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58 juridique exercice Actualités pharmaceutiques n° 517 Juin 2012 Les trois principaux syndicats de pharmaciens ont signé, le 4 avril 2012, la nouvelle convention qui régira désormais leur mode de rémunération pour les nouvelles missions qui ont été attribuées par la loi HPST. L a loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) avait dévolu aux pharmaciens d’officine de nouvelles missions 1 . Presque trois ans après son adoption, ces nouvelles missions ont enfin été incluses dans la convention nationale, signée entre les syndicats représentant les titulaires d’officine et l’Assurance maladie, détaillant ainsi les mesures qui avaient été prévues lors de l’adoption de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2012 2 . La qualité de l’exercice pharmaceutique La nouvelle convention 3 réaffirme les conditions générales de l’exercice du pharmacien d’officine : libre choix de l’assuré de sa pharmacie, information de celui-ci par le pharmacien (bon usage du médicament), exercice personnel de la profession et confidentialité de l’entre- tien. Ce dernier point portant sur l’exis- tence, au sein de l’officine, d’un espace de confidentialité prendra toute son ampleur au vu des nouvelles missions. Enfin, la convention reprend le contenu détaillé de l’acte de dispensation, dont l’absence, notamment dans les grosses métropoles, est périodiquement pointée du doigt par certaines associations de consommateurs. L’entretien pharmaceutique La convention dispose bien que l’entretien pharmaceutique n’a aucunement pour objectif d’établir un diagnostic médical (tombant alors sous la sanction d’exercice illégal de la médecine), mais d’accompa- gner le patient dans son traitement. La durée, la fréquence et le contenu de ces entretiens seront définis en fonction des programmes d’actions retenus par la convention. L’entretien pharmaceutique doit permettre : – de renforcer les rôles de conseil, d’édu- cation et de prévention du pharmacien auprès des patients ; – de valoriser l’expertise du pharmacien sur le médicament ; – d’évaluer la connaissance par le patient de son traitement ; – de rechercher l’adhésion thérapeutique du patient et de l’aider à s’approprier son traitement ; – d’évaluer, à terme, l’appropriation de son traitement par le patient. L’accompagnement des patients et le suivi pharmaceutique Deux programmes d’accompagnement ont déjà été définis dans la convention, visant les patients sous anticoagulants oraux, ainsi que les patients asthmati- ques. Pour exemple, l’accompagnement des patients sous anticoagulants oraux est défini de la façon suivante : – un entretien à l’initiation du traitement ; – la réalisation d’au moins deux entre- tiens pharmaceutiques annuels, au cours desquels le pharmacien informe et conseille le patient sur le bon usage des médicaments qui lui ont été prescrits dans le cadre de son traitement ; – le contrôle de la réalisation de l’INR (International Normalized Ratio) ; – en cas de besoin et avec l’accord du patient, la prise de contact avec le prescripteur. En cas d’accord, le pharmacien s’engage, en effet, à informer le médecin désigné par la personne des conclusions résultant des bilans qu’il doit régulière- ment établir dans le cadre de l’accom- pagnement et du suivi des patients. Il en est ainsi lorsque le traitement nécessite d’être adapté ou lorsque le patient fait part de difficultés particulières nécessi- tant d’être signalées au médecin qu’il a désigné. Le pharmacien devra également s’enga- ger à rechercher les meilleurs moyens permettant la continuité des traitements que suivent les patients soignés ou main- tenus à leur domicile ou à l’occasion de leur retour à domicile après une hospitali- sation, mais aussi, dans ce dernier cas, à promouvoir une concertation entre profes- sionnel permettant une prise en charge coordonnée. Dans le cadre de l’accompagnement, la rémunération sera fixée à 40 € par patient inscrit auprès du pharmacien. Les honoraires de dispensation La convention crée un honoraire de dispensation, versé en contrepartie des obligations suivantes : – vérification de la validité de l’ordon- nance ; – vérification de l’admissibilité des renouvellements ; – vérification de l’adéquation de la poso- logie prescrite ; – vérification du respect des conditions réglementaires de prescription et de délivrance des médicaments à statut ou délivrance particulière ; – contrôle des interactions au sein de l’ordonnance ; – contrôle des facteurs de risque et des contre-indications dans les limites des connaissances de l’état de santé du patient ; – contrôle des prescriptions abusives ; – vérification de l’absence d’interac- tions au sein de l’ordonnance et avec les autres ordonnances du patient connues du pharmacien ; – conseils aux patients ; – choix du conditionnement des médica- ments le plus économe en fonction des posologies prescrites compatible avec l’état de santé du patient. Mise en application conventionnelle des nouvelles missions dévolues au pharmacien d’officine

Mise en application conventionnelle des nouvelles missions dévolues au pharmacien d’officine

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exercice

Actualités pharmaceutiques n° 517 Juin 2012

Les trois principaux syndicats

de pharmaciens ont signé,

le 4 avril 2012, la nouvelle

convention qui régira désormais

leur mode de rémunération pour

les nouvelles missions qui ont

été attribuées par la loi HPST.

La loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) avait dévolu aux pharmaciens d’officine de nouvelles

missions1. Presque trois ans après son adoption, ces nouvelles missions ont enfin été incluses dans la convention nationale, signée entre les syndicats représentant les titulaires d’officine et l’Assurance maladie, détaillant ainsi les mesures qui avaient été prévues lors de l’adoption de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 20122.

La qualité de l’exercice pharmaceutiqueLa nouvelle convention3 réaffirme les conditions générales de l’exercice du pharmacien d’officine : libre choix de l’assuré de sa pharmacie, information de celui-ci par le pharmacien (bon usage du médicament), exercice personnel de la profession et confidentialité de l’entre-tien. Ce dernier point portant sur l’exis-tence, au sein de l’officine, d’un espace de confidentialité prendra toute son ampleur au vu des nouvelles missions. Enfin, la convention reprend le contenu détaillé de l’acte de dispensation, dont l’absence, notamment dans les grosses métropoles, est périodiquement pointée du doigt par certaines associations de consommateurs.

L’entretien pharmaceutiqueLa convention dispose bien que l’entretien pharmaceutique n’a aucunement pour objectif d’établir un diagnostic médical (tombant alors sous la sanction d’exercice

illégal de la médecine), mais d’accompa-gner le patient dans son traitement.La durée, la fréquence et le contenu de ces entretiens seront définis en fonction des programmes d’actions retenus par la convention.L’entret ien pharmaceutique doit permettre :– de renforcer les rôles de conseil, d’édu-cation et de prévention du pharmacien auprès des patients ;– de valoriser l’expertise du pharmacien sur le médicament ;– d’évaluer la connaissance par le patient de son traitement ;– de rechercher l’adhésion thérapeutique du patient et de l’aider à s’approprier son traitement ;– d’évaluer, à terme, l’appropriation de son traitement par le patient.

L’accompagnement des patients et le suivi pharmaceutiqueDeux programmes d’accompagnement ont déjà été définis dans la convention, visant les patients sous anticoagulants oraux, ainsi que les patients asthmati-ques. Pour exemple, l’accompagnement des patients sous anticoagulants oraux est défini de la façon suivante :– un entretien à l’initiation du traitement ;– la réalisation d’au moins deux entre-tiens pharmaceutiques annuels, au cours desquels le pharmacien informe et conseille le patient sur le bon usage des médicaments qui lui ont été prescrits dans le cadre de son traitement ;– le contrôle de la réalisation de l’INR (International Normalized Ratio) ;– en cas de besoin et avec l’accord du patient, la prise de contact avec le prescripteur.En cas d’accord, le pharmacien s’enga ge, en effet, à informer le médecin désigné par la personne des conclusions résultant des bilans qu’il doit régulière-ment établir dans le cadre de l’accom-pagnement et du suivi des patients. Il en

est ainsi lorsque le traitement nécessite d’être adapté ou lorsque le patient fait part de difficultés particulières nécessi-tant d’être signalées au médecin qu’il a désigné.Le pharmacien devra également s’enga-ger à rechercher les meilleurs moyens permettant la continuité des traitements que suivent les patients soignés ou main-tenus à leur domicile ou à l’occasion de leur retour à domicile après une hospitali-sation, mais aussi, dans ce dernier cas, à promouvoir une concertation entre profes-sion nel permettant une prise en charge coordonnée.Dans le cadre de l’accompagnement, la rémunération sera fixée à 40 € par patient inscrit auprès du pharmacien.

Les honoraires de dispensationLa convention crée un honoraire de dispensation, versé en contrepartie des obligations suivantes :– vérification de la validité de l’ordon-nance ;– vérification de l’admissibilité des renouvellements ;– vérification de l’adéquation de la poso-logie prescrite ;– vérification du respect des conditions réglementaires de prescription et de délivrance des médicaments à statut ou délivrance particulière ;– contrôle des interactions au sein de l’ordonnance ;– contrôle des facteurs de risque et des contre-indications dans les limites des connaissances de l’état de santé du patient ;– contrôle des prescriptions abusives ;– vérification de l’absence d’interac-tions au sein de l’ordonnance et avec les autres ordonnances du patient connues du pharmacien ;– conseils aux patients ;– choix du conditionnement des médica-ments le plus économe en fonction des posologies prescrites compatible avec l’état de santé du patient.

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Actualités pharmaceutiques n° 517 Juin 2012

Le texte détaille ce qui est entendu par “conseils aux patients”. À cet effet, le pharmacien doit :– s’assurer de la bonne compréhension par le patient du bon usage et des précau-tions d’emploi des produits prescrits ; il doit ainsi vérifier les besoins du patient et fournir les explications nécessaires lors de la dispensation ;– préciser au patient, le cas échéant, les modalités particulières de conservation du produit qui lui a été prescrit ;– s’assurer que le patient connaît la poso-logie, la durée du traitement prescrit et le moment recommandé pour la prise des médicaments. Le pharmacien doit reporter toutes les indications utiles de la prescription sur le conditionnement des médicaments prescrits ;– rappeler au patient la durée du traite-ment qui lui a été prescrit, en soulignant de manière argumentée l’importance de se conformer à la posologie ;– informer le patient des effets indésira-bles possibles ou potentiels des médica-ments prescrits.Cet honoraire représentera, à terme, un quart de la marge sur les médicaments présentés au remboursement. Un avenant à la convention fixera le contenu et les modalités de financement de l’honoraire de dispensation, ainsi que les procédures de suivi y afférant.

Les objectifs individualisés de santé publiqueLes objectifs individualisés de santé publique, qui seront déterminés par la convention et pourront évoluer, regroupent des tâches purement administratives (télé-transmission, dossier pharmaceutique…), mais aussi des tâches liées aux nouveaux modes de prise en charge (accompagne-ment des patients) ou à l’efficience de la dispensation au regard de l’Assurance maladie (génériques, par exemple).Les premiers objectifs déterminés par la convention sont les suivants :– favoriser la dématérialisation et la simpli-fi ca tion des échanges avec l’Assurance maladie aussi bien des feuilles de soins que des pièces justificatives, tout en garantissant un haut niveau de sécurité dans la transmission de ces données ;– valoriser la qualité de la dispensation afin, d’une part, de prendre progressivement en compte l’accompagnement par les phar-maciens de patients atteints de pathologies chroniques pour, notamment, réduire les ris-ques d’accidents iatrogéniques et, d’autre part, de répondre aux attentes des prescrip-teurs et des patients sur la stabilité de la dispensation des médicaments génériques, en particulier pour les patients âgés ;– garantir la pérennité de l’efficience de la dispensation en favorisant le développe-ment des médicaments génériques, ainsi

que la progression de la délivrance des conditionnements trimestriels, en confor-mité avec la prescription, pour atteindre un taux de pénétration de 55 %.La convention décrit les indicateurs à prendre en compte pour les modalités de calcul. Par exemple, concernant les géné-riques : 90 % des patients visés se voient délivrer une seule marque de médica-ment générique pour chacune des molé-cules portées en annexe de la conven-tion (26 molécules sont particulièrement ciblées). La liste de ces nouvelles molé-cules et le principe de calcul de la rému-nération individuelle du pharmacien sont décrits dans les annexes à la convention. Ce système n’est pas sans faire penser à celui imaginé par l’Assurance maladie pour les médecins dans le cadre des Capi (contrats d’amélioration des pratiques individuelles).

ConclusionSi certaines missions sont nouvel les, une grande partie des obligations du pharma-cien d’officine, telle l’analy se de l’ordon-nance, était inscrite depuis longtemps dans la loi. L’intégration de ces obliga-tions dans la convention les rend désor-mais opposables au regard de l’Assurance maladie, qui les rémunère. Il faudra donc observer de quelle façon les officinaux s’organiseront en pratique… En effet, les entretiens pharmaceutiques ainsi que l’accompagnement des patients devraient théoriquement augmenter les besoins des officines en ressources humaines. �

Caroline Mascret

Maître de conférences en droit pharmaceutique,

Faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry (92)

[email protected]

Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Notes1. Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. JORF n° 0167 du 22 juillet 2009, p. 12184.

2. Article 74 de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la Sécurité sociale pour 2012. JORF n° 0296 du 22 décembre 2011, p. 21682.

3. Arrêté du 4 mai 2012 portant approbation de la convention nationale organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d’officine et l’assurance maladie. JORF 6 mai 2012.

© B

SIP

/B. B

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Les nouvelles missions du pharmacien rendent plus que jamais nécessaire la création d’un espace de confidentialité au sein de l’officine.