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Divers Méthodes de mesure du NO expiré chez les sujets atteints de maladie respiratoire N. N. Le-Dong 1 , A. T. Dinh-Xuan 2 1 Université Paris-Descartes, Faculté de Méde- cine, EA 2511, AP-HP, Hôpital Cochin, Paris. 2 Service de Physiologie - Explorations Fonc- tionnelles, Hôpital Cochin, 27, rue du Fau- bourg Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14. Correspondance : [email protected] 131 Rev Mal Respir 2007 ; 24 : 131-134 © 2007 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Le monoxyde d’azote (NO) est un gaz biologique dont le rôle physiologique est probablement plus ancien que celui de l’oxygène dans l’échelle de l’évolution des espèces vivantes [1]. De par sa nature chimique, le NO est à la fois administrable par voie inhalée et détectable dans l’air expiré des patients [2]. Seize ans après la publication princeps de Gustafsson et coll. [3], la mesure du NO expiré est maintenant un examen utilisé en routine pour la détection et la quantification non invasive de l’inflammation bronchique [4, 5]. Pour cela, la méthodologie concernant cette technique de mesure a dû subir d’importantes modifications par rapport aux descriptions initiales [6, 7]. Ces améliorations métrologiques ont d’une part permis de faire disparaître un grand nombre de disparités méthodologiques dès la fin des années 1990 [8]. Surtout, elles favorisent le consensus, sans cesse amélioré et constamment mis à jour par des recommandations internationales issues des deux principales sociétés savantes de pneumologie, l’American Thorac Society (ATS) et l’European Respiratory Society (ERS) [9, 10]. Aujour- d’hui, la mesure du NO (d’origine bronchique ou alvéolaire) ne peut être valable (et/ou utile) que si les conditions expéri- mentales suivantes sont remplies : – absence de contamination nasale ; – détermination de l’origine anatomique du NO mesuré dans l’air expiré. Absence de contamination nasale La sphère naso-sinusienne représente sans conteste la partie des voies aériennes où la production du NO est la plus abondante [11]. Ainsi, au cours d’une respiration normale, une grande partie du NO produite par les cavités nasales diffusent en arrière vers la trachée et les bronches et enrichissent de façon notable la concentration de NO détecté dans l’air expiré

Méthodes de mesure du NO expiré chez les sujets atteints de maladie respiratoire

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Page 1: Méthodes de mesure du NO expiré chez les sujets atteints de maladie respiratoire

Divers

Méthodes de mesure du NO expiréchez les sujets atteints de maladierespiratoire

N. N. Le-Dong1, A. T. Dinh-Xuan2

1 Université Paris-Descartes, Faculté de Méde-cine, EA 2511, AP-HP, Hôpital Cochin, Paris.

2 Service de Physiologie - Explorations Fonc-tionnelles, Hôpital Cochin, 27, rue du Fau-bourg Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14.

Correspondance :[email protected]

131Rev Mal Respir 2007 ; 24 : 131-134

© 2007 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Le monoxyde d’azote (NO) est un gaz biologique dont lerôle physiologique est probablement plus ancien que celui del’oxygène dans l’échelle de l’évolution des espèces vivantes [1].De par sa nature chimique, le NO est à la fois administrablepar voie inhalée et détectable dans l’air expiré des patients [2].Seize ans après la publication princeps de Gustafsson et coll.[3], la mesure du NO expiré est maintenant un examen utiliséen routine pour la détection et la quantification non invasivede l’inflammation bronchique [4, 5]. Pour cela, la méthodologieconcernant cette technique de mesure a dû subir d’importantesmodifications par rapport aux descriptions initiales [6, 7]. Cesaméliorations métrologiques ont d’une part permis de fairedisparaître un grand nombre de disparités méthodologiquesdès la fin des années 1990 [8]. Surtout, elles favorisent leconsensus, sans cesse amélioré et constamment mis à jour pardes recommandations internationales issues des deux principalessociétés savantes de pneumologie, l’American Thorac Society(ATS) et l’European Respiratory Society (ERS) [9, 10]. Aujour-d’hui, la mesure du NO (d’origine bronchique ou alvéolaire)ne peut être valable (et/ou utile) que si les conditions expéri-mentales suivantes sont remplies :

– absence de contamination nasale ;– détermination de l’origine anatomique du NO mesuré

dans l’air expiré.

Absence de contamination nasale

La sphère naso-sinusienne représente sans conteste lapartie des voies aériennes où la production du NO est la plusabondante [11]. Ainsi, au cours d’une respiration normale, unegrande partie du NO produite par les cavités nasales diffusenten arrière vers la trachée et les bronches et enrichissent de façonnotable la concentration de NO détecté dans l’air expiré

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N. N. Le-Dong, A. T. Dinh-Xuan

(fig. 1). Pour éviter cette contamination naso-sinusienne, ilconvient d’isoler les cavités nasales par la fermeture volontairedu voile mou du palais en respirant contre une résistanceexterne, capable de générer une contre pression de 5 à 10 cmd’H2O. Ainsi, Kimberly et coll. ont montré que l’applicationd’une résistance externe permet d’exclure le NO d’originenasale et d’obtenir des valeurs proches des valeurs réelles deNO d’origine pulmonaire (bronchique et/ou alvéolaire) [12].

molécules de NO2 produites par la réaction du NO enprésence d’un excès d’ozone (O3) :

L’appareil de mesure affiche une concentration de NO enppb (parties par « billion » ou milliard : 10–9 l/l). La méthodede mesure de NO par chimioluminescence est l’une des quatreméthodes qui permettent de mesurer le NO dans un milieubiologique. Les méthodes de mesure par chromatographie, parréactif de Griess ou par fluorométrie sont moins précises que laméthode par chimioluminescence [14].

De nombreuses cellules pulmonaires sont capables desynthétiser du NO : les cellules épithéliales, les cellules endo-théliales, les cellules musculaires lisses et les cellules mononu-cléées inflammatoires [13]. Au cours de l’inflammation, laproduction de NO par les monocytes et les macrophages esttrès abondante et dépasse celle des cellules endothéliales etépithéliales.

Jusqu’à la fin des années 1990, l’on ne disposait que desméthodes permettant une mesure globale de NO expiré, mélan-geant la production des voies aériennes proximales (trachée etbronches de gros calibres) et celle des voies aériennes distales(bronchioles et sacs alvéolaires). En 1998, Tsoukias et Georgeont mis au point une méthode de mesure compartimentée duNO expiré, permettant d’effectuer l’analyse séparée des 2 sourcesde production de NO au niveau de l’appareil respiratoire : celleprovenant des bronches et celle provenant des alvéoles (fig. 2)[15]. Le NO produit par le poumon est issu d’un comparti-ment parenchymateux compressible (situé au-delà des bronchesde 17e génération) enrichi par le NO provenant du reste del’arbre aérien. Le premier compartiment est constitué de l’espacealvéolaire et bronchiolaire distal (fig. 2). Cet espace contient duNO à une concentration considérée comme constante (CANO,ppb), cet équilibre étant la résultante d’une productionépithéliale et/ou endothéliale (voire aussi originaire des cellulesinflammatoires alvéolaires) et d’une diffusion vers le lit vascu-laire pulmonaire. Ce volume de gaz contenant du NO (exprimépar la concentration alvéolaire CANO, ppb) est d’abord chassédu compartiment compressible durant l’expiration, puis enrichipar le NO d’origine bronchique au cours de son passage le longdes voies aériennes. Cet enrichissement progressif dans lalumière bronchique élève la concentration de NO de sa valeurinitiale, alvéolaire, jusqu’à la valeur finale mesurée à la bouche(CENO, ppb). Elle dépend logiquement de la vitesse à laquellele gaz balaye les voies de conduction et du débit de NO maximalque les bronches peuvent fournir (J’awNO, nl/mn) (fig. 2).

Le modèle à deux compartiments décrit ci-dessus connaîtnéanmoins des limites [16], notamment lorsque la productionbronchique de NO devient trop importante. Il y aurait alors

NO + O3• NO2

• + O2NO2

• NO2 + h� (photon)Le signal lumineux mesuré est proportionnel à la

concentration de NO.

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Fig. 1.

Impact de la fermeture du voile mou du palais sur la quantité deNO expiré.La fermeture du voile mou du palais empêche la diffusion du NOd’origine nasale vers les bronches et permet une mesure plusprécise du NO nasal et du NO bronchique (d’après [12]).

Détermination de l’origine anatomique

du NO mesuré dans l’air expiré

Produit par le tissu pulmonaire, le NO diffuse d’une part,vers le compartiment aérien (autrement dit vers la lumièrealvéolaire) et, d’autre part, vers le compartiment sanguin (autre-ment dit vers le capillaire pulmonaire). La diffusion du NO dutissu alvéolaire vers l’air obéit à la loi de Fick. Dans le sang, leNO réagit très rapidement avec l’hémoglobine, rendant laquantité de NO libre négligeable par rapport à la productiontissulaire alvéolaire ou bronchique. De même, au niveau tissu-laire, le NO réagit en quantité négligeable avec certainséléments comme les radicaux libres et thiols ou les ions super-oxydes [13].

La mesure du NO dans l’air expiré est basée sur le principede la chimioluminescence [14]. Celle-ci qui consiste à compterle nombre de photons émis lors du retour à l’état stable des

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un risque de surestimation de la concentration alvéolaire duNO, due à une diffusion rétrograde (encore appelée diffusionaxiale) du NO des bronches vers les alvéoles [17]. Pour éviterce biais de mesure, plusieurs publications récentes, toutesprovenant de l’équipe de Steven C. George, ont proposé unenouvelle modélisation en assimilant la forme des poumons àcelle d’une trompette [18-20]. Ces auteurs ont ainsi apporté ladémonstration que le NO peut diffuser des bronches vers lesalvéoles, augmentant alors de façon artéfactuelle la concentra-tion alvéolaire du NO. Il y a donc une nécessité de revoir laméthodologie afin de tenir compte de l’effet éventuel de la pro-duction bronchique sur la concentration alvéolaire de NO.Ceci a été l’objet de plusieurs communications à l’ATS cetteannée [21, 22].

La mesure du NO en ambulatoire

Jusqu’à une période très récente, le recours à des appareilsde mesure encombrants et la nécessité d’effectuer des examenssur le malade in vivo ont contribué à restreindre la mesure duNO expiré à un cercle relativement restreint des laboratoiresd’EFR. Il est probable que ces deux contraintes soient en trainde disparaître avec, d’une part, la mise à disposition d’appareilsportables [23, 24] et, d’autre part, la possibilité de recueillirl’air expiré dans des sacs étanches permettant la mesure du NOexpiré à distance (dans l’espace et le temps) du recueil initial[25]. Grâce à ces deux dispositifs, nous avons désormais lapossibilité non seulement de quantifier de façon non invasive,mais aussi de suivre l’inflammation bronchique en ambula-

toire. Ainsi, à l’ère de la mesure du souffle pour la détection etle suivi des maladies respiratoires, le pneumologue pourra doréna-vant avoir des données quantitatives du souffle (par la mesuredes débits et volumes pulmonaires) et une idée assez précisequant à la « qualité » de ce dernier, par la mesure de la compo-sition chimique (notamment celle en NO) de l’air expiré.

Références

1 Pagnier J, Baudin-Creuza V, Marden MC : La désoxygénation du milieuambiant était-elle la fonction première de l’hémoglobine ? Med Sci2000 ; 16 : 961-3.

2 Thébaud B, Arnal JF, Mercier JC, Dinh-Xuan AT : Inhaled and exhalednitric oxide. Cell Mol Life Sci 1999 ; 55 : 1103-12.

3 Gustafsson LE, Leone AM, Persson MG, Wiklund NP, Moncada S :Endogenous nitric oxide is present in the exhaled air of rabbits, Guineapigs and humans. Biochem Biophys Res Commun 1991 ; 181 : 852-7.

4 Delclaux C, Dinh-Xuan AT : Art – et artefacts – de la mesure du NOexpiré dans l’asthme. Rev Mal Respir 2005 ; 22 : 209-11.

5 de Jongste JC : Yes to NO: the first studies on exhaled nitric oxide-drivenasthma treatment. Eur Respir J 2005 ; 26 : 379-81.

6 Persson MG, Zetterström O, Agrenius V, Ihre E, Gustafsson LE :Single-breath nitric oxide measurements in asthmatic patients and smo-kers. Lancet 1994 ; 343 : 146-7.

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8 Dinh-Xuan AT, Texereau J : Measuring exhaled NO: not only a matterof how–but also why–should we do it? Eur Respir J 1998 ; 12 : 1005-7.

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10 Silkoff PE, Erzurum SC, Lundberg JO, George SC, Marczin N, HuntJF, Effros R, Horvath I : ATS workshop proceedings: exhaled nitricoxide and nitric oxide oxidative metabolism in exhaled breath conden-sate. Proc Am Thorac Soc 2006 ; 3 : 131-45.

11 Lundberg JON, Weitzberg E : Nasal nitric oxide in man. Thorax 1999 ;54 : 947-52.

12 Kimberly B, Nejadnik B, Giraud GD, Holden WE : Nasal contribu-tion to exhaled nitric oxide at rest and during breathholding in humans.Am J Respir Crit Care Med 1996 ; 153 : 829-36.

13 Ricciardolo FL, Sterk PJ, Gaston B, Folkerts G : Nitric oxide in healthand disease of the respiratory system. Physiol Rev 2004 ; 84 : 731-65.

14 Michelakis ED, Dinh-Xuan AT, Djaballah K, Souil E, Archer SL : Mea-surement of nitric oxide and nitric oxide synthase activity. In: Mathie T,Griffith TM, Eds. The Haemodynamic Effects of Nitric Oxide. Londres:Imperial College Press ; 1999. p. 163-85.

15 Tsoukias NM, George SC : A two-compartment model of pulmonarynitric oxide exchange dynamics. J Appl Physiol 1998 ; 85 : 653-66.

16 Mahut B, Louis B, Delclaux C : Mesure du NO expiré : méthodologie.Rev Mal Respir 2006 ; 23 : 6S29-36.

17 Van Muylem A, Noël C, Paiva M : Modeling of impact of gas molecu-lar diffusion on nitric oxide expired profile. J Appl Physiol 2003 ; 94 :119-27.

18 Shin HW, Condorelli P, Rose-Gottron CM, Cooper DM, George SC :Probing the impact of axial diffusion on nitric oxide exchange dynamicswith heliox. J Appl Physiol 2004 ; 97 : 874-82.

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Fig. 2.

Modèle à deux compartiments (d’après [10]).CANO : concentration alvéolaire de NO ; JawNO et J’awNO :respectivement débit et débit maximal bronchique de NO ;DawNO : capacité de diffusion du NO à travers les parois bron-chiques ; CNO : concentration endoluminale bronchique deNO.

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N. N. Le-Dong, A. T. Dinh-Xuan

19 Shin HW, Condorelli P, George SC : Examining axial diffusion of nitricoxide in the lungs using heliox and breath hold. J Appl Physiol 2006 ;100 : 623-30.

20 Condorelli P, Shin HW, Aledia AS, Silkoff PE, George SC : A simpletechnique to characterize proximal and peripheral nitric oxide exchangeusing constant flow exhalations and an axial diffusion model. J ApplPhysiol 2007 ; 102 : 417-25.

21 Kerckx Y, Van Muylem A : Impact of nitric oxide bronchial production onthe alveolar concentration. Am J Respir Crit Care Med 2007 ; 175 : A395.

22 Olin AC, Bake B, Shin HW, S.C. George : Modeling of alveolar nitricoxide and its relation to respiratory symptoms in adult population study.Am J Respir Crit Care Med 2007 ; 175 : A318.

23 Hemmingsson T, Linnarsson D, Gambert R : Novel hand-held devicefor exhaled nitric oxide-analysis in research and clinical applications.J Clin Monit Comput 2004 ; 18 : 379-87.

24 Sofia M, de Laurentiis G, Maniscalco M, Stanziola AA, Di Spirito V,Cianciulli F, Lundberg JO, Weitzberg E : Prospective evaluation ofexhaled nitric oxide by a new handheld analyzer in outpatients withCOPD (PREMINO Study). Am J Respir Crit Care Med 2007 ; 175 :A630.

25 Hamouda S, Chevalier-Bidaud B, Aboutaam R, Le Bourgeois M,Scheinmann P, Delclaux C, Mahut B : Mesure de la fraction expirée deNO chez l’enfant par une analyse extemporanée. Rev Mal Respir 2006 ;23 : 421-5.

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