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Armand Colin Deguy, aujourd'hui Author(s): CLAUDE MOUCHARD Source: Littérature, No. 114, MICHEL DEGUY (JUIN 1999), pp. 5-16 Published by: Armand Colin Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41704715 . Accessed: 14/06/2014 21:48 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Armand Colin is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Littérature. http://www.jstor.org This content downloaded from 185.2.32.96 on Sat, 14 Jun 2014 21:48:32 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

MICHEL DEGUY || Deguy, aujourd'hui

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Armand Colin

Deguy, aujourd'huiAuthor(s): CLAUDE MOUCHARDSource: Littérature, No. 114, MICHEL DEGUY (JUIN 1999), pp. 5-16Published by: Armand ColinStable URL: http://www.jstor.org/stable/41704715 .

Accessed: 14/06/2014 21:48

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■ CLAUDE MOUCHARD

Deguy, aujourd'hui

Deguy sous certes,

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plus gagné

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évidence écrits,

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qui

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d'aujourd'hui.

ramassent le temps,

sur mais Difficile,

l'essen- aussi certes, sa poésie a gagné en évidence - avec le temps, mais aussi

sous l'effet de ses plus récents écrits, qui se ramassent sur l'essen- tiel. Le temps est venu de sentir la puissance immédiate de cette œuvre. Les phrases de Deguy requièrent-elles du lecteur une excessive attention ? C'est qu'elles captent des données très amples aussi bien que des micro- événements, et que, grâce à elles, des pensées longuement méditées af- fluent et se condensent dans des instants poétiques d'une pure acuité.

Deguy est, en même temps que poète, un intellectuel. D'où des

polémiques - avec Althusser ou Genette, jadis, ou encore, plus récem- ment, Bourdieu. Ou des proximités : Heidegger, Derrida, Lanzmann. Mais la poésie ne cesse pas d'être, pour transposer Pascal, sa « montre » secrète : c'est elle qui, de tout rapport, lui donne la mesure.

Des étapes, dans cette œuvre ? Ou même des ruptures ? Ce qu'on y décèle plutôt, ce sont des reprises multiples, et renouvelées sans trêve, de ce qui a toujours retenu Deguy : événements biographiques, bien sûr - même s'ils se dissimulent souvent dans le tissu poétique - , échanges de la poésie avec d'autres domaines (avant tout avec la philosophie), ébranle- ments historiques qu'il a connus, affrontement avec l'invasion du « cultu- rel », tentatives réitérées pour créer, autour de la poésie, du collectif.

VIVREf ÉCRIRE

L'immédiat, chez Deguy, c'est ce qu'on y entend de rauque mais fluide. De Chateaubriand, Proust dit qu'à entendre « ce qui est son cri à lui » (proche de celui d'un oiseau de nuit, « monotone », « inimitable »), « on sent bien ce que c'est qu'un poète ». Dans les vers et la prose de Deguy, un cri rugueux file. Bruit de l'étirement de la syntaxe, sifflant tressage des significations, il dévide les figures, il court à travers mots et sons, mais, soudain, pour les refondre impérieusement en néologismes agglutinants. Ce crissement de la continuité, on le sent encore dans la voix ^ assourdie de Deguy lorsque, disant ses poèmes, il y fait monter le « gron- i ^111 LITTÉRATURE dement ^111 de la langue ». N° m - juin 99

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■ MICHEL DEGUY

Lire Deguy, c'est laisser l'initiative à sa phrase. Celle-ci avance, en- tame ce qui est là (ce qu'« il y a », aime-t-il à dire), ce qui la précède et en

quoi elle se forme. Sous son attaque, s'éclairent ou bruissent des espaces familiers (Paris) ou exotiques (la terre entière). Ciel (en avion) ou foules (dans les rues), c'est le « monde » ou - renaissant sous le vent, ruisselant - son « mondoiement ». Cette poésie se fait dans (ou malgré) la vie ou le monde. Non pourtant qu'elle raconte ou décrive. La poésie, dit Deguy (préface à Sources du vent de Reverdy), ne se soucie pas d'« épuiser des-

criptivement ce qui serait déjà là, déposé, constitué, à recenser dans une narration cherchant à s'acquitter d'un spectacle... ».

Deguy n'est donc pas enclin à se raconter. « Il est plus aisé de parler de "la vie" que de sa vie » remarque-t-il dans « Façons & contrefaçons », à la fin du livre collectif qui lui est consacré : Le poète que je cherche à être (La Table ronde / Belin, 1996). Les notices biographiques qu'il fournit sont ironiquement laconiques. Par exemple dans Poèmes 1960-1970 («Poésie», Gallimard) : «DEGUY Michel / 23.5.30 / Paris / Marié; 3 enfants / agrég. philo. / Enseigne au lycée jq. 68 / puis la littre frçse Université Paris 8. »

De l'autobiographique perce partout, chez Deguy, mais toujours hâ- tivement. Se dire soi-même ? Les poèmes révèlent combien il peut être douteux d'être, simplement, soi. Cette vie, ce « soi », ce corps ? « Com- ment peut-on dire "mien" telle partie du corps / Le doigt le sperme c'est ridicule / Ce qui est mien ne serait pas cela. » (Gisants.)

En fait, le « je », dès que livré aux poèmes, se transforme (où se révèle la filiation avec Mallarmé, pour qui « devant la page le poète se fait »). « ... "je"... ? », interroge un poème de Jumelages. Et le poème ré-

pond : « Papier blanc ; le temps de s'y porter, et j'arrive m'étaler sur cette

neige, cette plaque, ce vide. Un "je" s'y métamorphose, chemin faisant. »

D'autres vies demandent, non moins que le « je », à émerger dans les

poèmes. Existences surgies avant soi ou après soi, autour de soi, par soi :

père ou enfants, femme, proches divers... Toutes ces vies se pressent, vou- draient des paroles. Plusieurs seront à dire à partir de la mort. « D faut (insiste À ce qui n'en finit pas - à propos de l'épouse disparue) que je dessine sa vie avec exactitude, quel en fut le courage, la dévotion, l'endu-

£ rance, et le découragement, la résolution, la limitation, l'effroi permanent et le rire, la défaite et l'horreur. » Le poème alors se fait acte, rituel, don à

la morte ou au mort ; le voici « tombeau », « obsèques », « convoi ». Pour

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DEGUY, AUJOURD'HUI ■

le père mort douloureusement, quelques mots auront créé (dans Gisants) un lieu, enfin, de repos :

Ici j'écris mentalement

Repose J D sous un cèdre à jamais je-t-abandonne murmure dans les blés à coquelicots Gisant.

La mort - « La mort assurée, ruisselante, imminente » - , Deguy ne prétend pas l'envisager « en face ». Mais il l'épie («Je vais prendre un café au café du coin pour surveiller la mort »). Il veut sentir au fil des heures « le non-temps de mourir qui pleut ».

Elliptiques, les contacts que captent ou font les poèmes. Si délicats.

Érotiques, soudain ?

Tu me cognais le front pour marquer ton désir tu n'y aurais trouvé que le désir d'être à bord de ton lit (Jumelages).

Alors les vers hésitent entre allusion et crudité. Un corps féminin, pour le désir-regard de la page, s'expose (comme une Woman de De

Kooning) déroulé : «Je vois trouble, dépliant tes muqueuses sur des fils

entoptiques, tout le corps peu à peu induit de cette humeur qu'il va

composer et chercher en toi avec la sienne et la tienne. » (Gisants.) La sensation ? C'est «... ce qui ne dure pas ». L'émotion ? « ...l'es-

sentiellement fugitive ». Elles n'en livrent pas moins l'énigme des choses, ou ce qui les tient ensemble. Et aussitôt de la « légende » murmure - une « fable inchoative », un peu de naissance d'œuvre. Complexes, ces ins- tants. Car si « l'œuvre a besoin de l'émotion », réciproquement (remarque Deguy dans « Une œuvre après Auschwitz », sa contribution à Au sujet de Shoah), « l'émotion a besoin du tableau » - ou de « quelque chose dans la vie qui fait tableau, qui s'arrache, s'échappe, se détache ».

Langage poétique et liens vécus - écrire, aimer - peuvent échan- ger, avec une joie furtive, leurs possibilités : « Faute de toi les mots ne s'assembleraient pas. » (Donnant Donnant.) Mais écrire et vivre risquent toujours d'entrer en conflit. Querelle de « droits », de disponibilités. Écrire a besoin de ce « loisir » que la vie refuse. Et pourtant, l'écriture insomniaque de Deguy sait toujours trouver le temps. D'ailleurs, comme ~J dit Lichtenberg, « les gens qui n'ont jamais le temps sont ceux qui ne font

C-1 ✓ • i T' v i 1 A LITTÉRATURE jamais rien ». C-1 bi la poesie,

✓ • chez i Deguy, T'

pense a v plusieurs i choses 1 en meme A n° ih - juin 99

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■ MICHEL DEGUY

temps, le poète lui-même ne peut-il faire (au moins) deux choses à la fois ? Écrire réépouse toujours les « circonstances » (Deguy a rafraîchi ce mot). D'où d'ailleurs la variété des poèmes - qui est pour une part celle des rencontres et des confrontations, celle des voyages et des visions briève- ment illuminantes (même si toujours la déception guette).

Une « circonstance » considérable est l'Université. Toute sa vie, De-

guy aura enseigné ou, dit-il, « été enseigné ». Or, pour lui, la poésie n'en-

seigne pas - à la différence de la philosophie. Les phrases de Deguy n'en sont pas moins capables de se faire assertoriques, démonstratives : ensei-

gnantes. Mais leur éloquence soudain s'assourdit, s'interrompt en synco- pes. Le « rythme de la pensée » en poésie - déclare Deguy (en parlant d'un poète disparu, Christian Guez) - «oscille» entre «désir d'être entendu » et « mise au secret ».

Écrire au vol, parmi maintes tâches, exige des « notes ». Celles-ci naissent de brèves « épiphanies » ou, cruelles, sont (est-il dit dans Actes) « prises au cours de vivisection quotidienne ». Chaque page de Deguy se saisirait-elle de l'instant où elle s'écrit ? Ce serait pour mieux l'arracher avec elle.

Les livres entiers de Deguy travaillent contre et avec le temps. Dans la succession rapide des publications passe le rythme d'une œuvre-vie.

Fragment du cadastre (Gallimard, 1960), Poèmes de la presqu'île (Galli- mard, 1962), Biefs (Gallimard, 1964), Actes (Gallimard, 1966), Ouï dire (Gallimard, 1966), Figurations (Gallimard, 1969), Tombeau de Du Bellay (Gallimard, 1973), Reliefs (D'Atelier, 1975), jumelages suivi de Made in USA (Seuil, 1978), Donnant Donnant (Gallimard, 1981), La Machine ma- trimoniale ou Marivaux (Gallimard, 1982), Gisants (Gallimard, 1985), Brevets (Champ Vallon, 1986), Choses de la poésie et affaire culturelle (Hachette, 1986), La Poésie n'est pas seule (Seuil, 1987), Le Comité

(Champ Vallon, 1988), Arrêts fréquents (A.-M. Métailié, 1990), Aux heures ď affluence (Seuil, 1993), À ce qui n'en finit pas (Seuil, 1995), L'énergie du

désespoir (PUF, 1998). S'y ajoutent des choix de poèmes (trois volumes en « Poésie », Gallimard), des contributions à des ouvrages collectifs (dont Du Sublime, Belin, 1988, et Au sujet de Shoah, Belin, 1990) et maintes interventions. Classer tous ces écrits en genres ou domaines ? Le foisonne- ment de l'œuvre de Deguy rendrait, aujourd'hui, une pareille tentative

g oiseuse.

Les livres de Deguy se prolongent les uns dans les autres - en « stolons » ou comme un « banyan ». S'ils font une œuvre, c'est en ressou-

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DEGUY, AUJOURD'HUI ■

levant et remaniant continûment la question de l'œuvre : comment le monde s'inclut-il dans l'œuvre à mesure que l'œuvre se forme dans le monde, par enveloppement (explique La Poésie n'est pas seule) du « petit tout » dans le « grand tout » et réciproquement ?

Cosmique, amoureux (mais non sans amertume) de la terre : tel ne cesse pas de brûler le désir d'un poète « (se) levant tôt sur la pointe en

genêts / De la vieille terre réémise redorée / Qui retourne lentement sa

joue ďest à Vénus » (Donnant Donnant). Ou l'avion qui lui fait redécou- vrir la terre et « la vieille peau ocre trouée avec les giclées de / vent violet et de sel sur les trous » (Jumelages).

Le poète sent-il, ému, le tout - quand « la réalité se dispose en "bord" d'elle-même » ? Alors le poème bruit doucement. Avec l'allégresse de l'épuisement, il retrouve un état du langage « où la prose n'est pas encore différente de la poésie, ni la poésie de la pensée, ni la parole dite de la parole écrite » (Actes). Et c'est alors qu'il est « grammaire première », « refondation de tropes, naissance de l'usage ou pouvoir de la langue dans ses possibilités ».

Par les tropes ou figures, le langage accède au monde. « Comparu- tion » (du réel à dire) et « comparaison » (des choses par le langage) sont indissociables. Ainsi les figures dansent-elles sur le rivage du réel, multi-

ples comme les muses nocturnes de Du Bellay. Et Deguy leur donne une neuve littéralité. La prosopopèe fait «envisager» lumineusement ce

qu'elle appelle à « comparaître ». Ou c'est la métaphore qui s'effectue en

métamorphoses - non (comme pour le merveilleux traditionnel) par ir-

ruptions d'un dehors divin ou par sorties hors du monde ordinaire, mais en ouvrant la mystérieuse réalité et en transformant inépuisablement les choses en elles-mêmes. Cette complexité raffinée ne rompt pas avec 1'« in- choatif » ni avec la maladresse de qui titube dans la langue. Dans tout poème, un enfant, peut-être, « parle avec des mots mal employés » - et c'est un « retour au chaos de la langue », avec « couches tassées, explo- sions souterraines, failles brusques » (Figurations).

Parfois, au contact du réel, du « vaste », de la vie et de la mort trop unies, les rapports, reflets ou échos (paronomase, remêlement de mots) qui naissent dans les poèmes de Deguy se pétrifient orageusement. Et c'est soudain une effervescence froide, énigmatiquement révélatrice, une houle qui se fige, minérale et sifflante (de la pierre en fusion, comme peut faire le

J r^l_ • ' LITTÉRATURE piano de J r^l_

Chopin • ' ) . N° i h - juin 99

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■ MICHEL DEGUY

« LA POÉSIE N'EST PAS SEULE »

Les figures, qui foisonnent chez Deguy, sont aussi objet constant de

pensée. Non qu'une « théorie » poéticienne se scinde là de l'écriture poé- tique. S'il y a théorie, chez Deguy, c'est en proie à une agitation langagière non moindre que celle des poèmes : nulle démonstration qui ne crée à mesure de l'évidence poétique, et qui par là ne se fasse preuve de ce

qu'elle avance. En tout registre où Deguy écrit, c'est toujours la poésie qui se cherche.

Et c'est en poète qu'il lit Du Bellay, Marivaux, Baudelaire, Mallarmé, Proust, Beckett ou Genet. Il pense et écrit avec eux. Multiformes les liens, de l'analyse à la réécriture. Écrire « sur » Rimbaud, pour Deguy, ce sera aussi bien repasser, par telle de ses phrases, sur l'une ou sur quelques-unes de celles d'Une saison en enfer.

Ces rapports poétiques franchissent les frontières entre littératures et

langues. Deguy est un poète traducteur (et la traduction hante sa pensée poétique) : il va vers Sappho, Hölderlin ou Celan, ou, du côté américain, Duncan, Olson, Ashbery... Parfois même il fait des incursions dans d'autres langues, et incorpore à son français du grec, ou du latin, de l'allemand, voire de l'anglais.

Si diverses, les lectures de Deguy ne sont-elles pas dévorantes ? La Poésie n'est pas seule : ce titre, ou ce constat, est-il heureux ? Il se peut aussi que la poésie aujourd'hui souffre de ne pouvoir s'isoler : « est-ce malheur définissant des "poètes" que d'errer maintenant de livres en li- vres », demande Deguy dans Jumelages. Il est lecteur de livres et de ma- nuscrits, d'essais, il est amateur d'hypothèses (dans le champ anthropolo- gique, souvent, par exemple, naguère, sur les traces de René Girard). Il lit les journaux, écoute, capte et cite, mais pour décaler poétiquement ce qui passe à portée. Ses œuvres frémiraient-elles d'une fièvre encyclopédique à la Novalis ?

Outre les livres, musique ou peinture s'imposent au plus près. Cha-

que art, écrit Deguy - non loin de Baudelaire - « mime ses proches, il est en relation de mimer les arts voisins qu'il jalouse » (La Poésie n'est pas seule).

10 De la philosophie, surtout, la pensée poétique de Deguy est insépa- rabie. Sa réflexion sur l'imagination s'est nourrie de Kant aussi bien que

N° 114 - JUIN 99 de Baudelaire. Envers Heidegger surtout sa dette est évidente. De ce qu'il

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DEGUY, AUJOURD'HUI ■

ya - pour « nous », « obligatoirement » - à recevoir de lui, Deguy parle toujours avec une gravité particulière : « La responsabilité que la pensée de Heidegger nous somme de prendre - par où elle nous oblige et exerce sur nos pensées une attraction obligatoire - est la responsabilité à l'égard de l'être, dont nos langues maintiennent l'entente et l'attente... » (La Poé- sie n'est pas seule.) À cette méditation de l'être, et à l'habitation poétique du monde, telle que Heidegger la reprend de Hölderlin, Deguy ne cessera pas de revenir. Ce lien avec Heidegger connaît chez lui son histoire pro- pre, et l'associe à d'autres philosophes : Merleau-Ponty ou Derrida, Nancy et Lacoue-Labarthe, etc.

Il arrive pourtant à Deguy de déceler chez Heidegger une « idée faible de la poésie ». Contre le philosophe, alors, il défend en poète la métaphore ou la comparaison. Une pensée du « comme » s'affirme chez lui. Elle s'élargit, se radicalise. Deguy discerne d'ailleurs (en les reliant) deux « comme » en français. Il lui faut ici passer par l'allemand : « Als , c'est notre en-tant-que ; wie, notre comme de comparaison. » (La Poésie n'est pas seule.) Là même où on ne dit pas (par comparaison ou méta-

phore) deux choses à la fois, toute chose nous vient à dire selon un « als » : elle est pour nous « en tant que » ce qu'elle est.

Le « comme » de Deguy lui permet de reprendre, en la déplaçant, la tradition philosophique et, singulièrement, l'interrogation sur le sublime. « Relisant » le Pseudo-Longin (« Le Grand-dire », dans Du Sublime ), De- guy mesure à nouveau les ambitions de la poésie, son désir du « tout », son affrontement avec la mort : « la condition mortelle et le moment du périr sont en jeu avec le sublime », car « il est sublime le point gagné d'éphémère immortalité, la parole adverse arrachée à la mort... » Mais c'est ici aussi que la poésie, contre tout enthousiasme qui tournerait à de la croyance, recrée toujours un suspens, et de la sobriété. L'exemple, su- blime (dans «Le Grand-dire»), du Quintette opus 44 de Schumann donne toute sa portée au « comme » ou « comme si » de Deguy : « C'est une marche funèbre, avec l'élan et la remontée comme pour en sortir ; comme si l'issue était par là, du côté indiqué par l'ascension, quand bien même nous saurions que le sommet est sans issue. Chercher l'issue en montant, par le "sommet" qui est sans issue. Faire comme si la direction du sommet montrait une issue... » Rien mieux que la musique - immi- nence et retrait - ne donne à sentir le « comme si » sublime. Car « peut- ^ ^ être» (remarque Deguy dans L'énergie du désespoir) «n'y a-t-il rien d'autre à espérer qu'un passage (du) sublime... ». Les cimes ou les N° 114 - JUIN 99

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■ MICHEL DEGUY

positions-limites ne sont-elles pas d'ailleurs toujours voilées dun « comme » ? Deguy le remarque : « Nul ne reste "en l'air", et du sublime la rechute est fatale. »

C'est que Deguy ne s'affranchit pas d'un rugueux réalisme. Un

poème de Donnant Donnant s'exalte-t-il à dire le ciel ou le survol de la terre ? La vision, sublime en effet, des « avions » qui « se croisent comme les sabres martiaux » contient déjà son retour sur terre : dans ces trajectoi- res, ce que Deguy voit flamboyer, c'est aussi la concurrence des positions individuelles, à laquelle on n'échappe pas par le « haut » et qu'il faut sentir en plein ciel aussi bien que dans la cohue du métro. En haut, en bas, on aura toujours à frôler « des millions d'orbites féroces / Privées chacune tentée d'en faire un monde » (où de surcroît la locution « en faire un monde » hésite entre un haut philosophico-poétique - de style phénomé- nologique - et un bas ironique, familier, égalisateur).

Ce réalisme poétique inspire une éthique : il faut ne pas « s'excep- ter ». C'est que « tout est position » (Jumelages), que nulle « rigueur », théorique en particulier, ne saurait « neutraliser la partialité constitutive de son ouverture, résorber en universaux la position du point de vue qui opère en son champ ». La poésie réalise comme nulle autre ce prosaïsme nécessaire ; elle défait les illusions de quiconque croirait, s'affranchissant de tout lieu, voir et penser sans s'éprouver vivant, mortel, situé : « Tu vois tu oublies que tu vis que tu meurs en voyant tu oublies le prix à payer pour voir ça pour VOIR [...] » ( V énergie du désespoir.)

Oxymorique, le langage de Deguy unit à ses formulations les plus élaborées des locutions ramassées au hasard des rues : « (ou relevé au cul d'un autobus : "Question / occasion / voir / untel") » (Jumelages). Le tri- vial s'insinue, mordant, se fait tentation mauvaise. Telle s'avoue, dans

L'énergie du désespoir , « mon expérience du démoniaque... » : c'est « une "voix" qui "détériore", qui "empire, contredit, salope" » ; c'est une « sorte de Mr Hyde intérieur, clandestin, qui murmure, réducteur cyni- que, le contre-thème, contrepoids, de l'explicite ; médisant ce que je suis en train de vivre, aimer, prôner : démon de la vérité réductrice, qui n'y croit pas et se le dit... »

DANS cc L'ÉLÉMENT DE L» HISTOIRE »

12 Faudrait-il reconnaître chez Deguy une « déception » croissante - sur le fond d'un espoir poétique immense mais passé ? Dans un entretien

de 1987 avec Jacques Darras, Deguy évoque « un temps de confiance,

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DEGUY, AUJOURD'HUI ■

d'espoir adolescent dans la poésie » auquel « succède le temps qui va devenir celui de la déception ». Dangereux, « ce moment de perte de confiance comme quand on s'avance très loin sur la glace et qu'elle cra-

que... » Mais la poésie, chez Deguy n'a-t-elle pas toujours uni à l'espoir le désenchantement ? Par-delà l'adolescence et à travers d'importantes in-

flexions, rien n'indique chez Deguy une rupture proprement poétique. «Je ne crois pas, remarque Jacques Derrida (« Comment nommer » dans Le poète que je cherche à être), pas plus que dans le cas de Heidegger, qu'il y ait deux Deguy : il y en a un et beaucoup plus de deux... »

Le temps, chez Deguy, n'est pas celui de la simple succession des recueils ; cette œuvre ne cesse de se reprendre et de se déplacer tout entière. Par là elle travaille l'histoire de la poésie en général. Entre passé d'avant soi et avenir d'au-delà de la mort, comment recevoir et restituer, pour accomplir un « donnant donnant » ? Hériter en poète des richesses de la tradition, c'est aujourd'hui affronter un sphinx qui vous fait d'abord reculer dans votre solitude : « La poésie était là avant moi : langue, lan-

gage, corpus, et elle me pose mon énigme dans la rencontre... » (jumela- ges.) L'« avant moi » défie le poète mais a besoin de lui. Le « déjà là » n'existe que baigné de la lumière du nouveau. Ainsi dans un merveilleux

poème, clair et mobile comme le feu, de Donnant Donnant , un vieux

mythe renouvelé dit, laconiquement, le don de perpétuel rajeunissement, voire d'immortalisation, dont la poésie doit être capable : « C'est la vieille Déméter méconnaissable au foyer brillant des hommes... » qui cherche « à

tremper en secret l'enfant dans un bain de braise ». Certes, elle « échoue » la déesse-terre hors d'âge. « Mais (ajoute le poème) sa visite eut lieu... » La

poésie aujourd'hui, peut-elle être encore ce passage de flamme - ina-

perçu, mais réel ?

L'œuvre poétique de Deguy, selon sa temporalité interne et son tra- vail sur le devenir de la poésie, s'immerge de plus en plus dans l'histoire

qui advient. Nulle « vie laborieuse et contemplative », nulle « sérénité »

poétique, constate Deguy, que n'envahissent soudain « le chaos, le désor- dre, l'événement », « le cours-du-monde », sa « contingence sanglante » (La Poésie n'est pas seule).

Pour la poésie affrontant l'histoire qui menace de la submerger, quel aura été l'effet du « désenchantement » religieux moderne ? Deguy fait entrevoir, en plusieurs endroits, qu'il y eut, pour lui personnellement, crise ^ religieuse. Qu'en fut-il de sa poésie ? La poésie, depuis deux siècles (et,

T ATT THF. par exemple, Coleridge), interroge la croyance. «Y a-t-il quelque carac- n° m -juin 99

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■ MICHEL DEGUY

tère du croire requis par ce que l'appellation de "poésie" évoque, invo-

que ? » se demande Deguy en parlant de Christian Guez (Po&sie n° 82).

Deguy n'écrit pas avec la certitude qui émanerait dun Dieu person- nel et parlant. De Debussy - sobre, et au fond si âpre - François George a dit qu'il « n'a pas l'oreille de Dieu ». Et Deguy ? Le passé reli-

gieux ne s'évanouit pas simplement, il doit se métamorphoser. « La révéla- tion n'est pas un leurre, dit-il dans "Le Grand-dire", elle est celle du comme. » Ce propos est à relier à cet autre de Donnant Donnant : « Le comme garde ses distances avec. L'énoncé qui le comporte ne se prend pas pour la Vérité. »

La poésie, pense Deguy, devrait dire et penser, accompagner, voire orienter l'inéluctable «profanation» moderne. Désormais «sans au- delà », rappelle L'énergie du désespoir, « nous sommes de rencontre, par rencontre ». Aussi notre séparation d'avec les morts veut-elle aujourd'hui d'autres mots que ceux de la tradition. Pas de « regrets éternels sur la tombe », mais un « nouveau regret lyrique », et dans lequel s'engouffre, en

plis et souffles, tout un « nouveau mondoiement du monde ».

Il est une « transcendance » sur laquelle Deguy s'arrête plusieurs fois

pour évoquer la manière dont les hommes ont su ou dû 1'« inventer », du fait qu'ils étaient « divisés contre eux-mêmes ». C'est celle « d'une Justice qui répartit juges, avocats, parties adverses, témoins, procureurs, audience muette... ». De la Justice, face à la Shoah, Deguy (dans « Une œuvre après Auschwitz ») reconstitue l'entrée en scène : « "Que s'est-il passé, comme avez-vous pu... ?" demande la voix de la Justice qui paraît descendre du Ciel ou de l'Ordre. » Telle est, dit-il encore, « l'antique scène primitive de la littérature qu'ouvrait Aristote », « la grande scène rhétorique ». Mais sous le choc du film de Lanzmann (« don », « mise en œuvre » de « la

tragédie de ce temps ») et du silence qu'il contient, toutes les formulations

poétiques et poéticiennes, politiques ou philosophiques de Deguy se ris-

quent. Œuvre de la limite, Shoah, remarque Deguy, obéit « à la loi d'une

impossibilité de représenter, loi du silence si l'on veut», et en même

temps « la traverse, la surmonte malgré elle ». C'est une œuvre de la « mi- mêsis et de la mnêmê impossibles ensemble ». Alors « la parole tragique serait-elle rendue possible, par une relation (film) à l'ultime relation

(témoignage), à la disparition de tout ce qui fut la tragédie de la

"Vernichtung", de l'anéantissement, comme à des yeux énucléés, aveuglés, de témoins exorbités par l'horreur de ce qu'ils ont vu ? » (« Une œuvre

LITTÉRATURE * i • ' n° 114 - juin 99 apres Auschwitz ») .

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DEGUY, AUJOURD'HUI ■

Avec la justice ou la loi (religieuse, politique, juridique ou judiciaire), la justesse poétique selon Deguy a des contacts qui brûlent. Le rythme et les tours de la poésie se font alors tentatives pour mesurer du dedans le social. Il est vrai que toute formulation sur quoi s'accorder - sous la-

quelle se rassembler en un « nous » ou selon laquelle trouver ce qui re- viendrait à chacun - semble vouée à devenir, chez Deguy, paradoxale, chauffée à blanc, aveuglante, syntaxiquement ondulante. Par exemple dans Donnant Donnant : « Cette loi mais folle mais loi : de proportion inverse entre ce qui est et le dire : plus tu as ce que tu as plus ton dire est de dire que ce que tu as est ce dont tu manques. » C'est par sa poésie et sa

poétique du « comme » que Deguy s'approche des tensions politiques de notre temps. La « pensée comparante » nous ramène toujours à une évi- dence aujourd'hui si nue : « L'un n'est pas l'autre, l'un est comme l'autre ; et à ce prix "nous" pouvons former un "nous".» («Une œuvre après Auschwitz ».) Deguy retrouve Arendt, qu'il a jadis contribué à traduire, lorsqu'elle affirme par exemple : « La politique traite de la communauté et de la réciprocité d'êtres différents. »

Deguy parle volontiers au « nous », et avec des impératifs pluriels. Mais le « commun », toujours en suspens, n'est jamais qu'un « comme un ». Deguy, transformant saint Paul, cherche la formule d'un « être en- semble » : « ...il y aura toujours des hommes et des femmes, des Juifs et des non -Juifs, mais ce qui compte c'est qu'il soit chacun ici "comme chez soi" selon la parole de l'hospitalité... »

Intellectuel en même temps que poète, Deguy ne se met à part de rien. Et il n'évite pas d'être assailli, blessé. Contre ce qu'il déteste, et qu'il voit envahir le monde, sa fécondité satirique est intarissable. « Disney- land » ? « Abomination de la désolation ; noire métropole d'où la singerie renversée en modèle, l'anthropomorphisme crétinisant mué en originalité rayonnent pour naturaliser le terrestre... » (Jumelages.) Le tourisme ? « Forme virulente de la pollution ; fléau mondial ; mondialisation par le fléau. » (Jumelages .) Quant au « culturel », il défigure l'art, la poésie, la

pensée. La vie littéraire elle-même n'est pas épargnée (Le Comité). Ni la poésie, dès lors qu'elle existe, malgré tout, socialement. Entre poètes, c'est bientôt la guerre - fut-ce risiblement :

Quand deux poètes se font face 15 Il vaudrait mieux que ce fût

LITTÉRATURE Deux lutteurs turcs à culotte graissée n° 114 - juin 99

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■ MICHEL DEGUY

oiseaux du même sexe étonné Eux s'évitent comme deux métamorphosés. (Actes.)

Lucide sur ces aspects minimes et grotesques de la littérature en société, Deguy n'a cependant jamais renoncé aux entreprises collectives. À la fin du Poète que je cherche à être, il rappelle sa participation d'intellec- tuel à des revues comme Critique ou Les Temps modernes. Mais c'est en

poète qu'il a fait exister la Revue de Poésie ou, aujourd'hui, Po&sie. Nulle rodomontade avant-gardiste ne lui fut nécessaire pour rassembler quel- ques poètes, mais l'expérience obstinée, humoristique aussi, du jugement, des confrontations, des rapports entre poésie et autres domaines, de l'ac- cueil du nouveau.

La poésie, à vrai dire, ne se sépare pas facilement du « culturel ». Ce dernier, envahissant, irrésistible, manifesterait-il que notre présent, plus encore que celui de Baudelaire ou Manet, est temps de « décrépitude » ?

Deguy reprend, en effet, les mots de Baudelaire : « Le monde va finir. » De l'humanité, de l'histoire, il lui vient - de plus en plus ? - de parler au passé. « Est-ce que tout a déjà eu lieu ? », demande-t-il comme en se frottant les yeux. Ou : « À quoi servit cette usine à traiter l'immense ma- tière humaine qui fut tout l'humain sur cette terre ? » (L'énergie du déses- poir.) Il est vrai aussi que le « finir » appartient, selon Deguy, à ce qui se donne avec la marque d'un « comme ». Ce serait donc moins là (et chez Baudelaire déjà) une prédiction catastrophiste, que l'aspect crépusculaire sous lequel le monde aujourd'hui se montre. S'il est des reflets d'apoca- lypse, chez Deguy, ils n'annoncent - désastre ou accomplissement -

aucune fin des temps : « Le monde est inaméliorable, c'est lui le tonneau danaïdien et sisyphéen qui roule en carnaval, qu'aucun bain de sang ne

peut désaltérer ; il est seulement métamorphosable en sa gloire, en son feu, par l'incendie d'un vitrail, d'une tapisserie, dans le moment de sa fin, théâtralement. » (La Poésie n'est pas seule.) Rien que de métaphorique ? Une reprise « théâtrale » du religieux évanoui ? Un simple « comme si » ? Peut-être. Mais, du « comme » poétique, Deguy fait un rapport effectif -

et qui donne accès à la puissance de tout lien. Aussi peut-on « dire de la

poésie que ce que vous lierez / en son nom sera lié sur la terre » (Gisants).

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LITTÉRATURE N° 114 - JUIN 99

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