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Méthodes de synthèse rapide et propriétés de composés magnétocaloriques La(Fe, Si) 13 H y A. Patissier a , V. Paul-Boncour a , M. Phejar a , L. Bessais a a Institut de Chimie et des Matériaux de Paris Est, CNRS-UPEC, 94320 Thiais, France Résumé Les composés La(Fe, Si) 13 ont été synthétisés par broyage à haute énergie suivi d’un recuit de 30 min à 1423 K dans le but d’obtenir rapidement des composés pour la réfrigération magnétique. Il est possible de mettre en forme directement l’alliage sous forme de pastilles par frittage flash (Spark Plasma Sintering). Les hydrures ont été obtenus par méthode solide gaz à 473 K. Les propriétés magnétocaloriques de ces phases ont ensuite été mesurées. Introduction Les méthodes de réfrigération utilisées actuellement nécessitent l’utilisation de fluides frigorigènes qui peuvent être toxiques pour l’environnement à cause de leur impact sur la couche d’ozone ou sur l’effet de serre entraînant un réchauffement climatique. L’utilisation de l'effet magnétocalorique (EMC) pour la réfrigération magnétique constitue une alternative prometteuse qui permettrait de s’affranchir de ces problèmes écologiques, et d’obtenir des systèmes plus compacts, moins bruyants avec une bonne efficacité énergétique. Ces applications nécessitent une température de fonctionnement proche de l'ambiante. Les recherches sur l'EMC se sont donc concentrées sur le développement de matériaux possédant des propriétés magnétocaloriques importantes autour de la température ambiante. Parmi les nombreux systèmes étudiés, un des plus prometteurs correspond à la famille La(Fe, Si) 13 [1,2]. Son intérêt est dû à son EMC géant, sa non toxicité, sa faible teneur en terres-rares (coût) et surtout la facilité avec laquelle il est possible d’adapter sa température de Curie (Tc). Cependant la synthèse de composés La(Fe,Si) 13 monophasés par fusion nécessite des temps de recuit de plusieurs jours voire plusieurs semaines. Nous avons mis au point une méthode de synthèse rapide par broyage à haute énergie suivi d’un recuit assez court [3]. Nous avons aussi étudié la mise en forme de ces poudres par frittage flash [4]. Enfin nous avons optimisé la synthèse des hydrures LaFe 13-x Si x H y pour obtenir des températures proches de la température ambiante pour la réfrigération magnétique. Les propriétés structurales et magnéto- caloriques de ces composés sont présentées. Méthodes expérimentales Les alliages La(Fe, Si) 13 ont été synthétisés par broyage à haute énergie avec un broyeur P7 (Fritsch). Les poudres ont été hydrogénées par méthode solide-gaz. La composition des alliages a été analysée par microsonde de Castaing. Tous les composés ont été caractérisés par diffraction des rayons X, avec un diffractomètre Bruker D8. Les courbes d’aimantation ont été mesurées à l’aide d’un PPMS-9T (Quantum Design). Les mesures de diffraction de neutrons ont été réalisées avec le spectromètre 3T2 au LLB à Saclay. Résultats et discussion Synthèse des alliages Un alliage LaSi a été préparé par fusion en four à induction à partir des métaux purs. Celui-ci est ensuite cobroyé 1h avec de la poudre de Fe et de Si en proportions appropriées pendant 1h à 600trs/min. Après broyage on observe un mélange de phase non cristallisée et de fer. La poudre est ensuite recuite sous vide. Les meilleurs résultats sont obtenus pour un recuit de 30 min à 1193 K < T< 1423 K. Le pourcentage de phase NaZn 13 est alors 95 % en équilibre avec moins de 2 % de fer et du La 2 O 3 . Plusieurs alliages LaFe 13-x Si x avec des taux de Si compris entre 1,4 et 2,4 ont été synthétisés. Le paramètre de maille est peu sensible au taux de Si, il varie entre 1,1457 et 1,1481 nm sans tendance systématique. Synthèse et structure des hydrures Des hydrures LaFe 13-x Si x H y ont été synthétisés par méthode de Sievert. La pression d’équilibre reste faible jusqu’à y=1,4 puis augmente de façon abrupte au delà. Une concentration maximale de 1,8 H/f.u. a pu être obtenue pour une pression de 10 bars. Lorsque l’hydrogénation est effectuée à 298 K, les composés de concentration y ≤ 1,2 sont diphasés avec un mélange de phases intermétallique et d’hydrure. Pour y 1,4, un hydrure monophasé peut être obtenu. Des hydrures monophasés de concentration y ≤ 1,2 peuvent être obtenus par hydrogénation à 473 K. On note cependant un élargissement des raies qui peut être dû à une distribution d’hydrogène autour de la concentration moyenne. 0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 1,2 1,4 1,6 1,51 1,52 1,53 1,54 1,55 1,56 a FM H 2 = 3,1 10 -3 nm 3 /H V (nm 3 ) y H Paramagnétique Ferromagnétique a PM H 2 = 2,6 10 -3 nm 3 /H Figure 1. Volume de maille des hydrures LaFe 11,5 Si 1,5 H y

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Méthodes de synthèse rapide et propriétés de composés magnétocaloriques

La(Fe, Si)13Hy

A. Patissiera, V. Paul-Boncour

a, M. Phejar

a, L. Bessais

a

a Institut de Chimie et des Matériaux de Paris Est, CNRS-UPEC, 94320 Thiais, France

Résumé

Les composés La(Fe, Si)13 ont été synthétisés par broyage

à haute énergie suivi d’un recuit de 30 min à 1423 K dans

le but d’obtenir rapidement des composés pour la

réfrigération magnétique. Il est possible de mettre en

forme directement l’alliage sous forme de pastilles par

frittage flash (Spark Plasma Sintering). Les hydrures ont

été obtenus par méthode solide gaz à 473 K. Les propriétés

magnétocaloriques de ces phases ont ensuite été mesurées.

Introduction

Les méthodes de réfrigération utilisées actuellement

nécessitent l’utilisation de fluides frigorigènes qui peuvent

être toxiques pour l’environnement à cause de leur impact

sur la couche d’ozone ou sur l’effet de serre entraînant un

réchauffement climatique. L’utilisation de l'effet

magnétocalorique (EMC) pour la réfrigération magnétique

constitue une alternative prometteuse qui permettrait de

s’affranchir de ces problèmes écologiques, et d’obtenir des

systèmes plus compacts, moins bruyants avec une bonne

efficacité énergétique. Ces applications nécessitent une

température de fonctionnement proche de l'ambiante.

Les recherches sur l'EMC se sont donc concentrées sur le

développement de matériaux possédant des propriétés

magnétocaloriques importantes autour de la température

ambiante. Parmi les nombreux systèmes étudiés, un des

plus prometteurs correspond à la famille La(Fe, Si)13 [1,2].

Son intérêt est dû à son EMC géant, sa non toxicité, sa

faible teneur en terres-rares (coût) et surtout la facilité avec

laquelle il est possible d’adapter sa température de Curie

(Tc).

Cependant la synthèse de composés La(Fe,Si)13

monophasés par fusion nécessite des temps de recuit de

plusieurs jours voire plusieurs semaines. Nous avons mis

au point une méthode de synthèse rapide par broyage à

haute énergie suivi d’un recuit assez court [3]. Nous avons

aussi étudié la mise en forme de ces poudres par frittage

flash [4]. Enfin nous avons optimisé la synthèse des

hydrures LaFe13-xSixHy pour obtenir des températures

proches de la température ambiante pour la réfrigération

magnétique. Les propriétés structurales et magnéto-

caloriques de ces composés sont présentées.

Méthodes expérimentales

Les alliages La(Fe, Si)13 ont été synthétisés par broyage à

haute énergie avec un broyeur P7 (Fritsch). Les poudres

ont été hydrogénées par méthode solide-gaz. La

composition des alliages a été analysée par microsonde de

Castaing. Tous les composés ont été caractérisés par

diffraction des rayons X, avec un diffractomètre Bruker

D8. Les courbes d’aimantation ont été mesurées à l’aide

d’un PPMS-9T (Quantum Design). Les mesures de

diffraction de neutrons ont été réalisées avec le

spectromètre 3T2 au LLB à Saclay.

Résultats et discussion

Synthèse des alliages Un alliage LaSi a été préparé par fusion en four à

induction à partir des métaux purs. Celui-ci est ensuite

cobroyé 1h avec de la poudre de Fe et de Si en proportions

appropriées pendant 1h à 600trs/min. Après broyage on

observe un mélange de phase non cristallisée et de fer. La

poudre est ensuite recuite sous vide. Les meilleurs résultats

sont obtenus pour un recuit de 30 min à 1193 K < T< 1423

K. Le pourcentage de phase NaZn13 est alors ≥ 95 % en

équilibre avec moins de 2 % de fer et du La2O3.

Plusieurs alliages LaFe13-xSix avec des taux de Si compris

entre 1,4 et 2,4 ont été synthétisés. Le paramètre de maille

est peu sensible au taux de Si, il varie entre 1,1457 et

1,1481 nm sans tendance systématique.

Synthèse et structure des hydrures Des hydrures LaFe13-xSixHy ont été synthétisés par

méthode de Sievert. La pression d’équilibre reste faible

jusqu’à y=1,4 puis augmente de façon abrupte au delà.

Une concentration maximale de 1,8 H/f.u. a pu être

obtenue pour une pression de 10 bars.

Lorsque l’hydrogénation est effectuée à 298 K, les

composés de concentration y ≤ 1,2 sont diphasés avec un

mélange de phases intermétallique et d’hydrure. Pour y ≥

1,4, un hydrure monophasé peut être obtenu. Des hydrures

monophasés de concentration y ≤ 1,2 peuvent être obtenus

par hydrogénation à 473 K. On note cependant un

élargissement des raies qui peut être dû à une distribution

d’hydrogène autour de la concentration moyenne.

0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 1,2 1,4 1,6

1,51

1,52

1,53

1,54

1,55

1,56

aFM

H2

= 3,1 10-3 nm

3/H

V (

nm

3)

yH

Paramagnétique

Ferromagnétiquea

PM

H2

= 2,6 10-3 nm

3/H

Figure 1. Volume de maille des hydrures LaFe11,5Si1,5Hy

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Les volumes de maille des hydrures LaFe11,5Si1,5Hy

augmentent en fonction du taux d’hydrogène (Figure 1).

On observe un saut de volume entre y = 0,8 et 1,2

suggérant que les hydrures sont dans un état

paramagnétique pour y ≤ 0,8 et ferromagnétique pour y ≥

1,2 (effet magnétovolumique à la transition).

L’augmentation de volume par atome d’hydrogène est

supérieure dans l’état ferromagnétique (3,1 10-3

nm3/H par

rapport à l’état paramagnétique 2,6 10-3

nm3/H).

L’étude structurale des deutérures LaFe11,5Si1,5D0,7 et LaFe11,5Si1,5D1,5 par diffraction de neutrons a montré que

les atomes de deutérium sont localisés dans des sites

interstitiels octaédriques de multiplicité 48 f (x48f = 0,022).

Mise en forme par SPS Les poudres de LaFe11,5Si1,5 peuvent être frittées sous

forme de pastilles par Spark Plasma Sintering ou frittage

Flash. Nous avons pu montrer [4] que l’alliage de type

NaZn13 peut être obtenu directement par synthèse réactive

à partir de la poudre non recuite avec une pression de 50

MPa et une température maximale de 1273 K. Ceci permet

d’effectuer le recuit et la mise en forme en une seule étape

en moins de 30 min.

Propriétés magnétiques et magnétocaloriques La température de Curie des alliages LaFe13-xSix augmente

presque linéairement de 190 à 240 K pour un taux de Si

variant entre 1,2 à 2,4. Cette variation a été attribuée à un

effet électronique puisque le volume des alliages est

indépendant du taux de Si. L’insertion d’hydrogène dans le

composé LaFe11,5Si1,5 entraîne une augmentation linéaire

de la température de Curie qui varie de 240 à 340 K pour y

variant de 0 à 1,6 H/f.u. (Figure 2).

0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 1,2 1,4 1,6

200

220

240

260

280

300

320

340

TC (

K)

yH

TC=213+83.y

H

Figure 2. Températures de Curie des hydrures

LaFe11,5Si1,5Hy.

Les variations d’entropie magnétiques (∆SM) ont été

déterminées à partir des courbes d’aimantation mesurées

en champ croissant, en appliquant la relation de Maxwell.

Pour les alliages on observe que l’intensité des courbes

∆SM diminue avec le taux de Si tandis que les raies

s’élargissent (figure 3). Ceci s’explique par le passage

d’une transition du type premier ordre vers une transition

du second ordre. Cette hypothèse a été confirmée par

l’évolution des tracés d’Arrott au voisinage de Tc.

L’évolution des ∆SM des hydrures LaFe11,5Si1,5Hy (figure

4) montre une diminution de l’intensité maximale pour les

hydrures de concentration intermédiaire (y= 0,2 et 0,6)

puis une ré-augmentation pour les plus fortes

concentrations (y = 0,8 et 1,6). Cette évolution peut

s’expliquer par la distribution de concentration en

hydrogène à l’intérieur du matériau pour y = 0,2 et 0,6 qui

se traduisait par un élargissement des raies de diffraction.

160 200 2400

5

10

15

20

25

30

35x = 2,0x = 1,8x = 1,6

-∆S

M (

J/kg K

)

T (K)

x = 1,4

160 200 240

160 200 240

160 200 240

180 240 300 360

µ0H

= 2 T

µ0H

= 5 T

x = 2,1

Figure 3. Variation d’entropie des alliages LaFe13-xSix.

150 200 250 300 350 4000

-1

-2

-3

-4

-5

-6

∆SM

(J/

kg

K)

T (K)

yH=

0,0

0,2

0,6

0,8

1,6

µ0H = 1T

Figure 4. Variation d’entropie des hydrures LaFe11,5Si1,5Hy

Conclusion Dans cette étude nous avons montré qu’il est possible de

synthétiser rapidement des alliages LaFe13-xSix et de les

mettre en forme par SPS. La température de Curie peut

être adaptée par hydruration. Ces résultats sont intéressants

par rapport à ceux de la littérature dans laquelle un grand

nombre de méthodes de synthèse ont été étudiées afin de

réduire le temps de synthèse et de préparer des alliages à

l’échelle industrielle. La méthode proposée ci-dessus

minimise les étapes proposées par la méthode TDR [5] et

évite la dilution engendrée par le mélange de composés

avec de la résine epoxy [6].

Références

[1] F. X. Hu, M. Ilyn, A. M. Tishin, J. R. Sun, G. J. Wang,

et al., J. Appl. Phys., 93 (2003) 5503.

[2] S. Fujieda, A. Fujita, K. Fukamichi, Sci. Technol.

Adv. Mater., 4 (2003)

[3] M. Phejar, V. Paul-Boncour, L. Bessais,

Intermetallics, 18 (2010) 2301.

[4] A. Patissier V. Paul-Boncour, J. Alloys Compd., 645

(2015) 143.

[5] M. Katter, V. Zellmann, G. W. Reppel, K. Uestuener,

Ieee Transactions on Magnetics, 44 (2008) 3044.

[6] C. Mayer, A. Dubrez, M. Pierronnet, P. Vikner,

Physica Status Solidi C., 11 (2014) 1059.