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écrit par Sunwalker d'après une histoire et des personnages crées par Hideo Kojima Texte distribué gratuitement sur www.suniverse.fr Metal Gear Solid : Rise Of Outer Heaven est une oeuvre relevant de la fanfiction réalisée bénévolement. Ce texte est sous lisence Creative Commons by-nc-nd . Merci d'en respecter les règles. Metal Gear Solid et les noms qui lui sont affiliés sont des marques déposées par Konami Digital Entertainment. Aucune exploitation commerciale n’est permise sans leur autorisation. Le site www.suniverse.fr et les textes qui y sont proposés ne sont en aucun cas associés avec Konami Digital Entertainment. 1

Metal Gear Solid - Rise Of Outer Heaven - 10. Pont

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Gray Fox, le meilleur agent de l’unité FOX-HOUND est porté disparu au cours d’une mission derrière les lignes ennemies. Son dernier message fait mention d’une arme de destruction massive portant le nom de code METAL GEAR. Solid Snake, jeune recrue intégré provisoirement dans l’unité, est envoyé sur place pour secourir Fox et enquêter sur la menace supposée de cette arme.

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écrit par Sunwalkerd'après une histoire et des personnages crées par Hideo Kojima

Texte distribué gratuitement sur www.suniverse.fr

Metal Gear Solid : Rise Of Outer Heaven est une oeuvre relevant de la fanfiction réalisée bénévolement. Ce texte est sous lisence Creative Commons by-nc-nd. Merci d'en respecter les règles.

Metal Gear Solid et les noms qui lui sont affiliés sont des marques déposées par Konami Digital Entertainment. Aucune exploitation commerciale n’est permise sans leur autorisation. Le site www.suniverse.fr et les textes qui y sont proposés ne sont en aucun cas associés avec Konami Digital Entertainment.

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Les hommes en armes grimpèrent quatre à quatre les marches menant aux étages supérieurs. La sirène d'alerte résonnait dans la cage d'escalier, lorsqu'ils arrivèrent au palier suivant. Rapidement, ils prirent position devant la porte frappée du chiffre trois. L'un d'entre eux vint se placer contre le mur, près de la poignée, un autre s'agenouilla dans l'axe du battant et épaula son fusil d'assaut, alors que les deux derniers restaient en retrait.

En réponse au signe de tête que lui lança son camarade, le premier homme actionna la poignée et poussa le battant. Le suivant se releva, s'assura d'un coup d’œil que le couloir était désert, passa le seuil, puis disparut dans le passage. Les autres marchèrent dans ses pas, chacun couvrant une direction, alors qu'ils progressaient vers l'angle du mur.

L'homme de tête leva son poing pour leur intimer l'ordre de rester à leur position. Il se pencha au coin, fit quelques pas en direction de la porte du laboratoire, mit un genou à terre lorsque celle-ci s'ouvrit brusquement.

Avec calme, il aligna son viseur sur l'homme en combinaison étanche qui avançait à pas mesurés dans le couloir. Le scientifique ne sembla même pas remarquer la présence de l'homme armé qui braquait son fusil sur lui, à l'autre bout du couloir. Il était bien trop occupé à balayer le sol et les murs à l'aide d'un drôle d'appareil qui émettait des grésillements.

― On ne bouge pas ! Ordonna le mercenaire.Le scientifique sursauta et manqua d'échapper son matériel. Lentement, comme en apesanteur, il se

tourna, jusqu'à ce qu'il puisse voir celui qui l'avait interpellé, à travers la visière transparente de son casque.

― Docteur Madnar ? Demanda le mercenaire.― Vous connaissez quelqu'un d'autre qui porte ce genre d'attirail, ici ? Répliqua le scientifique d'un

ton agacé. Qu'est-ce que vous faites là, tous ?― Il y a eu une explosion, monsieur.― Je le sais bien ! J'étais en train de démonter une ogive, quand s'est arrivé. Vous comptez braquer

cette arme sur moi encore longtemps ?Le mercenaire marqua un temps d'arrêt, baissa son arme. Le compteur Geiger grésilla avec plus

d'intensité. Madnar pointa l'appareil de mesure vers le mercenaire. Les grésillements s'intensifièrent.― Il semblerait qu'il y ai eu une fuite de matériel radioactif, lança calmement Madnar. Comme

l'indique ce drôle de bruit, le couloir contient des poussières contaminées. Vous devriez évacuer les lieux, je vais m'occuper de confiner la zone, le temps de déterminer l'étendue de la fuite.

Le mercenaire bondit sur ses pieds, recula vers l'angle du mur en lançant un regard angoissé au scientifique.

― Nous sommes contaminés, s'inquiéta-t-il.Madnar avança vers lui, son compteur Geiger à la main. A la moitié du couloir, l'intensité des

grésillements commença à diminuer. Il leva les yeux sur le mercenaire.― J'ai déjà fermé les conduits de ventilation pour éviter de contaminer l'ensemble du bâtiment. Les

particules se concentrent davantage au niveau de l'accès au labo. Vous n'avez sans doute pas encore été exposés. Mais évacuez le couloir sans tarder et fermez la porte coupe-feu de la cage d'escalier !

Le mercenaire ne se le fit pas dire deux fois. Il tourna les talons et se lança à la suite de ses camarades, qui avaient déjà décampé après avoir entendu les explications du scientifique. Madnar éteignit son compteur Geiger et trottina avec difficulté jusqu'à l'angle du couloir. Il jeta un œil vers le passage emprunté par les mercenaires. Vide. Un claquement sec indiqua la fermeture de la porte coupe-feu.

Le scientifique défit les attaches de son casque, le retira et retourna vers la porte du laboratoire, en le tenant au creux de sa hanche. Lorsqu'il pénétra dans le laboratoire, il se trouva brusquement nez-à-nez avec le canon d'un silencieux... qui s'écarta immédiatement de son visage.

― Bon Dieu, Snake, ça n'est que moi !― Désolé, docteur, s'excusa Solid Snake. Votre plan a marché ?

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― Je suppose. (il jeta négligemment son compteur Geiger parmi les débris du laboratoire et commença à s'extraire de sa combinaison.) Cette vieille radio ne capte plus aucune station, depuis que je l'ai faite tombée de mon bureau. Au moins, elle aura été bonne à autre chose qu'à faire presse-papier.

Madnar jeta la combinaison par terre, lissa les faux-plis de sa blouse de laborantin. La sirène cessa de hurler dans les haut-parleurs et une voix prit le relais :

― A l'attention de l'ensemble du personnel du Bâtiment A. Une fuite d'élément radioactifs a été détectée au niveau trois. Les personnes compétentes sont en train de sécuriser la zone. D'ici là, il est absolument interdit d'accéder à ce niveau. Je répète, le niveau trois est placé sous quarantaine, jusqu'à nouvel ordre.

― On dirait bien qu'ils ont tout gobé, lança Madnar.― OK. Et comment on sort d'ici maintenant que tout est verrouillé ?Des coups de feux claquèrent dans l'air. Le son était étouffé mais tout proche. Snake leva la main

pour intimer à Madnar de garder le silence. Il tourna la tête, essayant de localiser l'origine des tirs.― Il y a une fusillade tout près. A l'étage juste en dessous, je dirais, dit-il, après s'être accroupis.Les haut-parleurs sifflèrent un instant puis la voix reprit :― Évasion au niveau deux. Renforts immédiats demandés !― C'est peut-être Marv, dit Madnar. Il y a quelques jours j'ai entendu dire qu'ils déplaçaient des

prisonniers vers les cellules du deuxième étage de ce bâtiment. De toute façon, à part Marv, Zanzibar ne compte pas beaucoup d'autres otages, que je sache.

Snake écouta une nouvelle rafale de tirs.― Ils ont dû profiter de la diversion provoquée par l'explosion. On doit aider ces prisonniers.

Surtout si Marv est avec eux. Pas moyen de descendre par l'escalier. J'imagine qu'il ne serait pas très prudent non plus d'utiliser l’ascenseur, avec tous les mercenaires qui doivent essayer d'empêcher l'évasion.

L'agent de Fox-Hound s'élança vers la fenêtre. Elle était munie de barreaux en fer. Aucune chance de passer par-là non plus. Il retourna auprès de Madnar, leva les yeux vers le plafond partiellement déchiqueté par l'explosion de C4.

― Docteur, est-ce que vous connaissez un endroit tranquille à l'étage du dessous ?― Que voulez-vous dire par tranquille ?― Un endroit peu fréquenté où on pourrait débarquer sans tomber sur une armée, le pressa Snake.Le scientifique russe réfléchit quelques secondes.― Il y a bien les vestiaires. Les mercenaires n'y vont que le matin et le soir prendre et déposer leur

équipement. (il jeta un œil à sa montre-bracelet.) Il n'est pas trop tard. Ça devrait encore être désert à cette heure-là.

― OK, ça fera l'affaire. Suivez-moi.Son pistolet à la main, Snake quitta le laboratoire en courant et s'élança dans le couloir, Madnar sur

ses talons. Il tourna au coin du mur et fonça à travers le passage tout en regardant partout autour de lui.― Vous cherchez quelque chose, Snake ?Ce dernier s'arrêta juste en face de la porte menant à la cage d'escalier et arracha le panneau fixé au

mur.― Je cherchais ça.― Un plan d'évacuation ?― Vous pouvez localiser le vestiaire sur ce plan ?― On ne voit que le troisième étage là-dessus, comment voulez-vous que j'y trouve ce qui est à

l'étage du dessous ?― Vous connaissez l'agencement des pièces du bâtiment, contrairement à moi. Grossièrement, vous

devriez bien avoir une idée.Madnar lança un regard dubitatif à Snake, mais lui prit néanmoins le plan des mains. Il tourna sur

place afin d'orienter correctement la carte, puis, après quelques instants d'hésitation, posa son index sur le plan.

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― Nous sommes ici. L’ascenseur est là. Pour atteindre le vestiaire depuis l’ascenseur, il faut passer devant deux portes...

Le plan devant lui, Madnar avança dans le couloir en faisant de grandes enjambées pour compter mentalement la distance parcourue.

― Puis on tourne à gauche. Mais pas de passage à ce niveau, dit-il en faisant face à un mur.Snake ouvrit la porte toute proche et s'engouffra dans la pièce voisine pour passer de l'autre côté de

l'obstacle.― C'est l'infirmerie, indiqua Madnar en le suivant à l'intérieur.― Placez-vous contre le mur et continuez à visualiser le deuxième niveau, docteur.Madnar s'exécuta, toujours aussi circonspect. Il fit cinq nouvelles enjambées puis s'arrêta devant le

premier brancard.― Je dirais qu'on est juste devant la porte du vestiaire, là. Grossièrement, je pense qu'un tiers de la

surface de la pièce couvre l'ensemble de l'infirmerie jusqu'au mur du fond. Les deux tiers restants se situeraient de l'autre côté de ce mur, à droite.

― OK. Reculez.Le scientifique s'écarta. Snake renversa le brancard symbolisant l'entrée de la pièce du niveau

inférieur puis poussa le suivant contre le mur. Il s'accroupit au sol, y posa un bloc de C4 dans lequel il planta un détonateur. Muni du boitier d'activation, il retourna vers la porte et invita Madnar à sortir. Les deux hommes s'éloignèrent de quelques pas dans le couloir.

― Baissez-vous, docteur. On ne sait jamais.L'agent de Fox-Hound pressa le bouton qui déclencha l'explosion. Les murs tremblèrent, la porte de

l'infirmerie fut arrachée de ses gonds par l'onde de choc et s'écrasa dans le couloir. Le système d'extinction d'incendie se déclencha pour la deuxième fois en quelques minutes. Snake se releva et pénétra dans l'infirmerie encore embrumée de poussière et de fumée. Le centre de la pièce présentait un cratère aux bords calcinés et la puissance de l'explosion avait sérieusement endommagé les meubles alentours. L'armature métallique du brancard renversé était déchiquetée et ce qu'il en restait avait été projeté contre le mur près de la porte.

Son M9 à la main, Snake s'approcha prudemment de l'ouverture pratiquée dans le sol par le C4. La poussière soulevée par l'explosion s'était suffisamment dissipée pour qu'il puisse jeter un œil à travers. Il distingua des morceaux de plâtre, de béton et quelques casiers renversés. Rapidement il s'assit au bord du trou et se laissa tomber à l'étage inférieur.

Il se réceptionna en douceur sur le tas de gravats et balaya la pièce du regard. Madnar avait bien estimé la position de la pièce : c'était bien un vestiaire, avec des rangées de casiers alignés le long des murs et au milieu de la pièce.

Un bruit violent le fit sursauter. Il pointa rapidement son pistolet sur la droite, vers la porte contre laquelle était couchée quelques casiers. Ça n'était sûrement pas l'explosion qui les avait, fort avantageusement, placés en travers du passage. Les portes en métal n'étaient même pas endommagées. Un nouveau choc contre le battant de la porte lui indiqua que les mercenaires d'Outer Heaven essayaient de forcer le passage. Quelqu'un s'est barricadé ici...

Méfiant, Snake passa de l'autre coté de la file de casiers et perçut un mouvement furtif au coin de la rangée, là où une porte de casier était restée ouverte. Il n'était décidément pas seul. L'agent secret s'avança prudemment vers le casier, son pistolet prêt à faire feu.

Un bruit de chute lui fit brusquement faire volte-face.― Bon Dieu, s'écria Madnar, en se relevant difficilement du tas de gravats et en chassant la poussière

de sa blouse.D'un geste, Snake lui intima le silence et lui demanda de rester là. En quelques pas, il atteignit la

porte ouverte, la dépassa et continua vers le bout de la rangée. L'ennemi lui tomba littéralement dessus alors qu'il allait tourner au coin du dernier casier.

La puissance de l'attaque les envoya tous les deux rouler au sol. La lutte s'engagea. Dans la panique,

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Snake échappa son pistolet, alors qu'il essayait de maitriser son adversaire. Ce dernier finit par se retrouver au-dessus de lui. Il lui donna un violent coup de boule, poussa un cri aigu qui n'avait rien de... viril.

L'agent de Fox-Hound découvrit alors que l'ennemi était une femme. Après avoir jeté un coup d’œil à l'uniforme de Snake, elle relâcha un peu la tension dans ses muscles. Ils se questionnèrent du regard durant quelques secondes, visiblement aussi surpris l'un que l'autre de ne pas être confronté à l'ennemi qu'ils attendaient, à savoir, un mercenaire d'Outer Heaven.

La jeune femme ne se laissa toutefois pas déconcentrer davantage. Avec une incroyable vivacité, elle attrapa la broche qui maintenait ses cheveux coiffés en queue de cheval et entreprit de frapper Snake au visage à l'aide du bout pointu de l'accessoire. L'agent secret bloqua l'attaque avec son avant-bras tandis qu'il essayait d'atteindre le M9 de sa main libre. La rage se lisait sur les traits de la jeune femme qui continuait de faire pression de toutes ses forces pour le poignarder.

Malgré ses efforts pour la garder à distance, la pointe de la broche se rapprochait inexorablement. Du bout des doigts Snake sentit la crosse de son pistolet. Les coups redoublèrent de violence contre la porte.

― Vanessa ?Surprise, la jeune femme sursauta et se tourna vers Madnar qui approchait en boitant et regardait

l'affrontement d'un air horrifié.― Dr Madnar ? Répondit-elle avec stupéfaction.Profitant de la diversion et du relâchement de son adversaire, Snake lui tordit le poignet pour la

désarmer. Elle poussa un gémissement de douleur, lâcha la broche. Prenant appui sur ses jambes, l'agent secret repoussa violemment la jeune femme sur le côté, la chevaucha de tout son poids et lui braqua le silencieux de son pistolet sur le front. Elle s'agita encore quelques secondes, malgré la menace de l'arme, puis abandonna en poussant un soupir de frustration, incapable de lutter dans cette position.

― On ne s'est pas déjà rencontrés ? Demanda Snake en observant plus attentivement son visage.― Mmmh... La technique de drague typique des occidentaux. Vos femmes sont vraiment aussi

stupides pour se laisser séduire par cette approche ?― Ne la tuez pas, Snake ! S'écria Madnar en faisant de grands gestes.― C'est elle qui a essayé de me tuer, souffla Snake.― C'est vous qui avait débarqué en faisant sauter le plafond et qui m'avait traqué avec votre flingue,

répliqua-t-elle sans se démonter.Snake n'était pas vraiment ce qu'on pouvait appeler un physionomiste, mais quand il se souvenait

d'un visage, c'était qu'il l'avait forcément déjà vu quelque part. Et très récemment, même concernant celui-ci. Soudain, tout lui revint en mémoire.

Le Boeing détourné. Le Docteur Kio Marv. Big Boss. La femme en tailleur...― Vous êtes l'assistante de Marv ? Demanda-t-il en écartant son pistolet.― Vanessa Heffner, se présenta-t-elle. Et vous, vous êtes qui ?― On m'appelle Solid Snake.― C'est pas un nom ça.― Je suis venu libérer Marv et le ramener aux États-Unis, lui et l'OILIX.La jeune femme consulta Madnar du regard.― Il dit vrai, Vanessa, confirma le scientifique. J'ai rencontré cet homme au Gindra. Il m'a aidé à

m'évader. J'ai confiance en lui.Les coups contre la porte redoublaient de violence et les craquements qui se répercutaient dans la

pièce ne prédisaient rien de bon.― Si vous dites bien la vérité, on devrait collaborer, Snake, reprit Vanessa.― Comme vous voudrez.― Pour commencer, permettez-moi de me lever.Snake bondit sur ses pieds, rengaina son pistolet et tendit la main pour aider la jeune femme à se

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mettre debout. Vanessa devait être proche de la trentaine, peut-être à peine plus âgée que lui. Environ un mètre soixante-dix, mince, discrètement musclée et un beau visage fin, typique des filles d’Europe de l'est. Elle portait un débardeur blanc et... une petite culotte. Rien d'autre. Pas désagréable à regarder mais...

― Qu'est-ce que c'est que cette tenue ? S'étonna Snake.La jeune femme se dirigea vers le casier ouvert et attrapa une pile de vêtements qu'elle jeta par terre.― Il y a eu une explosion tout à l'heure. J'ai profité du chaos que ça a généré pour m'enfuir de la

cellule où ils me retenaient. J'allais troquer ce tailleur d'assistante contre un uniforme de soldat. J'espérais passer inaperçue dans cette tenue et me trouver plus à l'aise pour crapahuter dans les bois à la recherche du Bâtiment B et du docteur Marv.

Rapidement elle farfouilla dans le casier et enfila un pantalon camouflage et une veste de treillis dont elle remonta la fermeture éclair. Un craquement sec les fit tous les trois sursauter. Les montants de la porte étaient sur le point de céder. La jeune femme s'empressa de chausser une paire de bottes de combat, fixa un holster sur sa cuisse droite, puis y glissa un pistolet semi-automatique. Elle finit par enfiler un sac à dos, puis se tourna vers les deux hommes qui l'attendaient.

― Ne trainons pas, lança-t-elle.Au passage, elle se baissa, ramassa sa broche et la tourna dans tous les sens avec une lueur

d'inquiétude dans le regard, comme pour s'assurer qu'elle n'était pas abimée. Satisfaite de constater qu'elle était en bon état, elle entreprit de l'utiliser pour reconstituer sa queue de cheval tout en se dirigeant vers le fond de la pièce.

― Comment on sort d'ici ? Lui demanda Snake en la suivant.― Il y a un vide-linge dans le coin de la pièce. Le conduit mène directement à la blanchisserie au

premier sous-sol.Vanessa ouvrit la trappe et jeta un œil dans le conduit d'évacuation.― OK. Ça a l'air assez large pour qu'on puisse s'y glisser. A partir de là, c'est la chute libre sur trois

étages à destination de la benne de récupération du linge qui devrait amortir notre chute. (elle glissa ses jambes dans l'ouverture puis, afficha un large sourire amusé.) Vous venez ?

Sans aucune hésitation, elle disparut en silence dans le passage.― Dépêchons, docteur. Vous passez devant.Le scientifique boitilla vers l'issue de secours improvisée.― Ça va aller, docteur ? S’inquiéta Snake.― J'ai du me fouler la cheville en tombant tout à l'heure. Ça brule un peu mais rien de grave,

rassurez-vous.Motivé par les craquements secs du bois de la porte qui subissait les assauts des mercenaires, le

scientifique se hissa tant bien que mal dans l'ouverture puis se laissa tomber en étouffant un cri aigu. Snake attendit quelques secondes, pour lui laisser le temps de dégager le point de chute puis il se jeta à son tour dans le conduit après avoir refermé la trappe.

Comme prévu, sa chute fut amortie par une pile de linge sale. Madnar, avec l'aide de Vanessa, achevait de s'extraire de la benne. Snake passa par-dessus le rebord du container et mit pied à terre. Il dégaina aussitôt son pistolet imité par la jeune femme.

― Et maintenant ? Lui demanda-t-il.― On doit gagner l'extérieur avant qu'ils ne comprennent où on est passés, ce qui ne devrait pas leur

prendre bien longtemps. J'imagine qu'on a juste à suivre les panneaux d'évacuation d'urgence, acheva-t-elle en indiquant la pancarte munie d'une flèche qui pointait vers le bout du couloir.

Soutenu par Snake, Madnar ne les ralentit heureusement pas trop, alors qu'ils parcourraient les galerie de béton du premier sous-sol. Il leur fallut moins de trois minutes pour trouver l'escalier de secours leur permettant de remonter à la surface. Par chance, ils ne croisèrent personne à ce niveau, mais les mercenaires n'allaient forcément pas tarder à débarquer.

Snake se libéra du bras de Madnar, poussa lentement la porte, jeta un œil à l'extérieur éclairé par la lumière orangée d'un soleil déclinant. Après une centaine de mètres à découvert, la sécurité d'une forêt

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s'offrait à eux. Prudemment, l'agent de Fox-Hound se glissa dehors. A quelques pas de la porte, sur sa gauche, reposait un container de recyclage débordant de boites en carton vides ayant visiblement contenu de la nourriture, comme l'indiquaient les inscriptions qu'ils portaient. Sur la droite, à une trentaine de mètres, trois camions étaient garés devant des portes de chargement grandes ouvertes. Pas d'ennemis en vue mais les palettes de matériel posées près des véhicules indiquaient que des hommes étaient sur le point de les charger à bord.

― On file à toute vitesse vers la forêt, lança Snake. Vite !Prenant appui sur Vanessa, Madnar boitilla vers le couvert des arbres. Son arme à la main, sans

quitter les camions des yeux, Snake s'élança à leur suite, après les avoir laissé prendre un peu d'avance. Au moment où il s'engouffrait dans la forêt, il aperçut un chariot élévateur qui venait se placer devant les palettes. Personne ne semblait avoir remarqué leur évasion, pour l'instant...

Snake pointa ses jumelles vers le pont qui enjambait le large gouffre. Le petit promontoire rocheux qu'ils avaient déniché leur offrait une vue plongeante et parfaitement dégagée de l'endroit permettant de traverser la gouffre, à environ cinq cents mètres à l'est de leur position. Un barrage routier avait été placé au commencement du pont et sept mercenaires surarmés montaient la garde et contrôlaient les véhicules qui arrivaient à leur niveau. Un hélicoptère de combat modèle Mi-28 Havoc survolait la zone en soutien aux hommes au sol.

― Le Bâtiment B est de l'autre côté de ce gouffre, expliqua Madnar, sa main en visière pour protéger ses yeux du soleil. Après avoir traversé ce pont il faut encore parcourir quelques kilomètres à travers la forêt, passer par l'aérodrome, puis traverser le champs de mines qui entoure cette partie de la base, au sommet d'un plateau rocheux.

― Et Marv est retenu là-bas ? Demanda Snake en faisant passer les jumelles à Vanessa.― J'imagine que oui. Il doivent encore être en train d'essayer de lui soutirer la formule de l'OILIX,

supposa le scientifique.― Vous voulez dire qu'ils sont en train de le torturer ? S’inquiéta Snake.― Je ne pense pas qu'ils en soient arrivés là, mais cette possibilité n'est pas à exclure.― Le docteur Marv n'est plus tout jeune, fit Vanessa en rendant les jumelles à son propriétaire. Son

cœur risque de ne pas supporter longtemps ce genre d'interrogatoire. Je suis persuadée qu'il n'acceptera jamais de leur donner ce qu'ils demandent. On doit le trouver au plus vite avant qu'il ne soit trop tard.

― D'après ce que je sais, reprit Madnar, Outer Heaven compte utiliser Metal Gear D dans les prochains jours pour effectuer un lancement.

― Alors Metal Gear est bel et bien fonctionnel ? S'enquit l'agent de Fox-Hound.― Totalement, avoua le scientifique d'un ton lugubre. Il a été conçu sur la base des plans du

prototype TX-55 que vous et Gray Fox avez détruit au Gindra. Il est plus léger, plus rapide, plus maniable et plus puissant. Sa coque extérieure utilise un blindage composite en céramique, similaire à celui qui équipe le tank M1, et dispose d'un canon Vulcan 60 mm, d'une mitrailleuse 5,56 mm et de six lanceurs de missiles. Son arsenal nucléaire se compose d'un module ICBM détachable pouvant contenir jusqu'à six ogives, montées sur des missiles balistiques, d'une portée effective théorique de 5000 km, s'ils sont alimentés avec du carburant conventionnel. Il y a deux jours, j'ai fini de préparer une dizaine d'ogives pour que leurs missiles puissent être alimentées avec de l'OILIX. Il ne manque aux mercenaires plus que la formule mise au point par Marv pour être en mesure d'effectuer leur premier lancement.

― Alimenter des missiles nucléaires avec de l'OILIX reviendrait à fournir une portée littéralement illimitée à ces missiles, expliqua Vanessa l'air sinistre. Le docteur Marv s'est servi de la structure moléculaire de micro-algues qu'il a modifié pour en faire ce qu'on appelle des nanomachines, des machines microscopiques à l'échelle moléculaire. A l'aide d'un assembleur moléculaire, le docteur a pu littéralement construire ces nanomachines, comme on le ferait en mécanique : en assemblant des nano-engrenages, des nano-roulements et d'autres types de nano-mécanismes, puis en programmant cet algue génétiquement modifiée afin qu'elle produise des déchets assimilables à du carburant, en se servant

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simplement d'atomes courants comme ceux contenus dans l'air ou ceux à la base même de la structure moléculaire de l'OILIX elle-même. Le tout sans aucune émanation de carbone. L'OILIX est aussi capable de s'auto-répliquer ce qui lui permet d'augmenter exponentiellement sa population et donc sa productivité. Une énergie verte et illimitée, en quelque sorte, pour peu, évidement qu'elle soit lâchée dans un environnement contrôlé.

― Quand vous m'avez trouvé, Snake, j'équipais justement les ogives de caissons de confinements pour empêcher toute fuite, commença Madnar. Une fois le caisson plein, l'OILIX étant censée pouvoir utiliser des atomes courants, l'algue devrait être en mesure d'utiliser les matériaux la constituant pour produire son carburant. L'auto-réplication se chargeant alors de remplir le vide du caisson et de fournir par la même occasion une nouvelle matière première réutilisable immédiatement pour la production. L'explosion du missile produirait quand à elle une température suffisante pour détruire les nanomachines restantes et mettre fin au cycle de production et d'auto-reproduction, ce qui à pour but d'éviter toute perte de contrôle.

― J'ai un peu de mal à vous suivre, tous les deux, avoua Snake.― Pour simplifier, reprit Vanessa, imaginez une chaine de fabrication de grille-pain. Chaque grille-

pain est capable de faire des toast et de créer des copies identiques de lui-même, ayant les mêmes caractéristiques.

― Compris. J'aime beaucoup l'image. Dans notre cas, ça serait des toasts avec un arrière goût de plutonium...

― A l'origine, l'OILIX n'a pas été conçue pour servir de fournisseur de carburant à des missiles nucléaires, vous savez. Il y a de nombreuses applications possibles, à ce type de technologie, qui n'ont rien à voir avec le militaire. D'après les théories du docteur Marv et d'autres chercheurs du milieu, les nanotechnologies pourraient être utilisées dans d'autres domaines que celui de l'énergie. Dans le milieu médical, par exemple, avec des nanomachines programmées pour accélérer le processus de cicatrisation ou encore capable de cibler et d'éliminer des cellules cancérigènes pour les remplacer par des cellules saines. Les applications des nanotechnologies sont virtuellement illimitées, pour peu qu'on soit capable de fabriquer et programmer la bonne molécule. Je suis certaine que les technologies du futur reposeront sur ce type de technologie invisible.

― Il faut juste espérer que leur utilisation ne soit pas pervertie et utilisée à mauvais escient, comme ça arrive souvent dans le domaine militaire, répliqua Snake. (Il indiqua d'un geste le pont devant lequel venaient de s'arrêter deux jeeps.) Pas moyen de passer de l'autre côté du gouffre en utilisant ce pont. La sécurité y est trop importante.

― Il n'y a pas d'hélicoptère d'habitude. Notre évasion a dû les contraindre à être plus vigilants, dit Madnar. Fort heureusement, je pense connaitre un autre passage. A quelques kilomètres à l'ouest d'ici, il y aurait un pont suspendu qui traverse le gouffre là où il est le moins large. Je l'ai vu en consultant des plans qui datent de près de trente ans, à l'époque où des militaires soviétiques occupaient l'endroit.

― OK. Vous pouvez nous y conduire ?― Je crois, oui.― La nuit va bientôt tomber, remarqua Vanessa, alors que le soleil commençait à glisser derrière les

arbres de l'autre côté du gouffre.― Profitons des dernières minutes de jour pour nous rapprocher de ce pont et trouver un endroit où

camper pour la nuit, proposa Snake.Sur ces mots, ils quittèrent leur point d'observation et retournèrent sous le couvert des arbres, tandis

que les deux jeeps venaient de passer le point de contrôle pour rejoindre l'autre extrémité du pont.

Quarante minutes plus tard, il faisait nuit noire. Longeant d'aussi près que possible le gouffre, sans risquer d'y être précipité par accident, Snake estima qu'ils avaient parcouru environ deux kilomètres quand le docteur Madnar manqua de s'écrouler par terre. L'agent secret empêcha de justesse l'accident et fit asseoir le scientifique qui semblait essoufflé. Ce dernier leva vers lui un visage affreusement pâle.

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― Désolé de vous ralentir comme ça, Snake. Vous devriez me laisser là et continuer tout seul...― Ne dites pas ça, docteur, répondit l'autre. J'ai besoin de votre aide pour libérer Marv et détruire

Metal Gear.― Ça n'est pas de moi dont vous avez besoin mais de mes informations. Je pourrais utiliser une des

radios de Vanessa pour rester en contact avec vous.― Hors de question de vous laisser là et risquer que les mercenaires ne vous retrouvent.Le bruissement des feuilles les fit se retourner vers l'ouest. Vanessa écarta une branche basse puis

s'arrêta à quelques mètres des deux hommes.― Il y a une grotte un peu plus loin, déclara-t-elle.Snake reporta son attention sur Madnar.― On pourra peut-être passer la nuit à l'intérieur. Vous arriverez à marcher jusque-là, docteur ?Le scientifique acquiesça et, avec l'aide de l'agent secret, se releva. Guidés par le peu de

lumière fourni par la lune qui arrivait à percer à travers le feuillage des arbres, ils avancèrent encore une quarantaine de mètres dans la forêt, Vanessa en tête. L'entrée de la grotte était partiellement dissimulée par un épais taillis. Snake l'écarta et jeta un œil dans l'ouverture. Au-delà du seuil, il était impossible de voir quoi que ce soit.

― On va avoir besoin de lumière, dit-il.Vanessa retira son sac à dos, en sortit deux lampes torches et en donna une à Snake.― Je passe devant, dit l'agent secret. Vous fermez la marche, Vanessa. Faites attention où vous

mettez les pieds et assurez vous de ne pas pointer votre torche vers cette ouverture ; mieux vaut éviter d'attirer accidentellement l'attention des mercenaires à notre recherche avec des signaux lumineux. En attendant qu'on avance un peu plus profondément, occultez en partie la lumière. Juste le minimum pour vous permettre d'avancer sans trébucher.

Le jeune femme opina. Snake écarta le buisson, se glissa dans la grotte puis, après avoir posé le plat de sa main sur la torche, pressa le bouton d'allumage. Le peu de lumière qu'il laissait s'écouler entre ses doigts lui permis d'avancer sans difficulté sur le sol de pierre accidenté de la grotte.

La largeur de la galerie était tout juste suffisante pour une personne. Cela permis à Madnar de prendre appui sur les parois et de se déplacer à la même vitesse que ses camarades. Après s'être enfoncés une vingtaine de mètres dans l'obscurité, le tunnel tourna sur la gauche et le sol s'inclina petit à petit vers le plafond ce qui les obligea à baisser la tête pour ne pas se cogner aux pierres et aux rares stalactites qui dépassaient ici ou là.

― On devrait pouvoir utiliser les torches, maintenant, non ? Demanda Vanessa, l'écho de sa voix se perdant dans les profondeurs de la terre.

Snake se figea, éteignit sa lampe.― Qu'est-ce qu'il y a, Snake ? Demanda Madnar.L'agent de Fox-Hound plaça son index devant sa bouche pour leur intimer le silence puis il

s'accroupit lentement et silencieusement. Les deux autres l'imitèrent. Vanessa éteignit sa torche les plongeant dans l'obscurité totale.

― Pas un bruit, leur chuchota-t-il.Ils attendirent près de deux minutes sans bouger ni échanger le moindre mot. Snake finit par

rallumer sa lampe et la pointa vers le sol, sa main masquant toujours l'éclat de l'ampoule. Silencieusement il se redressa et fit quelques pas.

― Restez ici, pour l'instant. Je crois avoir entendu quelque chose.Il s'éloigna, toujours légèrement courbé, alors que le sol cessait enfin de se rapprocher du plafond.

Après une quinzaine de mètres, il s'arrêta à nouveau, s'allongea par terre et rampa sur un mètre ou deux. Il fit glisser la lumière atténuée de sa torche sur la paroi puis l'éteignit brusquement en arrivant presque à hauteur du plafond.

Un léger couinement parvint aux oreilles de Vanessa. Puis des bruissements de tissus. Une minute plus tard, une faible lumière éclaira à nouveau le passage, là où Snake était allongé. Ce dernier agita sa

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lampe de haut en bas, comme pour leur indiquer quelque chose.― Qu'est-ce qu'il veut ? murmura Madnar.― Je crois qu'il veut qu'on s'allonge au sol, nous aussi.Après s'être exécutée, Vanessa pointa sa torche toujours camouflée devant elle et l'alluma et l'éteignit

à deux reprises. Snake répondit par le même code avec sa propre lampe puis, après quelques secondes, il dirigea brusquement sa lampe vers le plafond et en libéra toute l'intensité lumineuse.

Des dizaines de couinements aigus rompirent le lourd silence qui s'était installé. Des ombres, prises dans le faisceau de la torche de Snake, dansèrent sur les parois du tunnel alors que les nombreuses chauve-souris voletaient en direction des deux autres intrus. Madnar étouffa un cri lorsque les petits mammifères passèrent juste au-dessus d'eux et qu'il sentait le souffle léger de leurs battements d'ailes. Le calme revint presque aussitôt, seulement occupé par le souffle rapide de Vanessa et du scientifique.

Plus loin, Snake qui s'était agenouillé continuait de balayer le plafond de la galerie avec sa lampe pour en chasser les derniers locataires. Il finit par se relever complétement. L’écho de sa voix leur parvint alors qu'ils se remettaient sur leurs pieds.

― Le passage a l'air dégagé, dit-il. Venez.Ils le rejoignirent puis ils reprirent leur progression dans la grotte, largement éclairés par les deux

torches utilisées maintenant à leur plein potentiel.― Je voulais éviter qu'on les dérange par accident et que, dans la panique, l'un d'entre nous se blesse

tout seul vu l’exiguïté du passage, expliqua Snake.Alors qu'ils devaient avoir parcouru une bonne centaine de mètres, la galerie commença à s'élargir

alors qu'une odeur d'humidité emplissait l'air et qu'un léger courant d'air caressait leurs visages. Le tunnel finit par s'ouvrir sur une large salle au plafond s'élevant à une dizaine de mètres de hauteur. Une ouverture naturelle laissait passer les pales rayons de la lune qui leur révélèrent le magnifique lac souterrain qui occupait les deux tiers de la salle. Le doux clapotis de l'eau se répercutait délicatement le long de la berge.

― C'est magnifique, souffla Vanessa émerveillée par le spectacle.― On va pouvoir établir notre camp sur la berge, ajouta Snake.― On ne peut pas dormir ici, s'écria Madnar. Il fait bien trop froid !― On va faire un feu, répliqua l'agent secret en s'avançant au milieu de la zone où il avait décidé

d'élire domicile pour la nuit.Vanessa le rejoignit et déposa son sac à ses pieds.― Ça me va, dit-elle. J'ai de quoi l'allumer. Il va juste nous falloir du bois.

― Alors la situation est pire que ce qu'on imaginait, souffla le colonel Campbell. Si Outer Heaven dispose d'un Metal Gear en état de marche, il faut prendre la menace nucléaire très au sérieux.

― Snake, c'est James Harks, fit la voix de l'émissaire de l'ONU dans son oreillette. Vous devez localiser et détruire ce Metal Gear.

― J'avais bien compris, monsieur, répondit Snake. Pour tout dire, nous sommes justement en route pour la base où est entreposé l'engin. Avec Madnar, son concepteur, pour me conseiller, je devrais réussir à le mettre hors d'état de nuire.

― Il y a autre chose, Snake, reprit Campbell. D'après les informations fournies par l'agent White, le leader d'Outer Heaven serait à Zanzibar.

― Celui qu'on appelle Saladin ?― Oui. Il serait arrivé sur place il y a quelques heures seulement afin de superviser en personne la

suite des opérations. White craint que les mercenaires ne soient sur le point de lancer une attaque nucléaire dans les prochains jours.

― Nous devrions atteindre le Bâtiment B et la seconde partie de la base demain.― Bien reçu, fit Campbell. Ne trainez pas en route. Tâches aussi d'obtenir des infos auprès de

Madnar concernant Metal Gear. Ça pourrait t'aider à trouver un moyen de le détruire. Pour résumer ;

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trouves le Bâtiment B, récupères la formule de l'OILIX, localise Metal Gear et détruis-le.― Et éliminez Saladin, ajouta Harks.― Ça fait beaucoup de choses à faire pour un homme, une femme et un vieillard blessé, remarqua

Snake.― D'après son dossier, Heffner a fait partie de la police d'état Tchèque, reprit l'émissaire des

Nations-Unies. Elle a été entrainée au combat. Elle n'a sans doute pas votre expérience mais son aide pourrait vous être précieuse.

― Elle a de la ressource, avoua Snake en songeant à leur rencontre mouvementée. Et puis j'ai besoin qu'elle me serve d'interprète pour comprendre Marv ; je ne parle pas le tchèque.

― OK. Tu sais ce qu'il te reste à faire, Snake. Reposez-vous bien. Demain sera une journée décisive. Campbell, terminé.

Snake coupa la communication, reprit sa torche et remonta la galerie dans laquelle il s'était engagé pour avoir un peu d'intimité. Arrivé à une intersection, il prit le passage de droite et déboucha quelques mètres plus loin sur la grande salle où ils avaient installés leur campement pour la nuit.

Alors qu'il longeait la paroi et descendait prudemment la pente conduisant au niveau du lac, il vit que Madnar et Vanessa n'étaient plus installés auprès du feu qui brulait non loin. Tous deux étaient assis sur la berge, avaient retiré leurs chaussures, relevés leurs pantalons et glissés leurs pieds dans les eaux calmes du lac.

― Je croyais que vous aviez froid, lança Snake en s'accroupissant près d'eux.― Elle n'est pas si froide que ça, commença le scientifique. Et puis sa fraicheur apaise la douleur

dans ma cheville. C'est très agréable, vous devriez essayer, Snake.― Et j'imagine que les poissons qui viennent vous chatouiller les orteils ne vous dérangent pas,

docteur ?― Quels poissons ? S'inquiéta-t-il.Il sursauta brusquement. Effrayé, il remonta vivement ses pieds sur la berge.― Bon Dieu, je crois que j'en ai sentis un !Vanessa eut un petit rire amusé.― Ils ne vont pas vous manger, docteur, lança-t-elle en prenant une cuillerée de sa ration militaire.Madnar se releva en secouant la tête et épousseta sa blouse couverte de terre.― Je crois que j'en ai terminé avec mon bain de pieds. (il ramassa la lampe torche de Vanessa et

commença à se diriger vers le tunnel par lequel était revenu Snake.) Si vous voulez bien m'excuser. Une envie pressante.

― Faites donc, docteur, mais ne vous éloignez pas trop, c'est un vrai labyrinthe là-dedans.Madnar acquiesça et leva la main en signe d'assentiment. Snake s'assit auprès de la jeune femme qui

continuait son repas.― Ça vous plait ? Demanda Snake.― Quoi ? Les poissons entre les orteils ?Snake sourit.― Non, je parle des rations de combat.― J'ai faim. Nous n'avons rien d'autre à manger. J'ai déjà mangé bien pire. Il suffit juste de ne pas

respirer par le nez et d'imaginer que c'est du pâté de poulet.― En fait, c'est précisément ce que c'est.Vanessa s'arrêta de mâcher un instant et dévisagea Snake, l'air surprise.― Je ne plaisante pas, fit-il en lui prenant la boite des mains. Vous voyez ce mot, là ? Huhn. Ça veut

dire poulet en allemand. Cela dit, c'est toujours meilleur que les rations américaines.Il lui rendit la boite. La jeune femme manipula avec précaution la bouillie du bout de sa cuillère,

l'observant avec méfiance, puis elle haussa les épaules et reprit son repas.― Personnellement, reprit Snake, je n'ai jamais trop réussi à les apprécier, malgré leurs qualités

nutritionnelles. Si j'en ai la possibilité, je préfère un bon rat grillé voire un serpent cuit à la broche.

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― Beurk, vous voulez vraiment me dégouter ou quoi ?― Désolé, s'excusa Snake en riant.Elle sourit et fit racler sa cuillère au fond de la boite pour recueillir les dernières bouchées de

nourriture.― Ça fait longtemps que vous êtes l'assistante de Marv ?― Même pas un an, mais je le connais depuis que je suis toute petite C'est un ami de la famille. Il est

comme un père pour moi et s'est occupé de moi lorsque j'ai été en froid avec mes parents.― Qu'est-ce qu'il s'est passé ?― C'est compliqué... (Snake l'encouragea à poursuivre d'un sourire chaleureux.) Ma mère me

racontait souvent comment elle avait survécu à l'insurrection de Varsovie en se cachant dans les égouts de la ville pour échapper aux nazis. Cette douloureuse expérience l'a énormément endurcie. La guerre en a fait une femme forte, courageuse et volontaire. Avec mon père, ils prônaient une discipline de fer et essayaient sans cesse de prouver que les juifs aussi étaient capables d'accomplir des prouesses, comme tout le monde. C'est ce qui les a conduits à me pousser à faire du sport de haut niveau. Pendant cinq ans, j'ai fait du patinage artistique et participé aux plus grandes compétitions. J'ai même été médaillée à Calgary. J'avais 16 ans. A l'époque on m'appelait la « Princesse sur Glace ». Mes parents étaient fiers de moi. Fiers de leurs origines, comme jamais auparavant.

― Une championne olympique ? Je suis impressionné, avoua Snake. Comment se fait-il que vous soyez ici aujourd'hui ?

― Au Canada, durant mon entrainement pour la compétition, j'ai rencontré quelqu'un. Un allemand expatrié en Amérique avec sa famille. C'était un soldat. Un homme dur, lui aussi. Chaque fois que je plongeais mes yeux dans les siens, j'y percevais toujours une étrange lueur. Elle me donnait l'impression qu'il était ailleurs, comme tourmenté par les épreuves qu'il a eu à affronter tout au long de sa vie. Mais, quand il me renvoyait mon regard, il était un autre homme. Doux, attentionné, protecteur, aimant. Il ne cessait de répéter qu'il se sentait vraiment vivant avec moi. Pour la première fois de sa vie. Bref, nous étions très amoureux et nous sommes fréquentés durant plusieurs semaines en prenant soin de garder notre relation secrète, car je savais que mes parents ne la cautionnerait pas. Puis, la compétition terminée, j'ai du rentrer en République Tchèque. Malgré la distance, nous avons échangé de nombreux courriers lui et moi. Et puis, un jour, il m'a écrit qu'il venait me chercher pour me ramener avec lui, pour que l'on puisse vivre ensemble en Amérique. J'ai fait mes bagages et me suis enfuie dans le plus grand secret. Mais ça n'a pas marché. Arrivés aux États-Unis, nous avons décidés de nous marier afin que j'obtienne la nationalité et des papiers pour demeurer là-bas à ses côtés. La demande a été refusée et, comme mes papiers n'étaient pas en règle, j'ai été expulsée et renvoyée chez moi. On m'a aussi retiré mes titres et mes droits de compétition ; le patinage de haut niveau c'était terminé pour moi. Mes parents m'ont rejetée. Ils ne comprenaient pas que je puisse foutre en l'air tout ce qu'ils avaient si durement construit pour un homme.

― J'imagine aussi que voir leur fille, une juive, dans les bras d'un allemand n'a pas arrangé les choses, ajouta Snake.

Elle acquiesça.― Ils m'ont renié, m'ont accusés de les avoir trahis eux et le monde entier, tant que j'y étais. Les

années suivantes ont été très difficiles. Je n'ai jamais eu de nouvelles de l'allemand, non plus. De toute façon, quel intérêt y avait-il à garder le contact si on n'avait plus aucune chance de vivre ensemble ?

― L’Histoire et les bouleversements géopolitiques ne prennent pas en compte les sentiments humains. Seuls comptent les armées et leurs dirigeants, avoua tristement l'agent secret.

― Nous avons beau vivre sur la même planète, nous n'en restons pas moins cloisonnés derrière nos frontières. Heureusement pour moi, je n'étais pas seule. Le docteur Marv m'a pris sous son aile et s'est occupé de moi comme de sa propre fille. Il m'a permis de surmonter tout ça et de continuer à vivre malgré la rupture avec ma famille.

― Je vois. Vous avez été longtemps dans la police secrète ?

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La jeune femme se figea et lui lança d'un air surpris :― Comment savez-vous que j'ai fait partie du StB ?― Mon supérieur a accès à votre dossier et m'a donné cette information.― Oh... Ça va faire sept ans, à la fin de l'année, que je suis dans la police secrète. C'est un peu

l'équivalent de votre CIA, donc je n'ai pas besoin de vous expliquer ce qu'on y fait. Il y a neuf mois on m'a confié la sécurité du docteur Marv, car le service craignait qu'on porte atteinte à sa personne à cause de ses recherches. Le docteur Marv s'est toujours montré méfiant vis-à-vis des forces de l'ordre ou des militaires. Mais moi il me connaissait et mes connaissances linguistiques me permettaient aussi de lui servir d’interprète dans ses déplacements.

Vanessa sortit ses pieds de l'eau, se releva et se dirigea vers le camp pour se réchauffer près du feu. Snake la rejoignit.

― Vous connaissez mon histoire, Snake. (Elle sourit.) C'est gentil à vous de m'avoir écouté. Je n'ai pas beaucoup l'occasion de parler, vous savez.

― Ne me remerciez pas. Après la petite danse que nous avons partagé dans le vestiaire, j'imagine qu'on est, pour ainsi dire, intimes vous et moi.

Suite à la plaisanterie, ils éclatèrent de rire tous les deux.― Et vous, vous avez quelqu'un dans votre vie ? Demanda-t-elle d'un air malicieux.Snake secoua la tête et se détourna un peu, l'air gêné.― Je... je n'aime pas parler de moi, Vanessa. Je ne suis qu'un soldat. D'aussi loin que je me souvienne,

je n'ai toujours connu que la guerre, les armes, les militaires.― Vous avez eu des amis peut-être ?― Des compagnons de combats. Pour qui j'aurais donné ma vie et qui en aurait fait autant. Certains

l'ont fait...― Alors vous avez eu des amis, assura-t-elle.Quand un lourd silence s'installa entre eux, Vanessa fouilla dans son sac et en sortit un portefeuille.

Elle l'ouvrit et en retira une photo qu'elle donna à Snake. C'était un cliché qui avait l'air d'avoir été manipulée souvent depuis plusieurs années. On y voyait Vanessa avec quelques années de moins au bras d'un jeune homme d'une vingtaine d'années, blond aux yeux gris-bleus...

― C'est l'homme que j'ai rencontré. L'allemand. (elle fronça les sourcils.) Ça va Snake ? On dirait que vous avez vu un fantôme ?

― Cet homme. Comment s'appelait-il ?― Frank. Frank...― ...Jaeger, termina Snake.Vanessa resta sans voix pendant quelques secondes.― Comment le connaissez-vous ? S'enquit-elle les yeux brillants.― J'ai rencontré Frank Jaeger durant la Guerre du Golfe en 91. Nous avions pour mission de former

au maniement des armes et aux techniques de guérilla des forces de la coalition. Pendant près de cinq mois, lui et moi avons combattus ensemble et nous sommes sortis des pires situations. A la fin de la guerre, nous étions proches comme des frères, comme si on s'était toujours connus. Nous étions capables de savoir d'un simple échange de regard ce que pensait l'autre.

Vanessa continuait de le regarder les lèvres serrées.― Je sais que c'est difficile à expliquer, reprit Snake. Comment peut-on devenir aussi proche et

intime avec quelqu'un en si peu de temps ?― Non, je comprends parfaitement. Nous n'avons vécu ensemble que quatre semaines au Canada.

Au moment de notre séparation, j'avais l'impression d'avoir passé ma vie à ses côtés. Nous nous aimions. Vous aussi deviez vous aimer. D'une autre manière, mais c'était sans doute un sentiment tout aussi fort...

Snake opina silencieusement en lui rendant la photo.― Alors il a fait la guerre, reprit-elle. Vous avez dû voir des choses terribles là-bas. Ça explique sans

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doute ce regard.― Frank a eut une vie difficile. Nous ne parlions pas beaucoup de nous, mais je sais qu'il a foulé de

nombreux champs de batailles et faits des choses terribles. Je suis d'ailleurs surpris de voir qu'il a finit par rencontrer quelqu'un qui l'a rendu heureux. Même pour quelques jours...

La jeune femme eut un sourire triste et déposa un baiser sur le portrait avant de le remettre en place dans son porte-feuille qu'elle remit dans son sac.

― Vous l'aimez toujours, remarqua Snake.Elle secoua la tête.― Non, souffla-t-elle. Mais j'aime les souvenirs que j'ai avec lui. Le perdre m'a beaucoup affectée,

mais penser à lui et aux bons moments passés en sa compagnie me rend heureuse. Il a été le premier. Je ne l'oublierais jamais complétement.

Un nouveau silence s'installa. Snake se leva, s'éloigna lentement du feu en tournant le dos à Vanessa. Après ce que venait de lui révéler la jeune femme, mieux valait éviter de ternir ses souvenirs de Frank Jaeger. Il décida de ne pas lui révéler que son amour de jeunesse était à Zanzibar en ce moment même et combattait aux côtés des mercenaires d'Outer Heaven. Découvrir que Fox était passé à l'ennemi l'avait lui-même beaucoup affecté. Il n'osait même pas imaginer dans quel état cela mettrait l'assistante de Marv. Il ne restait plus qu'à espérer qu'elle n'ai pas à le rencontrer sur le champs de bataille...

― Bon Dieu ! S'écria une voix effrayée qui résonna en écho sur les parois de la grotte.― Docteur Madnar ! S'écria Snake en s'élançant vers le tunnel d'où il venait de surgir.Le scientifique était en nage et avait le souffle court.― Qu'est-ce qu'il s'est passé, docteur ?― Vous m'aviez pourtant prévenu, Snake. Je me suis perdu là-dedans ! Je croyais que je n'en sortirais

jamais et puis je vous ai entendus rire et ça m'a permis de me rendre compte que je tournais en rond dans la même galerie depuis plusieurs minutes. J'ai pris le passage de droite et j'ai finis par déboucher ici !

― Au moins vous êtes sauf, docteur.― Dieu merci. Au fait, dans mon exploration forcée de la grotte j'ai trouvé une autre issue qui

devrait nous faire gagner du temps pour rejoindre le pont demain matin.Sur ces mots, le vieil homme regagna le camp les jambes encore tremblantes. Snake le regarda

rejoindre Vanessa qui l'attendait l'air inquiète. Alors que le vieil homme lui racontait ses dernières péripéties, Snake ne put s'empêcher de penser quelle drôle d'équipe ils faisaient tous les trois : une ancienne championne olympique, un scientifique de renommée mondiale et un agent secret dans une grotte en plein cœur de l'ex-URSS.

Ils partirent à l'aube. Bien reposés, ils ne mirent pas longtemps à retrouver la sortie découverte par accident par Madnar la veille au soir. Ce dernier semblait avoir bien récupéré de sa foulure et ne trainait presque plus la jambe.

En sortant de la grotte ils débouchèrent sur un promontoire qui surplombait le gouffre d'une petite dizaine de mètres. Un chemin de terre descendant en zigzag parmi les rochers leur permis de rejoindre le bord du canyon qu'ils entreprirent de longer.

Après une heure et demi de marche, la largeur du gouffre avait bien diminué. Lorsque la faille naturelle tourna légèrement vers le sud, ils virent enfin leur objectif.

― Le voilà ! S'écria Madnar.C'était un vieux pont suspendu constitué de bois et de cordes fixées à des mâts verticaux aux deux

extrémités d'une passerelle à laquelle il manquait quelques planches. Elles avaient dû disparaître depuis longtemps dans le courant de la petite rivière qui coulait au fond du gouffre. L'ensemble se balançait au gré du vent qui soufflait assez fortement dans le canyon.

― Il a l'air vieux, ce pont, remarqua Vanessa, l'air méfiante. Qu'est-ce qui nous dit qu'il va tenir le coup le temps qu'on passe de l'autre côté ?

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― Vous m'avez regardé, Vanessa ? Demanda Madnar. Je ne suis plus tout jeune non plus et pourtant je tiens le coup, même avec une cheville foulée.

― Hier vous aviez peur de petits poissons et aujourd'hui vous semblez prêt à traverser un pont qui n'a pas été entretenu depuis les années 60 ?

Madnar jeta un œil de l'autre côté du gouffre, haussa les épaules.― Je passe devant si vous voulez.Snake étudia la situation un moment, secoua la rampe de corde épaisse, tapa du pied sur les

premières planches.― Ça ne m'a pas l'air très prudent, déclara-t-il après avoir terminé son analyse.― C'est le seul autre moyen que je connaisse pour passer de passer de l'autre côté, répliqua Madnar.Des aboiements lointain les firent tous trois sursauter. Snake et Vanessa dégainèrent leurs pistolets et

les pointèrent vers la forêt qu'ils venaient de quitter. De nouveaux aboiements de chiens leurs confirmèrent qu'ils avaient bien entendu la première fois.

― Ils ont retrouvé nos traces, fit Vanessa.― Ils sont tout près, ajouta Snake. Ils pourraient nous trouver d'une minute à l'autre. On va devoir

traverser.Le martèlement de bottes sur le bois de la passerelle les fit faire brusquement volte-face. Madnar

s'était lancé en courant dans la traversée du pont, sans doute paniqué par l'approche des mercenaires.― Docteur ! S'écria Vanessa.Elle s'élança aussitôt à sa poursuite. Déséquilibrée par le balancement du pont, induit par la course

du scientifique, elle s'arrêta à mi-parcours, le temps de prendre appui sur la rambarde. Snake s'avança à son tour sur les planches qui craquaient dangereusement à chacun de ses pas. Quand il leva les yeux, il vit que Madnar avait finit de traverser le pont et leur faisait de grands gestes pour les inviter à le rejoindre.

Tout se passa si vite que Snake eut à peine le temps de réagir. Il entendit distinctement un chuintement puis vit une trainée de fumée surgir du couvert des arbres, derrière Madnar, et se diriger droit vers la frêle passerelle. Aussitôt l'agent de Fox-Hound s'accroupit et saisit fermement les cordages.

― Vanessa ! S'écria-t-il.La jeune femme, toujours au milieu du pont, lui lança un regard interrogateur. Le missile fondit droit

sur elle et explosa au contact de la passerelle de bois pourri. Snake détourna le visage et se protégea de la chaleur des flamme de sa main libre. Le souffle de l'explosion le força à s'allonger.

Le pont se balançait avec force manquant de peu de basculer sur le côté. La fumée se dissipa rapidement, emportée par le vent violent qui parcourrait le canyon. Snake se redressa pour voir le point d'impact : aucune trace de Vanessa. En revanche, il constata que le missile avait emporté au moins six mètres de planches et sectionné une majeure partie des cordes qui continuaient d'être consumées par les flammes. C'est un miracle que le pont tienne encore, se dit-il les oreilles encore sifflantes à cause de la détonation toute proche.

L'une des cordes en feu claqua, se rompit. Puis une autre l'imita deux secondes plus tard. Snake se leva d'un bond, fit demi-tour et revint à toutes jambes vers son point de départ. Une autre corde céda dans son dos. Et le pont lâcha...

Le sol se déroba sous ses pieds, alors que les planches entamaient leur chute vers la paroi du gouffre. L'agent secret eut le réflexe de s'accrocher à l'un des cordages pour ne pas être précipité dans le vide. La moitié du pont heurta avec violence le mur de pierre mais Snake tint bon.

Il commença aussitôt à grimper vers le sommet de la falaise qui le surplombait cinq mètres plus haut. Il réussit à se hisser sur la terre ferme et resta allongé un instant, le souffle court, encore sonné par la violence de ce qui venait de se passer.

― Snake ! S'écria une voix sortie d'un haut-parleur.Celui-ci se redressa sur son séant, se tourna vers l'autre moitié du pont. Juché sur ses deux pattes

mécaniques surplombées d'un cockpit, se tenait Metal Gear D. Plus profilé, plus fin que le prototype

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qu'il avait détruit au Gindra, celui-ci était en parfait état de marche et se déplaçait avec une souplesse presque animale qui faisait froid dans le dos. Le tank bipède s'arrêta au bord de la falaise près de Madnar horrifié.

― Snake, reprit la voix de Gray Fox dans le haut-parleur monté sur la machine. Je suis désolé, mais tu n'iras pas plus loin. Ce pont est condamné !

Des mercenaires surgirent de derrière les arbres et vinrent se placer auprès de Metal Gear tandis que d'autres attrapaient Madnar et l'emportaient avec eux. Les mercenaires pointèrent leurs fusils d'assaut sur Snake.

― Madnar reste avec nous, maintenant, reprit Fox. Je t'avais dit d'abandonner, de rentrer chez toi. Évidemment tu ne m'as pas écouté. En souvenir du bon vieux temps, je te laisses la vie sauve à condition que tu foutes définitivement le camp d'ici ! C'est ta dernière chance. La prochaine fois qu'on se verra, désolé de le dire, mais je devrais te tuer. Réfléchis bien, Snake !

Sur ces derniers mots, ce dernier vit Fox manipuler les commandes de Metal Gear à travers la verrière du cockpit, puis le tank fit volte-face et s'éloigna en faisant claquer ses lourds pieds métalliques sur le sol. Il disparut parmi les arbres qu'il avait renversé sans difficulté sur son passage. Les mercenaires armés le suivirent.

― Snake, fit une voix toute proche.L'agent secret se releva difficilement et balaya la zone du regard. Il découvrit Vanessa allongée à la

lisière de la forêt appuyée contre une vieille souche d'arbre. Aussitôt il accourut auprès d'elle et s'accroupit à ses côtés.

La jeune femme était salement amochée. La moitié de son visage était brulé, son corps couvert de profondes coupures provoquées par des shrapnels. Pire que tout, dans sa chute elle s'était empalée sur l'une des racines saillantes de la souche qui la traversait de part en part au niveau de la taille. En état de choc, sa respiration était rapide et saccadée et ses mains tremblaient.

― Ça va aller, Vanessa, mentit-il en récupérant la trousse de secours dans le sac à dos déchiqueté qui gisait auprès d'elle.

― Non, Snake... Pas de gaspillage... C'est très moche, hein ? Je le sens... Je le vois... Ça n'est pas douloureux. J'ai déjà vu mourir des gens... Je sais que je ne vais pas m'en sortir...

Elle fut prise d'une violente quinte de toux, cracha du sang. Snake laissa tomber sa trousse de soin. La jeune femme chercha maladroitement sa main. Il la lui prit. Elle eut un sourire triste qui ressemblait davantage à une grimace à cause de ses blessures.

― Vos parents seraient fiers de vous, Vanessa.Elle secoua la tête avec difficulté, lui lâcha la main et la porta à sa tête. Elle attrapa la broche qui

maintenaient ses cheveux attachés, l'observa avec attention en la faisant tourner dans ses doigts tremblants. Cet examen sembla lui demander beaucoup d'énergie, mais elle le mena jusqu'au bout malgré tout.

― Elle n'a pas l'air... abimée, souffla-t-elle en la donnant à Snake. Prenez-là.Ne sachant pas quoi répondre, il obéit.― Ne la perdez pas. Vous allez en avoir... besoin.― Qu'est-ce que vous voulez dire ? S'étonna-t-il.― Vous saurez. Trouvez le docteur Marv... Quand vous en aurez besoin... vous saurez.Elle pleurait et ses larmes se mêlaient au sang qui coulait sur ses joues.― Frank, souffla-t-elle.― Frank... Il ne savait pas que...― La photo, Snake, le coupa-t-elle.Snake récupéra le porte-feuille dans le sac et donna le portrait de Fox à la jeune femme. Vanessa

contempla un moment la photo de cet homme qui avait tant compté pour elle, sourit tristement, puis eut une dernière inspiration. Sa main retomba à son côté, son regard devint vide.

Snake ferma définitivement les yeux de la défunte, déposa un baiser sur son front et resta assis à ses

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côtés sans la quitter des yeux, ne sachant plus très bien ce qu'il devait faire. Il regarda la broche. C'était un accessoire classique bleu marine sur lequel était gravé un assemblage de cercles enchevêtrés. Rien de particulier, mais Vanessa insistait sur son importance. Il glissa la broche dans l'une de ses poches.

Un aboiement tout proche le fit revenir à la réalité. Des voix d'hommes se joignirent aux hurlements des chiens. Snake bondit sur ses pieds, referma le sac à dos et l'enfila, puis il partit en courant en direction de l'est. Le pont suspendu détruit, il ne lui restait plus qu'une seule solution pour passer de l'autre côté du gouffre.

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