30 un atelier jazz moderne de Pierre-Alexandre Chevrolet avec Jérémy Bacharach, sax alto / Iain Barson, guitare / Réjane Buchet, pianoDavid Zanni, basse électrique / Wolfgang Da Costa, batterie... et la jam à 22 h 30

sAMEdI 5

Jeremy Pelt, trompetteSteve Nelson, vibraphone

Danny Grissett, pianoPeter Washington, contrebasse

Bill Stewart, batterie

« Anhad » est un concept philosophique indien, qui rend compte du son qui existe sans avoirété produit, le son du silence émanant des tréfonds de notre âme... Formé autour de la chanteuseindienne Bijayashree Samal, le groupe Anhad pratique le khayal, un style particuliè-rement mélodique, qui laisse une place prépondérante à l'improvisation.Concert organisé par les Ateliers d'ethnomusicologie et l'AMR, avec le soutien de laVille de Genève, de la République et Canton de Genève et du Fonds culturel Sud

FAveurS SuSPendueS

+++++++++++++++++++++++++++++++++++

+++++++++++++++++++++++++++++++++++

nhAdA

1 2 3mars

Capucine Keller, sopranoMassimo Pinca, contrebasse

Bor Zuljan, guitareNicola Orioli, clarinette

L’ensemble Tarka a été fondé par Massimo Pinca à l’issue de l’expérience de la carte blanche quel’AMR lui avait offerte en mai 2015, et dont témoigne le disque Frères de Voyage (Lampyridae, 2015).Pour ce nouveau projet, Owen Poems, le groupe présente un cycle de nouvelles compositions écritessur des poèmes de Wilfred Owen (1893-1918), poète anglais mort pendant la première guerre mondiale.

ENS EMBL E29 février

PROGRAMME D E S C ON C E RT S AU CLUB DE JAZZ et autres musiques

«vernissage(s)»

musique de l’Inde du nord Bijayashree Samal, chant, harmonium Hans Wettstein, sitarThierry Perrenoud, flûte bansuriDavid Cotting, tablaSavita Kirloskar, tanpura

vENdREdI dE l’EThNo

11

8888888888888888888888888888

THE SKYWA

LKERS

Ben

jam

in W

eidek

amp, s

axophone

alto

, cla

rinet

te

Mar

co von O

relli

, tro

mpet

te

Kas

par

von G

rünig

en, c

ontreb

asse

Michel

Win

tsch

, pia

no, s

ynth

étiseu

r

Sam

uel

Dühsle,

bat

terie

La musique de Marco Von Orelli est résolument contemporaine, mais jouée avec la libertédu jazz. Musique écrite comme canevas, tremplin pour laisser l'espace et la liberté d'ex-pression à chacun. Et surtout un grand travail sur le son, le son qui suit des cheminementscachés et évolue à l'intérieur d'un cadre déterminé sur l'instant par ce collectif soudé.

s A M E d I12m ArCO vOn OrellI 5

MNMNMNMNMNMNMNMNMNMNMNMNMN

20 h 30Gabriel Zufferey, piano, compositions / Christoph Utzinger, contrebasse, arrangements / Domi Chansorn, batterie, arrangements22 h Joe Lovano, saxophone ténor / Lawrence Fields, piano / Peter Slavov,contrebasse / Lamy Istrefi Jr., batterie

14h-17h à la cave : STAGE AVEC PAUL VAN KEMENADE20 h 30 Johann Bourquenez, piano / Vincent Ruiz, contrebasse Cyril Bondi, batterie

22 hPer Jørgensen, trompette, voix, percussions, flûtes, électronique / AudunKleive, percussion, électronique / Jon Balke, claviers, percussion, électronique

20 h 30 Christophe Calpini, batterie, électroniqueGanesh Geymeier, saxophone ténor

22 hLouk Boudesteijn, trombone / Angelo Verploegen, bugleWiro Mahieu, contrebasse, basse électriquePaul Van Kemenade, saxophone alto, compositions

20 h 30Antoine Läng, voix / Michel Wintsch, piano, synthétiseursRaphaël Ortis, basse électrique / Bernard Trontin, batterie

22 hJason Yarde, saxophones alto et sopranoShabaka Hutchings, saxophone ténor / Alexander Hawkins, pianoNeil Charles, contrebasse / Louis Moholo-Moholo, batterie, composition

14h-17h à la Cave STAGE avec le DAVE KING TRIO (voir aussi dimanche)

20 h 30 Yannick Délez, piano

22 h Billy Harper, saxophone ténor / Eddie Henderson, trompetteDonald Harrison, saxophone alto / David Weiss, trompetteGeorge Cables, piano / Cecil McBee, contrebasse / Billy Hart, batterie

19 h 30Marcos Jimenez, piano / Manu Gesseney, saxophone alto / Jeff Baud,trompette / Vincent Ruiz, contrebasse / Antoine Brouze, batterie21 h Dave King, batterie / Bill Carrothers, piano / Billy Peterson, contrebasse

tous les soirs (sauf le dimanche) à 23 h à la cave: JAM SESSION (entrée libre)INFORMATIONS PRATIQUESlieu des concerts: AMR / Sud des Alpes, 10, rue des alpes, Genève

tél 022 716 56 30tarifs pour une soirée (deux concerts): CHF 40.- (plein tarif)CHF 25.- (membres, étudiants, chômeurs, retraités)CHF 20.- (titulaires de la carte 20 ans)

{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{

{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{{dU lUNdI AU j E U d Ià la cave à 20 h 30

TArKAowen poems

%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%

%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%

%%

%%

%%

%%

%%

%%

%%

%%

%%

%%

%%

%%

%%

%%

%%

%%

là-haut, un détail de l’affiche de matthieu épiney pour l’amr jazz festival 2016

pour d’autres renseignements, voyez le dépliantvermillon sable et noir de matthieu épiney ounotre site