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DE l'ENVIRONNEMENT ET OU CADRE DE VIE DES TRANSPORTS LCPC LABORATOIRE CENTRAL DES PONTS ET Les liants organiques utilisés en génie civil ** ISSN 0337-1566 Méthodes chimiques d'identification et de contrôle NOTE D'INFORMATION TECHNIQUE 1978

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MINIST~RE DE l'ENVIRONNEMENT ET OU CADRE DE VIE

MINIST~RE DES TRANSPORTS

LCPC LABORATOIRE CENTRAL

DES PONTS ET CHAUSS~ES

Les liants organiques

utilisés en génie civil

**

ISSN 0337-1566

Méthodes chimiques d'identification et de contrôle

NOTE D'INFORMATION TECHNIQUE

D~CEMBRE 1978

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Les liants organiques utilisés

en génie civil

** Méthodes chimiques d'identification et de contrôle

Action de recherche pluriannuelle (AR) : 63 - Méthodes chimiqlles et physico-chimiques.

Fiche d'action élémentaire de recherche (FAER) : 63 56 8 - Perfectiollnement des méthodes d'analyse organique,

Y. MOUTON Chef de la section de Chimie organique

Laboratoire Central des Ponts et Chaussées

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Ce document est propriété de l'Administration et ne peut être reproduit, même par­tiellement, sans l'autorisation du Directeur du Laboratoire Central des Ponts et Chaussées

(ou de ses représentants autorisés).

® 1978 L.C.P.C.

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SOMMAIRE

A van t -propos 4

Introduction 5

Chapitre 1. - La spectroscopie infrarouge ............................... . 7

1.1. Généralités....................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 1.2. Principe de la spectroscopie infrarouge .................... 8 1.3. A~pareillage;.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 10 1.4. ReahsatIOn d un spectre .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 11 1.5. Application à l'analyse quantitative ........................ 11 1.6. Utilisation et limites de la méthode ........................ 12 1.7. Méthodes complémentaires d'identification .................. 12

Chapitre 2. - Les méthodes de fractionnement - Aperçu schématique ...... 14

2.1. Séparation de phases ........................ '. . . . . . . . 14 2.2. Distillation....... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 15 2.3. Extractions par solvants .................................. 15 2.4. Méthodes chromatographiques .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 16

Chapitre 3. - Les dosages fonctionnels .................................. . 20

3.1. Principe des dosages potentiométriques ................ 20 3.2. Applications.......... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

Conclusion .............. .

Références bibliographiques

MINISTÈRE DE L'ENVIRONNEMENT ET DU CADRE DE VIE - MINISTÈRE DES TRANSPORTS

LABORATOI RE CENTRAL DES PONTS ET CHAUSSËES

58, boulevard Lefebvre - 75732 PARtS CEDEX 15

Tél. : (1) 532-31-79 - Télex: LCPARI 200361 F

Décembre 1978

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AVANT-PROPOS

Poursuivant nos investigations vers une meilleure connaissance des liants organiques utilisés en génie civil, nous abordons dans ce deuxième fascicule les méthodes chimiques d'identi­fication et de contrôle. Comme dans le premier, qui rappelait un certain nombre de notions fondamentales concernant ces liants et en précisait la nomenclature, nous nous sommes efforcés de présenter les méthodes en l1e faisant appel qu'à un minimum de connaissances en chimie.

Nous aborderons dal1s le troisième fascicule (qui paraîtra dans le courant de 1980) les différentes familles de liants effectivement utilisés et les applications spécifiques auxquelles ils donnent lieu.

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INTRODUCTION

L'utilisation l'ationnelle d'un matériau de construction nécessite de la part de l'utilisateur un minimum d'essais de qualité sur ses possibilités réelles d'emploi. Il en est pour les liants organiques comme pour les autres matériaux. Cependant, dès qu'il s'agit de suivre leur constance de fabrication ou de livraison, on se heurte à un double obstacle : ces essais s'avèrent généralement longs, ce qui interdit tout contrôle systélnatiquc dans la plupart des cas, ct surtout ils ne donnent qu'une indication globale ~ans qu'il soit géné­ralement possible de savoir si la composition du produit peut être mise en cause.

Si l'on met à part les bitumes dont l'étude approfondie nécessite des moyens particuliers 1uais dont les spécifications usuelles peuvent être vérihées par des méthodes norn1alisées, ct dans une certaine nlesure les goudrons de houille, l'analyse chimique peut générale­ment répondre au problème posé. L'objet de la présente Notc est de montrer comment cela est possible et quelles sont les limites d'une telle procédure.

L'analyse chimique d'un produit fornndé

Les liants organiques, tels qu'ils ont été définis dans la précédente note (abstraction faite des bitullles ct goudrons routiers), se présentent rarcmcnt sous [ornle de produits purs: en plus du liant proprement dit, ils cOlllportent g{~néralement des adjuvants organiques tels que des plastifiants, des flexibilisants, des diluants (réactifs ou non), des accélérateurs, éventuellement des charges minérales, prémélangés avec le ou les constituants de base pour donner ce que l'on appelle des produits formulés (ou liants organiques formulés) prêts à l'cm l'loi.

Le premier objectif fixé à une analyse chiInique est alors d'identifier les divers consti­tuants de ces mélanges afin de bien connaître le produit et éventuellement de pouvoir le reconnaître ultérieurerl1ent, au cours d'un contrôle de fourniture par exemple. C'est pourquoi, avant d'utiliser un produit nouveau, il est recommandé de lui [aire subir une analyse. Il ne faut pas oublier alors que cette analyse ne pourra donner aucun renseigne­luent direct sur l'aptitude du produit à répondre à un problème donné. Tout au plus pourra-t-elle conclure à la similitude de ce produit avec un autre qui possède certaines propriétés intéressantes (ou non) dans ce cas précis. Mais elle aura l'incontestable avantage d'être une garantie pour l'avenir.

Il convient alors de signaler un autre rôle que l'on peut assigner à l'analyse: par les renseignements qu'elle peut donner sur la composition du produit, elle peut permettre dans certains cas de cOInprendre le comportenlcnt du composite obtenu. Ce type d'ana­lyse est plus conlplexe. JI suppose que l'analyste a une bonne expérience des nlatériaux qu'il étudie et de l'application dans laquelle ils sont employés car, au vu des résultats de l'analyse, il devra essayer de trouver une correspondance entre les effets et les causes. Cela suppose un travail en équipe entre chinlistes et techniciens du génie civil mais cela conduit indubitablenlent à des progrès sensibles dans la connaissance des phénOlnènes.

Les méthodes d'analyse utilisées

Si étonnant que cela puisse paraître de prime abord, la méthodologie employée pour analyser les n13tériaux organiques s'apparente d'assez près à celle qui est utilisée pour l'analyse nlinéralogique des sols : dans les deux cas, on a affaire à un mélange qu'il

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faut commencer par débarrasser de son environnement physique imn1édiat (matières organiques pour les sols, matières minérales pour les produits organiques). On s'efforce ensuite, par la conjugaison de tout un ensemble de méthodes physiques et physico­chimiques, de clétcrn1iner la constitution du mélange. C'est alors qu'apparaît la différence: dans le cas des sols, on examine l'échantillon globalement ct, par recoupements, on cherche à déterminer sa composition suivant diverses phases minéralogiques, alors que pour les matériaux organiques on cherche à fractionner l'échantillon jusqu'à en con­naître tous h~s constituants. L'analyse sc compose alors de deux d6n1arches complé­n1entaires : un fractionnement en espèces chÎlniques définies ct l'iclenti.r.cation individuelle des fractions. A cela, s'ajoute alors un certain nombre de dosages nécessaires à la déter­mination des proportions respectives des principaux constituants du n1élange.

Parmi les méthodes de fractionnement, il faut citer la filtration, l'extraction par solvants, la distillation, les chromatographies sur colonne, la centrifugation. Chaque fraction peut alors être sOUinise à une identification dont la méthode de base est la spectroscopie infra­rougc (IR), associéc éventuellement à d'autres méthodes telles que la spectroscopie dans l'ultraviolet (UV), les chromatographies, etc. Enfin, les dosages peuvent être suivis par potentiométrie et complétés éventuellement par des méthodcs telles que les spectro­scopies infrarouge et ultraviolette ou des méthodes chromatographiques.

Il n'est pas possible, dans le cadre de cette note, d'exposer en détail toutes les techniques utilisées pour la réalisation d'une analyse car cela nécessiterait un véritable cours de chimie. Cependant, étant donné l'Îlnportance que revêt dans le processus d'analyse, la spectroscopie infrarouge, méthode de base pour l'identification des espèces chimiques présentes, il nous a semblé intéressant de développer assez largement son principe alors que dans les autres cas on s'est intéressé plutôt aux résultats qu'on peut en tirer. Ainsi, les méthodes de fractionnement sont abordées de manière plus schén1atique ct, en cc qui concerne la potentiométrie en milieu non aqueux qui est la technique la plus employée pour les dosages, après un exposé relativement court des principes de la méthode, on détaille sous forme de tableau les principales utilisations qui en sont faites, c'est-à-dire les dosages fonctionnels.

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CHAPITRE 1

LA SPECTROSCOPIE INFRAROUGE

1.1. GENERALITES

Tous les phénomènes spectroscopiques sont liés à une interaction entre un rayonnement électromagnétique et la matière étudiée. L'échange d'énergie sc fait suivant la loi de Planck:

/I.E = hu

olt ~E représente une variation de l'énergie interne de la matière et u la fréquence de la radiation émise ou absorbée.

Etant donné que les variations LlE sont quantifiées au niveau moléculaire, il est évident que les fréquences u ne peuvent être quelconques. On conçoit d'autre part que, pour des raisons structurales, tous les échanges d'énergie ne sont pas aussi aisés, autrement dit, qu'ils ne se font pas avec la même intensité.

C'est cet ensemble, défini par des fréquences et leurs intensités relatives, que l'on appelle spectre électromagnétique d'un échantillon déterminé.

eette définition est très générale et vaut quel que soit le signe du phénomène (absorp­tion ou émission) et quel que soit l'ordre de grandeur des énergies mises en jeu: elle ne tient compte, ni du genre de rayonnement absorbé ou émis (depuis le rayonnement y jusqu'aux onùes hertziennes), ni de l'importance des variations d'énergie interne de la matière étudiée, donc des phénomènes qui y sont liés (tableau 1).

Type

Rayons y

Rayons X

Rayons UV

Rayons visibles

Rayons IR

Rayons solaires

Ondes hertziennes

1 Ondes courtes Ondes radio

Ondes électriques

0

TABLEAU I. - Le rayonnement électromagnétique (domaine des ondes électromagnétiques)

Longueurs d'onde

0

0,001 à 1.4 A" 0

0,0001 à 1000 A 0

100 à 4000A 0

4000 à 8000A

0,8 à 400 l'm

0,2 à 5,3 J.lm

100 P..Dl à 10000 m

100 J.lm à 10 m

lOà 10 000 m

10' à Ill' m

* L'angstrom A n'est plus admis comme unité dans le SI. mais continue il par les spectroscopistes. Rappelons que 1 angstrom équivaut à 10- 1" m.

Fréquence (Hz)

3.1021 à 2.101'

3.10'1 à 3.1Qi-'

3.1010 à 7.101'

7.101~ à 4.101'

4.10 14 à 7.1011

101.\ à 6.101.1

3.1011 à 3.10'

3.10" à 3.10' f 3.101 à 3.101

3.10' à 300

être utilisé couramment

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Ainsi, aux grandes énergies correspondent les transformations profondes de la matière. Les rayons X atteignent les propriétés individuelles des atomes alors que les rayons ultraviolets ct infrarouges mettent en jeu des variations d'énergie interne de la molécule ou de l'édifice cristallin. Dans le premier cas, nOlis parlerons de spectroscopie atomique, dans le second de spectroscopie moléculaire.

La spectroscopie infrarouge correspond au cas particulier où - l'échange d'énergie se fait au détriment du rayonnement et au profit de la matière, il s'agit donc de spectroscopie d'absorption;

- l'ordre de grandeur des énergies mises en jeu est celui des vibrations moléculaires; on parlera donc de spectroscopie moléculaire [11 ; - les conditions opératoires étant telles que les phénomènes de diffusion peuvent être considérés comme négligeables, l'échantillon est observé sous forme d'une lame mince à faces parallèles, perpendiculairement à cette lame; nous parlerons de spectroscopie par transmission. Il peut être intéressant, dans certains cas, d'utiliser une technique par réflexion, IDais pour la simplification de l'exposé, nous nous lin1iterons au cas des mesures par transmission, la théorie de la spectroscopie par réflexion, plus complexe, nécessiterait un développement particulier [2, 3].

1.2. PRINCIPE DE LA SPECTROSCOPIE INFRAROUGE

Puisque le phénomène est lié à l'échange d'énergie entre le rayonnement infrarouge et la Inatière étudiée, il est intéressant de considérer les ordres de grandeur représentés dans la figure 1.

Rayonnement absorbé Niveaux d'énergie interne de l'échantiIIon

Fréquence Longueur Domaine Energie équivalente d'onde spectral équivalente

(eV) (J) (Hz) (cm- I ) (rtm )

4 IO- I ! 1015 30000 0.3 UV } Electrons de valence

VISIBLE

OA IO-'~ lOH 3000 3 } Vibrations moliculaires

0,04 IO-l~ 101J 300 30 IR

f -1---- - -- -- r- -- - --- -- -------- - ------- Excitation thermique

} Rotations moléculaires

Fig. 1. - Les différents niveaux d'énergie (notons qu'une radiation infrarouge de 10 !l_rn, soit 1000 cm- I ou 3.101J Hz,

possède une énergie de 0,125 eV Olt 2.10-10 J).

A l'état fondamental et au zéro absolu, une molécule est totalement immobile. Aux températures ordinaires, elle est agitée de mouvements désordonnés par suite de l'absorp­tion d'une certaine énergie d'excitation thermique. Par contre, si elle est soumise au bombardement de photons infrarouges d'énergie de l'ordre de 10- 19 J, certains de ces photons peuvent être absorbés parce qu'ils font entrer en résonance certaines vibrations de la molécule qui, quittant alors son état fondamental, passe à un état vibrationnel excité. C'est cette absorption que l'on mesure en spectroscopie infrarouge classique.

Plus précisément, si l'on considère une molécule isolée, son énergie interne peut être considérée C0111me la SOlTIme de quatre termes relatifs, respectivement, au mouvement de translation de son centre de gravité, aux rotations, aux vibrations et à l'état électronique de l'édifice. Le premier terme mis à part, les autres sont quantifiés, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent varier que de 111anière discontinue, par exemple en absorbant certains photons:

.6..E = .6..E rot + .6..E\·ib + .6..Eel

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Comme on l'a vu sur la figure 1, l'ordre de grandeur des énergies qu'il faut fournir à la molécule pour changer d'état rotationnel, vibrationnel ou électronique est très dif­férent. On a toujours :

L'énergie du rayonnement infrarouge (exprimé en fréquences ou l?ngueurs d'onde) se situe entre 4.10" et 7.10" Hz, soit 0,8 - 400 [Lm. On voit, alors, qu un rayonnement de faible énergie sera capable de faire varier les niveaux d'énergie de rotation, alors que les niveaux d'énergie de vibration et électronique ne seront pas affectés. On aura alors un spectre de rotation pure qui se situe dans l'infrarouge lointain. Cette région spectrale est peu exploitée en analyse parce que difficilement accessible à la mesure. Elle ne donne lieu pratiquement qu'à des études de physique théorique.

Un rayonnement d'énergie plus importante (longueur d'onde comprise entre 100 et 1 [Lm) permet de modifier les états de vibration mais peut être insuffisant pour modifier l'état électronique. On aura alors un spectre de vibration-rotation car il sera capable a fortiori d'agir sur les énergies de rotation. Il se situe dans l'infrarouge moyen.

Enfin, le rayonnement ultraviolet (et visible). d'énergie encore supérieure, est susceptible de modifier l'état électronique de la molécule. On a alors un spectre électronique dont la structure fine, quand elle existe, est constituée par des bandes de vibration, elles­Inêmes composées de raies de rotation.

(Cette notion de structure fine mérite une explication complémentaire. Une molécule n'est jamais isolée, Dans un gaz, clle se meut dans un champ d'interactions relativement faibles, d'autant plus faibles d'ailleurs que la pression est plus basse, et on pourra distin­guer, dans un spectre d'absorption, les raies de rotation. Dans un liquide, même s'il s'agit d'un produit pur, les interactions prennent plus d'importance et leur spectre se super­pose à celui des molécules individuelles. On ne distingue plus alors les raies de rotation, mais des bandes de vibration plus larges. Enfin, dans un solide, les phénomènes sont encore plus complexes, si bien que les spectres seront constitués de 111assifs souvent peu intenses par rapport à la ligne de base).

Dans cet ensemble, il apparaît que les spectres de vibration-rotation sont, de loin, les plus intéressants parce qu'ils apportent sur la structure de la matière analysée des infor~ 111ations précieuses et irremplaçables. Ce sont ces spectres-là que l'on appelle comlnu­nén1ent spectres infrarouges.

Dans la pratique, on est ramené à l'expérience suivante : on éclaire l'échantillon à analyser à l'aide d'une source de rayonnement IR et on déco111pose en radiations n10no­chromatiques le rayonnement sortant. Chaque fois qu'une radiation correspond à une vibration interne de la molécule, il y a absorption. En explorant toutes les radiations, on balaye le spectre d'absorption infrarouge.

D'une manière générale, tout édifice complexe ~ n10lécule, ion, crIstal ~ est susceptible d'absorber certaines radiations du rayonnenlent infrarouge, mais suivant certaines condi­tions liées à la symétrie. L'interprétation théorique des spectres fait appel à la théorie des groupes (~t devient très rapiden1ent inextricable lorsque le non1bre d'atomes de la structure élé111entaire croît. Leur interprétation pratique, par contre, est plus simple : J'étude systématique des spectres d'une famille chimique permet de lier l'existence de telle ou telle bande d'absorption à la présence de tel ou tel groupement fonctionnel. L'analyste peLtt ainsi, au vu du spectre, et disposant d'un catalogue donnant les fréquences caractéristiques des principaux groupes fonctionnels, procéder à un dégrossissage. Il ternlinera toujours l'identification de l'échantillon par la comparaison du spectre de celui-ci avec un spectre de référence qu'il aura trouvé dans un catalogue [4, 5] ou qu'il aura réalisé Îui-mème à partir d'un corps pur connu et supposé identique.

En conclusion, le spectre d'absorption infrarouge d'un composé chimique défini est constitué d'un ensemble de bandes d'absorption qui correspondent chacune à un mode de vibration de l'édifice moléculaire. Il est donc caractéristique de cc composé et peut constituer théoriquement sa « carte d'identité)}. En fait, dans la pratique, les choses sont moins sil11ples, notamnlent parce qu'il est rigoureusement iInpossible d'isoler une molécule déterminée pour l'examiner: à ses bandes propres s'ajoutent celles qui sont dues à l'environnement (associations intermoléculaires, c10nc influence de l'état physique, associations éventuelles avec le solvant, etc.). Enfin, il ne faut pas oublier qu'en analyse courante, on a rarenlent affaire à des espèces chimiques pures.

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Cette dernière restriction serait grave et même susceptible de condamner en bloc la méthode si l'on ne pouvait admettre en première approximation que le spectre d'un mélange est la résultante des spectres de ses différents composants, pondérés suivant leurs concentrations respectives.

1.3. APPAREILLAGE

Les spectrographes infrarouges se composent essentiellement, pour la partie optique, de trois organes : la source, le monochromateur et le détecteur. Ils comportent en outre une partie électronique particulièrement étudiée : l'amplificateur (fig. 2).

Source (rayonnement

polychromatiquel

Ëchantillon

Monochromateur

F

S.D

SO = système dispersif F = fente (de sélection de la

radiation monochromatique étudiée)

Récepteur

L-_____ Enregistreur

Fig. 2. - Schéma cie principe d'un spectrographe.

La source se compose généralement d'un élélnent semi-conducteur appelé filament de Nernst: très résistant à froid, il devient conducteur à chaud et émet dans toute la région spectrale infrarouge que nous utili"ions (1 à 40 [J.rn) avec un Inaximum de luminance à 1 A ("m.

Certains appareils utilisent un filament de nickel-chrome moins fragile mais de réglage plus délicat.

Le système dispersif ou monochromatcur est constitué, dans les spectrographes actuels, par un réseau de diffraction associé à un système de nliroirs nlétallisés. Il est destiné à analyser le rayonnement polychrOlnatique énlis par la source en radiations quasi monochromatiques dont la sélection se fera par l'intermédiaire d'une fente.

Le détecteur est généralement constitué par un thermocouple très sensible aux variations d'énergie calorifique ct par nature non sélectif par rapport aux fréquences du rayon­nemen t reçu.

Les appareils courants sont dits à double faisceau : le rayonnement émis par la source est envoyé silnultanénlent dans deux faisceaux, le premier dit « de mesure» où on place l'échantillon, et le deuxième ({ de référence» où on place un atténuateur optique. Les deux faisceaux sont recombinés à l'entrée du monochromateur par l'intermédiaire d'un petit nliroir semi-circulaire tournant, qui envoie alternativement l'un et l'autre faisceau dans le nl0nochrOlnateur. Il arrive sur le détecteur une énergie lunlineuse modulée que l'on peut lier à un asservissenlent pour anlener l'atténuateur optique à égaliser exacte­Blent l'intensité lUlnineuse des deux faisceaux. L'atténuateur optique est relié Inécani­quement à la plume de l'enregistreur, tandis que la feuille de papier calibré se déroule, reliée mécaniquement à la rotation du systèlne dispersif.

Le spectre se présente alors sous la forme d'un diagranlnle : D=F(À) ou D=F(v)

où D est la d~nsité optique enregistrée, définie par

1" D = 10glO-

1 la étant l'intensité lunlineuse incidente et 1 l'intensité lumineuse transmise, et où ).. et u sont respectivement la longueur d'onde ct la « fréquence» de la radiation.

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Notons à ce propos que les unités employées en spectroscopie infrarouge sont le micron ([..Lnl selon les règles du Systènle International, mais on rencontre le plus souvent l'abré­viation impropre de ~t) pour lcs longueurs d'onde, et le cm-- l pour les nombres d'ondes par centimètre (appelés généralement, bien qu'improprement, fréquences). On passe de l'une à l'autre par la formule :

À ([Lm) X u (cm') = 10'

Les porte-échantillons [ont appel à une optique spéciale : seuls sont transparents aux rayons infrarouges les halogénures alcalins (NaCI, KBr, Cs!). Cela fait que les fenêtres des cuves et l,:,s supports optiques seront le plus souvent hygroscopiques et qu'il ne saurait être question, dans le cas général, de travailler en solution aqueuse. Ce n'est heureuse­ment pas un obstacle 111ajeur car la plupart des conlposés organiques sont peu ou pas solubles dans l'cau.

1.4. REALISATION D'UN SPECTRE

Pour pouvoir procéder à l'identification, l'analyste doit disposer d'un échantillon consti­tué par une espèce chimique définie, c'est-à-dire d'un produit pur ou relativement pur car, ainsi qu'il a été indiqué précédcmmcnt, lorsqu'on est en présence d'un mélange, les spectres se superposent et l'ensemble est difficile à interpréter.

Par conséque.:1t, toute identification par spectroscopie infrarouge est obligatoirelTIent couplée avec des opérations de fractionnenlcnt, dcs extractions et des purifications d'échantillons (cf. chal'. 2). Ces opérations terminées, l'échantillon se présente alors sous forme liquide ou solide.

Les liquides peuvent être étudiés, soit il l'état pur en film mince (de l'ordre de 30 [Lm), soit dissous dans des solvants appropriés et transparents dans le plus grand domaine spectral possible (car il ne faut pas perdre de vue que chacun possède un spectre propre). Les solvants les plus employés sont le sulfure de carbone, le tétrachlorure de carbone ct le dichloro-éthylène.

Les solides, lorsqu'ils ont un point de fusion assez bas, peuvent être étalés à l'état fondu sur une lamelle de NaCI, ou KBr et, après refroidissement, examinés en la couche mince ainsi formée. Sinon, on peut les disperser dans de la poudre de KBr, à raison de 1 % environ et fabriquer une pastille transparente par plastification sous une pression cie quelques milliers cie bars ou encore les disperser dans une huile telle que la vaseline, le nujol (paraffine) ou la graisse fluorée. Enfin, on peut envisager de les étudier en solution, COITIlTIe les liquides.

L'identification proprenlcnt dite se rait toujours, COlllt1le nous J'avons dit, par compa­raison entre le spectre du produit à analyser et un spectre de référence. S'il s'agit d'un contrôle, le spectre de référence est tout trouvé. Dans Ic cas d'un produit inconnu, par contre, il faut faire appel à des catalogues spcctnl:"lx.

1.5. APPLICATION A L'ANALYSE QUANTITATIVE

C0111nlC la 11l111ierc visible, le rayonnenlent infrarouge se prête à des mesures de type colorinlétrique basées sur la loi de Beer

( J,,) D (v) = 10gIO 1 v= Ei (v) Cil

où D (v) est la densité ,>ptique il la fréquence '!.

lu et l sont les intensités lumineuses incidentes ct transmises respectivement,

'i (v) l'absorption molaire de l'échantillon analysé i à la fréquence v,

Ci la concentration lTIolaire du constituant i dans l'échantillon, 1 la longueur optique traversée par la lumière.

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On choisit pour effcctuer les dosages, une fréquence telle que l'absorption des autres constituants du mélange peut y être considérée comme négligeable, et on effectue le dosage par la méthode des ajouts (la construction d'une courbe d'étalonnage à fréquence fixe n'cst pas possible car les bandes d'absorption infrarouges sont moins intenses ct plus sensibles aux interférences avec d'autres groupes structuraux que celles que l'on rencontre dans le spectre visible). L'utilisation de cette méthode s'avère moins commode et donne des résultats 1110ins précis qu'en colorimétrie classique. On ne l'utilise que lorsqu'on ne peut pas faire autrement.

1.6. UTILISATION ET LIMITES DE LA METHODE

D'une manière générale, il est toujours possible d'envisager l'analyse d'une matière orga­nique inconnue par spectroscopie infrarouge. L'opération sera plus ou moins longue sui­vant la complexité de l'échantillon et nécessitera le recours à des méthodes de fraction­nement complémentaires, l11ais il sera toujours possible, au bout du compte, de détenniner au lnoins la fan1ilIc chimique Ù laquelIe appartiennent les produits analysés.

Cependant, il but insister sur un point iInportant : lorsqu'il s'agit d'un liant organique bicon1posant, le produit analysé est généralement le n1atériau de base, avant mise en œuvre. Or l'utilisation qui en est faite ensuite s'accompagne de réactions chitniques qui modifient complètement leur nature, si bien que le produit fini est chimiquement dif· férent de ses constituants de base.

Prenons un exemple. Un produit pour étanchéité en film mince adhérant au support est mis en œuvre à partir de deux constituants: la base, résine monomère comportant des [onctions époxydes d'une part, ct le durcisseur, polyamine dispersée dans le brai et ad­ditionnée généralen1ent d'adjuvants, d'autre part. Pour réaliser la chape, on réchaufTe les constituants, on mélange le tout ct l'on répand immédiatement le produit sur l'ouvrage. Quand la chape a durci, on a réalisé au point de vue chimique un polymère tridin1cn­sionneI, dur, dans lequel le brai est enchevêtré, mais dont les caractéristiques chimiques sont totalement différentes de celles des liquides visqueux qui sc trouvaient dans les boîtes quelques heures auparavant.

Donc, il ne faut pas demander à l'analyste d'être devin, et, en particulier, de déterminer si un produit fini a bien été fabriqué avec les bons constituants de base, si on ne dispose plus de ceux-ci pour [aire la contre-épreuve.

En revanche, le spectroscopiste sera tout à fait à l'aise si on lui pose la question : deux échantillons de provenances différentes sont-ils identiques ou nC1n? sinon qu'est-cc qui les difFérencie? En général, il pourra répondre rapidement ct avec sùreté car, en spectroscopie infrarouge, toute identification se ramène à la companl.ison de deux spectres.

En résluné, la spectroscopie infrarougc peut être considérée commc la technique de base pour toute analyse de matériau organiquc, Elle ne pcut cependant se suffire à cIle-Inên1e : l'analyste doit pouvoir effectuer des séparations, des fractionnemcnts, des détern1inations complén1cntaircs par d'autres méthodes ainsi qu'on va le voir maintenant. C'est l'en­sen1ble schéma d'analyse ~ spectres infrarouges _. mcsures complémentaires qui cons­titue véritablement l'analyse du mat<.~riall consid(~ré.

1.7. METHODES COMPLEMENTAIRES D'IDENTIFICATION

La spectroscopie ultraviolette, dont le principc a été indiqué à propos de la théorie de la spectroscopie infrarouge, intéresse lcs transitions électroniques des structures molé­culaircs et ioniques. Elle peut donc être utilisée pour donner des info1'mations complé­Inentaires sur des produits à structure aromatique ou alicyclique cOIn portant des doubles liaisons, des doublets libres, etc.

La résonance magnétique nucléaire (RMN) et la spectroscopie Raman sont théorique· ment susceptibles d'apporter des rcnseignen1ents précieux sur les structures n10léculaircs lnais ne s'adaptent pas directelnent à l'analyse de liants organiques formulés: elles s'ap-

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pliquent essentiellement à l'étude de produits purs ou de certains mélanges bien définis et nécessitent, le plus souvcnt, que l'échantillon soit soluble dans certains solvants. Dans l'état actuel dcs choses, ce sont des techniques de pointe utilisées en recherche mais pas en Dnalyse courante.

Par ailleurs, les méthodes chromatographiques qui sont, à strictement parler, des techni­ques de fractionnement, peuvent être aussi utilisées pour l'identification d'espèces chi­miques dans lcs mélanges. Leur principc général sera défini au chapitre suivant.

Enfin, il ne faut pas oublicr les méthodes plus traditionnelles : analyse à la touche, tests divers, interprétation de la forme de courbes potentiométriques, etc., tout ce qu'un chimistc expérimenté pcut utiliser pour résoudre un problème difficile.

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CHAPITRE 2

LES METHODES DE FRACTIONNEMENT

Aperçu schématique

Les techniques employées pour séparer les uns des autres les différents constituants d'un liant organique formulé peuvent être classées en quatre catégories : la séparation de phascs, la distillation, l'extraction par solvants, et les chromatographies. Nous allons tenter de donner, dans les lignes qui suivent un aperçu schématique de ces techniques [6], en insistant particulièrement sur la connaissance du vocabulaire employé à leur propos, afin de permettre aux techniciens du génie civil d'interpréter dans leurs grandes lignes les analyses chimiques qu'ils pourraient avoir en main.

2.1. SEPARATION DE PHASES

Quand un produit se présente sous forme d'une suspension dc particulcs solides dans un 111ilieu fluide (cas des peintures notamment mais aussi des produits {( chargés »), on commence toujours l'analyse par une séparation du produit en ses deux phases : la masse solide d'une part, la masse fluide d'autre part. Pour cela, on effectue une vigou· reuse centrifugation soit sur le produit tel quel, soit lorsque le milieu est trop visqueux, sur le produit dilué au préalable par un solvant approprié, susceptible d'être chassé ultérieurement (fig. 3). Les deux phases ainsi obtenues sont analysées ensuite séparé­ment : en premier lieu on enregistre leurs spectres infrarouges, puis la phase organique est étudiée selon les méthodes qui vont être exposées plus loin et la phase minérale, si son spectre IR n'est pas directement exploitable, est identifiée par analyse élémentaire centésimale.

L'opération peut être menée de manière quantitative : on déterP..line ainsi la teneur en charge minérale du produit brut. Si, sur une autre prise d'essai, on détermine l'extrait sec après évaporation du solvant, on obtient par différence les teneurs en liant et en solvant.

Échantillon

Ajout de solvant

Centrifugat : liant + (surnageant) solvant

Centrifugation

Évaporation du solvant

Liant organique

Culot de centrifugation

Charge r Spectre 1 A : (minérale .... 1 __ •

en général) . 1 éventuellement

Fig. 3. - Séparation de phases.

Spectre IR

l Analyse élémentaire centésimale

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2.2. DISTILLATION

Strictement, la distillation fractionnée des mélanges binaires suppose une colonne d'au­tant plus haute que les points d'ébullition des deux constituants sont plus voisins, et un échange à tous les niveaux entre la phase gazeuse ascendante et la phase liquide des­cendante.

Dans la pratique où il ne s'agit plus de mélanges binaires, on appelle généralement distillation, l'opération qui consiste à chauffer le mélange et à séparer par condensation dans un réfrigérant la phase gazeuse qui se forme au cours du chauffage. On repère les fractions obtenues par leur «intervalle de distillation» (intervalle de température au cours duquel on recueille le distillat dans le récipient considéré).

Cette opération permet d'obtenir dans de nombreux cas des échantillons suffisamment purifiés pour pouvoir être identifiés ensuite par spectroscopic infrarouge, mais ne doit être considérée quantitativement qu'avec beaucoup de circonspection car sa reproducti­bilité n'est bonne que dans les cas simples. De plus, pour éviter de dégrader le mélange de départ par un chauffage prolongé à haute température, on opère le plus souvent sous pression réduite (( distillation sous vide»). On constate alors que, les pompes à vides ne donnant généralement pas une pression parfaitement stable, les allures de chauffe n'étant pas toujours parfaitement réglables, de nombreuses perturbations peuvent intervenir, si bien que les fractions obtenues ne peuvcnt plus être repérées valablement par leur intervalle de distillation. En revanche, la technique reste intéressante lorsqu'il s'agit d'isoler d'un mélange complexe un constituant de masse moléculaire relativement faible par rapport aux autres (donc de point d'ébullition assez éloigné de celui des autres pour que la séparation soit valable).

Ces difficultés expliquent par ailleurs l'existence de « distillations normalisées », qui n'ont d'ailleurs de distillation que le nom car il ne se fait pratiquement pas d'échange entre la phase liquide descendante et la phase gazeuse ascendante, mais qui permettent de caractériser dans certaines conditions ({ normalisées» un mélange comme le goudron de houille. Cette technique peut être utilisée pour l'analyse de matériaux complexes, tels que certains produits à base de brais époxydiques (peintures, étanchéité).

2.3. EXTRACTIONS PAR SOLVANTS

Cette technique est une généralisation de la séparation de phase étudiée précédemment: on ajoute au mélange à identifier une seconde phase, Je solvant, dont le rôle est de dissoudre une partie de ce mélange afin d'obtenir deux fractions de compositions chi­miques plus simples, la solution d'une part, l'insoluble d'autre part.

On peut opérer des extractions par «solvants sélectifs », c'est-à-dire par des liquides qui ne dissolvent bien qu'un constituant du mélange à la fois (ou une partie de ce mélange). C'est à ce type d'extraction que peut se rattacher la séparation de phase déjà évoquée.

Les solvants les plus fréquemment utilisés sont : l'eau, les alcools, l'éther éthylique, l'éther de pétrole, l'acétone, le benzène, le chloroforme. La séparation se fait généra­lement à froid, par la technique dite « d'épuisement ", c'est-à-dire par lavage de l'échan­tillon avec le solvant jusqu'à ce que celui-ci ne dissolve plus rien, mais on peut aussi opérer à chaud. Dans ce cas, on utilise un extracteur de type Soxhlet ou Kumagawa (fig. 4).

Une deuxième méthode consiste en l'" extraction liquide-liquide" où on fait appel aux différences de solubilité des divers composants du mélange vis-à-vis de deux solvants non miscibles cntre eux, par exemple un solvant organique (éther, benzène, chloroforme) et de l'eau ou un mélange hydroalcoolique 50/50. En agissant sur le pH de la phase aqueuse, on peut ainsi séparer les constituants acides ou basiques d'un mélange.

L'extraction s'effectue généralement dans une ampoule à décanter mais on peut aussi faire appel à des appareils à contre-courant plus perfectionnés.

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Fig. 4. Extracteurs de Soxhlet (a)

et de Kumagawa (b).

2.4. METHODES CHROMATOGRAPHIQUES

(al (bl

Le terme de chromatographie et le principe du procédé sont dus au botaniste russe Tswett qui les utilisa vers 190é -Jans ses travaux de séparation de pigments colorés Tombée ensuite dans l'oubli, la chromatographie fut remise en usage par Kuhn et Lede· rer en 1931 puis par Martin et Synge en 1941. Depuis lors, son emploi s'est largement répandu sous ce vocable qui englobe un certain nombre de méthodes n'ayant générale· ment plus de rapport avec le sens étymologique mais dont on peut donner une définition commune.

Toutes les séparations chromatographiques sur colonne sont basées sur l'écoulement d'une phase mobile contenant initialement le mélange à analyser à travers une phase fixe ou « stationnaire )} contenue dans la colonne, et sur le partage différent des constituants du mélange entre ces deux phases. L'opération éléInentaire du partage est réalisée un très grand nombre de fois par le mouvement relatif des deux phases; la phase station· naire exerce un effet d'autant plus retardateur sur les constituants du mélange que ceux-ci ont une plus grande affinité pour elle, tandis que la phase mobile tend au contraire à les entraîner dans son déplacclnent. Les différents constituants du lnélangc nügrent donc à des vitesses différentes et la séparation se fait peu à peu.

La phase mobile est enfin analysée à la sortie de la colonne, soit à l'aide de détecteurs en continu (catharonlètre, détecteur à ionisation de Damme ou à capture d'électrons pour la phase gazl:use, difIractomètre diffcrentid: détecteur UV à longueur d'onde imposée, détecteur viscosin1étrique pour la phase liquide) et il s'agit là de chromatographie ana­lytique, soit par analyse individuelle des fractions recueillies dans des tubes ou des ballons de recette lorsqu'on effectue de la chromatographie préparative.

Il existe plusieurs types de chromatographies sur colonne, que l'on peut classer de deux manières différentes, selon la nature physique des phases ou selon la nature du phéno· mène différentiel prépondérant utilisé pour la séparation (tableau II).

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Tableau II. - Classification des chromatographies sur colonne

Phase Phase Abréviation Phénomène Dénomination mobile stationnaire différentiel habituelle

- Solide CGS Adsorption Gaz t---- Chromatographie

1 Liquide CGL Partage * en phase gazeuse

/r Solide CLS ou CSL Adsorption Dénominations diverses (suivant nature

Liquide ~ CLL Partage * des phases ou phénomènes) -- -

CEl ** Echange Chromatographie sur résine ~ Liquide d'ions échangeuse d'ions

1

-----

GPC Pénétration Chromatographie dans un gel sur gel perméable

- -

* II s'agit du partage entre les deux phases selon les solubilités respectives. ** Abréviation peu usitée.

Toutes ces méthodes ne sont pas utilisées au même degré pour l'analyse des liants organiques. Ainsi, étant donné que les masses moléculaires des différents constituants de ces produits sont généralement grandes, il n'est pas possible de les faire passer en phase gazeuse sans risquer de les dégrader. Donc les deux premières méthodes ne pourront être utilisées que dans des cas particuliers, par exemple pour l'identification des acides gras de certains liants de peinture, où on fait subir à l'échantillon un traitement chimique (formation des esters méthyliques) avant de l'injecter dans le chromatographe.

De même, la chromatographie par échange d'ions est rarement employée pour ces pro­duits. En revanche, on fail largement appel à la CSL ou à la CLL pour fractionner les mélanges.

Il convient, alors, de préciser que la chromatographie n'est pas seulement une méthode de fractionnelnent mais qu'elle peut être aussi une méthode d'identification.

En effet, lorsqu'on sait fabriquer ct étalonner des colonnes définies par leurs dimensions internes et leur garnissage (composition chimique du support, granularités, teneur en eau éventuelle, etc.), donc leur efficacité vis-à-vis d'une séparation donnée, si l'on dis­pose d'un appareillage garantissant un débit constant du fluide vècteur et une tempé­rature définie, on peut espérer obtenir des résultats répétitifs e', reproductibles. Dans ces conditions, chaque substance peut être repérée dans des conditions expérimentales données par son coefficient de rétention, rapport du déplacement de la substance consi­dérée à celui du fluide vecteur à un instant donné, si bien qu'en injectant successivement dans la colonnc le mélange à étudier ct des substances étalons (choisies parmi celles que l'on cherche à mettre en évidence dans le mélange), on peut effectuer des identi­fications. Ajoutons qu'avec un détecteur approprié, on peut même opérer des dosages.

C'est à ce dernier type d'application que se rattache pour l'essentiel la chromatographie sur gel perméable (( gel pern1eation chromatography », ce qui conduit à l'abréviation universellement adoptée de GrC) [8].

La chromatographie sur gel perméable est une chromatographie où la phase station­naire est un gel, la phase mobile un liquide, et où le critère fondamental de la séparation est la taille de la molécule. Elle permet donc de séparer deux familles chimiques sensi­blelnent identiques par leur structure, n1ais de masses n10léculaires nettement différentes (ce qui est impossible avec les autres chromatographies liquides).

De plus, mên1e si ce fractionnement n'est pas rigoureusement quantitatif, la GPe donne l'enregistrement d'un «spectre de répartition des tailles moléculaires» de l'échantillon, élément susceptible de compléter utilement les moyens plus traditionnels d'analyse ct contrôle des produits (spectroscopie infrarouge notamment).

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Plusieurs interprétations ont été données au phénomène observé dans cc type de chroma­tographie cn phase liquidc. Il est maintenant généralement admis que l'élut ion des molécules de soluté est retardée par lcur pénétration dans les porcs du gel remplis de solvant. Les grosses molécules exclues des porcs sont éluées avant les petites si bien qu'on constate une séparation par taille moléculaire. Cependant, il intervient aussi, pour certains types de solutés, de solvant~ ct de gels, d'autres interactions qui se superposent au phénomène principal et il cst difficile de donner unc interprétation théorique simple des phénon1ènes mis en jeu.

L'appareillage se compose d'un réservoir à solvants, d'une pompe à débit constant, d'un système d'injection, d'un jeu de colonnes, d'un détecteur (réfractomètre différentiel, spectromètrc UV réglé à une longueur d'onde appropriée, ou les deux appareils en série) et d'un enregistreur (fig. 5).

Fig. 5. Schéma de principe

d'un montage pour GPe.

Pompe

Réservoir

Injecteur ~

Colonnes

Enregistreur

Détecteur(s)

Le solvant utilisé est, le plus souvent, du tétrahvdrofuranne n1ais on utilise aussi, dans certains cas, d'autres produits tels que le benzèlie, le chloroforme, etc.

Des études ont été publiées récemment sur l'utilisation de cette technique pour l'analyse ct le contrôle des liants de peinture (Migliori [91) ct pour la caractérisation qualitative et quantitative des bitumes (Brùlé [IOJ).

Fig. 6. Appareillage de chromatographie

descendante sur papier.

Couvercle

Verre

Cuve à solvant

Enceinte ---->1

Rodage

Solvant d'élut ion

.. ~"N-4-----t~+==::i:::::==+-- Papier à .. chromatographie

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Enfin, il ne faut pas oublier de signaler, parmi les méthodes chromatographiques, l'exis­tence de techniques particulières susceptibles de rendre des services dans l'identification de constituants secondaires ou adjuvants introduits dans les liants organiques formulés. Il s'agit de la chromatographie sur papier et de la chromatographie sur couche ll1ince. Dans ces techniques, on dépose une goutte de solution à analyser et on la fait migrer par entraînement par le solvant qui se déplace, soit de haut en bas par gravité (chro­matographie descendante), soit de bas en haut par capillarité (chromatographie ascen­dante), dans une atmosphère saturée de solvant (fig. 6). Les différents composants du Inélangc peuvent migrer à des vitesses différentes et, au bout d'un temps déterminé, on ({ révèle» le chromatogralnnlc à l'aide d'un réactif approprié qui fait apparaître les taches correspondant aux différentes espèces présentes (fig. 7). Une variante de ces méthodes est l'électrophorèse sur papier où la migration est faite sous l'action d'un champ électrique qui agit sur les ions proportionnellement à leur charge. Cependant, ces méthodes, pour intéressantes soient-elles, sont d'un usage assez marginal par rapport à l'ensemble de l'analyse des liants organiques.

Fig. 7. Chromatogramme révélé

(A, B, C, D, produits cie référence X, échantillon à identifier).

I-==~~""'"-I Front du solvant

o

o 0

o o

- -X - x- ""* -x- -X- - Ligne de départ ABC D X

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CHAPITRE 3

LES DOSAGES FONCTIONNELS

Une analyse Ile serait pas complète si elle ne comportait que des éléments qualitatifs. Les méthodes d'identification et de fractionnement qui ont été décrites dans les chapitres précédents ont pour but essentiel d'apporter à l'analyste une connaissance aussi com­plète que possible de la nature chimique des constiWants du liant organique formulé considéré, mais ne rendent généralement pas compte des proportions de ces constituants au sein du mélange. De plus, elles ne sont pas toujours à même de préciser la réactivité de certaines molécules complexes. Pour cela, on a recours à des dosages que l'on appelle fonctionnels parce qu'ils sont basés sur la réaction d'une fonction chimique du consti­tuant à doser avec un réactif approprié.

La plupart de ces dosages sont du type volumétrique, c'est-à-dire que la quantité de réactif ajouté est mesurée par son volume (à la burette), le titrage se fait en milieu non-aqueux car les molécules organiques ne SOllt que rarement solubles dans l'eau, et la fin du dosage est repérée par potentiométrie : les produits analysés sont généralement colorés, donc l'utilisation de réactifs à changement de couleur est, dans ce cas, inopé­rante et, même pour les produits peu colorés, la zone de virage serait difficile à apprécier dans un grand nombre de cas.

Ajoutons que cette technique, dont l'utilisation première est bien la réalisation de dosa­ges, permet également dans de nombreux cas de confirmer la présence d'un corps précé­demment identifié par spectroscopie infrarouge ou d'aider à l'identification d'un spectre particulièremen t complexe.

3.1. PRINCIPE DES DOSAGES POTENTIOMETRIQUES

3_1.1. Généralités

La potentiométrie est une méthode instrumentale qui substitue une mesure de différence de potentiel à l'appréciation visuelle du virage des indicateurs colorés pour déterminer le point d'équivalence des titrages [6]. L'utilisation judicieuse d'un couple d'électrodes vis-à-vis d'un réactif déternlÎné dans un solvant donné pernlet cl' obtenir souvent des dosages d'une grande précision. Par ailleurs, la technologie des appareillages a fait de tels progrès au cours des vingt dernières années que l'usage des appareils automatiques donnant directement la courbe potentiométrique est devenu pratiquement la règle dans les laboratoires d'importance moyenne.

Le principe des dosages en milieu aqueux est généralement bien connu des demandeurs d'analyse: il s'agit de l'échange d'une particule (proton H+ en acidimétrie, électron e­en oxydoréductimétrie, complexant - ion ou molécule - en complexométrie) avec un réactif approprié jusqu'à épuisement et repérage de la fin de l'échange par un saut de potentiel indiqué par un couple d'électrodes. Prenons l'exemple de l'acidimétrie, et plus précisément la réaction bien connue de neutralisation de l'acide chlorhydrique par la soude:

HCl + NaOH = H,O + NaCI

En fait cette réaction peut se déco111pOSCr en deux demi-réactions

HCl = H+ + Cl-

NaOH + H+ = Na+ + H,O (1)

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On dira que HCl est un acide parce qu'il est capable de céder un proton H + alors que NaOH est une base puisqu'elle peut capter ce même proton.

Mais, si on lit ces deux équations à l'envers, c'est-à-dire

H+ + Cl- = HCl (2)

Na+ + H,O = NaOH + H+ on en déduit immédiatement que Cl- est une base puisqu'elle est capable de capter un proton et Na+ un acide puisqu'il est capable de céder un proton arraché à l'eau.

Plus précisément on dira que Cl- est la base conjuguée de l'acide HCl et Na+ l'acide conjugué de la base NaOH. (Dans l'exemple pris ici, les électrolytes conjugués sont très faibles si bien que les équations (2) ont un caractère plus théorique que réel, mais on peut généraliser très facilement au cas des acides AH ou des bases BOH).

Par ailleurs l'eau peut céder ou fixer des protons et jouer le rôle d'un acide ou d'une base:

H,O = H+ + OH- (rôle de base)

H,O + H+ = H,0+ (rôle d'acide) oit H,O+ symbolise le proton hydraté.

Prenons maintenant le cas général d'un acide AH. On définit sa base conjuguée comme ci-dessus par l'équation :

AH = A-~ + H+

Lorsqu'on le dissout dans l'eau, celle-ci agissant comme base fixera le proton selon

AH + H,O = A- + H,O+

On définira alors la constante d'acidité de cet électrolyte par la relation

K _ [A-] [H10+] A - [AH] [H,O]

oit les crochets symbolisent strictement 1'« activité» des espèces dans la solution, soit dans le cas général où l'on travaille sur solutions diluées, la concentration des espèces considérées.

De plus, pour simplifier l'écriture, on utilise ordinairement le symbole H+ à la place de H10+. Ajoutons que, dans les solutions diluées considérées, la concentration de l'eau [H,O] peut être considérée comme égale à l'unité. Il vient alors:

KA = [A-] [W]

[AH]

Si maintenant on a affaire à une base BOH, on peut écrire de la même façon

BOH + H+ = B+ + H,O

d'oit K _ [BOH] [W]

A - [B+]

(3)

(le proton H+ cst toujours au numérateur: on sc ramène au schéma où l'électrolyte libère un ion H + donc l'équation (3) doit être lue à ]' envers).

Notons qu'on utilise aussi, pour les bases, le Kn défini à partir de

B' + H,O = B'H+ + OH-

par K _ [B'H+] [OH-]

n - [B']

mais le schéma se ramenant à une constante d'acidité est plus général.

Cette constante KA caractérise la « force» de l'acide par rapport à l'eau utilisée comme solvant. Ainsi des acides suffisamment forts déplaceront complètement vers la droite l'équilibre :

AH + H,O = A- + H,O+ (4)

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de sorte que toute l'acidité sera sous forme H,O+ (c'est le cas de l'acide chlorhydrique évoqué au début). Si maintenant, on utilise un solvant qui ait moins tendance à fixer les protons de AH que l'eau, l'équilibre (4) ne sera plus totalement déplacé vers la droite et on dira que AH n'est plus un acide fort par rapport à ce solvant.

Pour expliciter ces propos, il est nécessaire de préciser maintenant le rôle du solvant vis-à-vis de la formation et la stabilité des espèces chimiques présentes [11].

3.1.2. Rôle du solvant:

Lorsqu'on dissout un corps dans un solvant, celui-ci agit de deux façons complémentaires:

- par ses propriétés dissociantes, liées à sa constante diélectrique, il agit sur la ({ force }) des électrolytes, c'est-à-dire Slll' leur constante de dissociation KD définie par :

Ko =

si la réaction de dissociation ionique est

[A-] [B+]

[AB]

AB = A- + B+

et si on représente les concentrations des espèces considérées (ou strictement les espèces ioniques) par les crochets; - par ses propriétés ionisantes, liées à son moment dipolaire, le solvant peut (ou non) solvater les ions, c'est-à-dire favoriser plus ou moins la stabilité des espèces ioniques présentes par association de ces ions avec une ou plusieurs molécules de solvant.

La première propriété énoncée ci-dessus explique la constatation faite plus haut, à savoir que la notion d'acide fort et de base forte dépend essentiellement du solvant dans lequel on fait réagir l'acide ou la base considérée. La seconde propriété permet alors d'expliqucr la fonction «discriminatoire » de certains solvants vis-à-vis des fonctions acides ou basi­ques. Ainsi on distingue plusielll's groupes de solvants:

- les salvants pratolytiqlles capables de céder des protons H +, c'est-à-dire de se com­porter comme base et comme acide (exemple: eau, acide acétique, ammoniac liquide, les alcools) et qui se différencient par lelll' échelle d'acidité (en étendue et en position). Ainsi, on pourra titrer dans l'acide acétique des bases très faibles non titrables dans l'eau comme les amines;

- les salvcll1ts aprotolytiques ionisants capables de solvater de nombreux ions mais pas le proton, c'est-à-dire qu'ils ne sont ni acides, ni basiques (exemple: acétone, acétonitrile, méthyléthylcétone) et dans lesquels l'échelle d'acidité n'est pas limitée (les réactions acide­base y sont toujours possibles, sous réserve que les espèces considéi"ées soient solubles) ;

- les solvants aprotolytiques 11011 ionisants qui ne sont capables dc solvater ni le proton ni les autres ions (exemple: benzène, chloroforme, dioxane, tétrachlorure de carbone) mais sont quand même susceptibles de permet trc les réactions acide-base sans y participer;

- les salva"ts amphiprotolytiques basiques tels que la pyridinc qui fixe les protons mais ne les cède pas. L'échelle d'acidité n'est pas limitée vers les milieux basiques et est très étendue vers les milieux acides. On peut ainsi titrer dans la pyridine des acides très faibles dans d'autres solvants, comme les phénols.

Enfin, on peut aussi utiliser des solvants mixtes, c'est-à-dire des mélanges de solvants (miscibles entre eux) pour faire varier les propriétés du milieu ct augmenter les pos­sibilités ofIerks par les divers solvants purs.

3,1.3, Les électrodes :

Les électrodes utilisées pour ces types de dosage sont relativement peu nombreuses.

Comme réféfl.~nce on utilise généralement :

l'électrode au calomel Hg, CI, dont l'électrolyte est une solution saturée de chlorure de potassium KCl,

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l'électrode Ag/ AgCI (électrolyte : KCI saturé),

l'électrode au sulfate mercureux Hg, sa. (électrolyte: K.SO. saturé).

Pour certains dosages, la solution saturée de KCI utilisée dans l'électrode au calomel peut être remplacée par des électrolytes tels que méthanol saturé de KCI ou acide acé­tique saturé LiC!.

Comme électrode indicatrice, on emploie le plus souvent

l'électrode de verre utilisée habituellement pour les mesures de pH;

les électrodes métalliques, telles que l'électrode de platine ou d'argent.

3.1.4. Les courbes de titrage

On suit point par point ou mieux on enregistre la différence de potentiel qui s'établit entre les deux électrodes en fonction de la quantité de réactif ajoutée. La courbe obtenue est de type bilogarithmique et la fin du dosage est indiquée par le point équivalent, c'est-à-dire le point d'inflexion de la courbe, là où le potentiel varie le plus vite en fonction des ajouts de réactif.

L'inflexion est d'autant plus marquée que la réaction de dosage cst plus complète (ou quantitative). La précision du dosage en dépend directement.

Par ailleurs, il est intéressant de noter le potentiel de demi-neutralisation (donc le pK., relatif), notamment dans les dosages effectués en milieu aprotolytique ionisant (acétoni­trile, méthyléthylcétone), car il donne une indication sur les forces relatives des acides et des bases dosés dans le milieu considéré.

3.2. APPLICATIONS

L'exposé exhaustif des dosages fonctionnels susceptibles d'être utilisés pour l'identifi­cation et le contrôle des liants organiques ne peut être envisagé dans le cadre de la présente Note qui s'adresse essentiellement à des lecteurs non spécialisés en chimie, et particulièrement en chimie analytique: il s'agirait là d'une énumération qui, même limitée aux seuls principes des dosages, resterait fastidieuse pour eux. De plus, par suite du souci de simplification qui aurait présidé à sa rédaction, elle serait trop succincte pour les chimistes que nous renvoyons à un ouvrage en préparation [12].

Il semble cependant intéressant de donner un aperçu des principaux dosages que nous effectuons de manière habituelle, et nous avons essayé d'en résumer l'essentiel dans le tableau III.

CONCLUSION

La spectroscopie infrarouge, accompagnée de méthodes de fractionnement judicieusement employées, telles que les chromatographies sur colonne, permet d'identifier les différents constituants d'un liant organique formulé, avant sa mise en œuvre, dans la plupart des cas. L'identification des espèces chimiques est toujours complétée par des résultats quanti­tatifs fournis par des dosages fonctionnels, qui sont suivis par potentiométrie en milieu non aqueux. L'ensemble fractionnement-spectres infrarouges-dosages fonctionnels constitue ce que l'on a pu appeler la carte d'identité du liant analysé. Il devient alors possible d'effectuer des contrôles de confonnité d'une livraison à un produit de référence, en re­produisant à la lettre le schéma analytique accompagné des différents spectres et dosages fonctionnels.

Les choses se compliquent par contre, lorsque l'on a affaire à un liant réticulé. En général, l'analyse n'est pas possible car il y a eu réaction chimique, donc transformation des espèces, si bien que la comparaison stricte avec les produits de départ n'a plus de sens. De plus, la macromolécule obtenue se prête généralement mal aux fractionnements.

23

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~

"' FONCTION

CARBOXYLIQUE

ACIDITE HYDROXYLIQUE TOTALE

1

1 TOTALE

BASICITE Amines II + III

Amines III

ALCOOL R-OH (Indice d'hydroxyle)

ESTER (Indice de saponification)

EPOXYDE - CH - JH' (Indice d'époxyde) "0

ISOCYANATE -N=C=O (Indice d'isocyanate)

CHLORE ORGANIQUE

SULFURES et POLYSULFURES

(S non-thiophénique)

TABLEAU III. - Principaux dosages fonctionnels et applications

REACTION REACTIF SOLVANT ELECTRODES PRODUITS CONCERNES TITRANT

- directe : CD CH,ONa/ pyridine Pt/calomel méthanol-benzène

- par différence entre acidité carboxylique et acidité totale selon CD Bitumes. Huiles minérales.

La deuxième inflexion correspond à l'acidité hydroxylique. On dose directement l'acidité carboxylique et l'acidité totale.

- directe. al HClO,

1

Acide acétique

1

Verre/calomel acide acétique

- directe . Q) HCIO,/dioxane Acétonitrile Verre/calomel Partie (( durcisseur» des liants époxydiques.

Imination des amines 1 par réaction avec le formaldéhyde puis dosage Dopes d'adhésivité et émulsifs pour liants selon Q). bitumineux.

Acétylation des amines 1 et II par réaction avec puis dosage selon @.

l'anhydride acétiql,le

- En retour: Partie « base» hydroxylée des liants polyu-réthannes. Réaction avec le phénylisocyanate en excès. Destruction de l'excès par Partie (( base» des liants époxydiques et époxv-la dibutylamine en excès. Dosage de cet excès selon Œ). polyuréthannes. -

- en retour : Ci> 1

Saponification HCI/éthanol Ethanol Verre/calomel Liants glycérophtaliques et dérivés. par KOH alcooli- Partie ( base » des liants époxydiques.

que en excès

HI/eau Propanol Indicateur coloré: - directe : G) (KI + HCI (reflux) bleu de

ajouté) bromophénol Partie « base» des liants époxydiques (oligo-- en retour : ® Ag/Hg, 50, mères et diluants réactifs).

Hydrolyse par AgNOdcau Dioxane-acétone (ou combiné HCL en excès Ag-AgCI ,

- En retour: Partie « durcisseur» des liants polyuréthanne Réaction avec la dibutylamine en excès. Dosage de l'excès selon @. et époxy-polyuréthanne . ..

• Minéralisation selon SCHONIGER (combustion dans 0,). • Dosage direct des ions chlorure formés selon (J) ci-dessous. Liants au caoutchouc chloré, à la paraffine

Dosage (j) 1 1 1

chlorée et à l'acétate-chlorure de vinyle. (direct) AgNOl/eau Eau Ag/Hg,SO.

- En deux temps : • basicité totale selon CJ) en retour, soit ® ci-dessous,

@ • complexation par acétate mercurique et dosage selon ®, soit Résultat (5 non-thiophénique) = Résultat (@) - Résultat (®).

Bitumes. Dosage ® Partie ( durcisseur,) des liants époxydiques.

(en retour) CH,COONa/ Neutralisation Acide acétique Verre/calomel par HClO. acide acétique

en excès

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On peut obtenir cependant des indications intéressantes sur la structure du produit par les techniques précitées, dans certains cas.

Les méthodes chimiques que nous avons présentées forment un ensemble qui est déjà opérationnel mais demeure perfectible, bien évidemment : l'adaptation des méthodes existantes à la résolution des problèmes particuliers, toujours complexes qu'il rencontre, fait partie de la tâche quotidienne de l'analyste.

Nous nous attacherons, dans un dernier fascicule, à décrire les principales familles de produits rencontrés au cours de ces analyses et à brosser un tableau général des applica­tions concernées.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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l61 LAJl.IATHE J., Les techniques d'analyse organi­que. Journées d'information sur la chimie, Lyon, nov. 1972, p. 296-341. LCPC.

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f9] MIGLIORI F., Application de la chromatogra­phie sur gel perméable à l'analyse des liants de peùHure pour signalisation horizontale, Rapp. rech. LPC, n° 77, avril 1978.

110 1 BRULE B., Contribution de la chromatographie sur gel perméable à la caractérisation quali­tative et quantitative des bitl/mes. Strllclw'e colloïdale, Rapp. Rech. LPC n" 76, mars 1978.

[111 CHARLOT G., Chimie analytique géllérale, T. l, Solulions aqueuses et non aqueuses, Masson, Paris. 1967.

[121 L'(malyse des matériaux organiques utilisés en géllie civil, ouvrage collectif sous la direc­tion de Y. MOUTON, en préparation (LCPC).

2S

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Puhlllj !Jilf II' LCPC. 58 houll'vaul Lefchvre - 75732 PARIS CEDEX 15

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