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1 Variabilité, limite, stabilité dans les mesures et le retraitement du cuivre en milieu aqueux. Bérut Antoine - Juin 2008 Introduction : Le cuivre est l’élément 29 de la classification périodique. C’est un métal lourd, rougeâtre, relativement mou, ductile. C’est le seul métal coloré avec l’or. Configuration électronique dans l’état fondamental : 1s 2 2s 2 2p 6 3s 2 3p 6 4s 1 3d 10 Masse volumique : 8960 kg.m -3 T fusion : 1083,4 °C T ébullition : 2595 °C Rayon atomique dans le rayon cristallin (de structure principale CFC) : 0,1278 nm La surface en contact avec l’air sec s’oxyde lentement en Cu 2 O (oxyde cuivreux) qui recouvre alors le métal et empêche l’oxydation de se poursuivre (passivation). Avec de l’air humide peut se former une couche protectrice verte (patine ou vert-de-gris). C’est un métal semi-noble, il est notamment utilisé pour la fabrication de canalisations d’acheminement d’eau potable. A noter qu’il est également bon conducteur (thermique et électrique) et que plus de 50% de la production mondiale (qui était d’environ 14,95 millions de tonnes en 2006, dont environ 40% provenaient du recyclage) sert dans l’électrotechnique et l’électronique. C’est également un oligo-élément essentiel pour les êtres vivants, en particulier l’homme dont les besoins chez l’adulte sont d’environ 2mg.jour -1 (pour une teneur moyenne dans le corps humain de 150g). En revanche c’est un poison à plus forte dose qui peut entraîner une saturation du foie, suivie d’une libération de cuivre dans le sang, qui entraîne une phase hémolytique (destruction prématurée des globules rouges), pouvant mener à la mort. Cependant les cas d’intoxication chez l’homme sont très rares en raison de la mauvaise saveur d’une eau trop concentrée (dès 5mg.L -1 l’eau est imbuvable) et du fait que l’ingestion de grandes quantités provoque des vomissements (une solution de sulfate de cuivre à 5% est un vomitif). Les ions Cu 2+ étant un poison violent pour les micro-organismes, ils sont utilisés comme fongicides, pesticides, voire antibactériens. On peut citer par exemple l’utilisation de la bouillie bordelaise dans le domaine viticole ou la destruction d’algues proliférant dans la Méditerranée. Pour ces raisons, les eaux fluviales ne doivent pas dépasser un certain seuil de concentration en cuivre. Le seuil pour les rejets industriels a été fixé depuis 2005 à 0,5 mg par litre d’eau déversée. En 2006 les flux industriels sont encore de 5,81 kg.jour -1 en Haute Normandie, 4,97 kg.jour -1 en Champagne-Ardenne et 2,43 kg.jour -1 dans les vallées de la Marne. On voit donc que mesurer et surtout éliminer le cuivre en milieu aqueux est un enjeu important. Reste à savoir comment cela peut être fait. On peut utiliser pour la mesure la spectrophotométrie d’absorption sans flamme, ou pour des concentrations raisonnables et des solutions ne contenant pas d’espèces colorées parasites, la spectrophotométrie d’absorption moléculaire classique (ce qui sera le cas dans les modélisations effectuées).

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Variabilité, limite, stabilité dans les mesures et le retraitement du cuivre en milieu aqueux.

Bérut Antoine - Juin 2008

Introduction : Le cuivre est l’élément 29 de la classification périodique. C’est un métal lourd, rougeâtre, relativement mou, ductile. C’est le seul métal coloré avec l’or. Configuration électronique dans l’état fondamental : 1s2 2s2 2p6 3s2 3p6 4s1 3d10 Masse volumique : 8960 kg.m-3

Tfusion : 1083,4 °C Tébullition : 2595 °C Rayon atomique dans le rayon cristallin (de structure principale CFC) : 0,1278 nm La surface en contact avec l’air sec s’oxyde lentement en Cu2O (oxyde cuivreux) qui recouvre alors le métal et empêche l’oxydation de se poursuivre (passivation). Avec de l’air humide peut se former une couche protectrice verte (patine ou vert-de-gris). C’est un métal semi-noble, il est notamment utilisé pour la fabrication de canalisations d’acheminement d’eau potable. A noter qu’il est également bon conducteur (thermique et électrique) et que plus de 50% de la production mondiale (qui était d’environ 14,95 millions de tonnes en 2006, dont environ 40% provenaient du recyclage) sert dans l’électrotechnique et l’électronique. C’est également un oligo-élément essentiel pour les êtres vivants, en particulier l’homme dont les besoins chez l’adulte sont d’environ 2mg.jour-1 (pour une teneur moyenne dans le corps humain de 150g). En revanche c’est un poison à plus forte dose qui peut entraîner une saturation du foie, suivie d’une libération de cuivre dans le sang, qui entraîne une phase hémolytique (destruction prématurée des globules rouges), pouvant mener à la mort. Cependant les cas d’intoxication chez l’homme sont très rares en raison de la mauvaise saveur d’une eau trop concentrée (dès 5mg.L-1 l’eau est imbuvable) et du fait que l’ingestion de grandes quantités provoque des vomissements (une solution de sulfate de cuivre à 5% est un vomitif). Les ions Cu2+ étant un poison violent pour les micro-organismes, ils sont utilisés comme fongicides, pesticides, voire antibactériens. On peut citer par exemple l’utilisation de la bouillie bordelaise dans le domaine viticole ou la destruction d’algues proliférant dans la Méditerranée. Pour ces raisons, les eaux fluviales ne doivent pas dépasser un certain seuil de concentration en cuivre. Le seuil pour les rejets industriels a été fixé depuis 2005 à 0,5 mg par litre d’eau déversée. En 2006 les flux industriels sont encore de 5,81 kg.jour-1 en Haute Normandie, 4,97 kg.jour-1 en Champagne-Ardenne et 2,43 kg.jour-1 dans les vallées de la Marne. On voit donc que mesurer et surtout éliminer le cuivre en milieu aqueux est un enjeu important. Reste à savoir comment cela peut être fait. On peut utiliser pour la mesure la spectrophotométrie d’absorption sans flamme, ou pour des concentrations raisonnables et des solutions ne contenant pas d’espèces colorées parasites, la spectrophotométrie d’absorption moléculaire classique (ce qui sera le cas dans les modélisations effectuées).

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I) Une méthode industrielle et sa modélisation expérimentale : la précipitation par augmentation du pH.

C’est une méthode qui fut utilisée jusqu’à la fin des années 90 par le groupe KME pour sa filiale française Tréfimétaux à l’usine de Sérifontaine (Essonne), qui produit des bandes et des rouleaux en cuivre, laiton et bronze destinés aux marchés de la connectique, du matériel électrique, et de l'industrie générale.

1) La théorie.

Sur le diagramme potentiel pH du cuivre, (tracé ci-dessous pour une concentration de 1,0.10-2 mol.L-1 en élément cuivre dissous), on voit qu’une augmentation du pH entraîne la précipitation du cuivre sous forme Cu(OH)2 qui est un solide, donc filtrable.

Données thermiques à 298K (tirées de l’usuel de chimie minérale) : Cu(OH)2(s) Cu2+

(aq) + 2 HO- (aq) pKs = 18,5. ½ Cu2O(s) + ½ H2O Cu2+

(aq) + OH-(aq) pKs = 14.

E°(Cu/Cu+) = 0,51 V E°(Cu+/Cu2+) = 0,17 V

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Cette précipitation est réalisée par ajout d’eau de chaux Ca(OH)2, car les rendements sont meilleurs qu’avec la soude Na(OH), suivie d’une floculation et d’une filtration sur du sable, comme indiqué sur le schéma logique simplifié réalisé à partir de celui fourni par l’entreprise.

Données thermodynamiques à 298 K : Ca2+

(aq) + 2 H2O Ca(OH)+(aq) + H3O

+(aq) pKa= 12,7

(pKb = 1,3) Ca(OH)+(aq) + 2 H2O Ca(OH)2(s) + H3O

+(aq) pKa = 11,6

(pKb = 2,4)

2) La modélisation expérimentale. Pour modéliser ce procédé, le protocole suivant a été réalisé : • Une courbe d’étalonnage est réalisée au préalable pour permettre des mesures de concentration par spectrophotométrie. L’absorbance maximale est obtenue pour une longueur d’onde de 809 nm avec une solution de Cu(NO3)2 à 10-2 mol.L-1. On obtient la régression linéaire suivante à l’aide des mesures d’absorbance de solutions de concentration connues, formées par dilution d’une solution mère à 0,1 mol.L-1. A = a[C]+b où Avec A l’absorbance, [C] la concentration et un coefficient de corrélation 0,99996.

a = 12,1822 L.mol-1

b = 3,75150.10-3

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• À 100 mL de Cu(NO3)2(aq) à 0,1 mol.L-1 sont ajoutés100 mL de Ca(OH)2(aq). La solution est filtrée sur verre fritté pour récupérer une pâte de Cu(OH)2(s) hydraté. Une solution fille est ainsi récupérée et son absorbance mesurée. L’opération est réitérée avec la solution fille venant de la filtration précédente, et encore une fois avec la solution petite-fille ainsi formée. A chaque fois les résidus de filtration sont conservés séparément, et l’absorbance de chaque solution est mesurée. Les résidus solides sont ensuite grillés à 400°C pendant deux heures dans un four, pour former CuO(s), puis sont pesés. Les résultats obtenus sont les suivants : Solution 1 (mère)

Solution 2 (fille)

Solution 3 (petite-fille)

Résidu 1 Résidu 2 Résidu 3

Volume : 200 mL 300mL 400mL Absorbance : Masse pesée : 0,480 0,191 0,035 0,18 g 0,19g 0,21g Concentration correspondante : Nombre de moles correspondant : 0,039 mol.L-1 0,015 mol.L-1 0,0026 mol.L-1 2,3.10-3 2,4.10-3 2,6.10-3

Nombre de moles initial : 10.10-3 7,8.10-3 4,6.10-3

Nombre de moles final : 7,8.10-3 4,6.0-3 1,0.10-3

Nombre de moles éliminées : Nombre moles éliminées :

2,2.10-3 3,2.10-3 3,6.10-3 2,3.10-3 2,4.10-3 2,6.10-3

Pourcentage d’élimination (pour l’étape) Pourcentage d’élimination (pour l’étape) 22% 41% 78% 23% 31% 49% Pourcentage d’élimination (total) Pourcentage d’élimination (total) 22% 54% 90% 23% 47% 76%

Donnée : MCuO = 79,55 g.mol-1 On constate un écart notable entre les résultats obtenus par spectrophotométrie et ceux obtenus par pesée, bien qu’ils soient cohérents entre eux. Cela peut s’expliquer par la difficulté de récupération des précipités dans l’entonnoir en verre fritté, et l’imprécision des mesures. On accordera a priori une plus grande confiance aux mesures d’absorbance. Dans tous les cas, on constate un excellent rendement pour un nombre relativement restreint d’opérations. Cependant, le cuivre ne peut être ainsi récupéré, et il faut ensuite se débarrasser des solides récupérés. Remarques : L’utilisation de Cu(NO3)2 ici, au lieu de Cu(SO4) s’explique par l’existence de Cu4(OH)6SO4 (brochantite) et Cu3(OH)4SO4 (antlérite) qui auraient pu perturber l’expérience. Pour le spectrophotomètre le blanc a été fait avec une solution d’eau de chaux, qui a tendance à se troubler au contact prolongé de l’air, apportant de légères corrections.

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II) Une méthode possible : l’osmose inverse. C’est une méthode a priori envisageable, puisqu’on sait qu’elle est utilisée, entre autres, pour le dessalement l’eau de mer, bien qu’aucune entreprise ayant bien voulu me répondre ne semble l’avoir utilisée. D’autre part, elle ne nécessite pas de précipitation du cuivre sous une forme quelconque, et peut donc être suivie d’une méthode de récupération du métal.

1) La théorie. Le principe de l’osmose :

Avant l’équilibre : Compartiment A : µ1A = µ1*

P° Compartiment B : µ1B = µ1*

P° + RT.ln(x1) (où x1 est la fraction molaire en 1 dans le compartiment B) Or 0 < x1 < 1 donc µ1B < µ1A On a donc déséquilibre entre les deux compartiments, la migration se faisant dans le sens des potentiels décroissants, du solvant 1 passe de A vers B, jusqu’à création d’un nouvel état d’équilibre avec une surpression P°+ Π dans le compartiment B. (et alors µ1B = µ1A soit : µ1*

P°+ Π + RN.ln(x1) = µ1* P° ).

A l’équilibre : Comme dµ1/dP = Vm1 (volume molaire de 1) et que dµ1 ≈ µ1*

P°+ Π - µ1*

P° = - RT.ln(x1) et que dP ≈ Π car Π << P° On a : Π.Vm1 = - RT.ln(x1) = - RT.ln(1-x2) ≈ RT.x2

(en faisant un développement limité) Puis comme x2 = n2/(n1+n2) ≈ n2/n1 (car n1 >> n2) et que Vm1.n1 ≈ Vtot (le volume total dans B). On tire : Π.Vtot = RT.n2

(où n2 est le nombre de moles de 2 dans B).

Lorsque deux compartiment (notés A et B), l’un contenant une solution de 1 pure et l’autre contenant une solution de 1 contenant du 2 dilué sont séparées par une membrane perméable uniquement au passage de 1, on a un déséquilibre de potentiel chimique. On a donc évolution du système, avec migration des espèces selon les potentiels décroissants, jusqu’à un nouvel état d’équilibre, dans lequel B aura une surpression Π.

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On obtient ainsi : Réciproquement, on peut en imposant une surpression au dessus du compartiment B, forcer le passage de 1 vers la solution ne contenant que du 1 pur, on concentre ainsi la solution B en 2, et on récupère du 1 pur en A. C’est ce qui nous intéresse ici, puisqu’on veut récupérer de l’eau « pure », à partir d’eau contenant du cuivre.

2) La modélisation expérimentale. Disposant d’une pompe osmotique au lycée, le montage suivant a été réalisé (le passage continu de la solution dans le circuit étant assuré par une pompe empruntée au labo de SVT) :

Il a été essayé avec des solutions de concentrations différentes (une courbe d’étalonnage du spectrophotomètre ayant été faite préalablement) : • A 10-2 mol.L-1 pas de perméat récupéré, et absorbance après passage = 0,0122 (soit pas de changement). • A 10-3 mol.L-1 présence d’un perméat d’absorbance 0,016, et la solution après passage a une absorbance de 0,018. On récupère donc dans le perméat une eau ayant perdu 11% de sa teneur en cuivre initiale. Ce n’est pas très probant, mais cela est sans doute dû à la relative faiblesse de la pompe utilisée. En théorie une telle méthode devrait fonctionner industriellement.

Π= R.T.C2

où : R la constante des gaz parfaits, T la température, C2 la concentration de 2 dans la solution en B.

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Conclusion : Nous avons vu, au travers de ces quelques recherches et tâtonnements expérimentaux, sans grande prétention, d’une part que mesurer et retraiter le cuivre en milieu aqueux est tout à fait possible, d’autre part que les méthodes utilisables peuvent être très diverses et permettent donc de s’adapter à différents cas de figure (elles présentent en effet des protocoles d’utilisation très différents qui peuvent être plus ou moins valorisables selon les situations pratiques). Outre cela, on se rend compte, qu’il est possible, sans grande difficulté, de proposer un modèle d’interprétation, certes simplifié, de phénomènes industriels relativement importants, tant sur le plan économique qu’environnemental. On constate également les limites des modélisations proposées, que ce soit au sein d’une expérience, plusieurs méthodes de mesures ne donnant pas des résultats parfaitement concordants, ou entre la théorie et la modélisation, lorsque les résultats obtenus par la modélisation ne sont pas à la hauteur des espérances théoriques. Illustrons par ailleurs la variabilité en signalant qu’il existe d’autres méthodes qui n’ont pas été détaillées ici, mais qui permettent également de récupérer le cuivre au lieu de simplement l’éliminer. On peut citer par exemple : l’électrolyse (qui sert aussi à purifier le cuivre issu de la production) ou les systèmes à résines échangeuses d’ions. Ces méthodes présentent donc un double intérêt : économique, puisqu’il n’y a plus à payer l’enfouissement des déchets et qu’on récupère du produit brut, et écologique, puisque aucun résidu n’est alors mis en décharge. Bibliographie : Ouvrages et articles : Le traitement des eaux, Raymond Desjardins, Editions de l’Ecole Polytechnique de Montréal (1997). Guide des analyses de la qualité de l’eau, Dossiers d’Experts, Techni.Cités. Encyclopedia Universalis. Atlas de la chimie, Hans Breuer, Encyclopédies d’Aujourdhui, Le Livre de Poche. Récupération des métaux lourds dans les déchets et boues issues du traitement des effluents, P. Duverneuil, Paris (Lavoisier TEC et DOC 1997). Traitement de surfaces, Epuration des eaux, SITS, Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse. Technologies propres et eau dans l’industrie, monographie réalisée ARIST/CRCI Bourgogne (2004). Le cuivre dans l’alimentation du porc : oligoélément essentiel, facteur de croissance et risque potentiel pour l’Homme et l’environnement, INRA Prod. Anim., 2002, 15 (4), 247-26. Contribution à l’étude de la dynamique et de la spéciation des contaminants, responsable A. Romana, Activité de recherche du département DEL/PC sur l’estuaire de la Seine (2002). Sites et contacts : SEDIF : Syndicat des Eaux d’Île de France (http://www.sedif.com/). SIAAP : Syndicat Interdépartemental pour l’Assainissement de l’Agglomération Parisienne (http://w1.siaap.fr). Agence de l’Eau Seine-Normandie (http://www.eau-seine-normandie.fr) DRIRE : Directions Régionales de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement (http://www.drire.gouv.fr/). Centre d’Information sur l’Eau (http://www.cieau.com/accueil.htm). KME-France(http://www.trefimetaux.com/). Contact : Jean-Pierre Gauchet. Centre d’Information du Cuivre, Laitons et Alliages (www.cuivre.org) et sa publication Le cuivre dans la construction, santé, environnement (2004). Contact : Olivier Tissot. ENSG : Ecole nationale supérieure de géologie de Nancy. Contact : Jean-Claude Samama.