195
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot

Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

  • Upload
    others

  • View
    10

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Mesmer et le magnétismeanimal / par Ernest Bersot

Page 2: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

Bersot, Ernest (1816-1880). Auteur du texte. Mesmer et lemagnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupartdes reproductions numériques d'oeuvres tombées dans ledomaine public provenant des collections de la BnF. Leurréutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet1978 : - La réutilisation non commerciale de ces contenus ou dans lecadre d’une publication académique ou scientifique est libre etgratuite dans le respect de la législation en vigueur et notammentdu maintien de la mention de source des contenus telle queprécisée ci-après : « Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationalede France » ou « Source gallica.bnf.fr / BnF ». - La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et faitl'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale larevente de contenus sous forme de produits élaborés ou defourniture de service ou toute autre réutilisation des contenusgénérant directement des revenus : publication vendue (àl’exception des ouvrages académiques ou scientifiques), uneexposition, une production audiovisuelle, un service ou un produitpayant, un support à vocation promotionnelle etc.

CLIQUER ICI POUR ACCÉDER AUX TARIFS ET À LA LICENCE

2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens del'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnespubliques.

3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisationparticulier. Il s'agit :

 - des reproductions de documents protégés par un droit d'auteurappartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés,sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalabledu titulaire des droits.  - des reproductions de documents conservés dans lesbibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sontsignalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèquemunicipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité às'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions deréutilisation.

4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est leproducteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants ducode de la propriété intellectuelle.

5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallicasont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dansun autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier laconformité de son projet avec le droit de ce pays.

6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditionsd'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment enmatière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de cesdispositions, il est notamment passible d'une amende prévue parla loi du 17 juillet 1978.

7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition,[email protected].

Page 3: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

MESMER

ET

LE MAGNÉTISME ANIMAL

PAR

ERNEST BERSOT

PARIS

RUE DE L. HACHETTE ET Cie

RUE PIE R R E S AR RAZ 1 N, N" 14

1853

Page 4: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

MESMERET

LE MAGNETISME ANIMAL.

PREMIÈRE PARTIE.

HISTOIRE.

Mesmer. Ses commencements en Allemagne. Thèse surl'inlluence des planètes. Rencontreavec le père Hell avecGassner.

Mesmer naquit en 1734, en Allemagne; les unsdisent Vienne, d'autres à Weiler, d'autres à Mer-

sebourg." En 1766, il se fit recevoir docteur niéde-ein la faculté de Vienue. Le sujet de sa thèseétait De l'influenee des planètes sur le corps hu-

main. Comme les planètes agissent les unes sur les

autres, comme le soleil et la lune agissent surnotre. atmosphère .et sur nos mers, il eonckmit que

.ces grands corps agissent aussi sur les corps ani-mes, particulièrement sur le système nerveux,

Page 5: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

moyennant un fluide très-subtil qui pénètre tout.Et de même que, sous cette influence, il s'opère

dans la mer un flux et un reflux, aussi, dans les

corps animés, il y a une tension et une rémission,

des sortes de marées. Ce fluide subtil, l'agent gré-

néral de tous ces changements, ressemble beau-

coup par ses propriétés à l'aimant. En cons!

quence, il s'appellera Magnétisme (animal.

Vers 1774, Mesmer fit la rencontre du père Hell,

jésuite, professeur d'astronomie. Ce père, établi à

Vienne, guérissait des maladies au moyen de fers

aimantés. Il avait notamment guéri une damed'une maladie de cœur chronique, et s'était guérilui-même d'un rhumatisme aigu. Vingt ans aupara-vant, Lenoble s'était distingué dans la constructionde ces aimants; et il y avait deux siècles que Para-celse avait recommandé ce remède contre les mauxde dents. Mesmer, fraplxé des expériences qu'ilavait sous les yeux, et trouvant dans ces effets laconfirmation de ses théories astronomiques, établitchez lui une maison de santé, dans laquelle il s'of-frait à traiter gratuitement les malades par lesmêmes procédés. Magnétisant et électrisant, il fit

construire des lames et des anneaux aimantés,qu'il adressa à ses confrères dans diverses partiesde l'Allemagne, èt publia dans les journaux de

Vienne les cures qu'il opérait. Plusieurs person-nages attestèrent qu'elles avaient été guéries de difc

Page 6: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

férentes maladies.; parmi lesquelles Le conseillerOsterwald, directeur de l'académie des sciences deMunich, atteint de paralysie.

Peu à peu Mesmer s'émancipa, et prétendit pou-voir se passer des appareils du père Hell; il soutintl'existence du magnétisme animal essentiellementdistinct de l'aimant ainsi que de l'électricité;, il

renonça complètement', en 1773, a l'emploi de cesdeux derniers agents.

.Pendant ce temps, il avait tenté des cures, sedébattait contre les savants de son pays, et les ré-futait-dans une lettre explicative adressée à, la plu-

part des académies et des savants de l'Europe. L'a-cadémie de Berlin seule répondit, et répondît qu'àson avis il était dans l'illusion.

Fatigué de ces luttes, il voyage en et enSuisse. Dans ce dernier pays, il rencontre, encore unhomme extraordinaire qui guérissait d'une façonmerveilleuse les maladies du corps, c'était autrechose, que l'aimant. Gassuer, ecclésiastique suisse;pour chasser les maux, exorcisait les malades, etréussissait. Il ne s'agissait que de savoir si les

maux étaient naturels ou diaboliques. Il ordonnaidonc à Satan de se déclarer, par trois interpella-tions et trois signets de croix. S'il n'y avait nulleréponse, le mal était naturel, et on le traitait parles remèdes ordinaires;'s'il. survenait des convul-sions c'était signe de lit présence du diable, et

Page 7: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

Gassuer, par 'des paroles sacrées et des attouche-ments d'objets religieux, le chassait. Quand arri-vait une rechute, il accusait les malades d'avoirpéché ou manqué de foi dans l'intervalle. Selon

ces idées, il avait, en 1774, écrit un livre Manièrede vivre pieux et bien portant. Renvoyé par l'évê-

que de Mersebourg appelé par l'évoque de Ratis-bonne, il fit des prodiges. Le fameux Lavater avait

en lui la foi la plus entière il propagea plus tardle magnétisme dans l'Allemagne. Mesmer vit opé-

rer Gassner, reconnut les guérisons, et les attribut

au magnétisme animal.Retourné à Vienne, Mesmer traita une fille de

dix-huit ans, aveugle depuis l'âge de quatre ans,et prétendit lui avoir rendu la vue. Comment sefit-il qu'après avoir publié par écrit sa reconnais-

sance, le père se présenta l'épée à la main chez

Mesmer pour lui reprendre sa fille, qui résistait?Comment se lit-il que cette malheureuse fut jetéela tète contre la muraille « par sa barbare mère ?

p

Cela n'est pas très-clair. Toujours est-il que l'im-pératrice envoya l'ordre à Mesmer « de finir cettesupercherie. »

Page 8: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

Mesmer à Paris. Mémoire sur la découverte du magnétisme.'Le baquet de Mesmer. La Harpe au baquet; Mesntèi'

chez d'Holhach. Le temps favorable au magnétisme.

Mesmer part et se rend il Paris (février 1778), où

il publie soli Mémoire sitr. la découverte du magné-tisme (1779) livre moitié astronomique, moitié méf

•cliçal, où il annonçait, la découverte de la panaeéeuniverselle. Pourvu qu'il connaisse ct qu'il sachediriger le fluide magnétique, le médecin «jugtera,

sûrement l'origine, la nature et les progrès des ma-ladics, même des plus compliquées, en empêchera,

l'accroissement et parviendra leur guérison.sans

aucun danger. Il guérira, directement les maladiesclc nerfs, indirectement. toutes les autres. L'Art de

(juèrir parviendra ainsi à sa dernière perfection.

La nature offre un moyen universel'de guérir et de

préserver les hommes. .Il trouva un disciple tout prêt dans Deslon, doe-

teuf régent de fa Faculté et premier médecin du

comte d'Artois. Il l'initia ttsa doctrine voyons-les

à l'œuvre.Au milieu d'une grande salle est une caisse -cir-

culaire, en bois de chêne, élevée d'un pied ou.d'un

pied et demi, qu'on nomme .le baquet. Ce baquetrenferme simplement de l'eau, et dans celle eau

Page 9: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

divers objets, tels que verre pilé, limaille, etc., ouencore ces mêmes objets il sec, sans que riensoit électrisé ou aimauté. Le couvercle est percéd'un certain nombre de trous d'où sortent desbranches de fer coudées et mobiles. Dans un coinde la salle est un piano-forte on y joue différentsairs sur des mouvements variés, surtout vers la fin

des séances. On y joint quelquefois du chant. Lesportes et les fenêtres de la salle sont exactementfermées des rideaux ne laissent pénétrer qu'unelumière douce et faible. Les malades en silenceforment plusieurs rangs autour de ce baquet, etchacun a sa branche de fer, qui, au moyen d'uncoude, peut être appliquée sur la partie malade.Une corde passée autour de leur corps les unit les

uns aux autres. Quelquefois on forme une secondechaîne en se communiquant par les mains, c'est-à-dire en appliquant le pouce entre le pouce et ledoigt index de son voisin alors on presse le

pouce qu'on tient ainsi l'impression reçue à lagauche se rend par la droite, et elle circule à laronde. Tous ceux qui magnétisent ont l la mainune baguette de fer longue de dix à douze pouces.A ceux qui demandent quelque chose à boire ondonne de l'eau où est dissoute de la crème de

tartre. s

Les malades sont .magnétisés a la fois par lesbranchues de fer, par la corde, par l'union des

Page 10: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

ponces, par le son du piano ou de la voix quicharte. En outre, le magnétiseur, fixant les yeuxsur eux, promène devant leur corps ou sur leurcorps sa baguette ou sa main, descend des épaules

aux extrémités des bras, touche le lieu malade, leshypocondres et les régions du bas-ventre, quelque-fois pendant plusieurs heures. « Alors, rapporteBailly, les malades offrent un tableau très-varié.Quelques-uns sont, calmes et n'éprouvent rien;d'autres toussent, crachent, sentent quelque légèredouleur, une chaleur locale ou une chaleur univer-selle, et oui, des SUC111& d'autres' sont' agités ettourmentés par des convulsions..Ces convulsionssont extraordinaires parleur nombre, par leur du-rue et par leur force. Les commissaires en ont vudurer plus/de trois heures. Elles sont caractériséesparles mouvements précipités, involontaires, de

tous les membres et du par leresserrement à la gorge, par des soubresauts deshypocondres et de l'épigastrc, par le trouble etl'égarement des yeux, par des cris perçants, dêtfpleurs, des hoquets et rtcs'ficès immodérés. Elfes

sont précédées ou suivies 'd'un état de langueur et'de rêverie,- d'une sorte d'abattement et même d'as-SQxipissçmcnt. Le moindre bruit imprévu cause des

et l'on a remarqué que le change-nl&nj$Blon et, de mesure dans les airs joués sur

•*l«S«o-rorte influait sur les malades, en sorte

Page 11: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

qu'un mouvement plus vif les agitait davantage etrenouvelait la vivacité de leurs convulsions. On voit

des malades se chercher exclusivement, et, en seprécipitant l'un vers l'autre se sourire, se parler

avec affection et adoucir mutuellement leurs crises.

Tous sont soumis à celui qui magnétise; ils ontbeau être dazzs. un assoupissement apparent savoix, un regard, un signe les en retire. On nepeut s'empêcher de reconnaître, il ces effets con-stants, une grande puissance qui agite les malades,les maîtrise, et dont celui qui magnétise sembleêtre le dépositaire. Cet état convulsif est appelécrise. Les commissaires ont observé que, dans lenombre des malades en crise, il y a toujours beau-

coup de femmes et peu d'hommes; que ces crisesétaient une ou deux heures il s'établir; et quedès qu'il y en avait une d'établie toutes les au-tres commençaient successivement et en peu de

temps. IlLe maître de cette foule était ici Mesmer,

vêtu d'un habit de soie lilas ou de toute autre cou-leur agréable, promenant sa baguette avéc une au-torité souveraine, là Deslon avec ses aides qu'ilchoisissait jeunes et beaux. Les salles où ces scènes

se passaient avaient reçu, dans le monde, le nomd'enfer à convulsions.

On magnétisait, outre l'homme, des objets ina-nimés surtout les arbres, puis on attachait autronc, aux branches, des Cordes que les malades

Page 12: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

appliquaient à leurs maux. Quand c'était de' l'eauqu'on magnétisait, elle prenait, pour le malade encrise, un goût et une température tout parti--

Il y eut. de petits échecs on ne réussissait pasà tous les coups, et, si le témoin de cet insuccèsétait quelque homme de lettres, un de ceux quicontribuent à faire l'opinion, le magnétisme ensouffrait. La Harpe alla cllcz Deslon huit jours de

suite sans rien éprouver entre les mains du ma-gnétiseur. Il demanda de la limonade et la trouvaun .peu aigrelette. C'était une médecine « Je visfort bien que pour me faire quelque chose, on 'n'a-

vait trouvé rien de mieux que de me purger. »Enfin il emporta et il communiqua partout l'im-pression qu'il consigne dans ses Lettres. «Je n'y airien vu, en mon et conscience, qui ne m'ait'et dégoûtant, hors l'harmonica 'donton joue de-temps en temps dans la salle du b'a-

'Le maître avait déjà échoué chez d'Holbach. Il'avait une lettre de recommandation pour le baron.Peu après son arrivée à Paris, illa présenta et fut'invité à dîner avec tous les philosophes de la so-eiélé. «;Soit que lui-même, soit que ses auditeurs

magnétisme, il' ne fil ce jouiv-là, dit Orimni, au-

sur personne; H" depuis ce l.'i-

Page 13: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

cheux contre-temps, il n'a plus reparu chez

M. d'Holbach. » Ne voilà-t-il pas elue, pour humi-lier Mesmer, au même moment, le docteur Thou-venel, un savant chimiste, avait composé une pré-paration de poudre d'aimant fortement électrisée,dont il suffisait de se frotter les mains ou de por-ter des sachets dans sa poche pour produite à peuprès les mêmes effets que produsait Mesmer? Il

parvint il en faire éprouver chez d'Holbach il plu-sieurs personnes, sur qui le doigt de Mesmern'avait fait aucune impression.

En somme, Mesmer arriva et séjourna à Parisdans un temps favorable. Voltaire mourait. Il avaitpendant cinquante ans surveillé la raison en tuteurassez sévère, qui ne lui passait pas la plus petitefantaisie, le plus petit excès lui mort, elle s'échap-pait. Puis, on était dans un moment de confiancesuperbe en la puissance de l'esprit humain onavait découvert l'inoculation, Franklin avait trouvéle paratonnerre, les frères Montgolfier inventaientles aérostats. Si on avait pu cela, que ne pouvait-

on pas? Condorcet, peu d'années après, devaitbien promettre qu'on ne mourrait plus! Quand desphilosophes se permettaient ces présages, la fouleavait le droit d'espérer et de croire un peu plusqu'il n'est permis. Aussi le merveilleux parut alorstout naturel. Les journauxannoncent qu'un hommea trouvé le moyen de marcher sur l'eau sans en-

Page 14: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

foncer; 'on attend une souscription assez considé-rable pour l'imilcr faire une expérience sur laSeine. Immédiatement la souscription se remplit

^toulc la cour contribue. Une seule personne sepermet de douter; c'est le roi. Bien entendu quel'homme en question ne se présenta, pas, et n'exis-tait que dans les journaux. On rit, on tourna hon-nêtement la' souscription en œuvre de charité, .eton ne se corrigea point. C'est en effet la logiquede tous les .temps on voyage en ballon dans l'air,donc on peut marcher sur l'eau on communique

en un instant ai de grandes distances par des 'filsélectriques, donc on peut s'entendre sur l'heured'un bout' il l'autre du monde au moyen do bous-soles magnétiques ou d'escargots sympathiques. Ladémarcation entre le possible et l'impossible est

toujours flottante, et particulièrement il de certai-ives époques de succès.

Déjà de Pompadour, un personnagecélèbre, le comte de Saint-Germain représentait lemystère. Il prétendait vivre 'depuis des siècles,'il

parlait de Charles-Quint, de François 1er, de Jésus-Christ, cdmnïc de ses contemporains, ayant;dans\.cet intervalle, 'recueilli d'admirables secrets; etaprès lui, Cagîiostro continuait sa tradition. Grimm

nous a laissé ce mot sur fui A la sollicitation

du cardinal de RoHan; Cagliostrovint de StrasbourgParis voir le prince de Soubisc dangereusement

Page 15: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

malade il n'arriva que lors de sa convalescence. *?

Quelques personnes de la société de M. le cardinal,qui ont été a portée de le consulter, se sont forthien trouvées de ses ordonnances, et n'ont jamais

pu parvenir îc lui faire accepter la moindre marquede leur reconnaissance.On a soupçonné longtempsle comte de Cagliostro d'être un valet de chambre

de, ce fameux M. de Saint-Germain qui fit tant par-ler de lui sous le règne de Mme de Pompadour oncroit aujourd'hui qu'il est le fils d'un directeur desmines de Lima; ce qu'il y a de certain, c'est qu'il

a l'accent espagnol (quatre ans plus tard, on luitrouvait l'accent napolitain), et qu'il paraît fort ri-elle. Un jour qu'on le pressait chez Mmc la com-tesse de Brienne de s'expliquer sur l'origine d'une

existence si surprenante et si mystérieuse, il répon-dit en riant -Tout ce que je puis dire, c'est queje suis né au milieu de la mer Rouge, et que j'aiété élevé sous les ruines d'une pyramide d'Egypte

c'est là que, hanclonné de mes parents, j'aitrouvé un bon vieillard qui a pris soin de moi

je tiens de lui tout ce que je sais. »

Mesmer trouva ainsi un allié naturel dans lemysticisme qui couvait sourdement. Il y avait enFrance des disciples secrets de Swedcnborg et de

Saint-Martin auxquels le magnétisme devait con-venir, car il y a chez le mystique et chez le magné-tiseur une prétention commune la prétention

Page 16: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

(les rapports directs d'unie à âme sansrinlormédiaire du corps. Swedenborg- a' voyagé

vingt-quatre uns dans le monde des esprits, et araconté ce qu'il y a vu le magnétisme fut d'abordtrès-modeste, mais depuis il s'est émancipé.

Premières relations avec les corps savants avec l'Académiedes sciences, la Société royale de méd ecine la Faculté demédecine. menace de quitter la France. Offres

.que lui fait le gouvernement, refusées. Il se rend à Spa.

Les relations de Mesmer et de Deslon avec les

corps savants furent fâcheuses. Us eurent affaireavec l'Académie des sciences, la

Société royale (le médecine, la Faculté de médecine,

Des son arrivée a Paris, Mesmer fit des démarches^auprès de M. Le Roi, alors président de l'Académiedes sciences. Celui-ci avait vu chez Mesmer des et-

périences, et voulut bien se charger de faire 'unrapport à sa compagnie sur les opinions de ce iné-Il. s'apprêtait il le lire quand Mesmer, ju-

l'auditoire inattentif ce jour-la., et les esprits•irùs-iiiul disposés, insista pour qu'il remît la choseà un aulre jour, qui ne vint pas. Retiré à Creteilavec, quelques malades, il écrivit l'Académie qu'il

faire des expériences sur ces malades

Page 17: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

devant les députés qu'elle nommerait. L'Académie

ne jugea pas les conditions d'une bonne informa-tion suffisantes, et refusa.

Il s'adressa alors v la Société royale de médecine.Il fut convenu que plusieurs membres de cette So-ciété examineraient les procéclés de Mesmer, mais

que d'abord ils constateraient l'état des malades.On ne s'entendit pas sur une première malade, pré-sentée par Mesmer comme épileptique, sans queles médecins en fussent assez convaincus. En con-séquence il ne leur envoya plus personne à exa-miner. Tout à coup il est averti qu'une commissionarrive à Creteil. Il protesteet refuse, et va se plaindre

aux commissaires de leur procédé. Ceux-ci préten-dent qu'ils ont voulu accéder à une demande deMesmer, qui désavoue toutes démarches. On sesépare avec aigreur. A une lettre de la Société, quilui rappelle la condition convenue de l'examenpréalable des malades, Mesmer répond par unesimple invitation de prendre jour pour se rendre àCreteil, substituant à l'examen préalable par lescommissaires eux-mêmes- les attestations de mé-decins. La Société refusa décidément. Il lui parutsans doute que pour être certains que des maladeseussent été guéris, il fallait être certains que les

gens guéries eussent été malades..Enfin le magnétisme eut affaire avec la Faculté^

de médecine. Deslon, professeur de cette faculté,

Page 18: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

nouveau converti, et qui venaitde publier ses Ob-

animal, demanda àses collègues une assemblée générale pour y rendrecompte des observations qu'il avait faites et despropositions de Mesmer. On la lui accorda suivant

les statuts. Pendant ce temps l'irritation contre letransfuge croissait, et un jeune professeur, M. deVauzènies, s'étant proposé pour accuser Deslond'avoir manqué à l'honneur et aux règlements dela Faculté et'demander sa radiation de la liste desdocteurs-régents, on fixa pour ses interpellationsle .même jour qu'on avait fixé il Deslon (sep-

î^çmbre 1780). La séance débuta par le discours deNI. 'de V'auzèmes, discours violent. Deslon répliqua

avec mesure et communiqua les propositions de

Mesmer. Vingt-quatre malades devaient être choisais

par la Faculté et par l'auteur. Douze seraient traités

;.par la Faculté, douze par l'auteur et les maladesseraient tirés au sort. Leur état serait constaté parla- Faculté, par l'auteur et des commissaires dugouvernement. Les juges des résultats scraicmVlcs"

commissaires du gouvernement; mais afin d'évitertout soupçon de partialité, ils ne pourraient/être pris

.dans aucun corps de médecine. La Faculté rejeta lespropositions de Mesmer, suspendit Deslon pour un

an, .de voix délibérative dans les assemblées de la–Faculté, avec radiation, du tableau des médecins de

la Faculté,au boutde l'année, s'il ne se corrigeait pas,.

Page 19: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

Ainsi repoussé, Mesmer s'adressa' au gouverne-ment, et, après les premières négociations, il an-nonça l'intention de quitter la France. L'émotion futgrande parmi les malades, qui se remuèrent, et, lareine ayant l'ait attention à lui, il fut mandé chez unministre, M. de Breteuil, où une première conven-tion fut signée. Si Mesmer faisait ses preuves, le gou-vernement devait 1° reconnaître qu'il avait fait unedécouverte utile 2° lui donner en toute, propriété

un château et terre où il traiterait ses malades;3° une pension viagère de vingt mille livres. Des

commissaires nommés par le gouvernement, deuxseulement pouvaient être pris dans la Société demédecine. Quelques jours après, le même ministredéclarait a Mesmer qu'on était suffisamment édifié

sur son traitement on le dispensait de l'examendes cinq commissaires, et on demandait seulementqu'il admît au nombre de ses auditeurs trois sa-vants nommés par le gouvernement, qui rendraientcompte de ce qu'ils auraient entendu. Leur rapportdéfavorable n'entraînerait la révocation d'aucun des

avantages accordés, favorable il lui procurerait de

superbes avantages nouveaux. Le fait est étrange,mais Mesmer refusa tout et partit pour Spa.

Page 20: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

Deslon demande une enquête à la Faculté.-Souscription .pourrappeler Mesmer. II revient et fait un cours. Sociétéde l'Harmonie. Discussions d'intérêt avec ses élèves. -»Irritation de la Faculté contre les membres înesméristesforinulaire, radiations. Mesmériennes et desioniennes.Controverses dans les livres.

/Cependant Deslon, encore sous le coup de, la«radiation, paya d'audace, se présenta devant .la

Faculté, .proposant d'opérer sous ses yeux, et con-'sentant à être, jugé par elle. Mesmer s'en émuL,,

craignant de voir son secret divulgué ou coiuprormis; et des disciples clu'il avait, l'avocat Bcrgassc, '«le banquier Kornmann, ouvrirent une souscription

qui devait être de cent personnes au moins, à centlouis par personne, moyennant quoi le maître les

instruirait de sa découverte. Cette souscription

monta bientôt à trois cent quarante mille livres.

Mesmer rappelé par cette offre, et inquiet du côté

de Dcslon, revint. Les auditeurs s'engagèrent ausecret., et -se formèrent en une Société de l'Harmo-

nie, qui eut des affiliationsdans plusieurs villes, à

Strasbourg, à Lyon, à Bordeaux.

Ce fut le temps du succès et de la lutte. Lutte de

Mesmeravec ses élèves, qui prétendaient avoir achetéle droit.de répandre la découverte du magnétismela répandirent en effet dans des cours

Page 21: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

publics, Mesmer prétendant l'exploiter seul, et laporter dans diverses villes, moyennant des souscrip-tions de cinquante louis par personne. Lutte deMesmer et de Deslon, qui se partagèrent les parti-sans du magnétisme. Lutte de la Faculté contreceux de ses membres qui seraient tentés de pren-dre la doctrine nouvelle, avec l'invention d'un for-mulaire à signer, sous peine d'exclusion. (D'On-glée et Vamier refusèrent et furent exclus.) Luttedes disciples contre l'opinion, dans divers mani-

',t'estes, et de l'opinion contre eux dans des vaude-villes, des pièces de vers et des livres sérieux ou

sadiques. Le rapport des commissaires royaux etcelui (le la Faculté couvrirent ou excitèrent tout cebruit.

Notre temps ne sait plus qu'il s'éleva alors unvrai schisme. Il y eut des mesmériennes et desdesioniennes, implacables ennemies. Dès que lesmaîtres furent brouillés, les disciples se brouillè-rent. Mesmer avait pour lui son autorité de chef

d'école, son âge et ses nombreux prodiges en di-

verses contrées; Deslon avait pour lui les grâcesde la jeunesse et de l'esprit. La réputation de Mes-

mer était faite, grande séduction! celle de Deslon

était à faire, grande tentation! Enfin pour des

âmes passionnées ce n'est pas assez d'une religion,il faut une secte; il ne suffit pas d'aimer quelquechose, il faut laïr quelqu'un. Mesmériennes et

Page 22: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

desioniennes se haïrent donc de tout leur caeur; il

ne plut pas de sang, mais des malices qui firenttort un peu tout le monde. Mesmer et Deslon,voulant arrêter cette guerre fâcheuse, se réconci-lièrent. 11 y eut une trêve entre les partis, mais leshostilités reprirent bientôt, amenèrent des scènestrès-vives, et finirent en scandale, ce qui forçaMesmer et Deslon à se séparer de nouveau. Notez

que les partis étaient nombreux et considérables

grâce la vogue et la faveur, de la reine, le ma-gnétisme ne tenait pas moins que la moitié de la

cour.Il parut pour et contre le magnétisme nombre de

brochures et de livres, dont on peut voir le détaildans Delcuze (Histoâre critique du Magnétisme ani-mal). Le père Hervier, docteur enSorbonne, se dis-tinguait même parmi les enthousiastes il chantaitle retour de l'âge d'or,, le triomphe du mesmérisme

sur la maladie et la mort. Entre les adversaires

était Berlhollet, qui, après avoir suivi le cours de

'Mesmer pendant un mois, se retira en déclarantqu'il n'avait rien vu .ni entendu de nouveau ou de

solide, rien de plus que ce que produit chez tousles animaux le penchant à l'imitation et Thouret,le futur directeur de l'École de médecine lors de

sa réorganisation, Thouret, pour ôter au magné-tisme son prestige, voulut lui ôter sa nouveauté.D'abord, sur cet esprit vital universel, il n'y a qu'à

Page 23: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

choisir les textes dans les savants qui précèrleot.

Mais, sur la ressemblance de cet esprit avec l'ai-mant, il y a des rapprochements curieux. Paracelseregardait l'homme comme un aimant avec deuxpôles, le pôle arctique état a la bouche. Il ajou-tait même » Si au-dessus d'une barque dansl'eau, on suspendait exactement, par quelque art,un homme en équilibre, sa face se tournerait tou-jours naturellementvers le nord. » Quant à la mar-che de l'agent magnétique et à ses vertus, PierreBorel a écrit avant Mesmer Les émanations s'é-tendent il des distances très-grandes en tous sens

par la réflexion des rayons de la lumière et l'actiondu vent. » Et Libanius pense qu'on peut le. réfléchir

comme la lumière par un miroir, et le diriger ainsi

sur un individu. On rapporte, ajoute-t-il, que c'estainsi que le basilic se tue lui-même, et que lesfemmes, imprégnées de poison, en se regardant tropsouvent dans une glace, le réfléchissent sur leurs

yeux et leur visage. Un des auditeurs de Deslon,Doppet, disait ingénieusement, justement, de l'aveude Deleuze « Ceux qui savent le secret en doutentplus que ceux qui l'ignorent. » Il fallait de plusrudes coups pour accabler le magnétisme ils ne luifurent pas épargnés.

Page 24: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

Le gouvernement nomme des commissions pour examiner lemagnétisme (1784): commission de la Société royale, com-mission de la Faculté et de l'Académie des sciences. Rap-port public de la dernière commission (Bailly). Rapportsecret. -[Rapport de la Société royale. Rapportparticulierde Laurent de Jussieu. Mesmer retourne en Allemagne.

Deslon ayant demandé une enquête iL la Facultéde médecine, le gouvernement se résolut à ter-miner cette affaire. Il demanda à la Faculté et à la.Société royale de médecine de lui faire un rapportsur le magnétisme. Parmi les membres qu'il

nomma dans la Société royale de médecine étaitLaurent de Jussieu. Il choisit éâalement plusieursmédecins dans la Faculté, et sur leur demande,leur adjoignit cinq membres de l'Académie des

sciences, entre autres trois hommes illmtresFranklin, Lavoisier, Bailly. Ce dernier fut rappor-teur. Le rapport collectif de la Faculté et de l'Aca-démie des sciences fut contraire et terrible parl'autorité de ceux qui l'avaient signé.

Il s'agissait d'abord de savoir ce qu'on avait il con-stater, et par quel moyen on pourrait le constater.Deslon annonçait le fluide décrit par Mesmer. Ce

fluide échappant îz tous les sens, malgré quelquesillusions contraires, on ne peut le reconnaître quepar son action sur les corps animés. On peut oh-

Page 25: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

server cette action longtemps continuée et sa vertucurative, on ses effets momentanés et les change-ments subits qu'elle produit dans les corps. Des-lon aurait bien voulu qu'on suivît la première mé-thode, qu'on donnât au fluide du temps pour agiret guérir; mais les commissaires n'y consentirent

has cette voie leur parut douteuse. Comment, eneffet, constater certainement qu'une guérison sur-venue après le traitement magnétique, est opéréepar ce traitement; que ce n'est pas la nature qui

en a fait les frais, lorsque les médecins la voient si

souvent agir par elle-même, sans leurs remèdes,et que même, après avoir appliqué des remèdes

éprouvés, ils n'osent jamais leur attribuer à coupsur la guérison obtenue? D'ailleurs Mesmer avaitrejeté ce moyen quand il lui fut proposé par undes membres de l'Académie des sciences «

C'est,

dit-il, une erreur de croire que cette espèce de

preuve soit sans réplique; rien ne prouve démon-strativement que le médecin ou la médecine gué-rissent les malades. » Il fallait donc s'en tenir auxeffets momentanés.

Les commissaires se soumettent au traitement'huit jours de suite, et n'éprouvent rien. Observant

les expériences tentées sur d'autres, ils notent l'ex-trême différence du traitement privé et du traite-ment public: d'un côté le calme, de l'autre l'agita-tion désordonnée. Sur quatorze malades, cinq

Page 26: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

paraissent éprouver des effets, neuf n'en éprouvent

aucun. Et avant d'attribuer les effets ressentis aumagnétisme, il faudra bien se'représenter la posi-tion d'une personne ignorante, attaquée d'une ma-laclie et désirant de guérir, amenée avec appareildevant une grande assemblée, composée en partiede médecins, où on lui administre un traitementtout à fait nouveau pour elle, et dont elle se per-suade v l'avance qu'elle va éprouver des prodiges.Qu'on ajoute que sa complaisance,est payée, etqu'elle croit nous satisfaire davantage en disantqu'elle éprouve des effets.

Les commissaires se transportent chez un autredocteur, M. Jumelin, qui professe le magnétisme

sans distinction de pôles, et suit par conséquentd'autres procédés. Dix personnes sont magnétiséessans rien sentir. Une femme paraît être un sujetplus sensible on lui bande les yeux, on la magné-tise, et elle est toute déroutée. On lui découvre les

yeux et on porte les mains sur les hypocondres;elle se trouve mal. Les yeux de nouveau bandés,

on lui persuade qu'elle est magnétisée elleéprouve les mêmes effets. On la magnétise sansl'avertir, elle n'éprouve rien. Plusieurs, connueelle, éprouvent quelque chose quand on n'agit pas,et n'éprouvent rien quand on agit. Même unefemme, qui, les yeux bandés n'éprouve rien,magnétisée il. la vue libre, en trois quarts de illi-

Page 27: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

nute, devient muette. La variété des procédés estdonc indifférente, et l'imagination fait beaucoup,surtout si l'on remarque qu'en faisant les ques-tions, le magnétiseur précise les effets qui doiventêtre éprovivés, et dicte la réponse.

Bien plus, le docteur Sigault, incrédule au ma-gnédisme, laissant croire à plusieurs personnesqu'il a le secret de Mesmer, fait des merveilles

comme son maître prétendu. Rien qu'en le voyant

avancer sa main, une dame est prête à tomber en

convusions.Retournons chez Deslon. Lorsqu'un arbre a été

niagnétisé, il doit arriver, selon la doctrine, quetoute personne qui s'y arrête éprouve des effets.On fait l'expérience à Passy, en présence de Fran-klin. Deslon magnétise un arbre dans un verger.On amène un jeune garçon de douze ans, les yeuxbandés, sujet reconnu pour être très-sensible. Aupremier, au second, au troisième arbre, a unedistance de trente et quelques pieds de l'arbremagnétisé, il éprouve un étourdissement qui vacroissant; au quatrième, à vingt-huit pieds envi-

ron de l'arbre magnétisé, il tombe en crise, perdconnaissance, ses membres se raidissent, et Des-lon s'occupe de le faire revenir. Le docteur décon-certé prétend alors que tous les arbres sont ma-gnétisés par eux-mêmes; d'où les commissairesconcluent qu'une promenade dans un verger se-

Page 28: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

rait pour beaucoup de gens un exercice très -re-doutable. Môme effet que chez M. Jumelin desfemmes à qui on persuade que Deslon les magné-tise, après leur avoir bandé les yeux, ou les avoirséparées du magnétiseur par une porte, et qui res-

sentent des effets terribles, ou qu demeurent par-faitement calmes tandis qu'on les magnétise à leurinsu. Une autre fait mieux mandée chez Lavoi-sier, où elle devait trouver Deslon, elle tombe encrise dès l'antichambre.. On lui présente plusieurstasses non magnétisées à la quatrième, elle tombe

en crise de nouveau en revanche, elle boit paisi-blement dans une tasse magnétisée par Deslon

mêmes, ou ne s'aperçoit pas qu'on la tient derrière

sa tête.-Une autre, nouvellement arrivée chez

Deslon, ayant rencontré, en sortant de sa crise,les regards d'un de ses disciples, qui la magnéti-sait, fixa. les yeux sur lui pendant trois quartsd'heure. Elle fut longtemps poursuivie par ceregard, et pendant trois jours, dans la veille oudans le sommeil, elle le vit devant elle obstiné-

ment.De toutes ces observations, les commissaires

concluent d'abord il faire une large part à l'imagi-

nation. CIL'histoire de la médecine, disent-ils, ren-

ferme une infinité d'exemples du pouvoir de l'ima-gination et des facultés de l'âme. La crainte dufeu, un désir violent, une espérance .ferme et sou-

Page 29: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

tenue, un ;cceés de colère, rendent l'usage des jam-bes a un paralytique; une joie vive et inopinée dis-sipe une fièvre quarte de deux mois;. une forteattention arrête le hoquet des muets par accident

recouvrent la parole à la suite d'une vive émotionde l'âme. Quand-elle est une fois montée, ses effets

sont prodigieux, et il suffit ensuite de la monter

.au même ton, pour que les mêmes effets se répè-tent.

Une deuxième cause des phénomènes prétendusmagnétiques, est, selon les commissaires, l'attou-chement. En pressant le creux de l'estomac, onagit sur un intestin irritable, le colon, qui irriteà sott tour le diaphragme, d'ouïes soupirs, le rire,les pleurs, les hoquets, etc. En pressant la régioninférieure, on rencontre cet autre centre nerveuxqui correspond à tout le reste du corps, et une fois

en mouvements, y excite des mouvements par sym-pathie. C'est une vieille expérience que les affec-tions de l'âme répondent lit ce qui fait dire com-munément qu'on a un poids sur l'estomac et qu'onse sent suffoqué. Le magnétiseur, en touehant cesparties si sensilles du corps, met donc en jeu pardes moyens connus une puissance très-connue.

Ajoutez à ces deux causes une dernière, l'imita-lion, et vous aurez, selon les commissaires, .le se-cret du magnétisme. Partout l'exemple agit sur lemoral, l'imitation machinale .met en jeu le plïysir

Page 30: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

que. Dans les théâtres, quand le public est nom-breux, les impressions se communiquent et se ren-forcent. Dans les batailles, le courage et les terreurspaniques se répandent pareillement. Autour dubaquet de Mesmer et de Deslon, quand un malade

entre en convulsions, les autres suivent.Imagination, attouchement, imitation, par-dessus

tout imagination, voila il quoi se réduit, dans le

rapport de Bailly, le fluide magnétique. Ainsi onobserve le premier principe de la science physi-

que, qui est de ne pas admettre de nouvelles cau-ses sans une absolue nécessité. Deslon, tout enmaintenant l'action d'un fluide, avouait la force de

l'imagination; il disait aux commissaires qu'ainsidirigée au soulagement de l'humanité souffrante,elle ferait un grand bien dans la pratique de la

médecine. Il avait déjà écrit en 1780 «Si M. Mes-

mer n'avait d'autre secret que celui de faire agirl'imagination efficacement pour la santé, n'en au-rait-il pas toujours un bien merveilleux ? car si la

médecine d'imagination était la meilleure, pour-quoi ne ferions-nous pas la médecine d'imagina-tion ? »

En même temps qu'ils publiaient ce rapport, les

commissaires en remettaient au ministre un autresecret, ou ils exprimaient le danger du mesmé-

rismc relativement aux moeurs.Le .rapport de la. Société royale de médecine sui-

Page 31: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

vit bientôt. C'étaient les mêmes conclusions. II futsigné par tous les commissaires, sauf Laurent de

Jussieu, qui publia un rapport à part. Au fond, il

se rapprochait sur beaucoup de points de ses con-frères. La théorie du magnétisme ne peut êtreadmise tant qu'elle ne sera pas développée etétayée de preuves solides » comme eux, il niaitl'existence d'un fluide particulier, et comme eux,expliquait nombre d'effets' par les trois causes quenous avons dites mais il avait observé quelquesfaits qu'il ne pouvait expliquer par là, et cherchait

une cause à laquelle ils fussent raisonnablementattribués.

« Un seul fait positif, disait-il, qui démon-trerait évidemment l'existence d'un agent intérieur,détruirait tous les faits négatifs qui constatent seu-lement sa non-action. » Fidèle aux scrupules dela sciences, il allait chercher dans la physique con-nue cet agent. « L'action attribuée à un fluide uni-versel non démontré, appartient certainement il lachaleur animate existant dans les corps, qui émaned'eux continuellement, se porte assez loin, et peutpasser d'un corps dans un autre. La chaleur ani-male est développée, augmentée ou diminuée pardes causes morales et par des causes physiques..Jugée par ses effets, elle participe de la propriétédes remèdes toniques. Il l'appelle ailleurs lefluide électrique animalisé. « Poussé par une forceimpérieuse, ce fluide se jette avec impétlosité sur

Page 32: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

les corps privés d'électricité, et s'échappe avec lemême effort de ceux dans lesquels il est accumulé. »

Deslon protesta contre le rapport de Bailly, et

annonça qu'il était sans crainte sur le sort du ma-gnétisme, puisque Mesmer avait fait trois centsélèves et lui cent soixante, parmi lesquels vingt et

un membres de la Faculté de Paris.

VI.

Défaite du mesmérisme à Paris. Vaudevilles. Mort intem-pestive d'un défenseur. Amis maladroits.– Ëpigrammes.

Ce qui fit plus de tort à '.Mesmer que les juge-ments des corps savants, ce fut une farce, jouéela Comédie Italienne, intitulée les Doeteurs mo-dernes. Les éclats de rire, rapporte un témoin,partaient a chaque couplet des loges et du par-terre, et les acteurs riaient comme les spectateurs.Ce qui prouve seulement qu'on avait bonne envie

de rire, et, une fois de plus, qu'il' n'y a ni mau-vais vers ni mauvaise prose pour1'esprit de parti.On reconnut Mesmer à cette profession du docteurCassandre

Flatter et les sens et l'esprit et le coeurTel est, mon ami, le remède enchanteurQue je prétends mettre à la mode.

11; v eut des malheurs. Court de Gôbelin, travaillé

Page 33: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

d'une cruelle maladie, eut recours au magnétisme,

et se sentit d'abordsoulagé. Dans sa reconnaissance,il attesta par un écrit public qu'il était guéri parMesmer, et le témoignage de ce personnage dis-tingué faisait déjà le meilleur effet en faveur du

magnétisme quand il mourut. Les partisans.deMesmer assument qu'il prolongea d'un an la ve dumalade toujours est-il qu'une de ces choses arrivamal à propos, le' certificat ou la mort de Fauteur;et un journal annonça cet événement de la ma-Fière suivante: «M. Court de Gébelin, auteur duMonde primitif, vient de mourir, guéri par le nici-gnétisme animal. » On juge si cette plaisanterietomba.

Puis c'est un enthousiaste maladroit, Duval d'Es-préménil, conseiller au parlement, qui, voulantcombattre le ridicule qu'on jette au magnétisme,

y ajoute le sien. Il composte un pamphlet où ilcomparse Mesmer à Socrate persécuté par le gou-vernement d'Athènes, et livré par Aristophane 'auxrisées du peuple railleur, et fait parvenir au roi unmémoire contre le lieutenant général de police etle censeur qui ont permis la représentation des

Docteurs modernes. Le roi s'en fait lire les deuxpremières pages dans la société de la reine, com-

mence par rire, et finit par dire que l'auteur .est

un fou et que tout cela l'ennuie. Alors d'Esprémô-ni[ 'eu appelle au peuple, est pendant la en-

Page 34: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

ta.tion de la fâcheuse pièce, il fait jeter* au parterreun supplément il son premier pamphlet. Il y dé-

nonce, dit Criinin, la pièce comme un mauvais

ouvrage dramatique, les auteurs comme des lâchers

qui ridiculisent, à l'abri de l'autorité, un hommede génie bien supérieur a Newton; il y dénonceet tance vivement tous ceux qui rient aux Docteursmodernes, comme des audacieux qui se donnentles airs d'avoir de la gaieté avant d'y être autorisGs

par un arrête du parlement, par-devant qui Mes-

mer -s'est pourvu contre les différents rapports faits

et publiés par ordre du gouvernement.Enfin, pour comble d'infortune, un imbécile de

laquais ayant reçu d'une dame un louis pour siffler

les Docteurs modernes, et voulant honnêtement ga-gner son argent, prend pour la seconde pièce, quidevait être celle-là, le second acte de la première,siffle à outrance, se fait arrêter et confesse tout.

Aucun événement qui attirait l'attention du pu-blic pendant quelques minutes ne se passait alors

sans fournir aux petits vers. Palissot avait com-posé une belle épigramme sur le ton héroïque

pour être mise au bas du portrait de Mesmer

Le voilà ce mortel dont le siècle s'honore,Par qui sont replongés au séjoùr infernalTous les fléaux vengeurs que déchaîna PandoreDans son art bienfaisant il n'a point de rival,

.Et la Grèce l'eût pris pour le dieu d'Epirlaure.

Page 35: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

La France, qui a peu de goût pour les apo-théoses, s'amusa des vers suivants, bons ou mau-vais

Le magnétisme est aux abois

La Faculté, l'AcadémieL'ont condamné tout d'une voix,Et l'ont couvert d'ignominie.

Après ce jugement bien sage et bien léâal,Si quelque esprit originalPersiste encor dans son délire,Il sera permis de lui dire

Crois au magnétisme. animal.

Watelet, à qui Mesmer avait prédit qu'il ne pas-serait pas l'automne se vengea gaiement sur lui

et sur la Faculté

Docteur, tu me dis mort, j'ignore ton dessein

Mais je dois admirer ta profonde scienceTu ne prédirais pas avec plus d'assurance,

Quand tu serais mon médecin.

Ainsi se termine la première période de l'his-toire du magnétisme en France tout finit par deschansons.

Page 36: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

VII.

Le magnétisme en province. -Découvertedu somnambulismepar le marquis de Puységur. Magnétisme spiritualistele chevalier Barbarin l'abbé Faria. Les cataleptiques dePélétin, -Transformation du mesmérisme. Progrès desSociétés de l'Harmonie Lyon, Bordeaux, Bayonne, Stras-bourg, etc.

Chassé de Paris, le magnétisme se réfugia enprovince, mais il s'y transforma par une aventureétrange. MM. de Puységur avaient été des audi-teurs de Mesmer, et convaincus. Retirés dans leurterre de Busancy, près Soissons,ils magnétisaient

en imitant les effets du maître, quand un jour seproduisit un phénomène entièrement inattendu.Laissons parler le marquis de Puységur « C'était

un paysan, homme de vingt-trois ans, alité depuisquatre jours, par l'effet d'une nuxion de poitrine.J'allai le voir. La fièvre venait de s'affaiblir. Aprèsl'avoir fait lever, je le magnétisai. Quelle fut ma

surprise 'de voir, au hout d'un demi-quart d'heure,cet homme s'endormir paisiblement dans mes hras,

sans convulsions ni douleurs Il parlait, s'occupait.tout. haut de ses affaire. Lorsque je jugeais sesidGes devoir l'affecter d'une manière désagréable,je ¡

les arrêtais et cherchais à lui en inspirer de plusgaies. Il ne me fallait pas pour cela de grands effortsalors, je le voyais content, imaginant tirer il un

Page 37: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

prix, danser à une fête, etc. Je nourrissccis en lui cesidées, et par là je le forçais à se donner beaucoupde mouvements sur sa chaise, comme pour dan-

ser sur un air qu'en chantant (mentalement) je luifaisais répéter tout haut. J'ai pris le parti de ma-gnétiser un arbre, j'y ai fait venir mon premiermalade; sitôt qu'il a eu mis la corde autour delui, il a regardé l'arbre, et a dit, pour toute pa-role, avec un air d'étonnement qu'on ne peutrendre Qu'est-ce que je vois là? Ensuite sa têtes'est baissée, et il est entré en somnambulismeparfait. Au bout d'une demi-heure, je l'ai ramenéà sa maison où je lui ai rendu l'usage de sessens. Dans une autre lettre, il revient à son pre-mier paysan « Quand il est dans l'état magnéti-que, ce n'est plus un paysan niais, sachant àpeine répondre une phrase; c'est un être que jene sais pas nommer. Je n'ai pas besoin de lui par-ler je pense devant lui et il m'entend, me répond..Vient-il quelqu'un dans ma chambre, il le voit sije veux; il lui parle, lui dit les choses que je veuxqu'il lui dise, non pas toujours telles que je les luidicte, mais telles que la vérité l'exige. Quand ilveut dire plus que je ne crois prudent qu'on enentende, alors j'arrête ses idées, ses phrases, aumilieu d'un mot, et je change son idée totale-ment. Les malades affluent autour de monarbre; il y en avait ce matin plus de cent trente.

Page 38: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

C'est une procession perpétuelle dans le pays; j'y

passe deux heures tous les matins. Mon arbre estle meilleur baquet possible; il n'y a pas une feuillequi ne communique la santé. Mon homme, oupour mieux dire anon intelligence, m'apprend laconduite que je dois tenir. Suivant lui, il n'est pasnécessaire que je touche tout le monde un re-gard, un geste, une volonté, c'en est assez; etc'est un paysan, le plus borné du pays qui m'ap-prend cela. Quand il est en crise, je ne connaisrien de plus profond, de plus prudent et de plusclairvoyant que lui. » Cela se passait en mars etmai 1785. Le marquis de Puységur a laissé la ré-putation incontestée d'un homme éclairé et d'unhomme de bien.

Un curieux, Clocquet, receveur des gabelles àSoissons, attiré par ce spectacle, nous l'a retracé.Après avoir décrit comme il le mérite l'orme cé-lèhre de Busancj, arbre antique, immense, maistrès-vigoureux encore et verdoyant, au pied du-quel coule une fontaine de l'eau la plus linlpide,il décrit la foule des malades assis sur des bancscirculaires en pierre, enlaçant avec la corde quipart de l'arbre les parties souffrantes de leurcorps, et formant la chaîne en se tenant par le

pouce. Parmi eux le maître en choisit quelques-

uns, et, les touchant de ses mains, en leur présen-tant sa baguette de fer, il les fait tomber en crise

Page 39: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

parfaite, qui dégénère en sommeil. Les malades

dans cet état, qu'on nomme médecins, ont unpouvoir surnaturel, par lequel, en touchant unmalade qui leur est présenté, en portant la mainmême par-dessus leurs vêtements, ils sentent quel

est le viscère affecté, la partie souffrante; ils ledéclarent et indiquent à peu près les remèdes.Comment le maître désenchante-t-il ces médecins?

Il lui suffit de les toucher sur les yeux, ou bien illeur dit Allez embrasser l'arbre. Alors ils se lè-

vent, toujours endormis, vont droit à l'arbre; etbientôt après leurs yeux s'ouvrent. J'ai interrogeplusieurs de ces médecins, qui m'ont assuré n'avoir

aucun souvenir de ce qui s'était passé pendant lestrois ou quatre heures de leur crise. Tous les ma-lades n'ont pas la faculté de tomber dans cet état. »

A Lyon, mêmes merveilles par d'autres procé-dés. Le chevalier Barbarin se mettait en prièr es

près du lit du malade, et assez souvent le som--nambulisme se déclarait avec les mêmes propriétés

que nous avons rapportées. On a, dit un témoin,présenté aux somnambules des sujets malades quileur étaient inconnus; elles ont indiqué avec la plusgrande exactitude les maux dont ils étaient affec-

tés. Je les ai vues ressentir vivement les maux de

ceux qu'elles magnétisaient, et les manifester enportant la main sur elles-mêmes aux mêmesparties. »

Page 40: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

Trente ans plus lard, l'abbé Faria avait encoreune autre méthode. Il faisait asseoir dans un fau-teuil la personne à magnétiser, et l'engageait àfermer les yeux en se recueillant. Puis, tout il coupil lui disait d'Une voix impérative et forte Dor-mez! répétant, s'il le fallait, cet ordre jusqu'ilquatre fois. Il se vantait d'avoir ainsi fait tomberen somnambulisme plus de cinq mille personnes.

Par' une singulière coïncidence, il arrivait de lamédecine antimagnétique de singuliers récits.. Unmédecin distingué de Lyon^ le docteur Pététin,très-ennemi de la nouvelle doctrine, assurait avoirobservé une cataleptique qui- voyait, entendait, etsentait par le creux de l'estomac et même par- lebout des doigts et des orteils. Il le déclara en 1787,

et consignait encore sept observations du ,même

genre dans un mémoire pnhlié après sa mort, ouil attribuait ces faits à l'électricité animale accu-mulée en certaines parties d corps. Dans sapremière relation, il expliqua les faits comme ilvoulut; les magnétiseurs les expliquèrent liar lemagnétisme.

Ainsi le "magnétisme se transformait. A la placedu baquet de Mesmer, de simples attouchements

ou des volontés; a la place des crises violentes, unsommeil réparateur; à la place des traitementspublics et des excitations de la foule, en général,des traitements particuliers, sous l'impression des

Page 41: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

merveilles racontées. Puis, dans les sujets magné-tisés, des vertus nouvelles l'obéissance absolue,pendant tout le sommeil, au magnétiseur, qui di-rige à son gré leurs pensées et leurs sentiments;la faculté de deviner, sans aucune communicationextérieure, les pensées du magnétiseur la connais-

sance des maux des personnes qui leur sont pré-sentées, et même le sentiment de ces maux dansleur propre corps; quelquefois l'indication des re-mèdes utiles. Enfin, outre les prévisions des crisesà venir, une vertu qu'on désirerait bien avoir,mais dui n'est pas encore suffisamment constatée,le don de voir et d'entendre sans yeux et sansoreilles. Le somnambulisme né se développe paschez tous les magnétisés mais, à cette époque, onen vint à ce qu'un cinquième des malades magné-tisés tombaient en somnambulisme plus ou moinsparfait.

Tardy de Montravel célébrait (1785) les mer-veilles du magnétisme en ces termes « L'àmeplane, comme l'aigle, au haut des nues, pendantle sommeil des sens extérieurs. Dominant alors surles opérations de la matière, elle embrasse d'unvaste coup d'oeil toutes les possibilités physiques,qu'elle n'eût parcourues dans l'état de veille quesuccessivement; mais sa vue est toujours bornéedans la sphère des sens, dont elle n'a pu se déga-

ger entièrement. Si quelques motifs viennent déter-

Page 42: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

miner plus particulièrement son attention vers unedes portions de l'ensemble, elle voit alors cette por-tion dans le plus grand détail, tandis que le restedevient vague et confus. »

Porté par la première impulsion et par le bruitdes prodiges nouveaux, le magnétisme se répanditdans les provinces. Les traitements magnétiquesde Lyon, de Bordeaux, de Strasbourg, de Bayonne,ou le comte Maxime de Puységur opéra jusqu'àsoixante cures certifiées, devinrent surtout célè-bres. Dans Strasbourg, la société de l'Harmonieétait composée de plus de cent cinquante mem-bres et profitait tous les jours. Elle a publié desannales. Il y avait plus de quarante de ces so-ciétés en différentes villes, qui comptaient enFrance et à l'étranger plus de quatre mille asso-ciés. Thouret fait remarquer, comme un argumentcontre le magnétisme, que dans les pays d'univer-sités, ou le contrôle était plus facile, il ne réussitpas, à Montpellier, par exemple, et il Rennes, tan-dis qu'il prenait .à Marseille et dans les petitesvilles de Bretagne. A Loudun, l'ancienne ville despossédées, il tomba complètement. Malgré deséchecs, le magnétisme se développa hardiment enprovince. On entendit bien parler Paris cle cesmerveilles mais à Paris on ne s'occupe pas de lamême chose deux fois de suite. Puis la révolutionapprochait, avec ses préoccupations d'un autre

Page 43: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

genre Beaumarchais et Mirabeau firent oublier

Mesmer. Le magnétisme émigra, fut pour cela unpeu suspect au retour, et dut reconquérir la place,

ce qui est toujours plus difficile que d'y entrerüne première fois.

VIII.

Dernière apparition de Mesmer jugement et explication dusomnambulisme. Derniers écrits.

A partir du rapport de Bailly, Mesmer avait dis-

paru de la scène. Retourné en Allemagne, il yapprit les merveilles du somnambulisme nouveau.Cela l'émut sans doute il vit à la fois avec plai-sir et avec inquiétude cet enfant survenu en sonabsence, et, en 1799, il publia à Paris le Mémoire

sur ses découvertes. Il s'y plaint de ce qu'on a con-fondu le magnétisme avec le somnambulisme, etil s'empare du somnambulisme en en fournissantla théorie. Suivant lui, il y a un sens interne, uncentre nerveux formé par la réunion et l'entrela-cement des nerfs, dont les extrémités que nousappelons les sens ne sont que les prolongements.Le sens interne est en rapport avec toute la naturepar le moyen d'un fluide subtil qui agit sur lui

comme la lumière sur nos yeux, mais dans toutesorte de directions. Il peut, dans certaines circon-

Page 44: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

stances, 'acquérir une irritabilité excessive. Alors il

remplit les fonctions de tous les autres sens quipar cela même, semblent avoir reçu une extensionprodigieuse. La plupart des maladies nerveuses, lafolie, l'épilepsie-, la catalepsie ne sont qu'un som-nambulisme imparfait ou dégénéré. Dans ce Mé-

moire le maître se plaint déjà des exagérations, desabus et des absurdités auxquels sa découverte adonné lieu. Il publia encore pour les Allemands

son Mesmerismus (Berlin, 1815), et mourut cettemême année. Deleuze sur le souvenir des anciensamis de Mesmer, le représente comme un hommeavide de gloire, mais en même temps plein de cha-

rité pour l'humanité souffrante. L'opinion publiqueest beaucoup moins assurée sur ce personnage, etne sait au juste quelle part il faut faire chez lui-àl'enthousiasme et à l'habileté.

IX.

Résurrection du magnétisme: histoirecritique deDeleuze (1813).Procédés pour magnétiser. Caractères du somnambu-

lisme. Cours puhtic du docteur Bertrand. Expériencesdans les hôpitaux de Paris {M. Dupntet). Enquête deman-dée à l'Académie de médecine par.le docteur Foissac.

En 1813 parut l' Histoire critique du magnétisme,de Beleuze. C'était une bonne fortune pour unedoctrine assez mal famée de rencontrer un défen-

Page 45: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

seur honorable, savant, judicieux, modéré dans

ses opinions et dans l'expression de ces opinions,

un de ces patrons qui donnent aux timides le cou-rage de confesser leur croyance. Il donnait desconseils pour l'observation des procédés physiques,

' mais en même temps il énonçait comme indispen-sables de certaines conditions morales qui revien-nent à la foi, il l'espérance et à la charité, trans-portées dans le magnétisme

Volonté active vers le bien;Croyance ferme en sa puissance;Confiance entière en l'employant.

Tous les préceptes se réduisent à celui-ci Toit-

cher attentivement les malades avec la volonté de

leur faire du bien, et que cette volonté ne soitdistraite par aucune autre idée. Les discussions

sur les moyens de se convaincre peuvent égale-

ment se réduire à cette maxime Veuillez et vouscroirez.

Deleuze explique l'action du magnétisme par uneanalogie Quand je veux soulever un corps, j'en-voie à mon bras une quantité de force proportion-née au poids présumé de ce corps, de même

« lorsque je magnétise, j'envoie par ma volonté lefluide à l'extrémité de mes mains, je lui imprime

par cette même volonté une direction, et ce fluide

communique son mouvement à celui du malade.

Page 46: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

Rien ne m'empêche de le lancer, mais il peut. setrouver dans l'individu sur lequel j'agis un obstacleaux effets que je veux produire alors j'éprouveplus ou moins de résistance cette résistancepeutmême être invincible. Le fluide magnétique s'é-chappe continuellement de nous, il forme autourde notre corps une atmosphère qui, n'ayant pointde courant déterminé, n'agit pas sensiblement surles individus qui nous environnent mais lorsquenotre volonté le pousse et le dirige, il se meutavec toute la force que nous lui imprimons il estmû comme les rayons lumineux envoyés par les

corps embrasés. Le principe qui le met en actionest donc notre âme, comme celui clui, envoie laforce à notre bras, et il est de la même nature. »

11 a publié une Instrztction pratique, une sortede manuel du magnétiseur. Nous en extrayons lesprocédés principaux.

« Une fois que vous serez ainsi d'accord etbien convenus de traiter gravement la chose, éloi-gnez du malade toutes les personnes qui pour-raient vous bèner ne gardez auprès de vous queles témoins nécessaires (un seul, s'il se. peut); de-mandez-leur de ne s'occuper nullement des 'pro-cédés que vous employez et des effets qui en sontla suite, mais de s'unir d'intention avec vous pourfaire du bien au malade; arrangez-vous de ma-nière à n'avoir ni trop chaud ni trop froid, à ce

Page 47: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

que rien ne gène la liberté de vos mouvements,et prenez des précautions pour n'être pas inter-rompu pendant la séance.

Il Faites ensuite asseoir votre malade le plus com-modément possible, et placez-vous vis-à-vis de lui

sur un siège un peu plus élevé, de manière queses genoux soient entre les vôtres et que vos piedssoient à côté des siens. Demandez-lui d'abord des'abandonner, de ne penser à rien, de ne pas se.distraire pour examiner les effets qu'il éprouvera,d'écarter toute crainte, de se livrer à l'espérance,et de ne pas s'inquiéter ou se décourager si l'actiondu magnétisme produit chez lui des douleurs mo-mentanées.

« Après vous être recueilli, prenez ses poucesentre vos deux doigts de manière que l'intérieurde vos pouces touche l'intérieur des siens, et fixez

vos yeux sur lui. Vous resterez de' deux à cinqminutes dans cette situation, ou jusqu'à ce quevous sentiez qu'il s'est établi une chaleur égaleentre ses pouces et les vôtres. Cela fait, vous re-tirerez vos mains, en les écartant à droite et àgauche et les tournant de manière que leur sur-face intérieure soit en dehors, et vous les élèverezjusqu'à la hauteur de la tête alors vous les pose-rez sur les épaules, vous les y laisserez environ

une minute, et vous les ramènerez le long desbras jusqu'à l'extrémité des doigts, en

Page 48: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

légèrement. Vous recommencerez celte passe1 cinq

ou six fois, toujours en détournant vos mains etles éloignant un peu du corps pour remonteurvolis placerez .ensuite vos mains au-dessus de latête. Vous les:y tiendrez un moment, et vous lesdescendrez, en passant devant le visage à la dis-tance d'un ou deux pouces, jusqu'au creux.de l'es-tomac là, vous vous arrêterez encore environdeux minutes, en posant- les pouces sur le creuxde l'estomac et les autres doigts au-dessous descôtes. Puis vous descendrez lentement le long du

corps jusqu'aux genoux, ou mieux, et si vousle pouvez sans vous déranger, jusqu'au bout despieds. Vous répéterez les mêmes procédés, pendantla plus grande partie de la séance. Vous vous- rap-'prosherez aussi quelquefois du malade, de ma-nière .v poser vos mains derrière ses épaules pourdescendre lentement le long de l'épine du dos,et de là sur les hanches et le long des cuissesjusqu'aux genoux ou jusqu'aux pieds. Après lespremières passes, vous pouvez vous dispenser de

poser les mains sur la tête et faire les passes sui-vantes, sur les bras en commençant aux épaules,

• ej sur le corps en commençant à l'estomac.

1. J'emploie ici le mot passe qui est connu de tous les magné-tiseurs il s'entend de tous les mouvements qu'on fait avec la mainen passant sur le corps, soit en touchant légèrement, soit à di-

Page 49: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

« Lorsque vous voudrez terminer la séance, vous

aurez soin d'attirer vers l'extrémité des mains et

vers l'extrémité des pieds, en prolongeant vos passesau delà de ces extrémités et secouant vos doigts àchaque fois. Enfin vous ferez devant le visage, etmême devant la poitrine, quelques passés en tra-vers, à la distance de trois ou quatre pouces. Ces

passes se font en présentant les deux mains rap-prochées, et en les écartant brusquement l'une de

l'autre, comme pour enlever la surabondance de

fluide dont le malade pourrait être chargé. Vous

voyez qu'il est essentiel de magnétiser toujours endescendant de la tête aux extrémités, et jamais enremontant des extrémités à la tête. C'est pour celaqu'on détourne les mains, quand on les ramènedes pieds à la tète. Les passes qu'on tait en 'des-cendant sont magnétiques, c'est-à-dire qu'elles sontaccompagnées de l'intention de magnétiser. Les

mouvements qu'on fait en remontant ne le sont

pas. Plusieurs magnétiseurs secouent légèrementleurs doigts après chaque passe. Ce procédé, quin'est jamais nuisible, est avantageux dans certains

cas, et, par cette raison, il est bon d'en prendrel'habitude.

Quoique vers la fin de la séance on ait eu soind'étendre le fluide sur toute la surface du corps, ilest à propos' de faire en finissant quelques passessur les jambes, depuis les genoux jusqu'au bout

Page 50: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

des pieds. Ces passes dégagent la tête. Pour leslaire plus commodément, on se place à genouxvis-à-vis de la personne qu'on magnétise.

Je crois devoir distinguer les passes qu'on fait

sans toucher, de celles qu'on fait en touchant, non-seulement avec le bout des doigts, mais avec toutel'étendue de la main, et en employant une légèrepression, .le donne à ces dernières le nom de fric-tions magnétiques on en a fait souvent usage pourmieux agir sur les hr2s, sur les jambes et derrièrele dos tout le long de la colonne vertébrale.

« Cette manière de magnétiser par des passeslongitudinales, en dirigeant .le fluide de la tète auxextrémités, sans se fixer sur aucune partie de pré-férence aux autres se nomme magnétiser à grandscourants. Elle convient plus ou moins dans tous les

cas, et il faut l'employer dans les premières séan-

ces, lorsqu'on n'a pas de raison d'en choisir une

autre. Le fluide est ainsi distribué dans tous les or-ganes, et il s'accumule de lui-même dans ceux qui

en ont besoin. Aux passes faites à une petite dis-

tance, on en joint, avant de finir, quelques-unes àla,distance de deux ou trois pieds. Elles produisentordinairement du calme, de la fraîcheur et un bien-être sensible.Il est enfin un procédé par lequel il est très-

de terminer la séance. Il consiste à sedu malade qui se tient debout, et faire

Page 51: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

à un pied de distance, avec les deux mains, dontl'une est devant le corps et l'autre derrière le dos,sept ou huit passes en commençant au-dessus de

la tête, et descendant jusqu'au plancher, le longduquel on écarte les mains. Ce procédé dégage latête, rétablit l'équilibre et donne des forces.

« Lorsque le magnétiseur agit sur le magnétisé,on dit qu'ils sont en rapport; c'est-à-dire qu'on en-tend par le mot rapport une disposition particu-lière et acquise, qui fait que le magnétiseur exerceune influence sur le magnétise, qu'il y a entre euxune communication de principe vital.

« Ce rapport s'établit quelquefois très-vite, quel-quefois après un temps plus ou moins long. Celadépend des' dispositions morales et physiques desdeux individus. Il est rare qu'il ne soit pas établidans la première séance. Les magnétiseurs exercéssentent ordinairement en eux-mêmes lorsque ce

moment est arrivé.Une fois que le rapport est bien établi, l'action

se renouvelle dans les séances suivantes à l'instantoù l'on commence à magnétiser. Alors, si l'onveut agir sur la poitrine, l'estomac ou l'abdomen,il est inutile de toucher, à moins qu'on ne trouvecela plus commode. Ordinairement le magnétismeagit aussi bien et mieux dans l'intérieur du corps, àla distance d'un ou deux pouces que par attouche-ment. On se contente, en commençant la séance,

Page 52: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

de prendre un moment les pouces. Quelquefois ilest. nécessaire de magnétiser à la distance de plu-sieurs pieds. Le magnétisme à distance est pluscalmant, et quelques personnes nerveuses n'en peu-vent supporter d'autre.

« Pour l'aire les passes, il ne faut jamais em-ployer aucune force musculaire autre que celle quiest indispensable pour soutenir la main et l'empê-cher de tomber. On doit mettre de l'aisance dans

ses mouvements, et ne pas les faire trop rapides.Une. passe de la tête aux pieds peut durer environune demi-minute. Les doigts de la main doiventêtre un peu écartés les uns des autres, et légère-ment courbés, de manière que le bout des doigts,

soit dirigé vers celui qu'on magnétise.« C'est par l'extrémitédes doigts, et surtout par 'les

pouces que le fluide s'échappe avec le plus d'activité.

C'est pour cela qu'on prend d'abord les pouces du»

repos. Ce procédé suffit ordinairement pour éta-blir le rapport. Il est un autre procédé que vousemploierez avec succès pour fortifier ce rapportil consiste à opposer vos dix doigts à ceux du ma-lade, de manière que l'intérieur de vos mains, soitrapproché de l'intérieur des siennes, et que la par-tie charnue de vos doigts touche la partie charnue.des siennes ongles étant en dehors. Il paraît qu'il

moins de fluide de la surface exté-

Page 53: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

rieure des mains que de la surlace intérieure, etc'est une des raisons pour lesquelles on détotwneles mains en remontant, sans les écarter heaucoupdu corps. »

Voici,'selon Deleuze encore, les effets caractéris-tiques du somnambulisme magnétique.

Le somnamhule a les yeux fermés et ne voit paspar les yeux, il n'entend point par les oreilles,mais il voit et entend mieux que l'homme éveillé.

Il ne voit et n'entend que ceux avec lesquels il

est en rapport. Il ne voit que ce qu'il regarde, etil ne regarde ordinairement que les choses sur les-quelles on dirige son attention.

Il est soumis à la volonté de son magnétiseur,pour tout ce qui ne peut lui nuire, et pour tout ce

qui ne contrarie point en lui les idées de justice etde vérité.

Il sent la volonté de son magnétiseur.Il aperçoit le fluide magnétique.Il voit, ou plutôt il sent l'intérieur de son corps,

et celui des autres; mais il n'y remarque ordinai-rement que les parties qui ne sont point dans l'étatnaturel et qui troublent l'harmonie.

Il retrouve dans sa mémoire le souvenir deschoses qu'il avait oubliées pendant la veille.

Il a des prévisions et des préseusations qui peu-vent être erronées dans plusieurs circonstances, etquisont limitées dans leur étendue.

Page 54: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

Il s'énonce avec une facilités surprenante.Il n'est point exempt de vanité.Tl se perfectionne de lui-même, pendant un cer-

tain temps, s'il est conduit avec sagesse; il s'égares'il est mal dirigé.

Lorsqu'il rentre dans l'état naturel, il perd abso-lument le souvenir de toutes les sensations et de

toutes les idées qu'il a eues dans l'état de somnam-bulisme, tellement que .ces deux états sont aussiétrangers l'un à l'autre, que si le somnambule etl'homme éveillé étaient deux êtres différents.'Nous oublions trois commandements de l'hon-

nête Dcleuze; il veut 1° qu'un somnambule soittoujours assisté d'un médecin 2° qu'on ne lui fassejamais savoir qu'on'Jc consulte sur des maladiespendant son sommeil; 3° que dans aucun 'cas, lemagné liseurne permette qu'on donne au som-nambule,' de quelques manière que ce soit, la pluslégère marque, de reconnaissance.Un an avant Deleuze, en 1812, l\Iontègre avait

publié une brochure contre le magnétisme. En1819,, Virey donna, dans le Dictionnaire des scien-ces médicales, son remarquable article -.Magné-

tisme animal. Cette mcjuie année, Bertrand profes-sai I en faveur, de la doctrine un cours public.En furent commencées dans

les divci;s, .hôpitaux de. Paris, dirigées l'ïlôtel-Dieujjian M.-ilDii[i)dte.l: Le conseil général "des hos-

Page 55: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

pices les interrompit, sous prétexte que les maladesn'étaient pas des sujets à expérimentation. Les ré-sultats publiés dans des procès-verbaux signés devingt-neuf médecins semblaient devoir être déci-sifs et pourtant il restait encore quelque inquié-tude, on sentait le besoin d'en venir une épreuvesuprême.

X.

Première commission nommée par l'Académiede médecine.Le rapport de SI. Husson conclut à l'examen. Deuxièmecommission d'examen (1826). -Rapport de M. Husson (1831).

Enfin, en 1825, s'ouvrait une époque critiquepour le somnambulisme.Le docteur Foissac appelal'Académie de médecine à se prononcer. Il lui pré-sentait des somnambules merveilleux pour l'indi-cation des remèdes. Mes somnambules ne s'é-cartent, jamais des principes avoués de la sainemédecine; je vais plus loin leurs inspirationstiennent du génie d'Hippocrate.

»

L'Académie nomma une commission pour savoirs'il convenait d'entrer dans cet examen. Georget sedéclara ponr le magnétisme "Il a grandi parmiles médecins. S'il est vrai que le somnambulismemagnétique ait son analogue dans le somnambu-lisme naturel, est-il étonnant qu'on pusse déve-lopper le premier par de certaines pratiques?. Le

Page 56: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

doute d'abord, l'examen ensuite; telle est la inar-che qu'indique la raison. » Le rapporteur, M, Hns-

son, conclut affirmativement. Suivant son opiniond'alors, développée plus tard en 1837, quand mêmele magnétisme n'aurait pas varié depuis 1784, onn'aurait pas le droit de le regarder comme défini-Vivement jugé par le rapport de Bailly et de la So-ciété royale de médecine; on peut toujours enappeler des jugements anciens de nouveaux. ju-gements. Après que la. circulation du sang a à\édéclarée impossible, l'inoculation de la petite véroleconsidérée comme un crime, l'émétique interdit

par arrêt du parlement, la sollicitation de la. Fa-

culté, les antiques perruques proclamées infini-

ment plus salubres que la chevelure naturelle ilconvient d'affirmer moins témérairement. D'ail-leurs les procédés du magnétisme ont changé unfait nouveau, inconnu ses anciens juges, le sain=nambulisme est intervenu. Les commissaires d'au-trefois ont été nommés par le gouvernement, nonpar les corps auxquels ils appartenaient, et ils ontinfirmé en partie la valeur de leur rapport en avan-çant qu'ils ont craint d'importuner les malades dis-*tingués qui suivaient le traitement magnétique, et

en ne se soumettant pas aux conditions demandéespar le magnétiseur. L'examen a été fait chez Des-Ion, non.chez Mesmer, et le rapport adopté séancetenante sans discussion préalable. Enfin il y a eu

Page 57: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

alors'même une protestation d'un homme émi-nent, M. de Jussieu. A Berlin, une clinique magné-tique est établie, et plusieurs médecins ont destraitements de ce genre avec l'autorisation du gou-vernement. A Francfort, iL Stockholm, en Russie,le magnétisme est examiné sérieusement; pourquoi

en France resterait-on en arrière des peuples dunord?

En conséquence, l'Académie nomma (1826) unecommission composée de MM. Bpurdois, Double,

Fouquier, Itard, Guéneau de Mussy, Guersant, Le-

roux, Magendie, Marc, Thillayc et Husson. Cettecommission, au bout de cinq ans (jtún 1831), fit

son rapport par l'organe de M. Husson. On peut yvoir qu'elle accepta l'examen dans les conditionsdemandées comme indispensables par M. Foissac,mais qu'elle barda la haute main dans toutes lesexpériences.

Elle reconnaît que les effets sont nuls ou insi-gnifiants dans un certain nombre de cas; que,dans quelques-uns, ils sont produits par l'ennui, lamonotonie ou l'imagination; mais elle réserve plu-

sieurs faits qu'elle ne peut attribuer à aucune cause

connue. C'est un des commissaires, M. Itard, qui,magnétisé dix-huit fois, sans tomher en sommeilcomplet, est constamment soulagé d'une douleurde tête, ou bien un épileptique chez qui le magné-tisme suspend et retarde de huit mois les accès.

Page 58: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

Somnambulisme constaté. Plusieurs sujets sont,.endormis parfaitement et d'un sommeil bien par-ticulier on les chatouillé, on les pince très-fortement, on enfonce des épingles jusqu'à troislignes dans leur corps, on débouche sous leur nezun flacon plein d'ammoniaque ou d'acide hydro-'chlorique, qu'on y laisse .pendant cinq on six inspi-rations, on fait subitement des bruits violents; rienne.les réveille, ni ne paraît les affecter. Même il estavéré que M.. Jules Cloquct, en 1829, appelé prèsd'une femme qui avait au sein un cancer ulcéré,pendant qu'elle était endormie, dans une opérationde dix à douze minutes, a extirpé cette tumeurs,sans que la malade donnât le plus léger signe de

sensibilité même sans aucun changement dupouls. Au milieu du bruit confus des conversa-tions, le somnambule n'entend que.la voix de soll.magnétiseur, se souvient exactement de ce quis'est passé, pendant ses précédents accès de soin-meil, et ne se souvient de rien au réveil. Lessomnambules ont-ils le don de lire dans la penséede leur magnétiseur, et d'obéir à sa volonté inex-primée ? Beaucoup d'expériences semblent contrai-

res et plusieurs sujets présentés par des magné-tiseurs comme merveilleux en ce genre ne font

que des bévues. Enfin un sujet vraiment remar-quable se présente. l'lacG derrière lui, et sur lesindications écrites ou par gestes des commissaires,.

Page 59: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

le magnétiseur le meut avec précision Il dirigea

son doigt en premier lieu vers la cuisse gauche,puis vers le coude gauche, et enfin vers la tète.Ces trois parties furent presque aussitôt prises demouvements convulsifs. M. Dupotet dirigea sajambe gauche vers celle du magnétisé; celui-cis'agita de manière qu'il fut sur le point de tom-ber. Af. Dupotet dirigea ensuite son pied versle coude droit du somnambule, et ce coude droit,

s'agita; puis il porta son pied vers le coude et lamain gauches, et des mouvements convulsifs très-forts se développèrent dans tout le membrue su-périeur. » Malgré cette épreuve heureuse lescommissaires avouent qu'ils ont besoin de faits

nouveaux.Cdairvoyanee. Les somnambules peuvent-ils lire

les yeux fermGs ? A travers des expériences fâ-

cheuses, on arrive a des faits curieux, attestés

avec la plus grande force par le rapport Un som-nambtle les yeux fermés, si bien que les cils s'en-tre-croisenl sous la surveillance continuelle descommissaires, lit ce qui lui est offert et joue avecune vivacité extrême plusieurs parties de piquet.Il ne lit point les lettres fermées. M. Bourdois con-signe .t part, sur le procès-verbal, cette attestation« II est impossible de refuser sinon sa croyance, dumoins son étonnement il tout ce qui s'est passedans cette séance. » Mais voici mieux dans une

Page 60: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

séance où 'se trouvaient, outre les commissaires,M. Em. de Las Cases, député, M. de Rumigny,premier aide de camp du roi, et M. Ségalas,membre de l'Académie, un jeune somnambule,Paul "Villagrand étudiant en droit, tandis que sespaupières sont tenues fermées constamment et al-ternativemènt par MM. Fouquier, Itard, Mare etHusson, qui appliquent les doigts sur la totalité de la

lente de l'oeil, en pressant du haut en bas, montreune clairvoyance prodigieuse. Il devine des cartestoutes neuves, il lit des mots et des lignes. « On lui

;présenlc, ayant les paupières tenues fermées parM. Ségalas, un volume dont le rapporteur s'étaitmuni. Il lit sur le titre Histoires de leance. Il nepeut lire les deux lignes intermédiaires, et lit surla cinquième le nom seul de Anquetil, qui y estprécédé de la préposition par. On ouvre le livre iL

la page 89, et il lit à la première ligne Le nombrede ses. il passe le mot troupes, et continue Au

moment où on' le croyait le plus occupé des plaisirsdu carnaval. 'JI lit également le titre courantLouis, mais ne peut lire le chiffre romarin qui lesuit. On lui présente un papier sur lequel on aécrit les mots agglutination et magnétisme .animal,Il epelle le premier et ^prononce les deiik autres.Enfin on lui présente le procès-verbal de cetteséance; il en lit assez distinctement la date et quel-

ques 'mois plus lisiblement écrits que d'autres.

Page 61: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

Dans une autre séance, Paul essaya inutilement dedistinguer différentes cartes qu'on lui appliqua surl'épigastre mais il lut encore les yeux fermés, dans

un livre ouvert au hasard, et cette fois ce futM. Jules Cloquet qui lui boucha les paupières.

Le rapporteur écrivit aussi sur un morceau de pa-pier deux noms propres Maximilien Robespierre,qu'il lut également bien. » Le rapport constate,pour ce somnambule, comme pour le précédent,

que le globe de l'œil était dans un mouvementcontinu de. rotation et paraissait se diriger versl'objet soumis à sa vision.

Vision intérieure, prévision. Instinct des remèdes.Les somnambules ont-ils l'intuition de leurs ma-ladies- et de celles des autres, la prévision des ac-cidents futurs de ces maladies pour eux et pourles autres? Un étudiant en droit, ce même Paul quenous venons de voir lisant les yeux fermés, atta-qué d'une paralysie de tout le côté gauche du

corps, désigne en sommeil les remèdes qu'il faut

lui appliquer, et annonce un jour qu'en suivant

ce traitement, trois jours après il marchera sansbéquilles; il tient parole. Un nommé Cazot, épi-leptique, prédit de loin les attaques de ce mal

pour un jour, une heure et une minute donnés,et l'accès arrive comme il a été prédit. Une som-nambule décrit à un des commissaires, B'I. Marc,

les symptômes de maladie qu'il éprouve et tombe

Page 62: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

juste; Présentée à-uiie dame malade, clic -décritl'altération' de'ses intestins,' et ordonne un traite-ment mais' le traitement ne fut pas suivi, et l'au-topsie ne fut pas faite: Consultée par une maladescrofiilcusc elle voit ces scrofules intérieurs et-prescrit un traitement qui réussit quelque tempset est interrompu. Les commissaires constatentl'exactitude des déclarationsde celle somnambule,là où elles ont pu être vérifiées cl le discernement'qu'elle a montré dans le choix des remèdes.L'Académie fui un peu étonnée de ce rapport;

la discussion, toujours suspendue' éclata en 1837.Une histoire await paru dans les-journaux, .où'l'onparlait ''d'une dent arrachée saios 'douleur à une

.personne endormie par le magnétisme. On donnait-

ce fait sous la' garantie de M. Oudet, de l'Académie,de médecine, qui se. trouvait ainsi compromise.'

Oudel lut le récit du. magnétiseur.'«.Au 'm'ornent de l'extraction, la tête sembla fuirun peu la main de l'opérateur, et nous entendîmes

un léger cri. Ces deux signes de douleur curent larapidité dé l'éclair, le pouls de la patiente étaitcâline, son visage n'indiquait pas. la moindre émo-tion ses mains étaient demeurées immobiles surses genoux. >• A ce propos, le. fait attribué àM. Jules Cloquel, :et. rapporté avec complaisance

par M. Husson, dans son rapport, l'extractiond'un sciiï'Suns douleur, revint en mémoire, et on

Page 63: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

discuta les deux faits ensemble. M. Roux attestaqu'il avait fait une opération cruelle à une damemasquée, dans une maison qui n'étaitpas la sienne,et que,'pendant cette opération, qui dura unquart d'heure, la malade ne poussa pas un cri, depeur de trahir son incognito. M. Capuron affirmaavoir vu, il y avait quarante ans, une Allemandev qui M. Dubois coupa le sein, et qui supportal'opération sans proférer une seule plainte. En1822, il avait vu un homme supporter plus d'unquart d'heure une opération des plus rudes, sanssourciller, causant et riant. M. Amussat venait d'o-pérer une religieuse qui avait été impassible.Pourtant aucune de ces personnes n'était magnéti-sée. Il n'y avait donc pas besoin de recourir aumagnétismepour expliquer le fait de M. Cloquet etle fait de M. Oudet. On poursuivit. Quelques-unesdes anciennes autorités en faveur du magnétismefurent ébranlées. «Vous savez, dit M. Rocheux, ceque M. Rostan a écrit sur le magnétisme. Un jouril me proposa de me guérir de mon incrédulité etde me faire voir des choses extraordinaires; je lesuivis arrivé sur les lieux, on ne voulut rien fairedevant moi; j'attends toujours. » M. Bousquet, ason tour « Georget croyait avoir bien vu; il y pa-raît .assez a la manière dont il parle du magné-tisme dans son ouvrage sur le système nerveux.Cependant on sait aujourd'hui qu'il a été trompé

Page 64: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

par des misérables qui s'en vantent. Je tiens <kide M. Londe, le collaborateur de Georget et le té-mon de toutes ses expériences. » Enfin M. Ségalasdit

Ilqu'ayant lui-même tenu les mains sur'les

yeux du jeune homme dont a parlé M. Husson, etcela pour l'empêcher de voir, il ne répondrait pasqu'il lui a complètement fermé les yeux. Les yeuxétaient agités de mouvements convulsifs; ce jeunehomme a pu agiter les paupières et saisir quelquescaractères, d'autant plus' qu'il lisait lentement, enlace d'une grande croisée, et qu'il a fait des fautes.»

X.I.

Nouvelle enquête demandée nar le docteur Berna 1» l'Académiede médecin. Rapport de 111. Dubois, d'Amiens (1837).Protestation du docteur Berna. Réplique au rapport parM. Husson.

Peuaprès, un jeunedocteur, 1\1. Berna, solliciteunnouvel examen de l'Académie. La commission coin-posée de MM. Roux, Bouillaud, H. Cloquet, Emery,•Pelletier, Caventou Cornac, Oudet, Dubois (d'A-miens), nomma ce dernier rapporteur. Le rapportftlt

lu en août 1837, et traita durementle magnétisme.Sur le fait du sommeil magnétique, on ne peutrien affirmer on n'a eu comme preuve que les

assertions des sujets magnétisés. Les piqûres sem-bleraient-une preuve décisive mais avant et pen-

Page 65: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

dant le sommeil supposé, le sujet des expériences,dans la séance du 3 mars, paraissait ne rien sen-tir sa contenance et ses réponses ont été à peuprès les mêmes pendant l'opération magnétique.Et en général, comme on ne pouvait expérimenter

que sur les parties naturellement découvertes, le

cou et les mains, et qu'il n'était permis d'enfoncerdes épingles que d'une ou deux lignes, l'insensibilitédes sujets n'était pas suffisamment éprouvée. Deplus, la face étant en grande partie couverte d'unbandeau, on ne pouvait s'assurer suffisamment desémotions ressenties. Sur la question si le magné-tiseur, par sa seule volonté, pouvait rendre en toutou en partie la sensibilité au somnambule, on nesaurait rien décider. Pour être certain que la sen-sibilité était rendue, il faudrait être certain qu'elle

a été perdue. Quant à l'obéissance à l'ordre in-térieur du magnétiseur, l'expérience a été fâ-cheuse les actions exécutées ayant toujours été

en opposition avec les conunanclements. Sur latransportation-de la vue, la propriété de voir parl'occiput, rien de péremptoire les faits absolu-

ment décisifs ont complètement manqué, et les

commissaires n'ont vu dans les rencontres heu-

reuses que des inductions assez habiles. Enfin,

pour la clairvoyance à travers les corps opaques,insuccès complet. Que conclure, v l'égard de la

somnambule, de la description minutieuse d'objets

Page 66: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

autrés que ceux, qu'on lui présentait? Que conclured'une somnambule qui décrit un valet de trèfledans une carte toute blanche? qui, dans un jetond'académie volt tine montre d'or, cadran bleu etlettres noires, et qui, si l'on eût insisté, aurait peut-être fini par nous dire l'heure que marquait cettemontre?

Le docteur Berna protesta, et le précèdent rap-porteur, 1\1. Husson, qui se trouvait indirectementatteint par ces conclusions nouvelles, dans uneséance prochaine, frappa rudement sur son collè-gue. Convenait-il d'accepter la fonction de rappor-leur à un médecin qui, en 1833, avait écrit contrele magnétisme, et s'était déclaré tlans cet écrit« en état d'hostilité contrôles magnétiseurs? » De

quel droit énonçait-il ces conclusions généralescontre le magnétisme? La- commission avait éténommée pour examiner deux somnambules pro-posés pas M. Berna; son oeuvre devait être intitu-lée \liapport des expériences magnétiques faites.surdeux somnambules. Depuis quand est-il permis, enscience, de tirer de deux faits particuliers une eon»clusion universelle? Des expériences tentées sur les

deux somnambules. ont échoué; la commission de1826 en avait cité trois de ce genre « On sait que

rien n'est- plus mobile, plus variable- que les effets

magnétiques; et-c'estcette mobilité, cette incon-stance qui éloigne tant de personnes de s'en occui-

Page 67: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

per et de l'étudier. Quels sont, pourrions-nous le-demander, les faits en médecine pratique, en thé-rapeutique, en physiologie, qui soient toujoursfixes et immuables? N'est-il pas étrange aussiqu'on ait passé sous silence les laits positifs consta-tés dans le précédent rapport? « Ils vous paraissentextraordinaires, mais devez-vous en conclure qu'ilsn'ont pas eu lieu? La portée de l'intelligence hu-maine est-elle donc la mesure de la réalité detous les fiits extraordinaires dont nous sommesenvironnés? Il

XII.

Prix proposé par le docteur Burdin. Le docteur Pigeaire etsa tille. Succès dans les réunions particulières. It nes'entend pas avec l'Académie. -Fin des relations du magné-tisme avec l'Académie de médecine.

Au milieu de ces débats, M. Burdin proposa unprix de trois mille francs pour la personne quipourrait lire sans le secours des yeux et sans lu-mière, un écrit quelconque placé hors de la portéedes yeux et sans le secours du toucher. L'Acadé-mie accepta, se réservant de faire surveiller lesexpériences par une commission de sept membrespris dans son sein, et limitant à deux années letemps des épreuves, à moins que le prix n'eut étémérité plus tôt.

Page 68: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

,En 1838, le docteur Pigcaii;c, de Montpellier,possédait une somnambule qui lisait les yeux fer-més, pourvu que l'objet fût éclairé; c'était sa fille,

âgée de dix a. onze ans. Il s'adressa à l'Académie, luienvoyant, avec son mémoire, le procès-verbal dedeux séances magnétiques, dressé par le docteur ·Lordat. Il y était constaté que, les yeux bandés parun appareil de soie noire, auparavant visité, essayé

avec soin, la fille de ïll. Pigeaire avait lu l'écriture qui

lui présentée. Tantôt elle avait suivi les mots

avec le doigt, tantôt elle les avait lus sous unelame de verre transparent. M. Burdin consentit amodifier son programme il accorda, contre sapremière intentio.n, que les objets seraient éclairés,que la somnambule promènerait ses doigts sur lalame de verre placée sur les, lignes à déchiffrer;mais il réserve la..question de savoir par quel ap-pareil on cmpêcuerail la somnambule de voir au-cunement, et s'sn l'apporta pour cela à la sagacitédes commissaires.

M. Pigcairc se rendit donc à Paris avec sa fillc;il fil devant un-grand nombre des personnages desexpériences- qui les- frappèrent vivement. Parmi

eux on remarque MM. Àdelon, Guéncau de Mussy,

Bousquet,* Delens, Ribes, Esquirol, Orfila, J. Clo-

quai,. Pelletier, Réveillé-Parise, Arago, Parisct; ona même des procès-verbaux en forme et des plusfavorables..signés par MM. Bousquet, Ribes, Orfila,

Page 69: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

Révcillê-Parîse, Pariset, sans compter les noms il-lustres ou connus, mais étrangers à la science,George Sand, M. Léon Faucher, etc. MM. Rostan etGeorget étaient déjà acquis au magnétisme, et affir-

nnaient avoir constaté la vision par l'occiput.Cornac, Gerdy, Bouillaùd et Velpeau ne fu-

rent pas convaincus et le témoignèrent. M. Cornacparla de contorsions de la jeune fille au com-mencement de l'expérience.

M. Velpeau, en les imitant, avait réussi une fois

il écarter le bandeau assez pour lire devant plu-sieurs personnes. M. Gerdy a laissé une note là-dessus. L'appareil se composait d'une bande decalicot, d'une petite pelote de coton, et enfin d'unbandeau de velonrs noir et opaque. Le bord infé-rieur de celui-ci était collé à la peau voisine aumoyen de petites bandelettes de taffetas gommé.Plusieurs signes lui rendirent l'expérience suspecte.C'était à toutes les fois des agitations extraordi-naires de la jeune fille, des mouvements pour sefrotter les yeux et relever le bandeau, sous pré-texte qu'il la fatiguait pendant ces opérations lesbandelettes de taffetas s'éraillaient; ensuite le refusde placer le livre à lire en face, à la hauteur des

yeux. En visitant le bandeau il y distingua de toutpetits trous. Ajoutez que peu après leur applica-tion, d'eux-mêmes les emplâtres de taffetas se des-sèchent, se recoquillent par leur circonférence et

Page 70: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

se décollent ordinairement dans un assez grande

nombre de points. M. Gercly glissa même par cesdécollements .des morceaux de carte de trois àquatre millimètres de largeur. Enfin, le taffetas,

opaque, .avant son application, devient transparentpar la dissolution de la colle de poisson déposée à

sa surface et entraînée par le mouillage de sontissn., M. Cerdy reft les expériences chez lui ilconstata qu'à travers un trou extrêmement petit

.dans une carte, et surtout quelques-uns à un oudeux millimètres les uns des autres, on voit par-faitement; et appliquant le bandeau sur les yeuxd'un ami, selon la recette précédente, il obtint lesplus beaux résultats. M. C. nous déclara, dit-il, qu'ilvoyant très-clair, que la lumière lui venait de dit,-

férents côtés, 'd'en liant, d'en bas surtout, et parl'angle interne de l'œil; qu'elle venait par les dé-'collemcnts du taffetas, et aussi à travers son tissu,autour du morceau de peau interposé dans, le taf-fetas que le moindre effort d'ailleurs produisait désdécollements invisibles au dehors suffisants pourlire. Un oeil fernié par un partisan du magné-tisme, l'atitre. recouvert du bandeau en question, ilnomma sans erreur les cartes qu'on lui présenta,et depuis s'amusa il se faire passer pour somnam-bule.

Il fallut se,.présenter devant l'Académie. La corn-'mission avait inventé un masque où' casque de soie

Page 71: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

noire, qui devait se tenir à un demi-pied de la face

de la somnambule. M. Pigeaire le refusa, il 'tint ab-solument a son bandeau qui s'appliquait à la face,la laissant découverte au-dessus et au-dessous

a Une somnambule, disait-il, n'est pas un instru-ment de physique; on ne la maniait pas à soncaprice un masque dans cette position, fùt-il faitdu verre, le plus diaphane, s'opposerait à la pro-duction du phénomène en brisant le rapport quisemble s'établir entre la somnambule et l'objetqu'elle considère. » Il proposait à l'Académie, si

elle avait quelques soupçons sur l'opacité complètedu bandeau usité, qu'elle en fit construire un autrede la même forme, pour ne pas contrarier la pe-tite somnambule, qu avait contracté l'habitudede ce bandeau. L'Académie tint à ses conditions,M. Pigeaire aux siennes; on ne parvint pas à s'en-tendre. Le docteur Berna releva ironiquement ladécision de l'Académie, en proposant, au nomd'une société de croyants, un prix de cinquantemille francs à celui des académiciens qui lirait avecle bandeau de W* Pigeaire. Les choses en restèrentla., et ç'a été la dernière entrevue du magnétismeanimal avec l'Académie de nïêdecine.

Le docteurBurdin prorogea jusqu'en 1840, le prixqui devait être retiré en 1839, et il changea encoreles conditions du concours « Amenez-nous unepersonne magnétisée ou non magnétisée, endor-

Page 72: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

mie ou éveillée, que cette personne lise, les yeuxouverts et au grand jour, à travers un corps opa-que tel qu'un tissu de coton de fil ou de soie,placé à six pouces de la figure, qu'elle lise mêmeà travers une simple feuille de papier, et cette per-sonne aura les trois mille francs. 1\ Jusqu'iL ceterme on ne voit plus paraître que deux concur-rentes, une somnambule du docteur Hubller etcelle de M. Teste, qui échouent tristement. Leschoses en sont restées là entre le magnétisme ani-mal et l'Académie de médecine.

Page 73: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles
Page 74: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

DEUXIÈME PARTIE.

QUESTIONSET DOUTES SUR LE MAGNÉTISME ANIMAL.

Histoires semblables aux histoires du magnétisme.-Possédéesde Loudun

Vers 1632, deux jeunes religieuses des Ursulines

de la ville de Loudun, à une dizaine de lieues de

Poitiers, ayant été atteintes de violentes convul-

sions, accompagnées de symptômes bizarres, on

pensa qu'elles étaient possédées du démon, et onles exorcisa. L'exorciste les ayant interrogées, en s'a-dressant, selon l'usage, aux diables présumés dans

leur corps, les diables répondirent qu'ils avaient

été envoyés là par un curé de la ville, nommé Ur-

bain Grandier. Cet Urbain Grandier, d'un extérieur

agréable, d'un esprit cultivé, était le sujet des con-versations de Loudun. On lui imputait plusieurs

aventures; même il avait à ce propos subi un pro-cès. Condamné par son évoque, et interdit de sesfonctions, il avait appelé à l'archevêque de Bor-deaux qui avait cassé la première sentence. Mais

1. Voy. Bertrand, du Magnétisme animal, pour ce chapitre etles deux suivants.

Page 75: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

l'opinion était toujours contre lui. Ces bruits avaientdû pénétrer dans le couvent des Ursulines on avaitmême eu l'occasion d'y donner une attention par-ticulière Grandieu s'était présenté pour être direc-tueur des religieuses, et, pour sa mauvaise réputa-tion, s'était vu refuser; on lui avait préféré l'ecclé-siastique qui exorcisa les deux religieuses malades.

Les exorcismes, d'abord secrets, furent peu à

peu divulgués et finirent par devenir publics. Par-mi les scènes dont elles étaient témoins chaquejour, d'autres religieuses, treize environ, furentfrappées plus ou moins gravement du même mal,six entièrement possédées. C'étaient les jeunes quiétaient atteintes, et les plaisants du temps s'amu-saient à dire que les diables faisaient preuve debon goût. La contagion gagna la ville, et même,de proche en proche, les villes voisines, attaquanttoujours uniquement les femmes et même les jeu-nés filles de préférence. Toutes les religieuses fut-

rent exorcisées, et toutes accusèrent Grandier. Ri-chelieu chargea le conseiller cl'État Laubardemont,

sa créature, de terminer cette affaire. Celui-cichoisit une commission de douze juges, et avec ceconseil, procéda à l'instruction. Elle dura huitmois, pendant lesquels les religieuses ne cessèrentd'être exorcisées deux fois par jour. Urbain Gran-dier, convaincu à l'unanimité, fut brûlé vif à Lou-dun, environ deux ans après'l'époque où on avait

Page 76: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

commencé à l'accuser de magie. Au dehors de lacommission, l'opinion fut divisée: les protestants,entre autres, tenant que les juges étaient gagnés,les religieux exorcistes ennemis de Grandier oucomplaisants de Laubardemont; que les religieusesn'avaient fait que répéter en public une comédieétudiée, d'avance, et que la fin de tout cela était laperte jurée de Grandier. Notons, en passant, qu'àLouviers, vers le même temps, qunze religieusesse disaient également possédées par le fait de leurconfesseur. Le confesseur était mort, on brida soncadavre.

Quelles étaient donc ces scènes extraordinaires?Les religieuses exorcisées répondaient en latin, aumilieu d'accès dont le récit nous a été heureuse-ment conservé dans les procès-verbaux de l'in-struction. u Asmodée, l'un des diables qui^daient

la sœur Agnès, ayant paru, fit bientôt voirsa plus haute rage, secouant diverses fois la fille

en avant et en arrière, et la faisant battre commeun marteau, avec une si grande vitesse que lesdents lui en craquaient; outre ces agitations, sonvisage devint tout à fait méconnaissahle, son re-gard furieux, sa langue prodigieusement grosse,longue et pendante hors de la bouche, livide etsèche iL tel point que le défaut d'humeurs la fitparaître toute velue, sans être cependant aucune-ment pressée des dents, et sans que la respiration

Page 77: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

cessât d'être toujours égale; Béherct, qui est unautre démon, fit un second visage riant et agréa-Me, qui fut encore diversement changé-par deuxautres démons, Acaph et Achaos, qui se produisi-rent l'un après l'autre commandement ayant étéfait à Asmodée de demeurer ferme, et aux autresde se retirer, le premier visage revint. »

Exorcisme de la sœur Agnès. Après diverses

autres contenances, elle porta un pied par le der-rière de la tète jusqu'au front, en sorte que lesorteils touchaient quasi le nez. Exorcisme de la

sœur Elisabeth Cet esprit malin exerça sur soncorps de grandes violences et donna des marqueshorribles de sa rage. Il la renversa trois fois enarrière en forme d'arc, en sorte qu'elle ne tou-chait au pavé que de la pointe des pieds et dubout du nez. » Exorcisme d'une autre rcliâieusc« Le démon parut sur son visage, selon le coin-mandement que lui en fit son exorciste; il l'assou-plit et la rendit souple et maniable comme unelame de plomb. L'exorciste lui plia ensuite le corpsde diverses façons, en arrière et en avant, et desdeux côtés, en sorte qti'elle touchait presque laterre de la tète, le démon la retenant dans la pos-ture où elle avait été mise jusqu'à ce qu'on lachangeât, n'ayant, durant ce temps qui fut assezlong, aucune respiration par la bouche, mais seu-lement un petit souffle par le nez. Elle était près-

Page 78: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

que insensible, puisque le père lui prit la po.au.des bras et la perça d'outre en outre avec uneépingle, sans qu'il en sortît du sang ou que la filleen témoignât aucun sentiment. Le démon Sabulonporta cinq ou six fois le pied gauche -de' la sœurpar-dessus l'épaule à la joue, tenant cependant lajambe embrassée du même côté. Durant toutes ccsagitations, son visage fut fort différent et hideux,

sa langue grosse, livide et pendante jusqu'au men-ton et nullement pressée des dents; la respirationégale, les yeux. immobiles, toujours ouverts sanscligner. Il lui fit après cela une extension de jam-bes en travers, qui fut telle qu'elle touchait du pé-rinée contre terre. Pendant qu'elle était dans cetteposition, l'exorciste lui fit tenir le tronc du corpsdroitet joindre les mains.

Tous c.es faits eurent pour témoin, qui les certi-fie de sa main, Gaston d'Orléans le frère déLous XIII. Deux des exorcistes, le père Lactanceet le père Tranquille moururent en peu de temps,'avec l'idée qu'ils étaient possédés, et éprouvèrenjj,

les symptômes de la possession. Un autre, le pèreSurin, d'une réputation d'honnêteté incontestée etqui exorcisa seulement après la mort de Grandier,tomba aussi dans ces accidents, qu'il décrit avec

une grande naïveté. "Tant y a que depuis troismois et demi je ne suis jamais sans avoir un diableauprès'de moi en exercice. Le diable passe du

Page 79: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

corps de la personne possédée, et, venantdans lemien, m'assaut et me renverse, m'agite et me tra-verse visiblement, en me possédant plusieursheures comme un énergumène. Je ne saurais vousexpliquer ce qui se passe en moi durant ce temps,et comme cet esprit s'unit avec le mien, sansm'ôter ni la connaissance, ni la liberté de monâme, en se faisant néanmoins comme un autremoi-même, et comme si j'avais deux âmes, dontl'une est dépossédée de son corps, de l'usage de

ses organes, et se tient à quartier en voyant fairecelle qui s'y est introduite. Quand je veux par lemouvement de l'une de ces deux âmes, faire unsigne de croix sur ma bouche, l'autre me détournela main avec grande vitesse, et me saisit le doigt

avec les dents, pour me le mordre de rage.Quand je veux parler, on m'arrête la parole; la

messe, je suis arrêté tout court; à la table, je nepuis porter le morceau à la bouche à la confes-sion, je m'oublie tout à coup de mes péchés, etje sens le diable aller et venir chez moi comme ensa maison. Ce n'est pas un seul démon qui metravaille; ils. sont ordinairement deux. »

Il se passa dans cette affvire de l'exorcisme desreligieuses quelques faits qui ne sont pas nets. Lesdiables ayant annoncé, à diverses reprises, quedes pactes tomberaient du haut de l'église, ouqu'ils graveraient un nom sur la main de deux ou

Page 80: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

trois possédées, les prédictions se vérifièrent. On

pensait que la supérieure avait la faculté de restersuspendue en l'air, et un jour qu'elle tournaitainsi, les enthousiastes criaient au miracle, quand

un incrédule, soulevant sa robe, fit voir qu'elle

touchait la terre avec la pointe de l'un de sespieds. Le comte de Lude étant allé à Loudun, etvoulant savoir à quoi s'en tenir sur les merveillesracontées, feignit de vouloir constater l'authenti-cité de reliques qui lui avaient été léguées par sesancêtres, et demanda qu'il lui fut permis de s'as-surer si le diable en ressentirait la vertu. Lesexorcistes les prirent de sa main, et les appli-quèrent à la prieure, qui aussitôt fit des cris hor-ribles et des contorsions épouvantables. Au plusfort de ses accès, on lui ôta le reliquaire, et àl'instant elle redevint aussi tranquille qu'elle l'étaitauparavant. L'exorciste se tournant alors vers lecomte, lui dit Je ne crois pas, monsieur, quevous doutiez maintenant de la vérité de vos reli-

ques. Je n'en doute pas plus, repartit celui-ci,

que de la vérité de la possession; » et à l'instant ilouvrit la boîte dans laquelle on ne vit au lieu dereliques que de la plume et du poil. Ah! mon-sieur, s'écria le prêtre, pourquoi vous êtes-vousmoqué de.nous? -Mais vous, mon père, répliquale comte, pourquoi vous moquez-vous de Dieu etdu monde? »

Page 81: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

Il est curieux de voir à la distance des temps,les procès-verbaux des séances de cette instruc-tion en plusieurs endroits, à côté de la signaturede Laubardemont et de grands personnages, la si-

gnature d'Asmodée et de Satan. (Manuscrits de laBibliothèque royale. )

Les caractères auxquels on reconnaissait dans

ces temps la possession étaient 1° la connaissancedes pensées non exprimées; 2° l'intelligence des

langues inconnues; 3° la faculté de parler deslangues inconnues ou étrangères; 4° la connais-

sance des événements futurs; 5° la connaissance de

ce qui se passe dans des lieux éloignés ou situéshors de la portée de la vue ordinaire; 6° l'exalta-tion subite des facultés intellectuelles 7° un déve-loppement des forces physiques supérieur à l'âgeou au sexe de celui qui les présentait; 8° la sus-pension du corps en l'air pendant un temps con-sidérable.

Histoires semblables aux histoires de magnétisme (suite)¡Trembleursdes Cévennes.

Après la révocation de l'édit de Nantes, les pro-testants furent,- comme [on sait, persécutés. Cettepersécution, rude partout, le fut davantage dans lesprovinces et principalement dans les campagnes,

Page 82: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

où le zèle est moins contrôlé. On les empêchait dese réunir, on allait jusclu'à leur enlever leurs en-fants pour les élever dans la religion catholique.Dans les Cévennes, l'exaltation des protestantsainsi poursuivis fut extrême, et se manifesta pardes signes singuliers. On était réuni dans des lieuxdéserts, à l'insu de l'autorité, pour chanter encommun des psaumes soudain, duelclu'un des as-sistants était jeté à la renverse, tremblait de toutson corps, puis prêchait et prophétisait. Après lui,

.un autré continuait; et quelquefois même deux outrois prêchaient en même temps; ceux en qui semontraient ces signes obtenaient sur le reste ungrand ascendant. Il y en eut en peu de temps plu-sieurs milliers. On leur a donné le nom de Trem-bleurs des Cévennes. Cette fois ce furent des hommeschez lesquels se passèrent ces phénomènes extraor-dinaires les réunions éloignées et clandestinesayant dû être peu fréquentées par les femmes. On

vit un grand nombre d'enfants tomber dans cetétat, prêcher et prophétiser à leur tour, mêmes,dit-on, des enfants de trois ou quatre ans, et qui,habitués au patois, parlaient en français; quelquestrembleurs s'exprimaient en des langues incon-

nues. Ils avaient la prétention d'apercevoir en es-prit leurs persécuteurs à une grande distance, etde lire dans la pensée pour démascluer les traîtres.Un nommé Clary confondit ainsi deux espions,

Page 83: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

qui avouèrent. L'insensibilité extérieure était por-tée chez eux à un haut degré. Un jeune homme,

en sentinelle sur un arbre, tomba de douze piedsde haut sans se faire aucun mal.. Mieux que cela,

pour prouver qu'il n'était pas d'intelligence avecles espions qu'il avait démasqués', Clary demanda

et, obtint l'épreuve du feu on plaça autour delui, à la vue de l'assemblée, une grande quantitéde branches sèches auxquelles on mit le feu etqu'on réduisit en cendres sans qu'il parût éprou-

ver ni douleurs ni suffocations.Le prophète le pluscélèbre firt une jeune fille de seize à dix-sept ans,connue sous le nom de la Bergère de Cret qu'onallait voir de très-loin. Elle avait l'apparence d'tune

personne endormie sans aucun mouvement con-vulsif. Elle était d'une insensibilité complète à

toute sorte d'excitation; ne connaissant, dans sonétat ordinaire, que très-imparfaitement le français,elle s'exprimait alors dans cette langue très-pure-ment n'ayant jamais appris que son Pater et sonCredo, elle faisait pendant son sommeil des prièresadmirables et excellentes quand elle sortait de sonsommeil, elle ne se souvenait tIe rien de ce qu'elle

avait dit; elle soutenait qu'elle avait fort bien dormi,quoiqu'elle eût parlé pendant quatre ou cinq heu-

res, presque sans prendre de repos; elle faisait des

prédictions pendant son sommeil; elle n'en sortait

pas d'elle-même, mais demandait qu'on l'éveillât.

Page 84: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

Pendant que les hommes, pour la plupart, don-naient le spectacle que nous avons dit, au milieudes champs ou des hois, dans les villes les femmes

en faisaient autant. Le maréchal de Villars qui aterminé les troubles des Cévennes dit « J'ai vudes choses que je n'aurais pas crues si elles nes'étaient point passées sous mes yeux une ville

entière dont toutes les femmes et toutes les filles,

sans exception, paraissaient possédées du diable.Elles tremblaient et prophétisaient publiquementdans les rues. »

m.Histoires semblables aux histoires de magnétisme (suite)

Convulsionnaires de Sainl-Médard.

Ce fut aussi dans une secte religieuse persé-cutée que se manifestèrent les faits étranges dont

nous allons parler. On connaît l'histoire du jansé-nisme les cinq propositions théologiques présen-tées comme extraites de Jansénius dénoncées àRome; la lutte autour de ces propositions d'uncôté le gouvernement de Louis XIV et les jésuites,de l'autre les solitaires de Port-Royal les Provin-ciales sortant de cette duerelle la question d'or-thodoxie abandonnée pour une question de faità savoir si les propositions condamnables et con-

Page 85: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

damnées à Rome en 1653 et en 1656 étaient ounon dans Jànsênius la signature du formulairequi portait contre les propositions et contre Jan-sénius les douleurs de ceux qui consentirent àsigner et la proscription de ceux qui refusèrent(1665) Port-Royal rasé cinq ans après, les sépul-turcs violées et les corps dispersés dans divers ci-metières enfin, la part d'action et de courage qui,dans cette lutte, revient aux religieuses, ayant àleur tête les femmes de la famille d'Arnauld et dePascal. Au xvme siècle l'orage se reforma de nou-veau. Le père Quesnel, de l'Oratoire, avait écrit

un livre intitulé Réflexions morales sur de NouveauTestament, où l'on crut reconnaître les principesde Jansénius. Il fut condamné, en 1713, par le

pape dans la bulle Unigenitus. Les difficultés du

formulaire reparurent pour la bulle, et un grandnombre de jansénistes refusèrent d'y souscrire enappelant au futur concile, d'où on les nomma les ap-pelants, et avec les oppositions, revinrent les persé-cutions. Parmi les appelants se distingua le diacreParis, qui iefusa une cure pour éviter d'adhérer àla bulle,-consuma sa fortune en œuvre de charité,vécut ensuite dans la pauvreté et le travail, mou*rut en odeur de sainteté (1727), et fut enterré aucimetière de Saint-Médard. Des malades qui visi-tèrent son tombeau pensèrent être guéris ils pu-])lièrent ce miracle, et la foule vint au tombeau.

Page 86: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

Bientôt des femmes enthousiastes du jansénisme,frappées de l'intercession de Dieu en sa faveur,tombèrent là en convulsions d'autres femmesaprès elles, par contagion, et, à la suite, des gué-risons merveilleuses, guérisons constatées avec unetelle autorité, que la haine de parti elle-même neput alors les réfuter suffisamment. Le gouverne-ment, qui favorisait les jésuites, vit avec déplaisir

cette faveur renaissante du jansénisme il ordonnala clôture du cimetière et le fit garder. L'archevê.

que de Paris interdit les visites au tombeau, etplusieurs convulsionnairesfurent emprisonnés. Toutle monde connaît la plaisanterie qui fut faite alors;on trouva sur la porte du cimetière cette inscrip-tion

De par le roi, défense à DieuDe faire miracle en ce lieu.

C'était en 1732; les miracles ne se firent plusau cimetière puisqu'il était gardé, mais ils conti-nuèrent ailleurs, en plusieurs endroits, avec deseffets moins violents, par l'absence du spectacle,

en d'autres avec le caractère primitif. Un témoinconsidérable, Carré de Montgeron, conseiller auparlement de Paris, écrivit ce qu'il avait vu dans

un livre intitulé La vérité des miracle de Paris(1737-1748). Dans sa sincérité, il présenta ce livreà Louis XV, qui le fit enfermer à la Bastille, puis

Page 87: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

l'envoya en exil, où il mourut. Des faits tout pa-reils sont attestés, en 1759, par du Doyer de Gas-tel et par un homme illustre, La Condamine. On

retrouve d'abord ici ce qu'on vient de voir chezles trembleurs des Cévennes une exaltation desfacultés intellectuelles, le don de parler avec élo-

quence des choses sur lesquelles, dans l'état ordi-naire, on eût été en peine de s'exprimer (chez

nos convulsionnaires jansénistes le texte ordinairedes sermons est le péché originel, la nécessité du

secours divin, toutes les vérités condamnées dansla bulle).-La découverte du secret des coeurs.-La prévision de l'avenir (les convulsionnaires pré-disaient volontiers la conversion des Juifs et la ré-surrection du prophète Élie, pour remettre touteschoses dans l'ordre, suivant les promesses de l'É-vangile).– Ils donnèrent en outre des consultations

pour les malades, déclarant l'état, la marche, etla fin des maladies.-Influence de l'état de con-vulsion sur la vie ordinaire un M. Fontaine ayantprédit qu'il resterait quarante jours sans manger,resta quarante jours sans manger. Si quelques-uns, ouhliant ce qu'ils avaient dit en convulsion,voulaient manger dans l'intervalle fixé pour lejeûne, ils ne le pouvaient absolument pas, ils nepouvaient ingérer aucun aliment.-Le penchant àfaire des représentations de différentes scènes or-dinairement il s'agissait de figurer la passion de

Page 88: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

Jésus-Christ, ou les supplices que devaiènt un joursouffrir les infidèles après la venue d'Élie. Leurphysionomie peignait, avec la vérité la plus frap-pante, tous les sentiments, toutes les sensationsqu'ils voulaient représenter. Pendant qu'ils étaientétendus pour figurer le crucifiement, on voyait

sur plusieurs se former des rougeurs ou d'autres

marques, précisément aux endroits où les mainsde Jésus-Christ ont été percées par des clous.-Mais rien n'égale les prodiges d'insensibilité exté-rieure et de force organique que les convulsion-naires firent paraître.

Nous ne parlons pas de l'épreuve du feu ni detraits de courage révoltants, dans le genre de ce-lui ^qui est raconté de sainte Élisabeth de Hongrie

ce sont les moindres choses, mais de l'adminis-tration des secours. C'est, en effet, par là que lesconvulsions sont originales. Une fille de vingt-deuxà vingt-trois ans, Jeanne Mouler, debout et le dosappuyé contre la muraille, recevait dans l'estomacet dans le ventre cent coups d'un chenet pesantving-neuf à trente livres, qui lui étaient assenés

par un homme des plus vigoureux. Cette fille as-surait qu'elle ne pouvait être soulagée que par des

coups très-violents; et Carré de Montgeron quis'était chargé de les lui administrer, lui en ayantdonné soixante avec toute la force dont il était ca-pable, la sœur les trouva si insuffisantes, qu'elle

Page 89: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

fit remettre le chenet entre les mains d'un hommeplus robuste, qui lui administra les cent coupsdont elle croyait avoir besoin. Alors Carré deMontgeron, pour prouver la force des coups quin'avaient pu la satisfaire, s'essaya contre un mur.« Au vingt-cinquième coup, la pierre sur laquelleje frappais, qui avait été ébranlée par les précé-dents, acheva de se briser; tout ce qui la retenaittomba de l'autre côté du mur, et y fit une ouver-ture de plus d'un demi-pied de large. »

C'était aussi l'exercice de la planche, qui se fai-sait en étendant sur la convusionnaire, couchée à

terre, une planche qui la couvrait entièrement; etalors montaient sur cette planche autant d'hommesqu'il en pouvait tenir; la convulsionnaire les sou-tenait tous. Il en monta, dit-on, jusqu'à trente;

« d'où il résulte, comme le fait observer Carré de

Montgeron, que le corps de cette fille était chargéd'un poids de plus de trois milliers, poids qui se-rait, plus que suffisant pour écraser un bœuf. »

Une autre, couchée à terre, se faisait fouler auxpieds par les hommes les plus robustes, et n'étaitpas satisfaite encore. Une autre, qui était contre-faite, se faisait attacher le cou avec une très-forte lisière, et faisait lier les deux bouts de deuxautres lisières à chacun de ses pieds. Elle enga-geait ensuite deux des spectateurs à tirer, avectoute la violence qui leur était possible, les' deux

Page 90: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

lisières qui tenaient il ses deux pieds; et afin qu'ilsfussent en état de le faire avec plus de force, elle

les priait de passer ces deux lisières en forme de

ceinture autour de leurs reins, et de s'appuyer lespieds contre une grosse pièce de bois qu'on avaitplacée à cet effet. » Par ce moyen, son cou s'al-longea, et elle porta ensuite la tête droite.

Il y avait aussi le biscuit. C'était un caillou devingt-deux livres avec lequel un secouriste frap-pait sur le sein de la convulsionnaire. Il l'élevaitaussi haut qu'il pouvait, et frappait aussi fort qu'ilpouvait jusqu'à cent fois de suite. « A chaque

coup, la chambre était ébranlée et le planchertremblait. » Nous passons des faits horribles. Or,

tous ces faits ont pour témoins les adversaires

mêmes des convulsions, qui s'accordent ici avecles partisans, et ne trouvent d'autre recours quede les attribuer au démon. Ceux-ci mêmes, pourmieux les constater, demandèrent au parlement

une enquête ou il n'osa s'engager. Un fait curieux,c'est que tel de ces miracles, et des plus effrayants,

fut attesté par Armand Arouet, le frère de Vol-

taire.En 1660, les commissaires nommés par le roi,

pour examiner les prétendues possédées d'Auxonne,déclarèrent qu'ils en avaient vu plusieurs se heur-ter la tête contre le pavé ou contre les murs avec

une violence qui aurait dû entraîner une fracture

Page 91: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

du crâne ou au moins une effusion de sang con-sidérable, sans qu'il en résultât seulement unemeurtrissure.

La Condamine nous a laissé le procès-verbal mi-nutieux du crucifiement de deux femmes. Elles fu-rent vraitnent crucifiées; de longs clous* furent en-foncés dans leurs mains et dans leurs pieds; aprèsavoir tenu la croix debout, on la renversa unquart d'heure; puis on la redressa. Pour l'uned'elles, cela dura bien trois heures et demie. Cequi ne fut pas, ajoute le témoin, sans donner des

marques de la plus vive douleur.

IV.

Histoires semblables aux histoires de magnétisme (suite) Exor-cismes de Gassner. Allouchements de Greatrakes. Ai-mants du père Hell. Traitements métalliques de Perkins.

Nous avons déjà parlé des exorcismes de Gass-

ner lors de sa rencontre avec Mesmer. Il ordon-nait au pouls d'une malade de battre plus oumoins vite, et le pouls obéissait. On a le procès-verbal de l'exorcisme d'une jeune fille, qui avaitle don des représentations. Gassner lui ayant or-donné de paraître comme morte, son visage ex-prima parfaitement la mort, et elle parut entrer

en agonie.

Page 92: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

« Greatrakes', écrit le savant George Rust(doyen de Conmor, puis évêque de Dromore enIrlande), était un homme simple, aimable, pieux,étranger iL toute fourberie. Il n'avait sur la reli-gion aucune opinion erronée, et il était fort atta-ché aux rites de l'Église anglicane. J'ai passé troissemaines chez lui avec M. Cowvayes, où j'ai eul'occasion d'observer ses moeurs et de le voir gué-rir un très-grand nomhre de malades. Par l'appli-cation de sa, main, il faisait fuir la douleur et lachassait par les extrémités. L'effet était quelque-fois très-rapide, et j'ai vu quelques personnes gué-ries comme par enchantement. Si la douleur necédait pas d'abord, il réitérait les frictions, et fai-sait ainsi passer le mal des parties les plus noblesà celles qui le sont moins, et enfin jusqu'aux ex-trémités. Je puis affirmer, comme témoin oculaire,

qu'il a guéri des vertiges, des maux d'yeux et des

maux d'oreilles très-graves, des épilepsies, des ul-cères invétérés, des Ccrouelles, des tumeurs squir-

reuses et cancéreuses au sein. Je l'ai vu amener àmaturité, dans l'espace de cinq jours, des tumeursqui existaient depus plusieurs années.

« Ces guérisons surprenantes ne m'induisentpoint à croire qu'il y eût quelque chose de surna-

1. Voy. Deleuze, lIistoire critique du magndtisme animal,2" volume.

Page 93: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

turel; lui-même ne le pensait point, et sa manièrede guérir prouve qu'il n'y avait ni miracle, ni in-fluence divine. La cure était souvent fort lente;plusieurs maladies ne cédaient qu'à des attouche-ments réitérés; quelques-unes même résistaient àtous ses soins, soit qu'elles fussent trop invétérées,soit à cause dé la complexion du malade. Il paraîtqu'il s'échappait de son corps une émanation bal-samique et salutaire.

>Greatrakes est persuadé que la faculté qu'il

possède est un don de Dieu, et voici pourquoi Il

y a environ quatre ans qu'il crut éprouver unesorte d'inspiration, et entendre une voix lui direqu'il avait reçu le don de guérir les écrouelles.Fatigué plusieurs mois de sute par cette idée, il

en fit part à sa femme qui pensa que c'était unemaladie de l'imagination. Un jour, ayant trouvé unécrouelleux, il le toucha et le guérit; il en cher-cha d'autres, et le succès qu'il obtint lui donnaconfiance. Une fièvre épidémique s'étant déclaréedans le pays, il se crut averti par la même voix,

et, s'étant rendu dans les lieux où les maladesétaient réunis, il les toucha et en guérit un grandnombre. Il s'imagina bientôt qu'il pourrait guérirMutes les maladies, et ses espérances furent réa-lisées. Cependant il était quelquefois étonné de sapuissance, et il allait jusqu'à douter si tout ce qu'ilcroyait voir n'était pas une illusion; mais enfin,

Page 94: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

s'étant persuadé que Dieu lui avait accordé une fa-

veur particulière, il se dévoua uniquement au soindes malades. »

Au témoignage d'un savant théologien joignonscelui de deux médecins célèbres, Faireclow et As-telius, qui ont examiné soigneusement les guéri-

sons opérées par Greatrakes.« J'ai été frappé, dit Faireclow, de sa douceur,

de sa honté pour les malheureux, et des effets queproduit sa main. Il n'emploie aucune cérémonieétrangère. Lorsqu'il a guéri quelqu'un, il ne s'englorifie point, il se borne à lui dire, que Dieu vousconserve la santé; et, si on .lui témoigne de la re-connaissance, il répond sérieusement qu'il fautuniquement remercier Dieu. Tous ceux qui l'ontconnu admirent sa piété et sa modestie. Il se plaît

surtout à donner ses soins aux matelots et aux sol-

dats malades, par la suite des hlessures qu'ils ont

reçues ou des fatigues qu'ils ont éprouvées à la

guerre. »Écoutons maintenant Astelius.« J'ai vu Greatrakes, dit-il, soulager à l'instant les

plus vives douleurs par l'application de sa main.Je l'ai vu faire descendre une douleur de l'épaulejusqu'aux pieds, d'où elle sortait enfin par les or-teils une chose remarquable, c'est que lorsqu'ilchassait ainsi le mal et qu'il était obligG de discon-tinuer, la douleur restait fixée dans l'endroit où il

Page 95: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

s'arrêtait, et ne cessait que lorsque, par de nou-veaux attouchements, il l'avait conduite jusqu'auxextrémités. Quand les douleurs étaient fixées dans

la tête ou les viscères, et qu'il les déplaçait, ellesproduisaient quelquefois des crises effrayantes etqui faisaient craindre pour la vie du malade, mais,

peu à peu, elles passaient dans les membres et illes enlevait entièrement. J'ai vu un enfant dedouze ans tellement couvert de tumeurs scrofueu-ses qu'il ne pouvait faire aucun mouvement Great-rakes fit résoudre la plupart de ces tumeurs parla seule application de sa main; il ouvrit avec lalancette celles dui étaient les plus considérables, etil guérit les plaies en les touchant et en les mouil-lant quelquefois de sa salive. » Astelius raconte en-core plusieurs guérisons remarquables dont il aété témoin. Il affirme qu'il en a vu un bien plusgrand nombre dont il supprime le détail; il con-firme les éloges que Rust et Faireclow ont faits des

mceurs et du caractère de Greatrakes, et il recon-naît comme eux que les guérisons qu'il opéraitn'avaient rien de miraculeux, qu'elles n'étaient pastoujours complètes, et que même quelquefois il neréussissait pas.

Valentin Greatrakes, chevalier d'Alfane, était nédans le comté de Waterford, en 1628. Ce fut en1662 qu'il se sentit porté à toucher des écrouelles,

et en 1665 qu'il essaya de traiter toute sorte de

Page 96: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

maladies. En 1666 il alla à Londres, et la courl'appela à Whitehall. Il y fit des guérisons mais illui arriva ce qui devait arriver à un homme sim-ple et pieux, plusieurs courtisans se moquèrent delui. Il se retira dans un quartier de Londres, prèsd'un hôpital, où il allait tous les jours toucher des

malades.Nous avons cité plus haut les aimants du père

Hcll; n'oublions pas les tracteurs métalliques de

Perkins. Vers 1792, un médecin des États-Unis,

Elisha Perkins, attribua aux métaux dé l'influence

sur les corps vivants. En conséquence, il fit con-struire un instrument long de deux pouces etdemi, composé de différents métaux, appelé trac-teur métalliques. « Pour guérir, dit Deleuze plu-sieurs affections locales et particulièrement lesdouleurs inflammatoires, il suffit de promener len-

tement la.pointe du tracteur sur la partie affectée,

en suivant la direction des principaux nerfs, etcela vingt ou trente minutes de suite, deux ou trois

fois par jour. La maladie cède quelquefois a la pre-mière opération souvent aussi la guérison exige

plusieurs semaines. On fit avec le plus grand soin

l'expérience des tracteurs métalliques dans les hô-pitaux de Philadelphie.Un grand nombre d'hommeséclairés, parmi lesquels on compte des physiciens,

des naturalistes,, et quarante-deux médecins ouchirurgiens des plus distingués, attestent l'utilité

Page 97: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

de 'cette découverte, qui fut approuvée par le gou-vernement. »

Benjamin Perkins, fils de l'inventeur, ayantporté des tracteurs à Londres en 1798, en fit pu-bliquement l'essai dans les hôpitaux il obtint unepatente qui lui assurait le privilébe exclusif de lesvendre, et il fit imprimer la relation des curgg-opérées par ce moyen sur les hommes et les che-

vaux.

V.

Divers jugements de ces faits. Quelques-uns les nient. De-leuze les explique par le magnétisme.-Le docteur Bertrandpar l'extase. Le docteur Dupau par les affections ner-veuses.

Les faits que nous venons de rapporter ne sontguère communs, et il y en a d'extraordinaires par-dessus tous les autres. Il se trouve des personnesqui les nient absolument, et accusent de mensongeou de prévention les acteurs et les témoins. D'au-

tres les acceptent. Parmi ces derniers, Deleuze etles magnétiseurs les tirent à eux. Ce qui, selon

eux, les a produits, c'est toujours et partout lefluide magnétique, connu ou inconnu, dirigé ounon dirigé. Écoutons Deleuze ci Rassemblez dans

un même lieu plusieurs malades qu'un hommebien convaincu qu'il a le pouvoir de les guérirs'approche d'eux, qu'il fasse usage de sa volonté,

Page 98: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

bientôt le fluide magnétique sera mis en action, etune fois que cela aura lieu, il se propagera d'unemanière surprenante, et produira toutes les crisesqu'on a vues au haquet de Mesmer. Les objetsmêmes qui sont dans ce lieu pourront s'imprégnertellement de la vertu magnétique, qu'ils devien-dront un ferment propre à la développer dans leslieux où on les transportera. Au tombeau dePàris, le magnétisme agissait de même qu'au ba-quet la seule différence, c'est qu'aujourd'hui lesmagnétiseurs dirigent l'agent dont ils connaissentl'action, et qu'à Saint-Médard cette action était ir-régulière et désordonnée.

On trouve encore dans les provinces de bonnes

gens qu se croient doués de la faculté de guérircertaines maladies. Ils réussissent ordinairement,

parce qu'on ne leur h. pas persuadé que leur con-fiance était un préjugé ridicule. Un cordonnierd'Auxerre, nommé Dal, était, il y a quelques an-nées, connu dans cette ville pour guérir les dou-leurs de dents et les foulures. Il est essentiel de

remarquer qu'il n'acceptait aucun salaire; il pré-tendait même que s'il se faisait une fois payer il neréussirait plus. Lorsqu'on s'adressait a. lui, sa pre-mière question était:

><Voulez-vous être guéri? » On

répondait: «Oui.» (C'était là sa manière de semettre en rapport.) Il vous touchait pendant quel-

ques minutes ensuite il vous disait « Marchez

Page 99: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

« sans crainte, » ou bien « Servez-vous de votre« main, » et l'on reconnaissait que le mal avait en-tièrement cessé. Je tiens ce fait de personnes dignes,de foi qui habitaient Auxerre, et qui ont eu plu-sieurs fois recours à lui. Ce n'est pas le seul exemple

que je connaisse mais il est inutile de raconter ceschoses-laceux qui ne croient pas au magnétisme.

Le docteur Bertrand, qui d'abord se rapprochaitde l'opinion des magnétiseurs, prit plus tard d'au-tres idées. Il donna plus d'attention à un fait qui.lui expliqua les autres. Il arrive quelquefois à desindividus de tomber dans un état bizarre. 11 s'opère

une sorte de divorce entre la vie physique et la vie

morale, et, dans ce divorce, le corps et l'àmemontrent chacun de singulières vertus. Quoique cetétat se présente sous les formes les plus diverses,Bertrand le désigne sous le nom générique d'ex-tase. Cet état n'est pas une maladie proprementdite, quoique certaines maladies, comme les affec-tions convulsives, y prédisposent éminemment, etqu'il ne survienne que dans des circonstances dé-terminées. La plus puissante de ces circonstancesest une exaltation morale portée à un haut degré.L'extase parait dans tous les siècles; c'est elle quifait l'effet de la possession à Loudun, et du magné-tisme animal au b,aquet de Mesmer et dans le som-meil des somnambules; les médecins l'ont jusqu'iciméconnue.

Page 100: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

Voici les signes qui la caractérisent 10 l'insen-sibilité extérieure 2° l'inertie morale, ou alsencede retour sur soi-même; 3° l'oubli au réveil

4° l'appréciation du temps 5° l'exaltation de l'i-magination 6° le développement de l'intelligence;7° les prévisions des crises 8° l'instinct des remè-des;1 9° l'influence particulière des individus surleur organisation; 10° la communication des sym-ptômes des maladies; 11° la communication despensées; 12° le transport des sens; la vue sans lesecours des yeux. L'observation du premier, dudeuxième, du quatrième et du neuvième signelui appartiennent, dit-il, en propre.

Insensibilité extérieure. Une somnambule, parexemple, chante, et sans aucune altération devoix, pendant qu'on enfonce quarante ou cin-quante épingles dans son corps. On se rappelle lesexpériences consignées dans le rapport de M. Hus-

son.Inertie morale. C'est-à-dire, l'absence de ré-

flexion, de retour sur soi-même, pour reconnaîtrel'état où on se trouve, et en conséquence, à enjuger par les réponses aux questions qui lui sontfaites, nul étonnement chez le somnambule del'état où il est et de la bizarrerie des états nou-veaux par où on le fait passer. Par suite encorede leur inertie personnelle, une disposition chezles somnambules et extatiques à attribuer les con-

Page 101: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

naissances qu'ils acquièrent à la révélation d'uneintelligence étrangère. Comme ils ne se voient pasagir, ils supposent qu'un autre agit en eux.

Oubli au réveil. Le magnétisé oublie au réveil cequi s'est passé dans son sommeil, et s'en souvienttrès-bien quand il se rendort. S'il oublie sa vie de

sommeil, au contraire il se rappelle et souvent

avec une plus grande vivacité; sa vie éveillée. 11 apour ainsi dire deux existences divisées, et au rap-port de Deleuze, parle .quelquefois de l'être éveilléet de l'être endormi comme de dèux êtres diffé-

rents.Appréciation du temps. Si on demande il un som-

nambtle endormi combien de temps il faut le lais-

ser dans l'état où il se trouve, ou à quelle époqueil faudra lui administrer tel ou tel médicament, etqu'il indique un temps déterminé, il avertit lui-même de ce moment avec 'une précision éton-nante.

Exaltation de l'imagination. On entend par là lafaculté de recevoir, des objets absents, la mêmeimpression que s'ils étaient présents. On rêve enextase comme dans le sommeil ordinaire et sousl'empire d'une complète illusion, le spectacle va-riant seulement selon les dispositions physiques oumorales des somnambules.

Développement de l'intelligence. Ce développe-

ment est d'ordinaire beaucoup moins grand dans

Page 102: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

le somnambulisme magnétique que dans les autrcsmodifications de l'extase. La mémoire, particuliè-rement, est très-développée et même des circon-stances insignifiantes de l'enfance se représententà elle très-vivement. De la. la faculté de parlerdes langues dont on n'avait qu'une connaissanceimparfaite, ou que l'on a oubliées depuis long-temps. Deleuze a vu une demoiselle de seize ansdicter, sur son invitation, des traités remarquablesde médecine.

Prévision. On entend par là, dans les malades,.la faculté d'annoncer d'avance les modificationsorganiques qui doivent survenir en eux, et d'indi-

quel avec la plus grande précision le moment del'invasion de ces changements ou crises, leur du-rée èt les principaux symptômes qu'elles doiventprésenter. L'auteur a vu jusqu'à soixante accès des

plus graves prédits par une somnambule et pré-dits, pour le commencement et la fin, à la mi-

nute; et aussi un délire de quarante-deux heuresqui eut lieu exactement.

Instinct cles remèdes. Il rabat beaucoup de laprétendue divination accordée en ce genre auxsomnambules. Il a vu ordinairement les somnam-bules se faire pour eux-mêmes des prescriptions in-contestablement moins déraisonnables que celles

qu'on aurait dit attcndre de personnes absolumentétrangères à l'art de guérir.

Page 103: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

Influence particulière des somnambules sur leurorganisation. D'abord l'influence de l'imagination

sur l'état du corps, influence déjà considérablechez les hommes dans l'état ordinaire, est autre-ment puissante et constante chez les somnambu-

les. Puis des influences plus cachées encore desaccidents prédits dans le sommeil, arrivant dansl'état de veille peut-être parce qu'ils ont été pré-dits et ces représentations extérieures, par des ta-ches sensibles sur le corps, des affections qu'ils

pensent éprouver.Communication des symptômes des maladies, le

don de ressentir, par suite d'un simple contact,les douleurs des malades avec lesquels on entre enrapport. C'était une des marques auxquelles autre-fois, encore en 1699, on reconnaissait les sorciers,

ce qui paraît dans le procès d'une malheureuseaccusée d'avoir souffert sur sa personne le mald'une autre femme à qui elle l'avait ainsi enlevé

c'était encore une vertu des convulsionnaires. Ledocteur Bertrand assure avoir constaté cette pro-priété de manière à ne conserver aucun doute.

Communication des pensées, permission de liredans l'esprit des autres ancien signe de posses-sion. L'auteur n'avance ici qu'avec réserve. Il cited'abord plusieurs témoignages anciens celui dupère Surin, cet exorciste, plus tard possédé, dansl'affaire de Loudun. A l'en croire, les religieuses

Page 104: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

«disaient les pensées les plus secrètes. » M. Ber-

trand cite encore Gaston d'Orléans, qui atteste de samain

«qu'une religieuse avait obéi à un ordre qu'il

lui avait donné mentalement sans proférer aucuneparole et sans faire aucun signe; » Jean Cava-

lier, qui raconte que deux jeunes garçons ont de-viné jusqu'aux moindres circonstances de ce qu'iléprouvait intérieur ement les écrits de plusieurs

auteurs amis et ennemis, 'attribuant aux convul-sionnaires la faculté de découvrir les cœurs l'in-térieur des consciences; M1"6 Guy on, racontant,

dans l'histoire de sa vie, que souvent elle lisait dansla penséedu père Lacombe, son confesseur, commecelui-ci dans la sieime a Je compris que les

hommes pouvaient dès cette vie apprendre le lan-

gage des anges; peu à peu. je fus réduile à ne luiparler qu'en silence; M. de Puységur, cité

plus haut. Enfin M. Bertrand rapporte ses aven-tures avec des somnambules; l'une qu'il faisaitmine d'éveiller, mais avec une volonté contraire,

.lui disant « Comment, vous me dites de m'é-veiller et vous ne voulez pas que je m'éveille »

l'autre, entièrement ignorante, lui expliquant le

sens du mot encéphale qu'il lui avait proposé, avecune parfaite justesse, «

phénomènes, qui,si on ne veut pas y voir un hasard aussi difficile

peut-être que la faculté même qu'il suppose, nepeut s'expliquer qu'en reconnaissant que cette

Page 105: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

femme lisait dans ma pensée même la significa-tion du mot sur lequel je l'avais interrogée. »

Yue sans le secours des yeux. L'auteur a vuune somnambule indiquer avec précision le lieuoit se trouvait une bague qu'il avait ôtée du doitde cette somnambule pour la donner à une dame;et encore il ignorait que le mari de cette dame eûtpris la bague pour-la mettre dans sa poche. Il citeles Observations de Pététin sur sept cataleptiques.L'une reconnaît les cartes glissées dans son lit etplacées sur son estomac, divers objets dans la maind'une personne ou dans une boîte sous la vestede son médecin une bourse glissée là par un incré-dule, et en indique le contenu; clans les poches de

tous les spectateurs ce qu'elles renferment de pluscurieux au travers d'un paravent, Pététin prenantpar erreur le manteau de son mari pour le sien,et le fait avertir de son erreur. Une autre désignedans la poche d'un spectateur un louis qu'elle dé-•clare n'avoir pas le poids, et lit une ordonnancerenfermée dans un papier cacheté.

Dans une ville d'Allemagne, trois médecins at-testent des faits pareils par exemple, une som-nambule lisant un écrit renfermé dans un secré-taire. Deleuze certifie qu'une jeune somnambule,après avoir lu les yeux bandés sept ou huit lignes

très-couramment, comme on lui présente une boîtede carton fermée où étaient écrits les mots ami-

Page 106: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

lié, santé, bonheur, lut le premier mot, et soup-çonna que les deux autres étaient bonté, douceur.M. Rostan parle d'une somnambule lisant exacte-ment et plusieurs reprises l'heure que marquaitune montre placée derrière sa tète. 1\1. Georget a vuchez une somnambule « des phénomènes fort éton-nants de prévision et de clairvoyance, tellement,dit-il, que dans aucun ouvrage de magnétisme,

pas même daus celui de Pététin, je n'ai rien ren-contré de plus extraordinaire, ni même tous lesphénomènes que j'ai été à même. d'observer.Enfin, le mathématicien Francœur publie, tout en

ne le garantissant pas et n'y croyant pas, dit-il (vers

1829j, un récit de faits merveilleux de ce genre,constatés pendant plusieurs mois par différentsmédecins des eaux d'Aix, et notamment M. Dcspinc,médecin en cluef de l'éiablissement. C'est une ma-lade qui voit, entend et odore par les doigts et lesorteils une autre lisant du doigt dix pages entières

avec uue extrême vivacité, choisit sur un paquetde plus de trente lettres, l'une d'entre elles qu'onlui avait indiquée, en écrit, les corrige, les re-copie. mot pour mot, en lisant avec le coude gau-che, tandis qu'elle écrivait de la main droite. Toutcela à travers un écran de carton épais qui luimasquait exactement les objets. Les mêmes faitsavaient lieu sur l'épigastre, à la plante des pieds,et en diverses parties du corps. Elle rapportait ion,

Page 107: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

jours la vision à l'œil, l'odorat aux narines, aspi-rant l'air' par 'le nez, tandis qu'elle sentait par le

bout des doigts, et, quand elle lisait par la paume:de la main, se frottant les yeux pour voir plus

clair.On, trouve des faits pareils de sens transportés

dans les histoires des possédés, des sorciers et des

convulsionnaires.L'exorciste Surin, parlant des re-ligieuses de Loudun, dit qu'il peut jurer devantDieu et sur son Église, que plus de deux cents foiselles lui ont découvert des choses très-cachées ensa pensée ou en sa personne. A propos de cette

pauvre sorcière de 1699, Marie Bucaille, on lit dansle factum rédigé en sa faveur « Le sieur curé deGolleville rapporte que ladite Bucaille étant dans

une de ses extases, il iui mit une lettre dans lamain au sujet de la femme d'un de ses amis quiétait malade et qu'aussitôt, sans avoir ouvert lalettre, ni entendu ce qu'on lui voulait, elle se mità offrir à Dieu des prières pour cette' personne,qu'elle nomma. Le même curé rapporte que pen-dant une autre extase, ayant mis un autre billetentre ses mains, plié et cacheté, où un hommedemandait éclaircissement sur plusieurs choses,elle répondit pertinemment aux demandes qui luiétaient faites, sans ouvrir le billet.

Chez les convulsionnaires, mêmes phénomènes.

« Un fait indubitable, attesté par une foule de per-

Page 108: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

sonnes de mérite et très-dignes de foi qui l'ont vuet examiné avec tout le soin et l'attention possi-bles, est celui d'un convulsionnaire qui reconnaîtet distingue par l'odorat, ait point de tire ce qu'onlui présente, quoiqu'on lui couvre exactement les

yeux avec un bandeau très-épais qui lui dérobe en-tièrement la lumière. » (Gbup d'oeil sur les convul-sions.)

Quant à la faculté chez les extatiques de voir cequi se passe dans leur propre corps, le docteurBertrand n'y peut croire au milieu d'une foule

de faits absolument contraires, il n'en a trouvé quedeux ou trois tout au plus qui fussent un peu sa-tis faisants.

Comme on voit, le docteur Bertand accueille, et

mêmes volontiers, un grand nombre de faits mer-veilleux, et les explique par un état particulier,qu'il appelle extase. Le docteur Dupau, plus radi-cal, nie un certain nomhre de faits, les plus extra-ordinaires, et attribue les autres simplement aux.affections nerveuses déjà connues.

VI.

Conditions pour croire aux faits.l'ails certifiés, incroyables.

Nous n'avons pas la prétention de décider qui araison dans les disputes sur le magnétisme; nous

Page 109: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

déclarons seulement ce qu'il faudrait pour con-vaincre décidément le public.

D'abord, avant d'expliquer les faits, il est né-cessaire de les constater. On évite ainsi, ditFontenelle, le ridicule d'avoir trouvé la cause de

ce qui n'est point. Ce malheur arriva autrefoisquelqucs savants d'Allemagne dans l'affaire de ladent d'or, que cet auteur a spirituellement ra-contée. « En 1593, le bruit courut que, les dentsétant tombées à un enfant de Silésie, abé de sept

ans, il lui en était venu une d'or à la place d'unede ses grosses dents. Horstius, professeur de mé.-

decine dans l'université de Helmstadt écrivit;

en 1595, l'histoire de cette dent, et prétenditqu'elle était en partie naturelle, en partie miracu-leuse, et qu'elle avait été envoyée de Dieu à cetenfant -pour consoler les chrétiens affligés par lesTurcs. Figurez-vous quelle consolation et quel rap-port de cette dent aux chrétiens et aux Turcs.En la même année, afin que cette dent ne man-quât pas d'historiens, Bullandus en écrit encorel'histoire. Deux ans après Ingelsteterus, autresavant, écrit contre le sentiment que Bullandus

avait de la dent d'or, et Bullandus fait aussitôt unebelle et docte réplique. Un autre grand homme,nommé Lehavius, ramasse tout ce qui avait été ditde la dent, et y ajoute son sentiment particulier.11 ne manquait autre chose à tant de beaux ou-

Page 110: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

vrages, sinon qu'il fût vrai que la dent était d'or.Quand un orfèvre l'eut examinée, il se trouva quec'était une feuille d'or appliquée a la dent avecheaucoup d'adresse; mais on commença par fairc

des livres, et puis on consulta l'orfèvre.•>

Donc, allons d'abord au fait. A quelles condi-tions est-il certain? A deux conditions 1° qu'il n'yait pas de supercherie; 2° qu'il n'y ait pas d'illu-sion. Pour la supercherie, on ne doute pas qu'ellen'ait eu souvent lieu dans le magnétisme commepartout, et il serait curieux de rencontrer uncroyant au magnétisme qui crût à la bonne foi

de tous les magnétiseurs et de tous les maânétisésqui ont paru. N'y a-t-il aucune somnambule qui

ait feint de dormir, feint d'être insensible, feint

de deviner ce qu'elle savait parfaitement d'ailleurs,

ou ce qu'elle avait connu par elle-même, ou cequ'elle tenait des informations de quelque com-père instruit par les causeries de l'antichambreOn raconte que dans un salon une femme d'es-prit, se prêtant aux expériences du magnétisme,fit semhlant d'être endormie et en profita pourdire a chacun les plus cruelles vérités. Persojmedans la société ne la crut somnamhule et lucide

on ne croit jamais qu'une personne qui voit de

telles choses voie clair. Mais si, en maltraitantquelques-uns, elle eût débité des compliments auxautres, et choisi dans les secrets de comédie, pour

Page 111: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

les divulguer, ceux que les intéressés eussentchoisis eux-mêmes, il est hors de doute qu'elle eûtacquis sur place la réputation d'un excellent su-jet magnétique. S'il y a eu un seul cas de su-percherie, il peut y en avoir eu cent mille, et il

est important de se tenir sur ses gardes.Outre le mensonge des acteurs, il y a le men-

songe des témoignages. Il faut voir 1° s'il y a destémoins; 2° s'ils méritent créance; 3° s'ils ont ditles choses qu'on leur prête 4° s'ils les ont dites

comme on les leur fait dire.« Je ne sais, dit Le-

brun, d'où est venue cette fable qui s'est si bieninsinuée dans les esprits que le tombeau de Maho-met est dans une chambre dont les murailles sonttoutes couvertes d'aimant qui l'attirent de tous lescôtés; car non-seulement cela n'est pas; mais en-core ne fut jamais, et lorsque j'en ai parlé a desTurcs, je les ai bien fait rire. Il est constant que lecercueil de Mahomet n'est pas de fer, ni soutenuen l'air par le moyen de l'aimant; mais qu'il estde bonnes pierres de taille, posé à plate terre, d'oùil n'a jamais été remué. (Histoire des superstitions.)

« Le public n'aurait-il pas été porté il croirequ'une femme était accouchée de plusieurs lapinsen diverses fois, puisque cela avait été mis dansplusieurs gazettes, sur le certificat du chirurgienaccoucheur, et sur l'autorité de l'anatomiste du roi,qui en avait publié une relation comme d'un fait

Page 112: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

constant; mais le roi d'Angleterre prit de si justes

mesures qu'on découvrit l'imposture, et que le

même anatomiste du roi en a fait des excuses pu-bliclues.

IlFernel, premier médecin de Henri II, compo-

sait un traité sur les causes cachées des choses,où, parmi plusieurs choses curieuses, il s'avisa,

pour se divertir, de décrire en beau latin les pro-priétés de la flamme d'un charbon allumC, commesi c'était une pierre lumineuse et brûlante venuedes Indes. M. Mizand, avide de raretés, fut ravid'apprendre celle-ci. Loin de croire que l'on lejouait, il se fit fête de la lettre, et en régala ils. deThou, qui ne craignit pas d'insérer la relation de

ce fait dans son histoire qu'on achevait d'imprimer.Tandis qu'on faisait tous ces raisonnements sur laprétendue merveille, M. de Thou apprit que lesieur jVlizand avait été joué. 11 fut fâché d'avoir étési crédule, et de s'être si fort pressé d'insérer dans

ses histoires cette pièce qui n'était pas trop de sonsujet. il obtint des libraires de France qu'ils ne lamettraient plus dans les éditions postérieures, maisil ne trouva pas la même condescendance dans lesimprimeurs d'Allemabne. Ceux-ci ne purent se ré-soudre à supprimer cette pièce curieuse. Ils n'ont

pas manqué de la mettre dans leurs éditions; ensorte que plusieurs s'y sont trompés et s'y trompe-ront encore.

Page 113: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

On lisait dans une lettre au Mercure de 1725

Il y a unc jeune femme à Lisbonne qui a de vrais

yeux de lynx; ce n'est pas une exagération; elle ala vue si perçante, qu'elle découvre l'eau dans laterre à quelque profondeur que ce soit. » Un mi-nime se chargea d'apprendre aux auteurs du Mer-

cure que ce fait n'était pas si nouveau qu'ils le pen-

saient « Supposant toujours le talent bien prouvéde notre Portugaise, je vous dirai que ce n'est pasl'unique personne qui ait été pourvue du rare avan-tage d'une vue si hénétrante on a vu à Anvers unprisonnier dont la vue était si perçante et si vive,qu'il découvrait sans aucun secours d'instrument,et avec fac;ilité, tout ce qui était caché et couvertsous quelques sortes d'étoffes ou d'habits que cefût, à l'exception seulement des étoffes teintes en

rouge. Mon garant sur un fait si singulier estM. Huygens, ce célèbre mathématicien si connude tout le monde savant, qui l'a écrit au révérendpère Mersenne. » Or il est curieux de recourir à la let-tre d'Huygcns, apportée ici comme autorité: C'est le

post-scriptum. « En récompense du voyage du pa-radis que vous me communiquez, vous saurez pourchose assez étrange, quoique vieille, que des genssérieux, d'âge et de condition, déclarent avoir vuprisonnier à Anvers, durant nos premières guerres,un liommc qui avait la faculté de voir au travers deshabits, pourvu qu'il n'y eut point de rouge qu'en-

Page 114: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

suite la femme de son geôlier l'étant venue voir

avec d'autres femmes pour le consoler dans sa ca-lamité, elles furent bien étonnées de le voir rire, etle pressant de dire ce qui en était cause, il répon-dit froidement, parce qu'il y en a une d'entre vousqui n'a point de chemise, ce qui fut avoué. »

On se rappelle une mystification qui ne date pasdéjà de si loin, ce heau rapport du grand astro-nome Herschell, qui, avec sa longue lunette, avait

vu ce qui se passe dans la lune, en avait décritexactement la configuration, les productions, leshabitants et les mœurs de ces habitants. Ce petitouvrage fut acheté à profusion. On ne parlait plus

que des habitants de la lune; il peine quelquesesprits forts osaient-ils émettre un léger doute

on les écrasait de l'autorité d'Herschcll. En fin de

compte, il se trouva que, dans cette affaire, toutétait mensonge, excepté le profit du menteur.

Antre cause d'erreur l'illusion. On n'y fait pasassez d'attention d'ordinaire; vraiment elle méritela plus grande part dans les erreurs de ce monde.ll est étrange comme, quand nous avons quelqueprévention, elle nous rend sourds et aveugles.llfettcz des hommes de parfaite bonnc foi, mais

diversement passionnés, devant la même scène, etinterrogez-les ils vous feront des récits tout diffé-

rents les uns ont vit et entendu ce que d'autresn'olt ni vu ni eutendu, les. uns ont vu et entendu

Page 115: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

le contraire de ce que d'autres ont vu et entendu.Cela nous arrive tous les jours.

La liothe Le Vayer nous en donne deux exem-ples tirés des historiens du xvic siècle « La vic-toire de l'empereur Charles-Quint sur le duc deSaxe, au passage de l'Elbe, fut publiée par toutel'Europe, comme si le soleil avait visiblement re-'tardé fort longtemps son cours en faveur des im-périaux. Cela passa pour si constant, que Henri IIs'en voulut informer du duc d'Alhe, lorsqu'il vintle trouver pour le mariage d'Elisabeth de Franceavec Philippe Il. La réponse du duc fut digne delui et .de celui qui l'interrogeait clu'à la véritétout le monde contait cette merveille, mais qu'ilavouait à Sa Majesté que le soin des choses qui sepassaient alors sur la terre l'avait empêché d'ob-server ce qui se faisait au ciel, accompagnant sondire d'un souris qui témoignait ce qu'on devaitcroire touchant cela. Je prendrai le second exem-ple de ce qu'a écrit Jean-Baptiste Legrain, quej'estime beaucoup d'ailleurs, dans la décade de

Louis le Juste. Il dit au sixième livre qu'il observalui-même dans Paris, l'an 1615, sur les huit leu-res du soir du 26 octohre, des hommes de feu auciel qui combattaient avec des lances, et qui, parce spectacle effrayant, pronostiquaient la fureurdes guerres qui suivirent. Cependant j'étais aussibien que lui dans la même ville, et je proteste, pour

Page 116: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

avoir contemplé assidûment jusque sur les onzeheures de nuit le phénomène dont il parle, que je

ne vis rien de tel qu'il le rapporte. L'histoire rap-pelée par Walter Scott, sur la foi d'un très-honnêtechroniqueur, qui lui-même attestait un bon nom-bre d'hommes encore vivants, est dans ce genre,mais beaucoup mieux. En Écosse dans un village

sur la Clydc, les habitants avaient été avertis qu'onvoyait, le long du rivage, des hommes d'armes quicombattaient les uns tombaient à terre et disparais-saient, d'autres surgissaientà leur place. On se rendit

au lieu indique deux cents personnes virent, cent

ne virent pas. Je ne vis rien, continue le chroni-

queur, mais la frayeur et le tremblement de ceuxqui voyaient frappaient assez tous les autres. »

Combien de fois on aide naïvement à la trompe-rie, et on confesse à son insu la chose qu'on vientdemander! La scène de l'Avare se répète perpétuel-lement, et Molière n'a pas corrigé tout le monde.

Harpagon. Cette cassette, comment est-elle faite?je verrai bien si c'est la mienne.

Maître Jacques. Comment elle est faite?

Harpagon. Oui.

Maître Jacques. Elle est faite comme une cas-sette.

Le Commissaire. Cela s'entend. Mais dépeignez-la

un peu pour voir.Maître Jacques. C'est une grande cassette.

Page 117: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

Harpagon. Celle qu'on m'a volée était petite.Maître Jacques. Hé oui, elle est petite, si on le

veut prendre par là mais je l'appelle grande pource qu'elle contient.

Le Commissaire. Et de quelle couleur est-elle?Maître Jacques. De quelle couleur?Le Commissaire. Oui.

Maître Jacques. Elle est de couleur. là, d'unecertaine couleur. Ne sauriez-vous m'aider à dire?

Harpagon. Hé?

Maître Jacques. N'est-elle pas rouge?Harpagon. Non, grise.Maître Jacques. Hé oui, gris, rouge, c'est ce que

je voulais dire.Harpagon. Il n'y a point de doute, c'est elle assu-

rément.Maître Jacques. Ne lui allez pas dire au moins

que c'est moi qui vous ai découvert cela.Il y a plusieurs histoires fort étonnantes qui ont

beau être exactement attestées on ne peut se ré-soudre à les croire. Otez le mensonge de l'acteur,ou la supposition de l'histoire par un étranger;ôtez l'illusion du témoin et la tromperie du hasard;quand vous aurez ôté tout cela; et ce n'est paspeu, il restera chez vous une répugnance invin-cible à admettre la vérité des faits. Cet ancien disaitbien

« Quand- tu me persuaderais, tu ne me per-suaderais pas. » Nous choisirons quelques-unes de

Page 118: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

ces histoires prodigieuses entre les plus célèbrele nombre en est infini.

L'anecdote suivante est racontée par Margueritede Navarre dans ses Mémoires « La reine mamère, dit-elle, était à lletz dangereusement maladede la fièvre; elle rêvait; et étant assistée, autourdu lit, du roi Charles, mon frère, de ma soeur et

mon frère de Lorraine, de' plusieurs messieurs duconseil et de force dames et princesses qui, la te-nant hors d'espérance, ne l'abandonnaient point,s'écria, continuant ses rêveries, comme si elle eûtvu donner la bataille de Jarnac Voyez commeils fuient; mon iils a la victoire! Eh mon Dieu!relevez mon fils, il est par terre Voyez-vousdans cette haie le prince de Condé mor t? Tous

ceux qui étaient là croyaient qu'elle rêvait; mais

la nuit après, ill. de Losses m'ayant apporté lanouvelle Je le savais bien, dit-elle'; ne l'avais-je

pas vu avant-hier? Lors on reconnut bien quece n'était pas rêverie de la fièvre, mais avertisse-

ment que Dieu donne aux personnes illustres.On lit dans les Mémoires de l'ahbè de Choisy

des récits fort surprenants de. cette sorte, Il fautseulement noter qu'ils ne se trouvent pas dans lemanuscrit de 1\1. d'Argenson, et qu'ils ont été ulté-rieurement publiés à la suite d'une vie de l'auteur.Une première fois l'abbé de Choisy tente de voirde l'extraordinaire. Le curé de Roissy devait lui

Page 119: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

faire voir dans un verre d'eau des choses nier-veilleuses. Mais le sorcier fut glacé, et annonçaqu'il ne ferait rien en sa présence. Il s'en alla, etle lendemain on lui protesta qu'on avait vu lediable ou quelque chose d'approchant. Suit unecurieuse histoire arrivée chez la comtesse de Sois-

sons, nièce du cardinal lllazarin. Son mari étaitmalade en Champagne; elle était incertaine si ellepartirait pour l'aller trouver, quand un vieux gen-tilhomme de sa maison lui offrit de lui faire dire

par un esprit si le comte mourrait de cette mala-die. Il fit entrer une petite fille de cinq ans, etlui mit à la main- un verre d'eau. Il dit toutbas qu'il commanderait à l'esprit de faire paraîtreun cheval blanc dans le cas où le comte devraitmourir. Cinq fois de suite le cheval blanc parut.M1110 de Bouillon était présente avec ils. de Ven-

dôme, et le duc à présent maréchal de Villeroy.

« Les trois personnes présentes le content à quiveut l'entendre. »

Mais la maîtresse histoire en ce genre est celle

que raconte Saint Simon dans ses Mémoires(chap. clxi). « Voici une chose que le duc d'Orléans

me raconta dans le salon de Marly, dans un coin6u nous causions tête à tête, un jour que sur lepoint de son départ pour l'Italie, il arrivait deParis, dont la singularité, vérifiée par des événe-ments qui ne se pouvaient prévoir- alors, m'en"

Page 120: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

gage à ne pas l'omettre. Il était Curieux de toutessortes d'arts et de sciences et avec infinimentd'esprit, avait eu toute sa vie la faiblesse si com-mune à la cour des entants de Henri II, que Ca-therine de Médicis avait entre autres maux appor-tée d'Itcrlie. 11 avait tant qu'il avait pu cher°chc àvoir le diable sans avoir pu y parvenir, à ce qu'ilm'a souvent dit, et à voir des choses extraordi-naires et à savoir l'avenir. La Sery avait une pe-tite fille chez elle de huit ou neuf ans, qui y étaitnée et n'en était jamais sortie, et avait l'ignoranceet la simpliçité de cet âge et de cette éducation.Entre autres fripons de curiosités cachées, dontM. le duc d'Orléans avait beaucoup vu dans savie, on lui en produisit un chez sa maîtresse, quiprétendit faire voir dans un vase rempli d'eautout ce qu'on voudrait savoir. Il demanda quel-qu'un de, jeune et d'innocent pour y regarder, etla petite fille s'y. trouva propre. Ils s'amusèrentdonc à vouloir savoir ce qui se passait alors dansdes lieux éloignés, et la petite fille voyait et ren-dait ce qu'elle voyait à mesure. Cet homme pro-nonçait tout has quelque chose sur ce verre, rem-pli d'eau, et aussitôt on y regardait avec succès.

Les duperies que M. le duc'd'Orléans.avait sou-vent essuyées l'engagèrent il une épreuve qui putle rassurer. Il ordonna tout has à un de ses gens,à forcille, d'aller sur-le-champ, à quatre pas de

Page 121: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

là, chez Mmc de Nancré, de bien examiner ce qui

y était et ce qui s'y faisait, la position et l'ameu-blement de la chambre, et la situation de toutce qui s'y passait et sans perdre un momentni parler à personne, de venir le lui dire àl'oreille. En un tournemain la commission futexécutée sans que personne s'aperçût de ce quec'était, et la petite fille toujours dans la chambre.Dès que M. le duc d'Orléans fut instruit, il dit àla petite fille de regarder dans le verre qui étaitchez M"" de Nancré et ce qui s'y passait. Aussi-tôt, elle leur raconta mot pour mot ce qu'y avait

vu celui que 1\1, le duc d'Orléans y avait envoyé.La description du visaâe, des figures, des vête-ments des gens qu y étaient, leur situation dansla chambre, les gens qui jouaient à deux tablesdifférentes, ceux qui regardaient ou qui causaientassis ou debout, la disposition des meubles, enun mot, tout. Dans l'instant, M. le duc d'Orléans

y envoya Nancr é, qui rapporta avoir tout trouvé

comme la petite fille l'avait dit, et comme le valetqui y avait été d'abord l'avait rapporté à l'oreillede M. le duc d'Orléans.

« Il ne me parlait guère de ces choses-là parceque je prenais la liberté de lui en faire hon,te: Jepris celle de le pouiller à ce récit, et de lui dire

ce que je crus pouvoir le détourner d'ajouter foi

et de s'amuser à ces prestiges, dans un temps

Page 122: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

surtout où il devait avoir l'esprit occupé de tantde grandes choses. Ce n'est pas tout, me dit-il,et je ne vous ai conté cela que pour venir aureste; et tout de suite il me conta que, encou-ragé par l'exactitude de ce que la petite fille avait

vu de la chambre de M. de Nancré, il avait vouluvoir quelque chose de plus important et ce qui sepasserait à la mort du roi, mais sans en recher-cher le temps, qui ne pouvait se voir dans ceverre. Il le demanda donc tout de suite à la pe-tite fille qui n'avait jamais ouï parler de Ver-sailles, ni vu personne que lui de la cour. Elleregarda et leur expliqua longuement tout ce qu'ellevoyait. Elle fit avec justesse la description de lachambre du roi il Versailles et de l'ameublementqui s'y trouva en effet à sa mort. Elle le dépei-gnit parfaitement dans' son lit et ce qui était de-,

hout auprès du lit ou dans la chamhre, un petitenfant venu avec l'ordre de de Ventadour,

sur laquelle elle s'écria parce qu'elle l'avait vuechez Mllc de Sery. Elle leur fit connaître MUle deMaintenon, la figure singulière de Fagon, Mm0 laduchesse d'Orléans, Mme la duchesse, M"" la prin-

cesse de Conti elle s'écria sur M. le duc d'Or-

léans en un mot elle leur fit connaître ce qu'elle

voyait là de princes, de seigneurs, de domesti-

ques ou valets. Quand elle eut tout dit, M. le ducd'Orléans, surpris qu'elle ne leur eut point fait con-

Page 123: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

naître Monseigneur, M*r le duc de Bourgogne, M"1" laduchesse de Bourgogne, ni M. le duc de Berry,lui demanda si elle ne voyait lioint de figures detelle ou telle façon. Elle répondit constamment

que non, et répéta celles qu'elle voyait. C'est ce

que 1\1. le duc d'Orléans ne pouvait comprendreet dont il s'étonna fort avec moi, et en recher-cha vainement la raison. L'événement l'expliqua.On était alors en 1706. Tous quatre étaient alorspleins de vie et de santé, et tous quatre étaientmorts' avant le roi. Ce fut la même chose de HL leprince, de M. le duc, et de M. le prince de Conti

qu'elle ne vit point tandis qu'elle vit les en-t'anis des deux derniers, M. du les siens,et M. le comte de Toulouse. Mais jusqu'à, l'évé-nement, cela demeura dans l'obscurité.

«Cette curiosité achevée, M. le duc d'Orléans vou-

lut savoir ce qu'il deviendrait. Alors ce ne fut plusdans le'verre. L'homme qui était là, lui offrit dele lui montrer comme peint sm la muraille de lachambre, pourvu qu'il n'eut point peur de s'yvoir; et au bout d'un quart d'heure de quelquessimagrées devant eux tous, la figure de lI. le ducd'Orléans, vêtu comme il l'était alors et dans sagrandeur naturelle, parut tout à coup sur la mu-raille comme en peinture, avec une couronne fer-mée sur la tète. Elle n'était ni de France, ni d'Es-pagne, ni d'Angleterre, ni impériale. M. le duc

Page 124: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

d'Orléans qui la considéra de tous ses yeux ne putjamais la deviner il n'en avait jamais vu de sem-blahle, elle n'avait que quatre cercles et rien dusommet. Cette couronne lui couvrait la tête.

« De l'obscurité précédente et de celle-ci, je prisoccasion de lui remontrer la vanité de ces sortesde curiosités, les justes tromperies du diable queDieu permet pour punir les curiosités qu'il dé-rend; le néant et les ténèbres qui en résultent,au lieu de la lumière et de la satisfaction qu'on yrecherche, Il était assurément alors bien éloiânLd'être régent du royaume et de l'imaginer. C'étaitpeut-être ce que cette couronne singulière lui an-nonçait. Tout cela s'était pllss6 à Paris chez samaîtresse, en présence de leur plus étroit intrinsè-

que, la veille du jour qu'il me le raconta, et je l'aitrouvé si extraordinaire, que je lui ai donné placeici non pour l'approuver, mais pour le rendre. »

Nous ne savons plus aujourd'hui ce que c'est

que la baguette divinatoire elle a eu autrefois ungrand crédit dans toute l'Eucope. Elle tournaitentre les mains de celui qui la portait, quand ilpassait sur un lieu où se trouvait une source. LeBrun en raconte les merveilles en homme quicroit marcher sur les terres du diable.

Plusieurs personnes, dit-il, trouvent de l'eau

par ce moyen. On fait ln même chose il l'égarddes métaux, des minéraux et des choses d'un

Page 125: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

usage singulier, comme le verre, le cristal, letalc, le jaspe, le marbre et autres choses sembla-bles on en est venu aux pierres qui servent delimites pour le partage des fonds. Cette baguettepar son mouvement les indique. Si les bornes sontdans la même place où les avaient mises les pos-sesseurs des fonds, la baguette ne tourne pas seu-lement sur les bornes, elle tourne aussi sur l'es-pace qui est entre les deux, et fait ainsi passercelui qui la tient par la ligne que l'on appelle deséparation. Que si la borne n'est plus dans sa pre-mière place, la baguette tourne seulement surcette borne et ne tourne point lorsqu'on s'en éloi-¿'ne; on parcourut alors le champ, jusqu'à ce quela baguette, par un tournoiement, indique l'en-droit d'où on l'a malicieusement tirée.

« Avant la défense de M. le cardinal Le Camus,l'usage en était très-commun dans le Dauphiné.Beaucoup de gens de la campagne, hommes,

garçons et filles, vivaient du petit revenu deleur baguette; et une infinité de différends tou-

chant les limites se terminaient par cette voie;

on avait volontiers recours à ces juges qui por-taient en leur main la justice, et toutes les lois de

leur tribunal. La sentence était promptementexpédiée, et les frais en étaient modiques cinqsols étaient le prix fixe de la découverte, aussibien que de la vérification d'une limite.

Page 126: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

« Pour découvrir les choses les plus cachées deprès et de loin, on consultait la baguette, sur lepassé, le présent et l'avenir. Elle baissait pourrépondre oui, et elle s'élevait pour la négative.Il était indifférent d'exprimer 'sa demande de

vive voix ou mentalement.« Le révérend père Ménétrier, jésuite, écrit

que depuis les expériences célèbres qu'on a fait

faire à Aymar, on a vu des essaims de cher-cheurs de sources par le moyen de la baguette,suivre comme lui les pistes des voleurs, décou-

vrir l'or ou l'argent caché. A combien d'effets,poursuit-il, s'étend aujourd'hui ce talent? Il n'apoint de limites. On s'en sert pour juger de labonté des étoffes et de la différence de leur prix,pour démêler les innocents d'avec les coupablesd'un tel crime. Tous les jours cette vertu faitde nouvelles découvertes inconnues jusqu'à pré-sent. »

Ce sont liv des pratiques et des assertions, maisvoici un fait attesté par l'historien des Supersti-tions. « Un président du parlement de Grenoble,aussi respectable par sa probité, par son esprit et

son érudition, que par ses chargeas et par sesqualités, voulut bien permettre qu'on lui tint lesmains, lorsque étant à Grenelle et entendant parlerdes expériences de la baguette, je ne pouvaiscroire le fait. Je lui tins la main droite avec les

Page 127: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

deux mains, une autre personne lui tint la gau-che, dans une allée de jardin sous laquelle il yavait un tuyau de plomb qui conduisait de l'eaudans un bassin. En un instant la haguette four-chue qu'il avait entre les mains, la pointe tour-née vers la terre, s'éleva et se tordit si fort, .que

M. le président demanda quartier, parce qu'onlui blessait les doigts.

Cette merveille, déjà irès-satisfaisante, n'est rienauprès de la mervèille qui suit. Nous la donnions

intégralement; elle en vaut la peine.

Histoire de la découverte du meurtre de Lyon, surla relation de M. l'intendant de M. le procureurd1t roi, de J1/. l'abbé de La Garde, de 111. Panthotdoyen des médecins de Lyon, et de M. Aubert,avoeat célèbre.

« Le 5e de juillet 1692 un vendeur de vin

et sa femme furent tués v coups de serpe dans

une cave, Gt leur argent fut volé dans une bou-tique qui leur servait de chambre. On ne putni soupçonner, ni découvrir les auteurs du crime,et un voisin fit venir à Lyon un paysan du Dau-lrlrint nommé Jacques Aymar, qui depuis quel-

ques années est en réputation de suivre la pistedes voleurs, des meurtriers et des choses déro-bées, guidé par une baguette de toute espèce de

bois, qui tourne entre ses mains, sur l'eau, sur

Page 128: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

les métaux, sur les bornes des champs, et sur plu-sieurs autres choses cachées.

Aymar arrive et promet à M. le procureur du roid'aller sur les pas des coupables, pourvu qu'il coin-mence par descendre dans la cave oû l'assassi-nat avait été lait: M. le lieutenant criminel etM. le procureur du roi l'y conduisent. On luidonne une baguette du premier bois qu'on trouve.Il parcourut la cave, et sa baguette ne fit aucunmouvement que sur le lieu ou l'artisan avait étéassassiné. Dans cet endroit, Aymar lut ému, sonpouls s'éleva comme dans une grosse fièvre; labaguette qu'il tenait entre ses mains tourna ra-pidement; et toutes ces émotions redoublèrent surl'endroit où l'on avait trouvé le cadavre de lafemme. Après quoi guidé par la baguette, ou

par un sentiment intérieur, il alla dans la bou-tique où le vol avait été fait; et de là suivantdans l,es rues la piste des assassins, il entra dansla cour de l'archevêché, sortit de la ville par lepont du Rhône et prit à main droite le long de cefleuve. Trois personnes qui l'escortaient, furent té-moins qu'il s'apercevait quelquefois de trois com-plices, quelquefois il n'en comptait que deux. Maisil fut éclairci de leur nombre en arrivant à la mai-son du jardinier, ou il soutenait opiniàtrémentqu'ils avaient entouré une table vers laquelle sabaguette eut de trois boat.eilles qu'il y avait

Page 129: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

dans la chambre, ils en avaient touché une sur la-quelle sa baguette tournait aussi. On veut savoirdu jardinier si lui ou quelqu'un de ses gens n'avaitpoint parlé aux meurtriers; mais on n'en peutrien tirer. Ou fait venir les domestiques, la ba-guette ne les connaît point. Enfin deux enfants de

neuf à dix ans paraissent, la baguette tolu'ne; onles interroge, et on leur fait avouer qu'un diman-che au matin trois hommes qu'ils dépeignirents'étaient glissés dans la maison et avaient bu levin de la bouteille que l'homme à la baguette in-diquait.

Cette découverte fit croire qu'Aymar n'en im-posait pas. Toutefois, avant que de l'envoyer, plusloin, on crut qu'il était à propos de faire une expé-rience plus particulière de son secret. Comme onavait trouvé la serpe dont les meurtriers s'étaientservis, on prit plusieurs autres serpes de la mêmegrandeur, et on les porta dans le jardin (de M. deMongivrol ) où elles furent enfouies en terre, sansque cet homme les vit. On le fit passer sur toutesles serpes, et la baguette tourna seulement surcelle dont on s'était servi pour le meurtre.

« M. l'intendant lui banda les yeux, après quoi oncacha ces mêmes serpes dans l'herbe, et on le menaau lieu où elles étaient. La baguette tourna toujours

sur la même serpe, sans remuer sur les autres.Après cette expérience, on lui donna un commis

Page 130: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

du greffe et des archers pour aller à la poursuitedes assassins. L'on fut au bord du Rhône, à demi-lieue plus bas que le pont; et leurs traces impri-mées dans le sable sur le rivage montrèrent visible-ment qu'ils s'étaient eniharclués. Ils lurent exacte-'ment suivis par eau, et le paysan fit conduire sonbateau dans des routes et sous une arche du pontde Vienne où l'on ne passe jamais; ce qui fit jugerqu'ils n'avaient point de batelier, puisqu'ils s'écar-taient du bon chemin sur la rivière.

« Durant ce voyage, le villageois faisait aborder atous les ports où les scélérats avaient pris terreallait droit à leur gite et reconnaissait, au grandétonnement des hôtes et des spectateurs, les lits où

ils avaient couché, les tables où ils avaient mangé,les pots et les verres qu'ils avaient touchés.

« On arrive au camp de Sablon, le paysan se

sent ému, il est persuadé qu'il voit les meurtriers,

et n'ose pourtantfaire agir sa baguettepour s'en con-vaincre, car il craint que les soldats ne se jettent

sur lui. Frappé de cette peur, il revient à Lyon.

«On le renvoie au camp dans un bateau avec des

lettres de recommandation. Les criminels en sont

partis avant son retour; il les poursuit jusqu'àBeau-

caire, et dans la route il visite toujours leurs logis,

marque sans cesse la table et les lits qu'ils ont oc-cupes, les pots et les verres qu'ils ont maniés pourboire.

Page 131: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

« Lorsqu'il fnt il Beaucaire, il reconnut par sa ba-guette qu'ils s'étaient séparés en y entrant. Il s'at-tacha à la poursuite de celui dont les traces exci-taient plus de mouvement à sa baguette. Il s'arrêtadevant la porte d'une prison, et dit positivementqu'il y en avait un lir dedans. On ouvrit, on lui pré-senta douze ou quinze prisonniers parmi lesquels

un bossu qu'on y avait enfermé depuis une heure

pour un petit larcin, fut celui que la baguette dé-signa pour un des complices.

« On chercha les autres, Aymar découvrit qu'ilsavaient pris un sentier aboutissant au chemin de

Nimes, et le uossu fut conduit à Lyon.

« Au commencementil niait d'avoir eu la moindreconnaissance ni de ce forfait, ni des coupables, etmême d'avoir jamais été Lyon. Cependant commeon le conduisait sur la route, où il avait passé endescendant à Beaucaire, et qu'il fut reconnu dans

toutes les maisons où il s'était arrêté, il avoua qu'il

avait bu et mangé avec les complices, généralementdans tous les lieux que la baguette avait indiqués,et ayant. été interroge à Lyon dans les formes il

déclara qu'il avait été présent v l'assassinat et auvol, et que les deux complices qu'il nomma avaient

tué, l'un le mari, l'autre la femme.

• « Deux jours après, Aymar avec la même escortefut renvoyé au sentier dont on a parlé, pour y re-prendre la piste des autres complices; et sa hn-

Page 132: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

guette le ramena dans Bcaucaire à la porte de lamême prison, où l'on avait trouvé le premier.

CIIl assurait qu'il y en avait encore un là dedans,

et n'en fut détrompé que par le geôlier, qui lui ditqu'un homme tel qu'on décrivait un de ces deuxscélérats, y était venu depuis peu demander desnouvelles du bossu.

« On se remit ensuite sur leurs vestiges on futjusqu'à Toulon dans une hôtellerie, ou ils avaientdüté le jour précédent on les poursuivit sur la meroù ils s'étaient emhardués on reconnut qu'ils pre-naient terre de temps en temps sur nos côtes, qu'ils

y avaient couché sous des oliviers; et malgré les

tempêtes, la baguette les suivit inutilement sur les

ondes journée par journée, jusqu'aux dernières li-mites du royaume.

« Le procès du bossu s'instruisait cependant avec

une singulière exactitude; et quand le paysan futde retour, ce criminel qui ne se donnait que dix-

neuf ans, fut condamné le 30 d'août à être rompuvif sur les Terreaux. »

Nous savons tous quelle a été la réputation in-contestée de la célèbre tireuse de cartes, M11' Le-normand.

De toutes ces histoires certilïées et incroyables,

que prétendons-nous conclure? Rien ni pour nicontre le magnétisme animal; mais ceci unique-ment toutes les fois qu'on veut faire admettre un

Page 133: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

fait très-difficile à admettre, il faut apporter lesplus nombreuses et les plus fortes preuves le su-perflu n'est pas de trop. Nous ajoutons, à l'adressedes magnétiseurs puisqu'ils ont leurs faits mer-veilleux, ils doivent être prodigues de preuvesaussi claires que le jour. Par malheur, ils n'aiment

pas opérer devant les curieux ou les incrédules

et les railleurs. Deleuze l'avoue et, déjà de sontemps, Mesmer récusait pour ses juges les méde-cins et les savants dont il craignait, disait-il, lajalousie. On se rappelle quelles instructions De-leuze donne à ceux qui désirent éprouver la véritédu magnétisme. II leur dit Croyez. La sciencedit Doutez. Il serait hon de s'entendre. Veux-jemagnétiser moi-même, et prétendez-vous que. sije 'n'ai pas la foi, la volonté, je ne magnétiserai

pas, parce que le fluide sera rebelle? Soit, et pas-sons là-dessiis. Mais si c'est vous qui magnétisez,simple témoin que je suis, devrai-je croire, avantd'entrer dans la salle où vous magnétisez, parceque; si je ne croyais pas, je paralyserais l'actiondu magnétiseur et neutraliserais son fluide? Vrai-

ment, cela est dur; et voilà un étrange procès etdes juges étranges. Quand on pense ainsi, il fautpratiquer le magnétisme entre soi et ne pas viserà convertir le monde; ou si on y songe encore,prier Mesmer en commun pour qu'il illumine lesinfidèles et fasse descendre sur eux la grâce ma-

Page 134: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

gnétique. Les magnétiseurs ont bien senti l'impos-sibilité de cette condition et ils ont appelé plusd'une fois l'examen de l'Académie de médecine,

sans exiger la foi. Nous ne prétendons donner tortà personne; mais il y a seulement ici un malheur.S'agit-il de constater qu'une somnambule lit les

yeux bandés, le magnétiseur fait ses conditions

ce sera un bandeau de telle et telle étoffe, de telle

et telle forme; sans cela le fluide n'opérerait plus.Mettons qu'il ait raison, l'Académie aura aussi

raison de refuser l'examen. Car si les magnétiseursont le droit de fixer les conditions auxquelles l'é-

preuve se produira, les savants ont bien le droitaussi de fixer les conditions auxquelles l'épreuve

sera décisive. La science française a une faiblesse

elle veut voir clair. Cet état de choses est fâcheux

pour le magnétisme, au cas qu'il soit vrai, carsur ces phénomènes extraordinaires chacun necroit que ce qu'il a vu, et encore ne le croit pastous les jours les témoignages isolés d'hommessérieux et intelligents ébranlent les incrédules sansles convaincre. Le jugement favorable d'un corpssavant, compétent pour un tel examen, et inté-ressé à ne pas compromettre son autorité, chaquemembre d'ailleurs surveillant les autres, emporte-rait tout.

Questions sur Les faits. En dehors de toute su-percherie et de toute illusion produite par la pré-

Page 135: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

veation morale ou par les coïncidences fortuites,est- il invariablement prouvé 1° qu'une som-nambule lit dans la pensée de son magnétiseur ?

2° qu'elle voit, les yeux fermés ou bandés, unobjet découvert? 3° qu'elle voit l'intérieur des

corps, lit une lettre fermée, devine ce qui estdans une boite, voit à nu l'état des organes inté-ricurs d'une autre personne ? 4° qu'au toucherd'une mèche de cheveux, par exemple, elle re-connaît à qui cette mèche appartient et décritexactement ce qui est de cette personne le phy-sique, le moral et la vie? 5° qu'elle voit ce qui sepasse dans des lieux éloignés, inconnus à celuimême qui l'interroge? 6° qu'elle prédit l'avenir,oit elle est désintéressée; par exemple, que telle

personne se cassera tel jour tel membre ou senoiera, ou se brûlera? Et opère-t-elle cela non pasune fois, ni deux fois, car il y a d'heureux ha-sards et des habiletés merveilleuses, mais assezsouvent et dans des expériences assez variées pourqu'il n'y ait pas de méprise possible?

VIT.

Explication des faits. L'existence du fluide magnétiqueest-elle démontrée?

Après la constatation des faits, l'explication. Sou-

venons-nous des paroles de Laplace « Nous som-

Page 136: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

mes si LloiânLs de connaître tous les agents de lanature et leurs divers modes d'action, qu'il serait

peu philosophique de nier l'existence de phéno-mènes uniquement parce qu'ils sont inexplicablesdans l'état actuel de nos connaissances. Seulement,

nous devons les examiner avec une attention d'au-tant plus scrupuleuse qu'il parait plus difficile deles admettre et c'est ici que l'analyse des proba-bilités devient indispensable pour déterminer jus-qu'à quel point il faut multiplier les observations

ou les expériences, afin d'obtenir en faveur des

agents qu'elles semblent indiquer une probabilitésupérieure aux raisons que l'on peut avoir d'enrejeter l'existence. » Nous demandons qu'on ap-plique au magnétisme ces règles qu'il rappelle si

volontiers.L'agent universel auquel il recourt pour tout ex-

plicuer est le fluide magnétique. Or, si on tient à

en faire reconnaître l'existence, il serait besoin dela prouver les assertions ne suffisent vraimentpas. Les mouvements que Deleuze lui prête au-tour du tombeau de Paris paraîtront aisémentgratuits et bizarres. Cela rappelle l'ingénuité deDeslon, quand les commissaires académiques luidemandent pourquoi dans la salle des crises onjoue de l'harmonica. « Le son, répondit-il, portele fluide. Il Mais Deleuze assure qu'il se montre,que les somnambules le voient ils le voient envi-

Page 137: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

ronner leur magnétiseur, la tète surtout, et s'é-couler par les extrémités des mains. Par malheur,tandis que des somnambules, dans les temps de foi

au fluide, voient un fluide, dans d'autres temps,de foi aux esprits, ils sentent en eux des esprits;et toujours ils portent dans leur sommeil les pré-occupations dominantes de la veille. Même il n'estpas besoin d'être endormi pour avoir de pareillesimpressions. La sincère Mmc Guybn tout éveillée,

sentait la grâce divine descendre dans son corpset l'enfler, au point de le rompre, si on ne l'eûtdélacée et autour d'elle des femmes éveillées

femmes du plus grand monde, recevaient en silenceles effluves du fluide céleste. Joignons à cela uneillusion naturelle que nous fait la sensibilité Ca-banis remarque qu'elle se composte à la façon d'unfluide, qui se jette tantôt d'un côté, tantôt d'unautre. Enfin, la contagion des accidents nerveuxdont nous parlerons plus tard, semble une vraietransmission d'un fluide. Il serait donc prudentd'ajourner le fluide magnétique jusqu'à ce qu'il fit

ses preuves. Le fluide magnétique est très-complai-sant et très-discret les magnétiseurs disent de lui

ce qu'ils veulent; il n'a jamais donné de démenti à

personne. Par malheur, si les incrédules disent delui qu'il n'existe pas, il ne les dément pas davan-tage,

Il y a ici une curieuse ohservation à noter.

Page 138: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

Comme les faits de maladies et de guérisons mer-veilleuses sont anciens, comme aussi on leur atoujours cherché une cause, on leur a constant-ment attribué la cause qui, au moment même,était en faveur. Quand on croyait généralement àl'influence des planètes,' c'était l'influence des pla-nètes quand on fit attention à la propriété singu-lière de l'aimant, on ne vit plus qu'aimant, et onpensa bien qu'avec deux boussoles aimantées, mu-nies chacune de leur alphabet, on s'entendrait ai-sément à quelques centaines de licues; quand sousl'empire des préoccupations religieuses, on voyaitpartout une puissance céleste ou infernale, la causede ces accidents bizarres fut une puissance céleste

ou infernale. Enfin, notre temps, qui a vu naîtrel'électricité, cherchant à tout des causes physiques,les a formées volontiers sur ce modèle. Nous nousmontrons autrement rigoureux que les historienscroyants des possédés de Loudun à la place desexorcistes nous avons mis un magnétiseur, et à laplace du diable un fluide. Vienne une autre décou-verte qui détrône la découverte de l'électricité, onpeut penser que l'éternel agcnt des merveilles setransformera une fois encore. Les générations sesuivent et se ressemblent elles ont la même folie,chacune l'habille à sa mode.

ltatons-nous de le dire que le fluide magnétiqueexiste ou non, il ne touche point les faits qu'on a

Page 139: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

voulu expliquer par là. Il reste à voir s'ils ne s'ex-pliquent pas par quelque cause connue et toute na-turelle.

VIII.

Puissance des causes naturelles tempérament, exercice, ma-ladies, agents physiques, sommeil état moral imagina-tion.

Le fluide magnétique mis de côté, il resteraitencore les vertus propres et extraordinaires -dusommeil somnambulique, et il resterait à cherchersi ce sont des effets de vertus qui n'appartiennentqu'à lui.

Avant d'attribuer des faits à une cause nouvelle,il faut, ce semble, bien constater l'énergie des cau-ses déjà découvertes, et avant de déclarer qu'elles

ne peuvent faire une chose, connaître tout ce qu'el-les peuvent faire en ce genre. Or, quand on exa-mine les effets du magnétisme animal sur l'espritet sur le corps, d'ordinaire on considère d'un côtéla merveille physique ou morale, de l'autre côtél'habitude de tous les jours, et, comme il y a d'icilà une énorme distance, on conclut que, pour lafranchir, il a fallu une vertu merveilleuse aussi.Nous nous proposons de combler une partie aumoins de l'intervalle, à l'aide de faits analogues.Nous apprendrons des observateurs ce que font de

surprenant les causes naturelles connues. Après

Page 140: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

cela, s'il reste du prodige, il faudra, nous le disons

en toute conscience, il faudra bien s'y résigner. Enattendant, n'imitons pas les paysans de Gonesse,qui, voyant en l'air le premier ballon lancé de Pa-ris, le prirent pour un monstre et voulurent le la-pider. N'imitons pas non plus ces Indiens qui,voyant les Européens communiquer par lettres,s'imaginaient que ces carrés de papier étaient en-sorcelés. Ne faisons pas comme, il y a des siècles,George Agricola et d'autres métallurgistes décrivantet figurant gravement dans leurs ouvrages les dé-

mons, les gnomes, qu'on trouvait en creusant lesentrailles de la terre, et qui s'échappaient de quel-ques soupiraux de l'enfer pour étouffer les mineursde vapeurs empestées, ou éteindre leurs lampes, oucauser des explosions épouvantables.

IX.

États extraordinairesdu corps 1° insensibilité, force extraor-dinaire, résistance à la destruction; 2° malades, guérisonsarbitraires; 3u communication des symptômes des maladies;4° subtilité des sens..1° Insensibilité; force extraordinaire; résistance

A LA DESTRUCTtoN. Tout le monde sait qu'il y ades individus qui enfoncent des épingles dans leursmollets sans douleur. Nul doute que chez ceux qui

souffrent ces piqûres, l'habitude ne diminue beau-

Page 141: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

coup la souffrance.-Certaines affections nerveuses,la catalepsie, par exemple, détruisent momentané-ment la sensibilité. Quelquefois elles la pervertis-sent au point que ce qui excite communément lesdoueurs les plus vives, ne produit plus que des

sensations agréables ou voluptueuses. Plusieurs per-sonnes rapportent avoir Cprouvé de grands plaisirsdans la syncope ou dans l'asphyxie. Locke parled'un cavalier irlandais qui ne put jamais voir sansfrémir celui qui l'avait arraché aux délices qu'iléprouvait, en le retirant de l'eau où il se noyait.

On sait que l'éthérisation nous rend insensibles

aux plus cruelles opérations. Dans certains ac-cès d'affections nerveuses, on voit de jeunes fillesdevenir capables d'escalader des murs, de grimper

sur des arbres élevés, sur les toits, et de faire millechoses qui paraissent nécessiter une grande forcemusculaire. Bertrand a vu des filles dans cet étatdemander, à titre de secours, qu'on pressât forte-ment diverses régions de leur corps. -Le sommeil

est chez certaines personnes si lourd qu'il est be-soin de les maltraiter rudement pour les éveiller;

on en a vu supporter ainsi des coups violents etmême de fortes brûlures. La distraction va jus-qu'à supprimer la souffrance des soldats clansl'action sont quelquefois cruellemient blessés sanss'en apercevoir. Zimmermann raconte que le ma-thématicien Viete, absorbé dans ses calculs, resta

Page 142: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

trois jours sans boire ni manger, ni dormir. Les

aliénés dont l'esprit est possédé d'autres idées, sup-portent des jeimes qu'ils ne pourraient supporterdans l'état de santé. On en a vu rester sans prendrede nourriture un mois entier.

Quelquefois la volonté opère une insensibilité ar-tificielle, Saint Augustin nous a conservé (Cité de

nieu) une histoire où se marque une singulière ac-tion de la volonté sur le corps. «

Il y eut un prê-tre de l'église de Calmante, nommé Resti tutus, qui,lorsqu'il le voulait; à la demande des curieux d'unetelle merveille, pourvu qu'on imitât des gémisse-

ments, se séparait de ses sens. Il était étendu toutsemblal)le à un mort. On le pinçait, on le piquait,

on le bridait même, il ne sentait rien, sauf, a sonréveil, la douleur de la blessure, Et ce n'était pasqu'il se roidit contre le mol il ne sentait réelle-ment rien de ce qui se passait dans son corps onle voyait à ce que sa respiration était nulle, commechez un mort. Pourtant, si on parlait un peu fort,il entendait, disait-il, les voix comme dans le loin-tain. »

Cardan s'attribue a lui-même une semblable

vertu. « Aussi souvent que je veux, je tombe insen-sil)le comme en extase. Pendant que j'y tombe, je

sens au cœur comme si mon aine partait, et danstout le corps, comme si elle s'ouvrait passage. Elle

commence par la tête, surtout par le cerveau,

Page 143: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

suit toute l'épine dorsale, et n'est contenue qu'àgrand'peine. Je sens seulement que je suis hors de

moi, et à force d'efforts je me remets peu à peu. »

Que ne peut le moral en ce genre? La force mo-rale et l'imagination aident sans doute à souffrir ladouleur, mais vraiment, elles la suppriment quel-quefois en tout ou en partie. Avec du courage etune imagination portée ailleurs, on souffre mieuxet on souffre moins on cite un brigand italien,qui, appliqué à la'question, pour lui faire avouer sescrimes, résista aux tourments les plus violents, enrépétant Ti vedo. Échappé au gibet par cette con-stance, on lui demanda l'explication de ces motsJe te vois. C'était la potence, dit-il; en la voyant,j'avais le courage de nier. On connaît le trait decet amiral, qui, les quatre membres emportés parles boulets, se fit placer sur un tonneau de son, etcommanda encore de la voix. Donnez à une créa-ture faible, à une femme, une forte passion (parexemple, la volonté de sauver son enfant mou-rant), et vous verrez quels prodiges d'énergie phy-sique elle rendra, à déconcerter, à vaincre leshommes les plus robustes. Et les fanatiques del'fnde

«J'ai vu en plusieurs endroits, dit Bernier,

des fakirs qui. tenaient un bras et quelquefoistous les deux élevés et tendus perpétuellement enhaut par-dessus leurs tètes. Les nerfs s'étaient re-tirés et les jointures séchées. D'slulres, par un vœu

Page 144: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

particulier, se tenaient sept ou huit jours debout

sur leurs jambes, qui devenaient enflées et grosses

comme leurs cuisses, sans s'asseoir et sans se cou-cher, ni sans se reposer autrement qu'en se pen-chant et s'appuyant quelques heures de la nuit surune corde tendue devant eux d'autres qui se te-naient des heures entières sur leurs mains, sansbranler, la tête en bas et les pieds en haut, et ainside je ne sais combien d'autres postures. e On saitqu'ils s'enfoncent des clous dans les chairs, sechargent de chaînes, de poids énormes, se brû-lent diverses parties du corps. Tout le monde con-naît l'ancienne légende de cet anachorète du ve siè-

cle, Siméon Stylite, qui vécut vingt-six ans surune colonne.

Comme le corps devient insensible par des cau-

ses naturelles, par des causes naturelles aussi il

est capable de résister à des causes physiques dedésorganisation. Duhamel et Dutillet ont vu desfilles de campagne rester dix minutes dans un fourchauffé à cent quarante degrés centigrades; des

physiciens ont éprouvé qu'ils pouvaient supporterassez longtemps le séjour dans une chambre à latempérature de cent vingt-quatre degrés. Cabanis

reconnaît que des fanatiques ont reçu quelquefoisimpunément de très-fortesblessures, qui, dans leurétat naturel, eussent été mortelles ou très-dan-

gereuses; et Alontègre assure avoir eu connais-

Page 145: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

sauce d'un jcmie homme qui, dans un accès dedélire frénétique, s'élança par la fenêtre d'un qua-trième étage, tomba sur le pavé, et ne se fit qu'uneblessure peu considérable à la jambe.

2° Maladies, gcéïusons ARBITRAIRES. Qui n'aéprouvé mille fois par lui-même les effets de lacontention de l'esprit, des passions ou de l'imagi-nation sur le corps? Sous le coup de ces causesmorales, on voit tour à tour le corps s'abattre et

se relever, mourir et vivre. Nous recueillons dans

tm observateur sérieux, Tissot ( T raité des nerfs ),

une suite de faits vus ou admis par lui, et qui mon-trent à nu cette prodigieuse influence.

Contention d'esprit. Pechlin parle d'une femmeà qui quelques heures d'une lecture attentivedonnaient des convulsions, et d'une autre peur-

sonne qui éprouvait aussi des convulsions en peu-1sant à une chose désagréable. Galion a conservéfhistoire d'un grammairien qui avait un accèsd'épilepsie toutes les fois qu'il méditait profondé-ment ou qu'il enseignait avec chaleur. liead cite lefait d'une fille de vingt ans, qu'une succession dedifférentes maladies de langueur avait jetée dans

une hydropisie, accompagnée du marasme le plusdCcidé; tous les remèdes étaient inutiles, et elleétait déclarée absolument incurable, quand toutà coup elle devint folle; alors son corps reprit desforces, son ventre diminua, elle put soutenir les

Page 146: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

remèdes, ils opérèrent favorablement et au bout dequelques mois, elle recouvra sa santé et sa raison.M. Baker rapporte un autre fait qui ne prouve pasmoins l'influence de l'âme sur le corhs; un hommedu plus beau génie, et célèhre par ses talents pourl'éloquence et la poésie, affecté de ne point jouird'une faveur telle qu'il croyait la mériter, irritécontre ses ennemis, contre ses amis et contre lui-même, tomba d'abord dans le marasme le pluscomplet, ensuite dans une folie entière; des qu'ilfut fou, la nutrition recommença à se faire, il re-prit sa santé et redevint gras. C'est ici qu'il faut pla-

cer l'histoire du rhéteur Gallus Vibius, qui, tendant

toutes les forces de son âme pour comprendre les

causes de la folie, devint fou lui-même. N'est-ce

pas un acte trop fort de l'âme, sans aucun mé-lange- de frayeur, que l'on doit rapporter l'exem-ple récent de cette jeune fille, qui, familiarisée parson père avec l'idée du suicide, et trouvant soussa main un pistolet qu'elle crut chargé, mais qui

ne l'était point, l'appuie avec transport sur sonfront, tire en s'écriant Je suis morte heureuse-ment je suis morte Cette image de la mort tropprofondément imprimée pour s'effacer, la jetadans le délire, et elle mourut frénétique le lende-main.

L'attente d'un grand événement peut suspendrela mort. Pechlin vit, dans l'invasion des Français

Page 147: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

en Hollande, en 1672, une femme très-âgée et très-malade, qui, maltraitée, chassée et totalement dé-pouillée par les soldats, fut menée toute nue parses fils, sur un traîneau, à quelques lieues de là;le délire, la gangrène, l'extrême faiblessé, un poulsà peine sensible et que l'on n'apercevait que parses irrégularités, annonçaient une mort très-pro-chaine elle ne parle que de temps en temps, maisc'est avec chaleur pour demander des nouvelles de

sa fille, elle fait connaître, par des mots entrecou-pés, par des gestes, qu'elle ne peut pas mourir

sans l'avoir vue; on voit que son existence ne tientplus qu'à sa tendre inquiétude sur le sort de cettefille chérie, qui ne paraît que le huitième jour el:

il y avait alors près de trois jours que la mèreétait froide, sans pouls et ne donnait plus de mar-que de sentiment; sa fille parle, elle l'entend, re-vient à elle, l'embrasse avec joie et meurt en l'em-brassant.

Imagination. Spinello après avoir peint lediable, fut si effrayé lui-même des traits terriblesqu'il lui avait donnés, que tout le reste de sa vie il

crut le voir à ses côtés, lui reprocher de l'avoirfait si laid; et pour prendre des exemples plussimples, c'est ainsi que l'idée d'un plat désirélait venir l'eau à la bouche, que celle d'm plat dé-goûtant fait vomir tout comme si on le voyait, etqu'un morceau de cire présenté comme une arai-

Page 148: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

gnéc à une personne qui les craignait, lui occa-sionna, dit M. Zimmermann, des spasmes et un té-tanos. C'est par le même principe que le maladequi, dans une fièvre ardente, croyait voir un étangà côté de son lit, et désirait passionnément de s'ybaigner, se trouva presque guéri, après s'êtreroulé sur le pwé de la chambre le froid du mar-hre lui fit sans doute du bien, mais l'imagination

en aubmenta vraisemblablement l'effet.C'est encore ce même principe qui a pu être

cause que des morts sont arrivées dans le momentprédit; l'àme effrayée a produit l'affaiblissement quiestfeffetnaturelde la crainte à mesure que le tempsmarqué approchait, l'affaiblissementet le dérange-ment augmentaient dans la plus grande propor-tion le sentiment de cet affaiblissement, ajoutant àla certitude de la prédiction, l'augmentait encore,et les derniers jours ont nécessairement du êtremortels.

J'ai vu encore, en 1762, dit Tissot, un hommefermement persuadé qu'il passait souvent la nuit

en Espagne dans un endroit qu'il me peignait avecbeaucoup de suite et de détail.

Joie. Pechlin vit un homme âgé et attaquéd'une forte jaunisse, avec une fièvre lente, rebelleiv tous les remèdes, que le plaisir de la naissanced'un fils guérit très-promptement. Le plaisir quefit à M. Pciresc une lettre du président de Thou, le

Page 149: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

guérit d'une paralysie dont il était attaque depuis

quelque temps, et qui affectait surtout la langue,dont il recouvra si bien l'usage dans le momentmême, qu'il put chanter un hymne plaisant queM. de Thou avait renfermé dans sa lettre. Boer-haave rapporte l'histoire d'une fille dont la familleétait dans la misère, et qui, appelée aux Indes parun frère qui s'y était enrichi, mourut de joie envoyant les superbes effets qu'il lui destinait. L'hé-ritière de Leibnitz mourut de joie en ouvrant unvieux coffre qui se trouva plein d'argent. Ajoutons

tout de sute le fait rappelé par Georget :-Dauben-

ton fut frappé d'une attaque d'apoplexie à laquelleil ne survécut pas, lorsqu'il sut qu'il était appelé àl'honneur de présider le sénat.

Amour. L'objet d'une passion favorite peut ré-veiller le sentiment éteint pour tout autre objet.Le cataleptique de Tulp revint à lu, quand on luidit qu'il épouserait sa maîtresse. 31. de Lagni, qune parlait plus et qui paraissait ne plus entendre,

nomma encore le carré de douze quand on le luidemanda. Un de mes collègues, continue Tissot, nepouvant tirer aucune marque de sentiment d'unefemme fort avare qu était tombée en léthargie,s'avisa de lui mettre dans la main quelques écusneufs, et elle commença à reprendre connaissance

en les serrant; et M. Morand a vu un joueur.quine sortit de la plus complète insensibilité,' que

Page 150: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

quand on lui cria ù haute voix: Quinte, quatorzeet le point.

Colère. On ferait plusieurs gros volumes enrecueillant toutes les observations de maladiesproduites par la colère.

Tristesse. Staahl vit une mère qui, ayant ap-pris par une lettre la mort de son fils, tomba d'a-bord dans une défaillance, qui, dégénérant enapoplexie, la tua rapidement; et l'histoire nous aconservé un bel exemple des funestes effets de

l'amour filial attristé Louis de Bourbon, donj lepère, le comte de Montpensier, était enterré à Pouz-zoles, ayant, quelques années après, fait ouvrir

sa tombe, pour se donner la triste satisfaction de

le voir, ce spectacle fit sur lui une impression si

vive et si forte, qu'il expira sur-le-champ. Un amide M. Gaubius, ayant appris il Leyde que son frèrevenait de mourir à la Haye, monte sur-le-champ

en voiture pour s'y rendre il arrive, l'envisage lechagrin le saisit; il s'affaiblit, s'assied, tombe mort,

et on les enterra ensemhle. Valentine de Milan

mourut de douleur de ce que l'on ne vengeait pasla mort de son mari le duc d'Orléans; Marguerited'Éçosse, dauphine, de ce qu'on avait soupçonné sa

vertu, et Fernel, du regret d'avoir perdu sa femme.

Tissot a vu une mère tendre que la mort d'une fille

chérie jeta dans une fièvre lente, qui la conduisit

une étisie, dont rien n'a pu ralentir la marche.

Page 151: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

Remords. Il a vu le remords tuer un hommetrès-fort dans 'cinq semaines.

hrayeur. Zimmermann nous a donné l'his-toire d'un paysan des plus robustes, âgé de trente-six à quarante ans, qui, ayant été emprisonné

pour cause de vol, eut tellement peur de la po-tence, qu'il perdit toutes ses forces, au point deressembler à un homme mort. Il resta dans cetétat pendant vingt-quatre heures; alors il com.:

mença à avaler quelque remède; ait bout de trenteheures, il ouvrit les yeux; six heures après, il ar-ticula quelques sons; au bout de six heures, il futentièrement remis.

La frayeur peut tuer sur-le-champ on a vu uncriminel mourir en entendant prononcer son ar-rêt de mort; et Herring rapporte qu'un hommeil qui l'on avait annoncé la mort pour un jourfixé, s'effrayant tous les jours davantage, mourutenfin au jour fatal. On sait que Charles-Quint, ef-frayé' par la cérémonie de son enterrement, qu'sil

avait voulu exécuter, prit mal. en la terminant, etmourut au bout de peu de jours. M. Petit vit unhomme blessé à la main qui mourut subitement

en voyant ses tendons à nu; et M. Hallcr a vu plusd'une fois les chiens destinés il ses expériencesmourir de frayeur dès qu'ils étaient liés, avantmême qu'on eût approché le scalpel. N'est-ce pasencore à la peur du péril passé qu'il faut rappor-

Page 152: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

ter la mort d'un malade "du docteur Hollings, à duil'on cacha quel avait la petite vérole, qu'il crai-gnait beaucoup, et qui mourut sur-le-champquand on lui annonça qu'il en était guéri? Pétronecite l'exemple d'un domestique qui, ayant traverséil cheval le Pô gelé, sans savoir qu'il le traversait,mourut en l'apprenant au lieu de sa destination.

Il importe peu que l'objet de la peur soit chimé-rique témoin ce jeune homme d'Hoffmann. Entraversant une place le soir, il crut y voir un spec-tre et rentra chez lui presque mort, avec un abat-tement, un 1 dégoût, 'une faiblesse, qui durèrentquinze jours; une autre fois, il crut que le spectrele saisissait par le pied, qui'devint rouge, s'en-flamma et suppura. Bientôt il fut attaqué de con-vulsions atroces avec le délire, perte de la parole,quelquefois fureur, et tous les accidents des mala-dies convulsives. Il prévoyait toujours l'accès parun froid qui montait des extrémités intérieures,comme cela arrive dans la plupart des maladies decette espèce.

On vit.à Berlin, en 1720, un jeune homme dans

un état désespéré, et dont la mort était attendue'd'un moment à l'autre, il qui l'explosion d'un ma-gasin poudre redonna la connaissance; il repritsur-le-champ des forces, se leva et fut guéri aubout de quelques jours. Il est très-ordinaire de

chercher à) guérir le hoquet par la peur, et quel-

Page 153: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

quefois cela réussit. Tout le monde sait par expé-rience que l'approche du dentiste et la vue des

instruments guérissent, pour quelques momentsdu moins, le mal de dents. Ajoutons ce fait étrangecité par Georget Deux' frères sont mordus enmême temhs leur blessure guérit, et ils se sépa-

rent au bout de dix ans, l'un apprend que l'autreest mort enragé, et peu de temps après il meurtde même.

Revenons sur les effets physiques de l'imagina-tion, pour confirmer les assertions de Tissot elle

vaut bien qu'on s'y arrête. D'abord, on ne sauraitnier que l'attention donnée à des faits qui se pas-sent en nous ne les fasse se prononcer davantage,

et même que la préoccupation extrême ne les crée.Pensez fortement à une légère douleur qui seproduit dans quelque partie de votre corps, elle

grandit sous votre regard, et devient presque into-lérable. Une faible démangeaison, par exemple,si vous imaginez qu'elle est produite par quelqueinsecte, finira par devenir une démangeaison uni-verselle. Soyez bien persuadé que vous êtes em-poisonné, et pariez à coup sûr pour la colique. Les

malades absorbés par la pensée de leur maladie,attentifs aux moindres phénomènes qui ont lieu

dans leur corps, à mille mouvements d'ordinaireinaperçus, réussissent ainsi à exagérer de petits

maux et à se créer des douleurs réelles. La préoc-

Page 154: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

cupation de digérer empêche de digérer. Une criseattendue a de grandes chances d'arriver; et si ,011

se distrait, si on l'oublie, de grandes chances de

ne pas survenir. Et c'est une observation sans cesserépétée que la lecture des livres de médecine faitbeaucoup de malades; qu'après avoir lu la des-cription minutieuse des symptômes des maladies, etnotre imagination frappée, nous les retrouvons ennous, pensant ainsi tour il tour avoir toutes lesmaladies qu'on nous a retracées. Voici quelquesfaits à part,' puisés chez les médecins.

Une femme pense tout à coup à un homme pa-ralytique, elle sent son bras s'engourdir, puis tout

un côté du corps; bientôt, la frayeur redoublant,elle tombe dans une paralysie universelle, et resteenfin paralysée de la moitié du corps. Des plai-sants, apostés dans les rues où passait un individu

sur lequel on voulut faire une expérience, l'abor-dent successivement comme par hasard, le regar-dent d'un air d'inquiétude, lui demandent des nou-velles de sa santé, disant qu'il paraît pâle, défait,malade. Il entre en crainte. Retourné chez lui, ilse regarde au miroir, croit se voir le teint blême(il l'avait en effet de frayeur), se met au lit avec uncommencement de fièvre nerveuse, et, si l'on n'é-tait pas venu le dissuader, cette mauvaise plaisan-terie pouvait avoir des suites très-dangereuses,puisque, ajoute Virey, la crainte de la mort a fait

Page 155: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

mourir des personnes. Le célèbre théologien Hem-

ming ayant cité dans ses leçons deux vers barbares,

comme propres à guérir la fièvre, un de ses auçli-

teurs en fit l'essai sur un domestique et le guérit;Hemming ayant dit ensuite qu'il n'avait supposé à

ces vers de la vertu que par plaisanterie, leurcharme fut détruit en même temps que la con-fiance.

Les médecins connaissent tous les propriétésmerveilleuses des pilules de mie de pain adminis-trées sous un nom savant, et comment, en maintesrencontres, elles produisent justement les effets

que l'ordonnance leur attribue. Il y a mieux quecela. Helwig rapporte qu'un médecin ayant donnéà un paysan une ordonnance par écrit, pour le

purger, en disant prenez cela, le bonhomme, re-venu à sa maison, se met au lit, avale le papier,est purbé, et retourne dire au médecin qu'il a étéguéri par sa purgation.

Nous le savons tous par expérience personnelle,la venue seule du médecin, quand nous avons enlui grande confiance, calme nos maux; par autoritéles médecins font faire ce que les remèdes n'eus-sent jamais fait, et les plus habiles sont ceux quià la fois traitent la maladie et le rnalade ils peu-vent faire des merveilles; s'ils n'en .font pas plussouvent, c'est qu'ils ne le veulent pas.

Pourvu que la confiance y fut, tous les remèdes

Page 156: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

imaginables ont dans tous les temps guéri. Dans

Homère, Ulysse blessé est guéri par des paroles.Caton le Censeur guérissait les luxations des jambes

par des paroles secrètes. Selon un médecin latin,la sciatique et les maux de reins; se traitent leplus souvent par la musique ou le chant. Selon unmédecin grec, les morsures de serpents se gué-rissent par des chansons. Apollonius de Thyanechassait les démons soit par des attouchements,soit par des paroles. On a conservé- les termes mys-térieux par lesquels les Grecs chaussaient les maux.Contre les fièvres tierces, outre Abracadabra, Sator;Arebo, Tenet, Obéra, Rotas, Khiriori, Gibel, etc.;si on est mordu d'un chien enragé, il i'auC des motsplus infernaux, comme Pax, Max, Adimax. Si ona quelque bras cassé ou le pied démis, Araries,Dardaries, Donalas, Matas, et le reste. Aussi on litdans le Trésor des alchimistes « Ce n'est pointdans les écoles et les académies que le médecindoit apprendre et connaître tout ce qu'il peut etdoit savoir; qu'il aille trouver les vieilles sorcières,les bohémienne, les nécromans, les charlatans,les vieux paysans, et qu'il apprenne d'eux seuls.Tous lui montreront mieux comment on enlève les

maux, par les enchantements, que nos savantsd'académie. Moi qui vous parle, j'ai reçu des let-

tres de Galion, datées des Enfers, et j'ai disputé

sur la quintessencie avec Avicenne, dans l'anti-

Page 157: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

chambre de Pluton. » C'est une très-ancienne pro-priété chez les rois de guérir certaines maladies.Salomon composait des vers pour les charnier;Pyrrhus, au rapport de Plutarquc et de Pline,guérissait les affections de rate, en pressant douce-

ment le flanc gauche de son pied droit. On nous aconservé des histoires d'aveugles et d'hydropiques,guéris par Adrien et Vespasien. Les empereursd'Autriche, de la maison de Hapsbourg, guéris-saient les écrouelles en donnant à boire aux ma-lades, de leur propre main, un verre de vin;Edouard 11I d'Angleterre, et nos rois de France,autrefois, comme chacun sait, les guérissaient enles touchant de la main. Selon Paracelse, Maxwell,Santanelli, on peut agir à de grandes distances enl'absence des personnes par exemple, au moyendes cheveux, du sang d'une blessure, parce que lesémanations de ces substances retournent vers le

corps d'où elles viennent; et si l'on fait quelquesopérations sur ces matières, elles peuvent se trans-mettre au corps. Digby mettait sa poudre de sym-pathie (qui était du sulfate de fer en poudre) surla chemise ensanglantée d'un homme blessé, et ce-lui-ci, fut-il à cent cinquante lieues, devait aussitôt

voir ses plaies se fermer par cet astringent. Il estvrai qu'il était nécessaire d'avoir une foi robuste.

M. Gerbi, professeur à Pise, décrivait, en 1794,

sous le nom de C1trculio odontalgicus un insecte

Page 158: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

auquel on attribue une propriété bien singulière.On prétend que si l'on broie une douzaine de cesinsectes entre le pouce et l'index jvsclu'à ce qu'ilsaient perdu leur humidité, ce doigt conserve pen-dant un an la faculté de guérir la douleur des dentsprovenant de carie. Il suffit pour cela d'en toucherle creux de la dent gâtée. Sur six cent vingt-neuf

personnes, quatre cent une ont réussi. Plusieurssavants ont reconnu la même propriété à d'autresinsectes coléoptères. L'un d'eux pense que le mieuxest de toucher la dent immédiatement après avoirtouché l'insecte.

Il y a de singulières communications de maladies

par imagination. Pausanias raconte que les filles dePretus se crurent changées en vaches. Plutarquerapporte qu'à .un instant toutes les filles de Milet

se pendaient. Les magistrats arrêtèrent ces suicides

en ordonnant que toutes les filles qui se seraientpendues fussent exposées en public, nues et lacorde au cou. Un médecin du Valais a observé,

vers 1813, une semblable épidémie dans le dépar-tement du Simplon. Cette fois ce fut le curé du lieuqui, par ses exhortations, l'arrêta. Deux médecinsrappellent qu'à Lyon, pendant un temps, les filles

avaient la manie de se noyer.A cause de cette contagion, qui, à la vue d'un

épileptique, frappait d'autres hommes d'épilepsie,cette maladie avait à Rome un nom caractéristique,

Page 159: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

elle s'appelait maladie des comices (morbus comi-tiorum.

Lès épidémies de sorciers et de possédés ont étéaussi commîmes. Au commencement du xvii6 siè-cle, dans le pays de Labourd, compris actuelle-ment dans le département des Basses-Pyrénées,un grand nombre de malheureux furent brûlées

comme sorciers. Pierre de Lancre, conseiller auparlement de Bordeaux, après les avoir condaxn-nés, *en a écrit l'histoire. Un grand nombre d'entre

eux se croyaient loups-garous; ils racontaient quedans cet état ils avaient mangé des enfants et desjeunes filles, n'omettant aucune circonstance, etfournissant avec une exactitude déplorable tous les

prétextes de se faire brûler vifs. Une multitude dé-clarent devant leurs juges mêmes qu'ils sont allés

à travers les airs au sabbat, montés sur un bouc

ou quelque autre monture diabolique.Parmi plusieurs épidémies de possession, une

des plus célèbres, dite des nonnains, se répandit

au xve 'siècle sur tous les couvents de femmesd'Allemabne, en particulier dans les États de Saxeet de Brandehourg et gagna jusqu'en Hollande.Au dire de Simon Goulard,.« elles prédisaient,cabriolaient, grimpaient contre les murailles, par-laient des langues étrangères, bêlaient comme desbrebis, et quelquefois se mordaient les unes lesautres comme des enragées. »

Page 160: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

Lé médecin Heeduet, qui a prétendu ramener il

des causes naturelles les merveilles des convul-sions, raconte plusieurs faits curieux de ce genre.A la Nouvelle-France une fille entra à l'Hôtel-Dicu pour un hoquet continuel et violent dans le-quel elle imitait assez hien le jappement d'unchien. Il y avait dans la salle où on la plaça qua-tre autres jeunes filles atteintes de diverses mala-dies trois jours après elles jappèrent avec convul-sions et léthargie Iinale. La première était guériele cinquième jour. Cela dura ainsi une semaine.Alors on liritr"le parti de placer chaque maladedans une chambre à part, on elles ne pussent sevoir ni s'entendre; après quoi on les menaça dela discipline si elles continuaient; le remède opéra.

Dans un autre endroit, c'était une communautétrès-nombreuse de filles qui, tous les jours à lamême heure, étaient toutes saisies de la mêmemaladie. On entendait un miaulement général partoute la maison qui durait plusieurs heures, augrand scandale du voisinage. On leur signifia, parordre des magistrats, qu'il y aurait iL la porte ducouvent lme compagnie de soldats, qui, au pre-mier miaulement, entrerait dans le couvent etfouetterait celle qui aurait miaulé. Et le bruit cessa.

Tout le monde connaît le trait de Boerhaavedans l'hôpital de Harlem. Des femmes tombaient

en convulsion à l'imitation les unes des autres. Il

Page 161: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

fit rougir un fer au feu, et menaça de brûler le

bras à lu première à qui cela arriverait. Aucune

ne tomba.Le docteur Pezzi, dans un ouvrage publié en

italien, rapporte que son neveu, à la suite de lalecture répétée de l'histoire du somnambulisme de

Castelli, fut lui-même atteint de cette aflection, etqu'il présenta des phénomènes absolument sem-blables à ceux qui sont rapportés dans cette his-

toire. Ce qu'il y a de plus remarquable, c'est quele docteur ayant chargé un jeune domestique d'ac-

compagner son neveu pendant les accès et de veil-

ler sur lui, ce domestique fut bientôt lui-mêmeatteint de somnambulisme, et donna ainsi unenouvelle preuve de l'influence de l'imitation surla production de cet état.

Bailly a conservé ce fait « Le jour de la céré-

monie de la première communion, faite à la pa-roisse de Saint-Roch, il y a quelques années (1780),

après l'office du soir, on fit, ainsi qu'il est d'usage,la procession en dehors. A peine les enfants furent-ils rentrés à l'église et rendus à leur place, qu'unejeune fille se trouva mal et eut des convulsions.Cette affection se propagea avec une telle rapidité,

que, dans l'espace d'une demi-heure, cinquante ousoixante jeunes filles de douze à dix-neuf ans,tombèrent dans les mêmes convulsions, c'est-à-direserrement il la gorge, gonflement à l'estomac, l'é-

Page 162: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

touffement, le hoquet et les convulsions plus oumoins fortes. Les accidents reparurent à quelques-

unes dans le courant de la semaine; mais le di-manche suivant, étant assemblées chez les damesde Sainte-Anne, dont l'institution est d'enseignerles jeunes filles, douze retombèrent dans les mêmesconvulsions; et il en serait tombé davantage, si onn'eût eu la précaution de renvoyer sur-le-champchaque enfant chez ses parents. On fut obligé demultiplier les écoles. En séparant ainsi les enfants,

et ne les tenant assemblées qu'en petit nombre, troissemaines suffirent pour dissiper cette affection con-vidsive épidémique.

aJ'ai vit, dit Bertrand, une somnambule qui

annonça longtemps d'avance qu'à une époque

qu'elle fixa, elle serait forcée pendant huit joursentiers de repasser par son enfance et,, qui eneffet, quand l'époque fut venue, parut ressentir

une seconde fois, pendant cet intervalle, tout cequi l'avait frappée le plus vivement dans le coursdes premières années de sa vie. Des personnes qui

ne l'avaient pas quittée depuis son enfance étaientfrappées de la voir retracer mille circonstanceséchappées à leur souvenir. Du reste pendant tout

ce temps, la somnambuleéprouva dans son visage

dans sa manière de s'exprimer, dans ses goûtes, dans

ses penchants, toutes les modifications qui conve-naient à l'âge auquel elle se reportait; elle s'aniu-

Page 163: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

sait comme un enfant, jouait poupée. C'était

une femme de trente-deux ans, épileptique depuis

son enfance. Elle attribuait sa maladie à une vivefrayeur qu'on lui avait fait éprouver à l'âge decinq ou six ans. A cet on avait l'absurdité de lanienacer du diahle, et un jour on l'avait couchée

en lui répétant que le diable l'emporterait; on fitplus, et, pendant que la pauvre enfant restait li-vrée à ses terreurs, au milieu de l'obscuritG,' onpoussa la cruauté jusqu'à passer sous sa couvertureune main couverte d'un gant de peau avec sonpoil. On ne réussit que trop à produire sur elle

une funeste illusion et elle eut sur-le-champ uneattaque d'épilepsie. La maladie, depuis ce temps,résista à tous les remèdes. Quand la somnambulefut arrivée à l'épo'que de son enfance, où cettescène terrible pour elle s'était passée, elle en re-produisit toutes les circonstances avec la plus grandeexactitude; rien n'y manqua', pas même l'attaqued'épilepsie au moment de la grande terreur. Plu-sieurs événements qui se rapportaient peu prèsà la même époque de la vie de la malade, étaientreproduits par elle avec une telle vérité, qu'ils fai-saient la plus forte impression sur les spectateurs;car les personnes qui l'avaient élevée avaient tenuenvers elle une conduite atroce. Il n'est,pas inutilede faire remarquer que cette somnambule avait,

comme toutes les personnes épileptiques depuis

Page 164: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

leur enfance, éprouvé une grande altération dans

ses facultés intellectuelles; elle était presque idioteet certainement tout à fait incapable de rien fairedans son état ordinaire qui approchât de ce qu'ellefaisait en extase. » (Magnétisme animal. )

Nous touchons ici le fait de somnambules quiaprès avoir annoncé dans le sommeil qu'elles fe-raient telle et telle action, n'y manquent pas; et

par exemple si elles ont annoncé qu'elles ne mange-raient pas pendant un certain temps, pendant cetemps ne peuvent manger. L'état de veille nousfournit des indications dans la veille il nous ar-rive de nous proposer quelque chose à faire et del'oublier. Cependant nous avons une idée sourde

que nous oublions quelque chose, et, au milieu de

nos autres occupations, elle nous poursuit. Quel-quefois nous nous sentons tristes sans savoir pour-quoi, puis, en réfléchissant, nous retrouvons la

cause de notre tristesse, et de même pour le con-tentement. Nos impressions du sommeil se conti-nuent souvent dans la veille un songe évanouilaisse son effet dans notre âme et altère nos sen-timents du jour. Il nous est difficile de ne pas vou-loir plus de bien à une personne qui s'est repré-sentée il nous dans des rêves agréables et si aucontraire le rêvc était fâcheux, malgré l'injusticequi paraît à cela, nous avons à combattre pour nepas laisser diminuer notre bienveillance. Enfin nos

Page 165: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

impressions de la veille se prolongent dans le soin-meil, pour teindre nos rêves de leurs couleurs; etde même nos volontés persistent. Nous voulons

nous éveiller au bout d'un certain temps et nousnous éveillons nous voulons nous éveiller si un

cauchemar survient, et avec de la persévérance

nous y réussissons.Ces états de sommeil et de veille ne sont donc

pas si indépendants, si isolés qu'ils le paraissent;ils se pénètrent, ils influent l'un sur l'autre. Pour-quoi alors une forte idée prise dans le somnam-bulisme n'agirait-elle pas énergiquement sur laveille? Et il n'est pas nécessairequ'on l'ait devant les

yeux il suffit qu'elle soit au fond de l'esprit et qu'elleait porté son coup. Beaucoup de nos dispositionsbienveillantes ou malveillantes à l'égard des choses,viennent de préventions lointaines, dont nous nenous rendons pas compte a nous-mêmes. La plu-part des hommes ne découvrent jamais ces préven-tions d'autres plus pénétrants, s'y attachent et les

trouvent souvent dans des circonstances fortuitesde leur jeunesse. Il y a dans l'esprit autre chose

que la pleine lumière que la réflexion fait naître;il y a dans ses profondeurs des obscurités où .dor-ment une foule d'idées et de sentiments inexplo-rés, tout un monde nouveau à celiù-même qui le

porte.Question. S'il est vrai que des somnambules an-

Page 166: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

noncent exactement telle ou telle crise pour l'étatde veille, qu'elles feront telle ou telle action ou nela feront pas, qu'elles prendront un remède à telleheure ou ne mangeront point dans tel espace de

temps; dans quels cas n'est-ce pas un pressen-timent naturel; dans quel cas n'est-ce pas l'événe-

ment qu s'accommode à la prophétie? Le fait a-t-ilété prédit parce qu'il doit arriver, ou arrive-t-il

parce qu'il a été prédit?3° COMMUNICATION DES SYMPTÔMES DES MALADIES.

Est-il possible que les symptômes des maladies secommuniquent?Voici une anecdote de Virey « Unefemme de chambre voit le chirurgien perçant unabcès au bras de sa maîtresse elle sent au mêmeinstant une vive sensation au même lieu qui devint

tout rouge. » On ne trouve pas un grand nombred'observations pareilles; mais il y a des faits ordi-naires qui mettent sur le chemin. Nous sommes na-turcllenicntportésàimiterlesmouvements,à prendreles passions de ceux qui nous approchent. Les en-fants laissent naïvement paraître ces impressions

nous apprenons plus tard' à les dominer; maistoutes les fois que nous nous oublions, cette imi-tation revient. Les exemples abondent de ces conta-gions. Or jusdu'à, quel point peut aller ce sentiment

par contre-coup des souffrances des autres si l'on

suppose dans' celui qu'on y expose une sensibilité

nerveuse très-excitée? Il est difficile de le détermi-

Page 167: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

ner. 31"" de Séyigné écrivait à sa fille dans son ai-mable langage « J'ai mal à votre poitrine.

»Il reste

à savoir ce que physiquement il peut y avoir de vrai

en de certaines occasions dans des mots pareils.4° Subtilité des sens. Quelle peut être exactement

la subtilité des sens dans l'état normal? Cela est dif-ficile à apprécier; nos sens s'aident les uns les au-tres et se reposent les uns sur les autres du soind'informer l'esprit. Il n'y a presque pas de circon-stances où nous n'usions à la fois de la vue, del'ouïe et du toucher. Il arrive de là qu'aucun de ces

organes ne fait tout ce qu'il peut, ni ne le montre.Mais réduisez un sens à lui-même, et un homme à

un sens vous verrez quelle finesse il acquerraquelles ressources auparavant incroyables il déve-loppera. Le fait que raconte Bayle de cet aveugle

qui, au toucher, distinguait les différentes couleurs,même entremêlées, est un fait extrême mais enfinqui de nous, clairvoyants, se chargerait, les yeuxfermés, de trouver son chemin, et son chemin il.

travers les rues de Paris, comme des aveugles delongue date le font tous les jours, et comme une fois

ce Quinze-Vingt qui guidait un étranger? Dans cecas, l'ouïe, le tact et la mémoire suppléent par unehabileté nouvelle au sens éteint. Comme aussi, dansle monde, ces aveugles reconnaissent les gens etleur place au timbre de la voix, au ton de la parole,à la force du son et à sa direction Otez l'ouïe et

Page 168: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

vous serez émerveillé de la délicatesse de la vueelle lira votre pensée, elle devinera vos paroles dans

votre physionomie, dans le mouvement de vos lè-

vres. Croit-on que depuis l'imprimerie, la mémoire

en général n'ait pas perdu de sa force La foule re-tient-elle des poèmes entiers, comme dans l'anti-quité les vers d'Homère, comme chez les Indiensdes épopées de cent et de deux cent mille vers?

Même sans supposer des infirmités physiques, etlaissant l'homme toutes ses facultés, n'a-t-on pas

vu ce que peut sur elles l'exercice, l'éducation ?

Nous, civilisés, avons-nous la vue perçante ou lafine ouïe des sauvages qui devinent à des distancesénormes.leur ennemi ou leur proie?

La pénétration possible des sens dans l'état sain

est donc bien plus grande que nous ne le croyonsd'ordinaire. Supposez maintenantune affection ner-veuse, chacun de nous n'en a-t-il pas vu ou sentides effets étranges un organe distinguant tout a

coup avec une délicatesse étonnante le moindrebruit, la moindre odeur, la moindre saveur, lemoindre attouchement?Et si vous admettez un trou-ble profonddu systèmenerveux, quelque gravemala-die, comme la catalepsie, par exemple, dans cetteespèce de mort des sens, si un seul reste ouvert, pen-sez-vous que toute la sensihilité retirée du reste etportée là ne lui fera pas faire des merveilles? Dansl'hystérie, ditGeorget, les sens sont quelquefois très-

Page 169: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

irritables la vue ne peut supporter la lumière

l'ouïe le son le plus léger, l'odorat l'odeur la moins

pénétrante; la pluie, le froid ou la chaleur, les va-riations de la température; l'air chargé d'électricitéincommode toujours beaucoup les malades. » Dans

l'hypocondrie, des symptômes pareils une irrita-bilité extrême de l'ouïe, de la vue, de l'odorat, unepareille sensibilité aux variations de la températureet à l'électricité de l'air. Un médecin hypocondria-

que, cité par Villermay, rapportait qu'il lui semblaitentendre par tout le corps. Dans le somnambulismenaturel, n'est-ce pas le tact en partie qui, devenu

d'une sagacité merveilleuse, dirige les somnambules

par les toits et le long des fleuves ?

Quant au somnambulisme magnétique et à lavertu nouvelle de l'odorat qu'il développepeut-être,Deleuze, en le constatant, semble lui-même l'expli-

quer par des causes naturelles, et y voir simplement

une excitation des sens. Il parle à peu près commeCabanis qui on le sait, n'est pas un ami dumerveilleux. « II est telle substance odorante qui

conserve et répand son odeur pendant des siècles,

sans diminuer sensiblementde poids. Un grain d'am-bre placé dans un appartement le parfume pendantplusieurs années. On voit des chiens barbets allerchercher au fond de l'eau une pierre que leur maî-tre y avait jetée. Il suffit que la pierre ait été tou-chée pour qu'elle conserve encore sous l'eau des

Page 170: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

émanations sensibles à l'odorat de l'animal. Or, lesomnambule a une délicatesse de sens bien supé-rieure à celle de l'odorat du chien; et, continue-t-ilsuivant sa théorie, le fluide qui agit sur lui est bienplus subtil que ne le sont toutes les émanationsodo-

rantes. »

Question. Est-il démontré sans aucun soupçonpossible de supercherie, qu'un somnambule a vu,les paupières closes, des objets inconnus à lui etau magnétiseur? Est-il démontré que nul homme,d'aucune constitution ni dans aucun état nerveux,ne peut, ou bien suivre du doigt les traces des ca-ractères, ou bien stlivre à l'odeur un objet connu?

X.

États extraordinaires de rame exaltation des facultésintellectuetles imagination, mémoire, etc.

Exaltation ctes facultés intellectuelles. Imagina-tion. Certaines boissons excitent l'esprit. On satquel effet produit sur les Orientaux leur opium mêléde feuilles d'une sorte de chanvre. Koempfer, quiprit en Perse un bol de ces préparations, se' crutpendant plusieurs instants transporté sur les nua-ges, au milieu de l'arc-en-ciel, et ne sortit de sondélire extatique, qu'après un sommeil de quelquesheures. Le Vieux de la Montagne, par des breuva-

Page 171: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

ges pareils, montait l'imagination des jeunes gens,et leur promettait pour l'éternité les jouissances de

ces moments, s'ils exécutaient ses ordres. Le jeûneexcite aussi l'imagination. On sait que si l'on dort àjeun l'esprit est agité de rêveries car l'on a, selonl'expression commune, le cerveau creux. Les anti-.

ques sibylles avaient l'esprit exalté par les vapeursde l'antre où elles faisaient les prédictions. Chezles Mexicains, les prêtres du soleil s'étourdissaient

en se frottant d'un onguent magique d'une odeurexécrable.

Enfin, si l'on veut la recette pour aller au sab-bat, la voici; et vraiment on irait il moins. Il iautpréparer avec de vieux oing et certaines herbesmagiques, un onguent dont on se frottera les tem-

pes et les poignets. Ces plantes sont principale-ment la mandragore, la belladone, la pomme épi-

neuse (datura stramonium), la jusquiame, l'ivraie,les pavots ou l'opium, toutes herbes d'odeur et depropriétés étourdissantes, ou stupéfiantes et nar-cotiques, comme on sait; mais il serait bienmieux d'y joindre de la graisse d'enfant, ou tout

au moins de celle de pendu. (On sent quel effet

doit produire sur l'imagination ce commerce avecles cadavres.) Enfin, pour achever le mystère, encuisant cet onguent, il faut proférer certaines paro-les de consécration tirées de l'hébreu ou du chal-déen. Ce n'est pas tout il faut se préparer un ou

Page 172: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

deux jours d'avance par le jeune; puis le soir duvendredi où l'on se propose d'aller au sabbat, onmangera un gâtcau de millet noir, sans sel, ou dufromage apprêté avec des herbes telles que le coqla menthe, et, enfin, après s'être bien frotté d'on-guent devant un brasier ardent, on doit se coucheur

sur le côté gauche précisément. (Virey.)Arétée a vu des individus atteints de névrose,

devenir ingénieux et singulièrement habiles sansmaîtres, jusqu'à connaître l'astronomie, la philoso-phie, l'art poétique, que personne ne leur a jamaisenseigné, et qu'ils semblent tenir de l'inspirationdes muses. Il dit encore que leurs sens acquièrentune finesse, une délicatesse merveilleuse, et leuresprit une grande vivacité. Ils voient des imagesvoltiger devant eux. Dans la méningite, ou inflam-mation du cerveau, la raison est, selon lui, quel-quefois pleine et entière, le jugement très-net ettrès-propre à prophétiser. Le malade annonce auxassistants quand il doit mourir, et l'événement, quile justifie, les jette dans l'admiration. Bertrand avu un jeune homme qu'il aimait, donner, un peuavant sa mort, le spectacle d'un esprit singulière-ment lumineux.

Quelques hystériques sont, au milieu de leursaccidents convulsifs, dans un état fort remardua-

1. Plante corymbifère d'une odeur agréable, et qui est em-ployée en médecine.

Page 173: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

])le elles ne voient ni n'entendent, et cependantelles tiennent des propos sensés, font des observa-tions fines et judicieuses; mais bientôt déraison-nent, voient des fantômes, méconnaissent et tourà tour reconnaissent leurs parents ou leurs amis.

Le sommeil, concentrant la vie intérieure, donnequelquefois aux autres facutés une plus grandepuissance. Le célèbre Tartini, échauffé d'idées mu-sicales, s'endort; le diable lui apparaît, jouant unesonate sur le violon, et lui disant Tartini, joues-tu comme moi? Le musicien enchanté de cettedélicieuse harmonie, se réveille, se met au pian'o,

et compose sa plus belle sonate, celle du Diable.L'imagination ou la puissance de se représenter

les objets n'est pas égale en tous les hommes, et

pour juger ce que le somnambulisme magnétique

y apporte, il faut la voir là où elle est le plusgrande. Tel peintre voit une fois un paysage, unepersonne, et les porte gravés au dedans de lui, etles rend vivants sur la toile. Tel joueur d'échecs,les yeux fermés, voit à la fois trois ou quatre échi-quiers, suit les mouvements des pièces et les com-bine. Tel calculateurrapide voit dans sa tête desséries d'opérations comme il les'verrait sur un ta-bleau. Tel musicien entend intérieurement des

morceaux compliqués de musique Beethoven,sourd, composait et se répétait intérieurementd'énormes symphonies. Il ne faut donc pas prendre

Page 174: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

comme mesure de la puissance d'imaginer leschoses, la mesure commune; la faible et terneimagination de la plupart des hommes, mais leplus grand développement oû elle peut atteindredans des individus éveillés et sains.

Eveillés encore, notre imagination peut se mon-ter bien au delà de son ton ordinaire, quand elle

est excitée par quelque passion. Qui ne sait en cegenre les effets de la peur, dans l'obscurité, dansla solitude, dans un cimetière, dans une forêt? leseffets des récits extraordinaires qu'on nous a faits

ou que nous nous sommes faits à nous-mêmes?Hoffmann, le conteur fantastique, se dressait lanuit sur son séant, croyant voir le diable. On a lui

le passage si curieux d'Augustin Thierry ou l'au-teur raconte qu'assis devant 'les livres d'une biblio-thèque, il voyait se dresser et se mouvoir devantlui les personnages que son esprit avait animés.Le soir, dans les ténèbres, avant de nous endor-mir, il est étonnant combien d'images passent de-vant nos yeux, et souvent avec une vivacité fati-

gante. Il y a des breuvages qui donnent des visions;et on connaît les hallucinations, ces spectaclesimaginaires qu'un homme voit les yeux ouverts etne peut s'empêcher de voir, alors même qu'il lesjuge imaginaires; ces scènes, ces discours, cesodeurs, ces saveurs chimériques dont nos sensfont tous les frais. Qmnt aux songes, tout le

Page 175: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

monde les connaît, et la netteté de leurs représen-tations, l'entière illusion qu'elles produisent. Caha-

cun n'a qu'à se rappeler ses propres souvenirs.Le somnambulisme est plus rare et plus curieux

il montre une singulière force de l'imagination

qui se représente les lieux habituels et permet ausomnambule de s'y mouvoir comme s'il les voyait,

sans compter ce que l'invention y ajoute. Citons-en

quelques exemples après la grande Encyclopédie

et plusieurs médecins.Voici d'abord le fait cité par l'auteur de l'article

Somnambulisme de l'Encyclopédie

« M. l'archevêque de Bordeaux m'a racontéqu'étant au séminaire, il avait rencontré un jeuneecclésiastique somnambule. Curieux de connaîtrela nature de cette maladie, il allait tous les soirsdans sa chambre, dès qu'il était endormi. Il vit,

entre autres choses, que cet ecclésiastique se levait,prenait du papier, composait et écrivait des ser-mons. Lorsqu'il avait fini une page, il la relisait

tout haut d'un bout à l'autre (si on peut appelerlire cette action faite sans le secours des yeux). Si

quelque chose alors lui déplaisait, il le retranchaitet écrivait par-dessus les corrections avec beaucoupde justesse. J'ai vu le commencement d'un de sessermons qu'il avait écrit en dormant il m'a paruassez bien fait et correctement écrit; mais il yavait une correction surprenante ayant mis dans

Page 176: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

un endroit ce divin enfants, il crut, en le relisant,devoir substituer le mot adorable à divin; pourcela, il vit que le ce, bien placé devant divin, nepouvait aller avec adorable; il ajouta donc fortadroitement un t à côté des lettres précédentes,de sorte qu'on lisait cet adorable enfants. La mêmepersonne, témoin oculaire de ces faits, pour s'as-

surer s'il faisait usage de ses yeux, mit un cartonsous son menton, de façon à lui dérober la vuedu papier qui était sur la table; mais il continuaà écrire sans s'en apercevoir. Voulant ensuite con-naître à quoi il jugeait la présence des objets quiétaient sous ses yeux, il lui ôta le papier sur lequelil écrivait, et en substitua plusieurs autres à diffé-

rentes reprises; mais il s'en aperçut toujours,parce qu'ils étaient d'une inégale grandeur; carqnand on trouva un papier parfaitement sembla-ble, il le prit pour le sien, et écrivit les correc-tions aux endroits correspondants à celui qu'onlui avait ôté. C'est par ce stratagème ingénieuxqu'on est venu à bout de ramasser quelques-unsde ses écrits nocturnes. M. l'archevêque de, Bor-deaux a eu la bonté de me les communiquer. Ce

que j'ai vu de plus étonnant, c'est de la musiquefaite assez exactement; une canne lui servait derègle; il traçait avec elle, à distance égale, lescinq lignes, mettait a leur place la clef, les bé-mols, les dièses; ensuite il marquait les notes,

Page 177: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

qu'il faisait d'abord toutes Manches; et quand ilavait fini, il rendait noires celles qui devaientl'ètre les paroles étaient écrites au-dessous illui arriva une fois de les écrire en trop gros ca-ractères, de façon qu'elles n'étaient pas placéesdirectement sous leurs notes correspondantes. Il

ne tarda pas à s'apercevoir de son erreur; et pourla réparer, il effaça ce qu'il venait de faire enpassant la main par-dessus, et refit plus bas cetteligne de musique, avec toute la précision pos-sible.

Il s'imaaina une mut, au milieu de l'hiver,

se promener au bord d'une rivière, et voir tom-ber un enfant qui se noyait; la rigueur du froid

ne l'empêcha pas de l'aller secourir. Il se jeta en-suite sur son lit, dans la posture d'un homme qui

nage. Il en imita tous les mouvements; et aprèss'être fatigué quelque temps il cet exercice, il sent

au coin de son lit un paquet de la couverture, croit

que c'est l'enfant, le prend avec une main, et sesert de l'autre pour revenir, en nageant, au hordde la prétendue rivière il y pose son paquet et sorten frissonnant et claquant des dents comme si eneffet il sortait d'une rivière glacée. Il dit aux assis-

tants qu'il gèle et qu'il va mourir de froid, quetout son sang est blacé il demande un verre d'eau-de-vie pour se réchauffer; n'en ayant pas, on lui

donne de l'eau qui se trouvait dans la chambre;

Page 178: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

il en goûte, reconnaît la tromperie, et demande

encore plus vivement de l'eau-de-vie, exposant lagrandeur du péril qu'il courait. On lui apporte unverre de -liqueur; il le prend avec plaisir, et dit enressentir beaucoup de soulagement. Cependant ilne s'éveille point, se couche, et continue de dormirplus tranquillement.

"Notez que lorsqu'il composait ses sermons ilvoyait bien son papier, son encre, sa plume, sa-vait bien distinguer si elle marquait ou non il neprenait jamais le poudrier pour l'encrier, et, dureste, il ne se doutait pas même qu'il y eût quel-qu'un dans la chambre, ne voyant et n'entendantpersonne, à moins qu'il ne les interrogeât; il luiarrivait quelquefois de demander des dragées à

ceux qui se trouvaient à côté de lui; et il les trou-vait fort bonnes quand on les lui donnait; et si

dans un autre temps on lui en mettait dans labouche, sans que son imagination fut montée de cecôté-là, il n'y trouvait aucun goût et les rejetait.

Bertrand rapporte les faits suivants Gassendiavait à son service un jeune homme qui se levaittoutes les mûts, descendait à la cave et tirait duvin d'un tonneau; souvent il sortait de la maisonet marchait dans les rues au milieu de la nuit,quelquefois même il se promenait dans la campa-

gne, et montait sur des échasses pour traverser untorrent qui entourait la ville; quand il. venait à

Page 179: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

sortir de son sommeil après l'avoir traversé, iln'osait plus faire la même chose éveillé, pour re-venir chez lui. Gassendi ajoute que quand il luiarrivait ainsi de s'éveiller au milieu de ses courses,il se trouvait tout il coup plongé dans les ténèbresau moment où il ouvrait les yeux mais commeil avait la faculté particulière de se souvenir, auréveil, de tout ce qui s'était passé pendant sonsommeil, sachant le lieu où il se trouvait, il re-gagnait son lit en tàtonnant, de sorte que l'obscu-rité qui s'opposait à l'exercice de sa vue dans l'étatde veille, n'était plus pour lui un obstacle dansl'état de somnambulisme. Le nouveau mode de vi-sion dont il jouissait était-il donc 'tout à fait indé-pendant de la lumière? Un fait consigné dans lamême observation pourrait faire soupçonner lecontraire. Il est rapporté que souvent, trouvantqu'il n'y voyait pas assez, il lui arrivait d'allumerde la chandelle pour s'éclairer; mais il ne faudraitpas se presser d'en conclure que c'était réellementla lumière qui servait il lui faire apercevoir plusdistinctement les objets; et quand on réfléchira augrand pouvoir qu'exerce l'imagination sur les im-pressions des somnambules, on concevra qu'il suf'-lisait que celui-ci fut persuadé qu'en allumant lachandelle, il avait écarté l'obstacle qui s'opposaità ce qu'il vît, pour qu'il y vît mieux en effet. (DuSomnambulisme. )

Page 180: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

Le somnambule Negretti trouvant, une nuit,qu'il n'y voyait pas assez clair, se saisit d'une bou-teille qu'il trouva suc la cheminée; et croyant tenird'ans sa main un chandelier portant une chandelleallumée, il ne cessa de s'éclairer de cette lumièreimaginaire.

Un soir, le somnambule Castelli fut surpris aumoment oit il s'occupait de traduire de l'italien enfrançais; il cherchait ses mots dans un diction-

naire comme il l'aurait pu faire éveillé, et parlais-

sait se servir d'une lmnière placée auprès de lui

ceux qui l'observaient éteignirent la lumière, etaussitôt il parut se trouver dans l'obscurité; ilchercha en tâtonnant sa chandelle sur la table etfut la rallumer à la cuisine. Or, au moment où il

se croyait ainsi dans l'obscurité, il était réellementdans une chambre éclairée, mais éclairée par des

chandelle différentes de celle qu'il avait alluméeet qui ne lui servaient de rien parce qu'il ne les

savait pas là.Negretti portait un jour une planche chargée de

plusieurs carafes, et montait un escalier à deux

rampes; quand il fut a la partie la plus étroite del'escalier, il se tourna adroitement et passa la plan-che dans sa longueur sans rien renverser.

Une autre fois, voulant enlever dans une salle destoiles d'araignées qu'on lui avait dit clans la journéed'ôter, il alla prendre un balai qu'il emmancha à

Page 181: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

une longue perche et qu'il y attacha solidement avectme corde. En montant l'escalier, il se trouva quela perche ne put passer à cause de sa longueur. Quefit donc le somnambule ? Il ouvrit une fenêtre quidonnait du jour à l'escalier, fit sortir de la perche

ce qui était nécessaire pour pouvoir la faire monter,après quoi il vint refermer la fenêtre et n'omit riende ce qui lui avait été ordonné.

Il s'imagina un soir qu'il devait aller éclairer le

carrosse de son maître; en conséquence, il prit unetorche éteinte et sortit seul dans la rue, persuadé

que la voiture le suivait; à chaque carrefour, il s'ar-rêtait quelques instants pour donner au carrosse le

temps de s'approcher, et quand il croyait avoir en-tendu l'ordre de suivre une certaine direction, il laprenait aussitôt.

Tous les somnambules n'ont pas besoin de lui..

mure pour voir pendant leur sommeil. « J'ai ob-servé, dit Bertrand, une jeune personne de dix-

huit à vingt ans atteinte de somnambulisme essen-tiel, mais dont un magnétiseur s'était emparé enrappelant pendant le jour les accès au moyen de

ses procédés. Cette jeune personne, très-bien éle-vée et d'une famille honnête, aimait à donner desconsultations aux malades, et elle écrivait elle-même ses ordonnances en somnambulisme, maiselle n'avait 1a faculté d'écrire que pendant ses ac-cès c1e nuit. Elle se levait alors et écrivait sans lu-

Page 182: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

mièrc. Ce qu'il y a de remarquable, c'est qu'elle

ne pouvait distinguer les objets qu'autant qu'elle

se trouvait dans l'obscurité la plus entière. Lamoindre lumière, celle de la lune pénétrant autravers des jalousies, celle d'un tison mal" éteintdans la cheminée, suffisait pour mettre un ob-stacle à sa vision. Elle disait que ce soleil la gênaitet l'empêchait de voir. Ses parents m'ont montreplusieurs ordonnances qu'elle avait écrites ainsi

au milieu de la nuit la plus profonde. Elles étaientcorrectement tracées, et leur contenu paraissait

assez en rapport avec les maladies des personnesauxquelles elle les prescrivait. Je l'ai vue, dans sonsomnambulisme artificiel, marcher les yeux fer-tués dans une chambre qu'elle ne connaissait pas,éviter les meubles et les chaises qui se trouvaient

sur son passage, beaucoup plus facilement quen'aurait pu le faire une personne éveillée qui nese serait pas servie de ses yeux. »

Divers médecins rapportent ce qui suit Unenuit, un jeune homme se lève tout endormi,s'habille, met ses brodequins et ses éperons; puismontre sur sa croisée et là, se croyant à cheval,il pique des deux. A son réveil, il fut très-effrayédu danger qu'il avait couru.

Un enfant, chaque jour occupé à sonner lescloches d'une égalise, se croyant la nuit au milieude ses camarades, leur propose de monter au clo-

Page 183: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

cher, sort de sa chambre, puis y rentre et imiteles mouvements d'un sonneur de cloches.

Un ouvrier ébéniste, sous un maître violent, de-vient somnambule. Dans ses accès il était fu-rieux, il fallait quatre personnes vigoureuses pourle tenir; il s'imagine qu'il se bat avec son maîtrc.Plus calme, il chantait ou s'occupait d'affaires de

commerce avec toute la sagacité d'un hommeéveillé.

Tissot nous a transmis le fait d'un étudiant enmédecine, qui se levait toutes les nuits pour tra-vailler, puis se recouchait sans se réveiller. Unjeune militaire d'un caractère tressai, s'amuse

un soir avec ses camarades du simulacre d'uncombat, puis soupe copieusement. Après un pre-mier somme, il se lève encore tout endormi, si-

mule, avec ses bras, une défense vigoureusefranchit une porte et revient tout en suceur. Les

yeux étaient ouverts, mais il ne voyait pas; le len-demain il ne conservait aucun souvenir de sonessai. Une autre fois, il prend la fenêtre pour làporte et se précipite dans la nie.

On a conservé l'histoire d'Lm autre accident decette sorte. Quelques somnambules ont été réveil-lés au début de leur accès parce qu'on avait placé

au bas de leur lit une baignoire où ils descen-tlaient quand ils voulaient se lever.

Bertrand a conservé une histoire de somnambu-

Page 184: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

lisme' où la représentation des objets habituels etd'objets imaginaires est singulièrement mêlée. J'ai

vu une jeune, personne somnambule spontanée,mais dont on était parvenu à provoquer les accès

au moyen des procédés magnétiques, offrir plu-sieurs exemples de ces erreurs de l'imagination.Les visions chez elle n'étaient pas continuelles;mais elles venaient souvent se mêler l'état decalme le plus parfait. Un jour elle était endormie

au milieu d'un salon, dans lequel se trouvaient unassez grand nombre de personnes avec lesquelleselle parlait tranquillement des choses les moins pro-pres à effrayer. Quoiqu'elle eût les yeux fermés, etqu'elle ne connut pas la chambre dans laquelle elle

se trouvait, elle y marchait tranquillement, évitant

assez bien les meubles et les chaises qui se trou-vaient sur son passage. Tout à coup elle cessa derépondre, elle s'arrêta, et sa physionomie prit uneexpression de terreur tout son corps tremblait

ses bras étaient étendus comme pour écarter unfantôme et elle s'écria avec l'accent de l'émotionla plus vive La voilà! La voilà! Voilà aussi le

pauvre M* -Le magnétiseur faisait tout son pos-sible pour la calmer; il y parvint enfin, en l'assu-

rant qu'il n'y avait rien dans la chambre de cequ'elle croyait y voir mais ce ne fut pas sans beau-

coup de peine, et elle resta longtemps émue dé lavision des spectres; car les deux personnes dont

Page 185: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

h vue l'avait frappée étaient mortes depuis long-

temps. »

Mémoire. M. Morcau, de la Sarthe, racontedans l'article ntédecine mentale de l'Encyclopédieméthodique, qu'il a traité un enfant de douze ansqui n'avait jamais eu connaissance que des pre-miers éléments de la langue latine, et qui, dansles accès, d'une fièvre maligne, se mit à parlercette langue avec une pureté et une élégancequ'on ne pourrait remarquer que dans ceux quiseraient le plus versés dans sa pratique. Toutesles facultés intellectuelles de cet enfant étaient, aurapport de l'observatcur, notablement augmentées,et il n'était pas reconnaissable, tant il était de-

venu capable d'exprimer avec force et éloquenceles sentiments de reconnaissance qu'il éprouvait

pour ceux qui lui donnaient des soins.

« Une somnambule, dit Bertrand, ayant ordonné

une tisane dans laquelle devaient entrer plusieursplantes peu communes, chacun se récria sur lamerveilleuse faculté qu'avait la malade de trouverdes mots que bien certainement elle n'avait jamaisentendu prononcer; elle-même, quand elle fut

éveillée, -interrogée sur ce sujet, déclara ne riencomprendre à l'ordonnance qu'elle venait de dic-

ter. Les spectateurs étaient de plus en plus en ad-.miration, quand une dame entra, et dit qu'elle serappelait fort bien que, dans son enfance, cette

Page 186: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

somnambule, fille d'une femme qui faisatt le mé-tier d'herboriste dans les campagnes, avait cher-ché avec sa mère les plantes en question. Elleajouta qu'elle-même les avait accompagnées dansleurs recherches; mais tout cela remontait il. uneépoque si éloignée, que la somnambule pouvaitbien en avoir perdu le souvenir dans l'état deveille.

Instinct des remédes. L'instinct des remèdes estainsi restreint par M. Bertrand lui-même Nous

ne prétendons désigner par la, dit-il, qu'une ex-tension de -la faculté que nous possédons tous,même dans l'état ordinaire de santé, à un degréplus ou moins parfait, d'avoir des goûts et des pen-chants en rapport avec nos besoins, et dont tousles médecins ont observé un perfectionnement sen-sible dans plusieurs états maladifs.

»Cabanis, sur-

tout, a signalé l'existence de l'instinct des remèdes

comme un fait incontestable et dont il avait été té-moin. "J'ai vu, dit-il, des malades dont le goûtavait acquits une finesse particulière, qui désiraient

et savaient choisir les aliments et même les re-mèdes qui paraissaient leur être véritablement

utiles avec une sagacité qu'on n'observe pourl'ordinaire que dans les animaux. On en voit qui

sont dans le cas d'apercevoir dans le temps de

leurs paroxysmes, ou certaines crises qui se pré-parent et dont la terminaison prouve bientôt la

Page 187: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

justesse de leurs sensations, ou d'autres modifica-tions attestées par celles du pouls, ou des signesplus certains encore. » Et ici on rencontre encoreun vieil observateur, Aristote. a Pendant la veille,les impressions que nous recevons du dehors étanttrès-fortes, elles absorbent notre attention et nousempêchent de sentir les mouvements légers qui sepassent au de,dans de nous; pendant le sommeil,

au contraire, ces mouvements intérieurs devien-

nent sensibles. Or, les maladies, comme tous lesévénements, se préparant à l'avance par de pe-tites causes, le dérangement par lequel s'an-

nonce une maladie qui doit se développer dans lasuite est plus facilement aperçu pendant le som-meil que pendant la veille. »

Quant au don de parler des langues inconnues, il

est bon de s'entendre. Si c'est une langue quin'existe pas, cela n'est pas difficile. Si c'est une lan-

gue inaccoutumée, nous renvoyons à ce que nousdisons de la mémoire. Lc maréchal de Villars nousa conservé une assez curieuse anecdote. « Une pro-phétesse, âgée de vingt-sept à vingt-huit ans, fut ar-rêtée, il y a environ dix-huit mois, et menée devantM. d'Alais. Il l'interrogea en présence de plusieursecclésiastiques. Cette créature, après l'avoir écouté,lui répond d'un air modeste, et l'exhorte à ne plus

tourmenteur les vrais enfants de Dieu, et puis luiparle, pendant une heure de suite, une langue

Page 188: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

étrangère à laquelle il ne comprit pas un mot,comme nous avons vu. le duc de La Ferté, autrefois,quand il avait un peu bv, parler anglais; j'en ai vudire J'entends bien qu'il parle anglais, mais je necomprends pas un mot de ce qu'il dit. Cela eût étédifficile aussi à comprendre, car jamais il n'avait

su un mot d'anglais. Cette fille parlait grec, hé-breu, de même. »

XI.

Résumé.

En résumé de tous ces faits, il y a dans le corpshumain un organe infiniment mobile, délicat, ca-pricieux, puissant: les nerfs; il y a dans l'àme unefaculté aussi infiniment mobile, délicate, capri-cieuse, huissante l'imagination. Ces deux puis-

sances agissent perpétuellement l'une sur l'autre,s'exaltent l'une l'autre et se montent à un singulierdegré. Une des choses qui influent le plus éner-giqucment .sur l'imagination est l'action décidéed'une volonté étrangère accompagnée de circon-

stances étranges et de la croyance à son pouvoir,

une sorte de fascination. Le mystère fait les pro-diges et les prodiges font les prodiges.

Question. S'il est vrai que la presque totalité dessomnambules et des individus qui ont manifesté desqualités pareilles soient ou des femmes, naturels

Page 189: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

nerveuses, passionnées, impressionnables, ou desenfants faiblies et de nerfs délicats s'il est vrai queles hommes qui sont tomhés dans cet état, commeles paysans de Busancy ou les trembleurs des Cé-

vennes, aient été ou des hommes simples, faciles vimpressionner par conséquent, ou exaltés; s'il estvrai aussi, de l'aveu des magnétiseurs, que le ma-gnétisme agit surtout sur les maladies nerveuses,et que les dispositions morales ont une grandepuissance sur les nerfs où s'arrête la puissancedes nerfs et de l'imagination dans les effets attri-bues au magnétisme ?

XII.

Conclusion.

Le magnétisme animal est-il une erreur ou unevérité?

Nous avons rappelé, pour et contre, un cer-tain nombre de faits curieux qui donnent réllé-chir. Nous n'avons point prêché assez convaincuà l'avance que clacun en lisant ce livre y pren-dra uniquement ce qui va à son opinion. Que lesfaits favorables soient réellement plus forts, ilstrouvent toujours contre eux les préventions de lacritique scientifique, qui n'admet pas volontiers l'ex-'traordinaire, et l'amour-propre qui défend aux ad-

Page 190: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

versaires déclarés d'une doctrine de se rétracter.Que les faits défavorables l'emportent, nous ne som-mes pas assez naïf pour croire que nous auronscorrige personne. C'est une histoire ingénieuse,l'histoire de ce prédicateur qui parlait contre la lo-terie

«Parce qu'on aura rùvc, disait-il, trois nu-

méros (et`il les nommait), on prive sa famille dunécessaire et les pauvres de leur part pour mettreà la loterie. Au sortir du sermon, une bonnefemme s'approche de lui « Mon père, dit-elle, j'aientendu les deux premiers numéros, quel est doncle troisième? Au surplus c'est exactement ce quiarriva àThiers, à propos de son limité- des super-stitions, II avait, dans la première édition, souventretranché des remèdes superstitieux qu'il combat-tait certaines désignations essentielles. Dans l'édi-tion suivante, il cüsait « Cette précaution n'a pascrnpécln que la première fois que ce traité a vu lejour, on ne m'ait acetlsé d'avoir fait plus de super-stitieux que je n'en ai converti et désabusé, et d'avoirappris à bien des gens beaucoup de superstitionsqu'ils ne savaient pas, et qu'il ne tient maintenantqu'à eux de mettre en usage 'depuis les leçons queje leur ai données. »

L'esprit humain doit se délier de lui-même, de

ses ambitions et de ses impatiences. Il désire na-turellement supprimer ce qui le gêne, l'espace, letemps, les obstacles de toute espèce connaître ce

Page 191: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

qui se passera dans l'avenir, connaitre ce qui se

passe, en un moment, hors de la portée de savue, par tout le globe, pénétrer les corps qui luidérobent ce qu'ils renferment, ces chairs quicouvrent les organes, cette terre qui cache les

sources et les métaux; supprimer, dans les mala-dies et les jugements, la longueur et l'incertitudedes remèdes et des informations. Ce désir est onne peut plus légitime, car l'homme n'est pas fait

pour de petites choses. Chaque jour, la science etl'industrie accomplissent en quelque partie cesvœux. La vapeur, l'électricité, les machines sup-priment tous les jours un peu plus du temps, del'espace et de la peine; la médecine reconnaît àdes signes extérieurs l'état des organes intérieurs,et fournit une sorte de clairvoyance; elle ne gué-rit pas toutes les maladies, mais elle en guéritou atténue un grand nombre, et fait sans doutedes progrès. L'observation de la physionomie et dulangage décèle les pensées. Le bon sens et la pé-nétration appliqués aux procès découvrent, dans lerapprochementdes circonstances, les indicesdes faitsessentiels. La géologie enseigne la constitution in-terne du sol, et, secondée par des observationslocales, indique sûrement en bien des rencontresles sources cachées. Enfin la raison calcule dans unefoule de circonstances les chancesdes événements fu-turs, et souvent prévoit avec une justesse admirable.

Page 192: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

Voila ce que fait la science avouée elle estmodeste, même dans ses jours de grandes espé-rances, car elle sait d'où elle est partie, combienelle a travaille pour faire le chemin qu'elle a faïtet combien il lui reste de chemin à l'aire encore;elle sait même, elle sait très-bien qu'elle n'arri-vera jamais a supprimer tous les obstacles que,si dans l'industrie elle réduit le temps, il resteratoujours un peu de temps si elle réduit l'espace,il restera toujours un peu d'espace; que, si dansles informations du passé, les observations duprésent et les calculs de l'avenir, elle réduit lesChances d'erreur, il restera toujours quelquechance d'erreur.

Pendant que la science des savants travailleainsi, il y a à toutes les époques une science oc-culte qui la méprise et vise plus haut elle prenden pitié la raison qui rampe; elle, elle veut voler.Elle prétend que tous les obstacles tombent parenchantement elle voit d'm coup d'œil le passé leprésent et l'avenir, la surface et les entrailles descorps vivants et de la terre, et les pensées au fondde l'esprit; elle voit les crimes, les maladies et lesremèdes, et cela non pas par des lueurs, commefait la plus claire science humaine, mais dans lapleine lumière, à la façon de Dieu. Est-elle cequ'elle dit? Nous le désirons de tout notre cœur.Nous tenons à savoir, à pouvoir, et ne tenons pas

Page 193: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

le moins du monde à travailler. Nous aimonsmieux savoir infiniment et pouvoir infiniment avecinfiniment peu de peine, que de prendre tant depeine pour savoir et pouvoir si peu. Mais si cequ'on nous donne n'était qu'illusion; s'il en étaitde cette fortune comme de ces belles pièces d'orque, selon la légende du moyen Age, le diabledonnait à ses favoris, et qui, entre leurs mains sechangeaient en feulles sèches, comme il vaudraitmieux une obole de cuivre que cet or-là, il vau-drait mieux aussi pour l'esprit humain sa pauvrefortune au soleil, que tons les trésors des rêves.

FIN.

Page 194: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

TABLE.

PREMIERE PARTIE.

lliSTOlRE.

I. Mesmer. Ses commencementsen Allemagne. Thèse sur l'in-fluencedes planètes. .«encontre avec le P. Hell, avec Cassner. 1

Il. Mesmer à Taris. mémoiressur la découverte du magnétisme.La baquet de Mesmer. La Harpe au baquet; Mesmer chez

d'llolb:ich. Le temps favorable an magnétisme 5III. Premières relations avec les corps savants avec l'Académie des

sciences, la Société royale de médecine, la Faculv de médecine.Mesmer menace de quitter la France. Offres que lui fait

le gouvernement, refusées. il se rend àSpa 13IV. Deslon demande une enquête à la Faculté. -Souscription pour

rappeler Mesmer.– il revientet fait un cours. Société de l'iiar-monie. Discussions d'intérêt avec ses élèves, Irritation de laFaculté contre les membres mosmérites formulaire, radiations.

Mesmériennes et deslonicnnes. Controverses dans leslivres. 1V. Le gouvernement nomme des commissions pour examiner le ma-

gnétisme (t784): commission de la Société royale, commissionde la Faculté et de l'académie des sciences. Rapport public dela dernière commission (Bailly). Rapport secret. Rapport dela Société royale, Rapport particulier de Laurent de essieu.Mesmer retourne en AElemagne. 21

VI. Défaite dn mesmérisme Paris. Vaudevilles. Mort intem-pestive d'un défenseur. Amis maladroits. Epigrammcs 29

VII. Le magnétisme en province. Découverte du somnambulismepar le marquis de Puységur. Magnétismespiritualiste le culte-valier ISarbarin l'abbé Faria. Les cataleptiques de Pététin.Transformation du mesmérisme. Progrès des Sociétésde l'Har-monie Lyon, Bordeaux, Rayonne, Strasbourg, etc' 33

VIII. Dernière apparition de Mesmer jugement et explication dusomnambulisme, Derniers écrits 40

IX. Uésurreetion du magnétisme histoire critique de Dclenzc(1813),- Procédés pour magnétiseur. Caractères du sonnam-bulisme. Cours public du docteur Bertrand.-Expériences dans

Page 195: Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot/12148/bpt6k2038347.pdfBersot, Ernest (1816-1880). Mesmer et le magnétisme animal / par Ernest Bersot. 1853. 1/ Les contenus accessibles

les hôpitaux de Paris (M. Dupotet). Enquête demandée à l'Aca-démie de médecine par le docteur Foissac 41

X. Première commission nommée par l'Académie de médecine.-Le rapport de 81. Husson conclut à l'examen. Deuxième com-mission d'examen (1820). Rapport de M. Husson ( 1831) 52

NI. Nouvelle enquête, demandée par le docteur Berna à l'Académiede médecine. Rapport de hl, Dubois, d'Amiens (1837). Pro-testation du docteur Berna. Répliqueau rapportpar nI. Husson. 61

XII. Prix proposé par le docteur Burdin. Le docteur Pigeaire etsa fille.- Succès dans les réunions particulières, Il ue s'entendpas avec l'Académie. Fin des relationsdu magnétisme avec l'A-cadémie de médecine 64

DEUXIÈME PARTIE.

QUESTIONS ET DOUTES SUR LE MAGNÉTISME ANIMAL.

1. Histoires semblables aux histoires du magnétisme, PossédéesdeLoudun 7t

Ili TrembleursdeCévennes 78III. Convulsionnaires de Saint-Mcdard 81IV. Exorcismes de Gassner. Attouchements de Greatrakes.

Aimants du P. Hell. Traitementmétallique de Perkins 88V. Divers jugements de ces faits. Quelques-uns les nient.- Deleuze

les explique par le magnétisme. Le docteur .Bertrand parl'extase. Le docteur Dupau par les affections nerveuses. 94

VI. Conditions pour croire aux faits.-Faits certifiés, incroyables. 105VII. Explicationdes faits l'existence du fluide magnétique est-elledémontrée? 132VIII. Puissance des causes naturelles tempérament, exercice, ma-

ladies, agents physiques, sommeil, état moral, imagination. 136

IX. États extraordinaires du corps i° insensibilitéfort extraordi-naire, résistance à la destruction; 2° maladies, guérisons arbi-traires 3- communication des symptômes des maladies; 4" subti-lité dessens. 137

X. États extraordinaires de l'àme exaltation des facultés intel-lectuelles imagination, mémoire,etc 167

XI.ltésumé 185

XII. Conclusion 186

FIN.

DE L'IMPRIMERIE DG Ctl. LAHURE (ANCIENNE MAISOM CHAPELET)

de Yaugirard, 9, près de l'Odcon,